Poly 242 - Janvier 2022

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N°242

JANVIER

2022 POLY.FR

MAGAZINE A C TE II



© Bruce Aufrere / Daniel Buren / ADAGP

BRÈVES

Burning man

Traces de lui

Avec Point de vue ascendant, le célébrissime Daniel Buren redonne vie au dijonnais parc de l’Hôtel de la Thoison. Visible jusqu’en novembre 2022 et courant sur 35 mètres, l’installation inspirée des tuiles vernissées bourguignonnes donne l’impression de se prolonger dans le toit de la bâtisse de la Banque de France. Le motif de losanges imprimé use pourtant de couleurs subtilement différentes et propres à l’artiste, qui propose un regard nouveau sur le patrimoine, créant un trompe-l’œil en majesté pour mieux lier architecture et jardin. interface-art.com

© A.Thome / LMS

Inspirés par l’histoire dramatique de Georg Büchner sur l’écrivain Jakob Lenz et son voyage vers le village isolé de Waldersbach, le metteur en scène Edzard Schoppmann et sa troupe partent sur ses traces dans Büchners Lenz (au Theater Eurodistrict BAden ALsace, Neuried, 20-30/01 puis au Parktheater Lahr, 13 & 14/02). Reportages, interviews, commentaires de films, interjections musicales ouvrent l’horizon. La production jette un regard d’aujourd’hui sur le passé. theater-baden-alsace.com

Let The Music Play

Pour sa 5e édition, le rémois festival de musiques actuelles La Magnifique Society (24-26/06) frappe un grand coup. Black Eyed Peas (26/06), Herbie Hancock (24/06), PNL (25/06)… Les plus prestigieuses têtes d’affiches seront de la partie au cœur du Parc de Champagne. Côté chanson française, Clara Luciani (24/06) et Juliette Armanet (25/06) sont d’ores et déjà annoncées. D’autres noms sont à venir pour cette saison qui s’annonce inoubliable, entre étoiles montantes et pépites du futur. La billetterie, elle, est ouverte. Let’s go ! lamagnifiquesociety.com

Frissons

La 29e édition du Festival international du film fantastique de Gérardmer (26-30/01) aura pour invité d’honneur Nicholas Meyer, un scénariste de grand talent auquel on doit l’un des meilleurs Star Trek (La Colère de Khan, le second opus) ou encore Le Jour d’après pour la télévision dans les années 1980. Il est de ceux qui inspirèrent toute une génération… festival-gerardmer.com POLY 242

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BRÈVES

Résistance

© Manuvino

© Hervé Goluza

Avec Soulèvement, Tatiana Julien explore en solo la puissance et la gloire, le pouvoir d’attraction des discours invitant à la révolte comme le magnétisme des images dont se manipule la symbolique à l’envi. Engageant totalement son corps, elle signe au CCN Ballet de Lorraine (04/01) un acte de résistance sans concessions, où elle boxe avec les mots de figures tutélaires (Malraux, Martin Luther King ou Edgar Morin). Le public est disposé de part et d’autre d’un plateau tout en longueur. S’instaure une ambiance électrique, mélange d’attroupement sportif, de concert (un playback de Mylène Farmer en live, dans lequel on peut chanter que « tout est chaos » en se donnant totalement en spectacle) et de meeting politique. La lumière lézarde la scène de convulsions rythmées sur une bande son endiablée de punchlines. Cette sacrée danseuse, capable de changer de registre comme de costume sans cesser de briller, emprunte des pas au jumpstyle, un déhanché au ras du sol genoux fléchis, au voguing ou une attitude de harangue à une battle urbaine. ballet-de-lorraine.eu

Patrimoine

Le Signe, centre national du graphisme installé à Chaumont, inaugurait mi-décembre un nouveau parcours célébrant le fonds d’affiches conservé depuis la première édition de son Concours international d’Affiches, en 1990. Soit quelques 1 500 créations réunies dans Jours de fête 2 et témoignant d’une époque pas si lointaine où l’on promouvait d’autres types de relations. Des jours heureux, dans lesquels fleurissaient aussi des posters défendant des causes et luttes sociales. centrenationaldugraphisme.fr/le-signe

Stand-Up

Une fois n’est pas coutume, l’Ajam (Amis des jeunes artistes musiciens) délaisse son domaine de prédilection et s’en va lorgner du côté de la voix. Et quelle voix ! Celle de Marie Perbost, Révélation lyrique 2020 aux Victoires de la Musique classique, qui se raconte au fil d’un récital délicieusement décalé flirtant avec le stand-up. Accompagnée par la pianiste Joséphine Ambroselli, la soprano est en tournée dans toute l’Alsace, de Bischwiller à Altkirch en passant par Colmar, Mulhouse et Strasbourg (16-28/01). ajam.fr POLY 242

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Remi Malingrey, Tout feu tout flamme

BRÈVES

Coucher de soleil

On Fire

Le Centre culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy célèbre les 30 dernières années de carrière de Rémi MalinGrëy. Né à Commercy, le Nancéien d’adoption se fait Tout Feu Tout Flamme (12/01-04/02) : on découvre ses peintures, rarement montrées, et l’on craque pour son ironie mordante et ses couleurs chatoyantes. centremalraux.com

Master

© Gabriella Diamant

Danse avec ton crous © Guillaume Héraud

L’Etappenstall d’Erstein consacre une exposition au “maître de Fegersheim”, Henri Ebel (1849-1931). Du 14 janvier au 23 février, cette première présentation monographique est dédiée à un peintre de la lumière : paysages au clair de lune ou jardin au soleil couchant, intérieur à la chandelle ou autoportrait à près de 70 ans, barbe fournie, éclairé de trois quart en costume. Splendide. ville-erstein.fr

So pop

Avec l’exposition POP – Prototype Objet Particulier (jusqu’au 11/02, Atheneum), l’Université de Bourgogne met à l’honneur les dispositifs ou matériels innovants imaginés dans ses laboratoires pour construire la science d’aujourd’hui et de demain. À ne pas manquer, un pistolet laser capable d’analyser la composition d’une roche en une fraction de seconde, des lunettes électroniques permettant aux aveugles d’éviter les obstacles, un fauteuil spatial atténuant l’effet de la gravité et même un curieux “ovipositomètre”. atheneum.u-bourgogne.fr

Émergence

Du 27 au 29 janvier, le Crous et l’Université de Strasbourg inaugurent une nouvelle salle de spectacles sur le campus : La Pokop (19 rue du Jura) sera entièrement dédiée à la jeune création du champ des arts vivants. 204 places assises qui accueilleront divers artistes en résidence et leurs spectacles. Le programme est à venir mais notez déjà en juin, le désormais attendu Festival Démostratif qui s’y déroulera en partie sur la thématique “Inévitable(s) révolte(s)”. lapokop.fr POLY 242

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Bonne année de l‘ours © Hervé Lévy

OURS Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)

Thomas Flagel Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly.

Sarah Maria Krein Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK.

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Julien Schick julien.schick@bkn.fr RÉDACTEUR EN CHEF Hervé Lévy herve.levy@poly.fr RÉDACTEURS Thomas Flagel thomas.flagel@poly.fr

Suzi Vieira suzi.vieira@bkn.fr

ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO Lucie Chevron, Stéphane Louis, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel & Raphaël Zimmermann

Julien Schick Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ?

STUDIO GRAPHIQUE Anaïs Guillon anais.guillon@bkn.fr

Suzi Vieira Après Courrier international ou Books, elle pose ses valises à Poly. Intraitable avec les concepts, elle jongle avec les mots comme son homonyme le faisait avec les ballons à la Coupe du monde 1998.

DIGITAL Jordan Herth webmaster@bkn.fr MAQUETTE Blãs Alonso-Garcia logotype Anaïs Guillon maquette avec l'équipe de Poly ADMINISTRATION & ABONNEMENTS Mélissa Hufschmitt melissa.hufschmitt@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 30 DIFFUSION Vincent Bourgin vincent.bourgin@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 32

Anaïs Guillon Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’une Fiat 500 lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique !

CONTACTS PUB

Éric Meyer Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain.

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r 5 numéros - 20 €

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Patrice Brogard patrice@poly.fr

© Poly 2021-22 Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.

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Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr

Magazine mensuel édité par BKN Dépôt légal : Décembre 2021 — Impression : CE S.à.R.L. au capital de 100 000 € SIRET : 402 074 678 000 44 — ISSN 1956-9130

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Julien Schick julien.schick@bkn.fr



SOMMAIRE

SCÈNES 16 Fête pour petits et grands avec le retour du festival Momix

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18 La création libanaise à l’honneur de FARaway, festival pluridisciplinaire envahissant Reims 22 L’année commence avec elles, chorégraphes et danseuses, à Pôle Sud 22-44

l'Agenda des Saisons 21/22TE II AC

46 Spectacles Transverses et transgenres à la Cité musicale messine 49 La nouvelle création au TNS de l’écorché vif et poétique Lazare, Cœur instamment dénudé 50 Israel Galván en duo flamenco à MA scène nationale

MUSIQUES 53 Le renouveau de la chanson française d’autrice avec P.R2B, Pauline Rambeau de Baralon

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54 La Femme ou le retour du groupe tout feu tout femme 59 Mikaël Serre signe un Ariane et Barbe-bleue tourné vers l’émancipation à l’Opéra national de Lorraine

EXPOSITIONS 62 Plongée dans The Cost of Life au Museum Tinguely ou l’influence de l’industrie pharmaceutique sur nos vies 49

GASTRONOMIE 66 Un dernier pour la route : le parcours Art in situ dans les vignes de Bourgogne

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COUVERTURE Ce portrait en noir et blanc de Sarah Cerneaux, ciselé par l’œil de Philippe Lago, livre à lui seul la recherche intimiste de la jeune chorégraphe qui signe son premier solo à Pôle Sud (lire page 22). Sa plongée en elle-même, soucieuse de ses petits abandons, permet de mieux aller vers l’autre. L’année débutera définitivement avec elle… 10

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RESTAURANT VIETNAMIEN

SUR PLACE OU À EMPORTER 14, PLACE SAINT-ÉTIENNE À STRASBOURG 09 51 60 93 14


ÉDITO

L’année Molière Par Hervé Lévy — Illustration d’Éric Meyer pour Poly

I

l y a quatre-cents ans, JeanB a pt i s te Po q u e l i n , p l u s connu sous le nom de Molière, naissait à Paris. Si la date exacte n’est pas connue, il est cependant avéré qu’il fut baptisé le 15 janvier 1622 en l’Église Saint-Eustache. Gageons que l’année à venir connaîtra son lot de parutions, expositions, colloques et autres relectures de comédies iconiques. Le site moliere2022.org en donne déjà un petit aperçu. Il importe de se replonger toutes affaires cessantes dans des pièces composées dans un français d’une intense beauté, une langue du XVIIe siècle ne nécessitant pas d’être réécrite pour s’adapter à la contemporanéité afin que le plus grand nombre puisse la comprendre. À l’inverse de l’écriture inclusive qui se révèle foutrement excluante pour de nombreux lecteurs. N’en déplaise à certains, il suffit simplement d’un petit effort pour apprivoiser ces merveilleux alexandrins. Reste que le propos de Molière est d’une 12

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brûlante actualité en 2022, qu’il nous questionne sur le féminisme (« C’est faire à notre sexe une trop grande offense / De n’étendre l’effort de notre intelligence / Qu’à juger d’une jupe et de l’air d’un manteau / Ou des beautés d’un point, ou d’un brocart nouveau », balance Armande dans Les Femmes savantes), se moque de certains médecins et de leurs faux remèdes (Purgon et Diafoirus dans Le Malade imaginaire – toute ressemblance avec certains praticiens en période d’épidémie n’est pas fortuite) ou se gausse de tous les pouvoirs, religieux en tête. Le Tartuffe devrait ainsi être lu avec une attention renouvelée dans tous les collèges de France, histoire de dénoncer la bêtise du fanatisme. Que ce soit dans L’Avare, Le Bourgeois gentilhomme ou Le Misanthrope, les types humains qu’il décrit sont intemporels : ses personnages ressemblent à nos voisins et nous aident à mieux comprendre le monde qui nous entoure. C’est pourquoi, au-delà de toute célébration figée, nous avons envie que 2022 soit placée au quotidien sous le signe de Molière. Une année que nous vous souhaitons magnifique, géniale, féconde, pleine de découvertes et de santé.



© Eve Devulder

CHRONIQUES

Au-delà des clichés

Anatomie d’un clos

Chansonnier nouveau

Philippe Lutz et Christian Kempf publient un ouvrage essentiel : avec Un Siècle de photographie en Alsace, ils dressent un passionnant panorama d’un des foyers majeurs de l’art en France entre 1839 et 1939. Si l’on retrouve les compositions des maîtres que furent Charles Winter (dont ses images saisissantes du Strasbourg d’après le bombardement de 1870) et Adolphe Braun avec ses extraordinaires portraits, le mérite de ce très bel ouvrage est de donner une vision d’ensemble servie par un appareil textuel bien troussé (avec notamment une contribution intitulée Photographie alsacienne ou photographie en Alsace ?). Autochrome Lumière des années 1910 (avec une vue poétique en diable du Fuchs-am-Buckel), aristotype du début du XXe siècle ou encore daguerréotypes des pionniers : la variété des procédés et des sujets est incroyable… Reste simplement à espérer que le dynamique éditeur mulhousien nous gratifie prochainement d’un tome second allant de 1939 à aujourd’hui. (H.L.)

Écrivain et ancien président du Conseil régional de Bourgogne, Jean-François Bazin (disparu en 2020) et le journaliste Laurent Gotti ont dédié un passionnant ouvrage au Clos de Vougeot « tout à la fois, un vignoble et un vin, un château vigneron et la plus prestigieuse table d’hôtes de la France ». Le duo fait découvrir au lecteur, L’Âme du vignoble bourguignon dans des pages où l’on croise Stendhal et Karen Blixen. Entre légendes ancestrales et réalité contemporaine (le lieu est idoine pour explorer les Climats de Bourgogne classés au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco), la grande Histoire viticole se mêle aux petites histoires humaines. Des moines cisterciens à aujourd’hui avec la confrérie des Chevaliers du Tastevin qui y a son siège, voilà une passionnante épopée qui se conclut avec le plan du clos et la liste, amplement et joliment commentée, des quelques 70 exploitants qui ont la chance d’avoir un pied (de vigne) dans ce morceau de choix du patrimoine viticole bourguignon. (P.R.)

Entre rap, chanson française et musique électronique, Nikola conte la réalité crue de ceux qui ont du mal à trouver leur place dans cette chienne de vie. Enfant du quartier de Montrapon, à Besançon, il écrit ses premières compositions au collège, à 17 ans quitte sa ville, sa mère et tous ses repères pour monter à Paris, puis là, découvre l’adulte qu’il veut être. Passage dans l’émission The Artist sur France 2 : ses textes et son interprétation touchent au cœur. « Je fume une clope, j’allume le filtre / parce que j’en ai rien à foutre / moi je serai jamais scientifique / et je ferai jamais bien du foot / là c’est devenu du fast-food / bientôt je finis à l’usine / Même quand je serai riche / je serai un pauvre / je ferai jamais avancer le monde » (C’est magnifique). Sélectionné aux Inouïs du Printemps de Bourges, programmé dans les meilleures salles indé de France (L’Autre Canal nancéien, l’Aérogare de Metz et même la Rodia bisontine où il sera en concert le 22/01), cet écorché de la vie sort, à 20 ans, son premier EP, Une Saison en enfance. Noir et brillant. (S.V.)

Paru chez Médiapop (39 €) mediapop-editions.fr

Paru chez Dunod (29 €) dunod.com

Édité par Label НИКОЛА bfan.link/une-saison-en-enfance

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FESTIVAL

Des Vivants

L’Hiver de Tulipe

La jeunesse au pouvoir La 49e édition du plus important festival dédié à la bande dessinée se profile à Angoulême. Coup de projecteur sur les artistes du Grand Est sélectionnés. Par Irina Schrag

S

i tout va bien d’ici là (ce que nulle Cassandre ne peut prévoir), le festival d’Angoulême retrouvera sa grandmesse du 27 au 30 janvier. Et parmi les ouvrages sélectionnés dans les milliers de publications de 2021, se glissent quelques pépites régionales. Personne ne sera surpris de retrouver Sophie Guerrive dans la course au Fauve d’or avec L’Hiver de Tulipe (paru aux Éditions 2024). Les trois premiers opus des aventures de cet ours aux pensées métaphysiques et de ses amis ont toutes connu l’honneur d’une Sélection officielle depuis 2017. L’ancienne pensionnaire de la Haute École des Arts du Rhin a même été choisie pour le Fauve des Lycéens. En 2020, son Club des amis, qui raconte les épopées d’enfance de ses personnages, avait été couronné du Prix jeunesse. Ce serait une belle confirmation pour celle dont la plume autant que le trait éblouissent d’année en année. Les Éditions strasbourgeoises 2024 réussissent le tour de force de placer deux autres ouvrages dans la compétition. Même double sélection (officielle et Fauve des Lycéens) pour Léa Murawiec avec Le Grand Vide, première BD dans laquelle son héroïne est menacée de disparition car pas assez “présente” dans l’esprit des gens qui l’entourent. Une version dystopique de la surutilisation des réseaux sociaux qui serait passée à la moulinette d’une relecture façon Black Mirror. Avec son encre de Chine, son style proche du manga et ses vues plongeantes et vertigineuses de mégalopole couverte de

patronymes, la jeune autrice signe l’un des plus beaux albums de l’année, dont les deux premiers tirages sont déjà quasiment écoulés ! Une puissante épopée narrant les aventures réseau de Résistance du Musée de l’Homme, signé Raphaël Meltz, Louise Moaty & Simon Roussin dans Des Vivants, complète ce tir groupé. Ils sont accompagnés d’une autre novice, Nina Lechartier, dessinatrice et scénariste d’Un soir de fête et autres nouvelles touristiques (paru chez Magnani). Passée par la Hear, elle déploie un univers fantastique et mystérieux où l’absurde voisine avec une maîtrise rare de la peinture et des couleurs sur différents supports. Ses fils narratifs variés ne cessent de nous surprendre et de nous étonner. Voilà grande autrice s’il en est ! Last but not least, Le Souffle du géant (paru chez Sarbacane) de Tom Aureille intègre lui la sélection Prix des Collèges 2022. Repéré en 2020 parmi les vingt Jeunes Talents du festival, ce Strasbourgeois d’adoption – dont c’est aussi la première BD – offre des cases au trait vif. Il raconte les périlleuses péripéties de deux sœurs dotées de pouvoirs magiques faisant face à la perte et aux épreuves de vies… mouvementées. bdangouleme.com

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Le monde de demain

Prométhée

La 31e édition du festival international jeune public Momix mêle exploration des nouvelles technologies, danse et spectacles engagés. Morceaux choisis avec son directeur, Philippe Schlienger. Par Thomas Flagel – Photos de Leafhopper et de Lionel Pesque

La crise sanitaire s’étire en longueur, êtes-vous inquiet pour la tenue de Momix ? Nous regardons les choses au jour le jour, sans précisions pour l’instant sur l’évolution possible des mesures sanitaires. Nous constatons une certaine prudence dans les réservations des spectacles programmés, même si l’intérêt des professionnels ne fléchit pas. Il convient d’attendre le début du mois de janvier pour ajuster les choses en fonction de l’évolution des contaminations. Malgré tout, je reste confiant, je pense que le festival aura lieu même si nous ne couperons pas à des contraintes sanitaires particulières. L’an passé, le festival ne s’était tenu qu’en direction des professionnels. Quel bilan en retirez-vous ? Les lieux étaient fermés au public, il n’y avait donc que des programmateurs face à des propositions réduites de moitié, sans compagnies étrangères. C’était 16

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dur mais nous avons pu montrer des fins de sorties de résidence et des créations pour permettre au secteur jeune public de faire son marché pour la saison 2122. Cette tentative a finalement bien fonctionné, nous avons eu 120 pros sur deux week-ends. Est né le salon Pro-Art pour faire se rencontrer à la manière d’un speed dating des artistes et des programmateurs, notamment pour évoquer et présenter les futures créations des compagnies. Nous renouvelons ce salon cette année car il a permis à de nombreuses équipes de se faire connaître auprès de programmateurs d’autres régions de France. Vous reprogrammez le focus sur les Pays-Bas qui n’avait pu se tenir en 2021… Nous tenons beaucoup à ce temps fort qui s’intéresse à un territoire ou un pays différent depuis plusieurs éditions. C’est un choix fort autour de compagnies que je suis personnellement. Pour les Pays-

Bas, ce seront six spectacles de tous genres : marionnettes (Hands up !, dès 3 ans), danse (Hihahutte, dès 2 ans et Kleur+, dès 2 ans) et musique (avec le concert dansé Spoon Spoon, dès 4 ans et Ramkoers, dès 6 ans). Nous invitons aussi une délégation de professionnels néerlandais afin de leur faire découvrir des pièces et des artistes. Cette couleur “orange” se retrouve aussi sur l’affiche confiée à l’illustratrice batave Zeloot, dont nous présentons une exposition des travaux, sans oublier quelques mets hollandais, aux Sheds, pour parfaire ce focus. Le secteur jeune public semble avoir plutôt été épargné jusqu’à présent. Est-ce une impression en trompel’œil ? Le secteur a été inventif avec de nombreux artistes ayant conçu des formats plus resserrés permettant de jouer dans des classes et des écoles, évitant ainsi les déplacements et mélanges d’élèves.


