Poly 243 - Février 2022

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N°243

FÉVRIER FEBRUAR

2022 POLY.FR

MAGAZINE



© Benjamin de Diesbach

BRÈVES IN KÜRZE

© Agathe Poupeney

Bach to basis

Wonderland

Casting d’exception pour la relecture par les chorégraphes Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn de l’univers fantasmagorique de Lewis Carroll. Entourée des danseurs du Ballet du Rhin, Sunnyi Melles interprète leur Alice (11-13/02, Filature de Mulhouse et 18-23/02, Opéra de Strasbourg) d’aujourd’hui qui plonge dans ses souvenirs sur une partition composée pour l’occasion par la star internationale Philip Glass ! Ein außergewöhnliches Casting für die Neuinterpretation des phantasmagorischen Universums von Lewis Carroll durch die Choregraphen Amir Hosseinpour und Jonathan Lunn. Inmitten von Tänzern des Ballet du Rhin interpretiert Sunnyi Melles ihre Alice (11.-13.02., Filature de Mulhouse und 18.-23.02., Opéra de Strasbourg) von heute, die in ihre Erinnerungen eintaucht, zu einer Partitur, die zu dieser Gelegenheit vom internationalen Star Philip Glass komponiert wurde! operanationaldurhin.eu

Want to be like her !

Avec The Violence of Handwriting Across a Page (19/0215/05), le Kunstmuseum Basel offre à l’artiste Jenny Holzer de consacrer une exposition à Louise Bourgeois (1911– 2010), figure phare du XXe siècle, qu’elle aborde par l’écriture. Sexualité, désir, violence et provocation éclatent de couleurs !

Au clavecin, Anne-Catherine Bucher, qui en a livré un enregistrement enthousiasmant en 2019, interprète Les Variations Goldberg (Espace Europa, Montigny-lès-Metz, 04/02), page d’une richesse extraordinaire de formes, d’harmonies, de rythmes, d’expression et de raffinement. Am Cembalo interpretiert Anne-Catherine Bucher, die 2019 eine begeisternde Aufnahme abgeliefert hat, die Goldberg-Variationen (Espace Europa, Montigny-lès-Metz, 04.02.), Seiten die außerordentlich reich an Formen, Harmonien, Rhythmen, Ausdruck und Raffinesse sind. leconcertlorrain.com

Louise Bourgeois, Untitled (I have been to Hell and back), 1996 © The Easton Foundation/2022, ProLitteris Zurich. Photo : Christopher Burke

Mit The Violence of Handwriting Across a Page (19.02.15.05.), lässt das Kunstmuseum Basel die Künstlerin Jenny Holzer eine Ausstellung zu Louise Bourgeois (1911-2010) kuratieren, eine der großen Figuren des 20. Jahrhunderts, die sie über die Schrift behandelt. Sexualität, Begehren, Gewalt und Provokation explodieren vor lauter Farben! kunstmuseumbasel.ch POLY 243

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BRÈVES IN KÜRZE

New

© M. Bertola / Musées de Strasbourg

Le Cabinet des Estampes et des Dessins des Musées de Strasbourg a une nouvelle pensionnaire. Il a en effet acquis une splendide Lorelei dessinée par Benjamin Ulmann, vers 1878. Voilà vénéneuse et sensuelle fée du Rhin, la première réalisée par un peintre français. Das Cabinet des Estampes et des Dessins des Musées de Strasbourg hat einen neuen Bewohner. Es hat eine wunderbare Lorelei aus der Zeichen-Feder von Benjamin Ulmann, um 1878, erworben. Eine giftige und sinnliche Rhein-Fee, die erste, die von einem französischen Maler realisiert wurde. musees.strasbourg.eu

Flower power

Georgia O’Keeffe Museum / 2021, ProLitteris, Zurich

L’année commence de belle façon à la Fondation Beyeler (Riehen / Bâle), qui consacre à l’iconique Georgia O’Keeffe une réjouissante rétrospective (jusqu’au 22/05). Des twenties aux fifties, la peintre américaine a réalisé plus de deux cent toiles de fleurs, explorant la nature à hauteur d’abeille ou de colibri (comme si elle zoomait avec un appareil photo) pour mieux dévoiler la beauté intime de ce monde. Das Jahr beginnt auf schöne Art in der Fondation Beyeler (Riehen/ Basel), die der ikonischen Georgia O’Keeffe eine erfreuliche Retrospektive (bis 22.05.) widmet. Von den Zwanzigern bis zu den Fünfzigern hat die amerikanische Malerin mehr als zweihundert Blumengemälde realisiert, indem sie die Natur aus der Perspektive einer Biene oder eines Kolibris malte (so als ob sie mit eine Photoapparat zoomen würde) um noch besser die intime Schönheit dieser Welt zu enthüllen. fondationbeyeler.ch

Hopla !

Langues en scène, festival de théâtre en langues régionales est de retour pour sa 4e édition (jusqu’au 05/02). D’Altkirch à Sarreguemines, en passant par Huningue et Sélestat, alsacien, welche et platt lorrain résonneront à travers trois spectacles (surtitrés en français), à voir en famille absolument ! Langues en scène, das Festival der Regionalsprachen ist für seine 4. Ausgabe zurück (bis 05.02.). Von Altkirch bis Sarreguemines über Huningue und Sélestat, erklingen Elsässisch, Welche und Lothringer Déitsch in drei Theaterstücken, die man mit der ganzen Familie sehen muss! grandest.fr POLY 243

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BRÈVES IN KÜRZE

Broche Brosche Pensées © Studio Y Langlois Coll. Lalique SA

En Fer, Laure André

L’association Regards sur l’Art Contemporain en Alsace milite depuis de longues années pour obtenir la création d’un lieu pour défendre les artistes vivant et travaillant dans la région. Au strasbourgeois Espace Apollonia se déploie son ultime Carte blanche (03/02-06/03), 8 e Regards regroupant les travaux de 11 artistes et expliquant cette indispensable et politique démarche. Des paysages de Marie-Amélie Germain aux compositions textiles de Naji Kamouche, en passant par les créations séduisantes de Laure André, un passionnant panorama. Der Verein Regards sur l’Art Contemporain en Alsace bemüht sich seit vielen Jahren um einen Ort für die Künstler, die in der Region leben und arbeiten. Im Straßburger Espace Apollonia entfaltet sich seine letzte Carte blanche (03.02.06.03.), die 8. Ausgabe von Regards, die die Arbeiten von 11 Künstlern vereint und gleichzeitig diese wichtige und politische Vorgehensweise erklärt. Ein begeisterndes Panorama von den Landschaften von Marie-Amélie Germain bis zu den Textil-Kompositionen von Naji Kamouche, über die verführerischen Kreationen von Laure André. apollonia-art-exchanges.com

Love !

Un pendentif en forme de délicate pensée sertie de lierre pour ne jamais oublier le lien indéfectible qui nous lie à l’être cher, une éblouissante ceinture de pavot en gage d’amour passionné… Créée autour de la Saint-Valentin, Un amour de Lalique. Dites-le avec des fleurs (01/02-20/03) éclaire d’un jour nouveau les pièces du célèbre bijoutier au musée qui lui est dédié, à Wingen-sur-Moder. Ein Anhänger in Form eines zarten Stiefmütterchens, eingefasst von Efeu, um nie das unzerstörbare Band zu vergessen, das uns mit einem geliebten Menschen verbindet... Rund um den Valentinstag, präsentiert Lalique und die Liebe. Sag es mit Blumen (01.02.-20.03.) die Stücke des berühmten Schmuckdesigners neu, im Museum, das ihm in Wingensur-Moder gewidmet ist. musee-lalique.com

© Marco Borggreve / Sony Classical

Watch !

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THOMAS FLAGEL

SARAH MARIA KREIN

Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly.

Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK.

Balkantheater, experimenteller Tanz, afrikanische Autoren... seine Neugierde ist grenzenlos !

Diese Französin im Herzen ist mit allen Wassern gewaschen: Übersetzung, Redaktion, Korrektion... Fügen wir „Truppenmotivation im Falle von Durchhängern“ hinzu.

Le Palais de Budavár, Budapest © Anaïs Guillon

OURS Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert) Liste aller Mitarbeiter einer Zeitschrift (Duden)

www.poly.fr — www.poly.fr/de DIRECTEUR DE LA PUBLICATION HERAUSGEBER Julien Schick julien.schick@bkn.fr RÉDACTEUR EN CHEF CHEFREDAKTEUR Hervé Lévy herve.levy@poly.fr LA RÉDACTION DIE REDAKTION Thomas Flagel thomas.flagel@poly.fr

JULIEN SCHICK

ANAÏS GUILLON

Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ?

Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’une Fiat 500 lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique !

Er plaudert mit seinem Freund Rudy über Architektur, sucht Morcheln in den elsässischen Wäldern. Aber wie schafft er es nebenbei Herausgeber von Poly zu sein?

Zwischen frenetischen Klicks und Wurstbuden-Humor erhellt sie das GraphikStudio mit ihrem atomaren Lachen.

Suzi Vieira suzi.vieira@bkn.fr

TRADUCTRICE ÜBERSETZERIN Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO HABEN AN DIESER AUSGABE TEILGENOMMEN Geoffroy Krempp, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel, Éric de Subeut & Raphaël Zimmermann STUDIO GRAPHIQUE GRAFIKSTUDIO Anaïs Guillon anais.guillon@bkn.fr

Camille Dorland studio@bkn.fr

DIGITAL Jordan Herth webmaster@bkn.fr MAQUETTE LAYOUT Blãs Alonso-Garcia logotype Anaïs Guillon maquette avec l’équipe de Poly

SUZI VIEIRA

ÉRIC MEYER

Après Courrier international ou Books, elle pose ses valises à Poly. Intraitable avec les concepts, elle jongle avec les mots comme son homonyme le faisait avec les ballons à la Coupe du monde 1998.

Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain.

Nach Courrier international und Books, ist sie bei Poly angekommen. Unnachgiebig wenn es um Konzepte geht, spielt sie mit den Worten, wir ihr Homonym mit den Bällen bei der Fußballweltmeisterschaft 1998.

Miesepeter und Lebenskünstler. Zu seinem poetischen Universum von Objekten aus Blech kommt ein weiteres hinzu, die bissige und virtuose Beschreibung unserer zeitgenössischen Welt, die er graviert.

Verpassen Sie keine Ausgabe von POLY mehr! Schicken Sie eine Email mit ihrer Anschrift an administration@bkn.fr Bitte überweisen Sie das Porto an folgende Bankdaten: Magazin POLY / Éditions BKN IBAN FR76 3008 7330 0100 0201 6510 123 BIC : CMCIFRPP ► 6 deutsch-französische Ausgaben 30€ ► 11 Ausgaben (französisch + deutsch-französisch) 50€ 8

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ADMINISTRATION GESCHÄFTSFÜHRUNG Mélissa Hufschmitt melissa.hufschmitt@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 30 DIFFUSION VERTRIEB Vincent Bourgin vincent.bourgin@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 32 CONTACTS PUB ANZEIGENSCHALTUNG Julien Schick julien.schick@bkn.fr

Pierre Ledermann pierre@poly.fr

Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr

Patrice Brogard patrice@poly.fr

BKN Éditeur & BKN Studio 16 rue Édouard Teutsch 67000 Strasbourg www.bkn.fr Magazine mensuel édité par BKN Dépôt légal : Janvier 2022 — Impression : CE S.à.R.L. au capital de 100 000 € SIRET : 402 074 678 000 44 — ISSN 1956-9130 © Poly 2022 Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.



SOMMAIRE INHALTSVERZEICHNIS

SCÈNES BÜHNEN 18 Qu’y a-t-il Après Jean-Luc Godard ?

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22 Les corps convulsés de la République Zombie de la chorégraphe Nina Santes Die verzerrten Körper der République Zombie von der Choreographin Nina Santes 24

arlene Monteiro Freitas convoque Dionysos M et ses Bacchantes Marlene Monteiro Freitas trommelt Dionysos und seine Bacchantinnen zusammen

MUSIQUES MUSIK 34 Le piano hors des sentiers battus de Sofiane Pamart Das Klavier verlässt mit Sofiane Pamart ausgetretene Pfade

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42 Dominique Pitoiset installe Così fan tutte au musée Dominique Pitoiset versetzt Così fan tutte ins Museum

EXPOSITIONS AUSSTELLUNGEN 52 Bestĭa fait dialoguer animaux naturalisés et œuvres contemporaines Bestĭa lässt präparierte Tiere mit zeitgenössischen Werken in einen Dialog treten

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54 Plongée au cœur des Talents contemporains de la Fondation François Schneider Eintauchen ins Herz der Talents contemporains der Fondation François Schneider 56 Néobiotes décrit l’évolution des espèces dans le Rhin supérieur Neobiota beschreibt die Entwicklung der Arten am Oberrhein 58 Avec BioMedia, les artistes font cohabiter les formes de vie organiques et artificielles Mit BioMedien lassen die Künstler organische und künstliche Lebensformen aufeinandertreffen

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COUVERTURE TITELBILD 1952. Le photographe suisse René Groebli et sa femme sont à Paris en voyage de noces. L’artiste y photographie sa bienaimée sous toutes les cou10

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tures. L’image de Rita, capturée ici comme par effraction dans l’escalier de leur hôtel, fait partie de la célèbre série L’Œil de l’amour, visible à la Galerie de La Filature (Mulhouse) dans le cadre de l’exposition René Groebli (lire page 46). 1952. Der Schweizer Photograph René Groebli und seine Frau sind in Paris auf Hochzeitsreise. Der Künstler photographiert dort seine Liebste aus allen Blickwinkeln. Das Bild von Rita auf der Treppe ihres Hotels, das hier fast gestohlen wirkt, ist Teil der berühmten Serie Das Auge der Liebe, die in der Galerie von La Filature (Mulhouse) im Rahmen der Ausstellung René Groebli (siehe Seite 46) zu sehen ist. Rita dans l’escalier Rita auf der Treppe © René Groebli / Courtesy Esther Woerdehoff

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ÉDITO

AllEschant Esch geht’s los! Par Von Hervé Lévy — Illustration de von Éric Meyer pour für Poly

E

n 2022, trois villes portent le titre de “Capitale européenne de la culture” : Novi Sad (Serbie ; prévu en 2021, mais reporté pour des raisons d’épidémie), Kaunas (Lituanie) et Esch-sur-Alzette (Luxembourg). Accompagnée par dix communes voisines et huit limitrophes côté français (Audun-le-Tiche, Villerupt, etc.) – dont on espère qu’elles ne se borneront pas à faire tapisserie –, cette dernière cité, la deuxième du pays après la capitale, a concocté un programme dont le mot d’ordre est “Remix Culture”, s’ouvrant symboliquement avec la soirée Remix Opening (26/02). Placé sous les feux de la rampe, cet espace anciennement en déshérence industrielle est en train de se réinventer par la culture. À l’ombre des hauts fourneaux de Belval, ces “terres rouges” voient se déployer mille et une initiatives. Nous serons attentifs à tout cela et en rendrons compte dans nos pages, étant bien entendu que le plus important est l’empreinte que laisseront ces quelques mois sur le territoire. Car si la fête est souvent brillante, ses lendemains ne chantent pas toujours. Même si tous ne seront pas d’accord, demandez à certains Marseillais… 12

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m Jahr 2022 tragen drei Städte den Titel der „Europäischen Kulturhauptstadt“: Novi Sad (Serbien, vorgesehen für 2021 aber aus Gründen der Pandemie verschoben), Kaunas (Litauen) und Esch-sur-Alzette (Luxemburg). Die Stadt, die zweitgrößte des Landes nach der Hauptstadt, die von zehn Nachbargemeinden und sechs Grenzorten auf der französischen Seite begleitet wird (Audun-le-Tiche, Villerupt, etc.) – von denen zu hoffen ist, dass sie nicht nur Zuschauer bleiben – hat ein Programm mit dem Leitwort „Remix Kultur“ zusammengestellt und eröffnet symbolisch mit dem Remix Opening (26.02.). Der ehemals verkommene Industrieort steht nun im Rampenlicht und ist dabei sich über die Kultur neu zu erfinden. Im Schatten der Hochöfen von Belval entfalten sich in diesem Land der Roten Erde tausendundein Initiativen. Wir werden dies alles sehr genau verfolgen und darüber in unseren Seiten berichten, mit einem besonderen Augenmerk auf den Spuren, die diese wenigen Monate in diesem Gebiet hinterlassen werden. Denn auch wenn das Fest oft brillant ist, ist es das Aufwachen am nächsten Morgen nicht immer. Auch wenn dem nicht alle zustimmen, fragen Sie einige Einwohner von Marseille*... Trotz der massiven Investitionen für dieses Ereignis im Jahr 2013, darunter die Eröffnung des Museums für Zivilisationen (MUCEM), fand der Aufschwung für die Kulturszene und die Stadt im Allgemeinen im Nachhinein betrachtet nicht statt

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CHRONIQUES

Dark vapor

Old Times

Inside Alsace

Après un premier album remarqué en 2021, sur lequel figurait un classieux featuring de MC Solaar, le rappeur strasbourgeois ASHH – anciennement Ashkidd – lance OPIUM. Douze titres noirs et brumeux, en forme d’hymnes ardents à la puissance salvatrice de l’écriture. Entre pépites (Rodéo) et bangers, l’ancien adolescent turbulent – dont la tournée passera par le Noumatrouff de Mulhouse le 12/03, La Laiterie de Strasbourg le 17/06 et L’Autre Canal nancéien le 05/11 – y jette un regard aussi lucide qu’amer sur le chemin parcouru. (S.V.) Nach einem ersten bemerkenswerten Album im Jahr 2021 mit einem Feature mit MC Solaar bringt der Straßburger Rapper ASHH – ehemals Ashkidd – OPIUM heraus. Zwölf schwarze und diesige Titel in Form von glühenden Hymnen mit der heilsamen Gewalt der Schrift. Zwischen Goldklumpen (Rodéo) und Titeln, die zum Tanzen einladen, wirft der ehemalige turbulente Jugendliche – dessen Tournee ihn vom Noumatrouff in Mulhouse am 12.03., über La Laiterie in Straßburg am 17.06. bis in L’Autre Canal in Nancy am 05.11. führt – einen ebenso scharfsinnigen wie verbitterten Blick auf den zurückgelegten Weg.

Était-ce mieux avant ? Voilà la question qui sous-tend ce très beau livre de Laure Rossignol. Regroupant plus de 250 cartes postales du début du XXe siècle, Le Bas-Rhin d’antan témoigne de la vie quotidienne à une époque où le territoire faisait partie du Reich allemand (même si un chapitre est consacré au retour à la France, en 1918). Voilà passionnant voyage dans le temps, à une période où l’industrialisation galope tandis que les modes de vie traditionnels sont encore extrêmement vivants. Une dualité qui fascine. (H.L.) War früher alles besser? Das ist die Frage, die dieses sehr schöne Buch von Laure Rossignol impliziert. Mit einer Sammlung von mehr als 250 Postkarten vom Anfang des 20. Jahrhunderts zeugt Le Bas-Rhin d’antan (Der BasRhin von früher) vom Alltag in einer Epoche, in der das Gebiet zum deutschen Reich gehörte (auch wenn ein Kapitel der Rückkehr zu Frankreich 1918 gewidmet ist). Eine fesselnde Zeitreise in einer Epoche, in der die Industrialisierung rasant fortschreitet, während die traditionellen Lebensweisen noch sehr lebendig sind. Eine faszinierende Dualität.

Le grand classique des lettres alsaciennes est édité pour la 10 e fois en langue française : La Psychanalyse de l’Alsace, écrite en 1951 par Frédéric Hoffet, avec des dessins de Tomi Ungerer, est cependant toujours d’actualité ! À travers histoire, civilisation et géographie, truffé d’anecdotes, voilà un passionnant voyage à travers toutes les facettes de cette identité double, qui permet non seulement de voir les Alsaciens, mais aussi les Français et les Allemands – à travers leur relation avec cet « enfant adopté » – autrement. (S.M.K.) Der große Klassiker der Elsass-Literatur ist erstmals in deutscher Übersetzung erschienen: Die Psychoanalyse des Elsass, 1951 verfasst von Frédéric Hoffet, mit Zeichnungen von Tomi Ungerer ist immer noch aktuell. Der Titel ist Programm. Eine höchstinteressante Reise durch alle Facetten dieser Doppelidentität, anhand von historischen, landeskundlichen und geographischen Fakten, angereichert mit Anekdoten und „Insiderwissen“, die es erlaubt, nicht nur die Elsässer, sondern auch die Franzosen und Deutschen anhand ihrer Beziehung zu diesem „Adoptivkind“, mit anderen Augen zu sehen.

