Poly 234 Décembre 2020 - Janvier 2021

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N°234

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POLY.FR

MAGAZINE MAGAZIN



Julien Prévieux, Where Is My (Deep) Mind ?, 2019

BRÈVES IN KÜRZE

QUESTIONNING Et si notre société était plus hyper-industrielle que post-industrielle ? Pour répondre à cette interrogation, Aude Launay a proposé à La Kunsthalle de Mulhouse l’exposition collective Algotaylorism, qui se poursuit à l’Espace multimédia Gantner de Bourogne (jusqu’au 20/02/21). Und wenn unsere Gesellschaft eher hyper-industriell als post-industriell wäre? Um auf diese Frage zu antworten hat Aude Launay der Kunsthalle Mulhouse die Gruppenausstellung Algotaylorism vorgeschlagen, die sich im Espace multimédia Gantner im Burgund fortsetzt (bis 20.02.21). espacemultimediagantner.cg90.net

Hans Arp, Torso-Garbe, 1958, Marbre Marmor, Collec. privée Privatsammlung © 2020, ProLitteris, Zurich, Foto: © Manolo Mylonas

© Gilles Abegg / Opéra de Dijon

DIALOGUING

STREAMING À Dijon, renaît Le Palais enchanté de Luigi Rossi, opéra de 1642 dont c’est la première française ! Si le public ne pourra pas découvrir cette mise en scène de Fabrice Murgia dans la salle, rendez-vous est donné sur le site de l’Opéra (11-17/12, puis en accès libre jusqu’au 31/12). In Dijon ersteht Il palazzo incantato von Luigi Rossi wieder auf, eine Oper von 1642, die in Frankreich Premiere hat! Da das Publikum die Inszenierung von Fabrice Murgia nicht im Saal entdecken kann, trifft man sich auf der Homepage der Oper (11.-17.12., dann freier Zugang bis 31.12.). opera-dijon.fr

Pour la première fois, une exposition installe un dialogue entre deux géants : à quelques encablures de Bâle, la Fondation Beyeler propose en effet Rodin / Arp (jusqu’au 16/05/21), face à face entre le grand réformateur de la sculpture du XIXe siècle et un génie de l’abstraction. En quelque 110 œuvres, s’y dévoilent liens de parenté et références communes, mais également points de friction pour une passionnante mise en résonance. Zum ersten Mal stellt eine Ausstellung einen Dialog zwischen zwei Riesen her: Einen Steinwurf von Basel entfernt, präsentiert die Fondation Beyeler Rodin / Arp (bis 16.05.21), eine Gegenüberstellung zwischen dem großen Reformer der Skulptur des 19. Jahrhunderts und einem Genie der Abstraktion. Mit rund 110 Werken werden hier Verbindungen und gemeinsame Referenzen, aber auch Reibungspunkte in einer begeisternden Begegnung aufgezeigt. fondationbeyeler.ch

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KIDS La 30e édition du festival international jeune public Momix se profile (28/01-07/02/21) à Kingersheim et alentours avec un focus Netherlands, un salon des compagnies du secteur et une expo Zeloot, alias Eline van Dam, qui signe l’affiche ! Ouverture de la billetterie le 4 janvier. Olé ! Die 30. Ausgabe des internationalen Festivals für junges Publikum Momix kündigt sich (28.01.07.02.21) in Kingersheim und Umgebung an, mit einem Fokus auf den Niederlanden, einem Salon für Theatergruppen und einer Ausstellung von Zeloot alias Eline van Dam, die das Plakat gestaltet hat. Ticketverkauf ab dem 4. Januar. Olé! momix.org

© Jean-Louis Fernandez

BRÈVES IN KÜRZE

COMIC STRIPS La nouvelle création d’Émilie Capliez s’inspire du personnage Little Nemo. Ce conte musical (15-19/12, Comédie de Colmar, dès 8 ans) fait la part belle à la chanteuse pop Françoiz Breut qui souffle un vent de folie au royaume de Slumberland, celui des rêves du dessinateur Winsor McCay. comedie-colmar.com

SO FRENCH

François Boucher, Jeune femme à genoux avec enfant Kniende junge Frau mit Kind, vers um 1750, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe

La Staatliche Kunsthalle Karlsruhe accueille une exposition d’anthologie ! Avec François Boucher, artiste rococo (jusqu’au 07/02/21, prolongation prévue), le public part à la rencontre d’un artiste dont on fête le 250e anniversaire de la disparition. Son style rayonna dans toute l’Europe, ses compositions étant reprises pour un grand nombre de tapisseries, de décors de théâtre, de meubles, etc. Le parcours permet de découvrir toutes ses facettes, élégantes scènes de genre, paysages bucoliques ou encore sujets mythologiques. La présentation est accompagnée d’une installation sonore d’Elina Lukijanova. Die Staatliche Kunsthalle Karlsruhe empfängt eine einzigartige Ausstellung! Mit François Boucher, Künstler des Rokoko (bis 07.02.21, Verlängerung vorgesehen), begegnet das Publikum einem Künstler – man feiert in diesem Jahr seinen 250. Todestag – dessen Stil ganz Europa beeinflusste, da seine Kompositionen für zahlreiche Wandteppiche, Bühnenbilder, Möbel, etc. reproduziert wurden. Man entdeckt alle seine Facetten, elegante Genreszenen, idyllische Landschaften oder mythologische Themen. Die Präsentation wird von einer Klanginstallation von Elina Lukijanova begleitet. kunsthalle-karlsruhe.de Poly 234

À GAGNER ZU GEWINNEN 3 x 1 catalogue Katalog

en allemand in deutscher Sprache

JOUEZ SUR SPIELEN SIE UNTER fb/mag.poly

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BRÈVES IN KÜRZE

Organisé par la Ville de Strasbourg jusqu’au 03/01/21, le festival en ligne Stras’ Culture Live – Et le spectacle reste vivant ! est le fruit des répétitions intenses menées par les artistes de la région lors du second confinement. Au menu, des captations par dizaines : œuvres du Ballet national du Rhin, concerts du Festival Jazzdor, pièces de théâtre, spectacles pour enfants, etc. etc. Coup de cœur pour Pascale, attendrissante marionnette imaginée par la Cie Construction (16/12, 16h, dès 3 ans) ! Das Onlinefestival Stras’ Culture Live – Et le spectacle reste vivant !, das von der Stadt Straßburg bis zum 03.01.21 organisiert wird, zeigt die Resultate der intensiven Proben der Künstler aus der Region während des zweiten Lockdowns. Zahlreiche Aufnahmen werden angeboten: Werke des Ballet national du Rhin, Konzerte des Festivals Jazzdor, Theaterstücke, Aufführungen für Kinder, etc. etc. Unser Favorit ist Pascale, ein Marionetten-Stück von der Compagnie Construction (16.12., 16 Uhr, ab 3 Jahren)! strasbourg.eu/strasculturelive

© Département de la Moselle

CAPTIVANT FESSELND

ET LA LUMIÈRE FUT ES WARD LICHT La traditionnelle promenade lumineuse du Sentier des Lanternes à Metz ne sera pas accessible au public, année covidée oblige. Mais parce qu’on a bien besoin d’ambiance de Noël en ce moment, le parcours et ses décors enchantés seront accessibles via tablette et smartphone pendant tout le mois de décembre, pour un voyage virtuel à 360° au pays de Casse-Noisette et des fées. Der traditionelle Lichterspaziergang des Laternenwegs in Metz wird aufgrund der Pandemie nicht für das Publikum zugänglich sein. Aber da wir momentan Weihnachtsstimmung benötigen, ist der Rundweg mit seinen zauberhaften Dekorationen mit Tablet und Smartphone den ganzen Dezember über zu entdecken, für eine virtuelle 360°-Reise ins Land des Nussknackers und der Feen. noelsdemoselle.fr

MONSTER PARADE

© Luc Bertau / Opéra-Théâtre de Metz Métropole

À l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Paul-Émile Fourny monte la comédie musicale délirante signée Mel Brooks, Frankenstein junior (18-20/12), fidèle adaptation de son film éponyme. Le pitch ? L’arrière-petit-fils du professeur Frankenstein, apprenant sa mort, débarque en Transylvanie… Il décide de suivre ses traces et de donner vie à une étrange créature. Bienvenue dans une comédie parodiant les classiques de l’horreur qui se déroule dans une atmosphère évoquant les films Universal en noir et blanc. In der Opéra-Théâtre de Metz Métropole zeigt Paul-Émile Fourny die Musical-Komödie Frankenstein junior von Mel Brooks (18.-20.12.), eine getreue Adaption des gleichnamigen Films. Die Handlung? Der Ur-Enkel des Professors Frankenstein erfährt von dessen Tod und reist nach Transsilvanien... Er entscheidet sich dazu, in seine Fußstapfen zu treten und einer sonderbaren Kreatur Leben einzuhauchen. Willkommen in einer Komödie, die den Horrorklassiker parodiert, in einer Atmosphäre, die an die Schwarz-weiß-Filme von Universal erinnert. opera.metzmetropole.fr Poly 234

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DYNAMITE Attraction et répulsion. Fragiles sculptures de verre et dangereux produits chimiques : pénétrer l’univers ambivalent de Katja Aufleger (exposée au Musée Tinguely de Bâle jusqu’au 14/01/21), c’est comme marcher sur un fil. À l’image de son monumental pendule de Newton dopé à la nitroglycérine. Explosif ! Anziehung und Abstoßung, zarte Skulpturen aus Glas und gefährliche Chemie-Produkte: In das ambivalente Universum von Katja Aufleger (Museum Tinguely Basel, bis zum 14.01.21) einzutauchen, bedeutet eine Gradwanderung. Wie bei ihrem monumentalen Kugelstoßpendel mit Nitroglyzerin. Explosiv! tinguely.ch Newton’s Cradle, 2013, courtesy de l’artiste, galerie STAMPA & galerie Conradi © Gina Folly

UN AUTRE MONDE

© Vladimir Lutz

Directrice du CDN de Besançon, Célie Pauthe s’attaque au shakespearien Antoine et Cléopâtre (2129/01/21, puis 05/05-05/06/21 à L’Odéon, Paris). Entre musique et vidéo, cette création approche le rêve d’hybridité entre Orient et Occident né de l’union d’un général romain et de la dernière descendante des Pharaons qui aurait changé la face de nos civilisations. Si seulement l’amour et leur vision du monde avaient triomphé… cdn-besancon.fr

Rebondissant suite à diverses annulations, la compagnie équestre EquiNote accueille le public dans ses quartiers d’hiver, sous chapiteau chauffé, au Parc de Wesserling avec Avant la Nuit d’après (22-31/12, dès 6 ans). Un acteur y erre dans un carrousel arrêté, dans un entre-deux entre rêve et réalité, peuplé de fantômes, voltige, mât chinois, musique et… de chevaux. Nach diversen Absagen empfängt die Pferdeshow EquiNote das Publikum in ihrem Winterquartier im beheizten Zelt, im Parc de Wesserling mit Avant la Nuit d’après (22.-31.12., ab 6 Jahren). Ein Schauspieler irrt durch ein stillstehendes Karussell, zwischen Traum und Realität, das von Gespenstern, Trapeznummern, chinesischem Mast, Musik und... Pferden bevölkert wird. cie-equinote.fr Poly 234

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OURS

Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert) Liste aller Mitarbeiter einer Zeitschrift (Duden)

Ours after Covid © Hervé Lévy

Thomas Flagel

Sarah Maria Krein

Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly. Balkantheater, experimenteller Tanz, afrikanische Autoren... seine Neugierde ist grenzenlos !

Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK. Diese Französin im Herzen ist mit allen Wassern gewaschen: Übersetzung, Redaktion, Korrektion... Fügen wir „Truppenmotivation im Falle von Durchhängern“ hinzu.

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION HERAUSGEBER Julien Schick julien.schick@bkn.fr RÉDACTEUR EN CHEF CHEFREDAKTEUR Hervé Lévy herve.levy@poly.fr RÉDACTEURS REDAKTEURE Thomas Flagel thomas.flagel@poly.fr Suzi Vieira suzi.vieira@bkn.fr TRADUCTRICE ÜBERSETZERIN Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO HABEN AN DIESER AUSGABE TEILGENOMMEN

Julien Schick

Suzi Vieira

Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ? Er plaudert mit seinem Freund Rudy über Architektur, sucht Morcheln in den elsässischen Wäldern. Aber wie schafft er es nebenbei Herausgeber von Poly zu sein?

Après Courrier international ou Books, elle pose ses valises à Poly. Intraitable avec les concepts, elle jongle avec les mots comme son homonyme le faisait avec les ballons à la Coupe du monde 1998. Nach Courrier international und Books, ist sie bei Poly angekommen. Unnachgiebig wenn es um Konzepte geht, spielt sie mit den Worten, wir ihr Homonym mit den Bällen bei der Fußballweltmeisterschaft 1998.

Sophie Dupressoir, Stéphane Louis, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel & Raphaël Zimmermann STUDIO GRAPHIQUE GRAFIKSTUDIO Anaïs Guillon anais.guillon@bkn.fr Marie-Océane Michot m-o.michot@bkn.fr DIGITAL François Agras webmaster@bkn.fr MAQUETTE LAYOUT Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly ADMINISTRATION & ABONNEMENTS GESCHÄFTSFÜHRUNG Mélissa Hufschmitt melissa.hufschmitt@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 30

Anaïs Guillon

Éric Meyer

Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’un Renault Captur lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique ! Zwischen frenetischen Klicks und Wurstbuden-Humor erhellt sie das Graphik-Studio mit ihrem atomaren Lachen.

Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain. Miesepeter und Lebenskünstler. Zu seinem poetischen Universum von Objekten aus Blech kommt ein weiteres hinzu, die bissige und virtuose Beschreibung unserer zeitgenössischen Welt, die er graviert.

DIFFUSION VERTRIEB Vincent Bourgin vincent.bourgin@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 32 CONTACTS PUB ANZEIGENSCHALTUNG Julien Schick julien.schick@bkn.fr

Pierre Ledermann pierre@poly.fr

Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr

Patrice Brogard patrice@poly.fr

BKN Éditeur & BKN Studio 16 rue Édouard Teutsch 67000 Strasbourg www.bkn.fr

Schicken Sie eine Email mit ihrer Anschrift an administration@bkn.fr

Magazine mensuel édité par BKN Dépôt légal : décembre 2020 Impression : CE S.à.R.L. au capital de 100 000 € SIRET : 402 074 678 000 44 ISSN 1956-9130

Bitte überweisen Sie das Porto an folgende Bankdaten: Magazin POLY / Éditions BKN IBAN FR76 3008 7330 0100 0201 6510 123 BIC : CMCIFRPP 5 deutsch-französische Ausgaben 10 Poly 234 Déc-Jan Dez-Jan 2020/21 25€ 11 Ausgaben (französisch + deutsch-französisch) 50€

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© Poly 2020 Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.



SOMMAIRE INHALTSVERZEICHNIS

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16 DOSSIER Penser la crise DOSSIER Die Krise denken 24 Beyond The Medici dévoile les splendeurs du baroque florentin Beyond The Medici enthüllt die Meisterwerke des Florentiner Barock 28 Voyage dans L’Orient de Rembrandt au Kunstmuseum Basel Reise in Rembrandts Orient im Kunstmuseum Basel 32 Pierre Soulages plonge le Museum Frieder Burda dans l’Outrenoir Pierre Soulages im Museum Frieder Burda: Jenseits von Schwarz

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36 Les contours de la période 1933-1945 à Bâle avec Affaires de frontières Die Konturen der Periode 1933-1945 in Basel mit Grenzfälle 40 Illuminé – L’univers des Bouddhas au Museum der Kulturen Basel Erleuchtet – Die Welt der Buddhas im Museum der Kulturen Basel 42 Le Musée alsacien dévoile sa Fantasmagorie Das Musée alsacien zeigt seine Phantasmagorien 56 Les Vagamondes, festival dédié aux cultures du Sud Les Vagamondes, Festival der Kulturen des Südens

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58 LOVETRAIN2020 sous la conduite du chorégraphe Emanuel Gat LOVETRAIN2020 mit dem Choreographen Emanuel Gat als Zugführer 60 Nouvel An : l’OPS et l’ONM donnent le La Neujahr: OPS und ONM geben den Ton an

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74 Magma, nouvelle boule de Noël 2020 du CIAV de Meisenthal Magma, die neue Christbaumkugel 2020 des CIAV in Meisenthal 76 Quelques idées de cadeaux de Noël Einige Ideen für Weihnachtsgeschenke 78 Visite chez la grande dame du pain d’épices Mireille Oster Besuch bei der Grande Dame des Lebkuchens Mireille Oster

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COUVERTURE TITELBILD Nous avons demandé à Grégoire Berquin, alias Grug, passé par les Arts déco de Strasbourg d’illustrer la couverture de ce numéro si particulier. Elle évoque tout ce que nous souhaitons refaire bientôt ! Wir haben den ehemaligen Schüler der Arts déco in Strasbourg, Grégoire Berquil alias Grug gebeten die Titelseite dieser so besonderen Ausgabe zu illustrieren. Sie stellt alles dar, was wir hoffentlich bald wieder machen können! gregoire.berquin.free.fr 12

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ÉDITO

vivement l’an prochain wenn nur schon nächstes jahr wäre sant dans les salles de la Fondation Beyeler pour l’exposition Goya, manger à vingt à table dans un restaurant, soutenant à grosse lampées de pif’ la production nationale, assister à une première au TNS et papoter joyeusement à l’entracte ou encore écouter religieusement une symphonie de Mahler au Staatstheater de Sarrebruck avec un orchestre au grand complet. C’est cela et bien des choses encore, tout aussi réjouissantes, que nous vous souhaitons pour 2021.

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Par Von Hervé Lévy Illustration de von Éric Meyer pour für Poly

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L’

année 2020 s’achève dans un flou bien peu artistique pour la culture. Si l’activité redémarre cahin-caha, une chape d’incertitude plane sur de nombreux acteurs : plasticiens, musiciens, circassiens… Impossible de dresser une liste exhaustive. Ce qui est sûr est que beaucoup subiront des dommages. Intermittents et petites compagnies sont en première ligne. Sortir ce numéro en prenant le pari que l’étau se desserrerait était une gageure : nous avons souhaité qu’il soit un symbole, presque un manifeste pour la renaissance que nous appelons de nos vœux en 2021. Nous désirons ardemment danser en sueur dans la boue des Eurocks’ (c’est dire !), nous fondre dans une foule immense se pres-

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as Jahr 2020 endet für die Kultur mit gewollter Unklarheit. Auch wenn die Aktivitäten mehr schlecht als recht wieder beginnen, schwebt eine Wolke der Ungewissheit über zahlreichen Akteuren: Künstler, Musiker, Zirkusartisten... Unmöglich eine vollständige Liste aufzustellen. Sicher ist nur, dass sehr viele Schäden davontragen werden. Auf Produktionsdauer Beschäftigte und kleine Theater-und Tanzensembles stehen an vorderster Front. Diese Ausgabe herauszubringen, darauf wettend, dass die Schlinge sich lockern würde, war eine gewagte Sache: Wir sahen es als Symbol, fast als ein Manifest für eine Renaissance, die wir uns für 2021 von Herzen wünschen. Wir wünschen uns sehnlichst schwitzend im Matsch der Eurocks’ zu tanzen, uns für die Ausstellung Goya in die Menschenmenge in den Sälen der Fondation Beyeler zu stürzen, mit zwanzig Personen in einem Restaurant zu speisen, mit großen Schlucken die nationale Weinproduktion zu unterstützen, an einer Premiere im TNS teilzunehmen und in der Pause fröhlich zu plaudern oder auch andächtig einer Symphonie von Mahler im Saarländischen Staatstheater zu lauschen, mit einem kompletten Orchester. Das und viele weitere, ebenso erfreuliche Dinge wünschen wir Ihnen für 2021.



aux lendemains qui chantent Dani revient avec un disque joliment punk, Horizons dorés. Entretien avec une éternelle optimiste, désirant croire que la nuit de la culture ne durera pas.

auf eine bessere Zukunft Dani ist mit einer neuen punkigen Platte, Horizons dorés zurück. Gespräch mit einem ewigen Optimisten, der sich wünscht, dass die Nacht der Kultur nicht anhält.

Par Von Suzi Vieira Photo de von Jean-Baptiste Mondino

À La Laiterie (Strasbourg), vendredi 29 janvier 2021 In La Laiterie (Straßburg), am Freitag den 29. Januar 2021 artefact.org À la Salle des Fêtes Paul Lamm (Hagondange), samedi 6 mars 2021 In der Salle des Fêtes Paul Lamm (Hagondange), am Samstag den 6. März 2021 hagondange.fr

Édité par Erschienen bei Washi Washa (14,50 €)

Comment avez-vous vécu ce second confinement ? Comme tout le monde, c’est-à-dire pas très bien ! Personne n’apprécie la vie sous masque, les sourires cachés, l’interdiction de se toucher et de s’embrasser. Les temps sont plutôt tristes.

est fini. Derrière les artistes, il y a toute une économie. Ce sont beaucoup de personnes qui travaillent. Ça ne peut pas s’arrêter ! Il faut se battre pour continuer, on n’a pas le choix. Chacun doit faire avec les moyens du bord, se réinventer, trouver d’autres moyens de partager, en attendant des lendemains plus dorés…

Que pensez-vous de la mise à l’arrêt du secteur culturel ? Les artistes sont là pour distraire, pour offrir de jolies choses, des moments de grâce aux gens. Apporter des respirations dans leur vie, leur donner du plaisir. C’est dur de faire sans la culture. Le cinéma, le théâtre, les concerts, les musées sont vecteurs d’émotions particulières. Ce sont des bouffées d’air, des divertissements nécessaires. Aller écouter un concert, voir un opéra ou une pièce, partager des émotions avec toutes les personnes réunies, ça donne de l’énergie. L’art est la source de notre élan vital, depuis que le monde est monde. Il y a là quelque chose de sacré, bon sang ! C’est ce qui nous rassemble, nous fait bouger.

Quelles alternatives peut-on mettre en place ? Si on doit chanter à 18 heures, avec un public réduit, assis… et bien soit ! Ce n’est pas idéal, certes, mais c’est déjà un moment d’échange réel. On ne voit pas les sourires ni les émotions traverser les visages des spectateurs venus communier avec nous, c’est vrai, mais derrière le masque, on les ressent. Ceux qui font de la scène le savent, le plus important c’est recevoir, donner, partager. Voilà pourquoi l’option des concerts en ligne ne me convainc pas. Chanter, c’est chanter pour un public avec lequel on est en contact. La médiation aseptisée d’un écran ne permet pas de faire passer la même intensité d’émotion.