FESTIVAL

Bêtes de foire

Les sorties scolaires sont soumises à des contraintes très différentes entre primaire et secondaire, qui bougent souvent ! Une chose est sûre, les enseignants ont très envie de venir, mais leur venue dépend des réglementations et des contaminations, car dès qu’il y a un cas, c’est l’annulation. La programmation 2022 mêle poids lourds du jeune public et artistes plus “tout public”, venus du théâtre ou de la danse… C’est vrai qu’il y a une grande qualité de spectacles d’artistes ne venant pas forcément du jeune public. Je pense au chorégraphe Sylvain Huc qui revisite Alice au Pays des merveilles (Wonderland 1, dès 5 ans), à la danseuse Eugénie Rebetez pour sa première incursion chez les petits (Ah Ah Ah2, dès 6 ans). Mais il ne faut pas oublier d’autres grands noms de la marionnette comme la Cie Plexus Polaire avec Moby Dick3 (dès 14 ans), une grande forme que nous accueillons en partenariat avec La Coupole de Saint-Louis. L’édition est aussi marquée par des spectacles aux sujets forts, dans le fond comme dans la forme. Je pense

à Bérangère Vantusso avec Bouger les lignes 4 (dès 10 ans) avec des interprètes professionnels en situation de handicap de la Cie de l’OiseauMouche… J’ai le goût de choisir des productions ayant une densité artistique qui permettent de toucher aussi les adultes. Cette pièce bouscule les regards et les a priori. La création de la Compagnie du Double, Histoire(s) de France (dès 9 ans), devrait aussi faire événement dans sa manière de s’emparer avec finesse du récit que l’on peut faire d’une société plurielle et de sa constitution à travers les époques. Je me suis aussi questionné sur l’essor du streaming et des spectacles filmés, que je trouve tellement moins intéressants que la réalité. Les artistes allaient-ils s’emparer des outils numériques dans leur processus créatif ? Certains spectacles témoignent de cette tendance comme la création Crari or not crari : parcours d’(in)filtration entre réel et virtuel (dès 12 ans). La compagnie Ex Voto à la lune y joue de la réalité virtuelle avec brio. Prométhée des catalans d’Agrupación Señor Serrano (dès 7 ans) mélange ainsi des figurines de Lego filmées par micro-caméra, technologies numériques et mythes grecs

pour relire ces histoires fondatrices à l’aune de nos problèmes contemporains. Enfin, dans les propositions fortes et décalées, je citerai Nos petits enterrements de Méandres compagnie (dès 7 ans), évoquant la mort avec grande délicatesse et poésie, Moby Dick 150 (52 Hertz) de la cie Granit Suspension (dès 12 ans) avec une centaine de mouches derrière un écran pour parler de manière saugrenue et avec dérision de résistance politique. À Kingersheim et alentours du 27 janvier au 6 février momix.org

Puis en tournée à Pôle Sud (Strasbourg) du 6 au 8 mars – pole-sud.fr 2 Également joué au Vorstadttheater (Bâle) du 27 au 29 janvier et au Theater im Kornhaus (Baden) le 5 mars – vorstadttheaterbasel.ch & thik.ch 3 À retrouver au Manège (Reims) 20 & 21 janvier, aux 2 Scènes (Besançon) du 1er au 4 mars, au Théâtre des Feuillants (Dijon) le 1er avril, au Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul) le 5 avril et au TJP (Strasbourg) du 27 au 30 avril – plexuspolaire.com 4 À voir aussi à La Manufacture (Nancy) du 11 au 15 janvier, au TJP (Strasbourg) du 19 au 21 janvier et aux 2 scènes (Besançon) du 1er au 3 février troissixtrente.com 1

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FESTIVAL

Wild Wild East Dans FARaway, leur Festival des Arts à Reims, les structures culturelles de la cité des sacres imaginent un focus sur le Liban tout en accueillant quelques grands noms, de Bachar Mar-Khalifé à Gus Van Sant. Par Thomas Flagel – Photo de Bruno Simão

D

ix jours durant, la ville bat au rythme des concerts, performances, expositions et spectacles réunis dans un même festival ouvert aux pulsations du monde. En 2020, FARaway remplaçait Reims Scènes d’Europe avec de nouvelles envies d’ailleurs. Brésil et Afrique en tête d’une première édition, la seconde ayant dû être adaptée et diffractée au fil de la saison. Si l’on croise les doigts pour ce troisième rendez-vous majeur, le programme n’en demeure pas moins alléchant. Cap à l’Est avec l’une des contrées écartelées et ravagées par les enjeux géopolitiques mondiaux. Si Beyrouth, capitale du pays du cèdre a littéralement explosé à l’été 2020, la corruption des élites dirigeantes et les ingérences régionales plongent le pays dans une banqueroute économique vertigineuse.

Soubresauts du monde La venue de la Zoukak Theatre Company, structure née en pleine guerre avec Israël en 2006, est tout un symbole. Adepte de la dramathérapie*, elle développe des interventions artistiques dans des situations d’urgence (jeunes incarcérés, victimes de violences domestiques, travailleurs migrants, réfu18

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giées syriennes…) avec les marginalisés, tout en travaillant avec des personnes touchées par les conflits armés. Créé en 2008, le Zoukak Studio a déménagé en 2017 aux abords du quartier défavorisé de Karantina, non loin du port de Beyrouth. Il est devenu non seulement un espace de répétition pour les artistes émergents, mais aussi un lieu de rencontre avec des compagnies internationales invitées à s’y produire, de réflexion critique sur les arts de la scène et ce qui agite la société. Dans Ghjalia’s Miles (01 & 02/02, Comédie de Reims, en arabe surtitré en français), le metteur en scène Omar Abi Azar conte le parcours d’une adolescente enceinte, fuyant sa famille libanaise pour l’Europe. Guidée par des femmes fortes rencontrées dans son périple, sa fougue prend, sous la plume de Maya Zbib, les atours de personnages mythologiques et de grandes figures de femmes guerrières et protectrices du monde arabe. Avec I Hate Theatre I Love Pornography (05 & 06/02, Comédie de Reims, en arabe surtitré en français), ils se font encore plus grinçants dans une performance inspirée par deux pièces d’Ibsen : Les Soutiens de la société et Un Ennemi du peuple, traitant toutes deux de la tyrannie de la majorité, de la morale et de

l’argent en montrant le détournement de la lutte des classes pour des intérêts particuliers. La troupe libanaise mène une enquête sur les formes actuelles de corruption gangrénant le monde. Elle utilise les outils du théâtre pour nous mettre face à nos engagements ou renoncements. Les pays du Nord se tournent de plus en plus vers un conservatisme d’extrême droite par peur de l’autre. Au Sud, les conflits armés anéantissent les efforts de développement. Hommes d’affaires et seigneurs de guerre, main dans la main, font tourner les affaires, tandis qu’un système politico-médiatique remplace les horreurs des JT par des programmes de divertissement bien ficelés. Avec leur humour bravache et leur effronterie sagace, ils


Trouble de Gus Van Sant

tendent un miroir à notre époque où tout se vend, surtout le pire. Les amateurs d’émotions fortes se réfugieront à La Cartonnerie pour un concert attendu du poignant Bachar Mar-Khalifé (03/02) et ceux ayant un nécessaire besoin de se défouler ont six rendez-vous avec le meilleur de la scène electro libanaise (In Beirut, Walls Don’t Blink, 27/01 Comédie de Reims, 03/02 Quartier libre). Pop Pop Pop Impossible de passer à côté de la première incursion de Gus Van Sant au Théâtre. Le réalisateur des troublants Milk et Elephant, admirateur des marges, se penche sur la jeunesse d’Andy Warhol. Trouble (04 & 05/02, Comédie de Reims, en anglais surtitré en français) dépeint le pape du Pop art comme un créateur ayant eu par hasard la chance de croiser un mouvement populaire, entraînant une division rare dans le monde de l’art. Se télescopent dans cette pièce événements biographiques des sixties, musique du Velvet Underground, figures de l’époque (Truman Capote, Edie Sedgwick…), inti-

mité silencieuse et brouhaha cacophonique d’une révolution artistique. Gus Van Sant mélange réalité et fiction, difracte le temps pour construire un rapport imaginaire et sensible avec son sujet. Avec une dizaine de jeunes comédiens, il porte un regard critique sur la naissance d’un mouvement culturel de masse et ses excès autant qu’il portraiture les failles d’un homme dépassé par sa gloire, obnubilé par sa fame glamour, ne trouvant refuge que dans sa perte. Dans les institutions culturelles de Reims (Cartonnerie, Césaré, Comédie, Frac, Manège, Nova Villa et Opéra) du 27 janvier au 6 février farawayfestival.eu

Partie des arts-thérapies, elle utilise les outils et les processus du théâtre pour accompagner des personnes ou des groupes vers un mieux-être en travaillant la santé mentale

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Real Humans Temps fort de la nouvelle année au Maillon, Paranoid Androids – Des robots et des hommes regroupe tables rondes et spectacles autour de la place de l’IA et des contours de l’Humanité. Par Thomas Flagel – Photo de Willem Popelier

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es Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? se demandait Philip K. Dick dans une nouvelle qui n’en finit pas de fasciner les cinéastes. En témoigne la récente suite créée par Denis Villeneuve au chef-d’œuvre du cinéma de science-fiction, Blade Runner de Ridley Scott qui sera projetée à la BNU (01/02). Longtemps cantonnés à des artistes (la fameuse pièce de théâtre R.U.R. de Karel Čapek, premier à utiliser le terme “robot”) ou d’hurluberlus scientifiques, la prophétisation du règne des machines – ou du moins de l’avènement de leur omniprésence – n’a jamais semblé si proche. Le mouvement cyberpunk se voit aujourd’hui dépassé par l’utopie transhumaniste d’un côté (ses améliorations du corps et sa promesse de vie éternelle) et les progrès exponentiels de l’intelligence artificielle et des puissances de calcul de l’autre. Sur scène, Stefan Kaegi ouvre le bal. Avec son collectif Rimini Protokoll, il a ces dernières années fait disparaitre les comédiens des plateaux en créant d’habiles protocoles immersifs visant à faire des spectateurs les acteurs de récits et propositions invitant à réfléchir sur le risque, la guerre, la mort ou encore la construction des villes. Dans La Vallée de l’étrange (20-22/01), il y a bien un personnage anthropomorphe ressemblant trait pour trait à l’écrivain Thomas Melle… mais ce n’est rien moins qu’une machine. Si la voix est réelle, contant les pensées d’un bipolaire devenu une figure culturelle reconnue, les gestes saccadés trahissent les rouages mécaniques 20

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de l’enveloppe. Comme dans un test de Turing géant (filiation avec Dick et ses “replicants”), l’androïde digresse sur sa nature robotique comme sur la vie d’Alan Turing, sans toutefois créer assez d’illusion pour entrer dans cette « vallée de l’étrange » donnant son titre à l’œuvre : ce moment où la trop grande ressemblance d’une création avec son créateur crée… une méfiance indépassable. Dries Verhoeven pousse le bouchon encore un peu plus loin en proposant une installation éphémère dans le centre-ville de Strasbourg. Happiness (en photo, 21-29/01) voit une pharmacienne humanoïde placée dans un cube de béton, qui ressemble à ces espaces pour tests PCR, expliquer les bienfaits de substances de synthèse modifiant nos capacités et nos perceptions. L’ère des drogues de synthèse et psychotropes augmentant les limites physiques et psychiques n’est pas si lointaine… Enfin, ne manquez pas Tank (03-05/02), solo de l’autrichienne Doris Uhlich. Entre textes chantés et apparitions d’un corps dans un immense tube de verre rempli de fumée, l’imaginaire déployé mène vers un façonnage expérimental d’une nouvelle sorte d’humains. Glaçant ! Au Maillon et dans l’espace public de Strasbourg du 20 janvier au 5 février maillon.eu


FESTIVAL

Le corps dans tous ses états Nouveau rendez-vous de début d’année des Scènes du Nord, Décadanse se positionne comme un événement ambitieux. Par Irina Schrag – Photos de Christophe Raynaud de Lage

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éseau de six salles maillant les hauteurs de l’Alsace, les Scènes du Nord remplacent le piquant festival Décalages par une ode au mouvement. Le bien nommé Décadanse propose une programmation éclectique mêlant grands noms et artistes régionaux pour un voyage chorégraphique empruntant de nombreuses formes. Ainsi sera-t-il possible de plonger dans une exploration poéticoanatomique avec Jusqu’à l’os (dès 5 ans, 21/01 à La Saline et 22/01 à la MAC). Caroline Allaire de la Cie KiloHertZ met en mouvement des planches dessinées d’Andreas Vesalius dans une conférence dansée drôle et intelligente, curieuse et extraordinaire. Du solo à la pièce de groupe il n’y a qu’un pas, que franchit l’Opéra Garnier avec Play, ballet mémorable sur grand écran (dès 12 ans, 25/01 à La Saline). Au milieu d’une pluie de milliers de balles vertes, les étoiles, premiers danseurs et corps de ballet parisien s’en donnent à cœur joie avec un esprit ludique ne gâchant en rien une technique incroyable. Ancienne étoile de l’institution, Marie-Claude Pietragalla livre avec Julien Derouault sa vision du désormais classique Dans la solitude des champs de coton (dès 13 ans, 20/01 à L’Espace Rohan). Une bagarre verbale dans un flot de parole uniquement rompu par la danse, qui révèle l’inconscient poétique de deux hommes en lutte avec eux-mêmes face à la mort.

Rarement l’œuvre de Bernard-Marie Koltès avait autant été incarnée dans les corps… Enfin, ne manquez pas la rencontre entre la flamboyante Kaori Ito et l’un des acteurs mythiques de Peter Brook, Yoshi Oïda. Ils partent à l’assaut d’Aya no Tsuzumi  , une pièce ancienne de théâtre Nô. Adaptée par le grand Yukio Mishima, l’histoire tragique d’un vieux jardinier amoureux d’une jeune princesse était devenue celle d’un vieux portier épris d’une top modèle. Dans Le Tambour de soie (en photo, dès 15 ans, 25/01 au Théâtre de Haguenau), l’écrivain Jean-Claude Carrière en fait un vieil homme qui, nettoyant le plateau d’un théâtre, tombe en admiration devant une danseuse en pleine répétition. Elle lui promet son amour s’il parvient à faire sonner le tambour qu’elle lui tend durant sa traditionnelle danse de la folie. Incapable d’y parvenir, il commet l’irréparable. Dans une atmosphère teintée d’étrangeté, il revient hanter la jeune femme dans une fable fantastique où la culpabilité voisine avec l’incommensurable désir de plaire. À La MAC (Bischwiller), au Théâtre de Haguenau, à La Castine (Reischoffen), à l’Espace Rohan (Saverne), à La Saline (Soultz-sousForêts) et à La Nef (Wissembourg) du 17 au 29 janvier scenes-du-nord.fr

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The Way She Moves À Pôle Sud, L’Année commence avec elles est un temps fort chorégraphique 100 % féminin, recommandé au plus haut point. Par Thomas Flagel – Photos de Marc Coudrais et de Christophe Raynaud de Lage

la réalité, tuant le temps en pastichant l’esthétique des films de série B ou les mouvements des jeux vidéo.

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oint de hasard à retrouver une fois encore l’essayiste et romancière Monique Wittig (1935-2003) comme figure tutélaire d’une pièce actuelle. Nombreux sont les artistes à relire Guérillères, son roman poétique paru dans l’indifférence générale en 1969 aux Éditions de Minuit, avant de devenir l’un des ouvrages phare des mouvements féministes. La pionnière du MLF et des questions de genre y décrivait une communauté de combattantes aux élans révolutionnaires. La 22

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fantasque chorégraphe espagnole Marta Izquierdo Muñoz en tire un spectacle éponyme (Guérillères, 26 & 27/01, également à L’Atheneum de Dijon le 21/03 dans une programmation du Dancing). S’y mélangent mythe des Amazones, divinités grecques et ambigus personnages de la pop culture telle Wonder Woman. Avec son amour du burlesque et de l’exubérance, elle imagine le récit de trois femmes guettant un ennemi invisible en pleine jungle, s’inventant tout un monde à la frontière du jeu et de

Premiers solos Si le nom de Sarah Cerneaux ne vous dit sûrement rien, il y a fort à parier que vous l’avez, pourtant, déjà vue danser. Originaire de la Réunion et des Comores, elle a été l’interprète d’Amala Dianor (Trait d’union), d’Abou Lagraa, de la Liz Roche Company à Dublin ou encore d’Akram Khan, tournant Kaash trois ans durant dans le monde entier. Either Way (18 & 19/01), son premier solo, devait avoir lieu l’an passé, dans le cadre de l’édition de L’Année commence avec elles. Qu’à cela ne tienne, elle se met à peler les couches de temps et de travail déposées par d’autres qu’elle, qui ont façonné son corps depuis tant d’années. Sarah questionne « la perte, les errements, ces petites morts qui nous créent ». S’invente une manière de se mouvoir racontant le processus qui l’habite pour se retrouver. « Either Way est aussi cette voix qui vient des tréfonds ou cette image oubliée, qui vous rattrape de justesse, lorsqu’en bout de course, le corps est prêt à lâcher, l’esprit s’affole, la logique déraille », explique celle qui entend laisser de la place au hasard et à l’impromptu. Il y aura de la gravité, de l’explosion et du rituel. Une quête de traces dans lesquelles se perdre pour se retrouver. Moins académique fut la trajectoire de Nach, figure française du Krump, une danse urbaine mise sous le feu des projecteurs par le photographe et réalisateur David LaChapelle, en 2005, avec le documentaire Rize. Ce Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise, né dans le quartier de South Central à Los Angeles, émerge suite à des émeutes sociales. Le mou-


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Y aller voir de plus près

vement se structure en communauté et s’exporte depuis lors jusque dans les salles de spectacle. Dans son premier solo (Cellule, 18 & 19/01), la krumpeuse s’émancipe des codes de son art, creuse un sillon intime qui débute au milieu des clameurs des battles dans lesquelles elle évolue habituellement. Dans l’obscurité, Nach tend les bras vers le ciel, invoque les forces telluriques qui la possèdent pour lui donner vigueur et rage de fendre l’air avec des tourbillons de gestes, muscles tendus. Avec son crâne rasé et sa musculature se découpant sous la lumière de néons, elle multiplie les postures “classiques” du Krump, son personnage rempli de fierté défiant tous azimuts. Prête à exploser, elle libère cette énergie contenue en martelant le sol de ses pieds, corps gainé en recherche de libération. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est dans un espace mental que la jeune femme nous attire, celui qui l’obsède, peuplé de fantômes avec lesquels batailler de tout son être pour se trouver, par-delà cet avatar dans lequel elle s’oublie à chaque ronde. Cette lutte intime se peuple de touches de fragile au sein desquelles émergent des pas de danse classique et une mise en avant d’une féminité séductrice assu-

mée. Le désir point entre deux tressautements hantés par sa longue pratique habituelle. Passant au sol, elle se tourne vers un nouveau vocabulaire de mouvements sur les notes de piano de Keith Jarrett. Se libèrent dès lors pleinement ses sentiments, dans une mise à nue de l’âme et du corps pleinement habitée, livrant un soi trop longtemps enfoui… Corps politiques Autre signe des temps, les questions politiques touchant au corps se multiplient de manière explicite. Dans Graces (21 & 22/01), Silvia Gribaudi envoie valdinguer les normes de beauté et les injonctions à la minceur. Toute en rondeurs, la chorégraphe manie l’humour et l’exemple pour revisiter sans fard danse classique, voguing, haka ou kung-fu. Les canons de beauté sont renvoyés aux calendes grecques. La kényane Wanjiru Kamuyu raconte An immigrant’s story (25 & 26/01) et bat en brèche les clichés américains (la racialisation à outrance qu’elle découvrit en étudiant dans le Michigan) et français (hyper sexualisation et exotisation des femmes noires hérités de la colonisation), son pays d’adoption depuis 2007. Impossible de finir un tel tour

de ce temps fort sans évoquer Maguy Marin, cinq décennie de danse derrière elle qui présente sa dernière pièce, Y aller voir de plus près (11 & 12/01). En s’inspirant de l’antique Histoire de la Guerre du Péloponnèse de Thucydide décrivant par le menu la rivalité entre Sparte et Athènes – ses coups bas, alliances et trahisons –, elle livre un spectacle dense, où le sens prend le pas sur le mouvement. Multipliant cartes, dessins, images, le plateau devient un carnet de notes géant permettant de suivre le déroulé d’un conflit qu’elle présente comme matriciel de tous ceux que nous avons connus depuis. Sa manière à elle de faire communauté face à l’état du monde et au repli sur soi. À Pôle Sud (Strasbourg) du 10 au 28 janvier pole-sud.fr > Projection du documentaire de David Mambouch Maguy Marin, l’urgence d’agir, au Cinéma Star, lundi 10 janvier > Projection du film May B de David Mambouch autour de cette pièce iconique de Maguy Marin, à Pôle Sud, jeudi 13 janvier