Paru chez Erschienen bei Universal Music (10,99 €) universalmusic.fr 14

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Paru aux Erschienen bei éditions Hervé Chopin (28,50 €) hc-editions.com

Paru eux Éditions la Nuée Bleue (22 €) nueebleue.com Erschienen im Morstadt Verlag (24,90€) morstadt-verlag.de


CHRONIKEN

Ceux qui restent

High Energy

Happy birthday

Maison d’édition strasbourgeoise, Gorge Bleue publiait début janvier La Nuit t’arrache à moi, poème au long cours de Nanténé Traoré. Portraitiste sensible et photographe documentant les pratiques d’auto-hormonisation chez les personnes transgenres, il évoque ici le deuil et la perte de son compagnon dans des pages débordant d’amour, provocations et fuites en avant. Il féconde les souvenirs, provoque le destin, dérive entre fantasmes de plaisir et de douleur, armé de pudeur face aux flots intarissables des failles intimes. « Je suis l’enfant qui rêve. / Je suis la meute qui se taille. / Je suis la blessure et le champ de bataille, je suis le dernier des loups. / Je suis ce qui survit sous les décombres. » Hanté par la question du regard des autres – comble du photographe –, le “je” se frotte au “toi” comme à une lame chauffée à blanc, qui fascine autant qu’elle brûle, et consume. Finalement le “moi” advient : « moi j’ai pas peur je sais déjà. / avant toi c’était déjà toi. / avant moi c’était déjà toi. / tu me perdures, c’est dur, / d’exister comme ça. / hors la vie et hors de toi. » (T.F.)

Du compositeur strasbourgeois trop jeune disparu Christophe Bertrand (1981-2010), est paru un indispensable coffret de trois disques. Vertigo permet de (re)dévouvrir l’œuvre d’un artiste dont le souhait était de « plonger le public et les interprètes dans un bain d’énergie pure et ne jamais les ennuyer », poussant « l’instrumentiste vers ses limites ». Adoubé par Pierre Boulez, celui qui fut pensionnaire à la Villa Médicis fut l’un des plus grands avec ses étranges tourbillons sonores, souvent introspectifs et douloureux. (H.L.) Ein Schuber mit drei Cds des zu jung verstorbenen Straßburger Komponisten Christophe Bertrand (1981-2010) ist vor Kurzem erschienen. Vertigo erlaubt es das Werk eines Künstlers (wieder) zu entdecken, dessen Wunsch es war „das Publikum und die Interpreten in ein Bad der puren Energie einzutauchen und sie niemals zu langweilen“, indem er „die Instrumentalisten an ihre Grenzen“ bringt. Von Pierre Boulez in den Ritterstand erhoben war jener, der Bewohner der Villa Medici war, einer der Größten mit seinen bizarren Ton-Strudeln, oft introspektiv und schmerzvoll.

À l’occasion des 60 ans des Percussions de Strasbourg et du centenaire de Iannis Xenakis paraît un somptueux livre-disque narrant l’histoire de la rencontre entre un compositeur et un ensemble de musiciens. À travers deux pièces, Pléiades et Persephassa, se découvre un large spectre. Entre la jubilation rythmique de la première et le chaos pulsatile de la seconde (que l’ancien directeur des Percus, Jean Geoffroy conseille « d’écouter au casque afin d’être en totale immersion »), c’est tout un fascinant continent sonore qui se déploie. (H.L.) Anlässlich des 60. Jubiläums der Percussions de Strasbourg und des hundertsten Geburtstages von Iannis Xenakis erscheint ein prächtiges Hörbuch, das die Geschichte der Begegnung zwischen dem Komponisten und einem Musikerensemble erzählt. Anhand von zwei Stücken, Pléiades und Persephassa, entdeckt man ein breites Spektrum. Zwischen dem rhythmischen Jubel ab dem Ersten und dem pulsierenden Chaos des Zweiten (zu dem der ehemalige Leiter der Percus, Jean Geoffroy rät „es, für ein totales Eintauchen, mit Kopfhörern zu hören “) entfaltet sich ein faszinierender Klangkontinent.

Édité chez Gorge Bleue (16 €) gorgebleue.fr

Édité par Erschienen bei Bastille Musique (20,90 €) bastillemusique.de

Édité par les Herausgegeben von den Percussions de Strasbourg (25 €) percussionsdestrasbourg.com POLY 243

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THÉÂTRE

Les Chiens de paille Christiane Jatahy catapulte Dogville de Lars von Trier au théâtre. Entre chien et loup explore les rouages des relations de pouvoir entre les êtres aussi bien que le terreau propice à la résurgence fasciste sur les braises du capitalisme. Par Irina Schrag – Photos de Magali Dougados

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éjà venue à Strasbourg avec son projet autour de L’Odyssée (Le Présent qui déborde, en 2019), Christiane Jatahy replace la thématique de l’exil et ses deux amours, que sont cinéma et théâtre, au cœur d’Entre chien et loup. Le cinéma y surgit du théâtre, brouillant un peu plus les relations ambigües entre passé et présent, registres collant traditionnellement au 7e art et au spectacle vivant. Elle reprend la trame de Dogville, réalisé en 2003 par Lars von Trier dans lequel le Danois se détournait de l’illusion cinématographique en traçant au sol les lieux de son intrigue avec des lignes blanches et en réduisant le décor à quelques meubles, filmant caméra au poing dans une dimension très brechtienne. Rien de bien étonnant pour le radical auteur du manifeste du Dogme95 co-écrit avec Thomas Vinterberg, l’auteur du génial Festen. Une femme en fuite, qui se révèle être la riche fille d’un gangster, se voit recueillie dans une petite ville 16

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par une communauté. Mais rien n’est jamais totalement donné, tout est dû. Rapidement, on profite d’elle et l’asservit dans une parabole sociale et morale sur la nature humaine. La metteuse en scène brésilienne part du postulat que les comédiens de sa pièce – et le spectateur – connaissent le film et qu’ils essaieraient d’en changer le cours. Dans Entre chien et loup, une femme fuit l’extrême-droite gangrénant son pays depuis l’arrivée de Bolsonaro pour un ailleurs plus en accord avec ses valeurs. Elle rencontre un groupe de personnes renvoyant à la situation concrète du spectacle puisque ce sont des acteurs travaillant à un nouveau projet dans un théâtre. En mises en abyme successives, ils sont présentés comme des personnages qui viennent de la mémoire de Dogville, tentant par leur art de réinventer le cinéma pour modifier le cours des choses. Tous parlent ici et maintenant dans un habile télescopage entre fiction et réalité, projection et jeu, la caméra

captant au plus près les émotions et les regards, relayés sur grand écran. Ce pas de côté est aussi un moyen de se détourner du caractère archétypal des personnages originaux : le jeune intellectuel sentencieux et activiste, le vieil original aveugle, la mère de famille bien-pensante, la servante noire et sa fille infirme, la dévote… « Ce qui m’importe », explique Christiane Jatahy, « c’est de montrer comment dans pareille situation – l’accueil d’une étrangère exploitée jusqu’à la violence, le viol, la déshumanisation, avec les excès propres au capitalisme – chacun est tenté de profiter de l’autre. Avec cette intime conviction que si je donne quelque chose de moi, l’autre a une dette, et doit payer... sinon la dette augmente. Par cette relation d’esprit capitaliste, nous changeons l’autre en objet. » Au Maillon (Strasbourg) du 22 au 24 février, en français et portugais surtitré en français maillon.eu


Storytelling Dans sa nouvelle création La Généalogie du mensonge, la compagnie messine Pardès rimonim s’attaque à la « maladie narrative » de notre espèce. Par Thomas Flagel – Photo de Nothammer

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oilà près de cinq ans que Bertrand Sinapi planche, avec Amandine Truffy et Valéry Plancke, sur « la grammaire du récit, les archétypes des histoires, la nécessité d’avoir des méchants et un drame pour faire avancer les choses. » Cette propension de l’Humanité à créer de la fiction partout, tout le temps et avec tout le monde, fait figure de « maladie narrative » que le trio est bien décidé à décortiquer. Rien de moins évident pour des gens de théâtre, « le lieu du récit mensonger – ou du moins inventé – par excellence, qui en fait celui de la vérité puisque tout le monde assume que ce qui s’y dit est faux », s’amuse le metteur en scène. Et de piocher chez Yuval Noah Harari* l’idée que la capacité de notre espèce à mettre en récit le monde serait le socle de croyances communes qui auraient permis son développement et sa domination sur le reste du vivant en rendant possible notre coopération à grande échelle. « Les religions, les structures politiques mais aussi nos mythes fondateurs comme les systèmes monétaires ne sont que des fictions. Pas un autre animal que l’Homme ne serait prêt à abandonner un morceau de son territoire en échange d’un bout de papier, d’une bonne histoire. » La Généalogie du mensonge prend la forme d’une conférence tout à fait sérieuse, dérivé d’un TEDx bordélique mais organisé, qui va lentement déraper vers une histoire composite enfantant

un nouveau monde. Sur scène, deux comédiens exposent règles et outils nécessaires à une bonne histoire, revisitant les nuances des genres (western, comédie, tragédie…). Ils performent avec une intelligence artificielle qui va, par un heureux accident, fusionner avec le régisseur plateau ! La crise de sens qui en découle prend les atours d’une farce chaotique mâtinée de conte philosophique dans lequel les racines punks de la troupe sont sublimées. Car sous des dehors joyeux, s’inventer des histoires ne sert pas simplement à divertir les enfants avant le coucher, ni à transmettre des valeurs, mais aussi à échafauder des plans en naviguant entre ce qui est prévisible et ce que nous imaginons, concevoir les alternatives les plus improbables. Et surtout à affermir un pouvoir certain sur ceux qui les écoutent… et y adhèrent. En filigrane, se tisse ainsi une réflexion sur nos propres responsabilités face aux récits produits, au théâtre comme dans nos vies. À l’Espace Bernard-Marie Koltès (Metz) jeudi 3 et vendredi 4 février (dès 13 ans) ebmk.univ-lorraine.fr

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Sapiens, une brève histoire de l’humanité (Albin Michel, 2015) POLY 243

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Sauve qui peut (la vie) Le jeune metteur en scène Eddy D’aranjo, diplômé du TNS en 2019, y crée Après Jean-Luc Godard – Je me laisse envahir par le Vietnam. Une tentative de portrait du cinéaste par les motifs de son œuvre, qui a dérivée en réflexion autour d’un sentiment de catastrophe. Par Thomas Flagel – Photos de Willy Vainqueur

Vous dites de votre rencontre avec le cinéma de Godard qu’elle est comme « l’effraction d’une exception dans le cours des choses » pour vous, « prolétaire picard », pris de plein fouet à vos 15 ans par la mélancolie et la douce désinvolture d’À bout de souffle, plus de 50 ans après sa sortie. C’est ça la force de Godard au début de la Nouvelle Vague, casser les codes et toucher tout le monde ? Son cinéma a été une ressource à de nombreux moments de ma vie : adolescent pour ses images qui m’autori18

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saient au désir et à la liberté, plus tard il m’a permis d’articuler la beauté et la recherche de justice qui modèlent son art. Avec le temps, confronté au deuil, les images et les sons de ses films m’ont ouvert à une certaine mélancolie. Mais l’héritage de Godard dans la culture est paradoxal : tout le monde connait son nom, mais personne ne le connait vraiment. Il fait partie d’une certaine aristocratie d’art, devenant un fétiche culturel par conformisme de l’élite qui se doit de l’aimer. Pourtant c’est le cinéaste le plus libre et dissident qui soit, affirmant que

l’art est une exception quand la culture est la règle. Nous souhaitions partir de sa récupération par la culture pour réveiller son énergie transgressive. Et paradoxalement, pas besoin d’avoir vu le moindre de ses films pour voir notre pièce. Comment a évolué cette approche de l’héritage d’un cinéma politique, passant par le décorticage de sa grammaire cinématographique ? Le point de départ était de reprendre, par décennies, les hypothèses de Go-


THÉÂTRE

mourante), mais aussi par la photo et l’archive dans une tension entre l’intime et l’historique. Mon projet vise à rendre présent le passé pour prendre soin de ce qui disparaît. En 1967, dans L’Avant-Scène, Godard jouait à définir le cinéma : « Se regarder / dans le miroir des autres oublier et savoir ». Valable pour le théâtre ? J’aimerais pouvoir embrasser sa légèreté et son courage, mais je pense être plus inquiet et sceptique. Au moment où j’en suis, je n’arrive pas à faire de l’art sans que sa participation au fonctionnement de la culture ne soit un problème.

dard sur le cinéma, notamment son rapport à la vérité, pour transposer ses tentatives formelles et les vérifier au théâtre. Mais cette idée conceptuelle s’est transformée sur scène avec les comédiens, donnant un spectacle totalement différent. Nous avons pris d’autres détours pour approcher son art. Dans le fil de son exploration de toutes les formes (fiction, documentaire, essai…), la pièce s’ouvre sur une fiction dans laquelle des gens prennent soin d’un vieil oncle : Godard. Nous mélangeons les vocabulaires et niveaux de temporalité en recourant à la performance et au documentaire dans une seconde partie qui part de sa prophétie de la mort du cinéma et de ses interviews sur le 7e art. Nous cheminons ainsi sur le fil de son inquiétude éthique autour du sens de la représentation face aux camps. Quatre photos prise par un Sonderkommando dans les chambres à gaz d’Auschwitz nous relient à cela. Pour lui, le grand ratage moral et politique de ce médium au XXe siècle serait qu’il n’a fait que rendre aveugle alors qu’il aurait dû donner à voir le monde. Ces fantômes de l’Histoire le traversent et la question de la représentation de l’innommable hante tous ses films tardifs. Là où nous pensions le rencontrer dans la jeunesse de ses premières œuvres, collant à la nôtre, c’est plutôt le Godard d’aujourd’hui, âgé de 91 ans, qui s’impose avec son sentiment de catastrophe et sa volonté de conserver de la lumière.

Qu’est-ce que la confrontation à sa manière d’aborder l’art et le politique change dans votre approche du théâtre ? Les répétitions de la pièce m’ont permis de m’autoriser à un certain lyrisme et à la sentimentalité. Autant de choses plutôt galvaudées, si ce n’est regardées avec scepticisme. Nous avons recherché une réflexivité propre au théâtre en faisant apparaître, comme lui, les conditions de sa production avec une forme d’humour ludique. Se posait alors la question de ce qu’il peut ? De ce que lui seul peut ? Et je crois que le théâtre aussi est mort, au moins dans sa puissance de prescription. Face aux industries culturelles, nous avons perdu d’avance. Ceci dit, Godard croit au minoritaire, aux petits espaces de lutte et de pensée. Son intégrité éthique est forte et il a le courage de continuer quand même. Si le théâtre peut quelque chose, c’est sur un terrain qui échappe à la logique de la consommation culturelle. Quels sont vos outils pour penser et combattre la violence de notre époque à laquelle vous dites que « nous sommes trop habitués » ? L’art doit nous déshabituer à la violence en nous y confrontant. La question de sa représentation est centrale dans mon travail. La pièce s’attaque à son caractère irreprésentable par les outils artificiels théâtraux (le soin d’une personne

Qu’est-ce qui fait qu’un artiste pas même trentenaire se retrouve gagné par la mélancolie ? Le monde ! Il est plus grave et plus joyeux qu’en 1960. La question de notre finitude, le sentiment de vivre tout ce qui nous arrive comme un dernier tour de piste car la vie que nous menons n’est pas durable, écologiquement parlant, c’est dur. Mon parcours est celui d’un transfuge de classe, ce qui m’empêche de regarder la culture avec naïveté. Certes, elle est possibilité de pensée et d’accès à une sensibilité mais elle participe aussi à la reproduction d’un système de domination. Ma position est un peu honteuse, clivée, même si j’essaie de reverser cette inquiétude dans mon travail. Violence, amour et lutte sont trois motifs essentiels de votre pièce. De quoi se remplissent-ils ? La violence, nous essayons de la regarder, sans déni, sans l’esthétiser ni la rendre supportable. L’amour est très présent. J’essaie – et j’aimerais – qu’on l’autorise. Ce texte ne parle que de cela en vérité. Mais l’amour est toujours en regard de disparition : au moment du deuil, se révèle sa vérité par sa perte. Enfin, la lutte, en effet. J’aimerais qu’elle soit plus présente qu’elle ne l’est dans la pièce. On ne fait pas semblant d’être victorieux, mais on mène la lutte. Au Théâtre national de Strasbourg du 19 février au 6 mars tns.fr POLY 243

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C’est arrivé près de chez vous Avec Girls and Boys de son auteur fétiche Dennis Kelly, Chloé Dabert signait sa première création à la tête de la Comédie de Reims. Sa reprise est l’occasion de découvrir un monologue reflétant la violence de notre société, jusque dans la cellule familiale. Par Thomas Flagel – Photo de Victor Tonelli

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itié et terreur. Un couple de sentiments qui sied comme un gant au dramaturge anglais Dennis Kelly, connu du grand public comme scénariste de la série Utopia. Après Orphelins et L’Abattage rituel de Gorge Mastromas, Chloé Dabert s’attaque à Girls and Boys, récit à la première personne d’une femme revenant sur sa vie depuis qu’elle est tombée amoureuse d’un type dans la file d’attente d’un aéroport qui, pourtant, lui a tout de suite déplu. Avec une langue vivace, débordant d’humour cru et d’autodérision acerbe, elle livre en anecdotes les grandes lignes de l’idylle qui se noue, de l’admiration pour l’intelligence de son compagnon qui « fait des choses » et lui donne confiance jusqu’aux turbulences qui les menacent : son ambition à elle dans la production de films documentaires, leurs deux enfants à élever, le temps qui manque, la diminution des rapports 20

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sexuels, l’incompréhension mutuelle qui finit en conflit verbal larvé quand elle ne devient pas une guerre de tranchées où chacun campe sur ses positions. Ce qui pourrait paraître comme une énième satire à la mode de vies azimutées par les cadences modernes et l’impossible équation entre développement personnel, épanouissement et contraintes vole littéralement en éclats sous la plume de Dennis Kelly. Il s’empare, comme souvent, d’une situation quotidienne et de personnages des plus ordinaires que la violence de notre époque et les rapports de domination viennent balayer jusqu’à faire trembler l’humanité dans laquelle notre espèce aime se parer. « Le monde dans lequel nous vivons déborde dans cette écriture très rythmique et technique aidant à mettre de la distance. Il fouille l’âme sans manichéisme, cherchant à montrer les mécanismes de la manipulation. » Il y a ces enfants qui

ne répondent jamais, ce mari dont nous ne connaitrons pas le point de vue… Autant d’indices au milieu de la fausse piste initiale des confidences sans fard de celle qui pourrait être une amie comme nous en connaissons tous. Au milieu du « porno de la douleur » des chaines d’infos, « on est juste tous des chimpanzés un peu bizarres » lâche-telle. Pulsions, instincts, violences extérieures polluent l’espace intime que Chloé Dabert « divise en deux : celui de la narration et celui, plus irréel, des enfants. Il est important de conserver du mystère pour ne pas déflorer les surprises et lectures possibles des événements que nous propose l’auteur. » À la Comédie de Reims du 22 au 26 février lacomediedereims.fr



DANSE

Dawn of the Dead Avec République Zombie, Nina Santes s’empare de la dissociation corporelle comme processus de survie dans notre époque troublée. Mit République Zombie greift Nina Santes das Thema der körperlichen Dissoziation als Überlebensstrategie in unserer wirren Epoche auf. Par Von Irina Schrag – Photos de von Annie Leuridan

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es curieux de vaudou haïtien connaissent sûrement l’enquête fouillée et passionnante sur les morts-vivants de Philippe Charlier*, parti sur l’île des Caraïbes à la recherche de réponses sur la zombification et ses différentes fonctions auprès de prêtres et de scientifiques. Mais c’est d’un autre ouvrage que s’inspire Nina Santes, détournant le titre du roman de Mischa Berlinski, République Zombies, pour déployer sa propre vision de corps dissociés et aliénés, ne contrôlant plus leurs mouvements, qui les entraînent dans la danse. Celle qui fit ses débuts sur scène comme marionnettiste, joue d’une certaine esthétique de la corporalité du pantin aux mouvements saccadés. Avec pour compagnons de jeu Betty Tchomanga et Soa de Muse, se déploient dans une lenteur propice à la contemplation des personnages à l’air totalement ahuri, les yeux ouverts en grand, fixant des points au-dessus de nos têtes, complètement… ailleurs ! La chorégraphe prend son temps, se plaît à l’étirer pour mieux renforcer l’étrange impression se dégageant de ces corps mus par des forces aussi invisibles que répétitives, sans que leurs gestes, jamais, ne trahissent d’intention raisonnée. Au milieu de monticules d’un blanc immaculé, dont le martèlement en pas cadencés révèle la nature, ce petit monde s’anime. 22

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Mais les décalages entre voix et mouvements, chants et percussions métalliques ne font que renforcer un sentiment de possession. Claquettes et clapping des mains avec longues bagues de métal accélèrent irrémédiablement le rythme, perturbé par des ruptures lumineuses franches, comme autant de changements d’espaces mentaux ou de perceptions entravées de la réalité. Cette dissociation voix / gestes / sons œuvre à sa manière dans la droite lignée de George A. Romero qui donna ses lettres de noblesse au cinéma de genre, utilisant la figure du zombie comme métaphore de la dénonciation de nos aliénations, de la violence sociale, voire du racisme. Nina Santes lui emboite le pas à sa manière, insistant sur la nette coupure des danseurs avec leurs affects, sautant au yeux d’un public en prise directe avec ces êtres pour le moins perclus de traumatismes. Après avoir interrogé l’image de la sorcière dans Hymen Hymne, voilà qu’elle poursuit son questionnement politique : « Les corps zombies sont comme les symptômes de nos temps modernes capitalistes, de nos aliénations, de notre relation aux traumas, de nos corps démembrés, de nos affects coupés. » Mais point de fatalisme ici. Dans un ultime geste réconciliateur, le spectateur se voit invité à rejoindre cette cérémonie célébrant un grand élan de vie.


