N°244
MARS MÄRZ
2022 POLY.FR
MAGAZINE
DOPE SAINT JUDE hip-hop queer
BRÈVES IN KÜRZE
DR
Floyd Gottfredson © Walt Disney Company 2022 / Collection Reichelt et Brockmann
À Jamait
Une poésie enivrante accompagnée à l’accordéon et à la guitare : Yves Jamait est une voix singulière de la chanson française. Il nous convie à la découverte de son univers où se croisent musique pétrie de douce énergie et textes aux résonances profondes. L’artiste est de retour sur scène en mars, à La Fraternelle de Saint-Claude (11/03), au Bœuf sur le toit de Lons-le-Saunier (12/03), à l’Espace Rohan de Saverne (15/03) et au PréO d’Oberhausbergen (17/03). Eine berauschende Poesie mit Akkordeon und Gitarre: Yves Jamait ist eine besondere Stimme des französischen Chansons. Er lädt uns dazu ein sein Universum zu entdecken, in dem Musik voller zarter Energie und Texte mit tiefer Resonanz aufeinandertreffen. Der Künstler ist im März zurück auf der Bühne, in La Fraternelle de Saint-Claude (11.03.), im Bœuf sur le toit de Lons-le-Saunier (12.03.), im Espace Rohan de Saverne (15.03.) und im PréO d’Oberhausbergen (17.03.). jamait.fr
Mickey, Donald & Co
Barks, Taliaferro ou Gottfredson : la kunsthalle messmer accueille Les grands dessinateurs de Disney à Riegel am Kaiserstuhl (05/03-12/06). Croquis et story-boards originaux explorent la naissance des films d’animation comme les premières Silly Symphonies qui ont fait la célébrité des studios Disney. Barks, Taliaferro oder Gottfredson: Die kunsthalle messmer empfängt Disneys große Zeichner in Riegel am Kaiserstuhl (05.03.-12.06.). Originalskizzen-und Storyboards erkunden die Geburtsstunde des Animationsfilms, wie die ersten Silly Symphonies, die die Disney-Studios berühmt gemacht haben. kunsthallemessmer.de
L’art du bon goût
Avec À table ! (19/03-16/10), le Saarlandmuseum de Sarrebruck s’intéresse aux différentes facettes de l’art culinaire avec objets en argent, superbes natures mortes – notamment du XVIIe siècle signées Johannes Bouman – mais aussi faïence et porcelaine contemporaine de Livia Marin.
Die Kunst des guten Geschmacks
Mit Zu Tisch! (19.03.-16.10.) interessiert sich das SaarlandmuseumAlte Sammlung in Saarbrücken für die verschiedenen Facetten der kulinarischen Kunst mit Objekten aus Silber, wunderbaren Still-Leben – insbesondere aus dem 17. Jahrhundert von Johannes Bouman – aber auch Fayencen und zeitgenössischem Porzellan von Livia Marin. kulturbesitz.de Livia Marin, Broken Things VI, Porzellan, 2020 © Livia Marin. Foto: Ralf Christofori
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Independant
Le Luxembourg City Film Festival (03-13/03) change de dimension en 2022 grâce à la sélection cannoise de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, vitrine aux jeunes talents, notamment Aya de Simon Coulibaly Gillard (en photo) ou Everything will be ok de Rithy Panh. Elia Suleiman en sera le président d’honneur tandis que Terry Gilliam donnera une masterclass de rêve (05/03, Cinémathèque de la Ville de Luxembourg). Das Luxembourg City Film Festival (03.-13.03.) wechselt 2022 die Dimension, dank der Cannes-Auswahl der Association du cinéma indépendant. Eine Vitrine für junge Talente, insbesondere mit Aya von Simon Coulibaly Gillard (siehe Photo) oder Everything will be ok von Rithy Panh. Elia Suleiman wird Ehrenpräsident sein, während Terry Gilliam eine traumhafte Masterclass geben wird (05.03., Cinémathèque de la Ville de Luxembourg). luxfilmfest.lu
Laurent Impeduglia, AHAHAHA © Galerie Delphine Courtay
BRÈVES IN KÜRZE
Art’East
Après Pop-Up Artistes en 2020, exposition explorant la diversité créative des plasticiens du bassin rhénan, la Fondation Fernet-Branca remet le couvert. Pop-Up Galeries (06-27/03, Saint-Louis) met cette fois à l’honneur les propositions d’une vingtaine de galeries du Grand Est. Nach den Pop-Up Artistes im Jahr 2020, einer Ausstellung, die die kreative Vielfalt der Künstler der Rheinebene erkundete, beginnt die Fondation Fernet-Branca etwas Neues. Pop-Up Galeries (06.-27.03., Saint-Louis) stellt die Präsentationen von rund zwanzig Galerien des Grand Est vor. fondationfernet-branca.fr
Eve, 1998 © Courtesy L'Estampe
Color block
La strasbourgeoise galerie L’Estampe fête Les 100 ans de Corneille (04-25/03). Le peintre néerlandais, pas le dramaturge français ! Guillaume Cornelis Van Beverloo (1922-2010), alias Guillaume Corneille, est surtout célèbre pour ses expressionnistes eaux-fortes intensément colorées, peuplées d’oiseaux et de félins domestiqués. Die Straßburger Galerie L’Estampe feiert 100 Jahre Corneille (04.-25.03.). Der niederländische Maler, nicht der französische Dramatiker! Guillaume Cornelis Van Beverloo, alias Guillaume Corneille (1922-2010) ist vor allem bekannt für seine expressionistischen Radierungen mit intensiven Farben, die von Vögeln und gezähmten Raubkatzen bevölkert werden. estampe.fr POLY 244
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BRÈVES IN KÜRZE
L‘abus d‘alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération © Grape Things / Pexels
Mondovino
Résolument engagés dans leur métier, les Vignerons indépendants nous convient à leur 29e salon strasbourgeois. Tous les meilleurs crus répondront à l’appel(lation) au Parc des expositions (25-28/03). Il ne s’agit ici pas seulement d’acheter de bonnes bouteilles, de se réapprovisionner en millésimes rares, mais aussi de déguster (voir, sentir et goûter… avec modération) et d’échanger. Die sehr engagierten Vignerons indépendants laden uns zu ihrem 29. Salon in Straßburg ein. Die besten Flaschen werden dem Aufruf im Parc des expositions (25.-28.03.) Folge leisten. Es geht nicht nur darum guten Wein zu kaufen, sich mit seltenen Jahrgängen einzudecken, sondern auch zu probieren (zu riechen, zu schmecken... natürlich in Maßen) und sich auszutauschen. vigneron-independant.com
Rococo
© punktlive Walter and Paul Guillaume Collection, © RMN-Grand Palais / Franck Raux
Pierre-Auguste Renoir, Femme nue au paysage, 1883, Musée de l’Orangerie, Paris, Jean
Le Städel Museum de Francfort juxtapose les œuvres d’un des plus célèbres impressionnistes avec celles de ses contemporains (Degas, Manet…) et prédécesseurs du XVIIIe siècle. Renoir, Rococo Revival (02/03-19/06) montre la renaissance, au XIXe siècle, d’un style magnifié par Watteau ou Fragonard. Das Städel Museum in Frankfurt am Main stellt die Werke eines der berühmtesten Impressionisten jenen seiner Zeitgenossen (Degas, Manet...) und Vorgänger aus dem 18. Jahrhundert gegenüber. Renoir, Rococo Revival (02.03.-19.06.) zeigt die Renaissance eines von Watteau oder Fragonard verherrlichten Stils im 19. Jahrhundert. staedelmuseum.de
Theater 2.0
3 x 1 place à gagner 3x1 Platz zu gewinnen /mag.poly
Figure de proue du nouveau théâtre digital, le collectif allemand punktlive s’attaque avec möwe.live au classique russe d’Anton Tchekhov, La Mouette. Coproduite par le Festival Perspectives, cette adaptation pour l’espace numérique – carrément bluffante ! – est jouée en temps réel uniquement (07/03, 20h, allemand sous-titré en français). Die Galionsfigur des digitalen Theaters, das deutsche Kollektiv punktlive, nimmt mit möwe.live den russischen Klassiker von Anton Tschechow in Angriff. Gemeinsam mit dem Festival Perspectives produziert, wird diese – wirklich verblüffende! – Bearbeitung für den digitalen Raum nur in Echtzeit gespielt (07.03., 20 Uhr). festival-perspectives.de
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THOMAS FLAGEL
SARAH MARIA KREIN
Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly.
Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK.
Balkantheater, experimenteller Tanz, afrikanische Autoren... seine Neugierde ist grenzenlos !
Diese Französin im Herzen ist mit allen Wassern gewaschen: Übersetzung, Redaktion, Korrektion... Fügen wir „Truppenmotivation im Falle von Durchhängern“ hinzu.
Berlin Bear © Geoffroy Krempp
OURS Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert) Liste aller Mitarbeiter einer Zeitschrift (Duden)
www.poly.fr — www.poly.fr/de DIRECTEUR DE LA PUBLICATION HERAUSGEBER Julien Schick julien.schick@bkn.fr RÉDACTEUR EN CHEF CHEFREDAKTEUR Hervé Lévy herve.levy@poly.fr LA RÉDACTION DIE REDAKTION Thomas Flagel thomas.flagel@poly.fr
Suzi Vieira suzi.vieira@bkn.fr
TRADUCTRICE ÜBERSETZERIN
JULIEN SCHICK
ANAÏS GUILLON
Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ?
Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’une Fiat 500 lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique !
Er plaudert mit seinem Freund Rudy über Architektur, sucht Morcheln in den elsässischen Wäldern. Aber wie schafft er es nebenbei Herausgeber von Poly zu sein?
Zwischen frenetischen Klicks und Wurstbuden-Humor erhellt sie das GraphikStudio mit ihrem atomaren Lachen.
Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO HABEN AN DIESER AUSGABE TEILGENOMMEN Anissa Bekkar, Geoffroy Krempp, Benoît Linder, Stéphane Louis, Pierre Reichert, Irina Schrag, Florent Servia, Daniel Vogel & Raphaël Zimmermann STUDIO GRAPHIQUE GRAFIKSTUDIO Anaïs Guillon anais.guillon@bkn.fr
Camille Dorland studio@bkn.fr
DIGITAL Jordan Herth webmaster@bkn.fr MAQUETTE LAYOUT Blãs Alonso-Garcia logotype Anaïs Guillon maquette avec l’équipe de Poly ADMINISTRATION GESCHÄFTSFÜHRUNG
SUZI VIEIRA
ÉRIC MEYER
Après Courrier international ou Books, elle pose ses valises à Poly. Intraitable avec les concepts, elle jongle avec les mots comme son homonyme le faisait avec les ballons à la Coupe du monde 1998.
Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain.
Nach Courrier international und Books, ist sie bei Poly angekommen. Unnachgiebig wenn es um Konzepte geht, spielt sie mit den Worten, wir ihr Homonym mit den Bällen bei der Fußballweltmeisterschaft 1998.
Miesepeter und Lebenskünstler. Zu seinem poetischen Universum von Objekten aus Blech kommt ein weiteres hinzu, die bissige und virtuose Beschreibung unserer zeitgenössischen Welt, die er graviert.
Verpassen Sie keine Ausgabe von POLY mehr! Schicken Sie eine Email mit ihrer Anschrift an administration@bkn.fr Bitte überweisen Sie das Porto an folgende Bankdaten:
Mélissa Hufschmitt melissa.hufschmitt@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 30 DIFFUSION VERTRIEB Vincent Bourgin vincent.bourgin@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 32 CONTACTS PUB ANZEIGENSCHALTUNG Julien Schick julien.schick@bkn.fr Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr Laetitia Waegel laetitia.waegel@bkn.fr Pierre Ledermann pierre@poly.fr Patrice Brogard patrice@poly.fr Benjamin Lautar benjamin@poly.fr BKN Éditeur & BKN Studio 16 rue Édouard Teutsch 67000 Strasbourg www.bkn.fr Magazine mensuel édité par BKN Dépôt légal : Février 2022 — Impression : CE S.à.R.L. au capital de 100 000 € SIRET : 402 074 678 000 44 — ISSN 1956-9130
Magazin POLY / Éditions BKN IBAN FR76 3008 7330 0100 0201 6510 123 BIC : CMCIFRPP ► 6 deutsch-französische Ausgaben 30€ ► 11 Ausgaben (französisch + deutsch-französisch) 50€ 8
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© Poly 2022 Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.
SOMMAIRE INHALTSVERZEICHNIS
SCÈNE BÜHNE 18 Les Vagamondes, festival sans frontières Les Vagamondes, Festival ohne Grenzen
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26 Un Tanzfestival Saar aux couleurs franco-allemandes Ein Tanzfestival Saar in deutsch-französischen Farben 34 Jeune star de la danse flamande, Jan Martens présente Any attempt… Der junge Star des flämischen Tanzes Jan Martens präsentiert Any attempt...