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The dance must go on Après plusieurs reports, la quatrième édition de La Quinzaine de la danse verra (enfin) le jour à l’aube de la nouvelle année. Focus sur deux productions emblématiques. Par Lucie Chevron – Photo de Guto Muniz

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n 2017, l’Espace 110 initiait La Quinzaine de la danse, temps fort consacré à la création chorégraphique contemporaine. Depuis, La Filature de Mulhouse et le CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin se sont alliés au projet. Au programme de l’édition 2022, des grands noms de la scène actuelle et des figures émergentes, des pièces de répertoire et des créations, le tout enrichi par des projections cinématographiques, expositions, ateliers et rencontres. Nouvelle création d’Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, EX-POSE(S) (11/01, Espace 110) est un double duo chorégraphique, pour deux femmes puis deux hommes. Pour point de départ, deux sculpteurs influents du XXe siècle : l’un est français, Henri Laurens, l’autre sénégalais, Ousmane Sow. En ce sens, les codirecteurs de VIADANSE (Belfort) perpétuent la démarche personnelle qu’ils prônent depuis trente ans : tisser des liens entre des mondes que tout semble parfois opposer, l’Occident et l’Orient, telle une forme d’universalisme. Du premier, ils ont conservé deux œuvres, La Petite musicienne (1937) et La Petite Espagnole (1954), d’où nait une composition chorégraphique magnifiant les formes féminines. De sculptures vivantes émerge un langage corporel entre férocité et fragilité, fantaisie et sensualité. Du second, ils ont puisé dans le Couple de lutteurs corps à corps (1988) afin de construire un duo masculin, métaphore de la lutte des hommes. Les danseurs se rencontrent, se confrontent, se mesurent l’un à

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l’autre, se familiarisent. Chaque pièce arbore une esthétique minimaliste offrant « un accès sans filtre aux interprètes, aux détails, à la vibration des corps et à leur charge expressive », confient les chorégraphes. Dans un tout autre univers, Quiet (en photo, 18 & 19/01, La Filature) chorégraphié par Arkadi Zaides, plonge au cœur d’une atmosphère profondément physique et âpre, allégorie des tensions qui habitent depuis longtemps son pays, Israël. Au plateau, quatre danseurs. Deux sont juifs et deux sont arabes, érigeant la scène au statut de mise en abyme du conflit israélo-palestinien. Les corps, soumis à de violentes tensions, se battent et se débattent, agonisent et souffrent, tentent, parfois, de s’apprivoiser et de s’étreindre. Par sa pratique chorégraphique, Zaides construit un espace bienveillant, une « zone de sécurité » où chacun est libre d’exprimer ses démons intérieurs, comme pour les exorciser. Un spectacle au carrefour de la division et de la réunion, de la haine et de l’amour, du désespoir et de l’espoir. Le calme (Quiet), pendant la tempête. À l’Espace 110 (Illzach), à La Filature, au cinéma Bel Air, au gymnase Maurice Schoenacker, au gymnase de la Caserne Drouot et au complexe sportif de la Doller (Mulhouse) du 11 au 29 janvier lafilature.org – espace110.org


Saisons 21/22 Les choix de la rédaction

À l'Opéra de Zurich, la géniale mise en scène de Macbeth signée Barrie Kosky (09/03-01/04), starring Anna Netrebko ! Photo © Monika Rittershaus

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AUDINCOURT LE MOLOCO Urban Punk. Avec leur look plein de panache, guitares hurlantes et verve rutilante, les deux fausses jumelles de Nova Twins embrassent à elles seules trente ans de contestation sonore made in England (05/03, et avant cela à La Cartonnerie de Reims le 03/03 et à La Laiterie de Strasbourg le 04/03). Phénomène. Récemment signé sur le très hype label Microqlima (L’Impératrice, Isaac Delusion), le stéphanois Fils Cara, qui bossait encore il y a peu à l’usine, est la nouvelle sensation de la chanson française, fusionnant phrasé poétique et argot urbain, quelque part entre Gainsbourg et Kurt Cobain (26/04). lemoloco.com

BADEN-BADEN FESTSPIELHAUS Nos coups de cœur. Un récital Schubert / Schumann du pianiste Arcadi Volodos (20/02), le duo vocal de dingue formé par Diana Damrau et Jonas Kaufmann (27/03), le cycle Brahms de Yannick Nézet-Séguin (08-17/07) et le tsar Valery Gergiev à la tête de l’Orchestre du Mariinsky (29 & 30/07). Berlin. Pour leur résidence pascale à BadenBaden (09-18/04), les Berliner Philharmoni-

ker donnent La Dame de pique de Tchaïkovski, sous la direction de Kirill Petrenko, ainsi qu’un bouquet de concerts. festspielhaus.de

BÂLE KASERNE BASEL Danse. Tabea Martin présente Geh nicht in den Wald, im Wald ist der Wald (29 & 30/01). Musique. Laissez-vous surprendre par le rap teinté de dancehall du suisse Silvio Brunno, aka Stereo Luchs, qui fait remonter à la surface un mélange de racines ragga et sons trap (18/03). Inclassable, indémodable. Le grand Femi Kuti, fils de l’icône Fella, revient avec son Positive Force nigérian. Colossal (20/03). kaserne-basel.ch

THEATER BASEL Participatif. Monteverdi rencontre l’électronique et invite des Bâlois sur scène dans Il Ritorno d’Ulisse in patria (jusqu’au 27/02). The Voice. Anne Sofie von Otter chante Eine Winterreise (22/01-27/02), variation sur Schubert portée à la scène par Christof Loy. Événement. Einstein on the Beach de Philip Glass (04-24/06). theater-basel.ch

BELFORT VIADANSE CCN DE FRANCHE-COMTÉ HowNow. Avec Dead trees give no shelter (20/01), le musicien Florentin Ginot propose d’observer un tableau d’apparence statique pour en ressentir l’imperceptible vibration sur une chorégraphie de Soa Ratsifandrihana. Meet. L’infatigable flamenco de David Coria s’allie à l’inclassable gestuelle électrique de Jann Gallois pour mieux traiter la racine imparfaite de l’être dans Imperfecto (04/02). viadanse.com

LE GRRRANIT Marionnettes. Les marionnettes ont leur rendez-vous international belfortain avec la 27e édition du festival (12-18/02). Un Dracula créé par Yngvild Aspeli (19-20/01). Danse. Ne manquez pas la pièce organique Omma de Joseph Nadj (12/05). grrranit.eu

LA POUDRIÈRE Synthétique. P.R2B, Pauline Rambeau de Baralon de son vrai nom, est LA figure montante de la scène indé. Des chansons désabusées sur une pop synthétique lo-fi à peine bricolée, quelque part entre Léo Ferré et

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© Arthur René Walwin

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COLMAR LE LÉZARD

LA COMÈTE Magie. Temps fort Illusions (05-21/01) avec mentalistes et magiciens, notamment la Cie 32 Novembre performant à vue (20 & 21/01). Jazz. Les incroyables Moon Hooch font de l’electro-funky-jazzy avec des… saxophones et une batterie ! (02/02 et la veille aux Trinitaires de Metz). Musique. Keren Ann et le Quatuor Debussy signent un album début 2022 suivi d’une tournée attendue (30/03) ! la-comete.fr

CHAUMONT © P-MOD

NOUVEAU RELAX Goldencut

Sabine Paturel (19/03 et avant cela au Noumatrouff de Mulhouse le 21/01 à La Rodia de Besançon le 22/01 et à La Cartonnerie de Reims le 23/02). VOIR P. 53 poudriere.com

BESANÇON CDN DE BESANÇON Brotha. Antonia Buresi et Sandrine Lanno s’emparent de la figure des Frères ennemis dans l’antiquité grecque (29/01). Tiago. Le prochain directeur du festival d’Avignon – Tiago Rodrigues – présente Dans la mesure de l’impossible (29-31/03) à partir de témoignages d’équipes de la Croix-Rouge engagées dans des zones de conflit. Performance. L’inclassable Rébecca Chaillon interprète une fable sanglante avec Pierre Guillois, Sa bouche ne connait pas de dimanche (14-17/06). Shakespeare. La création d’Antoine et Cléopâtre par Célie Pauthe tourne enfin (1016/03, puis au Théâtre de l’Odéon, Paris, 13/05-03/06). Un crépuscule des dieux et un chant d’une mélancolie déchirante, quatre heures (entracte compris) de puissance et d’amour. cdn-besancon.fr

LES 2 SCÈNES Temps forts. Sur Terre #2 (21-27/03) avec le concert de Philippe Quesne Farm Fatale (2324/03) ou Dans la Forêt de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre (24/03-15/04), peuplée de présences furtives et invisibles. Ovnis. Didier André et Jean-Paul Lefeuvre emmènent le cirque dans les tracas du quo28

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tidien et les petits riens avec une poésie sans fard (Parbleu !, 24-29/01). Marionnettes. La dernière création de la Cie Plexus Polaire tourne autour du grand roman américain de Melville, Moby Dick (0104/03, et aussi au Manège de Reims les 2021/01, à La Coupole de Saint-Louis le 28/01, à l’EPCC Bords de Scènes de Vitry-le-François le 25/02, au Théâtre des Feuillants de Dijon le 01/04, au Théâtre Edwige Feuillère à Vesoul le 05-07/04 et au TJP de Strasbourg les 27-30/04). Géographie. Avec son compère Paul Cox, Bérangère Vantusso entend Bouger les lignes dans une cartographie sensible du paysage (01-03/02 et avant cela à La Manufacture de Nancy les 11-15/01, au TJP de Strasbourg les 19-21/01, au festival Momix à Kingersheim les 26-31/01). les2scenes.fr

BISCHWILLER MAC ROBERT LIEB Décadanse. Entre danse et planches anatomiques datant du XVIe siècle, Jusqu’à l’os propose une exploration poétique, visuelle et gestuelle du squelette (22/01). Burlesque. Les Frères Taloche reviennent avec Mise à jour, leur nouveau spectacle, et partagent leur folie contagieuse (28/01). Tortuga. Voilà dix ans que Cœur de Pirate vogue dans nos oreilles. Elle largue les amarres et expérimente une urgence créative née de la crise (04/10). À l’Ouest. Artus endosse le costume de shérif. Prenez place dans le saloon déglingué de Duels à Davidéjonatown (06/05). mac-bischwiller.fr

Krump. Dans ce solo sublime qu’est Cellule, la danseuse Nach utilise les mouvements du krump quelle détourne avec sensibilité (20/01, également à Pôle Sud à Strasbourg les 18-19/01). VOIR P. 22 Identité. La quête d’identité dans le collectif d’Hamid Ben Mahi avec Yellel (28/04). lenouveaurelax.fr

COLMAR COMÉDIE DE COLMAR Création. Meeting Point (18-19/01) : Catherine Umbdenstock prend une vieille baraque comme personnage d’une histoire de souvenirs et d’individus hantant étrangement les lieux. Jeune public. Peu ont vu la création 2020 d’Émilie Capliez autour du strip de McCay : Little Nemo ou la vocation de l’aube. Séance de rattrapage dès 7 ans (25-29/01, également à La Comédie de Reims durant le festival Méli’môme, 31/03-01/04). Brut. Le génial Olivier Martin-Salvan s’attaque aux écrits d’art brut de personnes enfermées et leur langue poétique stupéfiante (03 & 04/02, Jacqueline, écrits d’art brut). Young. Dans I Wish I Was, Maëlle Dequiedt s’intéresse avec sa troupe à l’importance de la musique dans la vie des gens (05 & 06/05). comedie-colmar.com

LE LÉZARD Enragé. Entre rock, jazz et electro, les Strasbourgeois de Goldencut immergent leurs auditeurs dans un hip-hop hybride et ciselé, entre batterie brute et machines savamment orchestrées (03/02, Grillen). Festival. Amadou et Mariam, Raul Paz ou Cheb Mami sont passés par là… Pour sa 26e édition (03-05/06), Musiques Métisses convoque de nouveau des artistes de référence, portant haut les couleurs du monde. lezard.org RETROUVEZ L'ARTICLE SUR NOTRE SITE POLY.FR



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SALLE EUROPE Post-apocalyptique. Dans un parc d’attractions abandonné, une créature erre dans un environnement hostile, habité d’animaux contaminés par une catastrophe écologique. Avec Gimme Shelter (17 & 18/03), la compagnie Yokaï crée un étonnant dispositif immersif. Poétique. Installation chorégraphique et plastique dessinée pour dépasser le rapport entre scène et salle, Papier 2 (01 & 02/04) de Maud Marquet est un itinéraire sensoriel et mnésique. salle-europe.colmar.fr

THÉÂTRE MUNICIPAL Piano à bretelles. Autour de l’accordéon, les quatre filles d’Oum Pa Pa (29/01) osent le mélange des genres. Humour toujours. La revue de presse musicale et décapante des Goguettes (18/05). theatre.colmar.fr

DIJON CIRQ’ÔNFLEX XY. Rachid Ouramdane chorégraphie la vingtaine de porteurs et voltigeurs de la Cie XY dans une ronde de Möbius haletante (12/01 à L’Opéra de Dijon et au Carreau de Forbach 02-05/05). Zimmermann. La Danse Macabre du chorégraphe helvète Martin Zimmermann (24 & 25/05 au Grand Théâtre de l’opéra de Dijon puis au Théâtre de Luxembourg 29/06-01/07) met en scène trois personnages tragicomiques qui n’entrent plus dans le cadre de la norme sociale et, dans leur détresse, s’unissent pour former l’équivalent d’une famille. cirqonflex.fr

OPÉRA

LA VAPEUR

Love, etc. Avec Amore (28 & 29/01), Pipo Delbono est parti de la souffrance et de l’isolement dans lesquels l’a enfermé la pandémie, et du besoin d’y réagir en se remettant en quête de l’Amour, guidé par la nostalgie déchirante du fado. Mozart ! Le nouveau directeur de la maison bourguignonne Dominique Pitoiset met en scène Così fan tutte (06-12/02). Baroque. Alain Françon s’attaque au Couronnement de Poppée de Monteverdi (20-26/03). Culte. Aucune idée (08 & 09/04) : tout un programme ! Ou son contraire… car le grand art de Christoph Marthaler est tout sauf programmable. opera-dijon.fr

ORCHESTRE DIJON BOURGOGNE Ciné-concert. Le compositeur Marc-Olivier Dupin met en musique des films de Buster Keaton (09/04 Fontaine-lès-Dijon, 15/04 Genlis). orchestredijonbourgogne.fr

THÉÂTRE DIJON BOURGOGNE Société. Après l’IVG, Pauline Bureau s’attaque au sujet de la GPA dans Pour autrui (29/03-01/04, également à L’Espace des Arts de Châlon-sur-Saône 28 & 29/01, à la Comédie de Colmar 09 & 10/03 et à La Filature de Mulhouse 22 & 23/03). Last but not least. L’Avare, dernière pièce de Benoît Lambert (02-11/02) qui part à la Comédie de Saint-Étienne, remplacé à la direction du TDB par l’ancienne élève de l’École du TNS Maëlle Poésy. tdb-cdn.com

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Hypnotique. Onze ans après ses débuts remarqués, l’énigmatique et géniale Anika revient avec Change, deuxième album envoûtant, où elle poursuit son exploration du côté obscur et magnétique de la musique (31/01). Déjanté. Moustaches de rigueur, look kitsch et coloré… Les six compères de Deluxe font résonner avec humour l’electro pop à la française (23/03 et à La Laiterie de Strasbourg le 25/03). lavapeur.com

DRUSENHEIM PÔLE CULTUREL Ballade. Messager du bonheur, Gérard Lenorman est un incontournable de la chanson française (25/02). Mythique. Raspoutine, Daddy Cool, By the Rivers of Babylon… le légendaire disco groupe Boney M chante ses plus gros succès (10/06). pole-culturel.drusenheim.fr

DUDELANGE CENTRE CULTUREL OPDERSCHMELZ Shoah. Signé Serge Wolfsperger et Gilles Guelblum, Eichmann met en scène le terrible bourreau nazi au soir de son exécution, le 31 mai 1962. Plongée glaçante dans les pensées d’un des pires monstres de l’Histoire (02/02). Légende. Depuis plus de 30 ans, le guitariste américain Randy Hansen s’est forgé la réputation de meilleur imitateur du légendaire Jimi Hendrix, et l’un des rares à être officiellement reconnu par la famille de l’artiste (04/05). opderschmelz.lu

ÉPERNAY

© P-MOD

LE SALMANAZAR

Papier 2

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Luigi. Dans C’est comme ça (si vous voulez), Julia Vidit revisite Pirandello avec le concours de l’auteur Guillaume Cayet (03/05, et aussi au Théâtre de La Manufacture de Nancy 01-06/03, puis à Nest à Thionville les 09 & 10/03). Emmanuel. Meirieu porte sur scène le quotidien des clochards de Paris dans Les Naufragés (05/04) d’après le texte poignant de Patrick Declerck. Festival. Au fil des mondes (01-04/02) met à l’honneur les musiques d’Asie. theatrelesalmanazar.fr RETROUVEZ L'ARTICLE SUR NOTRE SITE POLY.FR



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A C T E II

FRANCFORT-SURLE-MAIN

HAGUENAU RELAIS CULTUREL

OPER Reprises. L’éblouissant Lohengrin mis en scène par Jens-Daniel Herzog (09-29/04). Rencontre. Avec Warten auf Heute (16/0105/02), David Hermann combine quatre œuvres d’Arnold Schönberg et Frank Martin pour une réflexion sur le passage du temps. Classique contemporain. Ulisse de Luigi Dallapiccola (26/06-21/07) est mis en scène par Tatjana Gürbaca : ça risque de décoiffer ! oper-frankfurt.de © Laurent Girardeau

FRIBOURG-EN-BRISGAU THEATER FREIBURG Extrêmités

ERSTEIN

MUSÉE WÜRTH

Émancipation. Avec Brut, la chanteuse Yseult célèbre le plaisir féminin, poursuit sa quête d’émancipation et le combat contre l’invisibilisation des noirs avec des propositions artistiques fortes et bouleversantes (03/02). Ségrégation. Tania de Montaigne interprète une adaptation de son texte Noire. La Vie méconnue de Claudette Colvin, monologue mis en scène par Stéphane Foenkinos (27/02). musee-wurth.fr

SAISON CULTURELLE Women. Dédié exclusivement à la création féminine, Il était une femme… fera entendre la poésie et les compositions d’artistes du XVIIe siècle à nos jours, de Fanny Mendelssohn-Hensel à Anne Sylvestre (07 & 15/05, Auditorium de la Maison de la musique). Concert privé. Écouter les ballades pop folk de Solaris Great Confusion dans votre jardin ou les compositions soul de Londe (11/02) dans une ancienne usine… Chaque trimestre, quelques privilégiés peuvent assister aux showcases proposés par la ville dans des lieux inédits d’Erstein, en association avec le label #14 Records. ville-erstein.fr

ESCH-SUR-ALZETTE KULTURFABRIK Pop. Valeur sûre de la scène musicale belge, le groupe BRNS continue d’explorer une pop rock hypnotique et érudite, solaire et décom32

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plexée avec Celluloïd Swamp (27/01). Parce qu’il n’y a pas qu’Angèle à Bruxelles ! VOIR P. 52

kulturfabrik.lu

ROCKHAL Englishman. Que les fans se rassurent, la tournée mondiale du grand Sting, initialement prévue en 2021, aura bien lieu en 2022 (29/03, puis au Zénith de Dijon le 01/04 et au Zénith de Strasbourg le 04/04). Pop. 10 ans de carrière pour les Parisiens gouailleurs de Feu ! Chatterton (le 08/12/22, et avant cela à La Rodia de Besançon le 12/01, à La Cartonnerie de Reims le 20/01 et à La Laiterie de Strasbourg le 23/01). rockhal.lu

FORBACH LE CARREAU Théâtre. Dans Fanny, l’autrice québécoise Rebecca Déraspe fait le portrait d’une quinqua accueillant avec son mari une jeune étudiante engagée qui va bouleverser son quotidien. Une mise en scène de Rémy Barché (0304/02). Danse. La création Knit de Marine Mane (26/01) et l’inclassable Lisbeth Gruwez dansant incroyablement sur Bob Dylan (3031/03). Cirque. Rachid Ouramdane chorégraphie la vingtaine de porteurs et voltigeurs de la Cie XY dans une ronde de Möbius haletante (02-05/05 et à L’Opéra de Dijon le 12/01 avec Cirq’ônflex). carreau-forbach.com

Love, etc. Peter Carp monte Manon de Massenet (jusqu’au 05/03). Création mondiale. Avec The Folly (21/0508/07), Fabrice Bollon – qui dirige également cette production – évoque Érasme, posant la question de savoir quand l’impartialité perd sa justification. theater.freiburg.de

FROUARD THÉÂTRE GÉRARD PHILIPE Jonglage. Ça colle, ça glisse, ça tache : Gadoue (06/03, dès 5 ans) porte son nom à merveille ! Move ! Hisse et Hop ! (23/03, dès 6 mois) est un moment de partage où le mouvement devient langage. C’est une envie d’éveiller chez chaque spectateur une vibration, un instant suspendu où l’on renoue avec la surprise, l’émerveillement, l’émotion au moment présent. culture.frouard.fr

GUEBWILLER LES DOMINICAINS DE HAUTE-ALSACE Jeune public. Sambo le petit lion (12/01, dès 1 an) est un conte musical africain pour les (tout) petits où l’artiste burkinabé Bibata Roamba convie la culture de son pays. les-dominicains.com

HAGUENAU RELAIS CULTUREL Nos coups de cœur. Un Nô moderne intitulé Le Tambour de soie (25/01) dans le cadre de Décadanse, festival des Scènes du Nord VOIR P. 21 , J’ai des Alsace (17-29/01). doutes (08/03), spectacle signé François RETROUVEZ L'ARTICLE SUR NOTRE SITE POLY.FR


Saisons 21/22

A C T E II

Morel sur Raymond Devos, et KarL (26/03, dès 3 ans)- une réflexion sur l’existence autour d’un petit bonhomme carré, un peu trop carré. La Philharmonie de Poche. L’ensemble classique propose plusieurs rendez-vous, dont une échappée belle plein Nord (13/03). Rires & chansons. Festival emblématique, L’Humour des Notes fête son 30e anniversaire au printemps (21-29/05). On ne manquerait ça sous aucun prétexte ! relais-culturel-haguenau.com

HEIDELBERG THEATER HEIDELBERG Création mondiale. Sous le titre Gerade sein und Mensch werden: Sophie Scholl (11/0319/04), Karola Obermüller célèbre la résistante au nazisme. Événement. Lulu d’Alban Berg (29/0101/04) est monté par Axel Vornam avec son héroïne irradiant d’un sombre éclat. Danse. Oscillation (jusqu’au 22/01), dernière partie d’une trilogie initiée par le directeur du Ballet de la maison, Iván Pérez. theaterheidelberg.de

tous sens fait du théâtre un lieu d’expérimentation sensorielle dès 3 mois. Impro. Vous avez entre 4 et 104 ans ? Alors les Contes Zinédits improvisés par les comédiens et musiciens d’Inédit Théâtre sont faits pour vous (05 & 06/02, Vill’A) ! illiade.com

ILLZACH ESPACE 110 Chorégraphique. Après deux annulations consécutives, la 6e édition de La Quinzaine de la danse (11-29/01, avec La Filature de Mulhouse et le Ballet de l’Opéra national du Rhin) nous emporte du grand répertoire à la création, des grands noms aux nouveaux viVOIR P.24 sages.