TANZ

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ennern des Voodookults in Haiti ist sicherlich die gründliche und spannende Studie zu den Zombies von Philippe Charlier bekannt, der auf der Suche nach Antworten zur „Zombiefizierung“ und ihren verschiedenen Funktionen bei Priestern und Wissenschaftlern auf die Karibikinsel reiste. Aber es ist ein anderes Werk, das Nina Santes inspirierte, die den Titel des Romans von Mischa Berlinski, République Zombies, verwandelte um ihre eigene Vision der dissoziierten und geisteskranken Körper zu entfalten, die ihre Bewegungen nicht mehr kontrollieren, welche sie in den Tanz führen. Jene, die ihr Bühnendebüt als Marionettenspielerin gab, spielt mit einer gewissen Ästhetik der Körperlichkeit des Hampelmanns, mit abgehackten Bewegungen. Mit Betty Tchomanga und Soa de Muse als Spielkameraden, entfalten sich in einer Langsamkeit, die zur Betrachtung einlädt, verblüffte Figuren, die mit weit aufgerissenen Augen Punkte über unseren Köpfen fixieren und ganz woanders sind. Die Choreographin nimmt sich Zeit, hat Freude daran sie auszudehnen um noch mehr den komischen Eindruck zu verstärken, der von diesen Körpern ausgeht, die von ebenso unsichtbaren wie monotonen Kräften bewegt werden, ohne dass ihre Bewegungen zu irgendeinem Zeitpunkt bewusst gesteuert wirken. Inmitten von makellos weißen Hügeln, deren Behämmerung im Gleichschritt ihre Natur enthüllt, beseelt sich diese kleine Welt. Aber die zeitliche Verschiebung zwischen Stimmen und Bewegungen, Gesängen und metallischem Getrommel verstärken nur das Gefühl der Besessenheit. Stepptanzschuhe und Händeklappern mit langen Metallringen beschleunigen unaufhaltsam den Rhythmus, der von Lichtdurchbrüchen durcheinandergebracht wird, wie Änderungen der mentalen Räume oder erschwerte Wahrnehmungen der Realität. Diese

Dissoziation zwischen Stimmen/ Gesten/ Tönen wirkt auf ihre Weise, in direkter Nachfolge von George A. Romero, der dem Genrekino zu seinem Adelsbrief verhalf, indem er die Figur des Zombies als Metapher für die Entfremdung, die soziale Gewalt, sogar den Rassismus benutzte. Nina Santes ist ihm auf ihre eigen Art auf den Fersen, unterstreicht den klaren Schnitt zwischen den Tänzern und ihren Affekten, was einem Publikum ins Auge springt, das direkt von diesen von Traumata gelähmten Wesen angegriffen wird. Nachdem sie das Bild der Hexe in Hymen Hymne in Frage stellte, setzt sie ihre politische Fragestellung fort: „Die Zombie-Körper sind wie Symptome unserer modernen kapitalistischen Zeit, unserer Entfremdungen, unserer Beziehung zu Traumata, unserer zerstückelten Körper, unserer beschnittenen Affekte“. Aber trotzdem kein Fatalismus. In einer letzten versöhnlichen Geste wird der Zuschauer dazu eingeladen, sich dieser Zeremonie anzuschließen, die einen großen Lebensdrang feiert. Au Manège de Reims mercredi 23 février Im Manège de Reims am Mittwoch den 23. Februar manege-reims.eu > Nina Santes et ses complices de la Fronde proposent également un mini festival de pratiques sensibles, rencontres, concert, cabaret et clubbing intitulé Reclaim the night, vendredi 25 et samedi 26 février > Nina Santes und ihre Kumpanen von La Fronde präsentieren ebenfalls ein Mini-Festival mit sensiblen Praktiken, Begegnungen, Konzert, Kabarett und Clubbing mit dem Titel Reclaim the night, am Freitag den 25. und Samstag den 26. Februar

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Zombis, paru chez Tallandier (2015) POLY 243

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Unchained Marlene Monteiro Freitas convoque Dionysos et ses Bacchantes dans un Prélude pour une purge peuplé de pastiches, de musiciens et de danseurs jouant les automates d’un carnaval dada. Marlene Monteiro Freitas trommelt Dionysos und seine Bacchantinnen zu einem Vorspiel der Läuterung voller Nachahmungen, Musiker und Tänzer zusammen, die die Automaten eines dadaistischen Karnevals spielen. Par Von Thomas Flagel – Photos de von Laurent Philippe

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e la tragédie d’Euripide, pas une ligne ne sera susurrée. Tout juste reconnaîtra-t-on, ici et là, l’une ou l’autre figure. Le dieu Dionysos, son cousin Penthée enrageant de son retour à Thèbes ou sa mère Agavé qui guide les bacchantes vouant un culte au fils illégitime de Zeus, une fois de plus volage et sanguinaire. Toute en tension, l’œuvre est cadencée chez Marlene Monteiro Freitas par une hystérie collective, un désir de transformation, une folie pulsionnelle de transgression charnelle et sensorielle. Sur un plateau en 16:9, la chorégraphe déploie des bulles d’imaginaire pour cinq trompettistes, trois danseuses à bonnets de bain dorés (dont Freitas herself) et quatre danseurs en salopettes courtes. Le tout au milieu de pads et d’une nuée de pupitres servant tour à tour, au gré de métamorphoses toutes ovidiennes,

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de béquilles, pagaies, aspirateurs, lances, instruments de musique, vélos, montures à pattes ou machines à écrire pour dactylos sous psychotropes ! La Cap-Verdienne, découverte par beaucoup dans le (M)IMOSA de Trajal Harrell, engage ses interprètes dans un travail très concret sur l’émotion, où chacun est en jeu en permanence. Les corps ne s’appartiennent plus, formant une galerie hallucinante de grimaces et de déformations du visage dédiées à l’étrangeté. Ils sont endiablés, engoncés, coincés, saccadés de spasmes dans des mouvements de pantins désarticulés lancés dans une fête bacchanale sur fond de musique lo-fi home made à base de cuivres et sourdines, tuyaux en plastique et baguettes. Le pastiche oscille entre concert de fesse electro, reggae dub avec MC à la voix rocailleuse et Gnossienne suave de Satie


avant 16 minutes d’un Bolero à couper le souffle. Chacun fait feu de tout bois, multipliant l’ambiance carnavalesque jusque dans des clins d’œil au cinéma et aux bruitages des jeux vidéo. L’hyper expressivité des visages grimés avec demi masques et maquillages scintillants multiplie les décalages. L’emprise est totale, l’envoûtement généralisé par des danses sur tabourets à se pâmer. On se tord d’un rire jouissif devant tant de folie habitée, d’inventivité fracassant la simple contemplation béate pour y loger un amour d’instabilité en apparence indisciplinée. En apparence seulement.

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on Euripides Tragödie wird keine einzige Zeile geflüstert. Nur hier und da erkennt man die eine oder andere Figur wieder. Der Gott Dionysos, sein Cousin Pentheus, der sich über seine Rückkehr nach Theben erzürnt oder seine Mutter Agaue, die die Bacchantinnen anführt, die dem illegitimen Sohn von Zeus einen Kult widmen, der wieder einmal unstet und blutrünstig ist. Voller Spannung wird das Werk bei Marlene Monteiro Freitas von einer kollektiven Hysterie getaktet, einem Wunsch nach Transformation, einem triebhaften Wahnsinn der körperlichen und sinnlichen Grenzüberschreitung. Auf einer Bühne im Format 16:9 entwickelt die Choreographin imaginäre Blasen für fünf Trompetenspieler, drei Tänzerinnen mit goldenen Badekappen (darunter Freitas herself) und vier Tänzer in kurzen Latzhosen. Das Ganze inmitten von Pads und einem Schwarm von Pulten, die reihum, im Rhythmus der Metamorphosen à la Ovid als Krücken, Paddel, Staubsauger, Lanzen, Musikinstrumente, Fahrräder, Reittiere oder Schreibmaschinen für unter Drogen stehende Schreibkräfte dienen! Die Kapverdierin, die von vielen in (M) IMOSA von Trajal Harrell entdeckt wurde, engagiert ihre In-

terpreten zu einer sehr konkreten Arbeit über Emotion, in der jeder permanent im Spiel ist. Die Körper gehören sich nicht mehr, formen eine atemberaubende Galerie von Grimassen und Gesichtsverformungen, die dem Bizarren gewidmet sind. Sie sind wild, eingezwängt, eingeklemmt, von ruckartigen Zuckungen geschüttelt, wie Hampelmänner, die ein Trinkgelage zu Lo-Fi-Hintergrundmusik feiern, das mit Blechblasinstrumenten, Plastikschläuchen und Stäbchen gespielt wird. Die Nachahmung schwankt zwischen Elektro-Popokonzert, Reggae-Dub mit rauen Stimmen und sanften Gnossienne von Sati vor 16 Minuten atemberaubendem Bolero. Jeder gibt alles, was die Karnevalsatmosphäre verstärkt, bis hin zu Anspielungen auf Kino und Geräuschkulissen in Videospielen. Die große Expressivität der mit halben Masken und funkelnder Schminke bedeckten Gesichter verstärkt die Diskrepanzen. Der Bann ist mächtig, der Zauber generell, dank Tänzern, die freudig aufgeregt auf Hockern sitzen. Man kringelt sich vor Lachen, vor so viel Verrücktheit und einem Einfallsreichtum, der die einfache glückselige Betrachtung zertrümmert um darin die Liebe zu einer anscheinend indisziplinierten Instabilität zu verorten. Nur dem Anschein nach. À L’Arsenal (Metz) jeudi 3 mars dans le cadre du temps fort Saudade de la Cité musicale (20 février au 6 mars) célébrant la Saison FrancePortugal 2022 In L’Arsenal (Metz) am Donnerstag den 3. März im Rahmen des Höhepunktes Saudade in der Cité musicale (20. Februar bis 6. März), der die Saison Frankreich-Portugal 2022 feiert citemusicale-metz.fr

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Tchekhov en ligne Figure de proue du nouveau théâtre digital, le collectif allemand punktlive continue de brouiller les frontières entre les arts avec möwe.live.

Tschechow online Als Galionsfigur des neuen digitalen Theaters verwischt die deutsche Gruppe punktlive weiterhin die Grenzen zwischen den Künsten mit möwe.live. Par Von Suzi Vieira

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mmené par Cosmea Spelleken, le jeune collectif punktlive, dont on avait déjà adoré l’époustouflant werther.live, remet le couvert ! Après les goethéennes Souffrances du jeune Werther, c’est à un classique russe que s’attaque l’audacieuse troupe, en adaptant pour l’espace numérique La Mouette d’Anton Tchekhov. Co-produite par le festival franco-allemand Perspectives, möwe.live sera donnée (avec surtitres français) dans le cadre des nouveaux rendez-vous mensuels imaginés pour faire rayonner ce temps fort des arts de la scène hors du cadre des dix jours de festival annuel. Fidèle à son écriture théâtro-digitale, qui transforme les écrans d’ordinateurs des personnages en véritable scène, Spelleken

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met à nu les psychés de Kostia, Nina et Trigorine à coups de clics, fichiers photos, emails, conversations WhatsApp et autres appels vidéo. De la pièce écrite en 1895, la dramaturge fait une transposition contemporaine totale… et hautement crédible, tout l’écosystème des arrière-plans des bureaux ayant été pensé dans les moindres détails. Il y a quelque chose du plaisir voyeuriste à assister aux représentations (jouées uniquement en temps réel). Entre fascination et coupable délectation.

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ngeführt von Cosmea Spelleken ist die junge Gruppe punktlive, von der wir schon das atemberaubende werther.live liebten wieder da! Nach den Leiden des jungen Werthers

von Goethe geht die kühne Gruppe an einen russischen Klassiker heran, indem sie Die Möwe von Anton Tschechow für den digitalen Raum adaptiert. Gemeinsam mit dem deutsch-französischen Festival Perspectives produziert, wird möwe.live im Rahmen der neuen monatlichen Termine präsentiert, die entstanden sind um die Höhepunkte der Bühnenkünste über die 10 Tages des jährlichen Festivals hinaus in den Mittelpunkt zu stellen. Ihrer theatraldigitalen radikalen Schreibweise treu, die die Computerbildschirme der Figuren in eine echte Szene verwandelt, zeigt Spelleken ungeschminkt die Psychen von Kostia, Nina und Trigorin anhand von Klicks, Photodateien, Emails und WhatsApp-Unterhaltungen sowie Videotelefonaten. Das Stück, das 1895 geschrieben wurde, und von der Dramaturgin völlig in die Gegenwart übersetzt wird... wird glaubwürdig, da das gesamte Ökosystem der Hintergrundbildschirme bis ins letzte Detail durchdacht ist. Es liegt eine gewisse voyeuristische Freude darin, an den Aufführungen teilzunehmen (die nur in Echtzeit gespielt werden). Zwischen Faszination und schuldigem Genuss. Sur le site du festival Perspectives, les lundis 7 février et 7 mars Auf der Homepage des Festivals Perspectives, am Montag den 7. Februar und Montag den 7. März festival-perspectives.de


DANSE TANZ

Keep it short Avec TWICE #2, Pôle Sud réunit deux courtes pièces chorégraphiques signées par Alexander Vantournhout et le tandem Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou. Mit TWICE #2 vereint Pôle Sud zwei kurze choreographische Stücke von Alexander Vantournhout und dem Tandem Aïcha M’Barek und Hafiz Dhaou. Par Von Irina Schrag – Photos de von Frédéric Iovino

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nitiative du réseau LOOP pour la danse et la jeunesse portée par Le Gymnase de Roubaix, Twice #2 invite des chorégraphes à créer des pièces à destination du jeune public. Ainsi en va-t-il de cette soirée en deux temps de 20 petites minutes chacun. D’abord, Épaulette, du danseur flamand formé au cirque Alexander Vantournhout. Celui dont les spectacles reposent sur des dynamiques performatives, poussant l’organisme dans des torsions surprenantes et des enchevêtrements détonants, crée un solo joyeux et plein d’humour pour Astrid Sweennay. La jeune interprète danoise joue des contraintes de son costume (talons hauts, jupe serrée…) et de sa corporalité pour multiplier d’étonnantes métamorphoses libératrices sur fond de musique hypnotique signée Steve Reich. Elle compose aussi la moitié de D’Eux avec Johanna Mandonnet, fidèle des créations d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou, notamment Sacré printemps ! autour des révolutions arabes. Ensemble bien que chacune dans leur registre gestuel, elles convergent lentement vers un crescendo, une pulsation commune les engageant totalement, cisaillant l’air des bras à grand renfort de torsions du buste.

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uf Initiative des Netzwerkes LOOP für Tanz und Jugend, getragen von Le Gymnase de Roubaix, lädt Twice #2 Choreographen dazu ein Stücke für junges Publikum zu kreieren. So ist es bei diesem Abend in zwei Tei-

len mit jeweils 20 kurzen Minuten. Zunächst Épaulette vom flämischen Tänzer Alexander Vantournhout, der im Zirkus ausgebildet wurde. Jener dessen Aufführungen auf PerformanceDynamik basieren, die den Organismus in überraschende Verdrehungen und explosives Wirrwarr zwingen, kreiert ein fröhliches Solo voller Humor für Astrid Sweennay. Die junge dänische Interpretin spielt mit den Zwängen ihres Kostüms (hohe Absätze, enger Rock...) und ihrer Körperlichkeit um zahlreiche befreiende Metamorphosen zu durchlaufen, vor dem Hintergrund einer hypnotisierenden Musik von Steve Reich. Sie ist auch Teil von D’Eux mit Johanna Mandonnet, die den Kreationen von Aïcha M’Barek und Hafiz Dhaou treu ist, insbesondere Sacré printemps ! rund um den Arabischen Frühling. Gemeinsam obwohl sie beide in ihrem Gesten-Register sind kommen sie langsam zu einem Höhepunkt aufeinander zu, ein gemeinsamer Puls, der sie ganz einnimmt, während sie die Luft mit den Armen zerschneiden, mit einer ausladenden Bewegung der Büsten. À Pôle Sud (Strasbourg) du 22 au 24 février (dès 6 ans) In Pôle Sud (Straßburg) vom 22. bis 24. Februar (ab 6 Jahren) pole-sud.fr

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DANSE & MUSIQUE TANZ & MUSIK

Rub & Hit Le percussionniste Lê Quan Ninh et la danseuse contemporaine Marie Cambois initient une rencontre au sommet de l’improvisation avec Two Stones. Der Schlagzeuger Lê Quan Ninh und die zeitgenössische Tänzerin Marie Cambois initiieren eine Begegnung auf dem Höhepunkt der Improvisation mit Two Stones. Par Von Thomas Flagel – Photo de von Anthony Laguerre

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e duo composé par Lê Quan Ninh et Marie Cambois part d’une partition de Michael Pisaro, Two Stones. Le compositeur, aussi radical que minimaliste, y propose un jeu avec des pierres de toutes sortes et tailles qu’il s’agit de frapper ou frotter, utilisant un archet, une amplification du son et autres trouvailles étonnantes. Ils recadrent le tout à 40 minutes de jeu et deux actions possibles avec une paire de cailloux l’un contre l’autre. Si les motifs rythmiques sont répartis en 15 parties successives (de 20 secondes à 7 minutes), pas question pour ses deux chantres de l’improvisation d’y renoncer : avant chaque représentation ils tirent donc, grâce à un algorithme aléatoire, l’ordre des différents “morceaux” et des bruits roses électroniques qui les accompagnent. Ces derniers, spatialisés via des haut-parleurs par Mathieu Chamagne, évoquent le flot d’une cascade. De duo à trio, voilà l’équipe en quatuor, rejointe par l’artiste visuel Christophe Cardoen. Ses phénomènes lumineux, travaillés en direct, achèvent de placer la pièce à la lisière de l’interprétation et de la composition instantanée, chacun se laissant porter par l’épure du geste et les sensations organiques, échos de l’une dans la proposition de l’autre.