MUSIQUE MUSIK 42 Caribou, tubes deep-house, perle electronica et sensibilité pop Caribou, Deep-House-Hits, Elektronic-Perlen und sensibler Pop
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48 Marquis Hill, grand trompettiste jazz Marquis Hill, der große Jazz-Trompeter 52 Le festival Arsmondo explore les cultures tsiganes Das Festival Arsmondo erkundet die Kulturen der Roma
EXPOSITION AUSSTELLUNG 68 Le flower power de Georgia O’Keeffe à Beyeler Die Flower-Power von Georgia O’Keeffe in der Fondation Beyeler
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72 Boaz et ses belles histoires Boaz und seine schönen Geschichten 74 Voyage dans le cosmos avant-gardiste d’Ulrike Ottinger Reise in den avantgardistischen Kosmos von Ulrike Ottinger
GASTRONOMIE 80 Douce Steiner, seule femme doublement étoilée d’Allemagne Douce Steiner, die einzige Zwei-Sterne-Köchin Deutschlands
COUVERTURE TITELBILD
© Jennifer Arieleno-O’Neil
Tout droit venue d’Afrique du Sud, avec son rap cru, Dope Saint Jude – ici capturée par l’œil de Jennifer Arieleno-O’Neil – est la nouvelle femme puissante du mouvement hip-hop. Dans la lignée des punks Riot Grrrl des années 1990, mais version intersectionnelle, cette icône queer, noire et féministe revendique l’égalité sociale, raciale et sexuelle dans chacune de ses punchlines. Direkt aus Südafrika kommt Dope Saint Jude mit ihrem rohen Rap – hier aufgenommen von Jennifer Arieleno-O’Neil – die neue starke Frau der Hip-Hop-Bewegung. In der Linie der Punks Riot Grrrl aus den 1990er Jahren, aber in intersektioneller Version, fordert diese schwarze und feministische Queer-Ikone in jeder ihrer Punchlines soziale, rassenbezogene und sexuelle Gleichheit. 10
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ÉDITO
Wild Wild Wilms Par Von Hervé Lévy — Illustration de von Éric Meyer pour für Poly
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l était l’un des derniers. Dans nos colonnes, il déclarait, il y a dix ans qu’il fallait à tout prix « échapper à ce qui compte aujourd’hui : Koh Lanta, RolandGarros, les top-models érigés en modèles, Marc Lévy et les merdes qu’il écrit… Voilà l’apocalypse culturelle ! » Putain, dix ans ! Et quels changements ? Peanuts, nada, que dalle ! Natif de Strasbourg, aimé des deux côtés du Rhin et ailleurs, André Wilms s’en est allé le 9 février 2022. Restent des torrents de souvenirs flottant dans les salles obscures : Aki Kaurismäki bien sûr, (Le Havre, le génial Leningrad Cowboys Meet Moses) et tant d’autres. Maigret / Depardieu, aujourd’hui. Mais aussi le théâtre – Jean-Pierre Vincent, Sobel, Lavaudant et surtout Klaus Michael Grüber – ou la musique. Ceux qui ont vu Eraritjaritjaka de Heiner Goebbels s’en souviennent toute leur existence. Figure de la radicalité, il s’en est allé et nous pleurons celui qui privilégiait l’Art plutôt que la culture. Mais en somme la Culture, la vraie, la tatouée, celle qui nous questionne sur tout et avant tout sur le monde et nous-mêmes, n’est-ce pas justement cela ? 12
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r war einer der Letzten. In unseren Seiten sagte er vor zehn Jahren, dass man um jedem Preis „dem entkommen müsse, was heute zählt: Koh Lanta*, Roland-Garros, den Topmodels, die zum Vorbild erhoben werden, Marc Lévy und der Scheiße, die dieser schreibt... Die kulturelle Apokalypse!“ Und das ist schon zehn Jahre her! Und was hat sich geändert? Peanuts, nada, gar nix! Der gebürtige Straßburger André Wilms, der beiderseits des Rheins und darüber hinaus beliebt war, ist am 9. Februar 2022 von uns gegangen. Es bleiben zahlreiche Erinnerungen in den dunklen Sälen: Aki Kaurismäki natürlich, (Le Havre, der geniale Leningrad Cowboys Meet Moses) und so viele andere. Maigret / Depardieu, heute. Aber auch das Theater – Jean-Pierre Vincent, Sobel, Lavaudant und vor allem Klaus Michael Grüber – oder die Musik. Wer Eraritjaritjaka von Heiner Goebbels gesehen hat, erinnert sich ein Leben lang daran. Er war eine Figur der Radikalität, er ist von uns gegangen und wir trauern um jenen, der die Kunst mit einem großen K der Kultur mit einem kleinen k vorzog. Aber letztendlich, ist die Kultur, die Echte, jene die uns zu allem befragt und vor allem zur Welt und uns selbst, ist sie nicht gerade das? *
französische Sendung des Reality-TV
© Jean Elliot Senior
© Bartosch Salmanski - 128db.fr
CHRONIQUES
Voices for Today
Ensemble strasbourgeois à géométrie variable, Accroche Note fête ses 40 ans, publiant Solo voice +, double CD dédié à la soprano Françoise Kubler, une de ses fondatrices. Il rassemble des pages de compositeurs contemporains “historiques” – Dusapin, Mâche et ses géniaux Trois chants sacrés, Rihm, etc. – et de jeunes pousses. Parmi elles, la coréenne Jiwon Seo avec Eon 3m, oq où la voix (présente sous toutes ses coutures dans le disque) erre avec finesse, proche de l’implosion, aux confins du râle. (H.L.) Das Straßburger Ensemble Accroche Note feiert sein 40. Jubiläum mit Solo voice +, einer Doppel-CD, die der Sopransängerin Françoise Kubler, einer seiner Gründerinnen gewidmet ist. Sie vereint Seiten von „historischen“ zeitgenössischen Komponisten – Dusapin, Mâche und seine genialen Trois chants sacrés, Rihm, etc. – und jungen Talenten. Darunter die Koreanerin Jiwon Seo mit Eon 3m, oq bei der die Stimme (die auf der CD viele Formen einnimmt) mit Finesse herumirrt, Nahe an der Implosion, an der Grenze zum Röcheln. Accroche Note (25 €) accrochenote.com – nowlands.fr
Oh joy!
Entre swing, beats electro, hip-hop, ska et reggae, le groupe Lyre le temps signe un retour décapant avec un cinquième album intitulé Swing Resistance. Quatorze titres, composés ensemble ou chacun de son côté par les quatre Strasbourgeois hyperactifs et bien déterminés à ne rien lâcher, même quand ils étaient confinés. En témoignent les furieusement dansants I’m not a robot ou Sharper than a pen ! Chœurs et cuivres s’en donnent à cœur joie sur cet opus en forme d’hymne à la fête et à l’amitié, aux transes collectives et aux corps enfiévrés. (S.V.) Zwischen Swing, Elektrobeats, Hip-Hop, Ska und Reggae ist die Gruppe Lyre le temps mit ihrem schonungslosen fünften Album Swing Resistance zurück. Vierzehn Titel, die die vier hyperaktiven Straßburger gemeinsam oder alleine komponiert haben, die wild entschlossen sind, in nichts nachzugeben, sogar im Lockdown. Davon zeugen die zornige tanzenden I’m not a robot oder Sharper than a pen! Chöre und Blechblasinstrumente lassen ihrer Freude auf diesem Opus freien Lauf, eine Hymne ans Feiern und an die Freundschaft, an die kollektive Trance und an erhitzte Körper. French Gramm Record (12 €) lyreletemps.com
Songs from Les Vosges
Julien Bouchard, c’est un son indie-pop tout droit venu des forêts vosgiennes. Un univers lo-fi, entre rock garage façon The Lemonheads et arrangements pop ultra chiadés. Après le succès d’estime de Songs from La Chambre sorti en 2017, le musicien d’Épinal a rejoint son home studio Sous les Sapins pour écrire et enregistrer ce nouveau disque, Excuse my french, chanté tout entier dans la langue de Molière, où les murmures de sa voix se laissent submerger par d’hypnotiques solos de guitare. À découvrir en live à La Souris Verte d’Épinal le 14 mars. (S.V.) Julien Bouchard, das ist Indie-Pop direkt aus den Wäldern der Vogesen. Ein LoFi-Universum, zwischen Garagen-Rock à la The Lemonheads und ultra ausgeklügelten Pop-Arrangements. Nach dem Erfolg des 2017 erschienen Songs from La Chambre ist der Musiker aus Épinal in sein Home-Studio Sous les Sapins (Unter den Tannen) zurückgekehrt um dieses neue Album Excuse my french aufzunehmen, das ganz und gar in der Sprache Molières gesungen wird und in dem das Murmeln seiner Stimme sich von den hypnotisierenden Gitarrensolos überfluten lässt. Live zu entdecken in La Souris Verte in Épinal am 14. März. Hot Puma Records (12 €) hotpumarecords.com
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The Storm Watchers © Simon Dosdat
CHRONIKEN
Deep Inside
Attention bijou ! Le groupe strasbourgeois JOKO signe un nouvel EP I’ve never been good with words. Avec Arthur Vonfelt, producteur et batteur aperçu chez les excellents Freez et Adam and the Madams, Iris Di Napoli nous emporte dans une pop savoureuse avec sa voix cristalline débordant de personnalité. Entre critique d’un patriarcat pesant (1000) et invitation à aller vers l’autre (The Knight), elle nous pousse à accepter nos faces sombres (The Kid) et dépasser notre Mood, même quand il est down : « I can’t escape out of my head and I don’t know how to behave the right way. » (T.F.) Achtung, ein Diamant! Die Straßburger Gruppe JOKO bringt ihre neue EP I’ve never been good with words heraus. Mit Arthur Vonfelt, Produzent und Schlagzeuger bei den exzellenten Freez sowie Adam and the Madams, nimmt uns Iris Di Napoli in einen köstlichen Pop mit, mit ihrer kristallklaren Stimme voller Persönlichkeit. Zwischen Kritik eines bedrückenden Patriarchats (1000) und einer Einladung auf den Anderen zuzugehen (The Knight), bringt sie uns dazu, unsere düsteren Seiten zu akzeptieren (The Kid) und unseren Mood zu überwinden, selbst wenn er down ist: „I can’t escape out of my head and I don’t know how to behave the right way.“ Label Maria Lili
A Storm is Comin
Réuni autour du jeune batteur et compositeur nancéen Adrien Legay – que les amateurs d’Electronica connaissent dans M.A BEAT! – le quartet The Storm Watchers signe un nouvel EP de sept titres sur le label BMM Records. Enregistré en live, Mentors déploie une palette sonore hypnotisante avec drums, sax, contrebasse, piano et superbe Fender Rhodes. Il y a du Love supreme dans l’air et de l’électronique pulsant, le tout avec des lignes mélodiques volontiers chatoyantes. La subtile dose de retenue des effets offre un rendu des plus classieux. (T.F.) Das Quartett The Storm Watchers rund um den jungen Schlagzeuger und Komponisten aus Nancy, Adrien Legay – den die Liebhaber von Electronica in M.A BEAT! kennen – bringt eine neue Platte mit sieben Titeln beim Label BMM Records heraus. Das live aufgenommene Mentors entfaltet eine hypnotisierende Klangpalette mit Trommeln, Saxophon, Kontrabass, Klavier und wunderbarem Fender Rhodes. Es liegt eine Love supreme in der Luft mit bewusst schillernden melodischen Linien. Die subtile Dosis und die Verhaltenheit der Effekte liefern ein todschickes Ergebnis. BMM Records bmmrecords.com
Satire
Après une pause de quelques années bien méritée, les éditions strasbourgeoises La dernière goutte publient une nouvelle traduction de Mon Nom est personne de l’allemand Alexander Moritz Frey. Ce roman satirique de 1914, aussi drôle que mordant en diable, valut avec d’autres l’exil à son auteur. Un mystérieux étranger se faisant appeler Solneman se paye, rubis sur l’ongle, le parc municipal d’une petite ville pour y vivre à l’abri des regards. Il érige pour cela une muraille de 30 mètres de haut, attisant la curiosité mal placée des habitants. Preuve que l’enfer, c’est les autres. (T.F.) Der Straßburger Verlag La dernière goutte veröffentlicht eine neue Übersetzung von Solneman der Unsichtbare von Alexander Moritz Frey, der vor Kurzem vom Elsinor Verlag neu aufgelegt wurde. Dieser satirische Roman von 1914, der ebenso lustig wie teuflisch bissig ist, zwang den Autor (neben anderen Werken) ins Exil. Ein mysteriöser Fremder, der sich Solneman nennen lässt, kauft auf Heller und Pfennig, den Park einer kleinen Stadt um dort fern der Blicke zu leben. Hierzu errichtet er eine 30 Meter hohe Mauer, die die Neugier der Einwohner anstachelt. Der Beweis dafür, dass die Hölle die anderen sind. Paru chez La dernière goutte (20 €) ladernieregoutte.fr Neuauflage erschienen im Elsinor Verlag (22€) elsinor.de
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FESTIVAL
Face to face Après l’annulation de la dernière édition de la biennale Corps-Objet-Image, Les Giboulées sont de retour à Strasbourg avec une trentaine de propositions. Nach der Absage der letzten Ausgabe der Biennale Corps-Objet-Image sind Les Giboulées wieder zurück in Straßburg, mit rund dreißig Präsentationen. Par Von Thomas Flagel
La Messe de l’âne de von Olivier de Sagazan © Alain Monot
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e l’émotion dans l’air. Tel est le sentiment qui prévaut à l’heure d’aborder ce grand rendez-vous du mois de mars au TJP. D’une part, Renaud Herbin en assure la direction pour la dernière fois, lui qui terminera son mandat en fin d’année après une décennie fructueuse. D’autre part, le temps sera – enfin ! – venu de rendre un hommage ô combien mérité à André Pommarat (1930-2020), figure tutélaire du théâtre de la région, lui qui fut du 1er groupe de ce qui devint l’École supérieure d’Art dramatique du TNS* et qui fonda, en 1974, la Maison des Arts et Loisirs (futur Théâtre Jeune Public puis TJP) et, un an plus tard, Les Giboulées. des hommes et des mondes Parmi les 22 spectacles réunis, Renaud Herbin signe sa première création
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à dominante chorégraphique. Dans Par les bords (04-06/03, TJP grande scène, dès 10 ans), Jean-Baptiste André se meut dans un territoire minimaliste, accompagné par l’oud de Grégory Dargent et la voix envoûtante de Sir Alice. Personnage déraciné et poussé à l’exil, il cherche sa place au monde avec cette corporalité toute en fluidité qui caractérise ce circassien-danseur. Ne manquez pas non plus La Messe de l’âne (19/03, Théâtre de Hautepierre, dès 15 ans) du plasticien Olivier de Sagazan. Ses comédiens et lui deviennent des sculptures vivantes et hybrides, à mi-chemin entre monstruosité et bestialité. Le corps recouvert d’argile grossit d’appendices difformes et malléables. Comme dans la fête des fous au Moyen Âge – qui s’appelait aussi fête de l’âne –, cette mascarade païenne renverse les
normes, se joue du nu et de la beauté tout en interrogeant le pouvoir et notre part animale. Autre sorte de Terreurs (04 & 05/03, TJP grande scène, dès 14 ans), celles du collectif Les Surpeuplées, qui signe ici sa toute première pièce sur un texte poétique de la plasticienne et militante féministe queer Jil Kays. Le public y suit une femme tentant de fuir les figures hostiles qui peuplent ses nuits et la font se réveiller dans un hurlement de peur. Les terreurs nocturnes révèlent la violence des oppressions et des injonctions à la norme par un mélange de texte, d’illusions d’optique et de manipulation d’objets. Entre deux cents petits cochons et une table qui saigne, le voyage au milieu de nos angoisses collectives promet de ne pas être de tout repos. Dernière de nos recommandations, Le Grand Souffle (11-13/03, TJP grande scène, dès 8 ans) porté par Hélène Barreau, ancienne pensionnaire de l’École nationale supérieure des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières. Une pièce pour un pantin à taille humaine et une comédienne-accompagnatrice qui revisite la manipulation à fils à distance grâce à un système de cordages et d’installations, auquel se mêlent des images documentaires tournées sur la côte bretonne. Une histoire de soulèvement après un accident, de réappropriation de son corps grâce au vent, de la vie grâce au souffle.
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motionen liegen in der Luft. Das ist das überwiegende Gefühl in dem Moment an dem dieser große Termin des Monats März im TJP ansteht. Einerseits zum letzten Mal unter der Leitung von Renaud Herbin, da er zum Jahresende, nach einem fruchtbaren Jahrzehnt, seine Amtszeit beendet.