Géopolitique. Avec Danubia-Miroir des Eaux (02 & 05/02), Ramona Poenaru et Gaël Chaillat invitent à un voyage au fil du fleuve. Saudade. Gisela João (01/04) secoue le fado d’une vibrante énergie et lui insuffle une insolente vitalité. Son style contemporain, simple et sans artifice, est le produit d’une formation classique et d’une détermination à s’immerger pleinement dans son art. espace110.org

KARLSRUHE BADISCHES STAATSTHEATER KARLSRUHE Haendel Power. Riche programmation pour le cru 2022 des Händel-Festspiele (18/0202/03), avec notamment une nouvelle mise

ILLZACH ESPACE 110

HOMÉCOURT LA MACHINERIE 54 Despentes. Adaptation rock de Vernon Subutex par Perrine Maurin (10 & 11/01 au Théâtre Maison d’Elsa de Jarny avec le NEST et ensuite au CCAM de Vandœuvre-lèsNancy les 25-27/01). Pardès rimonim. La cie dirigée par Bertrand Sinapi & Amandine Truffy crée le performatif La Généalogie du Mensonge (20 & 21/01, Centre culturel Pablo Picasso puis à l’Espace BMK de Metz les 03 & 04/02) avant de reprendre Les Ruines (27 & 28/04). Jeune public 1. La Blah Blah Blah Cie poursuit sa tournée avec Korb (17 & 18/03, puis à l’Espace BMK de Metz les 02 & 03/06), conte musical et poétique de Joël Jouanneau. Jeune public 2. Caroline Allaire signe un inventaire à la Prévert dansé et décapant (Jusqu’à l’os, 25/05, dès 6 ans et aussi le 21/01 dans le cadre du festival Décadanse organisé VOIR P. 21 par Les Scènes du Nord). machinerie54.fr

L’ILLIADE & LA VILL’A In Utero. Ils vivent dans les eaux chaudes de la mère et, un jour, naissent. Progressivement ils trouvent leur souffle, commencent à danser et à chanter… Avec Hallux et Poplité (15/05, Côté Cours), le collectif Les Arts en

Gisela João

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© Rodolfo Magalhães

ILLKIRCHGRAFFENSTADEN


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A C T E II

en scène de Hercules (18/02-01/03). Monumental. Aïda de Verdi (26/06-13/07) mis en scène par Jasmina Hadžiahmetović. Ballet. Bridget Breiner chorégraphie Maria Stuart de Schiller (24/04-12/07). staatstheater.karlsruhe.de

TOLLHAUS World jazz. Avec son oud, Rabih Abou Khalil (06/02) transcende la tradition orientale pour la maintenir en vie. Guitar hero. Au programme du Shapeshifting Tour de Joe Satriani (22/04), de grands classiques comme Surfing With The Alien, Cherry Blossoms… Cultissime. Le retour à la scène d’Andrew Eldritch et de son groupe The Sisters Of Mercy (08/04) est un événement qui ne se manque sous aucun prétexte. Le gothique post-punk à son apogée ! tollhaus.de

KINGERSHEIM CRÉA Festival. Après une année blanche, Momix fête ses 30+1 ans avec 60 compagnies venues d’Europe et d’Amérique. De quoi enchanter tous les mômes (27/01-06/02) ! VOIR P.16 En famille. Dans Les Pas Pareils, Rainette traverse la sombre forêt, rencontre, chemin faisant, une fée ultra rock’n’roll, un prince vraiment pas-charmant et tout un tas de personnages pour lesquels la différence est en réalité une chance (dès 6 ans, 17 & 18/03, à l’Espace K de Strasbourg les 04-08/01 et aux Tanzmatten de Sélestat les 23 & 24/02). crea-kingersheim.com

LINGOLSHEIM MAISON DES ARTS Onirique. Pièce à la fois théâtrale, musicale et dessinée, Où cours-tu comme ça ? déploie une réflexion sensible et quasi philosophique sur la course à pied (09/03, dès 10 ans). Poétique. Entre conte musical et théâtre d’objets où évoluent une marionnettiste et une comédienne-musicienne, Dans ta valise (22/05, dès 3 ans) raconte l’histoire d’un enfant qui doit quitter son pays et ceux qu’il aime. Qu’emporte-t-il dans ses bagages ? Comment l’accueilleront les enfants de cette contrée lointaine où il atterrira ? Dès 3 ans. mdarts-lingo.com

LUNÉVILLE LA MÉRIDIENNE

est monté par Franck Chartier du collectif Peeping Tom. Danse. Lamenta de Koen Augustijnen & Rosalba Torres Guerrero (02 & 03/02) est inspiré des chants de deuil grecs, Hands do not touch your precious Me (24 & 26/06) est la dernière création de Wim Vandekeybus, la Danse Macabre du chorégraphe helvète Martin Zimmermann (29/06-01/07) met en scène trois personnages tragicomiques qui n’entrent plus dans la norme sociale. Théâtre. The Kingdom, librement adapté de Braguino de Clément Cogitore par AnneCécile Vandalem (28 & 29/01), narre l’histoire de deux familles retirées du monde moderne pour vivre en paix avec la nature, l’Hedda Gabler d’Ibsen vu par Marja-Leena Junker (04-11/05). theatres.lu

PHILHARMONIE

Différent. Dans J’entrerai dans ton silence (04/03) se conjugue inlassablement artiste avec autiste : une seule lettre qui change tout, en apparence ! Première créa. Ellie James nous embarque dans son univers pop et shinny avec claviers et harmonium pour une musique toute en Lumières ! accompagnant des courts-métrages (23/03, dès 3 ans). lameridienne-luneville.fr

LUXEMBOURG LES THÉÂTRES DE LA VILLE DE LUXEMBOURG Opéra. Carmen de Bizet (06-10/03) est déconstruit par Dmitri Tcherniakov, tandis que Dido & Aeneas de Purcell (27 & 29/04)

En résidence 1. La mezzo-soprano Joyce DiDonato propose une flânerie dans un jardin des délices très personnel avec Eden (04/03) où figure une pièce de Rachel Portman pour elle écrite. En résidence 2. La violoniste Isabelle Faust fait apprécier l’étendue de son archet (25/02 & 12/05). Culte. Le duo vocal d’exception formé par Diana Damrau et Jonas Kaufmann (31/03), Daniel Barenboim dirige le West-Eastern Divan Orchestra (10/05). Festival. Fräiraim Festival (24-26/06) permet de (re)découvrir la scène musicale de la Grande Région. philharmonie.lu

LES ROTONDES La Baracca. Avec Famiglie (12-16/01), des mannequins de vitrine de magasin servent de décor à une interrogation sur les familles d’aujourd’hui. Place de Mai. L’excellente compagnie nancéienne La Mue/tte rend hommage aux mères de la place de mai en Argentine. Les Folles (28-31/01), ou la résistance à la dictature en marionnettes et musique. Girrrls. Avec leur indie lêchée, les Goat Girl (27/02) déferlent depuis South London ! rotondes.lu

METZ L’ARSENAL

MANNHEIM

© Antonin Chaix

NATIONALTHEATER MANNHEIM

Airelle Besson

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Baroque. Krystian Lada monte Il Trionfo del Tempo e del Disinganno de Haendel (1629/01). Création mondiale. The Damned and the Saved de Malin Bång (à partir du 16/06) aborde la question de la résistance. nationaltheater-mannheim.de RETROUVEZ L'ARTICLE SUR NOTRE SITE POLY.FR


Saisons 21/22

A C T E II

LUXEMBOURG

Diana Damrau

MEISENTHAL LA HALLE VERRIÈRE Ginette. Big Bang Boum marque le grand retour des Têtes Raides, avec leur rock de combat, toujours aussi poétique et fantaisiste (05/03, et aussi à l’Espace Georges-Sadoul de Saint-Dié-des-Vosges le 07/05). Freestyle. Amoureux des images et des mots, Hippocampe Fou conçoit ses chansons comme des courts-métrages (12/03). halle-verriere.fr

METZ L’ARSENAL Jazz 1. Le clarinettiste Michel Portal est de retour sur scène en quintette (07/01) avec un opus épris de liberté intitulé MP85. Jazz 2. Depuis Same Girl, la chanteuse coréenne Youn Sun Nah (02/02) fait partie du club très fermé des grandes voix du jazz. Duo de choc. Le pianiste Alexandre Tharaud et la chanteuse Angélique Kidjo se disent des Mots d’amour (25/03). Danse. Come on feet du collectif belge granvat (16/06) est la rencontre de la culture urbaine du clubbing et de la danse contemporaine. Temps forts. Transverses (14-22/01) avec sa quête d’hybridation des styles casse les codes et dépasse les frontières VOIR P. 46, Sau-

dade (20/02-06/03) pour un voyage au Portugal, À l’ancienne (17-20/03), une plongée dans les musiques du passé de Florence en 1350, Venise en 1530 et Paris en 1714, ainsi que Voix libres ! (28/05-11/06), ode au chant dans toute sa diversité. citemusicale-metz.fr

ESPACE BMK THÉÂTRE DU SAULCY Jeune Public. La Blah Blah Blah Cie poursuit sa tournée avec Korb (02 & 03/06 et aussi à La Machinerie 54 d’Homécourt les 17 & 18/03), conte musical et poétique de Joël Jouanneau. Pardès rimonim. La cie dirigée par Bertrand Sinapi & Amandine Truffy joue le performatif La Généalogie du Mensonge (03 & 04/02 et aussi au Centre culturel Pablo Picasso les 20 & 21/01). Bâtards dorés. Un vaudeville de Feydeau par les grinçants Bâtards dorés, c’est 100 millions qui tombent (31/03-02/04). ebmk.fr

OPÉRA-THÉÂTRE Amoureux. La Princesse de Clèves, chorégraphie de Julien Guérin sur des musiques de Vivaldi (04-06/03). Bel canto. Une mise en scène signée Francesca Lattuada de La Sonnambula de Bellini

(27-31/03, puis à l’Opéra de Reims les 13 & 15/05). Provençal 1. Un spectacle en deux soirées sur les Lettres de mon moulin (11-14/05) conçu, mis en scène et joué par Philippe Caubère. Provençal 2. Une mise en scène de PaulÉmile Fourny de Mireille de Gounod (0307/06), tragédie adaptée de Mistral. opera.metzmetropole.fr

ORCHESTRE NATIONAL DE METZ Classical swing. La trompettiste Airelle Besson définit ainsi son projet de composition aux côtés de l’Orchestre (22/01) : « À la croisée du classique et du jazz, parfois les sons se croisent, se mêlent et s’entrechoquent. » Carte blanche. Le pianiste Francesco Tristano (13/05) mêle avec élégance Bach et ses compositions aux couleurs postmodernes. Création mondiale. Voix des terres rouges de la compositrice luxembourgeoise Catherine Kontz (18/06, et aussi à L’Arche de Villerupt le 17/06, puis à Sanem au Luxembourg le 19/06) s’inspire de la géologie du bassin minier. citemusicale-metz.fr

LES TRINITAIRES & LA BAM Conceptuel. Mêlant musique et littérature, La Mémoire du feu signe le superbe POLY 242

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© Jiyang Chen

PHILHARMONIE


Saisons 21/22

A C T E II

retour sur scène des tourangeaux d’EZ3kiel (05/02, BAM). Survoltée. Rythmes soutenus, textes puissants et gestuelle tendue : Suzane dynamite l’electro pop française (19/03, BAM). Attention, son come-back sur scène va faire des étincelles ! Extatique. Ombres moyenâgeuses et lumières new wave composent le dernier album de Mansfield.TYA. Un Monument ordinaire célébrant l’amour furieux de la vie (03/03, Trinitaires, et avant cela le 10/02 à L’Autre Canal de Nancy). citemusicale-metz.fr

de créations avec sa compagnie (08/02). Incontournable. Adrien M & Claire B déploient leur univers fait de réalité augmentée liée à l’eau (Acqua Alta, 20-21/01). L’immersion en Tête-à-tête avec casque de réalité virtuelle (19-20/01) et sa version livresque dont les pages vivent étrangement, La Traversée du miroir (17/01), et Faune, installation d’affiches prenant vie grâce à une application sur smartphone (03/01-27/03). Festival. Les Green Days avec leur cortège de propositions gratuites et parfois participatives dans l’espace public (07-11/06). mascenenationale.eu

Julien (24 & 25/05 avec Sit-in). Société. Après l’IVG, Pauline Bureau s’attaque au sujet de la GPA dans Pour autrui (22 & 23/03, également à L’Espace des Arts de Châlons-sur-Saône les 28 & 29/01, à la Comédie de Colmar les 09 & 10/03 et au Théâtre Dijon Bourgogne, les 29/03-01/04). Festival. Les Vagamondes (15-26/03) avec notamment le renversant Impulso de Rocío Molina (23/03 à La Coupole de Saint-Louis). lafilature.org

MONTBÉLIARD

MULHOUSE

Synthétique. P.R2B, Pauline Rambeau de Baralon de son vrai nom, est LA figure montante de la scène indé. Des chansons désabusées sur une pop synthétique lo-fi à peine bricolée, quelque part entre Léo Ferré et Sabine Paturel (21/01, et aussi à La Rodia de Besançon le 22/01, à La Cartonnerie de Reims le 23/01 et au Moloco d’Audincourt le 19/03). VOIR P. 53 Space Odissey. Nourri de rock, de soul, de raï et d’électro, Sofiane Saidi réunit dans Le Cabaret de l’espace (15/03) les racines vietnamiennes et algériennes de Malik Djoudi, l’univers baroque de Flèche Love et la langue envoûtante de La Chica (en partenariat avec La Filature). noumatrouff.fr

MA SCÈNE NATIONALE Théâtre. Emma Dante revient avec Misericordia, pièce sur la grande solitude et la force des femmes de bidonville (01/03). Famille. Kaori Ito présente Chers, une pièce pour la comédienne-chamane incroyable qu’est Delphine Lanson (08/03), et aussi l’incursion jeune public du collectif catalan El Conde de Torrefiel (29/01, dès 7 ans). Danse. Le spectacle cabaret d’Israel Galván avec le chanteur Niño de Elche (28/01) VOIR P.50, mais aussi les Mille et une danses de Thomas Lebrun, traversant 20 ans

LA FILATURE Hits. Gisèle Vienne met en scène Adèle Haenel dans L’Étang de Walser (24 & 25/02) , l’excellente Dame aux Camélias d’Arthur Nauzyciel (03 & 04/03) d’après Dumas fils , L’Outside de l’opposant Kirill Serebrennikov (17 & 18/05 et au CDN Besançon les 04-06/05) autour de la figure de Ren Hang ou encore le Molly Bloom de Jan Lauwers, monologue sulfureux du Ulysse de Joyce par Viviane De Muynck (05-07/04). La grande classe. Danse. Le Soulèvement engagé de Tatiana

NOUMATROUFF

Nancy

Lujipeka

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© Shelby Duncan

L’AUTRE CANAL


Saisons 21/22

A C T E II

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MULHOUSE Artiste associée. La violoniste Alexandra Soumm donnera notamment Les Quatre Saisons de Vivaldi revues par Max Richter (14 & 15/01). Création mondiale. Une œuvre de Fabien Cali (08 & 09/04, puis à Saint-Paul, Strasbourg le 10/04), compositeur en résidence qui revendique son passé de guitariste rock. Événement. La Musique des âmes de Fabien Cali (05/05, puis à Saint-Matthieu, Colmar le 06/05), dans le cadre des commémorations du 80e anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv. orchestre-mulhouse.fr

CCN – BALLET DE LORRAINE Combo. Réunion en un seul et même programme de la création 2022 de Tatiana Julien, Decay, dans laquelle la jeune chorégraphe expose un ralentissement salvateur dans une ode à l’oisiveté, et la récréation de Twelve Ton rose, pièce sensible de la cultissime Trisha Brown (02-06/03). Inspirations. Avec Pas assez suédois / Not Swedish enough (18-22/05), Dominique Brun, Latifa Laâbissi et Volmir Cordeiro sondent l’héritage des mythiques Ballets suédois avec leur dose de provocation, d’irrévérence et d’ambiguïté. ballet-de-lorraine.com

L’AUTRE CANAL Extatique. Ombres moyenâgeuses et lumières new wave composent le dernier album de Mansfield.TYA. Un Monument ordinaire célébrant l’amour furieux de la vie (10/02, et aux Trinitaires de Metz le 03/03). Désabusé. Avec Montagnes russes, le rappeur Lujipeka continue de bousculer l’imagerie hip-hop avec des textes introspectifs et autocritiques, tantôt désinvoltes tantôt dépités, à l’instar de toute une génération (04/02) . lautrecanalnancy.fr

OPÉRA NATIONAL DE LORRAINE Contemporain. Julie de Philippe Boesmans (27/03-01/04, puis à l’Opéra de Dijon les 04-07/05), un huis clos étouffant. Français. Figure emblématique de la Comédie-Française, Denis Podalydès met en scène Fortunio d’André Messager (2430/04). Expérimental. NOX#2 (02/04) est un laboratoire de création lyrique mené par Mathieu Corajod. opera-national-lorraine.fr

Nancy OPÉRA NATIONAL DE LORRAINE

ORCHESTRE DE L’OPÉRA NATIONAL DE LORRAINE Création mondiale. Une œuvre autour du printemps d’Édith Canat de Chizy (10 & 11/03) à côté de pages de Boulanger, Debussy et Chausson. À l’Est du nouveau. La directrice musicale de la maison Marta Gardolińska nous emporte à la découverte de Splendeurs polonaises (12 & 13/05) signées Antoni Szałowski, Chopin et Witold Lutosławski. opera-national-lorraine.fr

THÉÂTRE DE LA MANUFACTURE Création. Dans C’est comme ça (si vous voulez), la nouvelle directrice Julia Vidit revisite Pirandello avec le concours de l’auteur Guillaume Cayet (01-06/03, puis à Nest à Thionville les 09-10/03 et au Salmanazar d’Épernay le 03/05). Chair du monde. Nouvelle création de Charlotte Lagrange, Les Petits pouvoirs interroge les mécanismes de domination sexuelle ou au travail (21-26/03 et aussi à l’ACB de Bar-le-Duc les 03 & 04/03). Folie. La performeuse Miet Warlop donne vie aux objets de façon totalement loufoque et déjantée dans After All Springville (1719/05). Géographie. Avec son compère Paul Cox, Bérangère Vantusso entend Bouger les lignes dans une cartographie sensible du paysage (11-15/01, puis au TJP de Strasbourg les 19-21/01, au festival Momix à Kingersheim les 26-31/01, et aux 2 Scènes de Besançon les 01-03/02). theatre-manufacture.fr