La culture sortira-t-elle de cette longue nuit ? Oui, moi j’y crois ! Il faut y croire, sinon tout 16

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« [J’ai] connu des mieux différés / Jamais je n’ai renoncé », chantez-vous dans le morceau-titre du nouvel album. Ces paroles résonnent particulièrement


dans le contexte sanitaire… On a fini cette chanson fin décembre 2019 et on ne savait pas du tout ce qui allait se passer. Déjà l’an dernier, l’actualité n’était pas gaie. Je voulais redonner une note d’espoir, égayer ces temps un peu troubles. Je ne crois plus aux révolutions. Mais à la poésie, oui ! Wie haben Sie diesen zweiten Lockdown erlebt? Wie alle, das heißt nicht sehr gut! Niemand schätzt das Leben unter einer Maske, das versteckte Lächeln, das Verbot sich zu berühren und zu küssen. Es sind eher traurige Zeiten. Was denken Sie über das Abschalten des Kultursektors? Die Künstler sind da um zu unterhalten, schöne Dinge zu bieten, Momente der Anmut. Atempausen im Leben zu schenken und Freude. Es ist schwierig dies ohne Kultur zu tun. Das Kino, das Theater, die Konzerte, die Museen sind Vektoren für besondere Emotionen. Es sind frische Luftzüge, eine notwendige Unterhaltung. Ein Konzert hören, eine Oper oder ein Stück sehen, die Emotion mit allen anwesenden Personen teilen, das verleiht Energie. Die Kunst ist die Quelle unserer Lebensenergie, seit die Welt Welt ist. Das ist etwas Heiliges, zum Teufel noch mal! Es ist das was uns vereint und in Bewegung versetzt. Wird die Kultur aus dieser langen Nacht herausfinden? Ja, ich glaube daran! Man muss daran glauben, sonst ist alles zu Ende. Hinter den Künstlern steht auch eine Wirtschaft. Viele Personen arbeiten in ihr. Das kann nicht aufhören! Man muss kämpfen um weiterzumachen, wir haben keine Wahl. Jeder muss mit dem arbeiten, was da ist, sich neu erfinden, neue Wege finden, in der Hoffnung auf eine bessere Zukunft... Welche Alternativen kann man einsetzen? Und wenn wir um 18 Uhr mit einem reduzierten, sitzenden Publikum singen sollen... auch in Ordnung! Es ist nicht ideal, sicher, aber es ist schon ein echter Moment des Austauschs. Man sieht weder Lächeln, noch Emotionen

auf den Gesichtern der Zuschauer, die gekommen sind um einen Moment mit uns zu teilen, aber hinter der Maske spürt man sie. Die, die auf der Bühne stehen, wissen, dass das Wichtigste ist zu empfangen, zu geben, zu teilen. Deswegen überzeugt mich die Option der Online-Konzerte nicht. Singen heißt für ein Publikum zu singen mit dem man in Kontakt ist. Die sterile Vermittlung durch einen Bildschirm erlaubt es nicht die selbe Intensität an Gefühlen zu übermitteln.

aufgegeben“ singen Sie im Titelsong dieses neuen Albums. Worte, die im Kontext der Pandemie besonders nachklingen... Wir haben dieses Lied Ende Dezember 2019 aufgenommen und wir wussten gar nicht, was auf uns zukommen würde. Schon im vergangenen Jahr war ja das Zeitgeschehen nicht gerade fröhlich. Ich wollte Hoffnung geben, diese trüben Zeiten aufheitern. Ich glaube nicht mehr an Revolutionen. Aber an die Poesie, ja!

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la culture après eux Il a multiplié les prises de position en faveur des petits artisans du secteur culturel. Le nancéien Nicolas Mathieu, Goncourt 2018 avec Leurs Enfants après eux, publie La Grande école, son premier album jeunesse. Rencontre avec un écrivain indigné.

nach ihnen die kultur Er hat zahlreiche Stellungnahmen zugunsten der kleinen Handwerker und des Kultursektors veröffentlicht. Nicolas Mathieu, Preisträger des Goncourt 2018 für Wie später ihre Kinder aus Nancy, veröffentlicht mit La Grande école sein erstes Kinderbuch. Begegnung mit einem empörten Autor.

Par Von Suzi Vieira Photo de von Sophie Dupressoir pour für Poly

La grande école est paru chez Actes Sud (16,50 €) actes-sud.fr

Wie später ihre Kinder ist im Carl Hanser Verlag erschienen (24€) hanser-literaturverlage.de

Vous êtes intervenu dans les médias et sur les réseaux sociaux pour dénoncer le danger des confinements pour la culture. Quelles sont vos inquiétudes ? Outre la question fondamentale que pose sa relégation au rang de bien “non-essentiel”, le plus préoccupant est l’impact économique de cette crise sur le marché de la culture. Qu’est-ce qui va demeurer après ? Combien de libraires indépendants, de théâtres, d’exploitants de salles de cinéma resteront sur le carreau ? Il y a fort à craindre sur le long terme, parce que ce maillage culturel-là, si dense et performant dans notre pays, va être mité. Selon vous, quelles seront les conséquences pour la création ? Les petits entrepreneurs privés de la culture sont des leviers de diffusion et de prescription indispensables. Ce ne sont pas les grands qui m’inquiètent. Les grosses institutions sont soutenues par l’État ; les œuvres mainstream trouveront toujours leur public. En revanche, les “œuvres du milieu” comme on les appelle, celles qui ont besoin de temps, de tables où elles ont été consciencieusement mises en avant par les libraires, de petites salles de concert qui les programment, de cinémas indépendants Art et Essai qui les diffusent… Que deviendront-elles ? Quel appel souhaiteriez-vous lancer au gouvernement ? C’est à la dentelle qu’il doit porter attention, pas tant aux méga-structures. Car les artisans de la culture représentent un pan considé-

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rable du secteur : ce sont les auteurs qui s’en sortent déjà tout juste en faisant des interventions dans les collèges et les bibliothèques municipales, les intermittents du spectacle ne comptant pas leurs heures, les petites librairies, etc. Ce maillage serré, qui tient déjà sur un équilibre fragile mais rend précisément la culture accessible dans tous les territoires (et pas seulement les grands centres urbains), il faut tout faire pour qu’il ne se casse pas la gueule ! Qu’a révélé cette crise de la place de la culture dans notre pays ? Cette année a mis notre société à nu. Elle a dévoilé la manière dont notre système pense et se pense lui-même. Or, cela ne sent pas très bon… La culture est considérée comme superfétatoire, les libertés sont vite sacrifiées, et les gens – moi le premier – sont finalement plutôt disciplinés. Mais qu’adviendra-t-il lors des crises à venir ? En pleine urgence climatique par exemple, quels sacrifices nous seront alors demandés ? Au premier confinement, j’ai nourri l’espoir que cette rupture brutale dans le continuum du temps augurerait de profonds et salutaires changements. Au sortir du second prévaut la désillusion. Pour paraphraser Houellebecq, « tout va continuer, en un peu pire », je le crains. Sie haben sich in den Medien und den sozialen Netzwerken eingeschaltet um die Gefahr des Lockdowns für die Kultur anzuprangern. Was macht Ihnen Sorgen? Neben der fundamentalen Frage, die seine Verbannung an die Stelle eines „nicht-essen-


tiellen“ Guts aufwirft, ist das Besorgnis erregende der wirtschaftliche Einfluss auf den Kulturmarkt. Was wird danach bleiben? Wie viele unabhängige Buchhandlungen, Theater, Konzertund Kinosaalbetreiber werden auf der Strecke bleiben? Auf lange Sicht, ist vieles zu befürchten, denn dieses kulturelle Netz, das in unserem Land so dicht und leistungsstark ist, wird zerfressen werden. Was sind ihrer Meinung nach die Konsequenzen für die Kulturschaffenden? Die kleinen privaten Unternehmer der Kultur sind unentbehrliche Antriebe für den Vertrieb und die Beratung. Ich mache mir keine Sorgen um die Großen. Die großen Institutionen werden vom Staat unterstützt ; die Werke des Maintstreams werden immer ihr Publikum finden. Die „Werke des Milieus“ wie man sie nennt, die, die Zeit benötigen, von den Buchhändlern bewusst

in den Vordergrund gestellt werden müssen oder von den kleinen Sälen, die sie ins Programm aufnehmen, den unabhängigen Programmkinos leben... Was wird aus denen? Welchen Appell möchten Sie an die Regierung richten? Sie muss ihre Aufmerksamkeit auf die Verletzlichen richten, nicht so sehr auf die großen Strukturen. Denn die Handwerker der Kultur stellen einen nicht zu vernachlässigenden Teil des Sektors dar: Es sind die Autoren, die schon gerade so über die Runden kommen, indem sie in Schulen und Stadtbibliotheken auftreten, auf Produktionsdauer Beschäftigte, die Rund um die Uhr im Einsatz sind, die kleinen Buchhandlungen, etc. Dieses dichte Netzwerk, das schon am seidenen Faden hängt, aber eben die Kultur überall zugänglich macht (und nicht nur in den urbanen Zentren), muss unbedingt vor dem Untergang bewahrt werden!

Was hat diese Krise über den Platz der Kultur in unserem Land aufgezeigt? Dieses Jahr hat unsere Gesellschaft bloßgestellt. Es hat die Art und Weise enthüllt, wie unser System denkt und sich selbst denkt. Nun, es sieht nicht gut aus... Die Kultur wird als überflüssig angesehen, Freiheiten werden schnell geopfert und die Leute – ich auch – sind schlussendlich eher diszipliniert. Aber was wird in den kommenden Krisen passieren? Welche Opfer werden uns mitten in der Klimakrise abverlangt werden? Im ersten Lockdown hatte ich die Hoffnung, dass dieser abrupte Bruch mit dem Zeit-Kontinuum tiefe und heilsame Veränderungen verheiße. Nach dem Ende des Zweiten überwiegt die Enttäuschung. Um Houellebecq zu paraphrasieren, „alles wird weitergehen, in ein bisschen schlimmerer Weise“, befürchte ich.

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pas de restaurant, mais des idées Alors qu’une réouverture des restaurants est évoquée au 20 janvier en France, Olivier Nasti1, deux Étoiles au Michelin à Kaysersberg, est en quête de solutions nouvelles, adaptées à cette période particulière.

kein restaurant, aber ideen Während über eine Wiedereröffnung der Restaurants ab dem 20. Januar in Frankreich gesprochen wird, sucht Olivier Nasti, dessen Haus in Kayserberg mit zwei Sternen im Guide Michelin ausgezeichnet ist, nach neuen Wegen. Par Von Hervé Lévy Photo de von Anne-Emmanuelle Thion Menus du drive, carte des fêtes, etc. sur Menü des Drive-in, Festtagskarte etc. unter lechambard.fr

Comment avez-vous vécu le second confinement ? Il a été difficile à encaisser pour mon entreprise employant quelque 65 personnes, comme pour toute la profession. Nous avions repris un rythme effréné et tout s’est arrêté brutalement, à nouveau. Une grosse claque ! Mais très vite, le soutien de mes équipes aidant – et aussi celui de personnes comme Yves Buelens, DG de Recipharm à Kaysersberg qui m’a commandé 370 bons cadeaux – je suis reparti de l’avant. Comment jugez-vous la situation ? Elle est aberrante – avec les cantines ouvertes, par exemple – mais je préfère garder mon énergie pour sauver mon entreprise et, très vite, ai pris la décision de ne pas me plaindre pour me concentrer sur les issues possibles. Il faut qu’un entrepreneur entreprenne ! Par ailleurs, des maisons comme la mienne doivent être un fer de lance et montrer l’exemple.

Voir Poly n°144 et sur poly.fr Mathieu Silvestre, second de cuisine d’Olivier Nasti a remporté le Championnat du monde de Lièvre à la royale en 2019 1 Hase auf königliche Art 2 Mathieu Silvestre, Sous-Chef von Olivier Nasti, der 2019 die Weltmeisterschaft im Hase auf königliche Art gewonnen hat, einem französischen Klassiker, der erstmals 1775 erwähnt wurde 1

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Pionner dans la création d’un drive au cours du premier confinement, quelles nouvelles solutions avez-vous imaginées ? Le soir du reconfinement, nous avions environ 30 000 € de marchandises en stock et avons créé un marché gastronomique pour ne pas les perdre. Le succès a été au rendez-

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vous, puisqu’en quelques heures presque tout a été vendu ! Aujourd’hui à quoi ressemble votre activité ? Né durant le confinement, le Hopla Truck est toujours là, comme le drive proposant des plats bistronomiques. J’insiste sur cet adjectif : il est impossible de faire de la haute gastronomie dans ces conditions, surtout pas à ce prix (32 € entrée, plat, dessert, en semaine, NDLR). J’ai lancé un drive gastronomique une fois par semaine, le vendredi, avec un plat servi sur assiette vendu entre 60 et 70 € : nous avons débuté par un lièvre à la royale, un plat pour lequel nous sommes connus2, et en avons vendu 120 ! Le marché s’est-il poursuivi ? Il a même pris de l’ampleur, puisque nous avons créé une véritable épicerie gastronomique dans les murs de ce qui était – et redeviendra bientôt, j’espère – ma Winstub. La part belle est laissée aux produits locaux. À travers ma maison, c’est une manière de créer une dynamique, d’installer une économie circulaire permettant également de faire travailler fromagers, producteurs de foie gras, confituriers, etc. C’est aussi un moyen pour valoriser le travail que j’ai mis en place depuis vingt ans.


Comment voyez-vous l’avenir ? Toutes ces solutions sont intéressantes, mais ce n’est qu’un pis-aller. J’attends de retrouver les clients à table, à l’hôtel… C’est mon cœur de métier ! Wie haben Sie den zweiten Lockdown erlebt? Er war schwierig für mein Unternehmen mit 65 Angestellten, wie für den gesamten Sektor. Wir waren wieder in einem Höllenrhythmus angelangt und plötzlich hat alles erneut abrupt stillgestanden. Eine riesige Ohrfeige! Aber sehr schnell, mit der großen Unterstützung meines Teams – und auch jener von Personen wie Yves Buelens, Generaldirektor von Recipharm in Kaysersberg, der bei mir 370 Geschenkgutscheine bestellt hat – habe ich wieder nach vorne geschaut. Wie schätzen Sie die Situation ein? Sie ist irrsinnig – zum Beispiel mit den offenen Kantinen – aber ich hebe meine Energie lieber dazu auf, mein Unternehmen zu retten und habe mich sehr schnell dazu entschieden, nicht zu jammern, um mich auf die möglichen Auswege zu konzentrieren. Ein Unternehmer muss unternehmen! Häuser wie meines müssen Vorreiter sein und als Beispiel vorangehen. Sie waren im ersten Lockdown ein Pionier des Drive-in, welche neuen Lösungen haben Sie sich einfallen lassen? Am Abend vor dem Lockdown hatten wir Waren für ungefähr 30 000€ vorrätig und haben einen Gastronomie-Markt veranstaltet um sie nicht zu verlieren. Ein voller Erfolg, in wenigen Stunden war alles verkauft! Wie sieht ihre Tätigkeit heute aus? Der während des Lockdowns entstandene Hopla Truck ist immer noch da, ebenso wie der Drive-In mit BistroGerichten. Ich unterstreiche dieses Wort: Es ist unmöglich unter diesen Konditionen Haute-Cuisine anzubieten, vor allem nicht zu diesem Preis (32 € Vorspeise, Hauptgericht, Dessert, unter der Woche Anm.d.Red.). Ich habe einen Gastronomie-Drive-in einmal die Woche, freitags gestartet, mit einem auf dem Teller angerichteten Hauptgang zwischen 60 und 70€: Wir haben mit einem Lièvre à la royale 1 angefangen, einem Gericht für

das wir bekannt sind 2 und haben 120 davon verkauft! Wurde der Markt fortgesetzt? Er ist sogar gewachsen, den wir haben ein echtes Lebensmittelgeschäft für Gastronomiezutaten eröffnet, in den Räumen der Winstub, die wir hoffentlich bald wieder öffnen können. Lokale Produkte machen den Großteil aus. Es ist eine Art und Weise mit unserem Haus eine Dynamik zu kreieren, einen Wirtschafts-

kreislauf zu initiieren, der auch Käsehersteller, Produzenten von Foie Gras oder Marmelade einbindet. Es ist auch ein Mittel um die Arbeit zu würdigen, die ich seit zwanzig Jahren mache. Wie sehen Sie die Zukunft? Alle Lösungen sind interessant, aber es ist nur ein Notbehelf. Ich warte darauf meine Gäste wieder am Tisch, im Hotel begrüßen zu dürfen... Das ist das Herz meines Metiers! Poly 234

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football manager Dans Ma Vie en rouge et blanc, le mythique entraîneur Arsène Wenger donne quelques pistes sur les évolutions actuelles du foot. Mit Mein Leben in Rot und Weiß, gibt der legendäre Trainer Arsène Wenger einige Hinweise zur aktuellen Entwicklung des Fußballs.

Par Von Hervé Lévy Photo de von Olivier Roller

Paru chez JC Lattès (20 €) editions-jclattes.fr Erschienen bei Ariston (20€) randomhouse.de

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on livre est autant une autobiographie qu’une analyse des métamorphoses d’un sport. Écrites par celui qui travaille désormais à la FIFA, ces pages sont parfois nimbées de nostalgie : « Le football que j’ai pratiqué, les conditions dans lesquelles j’ai exercé ma passion, la liberté que j’avais, tout cela a presque disparu », explique notre homme que nous avons accompagné au cours de sa visite à Strasbourg, en octobre (pendant laquelle nous avons recueilli ces propos). La vision d’un manager qui a souvent provoqué l’évolution du foot est lucide, comme son jugement sur les réseaux sociaux « induisant une plus grande solitude des joueurs ». Lorsqu’il voit des matches à huis clos en raison de la pandémie, il résume : « Il manque l’essentiel. Le foot ressemble ainsi au théâtre ou à la danse : sans les spectateurs ce n’est plus la même chose. S’il y a un côté positif, c’est que nous prenons conscience de ça. Nous l’avions peut-être perdu… Il faudra repenser le rapport au public. On simule même les encouragements à la télé ! Les joueurs se transcendent moins : quand c’est difficile, il n’y a pas de révolte. Cette “acceptation” génère des scores très larges, des défaites par quatre ou cinq buts d’écart. On laisse couler. C’est une séance d’entraînement. »

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ein Buch ist gleichzeitig eine Autobiografie und eine Analyse der Veränderungen im Sport. Von jenem geschrieben, der nun für die FIFA arbeitet, sind diese Seiten manchmal voller Nostalgie: „Der Fußball, den ich praktiziert habe, die Bedingungen, unter welchen ich meiner Leidenschaft gefolgt bin, die Freiheit, die ich hatte, das alles ist fast verschwunden“, erklärt er, als wir ihn bei seinem Besuch in Straßburg im Oktober begleiten. Die Vision eines Managers, der oft eine Weiterentwicklung im Fußball provoziert hat, ist klar, genauso wie sein Urteil über die sozialen Netzwerke, die „zu einer größeren Einsamkeit der Spieler führen“. Wenn er Spiele verfolgt, die wegen der Pandemie ohne Publikum stattfinden, sagt er: „Es fehlt das Wesentliche. Dem Fußball geht es wie dem Theater oder dem Tanz: Ohne Publikum ist es nicht mehr das Gleiche. Der positive Aspekt ist, dass wir uns dessen bewusst werden. Wir hatten es vielleicht vergessen... Die Beziehung zum Publikum muss neu gedacht werden. Im Fernsehen werden sogar die Fangesänge simuliert! Die Spieler gehen weniger über ihre Grenzen hinaus: Wenn es schwierig wird, gibt es keine Revolte. Diese Akzeptanz führt zu Spielständen mit vier oder fünf Toren Unterschied. Man lässt es laufen. Es ist wie ein Trainingsspiel.“



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florence au crépuscule Grâce aux joyaux de la collection Haukohl, Beyond The Medici dévoile les splendeurs méconnues du baroque florentin.

florentiner dämmerung Dank der Perlen der Sammlung Haukohl enthüllt Beyond The Medici verkannte Glanzstücke des Florentiner Barock.

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Par Von Suzi Vieira

Au Musée national d’Histoire et d’Art (Luxembourg), jusqu’au 21 février
2021 Im Musée national d’Histoire et d’Art (Luxemburg), bis zum 21. Februar 2021 mnha.lu L’exposition est accessible en visite virtuelle Die Ausstellung kann auch virtuell besichtigt werden Au Palais des Beaux-Arts (Bruxelles), de juin à septembre 2021 Im Palais des Beaux-Arts (Brüssel), von Juni bis September 2021 bozar.be

Légendes Bildunterschriften 1. La Vierge et l’enfant Die Jungfrau und das Kind, Onorio Marinari, collection de la famille Sammlung der Familie Haukohl. 2. Portraits de Galilée, Machiavel et Marsile Ficin Portraits von Galilei, Machiavelli und Marsilio Ficino, Antonio Montauti, reliefs en stuc polychromé provenant de la collection de la famille Haukohl Mehrfarbige Stuckreliefs aus der Sammlung der Familie Haukohl

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ucune ville n’est plus étroitement associée à l’essor de la Renaissance que la capitale toscane. Les Médicis y régnèrent en maîtres aux XVe et XVIe siècles, Donatello et Bruneschelli y inventèrent la perspective, révolutionnant à tout jamais les codes de la représentation picturale en Occident. Le sort de l’école de Florence dans les siècles qui suivirent cet âge d’or est en revanche moins connu – Rome, Venise ou Naples reléguant la “Bella città” à l’arrièreplan. Initiée par le Musée national d’Histoire et d’Art du Luxembourg, la tournée européenne des œuvres appartenant à la famille américaine Haukohl révèle les splendeurs méconnues du baroque florentin. Débutée il y a quarante ans, cette collection constitue aujourd’hui le plus important ensemble de ce courant hors d’Italie. Ancien banquier d’affaires de Wall Street issu d’une famille de collectionneurs de père en fils, Mark Fehrs Haukhol se passionne dès les années 1970 pour les artistes toscans du Grand Siècle et découvre, en bon investisseur, que ces maîtres ne sont pas très courus sur le marché. Il acquiert ainsi nombre de pièces à bas prix… qui valent aujourd’hui une fortune, comme la céleste Vierge avec l’enfant d’Onorio Marinari (1626-1716). L’absolue perfection du trait et la pureté sereine qui s’en dégage sont caractéristiques du conservatisme régnant encore au Seicento dans l’ancien berceau de la Renaissance. Le dessin contre la couleur Contrairement au baroque vénitien, emporté dans le tourbillon des couleurs, l’école florentine se singularise par sa fidélité au clas-

sicisme d’un Raphaël. Ici, le dessin règne en maître. La raison prévaut. Dans la magnétique Judith décapitant Holopherne de Marinari, ne se retrouvent ni les spectaculaires effets de lumière, ni la force horrifique de la violence du tableau du Caravage sur le même thème. La puissance dramatique de la scène est mise en sourdine pour mieux exalter la beauté morale de la jeune femme qui sauve son peuple de l’esclavage, en tranchant la gorge du féroce chef assyrien d’un geste suprêmement délicat, entre riches broderies et draperies de soie. Ce que la toile perd en expressivité ou en introspection psychologique, elle le compense par le raffinement technique et l’élégance de la composition. Passés par la vénérable Accademia del Disegno, les artistes toscans sont des virtuoses du crayon. On est éblouis par le velouté de la carnation des personnages dépeints, la finesse et la précision des traits de leurs visages. Le somptueux Sébastien soigné par Irène de Felice Ficherelli (1605-1660) respire la sensualité. Le saint, dont le corps fut transpercé par les flèches des archers de l’empereur Dioclétien sur le Champ de Mars, compte parmi les martyrs les plus représentés de l’histoire de l’art. Ici, il est allongé sur un lit, le haut du corps légèrement relevé sur un coude, dans une position qui rappelle les représentations romaines du triclinium. Le visage et le regard tournés vers les cieux, les mains jointes en prière suggèrent un mélange d’abnégation chrétienne et de béatitude, alors qu’Irène retire avec amour les flèches de son corps. Toutes les peintures présentées sont également rehaussées de cadres opulents, Poly 234

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toskanischen Künstler des Großen Jahrhunderts und entdeckt, als guter Investor, dass diese Werke am Markt nicht sehr gefragt sind. So ersteht er zahlreiche Werke zu sehr geringen Preisen... die heute ein Vermögen wert sind, wie die himmlische Jungfrau mit Kind von Onorio Marinari (16261716). Die absolute Perfektion des Strichs und die in sich ruhende Reinheit, die von ihr ausgeht, sind charakteristisch für den Konservatismus, der im Seicento in der ehemaligen Wiege der Renaissance herrschte.