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Und andererseits ist – endlich! – der Moment gekommen André Pommarat (1930-2020) die letzte Ehre zu erweisen, einer Hauptfigur des Theaters in der Region, der zur ersten Gruppe dessen gehörte, was zur École supérieure d’Art dramatique des TNS* wurde und der 1974 die Maison des Arts et Loisirs (das zukünftige Théâtre Jeune Public, später TJP) gründete und im darauffolgenden Jahr Le Giboulées. von menschen und welten Unter den 22 gezeigten Aufführungen signiert Renaud Herbin seine erste Kreation mit choreographischer Dominanz. In Par les bords (04.-06.03., TJP grande scène, ab 10 Jahren) bewegt sich Jean-Baptiste André in einem minimalistischen Territorium, in der Begleitung der Oud von Grégroy Dargent und der verzaubernden Stimme von Sir Alice. Als entwurzelte Figur, die ins Exil gedrängt wird, sucht er seinen Platz in der Welt mit dieser gänzlich flüssigen Körperlichkeit, die den ZirkusTänzer charakterisiert. Verpassen Sie auch nicht La Messe de l’âne (19.03., Théâtre de Hautepierre, ab 15 Jahren) des Plastikers Olivier de Sagazan. Seine Schauspieler und er werden zu lebendigen und hybriden Skulpturen, auf halbem Weg zwischen Abscheulichkeit und Bestialität. Der mit Lehm bedeckte Körper wird vor lauter missgebildeten und weichen Auswüchsen dicker. Wie bei diesem Fest der Verrückten im Mittelalter – das auch Eselsfest genannt wurde – kehrt die heidnische Maskerade die Normen um, treibt ihr Spiel mit der Nacktheit und der Schönheit, hinterfragt dabei die Macht und das Tierische in uns. Eine andere Furcht behandelt Terreurs (04. & 05.03., TJP grande scène, ab 14 Jahren), jene der Gruppe Les Surpeuplées, die hier ihr allererstes Stück zum poetischen Text der Bildhauerin und militanten QueerFeministin Jil Kays präsentiert. Das Publikum folgt darin einer Frau, die versucht vor den feindlichen Figuren zu fliehen, die ihre Nächte bevölkern und sie in einem Angstschrei aufwachen lassen. Die nächtlichen Ängste enthüllen die Unterdrückungen und Anweisungen zur Norm mit einer Mischung aus Text, optischen Illusionen und Objektmanipulation. Zwischen zweihundert kleinen Schweinen und
Terreurs de von collectif Les Surpeuplées © Nicolas Lee
einem blutenden Tisch, verspricht die Reise in unsere kollektiven Ängste nicht allzu erholsam zu sein. Unsere letzte Empfehlung gilt Le Grand Souffle (11.13.03., TJP grande scène, ab 8 Jahren), getragen von Hélène Barreau, einer ehemaligen Schülerin der École nationale supérieure des Arts de la Marionnette in Charleville-Mézières. Ein Stück für einen lebensgroßen Hampelmann und eine Schauspielerin-Begleiterin, die die Manipulation der Fäden auf Distanz anhand eines Systems aus Seilen und Installationen neu interpretiert, zu der sich dokumentarische Aufnahmen von der Bretagneküste mischen. Eine Geschichte der Erhebung nach einem Unfall, der Neuaneignung des eigenen Körpers anhand des Windes, des Lebens anhand des Atems.
Au TJP et dans 12 lieux de l’Eurométropole de Strasbourg du 4 au 19 mars Im TJP und an 12 Orten der Eurometropole Straßburg vom 4. bis 19. März tjp-strasbourg.com > Hommage à André Pommarat, mardi 15 mars (19h) au TJP – petite scène (Strasbourg)
Le Théâtre national de Strasbourg s’appelait encore Centre dramatique de l’Est et était alors un CDN * Das Théâtre national de Strasbourg hieß noch Centre dramatique de l’Est und war also ein CDN. Ein Centre dramatique national ist ein öffentliches Theater, das Stücke kreiert und produziert, vom französischen Kulturministerium mit einem Label versehen ist und von einem oder mehreren Künstlern geleitet wird. *
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Pour Autrui © Christophe Raynaud de Lage
No Borders Pour sa 10e édition, Les Vagamondes opèrent leur mue. Finies les cultures du Sud, place à un festival sans frontières toujours plus éclectique. Für seine 10. Ausgabe verwandeln sich Les Vagamondes. Schluss mit den Kulturen des Südens, Platz für ein grenzenloses, eklektisches Festival. Par Von Thomas Flagel
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ien décidés à concocter une nouvelle programmation internationale aux Vagamondes, les équipes de La Filature n’ont rien lâché de leurs ambitions pour le festival : treize spectacles et un volet de rencontres et conférences tout juste réduit, contexte sanitaire oblige. Ceux qui avaient pu découvrir l’an passé Rocío Molina dans Impulso, grâce à un live stream, se presseront sans nul doute à La Coupole de SaintLouis (23/03). La légende flamenca de 38 ans y joue enfin sa pièce accompagnée par l’oud d’Ahmad Al Khatib et le groupe Sabîl. Dans ce qui demeure une soirée expérimentale, elle poursuit sa quête d’apothéose en partant d’une « pulsion qui vient du corps pour conquérir l’esprit, à la recherche de la vérité absolue de l’instant présent », usant avec parcimonie de ses étourdissants zapateados, pas rapides faits de claquements de talons sur un rythme effréné. Une quête de liberté – presque – totale, une performance habitée, un saut vers l’inconnu menant à l’essentiel. Autre proposition chorégraphique, le duo danseur / robot du taïwanais Huang Yi (HUANG YI & KUKA, 24 & 25/03, La Filature). Sur fond de violoncelle poignant, se noue une relation entre un bras articulé industriel (ses câbles et sa programmation inventive) et un artiste évoluant tout en douceur et en introspection à son contact. Huang Yi avoue avoir rêvé enfant d’avoir un compagnon comme KUKA, lui qui était fan du manga Doraemon dont le héros est un chat-robot qui résout tous les problèmes de son maître, le jeune Nobi. 18
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Le face-à-face auquel aujourd’hui il nous convie, est celui d’un miroir de l’âme avec celui qui s’est efforcé en grandissant d’être parfait quand ses parents ont, après avoir connu le luxe, tout perdu, poursuivant leur vie, cahin-caha dans la misère. Il s’est effacé, conformé. Ce duo homme-machine est sa manière de donner sens et beauté au chagrin et à la tristesse qui ont été ses plus proches compagnons dans son enfance. Quelques grammes de poésie révélant l’illusion que constituait l’image qu’il renvoyait, alors, pour rassurer ses proches. Parmi les artistes à suivre, ne manquez pas La Dernière nuit du monde (18/03, La Filature) de Fabrice Murgia, l’une des figures de proue du théâtre belge. Il crée un conte théâtral avec Laurent Gaudé où vidéo et voix se mêlent : notre société est bouleversée par l’invention d’une pilule permettant de combler le besoin de sommeil en 45 minutes par jour. Le rêve du libéralisme productiviste incarné par Gabor, communicant de cette firme révolutionnaire, devient un cauchemar éveillé au sein duquel résistent un enfant-oracle et le mouvement Nuit Noire. Autre thématique d’actualité, la gestation Pour Autrui (22 & 23/03, La Filature, dès 14 ans) dont s’empare avec brio Pauline Bureau. Elle y questionne les évolutions contemporaines de la maternité, des parentalités et de la filiation en suivant le parcours d’Alexandre et de Liz, infertile à la suite d’un cancer de l’utérus, qui se voit proposer, par l’entremise de sa sœur, une mère porteuse à San Francisco. Dans un
Impulso © Mehdi Benkler
décor spectaculaire avec tournette et alcôves, efficace en diable pour accueillir des images vidéo, se noue une réflexion politique sur le corps des femmes à l’aune des redistributions des cartes actuelles.
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as Team von La Filature, das entschlossen war, für Les Vagamondes ein neues internationales Programm auf die Beine zu stellen, ist so ehrgeizig wie eh und je: Dreizehn Vorstellungen und zahlreiche Begegnungen und Konferenzen, mit wenigen pandemiebedingten Begrenzungen. Diejenigen, die im vergangenen Jahr dank eines Live-Streams Rocío Molina in Impulso entdeckten, werden bestimmt in die Coupole in Saint-Louis (23.03.) strömen. Die legendäre Flamencotänzerin von 38 Jahren zeigt hier endlich ihr Stück in Begleitung der Oud von Ahmad Al Khatib und der Gruppe Sabîl. Im Laufe dieses experimentellen Abends setzt sie ihre Suche nach der Apotheose fort, indem sie von einem „Trieb ausgeht, der aus dem Körper kommt um den Geist zu erobern, auf der Suche nach der absoluten Wahrheit des gegenwärtigen Augenblicks“ während sie sparsam ihre Zapateados einsetzt, schnelle Schritte mit den Absätzen, in einem zügellosen Rhythmus. Eine Suche nach – fast – totalen Freiheit, eine Performance voller Seele, ein Sprung ins Ungewisse, der zu dem führt, was zählt. Eine weitere Choreographie stammt vom Duo Tänzer / Roboter des Taiwanesen Huang Yi (HUANG YI & KUKA, 24. & 25.03., La Filature). Begleitet von einem ergreifenden Violoncello entwickelt sich eine Beziehung zwischen einem industriellen beweglichen Arm (seine Kabel und seine einfallsreiche Programmierung) und einem Künstler, der im Kontakt mit ihm sachte und introspektiv ist. Huang YI gesteht, dass er als Kind davon geträumt hat, einen Begleiter wie KUKA zu haben, er der Fan des Mangas Doraemon war, dessen Held ein Katzen-Roboter ist, der alle Probleme seines Meisters, des jungen Nobita löst. Die Gegenüberstellung, zu der er uns heute einlädt ist jene eines Seelenspiegels mit dem, der sich im Laufe seiner Kindheit dazu gezwungen hat, perfekt zu sein, als seine Eltern, nachdem sie den Luxus kannten, alles verloren und ihr Leben mehr schlecht als recht in der Misere fortsetzten. Er hat sich zurückgehalten, angepasst. Dieses Duo
La Dernière nuit du monde © Kurt van der Elst
aus Mensch und Maschine ist seine Art und Weise dem Kummer und der Traurigkeit, die in seiner Kindheit seine engsten Begleiter waren, einen Sinn zu verleihen. Einige Gramm Poesie verraten die Illusion, die das Bild darstellte, das er von sich zeigte um seine Angehörigen zu beruhigen. Zu den Künstlern, denen man folgen sollte, gehört Fabrice Murgia eine der Galionsfiguren des belgischen Theaters mit La Dernière nuit du monde (18.03., La Filature). Er schafft ein theatralisches Märchen mit Laurent Gaudé, in dem sich Video und Stimmen vermischen: Unsere Gesellschaft wird von der Erfindung einer Pille erschüttert, die es erlaubt den täglichen Schlafbedarf in 45 Minuten zu decken. Der Traum des gewinnorientierten Liberalismus, der von Gabor verkörpert wird, einem Kommunikationsbeauftragten dieser revolutionären Firma, wird zu einem Wach-Albtraum in dem ein Orakel-Kind und die Bewegung Nuit Noire (Schwarze Nacht) Widerstand leisten. Pour Autrui (22. & 23.03., La Filature, ab 14 Jahren) behandelt ein weiteres aktuelles Thema, die Leihmutterschaft, mit der sich Pauline Bureau auf brillante Weise befasst. Sie hinterfragt die zeitgenössischen Entwicklungen der Mutterschaft, der Elternschaft und der Abstammung indem sie der Geschichte von Alexandre und Liz folgt, die nach einem Gebärmutterhalskrebs unfruchtbar ist, worauf ihr von ihrer Schwester eine Leihmutter in San Francisco angeboten wird. In einem spektakulären Bühnenbild mit Haspel und Alkoven, die teuflisch effizient sind um Videoaufnahmen zu empfangen, entwickelt sich eine politische Überlegung zum Körper der Frauen, im Angesicht einer aktuellen Neuverteilung der Karten. À Mulhouse et alentours du 15 au 26 mars In Mulhouse und Umgebung vom 15. bis 26. März lafilature.org > Pour Autrui est également en tournée à La Comédie de Colmar (09 & 10/03) et au Théâtre Dijon Bourgogne (29/03-01/04) > Pour Autrui wird ebenfalls in La Comédie de Colmar (09. & 10.03.) und im Théâtre Dijon Bourgogne (29.03.-01.04.) gezeigt comedie-colmar.com – tdb-cdn.com
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THÉÂTRE
Et la mort n’aura pas d’empire Dans les mains de Célie Pauthe, le shakespearien Antoine et Cléopâtre se fait le rêve fou d’une reine d’Égypte et d’un général romain, d’une utopie de reconfiguration du monde et des rapports Orient-Occident. Par Daniel Vogel – Photo d’Hervé Ballamy
S’
ils n’ont pu se croiser, il est possible de passer en un pas de Jean Racine (1639-1699) à William Shakespeare (1564-1616). C’est en tout cas le trajet proposé par Célie Pauthe au CDN de Besançon. Après Bérénice, amours impossibles entre l’empereur Titus et la reine Bérénice à Rome, elle monte une autre tragédie autour d’une histoire d’amour éperdu entre deux puissants, Antoine et Cléopâtre. Elle recourt au talent d’Irène Bonnaud pour retraduire cette pièce fleuve, qu’elle parsème de références aux années 1920 et 1930 avec des chansons du célèbre oudiste Mohamed Abdel-Wahab (Cleopatra, inspirée par la pièce La Mort de Cléopâtre d’Ahmed Chawqi) et d’Asmahan avec son tube Ya Habibi taala (Mon amour, viens vite), sans oublier quelques poèmes du grec Constantin Cavafy, né à… Alexandrie. Dans les rôles-titres, Mélodie Richard et 20
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Mounir Margoum, resplendissants dans Bérénice, se retrouvent au milieu d’une douzaine de comédiens et musiciennes à tenter de bousculer l’ordre établi par une alliance passionnelle, mais non moins narcissique. Suite à la mort de Jules César, Marc Antoine hérite d’un tiers du monde romain, notamment l’Égypte, et de la guerre de succession qui va avec, entretenue par son rival, le jeune Octave, futur empereur Auguste. Tombé sous le charme de Cléopâtre, les affaires de l’État rappellent Antoine à Rome où il se voit obligé de consentir à épouser la sœur de son ennemi. Mais la reine d’Orient n’est pas prête à renoncer à lui, offrant à Octave le prétexte pour attaquer son royaume et enterrer tout espoir à l’amour. Chacun connait le sort funeste à la Roméo et Juliette de ce couple mythique qui aurait pu changer, par la force de leurs sentiments et de leur vision d’un avenir commun, l’ordre
de notre monde naissant. Dans une scénographie alternant couleurs chatoyantes dans le palais de l’une et rigidité froide dans une Rome corsetée, Célie Pauthe livre un hommage puissant aux débordements somptueux de géants : « Il s’agissait, ni plus ni moins, d’agréger et de fusionner jusqu’à l’exubérance tous les héritages et les imaginaires dont ils sont issus, dans le creuset des civilisations égyptienne, hellénistique et romaine. De métisser leurs Dieux jusqu’à en inventer de nouveaux. D’imaginer un monde en somme, où les notions mêmes d’Orient et d’Occident n’existeraient plus mais se fondraient en une même hybridité originelle, indémêlable. » Au CDN de Besançon Franche-Comté du 10 au 16 mars cdn-besancon.fr