Fortunio

NEURIED THEATER EURODISTRICT BADEN ALSACE Local 1. Büchners Lenz (20-30/01 en allemand et alsacien, puis au Parktheater de Lahr, 13/02) narre le périple Lenz dans les Vosges. Local 2. Der fröhliche Weinberg (à partir du 10/07 en allemand, à partir du 14/07 en alsacien, Chapiteau Reithalle Offenbourg), du théâtre populaire et politique qui distille l’âme de la population de l’Ortenau. theater-baden-alsace.com

NIEDERBRONN-LESBAINS & REICHSHOFFEN LE MOULIN9 & LA CASTINE Théâtre. Avec Hippolyte, petits et grands redécouvrent ce classique d’Euripide, façon burlesque (14/01, Le Moulin9). Hip-Hop. Entre danse, humour et poésie, Sur le fil met en scène tous ces moments de la vie passés à… attendre (09/04, La Castine). lacastine.com

NILVANGE LE GUEULARD PLUS Rock alternatif. Villa Fantôme (12/03) est formé de deux anciens membres de la Ruda salska inspirés par The Cure, Police ou The Clash. Jazz. Le saxophone soprano d’Émile Parisien et l’accordéon de Vincent Peirani se croisent (08/04) pour un hymne au tango. legueulardplus.fr POLY 242

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© Stefan Brion

NANCY


Saisons 21/22

A C T E II

OBERHAUSBERGEN LE PRÉO

OSTWALD

REIMS

LE POINT D’EAU

Brazil. Entre claviers chaleureux et percussions solaires, la brésilienne Flavia Coelho (13/01) balance son “bossa muffin” à la figure de Bolsonaro. VOIR P. 56 Forest. Nombre d’histoires terribles se passent en forêt… Mais celle que content les déjantés rockeurs de Weepers Circus dans Panique dans la forêt (15/05, dès 5 ans), avec leurs potes Léopoldine HH ou encore Oldelaf, nous ne sommes pas prêts de l’oublier ! le-preo.fr

LA CARTONNERIE

Théâtre. Louis est un jeune garçon silencieux, dont on ne sait que peu de choses… Loubia, elle, est la fille la plus bavarde de la terre. Ensemble, les deux héros de Ma Langue dans ta poche n’auront plus l’impression d’être seuls, juste d’être uniques (04/02, dès 10 ans). Pythagore. Avec Very Math Trip, Manu Houdart relève le défi fou de faire aimer cette matière fascinante à tous les “traumathisés” ! (22/04, dès 8 ans). lepointdeau.com

REIMS LA CARTONNERIE

Pop. 10 ans de carrière pour les Parisiens gouailleurs de Feu ! Chatterton (le 20/01, et aussi à La Rodia de Besançon le 12/01, à La Laiterie de Strasbourg le 23/01 et à la Rockhal d’Esch-sur-Alzette le 08/12). Galactique. Fakear présente Everything Will Grow Again (05/03), dans lequel il fusionne accidents sonores et electro pointilleuse. cartonnerie.fr

CÉSARÉ Création. Marie Guérin puise dans la mémoire d’archives centenaires pour explorer les chemins de la transmission orale dans Transportées, création électroacoustique (01 & 02/03, Studio K622). cesare-cncm.com

LA COMÉDIE DE REIMS Kelly. Chloé Dabert reporte son Girls and Boys (22-26/02) de Dennis Kelly, terrible monologue au féminin d’une débâcle… totale ! Festivals. Far Away (27/01-06/02) avec notamment April du grand Guy Cassiers (2829/01), questionnant l’écriture de l’histoire contemporaine ou encore la première pièce de Gus Van Sant autour de Warhol (Andy, 0405/02) et le festival jeune public Méli’Môme. lacomediedereims.fr

© Juliette Leigniel

LE MANÈGE DE REIMS

Fakear

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Far Away. Le festival des Arts (27/01-06/02) VOIR P. 18 des structures de Reims. Marionnettes. La dernière création de la Cie Plexus Polaire tourne autour du grand roman américain de Melville, Moby Dick (20-21/01, et aussi à La Coupole de Saint-Louis le 28/01, à l’EPCC Bords de Scènes de Vitry-le-François le 25/02, aux 2 Scènes de Besançon les 01-04/03, au Théâtre des Feuillants à Dijon le 01/04, au Théâtre Edwige Feuillère de Vesoul les 05/04 et au TJP de Strasbourg les 27-30/04). Folie. Nouvelle création de Vidal Bini qui présente Narr : pour entrer dans la nuit, traversée de l’épidémie de danse strasbourgeoise du Moyen-Âge tardif, entre rituel et transe, avec 5 danseurs et des amateurs (les 14 & 15/06, et aussi au Théâtre du Marché aux Grains de Bouxwiller les 04 & 05/02 et à Pôle Sud à Strasbourg, 08-10/06). Artiste associée. Ne manquez pas le République Zombie de Nina Santes et du collectif la Fronde (23/02), nouvelle création chorégraphico-musicale. Néo-humain. Le Munstrum Théâtre crée Zypher Z. (04-06/05 avec La Comédie de Reims), conte kafkaïen avec leurs masques… inquiétants. manege-reims.eu RETROUVEZ L'ARTICLE SUR NOTRE SITE POLY.FR


Saisons 21/22

A C T E II

Eurovision. Barbara Pravi dévoile son premier album On n’enferme pas les oiseaux (22/03). Preuve que l’autrice-compositrice a bel et bien pris son envol. eden-sausheim.com

SÉLESTAT TANZMATTEN

SAVERNE

© Daniel Stanus

ESPACE ROHAN

Les Pas Pareils

Théâtre dansé. Entre parole et mouvement, Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault mettent en scène une pièce majeure du théâtre contemporain, Dans la solitude des champs de coton (20/01), écrite par BernardMarie Koltès et présentée dans le cadre du festival Décadanse. VOIR P. 21 Humour. Après avoir fait le tour de son nombril dans son précédent spectacle, Vincent Dédienne a décidé de tourner un peu autour des nôtres dans Un soir de gala (16/06). espace-rohan.org

SCHILTIGHEIM OPÉRA Événement. Le metteur en scène Vincent Tavernier, le chef d’orchestre Hervé Niquet et la chorégraphe Marie-Geneviève Massé célèbrent les 400 ans de la naissance de Molière avec trois comédies-ballets : Le Malade imaginaire (18-20/03), Le Sicilien ou l’amour peintre (24 & 25/03) et Le Mariage forcé (26 & 27/03). Comédie musicale. La compagnie belge Ars Lyrica relève le défi de porter à la scène Chantons sous la pluie (23 & 24/04). operadereims.com

SAINT-DIÉ-DES-VOSGES ESPACE GEORGES SADOUL – LA NEF Ginette. Big Bang Boum marque le grand retour des Têtes Raides, avec leur rock de combat, toujours aussi poétique et fantaisiste (07/05, et avant cela à la Halle verrière de Meisenthal, 05/03). Ensemble. Avec Somos (15/01, dès 7 ans), la Compagnie Bêstîa transpose la langue des signes en langage acrobatique pour évoquer la beauté et la difficulté de ce qui réunit les Hommes. saint-die.eu

SAINT-LOUIS LA COUPOLE Marionnettes. La dernière création de la Cie Plexus Polaire tourne autour du grand roman américain de Melville, Moby Dick (28/01, et aussi au Manège de Reims les 20-21/01, à l’EPCC Bords de Scènes de Vitry-le-François

le 25/02, au Théâtre des Feuillants de Dijon le 01/04, au Théâtre Edwige Feuillère à Vesoul le 05/04 et au TJP de Strasbourg les 27-30/04). Olé. Cheffe de file de la jeune génération flamenca, Rocío Molina fait imploser les frontières du genre. Créé dans le cadre du festival Vagamondes, Impulso déploie une énergie brûlante et une technique éblouissante (23/03). lacoupole.fr

SARREBRUCK SAARLÄNDISCHES STAATSTHEATER Wagner Power. Le duo de choc formé par Alexandra Szemerédy et Magdolna Parditka monte un Tristan und Isolde de Wagner (08/05-09/07) qu’on attend décapant ! Culte. Sébastien Rouland dirige Carmen (17/06-12/07). Symphonique. Un concert intitulé Errances (10 & 11/04) où se déploie la maestria du pianiste Simon Ghraichy dans le Concerto n°5 de Saint-Saëns. Danse. Le Ballet National de la Sarre et Stijn Celis montent le Winterreise (jusqu’au 14/01), variation sur le célèbre cycle de Schubert. Festival. Quatre chorégraphes, quatre compagnies, quatre villes et la célèbre musique d’Antonio Vivaldi Les Quatre Saisons pour le Tanz Festival Saar (11-19/03). theater-saarbruecken.de

SAUSHEIM ED&N Au Canada. La sublime voix de Linda Lemay (16/01) explique que La Vie est un conte de fous.

CHEVAL BLANC BRIQUETERIE & BRASSIN Expérimental. Pour cette création inédite sobrement intitulée Trio, Christine Ott invite le joueur de oud Ophir Levy et le multi-instrumentiste Mathieu Gabry pour un envoûtant voyage, tantôt crépusculaire, tantôt sauvage (18/03, Cheval Blanc). Marathon. Récit en rythme et au pas de course, Courir (30/03, Brassin) narre l’incroyable histoire d’Émile Zatopek, athlète incomparable qui fut éboueur et mineur avant de remporter, à la seule force de la volonté, trois médailles d’or olympiques. ville-schiltigheim.fr

SCHWEIGHOUSESUR-MODER LA K’ARTONNERIE Tangram. KarL est un bonhomme carré. Un peu trop carré. Un des petits bouts de Karl veut se faire la belle, vivre des aventures extraordinaires. Il va devoir réinventer une façon de voir les choses… et arrondir les angles ! Dissimulées derrière la toile qui sert d’écran, les comédiennes Nathalie Avril et Lucie Gerbet donnent vie à ce grand et poétique tangram animé (23/03, dès 3 ans). mairie-schweighouse.fr

SÉLESTAT TANZMATTEN En famille. Dans Les Pas Pareils, Rainette traverse la sombre forêt, rencontre chemin faisant une fée ultra rock’n’roll, un prince POLY 242

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lité une chance (dès 6 ans, 04-08/01, et aussi aux Tanzmatten de Sélestat les 23 & 24/02 et au Créa de Kingersheim les 17 & 18/03). Humour. Dans Comment épouser un milliardaire, Giorgia Sinicorni livre, non sans une bonne dose de sarcasme, ses secrets pour attraper une perle rare (03-05/02, dès 12 ans). espace-k.com

dijon LA VAPEUR

JAZZDOR Engagé. Les saxophonistes Sylvain Rifflet et Jon Irabagon traduisent en musique de grands discours d’émancipation signés Greta Thunberg ou Olympe de Gouges. Quand Rébellion(s) et improvisation s’accordent (25/02). En circuit court. Pour leur nouvelle création, les No Tongues ont collecté des sons et des voix d’Ici (08/04), révélant la richesse et la beauté du monde sonore qui se trouve à portée de nos oreilles. jazzdor.com

LA LAITERIE

© Sven Gutjahr

Iconoclaste. Les francs-tireurs du vrai faux groupe pop La Femme reviennent avec un électrisant troisième album, Paradigmes. Toujours aussi fantasque, mélange paradoxal d’entrain et de total accablement (27/01). VOIR P. 54

Anika

vraiment pas-charmant et tout un tas de personnages pour lesquels la différence est en réalité une chance (dès 6 ans, 23 & 24/02, et aussi à l’Espace K de Strasbourg les 0408/01 et au Créa de Kingersheim les 17 & 18/03). tanzmatten.fr

SOULTZ-SOUS-FORÊTS WISSEMBOURG LA SALINE & LA NEF Musique. Les Weepers Circus sèment la Panique dans la forêt (25/02, dès 5 ans). San Salvador, véritable ovni explosant tous les cadres existants des musiques traditionnelles, est un ensemble de six voix, douze mains, deux tom bass et un tambourin pour un chœur punk haletant sur des constructions math-rock. Et dire qu’ils viennent du… massif central (08/04) ! Festival Décadanse. Caroline Allaire signe un inventaire à la Prévert dansé et décapant (Jusqu’à l’os, 21/01, dès 6 ans et aussi au Centre culturel Pablo Picasso d’Homécourt, 25/05) dans le cadre de ce festival organisé par Les Scènes du Nord. VOIR P. 21 40

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Icône. Nicolas Bonneau met en scène la chanteuse et comédienne Fannystatic, contant ses Nuits avec Patti (Smith), un hit (03/02) ! la-saline.fr nef-wissembourg.fr

STRASBOURG ESPACE DJANGO Musique. Klô Pelgag est un phénomène, une bouffée d’air frais venue du Québec qui bouleverse le paysage musical francophone par la poésie de ses textes et la frénésie de sa pop décalée (21/01). Cinéma. La série de projections Cinédjango programme Le Chant de la mer, conte à la fois triste et empli de magie dont les dessins à la beauté étourdissante sont un enchantement (06/03, dès 6 ans). espacedjango.eu

ESPACE K En famille. Dans Les Pas Pareils, Rainette traverse la sombre forêt, rencontre chemin faisant une fée ultra rock’n’roll, un prince vraiment pas-charmant et tout un tas de personnages pour lesquels la différence est en réa-

Pop. 10 ans de carrière pour les Parisiens gouailleurs de Feu ! Chatterton (23/01, et aussi à La Rodia de Besançon le 12/01, à La Cartonnerie de Reims le 20/01 et à la Rockhal d’Esch-sur-Alzette le 08/12). Brise-glace. Pour Eiskeller, Rover (24/02) s’est confiné plusieurs mois au sous-sol des anciennes Glacières Saint-Gilles de Bruxelles. Un opus tout en puissance et en pudeur. Urban Punk. Avec leur look plein de panache, guitares hurlantes et verve rutilante, les deux fausses jumelles de Nova Twins embrassent à elles seules trente ans de contestation sonore made in England (04/03, et aussi à La Cartonnerie de Reims le 03/03 et au Moloco d’Audincourt le 05/03). artefact.org

LE MAILLON Bandes. Camille Dagen signe un second spectacle attendu avec Bandes (11-13/01) autour de ces groupes (communards, dada, situationnistes…) qui ont révolté leur époque. Focus. Oubliée des programmations du Grand Est, l’incontournable Nathalie Béasse jouera trois de ses pièces au Maillon (1626/03) : Tout semblait immobile, Ceux-quivont-contre-le-vent et Aux Éclats. Étienne. Saglio présente sa dernière création de magie nouvelle, Le Bruit des loups (avec le TJP, 09-12/06). Trois ans de travail pour construire illusions et mondes fantasmagoriques. maillon.eu RETROUVEZ L'ARTICLE SUR NOTRE SITE POLY.FR



Saisons 21/22

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STRASBOURG

© Bryan Murray

JAZZDOR

Sylvain Rifflet et Jon Irabagon, Rébellion(s)

OPÉRA NATIONAL DU RHIN Rareté. Première française des Oiseaux de Walter Braunfels (19-30/01 à Strasbourg, 20 & 22/02 à Mulhouse). VOIR P. 58 Printemps tsigane. Le diptyque L’Amour sorcier de Manuel de Falla / Journal d’un disparu de Janáček (15-24/03 à Strasbourg, 01 & 03/04 à Mulhouse) est donné dans le cadre du Festival Arsmondo, cette année dédié à la culture tsigane. Voix. Un beau programme de récitals avec notamment le contre-ténor Jakub Józef Orliński (13/06). Danse. Alice (11-13/02 à Mulhouse et 1823/02 à Strasbourg) avec une nouvelle partition de Philip Glass, compositeur majeur du minimalisme américain, sur laquelle les chorégraphes Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn réinventent l’univers fantasmagorique imaginé par Lewis Caroll. operanationaldurhin.eu

OPS Classique. Le violoniste David Grimal dirige et interprète une intégrale des Concertos de Mozart (24 & 25/02). Contemporain. Siren’s Song de Péter Eötvös, co-commande de l’OPS (09/03). 42

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Baroque. Spécialiste de ce répertoire, Ton Koopman fait se côtoyer Bach, Rebel et Haydn (24 & 25/03). Culte. Véritable icône au Japon, Joe Hisaishi, compositeur des bandes originales des films de Miyazaki, dirige sa musique (04/05). Russe. Patricia Kopatchinskaja donne le Concerto pour violon n°1 de Chostakovitch (19 & 20/05). Français. L’Orchestre et John Nelson poursuivent leur compagnonnage autour de Berlioz par Roméo et Juliette (07 & 08/06). Musique de chambre. Le violoncelliste JeanGuihen Queyras et le pianiste Alexandre Tharaud (31/05), artiste en résidence. En plein air. Direction le Jardin des Deux Rives (25/06) avec Benjamin Biolay ! philharmonique.strasbourg.eu

PÔLE SUD Folie. Nouvelle création de Vidal Bini qui présente Narr : pour entrer dans la nuit, traversée de l’épidémie de danse strasbourgeoise du Moyen-Âge tardif, entre rituel et transe, avec 5 danseurs et des amateurs (08-10/06, également au Théâtre du Marché aux Grains de Bouxwiller les 04-05/02 et au Manège de Reims les 14-15/06). Festival. EXTRADANSE (27/04-20/05) avec

la Fúria de Lia Rodrigues (03-04/05, et aussi au Manège de Reims les 07-08/02), ou bien encore avec la recomposition d’une pièce à partir d’antérieures qu’est Écho de Catherine Diverrès (19/05). Waouh. Jan Martens et ses 17 danseurs de 16 à 69 ans (Any attempt… 10-11/03, avec Le Maillon). pole-sud.fr

LES TAPS Actuelles XXIV. Cinq textes contemporains mis en espace par des équipes hétéroclites mêlant étudiants de la Hear, comédiens, metteurs en scène et chef, avant un temps d’échange en présence de l’auteur (15-19/03). Jeunesse. Cécile Arthus s’empare de The Lulu Projekt (25-28/01) de Magali Mougel, histoire d’un ado pas comme les autres, vivant dans une tour au milieu des champs, rêvant d’être une star punk avec son copain malvoyant Moritz. Leur imaginaire redistribue toutes les VOIR P. 48 cartes. taps.strasbourg.eu

TJP Temps fort. Les Giboulées (04-19/03), avec une création de Renaud Herbin pour JeanRETROUVEZ L'ARTICLE SUR NOTRE SITE POLY.FR


Saisons 21/22

A C T E II

Baptiste André (Par les bords, 04-08/03) et le Dénivelé de la jeune compagnie strasbourgeoise Milieu de Terrain, qui nous emmène avec ironie et décalage dans une escapade bricolée et imaginaire en montagne (0911/03). André. On retrouve Jean-Baptiste André avec Les Jambes à son cou (11-16/06), nouvelle création rendant concret les dictons populaires liés au corps ! Melville. La dernière création de la Cie Plexus Polaire tourne autour du grand roman américain de Melville, Moby Dick (27-30/04, et aussi au Manège à Reims les 20-21/01, à La Coupole de Saint-Louis le 28/01, à l’EPCC Bords de Scènes à Vitry-le-François le 25/02, aux 2 Scènes de Besançon les 01-04/03, au Théâtre des Feuillants à Dijon le 01/04 et au Théâtre Edwige Feuillère à Vesoul le 05/04). Sept comédiens-manipulateurs, un orchestre englouti et une baleine grandeur nature avec des marionnettes hyper réalistes ! Géographie. Avec son compère Paul Cox, Bérangère Vantusso entend Bouger les lignes dans une cartographie sensible du paysage (19-21/01, et aussi à La Manufacture de Nancy, 11-15/01, puis au festival Momix de Kingersheim les 26-31/01, et aux 2 Scènes de Besançon les 01-03/02). Laloy. Pinocchio(live)#2, nouvelle création d’Alice Laloy entre SF et marionnette (les 1213/03, et aussi à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône les 01-02/04 et au TNP de Villeurbanne les 12-16/04) et À poils, roadies tendres et pop-up de bulle transparente poilue (02-08/04, puis encore aux 2 Scènes de Besançon, 03-07/05). tjp-strasbourg.com

THÉÂTRE NATIONAL DE STRASBOURG Biface. Avec son inclassable théâtre documenté, mêlant corps, objets et récits fragmentés, Bruno Meyssat se penche sur trois années de la conquête du Mexique par les Espagnols, au XVIe siècle. Biface, ou le choc des cultures menant à la disparition des Aztèques (26/01-03/02). Jeune garde. Anciens élèves de la maison, ils montent aujourd’hui leurs projets dans la saison : Eddy D’aranjo revisite la liberté et la rupture Après Jean-Luc Godard (22/02-02/03), Mathilde Delahaye explore le monde social et les lignes d’écoute bénévoles (Je vous écoute, 03-10/03). Tough. Sébastien Derrey s’attaque à mauvaise, pièce sur une fratrie à la violence rare de l’autrice britannique debbie tucker green (23-31/03). Chiambretto. Hubert Ciolas monte le foisonnant Superstructure de Sonia Chiambretto mêlant échos de la décennie noire algérienne, guerre d’indépendance et futur incertain (08-15/06). tns.fr

LE ZÉNITH Coup de cœur. Clara Luciani (10/03) fait son grand retour avec la sortie de Cœur, véritable ode au déconfinement, résolument chic et dansant. Ciné-concert. Gladiator de Ridley Scott (19/03) est un film grandiose. Interprétée par l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, sa BO signée Hans Zimmer ne l’est pas moins !