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as Duo aus Lê Quan Ninh und Marie Cambois geht von einer Partition von Michael Pisaro, Two Stones, aus. Der ebenso radikale wie minimalistische Komponist präsentiert hier ein Spiel mit Steinen in vielerlei Formen und Größen, die geschlagen oder aneinandergerieben werden, mithilfe eines Bogens, eines Tonverstärkers und anderen erstaunlichen Fundstücken. Sie brechen das Ganze auf 40 Minuten Spiel

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und die beiden möglichen Spielarten mit einem Kieselpaar herunter. Die rhythmischen Motive sind in 15 aufeinanderfolgende Stücke (von 20 Sekunden bis 7 Minuten) aufgeteilt, auf die die beiden Verfechter der Improvisation nicht verzichten: Vor jeder Aufführung ziehen sie mithilfe eines zufälligen Algorithmus die Abfolge der verschiedenen „Stücke“ und des elektronischen rosa Rauschens, das sie begleitet. Letzteres, das von Lautsprechern im Raum von Mathieu Chamagne verteilt wird, erinnert an den Fluss eines Wasserfalls. Vom Duo zum Trio wird aus dem Team ein Quartett, das vom visuellen Künstler Christophe Cardoen vervollständigt wird. Seine Licht-Phänomene, die live erarbeitet werden, bringen das Stück endgültig an die Grenze zwischen Interpretation und spontaner Komposition, jeder lässt sich vom Entwurf der Geste und den organischen Empfindungen leiten, Echos des Einen auf den Beitrag des Anderen. Au Centre culturel André Malraux (Vandœuvre-lès-Nancy) mardi 1er et mercredi 2 février Im Centre culturel André Malraux (Vandœuvre-lès-Nancy) am Dienstag den 1. und Mittwoch den 2. Februar centremalraux.com > La soirée se compose d’une seconde pièce, Believe où Lotus Eddé Khouri et Christophe Macé revisitent corporellement The Cold song de Klaus Nomi > Am gleichen Abend wird ein zweites Stück gezeigt, Believe in dem Lotus Eddé Khouri und Christophe Macé körperlich The Cold song von Klaus Nomi neuinterpretieren



sélection scènes

Une vie d’acteur © Jean-Louis Fernandez

Les Forteresses © Agnès Mellon

Les Forteresses Gurshad Shaheman traverse trois destins féminins, trois femmes qui, chacune à leur manière, entre force et tendresse, tentent de s’affranchir des frontières. 03 & 04/02, La Filature (Mulhouse) dès 15 ans lafilature.org

Gens du Pays Laurent Crovella recrée ce texte de l’auteur d’origine québécoise Marc-Antoine Cyr en forme de conte initiatique dans une banlieue française. S’y interrogent racines communautaires, bien-pensance humaniste dans une réalité sociale fragmentée où le jeune Martin-Martin peine à trouver sa place. 22-26/02, Taps Scala (Strasbourg) dès 13 ans taps.strasbourg.eu

Jacqueline, écrits d’art brut Le superbe comédien Olivier Martin-Salvan ouvre un chemin dans les labyrinthes de la psyché humaine en s’emparant d’écrits d’art brut qui révèlent une langue hallucinée et poétique. 03 & 04/02, Comédie de Colmar comedie-colmar.com Hamlet Gérard Watkins met en scène une nouvelle traduction d’Hamlet, dont la scansion donne un rythme rock au texte de Shakespeare. Dans une sorte de club-house londonien de la fin des sixties, le conflit est partout : entre les États, entre les sexes, entre les générations, mais aussi au sein de chaque conscience. Anne Alvaro prête à Hamlet son énergie volcanique et son sens du burlesque, sa profondeur et sa fragilité. 08-10/02, CDN de Besançon Franche-Comté cdn-besancon.fr Une vie d’acteur Avec complicité, Émilie Capliez a mis en scène la genèse de la vie d’artiste de Pierre Maillet où chaque événement, triste ou gai, trouve son écho dans un film (Tootsie, Les Dents de la mer, Le Dernier métro…). Ses souvenirs de cinéphile réveillent une mémoire collective, des émotions partagées sur les écrans géants de nos vies. 22/02, Espace 110 (Illzach) dès 15 ans espace110.org

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De ce côté Comme son double Dido, Dieudonné Niangouna a quitté son pays en pleine représentation théâtrale suite à un attentat, laissant spectateurs et famille derrière lui. Cette culpabilité le hante et ses démons le poursuivent jusque devant nous, le poussant à remonter sur scène. Fiction ou réalité ? Le voilà qui débat de la question de sa légitimité, de sa place à prendre dans la société ou à laisser, de la question de faire théâtre dans le chaos et la violence du monde. 22-26/02, Théâtre de mon Désert et La Manufacture (Nancy) présenté dans le cadre de Désirs d’Afrique (21/02-12/03) theatre-manufacture.fr Et puis on a sauté ! L’autrice Pauline Sales explore la relation parents-enfants et l’inquiétude que peut inspirer la vie adulte. Odile Gousset-Grange met en scène ce texte coloré avec vivacité en montrant deux enfants qui s’ennuient pendant la sieste, alors que leurs parents les ignorent, et qui commettent une grosse bêtise : ils escaladent la fenêtre de leur chambre avec une corde à nœuds. Elle cède… et les voilà qui tombent dans un trou noir de l’espace-temps, point de départ d’un voyage qui va les mener loin. 25-27/02, Théâtre en Bois (Thionville) dès 8 ans nest-theatre.fr


MUSIQUE MUSIK

Girls run the world ! Avec Who Are The Girls, les fausses jumelles de Nova Twins réinventent avec verve tout un pan de la musique britannique. Mit Who Are The Girls erfinden die falschen Zwillinge von Nova Twins mit viel Esprit einen ganzen Teil der britischen Musik neu. Par Von Suzi Vieira

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ondoniennes, toutes deux bercées par des parents musiciens (de jazz pour l’une, professeurs de conservatoire pour l’autre), Amy Love et Georgia South réinventent le so british punk politique à grands coups de protestations enragées contre tous les sexisme, racisme, consumérisme et autres cancers (en -isme ou pas) gangrénant nos sociétés contemporaines. Après une tournée européenne aux côtés des Prophets of Rage et un passage mémorable au Hellfest en 2019, les deux vraies fausses jumelles déjantées ont sorti en 2020 un premier album, Who Are The Girls ?, féroce en diable et fichtrement séduisant ! Dès la première piste, Vortex, l’auditeur retrouve la jubilation du sale môme biberonné aux Skunk Anansie, Prodigy et Beasty Boys. Mélange furieux de basses charnues et

de textures hip-hop, Bullet tire à vue sur les harceleurs et les multiples pressions sociales s’exerçant sur les femmes : « Is it too much for your ego / When I say, “See ya, amigo” ? » (« Est-ce trop pour ton ego / quand je dis “À plus, amigo” ? »). Faisant rage de tout son, le disque s’offre comme une plongée hypnotique dans la psyché d’une jeunesse désabusée, à l’instar de l’excellent Devil’s face et son océan de distorsions.

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ie beiden Londonerinnen Amy Love und Georgia South, die beide von Musikereltern aufgezogen wurden (Jazz für die Eine, Professoren am Konservatorium für die Andere), erfinden den so britischen politischen Punk neu, mit großem engagierten Protest gegen Sexismus, Rassismus, Konsumerismus und andere

Krebsgeschwüre (-ismen und andere), die unsere zeitgenössische Gesellschaft befallen haben. Nach einer Europatournee an der Seite von Prophets of Rage und einem denkwürdigen Auftritt beim Hellfest 2019 haben die beiden durchgeknallten falschen Zwillinge 2020 ihr erstes Album Who Are The Girls? herausgegeben. Teuflisch wild und verdammt verführerisch! Ab der ersten Spur, Vortex, trifft der Zuhörer auf den Jubel der dreckigen Göre, die Skunk Anansie, Prodigy und Beasty Boys aufgesogen hat. Eine wütende Mischung aus fleischigen Bässen und Hip-HopTextur: Bullet zielt auf Stalker und die zahlreichen sozialen Zwänge ab, denen Frauen unterworfen werden. „Is it too much for your ego / When I say ‚See ya, amigo’ ?″ („Ist es zu viel für dein Ego / wenn ich sage‚ ‚Bis später, amigo’?″). Die Platte ist wie ein hypnotisierendes Eintauchen in die Psyche einer desillusionierten Jugend, wie im exzellenten Devil’s face mit seinem Ozean von Verzerrungen. À L’Exil (Zurich) samedi 19 février, à La Cartonnerie (Reims) jeudi 3, à La Laiterie (Strasbourg) vendredi 4 et au Moloco (Audincourt) samedi 5 mars Im Exil (Zürich) am Samstag den 19. Februar, in La Cartonnerie (Reims) am Donnerstag den 3. , in La Laiterie (Straßburg) am Freitag den 4. und im Moloco (Audincourt) am Samstag den 5. März novatwins.co.uk

Édité par Erschienen bei 333 Wreckords Crew 333wrecks.com

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This is the end Formation emblématique du rock indé hexagonal, Mendelson sort son septième et Dernier Album, tout en intensité. Mendelson, die symbolträchtige Gruppe des französischen IndieRock, bringt ihr siebtes Werk Dernier Album, voller Intensität heraus. Par Von Suzi Vieira – Photo de von Patrice Mancino

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ingt-cinq ans et six albums après ses débuts, le groupe iconique d’un certain rock à la française, où le chanté se mue volontiers en parlé, signe son acte de décès avec un ultime, noir et brillant opus. Non sans autodérision : « Mendelson groupe obscur inconnu / Mythique culte / Mon cul », psalmodie ainsi Pascal Bouaziz, fondateur et tête écrivante de la formation, sur Dernier disque, morceau d’ouverture de ce bien nommé Dernier Album. Cinq titres composent ce chant du cygne tout en épure, à mi-chemin de la poésie, du rock, du free-jazz et de la musique expérimentale. Entre contemplation et convulsion, formats courts et formats longs (pas loin de 20 déchirantes minutes pour Algérie, une ode au pays de ses ancêtres juifs qui transperce l’âme), Bouaziz baisse le rideau de la plus remarquable façon, sobre et flamboyante à la fois. Sur sa Dernière chanson, titre conclusif, il va jusqu’à égrener deux décennies de souvenirs dans une adresse touchante au complice des débuts, Olivier Fréjoz, qui se retira de la scène en 2000 pour aller vivre « du côté de Besançon ». En parallèle à l’album est paru chez le mulhousien éditeur Médiapop un livre regroupant l’intégrale des textes des chansons de Mendelson. La tournée d’adieu, elle, est à ne pas rater.

där und kult“ ist. Fünf Titel bilden diesen Schwanengesang, auf halbem Weg zwischen Poesie, Rock, Free-Jazz und experimenteller Musik. Zwischen Meditation und Konvulsion, kurzen und langen Formaten (fast 20 zerreißende Minuten für Algérie, eine Ode an das Land seiner jüdischen Vorfahren, die die Seele durchdringt) lässt Bouaziz den Vorhang auf die bemerkenswerteste Weise fallen, nüchtern und leuchtend zugleich. In Dernière chanson, dem letzten Titel, betet er zwei Jahrzehnte an Erinnerungen herunter, mit einer berührenden Bemerkung an den Komplizen der Anfänge, Olivier Fréjoz, der sich im Jahr 2000 von der Bühne zurückzog um „in der Nähe von Besançon“ zu leben. Parallel zum Album ist beim Verlag Médiapop in Mulhouse ein Buch erschienen, das alle Liedtexte von Mendelson vereint. Die Abschiedstournee ihrerseits darf man nicht verpassen. À L’Autre Canal (Nancy) jeudi 24 février In L’Autre Canal (Nancy) am Donnerstag den 24. Februar lautrecanalnancy.fr

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ünfundzwanzig Jahre und sechs Alben nach ihren Anfängen unterschreibt die ikonische Gruppe eines gewissen Rock à la française ihre Sterbeurkunde mit einem letzten, schwarzen und brillanten Werk. Nicht ohne Selbstironie, wenn Pascal Bouaziz, Gründer und schreibender Kopf der Gruppe auf dem Eröffnungsstück Dernier Disque über Mendelson als eine „düstere, unbekannte Gruppe“ psalmodiert, die „legen32

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Édité par Erschienen bei Ici d’ailleurs icidailleurs.fr — mendelson.fr

Paru aux Erschienen bei éditions Médiapop (15 €) mediapop-editions.fr



Piano King Pianiste virtuose adoré des rappeurs, Sofiane Pamart casse les codes de la musique classique pour naviguer sans complexe entre les styles. Der virtuose Pianist und Liebling der Rapper, Sofiane Pamart bricht mit den Codes der klassischen Musik um ohne Komplexe zwischen den Stilen zu navigieren. Par Von Suzi Vieira – Photo de von Romain Garcin

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l a composé pour le très engagé Médine, le belge Scylla, Kery James, SCH, Koba LaD, ou encore Gaël Faye. Mais c’est en jouant Ravel et Chopin qu’il entre en transe – son interprétation parfaite de l’Alborada del gracioso et de la 4e ballade lui ont d’ailleurs valu, à 23 ans, la médaille d’or du Conservatoire de Lille. Affublé du statut étrange de « pianiste préféré du rap français », le virtuose Sofiane Pamart cultive sa différence avec le panache et l’arrogance d’un businessman sans peur et sans complexe : tenues flamboyantes de rappeur dandy, arborant bijoux aux dents (les “grillz” si prisés des gangsta) et bagouzes aux doigts tandis qu’il se produit avec son Steinway dans les plus chics salles du Vieux Continent. Sorti en 2021, son album Planet Gold l’a hissé au rang de star. Dix-huit mélodies aussi délicates qu’accrocheuses, touchées par la grâce. Armé de 36 noires et 52 blanches, ce grand voyageur d’origine berbère y transcrit en croches et doubles croches les paysages traversés ou fantasmés, depuis les métropoles grouillantes de Séoul ou London au tumulte de Medellín en passant par l’immensité silencieuse du désert du Sahara. À vous renverser d’émotions ! Ça tombe bien, son prochain opus, LETTER, est annoncé pour le 11 février.

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r hat für den sehr engagierten Médine, den Belgier Scylla, Kery James, SCH, Koba LaD oder auch Gaël Faye komponiert. Aber er gerät in Trance wenn er Ravel und Chopin spielt, seine perfekte Interpretation der Alborada del gracioso und der Ballade Nr. 4 haben ihm mit 23 Jahren die Goldmedaille des Konservatoriums in Lille eingebracht. Nachdem man ihm den bizarren Status des „beliebtesten Pianisten des französischen Raps“ verliehen hat, kultiviert der Virtuose Sofiane Pamart seine Andersartigkeit mit der Beherztheit und der Arroganz eines Businessman, der weder

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Angst noch Komplexe kennt: Glühende Kostüme im RapperDandy-Look, Schmuck bis auf die Zähne (die so beliebten „Grillz“ der Gangsta-Rapper) und fette Ringe am Finger, während er mit seinem Steinway in den schicksten Sälen des alten Kontinents auftritt. Sein 2021 erschienenes Album Planet Gold hat ihn in den Rang eines Stars erhoben. Achtzehn Melodien, ebenso feinfühlig wie zugkräftig, voller Anmut. Dieser große Reisende mit berberischen Wurzeln gibt, bewaffnet mit seinen 36 Schwarzen und 52 Weißen, in Achtel-und Sechzehntelnoten die durchstreiften oder erträumten Landschaften wieder, von den wimmelnden Metropolen Séoul oder London zum Tumult von Medellín über die stille Unendlichkeit der Wüste Sahara. Umwerfend vor Emotionen! Es trifft sich gut, das sein nächstes Werk, LETTER für den 11. Februar angekündigt ist. Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) samedi 12 février, à La Filature (Mulhouse) dimanche 6, à la Rockhal (Esch-sur-Alzette, Luxembourg) mercredi 16 et à la Salle Poirel (Nancy) jeudi 17 mars Im Palais de la Musique et des Congrès (Straßburg) am Samstag den 12. Februar, in La Filature (Mulhouse) am Sonntag den 6., in der Rockhal (Esch-sur-Alzette, Luxemburg) am Mittwoch den 16. und in der Salle Poirel (Nancy) am Donnerstag den 17. März sofianepamart.com

Édité par Erschienen bei [PIAS] Recordings store.pias.com


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Tudo bem Nouvelle coqueluche du hip-hop français, OBOY poursuit son ascension, entre mumble rap et bangers grisants. OBOY, der neue Liebling des französischen Hip-Hops, setzt seinen Aufstieg fort, zwischen Mumble-Rap und berauschenden Bangers. Par Von Suzi Vieira – Photo de von Patrice Mancino

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n moins de quatre ans, Mihaja Ramiarinarivo, né à Madagascar et débarqué en banlieue parisienne à l’âge de 6 ans, est passé du statut d’obscur nouveau venu à celui de tête d’affiche du rap français. Du haut de ses 25 ans, OBOY alterne morceaux sombres tout en langueurs embrumées, collaborations prestigieuses – avec Aya Nakamura ( Je m’en tape) ou encore la star britannique Jorja Smith (Come over) – et gros bangers ultra-dansants (Cabeza et TDB) sur lesquels toute une génération a pris l’habitude de s’enjailler. Pour ce qui est des textes, inutile de s’épancher sur un pseudo souffle poétique ou une dimension sociologique que l’intéressé lui-même n’a pas la prétention de revendiquer. Ce serait passer à côté du style OBOY, nouvelle figure de proue du mumble rap en France – genre reposant sur une diction marmonnée plus que chantée, afin de rendre les lyrics incompréhensibles, comme fondus avec les instrus. Pour son dernier album, No Crari, le banlieusard livre son quotidien tumultueux dans un monde où, en quête d’un hédonisme éphémère (désirs ténébreux et addictions diverses), il fait « la course aux pesos » pour se sortir du marasme. Le résultat ? Des titres cathartiques

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et planants, pour « oublier tout de l’après », simplement. « Jusqu’ici, tudo bem ! »

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n weniger als vier Jahren hat Mihaja Ramiarinarivo, der in Madagaskar geboren wurde und mit 6 Jahren in den Pariser Vororten ankam, sich vom Status des Neuankömmlings zum Hauptdarsteller des französischen Raps entwickelt. Mit seinen 25 Jahren jongliert OBOY mit düsteren Stücken mit nebelverhangener Wehmut, prestigeträchtigen Kollaborationen – mit Aya Nakamura (Je m’en tape) oder auch dem britischen Star Jorja Smith (Come over) – und großen tanzenden Bangers (Cabeza und TDB) zu denen eine ganze Generation einen draufmacht. Was die Texte betrifft, kann man darauf verzichten eine Pseudo-Poesie oder eine soziologische Dimension zu suchen, die der Künstler selbst nicht für sich beansprucht. Das würde bedeuten, den Stil von OBOY zu verkennen, der neuen Galionsfigur des Mumble-Raps in Frankreich – einem Genre, das auf einer eher gemurmelten als gesungenen Aussprache beruht, so dass die Texte unverständlich werden und mit der Musik zu verschmelzen scheinen. Für sein neuestes Album No Crari berichtet er

aus seinem stürmischen Alltag in einer Welt der Suche nach einem kurzlebigen Hedonismus (düstere Begierden und Abhängigkeiten aller Art), in der er „la course aux pesos“ („dem Geld nachrennt“) um der Flaute zu entkommen. Das Ergebnis? Entspannende und gleitende Titel, „oublier tout de l’après“ (um „alles danach zu vergessen“), ganz einfach. „Jusqu’ici, tudo bem!“ („Bis hier ist alles gut!“)*. À La Cartonnerie (Reims) jeudi 10, à L’Autre Canal (Nancy) vendredi 11 et à La Laiterie (Strasbourg) samedi 12 février In La Cartonnerie (Reims) am Donnerstag den 10. , in L’Autre Canal (Nancy) am Freitag den 11. und in La Laiterie (Straßburg) am Samstag den 12. Februar oboyofficiel.com

Édité par Erschienen bei Syndicate Records / 6&7 syndicaterecords.fr

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Mischung aus Französisch und Portugiesisch


MUSIQUE MUSIK

Échappées sonores Dans le cadre élégant du Kurhaus, Baden-Baden Events propose un bouquet de concerts en forme de mosaïque sonore.

Musikalische Ausflüge Im eleganten Rahmen des Kurhauses präsentiert Baden-Baden Events eine Auswahl von Konzerten in Form eines Klang-Mosaiks. Par Von Éric de Subeut – Photo de von Nilz Böhme

par le swing – accompagnant un spectacle nimbé d’une puissante fantaisie et d’une grande poésie : « Miroir, mon gentil miroir, qui est la plus belle du royaume ? » Pour compléter ce tableau extrêmement varié, citons un festival Mr. M‘s Jazz Club (17-19/03) où l’impresario Marc Marshall et son légendaire Mr. M‘s All Stars Band accueillent chanteurs et instrumentistes de haut niveau pour la quatorzième fois. En route pour des aventures sonores où le jazz tutoie le funk et la soul !