Légende Bildunterschrift Allégorie de la poésie Allegorie der Dichtung, Felice Ficherelli, collection de la famille Sammlung der Familie Haukohl.

certains originaux, d’autres fabriqués par les meilleurs artisans italiens contemporains dans le style de l’époque – une obsession de Mark Fehrs Haukohl. Ainsi l’Allégorie de la poésie de Felice Ficherelli captive-t-elle autant par la beauté idéalisée de son visage néo-classique, que par le munificent cadre en ébène noir, marbre rouge et lapis-lazuli bleu lui servant d’écrin. Au milieu de ces trésors de la peinture de chevalet se découvre en outre une jolie surprise : un ensemble de quatre reliefs en stuc polychromé signés Antonio Montauti (1683-1746), figure de la sculpture du XVIIIe siècle. Des bustes de Michel-Ange, Galilée, Machiavel et Marsile Ficin. Histoire de ne jamais oublier la gloire artistique et intellectuelle passée de la cité des grands-ducs.

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eine Stadt ist enger mit dem Aufschwung der Renaissance verbunden, als die Hauptstadt der Toskana. Die Medicis herrschten hier zwischen dem 15. und 16. Jahrhundert, Donatello und Bruneschelli erfanden hier die Perspektive, womit sie die Codes der bildlichen Darstellung in der westlichen Welt für immer revolutionierten. Das Schicksal von Florenz in den Jahrhunderten, die auf dieses goldene Zeitalter folgten, ist weniger bekannt – Rom, Venedig oder Neapel drängten die „Bella città“ in den Hintergrund. Die europäische Tournee der Werke, die der amerikanischen Familie Haukohl gehören, wurde vom Musée national d’Histoire et d’Art du Luxembourg ins Leben gerufen und enthüllt verkannte Glanzstücke des Florentiner Barock. Diese Sammlung, die vor vierzig Jahren angelegt wurde, stellt heute das wichtigste Ensemble dieser Strömung außerhalb Italiens dar. Als ehemaliger Bankier an der Wall Street begeistert sich der aus einer Sammlerfamilie stammende Mark Fehrs Haukohl ab den 1970er Jahren für die

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Zeichnung gegen Farbe Im Gegenteil zum venezianischen Barock, der von einem Farbenrausch mitgerissen wird, hebt sich die Florentiner Schule von ihrer Treue zum Klassizismus eines Raffael ab. Hier dominiert die Zeichnung. Der Verstand ist maßgebend. Im magnetischen Judith enthauptet Holofernes von Marinari, findet man weder spektakuläre Lichteffekte, noch die schreckliche Stärke der Gewalt im Gemälde von Caravaggio zum selben Thema. Die dramatische Macht der Szene ist gedämpft um besser die moralische Schönheit der jungen Frau hervorzuheben, die ihr Volk vor der Sklaverei rettet, indem sie die Kehle des assyrischen Chefs mit einer höchst delikaten Geste aufschneidet, inmitten von reichen Stickereien und Seidenstoffen. Was das Gemälde an Ausdruckskraft oder psychologischer Introspektion verliert, kompensiert es mit technischer Feinheit und der Eleganz der Komposition. Die toskanischen Künstler, die die ehrwürdige Accademia del Disegno besucht haben, sind Virtuosen des Zeichenstifts. Man ist fasziniert von der Sanftheit des Teints der dargestellten Figuren, der Finesse und der Präzision ihrer Gesichter. Der heilige Sebastian wird von der heiligen Irene gepflegt von Felice Ficherelli (1605-1660) strahlt Sinnlichkeit aus. Der Heilige, dessen Körper von den Pfeilen der Bogenschützen des Kaisers Diokletian durchbohrt wurde, gehört zu den meistdargestellten Martyrern der Kunstgeschichte. Hier liegt er auf einem Bett, mit leicht angehobenem Oberkörper, in einer Position, die an die römischen Repräsentationen des Tricliniums erinnert. Er hat das Gesicht und den Blick zum Himmel gerichtet, die Hände zum Gebet gefaltet, was eine Mischung aus christlichem Opfergeist und Seligkeit suggeriert, während Irene ihm liebevoll die Pfeile aus dem Körper zieht. Alle präsentierten Gemälde sind mit opulenten Rahmen geschmückt, von denen einige Originale sind, während andere von den besten zeitgenössischen Handwerkern Italiens im Stil der Zeit angefertigt wurden – eine Obsession von Mark Fehrs Haukohl. So fesselt die Allegorie der Dichtung von Felice Ficherelli ebenso durch die idealisierte Schönheit ihres neo-klassischen Gesichtes, wie durch den freigiebigen Rahmen aus schwarzem Ebenholz, rotem Marmor und blauem Lapis Lazuli. Inmitten dieser Gemäldeschätze trifft man auf eine schöne Überraschung: Ein Ensemble von vier mehrfarbigen Stuckreliefs von Antonio Montauti (1683-1746), einer Größe der italienischen Skulptur des 18. Jahrhunderts. Büsten von Michelangelo, Galilei, Machiavelli und Marsilio Ficino. Auf das der künstlerische und intellektuelle Ruhm der Stadt der Großfürsten, nie in Vergessenheit gerate.


Parcours Chagall Musée du Pays de Sarrebourg et Chapelle des Cordeliers

Marc Chagall : vitraux et tapisseries Archéologie ➤ Porcelaines et faïences de Niderviller ➤ ➤

Expositions ➤ Meisenthal : verre, techniques et création 01/07/2020 ➜ 28/02/2021 ➤ Marc Chagall - détails Présentation d’une sélection de photographies d’Illés Sarkantyu - 16/12/20 ➜ 28/02/2021 Présentation exceptionnelle de deux tapisseries d'après Marc Chagall, Paysage méditérranéen et Les Arlequins jusqu'au 15/03/2021. ➤

Tél. + 33 (0)3 87 08 08 68 reservations-parcourschagall@orange.fr www.sarrebourg.fr/parcours-chagall


EXPOSITION AUSSTELLUNG

voyageur immobile Avec 120 œuvres, L’Orient de Rembrandt explore la fascination des artistes du Siècle d’or hollandais pour les cultures extra-européennes.

der sesshafte reisende Mit 120 Werken erkundet Rembrandts Orient die Faszination der Maler des niederländischen Goldenen Zeitalters für extra-europäische Kulturen.

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Par Von Hervé Lévy

Au Kunstmuseum Basel / Neubau, jusqu’au 14 février 2021 Im Kunstmuseum Basel / Neubau, bis zum 14. Februar 2021 kunstmuseumbasel.ch En parallèle, sont présentées des eaux-fortes de Rembrandt issues des substantielles donations d’Eberhard W. Kornfeld (Kunstmuseum Basel / Hauptbau, jusqu’au 24/01/21) Parallel dazu werden Radierungen von Rembrandt aus den großzügigen Schenkungen von Eberhard W. Kornfeld gezeigt (Kunstmuseum Basel / Hauptbau, bis 24.01.21)

Légende Bildunterschrift Rembrandt Harmensz van Rijn, Compagnie musicale Musizierende Gesellschaft, 1626, Rijksmuseum Amsterdam, acquisition avec le soutien de la erworben mit der Unterstützung der Verenigung Rembrandt et de und der Stichtig tot Bevorderung van Belangen van het Rijksmuseum

Pendant les dernières décennies du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe, l’élite se faisait représenter en costume mythologique ou historique par les peintres alors en vogue 2 Sabre japonais courbe similaire au katana, mais de plus petite taille 1

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i Rembrandt (1606-1669) ne quitta a priori jamais son pays natal, il fut imprégné, comme nombre de ses contemporains, par l’Orient. Ce terme générique désigne des territoires situés à l’Est de l’Europe – de Pékin à Damas, de Djakarta à Téhéran – dont les biens arrivaient alors à Amsterdam, épicentre d’une “première mondialisation” : épices importées par la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales, porcelaines chinoises ou rotin d’Indonésie dont on faisait les cannes. Ces marchandises se retrouvent dans nombre de toiles, comme Compagnie musicale où le jeune peintre exploite l’exotisme de multiples détails (turban coloré, étoffes chamarrées, etc.) pour suggérer un sourd érotisme : derrière les apparences d’un paisible salon de musique, se découvre ainsi une scène de bordel. Nombre de portraits historiés1 sont également emplis d’éléments étrangers destinés à montrer la fortune du modèle : Albert Cuyp métamorphose ainsi la rencontre d’un couple de notables bataves, les représentant en David et Abigaïl. Cet Orient fantasmatique est avant tout le théâtre d’événements bibliques où les artistes font preuve d’une imagination débridée utilisant des artefacts venus d’ailleurs pour conférer, imaginent-ils, un surcroit d’authenticité à la scène, n’hésitant pas à se livrer aux associations les plus audacieuses. Enturbanné, le Bon samaritain de Pieter Lastman est ainsi vêtu d’un costume de fantaisie, un wakizashi2 japonais à la ceinture, tandis que Le Festin

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d’Esther de Jan Lievens est une orgie abracadabrante de joaillerie ouvragée et de strates de tissus sophistiqués. Si l’Orient est ici faste et clinquant, il est ailleurs un espace symbolique, comme dans Daniel et Cyrus devant l’idole Bel de Rembrandt plein de jeux de lumières dorés et délicats. Mystère mystique. Si les vues de l’Inde ou de la Perse sont peu réalistes – se limitant à des clichés stéréotypés – les objets sont utilisés comme vecteur de prestige, mais les œuvres d’art qui en proviennent reçoivent peu d’écho. Seuls s’y intéressent de rares artistes comme Rembrandt, grand collectionneur de miniatures mogholes qui en reproduit plusieurs : un magnifique dessin de Shah Shuja en témoigne. Voilà qui reflète l’européocentrisme d’une époque dont la face sombre est présente en filigrane : exploitation et esclavage… Un tableau signé Caesar van Everdingen montrant Wollebrant Geleyns de Jongh résume parfaitement cela : vêtu de soieries, à coté d’une table recouverte d’un riche tapis persan – deux sources de sa richesse –, le marchand contemple ses bateaux confortablement abrité sous un parasol tenu par deux serviteurs noirs.

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uch wenn Rembrandt (1606-1669) a priori nie sein Heimatland verließ, war er, wie viele seiner Zeitgenossen vom Orient ergriffen. Dieser allgemeine Begriff bezeichnet Gebiete östlich Europas – von Peking bis Damaskus, von Jakarta bis Teheran – deren Waren in Amsterdam landeten, dem Epizentrum einer „ersten


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Légende Bildunterschrift J.F.F. selon nach Andries Beeckman, Le château de Batavia Der Markt von Batavia, après nach 1688, Tropenmuseum, Amsterdam, Collection Nationaal Museum van Wereldculturen. Coll.no. TM-118-167

In den letzten Jahrzehnten des 17. Jahrhunderts und der ersten Hälfte des 18. Jahrhunderts lässt sich die Elite in mythologischen oder historischen Kostümen von den größten Künstlern ihrer Zeit darstellen 2 Japanisches Schwert, das dem Katana ähnelt, aber kleiner ist 1

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Globalisierung“: Gewürze, die von der Niederländischen Ostindien-Kompanie importiert wurden, chinesisches Porzellan oder Rattan aus Indonesien, aus welchem man Spazierstöcke herstellte. Diese Waren findet man in zahlreichen Gemälden wieder, wie Musizierende Gesellschaft in dem der junge Maler die Exotik zahlreicher Details nutzt (bunter Turban, überladene Stoffe, etc.) um eine unbestimmte Erotik zu suggerieren: Hinter dem Anschein eines friedlichen Musiksalons entdeckt man so eine Bordell-Szene. Zahlreiche Historien-Portraits1 sind ebenfalls gefüllt von fremden Elementen, die dazu dienen, den Reichtum des Modells zu illustrieren: So verwandelt Albert Cuyp die Begegnung eines holländischen Paares, indem er sie als David und Abigajil darstellt. Dieser phantasmatische Orient ist vor allem das Theater biblischer Ereignisse, in denen die Künstler einen zügellosen Einfallsreichtum beweisen, indem sie Artefakte von woanders benutzen um der Szene, so denken sie, eine zusätzliche Glaubwürdigkeit zu verleihen, wobei sie auch vor den gewagtesten Assoziationen nicht zurückschrecken. Der Turban tragende Barmherzige Samariter von Pieter Lastman ist so mit einem PhantasieKostüm bekleidet, mit einem japanischen Wakizashi2 am Gürtel, während Das Festmahl

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der Ester von Jan Lievens eine unglaubliche Orgie aus kunstvoll bearbeitetem Schmuck und Schichten raffinierter Stoffe ist. Hier ist der Orient prunkvoll und überladen, bei anderen ist er ein symbolischer Raum, wie in Daniel und Cyrus vor dem Götzenbild des Bel von Rembrandt voller goldener und zarter Lichtspiele. Mystisches Mysterium. Auch wenn die Ansichten von Indien oder Persien wenig realistisch sind – sie begrenzen sich auf klischeebehaftete Stereotypen – werden die Objekte als Vektoren von Prestige genutzt, während die Kunstwerke wenig Echo erhalten. Nur wenige Künstler interessieren sich für sie, wie Rembrandt, der ein großer Sammler von Mogul-Miniaturen war, die er zum Teil reproduzierte: Davon zeugt eine wunderschöne Zeichnung des Schah Schudscha. All das spiegelt den Eurozentrismus einer Epoche wider, deren düstere Seite zwischen den Zeilen dargestellt wird: Ausbeutung und Sklaverei... Ein Gemälde von Caesar van Everdingen, das Wollebrant Geleyns de Jongh zeigt, fasst dies perfekt zusammen: In Seidenstoffe gehüllt, neben einem Tisch, der mit einem reich verzierten persischen Teppich bedeckt ist – zwei Quellen seines Reichtums – , betrachtet der Händler seine Schiffe, während er von einem Sonnenschirm geschützt wird, den zwei schwarze Diener halten.



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paint it black La rétrospective dédiée à Pierre Soulages par le Museum Frieder Burda décrit la lumineuse trajectoire picturale de l’artiste de 1946 à 2019. Die Retrospektive, die das Museum Frieder Burda Pierre Soulages widmet, beschreibt die außergewöhnliche malerische Laufbahn des Künstlers von 1946 bis 2019.

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Par Von Hervé Lévy

Au Museum Frieder Burda (Baden-Baden), jusqu’au 28 février 2021 Im Museum Frieder Burda (Baden-Baden), bis zum 28. Februar 2021 museum-frieder-burda.de

Médecin allemand et collectionneur qui fit beaucoup pour augmenter la visibilité de l’abstraction à son époque qu’il voyait comme un antidote à l’art de la période nazie 2 Propos tirés d’un entretien que Pierre Soulages (qui n’est pas venu à Baden-Baden en raison de la pandémie) nous avait accordé au moment de son exposition strasbourgeoise de 2010. Voir Poly n°134 ou sur poly.fr 1

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eune peintre, Pierre Soulages (né en 1919) prend part en 1948 / 1949 à l’exposition itinérante collective Französische abstrakte Malerei organisée par Ottomar Domnick1. À côté de toiles d’artistes confirmés, Herbin, Kupka et consorts, c’est une de ses œuvres qui est choisie pour illustrer l’affiche, un brou de noix sur papier de 1947 (présenté à Baden-Baden). Pour le jeune trentenaire, alors peu connu, le moment est fondateur, illustrant la place de l’Allemagne – qui lui offrit aussi sa première rétrospective en 1960, à Hanovre – dans son cheminement. C’est donc fort naturellement que le Museum Frieder Burda présente une ample exposition monographique jetant un regard sur un plasticien désormais centenaire, devenu une figure majeure de l’art contemporain, à mi-

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chemin entre la superstar et le maître Jedi. Elle s’ouvre par des pièces monumentales, dont trois incroyables bandes verticales de près de quatre mètres de haut réalisées en 2019. On pourrait presque y voir le couronnement de son “outrenoir”, concept plutôt que couleur, forgé en 1979, dont la genèse est bien connue : « Je suis devant une peinture que je suis en train de rater. Je suis malheureux. Le noir a tout envahi. Toute la toile en est recouverte. Fatigué, je vais dormir. Réveillé une heure après, je retourne devant la toile et découvre que je ne travaillais plus avec le noir, mais avec la réflexion de la lumière sur le noir » explique-t-il2. Dans l’immense salle du musée où s’alignent les grands formats – certains flottant dans


EXPOSITION AUSSTELLUNG

l’espace, accrochés au plafond – chacun plonge au cœur d’un champ mental d’obscurité d’où l’artiste alchimiste fait surgir la clarté. Nous arpentons avec jubilation cet « au-delà naissant du reflet de la lumière sur le noir qui va toucher la sensibilité du visiteur », grâce à des différences de texture (lisse, granuleuse, etc.) et de technique (raclage, décapage, etc.). Le reste du parcours est un voyage dans le temps montrant la cohérence et la radicalité de Soulages, adepte de l’abstraction totale qui a choisi d’emblée de ne donner comme titre à ses tableaux que le triptyque technique / dimension / date de réalisation. Si les pièces de la fin des années 1940 (brous de noix ou gouaches sur papier) ont encore des réminiscences calligraphiques, très vite il s’écarte de tout référentiel possible, affirmant : « Je ne dis rien. Je ne représente pas. Je peins, je présente. » La suite de l’exposition en est une parfaite illustration, des couleurs retenues – ocres terreux ou bleus assourdis – émergeant dans le noir de la fin des années 1960 à cet étonnant lyrisme des fifties… Mention spéciale à la pauvreté de matériaux et l’intense pureté des lignes des rares goudrons sur verre de l’été 1948.

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ls junger Maler nimmt Pierre Soulages (geboren 1919) 1948 / 1949 an der von Ottomar Domnick1 organisierten Kollektiv-und Wanderausstellung Französische abstrakte Malerei teil. Neben Gemälden von etablierten Künstlern wie Herbin, Kupka und Konsorten wird eines seiner Werke ausgewählt um das Plakat zu illustrieren, Nussschalenbeize auf Papier von 1947 (in Baden-Baden präsentiert). Für den jungen Dreißigjährigen der damals nicht bekannt ist, wird der Moment grundlegend und illustriert den Platz Deutschlands – wo ihm auch 1960 in Hannover seine erste Retrospektive gewidmet wird – für seinen zukünftigen Weg. So ist es nur natürlich, dass das Museum Frieder Burda eine große monographische Ausstellung präsentiert, die einen Blick auf einen nun hundertjährigen Künstler wirft, der eine Hauptfigur der zeitgenössischen Kunst geworden ist, auf halbem Weg zwischen Superstar und Jedi-Meister. Sie öffnet sich mit monumentalen Werken, darunter drei unglaublichen vertikalen Streifen von vier Metern Höhe, die er 2019 realisierte. Man könnte darin fast die Krönung seines „Outrenoir“2 sehen, das eher ein Konzept als eine Farbe ist, 1979 geprägt wurde und dessen Genese wohlbekannt ist: „Ich bin vor einem Gemälde, das ich im Begriff bin zu verpfuschen. Ich bin unglücklich. Das Schwarz hat alles überwältigt. Die ganze Leinwand ist damit bedeckt. Müde gehe ich schlafen. Eine Stunde später wache ich auf, ich kehre vor das Bild zurück und entdecke, dass ich nicht mehr mit dem Schwarz arbeitete, sondern mit der Reflexion des Lichts auf dem Schwarz“, erklärt er3. Im riesigen Saal des Museums, in dem sich die Großformate aneinanderreihen – einige schweben im Raum und sind an der Decke aufgehängt – taucht jeder in das Herz eines mentalen Raums der Finsternis ein, aus dem der KünstlerAlchemist Helligkeit auftauchen lässt. Wir durchstreifen jubelnd dieses „Jenseits, das aus dem Lichtreflex auf dem Schwarz entsteht, der die Sensibilität des Betrachters berühren wird“, dank unterschiedlichen Texturen (glatt, kör-

2 Légendes Bildunterschriften 1. Peinture Öl auf Leinwand, 7 juillet 1957-1958. Kunstbesitz der Landeshauptstadt Hannover, Sprengel Museum Hannover © VG Bild-Kunst, Bonn 2020 2. Brou de noix sur papier Nussbeize auf Papier, 1947, collection Sammlung Domnick, Nürtingen © VG Bild-Kunst, Bonn 2020

nig, etc.) und Techniken (Abschaben, Abbeizen, etc.). Der Rest des Rundgangs ist eine Zeitreise, die die Kohärenz und Radikalität Soulages illustriert, eines Adepten der totalen Abstraktion, der von vornherein die Wahl getroffen hat, seine Gemälde nur mit dem Triptychon Technik/ Dimension/ Datum zu betiteln. Auch wenn die Werke vom Ende der 1940er Jahre (Nussschalenbeize oder Gouache auf Papier) noch an Kalligraphien erinnern, entfernt er sich sehr schnell von jeglicher möglicher Referenz und betont: „Ich sage nichts. Ich stelle nicht dar. Ich male, ich präsentiere.“ Der Rest der Ausstellung demonstriert dies auf perfekte Weise, zurückhaltende Farben – erdige Ockertöne oder schwaches Blau – tauchen Ende der 1960er Jahre aus dem Schwarz auf, mit dieser erstaunlichen Überschwänglichkeit der fifties... Hervorzuheben ist die Materialarmut und die intensive Reinheit der Linien der seltenen Teer-auf-Glas-Arbeiten aus dem Sommer 1948. Deutscher Arzt und Sammler, der sich für die Sichtbarkeit der Abstrakten Kunst seiner Zeit einsetzte, die er als ein Gegengift zur Kunst aus der Nazi-Zeit ansah Jenseits von Schwarz 3 Zitat aus einem Gespräch mit Pierre Soulages (der aufgrund der Pandemie nicht nach Baden-Baden gekommen ist), das wir mit ihm anlässlich seiner Ausstellung in Straßburg 2010 führten 1

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je et les autres Inspirée de l’œuvre de Milan Kundera, l’exposition collective La Fête de l’insignifiance explore les multiples figures de l’étranger.

ich und die anderen Die von Milan Kunderas Werk inspirierte Gruppenausstellung La Fête de l’insignifiance erkundet die zahlreichen Figuren des Fremden.

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Par Von Suzi Vieira

À la Kunsthalle (Mulhouse), jusqu’au 10 janvier 2021 In der Kunsthalle (Mulhouse), bis zum 10. Januar 2021 kunsthallemulhouse.com Exposition “Covid-2.0”, La Fête de l’insignifiance ne sera ouverte à la visite que le 2 janvier. Avant, de multiples expérimentations numériques sont proposées, notamment des visites personnalisées en ligne avec la commissaire Leïla Couradin. Programme complet des rendez-vous sur le site Die Ausstellung La Fête de l’insignifiance wird erst ab dem 2. Januar zu Besichtigen sein. Vorher werden zahlreiche digitale Experimente angeboten, darunter personalisierte Online-Besichtigungen mit der Kuratorin Leïla Couradin. Das komplette Programm finden Sie auf der Homepage. Légendes Bildunterschriften 1. La Kunsthalle © Sébastien Bozon 2. Kaltrinë Rrustemi, Hommage à la Guerre que je n’ai pas vécue, 2019. Courtesy de l’artiste

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ontée dans le cadre du projet transfrontalier Régionale 21 destiné à promouvoir les échanges entre France, Suisse et Allemagne, La Fête de l’insignifiance réunit les créations de onze jeunes talents. Comme l’écrivain tchèque malmené par l’Histoire de la Mitteleuropa et marqué au sceau de l’exil, à qui l’exposition emprunte son titre, les artistes présentés interrogent notre rapport à l’autre et à la frontière. Ainsi dans son Hommage à la Guerre que je n’ai pas vécue, la jeune bâloise d’origine kosovare Kaltrinë Rrustemi fait-elle le récit de ses souvenirs d’enfance dans la maison de sa grand-mère, témoignant des traces indélébiles qu’imprime l’Histoire sur nos vies. Autre coup de cœur : Silencios, de Pável Aguilar, une partition de musique toute entière faite de pauses et de soupirs, métaphore puissante de la condition des migrants. Entre mise en scène de l’impossible communication entre les êtres (par la suissesse Eva Borner) et performance sonore drolatique signée de deux “Ubu-geeks” français (Marion Aeschlimann et Arthur Debert), on assiste, chemin faisant, à la grande fête de l’étrangeté humaine.