STRASBOURG

Indispensable. La tournée My Songs de Sting (04/04). Événement rap. Groupe iconique avec Le Monde ou rien, PNL (12/05) est en concert et ça ne se manque sous aucun prétexte ! zenith-strasbourg.fr

STUTTGART STAATSTHEATER STUTTGART Essentiel 1. Mayerling (21/01-17/07), un ballet de Kenneth MacMillan sur des musiques de Liszt. Essentiel 2. Reprise de l’excellent Werther de Massenet (12-23/06) mis en scène par Felix Rothenhäusler. staatstheater-stuttgart.de

THIONVILLE NEST – NORD-EST THÉÂTRE Créations. Dans C’est comme ça (si vous voulez), Julia Vidit revisite Pirandello avec le concours de l’auteur Guillaume Cayet (09-10/03, et juste avant au Théâtre de La Manufacture de Nancy, 01-06/03, puis au Salmanazar à Épernay le 03/05). Despentes. Le NEST vous emmène au Théâtre Maison d’Elsa (Jarny) pour une adaptation rock de Vernon Subutex par Perrine Maurin (10 & 11/01 avec La Machinerie 54 à Homécourt). Légende. Le May B de Maguy Marin (18/03), créé en 1981, est tout simplement la plus légendaire des créations autour de Beckett ! Haïti story. Alexandra Tobelaim reprend sa création de Face à la mer (23-28/01), texte de Jean-René Lemoine à sa mère assassinée dans l’île de son enfance, avec un trio de comédiens, un batteur, une contrebasse et une guitare. nest-theatre.fr

TRÈVES

TNS

THEATER TRIER

© Pacale Cholette

Coup de cœur. Le directeur de la maison, Jean-Claude Berutti monte Don Carlo de Verdi (22/01-20/02). Money, money, money. Opéra de Stravinski, The Rake’s Progress (à partir du 26/03) narre l’ascension et la chute de Tom Rakewell. Une mise en scène vertigineuse de Mikaël Serre est attendue ! theater-trier.de

VANDŒUVRE-LÈSNANCY CCAM Biface

Despentes. Adaptation rock de Vernon Subutex par Perrine Maurin (25-27/01, également au Théâtre Maison d’Elsa de Jarny avec POLY 242

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le NEST 10 & 11/01). Danse. Vingt ans après le génocide rwandais, Dorothée Munyaneza a interrogé des femmes violées par des soldats. Unwanted raconte leur douleur (02 & 03/03). Love. Jan Martens, starisé au dernier festival d’Avignon, présente Sweat Baby Sweat (26 & 27/04), duo charnel et corps à cœur amoureux. Festival. Musique Action célèbre la création sonore (23-28/05) avec notamment eRikm, Erwan Keravec ou Julius Eastman ! centremalraux.com

VESOUL THÉÂTRE EDWIGE FEUILLÈRE Marionnettes. La dernière création de la Cie Plexus Polaire tourne autour du grand roman américain de Melville, Moby Dick (05/04, et aussi au Manège à Reims les 20-21/01, à La Coupole de Saint-Louis le 28/01, à l’EPCC Bords de Scènes de Vitry-le-François le 25/02, aux 2 Scènes de Besançon les 01-04/03, au Théâtre des Feuillants à Dijon le 01/04, et au TJP strasbourgeois, 27-30/04). Magie. Plongée dans Les Limbes peuplées des fantômes du magicien Étienne Saglio (13 & 14/01). Légende. Élise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo rendent un vibrant hommage à l’homme qui ne sourit jamais, Buster Keaton (03 & 04/03). theatre-edwige-feuillere.fr

VILLAGE-NEUF RIVERHIN Comédie musicale. Avec Chuuut !, les jeunes pousses de l’École de comédie musicale d’Hésingue narrent les aventures de Luna et Néo, deux enfants obligés de se cacher pour vivre leur amour de la musique malgré les interdits imposés dans leur société devenue folle (21/05, dès 6 ans). Action. La Lanterne magique, c’est un club de cinéma destiné aux 6-12 ans. Neuf films pour rêver, pleurer, frissonner… tous ensemble (un mercredi par mois, jusqu’en juin). mairie-village-neuf.fr

VOSGES SCÈNES VOSGES Danse. Avec Akzak (18/01, Théâtre de la Rotonde, Thaon-les-Vosges), Héla Fattoumi et Éric Lamoureux ont réuni 12 jeunes danseurs venus de Tunisie, du Maroc, d’Égypte, du Burkina Faso et de France afin de réveiller nos puissances d’imagination. Documentaire. Dans Après les ruines (22/03, Auditorium de la Louvière, Épinal), Bertrand Sinapi s’attache à des visions d’exil actuelles dans un théâtre documenté. scenes-vosges.com

ZURICH OPÉRA The Voice. Cecilia Bartoli chante le rôle titre dans L’Italiana in Algeri de Rossini (06/0305/04). Création mondiale. Girl with a Pearl Earring de Stefan Wirth (03/04-08/05) est une plongée dans l’existence de Vermeer. Shakespearien. La géniale mise en scène signée Barrie Kosky de Macbeth de Verdi (09/03-01/04) starring Anna Netrebko ! Événement. Le début d’un nouveau Ring des Nibelungen (qui s’achèvera à l’automne 2023) mis en scène par Andreas Homoki avec Das Rheingold (30/04-28/05). opernhaus.ch

TONHALLE ORCHESTER Focus. La pianiste Hélène Grimaud (avec notamment le Concerto de Schumann, 26-28/01) et la violoniste Vilde Frang (avec, par exemple, le Concerto “à la mémoire d’un Ange” de Berg, 19-21/01) sont les fils rouges de la saison. Cosmos John Adams. Le compositeur et chef américain dirige plusieurs de ses pièces (17-20/03). Culte. L’immense Herbert Blomstedt dirige la Symphonie n°5 de Bruckner (01-03/06), compositeur à l’honneur puisque Paavo Järvi s’empare de ses Symphonies n°4 (19-21/01) et n°7 (26-28/01). tonhalle-orchester.ch

Strasbourg

© Jean-Louis Fernandez

MAILLON

Bandes

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FESTIVAL

Sonic trips Nouveau temps fort de la Cité musicale-Metz dédié à la création contemporaine, Transverses hybride les genres, casse les codes et dépasse les frontières. Par Suzi Vieira – Photo de Vincent de Chavanes

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oilà audacieux rendez-vous festivalier prenant pour maître mot la pluridisciplinarité ! Depuis son arrivée à la tête de la Cité musicale en 2017, Florence Alibert fait souffler un vent de fraîcheur sur les institutions messines réunies au sein de ce projet ambitieux (L’Arsenal, la BAM, les Trinitaires et l’Orchestre national de Lorraine). Bien décidée à sortir la création contemporaine des sentiers battus, l’ancienne directrice générale du Palazzetto Bru Zane – centre de musique romantique française à Venise – n’hésite pas à casser les frontières entre les genres pour élargir les horizons artistiques, suscitant d’improbables et fructueuses rencontres. Au croisement de la danse contemporaine, de la musique expérimentale, des arts numériques, vidéographiques, etc., le nouveau et bien nommé temps fort Transverses emprunte sans complexe les chemins ondoyants de la recherche et de l’innovation esthétique. Requiems pour des mondes disparus Célèbre pour ses rêveries chorégraphiques, visuelles et sonores, la compagnie Système Castafiore met en scène, dans une forme pseudo-opératique, les temps futurs d’après l’Anthropocène, quand toutes les espèces que nous connaissons auront disparu. Dans Kantus 4-Xtinct Species (en photo, dès 7 ans, 13/01), cinq danseurs et quatre chanteurs multiplient les rituels prophétiques et les chants polyphoniques dans une sorte de grande cérémonie chamanique. Augmentés de prothèses et de surréalistes costumes hybrides, les corps se déploient, se déplient et se métamorphosent au milieu d’intrigants procédés vidéos et sonores qui projettent le public dans d’insolites fantasmagories. Dans Two Stones (14/01), l’extraterrestre percussionniste Lê Quahn Ninh se lance avec la danseuse contemporaine Marie Cambois dans une valse improvisation autour de la partition radicale d’un autre ovni de la musique concrète et minimaliste, le compositeur américain Michael Pisaro. En frappant ou en frottant deux pierres l’une contre l’autre, le duo se laisse emporter par les motifs rythmiques évoquant torrents et cascades. Épure du geste et sensations organiques. Tout ici est fait pour ébranler notre rapport ordinaire à la réalité : son et mouvement s’unissent, se gorgent d’une désarçonnante puissance tellurique, jusqu’à porter nos esprits à incandescence. Autre forme de rituel hypnotique où le mouvement fusionne avec l’univers de la musique, Cage 2 (20/01) rend hommage au compositeur John Cage et à son compagnon Merce Cunningham au tra46

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vers d’une série de douze pièces pour piano préparé – sorte d’étrange machine à percussions obtenue en plaçant entre les cordes de l’instrument divers objets (boulons, vis ou pierres) pour en altérer les sonorités. Sur une aire de 7 mètres sur 7, le pianiste Bertrand Chamayou et la danseuse Élodie Sicard explorent en une myriade de solos l’univers poétique de deux figures majeures du XXe siècle, qui révolutionnèrent la danse contemporaine. Les amateurs de classique, eux, pourront se réfugier dans les non moins déroutants Instantanés #1 et #2 (21 & 22/01) imaginés par la compagnie HowNow, où les corps performatifs s’ébrouent au rythme des compositions baroques de Marin Marais ou du chant médiéval de la Sybille, librement interprété par l’oudiste palestinienne Kamilya Jubran. Expériences immersives De leur côté, les amoureux de numériques expériences sonores ne seront pas en reste. François Donato et Hervé Biroloni proposent en effet avec Tesla (14 & 15/01) un détonnant concert aux arcs électriques en forme de plongée dans les ivresses scientifiques du génial inventeur Nikola Tesla, pionnier des moteurs à courant alternatif. Dans Perspectives & Avatars, la jeune et inclassable artiste bretonne Laure Perrudin (19/01) cisèle avec sa harpe chromatique électrique absolument unique une pop aux contours insaisissables, faite de boucles hallucinatoires et d’ambiances gentiment mutantes. Impossible enfin de passer à côté de la musique percussive et hors norme de Lucie Antunes (15/01), taillée pour les dancefloors et la nuit. Après avoir fait ses premières armes aux côtés de Moodoïd et s’être associée à Yuksek, la jeune femme a entrepris, depuis la sortie en 2019 de son époustouflant premier disque Sergeï, une prestigieuse échappée en solo. Inspirée des pionniers du minimalisme, Antunes déploie un instrumentarium hétéroclite et insolite (marimba, vibraphone, ondes Martenot, synthés, batterie, tubes de canalisation, etc.) pour créer des matières sonores nouvelles, transformées à grands coups de pédales d’effets. Émerge alors une musique ultra léchée, aussi savante que dansante, furieusement subjuguante. À L’Arsenal et Saint-Pierre-aux-Nonnains (Metz) du 13 au 22 janvier citemusicale-metz.fr



THÉÂTRE

Dreams are my reality Cécile Arthus met en scène The Lulu Projekt de Magali Mougel : entre roman d’apprentissage et fable poétique, elle nous plonge dans l’univers d’un adolescent pas comme les autres. Par Pierre Reichert – Photos de Christophe Raynaud de Lage

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u départ, se trouve le très beau texte de Magali Mougel publié en 2017 aux éditions Espaces 34, pièce construite en quatorze épisodes, qui sont autant de fragments d’existence d’un adolescent grandissant de l’autre côté du Mur. Grisaille des cités sans âme de la RDA plantées au milieu des champs. Lulu a des rêves plein la tête : partir dans les étoiles comme Valentina Terechkova – qui fut la première femme dans l’espace – ou en devenir une lui-même dans la galaxie punk. Mais le réel se rappelle à lui avec des évaluations scolaires faiblardes. Son univers est terne. Étriqué. Sa mère ne semble pas l’aimer plus que ça… Alors il s’échappe. Loin. Dans un monde imaginaire qu’il crée avec son pote Moritz, qui n’y voit goutte. Les mots de l’autrice claquent, entraînant ses personnages dans leur sarabande : « Tu penses aux planètes, au mouvement des astres, à leurs circonvolutions, à la puissance de l’infini d’un monde qui se déploie dans ta tête sans contour et ça chante dans ta tête sur un air des Sex Pistols et ils chantent pour toi tout seul Holiday in the Sun ! » (extrait de l’épisode 8 intitulé Taillez des haies, c’est bon pour la santé !).

pée initiatique et libertaire – métaphore du passage à l’âge adulte – a fasciné Cécile Arthus : « Depuis plusieurs années maintenant, je mets en scène des textes d’auteurs vivants. Il est important pour moi que le théâtre se saisisse des questions de société pour tenter d’en dresser le portrait, et de trouver à chaque fois une façon nouvelle de questionner l’être dans son contexte politique et social. Par le truchement de la fable et de l’imaginaire, du corps et des mots, le théâtre peut devenir un lieu de débat et de questionnement singulier, décalé, exigeant, ouvert à tous. Je m’oriente de plus en plus vers un théâtre dit “réaliste-épique” » explique la directrice de l’Oblique Compagnie (Thionville). Entre chorégraphie et théâtre, baignée par les musiques des années 1980 et 1990, sa mise en scène place le corps au cœur du propos : « Danse de colère ou du refus, danse d’effondrement ou de reconquête, lorsque les mots n’en peuvent plus, le corps vient exprimer les rapports qui se jouent entre les personnages. » Comment échapper à la norme sociale ? À cette question, l’autrice et la metteuse en scène donnent quelques fugaces et jubilatoires éléments de réponse.

Rejetés et rêveurs, les deux compères écoutent de la zik, boivent un coup, croisent une fille sublime sortie de nulle part : ils s’inventent une vie hors des carcans imposés par une société qui corsète les corps et les âmes. Cette épo-

Au Taps-Scala (Strasbourg) du 25 au 28 janvier et à l’Espace Simone Signoret (Vitry-le-François) mardi 5 avril (dès 13 ans) obliquecompagnie.com

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THÉÂTRE

Psyché(délique) Artiste associé au Théâtre national de Strasbourg, Lazare réinvente le mythe de Psyché dans Cœur instamment dénudé, pièce foisonnante explorant les efflorescences du désir. Par Hervé Lévy – Photo de répétition de Jean-Louis Fernandez

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eune mortelle, Psyché est si belle que Vénus, jalouse en diable, demande à son fils Cupidon de lui décocher une flèche afin qu’elle tombe amoureuse d’un sale type. Las, le dieu craque pour la charmante jeune fille. Il l’enlève et la cloitre dans un palais merveilleux où, invisible, il la rejoint chaque nuit dans de torrides ébats. Mais elle s’ennuie à mourir dans sa prison dorée, tandis que ses envieuses sœurs – qui ne rêvent que de biens matériels – la persuadent que son amant est un monstre. Une nuit, elle enfreint alors l’interdit : en pleine lumière, Cupidon est dévoilé… Telles sont les grandes lignes de l’histoire contée par Apulée dans Les Métamorphoses écrites au IIe siècle après Jésus-Christ, que Lazare a totalement recomposées, en partie en vers… « Cette pièce est née du confinement (et va le retraverser en quelque sorte) », explique l’auteur et metteur en scène : « Pour une amie qui était triste,

j’en écrivais un épisode pendant la journée pour lui lire chaque soir, afin de lui faire passer un beau moment. » Comme Heiner Müller l’avait fait avec Prométhée, il « souhaite casser le mythe pour voir ce qui se dissimule au dedans. Une fois brisé, tu trouves tout un big data à l’intérieur. J’essaye néanmoins d’entrer avec délicatesse dans le récit avant de le déconstruire façon dadaïste à grands coups de musique et de chant aussi. C’est en effet une histoire que tout le monde ne connaît pas, mais pourtant fondatrice », résume-t-il. C’est cette affaire de rapt qui l’intéresse au premier chef ; elle « nous ramène à la question du consentement et du désir. Elle interroge le patriarcat. Est-ce le fantasme de Psyché ? Est-elle consentante ? Est-ce un viol ? » Pour le metteur en scène, « Psyché n’est pas la jeune fille un peu naïve mais en même temps très drôle d’Apulée. C’est un personnage kafkaïen qui pense beaucoup le monde, se retire

pour réfléchir les rapports sociaux, cernée par des questionnements, et qui fantasme le réel. Lorsque le conte est fini – il n’était qu’un fantasme –, quand elle quitte le “palais sensuel”, elle se retrouve dans un endroit très sombre avec sa belle robe tout sauf adaptée à ce nouvel environnement. » À côté des protagonistes classiques de la narration, on croisera un chat venu plaider la cause de la nature, des opposants aux Dieux qui ont mis des écrans de surveillance partout et bien d’autres figures, grâce à une réjouissante relecture en forme d’éternelle lutte pour la joie dans un fulgurant élan de vie. Lazare passe cette Psyché à la moulinette de son exubérante poésie, en questionnant les différents avatars du désir… Au Théâtre national de Strasbourg, du 11 au 22 janvier tns.fr

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DANSE

Duo de feu Quand deux astres du flamenco se percutent, l’illumination est totale. Le Mellizo Doble d’Israel Galván et Niño De Elche n’est rien moins que de cette trempe. Par Thomas Flagel – Photos de Kana Kondo et de Reiner Pfisterer

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ma droite, Israel Galván, danseur de génie et adepte de la table rase, réinventant le flamenco sur les cendres fumantes d’un feu rénovateur. À ma gauche, Niño De Elche, guitariste et chanteur non-orthodoxe mêlant à la tradition de sa musique séculaire des influences électroniques, punk et new-wave. Ce duo irrévérencieux, alléchant s’il en existe, pourfend les dogmes les plus contemporains, entêté jusqu’au bord du gouffre, prêt à toutes les audaces pour gratter le vernis imposé par les couches du temps et de mythification. Dans une simplicité scénographique totale, leur « double faux jumeaux » fait fi des faux-semblants, tout entier tourné vers la recherche du diamant originel de l’artiste, de son rapport à l’espace comme au mouvement guidé par la rythmique. La voix de l’un met l’autre sur la voie, ils s’accompagnent, se dominent, se suivent et se réinventent en cheminant sur un fil inconnu. Aux notes plaintives et habitées, scandées ou portées haut de Niño De Elche répondent en écho le zapateo d’Israel Galván martelant frénétiquement le sol de ses talons. La chemise blanche du chanteur renvoie aux chaussures immaculées de son comparse. Le spoken word voisine avec une supplique arabo-andalouse couronnée par une guitare endiablée. Un éclectisme savoureux rivalisant de facilité et d’inspiration avec les courbures tendues qui 50

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éclatent en rafales de gestes mesurés d’un danseur aussi magnétique en chemise noire soignée qu’en tablier de mineur à gratter un sable caillouteux avec ses pieds ou un… râteau pour enfant ! De quoi fasciner littéralement les néophytes autant qu’excéder les aficionados de l’âge d’or du genre. Peu importe, ces deux enfants terribles en ont vu d’autres. Ils savent qu’ils œuvrent en pionniers d’un XXIe siècle synonyme de renouveau flamboyant pour le flamenco, avec l’immense Rocío Molina dont ils n’ont, tous les deux, pas croisé la route par hasard. Libres et inventifs, en quête de l’essence primitive et ultime des gestes, ils ne manquent pas de rendre un hommage appuyé à l’une des grandes bailaoras du début du XXe siècle, Magdalena Seda Loreto, surnommée “La Malena”, ni de faire un clin d’œil à Eugenio Noël, poète de la même époque et farouche opposant à la corrida et aux « canailleries de la danse flamenco ». Après leurs incursions dans une Fiesta tournant mal, dans l’ensorcelant Dju-Dju et dans les inspirations gitanes du répertoire d’avant-garde d’El Amor brujo, les sorciers redoublent d’envoûtements… Au Théâtre de Montbéliard vendredi 28 janvier mascenenationale.eu



MUSIQUE

Hors des sentiers battus Valeur sûre de la scène musicale belge, BRNS continue d’explorer une pop rock hypnotique et érudite, solaire et décomplexée avec Celluloïd Swamp. Par Suzi Vieira – Photo d‘Alice Khol

nous a permis de lâcher les rênes et, finalement, d’assumer pleinement d’être un groupe de pop… avec des chansons qui partent dans tous les sens.»