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crin raffiné et glamour de la cité thermale, le Kurhaus accueille moult réjouissances, au nombre desquelles figurent les venues de la chanteuse Caroline Mhlanga (03/02) avec son timbre soul et de Jürgen Becker (12/02) et son humour optimiste. Les enfants ne sont pas en reste, puisque s’annonce Blanche-Neige (13/03, en photo), comédie musicale faite d’aventures fantastiques et de fruits empoisonnés faisant briller d’un nouvel éclat cette histoire mille fois racontée (qu’on ne va quand même pas résumer tant elle est connue de tous !). En effet, sur la scène résonnent des musiques multiformes – allant du pop au punk, en passant

as Kurhaus, das raffinierte und glamouröse Schmuckkästchen der Badestadt, empfängt zahlreiche Freuden, darunter die Sängerin Caroline Mhlanga (03.02.) mit ihrer Soulstimme und Jürgen Becker (12.02.) mit seinem optimistischen Humor. Die Kinder kommen auch nicht zur kurz, denn Schneewittchen (13.03., siehe Photo) ein Musical aus phantastischen Abenteuern und vergifteten Früchten, lässt diese tausend Mal erzählte Geschichte in neuem Glanz erstrahlen (die wir hier nicht zusammenfassen, da jeder sie kennen sollte!). In der Tat erklingen auf der Bühne vielförmige Musikstile – vom Pop zum Punk über Swing – in Begleitung einer Aufführung voller Phantasie und Poesie: „Spieglein, Spieglein an der Wand, wer ist die Schönste im ganzen Land?“ Um das extrem abwechslungsreiche Programm zu vervollständigen, findet das Festival Mr. M‘s Jazz Club (17.-19.03.) statt, bei dem der Impresario Marc Marshall und seine legendäre Mr. M‘s All Stars Band zum vierten Mal Sänger und Musiker von höchstem Niveau empfangen. Auf in ein musikalisches Abenteuer, in dem der Jazz auf Funk und Soul trifft! Au Kurhaus (Baden-Baden) en février et mars Im Kurhaus (Baden-Baden) im Februar und März badenbadenevents.de POLY 243

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MUSIQUE MUSIK

For ever Mozart À la direction et au violon, David Grimal donne une intégrale des Concertos de Mozart avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Gleichzeitig als Dirigent und Violinist gibt David Grimal die Violinkonzerte von Mozart mit dem Orchestre philharmonique de Strasbourg. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Bobrik

se découvrent une intense inventivité mélodique, une belle fantaisie dans la construction des partitions et de multiples influences opératiques. Cette intégrale permet d’appréhender la quête de profondeur du compositeur : étape essentielle, le Concerto n°3 est une pépite d’expressivité (avec l’utilisation d’une mélodie populaire strasbourgeoise) rappelant le Sturm und Drang*, tandis que le cinquième hésite entre turqueries, alors très à la mode – avec des traits rappelant la marche des janissaires – et caractère tsigane. Pour arpenter ces territoires sonores, le chef et violoniste David Grimal, fondateur des Dissonances, est le musicien idoine, spécialiste des archets anciens et du répertoire mozartien.

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s reichten dem neunzehnjährigen Mozart einige Monate um seine Violinkonzerte zu schreiben. Zwischen April und Dezember 1775 entstehen fünf Meisterwerke voller Ausgeglichenheit und Brillanz. Oberflächlich und funkelnd ist das erste noch von einem galanten Stil geprägt: Das Instrument beweist hier eine sorglose demonstrative Virtuosität, deren Ziel es ist das Publikum zu faszinieren und zu unterhalten. Im Laufe der Werke entdeckt man einen intensiven melodischen Einfallsreichtum, eine schöne Phantasie im Aufbau der Partitur und zahlreiche Opern-Einflüsse. Dieses Gesamtwerk erlaubt es die Suche des Komponisten nach Tiefgründigkeit nachzuvollziehen: Eine essentielle Etappe ist das Violinkonzert Nr. 3, ein Goldklumpen voller Ausdrucksstärke (mit der Verwendung einer populären Melodie aus Straßburg), der an den Sturm und Drang erinnert, während das Fünfte zwischen türkischem Charakter, damals sehr in Mode – mit Zügen die an den Marsch der Janitscharen erinnern – und Zigeunerklängen schwankt. Um diese Klang-Territorien zu durchstreifen ist der Dirigent und Violinist David Grimal, Gründer von Les Dissonances, der geeignete Musiker, ein Spezialist für alte Bögen und das Repertoire von Mozart.

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l n’a fallu que quelques mois à un Mozart de dix-neuf ans pour écrire ses Concertos pour violon. Entre avril et décembre 1775, viennent au monde cinq chefs-d’œuvre d’équilibre et de brillance. Superficiel et scintillant, le premier est encore nimbé par le style galant : l’instrument y fait montre d’une insouciante virtuosité démonstrative dont le but est d’éblouir et de distraire l’auditoire. Au fil des œuvres, 38

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Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) jeudi 24 et vendredi 25 février Im Palais de la Musique et des Congrès (Straßburg) am Donnerstag den 24. und Freitag den 25. Februar philharmonique.strasbourg.eu

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Littéralement “tempête et passion” : courant préromantique allemand né en réaction à la philosophie des Lumières



Baroquissime À Karlsruhe, les 44e Händel-Festspiele mettent le compositeur à l’honneur dans une efflorescence d’opéras et de concerts. In Karlsruhe ehren die 44. Händel-Festspiele den Komponisten mit zahlreichen Opern und Konzerten. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Falk von Traubenberg

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arlsruhe est devenu une des capitales européennes du baroque avec un festival de premier plan dédié à Haendel qui n’avait pourtant… jamais mis les pieds dans la cité allemande ! Manifestation majeure, ces Festspiele permettent de (re)découvrir de rares opéras comme Tolomeo, re d’Egitto (25/02-02/03, en photo), narrant l’histoire d’un souverain exilé, fatigué de la vie, dans une mise en scène pleine de sobriété et d’élégance signée Benjamin Lazar. Dans le rôle-titre, on entendra l’incroyable contre-ténor Cameron Shahbazi. Autre moment fort, une nouvelle production d’Hercules (18/02-01/03), drame musical prenant pour thème la fin tragique du mythique personnage, contée par Sophocle dans Les Trachiniennes. Voilà œuvre grandiose marquée par le triomphe destructeur de la jalousie, narrant l’empoisonnement du héros par son épouse, le tuant en croyant imaginer un philtre d’amour. À côté de cela est proposé un 40

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bouquet de concerts dont les temps forts sont le gala (19/02) avec la soprano Anna Bonitatibus, à la très grande agilité vocale, et le concert de l’Académie Haendel présentant l’oratorio Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (26 & 27/02, Evangelische Stadtkirche).

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arlsruhe ist eine der europäischen Hauptstädte des Barocks geworden, mit einem erstklassigen Festival, das Händel gewidmet ist... obwohl dieser nie einen Fuß in die Stadt gesetzt hat! Diese Festspiele erlauben es seltene Opern wie Tolomeo, re d’Egitto (25.02.-02.03., siehe Photo) (wieder) zu entdecken, die die Geschichte eines Herrschers im Exil erzählt, der völlig lebensmüde ist, in einer Inszenierung von großer Nüchternheit und Eleganz von Benjamin Lazar. In der Titelrolle wird man den unglaublichen Kontertenor Cameron Shahbazi hören. Ein weiterer Höhepunkt ist eine neue Produktion von Hercules (18.02.-01.03.),

eine musikalische Tragödie, die das tragische Ende des legendären Helden thematisiert, wie sie von Sophokles in Die Frauen von Trachis erzählt wird. Ein grandioses Werk, das vom destruktiven Triumph der Eifersucht geprägt wird und die Vergiftung des Helden durch seine Ehefrau beschreibt, die ihn tötet in dem Glauben ihm einen Liebestrank zu verabreichen. Daneben werden zahlreiche Konzerte präsentiert, deren Höhepunkt die Gala (19.02.) mit der Sopransängerin Anna Bonitatibus darstellt, mit einer immensen stimmlichen Vielfalt und das Konzert der Händel-Akademie mit dem Oratorium Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (26. & 27.02., Evangelische Stadtkirche). Au Badisches Staatstheater (Karlsruhe) du 18 février au 2 mars Im Badischen Staatstheater (Karlsruhe) vom 18. Februar bis 2. März staatstheater.karlsruhe.de



OPÉRA

Le musée de l’amour À Dijon, Dominique Pitoiset met en scène Così fan tutte, installant l’opéra de Mozart dans une exposition de peintures de Nicolas Poussin.

Das Museum der Liebe In Dijon inszeniert Dominique Pitoiset Così fan tutte, indem er die Oper von Mozart in einer Gemäldeausstellung von Nicolas Poussin installiert. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Mirco Magliocca

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our sa première saison à la tête de l’Opéra de Dijon – où il souhaite développer une « programmation ouverte et diversifiée au service d’un projet partagé pour que ce lieu devienne un espace de convergence des publics et des formes artistiques » – Dominique Pitoiset a choisi de monter Così fan tutte. Voilà œuvre entrant en résonance avec la période récente marquée par « la suspicion du contact. Je désire initier un cycle d’interrogation dramaturgique sur le sujet de l’amour afin de questionner la nature des sentiments », résume-t-il. Et quoi de mieux pour cela que l’œuvre de Mozart ? Véritable jeu de miroirs, elle permet également une réflexion sur « le retour de l’ordre moral et d’une forme d’obscurantisme. » Se plaçant dans la filiation d’Antoine Vitez – qui parlait de pièces

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jouées par des corps contemporains narrant des histoires d’hier pour transformer le monde de demain – le metteur en scène considère Così comme un « vivarium de l’expérience de soi. Nous sommes en quelque sorte, à la fois le sujet, le démiurge et les observateurs qui espèrent tirer quelque chose de l’œuvre. Avec le duo formé par Mozart et son librettiste Lorenzo da Ponte, cette expérience est stupéfiante, car ils révèlent l’humanité à chaque instant. » L’histoire est bien connue : pour montrer à Ferrando et Guglielmo que les femmes peuvent être aussi infidèles que les hommes, Don Alfonso (qui forme avec Despina le troisième couple de l’affaire) leur propose de partir au loin, revenant grimés, pour conquérir leurs fiancées Dorabella et Fiordiligi sous ces nouveaux traits. Entre jeu de dupes et chassé-croisé amoureux, l’action se suffit à elle-même : « Un espace vide pourrait être le cadre de Così comme dans les productions de Peter Brook », s’amuse Dominique Pitoiset, puisqu’il est indispensable « de jouer chaque instant en pressant le citron du sens en toute conscience. Cela aurait été parfait au Grand Théâtre, espace brookien par excellence – qui sera reconsidéré, sinon rénové, c’est une de mes priorités – mais sur l’immense scène de l’Auditorium, ce serait plus compliqué. » C’est pour cela qu’il a installé l’action dans un musée présentant une exposition dédiée à Nicolas Poussin, faisant dialoguer le XVIIIe siècle mozartien avec les ors du XVIIe autour du Christ et la femme adultère (« Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ») encadré par d’autres toiles, que ce soient des nus érotiques de Diane (entrant en résonance avec la sensualité exacerbée de la musique), La Danse de la vie humaine ou Les Bergers d’Arcadie. Nous voilà plongés dans une méditation autour de la folle pulsion de vie irriguant l’opéra, accompagnant les protagonistes, visiteurs ou gardiens, dans les salles du musée, de jour comme de nuit, à l’heure de toutes les transgressions, entre tourbillons amoureux et réflexions politiques, puisque Despina va barrer Le Christ et la femme adultère du slogan féministe : Silence = Violence.


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Die Geschichte ist wohlbekannt: Um Ferrando und Guglielmo zu zeigen, dass Frauen genauso untreu sein können wie Männer, schlägt Don Alfonso (der mit Despina das dritte Paar der Affäre bildet) ihnen vor, weit weg zu reisen und verkleidet zurückzukehren um ihre Verlobten Dorabella und Fiordiligi mit diesen neuen Zügen zu erobern. Zwischen betrügerischem Spiel und Liebes-Hinund-Her genügt sich die Aktion selbst: „Ein leerer Raum könnte der Rahmen von Così sein wie in den Produktionen von Peter Brook“, amüsiert sich Dominique Pitoiset, denn es ist unentbehrlich „jeden Moment so zu spielen, dass man die Zitrone des Sinns bewusst ausdrückt. Das wäre im Grand Théâtre perfekt gewesen – das neugestaltet und renoviert wird, das ist eine meiner Prioritäten – ein Raum à la Brook par excellence, aber auf der riesigen Bühne des Auditoriums

© Opéra de Dijon

ür seine erste Saison an der Spitze der Opéra de Dijon – wo er „ein offenes und vielfältiges Programm im Dienste eines gemeinsamen Projekts entwickeln möchte, damit der Ort ein Raum der Konvergenzen der Zuschauer und der künstlerischen Formen wird“ – hat sich Dominique Pitoiset dazu entschieden Così fan tutte zu zeigen. Ein Werk, das mit der aktuellen Periode in einen Dialog tritt, die vom „Verdacht des Kontakts geprägt ist. Ich möchte einen Zyklus von dramaturgischen Fragen zum Thema Liebe initiieren, um die Art der Gefühle zu hinterfragen“, fasst er zusammen. Und was wäre dafür besser als das Werk von Mozart? Ein echtes Spiegel-Spiel, das ebenfalls eine Überlegung über „die Rückkehr der moralischen Ordnung im Angesicht einer Form von Obskurantismus“ erlaubt. In den Fußstapfen von Antoine Vitez – der von Stücken sprach, die von zeitgenössischen Körpern gespielt, Geschichten von gestern erzählen um die Welt von morgen zu verändern – betrachtet der Regisseur Così wie ein „Vivarium der Selbsterfahrung. Wir sind auf gewisse Weise, gleichzeitig das Subjet, der Schöpfergott und die Beobachter, die hoffen etwas aus dem Werk zu machen. Mit dem Duo aus Mozart und dem Librettisten Lorenzo da Ponte, ist diese Erfahrung verblüffend, denn sie offenbaren die Menschheit zu jedem Zeitpunkt.“

wird das komplizierter.“ Deswegen hat er die Aktion in einem Museum installiert, das eine Nicolas Poussin gewidmete Ausstellung präsentiert, womit das 18. Jahrhundert von Mozart mit dem Gold des 17. Jahrhunderts in einen Dialog gestellt wird, rund um Jesus und die Ehebrecherin („Wer von Euch ohne Sünde ist, werfe den ersten Stein“) umrahmt von anderen Gemälden, ob es die erotischen Aktbildnisse von Diane sind (die in einen Dialog mit der gesteigerten Sinnlichkeit der Musik treten), Der Tanz des menschlichen Lebens oder Die Hirten von Arkadien. So tauchen wir ein in eine Meditation rund um den verrückten Lebensimpuls, der die Oper

durchzieht, die Protagonisten, Besucher oder Wächter in den Museumssälen begleitet, Tag und Nacht, zur Stunde aller Übertretungen, zwischen LiebesStrudeln und politischen Überlegungen, denn Despina wird Jesus und die Ehebrecherin aus dem feministischen Slogan streichen: Stille = Gewalt. À l’Auditorium de l’Opéra de Dijon du 6 au 12 février Im Auditorium der Opéra de Dijon vom 6. bis 12. Februar opera-dijon.fr > Atelier pour enfants (5-10 ans) pendant le spectacle (06/02)

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OPÉRA OPER

Le bruit et la fureur Metz accueille une mise en scène signée Bernard Lévy d’Idomeneo, re di Creta. Focus sur l’opéra de Mozart.

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Metz empfängt eine Inszenierung des Idomeneo, re di Creta von Bernard Lévy. Die Oper von Mozart im Fokus. Par Von Hervé Lévy – Dessins des costumes de Kostümzeichnungen von Céline Perrigon

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œuvre de Mozart (créée en 1781) narre en un épisode mal connu du conflit entre Achéens et Troyens : le retour dans sa patrie d’Idoménée, roi de Crète qui a guerroyé de longues années en compagnie des Grecs. Pour échapper à la tempête, il promet à Neptune de sacrifier la première personne qu’il rencontrera en débarquant. Et c’est son propre fils, Idamante… Aimé d’Électre, ce dernier tombe éperdument amoureux de la princesse troyenne (et captive) Ilia. Voilà pour le point de départ d’un récit où le bruit se fond dans la fureur. Passions incandescentes, relations familiales et devoir s’entremêlent dans un maelström d’un extraordinaire équilibre, qui transcende les canons jusque-là rigides de l’opera seria puisque influences allemandes, italiennes et françaises viennent s’y rencontrer de la plus inventive des manières. Dans un univers où le surnaturel est souverain et où les oracles gouvernent les cœurs, Mozart – fort en avance sur son époque – livre au public une partition tourbillonnante (ici dirigée par David Stern) où les personnages acquièrent une profonde dimension psychologique, annonçant ainsi les miracles opératiques qui suivront.

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as Werk von Mozart (1781 kreiert) erzählt eine wenig bekannte Episode aus dem Konflikt zwischen den Archaiern und den Trojanern: Die Rückkehr von Idome-

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neus, König von Kreta, in seine Heimat, nachdem er viele Jahre an der Seite der Griechen Krieg führte. Um dem Sturm zu entkommen, verspricht er Neptun die erste Person zu opfern, der er an Land begegnen wird. Und das ist sein Sohn Idamantes... Von Elektra geliebt, verliebt sich Letzterer unsterblich in eine (gefangene) trojanische Prinzessin, Ilia. Das ist der Ausgangspunkt einer Erzählung, in der der Lärm in Furore aufgeht. Glühende Leidenschaften, familiäre Beziehungen und Pflicht vermischen sich zu einem Mahlstrom von außergewöhnlicher Ausgeglichenheit, der über die bis dahin starren Kanons der opera seria hinauswächst, da deutsche, italienische und französische Einflüsse sich hier auf die einfallsreichste Art und Weise begegnen. In einem Universum, in dem das Übernatürliche souverän ist und die Orakel die Herzen leiten, liefert Mozart – der seiner Zeit weit voraus ist – dem Publikum eine schwungvolle Partitur (die hier von David Stern dirigiert wird), in der die Figuren eine starke psychologische Dimension bekommen, was die Opern-Wunder ankündigt, die folgen werden. À l’Opéra-Théâtre (Metz) du 4 au 8 février In der Opéra-Théâtre (Metz) vom 4. bis 8. Februar opera.eurometropolemetz.eu


sélection musiques musik-auswahl

Bachar Mar-Khalifé © Habib Saleh

Kit Armstrong © Jean-François Mousseau

Eine Winterreise La mezzo-soprano Anne Sofie von Otter se produit dans cette variation sur Schubert imaginée et portée à la scène par Christof Loy. Die Mezzosopransängerin Anne Sofie von Otter mit dieser Variation zu Schubert, inszeniert von Christof Loy. Jusqu’au Bis 27/02, Theater Basel theater-basel.ch

Kit Armstrong Le virtuose du piano propose un récital où se croisent les partitions de Haendel, Mozart et Liszt. Der Klavier-Virtuose präsentiert ein Konzert, in dem Partituren von Händel, Mozart und Liszt aufeinandertreffen. 21/02, Philharmonie (Luxembourg) philharmonie.lu

Bachar Mar-Khalifé Insolite et percutant, noir et lumineux, On/Off, le dernier album de l’artiste franco-libanais prend aux tripes. Ungewöhnlich und schlagkräftig, schwarz und leuchtend, On/ Off, das neue Album des französisch-libanesischen Künstlers ist ergreifend. 03/02, La Cartonnerie (Reims) cartonnerie.fr

Couleurs ibériques Sous la direction de Shiyeon Sung, l’Orchestre national de Metz nous emporte sur les chemins tissés de Joly Braga Santos, Manuel De Falla et Luís de Freitas Branco. Unter der Leitung von Shiyeon Sung, nimmt uns das Orchestre national de Metz mit auf eine Reise auf den Spuren von Joly Braga Santos, Manuel De Falla und Luís de Freitas Branco. 25/02, l’Arsenal (Metz) & 26/02, Opéra (Reims) citemusicale-metz.fr – operadereims.com

Chris Garneau Tout droit venu du Massachussetts, le chanteur queer distille une folk intimiste, fragile et touchante. Der Queer-Sänger aus Massachussetts destilliert einen intimen, zerbrechlichen und berührenden Folk. 09/02, Temple de Vandœuvres (Suisse, dans le cadre du festival Schweiz im Rahmen des Festivals Antigel) & 12/02, La Laiterie (Strasbourg) antigel.ch – artefact.org A tribute to Stephen Sondheim Une soirée dédiée à l’un des maîtres de la comédie musicale, placée sous la baguette de Laurent Couson. Ein Abend der einem der Meister der Musical-Komödie gewidmet ist, unter der Leitung von Laurent Couson. 13/02, Staatstheater (Sarrebruck) staatstheater.saarland

Requin chagrin Entre noisy pop anglaise et yéyé, la sirène livre sa poésie de l’intime avec douceur et détermination. Zwischen englischem Noisy-Pop und YéYé liefert die Sirene ihre intime Poesie mit Sanftmut und Entschlossenheit. 25/02, La Laiterie (Strasbourg) artefact.org Léonie Pernet Entremêlant avec bonheur pop, electro, néoclassique et percussions orientales ou africaines, l’artiste champenoise livre des chansons en forme de sombres tableaux aquatiques. Mit einer Mischung aus Pop, Elektromusik, Neo-Klassizismus und orientalischen oder afrikanischen Trommeln liefert der Künstler aus der Champagne auf Le Cirque de Consolation Lieder in Form von düsteren Wasser-Gemälden. 26/02, Les Trinitaires (Metz) citemusicale-metz.fr

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EXPOSITION AUSSTELLUNG

Karussell, 1947

Magie der Schiene (Magie du Rail), 1949

Clair-obscur Avec René Groebli, La Filature jette un regard sur l’œuvre d’une légende suisse de la photographie. Mit René Groebli wirft La Filature einen Blick auf das Werk einer Schweizer Legende der Photographie. Par Von Suzi Vieira – Photos de von René Groebli / Courtesy Esther Woerdehoff

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n lit défait, un dos nu, une chemise tombée des épaules, une bouteille de vin ouverte… Et puis Rita, bien sûr, sous toutes les coutures. Sa main pendue hors des draps, une cigarette se consumant au bout des doigts vernis, ses seins qui pointent dans le contrejour de la fenêtre, ses jambes habillées de bas noirs, sa nuque, etc. De l’immense René Groebli – dernière légende vivante de l’âge d’or de la photographie suisse (95 printemps tout de même !) – on connaît surtout les délicats et fébriles clichés de son voyage de noces passé à Paris en 1952, dans un petit hôtel de Montparnasse (une série intitulée L’Œil de l’amour). Contemporain et ami de Robert Frank ou René Burri, il explora pourtant tous les genres, expérimentant ici la photographie du mouvement (série Karussel, 1947), travaillant là l’esthétique du flou et le grain de l’image (série La Magie du rail, 1949). De 1927 à aujourd’hui, Groebli a traversé le XXe siècle, bâtissant tout au long de sa longue vie de photographe une œuvre gargantuesque, belle et sensible, d’une virtuose technicité, où l’avant-garde se mêle au classicisme avec bonheur et poésie.