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ie im Rahmen des grenzüberschreitenden Projekts Regionale 21 zwischen Frankreich, Deutschland und der Schweiz gezeigte Ausstellung La Fête de l’insignifiance, vereint die Kreationen von elf jungen Talenten. Wie der tschechische Autor, der von der Geschichte Mitteleuropas roh behandelt und vom Siegel des Exils geprägt wurde, hinterfragen die gezeigten Künstler unsere Beziehung zum Anderen und zur Grenze. So erzählt die junge Baslerin mit kosovarischen Wurzeln Kaltrinë Rrustemi mit Hommage an den Krieg, den ich nicht erlebt habe, ihre Kindheitserinnerungen im Haus der Großmutter, die von den unauslöschlichen Spuren zeugen, welche die Geschichte in unserem Leben hinterlässt. Ein anderer Favorit: Silencios von Pável Aguilar, eine komplette Musikpartition aus Pausen und Seufzern, eine starke Metapher für die Lage der Migranten. Von einer Inszenierung der unmöglichen Kommunikation zwischen den Lebewesen (von der Schweizerin Eva Borner) zu einer tolldreisten Klangperformance der beiden französischen „Ubu-Freaks“ Marion Aeschlimann und Arthur Debert, nimmt man unterwegs am großen Fest der menschlichen Seltsamkeit teil.



EXPOSITION AUSSTELLUNG

wartime Quels furent les contours de la période 1933-1945 à Bâle ? Éléments de réponse et de réflexion avec  Affaires de frontières. Was waren die Konturen der Periode 1933-1945 in Basel? Antworten und Überlegungen in Grenzfälle.

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Par Von Hervé Lévy

Au Historisches Museum / Barfüsserkirche (Bâle), jusqu’au 28 mars 2021 Im Historischen Museum / Barfüsserkirche (Basel), bis zum 28. März 2021 hmb.ch grenzfaelle.ch Vidéo avec visite de l’exposition en ligne sur grenzfaelle.ch Video mit Rundgang durch die Ausstellung unter grenzfaelle.ch

Responsable administratif et politique d’un Gau, subdivision territoriale de l’Allemagne nazie. Robert Wagner était à la tête du Gau Oberrhein 2 Abréviation de Nationalmannschaft signifiant “équipe nationale” de foot 3 Ouvrage antisémite de la fin du XIXe siècle décrivant les chefs du judaïsme complotant pour diriger la planète 1

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aire voler en éclats les clichés et les représentations simplistes. Tel est l’objet d’une exposition s’ouvrant – après un chapitre liminaire didactique évoquant le nazisme en général et ses traces dans le présent, où est notamment exposée la casquette du Gauleiter Wagner1 – par un rappel : en 1933, Bâle abritait quelque 20 000 ressortissants allemands. Les ramifications du NSDAP sont ainsi fort logiquement présentes dans la cité helvète avec une section locale du parti comptant jusqu’à 4 000 membres qui se réunissent dans le Deutsche Heim, inauguré en 1941. De nombreux objets témoignent de ce passé, que ce soit une carte de membre de la Hitlerjugend, un sinistre aigle de bronze ou des photos de graffitis antisémites de 1934, tandis qu’un fanion du Volksbund d’Ernst Leonhardt, où la croix gammée fait bon ménage avec les couleurs nationales suisse, rappelle que naissent en parallèle des organisations extrémistes locales. À l’opposé, des groupes communistes sont constitués. Souvent violente, leur lutte est vue comme une menace contre la neutralité et la démocratie par les autorités. Reste que leur position est ambivalente : les premières sont légales jusqu’en 1945, tandis que les seconds se voient interdits dès 1940. Pour sa part, la vie économique se poursuit, l’industrie chimique s’adaptant aux lois ra-

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ciales de son puissant voisin – qui est aussi 1 un partenaire commercial majeur – et les différentes foires ne connaissant pas de déclin réel (comme la Mustermesse, véritable ville dans la ville dont est présentée une maquette), alors que la population vit entre état d’urgence et normalité, peur d’une invasion allemande (en mai 1940, 25 000 personnes fuient la ville) et fierté nationale symbolisée par un maillot de la “Nati”2 porté par Rodolfo Kappenberger en 1942. De nombreux objets illustrent le quotidien de cette époque, jeu de société de 1943 évoquant les tickets de rationnement alors en vigueur, kit médical en cas d’alerte aérienne ou encore bougies et allumettes distribuées par les autorités aux plus pauvres lorsque le courant était coupé. Dans le tourbillon, les Juifs de Bâle – 1,7% de ses 170 000 habitants en 1933 –, soumis à de nouvelles formes de haine se défendent avec des moyens juridiques : un exemplaire des 3 Protocoles des Sages de Sion est ainsi barré d’une mention “Confisqué”. Passionnante également est la section décrivant l’accueil des réfugiés (près de 300 000 dans le pays jusqu’en 1945) : entre destinées individuelles émouvantes et grande histoire, se déploient les affres d’une époque où les frontières étaient hérissées de barbelés…


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lischees und vereinfachte Darstellungen auflösen. Das ist das Ziel einer Ausstellung, die – nach einem einführenden Kapitel über den Nationalsozialismus im Allgemeinen und seine Spuren in der Gegenwart, in dem die Mütze des Gauleiters Wagner1 gezeigt wird – mit einer Erinnerung beginnt: Im Jahr 1933 wohnten in Basel fast 20 000 deutsche Staatsangehörige. Die Verzweigungen der NSDAP sind somit logischerweise in der Schweizer Stadt präsent, mit einer lokalen Abteilung der Partei von bis zu 4 000 Mitgliedern, die sich im 1941 eingeweihten Deutschen Heim versammeln. Zahlreiche Objekte zeugen von dieser Vergangenheit, darunter eine Mitgliedskarte der Hitlerjugend, ein düsterer Bronzeadler oder Photographien von antisemitischen Graffitis von 1934, während ein Wimpel des Volksbundes von Ernst Leonhardt, dessen Hakenkreuz gut zu den Nationalfarben der Schweiz passt, daran erinnert, dass parallel dazu lokale extremistische Organisationen entstehen. Auf der anderen Seite werden kommunistische Gruppen gegründet. Da sie oft gewalttätig sind, wird ihr Kampf von den Autoritäten als eine Bedrohung der Neutralität und Demokratie eingestuft. Deren Position ist ambivalent: Erstere sind bis 1945 legal, während letztere ab 1940 verboten werden.

fliehen 25 000 Personen aus der Stadt) und Nationalstolz, der von einem Trikot der „Nati“2 symbolisiert wird, das 1942 von Rodolfo Kappenberger getragen wurde. Zahlreiche Objekte illustrieren den Alltag dieser Epoche, Gesellschaftsspiele von 1943, die Lebensmittelmarken thematisieren, welche zu dieser Zeit gelten, medizinische Notfallsets im Falle von Bombenalarm oder auch Kerzen und Streichhölzer, die von den Autoritäten an die Ärmsten verteilt wurden, während der Strom abgestellt wurde. In diesen unruhigen Zeiten verteidigen sich die Basler Juden – 1,7% seiner 170 000 Einwohner im Jahr 1933 –, die mit neuen Formen des Hasses konfrontiert sind, mit juristischen Mitteln: So ist ein Exemplar der Protokolle der Weisen von Zion3 mit der Bemerkung „Beschlagnahmt“ durchgestrichen. Sehr interessant ist außerdem das Kapitel, das den Empfang von Flüchtlingen thematisiert (fast 300 000 im Land bis ins Jahr 1945): Zwischen bewegenden Einzelschicksalen und großer Geschichte tun sich die Abgründe einer Epoche auf, in der die Grenzen mit Maschendrahtzäunen markiert wurden... Administrativer und politischer Verantwortlicher eines Gaus, einer Gebietsunterteilung Nazideutschlands. Robert Wagner war der Leiter des Gaus Oberrhein. Abkürzung für die Fußball-Nationalmannschaft 3 Antisemitisches Werk vom Ende des 19. Jahrhunderts, das die Verschwörung führender Juden zur Übernahme der Weltherrschaft beschreibt 1

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Das wirtschaftliche Leben seinerseits geht weiter, die Chemie-Industrie passt sich an die Rassengesetze des mächtigen Nachbarn an – der auch einer der größten Geschäftspartner ist – und die verschiedenen Messen erleben keinen wirklichen Abschwung (wie die Mustermesse, eine echte Stadt in der Stadt, von der hier ein Modell gezeigt wird), während die Bevölkerung zwischen Notstand und Normalität lebt, zwischen Angst vor einer deutschen Invasion (im Mai 1940

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Légendes Bildunterschriften 1. Seringue de neocid de l’entreprise Geigy Neocid-Spritze der Firma Geigy 2. Barbelés de la frontière entre l’Allemagne et la Suisse Stacheldraht des Grenzzauns zwischen Deutschland und der Schweiz 3. Carte de la jeunesse hitlerienne à Bâle Karte der Hitlerjugend Standort Basel

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life on earth D’une brûlante actualité, La Terre aux limites est une exposition bâloise salutaire dressant un état des lieux d’une planète au bord de l’asphyxie. Erde am Limit ist eine Ausstellung von brennender Aktualität in Basel, die eine Bestandsaufnahme eines Planeten kurz vor dem Ersticken macht.

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Par Von Raphaël Zimmermann Photos de von Kostas Maros

Au Naturhistorisches Museum (Bâle), jusqu’au 30 mai 2021 Im Naturhistorischen Museum (Basel), bis zum 30. Mai 2021 nmb.bs.ch

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e constat est simple : depuis l’apparition de l’Homme et la structuration des sociétés, le besoin sans cesse croissant d’espace et de ressources naturelles a exercé une pression sur l’écosystème global. Si celle-ci a pu être jugée longtemps supportable, ce n’est plus le cas aujourd’hui, faisant redouter un basculement. La planète bleue tousse. Étouffe. Cette exposition du Naturhistorisches Museum de Bâle illustre de manière didactique et parfois ludique la rupture des équilibres entre l’Humanité et son environnement, donnant à réfléchir à notre destinée. Elle est construite en six parties correspondant chacune à un enjeu vital, une des plus significatives étant intitulée Trop

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chaud ! évidemment consacrée au réchauffement climatique : « Depuis l’ère préindustrielle, la température mondiale moyenne a augmenté d’un degré centigrade et même de deux degrés en Suisse », explique le commissaire de l’exposition, Mathias Kölliker. Les responsables ? Gaz à effet de serre et déforestation, en premier lieu. La confrontation saisissante d’images de glaciers alpins en forme d’avant / après en livre une illustration aussi esthétisante qu’anxiogène : la glace a laissé place à la terre. Partout, le visiteur est invité à comprendre de manière simple ces métamorphoses, que ce soit l’effet de serre – expliqué de manière


limpide par l’expérience – ou, autre thématique, la raréfaction de l’eau douce en raison de la surconsommation. Une imposante tour faite de 4 069 bouteilles de plastique d’un litre montre la consommation moyenne d’eau d’un habitant helvète ! Un diorama de mouettes naturalisées recouvertes de fioul explicite crûment la pollution des mers, tout comme un mur de déchets symbolisant ce nouveau continent en croissance continue, composé de déchets de plastique. D’autres sections sont consacrées à la surexploitation des terres, aux polluants dans l’air qui se retrouvent partout (et pas uniquement dans les grandes villes)… Au final, cette exposition pousse intelligemment chacun, grand ou petit, à se poser la question de son rapport au monde, de ses relations avec les autres espèces animales et végétales. Il est même possible de se décharger de ses péchés dans le domaine dans un “confessionnal écologique” !

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ie Feststellung ist simpel: Seit der Erscheinung des Menschen und der Strukturierung der Gesellschaften übt der ständig wachsende Bedarf an Raum und natürlichen Ressourcen einen Druck auf das globale Ökosystem aus. Lange galt dieser als erträglich, heute ist dies nicht mehr der Fall, ein Kippen der Situation wird befürchtet. Der blaue Planet hustet. Erstickt. Diese Ausstellung im Naturhistorischen Museum Basel illustriert auf didaktische und manchmal spielerische Weise den Bruch im Gleichgewicht zwischen der Menschheit und ihrer Umwelt, was zum Nachdenken über unser Schicksal anregt. Sie ist in sechs Kapitel unterteilt, die jeweils einer vitalen Herausforderung

entsprechen, eine der bedeutungsvollsten trägt den Titel Too Hot! und ist natürlich der Klimaerwärmung gewidmet: „Seit dem vorindustriellen Zeitalter ist die DurchschnittsTemperatur auf der Erde um ein Hundertstelgrad, in der Schweiz sogar um zwei Grad gestiegen“, erklärt der Ausstellungskurator Mathias Kölliker. Die Verantwortlichen? Treibhausgase und Abholzung an erster Stelle. Die Gegenüberstellung von Vorher-Nachherbildern der Alpengletscher illustriert dies auf ebenso ästhetische wie beängstigende Weise: Das Eis hat der Erde Platz gemacht. Überall wird der Besucher dazu eingeladen auf einfache Weise diese Metamorphosen zu verstehen, vom Treibhauseffekt – der durch ein Experiment sehr anschaulich erklärt wird – zur Süßwasserknappheit, die auf übermäßigen Konsum zurückzuführen ist. Ein beeindruckender Turm aus 4069 Literflaschen aus Plastik zeigt den durchschnittlichen Wasserkonsum eines Schweizers! Ein Diorama aus präparierten Möwen, die mit Öl bedeckt sind, drückt knallhart die Verschmutzung der Meere aus, ebenso wie eine Wand aus Abfall, die diesen sich stets vergrößernden Kontinent aus Plastikmüll symbolisiert. Andere Abteilungen sind der Übernutzung des Bodens gewidmet, den Luftschadstoffen, die sich überall wiederfinden (nicht nur in den Großstädten)... Und schließlich bringt diese Ausstellung jeden, Groß oder Klein, dazu, sich Fragen zu seiner Haltung zur Welt, seiner Beziehung mit der Tier-und Pflanzenwelt zu stellen. Man kann sich in diesem Bereich sogar in einem „ökologischen Beichtstuhl“ von seinen Sünden befreien! Poly 234

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seigneur de lumière Avec Illuminé – L’univers des Bouddhas, le Museum der Kulturen Basel propose un voyage dans les divers courants du bouddhisme, ses représentations et pratiques rituelles.

herr des lichts Mit Erleuchtet – Die Welt der Buddhas präsentiert das Museum der Kulturen Basel eine Reise in die verschiedenen Strömungen des Buddhismus, seine Repräsentationen und rituellen Praktiken.

Par Von Thomas Flagel

Au Museum der Kulturen Basel, jusqu’au 23 janvier 2022 Im Museum der Kulturen Basel, bis zum 23. Januar 2022 mkb.ch Pour pallier aux contraintes de la Covid-19, un digitorial permet une expérience interactive supplémentaire autour de l’apparence de Bouddha sur erleuchtet.mkb.ch/fr Als Antwort auf die pandemiebedingten Einschränkungen erlaubt ein Digitorial eine interaktive Erfahrung rund um Buddhas Erscheinung auf erleuchtet.mkb.ch

* Selon les pays, le stupa indien prend les noms de dagoba au Sri Lanka, paya au Myanmar, chedi en Thaïlande, ta en Chine, to au Japon ou chörten au Tibet * Je nach Land trägt die indische Stupa den Namen Dagoba in Sri Lanka, Paya in Myanmar, Chedi in Thailand, Ta in China, To in Japan oder Chörten in Tibet

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iddhārtha Gautama est l’un des prophètes les plus importants de l’Histoire de l’Humanité. Sa vie et ses préceptes conduisirent des moines errants, quatre siècles avant Jésus Christ, à diffuser ses enseignements menant, dans une démarche de méditation contemplative, à venir à bout de toutes les causes de la souffrance. Cet éveil spirituel jusqu’à la pleine conscience défiant envies, haines, désirs et peines est aujourd’hui recherché par plus de 380 millions de personnes dans le monde. Avec quelque 280 objets présentés, le Museum der Kulturen Basel approche l’incroyable diversité de symboles et de représentations à travers le monde, d’une monumentale statue japonaise de Bouddha, à une autre, haute de quelques centimètres à peine, venant du Cachemire. L’exposition chemine aussi à travers la roue de la connaissance, en perpétuel renouveau, qui accompagne cette quête philosophique devenue, au fil des siècles, une religion avec moines, rituels et dogmes. Parmi les 50 représentations ici réunies de l’être de lumière, la tradition le montre, tour à tour, assis sur son trône de lotus, ou en prince portant beau, bijoux et robe précieuse de souverain, rappelant que Siddhârta est né d’une famille royale dans un village du Népal jouxtant l’Inde. Mais ce sont les détails du visage (paisible, parfois incliné vers l’avant) et des mains (appelées mudras) qui reflètent pour les initiés différentes caractéristiques ou actions. Lorsqu’il est entouré de sept têtes de reptiles, c’est qu’il a reçu l’aide du roi des serpents, Mucalinda, pour le protéger d’une tempête. Cette vision de Bouddha, plein de

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lumière dorée, entouré des nagas issus d’un mythe non-bouddhique, permit de diffuser sa parole dans toute l’Asie depuis le VIIe siècle. Aux symboles qui avaient cours au temps de ses premiers adeptes – l’empreinte de ses pieds par exemple, Bouddha ayant refusé que sa personne soit vénérée à l’image d’un dieu – pour évoquer ses enseignements, alors transmis oralement, succèdera un grand nombre de reliquaires, sculptures et peintures. Ainsi se sont développées les stupas*, monument circulaire à base carrée destiné à l’origine à recevoir les restes humains considérés comme sacrés, utilisés comme représentation entre le monde physique et le monde spirituel. Au fil du temps, divers courants sont apparus, certains virant même à l’affrontement, notamment au Tibet. Leurs moyens pour atteindre le Nirvana divergent. Le renoncement matériel, la méditation et l’abstinence font partie des plus partagés, même si les rituels ont fleuri (récitation de mantras, offrandes aux bodhisattvas ayant démontré une compassion infinie…), à l’instar du Vajrayana où ils indiquent la voie pour atteindre l’illumination : la cloche et le sceptre de diamant – le vajra –, les modestes autels de voyage sanglés ou les cylindres de prière.

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iddhārtha Gautama ist einer der wichtigsten Propheten der Menschheitsgeschichte. Sein Leben und seine Gebote führten Wandermönche vier Jahrhunderte vor Christus dazu, seine Lehren zu verbreiten, die dazu führen, anhand einer Methode der kontemplativen Meditation, alle Ursachen des Leidens zu beenden. Dieses spirituelle Erwachen bis hin zum vollen Bewusstsein,


Buddha Amitabha, Japon Japan, Collection Sammlung F. Sarasin, Donation Schenkung 1941 © Photo: Museum der Kulturen Basel / Omar Lemke

das Lust, Hass, Verlangen und Leid herausfordert, wird heute von mehr als 380 Millionen Menschen auf der Welt erstrebt. Mit fast 280 Ausstellungsstücken nähert sich das Museum der Kulturen Basel der unglaublichen Vielfalt der Symbole und Repräsentationen aus aller Welt an, von einer monumentalen japanischen Buddha-Statue bis zu einer anderen von wenigen Zentimetern Höhe aus Kaschmir. Die Ausstellung befasst sich auch mit dem Rad der Erkenntnis, das sich unendlich erneuert und diese Philosophie begleitet, die im Laufe der Jahrhunderte zu einer Religion mit Mönchen, Ritualen und Dogmen geworden ist. In den hier vereinten 50 Darstellungen des Lichtwesens, zeigt die Tradition es der Reihe nach auf einem Lotus-Thron sitzend oder als Prinz, der die schönen Schmuckstücke und wertvollen Gewänder eines Souveräns trägt, was daran erinnert, dass Siddhārtha in einer königlichen Familie in einem Dorf in Nepal an der Grenze zu Indien geboren wurde. Aber es sind die Details des Gesichts (friedlich, manchmal nach vorne gebeugt) und Hände (Mudras genannt), die für Eingeweihte verschiedene Charakteristiken und Aktionen widerspiegeln. Wenn er von sieben Reptilien-Köpfen umgeben ist, hat er die Hilfe des Schlangenkönigs Mucalinda erhalten, der ihn vor einem Unwetter schützt. Diese Vision

Buddhas, voll goldenen Lichts, umgeben von den Nagas aus einem nicht-buddhistischen Mythos, erlaubte es, sein Wort ab dem 7. Jahrhundert in ganz Asien zu verbreiten. Auf die Symbole, die zu den Zeiten seiner ersten Anhänger üblich waren – zum Beispiel der Abdruck seiner Füße, da Buddha es ablehnte, dass seine Person wie ein Gottesbild verehrt werde – um sich auf seine Lehren zu beziehen, die mündlich weitergegeben wurden, folgte eine große Anzahl von Reliquien, Skulpturen und Gemälden. So haben sich die Stupas* entwickelt, runde Bauwerke mit quadratischer Basis – ursprünglich dazu gedacht, die als heilig angesehenen menschlichen Überreste zu empfangen – welche als Darstellung zwischen der physischen und spirituellen Welt dienen. Im Laufe der Zeit sind verschiedene Strömungen entstanden, auch mit einigen Auseinandersetzungen, insbesondere in Tibet. Ihre Wege um das Nirwana zu erreichen weichen voneinander ab. Der Verzicht auf alles Materielle, die Meditation und die Abstinenz sind weit verbreitet, auch wenn Rituale aufblühten (Aufsagen von Mantras, Opfergaben an die Bodhisattvas, die unendliches Mitgefühl demonstrierten...), die dem Beispiel des Vajrayana folgen, in dem sie den Weg zur Erleuchtung aufzeigen: Die Glocke und das Zepter aus Diamanten – der Vajra –, die bescheidenen Reisealtäre oder die Gebetsmühlen. Poly 234

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EXPOSITION

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peur sur la ville Avec Fantasmagorie, les lanternes de peur entre science et croyance, le Musée alsacien revient sur l’incroyable créativité de l’un des ancêtres du cinéma et de ses “bricoleurs illusionnistes” de génie.

Par Thomas Flagel

Au Musée alsacien (Strasbourg), jusqu’au 22 mars 2021 musees.strasbourg.eu

Légendes 1. Plaque pour fantasmagorie représentant des squelettes, sorcières et monstres ailés, vers 1840. 2. Plaque articulée pour fantasmagorie, tête de monstre aux yeux mouvants, vers 1850. Collection François Claire Martin Arthur Binetruy. Photo : M. Bertola, Musées de Strasbourg

Invention de Christiaan Huygens, en 1659, qui permet de projeter une image peinte sur une plaque de verre insérée dans un appareil entre une source lumineuse et un jeu de lentilles 2 Pratiques et rituels occultes, dits magiques 1

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i le terme de fantasmagorie est aujourd’hui entré dans le langage courant, nombreux sont ceux qui ignorent ses origines. À la fin du XVIIe siècle, différents individus – souvent pourvus d’une solide formation scientifique – détournent à leur manière les possibilités offertes par les lanternes magiques1. Ils les placent derrière des écrans afin de provoquer l’illusion d’apparitions et de présences spectrales, les animent de mouvements plus ou moins diaboliques grâce à des mécanismes et divers techniques spectaculaires de magiciens déstabilisant les sens. Le tout fut nommé avec un certain brio et parvint jusqu’à nous. Pas étonnant qu’un certain Méliès utilise, jusqu’au début du XX e siècle, les mêmes techniques dans ses spectacles et ses trucages pour le cinéma naissant. La fantasmagorie ne devance que de quelques dizaines d’années l’apparition de la photographie, et d’une centaine l’invention des frères Lumière. Candice Runderkamp-Dollé, co-comissaire de l’exposition, rappelle d’ailleurs qu’elle ne « découle pas d’une invention mais de la conjonction de divers éléments habilement mis en scène par de talentueux hommes de spectacle : un procédé ancien – la lanterne magique – et des expériences scientifiques novatrices (chimie, optique…), alliés à une thématique macabre qui puise dans le préromantisme et l’esthétique gothique, trouve un écho singulier dans le contexte politique et social de la Terreur, auprès d’un public

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féru d’ésotérisme. » Les “lanternes de peur” font frissonner le public européen, puisant dans la fascination pour la nécromancie2 et les apparitions. Leur âge d’or coïncide avec la fin de l’Ancien Régime et les grandes heures du romantisme. Le Faust de Goethe comme les peintures effrayantes de Füssli et Goya leur sont contemporaines. Sur les plaques de verre dont les motifs prennent vie sur des nuages de fumées, des murs drapés de noir ou des écrans, se dévoilent des diablotins cornus à longue queue et pattes crochues, des squelettes ricanant se coupant la tête, une faucheuse drapée de blanc tenant un sablier à la main, un enfant chevauchant une chimère colorée ou encore des cortèges de monstres et de sorcières festoyant gaiement. Cet art trompeur déjoue nos sens avec l’apparition de fondus enchaînés grâce à de petits mécanismes et s’inscrit dans une ambiance effrayante. Des ventriloques jouent des dialogues avec des absents, des comédiens grimés en fantômes transpercent les apparitions avec des épées, de petites boules explosives, faites de verre fin rempli d’espritde-vin, sont enfoncées dans des bougies. En éclatant au contact de la chaleur, leur bruit fait sursauter avant que le souffle n’éteigne la flamme provoquant l’effroi de l’obscurité. Les maîtres de l’épouvante étaient nés.