THÉÂTRE
Les voiles de la vérité Avec C’est comme ça (si vous voulez), Julia Vidit poursuit sa mise en crise de la vérité au théâtre. Dans cette comédie pirandellienne, elle s’inspire de la caricature, reflet le plus fidèle de l’individu, pour questionner la violence qui guette notre vaine recherche de certitudes. Par Thomas Flagel – Photo de répétitions d‘Anne Gayan
Comment avez-vous découvert cette pièce peu connue de Pirandello, auteur plus que prolifique ? Je l’ai lue par hasard et comme je suis particulièrement intéressée par les questions d’illusion, de réalité et plus globalement de la perception du vrai au théâtre, je l’utilise en exercice de vérité. Cette pièce est une équation très complexe à résoudre et accepter. Elle évoque le trouble, l’impossibilité de savoir qui est l’autre. Comme s’il nous disait qu’on peut savoir qui on est pour soi, mais jamais qui on est pour l’autre. Surtout que nous changeons, même pour nous-même. Dans cette période préfasciste de 1917, suivant le Risorgimento où l’unité italienne s’est construite avec l’intégration de la Sicile, des notables d’une petite ville sont confrontés à l’arrivée de trois personnes. Elles se comportent de manière bizarre, notamment cette mère et sa fille qui ne se voient pas et communiquent par une fenêtre, ce qui est insupportable pour le voisinage. Ils ont peur de perdre quelque chose, sentiment lié à l’arrivée des pauvres du Sud dans le Nord plus riche après un tremblement de terre dans les Abruzzes qui a existé et fait énormément de morts. Pirandello est génial et très joueur dans sa construction dramaturgique : il fait demander par les voisins des explications à la mère, puis au fonctionnaire Ponza interrogé sur sa femme, avant que la première ne donne une troisième version. On en appelle donc au commissaire de police et au Préfet. Personne n’arrive à dénouer les choses jusqu’à l’arrivée du troisième personnage voilé, qui est la vérité voilée ! Dans tout cela, il place un double de lui-même, l’Oncle Laudisi, qui sera un démiurge acceptant le doute et se moquant de cette recherche de vérité de la communauté. Le prétexte pour les notables consiste en la supposée séquestration de sa femme par Ponza… Si les notables veulent dénouer ce mystère, c’est qu’au fond ils cherchent une réponse bien plus grande à leur existence : pourquoi sommes-nous là ? Leur quête de sens provoque une violence qui est celle du fascisme. En s’acharnant, ils établissent des systèmes de vérité pour trouver leurs réponses, quitte à ce que cela dégénère. Cette réponse les occupe, comble la question du sens de l’existence chère à Camus. L’idée qu’il y aurait en germe le fascisme à venir se joue dans cette incapacité à accepter que d’autres vivent autrement et cachent des choses ? Le penseur italien Giovanni Macchia a écrit de Pirandello qu’il est un auteur fabriquant une chambre des tortures. Il 22
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joue avec nous, nous prend à notre propre piège. Placé en voyeur de cette histoire, le public a envie de savoir. En bon tortionnaire, il fait tomber la pièce de monnaie sur la tranche pour clore son texte : Madame Ponza arrive voilée et dit « Je suis celle que l’on veut que je sois. Je suis celle que l’on croit que je suis. » Ce qu’on peut mettre dans la bouche de certaines prostituées : appelle-moi comme tu veux. Une forme d’émancipation absolue qui affirme qu’on se fiche de prouver qui on est ! J’avais donné cette pièce à l’auteur Guillaume Cayet en 2017. On s’est dit qu’elle ne pourrait finir comme cela aujourd’hui, se demandant ce qu’il se passerait. La violence se déchainerait pour découvrir qui elle est et ce qu’elle cache. Si leur quête de vérité va jusqu’au bout, elle aboutit à la violence totale. Il y a deux escaliers en hélices de part et d’autre d’un entresol. L’illusion amenée par le code de jeu des comédiens fait qu’ils semblent monter sans cesse. Nous nous y perdons comme dans ceux d’Escher. Dans l’acte très comique que nous rajoutons avec Guillaume, ils se retrouvent à la cave : rencontre d’Éros et Thanatos. On finit par toucher à l’absurde. Vous faites de Laudisi un homme assumant des codes féminins en se travestissant. C’est comme un bouffon à la cour du roi pouvant tout dire car il est à part et reconnu comme tel ? Laudisi est le contrepoint de la communauté tout en étant en son sein. Cet homme vivant dans une famille bourgeoise assume de vouloir être une femme et devient un contrepouvoir. La violence vient de sa famille qui continue de l’appeler tonton. Ils ne veulent pas voir, ce qui est savoureux pour des gens recherchant la vérité à tout prix. Cela questionne ces communautés ayant des valeurs extrêmement fortes. Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’on en a à faire de ce qu’il y a dans la culotte ? Accepter l’autre dans sa complexité et dans ce qu’il a de contradictoire est trop difficile pour eux. La plus belle trouvaille de Pirandello n’est-elle pas la force de l’imaginaire : que chacun y projette des choses à soi en quête de certitudes impossibles ? Si ! La recherche de vérité est morbide, car la seule que nous connaissons c’est la mort. Le doute c’est la vie, l’incertitude, l’instabilité. C’est ce que dit Camus : l’unique question philosophique qui vaille la peine, c’est le choix du suicide ou pas. Sujet tabou, mais cela reste un choix. Le théâtre est le lieu du vivant qui nous rappelle que l’on va mourir.
THÉÂTRE
Vous citez aussi Jean-François Revel : « On appelle caricature aussi bien la déformation sans intention comique que le dessin comique sans déformation. » Nous travaillons dessus avec les acteurs. Je pense que cela convoque la conscience de l’acteur, celle qu’il a de ce qu’il donne à avoir. Je ne suis pas dans une recherche d’oubli de soi : quand on est en scène, on doit être conscient de ce que l’on fait et de ce qu’on y montre. L’écriture de Pirandello est très concrète. L’intrigue avance, mais comment grossir cela tout en restant crédible ? Y a-t-il une peur de se faire avoir par l’auteur et sa mécanique bien huilée, y perdant peut-être ce qui se joue derrière ? Comme dans un château de cartes, Ponza et Madame Frola ont une version différente des choses, mais chacun permet à
l’illusion de l’autre d’exister. Madame Frola a une fille. Ponza, une femme. Le dilemme est que lui affirme que sa femme est morte, et que l’actuelle est sa seconde femme. Mais que Madame Frola pense que c’est toujours sa fille, encore vivante. De son côté, Madame Frola assure qu’il est possessif et qu’elle a dû lui enlever sa fille qui en souffrait pour la placer en maison de santé. À sa sortie, il ne l’a pas reconnue. Elles auraient alors simulé un second mariage pour qu’enfin il la reconnaisse comme sa femme. Chacun pense de l’autre qu’il est fou et l’entretient dans cette illusion. Au Théâtre de la Manufacture (Nancy) du 1er au 6 mars puis en tournée au Nest (Thionville) les 9 & 10 mars et au Salmanazar (Épernay) le 3 mai theatre-manufacture.fr
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Amours chiennes
L’aînée d’une famille noire vient réclamer des comptes à ses parents et sa fratrie. Ainsi va mauvaise, quête de reconnaissance de maltraitance dans une langue crue signée debbie tucker green1. Entretien avec le metteur en scène Sébastien Derrey. Par Thomas Flagel – Photos de Christophe Raynaud de Lage
Le titre français (mauvaise) est presque aussi intéressant que l’original (born bad 2) dans le trouble de son sens… En anglais, il fait référence au personnage de La Mère disant que La Fille est née mauvaise. Mais en effet, la traduction est excellente, ce qui n’est pas évident avec cette autrice travaillant comme une compositrice, mêlant dans sa langue une palette de sons et de rythmiques précises, quasi musicales. Une langue pétrie d’histoire et d’influences. 24
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Si j’osais le jeu de mots, la langue est très râpeuse, orale et urbaine, avec beaucoup de violence. Les personnages s’y coupent la parole, chacun ayant du mal à finir ses phrases, à affronter ce qu’ils ont envie de dire, ou plutôt de faire avouer à l’autre… Le parler est jeune, influencé par le rap et le slam, donnant un flux de mots et de silences. Cela crée un effet saisissant de réalisme, le tout étant écrit comme une partition rigoureuse avec ce qui doit se chevaucher et quand. Il y a une manière de faire du bruit, de se
manifester sans savoir tout de suite de quoi ça parle. Nous sommes pris dans le vertige de la parole et nous devons reconstruire le sens car il nous faut attaquer le silence de la famille que La Fille vient faire exploser. La Fille demande des comptes à chacun, tente de faire avouer l’inceste, a besoin qu’ils reconnaissent leur déni et leur responsabilité, les uns devant les autres puisque tout le monde est condamné à rester en scène ! Tous cheminent dans le souvenir et ses
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aléas, ses déformations venant instiller le doute… Chacun a non seulement sa vérité, mais de bonnes raisons de croire ce qu’il dit car ils n’ont pas vécu les mêmes choses. Il y a des différences d’âge importantes entre les quatre frères et sœurs. Comme dans la réalité, la personne qui a le courage de révéler une telle maltraitance n’a souvent que ses propres dires pour l’appuyer. Elle trouve du déni en face. Les enfants apprennent malheureusement à taire, comme les adultes, ce type de tabous. On s’arrange avec, on ne veut pas voir. La force de La Fille est d’attaquer le silence et la vérité sans relâche, mais il est difficile pour la communauté de l’écouter et d’imaginer que ce qu’elle dénonce a été possible. Le Père, pourtant au centre du drame, ne dit quasiment rien. Finalement, chacun sauve sa peau et La Fille se voit trahie, lâchée, renvoyée à un rôle de menteuse. Elle découvre aussi qu’elle n’a pas été la seule à être abusée, se retrouvant à son tour mise en défaut… La famille tient par le silence en même temps qu’il l’écrabouille. Ils tentent de dire sans réussir à nommer. C’est dans les silences que nous sentons ce qu’ils partagent. Le rôle du Frère est ainsi terrible, déchirant, car toute son identité est réduite à cela, l’amour trop grand du père, la protection de sa mère qui ne doit pas savoir ce qu’il a subi. La Sœur 1 a assisté à tout, elle est dépositaire de
la mémoire qui vacille, en conserve des « bouts qui comptent ». La Sœur 2 n’a pas vraiment connu ça. Elle refuse de croire que c’est possible. C’est la plus violente et virulente, blessée par la possibilité du mensonge. La Mère et Le Père sont, tout du long, en ligne de mire. S’il est l’auteur des faits reprochés, son rôle à elle est tout aussi terrible… Elle est mise en question car elle a choisi La Fille pour son époux, ce qui est affreux. debbie tucker green détruit l’idée de la figure maternelle protectrice, comme elle tape souvent dans ses textes sur le manque de solidarité féminine. Le déni du personnage est ici épouvantable. Comme le décrit très bien l’anthropologue Dorothée Dussy, l’inceste est constitutif de nos sociétés. On ne sait ni le voir, ni en parler, malgré des estimations très fortes : près d’un enfant sur 10 en classe de CM2 en serait victime. Faire exploser la vérité demande un effort surhumain et la faire reconnaître par la loi est encore plus difficile. Vous parlez d’une « poétique de l’affleurement » à propos des nombreux silences émaillant la pièce. L’autrice juxtapose les noms des personnages sans répliques, mais avec une attention particulière à l’autre. Comment travailler cet espace de jeu pur ? Cela concerne tout ce qui n’est pas dit, tous les trous pour que les spectateurs
puissent s’y engouffrer. Une énorme partition de silences et de regards. Le silence est ici écrit comme un son : « un temps », des longs silences et des silences actifs avec les noms des personnages dénués de répliques qui sont un splendide cadeau au secret de l’acteur. Il implique de trouver une autre manière de parler avec son corps. Le plus fort est ce qui est tu et affleure. La violence du silence de cette famille réside dans son secret. Le Père ne disant pas quatre phrases, en étant là tout du long, à parler avec son mutisme. Les enfants entre eux ont une manière de signifier avec presque rien. Personne ne sort de scène, il leur faut donc contrôler leur parole, inventer une manière de s’exprimer en disant le minimum pour avouer des choses terribles. Que nous réserve votre scénographie, champ laissé libre par l’autrice qui n’impose qu’un certain nombre de chaises ? Les chaises fondent l’architecture de la famille, assignant une place à tous. Une reste vide, celle de La Fille qui refuse de s’asseoir. Ce parti-pris radical raconte tout par de fines variations : une chaise disparaît à un moment, c’est la clé. Pour le reste nous avons cherché un espace qui nous mette en proximité avec le public : une sorte de boîte fermée, un intérieur très large, presque panoramique. On peut balayer la scène du regard et voir chacun dans sa solitude et inviter le spectateur à choisir son regard. Le lointain est sombre et ouvert. Quant aux costumes, ils évoquent le démembrement de la famille dans un travail sur une manière d’exposer ou de cacher des blessures avec des superpositions de matières qui manifestent cela physiquement. Au Théâtre national de Strasbourg du 23 au 31 mars tns.fr
debbie tucker green rejette les conventions orthographiques courantes, en particulier l’utilisation des majuscules pour son nom comme pour les titres de ses pièces 2 Paru chez Nick Hern Books (2003) 1
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DANSE TANZ
Mouvement continu Tous les deux ans, le Tanzfestival Saar réunit de part et d’autre de la frontière des chorégraphes parmi les plus audacieux du moment.