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in ungemachtes Bett, ein nackter Rücken, ein von den Schultern gefallene Bluse, eine offene Weinflasche... Und dann natürlich Rita, aus allen Blickwinkeln. Ihre Hand, die aus den Bettlaken hängt, eine Zigarette, die zwischen ihren gelackten Fingernägeln verglimmt, ihr Brüste im Gegenlicht des Fensters, ihre Beine in schwarzen Strumpfhosen, ihr Nacken, etc. Vom großen René Groebli – der letzten lebenden Legende des goldenen Zeitalters der Photographie

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in der Schweiz (immerhin 95 Lenze!) – kennt man vor allem die delikaten und fieberhaften Aufnahmen seiner Hochzeitsreise in Paris im Jahr 1952, in einem kleinen Hotel in Montparnasse (eine Serie mit dem Titel Das Auge der Liebe). Der Zeitgenosse und Freund von Robert Frank und René Burri, der alle Genres erkundet, experimentiert ebenso mit der Photographie der Bewegung (Serie Karussel, 1947), wie der Ästhetik der Verschwommenheit und der Bildkörnung (Serie Magie der Schiene, 1949). Von 1927 bis heute hat Groebli das 20. Jahrhundert durchquert und im Laufe seines langen Photographen-Lebens ein gigantisches, schönes und sensibles Werk mit einer virtuosen Technik aufgebaut, in dem sich die Avantgarde, mit Glück und Poesie, mit dem Klassizismus mischt. À la Galerie de La Filature (Mulhouse) jusqu’au 6 mars In der Galerie von La Filature (Mulhouse) bis zum 6. März lafilature.org > Vernissage en présence de l’artiste et de sa galeriste Esther Woerdehoff, vendredi 4 février (19h) > Vernissage in Anwesenheit des Künstlers und seiner Galeristin Esther Woerdehoff, am Freitag den 04. Februar (19 Uhr) > Le travail de René Groebli sera exposé à la Galerie Esther Woerdehoff à Paris (24/03-07/05) > Die Arbeit von René Groebli wird ebenfalls in der Galerie Esther Woerdehoff in Paris (24.03.-07.05.) gezeigt ewgalerie.com


New York, 1978 POLY 243

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EXPOSITION

Die Antwoord — I Fink U Freeky, 2012, Südafrika, Videostill © Roger Ballen

Playground La Völklinger Hütte, monstre de fer tentaculaire, offre ses entrailles au Monde des vidéo-clips pour une exposition témoignant de la créativité de ce genre devenu le terrain de jeu des plus grands artistes. Die Völklinger Hütte, das weitverzweigte Eisenmonster, bietet in seinem Inneren The World of Music Video, für eine Ausstellung, die von der Kreativität dieses Genres zeugt, das den größten Künstlern als Spielwiese dient. Par Von Thomas Flagel

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vec ses six hauts-fourneaux reliés par la plateforme du gueulard à 45 mètres du sol, la monumentale et plus que centenaire aciérie sarroise fascine. Sortie de terre en 1873, sa silhouette lézarde toujours le paysage de la petite ville de Völklingen, située à quelques kilomètres de Forbach et Sarrebruck, qui a longtemps battu au rythme et au son assommant de ce paquebot de métal échoué dans la plaine. Plus de 600 000 m2 de béton brut et de tuyauteries inscrits sur la liste du Patrimoine culturel mondial de l’Unesco, preuve du génie comme de la déraison de l’Homme. L’ancienne salle de mélange, véritable ventre du lieu où étaient stockées et convoyées les matières premières, sert aujourd’hui 48

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de salle d’exposition pour artistes de renommée internationale. Ralf Beil, président directeur général des lieux, entend bien continuer à faire vivre la Völklinger Hütte en confrontant des esthétiques d’aujourd’hui à ce patrimoine industriel du XIXe siècle. Ainsi est née The World of Music Video, une traversée en 84 vidéos des plus grands réalisateurs de clips. Pour une expérience totale, l’exposition se visite avec des audio-guides qui permettent de lancer automatiquement le son des chansons dont vous vous approchez durant votre déambulation. Sont ainsi projetés sur 62 écrans géants (allant jusqu’à 7 mètres) et une vingtaine de plus petits au milieu des machines, les hits géniaux de Die Antwoord, duo

sud-africain provocateur et inventeur du courant de contre-culture Zef, JeanPaul Goude et son égérie Grace Jones, les pionniers Warhol et Yoko Ono, ou encore David Fincher plongeant Madonna dans l’ambiance de Metropolis et animant les objets de vibrations pour Only de Nine Inch Nails. À l’instar de Michel Gondry, d’Anton Corbijn ou de David Fincher (et son ami Michael Bay), Spike Jonze a d’abord œuvré dans le monde du vidéo-clip avant de se lancer pleinement dans le septième art. L’occasion de revoir ses hommages aux comédies musicales en noir et blanc de Gene Kelly dans It’s Oh So Quiet pour Björk, la vision old school d’un personnage à tête de chien dans le marasme de NYC pour Da Funk de Daft Punk.


AUSSTELLUNG

Tommy Cash — Winaloto, 2016, Estland, Videostill © Tommy Cash

Mais aussi le plus rebelle – et vraiment punk – Y Control de Yeah Yeah Yeahs où des enfants laissent libre cours au lâcher-prise et à la violence. D’autres la dénoncent dans un écho politique à la répression orchestrée par le régime de Poutine, comme Kolshik de Leningrad. Monté en marche arrière, le clip sème le chaos dans un cirque à grand renfort d’images gore et de sauvagerie. Enfin, les plus courageux ou coquins iront jusque dans les bas-fonds de l’usine, là où sont regroupés des clips au contenu plus “explicite”, à l’instar du rappeur Tommy Cash qui, au milieu de volutes de corps de femmes dénudées, voit son visage prendre la place du sexe de l’une d’elle dans une version pleine d’ego-trip de L’Origine du monde.

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it ihnen sechs Hochöfen, die durch die Gichtbühne in 45 Metern Höhe verbunden werden, fasziniert die monumentale und mehr als hundert Jahre alte saarländische Stahlhütte. Ihre Silhouette, die 1873 aus der Erde wuchs, prägt noch immer die Landschaft der kleinen Stadt Völklingen, wenige Kilometer von Forbach und Saarbrücken entfernt, die lange im Rhythmus und zu den ohrenbetäubenden Klängen dieses in der Ebene gestrandeten Dampfers lebte. Mehr als 600 000 m2 Sichtbeton und Röhrensysteme, die auf die Liste des Welt-

kulturerbes der Unesco aufgenommen wurden und gleichzeitig ein Beweis für das Genie und die Unvernunft des Menschen sind. Die Möllerhalle, der wirkliche Bauch des Ortes, in dem die Rohstoffe gelagert wurden, dient heute als Ausstellungssaal für Künstler mit internationaler Renommee. Dr. Ralf Beil, Generaldirektor der Institution, will weiterhin der Völklinger Hütte Leben einhauchen, indem er Ästhetik von heute mit dem industriellen Kulturerbe des 19. Jahrhunderts konfrontiert. So ist The World of Music Video entstanden, eine Reise in 84 Videos durch die Werke der größten Clip-Regisseure. Für eine umfassende Erfahrung besichtigt man die Ausstellung mit Audio-Guides, die automatisch den Sound der Lieder abspielen, denen man sich im Laufe des Rundgangs nähert. So werden auf 62 Riesenleinwänden (bis zu 7 Metern Breite) und rund zwanzig kleineren Monitoren zwischen den Maschinen geniale Hits von Die Antwoord, dem süd-afrikanischen provokativen Duo und Erfinder der Gegenkultur-Bewegung Zef, JeanPaul Goude und seiner Muse Grace Jones, den Pionieren Warhol und Yoko Ono oder auch David Fincher gezeigt, der Madonna in die Stimmung von Metropolis eintauchen lässt und die Objekte in Only von Nine Inch Nails in Bewegung versetzt. Genau wie Michel Gondry, Anton Corbijn oder David Fincher

(und sein Freund Michael Bay) hat Spike Jones zunächst in der Welt des Musikvideos gearbeitet, bevor er sich ganz der siebten Kunst widmete. Die Gelegenheit seine Hommagen an die Musicalkomödien in schwarz-weiß von Gene Kelly wiederzusehen, in It’s Oh So Quiet für Björk, die Oldschool-Vision einer Figur mit Hundekopf im Stillstand von NYC für Da Funk von Daft Punk. Aber auch das rebellischste – und wirklich punkige – Y Control von Yeah Yeah Yeahs in dem Kinder dem Loslassen und der Gewalt freien Lauf lassen. Andere denunzieren sie in einem politischen Echo auf die Unterdrückung durch Putins Regime wie Kolshik von Leningrad. Das rückwärts gedrehte Musikvideo verbreitet Chaos in einem Zirkus, mithilfe von Horror-Bildern und Grausamkeit. Und schließlich steigen die Mutigsten oder Frechsten in die Untiefen der Fabrik hinab, dort wo die Videos mit „eindeutigen“ Inhalten versammelt sind, wie jenes des Rappers Tommy Cash, dessen Gesicht, inmitten von Spiralen aus nackten Frauenkörpern, den Platz des Geschlechtsteils von einer unter ihnen einnimmt, in einer Ego-TripVersion von Der Ursprung der Welt. Au Patrimoine mondial Völklinger Hütte (Völklingen) jusqu’au 16 octobre Im Weltkulturerbe Völklinger Hütte (Völklingen) bis zum 16. Oktober voelklinger-huette.org POLY 243

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EXPOSITION AUSSTELLUNG

Au fil de l’art À Colmar, De la présence de la nature dévoile les dessins et les sculptures d’une extrême délicatesse de Françoise Ferreux.

Die Fäden der Kunst In Colmar enthüllt Von der Präsenz der Natur die extrem zarten Zeichnungen und Skulpturen von Françoise Ferreux. Par Von Raphaël Zimmermann

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e la ficelle de lin, du fil de coton, des aiguilles et une paire de ciseaux : voilà les outils et matériaux indispensables à Françoise Ferreux pour initier de minutieuses compositions. Et ses sculptures suscitent l’émerveillement… Il y a quelque chose de l’Arte povera dans des créations aux teintes brunes et brutes, reliefs se déployant dans de fines efflorescences : cercles à l’intense poésie, cocons pétris de douceur, ammonites oniriques ou encore structures organiques mystérieuses évoquant une vie suspendue entre rêve et réalité. « C’est un ensemble de formes qui furent un jour vivantes et qui sont au repos, qu’un promeneur soli-

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taire trouverait sur une plage, ne sachant si l’océan les a versées ici ou si de la forêt profonde qui borde cette plage, elles sont arrivées », résume-t-elle. Plis et replis, pleins et creux évoquent des rituels primitifs nimbés d’une intense bienveillance tout comme des dessins au feutre noir, véritables histoires naturelles qui constituent un pendant aux objets sculptés dont ils sont en quelque sorte les négatifs, au sens photographique du terme.

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einenschnur, Baumwollfaden, Nadeln und eine Schere: Das sind die Werkzeuge und Materialien, die für Françoise Ferreux unentbehr-

lich sind um detaillierte Kompositionen zu gestalten. Und ihre Skulpturen rufen Entzückung hervor... Es liegt etwas von Arte povera über den Kreationen in rohen Brauntönen, Reliefs, die sich auf feine Art entfalten: Kreise von intensiver Poesie, Kokons voller Weichheit, verträumte Ammoniten oder auch mysteriöse organische Strukturen, die an ein Leben erinnern, das zwischen Traum und Realität schwebt. „Es ist ein Ensemble von Formen, die eines Tages lebendig waren und nun im Ruhezustand sind, die ein einsamer Spaziergänger am Strand finden könnte, nicht wissend ob der Ozean sie hier angespült hat oder ob sie aus dem tiefen Wald gekommen sind, der an den Strand angrenzt“, fasst sie zusammen. Falten über Falten, Volumen und Aushöhlungen erinnern an primitive Rituale, die von einem intensiven Wohlwollen geprägt sind, ebenso wie Zeichnungen mit schwarzem Filzstift, wahrhaftige Naturgeschichten, die ein Gegengewicht zu den Objekten darstellen, deren Negative sie in gewisser Weise im photographischen Sinne des Wortes sind. À l’Espace d’art contemporain André Malraux (Colmar) jusqu’au 13 mars Im Espace d’art contemporain André Malraux (Colmar) bis zum 13. März colmar.fr – francoise-ferreux.fr > Visites commentées avec l’artiste (06/02 & 06/03, 15h30)


EXPOSITION AUSSTELLUNG

Ironique

Avec Dualismes, la Städtische Galerie de Karlsruhe accueille une ample rétrospective dédiée à Sigmar Polke, artiste majeur du XXe siècle.

Ironisch

Mit Dualismen empfängt die Städtische Galerie Karlsruhe eine breite Retrospektive zu Sigmar Polke, einem der größten Künstler des 20. Jahrhunderts. Par Von Raphaël Zimmermann

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édérant plus de 30 institutions de la cité, Kultur in Karlsruhe est une initiative témoignant de l’effervescence de la ville du Bade-Wurtemberg. Y prend notamment part la Städtische Galerie qui propose une exposition consacrée à Sigmar Polke (1941-2010), qui avait créé le “réalisme capitaliste” avec son pote Gerhard Richter, alors qu’ils étudiaient à la Kunstakademie de Düsseldorf dans les sixties. Au fil des ans, le propos se fait tout aussi corrosif que les matériaux utilisés, souvent toxiques (comme l’orpiment contenant de l’arsenic) pour lesquels il avait une véritable fascination. L’alchimiste se double d’un véritable théoricien de la ligne qui emprunte les structures de gravures de Dürer ou d’Altdorfer et recherche inlassablement de nouvelles formes, laissant une place prépondérante au hasard. Entre humour et ironie doublée d’un certain cynisme (pour lui, le tableau est « à lui seul une méchanceté en soi »), cette rétrospective sonne comme une acerbe critique de la mollesse consumériste, réalisée par un créateur qui ne s’est jamais laissé enfermer dans aucune chapelle.

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ie Initiative Kultur in Karlsruhe, die mehr als 30 Institutionen der Stadt vereint, zeugt von der künstlerischen Vielfalt der baden-württembergischen Metropole. Die Städtische Galerie trägt hierzu mit ihrer Sigmar Polke (19412010) gewidmeten Ausstellung bei, der mit seinem Kumpel

Gerhard Richter den kapitalistischen Realismus kreiert hat, als die beiden in den Sechzigern an der Kunstakademie in Düsseldorf studierten. Im Laufe der Jahre werden die Themen ebenso korrosiv wie die verwendeten Materialien, die oft giftig sind (wie das Rauschgelb, das Arsen enthält) und auf ihn eine wahre Faszination ausüben. So wird der Alchimist zum Theoretiker der Linie, der die Strukturen der Gravuren von Dürer oder Altdorfer entleiht, ohne Unterlass nach neuen Formen sucht und dabei dem Zufall einen entscheidenden Platz einräumt. Zwischen Humor und Ironie, gekoppelt mit einem gewissen Zynismus (für ihn ist das Gemälde „für sich alleine eine Boshaftigkeit an sich“), klingt diese Retrospektive wie eine beißende Kritik an der Konsum-Laschheit , realisiert von einem Kunstschaffenden, der sich nie in einer Strömung einschließen ließ. À la Städtische Galerie (Karlsruhe) du 5 mars au 22 juin In der Städtischen Galerie (Karlsruhe) vom 5. März bis 22. Juni karlsruhe.de – kulturinkarlsruhe.de

Appareil avec lequel une pomme de terre peut tourner autour d’une autre Apparat, mit dem eine Kartoffel eine andere umkreisen kann, 1969, Kunstraum am Limes - Sammlung Zeitgenössischer Kunst, Hillscheid und Galerie Christian Lethert, Köln © The Estate of Sigmar Polke, Cologne / VG Bild-Kunst, Bonn 2022

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Espèces d’espèces Au Musée Würth, Bestĭa fait dialoguer spécimens du Musée zoologique de Strasbourg et œuvres contemporaines prenant l’animal pour thème.

Von Art zu Art Im Musée Würth lässt Bestĭa Exemplare aus dem Musée zoologique de Strasbourg in einen Dialog mit zeitgenössischen Werken zum Thema Tier treten. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Urban Photographie

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omme un cabinet de curiosités d’aujourd’hui, l’exposition fait voisiner animaux naturalisés du Musée zoologique de Strasbourg (actuellement fermé pour rénovation) et pièces pour la plupart réalisées après 1980 appartenant à la Collection Würth (auxquelles sont adjoints quelques prêts du Frac Alsace). Après L’Appel de la forêt (2012) et De la tête au pieds (2017) se clôt ainsi symboliquement une “trilogie du vivant” au musée d’Erstein, dans un parcours en quatre parties correspondant aux quatre éléments. Un mutin Lepus europaeus, plus communément appelé lièvre d’Europe, dressé sur ses pattes, aux aguets, entre ainsi en résonance avec son homologue de bronze, statufié dans la posture du Penseur de Rodin, posé sur un ordinateur antédiluvien par Barry Flanagan (Larger Thinker on Computer, 2003). Voilà qui questionne d’emblée notre rapport aux bêtes, notamment à

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l’aune de l’antispécisme, théorie forgée dans les années 1970 par Richard Ryder – et popularisée par Peter Singer – considérant que l’espèce à laquelle appartient un animal n’est pas un critère pertinent pour décider de la manière dont on doit le traiter et de la considération morale à lui accorder. Abordant nombre de thèmes philosophiques, cette présentation est aussi une invitation à la rêverie avec un vol d’Oiseaux (1964) blancs piquetant un ciel gris peint par Gerhard Richter et évoquant un Matisse en plein spleen ou des toiles oniriques de Ray Smith baignées d’un séduisant “réalisme magique”. Parfois, les correspondances se font évidences : un ours menaçant s’amuse avec ses camarades peints par Christophe Meyer. Ailleurs, de grands sujets sont abordés – zoo, élevage industriel, “animal doudou” – en toute délicatesse. Un (inno-


EXPOSITION AUSSTELLUNG

cent) pangolin naturalisé ne clôt-il pas l’exposition comme un clin d’œil à la période ? Une nuée d’insectes signée Sigrid Nienstedt (des toiles de petite taille issues de la série K2, 2000), les aquarelles inquiétantes de Francisco Toledo, une immense composition de Donna Stolz (Interwoven, 2003) – autoportrait mélancolique au bison – ou encore un éléphant sens dessus dessous de Baselitz qui renverse l’image pour mieux remettre le monde à l’endroit : les animaux ont décidément beaucoup à nous dire. À l’image de Nous faisons le ménage (1990), toile écolosurréaliste de Milan Kunc où trois daims transportent un missile nucléaire dans un paysage idyllique ! Enfin, on adore la juxtaposition de spécimens simiesques naturalisés et du Singe (1979) peint par Dieter Krieg venant interroger le degré d’évolution de notre humaine condition.