AUSSTELLUNG

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angst über der stadt Mit Phantasmagorien, Laternen der Angst zwischen Wissenschaft und Aberglauben, betrachtet das Musée alsacien die unglaubliche Kreativität eines Vorfahren des Kinos und seiner genialen Illusionisten.

Von Thomas Flagel

Im Musée alsacien (Straßburg), bis 22. März 2021 musees.strasbourg.eu

Bildunterschriften 1. Platte für Phantasmagorien, mit Skeletten, Hexen und geflügelten Monstern, um 1840 2. Bewegliche Platte für Phantasmagorien, Monsterkopf mit beweglichen Augen, um 1850 Sammlung François Claire Martin Arthur Binetruy. Photo : M. Bertola, Musées de Strasbourg

Erfindung von Christiaan Huygens im Jahr 1659, die es erlaubt, ein gemaltes Bild auf eine Glasplatte zu projizieren, die in einem Apparat zwischen einer Lichtquelle und einem Satz Linsen steckt 2 Okkulte Praktiken und Rituale, die als magisch bezeichnet werden 1

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uch wenn der Begriff Phantasmagorie heute in den Sprachgebrauch eingegangen ist, verkennen viele seine Ursprünge. Ende des 17. Jahrhunderts verfremden verschiedene Individuen – oft mit einer soliden wissenschaftlichen Ausbildung – auf ihre Art die Möglichkeiten, die die Lanterna magica1 bietet. Sie platzieren sie hinter Leinwänden um die Illusion von Erscheinungen und Gespenstern zu erzeugen, animieren sie mit mehr oder weniger teuflischen Bewegungen, dank Mechanismen und diversen ZauberTechniken, die die Sinne verwirren. Das Ganze wurde brillant getauft und drang bis zu uns durch. Es erstaunt nicht, dass ein gewisser Méliès bis zum Anfang des 20. Jahrhunderts die selben Techniken in seinen Spektakeln und Trickaufnahmen für das entstehende Kino verwendete. Die Phantasmagorie entsteht nur einige wenige Jahre vor der Erfindung der Photographie und hundert Jahre vor der Erfindung der Gebrüder Lumière. Candice Runderkamp-Dollé, Co-Kuratorin der Ausstellung, erinnert daran, dass sie „nicht aus einer Erfindung sondern der Verbindung diverser Elemente entsteht, die von talentierten Männern inszeniert wurde: Ein altes Verfahren – die Lanterna magica – und innovative wissenschaftliche Experimente (Chemie, Optik...), verbunden mit einer makabren Thematik, die aus der frühren Romantik und der Ästhetik der Gotik schöpft, findet ein besonderes Echo im politischen und sozialen Kontext der Terrorherrschaft, bei einem Publikum, das

verrückt nach Esoterik ist.“ Die „Lanternen der Angst“ lassen das europäische Publikum erschaudern, profitieren von der Faszination für Totenbeschwörungen2 und Erscheinungen. Ihr goldenes Zeitalter fällt mit dem Ende des Ancien Régime und den großen Stunden der Romantik zusammen, zu denen Goethes Faust und die Furcht erregenden Gemälde von Füssli und Goya gehören. Auf den Glasplatten, deren Motive auf Rauchwolken zum Leben erweckt werden, schwarz verhüllten Wänden oder Leinwänden, entfalten sich kleine Teufel mit Hörnern, langen Schwänzen und gekrümmten Beinen, hämisch lachende Skelette, die sich den Kopf abschneiden, ein in weiß gehüllter Sensenmann mit einer Sanduhr in der Hand, ein Kind, das auf einer bunten Chimäre reitet oder auch Prozessionen von Monstern und Hexen, die fröhlich feiern. Diese Kunst der Täuschung spielt mit unseren Sinnen, mit dem Auftauchen von Überblendungen, die durch kleine Mechanismen erzeugt werden und sich in eine beängstigende Stimmung einfügt. Bauchredner halten Dialoge mit Abwesenden, als Gespenster geschminkte Schauspieler erstechen Erscheinungen mit Schwertern, kleine explosive Kugeln aus feinem Glas, die mit Weingeist gefüllt sind, werden in Kerzen gesteckt. Wenn sie beim Kontakt mit der Hitze zerspringen, lässt das Geräusch aufschrecken, bevor der Luftzug die Flamme erlöscht, was zum Grauen der Dunkelheit führt. Die Meister des Horrors waren geboren.

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partenaires particuliers Monstres sacrés, Le Corbusier et Jean Prouvé étaient Proches à distance : une exposition explore leur liens.

besondere partner Die beiden Superstars Le Corbusier und Jean Prouvé waren Nah und distanziert: Eine Ausstellung erkundet ihre Verbindungen.

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Par Von Hervé Lévy

Au Musée Pierre-Noël (SaintDié-des-Vosges) jusqu’au 3 janvier 2021 Im Musée Pierre-Noël (SaintDié-des-Vosges) bis zum 3. Januar 2021 ca-saintdie.fr

Légende Bildunterschrift Le Corbusier, Bernard Ogé, Jacques Ogé, avec mit Jean Prouvé, Aéro-club de von Doncourt-lès-Conflans, 19521954, Centre Pompidou, MnamCCI Paris, don de Schenkung von Bernard Ogé

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hotographies, plans, meubles et autres croquis illustrent la destinée de deux géants qui ne vont cesser de se côtoyer, œuvrant ensemble de manière sporadique, notamment au cours des années de reconstruction, après 1945… même si cette collaboration ne connut jamais le succès que leurs talents conjugués pouvaient laisser entrevoir. Le visiteur découvre les liens tissés entre Le Corbusier et Jean Prouvé au cours des années 1950 dans des projets comme celui de l’aéroclub de Doncourt-lès-Conflans ou de logements pour une société d’HLM à Lagnysur-Marne… qui furent des échecs. Au fil de l’exposition se dessine une histoire de la modernité, de meubles révolutionnaires (installés dans l’Unité d’habitation de Briey) en exquises esquisses, qui est aussi celle d’une estime réciproque : « Jean Prouvé exprime d’une manière singulièrement harmonieuse le type du ”constructeur” qui n’est pas encore accepté par la loi mais qui est réclamé par l’époque que nous vivons », écrivit ainsi Le Corbusier, en 1954.

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hotographien, Pläne, Möbel und Skizzen illustrieren das Los zweier Giganten, die ohne Unterlass miteinander verkehrten, sporadisch gemeinsam arbeiteten, insbesondere in den Jahren des Wiederaufbaus nach 1945... selbst wenn ihre Zusammenarbeit nie den Erfolg erzielte, den ihre vereinten Talente erwarten ließen. Der Besucher entdeckt die Verbindungen, die Le Corbusier und Jean Prouvé im Laufe der 1950er Jahre knüpften, mit Projekten wie jenem des Aeroklubs Doncourt-lès-Conflans oder der Wohnungen für eine Gesellschaft für Sozialen Wohnungsbau in Lagny-sur-Marne... die scheiterten. Im Laufe der Ausstellung zeigt sich eine Geschichte der Modernität revolutionärer Möbel (installiert in einer Wohneinheit in Briey) in herrlichen Skizzen, die auch jene einer gegenseitigen Wertschätzung ist: „Jean Prouvé drückt auf besonders harmonische Weise einen Typ des „Konstrukteurs“ aus, der noch nicht vom Gesetz akzeptiert, aber von der Epoche gefordert wird, in der wir leben“, schrieb Le Corbusier im Jahr 1954.



bang, bang-gang À partir du dernier récit polyphonique de Sonia Chiambretto, Hubert Colas crée Superstructure au TNS. Une traversée de l’histoire contemporaine algérienne, entre violence et mémoire fantôme d’une oppression perdurant depuis l’époque coloniale.

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Par Thomas Flagel Photo de Julian Johannes Olbrich

Au Théâtre national de Strasbourg, du 21 au 30 janvier 2021 tns.fr diphtong.com

Paru à L’Arche arche-editeur.com C’est ainsi que l’armée française nommait les exécutions sommaires, s’apparentant à des crimes de guerre 2 Mouvement de contestation populaire pacifique qui visait en février 2019 à s’opposer à un cinquième mandat du président Bouteflika et qui continue, malgré la répression, à réclamer plus de liberté et de démocratie

oilà plus de dix ans que Sonia Chiambretto chemine avec ce récit fleuve. Il fallait bien ça tant le sujet constitue l’un des angles morts du travail mémoriel de la France comme de l’Algérie. Si les autorités hexagonales viennent tout juste d’ouvrir aux historiens et aux citoyens les archives des disparus de la guerre d’indépendance algérienne, les plaies sont encore vives. Soutien à l’OAS, sort des Harkis, corvée de bois1, massacres de Sétif en 1945… Autant de pans peu glorieux de conflits dans lesquels plonge sans sourciller l’autrice, liant la violence de cette domination coloniale à celle qui oppresse jusqu’à aujourd’hui un peuple « pris en otage par la France, puis par le FLN, puis par ses gouvernements autoritaires successifs liés à l’Armée », assure Hubert Colas. « Même le Hirak2, dont la contestation dure depuis presque deux ans, n’empêche pas le nouveau président d’être depuis plusieurs mois soigné en Allemagne et le pays d’être dirigé par des oligarques et des militaires. »

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Si le texte débute en pleine “décennie noire”, entre check-points et exactions de l’armée algérienne dont les soldats, shootés et grimés de fausses barbes, massacrent des villages, très vite les époques se mélangent dans une poésie sombre. Alger prend des atours futu-

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ristes, entre utopie architecturale et dystopie sociétale. Sur scène, les corps sont exposés sur un double plateau montrant le Plan Obus imaginé par Le Corbusier qui traverse la pièce et devient un espace de projection de vidéos d’archives et d’images tournées par l’équipe dans la ville blanche. Dans Superstructure, chacun est armé, vivant reclus ou trompant la mort en sortant, bravache, l’arme au poing dans des rues où tout peut arriver, surtout le pire. GIA, Afghans plein de super-pouvoirs diffusant des K7 d’Oussama, « Jihadi spoken word » inondant les chaînes satellites, slogans échangés par de jeunes embrigadés (« kalash ! k’lash ! Bang, bang-gang ») poussés à en découdre, corps sans tête dans les vergers, litanies de poètes et intellectuels assassinés (Tahar Djaout, Matoub Lounès...), attentats d’Aqmi… Les rires sans fin à cause de la peur succèdent aux larmes. Le metteur en scène réunit « des acteurs aux origines diverses, une jeune génération venant témoigner et convoquer l’intimité d’une mémoire familiale fantôme qui rôde en nous et avec laquelle l’époque actuelle – couvre-feu, répression policière, etc. – résonne fortement. Les sociétés veulent nous faire oublier les formes de trauma dont nous héritons de nos ancêtres. Le théâtre peut être l’endroit de leur expression collective. »



bad ass girls Deuxième édition de L’Année commence avec elles, temps fort de Pôle Sud autour des nouvelles générations de chorégraphes. Zweite Auflage von L’Année commence avec elles, ein Höhepunkt in Pôle Sud, rund um eine neue Generation von Choreografen.

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Par Von Irina Schrag Photo de von Ayka Lux (i-clit)

À Pôle Sud (Strasbourg), du 13 au 27 janvier 2021 In Pôle Sud (Straßburg), vom 13. bis 27. Januar 2021 pole-sud.fr iU an Mi de von Lali Ayguadé, 13 & 14/01 Lost in Ballets russes de von Lara Barsacq, 19 & 20/01 Graces de von Silvia Gribaudi, 21 & 22/01 i-clit de von Mercedes Dassy, 26 & 27/01

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i la pandémie empêche la venue de la brésilienne Cristina Moura ou le comeback attendu d’Oona Doherty, cette version resserrée du rendez-vous au féminin strasbourgeois ne manquera pas de prises de positions fortes. Mercedes Dassy est de ces performeuses indomptables. Dans i-clit (26 & 27/01), la Bruxelloise évolue dans la nouvelle vague du féminisme, pop et mainstream, ultra-connectée et sexuée mais non moins politisée. Short de boxe et chaines en or sur haut transparent, veste courte à poils blancs et baskets sous des rails de néons, elle multiplie les postures fortes sur le Flawless de Beyoncé (qui sample un discours de Chimamanda Ngozi Adichie) ou un tube synth-pop de la suédoise Tami T. « Elle nous force à parler son langage » comme le dit Véronique Sanson dans Amoureuse, qui clôt la pièce d’étonnante façon alors que Mercedes twerk allègrement, dos à nous. Libre qu’on vous dit ! Quant à Silvia Gribaudi, c’est aux normes qu’elle s’attaque (Graces, 21 & 22/01) avec son corps tout en rondeurs, bien loin des codes du milieu. Elle offre la sensualité de sa chair en contrepoint des enveloppes charnelles de ses trois partenaires masculins en traversant avec humour et subtilité peinture néoclassique et danse classique, voguing, haka ou encore kung-fu.

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ie Pandemie verhindert zwar das Kommen der Brasilianerin Christina Moura oder das erwartete Comeback von Oona Doherty, aber diese kleinere Version des Straßburger Rendez-vous wird trotzdem starke Positionen vertreten. Mercedes Dassy gehört zu diesen unbändigen Performancekünstlerinnen. In i-clit (26.& 27.01.) schwimmt die Brüsslerin auf der neuen Welle des Feminismus, pop und mainstream, immer online und geschlechtlich, aber nicht weniger politisiert. Boxer-Shorts und goldene Ketten zu transparentem Oberteil, kurze Weste mit weißem Fell und Turnschuhe, zahlreiche starke Posen zu Flawless von Beyoncé (die eine Rede von Chimamanda Ngozi Adichie aufnimmt) oder einem Synthiepop-Hit der Schwedin Tami T. „Sie zwingt uns dazu, ihre Sprache zu sprechen“, wie es Véronique Sanson in Amoureuse sagt, die das Stück auf erstaunliche Weise beendet, während Mercedes uns beim Twerking den Rücken zukehrt. Frei, sagen wir Ihnen! Silvia Gribaudi ihrerseits beschäftigt sich mit Normen (Graces, 21. & 22.01.) mit ihrem durch und durch runden Körper, fernab der Codes des Milieus. Sie bietet die Sinnlichkeit ihres Fleisches als Gegengewicht zu den Körpern ihrer drei maskulinen Partner, spielt mit Humor und Feinsinnigkeit mit neoklassischen Gemälden und klassischem Tanz, Voguing, Haka-Tanz oder auch Kung Fu.



THÉÂTRE

quiproquo qui croyait prendre Pas à un paradoxe près, Julia Vidit met en scène, avec sa compagnie Java Vérité, Le Menteur de Corneille. Entre faste et paraître, la pièce devient une réflexion sur le pouvoir, la place des femmes et les carcans sociétaux.

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Par Thomas Flagel Photos d’Anne Gayan

À la MALS (Sochaux), jeudi 17 décembre mascenenationale.eu Au Escher Theater (Esch-surAlzette), jeudi 21 et vendredi 22 janvier 2021 theatre.esch.lu Au Théâtre de Charleville-Mézières, jeudi 18 mars 2021 charleville-mezieres.fr Conférence Le Menteur 2.0 / Guillaume Cayet, mercredi 17 mars 2021 au Foyer du TMC (18h) javaverite.fr

assée par le Conservatoire national supérieur d’Art dramatique de Paris après avoir grandi à Metz, Julia Vidit a débuté l’histoire de sa compagnie avec Pierre Desproges, Thomas Bernhard et Ivan Viripaev. La voir cheminer avec Pierre Corneille n’est qu’une demi surprise tant elle recherche « des illusions théâtrales propices à donner le vertige à la réalité ». Dans cette comédie de mœurs d’un XVIIe siècle tout à fait baroque, Dorante gagne Paris avec son valet Cliton. Pour s’y faire une place digne de ses ambitions, il se présente comme un glorieux et vaillant chevalier venu d’Allemagne. Loin, très loin de l’étudiant de Poitiers qu’il est. Maniant éloquence et art du charme, il séduit sans vergogne Clarisse, qu’il prend pour sa cousine Lucrèce. Le beau parleur s’invente même organisateur de bal avec collation, musique et filles conquises. Mais, dans un décor rougeoyant avec des murs de miroirs, rien ne peut véritablement se dissimuler… Dans leurs costumes modernes aux couleurs fluos et flashys – baskets aux pieds, corsets satinés sur pantacourts et vestes luisantes – le grand manipulateur multiplie les intrigues.

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Son audace fait d’un ami son rival à cause de sa forfanterie. L’étau se resserre un peu plus, en même temps que se referme le palais des glaces où se reflètent en doubles démultipliés les intrigants, lorsque son père le promet en mariage à celui de Clarisse. Le bougre prétendra rien moins qu’une femme enceinte de six mois pour y échapper ! Impossible d’arrêter la roue entraînante des menteries. Pourtant Julia Vidit ne juge pas. Ce Dorante joue dans une cour qui n’est pas celle de son rang, use des armes qu’il possède : de l’aplomb, de l’audace et de la répartie. « Peut-être n’a-t-il d’autre choix que celui d’être amoral et individualiste ? Il ment, oui, mais pour tenter de rester l’acteur de sa vie. » La plus belle trouvaille de la metteuse en scène n’est pas dans ce miroir tendu à notre époque, ses bassesses, jeux de pouvoir et écrans où se réfléchissent les projections de nos vies fantasmées. Mais dans la fusion des rôles de Lucrèce et de sa suivante, faisant d’elle un double féminin du menteur. Le statut des femmes et leur sort réduit à l’obéissance de “bonnes à marier” se voit battu en brèche. Elles sont fortes et malines, belles et moins soumises aux galants qu’il n’y paraît.



c’est arrivé près de chez vous Avec Girls and Boys de son auteur fétiche Dennis Kelly, Chloé Dabert signe sa première création à la tête de la Comédie de Reims. Un monologue reflétant la violence de notre société, jusque dans la cellule familiale.

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Par Thomas Flagel Photo de Victor Tonelli

À La Comédie de Reims, du 19 au 23 janvier 2021 lacomediedereims.fr

* Lire notre critique de la pièce dans Poly n°224 ou sur poly.fr

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itié et terreur. Un couple de sentiments qui sied comme un gant au dramaturge anglais Dennis Kelly, connu du grand public comme scénariste de la série Utopia. Après Orphelins * et L’Abattage rituel de Gorge Mastromas, Chloé Dabert s’attaque à Girls and Boys, récit à la première personne d’une femme revenant sur sa vie depuis qu’elle est tombée amoureuse d’un type dans la file d’attente d’un aéroport qui, pourtant, lui a tout de suite déplu. Avec une langue vivace, débordant d’humour cru et d’autodérision acerbe, elle livre en anecdotes les grandes lignes de l’idylle qui se noue, de l’admiration pour l’intelligence de son compagnon qui « fait des choses » et lui donne confiance jusqu’aux turbulences qui les menacent : son ambition à elle dans la production de films documentaires, leurs deux enfants à élever, le temps qui manque, la diminution des rapports sexuels, l’incompréhension mutuelle qui finit en conflit verbal larvé quand elle ne devient pas une guerre de tranchées où chacun campe sur ses positions. Ce qui pourrait paraître comme une énième satire à la mode de vies azimutées par les cadences modernes et l’impossible équation entre développement personnel, épanouissement et contraintes

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vole littéralement en éclats sous la plume de Dennis Kelly. Il s’empare, comme souvent, d’une situation quotidienne et de personnages des plus ordinaires que la violence de notre époque et les rapports de domination viennent balayer jusqu’à faire trembler l’humanité dans laquelle notre espèce aime se parer. « Le monde dans lequel nous vivons déborde dans cette écriture très rythmique et technique aidant à mettre de la distance. Il fouille l’âme humaine sans manichéisme, cherchant à montrer les mécanismes de la manipulation. » Il y a ces enfants qui ne répondent jamais, ce mari dont nous ne connaitrons pas le point de vue… Autant d’indices au milieu de la fausse piste initiale des confidences sans fard de celle qui pourrait être une amie comme nous en connaissons tous. Au milieu du « porno de la douleur » des chaines d’infos, « on est juste tous des chimpanzés un peu bizarre » lâche-t-elle. Pulsions, instincts, violences extérieures polluent l’espace intime que Chloé Dabert « divise en deux : celui de la narration et celui, plus irréel, des enfants. Il est important de conserver du mystère pour ne pas déflorer les surprises et lectures possibles des événements que nous propose l’auteur. »


scary night Passé par l’École du Théâtre national de Strasbourg, Guillaume Vincent n’en finit plus de tutoyer le fantastique et de repousser les frontières de la réalité. Ses Mille et Une Nuits se déploient sous le signe de l’épouvante. Par Thomas Flagel Photo d’Elisabeth Carecchio

Au Théâtre Dijon Bourgogne, du 15 au 17 décembre tdb-cdn.com

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Lire Poly n°161 ou sur poly.fr

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ans La Nuit tombe* déjà, le metteur en scène nous emportait dans une chambre d’hôtel pleine de soubresauts et d’hystérie. Des succédanés d’histoires s’y entremêlaient pour mieux disparaître et troubler la perception du spectateur contraint de se raccrocher à une flopée d’indices savamment dispersés. Ou à lâcher prise, happé et lentement bercé par les nappes brumeuses d’images et de situations fantasmagoriques se succédant dans une plongée en nos peurs les plus profondes. Univers du double, hanté de fantômes où les miroirs se brisent par peur du reflet. L’artiste associé du Théâtre national de Bretagne s’inspire aujourd’hui du célèbre recueil des Mille et Une Nuits qui continue, une dizaine de siècles après son éclosion, à faire rêver le monde. Guillaume Vincent ne nous sert rien moins qu’une pièce d’épouvante, genre rarissime s’il en est. Le Sultan Shahryar, trahi par son épouse, change de compagne chaque soir, vierge qu’il met dans son lit avant de la liquider aux premières lueurs de l’aube. Les jeunes promises attendent patiemment, sûres de leur funeste sort, au pied de l’escalier couvert de giclures de sang les

menant à la chambre nuptiale. Ce ballet bien réglé serait sans fin si Shéhérazade, fille du vizir, ne se portait volontaire, bien décidée à véritablement se marier avec le sanguinaire tyran. Pour ne pas se faire décapiter, la belle lui contera des histoires sans fin d’exilés, dont le dénouement est remis à plus tard par des rebondissements et des enchâssements dans divers autres récits menant de l’Orient à l’Occident. S’y croisent Oum Kalthoum, jeunes premières, les amis-amants Aziz et Aziza, des exilés de territoires toujours à feu et à sang au Moyen-Orient, l’épisode du portefaix et des Saâlik éborgnés qui deviendront les conteurs à leur tour des drames que vivent les femmes, entre amour empêchés et liberté entravée. Les mots seront-ils assez forts pour endiguer la violence dont les hommes, hier comme aujourd’hui, abusent ? Tel est le pari dans un labyrinthe nocturne où s’entremêlent inextricablement les pulsions de désir et de mort. Un rêve cruel et sensuel, où l’ironie et la malice triomphent de la naïveté. Où la fiction, par la danse des corps et des mots, tient tête au pouvoir.