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ix ans déjà qu’ils campent aux avant-postes d’une pop rock farouchement indépendante. Et voici que les doux dingues du groupe belge BRNS (prononcez “brains”) reviennent avec un quatrième album, toujours aussi éloigné des tubes aseptisés d’une industrie musicale obnubilée par les algorithmes et les sirènes du mainstream. Sur Celluloïd Swamp, les quatre amis bruxellois n’hésitent pas à sortir encore et encore de leur zone de confort pour s’ouvrir à de nouvelles possibilités. Conçu et enregistré en quelques jours dans un studio de Brooklyn avec, à la

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production, l’ingénieur du son Alexis Berthelot (qui a déjà eu Medine, Marc Ribot ou Frank Ocean parmi ses clients), le disque est un assemblage de compositions hybrides et débridées. Tantôt post-rock dissonant et riffs de guitare saturés (Get Something), tantôt pop electro avec circonvolutions psychédéliques (Money ou Not Alone) et planante catharsis (Inverted). « On l’a composé en très peu de temps », raconte Antoine Meersseman, bassiste et claviériste. « On voulait quelque chose de plus immédiat et se marrer davantage, sans se poser trop de questions. Cela

Une science du grand écart qui flirte y compris désormais avec les rythmes viciés du R’n’B, à l’image de Suffer, porté par un groove très dépouillé, aussi intrigant qu’excitant. Signé de l’excellente Alice Khol (dont on avait déjà adoré le court-métrage Juliette The Great), le clip accompagnant le morceau rejoue les clichés du teen movie sur fond de danse krump et de rites vaudou. Autre piste, autre surprise : Familiar embarque dans une détonante virée hip-hop sur fond de trompettes, trombones et tubas audacieusement mêlés au rap déjanté et sans pudeur de Carl Roosens (de Carl et les hommes-boîtes) ici en guest un peu perché. L’opus marque aussi l’arrivée d’une nouvelle recrue dans la formation, Nele De Gussem, dont la voix claire et séraphique vient notamment illuminer de grâce le puissant Lighthouses – exemple parfait du syncrétisme virtuose avec lequel BRNS multiplie les changements d’ambiance au sein d’un même titre, quitte à dérouter ses auditeurs. Qu’à cela ne tienne ! Celluloïd Swamp est précisément de ces albums qu’on entend différemment à chaque écoute, à la fois caverneux et solaire, intransigeant et fantasque, accessible et sans concession. Au Moulin (Brainans) vendredi 21 et à la Kulturfabrik (Esch-sur-Alzette) jeudi 27 janvier facebook.com/BRNSmusic

Édité par Yotanka Records / [PIAS] yotanka.net


MUSIQUE

Soleil noir Avec Rayons Gamma, P.R2B livre un premier album sublime, renouvelant la chanson française par son répertoire atypique et son phrasé à contretemps, tout en subtilité. Par Suzi Vieira – Photo de Kira Bunse

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vec sa pop synthétique lo-fi à peine bricolée, Pauline Rambeau de Baralon, alias P.R2B – chevelure à la Diego Maradona et diction piquée façon Barbara – est LA figure montante de la chanson française. Dans ses histoires désabusées, on porte des robes couleur de spleen, on s’embrasse les yeux imbibés d’une vodka du soir, triste à pleurer, ça se cherche dans les draps, nos cœurs sont gris foncé, les idéaux lâchent, les gens s’appellent mélancolie et puis se disent : alors, si on changeait tout ça ? On se remet à danser, au son des larmes qui coulent, on ne s’entend pas, et voilà que tout tourne autour de soi. C’est à rendre fou, la façon dont cette trentenaire diplômée de la Fémis joue des arythmies, dissonances fragiles et envolées romantiques pour toucher le fond de l’âme. Le label laboratoire La Souterraine, plaque tournante de l’underground francophone, ne s’y est pas trompé en intégrant son renversant Océan Forever, aux synthés ondoyants comme la mer en hiver, sur une compilation dès 2017. Pour son premier disque intitulé Rayons Gamma, la clarinettiste et pianiste, qui se décrit comme une « petite fille de province, d’une ville de diagonales, aux origines bien peu originales », a eu la bonne idée de s’accompagner de saxophones devenus de nos jours si rares. Concernant sa façon singulière et délicate de prendre la langue de Molière en bouche, la jeune femme pleine de fougue revendique trois influences majeures : Barbara, Brigitte Fontaine et Catherine Ringer. Rien que ça !

entourage, comme dans la bouleversante Lettre à P où elle évoque son père disparu, distille saillies et colères dans un phrasé tout en tension, s’emporte contre nos vies « domestiquées à la laisse ». Mais toujours avec l’énergie dansante du désespoir soufflant sur des vers pleins d’une triste et vivifiante rage. Tous les grands écarts sont permis pour ce bout de femme à la croisée de Léo Ferré et Sabine Paturel, alliée sur cet opus au très demandé producteur Tristan Salvati, collaborateur d’Angèle et Clara Luciani. Depuis Ma meilleure vie et son ode pleine de vulnérabilité à l’amour salvateur – l’une des plus belles ballades entendues ces dernières années – aux sonorités chaudes et cuivrées de Mamma en passant par les sautillantes boites à rythme à donner le tournis de La Piscine ou la verve rutilante d’un rap hors d’haleine (Plus rien de bien), la native de Bourges balance ses émotions brutes à l’ouïe et à la face des auditeurs en extase.

Comme ses idoles, P.R2B « écrit les journées qui passent et qui s’éteignent la nuit », puise parfois l’inspiration dans son

Édité par Naïve / Believe naiverecords.com

Au Noumatrouff (Mulhouse) vendredi 21 janvier, à la Rodia (Besançon) samedi 22 janvier, à la Cartonnerie (Reims) mercredi 23 février et à la Poudrière (Belfort) samedi 19 mars pr2b.fr

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Freaky pop picture show Cinq ans après Mystère, le vrai faux groupe pop La Femme revient avec Paradigmes, mélange d’entrain et de total accablement. Rencontre avec Sacha Got, le chanteur-guitariste bien coiffé du duo. Par Suzi Vieira – Photo de Jean-François Julian

Comment vous est venu le titre de ce troisième album ? On est tombés par hasard sur le mot “paradigme” avec Marlon Magnée [l’autre membre fondateur du groupe, NDLR], un soir où on était foncedés. On a trippé dessus – comme on le fait 54

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souvent –, parce que ça sonnait comme “paradis” mais avec un côté bizarre et énigmatique à la Boris Vian. Et puis ça sonne très La Femme. « Les masques tombent pour célébrer le néant et la folie », chantez-vous

sur le morceau d’ouverture. Un titre qui résonne fort avec la situation actuelle… C’est une coïncidence assez dingue. En réalité, les quinze chansons ont été composées avant la pandémie. Comme quoi, on est des visionnaires [rires] !


MUSIQUE

ce côté touche-à-tout permet de ne jamais se répéter et de garder l’enthousiasme intact. Marlon et moi sommes des grands passionnés de musique et on est totalement décomplexés par rapport au fait de piocher dans la longue histoire de cet art. Comment choisissez-vous les genres à investir ? Un peu par hasard, au fil des rencontres. Par exemple, quand j’étais à Memphis, on m’a fait écouter des morceaux de country que j’ai adorés. J’ai creusé à fond l’histoire de ce genre, écouté quantité de titres, tout décortiqué, jusqu’à pouvoir en donner ma propre version. C’est ce qui a donné les pistes un peu “western” de cet album. Même chose pour la musique orientale : je me suis plongé dans les chansons turques des années 1970 et m’en suis nourri pour créer Va. C’est un processus long : il ne s’agit pas seulement de livrer notre interprétation d’un genre, il faut encore le mêler à d’autres influences pour apporter notre patte. Va, c’est de la musique turque, des textes en français et une touche yéyé à la France Gall.

Comment qualifieriez-vous cet opus ? Touffu et éclectique. C’est un best of de tout ce qu’on sait faire. Nous composons énormément, tout le temps… Nos disques durs sont pleins de chansons où l’on mélange les genres et tente des croisements. On adore faire ça ! Avec les années, nous avons également progressé dans la production. Pour moi, c’est notre album le plus pointu et sophistiqué jusqu’à présent. Casser les paradigmes, c’est votre message ? On aime casser les codes, être là où on ne nous attend pas, quitte à écorcher les oreilles des puristes. Je comprends que ça puisse en énerver certains de nous voir débarquer pour s’approprier des styles musicaux comme ça, mais

Vous passez beaucoup de temps sur un morceau ? Énormément. Le processus de création est long, laborieux et minutieux. Nous sommes ultra perfectionnistes. Rien n’est laissé au hasard, tout est pensé dans le moindre détail. C’est une grosse prise de tête en vrai ! Sur Disconnexion, vous vous moquez des discours pseudo profonds des philosophes… C’est étrange, souvent les gens pensent que je me fous de leur gueule alors que pas du tout en fait [rires] ! En ce qui concerne ce morceau, il s’est construit par étapes. Au début, j’avais une instru très Blondie, à laquelle j’ai ajouté un banjo enregistré à Memphis. Et puis en regardant des vidéos de philosophes sur Youtube, je me suis retrouvé à sampler un type bègue qui posait une question à la fin d’une conférence de Michel Onfray. Je l’ai posé sur l’instru pour délirer et ça marchait vraiment bien. J’ai alors écrit un texte en reproduisant le bégaiement dans l’écriture : « Je, je, je, je pense que le, le plus grand

problème de l’Homme, c’est d’éprouver sans cesse un désir d’expansion », etc. Disconnexion est un assemblage de tout cela, avec des synthés ambiance space opera pour accentuer la bizarrerie du truc. Mais je tiens à dire que le discours n’est pas si absurde quand on le lit avec attention [rires] ! Une autre façon pour vous d’aborder le monde est de développer une atmosphère fantastique, peuplée de monstres, vampires et nymphes… C’est un pan de notre univers, mais pas le seul. La chanson Où va le monde sur notre précédent opus, par exemple, est très terre à terre, ancrée dans la réalité chiante de la vie. Il y a toujours ces deux pôles dans notre musique, qui sont aussi les deux faces de la même monnaie qu’est la vie humaine : la banalité du quotidien et la fantaisie des rêves. Et puis ça permet de faire des clips façon Rocky Horror Picture Show plutôt cools, qui changent des groupes en T-shirts blancs perchés sur un toit d’immeuble ! Vous avez conscience d’avoir lancé une nouvelle vague de groupes pop français grâce à votre succès ? C’est vraiment une bonne chose que le français ait été remis au goût du jour et que les artistes se réapproprient leur langue. Le temps où tout le monde chantait en anglais, allait manger au Mc Do et rêvait de vacances à New York est révolu. De nos jours, des groupes comme Altın Gün, Tinariwenn ou La Femme tournent partout dans le monde en chantant en turc, tamashek ou français. C’est l’autre face de la mondialisation ! À L’Autre Canal (Nancy) samedi 22, à la Laiterie (Strasbourg) jeudi 27 janvier et à l’Alhambra (Genève) samedi 26 mars lafemmemusique.com

Édité par Disque pointu / Born Bad Records / IDOL bornbadrecords.net

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The girl from favela Entre claviers chaleureux et percussions solaires, la brésilienne Flavia Coelho balance son “bossa muffin” à la figure de Bolsonaro. Rencontre avec une joyeuse indignée. Par Suzi Vieira – Photo de Youri Lenquette

Votre 4e album s’intitule DNA, “ADN” en anglais. S’agit-il d’un retour aux racines ? Plus que d’héritage, c’est de métissage que parle essentiellement ce disque. L’hybridation est en effet le principe même de ma démarche. C’est le fil conducteur de ma musique, le “bossa muffin” : un mélange des musiques traditionnelles brésiliennes que sont le forró, la samba et la bossa nova, avec des rythmes contemporains venus d’Afrique ou des Caraïbes, du reggae à la cumbia, en passant par la pop et le hip-hop.

si le populiste Bolsonaro y a établi son fief, le “cabinet de la haine” comme on l’appelle là-bas.

Il y est beaucoup question de votre pays… Le Brésil est dans mon ADN, c’est vrai. J’étais en pleine écriture quand, à l’automne 2018, Jair Bolsonaro a remporté la présidentielle. Cela m’a beaucoup touchée de voir le retour de l’extrême droite au pouvoir et les persécutions qui allaient s’ensuivre pour les minorités dont je suis issue. Impossible de ne pas en parler. Il fallait que je crie mon indignation et rappelle, à l’heure de la division, l’importance du métissage.

Comment le disque a-t-il été accueilli au Brésil ? Il y a de bons retours… et aussi des attaques de haters proprésident sur les réseaux sociaux. Mais ce n’est pas le plus important. Il s’agissait avant tout pour moi de consigner mes pensées sur l’époque, garder la mémoire de ce moment de l’histoire, pour pouvoir plus tard me regarder dans une glace sans honte ni remords.

Est-ce une posture nouvelle ? Je suis née à Rio de Janeiro, d’un père noir et d’une mère blanche. J’ai grandi dans une favela : cet engagement fait partie de ma vie, de mon histoire. Je parlais déjà des problèmes sociaux dont souffre mon pays avant, même si j’utilisais un langage plus métaphorique. Cette fois, j’ai décidé d’user de mots plus directs, dire les choses comme elles sont, même si ça fait mal. Comment vous est venue la chanson Cidade Perdida ? C’est sans doute la chanson la plus virulente que j’ai écrite. Elle dit tout ce qui ne va pas à Rio, cette cité magnifique et pourtant “perdue” par la violence qui y règne, les inégalités, la corruption, la mainmise de la mafia. Ce n’est pas pour rien 56

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La musique est-elle un moyen d’éveiller les consciences ? Bien sûr, mais pas seulement ! C’est aussi un moyen de s’échapper de la réalité, de mettre du soleil dans nos vies et de garder le sourire, y compris quand on a du mal à joindre les deux bouts. Je crois que, pour beaucoup de mes compatriotes, elle permet de transcender la douleur.

Gardez-vous encore espoir ? Bien évidemment ! Les Brésiliens ne lâchent jamais rien. Il y a toute une partie du pays qui se bat pour défendre l’État de droit, la culture, les minorités, etc. Je crois très fort en mon peuple. Au PréO (Oberhausbergen), jeudi 13 janvier le-preo.fr

Édité par Le Label / [PIAS] fr.flaviacoelhomusic.com


MUSIQUE

Filiations contemporaines Sous la baguette de son directeur musical Aziz Shokhakimov, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg convie à une escapade où Ligeti tutoie son élève Unsuk Chin et Schönberg, l’un de ses maîtres. Par Hervé Lévy – Photo de Jean-Baptiste Millot

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age sixties de György Ligeti, Lontano reflète son intérêt pour Johannes Ockeghem, musicien flamand du XVe siècle dont les polyphonies irriguent une partie de sa production, que ce soit le célébrissime Lux aeterna – Stanley Kubrick s’en servit pour 2001, l’Odyssée de l’Espace – ou les Drei Phantasien nach Friedrich Hölderlin. En témoigne l’utilisation massive du canon « afin d’établir une unité entre le successif et le simultané. Je pense toujours en voix, en couches, et je construis mes espaces sonores comme des textures, comme les fils d’une toile d’araignée, la toile étant la totalité et le fil l’élément de base. Le canon offre la possibilité de composer une toile de fils mélodiques selon des règles assez bien définies », expliqua le compositeur hongrois. Œuvre atmosphérique aux exaltantes séductions, Lontano hésite entre quiétude et fracas : sa texture souvent voilée d’où émergent des fulgurances éclatantes de lumière fut comparée par son auteur à une toile d’Albrecht Altdorfer, La Bataille d’Alexandre (1529), où « les nuages – ces nuages bleus – se déchirent ; derrière, il y a le rayon lumineux doré du soleil couchant, qui transparaît au travers ». Donné en création française par Jérôme Comte (en photo), spécialiste du répertoire contemporain, le Concerto pour clarinette d’Unsuk Chin permet, lui, de découvrir l’art d’une des grandes compositrices de notre temps : élève de

Ligeti, la Coréenne, rencontrée au cours de l’édition 2007 du festival Musica qui lui consacrait un portrait, nous affirmait alors : « La musique suit ses propres lois et n’est pas réductible à des concepts, des théories ou des interprétations extramusicales. Sa logique est proche de celle du rêve, comme dans Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll qui a servi de fondement à mon premier opéra. » Dans cette partition ultra-virtuose de 2014, le soliste interagit élégamment avec l’ensemble qui se transforme en un « super instrument virtuel. Mon enthousiasme pour la clarinette provient de son large éventail de nuances dynamiques, de la diversité de ses possibilités expressives et de son énorme maniabilité », résume-t-elle. La soirée s’achève avec une pièce de Schönberg, dont on connaît l’importance dans le parcours de Ligeti puisqu’il en « apprit une nouvelle conception du temps musical, la possibilité d’une musique formellement statique », écrit le musicologue Simon Gallot. Sera programmé son orchestration du Quatuor pour piano et cordes n°1 de Brahms, instant explosif et génial qui vient conclure les débats de la plus belle des manières. Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) jeudi 3 février philharmonique.strasbourg.eu

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OPÉRA

Sur les ailes de l’utopie L’Opéra national du Rhin exhume Les Oiseaux de Walter Braunfels donné en première française. Une comédie sombre sur l’utopie, qui connut un immense succès dans les années 1920. Par Hervé Lévy – Photos de répétition de Klara Beck

C’

est devenu une marque de fabrique de la maison alsacienne qui avait déjà ressuscité Die tote Stadt de Korngold (1920, première française en 2001) – initiant un succès qui ne s’est pas démenti depuis – ou Der ferne Klang (1912, première française en 2012). C’est un autre compositeur oublié que l’Opéra national du Rhin a décidé de faire redécouvrir au public. Connaissez-vous Walter Braunfels (1882-1954) ? La réponse est sans doute négative… C’est qu’il est en quelque sorte mort deux fois après avoir connu un vif succès dans les années tourbillonnantes de la République de Weimar. La première avec l’arrivée au pouvoir du national-socialisme : “demi-juif” selon les lois raciales, sa musique est jugée dégénérée, alors qu’un certain Adolf Hitler lui avait demandé d’écrire une marche pour les chemises brunes après le putsch avorté de 1923. Ce qu’il refusa, évidemment. Retiré pendant toute la

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guerre dans une émigration intérieure qui fut le lot de nombreux intellectuels allemands, il meurt symboliquement une seconde fois après 1945, alors que son post-romantisme n’est plus guère en cour dans un paysage sonore où la musique contemporaine impose sa tabula rasa atonale. Paru dans la célèbre collection Entartete Musik du label Decca, un enregistrement de 1995 permet de se rendre compte de la luxuriance d’une partition transparente et lumineuse évoquant tout autant Wagner que Richard Strauss. Elle se déploie ici sous la baguette incandescente du directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokakimov. Fondé sur la comédie éponyme d’Aristophane, Les Oiseaux est une fable sur le pouvoir et l’émancipation vue comme complexe, si ce n’est impossible. Elle vient questionner avec grande finesse toutes les uto-

pies… À la mise en scène, Ted Huffman est de retour sur la scène alsacienne après un mémorable 4.48 Psychosis de Philip Venables, en 2019. Sa vision ? Une comédie noire se déroulant dans les espaces déshumanisés des entreprises contemporaines. Ses open spaces ternes rappellent les bureaux sans âme des films de Roy Andersen (Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence) et Mike Judge (Office Space), mais aussi les photographies de Lars Tunbjork et Lee Friedlander. Les héros de l’histoire sont des travailleurs trentenaires du tertiaire qui vont se rebeller contre cet univers aseptisé en se métamorphosant en flamboyants volatiles. À l’Opéra (Strasbourg) du 19 au 30 janvier et à La Filature (Mulhouse) dimanche 20 et mardi 22 février operanationaldurhin.eu


OPÉRA

Discours de la servitude volontaire À Nancy, Mikaël Serre monte Ariane et Barbe-Bleue, installant l’opéra de Paul Dukas dans la contemporanéité, entre effets du confinement et syndrome de Stockholm. Par Hervé Lévy – Photo d‘Andreas Schmidt

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e Paul Dukas (1865-1935), le grand public connaît souvent uniquement L’Apprenti sorcier grâce à l’utilisation qu’en fit Walt Disney dans Fantasia. Le reste de son œuvre est un continent qu’il convient de (re)découvrir, à l’image d’Ariane et Barbe-Bleue, sans doute le seul véritable exemple de wagnérisme à la française. Dans cet opéra où Perrault rencontre la mythologie grecque, Ariane, la sixième femme de l’ogre, rend la liberté aux cinq premières, emprisonnées dans de sombres geôles alors que tous les croyaient mortes. Elles préfèrent cependant demeurer captives. Si toutes portent des noms venus de pièces antérieures de Maurice Maeterlinck1, auteur du livret, Mikaël Serre (en photo) propose dans sa mise en scène un « voyage dans le temps, à travers différentes figures de femmes qui ont marqué l’Histoire – de la Vénus de Willendorf à Rosa Luxembourg. Nous racontons une histoire de la libération et de l’émancipation », résume-t-il2, dont Ariane, véritable super-héroïne, pourrait être le porte-drapeau.