Stetige Bewegung Alle zwei Jahre vereint das Tanzfestival Saar beiderseits der Grenze die kühnsten Choreographen der Gegenwart. Par Von Irina Schrag – Photo de von Bettina Stöß (Clara)
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out débute par une séance de rattrapage comme on les attend depuis… deux ans ! Future World faisait office de programme phare en mars 2020 avec la première mondiale de Clara signée Stijn Celis, adossée au Liedgut de Richard Siegal. Corps lézardés de circuits imprimés se reflétant à la lumière noire pour un ballet futuriste répondant aux combinaisons luisantes du second pour des visions non moins stylisées d’un nouveau rapport charnel à nos enveloppes. Pour cette quatrième édition du festival, le Ballet national de la Sarre y ajoute Whiteout du chorégraphe allemand Marco Goecke, sur une musique de Bob Dylan. La confrontation de ces trois créateurs d’importance offre aussi bien des gestes signatures qu’un panel de mouvements renouvelés propres à pousser la danse vers d’autres horizons. d’ici et d’ailleurs Parmi les pièces invitées, ne manquez pas l’ode à l’altérité de Kader Attou (Les Autres), dans lequel il prouve une nouvelle fois que le métissage de sa danse mêlant hip-hop et contemporain offre de belles promesses. Autre artiste venu de France, Tarek Aït Meddour fait de ses huit interprètes, toutes et tous vêtus de robes blanc cassé joliment évasées, un nuage d’oiseaux dans le ciel du refus du monde. Résister voit les corps se tendre et se chercher, s’attirer et tenter de se dompter dans une immuable quête de liberté et d’amour sorcier. Ceux qui aiment les expériences se tourneront vers Le Sacre du printemps, l’un des ballets les plus importants du XXe siècle, pour lequel Roger Bernat invite littéralement les spectateurs à devenir les acteurs d’une performance ludique. Casques rivés aux oreilles, il guide chacun dans la réalisation de la chorégraphie créée par Pina Bausch en 1975. Leurs comparses espagnols, Guy Nader et Maria Campos élaborent une ode au mouvement continu. Set of Sets mêle douceur de gestes suspendus, délicatesse de portés en incessants 26
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tournoiements, ombres se projetant sur les murs pour former d’étranges balanciers ou des rondes ciselées comme à la lumière d’une bougie. Les spirales qui se déploient devant de longs arcs de cercle en tissu se nourrissent de portés et de jetés, réalisés avec d’inventives compositions de catapultes faites de bras, d’épaules et de dos. La virtuosité circassienne n’est jamais loin dans cette pièce en tous points poétique. Last but not least, Maura Morales, chorégraphe bien décidée à remettre du spontané et du vivant dans une époque centrée sur l’efficience et la discipline. Dans Präludium der Kälte, on s’accroche, on s’éprend, on se jette dans la virulence des sentiments malgré les corps couverts de matières froides (haut en plastique transparent et talc blanc sur le visage). Flexibilité renversante, corporalité altérée, saccadée, tordue, le sensible rejoint l’organique, la vie apparaît dans sa plus pure étrangeté, comme autant de naissances au monde d’êtres hybrides en quête de sens et d’altérité, dont transparaitraient toute la douleur et la difficulté à achever la mue.
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lles beginnt mit einer Wiederaufnahme-Vorstellung, wie wir sie seit... zwei Jahren erwarten! Future World war mit der Uraufführung von Stijin Celis Clara und Liedgut von Richard Siegal, eine der herausragenden Produktionen im März 2020. Körper, die mit gedruckten Stromkreisen überzogen sind, welche sich im Schwarzlicht reflektieren, für ein futuristischen Ballett, das auf die glänzenden Anzüge des Zweiten antwortet, für nicht weniger stilisierte Visionen eines neuen sinnlichen Bezugs zu unserer Hülle. Für diese vierte Auflage des Festivals fügt das Saarländische Staatsballett Whiteout des deutschen Choreographen Marco Goecke hinzu, zu Musik von Bob Dylan. Das Aufeinandertreffen dieser drei wichtigen Kreativen führt ebenso zu typischen Gesten, wie zu einem Panel erneuerter Bewegungen, die den Tanz zu neuen Horizonten tragen.
von nah und fern Unter den eingeladenen Stücken, verpassen Sie nicht die Ode an die Andersartigkeit von Kader Attou (Les Autres), in der er ein weiteres Mal beweist, dass die Verschmelzung seines Hip-Hops mit zeitgenössischem Tanz schöne Entdeckungen verspricht. Ein weiterer Künstler aus Frankreich, Tarek Aït Meddour macht aus seinen acht Interpreten, die alle in weit fallende Kleider in gebrochenem Weiß gehüllt sind, einen Vogelschwarm im Himmel der Verweigerung der Welt. In Résister werden die Körper angespannt und suchen sich, ziehen sich an und versuchen sich zu bezähmen, in einer unwandelbaren Suche nach Freiheit und betörender Liebe. Diejenigen, die Experimente lieben, finden ihr Glück in Le Sacre du printemps, einem der wichtigsten Ballette des 20. Jahrhunderts, für das Roger Bernat die Zuschauer im wahrsten Sinne des Wortes dazu einlädt Akteure einer verspielten Performance zu werden. Mit Kopfhörern auf den Ohren führt er jeden durch die Umsetzung der Choreographie, die 1975 von Pina Bausch kreiert wurde. Ebenfalls aus Spanien kommen Guy Nader und Maria Campos, die eine Ode an die kontinuierliche Bewegung entwickeln. Set of Sets mischt die Geschmeidigkeit abgebrochener Gesten, delikate Tragefiguren in unendlicher Drehbewegung, Schatten, die sich auf den Wänden abzeichnen um ausgefeilte Rundtänze zu bilden, wie im Kerzenschein mit bizarren Wippen. Die Spiralen, die sich vor langen Regenbögen aus Stoff entfalten
bestehen aus Trage-und Wurffiguren, die mit einfallsreichen Katapult-Konstrukten aus Armen, Schultern und Rücken realisiert werden. Die Virtuosität des Zirkus ist nie weit entfernt in diesem durch und durch poetischen Stück. Last but not least, Maura Morales, eine Choreographin, die entschlossen ist die Spontaneität und die Lebendigkeit in eine Epoche zurückzubringen, die Effizienz und Disziplin in den Mittelpunkt stellt. In Präludium der Kälte klammert man sich fest, verliert sein Herz aneinander, stößt sich mit der Leidenschaftlichkeit der Gefühle ab, trotz Körpern die von kalten Materialien bedeckt sind (Oberteile aus durchsichtigem Plastik und Talk auf den Gesichtern). Eine umwerfende Flexibilität, eine veränderte Körperlichkeit, abgehackt, seltsam, das Sensible trifft auf das Organische, das Leben erscheint in seiner reinen Eigenartigkeit, wie die Geburt von Hybridwesen auf der Suche nach Sinn und Andersartigkeit, die den ganzen Schmerz und die Mühe der Verwandlung erkennen lassen. À la Salle des Fêtes (Forbach), au Kulturforum Illipse (Illingen), à l’Alte Feuerwache, au Saarländisches Staatstheater (Sarrebruck) et au Theater am Ring (Saarlouis) du 11 au 19 mars In der Salle des Fêtes (Forbach), im Kulturforum Illipse (Illingen), in der Alten Feuerwache und im Saarländischen Staatstheater (Saarbrücken) sowie im Theater am Ring (Saarlouis) vom 11. bis 19. März staatstheater.saarland
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DANSE
Repentirs Avec Twenty-seven perspectives, Maud Le Pladec multiplie les variations autour de la Symphonie inachevée de Schubert qu’elle met en mouvement.
Pentimento
Mit Twenty-seven perspectives präsentiert Maud Le Pladec zahlreiche Variationen rund um Die Unvollendete von Schubert, die sie in Bewegung übersetzt. Par Von Thomas Flagel – Photos de von Konstantin Lipatov
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n s’emparant d’un monument classique passé au tamis de la musique sérielle et minimaliste, la directrice du Centre chorégraphique national d’Orléans s’inscrit dans les pas d’illustres aînés. Maud Le Pladec s’inspire du suisse Rémy Zaugg qui avait tenté d’épuiser les possibilités d’interprétation d’un tableau de Cézanne en proposant 27 Esquisses perceptives personnelles. Parti de l’image pour arriver au mot, l’artiste bâlois installé à Pfastatt quelques années avant sa disparition en 2005, avait par exemple inscrit en lettres chaque aplat de couleur de la
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toile. Avec la complicité du compositeur Pete Harden, la chorégraphe a pour sa part inventé trente-cinq variations sur les deux premiers mouvements de la Symphonie n°8 “inachevée” de Franz Schubert. Le duo travaille par sections de 40 secondes, isolant la basse, les lignes mélodiques et rythmiques dans une décomposition des couches du compositeur afin de donner à entendre, puis à voir, son instrumentarium. Une déconstruction en règle aux accents techno multipliant les élans répétés et la puissance de la partition initiale, triturée et charcutée jusqu’à l’écriture par
Harden du troisième mouvement manquant. Pas de quoi faire peur à celle qui avait déjà étroitement collaboré avec Tom Pauwels, de l’excellent ensemble Ictus*. Sur la lame blanche toute en largeur, recourbée aux deux extrémités comme une rampe de skate, constituant la scénographie, dix danseurs éclatent dans l’espace avec une verticalité confinant à l’étirement, un dynamisme sans ruptures. Vêtus de hauts amples à motifs géométriques et texturés, ils évoluent entre personnalité des gestes et so-
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briété d’expression en un mouvement perpétuel. Rapidement, les samples de motifs sonores se répercutent dans les corps, à moins que ce ne soient les éléments du répertoire de ballet classique utilisés, dans un jeu d’effets de déjà-vu, en des intensités et dimensions différentes qui troublent notre perception. À la fluidité initiale, ses tournoiements et déploiements, sa multitude de fentes et de courbes pour mieux s’élever dans les airs, succède un slow motion cadencé sur une poignée de secondes, entrecoupées de mouvements fugaces à vitesse réelle. Les lumières atmosphériques simulent l’obscurité lunaire et le jour naissant, quand le plateau n’est pas écrasé d’un soleil brut. Dans cette danse très écrite, laissant peu de place au lâcher-prise, les interprètes se dépouillent, petit à petit, de leurs couches de vêtements et rentrent dans le rang du collectif, à l’unisson. Les quelques isolations orchestrées se frottent au silence d’une musique matiérée qui, planante, retrouve un regain de grandiloquence avec ses cordes syncopées finales.
mäldes von Cézanne auszuschöpfen. Vom Bild ausgehend, um beim Wort anzukommen, hat der Basler Künstler, der sich einige Jahre vor seinem Tod im Jahr 2005 in Pfastatt niedergelassen hatte, zum Beispiel jeden Farbton des Gemäldes in Buchstaben vermerkt. Gemeinsam mit dem Komponisten Pete Harden hat die Choreographin ihrerseits fünfunddreißig Variationen zu den ersten beiden Sätzen der Unvollendeten von Franz Schubert erfunden. Das Duo arbeitet mit Abschnitten von 40 Sekunden, die den Bass, die melodischen und rhythmischen Linien in einer Dekomposition von Schichten isolieren, um sein Instrumentarium hörbar und sichtbar zu machen. Eine Dekonstruktion nach allen Regeln der Kunst, mit Techno-Akzenten, die die wiederholten Anläufe und die Kraft der ursprünglichen vervielfältigen Partition zerkleinert und übel zurichtet bis hin zum dritten fehlenden Satz, der von Harden geschrieben wurde. Nichts was jener Angst macht, die schon eng mit Tom Pauwels des exzellenten Ensembles Ictus* zusammengearbeitet hatte.
ndem sie sich eines klassischen Monuments annimmt, das durch den Drehwolf der Seriellen und Minimalistischen Musik gedreht wurde, folgt die Direktorin des Centre chorégraphique national d’Orléans den Spuren illustrer Vorgänger. Maud Le Pladec lässt sich vom Schweizer Rémy Zaugg inspirieren, der versucht hatte mit 27 perzeptive Skizzen eines Bildes die Interpretationsmöglichkeiten eines Ge-
Auf der langen weißen Klinge, die an den beiden Enden nach oben gekrümmt ist, wie die Skateboard-Rampe, die das Bühnenbild darstellt, brechen zehn Tänzer im Raum aus, mit einer Vertikalität, die an eine Streckung erinnert, eine Dynamik ohne Unterbrechungen. In weite Oberteile mit geometrischen und strukturierten Motiven gekleidet, wandeln sie sich zwischen Persönlichkeit der Gesten und Nüchternheit des
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Ausdrucks in einer immerwährenden Bewegung. Schnell hallen die Samples von Tonmotiven in den Körpern wider, es sei denn es handelt sich um die Elemente aus dem Repertoire des klassischen Balletts, die in einem Spiel mit Déjà-vu-Effekten benutzt werden. Auf die ursprüngliche Flüssigkeit, das Kreisen und die zahlreichen Spalten und Kurven, die es ermöglichen sich besser in die Lüfte zu erheben, folgt eine Slow Motion, die auf wenige Sekunden getaktet ist, unterbrochen von flüchtigen Bewegungen. Die atmosphärischen Lichter simulieren die Mondfinsternis und den aufgehenden Tag, wenn die Bühne nicht von einer brutalen Sonne erdrückt wird. In diesem sehr geschriebenen Tanz, der wenig Platz zum Loslassen bietet, entledigen sich die Interpreten nach und nach ihrer Kleidungsschichten und gliedern sich einstimmig in den Rang des Kollektivs ein. Die wenigen orchestrierten Isolationen konfrontieren sich mit der Stille einer Musik, die mit ihren synkopierten Endsaiten eine hochtrabende Ausdrucksweise wiederfindet. Au Manège (Reims) jeudi 17 et vendredi 18 mars Im Manège (Reims) am Donnerstag den 17. und Freitag den 18. März manege-reims.eu
Ensemble de musique contemporaine chantre d’hybridations en tout genre * Zeitgenössisches Musikensemble, Vorreiter aller möglichen Hybridformen *
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A Rose is still a Rose Programme haut de gamme au Ballet de Lorraine avec Decay, nouvelle pièce de Tatiana Julien et la recréation de Twelve Ton Rose de Trisha Brown. Ein Programm der Spitzenklasse präsentiert das Ballet de Lorraine mit Decay, dem neuen Stück von Tatiana Julien und der neuen Version von Twelve Ton Rose von Trisha Brown. Par Von Irina Schrag – Portrait de von Tatiana Julien © Aurélien Avril
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eux qui ont eu la chance de voir le Soulèvement de Tatiana Julien, solo explorant la puissance et le pouvoir d’attraction des discours invitant à la révolte, seront surpris d’apprendre que la chorégraphe planche sur « un grand ralentissement généralisé ». Avec les 25 interprètes du Ballet de Lorraine, elle entend inverser le cours des choses, freiner à toute berzingue comme un avion sur sa piste d’atterrissage. Une manière, par contraste saisissant d’avec les injonctions à l’efficacité et à la vitesse qui nous submergent, de révéler la lenteur dans l’agitation collective. La chorégraphe puise dans la mémoire des corps pour convoquer traces de ce qui n’est plus, quête du présent et d’un hypothétique futur. « Decay, c’est le déclin du jour, de la course vaine, du temps qui passe.
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C’est le jardinier qui regarde l’éclosion des fleurs et leur putréfaction, lente et progressive, dans le moindre détail. » En seconde partie de soirée, Twelve Ton Rose de Trisha Brown (jeu de mots avec Twelve Tone Rows, le dodécaphonisme de la musique de Webern) se donne en rouge et noir. Des duos et des trios tout en contrastes élégants, dense douceur des gestes et des portés. Autant de superpositions de mouvements du répertoire de l’icône américaine, disparue en 2017.