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crever la lune La nouvelle création de Laurent Crovella – Gens du pays d’après un texte de Marc-Antoine Cyr – chemine au cœur des préjugés traversant la France d’aujourd’hui et les injonctions à se définir par son identité. Par Thomas Flagel Portrait de Marc-Antoine Cyr par Raoul Gilibert

Au Taps Scala (Strasbourg), du 12 au 16 janvier 2021 taps.strasbourg.eu Au Théâtre de Haguenau, mercredi 10 février 2021 relais-culturel-haguenau.com Au Musée Würth (Erstein), vendredi 12 et dimanche 14 février 2021 musee-wurth.fr À L’Espace Simone Signoret (Vitry-le-François), vendredi 19 mars 2021 bords2scenes.fr À La Salle du Relais culturel de Thann, jeudi 25 mars 2021 ectc.fr

Lire Demain c’est loin autour des ateliers menés avec Daniel Keene et Luc Tartar auprès de lycéens et des créations de leurs textes, Maybe # PeutÊtre dans Poly n°204 ou sur poly.fr

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Votre long travail autour des Utopies* vous avait déjà mené autour des questionnements de l’identité et de la représentation de l’autre. Gens du pays approche cela sous la forme d’un conte initiatique… Je ne porte des textes à la scène que lorsque j’ai un véritable choc émotionnel en les lisant. Ici, la forme m’a particulièrement attirée. Gens du pays est un conte initiatique contrarié : une jeune personne (Martin Martin) est accompagnée de figures de maîtres qui devraient l’aider à passer des obstacles pour devenir adulte. Sauf que Martin Martin finit au poste, interrogé par la policière Lorie Lory qui représente le droit et la rigueur. À l’instar de son prof de français Kevin Kevin incarnant le savoir et la connaissance, le voilà pris en étau dans leur territoire. Ils le réduisent à ce qu’ils imaginent être son origine… qui reste mystérieuse pour le lecteur / spectateur. Face aux injonctions à se définir, cet ado répond simplement qu’il est lui. L’identité doit-elle être définie par l’appartenance à un sol ? Ce qui est inscrit sur une pièce d’identité ? Une couleur de peau ? À cet univers réaliste, Marc-Antoine Cyr ajoute « le territoire des loups », à la lisière de la ville. On imagine aussi bien une banlieue derrière le périph’

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qu’une image plus sombre et fantastique… Cette meute évoque beaucoup. J’ai hésité à la distribuer à des comédiens, mais je ne voulais pas que les corps racontent seulement des jeunes de cité. L’auteur est bien plus malin que cela, la pièce plus ouverte même s’il est juste d’y projeter de petits dealers ou la montée de tous types d’extrémismes actuels. Cette meute piège Martin Martin : elle l’attire en ne lui demandant pas de se nommer, mais d’agir… ce qui le conduira au poste ! Les loups sont une multiplicité de dangers que nous retranscrirons par le trouble de voix enregistrées de différentes tessitures. Un agglomérat de tout ce qui est en lisière de la société, soufflant sur les braises pour nous inviter à foutre le feu. Obnubilés par leurs préjugés, ce professeur et cette policière ne sont-ils pas symptomatiques d’un système qui réduit leur libre arbitre ? Ils sont écrasés par leurs fonctions, ce qu’on leur demande sans cesse et n’en voient plus les limites. Ils sont sur des rails, préjugeant ce qu’est l’autre sans voir l’individu pour luimême. Goya disait que « Le sommeil de la raison engendre des monstres ». Ils sont comme des mouches dans un verre. Quand il se cognent, par ricochet, c’est l’autre qui prend.


guerrilla girl Dans le solo chorégraphique Soulèvement, Tatiana Julien explore la puissance et la gloire, le pouvoir d’attraction des discours invitant à la révolte comme le magnétisme des images dont se manipule la symbolique à l’envi.

Par Thomas Flagel Photo d’Hervé Goluza

À La Filature (Mulhouse), du 17 au 18 décembre lafilature.org

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ngageant totalement son corps, celle qui fut l’interprète de pièces de Nathalie Pernette, Boris Charmatz ou Thomas Lebrun, signe un acte de résistance sans concession, où elle boxe avec les mots de figures tutélaires (André Malraux, Martin Luther King, Albert Camus ou Edgar Morin). Comme sur un podium, le public est disposé de part et d’autre d’un plateau tout en longueur. S’instaure une ambiance électrique, mélange d’attroupement sportif, de concert (un playback de Mylène Farmer en live, dans lequel on peut chanter que « tout est chaos » en se donnant totalement en spectacle) ou de meeting politique dans lequel la harangue serait de mise. La lumière lézarde la scène de convulsions rythmées sur une bande son endiablée de punchlines et d’effets, qui invitent par exemple à « changer la vie ». Autant d’injonctions à des postures plus ou moins révolutionnaires qui n’offrent aucun répit. Tatiana Julien est une sacrée danseuse,

capable de changer de registre comme de costume sans cesser de briller : qu’elle emprunte des pas au jumpstyle, un déhanché au ras du sol genoux fléchis au voguing ou une attitude provocatrice tout en défiance à une battle urbaine. Dans cette danse-manifeste, la jeune chorégraphe opère un saut de côté radical, un tournant délaissant le formalisme expressionniste de ses précédents spectacles au profit d’une dimension performative assumée. Se rejoignent dans un collage ludique et incessant, drôle et provocateur, de la pensée pure et des pratiques culturelles ayant émergé des couches populaires dans un soulèvement des corps. Avec brio, se télescopent sons de manifs et ondulations krumpiennes, mouvements mythiques qui firent scandale tel Jan Fabre avec Quando l’uomo principale è una donna (Lisbeth Gruwez dansant nue sous une pluie d’huile d’olive) et parodie de combat de boxe, poèmes de Patti Smith et saillies deleuziennes… Poly 234

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the world is yours Contre vents et marées, la 9e édition des Vagamondes, festival dédié aux cultures du Sud, se déploie autour de La Filature. Un écho aux pulsations d’un monde en renouveau. Allen Widerständen zum Trotz entfaltet sich die 9. Auflage der Vagamondes, Festival der Kulturen des Südens, in La Filature. Ein Echo der Schwingungen, die eine Welt im Wandel aussendet.

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Par Von Thomas Flagel Photos de von Mossab El Shamy (Itmahrag) & Pablo Guidali (Impulso)

À l’Espace Tival (Kingersheim), à L’Espace 110 (Illzach), au Théâtre de la Sinne et à La Filature (Mulhouse), du 12 au 24 janvier 2021 Im Espace Tival (Kingersheim), im Espace 110 (Illzach), im Théâtre de la Sinne und in La Filature (Mulhouse), vom 12. bis 24. Januar 2021 lafilature.org

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enêtre sur le monde, les Vagamondes n’ont de cesse depuis près d’une décennie d’explorer ce qui agite le bassin méditerranéen et nous y relie. Quinze jours de découvertes rares parmi lesquelles l’immanquable Impulso de Rocío Molina. Accompagnée par l’oud d’Ahmad Al Khatib, celle qui, à 36 ans à peine est déjà une légende flamenca, propose une soirée expérimentale. Elle cherche l’apothéose d’une « pulsion qui vient du corps pour conquérir l’esprit, à la recherche de la vérité absolue de l’instant présent », usant avec parcimonie de ses étourdissants zapateados, pas rapides faits de claquements de talons sur un rythme effréné. Une quête de liberté – presque – totale, une performance habitée, un saut vers l’inconnu en quête d’investigation vers l’essentiel. Autre instant chorégraphique attendu, la nouvelle création d’Olivier Dubois. Connu pour sa radicalité (l’épuisement de ses danseuses dans Révolution qui les voyaient tourner autour de barres de pole-dance sur fond de Boléro

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de Ravel plus de deux heures), le chorégraphe signe Itmahrag, hommage à un mouvement culturel incandescent. Vivant entre France et Égypte, il a vu naître juste après la Révolution du 25 janvier 2011 le mahraganat, fourre-tout effréné où se croisent rythmiques locales et rap auto-tuné. Une musique de rue aussi sale que sauvagement provocatrice, une sorte d’electro chaâbi dans laquelle les chanteurs jouent aux durs. Elle donne chez Olivier Dubois une danse pleine de fureur sur fond de ritournelles hyper saturées, portées par le besoin d’oxygène et de renouveau face à un pouvoir oppresseur. Il a formé cinq performers de rue qui danseront sur une composition originale de trois jeunes musiciens. Notre tour du bassin méditerranéen ne serait pas complet sans un passage du côté de la Grèce avec le dernier projet d’Euripides Laskaridis. L’artiste, qui a joué sous la direction de Bob Wilson ou du chorégraphe Dimitris Papaioannou, débarque avec une dizaine de


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performers et… une éolienne ! Ainsi va Elenit, the things we know we knew are now behind, tragicomédie burlesque pour personnages exubérants portant masques en seconde peau. Son théâtre d’images ne recule devant aucune audace. Le grandiose y tutoie le ridicule dans une poésie délirante des plus fascinantes autour de la réunion d’improbables freaks regardés avec tendresse et inspiration pour leur vision du monde, guère plus absurde que celle des plus terre-à-terre d’entre nous.

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ls Fenster zur Welt erkunden die Vagamondes seit fast einem Jahrzehnt, das was den Mittelmeerraum bewegt und uns mit ihm verbindet. Zwei Wochen der Entdeckung von seltenen Stücken, darunter das unumgängliche Impulso von Rocío Molina. In Begleitung der Oud von Ahmad Al Khatib präsentiert jene, die mit knapp 36 Jahren schon eine Legende des Flamencos ist, einen experimentellen Abend. Sie sucht den Höhepunkt einer „Regung, die aus dem Körper kommt, den Geist erobert, auf der Suche nach der absoluten Wahrheit des gegenwärtigen Augenblicks“, indem sie sparsam von ihren umwerfenden zapateados Gebrauch macht, diesen schnellen Schritten aus dem Zusammenschlagen der Absätze in einem wilden Rhythmus. Eine Suche nach der – fast – totalen Freiheit, eine belebte Performance, ein Sprung ins Ungewisse, eine investigative Suche des Essentiellen. Ein weiterer lange erwarteter Moment der Choreographie ist die neue Kreation von Olivier Dubois. Für seine Radikalität bekannt (die Erschöpfung seiner Tänzer in Révolution, die zu Boléro von Ravel mehr als zwei Stunden lang um

Poledance-Stangen kreisten), würdigt der Choreograph mit Itmahrag eine glühende kulturelle Bewegung. Er lebt zwischen Frankreich und Ägypten und hat, direkt nach der Revolution vom 25. Januar 2011 den Mahraganat entstehen sehen, ein wildes Gemenge in dem sich lokale Rhythmen und Rap mit Autotune treffen. Eine Straßenmusik, die ebenso dreckig wie wild und provokativ ist, eine Art Elektro-Chaâbi in dem die Sänger die harten Jungs spielen, was bei Olivier Dubois einen lebhaften Tanz vor dem Hintergrund übersättigter Ritornellen ergibt, getragen vom Bedürfnis nach Luft und Erneuerung im Angesicht der unterdrückenden Obrigkeit. Er hat fünf Performancekünstler von der Straße ausgebildet, die zu einer Komposition dreier junger Musiker tanzen.

Itmahrag d’Olivier Dubois, à La Filature (Mulhouse), 15 & 16/01/21 (puis au 104 (Paris), 27/02-02/03/21 et à Chaillot (Paris), 17-20/03/21) Elenit d’Euripides Laskaridis, à La Filature (Mulhouse), 19/01/21 Impulso de Rocío Molina & Ahmad Al Khatib, au Théâtre de la Sinne (Mulhouse), 22/01/21 Itmahrag von Olivier Dubois, in La Filature (Mulhouse), 15. & 16.01.21 (dann im 104 (Paris), 27.02.-02.03.21 und im Chaillot (Paris), 17.-20.03.21) Elenit von Euripides Laskaridis, in La Filature (Mulhouse), 19.01.21 Impulso von Rocío Molina & Ahmad Al Khatib, im Théâtre de la Sinne (Mulhouse), 22.01.21

Unsere Runde durch den Mittelmeerraum wäre nicht komplett ohne einen Abstecher nach Griechenland, mit dem aktuellen Projekt von Euripides Laskaridis. Der Künstler, der unter der Leitung von Bob Wilson oder dem Choreographen Dimitris Papaioannou gespielt hat, bringt rund zehn Performancekünstler und... ein Windrad mit! Elenit, the things we know we knew are now behind, ist eine burleske Tragikomödie für überschwängliche Figuren, die Masken aus einer zweiten Haut tragen. Sein Bildtheater schreckt vor keiner Extravaganz zurück. Das Grandiose trifft hier auf das Lächerliche in einer völlig verrückten Poesie rund um die unwahrscheinliche Versammlung von Freaks, deren Weltanschauung mit Zärtlichkeit und Inspiration betrachtet wird, da sie kaum absurder ist, als jene der Bodenständigsten unter uns. Poly 234

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gat of love Le chorégraphe israélien Emanuel Gat nous embarque dans son LOVETRAIN2020. Une nouvelle création flirtant avec la comédie musicale façon Tears for Fears. Der israelische Choreograph Emanuel Gat lässt uns in seinen LOVETRAIN2020 einsteigen. Eine neue Kreation, die mit Musicals nach der Art von Tears for Fears flirtet.

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Par Von Thomas Flagel Photo de von Julia Gat

À L’Arsenal (Metz), mercredi 13 et jeudi 14 janvier 2021 Im L’Arsenal (Metz), am Mittwoch den 13. und Donnerstag den 14. Januar 2021 citemusicale-metz.fr Exposition de photographies prises par le chorégraphe Emanuel Gat pendant les répétitions, avec comme seule source de lumière, la lumière naturelle traversant ses grandes fenêtres, à L’Arsenal (14/0107/03/21) Ausstellung von Photographien, die vom Choreographen Emanuel Gat während der Proben gemacht wurden, mit dem natürlichen Licht, das durch die Fenster fällt, als einziger Lichtquelle, im L’Arsenal (14.01.-07.03.21) Au Theather Freiburg, jeudi 6 et vendredi 7 mai 2021 Im Theater Freiburg, am Donnerstag den 6. und Freitag den 7. Mai 2021 theater.freiburg.de

Lire Poly n°229 ou sur poly.fr 2 Voir Le Monde selon Gat, autour de Brilliant Corners, paru dans Poly n°156 ou sur poly.fr 1

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ous connaissions le dénuement de ses pièces, l’absence de décor comme de costumes particuliers et de tous ces artifices qui jonchent, chez d’autres, les plateaux. Son amour pour la musique, au cœur du très beau Sunny revisité par Awir Leon1, mais surtout du contrepied dont témoigne Brilliant Corners2, inspiré par le jazz de Thelonious Monk pourtant totalement absent de la pièce. Pour LOVETRAIN2020, Emanuel Gat pioche dans l’un des groupes phare des années 1980, le duo anglais Tears for Fears, pour composer un voyage utopique ouvrant les sens. Le chorégraphe israélien, venu à la danse sur le tard alors qu’il rêvait de devenir chef d’orchestre, reste fidèle à ses principes de fonctionnement : des consignes lancées à ses 14 danseurs dont les propositions lui servent de matière brute dans laquelle architecturer. Il choisit, prend, jette, redéploye et découpe. Joue des intensités et de la diffraction dans le temps et l’espace. Les tubes du groupe (Mad World, Everybody Wants to Rule The World, Sowing The Seeds Of Love…) conservent leur autonomie pour que puissent s’ouvrir des interstices de rencontre et de dialogue avec la danse, sans tomber dans le piège de la simple illustration. Le projet a pourtant bien failli ne jamais voir le jour : des interprètes éparpillés en pleine pandémie, l’annulation du festival Montpellier Danse au printemps où devait être créée la pièce et deux danseurs coincés en Israël lors des dernières répétitions reprogrammées en vue de la première, finalement décalée au mois d’octobre. Ces temps de vacance du travail au plateau l’ont mené ailleurs. Notamment dans la liberté pour Thomas Bradley,

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l’un de ses interprètes développant aussi un travail de styliste, de proposer des costumes plein de volumes et de superpositions de toiles d’étoffes. Quelque chose entre la robe de gala prise de folie et la tenue de soirée chicissime aux motifs variés, collant à la personnalité de chaque danseur. Un parti pris puissant renforçant la théâtralité d’une scène épurée. Y transpirent désir et humour, gestes pop de groupe et chair vivante, haletante, désirante. Des drapés plissés, du regard et une écoute infiniment précieuse sous une lumière zénithale. Une fresque baroque conçue comme un organisme vivant, incapable de se figer réellement, comme ouverte à l’esprit d’un temps qui passe et que l’on retient, comme un souffle.

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ir kannten die Kargheit seiner Stücke, die Abwesenheit des Dekors oder besonderer Kostüme und aller dieser Tricks, die bei anderen die


Bühne bedecken. Seine Liebe zur Musik, im Herzen des sehr schönen Sunny, neuinterpretiert von Awir Leon, aber vor allem des Gegenteils, von dem Brilliant Corners zeugt, inspiriert vom Jazz eines Thelonious Monk, der dennoch im Stück nicht vorkommt. Für LOVETRAIN2020 bedient sich Emanuel Gat bei einer der großen Musikgruppen der 1980er Jahre, dem englischen Duo Tears for Fears, um eine utopische Reise zu komponieren, die die Sinne öffnet. Der israelische Choreograph, der spät zum Tanz kam, während er davon träumte Dirigent zu werden, bleibt seinen Funktionsprinzipien treu: Anweisungen an seine 14 Tänzer, deren Interpretationen ihm als Rohmaterial für die Architektur seines Stücks dienen. Er wählt aus, verwirft, strukturiert um und zerlegt. Spielt mit den Intensitäten und der Beugung in Zeit und Raum. Die Hits der Gruppe (Mad World, Everybody Wants to Rule The World, Sowing The Seeds Of Love…) behalten ihre Autonomie, damit sich Lücken für Begegnung und Dialog mit dem Tanz öffnen können, ohne in die Falle der simplen Illustration zu tappen. Dabei wäre das Projekt fast nicht umgesetzt worden: Die mitten in der Pandemie überall verstreu-

ten Interpreten, die Absage des Festivals Montpellier Danse im Frühjahr, bei dem das Stück uraufgeführt werden sollte und zwei Tänzer die bei den letzten Proben für den neuen Premierentermin in Israel feststecken, die schließlich auf Ende Oktober verlegt werden. Diese Zeiten der ausfallenden Bühnenarbeit haben ihn woanders hingeführt. Insbesondere hin zur Freiheit für Thomas Bradley, einen seiner Interpreten, der auch als Stylist arbeitet, voluminöse Kostüme mit Übereinanderlagerungen von Stoffen vorzuschlagen. Etwas zwischen dem verrückten Galakleid und der schicken Abendrobe mit verschiedenen Motiven, die zur Persönlichkeit jedes Tänzers passen. Eine starke Entscheidung, die die Bühnenwirkung des schlichen Dekors verstärkt. Sie triefen vor Verlangen und Humor, Pop-Gesten und lebendigen, keuchenden Leibern. Plissierte Faltenwürfe, Blicke und ein unendlich wertvolles Zuhören unter einer Lichtkuppel. Eine barocke Freske, die wie ein lebendiger Organismus aufgebaut ist, unfähig in der Bewegung zu erstarren, offen für den Geist einer vergehenden Zeit, die man festhält, wie ein Atemzug.

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new year new york Pour célébrer le passage de 2020 à 2021, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg propose un voyage à son public : direction NYC. Zur Feier des Jahrewechsels 2020/ 2021 präsentiert das Orchestre philharmonique de Strasbourg seinem Publikum eine Reise: Auf nach NYC.

(The Nutcracker Suite d’après Tchaïkovski) et George Gershwin, dont sa célébrissime Rhapsody in Blue. Enfin, ce sera pur bonheur de (re)découvrir le brio de la clarinette solo de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, le virevoltant Sébastien Koebel dans le Concerto d’Aaron Copland. Pièce créée par Benny Goodman en 1950, elle incorpore des éléments jazzistiques à une partition néoclassique, oscillant entre émouvante berceuse douce-amère et orgie sonore à mi-chemin entre extase jazz – avec slapping à la contrebasse, harpe utilisée comme un instrument à percussion, etc. – et réminiscences sud-américaines.

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Par Von Hervé Lévy Photo de von Edgar Brambis

Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg), jeudi 31 décembre 2020 et vendredi 1er janvier 2021 Im Palais de la Musique et des Congrès (Straßburg), am Donnerstag den 31. Dezember 2020 und Freitag den 1. Januar 2021 philharmonique.strasbourg.eu

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hef charismatique et pianiste émérite, Wayne Marshall va enflammer la scène du PMC de sa baguette incandescente dans un répertoire qu’il adore. S’y trouvent des extraits de pages de Leonard Bernstein, que ce soit le ballet Fancy free ou le musical On The Town (1944), frénétique et trépidante déclaration d’amour à Big Apple narrant l’histoire de soldats en permission comme la quintessence de l’esprit américain. Également au menu, des œuvres de Duke Ellington

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er charismatische Dirigent und herausragende Pianist Wayne Marshall wird die Bühne des PMC in Brand setzen, mit seinem lebhaften Taktstock und einem Repertoire, das er liebt. Darin finden sich Auszüge der Seiten von Leonard Bernstein, wie das Ballett Fancy free oder das Musical On The Town (1944), eine frenetische und vibrierende Hommage an den Big Apple, die die Geschichte von Soldaten auf Urlaub als eine Quintessenz des amerikanischen Geistes erzählt. Ebenfalls auf dem Menü stehen Werke von Duke Ellington (The Nutcracker Suite nach Tschaikowski) und George Gershwin, darunter die berühmte Rhapsody in Blue. Und schließlich das pure Glück die Brillanz des Klarinetten-Solisten des Orchestre philharmonique de Strasbourg, Sébastien Koebel, (wieder) zu entdecken, mit einem Concerto von Aaron Copland. Das Stück, das 1950 von Benny Goodman uraufgeführt wurde, vereint Jazz-Elemente mit einer neo-klassischen Partition, hin und her schwankend von einem anrührenden zartbitteren Wiegelied zu einer Klangorgie auf halbem Weg zwischen JazzExtase – mit Slapping am Kontrabass, Harfe als Schlaginstrument, etc. – und südamerikanischen Anklängen.



from vienna with love Quintessence du classicisme festif, le programme de Nouvel An de l’Orchestre national de Metz a la semblance d’un scintillement. Das Neujahrsprogramm des Orchestre national de Metz strahlt wie eine Quintessenz des festlichen Klassizismus.