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ie ein Kuriositätenkabinett von heute lässt die Ausstellung präparierte Tiere aus dem Zoologischen Museum von Straßburg (das aktuelle Aufgrund seiner Renovierung geschlossen ist) und Werke, die zum Großteil nach 1980 entstanden sind, aus der Sammlung Würth (zu denen sich einige Leihgaben des Frac Alsace gesellen) aufeinandertreffen. Nach L’Appel de la forêt (2012) und De la tête au pieds (2017) wird so symbolisch eine „lebendige Trilogie“ im Museum von Erstein abgeschlossen, in einem vierteiligen Rundgang, der den vier Elementen entspricht. Ein verschmitzter Lepus europaeus, besser bekannt als Feldhase, der wachsam auf seinen Hinterbeinen sitzt, tritt so in Einklang mit seinem Kollegen aus Bronze, der in der Postur des Denkers von Rodin festgehalten und von Barry Flanagan auf einen vorsintflutlichen Computer gesetzt wurde (Larger Thinker on Computer, 2003). Das stellt gleich zu Anfang unsere Beziehung zu den Tieren in Frage, insbesondere in Bezug auf den Antispezismus, einer in den 1970er Jahren von Richard Ryder formulierten Theorie – welche von Peter Singer populär gemacht wurde – die findet, dass die Spezies, der ein Tier angehört, kein Kriterium dafür ist, wie es behandelt werden soll und welche moralische Achtung man ihm entgegenbringt. Während sie zahlreiche philosophische Themen

anspricht ist diese Präsentation auch eine Einladung zum Träumen mit einem Flug der weißen Vögel (1964), die einen grauen Himmel von Gerhard Richter überziehen und an einen Matisse mitten im Spleen erinnern oder traumhafte Gemälde von Ray Smith, die in einen verführerischen „magischen Realismus“ getaucht sind. Manchmal liegen die Entsprechungen auf der Hand: Ein bedrohlicher Bär amüsiert sich mit seinen von Christophe Meyer gemalten Kameraden. Anderswo werden große Themen angesprochen – Zoo, industrielle Aufzucht, KuschelHaustiere – aber immer mit Finesse. Beendet ein (unschuldiges) ausgestopftes Schuppentier den Rundgang nicht mit einem Augenzwinkern zum aktuellen Geschehen? Ein Insektenschwarm von Sigrid Nienstedt (kleinformatige Gemälde aus der Serie K2, 2000), beunruhigende Aquarelle von Francisco Toledo, eine riesige Komposition von Donna Stolz (Interwoven, 2003) – ein melancholisches Selbstportrait mit Bison – oder auch ein umgestürzter Elefant von Baselitz, der die Bilder umkehrt um die Welt richtig herum abzubilden: Die Tiere haben uns also wirklich viel zu sagen. Wie in Wir räumen auf (1990) einem ökologisch-surrealistischen Gemälde von Milan Kunc, in dem drei Damhirsche eine Atombombe in einer idyllischen Landschaft transportieren! Und schließlich lieben wir die Gegenüberstellung von affenähnlichen, ausgestopften Tieren und einem von Peter Krieg gemalten Affen (1979), die den Grad der Evolution des Menschen in Frage stellt.

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Au Musée Würth (Erstein) jusqu’au 7 septembre Im Musée Würth (Erstein) bis zum 7. September musee-wurth.fr Dans les jardin du Musée, le Projet Eumélanine est une recherche artistique au long cours, où Apolline Grivelet, familière d’un travail sur le vivant, développe une lignée originale de poules (qui s’ébattent sous les yeux des visiteurs) à l’aide de croisements de races existantes – apolline-grivelet.com Im Garten des Museums ist das Projekt Eumélanine ein langfristige künstlerische Suche, bei der Apolline Grivelet, die oft mit dem Lebenden arbeitet, eine originelle Hühnerrasse auf der Basis einer Kreuzung existierender Rassen gezüchtet hat (die sich unter den Blicken des Publikums vergnügt) – apolline-grivelet.com

2 1. Lièvre d’Europe, Feldhase Lepus (eulagos) europaeus (Pallas, 1778), Musée Zoologique de Strasbourg, photo : Musées de Strasbourg, M. Bertola 2. Barry Flanagan, Larger Thinker on Computer, 2003, coll. Würth Inv. 8613, photo: Archiv Würth

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EXPOSITION

Céline Diais, Voir la mer, 2014. Série de 9 photographies

Troubled waters Avec Détournements, la Fondation François Schneider expose ses Talents contemporains, sept artistes internationaux réunis autour de l’eau. Mit Umleitungen stellt die Fondation François Schneider ihre Zeitgenössischen Talente aus, sieben internationale Künstler zum Thema Wasser. Par Von Suzi Vieira

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os courbé, une serpillère plongée dans l’eau qui lui arrive au genou et mouille le bas de sa robe sombre, une femme s’échine à éponger la mer qui l’entoure. Seule avec son chiffon et son seau au milieu de ce grand tableau tissé au point de Gobelin (Mopping), la néerlandaise Jenny Ymker se met en scène – comme dans chacune de ses ubuesques et bucoliques tapisseries où elle promène par monts, forêts et eaux sa solitude face au monde devenu absurde. Ainsi s’ouvre Détournements, l’exposition consacrée aux sept lauréats du concours Talents contemporains qui récompense, chaque année, des plasticiens du monde entier travaillant sur le thème de l’eau. Divagation autour de la peinture de paysage, invention de nouveaux mondes, dénonciation de la surexploitation des ressources, du fourvoiement des espaces naturels et urbains, ironiques ou poétiques détournements d’objets aquatiques… Chacune des œuvres présentées révèle 54

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au visiteur un point de vue singulier sur la manière de vivre notre rapport à l’élément liquide. En 2018, la sud-coréenne Sujin Lim retourne ainsi sur l’île Yeongheung, où les montagnes et les plages de son enfance ont été défigurées par les usines et colonisées par les pylônes électriques. À mi-chemin entre art pictural et performance vidéo, son hypnotique Landscape Painting la voit poser en plein air son chevalet (un peu partout sur l’île). Elle peint ce paysage passé, et aujourd’hui fantasmé, sur des toiles à la semblance de pansements appliqués sur les blessures que notre inhumaine modernité inflige à la Nature. Paquebots gonflables échoués, grosses bouées et piaulements de mouettes diffusés à grand renfort de haut-parleurs peuplent dans un tout autre registre les artificielles plages urbaines photographiées par Céline Dais aux quatre coins de la France (Voir la mer). Il y a du Mar-

tin Parr dans cette délicate immixtion au cœur de l’insouciance estivale des classes populaires – l’ironie grinçante en moins ! Depuis le quasi ready-made de la tunisienne Nadia Kaabi-Linke (Salt & Sand) à l’édifiant film de docu-fiction de Francisco Rodríguez Teare sur le travail forcé de pêcheurs chinois au large des côtes chiliennes (Una Luna de hierro, Une Lune de fer), en passant par les tuyaux de salle de bain métamorphosés en fontaines d’Arthur Hoffner (Monologues et Conversation), le visiteur oscille sans cesse entre trivial et douloureux, incongru et sérieux. Point d’orgue de cette circumnavigation en eaux troubles : le magnético-psychédélique Mashup de Thomas Teurlai, qui téléporte le spectateur hagard dans une ambiance de club berlinois désaffecté. Là, une platine vinyle noyée dans une cabine de douche joue un air méconnaissable de Maxime Le Forestier, dont la voix aurait déraillé sous les éclats acérés des stroboscopes. Épileptiques s’abstenir !


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it gekrümmtem Rücken, einem Scheuerlappen im Wasser, das ihr bis zu den Knien geht und den Rock ihres dunklen Kleides nässt, müht sich eine Frau damit ab, das Meer aufzuwischen, das sie umgibt. Alleine mit ihrem Putzlappen und ihrem Eimer, inmitten dieses großen gewirkten Gobelin-Bildes (Mopping), setzt sich die Niederländerin Jenny Ymker selbst in Szene – wie in jedem ihrer absurden und idyllischen Wandteppiche, in denen sie inmitten von Bergen, Wäldern und Gewässern ihre Einsamkeit im Angesicht einer Welt spazieren trägt, die absurd geworden ist. So eröffnet Umleitungen, die Ausstellung, die den sieben Preisträgern des Wettbewerbs Talents contemporains gewidmet ist und jedes Jahr Künstler aus der ganzen Welt auszeichnet, die zum Thema Wasser arbeiten. Phantasien rund um die Landschaftsmalerei, Entdeckungen neuer Welten, Denunziationen der Ausbeutung der Ressourcen, der Verirrungen des Natur-und Stadtraums, ironische oder poetische Verfremdungen von Wasser-Objekten... Jedes der Werke offenbart dem Besucher einen besonderen Gesichtspunkt auf die Art und Weise wie wir unsere Beziehung zum flüssigen Element erleben. So kehrt die Südkoreanerin Sujin Lim 2018 auf die Insel Yeongheung zurück, auf der die Berge und Strände ihrer Kindheit von den Fabriken entstellt und von den Hochspannungsmasten kolonisiert wurden. Auf halbem Weg zwischen Bildkunst und Video-Performance zeigt ihr hypnotisierendes Landscape Painting sie unter freiem Himmel mit ihrer Staffelei (an verschiedenen Orten der Insel). Sie malt diese vergangene und heute fantasierte Landschaft auf Leinwände, die an Pflaster erinnern, welche auf die Verletzungen aufgebracht werden, die unsere unmenschliche Modernität der Natur zufügt. Aufblasbare gestrandete Kreuzfahrtschiffe, große Bojen und Möwengeschreie, das mit großen Lautsprechern verbreitet wird, bevölkern auf eine ganz andere Art die künstlichen Stadt-Strände, die von Céline Dais in den vier Ecken Frankreichs photographiert wurden (Voir la mer). Es liegt etwas von Martin Parr in dieser zarten Einmischung ins Herz der sommerlichen Unbeschwertheit der unteren

Volksschichten – allerdings ohne seine beißende Ironie! Vom quasi Readymade der Tunesierin Nadia Kaabi-Linke zum aufschlussreichen Doku-Fiktionsfilm von Francisco Rodríguez Teare über die Zwangsarbeit der chinesischen Fischer vor den chilenischen Küsten (Una Luna de hierro, Une Lune de fer), über die Badezimmerrohre, die Arthur Hoffner in Brunnen verwandelt (Monologues et Conversation), schwankt der Besucher ohne Unterlass zwischen Trivialem und Schmerzlichen, Absurdem und Ernstem hin und her. Der Höhepunkt dieser Umschiffung in trüben Gewässern: Das magnetisch-psychedelische Mashup

von Thomas Teurlai, der den verstörten Betrachter in die Stimmung der leerstehenden Berliner Clubs versetzt. Dort gibt ein Plattenspieler, der in einer Duschkabine ertrinkt, eine unkenntliche Melodie von Maxime Le Forestier wieder, dessen Stimme unter dem scharfen Flackern der Stroboskope zu entgleisen scheint. Nichts für Epileptiker! À la Fondation François Schneider (Wattwiller) jusqu’au 27 mars In der Fondation François Schneider (Wattwiller) bis zum 27. März fondationfrancoisschneider.org

Thomas Teurlai, Mashup, 2019

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Le changement permanent Néobiotes décrit l’évolution des espèces dans le Rhin supérieur, questionnant une Nature en transition et pointant le rôle de l’homme.

Der permanente Wandel Neobiota beschreibt die Entwicklung der Arten am Oberrhein, hinterfragt eine Natur im Wandel und zeigt die Rolle des Menschen auf. Par Von Hervé Lévy

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uelles espèces animales et végétales sont réellement indigènes dans le Rhin supérieur ? Il n’est pas aisé de répondre à cette question, d’autant que les humains se sont mêlés à l’affaire très tôt, l’évolution s’accélérant avec la mondialisation. Plusieurs fascinants dioramas montrent ainsi les changements de morphologie du territoire entre le Néolithique – où le paysage s’apparentait à la toundra – et l’époque moderne. Au fil du parcours, le visiteur découvre comment la composition des espèces s’est modifiée au fil du temps, apprenant à distinguer entre archéobiotes, apportés par l’homme avant 1492, et néobiotes qui furent introduits depuis. Le coquelicot appartient, par exemple, à la première catégorie, tandis que la verge d’or du Canada est à classer dans la seconde, débarquant dans le coin au XIXe siècle (comme “pâturage” pour les abeilles) et prenant depuis (un peu trop) ses aises. Le chevreuil, lui, est purement indigène. Ces prolégomènes établis, l’exposition dévoile comment bêtes et plantes voyagent jusqu’à l’espace rhénan, expliquant les effets de leur présence sur leur nouvel habitat.

Certaines espèces apparues récemment sous nos latitudes sont considérées comme invasives – c’est-à-dire qu’elles menacent la biodiversité avec une propagation fulgurante, comme l’écrevisse calicot, détectée en Allemagne en 1993 – voire dangereuses. Pensons au célèbre moustique tigre, originaire d’Asie du Sud-Est et attesté pour la première fois en 2007 dans le Bade-Wurtemberg. Effet dommageable de la mondialisation, l’insecte est susceptible de transmettre chikungunya, dengue, etc. Spécimens vivants ou naturalisés, jeux didactiques – il s’agit, par exemple, de deviner comment telle bestiole est arrivée en Europe – et autres reconstitutions effrayantes, dressent un panorama souvent sombre. Ainsi, dans une section dédiée à la forêt, apprend-on que de nouveaux périls liés au réchauffement de la planète menacent les arbres, à l’image de la chalarose du frêne, maladie causée par un champignon microscopique asiatique ou la prolifération délirante des scolytes xylophages. Comme un rayon de soleil, apparaît un groupe de “revenants” où figurent castor, lynx, grand corbeau ou encore saumon (qui avait été victime de la pollution de l’eau, des barrages et de la destruction des frayères), à nouveau présents sous nos latitudes. Citons aussi le chat sauvage, considéré comme éteint en 1912 et qui a fait son grand retour. Une section entière est de plus dédiée au loup : en avril 2020, 128 meutes, 35 couples et 10 individus isolés avaient été recensés en Allemagne. Et cela, c’est vraiment réjouissant !

W Loup Wolf (Canis lupus), revenant Rückkehrer © SMNK

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elche Tier-und Pflanzenarten sind wirklich einheimisch am Oberrhein? Es ist nicht einfach auf diese Frage zu antworten, insbesondere, da sich der Mensch sehr früh in die Sache eingemischt hat und die Evolution sich mit der Globalisierung beschleunigt. Mehrere faszinierende Dioramen zeigen so die Änderungen in der Morphologie des Gebiets zwischen dem Neolithikum – in dem die Landschaft einer Tundra ähnelte – und der modernen Ära. Im Laufe des Rundgangs entdeckt der Besucher wie sich die Zusammensetzung der Arten im Laufe der Zeit verändert hat, lernt zwischen Archäobiota, die vom Menschen vor 1492 eingeführt wurden, und Neobiota, die seitdem eingeführt wurden, zu unterscheiden. Der Mohn, zum Beispiel, gehört


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Cerf élaphe Rothirsch (Cervus elaphus), indigène heimisch © SMNK

zur ersten Kategorie, während die Kanadische Goldrute, die hier im 19. Jahrhundert (als „Weide“ für Bienen) auftauchte und sich seitdem (zu sehr) ausbreitet, der Zweiten zuzuordnen ist. Das Reh seinerseits ist völlig einheimisch. Nachdem diese Prolegomena etabliert sind, enthüllt die Ausstellung wie Tiere und Pflanzen bis in das Rheingebiet gelangen und erklärt die Auswirkungen ihrer Präsenz auf ihren neuen Lebensraum. Einige Arten, die erst vor Kurzem in unseren Breitengraden aufgetaucht sind, werden als invasiv – das bedeutet, dass sie die Biodiversität durch eine rasend schnelle Ausbreitung bedrohen, wie der Kalikokrebs, der 1993 in Deutschland entdeckt wurde – oder gar gefährlich eingestuft. Man denke an die berühmte Tigermücke, die aus Südostasien stammt und erstmals 2007 in Baden-Württemberg festgestellt wird. Eine schädliche Nebenwirkung der Globalisierung, denn das Insekt kann das Chikungunyafieber und den Denguevirus übertragen. Lebende und präparierte Exemplare, didaktische Spiele – in denen es zum Beispiel darum geht zu erraten wie eine Art nach Europa gekommen ist – und oft erschreckende Rekonstruktionen zeichnen ein oft düsteres Gesamtbild. So lernt man in einem Kapitel, das dem Wald gewidmet ist, dass neue Gefahren in Zusammenhang mit der Klimaerwärmung die Bäume bedrohen, wie die Falschen Weißen Stängelbecherchen, die Eschen befallen, eine Krankheit, welche von einem winzigen asiatischen Pilz hervorgerufen wird oder die wahn-

sinnige Vermehrung der Holz fressenden Borkenkäfer. Wie ein Lichtstrahl erscheint die Rückkehr einer Gruppe, zu der Biber, Luchs, Kolkrabe oder auch Lachs gehören (der Opfer der Wasserverschmutzung, der Staudämme und der Zerstörung der Laichplätze war), die erneut in unseren Breitengraden anzutreffen sind. Zu nennen ist auch die Wildkatze, die 1912 als ausgerottet betrachtet wurde und ihr großes Comeback feiert. Ein ganzes Kapitel ist dem Wolf gewidmet: Im April 2020 wurden in Deutschland 128 Rudel, 35 Paare und 10 isolierte Individuen gezählt. Und das ist wirklich erfreulich! Au Musée d’Histoire naturelle (Karlsruhe) jusqu’au 11 septembre Im Staatlichen Museum für Naturkunde (Karlsruhe) bis zum 11. September smnk.de – neobiota2021.de > Un audioguide en français, allemand et anglais est disponible > Ein Audioguide in deutscher, französischer und englischer Sprache steht zur Verfügung > Abendführungen am 10.02., 10.03., 07.04., 12.05. (18 Uhr) > Exkursionen: „Der Karlsruher Wald im Wandel“ (30.04., 15 Uhr), Kennenlernen des Kalikokrebses (07.05., 15 Uhr), „Neobiota – welche sind schädlich in der Landwirtschaft?“ (21.05., 14 Uhr) Eine vorherige Anmeldung ist für alle Veranstaltungen obligatorisch

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Universal Everything, Infinity, 2021

IA-RT D’une extrême densité, BioMedia questionne la cohabitation entre les formes de vie organiques et artificielles au ZKM, réunissant les propositions visionnaires d’une soixantaine d’artistes. In einer extrem dichten Ausstellung hinterfragt BioMedien die Kohabitation zwischen organischen und künstlichen Lebensformen im ZKM, rund um die visionären Vorschläge von sechzig Künstlern. Par Von Hervé Lévy

«À

toutes les époques, l’Homme a tenté de simuler la vie, des premiers automates aux médias du XXe siècle – du cinéma à l’Op Art, il s’agit de donner l’illusion du mouvement – en passant par le machinisme du XIXe. Aujourd’hui, le numérique et l’intelligence artificielle offrent de nouvelles possibilités », résume Daria Mille, une des trois commissaires de cette passionnante exposition. Elle s’ouvre symboliquement avec Infinity (2021) du collectif Universal Everything, parade sans fin de créatures générées par ordinateur défilant sur un immense écran : toutes différentes, ces bestioles velues arpentent le catwalk avec allégresse. Se dévoilent ensuite des écosystèmes hybrides, tel Algorithmic Swarm Study 58

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(Triptych) / II (2021), installation interactive du collectif Random International : une entité artificielle faite de 500 000 cercles et triangles se meut harmonieusement sur l’écran, simulant le comportement d’un essaim qui réagirait à la présence des visiteurs. Parmi la variété des propositions, se déploie une section dédiée à la communication non humaine où voisine une pièce historique de Gordon Pask, The Colloquy of Mobiles (1968) – étrange système social fait de cinq mobiles organico-scientifiques contrôlés par ordinateur qui “dialoguent” – et un de ses descendants venu au monde en 2019, SpeculativeAI / Exp. #2 (conversation) de Birk Schmithüsen où deux systèmes d’IA papotent. Si elles ont l’air de robots

déglingués sortis d’un film de SF des seventies, ces créations sont des bijoux de technologie : l’une, faite d’une bande de LED de 95 mètres équipée d’un microphone, visualise des formes abstraites en réponse à certains sons. L’autre reçoit un message visuel par le biais d’une caméra et le transforme en son multidimensionnel avec un haut-parleur. Elles se comprennent, interprètent les messages : il serait possible de nommer cela “communication”. Et ça fait un peu peur. C’est ce mélange de fascination absolue et d’une certaine angoisse face aux potentialités de la machine qui irrigue toute l’exposition (où l’on peut passer de fécondes heures), des expériences géniales d’Alexander Schubert (Crawlers, 2020-21, réflexion glaçante sur les


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Daniel Canogar, Fulgurations, 2021, photo : Studio Daniel Canogar

réseaux sociaux) aux créatures signées Sascha Pohflepp, Alessia Nigretti et Matthew Lutz (Those Who, 2019), formant une biosphère numérique autogénérative où la théorie de l’évolution rencontre le digital… Que de progrès faits depuis la simulation informatique des mouvements d’un chat réalisée par Nikolaï Konstantinov, Viktor Minachin et Vladimir Ponomarenko en 1968, en URSS, à l’aide du gigantesque ordinateur BESM-4 ! Ce félin, le grand ancêtre du parcours, a néanmoins encore fière allure.