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ene, die das Glück hatten das Soulèvement von Tatiana Julien zu sehen, ein Solo, das die Macht und die Anziehungskraft der Diskurse erkundet, die zur Revolte einladen, werden überrascht sein zu erfahren, dass die Choreographin an „einer großen gene-
rellen Verlangsamung“ arbeitet. Mit den 25 Interpreten des Ballet de Lorraine will sie den Lauf der Dinge umkehren, mit vollem Karacho bremsen, wie ein Flugzeug auf der Landebahn. Eine Art, in einen Kontrast zu den Anweisungen zu Effizienz und Schnelligkeit zu treten, die uns überrollen und die Langsamkeit in der kollektiven Aufregung aufzuzeigen. Die Choreographin schöpft aus der Erinnerung der Körper um an Spuren von dem zu erinnern, was nicht mehr da ist, eine Suche nach der Gegenwart und einer hypothetischen Zukunft. „Decay, das ist der sich neigende Tag, des vergeblichen Rennens, der Zeit, die vergeht. Es ist der Gärtner, der das Erblühen der Blumen und ihre Verwesung betrachtet, langsam und progressiv, bis ins letzte Detail.“ In einem zweiten Teil des Abends wird Twelve Ton Rose von Trisha Brown (Wortspiel mit Twelve Tone Rows, der Zwölftontechnik der Musik von Webern) in Schwarz und Rot gespielt. Duos und Trios in einem eleganten Kontrast, dichte Geschmeidigkeit der Gesten und Figuren. Übereinanderlagerungen von Bewegungen aus dem Repertoire der amerikanischen Ikone, die 2017 verstarb. À l’Opéra national de Lorraine (Nancy) du 2 au 6 mars In der Opéra national de Lorraine (Nancy) vom 2. bis 6. März opera-national-lorraine.fr ballet-de-lorraine.eu
CIRQUE ZIRKUS
Be Kind, Rewind Pour sa seconde pièce Zugzwang, le Galactik Ensemble fait de nouveau déferler un vent de folie sur un plateau incontrôlable. Für sein zweites Stück Zugzwang lässt das Galactik Ensemble erneut einen Sturm des Wahnsinns über eine unkontrollierbare Bühne fegen. Par Von Thomas Flagel – Photos de von Martin Argyroglo
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e coup de maître que représentait Optraken, avec ses éléments scéniques n’arrêtant pas de tomber et de se fracasser en menaçant les cinq circassiens surdoués du Galactik Ensemble, a enfin une suite ! Loin de s’être assagis, les compères évoluent dans un décor au sol mobile, enchaînant les situations loufoques et imprévisibles. Tout repose ici sur la création d’accidents. Un endroit de recherche où leur acrobatie de situation se développe par une mise en “danger” volontaire face à un environnement scénique multipliant les complications, obligeant les corps à lutter avec murs, objets et altérité. Générer le faux pas et le déséquilibre permet à l’inattendu de survenir. Autant de heureux hasards rythmant sur un tempo cadencé une multitude d’intérieurs et d’extérieurs. Jeu de mirages réalistes dont les récits successifs et parallèles se rejoignent en des ramifications subtiles et drôles, dans lesquelles les artistes redoublent de virtuosité malgré les secousses du sol, les obstacles à franchir et les chaises qui dansent étrangement. Partenaire capricieux, la scénographie les pousse à l’adaptation permanente, métaphore d’un quotidien friable et d’élans vitaux dont le burlesque révèle la poésie et la beauté.
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er Volltreffer, den Optraken mit seinen Bühnenelementen darstellte, die ohne Unterlass herunterfiele, zersprangen und die fünf hochbegabten Zirkusartisten des Galactik Ensemble bedrohten, hat endlich eine Fortsetzung! Die Kameraden sind nicht ruhiger geworden, bewegen 32
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sich in einem Dekor mit mobilem Boden, eine verrückte und unvorhersehbare Situation jagt die andere. Alles beruht hier auf der Provokation von Unfällen. Ein Ort der Suche, an dem sich ihre Situations-Akrobatik entwickelt, anhand des freiwilligen Eingehens von Risiken im Angesicht einer Umgebung mit zahlreichen Komplikationen, die die Körper dazu zwingen mit den Wänden, Objekten und der Andersartigkeit zu kämpfen. Fauxpas und Ungleichgewicht ermöglichen die Entstehung des Unerwarteten. Glückliche Zufälle bestimmen den schnellen Rhythmus in zahlreichen Innen-und Außenräumen. Realistische Trugbilder, deren aufeinanderfolgende und parallele Erzählung aufeinandertreffen, in subtilen und witzigen Verzweigungen, in denen die Künstler sich an Virtuosität übertreffen, trotz des bebenden Bodens, der zu überwindenden Hindernisse und der Stühle die auf bizarre Weise tanzen. Als launischer Partner zwingt sie das Bühnenbild zur permanenten Anpassung, eine Metapher eines brüchigen Alltags und jenes Lebensdrangs, dessen Burleske Poesie und Schönheit offenbart. À l’Espace (Besançon) du 29 mars au 3 avril et à l’ACB (Bar-le-Duc) vendredi 29 avril Im Espace (Besançon) vom 29. März bis 3. April und im ACB (Bar-leDuc) am Freitag den 29. April les2scenes.fr acb-scenenationale.org
DANSE
Résistance Trentenaire rayonnant, Jan Martens présente à Strasbourg sa dernière création, Any Attempt Will End in Crushed Bodies and Shattered Bones. Une pièce politique pour 17 danseurs.
Widerstand Der strahlende Dreißigjährige Jan Martens präsentiert in Straßburg seine aktuelle Kreation, Any Attempt Will End in Crushed Bodies and Shattered Bones. Ein politisches Stück für 17 Tänzer. Par Von Thomas Flagel – Photos de von Phile Deprez
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ouvelle pépite de la danse flamande, le chorégraphe Jan Martens créait l’événement au dernier festival d’Avignon avec ce projet inspiré des soulèvements populaires actuels, de Youth for Climate à Black Lives Matter en passant par les Gilets jaunes. C’est en 2019, en visionnant un reportage de CNN qu’il tombe sur une déclaration du président chinois Xi Jinping menaçant les protestataires hongkongais de toute volonté séditieuse : « Chaque tentative de diviser la Chine est vouée à l’échec. Toute tentative se soldera par des corps broyés et des os brisés. » Devant le mutisme des instances internationales, il choisit cette dernière saillie violente pour titre de sa pièce de groupe où il projette ses thèmes de prédilection, tumultes sociétaux, rapport groupe / individu mais aussi questions de genre. Avec dix-sept danseurs âgés de 20 à près de 70 ans, il travaille deux grands mouvements séparés par une marche martiale et géométrique au milieu de projections de textes ultra violents tels que les réseaux sociaux en regorgent. Leur danse abstraite sur fond de Concerto pour clavecin au rythme déchaîné d’Henryk Górecki éclate en répétitions et variations de rafales de gestes que nous retrouvons, dans un second temps, accompagnés par le poème People’s faces de l’anglaise Kae Tempest. Sa douceur et sa dose d’espoir tranchent avec la longue plainte poignante, hurlant par-dessus une batterie de Max Roach. Un entrechoquement des époques et des luttes actuelles avec celles de la Pologne secouée par Solidarność ou les luttes pour les Droits civiques aux États-Unis. Les danseurs développent, chacun, une “phrase signature”, les corps paraissant collectivement ployer sous l’agitation du monde. L’émancipation sera lente depuis la tyrannie des lignes au sol et des mouvements répétitifs convergeant vers une longue marche collective sans
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cesse reconfigurée. Cette foule éclectique dans ses genres, âges et corps, devient momentanément une armée à l’unisson s’érigeant contre la révolte de la différence. On pense aux défilés en forme de démonstration d’obéissance à la gloire des régimes fascistes, de l’URSS stalinienne aux parades nord-coréennes actuelles. Subrepticement, tout s’enraye au profit d’une quête de liberté, la masse anonyme devenant un organisme vivant pulsant dans sa diversité, tel une entité se reconfigurant à l’envi, en quête d’entropie régénératrice.
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er neue Goldklumpen des flämischen Tanzes, der Choreograph Jan Martens, hat mit seinem Projekt, das von aktuellen Volksaufständen, von Youth for Climate bis Black Lives Matter über die Gilets jaunes, inspiriert war, das Ereignis beim letzten Festival d’Avignon kreiert. Als er im Jahr 2019 eine Reportage auf CNN anschaut, trifft er auf die Erklärung des chinesischen Präsidenten Xi Jinping, der die Demonstranten in Hongkong bedroht: „Jeder Versuch China zu spalten ist zum Scheitern verurteilt. Jeder Versuch wird mit zerquetschten Körpern und gebrochenen Knochen enden.“ Angesichts des Schweigens der internationalen Instanzen wählt er diesen letzten brutalen Satz als Titel für sein Gruppenstück, in dem er seine Lieblingsthemen, soziale Tumulte, Bezug zwischen Gruppe und Individuum aber auch Genderfragen behandelt. Mit siebzehn Tänzern zwischen 20 und fast 70 Jahren erarbeitet er zwei große Bewegungen, die von einem strammen und geometrischen Militär-Marsch inmitten von sehr brutalen Text-Projektionen getrennt werden, vor welchen die sozialen Netzwerke überlaufen. Ihr abstrakter Tanz im entfesselten Rhythmus des Cembalo-Konzerts von Henryk Górecki mündet in Wiederholungen und Variatio-
nen von Gesten-Salven, die wir, später in Begleitung des Gedichts People’s faces der Engländerin Kae Tempest wiederfinden. Ihre Geschmeidigkeit und ihre Prise Hoffnung stehen in Kontrast mit dem langen ergreifenden Klagelaut, der sogar das Schlagzeug von May Roach überdeckt. Ein Aufeinanderstoßen der Epochen und der aktuellen Kämpfe mit jenem Polens, das von Solidarność aufgerüttelt wird oder den Kämpfen für Bürgerrechte in den Vereinigten Staaten. Die Tänzer entwickeln, jeweils, einen „Signatur-Satz“, die Körper scheinen kollektiv unter der Aufregung der Welt nachzugeben. Die Emanzipation wird langsam sein, von der Tyrannei der Linien am Boden und den repetitiven Bewegungen, die zu einem langen gemeinsamen Marsch zusammenfließen, der sich ohne Unterlass neu formt. Diese an Geschlecht, Alter und Körper bunt gemischte Menge, wird für einen Moment zu einer Armee, die sich einstimmig gegen die Revolte des Unterschieds stellt. Man denkt an Parademärsche in Form von Gehorsamkeits-Demonstrationen zu Ehren faschistischer Regime, von der UdSSR Stalins, zur aktuellen nordkoreanischen Parade. Unbemerkt wird alles zugunsten einer Freiheitssuche gebremst, die anonyme Masse wird zu einem lebendigen Organismus, der vor Vielfalt pulsiert, wie eine Einheit, die sich nach Lust und Laune neu konfiguriert, auf der Suche nach regenerierenden Entropien. Au Maillon (Strasbourg) jeudi 10 et vendredi 11 mars (coproduit par Pôle Sud) Im Maillon (Straßburg) am Donnerstag den 10. und Freitag den 11. März (Koproduktion mit Pôle Sud) maillon.eu – pole-sud.fr
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Lay Lady Lay Découverte chez Jan Fabre, la danseuse Lisbeth Gruwez signe un solo envoûtant dans lequel elle danse sur Bob Dylan. Die Tänzerin Lisbeth Gruwez, die bei Jan Fabre entdeckt wurde, präsentiert ein bezauberndes Solo, das sie zu Bob Dylan tanzt. Par Von Thomas Flagel – Photo de von Luc Depreitere
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n chemisier blanc aux reflets irisés, elle attend les hits des décennies soixante et soixante-dix du songwriter culte et (désormais) nobelisé. C’est son compère musicien Maarten Van Cauwenberghe, cigarette au bec, qui installe les vinyles sur la platine. Sur ce parterre luisant – qui rappelle à jamais celui rempli d’huile d’olive de Quando l’uomo principale è una donna que lui composa Jan Fabre et sur lequel elle se mouvait entièrement nue – Lisbeth Gruwez associe à chaque titre un geste ou une phrase chorégraphique. Joue des émotions, des contrepoints saccadés ou de la désinvolture tout en fluidité. Loin de tous les artifices habituels, elle « jette les corps dans la bataille sans artillerie technique », se contentant d’un projecteur découpant les ombres sur sa silhouette en se rapprochant plus ou moins du plateau. Bien sûr, elle quittera son pantalon sombre et œuvrera au sol, tout en sensualité au son d’un harmonica enivrant. Ses rêveries se mêlent aux mélopées et au phrasé de Dylan, peuplées de désirs fugaces et des traces qu’ils laissent planer dans l’atmosphère.