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Par Von Hervé Lévy Photo de von Cyrille Guir

À L’Arsenal (Metz), du 27 au 30 décembre In L’Arsenal (Metz), vom 27. bis 30. Dezember citemusicale-metz.fr Concert donné en tournée à Hombourg-Haut (Espace de Wendel, 03/01/21), Montignylès-Metz (Espace Europa, 06/01/21), Dieuze (Salines Royales, 07/01/21), Mancieulles (Espace Saint-Pierremont, 08/01/21) et Thaon-les-Vosges (La Rotonde, 10/01/21) Konzert-Tournee in Hombourg-Haut (Espace de Wendel, 03.01.21), Montigny-lès-Metz (Espace Europa, 06.01.21), Dieuze (Salines Royales, 07.01.21), Mancieulles (Espace Saint-Pierremont, 08.01.21) und Thaon-les-Vosges (La Rotonde, 10.01.21)

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artir. S’évader en notes et atmosphères afin d’oublier 2020, année bien morose pour la plupart, et plonger dans les promesses de 2021. Voilà ce que propose David Reiland, le directeur musical de l’Orchestre national de Metz avec un programme dont le prologue se déroule sous le ciel sans nuages de l’Italie, fait d’ouvertures ensoleillées (Nabucco de Verdi et L’Italienne à Alger de Rossini) et d’un intermède heureux issu du Cavalleria rusticana de Mascagni. Après ces quelques tubes transalpins, direction Vienne, patrie incontestée des valses nobles et sentimentales et autres polkas endiablées écrites par les membres de l’illustre dynastie Strauss, dont Eduard n’est pas le plus célèbre. Et pourtant, son allègre Mit Vergnügen mérite le détour ! Dans la famille, je demande le frère Johann II (fils de l’immortel auteur de la Marche de Radetzky) dont seront donnés des hits absolus comme Tik-Tak Polka, Kaiser-Waltzer et Le beau Danube bleu, sans lequel un concert de Nouvel an n’en serait pas un ! On apprécie aussi la présence au générique du “Strauss français”, star des stars du Second Empire, Émile Waldteufel avec sa bondissante suite de valses sur les motifs d’España de Chabrier.

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erreisen. In Noten und Klangatmosphären fliehen um das schlechte Jahr 2020 zu vergessen und in die Versprechungen von 2021 einzutauchen. Das ermöglicht David Reiland, der musikalische Direktor des Orchestre national de Metz mit einem Programm, dessen Prolog sich unter dem wolkenlosen Himmel Italiens abspielt, mit sonnigen Ouvertüren (Nabucco von Verdi und Die Italienerin in Algier von Rossini) und einem glücklichen Zwischenspiel aus der Cavalleria rusticana von Mascagni. Nach diesen transalpinen Hits, auf nach Wien, in die unumstrittene Heimat der edlen Walzer und rasenden Polkas, die von den Mitgliedern der illustren Dynastie Strauss geschrieben wurden, von denen Eduard nicht der berühmteste ist. Dennoch ist sein beschwingtes Mit Vergnügen einen Abstecher wert! Von seinem Bruder Johann II werden absolute Hits gespielt, wie die Tritsch-Tratsch-Polka, KaiserWaltzer und An der schönen blauen Donau! Hervorzuheben ist auch die Präsenz des „französischen Strauss“, Star unter den Stars des Zweiten Kaiserreichs, Émile Waldteufel mit seiner springenden Abfolge von Walzern zu den Motiven der España von Chabrier.



fly me to the moon Adapté de Jules Verne, Le Voyage dans la lune est un opéra abracadabrantesque signé Jacques Offenbach. Die nach Jules Verne adaptierte Reise auf den Mond ist eine verrückte Oper von Jacques Offenbach. Par Von Hervé Lévy Photo de répétition Probenphoto de von Hugo Malibrera

À l’Opéra national de Lorraine (Nancy), du 20 au 28 janvier 2021 In der Opéra national de Lorraine (Nancy), vom 20. bis 28. Januar 2021 opera-national-lorraine.fr Objet cinématographique & lyrique sur le compositeur Offenbach Report sera diffusé sur France 3 Grand Est (21/12, 22h50)

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n 1875, Offenbach crée un étonnant objet lyrique. Opéra-féerie en quatre actes et vingt-trois tableaux, Le Voyage dans la lune, présenté à Nancy, « est le chaînon manquant entre deux imaginaires : les voyages extraordinaires de Jules Vernes et le cinéma à venir, notamment à travers le film homonyme de Georges Méliès, en 1902 », résume Matthieu Dussouillez, directeur général de l’Opéra national de Lorraine. Entre science-fiction fin XIXe et effets spéciaux spectaculaires ou décors délirants (obus volant dans l’espace, ville futuriste des Sélénites, palais de verre, etc.), cette œuvre foisonnante a été un véritable défi pour le metteur en scène Olivier Fredj. Il a choisi – en œuvrant avec l’illustrateur Jean Lecointre – de montrer l’envers du décor : « Nous avons fabriqué les trucages à vue, sous les yeux du public, en transformant la scène en un plateau de tournage, avec sept danseurs-acrobates qui en deviennent les accessoiristes », explique-t-il. Au final, il s’agit de mettre en lumière la profonde contemporanéité d’un propos, malgré ses atours très Troisième République, qui invite à une réflexion sur l’altérité.

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m Jahr 1875 kreiert Offenbach ein erstaunliches musikalisches Objekt. Ein Opern-Märchenspiel in vier Akten und dreiundzwanzig Szenen, Die Reise zum Mond „ist das fehlende Bindeglied zwischen zwei Vorstellungswelten: Die außergewöhnlichen Reisen von Jules Vernes und das zukünftige Kino, insbesondere mit dem gleichnamigen Film von Georges Méliès von 1902“, fasst Matthieu Dussouillez, der Generaldirektor der Opéra national de Lorraine zusammen. Zwischen Science-Fiction vom Ende des 19. Jahrhunderts und spektakulären Spezialeffekten oder wahnsinnigen Bühnenbildern (im Weltraum fliegende Granaten, futuristische Städte der Seleniten, Glaspalast, etc.), war dieses umfangreiche Werk eine echte Herausforderung für den Regisseur Olivier Fredj. Er hat sich dazu entschieden – in Zusammenarbeit mit dem Illustrator Jean Lecointre – die Kehrseite der Medaille zu zeigen: „Wir haben sichtbare Tricks ausgewählt, die die Bühne vor den Augen des Publikums in ein Filmstudio verwandeln, mit sieben Tänzern-Akrobaten, die zu Requisiteuren werden“, erklärt er. Schlussendlich geht es darum, trotz einer Schale, die sehr an die Dritte Französische Republik erinnert, die große Aktualität eines Themas ans Licht zu bringen, das sehr zum Nachdenken über Andersartigkeit anregt.



piano tsar Le jeune pianiste phénomène Alexandre Kantorow embrase le clavier, faisant sonner comme personne le répertoire russe. Der junge aufstrebende Pianist Alexandre Kantorow setzt die Tastatur in Flammen und lässt wie kein anderer das russische Repertoire erklingen.

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Par Von Hervé Lévy Photo de von Sasha Gusov

À L’Arsenal (Metz), jeudi 21 janvier 2021 In L’Arsenal (Metz), am Donnerstag den 21. Januar 2021 citemusicale-metz.fr À La Philharmonie (Luxembourg), samedi 27 mars 2021 In La Philharmonie (Luxemburg), am Samstag den 27. März 2021 philharmonie.lu

* Der Victoire de la musique classique ist ein französischer Musikpreis für Klassik, der seit 1985 jährlich verliehen wird

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ils du brillant violoniste Jean-Jacques Kantorow, Alexandre a fait trembler l’univers feutré de la musique classique en 2019, devenant le premier Français à remporter l’ultra-sélectif Concours Tchaïkovski de Moscou. Depuis, il ne cesse de séduire. Virtuosité ébouriffante, exquise rondeur et élégance sans esbroufe : à 23 ans, il est de retour sur la scène de L’Arsenal (21/01), où il avait été lauréat de deux Victoire de la musique classique en février (dans les catégories “soliste instrumental” et “enregistrement”). Pour ce récital, il a rassemblé son compositeur de cœur, Johannes Brahms (avec notamment ses Quatre ballades bouillonnantes de jeunesse et d’amour) et son répertoire de prédilection. Direction la Russie donc, avec l’inquiétante et sourde Chaconne de Sofia Gubaidulina et la très faustienne Sonate n°1 de Rachmaninov. Quelques mois plus tard (27/03), c’est au cœur d’un autre programme, 100% russe cette fois, de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg dirigé par Gustavo Gimeno qu’il donnera le Concerto n°2 de Prokofiev page pleine de chausse-trappes et débordante d’énergie.

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lexandre, der Sohn des brillanten Violinisten Jean-Jacques Kantorow hat das ruhige Universum der klassischen Musik im Jahr 2019 erzittern lassen, als er als erster Franzose den äußerst selektiven Tschaikowski-Wettbewerb in Moskau gewann. Seitdem liegt ihm die Musikwelt zu Füßen. Unglaubliche Virtuosität, herrlich rund und elegant ohne Angeberei: Mit 23 Jahren ist er zurück auf der Bühne in L’Arsenal (21.01.) wo er im Februar Preisträger zweier Victoire de la musique classique* war (in den Kategorien „Instrumental-Solist“ und „Aufnahme“). Für dieses Konzert hat er seinen Lieblingskomponisten Johannes Brahms (insbesondere seine Vier Balladen, die vor Jugend und Liebe überschäumen) und sein Lieblingsrepertoire zusammengeführt. Auf nach Russland also, mit der beunruhigenden und tristen Chaconne von Sofia Gubaidulina und der sehr faustischen 1. Sonate von Rachmaninow. Einige Monate später (27.03.) wird er inmitten eines 100% russischen Programms des Orchestre philharmonique du Luxembourg unter der Leitung von Gustavo Gimeno das 2. Klavierkonzert von Prokofjew geben, eine Seite voller Fallstricke und überbordender Energie.



conte d’hiver Avec sa mise en scène d’Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck, PierreEmmanuel Rousseau nous transporte dans un univers d’une intense cruauté.

wintermärchen Mit seiner Inszenierung von Hänsel und Gretel nach Engelbert Humperdinck versetzt uns Pierre-Emmanuel Rousseau in ein Universum voller intensiver Grausamkeit. Par Von Hervé Lévy Photos de répétition de Probenphotos von Klara Beck

À l’Opéra (Strasbourg), du 17 au 22 décembre À La Filature (Mulhouse), vendredi 8 et dimanche 10 janvier 2021 In der Oper (Straßburg), vom 17. bis 22. Dezember In La Filature (Mulhouse), am Freitag den 8. und Sonntag den 10. Januar 2021 operanationaldurhin.eu Si ce spectacle est déconseillé aux -10 ans, une version jeune public nommée Gretel et Hansel est montée par Jean-Philippe Delavault à La Filature de Mulhouse (09/01/21) et au Théâtre municipal de Colmar (23 & 24/01/21) Diese Oper ist für Kinder unter 10 Jahren nicht empfohlen, eine Version für junges Publikum Gretel und Hänsel wird von Jean-Philippe Delavault in La Filature in Mulhouse (09.01.21) und im Théâtre municipal de Colmar (23. & 24.01.21) gezeigt *

Voir Poly n°212 ou sur poly.fr

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ous avions adoré son bondissant Barbier de Séville* : Pierre-Emmanuel Rousseau est de retour à l’Opéra national du Rhin dans son « répertoire de cœur ». Hansel et Gretel, fable cruelle d’Humperdinck, est en effet profondément germanique, traversé d’accents wagnériens et lézardé d’éclairs mahlériens. Pour le metteur en scène, exit la forêt enchantée ou la maison en pain d’épices : le folklore d’un conte de Grimm est ici remplacé par une vision contemporaine. « La nourriture dont il est question dans le livret est la métaphore du divertissement et de la société de consommation », explique-t-il. Avec pour cadre un parc d’attractions abandonné de nature à faire fantasmer tous les amateurs d’exploration urbaine, l’action a la semblance d’une fête foraine triste avec une sorcière évoquant une improbable meneuse de revue, quelque part entre la demi-mondaine décatie et les séductions de Marlène Dietrich. Au final, voilà un opéra qui n’est « définitivement pas pour les enfants », décrivant la fin de l’innocence et montrant deux personnages « séquestrés, torturés, abusés. »

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ir haben seinen Barbier von Séville geliebt: Pierre-Emmanuel Rousseau ist zurück in der Opéra national du Rhin mit seinem „Herzens-Repertoire“. Hänsel und Gretel, eine grausame Fabel von Humperdinck ist zutiefst deutsch, voller Wagner-Akzente und Mahler-Lichtblitzen. Für den Regisseur kein Zauberwald und kein Lebkuchenhaus: Die Folklore des Grimm-Märchens wird hier durch eine zeitgenössische Vision ersetzt. „Die Nahrung, um die es im Operntext geht, ist eine Metapher für die Unterhaltung und die Konsumgesellschaft“, erklärt er. Als Rahmen dient ein verlassener Freizeitpark, der alle Liebhaber der Urban Exploration zum Träumen anregt, die Handlung erinnert an einen traurigen Jahrmarkt mit einer Hexe die an einen Star aus dem Revue-Theater denken lässt, irgendwo zwischen der verblühten Halbweltdame und der Verführungskunst einer Marlene Dietrich. Im Endeffekt eine Oper, die „definitiv nicht für Kinder geeignet ist“ und die das Ende der Unschuld anhand von zwei „eingesperrten, gefolterten, missbrauchten“ Figuren zeigt.



PROMENADE SPAZIERGANG

putain de guerre De combats à un contre cent en pilonnages incessants : le Hilsenfirst a gardé les stigmates de la guerre. Randonnée sur les pentes neigeuses d’un lieu de mémoire oublié de 14-18.

scheiß krieg Kämpfe, einer gegen hundert im unaufhörlichen Bombenfeuer: Der Hilsenfirst ist vom Krieg gezeichnet. Wanderung auf den verschneiten Hängen eines vergessenen Erinnerungsortes von 1914/18.

Par Von Hervé Lévy Photos de von Stéphane Louis pour für Poly

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out au bout de la vallée de Munster, Sondernach s’alanguit doucement aux pieds des montagnes, impasse magnifique placée sous la protection du massif clocher d’une “église-mémorial” bâtie au cours des années 1920 dans un style patriotique caractéristique de la Troisième République. L’inscription ornant sa façade donne le ton – « À nos vaillants soldats, l’Alsace reconnaissante » – comme un étonnant vitrail où un poilu expirant est veillé par un ange. Quelques

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hectomètres plus loin, la voiture posée sur les bords de la Fecht, une raide randonnée peut débuter. Algérie Une pancarte indique la direction : “Mt. SidiBrahim”. Jusqu’au monument, la montée ne laissera pas de répit, aisée dans un premier temps sur d’amples sentiers serpentant mollement, rude une fois les sols enneigés atteints. Le souffle court, chacun se laisse bercer par le rythme d’une marche que rien ne vient contrarier. Les bois sont déserts : pas un randonneur qui vive en cette période de (re)confinement. Seul le bruit sourd des pas précipités et lointains d’un gibier pressé de rentrer se mettre à l’abri ou celui, mat et tranchant, d’un tronc éclatant sous l’effet du gel distraient l’esprit du grand silence de la forêt hivernale. Peu à peu, le paysage devient insensiblement lugubre. Quelques traces de la guerre apparaissent, discrètes dans un premier temps : morceaux d’acier jaillissant de terre, complexion étrange du sol qui pourrait évoquer la naissance d’une tranchée… Ces pentes ont été le cadre de violents combats au cours de la “Der des Ders”, mais au contraire de célèbres endroits – Linge et Hartmannswillerkopf en tête – ce champ de bataille est demeuré oublié, rendu à l’éternelle paix de l’Histoire. Une simple plaque de marbre indiquant “Sidi-Brahim” est vissée sur un rocher. À ses pieds, un ruban tricolore donne un peu de couleur au paysage noyé dans une blancheur immaculée. Rien à voir (ou presque) avec le picrate le plus célèbre d’Afrique, étoile viticole de l’Algérie française désormais produit… en Tunisie. L’endroit fut le théâtre d’un fait d’armes héroïque, en juin 1915 : pendant quatre jours des soldats


Strasbourg 100 km

en infériorité numérique commandés par le capitaine Manhès résistèrent aux Allemands, se battant avec tout ce qu’ils trouvèrent. Par ordre du général Louis Ernest de Maud’huy, la 6e compagnie du 7e Bataillon de Chasseurs alpins sera dénommée “Compagnie de Sidi-Brahim” rappelant la bataille qui s’était déroulée du 23 au 26 septembre 1845 entre les troupes françaises et Abd el-Kader, au cours de laquelle une poignée de chasseurs et de hussards tinrent tête aux 10 000 hommes de l’émir. Vosges Le silence est total. Les bruits assourdis par un lourd manteau neigeux. Nous montons à travers une végétation dont les formes torturées rappellent le passé. Au loin, quelques chamois fuient allègrement. Le sommet du Hilsenfirst (1 274 mètres) est lunaire : le sol porte encore les traces des violents combats de 1915 et des tirs d’artillerie incessants. Aujourd’hui tout est calme sur le sommet battu par les vents qui éparpillent les nuages. Dans une belle trouée bleue, la vue sur le Schnepfenried est imprenable. Soudain, une rafale plonge toute la montagne dans la nuit. Le soleil n’est plus qu’une ombre qui se reflète, blafarde, sur la neige. Laissant cet univers de glace et de fantômes (parfois célèbres, puisque le “renard du désert” Erwin Rommel, en 1916, et Harry Truman, le futur président des États-Unis, en 1918, combattirent ici) derrière nous, la descente vers la vallée s’amorce. L’esprit a envie de fuir ces souvenirs funestes. Mille et un prétextes s’offrent à lui pour s’évader : la forme de mousses s’enroulant autour d’un tronc évoquant l’Op Art de Vasarely, un visage qu’on dirait peint par Picasso apparaissant dans la glace recouvrant une flaque, les enchevêtrements cubistes de souches de bois étrangement rassemblées sur le bord du sentier… La vie a repris ses droits lorsque nous arrivons à la voiture.

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Monument Sidi-Brahim Hilsenfirst (1274 m)

Mulhouse 70 km

hilsenfirst Distance Distanz 11,5 km Temps estimé Geschätzte Dauer 5h15 Dénivelé Höhenunterschied 670 m

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anz am Ende des Münstertals liegt Sondernach zu Füßen der Berge, eine wunderschöne Sackgasse, die vom massiven Kirchturm einer „Denkmal-Kirche“ beschützt wird, die im Laufe der 1920er Jahre in einem patriotischen Stil erbaut wurde, der für die Dritte Republik charakteristisch ist. Die Inschrift, die die Fassade ziert, gibt den Ton an – „An unsere tapferen Soldaten, das dankbare Elsass“ – ebenso wie ein erstaunliches Kirchenfenster, auf dem ein sterbender Soldat des 1. Weltkrieges von einem Engel bewacht wird. Wenige Hektometer weiter parkt das Auto am Ufer der Fecht, eine steile Wanderung beginnt. Algerien Ein Schild gibt die Richtung an: „Mt. Sidi-Brahim“. Bis zum Monument erlaubt die Steigung, die zunächst auf sich schlängelnden Wegen leicht ist und sich dann ab den verschneiten Böden verstärkt, keine Pause. Mit kurzem Atem lässt sich jeder vom Rhythmus des Gehens wiegen. Die Wälder sind verlassen. Kein einziger Wanderer in diesem neuen Lockdown. Nur das dumpfe Geräusch der beschleunigten Schritte eines Rehs, das sich schnell in Sicherheit bringt oder das dumpfe und harte eines Stammes, der unter Einfluss des Eises zerspringt, stören den Geist der großen Stille des winterlichen Waldes. Nach und nach wird die Landschaft düsterer. Einige

Spuren des Krieges tauchen auf, die zunächst diskret sind: Stahlteile, die aus der Erde ragen, eine komische Konstitution des Bodens, die an einen entstehenden Schützengraben erinnern könnte... An diesen Hängen haben im Laufe des 1. Weltkrieges brutale Kämpfe stattgefunden, aber im Gegensatz zu berühmten Orten – Maginot-Linie und Hartmannswillerkopf allen voran – blieb dieses Schlachtfeld vergessen und Poly 234

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PROMENADE SPAZIERGANG

ist dem ewigen Frieden der Geschichte überlassen. Eine einfache Marmor-Platte mit der Aufschrift „Sidi-Brahim“ ist an einem Felsen angebracht. Zu ihren Füßen ein Band in den französischen Nationalfarben, das ein wenig Farbe in eine Landschaft bringt, die von makellosem Weiß bedeckt ist. Kein Zusammenhang (oder fast) mit dem berühmtesten Fusel Afrikas, einem Stern des Weinanbaugebiets Französisch-Algerien, der heute in... Tunesien produziert wird. Der Ort war das Theater einer Heldentat im Juni 1915: Vier Tage lang leisten die vom Kapitän Manhès kommandierten Soldaten, die in der Unterzahl sind, Widerstand gegen die Deutschen, kämpfen mit allem was sie finden. Auf Anordnung des Generals Louis Ernest de Maud’huy wird die 6. Kompanie des 7. Bataillons der Alpenjäger „Compagnie de Sidi-Brahim“ getauft um an die Schlacht zu erinnern, die zwischen dem 23. und 26. September 1845 zwischen den französischen Truppen und Abd el-Kader stattfand, während derer eine Handvoll Jäger und Husaren 10 000 Männern des Emirs die Stirn boten. Vogesen Die Stille ist total. Die Geräusche werden von einem schweren Schneemantel gedämpft. Wir steigen bergauf durch eine Vegetation, deren gequälte Formen an die Vergangenheit erinnern. In der Ferne fliehen flott einige Gämsen. Der Gipfel des Hilsenfirsts (1274 Höhenmeter) gleicht der Mondoberfläche: Der Boden zeigt noch die Spuren der harten Kämpfe von 1915 und der unaufhörlichen Schüsse der Artillerie. Heute ist alles ruhig auf dem Gipfel, über den Winde wehen, die den Schnee verteilen. Bei schönem blauem Himmel ist die Sicht auf den Schnepfenried großartig. Plötzlich taucht eine Schneeböe den gesamten Berg in tiefste Nacht. Die Sonne ist nur noch ein Schatten, der sich fahl auf dem Schnee widerspiegelt. Wir lassen dieses Universum aus Eis und Gespenstern (manchmal bekannt, da der Wüstenfuchs Erwin Rommel 1916 und Harry Truman, der spätere Präsident der Vereinigten Staaten 1918, hier kämpften) hinter uns und steigen ins Tal ab. Der Geist tendiert dazu, vor diesen dunklen Erinnerungen zu flüchten. Tausendundein Vorwände bieten sich ihm um zu entfliehen: Die Form des Mooses, das sich um einen Stamm ausbreitet und an die Op Art von Vasarely erinnert, ein Gesicht, das von Picasso gemalt sein könnte in der Eisschicht einer Pfütze, kubistisches Gewirr von Baumstümpfen, die am Rande des Weges liegen... Als wir wieder zum Auto zurückkehren, hat sich das Leben durchgesetzt. 72

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voyage au centre du verre Signée Emma Pflieger & Antoine Foeglé, Magma évoque une capsule d’exploration intra-terrestre. Le duo décrypte la boule de Noël 2020 du CIAV de Meisenthal.

reise zum mittelpunkt des glases Die von Emma Pflieger & Antoine Foeglé entworfene Magma erinnert an eine Erkundungskapsel zur Erforschung des Erdinneren. Das Duo entschlüsselt die diesjährige Christbaumkugel des CIAV in Meisenthal.