„I

n allen Epochen hat der Mensch versucht das Leben zu simulieren, von den ersten Automaten bis hin zu den Medien des 20. Jahrhunderts – vom Kino bis zur Op Art, geht es darum, die Illusion von Bewegung zu erzeugen – über die Mechanisierung des 19. Jahrhunderts. Heute bieten die Digitaltechnik und die Künstliche Intelligenz neue Möglichkeiten“, fasst Daria Mille, eine der drei Kuratorinnen dieser begeisternden Ausstellung zusammen. Sie beginnt symbolisch mit Infinity (2021) der Künstlergruppe Universal Everything, einer unendlichen Parade von computererzeugten Kreaturen auf einem riesigen Bildschirm: Diese haarigen Tierchen durchkämmen den catwalk mit ausgelassener Freude. Danach werden hybride Ökosysteme wie Algorithmic Swarm Study (Triptych) / II (2021)

enthüllt, eine interaktive Installation der Künstlergruppe Random International: Eine künstliche Entität aus 500 000 Kreisen und Dreiecken bewegt sich harmonisch auf dem Bildschirm, simuliert dabei das Verhalten eines Schwarms, der auf die Präsenz der Besucher reagiert. Unter den zahlreichen Beiträgen entfaltet sich ein Bereich, der der nichtmenschlichen Kommunikation gewidmet ist, in dem ein historisches Werk von Gordon Pask, The Colloquy of Mobiles (1968) – ein bizarres Sozialsystem aus fünf organisch-wissenschaftlichen Mobile, die von einem Computer koordiniert werden und miteinander im Dialog stehen – und einer seiner 2019 entstandenen Nachfahren SpeculativeAI / Exp. #2 (conversation) von Birk Schmithüsen in dem zwei KI-Systeme miteinander plaudern einander Gegenüberstehen. Auch wenn diese Kreationen wie klapprige Roboter aus einem Science-Fiction-Film der siebziger Jahre aussehen, sind sie Schmuckstücke der Technologie: Der Eine aus einem LED von 96 Metern Länge ist mit einem Mikrophon ausgestattet und visualisiert abstrakte Formen als Antwort auf gewisse Geräusche. Der Andere empfängt eine visuelle Nachricht über eine Kamera und übersetzt diese über einen Lautsprecher in multidimensionalen Ton. Sie verstehen sich, interpretieren die Nach-

richten: Man könnte dies „Kommunikation“ nennen. Und das macht ein wenig Angst. Es ist diese Mischung aus absoluter Faszination und einer gewissen Angst gegenüber den Möglichkeiten der Maschine, die die ganze Ausstellung prägt (in der man fruchtbare Stunden verbringen kann), von den genialen Experimenten von Alexander Schubert (Crawlers, 2020-21, eine Überlegung zu den sozialen Netzwerken, die das Blut in den Adern erstarren lässt) bis zu den Kreaturen von Sascha Pohflepp, Alessia Nigretti und Matthew Lutz (Those Who, 2019), die eine selbst-generative digitale Biosphäre formen, in der die Evolutionstheorie auf die Digitaltechnik trifft... Welche Fortschritte, seit der informatischen Simulation der Bewegung einer Katze, die Nikolaï Konstantinov, Viktor Minachin und Vladimir Ponomarenko im Jahr 1968, in der UdSSR mithilfe eines BESM-4-Computers realisierten! Diese Raubkatze, der Urahn dieses Rundgangs ist immer noch eine stolze Erscheinung. Au ZKM (Karlsruhe) jusqu’au 28 août Im ZKM (Karlsruhe) bis zum 28. August zkm.de > Geführte Besichtigungen jeden Samstag (16:30 Uhr) und Sonntag (11:30 Uhr) > Geführte Besichtigungen durch die Ausstellung mit evangelischen und katholischen Theologen „Überschreitungen. Kirche im ZKM“, 04.02. & 06.05., 16 Uhr

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Mordant Au Musée Tomi Ungerer, Rire à pleines dents explore avec jubilation Six siècles de satire graphique à travers quelque 200 œuvres.

Bissig

Im Musée Tomi Ungerer erkundet Aus vollem Halse lachen mit Jubel Sechs Jahrhunderte grafischer Satire anhand von rund 200 Werken. Par Von Hervé Lévy

S

i la satire est née dans l’Antiquité – avec Horace ou Juvénal –, elle quitte véritablement la sphère littéraire pour entrer dans l’ère visuelle avec la naissance de l’imprimerie. Construite thématiquement, cette passionnante exposition en narre l’épopée, débutant avec les procédés de fabrication de l’image qui consistent bien souvent à jouer avec les corps, à l’image de Lucas Cranach l’ancien. Acquis aux idées luthériennes, il imagina, dans les années 1520, des créatures hybrides comme le Mönschkalb (veau-moine) ou le Baptsesel (âne-pape), histoire de dézinguer le catholicisme. Dans cette première section, se découvrent aussi un pliage

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génial faisant apparaître la tête d’Hitler à partir de quatre cochons, les Gobbi de Jacques Callot – personnages grotesques inspirés des bouffons et des nains de cour du grandduc Cosme II de Médicis – ou encore une composition anticléricale signée Eugène Ogé où un curé ressemblant à une inquiétante chauve-souris avec sa soutane pose ses griffes sur le Sacré-Cœur, suivi d’une nuée de ses semblables. Voilà transition idoine pour la section suivante dédiée aux Contre-pouvoirs et explorant une des thématiques favorites du satiriste : la critique de l’ordre en place. Le visiteur y apprécie notamment le célèbre dessin de Charles Philipon métamorphosant, en


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quatre étapes, le visage de Louis-Philippe en… poire. Y est aussi accrochée une gravure de Félicien Rops où un vautour bicéphale plane au-dessus du cadavre de la Liberté. Intitulée L’Ordre règne à Varsovie, elle reprend l’expression maladroite d’Horace Sébastiani, ministre des affaires étrangères d’alors, pour expliquer que la Russie avait maté l’insurrection polonaise de 1831. Et le dessin se fait alors un passionnant guide dans l’Histoire. Le reste du parcours (La Femme dans tous ses états, Le Théâtre du monde puis Rire et faire peur) fait preuve d’une semblable diversité, allant de la ligne claire made in USA de Saul Steinberg, avec un remarquable paysage californien des fifties, à la causticité d’Horace Vernet qui brocarde la mode du début du XIXe siècle. Au gré des salles se retrouvent, en fil rouge, les dessins de Tomi Ungerer, dont The back of beyond (Le Revers de l’au-delà), issu de la série Rigor Mortis, allégorie saisissante de la mort, tapie au coin de nos existences. Tout en légèreté macabre, ce Memento mori datant du mitan des années 1980 possède une incroyable puissance philosophique et esthétique, nous incitant à réfléchir à notre humaine destinée…

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ie Satire, die in der Antike – mit Horaz und Juvenal – geboren wurde, verlässt mit der Erfindung des Buchdrucks die literarische Sphäre um in die visuelle Ära einzutreten. Diese thematisch aufgebaute, begeisternde Ausstellung erzählt diesen Epos, der mit den Herstellungsprozessen

des Bildes beginnt, die oft auf dem Spiel der Körper beruhen wie bei Lucas Cranach dem Älteren. Von den Ideen Luthers ergriffen, kreierte er in den 1520er Jahren hybride Kreaturen wie das Mönschkalb und den Baptsesel, um den Katholizismus herabzusetzen. In dieser ersten Abteilung entdeckt man auch eine geniale Faltung, die aus vier Schweinsköpfen den Kopf von Hitler formt, die Gobbi von Jacques Callot – groteske Figuren, die von den Hofnarren und Zwergen am Hofe des Cosimo II. de Médicis inspiriert sind – oder auch kirchenfeindliche Kompositionen von Eugène Ogé, in denen ein Pfarrer mit seiner Soutane, der an eine Furcht einflössende Fledermaus erinnert, seine Krallen um das Sacré-Cœur gelegt hat und von einem Schwarm seiner Artgenossen umgeben ist. Die passende Überleitung zur folgenden Abteilung, die den Gegenmächten gewidmet ist und eines der bevorzugten Themen der Satire erkundet: die Kritik an der bestehenden Ordnung. Der Besucher schätzt hier insbesondere die berühmte Zeichnung von Charles Philipon, die in vier Etappen das Gesicht von Louis-Philippe in eine Birne verwandelt. Auch eine Gravur von Félicien Rops wird gezeigt, in der ein zweiköpfiger Geier über dem Kadaver der Freiheit kreist. Mit dem Titel Ordnung herrscht in Warschau nimmt sie die ungeschickte Aussage von Horace Sébastiani, dem damaligen Außenminister auf, um zu erklären, dass Russland den polnischen Aufstand von 1831 bezwungen hatte. Und so wird die Zeichnung zum wunderbaren Führer durch die Geschichte. Der Rest des Rundgangs (Die Frau in allen ihren Formen, Das Theater der Welt und Lachen und Angst machen) ist genauso vielfältig, von der Ligne claire made in USA von Saul Steinberg, mit einer bemerkenswerten kalifornischen Landschaft aus den fünfziger Jahren, bis zur Bissigkeit von Horace Vernet, der die Mode vom Anfang des 19. Jahrhunderts verspottet. Im Laufe der Säle findet man als roten Faden die Zeichnungen von Tomi Ungerer, darunter The back of beyond (Le Revers de l’au-delà), aus der Serie Rigor Mortis, eine ergreifende Allegorie des Todes, die sich in den Ecken unserer Existenz verkriecht. Voller makabrer Leichtigkeit besitzt dieses Memento mori aus der Mitte der 1980er Jahre eine unglaubliche philosophische und ästhetische Wucht, die uns dazu anregt über unser menschliches Schicksal nachzudenken... Au Musée Tomi Ungerer (Strasbourg) jusqu’au 13 mars Im Musée Tomi Ungerer (Straßburg) bis zum 13. März musees.strasbourg.eu > De Bâle à Strasbourg, rencontre avec Annette Gehrig, directrice du Cartoonmuseum Basel (19/02, 14h30), Tout change, rien ne change, décryptage par l’illustratrice Jennifer Yerkes (06/03, 14h30) > Conférences à l’Auditorium des Musées : Dent pour dent, rire contre rire, les dentistes au crible de la caricature par Brigitte Friant-Kessler (22/02, 18h30), Les Greffes, hybridations, charades, le corps de la gravure satirique par Martial Guédron (24/02, 18h30)

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1. Ronald William Fordham Searle, Everyman, 1977, Museum Wilhelm Busch - Deutsches Museum für Karikatur und Zeichenkunst, prêt de la ville de Hanovre Leihgabe der Stadt Hannover © The Ronald Searle Cultural Trust 2. Hans Weiditz, La vieille femme avec deux enfants Die Alte mit zwei Kindern, vers um 1520. Stiftung Schloss Friedenstein Gotha © Stiftung Schloss Friedenstein Gotha

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sélection expos ausstellungs-auswahl

Alfred Seiland, Mosquée Nasir-ol-Molk, Shiraz Nasir-ol-Molk-Moschee, Schiras, Iran, 2019

Broken Paradise Sujet principal des dessins à l’encre de Chine de Thomas Henriot, Cuba, saisi sur le vif, à même la rue. Das zentrale Thema der Tuschezeichnungen von Thomas Henriot, Kuba, spontan festgehalten, auf der Straße. Jusqu’au Bis 12/02, Galerie Sandra Blum (Strasbourg) galeriesandrablum.fr Maintenant ou jamais Un aperçu de la Collection LBBW, à l’occasion de ses 50 ans, avec des œuvres de Georg Baselitz, Andreas Gursky, Thomas Schütte, Cindy Sherman, etc. Eine Auswahl der Sammlung LBBW anlässlich ihres 50. Jubiläums mit Werken von Georg Baselitz, Andreas Gursky, Thomas Schütte, Cindy Sherman, etc. Jusqu’au Bis 20/02, Kunstmuseum (Stuttgart) kunstmuseum-stuttgart.de Arts de l’Islam Voilà un projet unique de 18 expositions dans autant de villes, chacune présentant des œuvres historiques et contemporaines, issues principalement du Louvre. Ein einzigartiges Projekt mit 18 Ausstellungen in ebensovielen Städten, jede präsentiert historische und zeitgenössische Werke, hauptsächlich aus dem Louvre. Jusqu’au Bis 27/03, Galerie Poirel (Nancy) & Musées des Beaux-Arts (Dijon) expo-arts-islam.fr Aller contre le vent Cette exposition collective rassemble des pièces (de Marina Abramovic, Cyprien Gaillard, Mario García Torres…) dont la dimension performative engage le vivant. Diese Gruppenausstellung vereint Werke (von Marina Abramovic, Cyprien Gaillard, Mario García Torres…) mit einer lebendigen Performance-Dimension. Jusqu’au Bis 30/04, Frac Franche-Comté (Besançon) frac-franche-comte.fr 62

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Thomas Henriot, Vedado

Iran between times Sont montrées une soixantaine d’images créées pendant les voyages d’Alfred Seiland à travers l’Iran depuis 2017. Le photographe s’intéresse au rapport entre passé et présent. Rund sechzig Aufnahmen werden gezeigt, die auf den Reisen von Alfred Seiland durch den Iran seit 2017 entstanden sind. Der Photograph interessiert sich für die Beziehung zwischen Vergangenheit und Gegenwart. Jusqu’au Bis 11/09, MNHA (Luxembourg) mnha.lu Gabriele Münter À la découverte d’une Pionnière de l’art moderne, cofondatrice du Cavalier bleu et figure majeure de l’expressionisme allemand. Entdeckung einer Pionierin der Moderne, Mitgründerin des Blauen Reiters und Hauptfigur des deutschen Expressionismus. 29/01-08/05, Zentrum Paul Klee (Berne) zpk.org Stories of conflict Un des photographes allemands les plus importants, célèbre pour ses portraits d’Angela Merkel, Andreas Mühe, traite de thèmes sociologiques, historiques et politiques mis en scène de manière souvent grandiose. Einer der wichtigsten Photographen Deutschlands, der für seine Portraits von Angela Merkel berühmt ist: Andreas Mühe behandelt soziologische, historische und politische Themen, die auf oft grandiose Weise in Szene gesetzt werden. 16/02-19/06, Städel Museum (Francfort-sur-le-Main) staedelmuseum.de



GASTRONOMIE

D’un Jardin l’autre Avec Le Jardin de France im Stahlbad, Sophie et Stéphan Bernhard investissent une institution gastronomique de Baden-Baden.

New garden

Mit Le Jardin de France im Stahlbad erobern Sophie und Stéphan Bernhard eine gastronomische Institution in Baden-Baden. Par Von Hervé Lévy

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adresse dont le nom évoque un bain aux eaux ferrugineuses est un des mythes gastronomiques outre-Rhin où Willi Schwank obtint deux Étoiles au Guide Michelin. En déshérence depuis de longues années, le lieu où se sont multipliées les expériences erratiques, est réinvesti par Sophie et Stéphan Bernhard… qui traversent la route avec pour volonté de « faire revivre l’histoire ». Quittant la cour intérieure d’un immeuble du XIXe siècle, ils ouvrent au début du mois de mars Le Jardin de France im Stahlbad dans ce cadre d’un brillant classicisme prolongé par un patio élégant. Si le décor a changé, le credo du duo reste 64

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le même : « Une cuisine du cœur. » Récompensée par une Étoile, elle est pétrie d’évidence et de générosité avec des inspirations françaises mâtinées de quelques références germaniques. On craque ainsi pour une parfaite alliance entre terre et mer de saison : grillé en toute souplesse, un homard à la chair délicate s’amuse d’une purée de marrons et de champignons de Paris, rehaussé par un extatique jus de volaille aux truffes.

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ie Adresse, deren Name an ein Bad mit eisenhaltigem Wasser erinnert, ist einer der Gastronomiemythen der Region, in der Willi

Schwank zwei Sterne im Guide Michelin erhält. Seit langen Jahren in Vergessenheit geraten wird der Ort, an dem zahlreiche unstete Experimente stattfanden, von Sophie und Stéphan Bernhard wiederbelebt... die einmal die Straße überqueren, mit der Absicht „die Geschichte wieder aufleben zu lassen“. Sie verlassen den Innenhof eines Gebäudes aus dem 19. Jahrhundert und eröffnen Anfang März Le Jardin de France im Stahlbad, in diesem Rahmen des brillanten Klassizismus, der von einem eleganten Patio erweitert wird. Auch wenn sich der Dekor ändert, bleibt das Kredo des Duos das gleiche : „Eine Küche des Herzens.“ Mit einem Stern belohnt, ist sie durchdrungen von Selbstverständlichkeit und Großzügigkeit, mit französischen Inspirationen, die auf deutsche Referenzen treffen. Eine perfekte saisonale Allianz zwischen Land und Meer lässt schwach werden: Ein leicht gegrillter Hummer amüsiert sich mit einem Püree aus Esskastanien und Champignons, unterstrichen von einem ekstatischen Geflügelsud mit Trüffeln. Le Jardin de France im Stahlbad est situé Augustaplatz 2 (Baden-Baden), ouverture début mars Le Jardin de France im Stahlbad liegt am Augustaplatz 2 (Baden-Baden), Eröffnung Anfang März lejardindefrance.de



UN DERNIER POUR LA ROUTE AUF EIN LETZTES GLAS

Punks Not Dead Talentueux jusqu’au-boutiste du nature, Lambert Spielmann œuvre au Domaine in Black, nouvelle pépite du vignoble alsacien. Der talentierte Hardliner des Naturweins, Lambert Spielmann, wirkt im Domaine in Black, einem neuen Stern am elsässischen Weinhimmel.

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il n’est pas né dans le vin, Lambert Spielmann – qui a grandi « à Erstein, au milieu des betteraves et des choux » – a eu une véritable révélation en Anjou, chez François Saint Lô. Ayant appris le métier, notamment chez Yves Amberg, à Epfig, il s’installe au Domaine in Black, à Saint-Pierre, en 2019, plus une référence aux Stranglers qu’au nanar de Barry Sonnenfeld. Son credo : la liberté ! Sa philosophie ? « Zéro ajout, zéro retrait. ». La nature et rien d’autre. Extrémiste ? Ouaip ! Une sorte de mélange improbable entre rigueur dans la vinification et esprit punk. Dans son salon, c’est du reste un portrait de Shane MacGowan qui accueille le visiteur… Sur 2,5 hectares répartis entre de nombreuses parcelles, le trentenaire produit aujourd’hui une dizaine de cuvées exprimant chacune son terroir d’origine, soit quelque 10 000 bouteilles l’an, ce qui explique la rareté de ses vins aux noms poético-comiques, qu’il enjoint de déguster en musique. On aime Red Z’Epfig (50 % pinot noir et 50 % pinot gris) ou encore Complètement Red dont l’appellation même est à la fois un résumé et un appel. Pour les prochaines disponibilités, il faudra attendre avril…

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uch wenn er nicht im Wein geboren wurde, hatte Lambert Spielmann – der „in Erstein zwischen Zuckerrüben und Kohl aufwuchs“– in Anjou bei François Saint

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Lô eine echte Offenbarung. Nachdem er den Beruf insbesondere bei Yves Amberg in Epfig erlernt hat, installiert er sich 2019 auf dem Domaine in Black in Saint-Pierre, das eher eine Anspielung auf die Stranglers als auf den schlechten Film von Barry Sonnenfeld ist. Sein Kredo: Die Freiheit! Seine Philosophie? „Null Zusätze, null Abzüge“. Natur pur. Extremist? Ja! Eine unwahrscheinliche Mischung aus Strenge in der Herstellung des Weins und Punk-Geist. In seinem Salon wird der Besucher von einem Portrait von Shane MacGowan empfangen... Auf 2,5 Hektar, die sich über zahlreiche Parzellen verteilen, produziert der Dreißigjährige heute rund zehn Weine, die jeweils ihr Anbaugebiet ausdrücken, rund 10 000 Flaschen pro Jahr, was die Seltenheit seiner Weine mit poetisch-komischen Namen erklärt, zu deren Verkostung er Musik empfiehlt. Wir lieben Red Z’Epfig (50 % Pinot Noir und 50 % Pinot Gris) oder auch Complètement Red (französisches Wortspiel zwischen Rotwein und „komplett besoffen“), dessen Bezeichnung gleichzeitig ein Resümee und eine Aufforderung ist. Für die nächsten Flaschen muss man bis April warten... Domaine in Black 5 rue du Lusthaeusel (Saint-Pierre)

L‘abus d‘alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

Par Von Hervé Lévy – Photo de von Geoffroy Krempp pour für Poly




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