À côté de cela, se déploie une réflexion sur la servitude volontaire, puisque l’œuvre est sous-titrée La Délivrance inutile, le compositeur écrivant même à son propos : « Personne ne veut être délivré. La délivrance coûte cher parce qu’elle est l’inconnu et que l’homme (et la femme) préférera toujours un esclavage familier à cette incertitude redoutable qui fait tout le poids du fardeau de la liberté. Et puis, la vérité est qu’on ne peut délivrer personne : il vaut mieux se délivrer soi-même. Non seulement cela vaut mieux, mais il n’y a que cela de possible. » Des propos éminemment actuels à une période où

des puissances obscures inconscientes nous font préférer la mollesse du confort de la maison à l’ivresse du dehors. Et Mikaël Serre de répondre au musicien par-delà les années : « Nos corps confinés ont été marqués durablement, à tel point qu’aujourd’hui que nous avons retrouvé une certaine forme de liberté, nombreux sont ceux qui continuent à agir selon les réflexes acquis durant cette période : en sortant moins, en désertant les salles de spectacle et de cinéma, en télétravaillant, quitte à fragiliser la frontière entre le travail et la vie privée. » Dans la création de l’iconoclaste auteur d’Offenbach Report3, la vidéo est au cœur du propos : « Sur scène, un fond vert nous permet de métamorphoser l’espace en temps réel. Le plateau devient le lieu où se rencontrent et se confrontent les imaginaires. En 2012, l’autrice canadienne Anne Carson a signé Antigonick, d’après l’Antigone de Sophocle. Quand je songe au symbolisme de Maeterlinck, me reviennent ces mots de la pièce : “Ce n’est pas qu’on veuille tout comprendre ou même comprendre quelque chose, nous voulons comprendre autre chose” », affirme-t-il. À l’Opéra national de Lorraine (Nancy) du 28 janvier au 3 février opera-national-lorraine.fr Mélisande (Pelléas et Mélisande), Alladine (Alladine et Palomides), Ygraine et Bellangère (La Mort de Tintagiles) et Sélysette (Aglavaine et Sélysette) Tiré d’un entretien avec Simon Hatab pour l’Opéra national de Lorraine 3 N’ayant pu être donné au Théâtre de la Manufacture en décembre 2020, le spectacle, première coproduction entre les maisons d’opéra du Grand Est (Nancy, Metz, Reims et Strasbourg), a été transformé en film. 1

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EXPOSITION

Tirant d’eau

Acqua alta Dans une galerie helvète située à quelques encablures de la Fondation Beyeler, Pascal H Poirot présente des toiles récentes, avec l’eau comme fil conducteur. Par Hervé Lévy

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ascal H Poirot s’était fait connaître dans les années 1980 avec ses Canapés, dont les avatars semblent se multiplier à l’infini depuis, mais « une peinture n’est jamais “satisfaite”, elle en appelle d’autres, toujours d’autres », s’amuse-t-il. Cette exposition permet de découvrir des séries récentes, dont Aqua où des architectures géométriques en diable se confrontent aux contours incertains et mobiles de l’élément liquide. Un hasardeux chemin de billots ronds posé sur une onde dont les teintes hivernales hésitent entre indigo et violet (Aqua O) dialogue avec son homonyme fait de planches (Aqua L). Où mènent-ils ? Ces toiles renvoient à la quête de sens animant nos existences, étant bien entendu que le voyage est plus important que la destination. C’est tout du moins ce que l’artiste semble susurrer au visiteur dans ces paysages figuratifs non réalistes, vues métaphysiques sur 60

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lesquelles plane l’ombre de Giorgio De Chirico. Dans d’autres compositions, la pierre a remplacé le bois. Des bâtiments aux formes étranges – édifices dont la construction est arrêtée ou ruines grandioses d’une civilisation disparue – émergent des flots aux moirures bleutées de lacs alpins. On croit reconnaître des fragments à la perspective allègrement faussée des Thermes de Vals (Aqua H) construits dans les années 1990, en sombres dalles de gneiss, par le Prix Pritzker 2009, Peter Zumthor. Radicales et épurées. À moins que ce ne soit la voisine Fondation Beyeler, œuvre de Renzo Piano aux faux airs de temple maya pourrissant dans la jungle. Le chevalet est l’acteur principal d’une autre série, qu’il trône au bord d’une terrasse de bois ouvrant sur un paysage évoquant un détail des Nymphéas de Monet passé à la moulinette


EXPOSITION

Ponton III

pigmentaire d’un David Hockney en fusion (Éxécution O) ou qu’il soit nonchalamment posé face à des montagnes aux neiges éternellement irisées de mauve (Éxécution X). Le jeu dialectique permanent entre le dedans et le dehors génère une étonnante mise en abyme entre la nature et la toile, comme si PHP se jouait des catégories, faisant de l’espace sa maison. Et réciproquement. Toutes aussi fluides sont d’autres séries, comme Barques – esquifs semblant flotter sur une surface ondoyant d’irréelle manière et où se reflètent de sombres forêts – ou Alpes, dans laquelle il se laisse griser par les sommets perdus dans les nuées et posés dans le lointain, sur l’autre rive d’un lac… Comment ne pas penser à Ferdinand

Hodler ? N’oublions pas pour autant Austral, work in progress permanent manifestant la fascination de l’artiste pour les antipodes avec une pirogue aborigène – souvenir de la visite du National Museum of Australia de Canberra – voguant au cœur de charmants dégoulinements de pigments. Comme si tout coulait toujours de source… À la Galerie Lilian Andree (Riehen / Bâle) jusqu’au 23 janvier galerie-lilianandree.ch pascalhpoirot.com

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EXPOSITION

La santé à tout prix Entre répulsion et fascination, Paddy Hartley explore, à travers The Cost of Life, l’impact des progrès fulgurants de la médecine sur nos sociétés obsédées par la santé. Par Suzi Vieira – Photo de Daniel Spehr / Museum Tinguely

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ès l’entrée, le visiteur est happé par sept étranges et délicates jarres de céramique plantées de mille grandes aiguilles à piercing. Insaisissables, intouchables, inapprochables, au risque de se blesser. Le titre de l’œuvre ? The End… to be continued. Inspirées à l’artiste par l’interdiction faite aux familles de voir leurs proches mourants de la Covid-19 au plus fort de la pandémie en 2020, les cinéraires urnes acérées placent le spectateur dans un piquant faceà-face avec la mort et interrogent notre rapport au corps malade, vaincu, dolent. Une obsession pour le britannique Paddy Hartley, dont le travail explore depuis deux décennies les questions soulevées par les progrès de la médecine et l’essor des biotechnologies… avec des conséquences parfois contradictoires sur nos sociétés obsédées par la beauté et la santé à tout prix. Organisée par le Musée Tinguely et Roche à l’occasion du 125e anniversaire du géant suisse de l’industrie pharmaceutique, The Cost of Life retrace la carrière de ce céramiste et sculpteur touche-à-tout. Fasciné par les premières expérimentations de reconstruction faciale menées par Harold Gillies sur les gueules cassées de la Première Guerre mondiale, Hartley a retrouvé les descendants du chirurgien et de certains de ses patients, cherchant à savoir ce qu’avait été leur vie d’après. « Ce ne sont pas nos corps en tant que tels qui m’intéressent, mais l’expérience des gens qui les habitent », explique-t-il. Make my move for me, will you, my Love (Déplace-le pour moi, veux-tu, ma chérie) est 62

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ainsi inspiré de l’histoire de William Vicarage, premier soldat de la Royal Navy à avoir subi une greffe de peau après de graves brûlures au visage et aux mains pendant la bataille du Jutland en 1916. L’œuvre figure un jeu de solitaire, dont le plateau en porcelaine dessine les contours de la région du Swansea où il travailla comme plombier à son retour du front. Les pions sont formés de divers éléments d’horlogerie – le premier métier de Vicarage. Le titre, lui, reprend les mots du vieil homme, qui demandait à sa petite fille de jouer les coups pour lui, à cause de la dextérité réduite de ses mains reconstruites. D’autres sculptures sont plus directes dans leur conception, tels les implants de hanche assemblés au mur pour former d’étranges croix (Splints), les rosaires de pilules de Xanax et Viagra (Rosary I & II) ou encore les serpents menaçants d’HypoTrypanoPharmAlethephobia or The Frustration of the Virologist. Pièce maîtresse de l’exposition, cette sculpture en forme de chevelure médusienne synthétise quatre phobies désespérément actuelles : hypocondrie, terreur des aiguilles, crainte maladive des médicaments et – pire du pire – peur de la vérité. Au Musée Tinguely (Bâle), jusqu’au 23 janvier tinguely.ch > La seconde partie de la rétrospective est présentée en parallèle au Musée de la pharmacie de l’Université de Bâle pharmaziemuseum.ch


EXPOSITION

La vie en noir et blanc Les œuvres de six plasticiens sélectionnés parmi 625 candidatures à la Regionale 22 composent Transmergence #03 au Frac Alsace, exposition toute en contrastes chromatico-politiques en noir et blanc. Par Raphaël Zimmerman

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ommissionnée par Baharak Omidfard et la directrice du Frac Felizitas Diering, cette exposition explore les différentes connotations afférentes au noir et au blanc. Pièce essentielle du parcours, Cela fait toujours du bien de parler de la pluie et du beau temps ou l’incontrôlable mécanique des pollutions intérieures est une installation poétique et inquiétante d’Anaïs Dunn (en photo). Au-dessus d’un bassin aux eaux sombres, flotte une myriade de globes de verre parcourus de complexes flux aquatiques où une onde ténébreuse semble tout envahir, gouttant, menaçante : métaphore de nos sociétés gangrénées par la pollution, cette pièce a la semblance d’une marée noire contaminant l’espace de manière anxiogène. Elle voisine avec screening (présent spaces) de Julia Steiner formant un petit labyrinthe de paravents dont les étoffes de soie tendues sur des cadres de métal sont parcourues de dessins, circonvolutions bicolores jouant avec la lumière. Ils génèrent des espaces nouveaux où le visiteur est transporté et entrent en résonance avec son night space, simple matelas jeté au sol, dont housse, couette et coussins sont marbrés de motifs venant matérialiser l’inconscient du sommeil, comme si les rêves et les cauchemars de l’artiste étaient imprimés dans la matière. Tout aussi oniriques sont les trois pièces de Claire Hannicq : dans Obsidienne, par exemple, elle confronte ce verre volcanique formé de lave servant à confectionner des miroirs dans l’Antiquité aux reflets de notre ère miroitant dans les tablettes numériques, « des instruments qui, à la fois, ouvrent l’œil au monde et y déposent un voile » résume-t-elle, histoire d’illustrer l’incomplétude des images qui nous sont sans cesse renvoyées.

Également politiques, les œuvres de Pável Aguilar sont une réflexion sur la migration : ainsi Radiografías del Triángulo Norte est un ensemble de radios évoquant la souffrance des migrants qui ont échoué à entrer aux États-Unis en empruntant “La Bestia”, train de marchandises partant du Guatemala auquel s’agrippent chaque année près de 400 000 désespérés. Ces images aux rayons X montrent frontalement les stigmates de cette douloureuse épopée. À côté de Mimi von Moos – plongée documentaire glacée dans les attitudes coloniales à l’œuvre au Congo au début du XXe siècle – est accroché Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui déshumanisa mes pères regroupant des portraits gravés dans la paraffine de militants de la cause décoloniale : Frantz Fanon, Steve Biko, Sorijini Naïdu et Wambui Waiyaki Otieno. Avec cette pièce, Sybille du Haÿs fait acte de mémoire, mais entre aussi en résonance avec les critical whiteness studies révélant « les

structures invisibles qui produisent et reproduisent des schémas de supériorité blanche et des privilèges », selon la sociologue Barbara Applebaum. Au Frac Alsace (Sélestat) jusqu’au 27 février frac.culture-alsace.org > Une quinzaine d’expositions sont organisées dans le cadre de Regionale 22, dans plusieurs structures en Alsace, à Bâle et dans le Bade-Wurtemberg (jusqu’au 09/01) regionale.org POLY 242

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EXPOSITION

Géométrie sensible Plongée dans les abstractions colorées de Paul Pagk, Rythmes & Structures met en lumière les lignes charnelles de l’artiste new-yorkais. Par Suzi Vieira

entendre les pulsations colorées de leur musique, s’imprégner physiquement de leurs fragiles et éblouissants frémissements.

Coney Island, 2018, courtesy Galerie Éric Dupont, Paris

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ectangles, lignes droites, cubes et parallélépipèdes peuplent les abstraites toiles carrées très grand format de Paul Pagk, donnant parfois l’impression de se promener de l’une à l’autre, glissant de mur en mur dans les salles de béton brut de la Fondation Fernet-Branca pour jouer avec le visiteur hagard et déjouer son regard. Dès le premier abord, l’œuvre du peintre newyorkais de cinquante-neuf ans frappe par sa complexe simplicité. À la fois artiste et artisan, il fabrique sa propre peinture à base d’huile et de pigments purs jusqu’à obtenir l’exacte et subtile nuance voulue. Dans ce poétique et philosophique jeu mathématique, les

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couleurs et les formes se répondent, les tracés et les vibrations chromatiques modulent l’espace de la toile, semblant parfois même se poursuivre hors du cadre (Once Above Once Below, Untitled Yellow Pink and White). Ici, le tropplein de la couleur se dresse face au vide pascalien des formes dépouillées dessinées à main levée (Anaphore, Red Desert). Les traits ne sont jamais aussi nets qu’ils apparaissent. Animés d’une infime sinuosité à peine perceptible au spectateur qui se tiendrait trop éloigné, ils font vaciller la rigueur première du tableau. S’avancer, reculer… Il faut trouver la bonne distance pour véritablement “voir” les œuvres de Paul Pagk,

Réunissant quelque cinquante peintures et une centaine de dessins, Rythmes & Structures déploie les magnétiques constructions sensorielles d’un plasticien qui régénère le langage de l’abstraction en opposant la densité et l’épaisseur réelle des couleurs à la profondeur illusoire des figures géométriques et de leurs perspectives (Cuban Boxer). Au fil du parcours et des échos renvoyés d’une création à l’autre, se tisse comme un long poème visuel où la perception du regardeur se voit sans cesse remise en question. Dans Five 2 One, les battements puissants du jaune mettent le corps en tension. L’esprit est en alerte. Aussitôt rasséréné par le rouge puissant, abyssal et enveloppant à la fois de 3 Circles. Plus loin, Horus érige les fines réticulations de son œil au sein du bleu céleste de la mer mêlée au ciel, TwoBetween étale la nuit des océans entre deux disques polaires, tandis que Coney Island harnache nos sens déboussolés au siège vert tendre d’une roue de manège lancée dans le rosissement éclatant du soir. À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis), jusqu’au 13 février fondationfernet-branca.org


GASTRONOMIE

Rêveuse cuisine bourgeoise Depuis fin 2018, Ludovic Kientz s’est installé à Drusenheim Au Gourmet, décrochant sa première Étoile au Guide Michelin en 2021. Visite chez un jeune chef à la maîtrise déjà affirmée. Par Hervé Lévy – Portrait de Stéphane Louis pour Poly

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udovic Kientz est un enfant du Crocodile. Le chef de 33 ans y a en effet passé 12 ans, y débarquant comme apprenti en 2005 : « Deux ans après, Émile Jung m’a proposé d’être chef de partie poissons », explique-t-il. Il reste dans la maison strasbourgeoise jusqu’en 2017, épousant toutes les circonvolutions complexes de son histoire récente : chef exécutif de Philippe Bohrer, il devient, à 22 ans, le plus jeune cuisinier aux manettes d’un restaurant étoilé. Une distinction qu’il retrouve en 2016 alors que Cédric Moulot a acquis l’établissement. Décidant de voler de ses propres ailes, il acquiert le Gourmet. Un retour aux sources pour le natif de Gambsheim, à quelques encablures de là. « Nous n’avons pas choisi cette maison pour ce qu’elle était, mais pour ce qu’elle pouvait devenir, et souhaitions partir d’une page blanche », résume-t-il. Avec sa compagne Sandie Ling – talentueuse sommelière passée par le mythique restaurant de Michel Bras à Laguiole –, il s’est installé dans cette belle demeure, posée en retrait de la route, dans la verdure. Dans une salle aux amples volumes dont les murs d’un blanc éclatant contrastent avec une moquette d’un bleu profond, se déploie une cuisine bourgeoise new style. Voilà adjectif longtemps honni, associé à une image ringarde, qui fait un retour en grâce. Francs, copieux et maîtrisés, les plats de Ludovic Kientz – qui se sert essentiellement de produits locaux comme les légumes de la Ferme Riedinger de Hoerdt – sont placés sous le signe du goût. On reste époustouflés par le rapport qualité / prix du

menu de midi (29 €, entrée, plat, dessert). Best in Grand Est ! En témoigne un carpaccio de noix de Saint-Jacques, charmante fleur opaline posée sur l’assiette surmontée d’une marinade de petits légumes au gingembre et d’un gel de citron vert dont l’acidité twiste l’ensemble avec bonheur. L’œuf parfait qui suit l’est vraiment (grâce au jeu chromatico-gustatif entre la truffe noire et le vin jaune), tandis que le filet de biche des Vosges, point d’orgue du repas, n’est que délices. Servi (très) généreusement, le gibier danse avec de moelleux kasknepfles et un aréopage potager, barbotant dans une sauce luisante de bonheur aux fragrances mêlées de gingembre et de genièvre. Les débats s’achèvent avec la réhabilitation d’un dessert désuet, le vacherin dont la déclinaison tripartite en bandes verticales évoquant Buren – clémentine, citron vert et sorbet cacao – est pure réussite. Dans la galaxie composite des restaurants auréolés d’une Étoile au Guide Michelin – où le meilleur côtoie le moyen – certains brillent d’un pâle éclat, d’autres luisent avec intermittence, tandis que les derniers, à l’image du Gourmet, étincellent en tout simplicité. Au Gourmet est situé 4 route de Herrlisheim (Drusenheim). Ouvert du mercredi soir au dimanche soir. Menus de 29 à 79 € au-gourmet.fr

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UN DERNIER POUR LA ROUTE

Art du vin, vin de l’art En Bourgogne, sur la Route des Grands Crus se déploient depuis peu des œuvres contemporaines : visite sur le parcours Art in situ où se découvrent notamment les sculptures de Patrick Lang. Par Hervé Lévy – Photo d’Antoine Muzart

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À quelques encablures, se trouvent les Caves Patriarche, les plus grandes de Bourgogne avec leurs cinq kilomètres de galeries qui accueillent quelque trois millions de bouteilles. Cette maison de négoce et d’élevage, dont la marque est l’une des plus anciennes de la région puisqu’elle fut fondée en 1780, élabore aussi des vins effervescents. Dans les sous-sols de ce qui fut le Couvent des Visitandines, dont certaines parties remontent au XIIIe siècle, vieillissent, à l’abri de la lumière et à température constante, parmi les plus beaux flacons : Meursault, Pommard, Nuits-Saint-Georges, Chassagne-Montrachet et tutti quanti. L’endroit accueille aujourd’hui une armada d’artistes, des abstractions chromatiques de Maurice Frydman comme Outremer imaginaire évoquant Rothko, aux aériennes barres d’aciers de Robert Schad – séduisants dessins dans l’espace –, en passant par les statues aux allures préhistoriques de Hans Lemmen. Mention spéciale à Patrick Lang dont le merveilleux bestiaire a colonisé ces lieux en toute délicatesse. Les influences sont là. François Pompon bien évidemment (qui affirmait : « J’aime la sculpture sans trou ni ombre »), mais aussi Rembrandt Bugatti, sans oublier Constantin Brâncuşi pour la quête de la perfection qui anime ces bronzes animaliers. Batifolent en effet un rhinocéros, un éléphant et deux manchots empereurs. Formes d’une grande élégance. Lignes allant à l’essentiel en toute finesse, sans s’encombrer d’artifices inutiles. Les sculptures attirent irrésistiblement, retranscrivant avec finesse une certaine idée de l’animal et du lien qui nous unit à lui. 66

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Domaine Chapuis 3 rue de Boulmeau (Aloxe-Corton) domainechapuis.com Bouchard Père & Fils 15 rue du Château (Beaune) bouchard-pereetfils.com Caves Patriarche 5-7 rue du Collège (Beaune) patriarche.com art-in-situ.fr

L‘abus d‘alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

es noms magiques : Romanée-Conti, Clos de Vougeot, Meursault, Montrachet, Maranges… Sur un axe Nord / Sud, la Route des Grands Crus permet de tutoyer une galaxie viticole célèbre dans le monde entier. Depuis octobre 2021, le parcours Art in situ (initié par l’association La Route des Arts) génère une relation triangulaire entre artistes, galeristes et propriétés viticoles. Au Domaine Chapuis d’Aloxe-Corton, par exemple, sont présentées des pièces de José Aguirre comme Léhena, monolithe où la brutalité de l’acier s’adoucit au contact de la feuille d’or : « La matière métallique permet de révéler un monde aux résonnances terriennes et cosmiques », explique-t-il. Ses œuvres sont aussi présentes à Beaune, chez Bouchard, aux côtés notamment de celles de Bruno Bienfait, à l’image d’Équilibre où le bois de séquoia est harmonieusement torsadé, évoquant la forme d’un chromosome.




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