Par Von Hervé Lévy Photos de von Guy Rebmeister / Ciav Meisenthal

Au vu des circonstances sanitaires, la boule est aussi disponible en ligne Angesichts der pandemiebedingten Einschränkungen ist die Kugel auch online erhältlich En parallèle, paraît Mission Magma un album jeunesse illustré par Ariana Roshan (éditions CIAV / Meisenthal, 8 €) ciav-meisenthal.fr

À GAGNER ZU GEWINNEN 4 x 1 Boule Kugel - MAGMA Jouez sur Spielen Sie unter fb/mag.poly

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Comme définir le credo du duo – désormais installé dans le Jura – que vous avez nommé PFLIEGERFOEGLE ? Chaque projet est différent et répond à sa propre logique. Nous ne cherchons pas à les lier, mais préférons porter à chacun d’entre eux des questionnements propres, initiant des solutions à chaque fois singulières. Nous abordons ainsi des projets prospectifs et aimons travailler de manière transversale, par association d’idées, avec poésie et pragmatisme. Quel a été le point de départ de Magma ? C’est une intuition que nous avons suivie. En démarrant sur Google Maps puis sur des calculateurs automatiques de points antipodaux, nous avons voyagé partout dans le monde en l’espace d’un après-midi, pour revenir à Meisenthal. Nous sommes partis de ce territoire et avons imaginé à quoi pourrait ressembler

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cette expédition. Nous avons ensuite traité cette question, en apparence absurde, le plus sérieusement possible. Il y a évidemment un aspect “Jules Verne” dans la forme de la boule : est-ce une référence assumée ? Nous avons attentivement regardé le Nautilus, mais aussi des expéditions spatiales réelles. La boule est un collage de formes qui se réfèrent au pas de vis, au fil à plomb et aux vaisseaux spatiaux. Le cinéma de science-fiction a joué un rôle important dans le processus de création, de La Femme sur la Lune de Fritz Lang à 2001, l’Odyssée de l’espace de Kubrick, en passant par les machines de Blade Runner de Ridley Scott. La voiture de la Famille Pierrafeu a aussi été une grande inspiration. C’est un engin de pierre, et pourtant on ne peut s’empêcher d’imaginer comment elle pourrait fonctionner.


WEIHNACHTEN 2020 Quelles furent les contraintes techniques ? Elles sont plus liées au moule. Pour cela nous avons pu compter sur l’aide de Pierre, le mouliste qui a l’habitude maintenant de travailler avec le CIAV. Par ailleurs, les artisans verriers sont là pour nous guider et anticiper d’éventuels problèmes. Bien souvent les contraintes techniques liées au verre nous ont permis d’enrichir la forme, par exemple pour cacher les jonctions du moule. Quelle symbolique trouver à cette boule ? C’est un modèle réduit, un prototype à l’échelle 1:50 qui symbolise une possible expédition de l’autre côté de la terre. Cette boule est le fruit d’un raisonnement par l’absurde qui nous a beaucoup amusés. Wie würden Sie das Kredo ihres Duos – das heute im Jura installiert ist – definieren, welches sie PFLIEGERFOELGLE getauft haben? Jedes Projekt ist anders und hat seine eigene Logik. Wir versuchen nicht, sie miteinander zu verbinden, sondern ziehen es vor, uns bei jedem von ihnen eine neue Fragestellung zu geben und so jeweils einzigartige Lösungen zu finden. So gehen wir an zukunftsorientierte Projekte heran und wir arbeiten gerne interdisziplinär, mit Gedankenassoziationen, Poesie und Pragmatismus. Was war der Ausgangspunkt von Magma? Eine Intuition, der wir gefolgt sind. Zunächst auf Google Maps, dann auf Rechnern zu den Antipoden-Punkten sind wir an einem Nachmittag durch die ganze Welt gereist, um nach Meisenthal zurückzukommen. Wir sind von diesem Gebiet ausgegangen und haben uns vorgestellt, wie die Expedition aussehen könnte. Wir haben dann diese scheinbar absurde Frage so ernsthaft wie möglich behandelt. Es gibt offensichtlich einen „Jules-Verne-Aspekt“ in der Form der Kugel: Eine bewusste Referenz? Natürlich haben wir aufmerksam die Nautilus studiert, aber auch andere echte Weltraumexpeditionen. Die Kugel ist eine Collage von Formen, die sich auf das Schraubengewinde, das Senklot und auf Raumschiffe beziehen. Das Science-FictionKino hat eine wichtige Rolle im Schaffensprozess gespielt, von Frau im Mond von Fritz Lang, bis 2001: Odysee im Weltraum von Kubrick, über die Maschinen in Blade Runner von Ridley Scott. Das Auto der Familie Feuerstein war ebenfalls eine große Inspiration. Es ist ein Steingerät und trotzdem kann man sich vorstellen wie es funktionieren könnte.

Was waren die technischen Herausforderungen? Die technischen Herausforderungen bestehen eher bei der Form. Hier konnten wir auf Pierre zählen, den Formbauer, der es gewohnt ist für den CIAV zu arbeiten. Außerdem sind die Glaskunsthandwerker da um uns zu leiten und eventuellen Problemen vorzugreifen. Oft haben uns die technischen Zwänge des Glases erlaubt die Form zu bereichern, zum Beispiel um die Verbindungsstellen der Gussform zu verstecken. Was symbolisiert diese Kugel? Es ist ein reduziertes Modell, ein Prototyp im Maßstab 1 : 50, der eine mögliche Expedition auf die andere Seite der Erde symbolisiert. Diese Kugel ist das Ergebnis eines absurden Gedankengangs, der uns sehr amüsiert hat.

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© OTC Mulhouse et sa région

© Jean-Marie Biwer 2020 Mudam Store

NOËL 2020

FLOWER POWER

NATURE

STRAS & FOLK

L’édition 2020 du traditionnel tissu de Noël mulhousien s’offre aux amateurs de déco d’intérieur, avec des roses grand format à la Napoléon III. Signée par la styliste Marie-Jo Gebel, Résilience, la bien nommée étoffe, s’inspire de la mode des roseraies qui gagna les jardins sous le Second Empire : grosses fleurs à la russe sur fonds sombres avec volutes. Vendue au mètre, en ligne et jusqu’à la fin décembre dans l’éphémère Boutique aux étoffes installée place de la Réunion. (S.V.) Die diesjährige Version des traditionellen Weihnachtsstoffs aus Mulhouse ist für Liebhaber von Dekorationen, mit großformatigen Rosen à la Napoléon III. Der von der Designerin Marie-Jo Gebel entworfene Stoff mit dem Namen Résilience ist von der Mode der Rosengärten im Zweiten Kaiserreich inspiriert: Große Blumen vor dunklem Hintergrund, mit vielen Windungen. Der am Meter verkaufte Stoff ist online und bis Ende Dezember in der auf der Place de la Réunion installierten Boutique erhältlich.

Amoureux de l’art, ne cherchez plus, voilà le graal des cadeaux ! Une sérigraphie originale de Deux Bouleaux en été, lumineuse ode à la nature et sa beauté du peintre dudelangeois Jean-Marie Biwer, exposé l’été dernier au Musée d’Art contemporain du Luxembourg (Mudam pour les intimes). Les 100 exemplaires de cette édition limitée, numérotés et signés par l’artiste, sont disponibles au prix de 350 € (dimensions : 38 x 50 cm), sur le site de la boutique du musée. (S.V.) Das Geschenk für Kunstliebhaber! Ein Original-Siebdruck von Deux Bouleaux en été, eine strahlende Ode an die Natur und ihre Schönheit vom Maler Jean-Marie Biwer aus Dudelange, der im vergangenen Sommer im Musée d’Art Contemporain du Luxembourg (auch als Mudam bekannt) ausgestellt wurde. Die 100 Exemplare dieser limitierten Auflage sind nummeriert und vom Künstler signiert, erhältlich zum Preis von 350€ (Dimension 38x50cm) auf der Homepage des Museumsladens.

Pour les Fêtes, le label strasbourgeois Deaf Rock a concocté un séduisant coffret folk en édition limitée (34,90 €), regroupant les vinyles de ses deux dernières sorties 100% artistes locaux. Foreshots, quatrième opus des Dirty Deep, nous plonge aux racines du heavy blues. Mais c’est pour le songwriting soigné et intimement kaléidoscopique des Confinement Tapes du jeune «Bob Prokop Dylan», grandi dans le nord de l’Angleterre et installé dans la capitale alsacienne, que l’on craque ! (S.V.) Für die Feiertage hat das Straßburger Label Deaf Rock einen Folk-Set in limitierter Ausgabe komponiert (34,90€), mit Schallplatten die die aktuellen Veröffentlichung seiner 100% lokalen Künstler beinhalten. Foreshots, das vierte Werk von Dirty Deep bringt uns zu den Wurzeln des Heavy Blues. Aber unser Favorit ist das sorgfältige und intime Songwriting der Confinement Tapes des jungen „Bob Prokop Dylan“, der in Nordengland aufwuchs und in Straßburg wohnt!

tourisme-mulhouse.com

mudamstore.com

pegasemusic.com

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HIÉRO IS HOTTE SOLEIL LEVANT FLY LIKE A BIRD Fortement impacté par l’interdiction des concerts debout depuis le premier confinement, Hiéro Colmar ne baisse pas les bras. L’équipe s’est retroussé les manches pour faire de Noël une fête culturelle comme on les aime, en concoctant 4 paniers thématiques locaux (45 €) mêlant un breuvage houblonné de la Brasserie du Grillen, une bouteille de vin, un livre au poil sélectionné par la Libellule Café et un vinyle de groupes de la région. Si nous avons hésité entre les sélections autour du blues de Dirty Deep ou de la pop de Manson’s Child, c’est bien le folk inspiré de The Wooden Wolf (PEGASE, anciennement DR Records) sur lequel nous avons jeté notre dévolu. Accompagné du fort bien nommé L’Insolent (Sylvaner du Domaine Gsell) et d’une Pale Ale Mosaïc, nous voilà armés pour dévorer le récit initiatique de Pete Fromm, Indian Creek (Gallmeister), auréolé du prix des Jeunes Libraires 2020. Et rêver un peu avant 2021. (T.F.)

Les éditions strasbourgeoises 2024 sont allées dénicher au Japon Onze chatons dans un sac, livre culte pour tous les enfants. Il fait partie d’une série imaginée par Noboru Baba entre 1967 et 1996 dans laquelle onze matous et leur général Chat tigré vivent un tas d’aventures. Hardis, intrépides et aussi insoucieux que de jeunes bambins, la petite troupe un peu voleuse ignore délibérément toutes les interdictions (monter dans un arbre, cueillir des fleurs, etc.) pour le plaisir de s’amuser et de désobéir aux règles. Heureusement qu’ils sont plus finauds et bien plus dégourdis qu’il n’y paraît, car les dangers rôdent, à l’instar d’un ogre habitant le haut d’une montagne les piégeant avec malice. Les contours joyeux de la bande, rappelant les échappées belles de scouts en pleine nature, sont dessinés dans des couleurs chatoyantes. Le trait léger et fin au milieu de grands aplats nous les rend immédiatement sympathiques. Comme un appel à la liberté et aux bravades. (D.V.)

federationhierocolmar.bigcartel.com

Paru aux Éditions 2024 (14,50 €) editions2024.com

L’ensemble de musique baroque strasbourgeois Le Masque vient de sortir un très beau CD dédié à Jacob van Eyck (1590-1657). Marc Hervieux et ses complices nous font découvrir Le Rossignol d’Utrecht dans un disque où ses compositions – au sein desquelles la flûte possède une place centrale – croisent les mélodies qu’il a collectées, danses, airs de cour français, etc. Ce corpus est d’une tonalité primesautière et virevoltante, idéale en cette période brumeuse ne respirant pas la joie. (H.L.) Das Straßburger Ensemble für Barockmusik Le Masque hat eine sehr schöne CD herausgebracht, die Jacob van Eyck (1590-1657) gewidmet ist. Marc Hervieux & Co lassen uns Die Nachtigall von Utrecht entdecken, auf einer Platte auf welcher seine Kompositionen, in denen die Flöte einen zentralen Platz einnimmt, auf Melodien stoßen, die er sammelte, Tänze, Melodien vom französischen Hofe, etc. Dieser Korpus von impulsivem und wirbelndem Klang ist ideal für diese nebligen, tristen Zeiten. le-masque.com Poly 234

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spice girl Visite chez la grande dame du pain d’épices Mireille Oster, dont les créations sont essentielles en cette période de Noël. Besuch bei der Grande Dame des Lebkuchens Mireille Oster, deren Kreationen in dieser Weihnachtszeit unbedingt dazugehören.

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Par Von Hervé Lévy Photos de von Vincent Muller

Mireille Oster, 14 rue des Dentelles & 17 rue des Moulins (Strasbourg) mireille-oster.com

orsqu’on évoque Noël, les yeux de Mireille Oster s’illuminent de joie : « Il s’agit d’une fête sacrée, celle de l’enfant Jésus, mais c’est aussi l’instant du renouveau, du retour de la lumière. À ce moment de l’année, les odeurs s’immiscent avec bonheur dans toute la ville, pénétrant au cœur des foyers : fragrances de bougies, de sapin et d’épices mêlées ». Nous voilà au cœur du sujet, car du pain d’épices artisanal, elle est la papesse strasbourgeoise, produisant d’étonnantes délices de pure extase avec les meilleurs ingrédients : farine du Moulin de

Hurtigheim, miels miraculeux, exquis fruits confits, cannelle de Ceylan, etc. Les découvrir, c’est plonger dans un océan de bonheur faisant remonter à l’esprit les vers de François Coppée : « Volupté des parfums ! Oui, toute odeur est fée / Si j’épluche, le soir, une orange échauffée / Je rêve de théâtre et de profonds décors. » Et en cette saison glacée, ses produits sont de première nécessité. Mireille rappelle que le pain d’épices « réchauffe et purifie l’atmosphère lorsqu’on le confectionne, tandis que sa douceur permet de lutter contre le froid. Il est l’idéal compagnon du vin chaud que la mystique rhénane du XIIe siècle Hildegarde de Bingen recommandait de consommer le matin, à jeun », s’amuse-t-elle. Le choix est large parmi toutes les créations nées de son imagination, car elle ne cesse d’arpenter le globe, cherchant des composants nouveaux pour des associations inédites et inspirées, puisque chaque produit « raconte une histoire ». On craque ainsi pour la Barre des Délices et ses 33 ingrédients (abricots, baies de Gogi, citron confit, pruneaux, noix de cajou, pistaches, clou de girofle, etc. etc.), booster efficace et naturel en cas de manque d’énergie. Au réveillon, en revanche « le foie gras de canard se marie parfaitement avec le Pain des Anges grâce à ses saveurs orangées, tandis que le Pain 7 épices, pour sa part, est le parfait compagnon du foie gras d’oie. » Mêlant avec finesse tradition séculaire et audace de l’expérimentation, localisme revendiqué et ouverture sur le monde entier, les créations de Mireille Oster font chanter les ingrédients, étonnent l’esprit et émoustillent les papilles. Le secret de la maison ? « Aimer. Aimer les personnes qui vont déguster mes créations. Aimer ceux avec qui on travaille. Aimer les produits », tout simplement… Quand on vous dit que pains d’épices et Noël sont deux mots qui vont très bien ensemble.

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enn man Weihnachten anspricht, leuchten die Augen von Mireille Oster auf: „Es ist ein heiliges Fest, jenes des Jesuskindes, aber auch jenes der Erneuerung, der Rückkehr des Lichts. Zu dieser Jahreszeit ziehen die Düfte durch die Straßen der ganzen Stadt, dringen in die Häuser ein: Eine Mischung aus Kerzen, Tannenbaum und Gewürzen“. So sind wir mitten im Thema, denn sie ist die Straßburger Päpstin des Lebkuchens, die erstaunliche Leckereien mit den besten Zutaten herstellt: Mehl aus der Mühle von Hurtigheim, wunderbarer Honig, exquisite kandierte Früchte, CeylonZimt, etc. Sie zu entdecken, heißt in einen Ozean des Glücks einzutauchen, der uns die Verse von François Coppée in den Sinn ruft: „Genuss der Düfte! Ja, jeder Geruch ist eine Fee / Wenn ich am Abend eine erwärmte Orange schäle / Träume ich von Theater und tiefgründigen Bühnenbildern“. Und in dieser eisigen Jahreszeit sind ihre Produkte ein Grundbedürfnis. Mireille erinnert daran, dass der Lebkuchen „die Atmosphäre erwärmt und reinigt, wenn man ihn herstellt, während seine Zartheit es erlaubt, gegen die Kälte anzuhalten. Er ist ein idealer Begleiter zu Glühwein, den die rheinische Mystikerin des 12. Jahrhunderts, Hildegard von Bingen, morgens auf leeren Magen empfahl“, amüsiert sie sich. Die Auswahl ist riesig, bei den vielen Rezepten, die sie sich ausdenkt, denn sie reist ständig um die Welt um neue Zutaten für neue Assoziationen zu finden, denn jedes Produkt „erzählt eine Geschichte“. So wird man schwach für die Barre des Délices mit ihren 33 Zutaten (Aprikosen, Gojibeeren, kandierte Zitronen, Pflaumen, Cashewnüsse, Pistazien und Nelke, etc.), ein effektiver und natürlicher Energieriegel. An Silvester hingegen „passt Foie Gras von der Ente perfekt zum Pain des Anges, dank seiner Orangennote, während das Pain 7 épices seinerseits am Besten zu Gans passt.“ Indem sie mit Finesse jahrhundertealte Tradition und Experimentierfreude verbinden, lokale Produkte beinhalten und der ganzen Welt gegenüber offen sind, bringen die Kreationen von Mireille Oster die Zutaten zum Klingen, erstaunen den Geist und stimulieren die Geschmacksnerven. Das Geheimrezept? „Liebe. Zu den Personen, die meine Kreationen kosten werden. Jenen, mit denen man arbeitet, den Produkten“, ganz einfach... Lebkuchen und Weihnachten, das gehört einfach zusammen. Poly 234

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xmas, click & collect À Strasbourg, La Casserole propose un joli menu de réveillon à emporter, en attendant des jours meilleurs.

xmas zum abholen In Straßburg bietet La Casserole ein tolles Weihnachtsmenü zum Mitnehmen an, in der Hoffnung auf bessere Zeiten. Par Von Hervé Lévy Photos de von Anne Lienhart et und Paola Guiguou

La Casserole, 24 rue des Juifs (Strasbourg). Menu du 24/12 à 69 € (à commander sur le site ; avant cela, un menu à emporter est aussi disponible chaque samedi, 34 €) La Casserole, 24 rue des Juifs (Straßburg). Menü für den 24.12. für 69€ (Bestellung über die Homepage, davor kann auch jeden Samstag ein Menü zum Abholen für 34€ bestellt werden) la-casserole.fr

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our Cédric Kuster, le cru 2020 des “fêtes” sera « plus sincère et authentique. Ce ne sera pas le Noël commercial dont on a trop pris l’habitude », résume le responsable de La Casserole qui a imaginé, avec son chef Jean Roc, un menu à emporter en quatre temps qui s’offre encore le temps de s’offrir des détours du côté de l’amour… Entre fraîcheur iodée d’un homard bleu se pavanant sur son lit de légumes et filet de sandre très très choux et éminemment alsacien, les choses débutent à merveille. Avec ce plat signature, il s’agit également de « soutenir symboliquement la filière choucroutière qui a subi la crise sanitaire de plein fouet ». Élément pivot du menu, le filet de bœuf en croûte au foie gras façon Wellington est pure merveille hivernale avec ses légumes au four barbotant allègrement dans un précis jus au madère et truffe. Les débats se clôturent avec la rencontre improbable entre l’amertume racée du chocolat noir, le fruit de la passion et la mangue, imaginée par un complice de la maison, le pâtissier Thierry Mulhaupt.

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ür Cédric Kuster wird das diesjährige Fest „ehrlicher und authentischer. Es wird nicht das kommerzielle Weihnachten sein, an das wir uns zu sehr gewöhnt haben“, fasst der Geschäftsführer von La Casserole zusammen, der sich mit seinem Küchenchef Jean Roc ein liebevolles Viergänge-Menü zum Mitnehmen ausgedacht hat. Zwischen der jodhaltigen Frische eines blauen Hummers auf seinem Gemüsebett und typisch elsässischem Zanderfilet mit Kraut, beginnt das Ganze wunderbar. Bei diesem Gericht geht es auch darum, „auf symbolische Weise die Sauerkraut-Branche zu unterstützen, die die Krise mit voller Wucht erfahren hat.“ Dreh-und Angelpunkt des Menüs ist ein Filet Wellington mit Foie Gras, ein pures winterliches Meisterwerk mit Wintergemüse aus dem Ofen, das in einem Saft aus Maderawein und Trüffeln planscht. Das Festessen wird von der Begegnung von Bitterschokolade, Passionsfrucht und Mango abgerundet, die sich ein Komplize des Hauses, der Konditor Thierry Mulhaupt, ausgedacht hat.



THRILLING

FLYING

DAZZLING

À Fläsch (Grisons), Daniel Gantenbein imagine parmi les meilleurs vins helvètes, au nombre desquels il faut mentionner un invraisemblable pinot noir. Voilà brillante bouteille, structurée en diable et pleine de générosité, en un adjectif : exceptionnelle ! In Fläsch (Grisons) erzeugt Daniel Gantenbein die besten Weine der Schweiz, darunter einen unglaublichen Pinot Noir. Eine brillante Flasche, strukturiert und großzügig, in einem Wort: Außergewöhnlich! gantenbeinwine.com

La cuvée de macération Icare du Domaine Josmeyer (Wintzenheim) est d’une grande droiture, sans austérité aucune. Un mélange entre jansénisme et hédonisme assumant des racines terrestres et une aspiration céleste… sans toutefois se brûler les ailes ! Der Jahrgang Icare des Domaine Josmeyer (Wintzenheim) ist von großer Gradheit, ohne jegliche Strenge. Eine Mischung von Jansenismus und Hedonismus mit betont geerdeten Wurzeln und himmlischen Idealen... die sich ihre Flügel nicht verbrennt! josmeyer.com

Qui a dit que les bulles allemandes n’étaient pas à niveau ? Tester les bouteilles de Sekt de la maison Griesel & Compagnie (Bensheim) est pur enchantement. Pensons aux bulles bondissantes du Riesling Réserve 2013 : petite production, immense qualité ! Wer hat gesagt, dass deutsche Schaumweine nicht mithalten können? Die Sektflaschen des Hauses Griesel & Compagnie (Bensheim) zu testen, ist pure Entzückung. Man denke an den prickelnden Riesling Réserve 2013: kleine Produktion, aber große Qualität! griesel-sekt.de

SURPRISING

SPARKLING

AMAZING

Appelé Les Dix Bulles, le pétillant naturel (pet’nat’ pour les intimes) du Domaine de la Touraize (Arbois) c’est la classe à Dallas ! 20% de pinot et 80% de trousseau pour une joyeuse orgie bullant avec abondance qui saura accompagner cette fin d’année si singulière ! Der natürliche Perlwein mit dem Namen Les Dix Bulles des Domaine de la Touraize (Arbois) hat klasse! 20% Pinot und 80 % Trousseau für eine fröhliche Orgie, die dieses besondere Jahresende perfekt begleiten wird. domaine-touraize.fr

La maison De Sousa (Avize) est une rising star du vignoble champenois. On craque pour Les Caudalies, cuvée 100% Chardonnay issue de vignes âgées de plus de 60 ans cultivées en biodynamie. Complexe et classieuse à souhait, elle est puissamment racée ! Das Haus De Sousa (Avize) ist ein aufsteigender Stern am Weinhimmel der Champagne. Man wird schwach für Les Caudalies, einen 100% Chardonnay-Jahrgang aus Weinreben, die mehr als 60 Jahre alt sind und biodynamisch ausgebaut werden. Komplex und voller Klasse! champagnedesousa.com

Après deux collaborations (2016 & 2018), le Champagne Thiénot s’associe à nouveau à la star du street art Speedy Graphito pour un magnum en série limitée célébrant la nature victorieuse et luxuriante. Le breuvage est à l’image du flacon : audacieux et créatif ! Nach der Zusammenarbeit in den Jahren 2016 und 2018 tut sich der Champagne Thiénot erneut mit dem StreetArt-Star Speedy Graphito zusammen, für eine Magnumflasche in limitierter Auflage, die die siegreiche und üppige Natur feiert. Das Getränk entspricht der Flasche: kühn, kreativ und fröhlich! thienot.com

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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

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