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n weißer Bluse mit schimmernden Lichtreflexen wartet sie auf die Hits der Sechziger und Siebziger Jahre des KultSongwriters und Nobelpreisträgers. Es ist sein MusikerKumpane Maarten Van Cauwenberghe, der mit der Kippe zwischen den Lippen den Plattenspieler bestückt. Auf diesem glänzenden Parkett – das für immer an jenes erinnern wird, das für Quando l’uomo principale è una donna, welches Jan Fabre für sie komponierte, mit Olivenöl bedeckt war, auf dem sie sich völlig nackt bewegte – assoziiert Lisbeth Gruwez mit jedem Titel eine Geste oder einen choreographischen Satz. Spielt mit den Emotionen, ruckartigen Kontrapunkten oder völlig flüssiger Lässigkeit. Fern aller üblichen Künstlichkeit „wirft sie die Körper in die Schlacht, ohne technische Artillerie“, begnügt sich mit einem Projektor, der die Schatten auf ihrer Silhouette zerschneidet, indem er sich mehr oder weniger der Bühne nähert. Natürlich wird sie ihre dunkle Hose abstreifen und auf dem Boden wirken, voller Sinnlichkeit, zu den Lauten einer betörenden Harmonika. Ihre Träumereien mischen sich mit dem Singsang und den Phrasen von Dylan, bevölkert von vergänglichem Verlangen und den Spuren, die sie in der Atmosphäre hinterlassen. Au Carreau (Forbach) mercredi 30 et jeudi 31 mars (dès 14 ans) Im Carreau (Forbach) am Mittwoch den 30. und Donnerstag den 31. März (ab 14 Jahren) carreau-forbach.com
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Sélection scènes Bühnen-Auswahl
Kaori Ito, Chers © Laurent Paillier
Festival Art Danse, Dialogue entre un quatuor à cordes et quatre danseurs © L. Philippe
Les Petits pouvoirs La nouvelle création de la metteuse en scène Charlotte Lagrange prend place au Japon. Laïa, jeune parisienne, a été engagée dans une petite agence d’architecture où ses patrons, Benoît et Diane, l’entraînent rapidement dans une spirale de rivalités, de désirs et de rapports de force. Les temporalités s’entremêlent jusqu’à un crime qui, en se dévoilant, révèle les mécanismes de pouvoir et de domination sexuelle qui se transmettent inconsciemment de génération en génération. 03-05/03, ACB (Bar-le-Duc), 21-26/03 Théâtre de la Manufacture (Nancy), 28/03-01/04, Comédie de Reims
Die 34. Auflage des Festivals in Dijon bringt junge vielversprechende Talente ins Programm (Marine Colard, Anna Massoni…), die auf Schwergewichte des Choreographie-Milieus wie Anne Teresa De Keersmaeker (The Goldberg variations, BMW 988), Boris Charmatz mit Amandine Beyer (Dialogue entre un quatuor à cordes et quatre danseurs), den verrückten Einfallsreichtum von Marta Izquierdo Muñoz (Guérillères) oder auch die Freeparty mit Kinoanklängen von Gisèle Vienne (Crowd) treffen. 12/03-02/04, Le Dancing, L’Atheneum et Théâtre Mansart (Dijon) ledancing.com
Traces Un spectacle théâtral et musical d’Étienne Minoungou qui porte le Discours aux nations africaines du talentueux Felwine Sarr sur scène, accompagné à la kora et la flûte par Simon Winsé. Ein theatralisches und musikalisches Spektakel von Étienne Minoungou, der die Rede an die afrikanischen Nationen des talentierten Felwine Sarr auf die Bühne bringt, in Begleitung der Kora und der Flöte von Simon Winsé. 05/03, VIADANSE (Belfort) viadanse.com Chers Kaori Ito signe une pièce chorégraphique autour du deuil et des fantômes hantant les vivants, avec la géniale Delphine Lanson en maîtresse de cérémonie. Kaori Ito präsentiert ein choreographisches Stück zur Trauer und den Geistern, die die Lebenden heimsuchen mit der genialen Delphine Lanson als Zeremonienmeisterin. 08/03, Théâtre (Montbéliard) mascenenationale.eu Festival Art Danse La 34e édition de ce festival dijonnais programme jeunes pousses prometteuses (Marine Colard, Anna Massoni…) et poids lourds du milieu chorégraphique tels Anne Teresa De Keersmaeker (The Goldberg variations, BMW 988), Boris Charmatz avec Amandine Beyer (Dialogue entre un quatuor à cordes et quatre danseurs), la folle inventivité de Marta Izquierdo Muñoz (Guérillères) ou encore la free party aux relents cinétiques de Gisèle Vienne (Crowd). 38
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May B Le chef-d’œuvre de Maguy Marin, créé en 1981, ne cesse de tourner, pour le plaisir de tous ceux qui ne l’ont pas encore vu ou qui souhaitent se replonger dans cette chorégraphie saisissante autour de l’œuvre de Samuel Beckett. Das Meisterwerk von Maguy Marin, das 1981 kreiert wurde, ist ohne Unterlass auf Tournee, zur großen Freude von jenen, die es noch nicht gesehen haben oder wieder in diese Choreographie zum Werk Samuel Becketts eintauchen wollen. 18/03, Théâtre de Thionville nest-theatre.fr Foire du Sommeil Proposé dans le cadre d’Esch2022, Capitale européenne de la culture, le projet Ekinox réunit des approches artistique, ethnologique, sanitaire, gastronomique, etc. Premier volet à Rumelange avec la Foire du sommeil, festival de conférences, spectacles, marché artisanal pour aborder des thèmes insolites comme le sommeil des plantes ou l’anthropologie du sommeil. Das Projekt Ekinox, das im Rahmen von Esch2022, der Europäischen Kulturhauptstadt präsentiert wird, vereint künstlerische, ethnologische, sanitäre und gastronomische Herangehensweisen. Der erste Teil in Rumelange mit Foire du sommeil, einem Festival mit Konferenzen, Aufführungen, Kunsthandwerkermarkt um ungewöhnliche Themen wie den Schlaf der Pflanzen oder die Anthropologie des Schlafs zu behandeln. 26/03, Rumelange (Luxembourg) esch2022.lu
Une femme puissante Tout droit venue d’Afrique du Sud, avec son rap cru, férocement féministe et antiraciste, Dope Saint Jude est la nouvelle power girl du mouvement queer hip-hop.
Eine starke Frau
Direkt aus Südafrika kommt Dope Saint Jude, mit ihrem rohen Rap, wild, feministisch und antirassistisch ist das neue power girl der Queer-Hip-Hop-Bewegung. Par Von Suzi Vieira – Photo de von Lou Rolley 40
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MUSIQUE MUSIK
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vant d’être rappeuse, Dope Saint Jude était drag king. Originaire de Cape Town, Catherine Saint Jude Pretorius, ainsi nommée d’après le saint patron des causes désespérées, a en effet fondé au début des années 2010 l’un des tout premiers collectifs d’Afrique, Bros B4 Ho’s, performant sur scène à grands coups de caricatures des stéréotypes masculins. Un peu comme quand elle multiplie aujourd’hui les rap squats dans ses clips, ces poses accroupies caractéristiques des mâles alpha du gangsta… Influencée aussi bien par Tupac – qui alternait avec maestria textes bling bling et manifestes politiques façon Black Power (comment oublier l’époustouflant Changes !) – que par le punk-rock du mouvement féministe Riot Grrrl, la Sud-Africaine est vite devenue une icône, noire, féministe et queer. Certains mauvais esprits pourraient penser que cela fait beaucoup pour une seule personne. Pourtant, les mordants explicit lyrics de cette artiste hors norme, débités en anglais, en argot sud-africain et en Gayle (dialecte de la communauté queer du Cap) sont un modèle de déconstructionnisme tous azimuts. « I’m fucking around with big boys / I don’t have a dick, so I bring big toys » (« Je baise avec des grands balèzes / Je n’ai pas de bite alors j’apporte des gros sex toys »), chante-t-elle avec humour sur Brilliant, Arresting Extravagant, le cinquième morceau de Reimagined, premier EP sorti en 2016. Aujourd’hui installée à Londres, la jeune femme reste inébranlable quant à son engagement contre toutes les formes d’oppression. Égalité sociale, raciale et sexuelle font le terreau de ses punchlines. En témoignent les vers crus qui parsèment son deuxième opus, Resilient, paru en 2018. Depuis « Fuck all the girls in school who thought they were cool ‘cos they had straight hair / Who is a fool now » (« J’emmerde toutes les filles de l’école qui se croyaient cool avec leurs cheveux raides/ Qui est la bouffonne désormais ») sur Inside, où elle vitupère contre les défrisages sauvages et la soumission aux canons de beauté blancs, jusqu’au puissant « I’m a grrrl just like like like like like like… » (« Je suis une fille juste comme comme comme comme comme… »), refrain décapant du titre phare de l’album (Grrrl like), où elle exalte une définition ouverte de la féminité. Dope Saint Jude transpose les combats des féministes blanches old school dans un contexte intersectionnel. Et à en croire les deux clips récemment dévoilés sur le Net (Home et You’re gonna make it), son prochain disque, annoncé pour 2022, ne devrait pas déroger à la règle.
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evor sie Rapperin wurde, war Dope Saint Jude Dragking. Die aus Cape Town stammende Catherine Saint Jude Pretorius, die nach dem Schutzheiligen der hoffnungslosen Fälle benannt wurde, gründete in der Tat Anfang der 2010er Jahre eines der ersten Kollektive Afrikas, Bros B4 Ho’s, das in seinen Performances auf der Bühne männliche Stereotype karikierte. Ein bisschen so wie sie heute in ihren Clips die Rap squats multipliziert, diese kauernden Posen der Alpha-Männchen des Gangsta-Raps... Ebenso von Tupac– der mit Bravour zwischen Bling-Bling-Texten und politischen Manifesten à la Black Power (wie kann man das atemberau-
bende Changes vergessen!) wechselte – wie vom Punkrock der feministischen Bewegung Riot Grrrl beeinflusst, ist die Südafrikanerin schnell zu einer schwarzen, feministischen und queeren Ikone geworden. Man könnte denken, dass das für eine einzige Person ganz schön viel ist. Und dennoch sind die beißenden explicit lyrics dieser außergewöhnlichen Rapperin, die in Englisch, südafrikanischem Argot und Gayle (Dialekt der Queer-Gemeinschaft am Cap) ausgestoßen werden, ein Modell für alle Arten von Dekonstruktionismus. „I’m fucking around with big boys / I don’t have a dick, so I bring big toys“ („Ich ficke mit harten Typen / Ich habe keinen Schwanz also bringe ich große Sextoys mit“), singt sie mit Humor auf Brilliant, Arresting Extravagant, dem fünften Stück von Reimagined, der ersten EP, die 2016 erschien. Die junge Frau, die heute in London lebt, ist unerschütterlich in ihrem Engagement gegen jegliche Form der Unterdrückung. Soziale Gleichheit und jene zwischen Rassen und Geschlechtern sind die Grundlage ihrer Punchlines. Davon zeugen die brutalen Verse, die ihr zweites Werk Resilient durchziehen, das 2018 erschien. Seit „Fuck all the girls in school who thought they were cool ‘cos they had straight hair / Who is a fool now“ („Ich scheiße auf alle Mädchen aus der Schule, die dachten sie seien cool mit ihren glatten Haaren / Wer ist heute der Narr“) auf Inside, wo sie über die wilde Entkrausung und die Unterwerfung gegenüber weißen Schönheitsidealen schimpft, bis zum mächtigen „I’m a grrrl just like like like like like like…“ („Ich bin ein Mädchen genau wie wie wie wie wie wie...“ der schonungslose Refrain des bedeutendsten Titellieds des Albums (Grrrl like), auf dem sie eine offene Definition der Weiblichkeit anpreist. Dope Saint Jude überträgt die Kämpfe der weißen Oldschool-Feministen in einen intersektionellen Kontext. Und wenn man den beiden vor Kurzem veröffentlichten Clips glaubt (Home und You’re gonna make it), wird ihre nächste CD, die für 2022 angekündigt ist, nicht von der Regel abweichen. À L’Autre Canal (Nancy) samedi 26 mars In L’Autre Canal (Nancy) am Samstag den 26. März lautrecanalnancy.fr
Édité par Erschienen bei Platoon platoon.ai
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Home Après six ans de silence, Caribou revient avec le touchant et mélancolique Suddenly, un album de confinement pourtant conçu… avant la pandémie. Nach sechs Jahren der Stille ist Caribou mit dem berührenden und melancholischen Suddenly zurück, einem Lockdown-Album, das vor der Pandemie entstand. Par Von Suzi Vieira – Photo de von Thomas Neukum
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epuis le succès du dense et envoûtant Swim (2010), à michemin de la musique de club et de la pop, et la sortie de Our Love en 2014, avec son electro empreinte de sensualité, Dan Snaith (alias Caribou) n’avait plus fait parler de lui. Il faut dire que le Canadien, docteur en mathématiques spécialiste de la théorie des nombres et installé à Londres depuis deux décennies, a vu plusieurs événements bouleverser sa vie personnelle, affrontant coup sur coup le décès d’un proche, la maladie de son père (disparu en 2021), la naissance inattendue de sa seconde fille à l’arrière d’une voiture, etc. Sans se réduire à une œuvre de milieu de vie, Suddenly est le disque d’un quarantenaire face aux questions de la vieillesse et de la mort, pris dans cet âge adulte où il faut à la fois se soucier de ses parents et de ses enfants… Chacun des morceaux prend ainsi des airs de chant d’espoir face à l’adversité d’un monde caractérisé par son impermanence et son cours chaotique. Avec Sister, titre d’ouverture, Caribou donne le ton. Voix frêle et vibrations affectives ancrent définitivement l’opus dans une dimension intime et mélancolique. Sans jamais sombrer pour autant dans l’abattement. Une œuvre de confinement avant l’heure, pourrait-on dire, puisqu’elle est parue début 2020, quelques jours avant que la planète ne se replie sur elle-même.
Enveloppante de douceur, Magpie sonne comme un câlin sonique plein de mansuétude et d’humilité. Quant au conclusif Ravi, il renoue même avec les rythmes euphoriques et les immer42
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sions hypnotiques de la musique club. Plus présente que jamais, la composition vocale laisse entendre l’éclectisme des influences de Dan Snaith, depuis son enfance nord-américaine – soul, folk, hip-hop, rock psyché – jusqu’à sa carrière dans l’underground londonien. Aussi pointilleux que spontané, le producteur passe avec subtilité des couplets déstructurés de You & I au boom-bap poussiéreux de Home, avec son sample de Georgia Barnes, et aux beats hip-hop accompagnés de somptueux pianos désaccordés du très réussi Sunny’s Time. Sans fausse note, Suddenly explore tous les recoins du spectre musical : c’est un de ces albums complexes, riche et touchant à la fois, qui met du temps à se révéler et sur lequel on revient encore et encore, découvrant à chaque fois des choses nouvelles. Sortie il y a quelques mois, la version remixée du disque (Suddenly Remix), par les amis Four Tet, Jessy Lanza et le grand Floating Points – entre autres –, en déploie par surcroît mille et une autres facettes.
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eit dem Erfolg des dichten und bezaubernden Swim (2010), auf halbem Weg zwischen Clubmusik und Pop und dem Erscheinen von Our Love im Jahr 2014, mit seiner sehr sinnlichen Elektromusik, hatte Dan Snaith (alias Caribou) nichts mehr von sich hören lassen. Man muss dazu sagen, dass das Leben des Kanadiers, Doktor in Mathematik und Spezialist der Zahlentheorie, der seit zwei Jahrzehnten in London wohnt, durch mehrere persönliche Schicksalsschläge erschüttert wurde, nacheinander der Tod eines
Angehörigen, die Krankheit seines Vaters (2021 verstorben), die unerwartete Geburt seiner zweiten Tochter auf der Rückbank eines Autos, etc. Ohne sich auf ein Werk der Lebensmitte zu reduzieren ist Suddenly die Platte eines Vierzigjährigen im Angesicht der Fragen rund um Älterwerden und Tod, in dieser Phase des Erwachsenseins, in der man sich gleichzeitig um seine Eltern und um seine Kinder sorgt... Jedes der Stücke nimmt so den Anschein eines Gesangs der Hoffnung gegenüber dem Schicksal einer Welt an, die von ihrer Unbeständigkeit und ihrem chaotischen Verlauf charakterisiert wird. Mit Sister, dem Eröffnungstitel, gibt Caribou den Ton an. Die schwache Stimme und die gefühlsbetonten Vibrationen verankern
Dan Snaith, à Londres, devant une fresque de Amber Elise sur Stamford Hill Estate. Dan Snaith in London vor einer Freske von Amber Elise auf der Stamford Hill Estate.
das Werk definitiv in einer intimen und melancholischen Dimension. Ohne jedoch jemals der Niedergeschlagenheit zu erliegen. Ein Lockdown-Werk vor der Zeit, könnte man sagen, denn es ist Anfang 2020 erschienen, wenige Tage bevor sich der Planet verschanzte. Das behutsam umhüllende Magpie klingt wie ein vertontes Kuscheln, voller Nachsicht und Demut. Das abschließende Ravi seinerseits knüpft an die euphorischen Rhythmen und das hypnotische Eintauchen der Clubmusik an. Präsenter denn je lässt die VokalKomposition die eklektischen Einflüsse von Dan Snaith heraushören, von seiner nordamerikanischen Kindheit – Soul, Folk, Hip-Hop, Psychedelic Rock – bis
hin zu seiner Karriere im Londoner Underground. Ebenso pingelig wie spontan geht der Produzent auf subtile Weise von den destrukturierten Strophen von You & I zum staubigen Boom-Bap von Home über, mit seinem Sample von Georgia Barnes und den Hip-Hop-Beats in Begleitung wunderbar verstimmter Klavier des sehr gelungenen Sunny’s Time. Ohne eine falsche Note erkundet Suddenly alle Ecken des musikalischen Spektrums: Es ist eines dieser komplexen Alben, gleichzeitig reichhaltig und berührend, dessen Erkundung Zeit braucht, zu dem man immer wieder und wieder zurückkehrt, um jedes Mal etwas Neues zu entdecken. Die vor wenigen Monaten erschienene Remix-Version der Platte (Sudden-
ly Remix), mit den Freunden Four Tet, Jessy Lanza und dem großen Floating Points – unter anderem – zeigt weitere tausendundein Facetten. À la Cartonnerie (Reims) mercredi 16 mars In der Cartonnerie (Reims) am Mittwoch den 16. März cartonnerie.fr
Édité par Erschienen bei City Slang cityslang.com
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I Am What I Am Avec Anagnorisis, Asaf Avidan livre, de sa voix d’extra-terrestre, un septième album en forme de quête identitaire. Mit Anagnorisis liefert Asaf Avidan mit seiner außerirdischen Stimme ein siebtes Album in Form einer Identitäts-Suche. Par Von Suzi Vieira – Photo de von OJOZ
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est à en perdre son latin – ou plutôt son grec ancien, en l’occurrence – tant le dernier opus d’Asaf Avidan prend aux tripes. Dans sa Poétique, Aristote décrit l’Anagnorisis comme ce moment, dans la tragédie, où le héros se voit révéler sa véritable identité (tel Œdipe apprenant de Tirésias qu’il est le fils de Laïos et Jocaste). C’est après avoir failli mourir sous les crocs d’un chien-loup (expérience retranscrite dans le déchirant Lost Horse) et une carabinée crise de la quarantaine que le chanteur israélien a connu pareille épiphanie. Avec son timbre androgyne venu d’ailleurs, Avidan livre dix morceaux amples et lumineux, imprégnés de silence et d’acceptation – de la vie comme de la mort. Sautant du falsetto le plus aigu au théâtral baryton, il y interprète toutes les voix du disque, des chœurs au contre-chant en passant par la chorale de gospel, pour mieux souligner la multiplicité de l’être, la complexité et la confusion tissant toutes à la fois nos existences. Il y a du David Bowie dans Earth Odyssey, du Nick Cave derrière Wildfire et du Thom Yorke (Radiohead) entre les mots de No Words. Chair de poule garantie ! Quant au clip accompagnant le titre éponyme, il a pour réalisateur… Wim Wenders himself. Rien que ça.
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as aktuelle Album von Asaf Avidan geht unter die Haut. In seiner Poetik beschreibt Aristoteles die Anagnorisis als den Moment der Tragödie, in dem dem Helden seine wahre Identität offenbart wird (wie Ödipus, der von Teiresias erfährt, dass er der Sohn von Laios und Iokaste ist). Nachdem er fast am Biss eines Wolfshundes starb (eine Erfahrung, die im zerreißenden Lost Horse niedergeschrieben wird) und eine heftige Midlife-Crisis durchlebte, hat der israelische
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Sänger eine solche Erscheinung. Mit seinem androgynen Timbre aus einer anderen Welt liefert Avidan zehn umfangreiche und strahlende Titel, die von Stille und Akzeptanz – des Lebens wie des Todes – durchdrungen sind. Er wechselt von der höchsten Falsettstimme in einen theatralischen Bariton, singt alle Stimmen des Albums, von den Chören zur Gegemelodie über den Gospel-Chor, um noch besser die Vielfalt seines Wesens zu unterstreichen, die Komplexität und die Unruhe, die alle gemeinsam unsere Existenzen durchziehen. Eine Prise David Bowie in Earth Odyssey, Nick Cave in Wildfire und Thom Yorke (Radiohead) zwischen den Worten von No Words. Gänsehaut garantiert! Der Videoclip mit dem gleichen Titel wurde von keinem Geringeren als Wim Wenders realisiert. À la Rockhal (Esch-sur-Alzette) dimanche 6, aux Docks (Lausanne) lundi 7, à la Cartonnerie (Reims) vendredi 18, au Zénith (Strasbourg) mardi 22, au Zénith (Dijon) jeudi 24 et au Backstage Werk (Munich) mercredi 30 mars In der Rockhal (Esch-sur-Alzette) am Sonntag den 6., in Les Docks (Lausanne) am Montag den 7, in der Cartonnerie (Reims) am Freitag den 18., im Zénith (Straßburg) am Dienstag den 22., im Zénith (Dijon) am Donnerstag den 24. und im Backstage Werk (München) am Mittwoch den 30. März asafavidanmusic.com
Édité par Erschienen bei Play Two playtwo.fr
MUSIQUE MUSIK
Arabic dream pop
Hypnotique et désenchantée, la musique de Jawhar mêle le spleen du chant arabe à des mélodies folk pleines de rondeurs. Hypnotisch und desillusioniert vermischt die Musik von Jawhar den Spleen des arabischen Gesangs und runde Folkmelodien. Par Von Suzi Vieira – Photo de von Alexis Gicard
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awhar compose et chante dans sa langue maternelle une pop-folk intimiste, aérienne et mélancolique. On dit souvent de lui qu’il est le Nick Drake tunisien. Raccourci marketing qui pourrait prêter à sourire, s’il ne collait pas parfaitement au murmure inébriant de sa voix. Sorti fin 2019, Winrah Marah s’écoute les yeux fermés. Il nous transporte dans les paysages de montagne et de lumière du pays de son enfance. Ses chansons douces sont autant de fables sur les sociétés maghrébines contemporaines et le blues post-printemps arabe. L’ensemble forme comme un recueil de nouvelles, entre réalisme et allégorie politique. L’une raconte l’histoire d’un fou du village, une autre met en scène un homme qui vit sa religion de manière très personnelle, tentant de défendre sa liberté d’interprétation. Et 46
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puis il y a Menich Hzin, dont le protagoniste déambule dans les rues, attiré par une lumière incroyable avant que, tout à coup, les égouts se mettent à déborder et les massacres se perpétuent. Avec son nouvel opus, Tasweerah, annoncé pour le 18 mars, le chanteur passe des illusions perdues de la révolution du jasmin aux angoisses solitaires de l’artiste face au monde et à lui-même.
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awhar komponiert und singt intimen, luftigen und melancholischen Pop-Folk in seiner Muttersprache. Man sagt oft über ihn, dass er der tunesische Nick Drake ist. Ein MarketingBegriff, der zum Schmunzeln anregen könnte, wenn er nicht so perfekt zum berauschenden Murmeln seiner Stimme passen würde. Das Ende 2019 erschienene Winrah Marah hört man mit ge-
schlossenen Augen. Es transportiert uns in Landschaften aus Bergen und Licht im Land seiner Kindheit. Seine zarten Lieder sind wie Fabeln über die zeitgenössische Gesellschaft des Maghrebs und Blues nach dem Arabischen Frühling. Das Ensemble bildet eine Sammlung von Novellen, zwischen Realismus und politischer Allegorie. Die eine erzählt die Geschichte eines Dorfdeppen, eine andere erzählt von einem Mann, der seine Religion auf sehr persönliche Art und Weise lebt und versucht seine Interpretationsfreiheit zu verteidigen. Und dann ist da Menich Hzin, dessen Protagonist durch die Straßen streift, angezogen von einem unglaublichen Licht, bevor, auf einmal, die Abwasserkanäle überlaufen und die Massaker sich fortsetzen. Mit seinem neuen Werk Tasweerah, das für den 18. März angekündigt ist, erzählt der Sänger ebenso von den verlorenen Illusionen der Jasmin-Revolution wie von den einsamen Ängsten des Künstlers gegenüber der Welt und im Angesicht seiner selbst. À la Poudrière (Belfort) vendredi 18 et à L’Autre Canal (Nancy) jeudi 24 mars In la Poudrière (Belfort) am Freitag den 18. und in L’Autre Canal (Nancy) am Donnerstag den 24. März jawharmusic.com
Édité par Erschienen bei 62TV Records 62tvrecords.com
MUSIQUE MUSIK
Millésimé Incarnation de la quintessence du jazz contemporain, le trompettiste américain Marquis Hill revisite, dix ans après sa sortie, son premier album New gospel.
Seltener Jahrgang Als Verkörperung der Quintessenz des zeitgenössischen Jazz interpretiert der amerikanische Trompeter Marquis Hill zehn Jahre nach seinem Erscheinen sein erstes Album New gospel neu. Par Von Florent Servia – Photo de von Todd Rosenberg
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n 2011, l’arrivée de Marquis Hill dans le jazz a pris la forme d’un ego trip, doublé d’une déclaration d’intention. Que dit-il, à l’époque, en intitulant son premier album New gospel ? Qu’il figure parmi les classiques ? Que l’on chantera sa musique dans toutes les familles afro-américaines ? Qu’il s’inscrit dans une lignée dans le but de la transcender ? Black unlimited, le nom donné à son label porte en soi ses ambitions : « Rendre hommage à la tradition tout en repoussant les limites du genre. » Le jazzman puise dans le blues, le gospel, la soul… et poursuit ce qu’il nomme le continuum afro-américain en y mêlant hip-hop, house et néo-soul. Un geste que lui et toute une caste d’interprètes américains (Makaya McCraven, Kassa Overall, Logan Richardson, Joel Ross) jugent naturel. Pouvait-il en être autrement ? Marquis Hill a grandi dans le South Side, immense quartier noir de Chicago et vivier de la culture afroaméricaine. À la maison, il est bercé par le gospel et la soul des années 1960 et 1970 : Stevie Wonder, Earth, Wind & Fire, Smokey Robinson et Barry White passent constamment. Le jazz viendra plus tard. Mais, pas de doute, tout le spectre des musiques noires figure dans son panthéon. Sur une île déserte, le virtuose emporterait du Marvin Gaye
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(Vulnerable). Il y ajouterait Roy Hargrove (Moment to Moment) et Nicholas Payton (Payton’s Place), deux trompettistes, certes, mais surtout précurseurs de ce mélange des styles qu’il affectionne tant. Pour Marquis Hill, la musique est une aventure, un mouvement vers l’avant. Faut-il pour cela revisiter son propre passé “de manière nouvelle” ? Son dernier projet, New Gospel Revisited, lui en offre l’occasion stimulante. On y voit une manière de mesurer le chemin parcouru depuis sa révélation au début des années 2010 : lauréat de la compétition de l’institution Thelonious Monk en 2014, auteur d’une dizaine de disques, sideman pour Marcus Miller, Dee Dee Bridgewater ou Joe Lovano… Et ici leader d’un groupe de brillants explorateurs du jazz contemporain (sur le disque : Walter Smith III, Joel Ross, James Francies, Kendrick Scott et Harish Raghavan). Le trompettiste est devenu une valeur sûre, une voix reconnue et un nom à suivre. Excellent instrumentiste et compositeur, il n’a cessé de prouver à quel point le groove (swing, house ou hip-hop) et la mélodie sont des acquis. Avec sa rythmique de feu et ses solistes à l’énergie toute “coltranienne”, le post-bop de New Gospel
Revisited n’est que le dernier exemple en date de cette ascension fulgurante.
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m Jahr 2011 nahm die Ankunft von Marquis Hill im Jazz die Form eines Egotrips an, gekoppelt an eine Absichtserklärung. Was will er damals mit dem Titel seines ersten Albums New gospel sagen? Dass er zu den Klassikern gehört? Dass man seine Musik in allen afro-amerikanischen Familien singen wird? Dass er sich in eine Traditionslinie stellt, um diese zu überschreiten? Black unlimited, der Name seines Labels trägt diese Ambitionen in sich: „Eine Hommage an die Tradition, die gleichzeitig die Grenzen des Genres überwindet.“ Der Jazzman schöpft aus dem Blues, dem Gospel, dem Soul... und setzt das fort, was er das afroamerikanische Kontinuum nennt, indem er Hip-Hop,
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House und Neo-Soul dazumischt. Eine Geste, die für ihn und eine ganze Reihe amerikanischer Interpreten (Makaya McCraven, Kassa Overall, Logan Richardson, Joel Ross) natürlich ist. Hätte es auch anders sein können? Marquis Hill wuchs in South Side auf, einem riesigen schwarzen Viertel in Chicago, Talentschmiede der afroamerikanischen Kultur. Zuhause badete er im Gospel und Soul der 1960er und 1970er Jahre: Stevie Wonder, Earth, Wind & Fire, Smokey Robinson und Barry White in Endlosschleife. Der Jazz kommt später. Aber zweifelsohne gehört das gesamte Spektrum der schwarzen Musik zu seinem Pantheon. Auf eine einsame Insel würde der Virtuose Marvin Gaye (Vulnerable) mitnehmen. Aber auch Roy Hargrove (Moment to Moment) und Nicholas Payton (Payton’s Place), zwei
Trompeter, die Vorreiter dieser Stilmischung waren, die ihm so am Herzen liegt. Für Marquis Hill ist die Musik ein Abenteuer, eine Vorwärtsbewegung. Muss man dafür seine eigene Vergangenheit „auf neue Art“ interpretieren? Sein aktuelles Projekt New Gospel Revisited bietet dafür eine stimulierende Gelegenheit. Man sieht darin eine Art und Weise den zurückgelegten Weg zu vermessen, seit seiner Entdeckung Anfang der 2010er Jahre: Preisträger im Wettbewerb der Institution Thelonious Monk im Jahr 2014, Autor von zahlreichen Platten, sideman von Marcus Miller, Bridgewater oder Joe Lovano… Und hier Kopf einer Gruppe brillanter Erforscher des zeitgenössischen Jazz (auf der CD: Walter Smith III, Joel Ross,
James Francies, Kendrick Scott und Harish Raghavan). Der Trompeter ist zu einem Erfolgsgaranten geworden, einer anerkannten Stimme und einem Name, dem man folgt. Als exzellenter Instrumentalist und Komponist beweist er ohne Unterlass, in welchem Maße der Groove (Swing, House oder HipHop) Errungenschaften sind. Mit seiner feurigen Rhythmik und seinen Solisten mit einer Energie à la Coltrane ist der Post Bop auf New Gospel Revisited ein weiteres Beispiel dieses rasanten Aufstiegs. Au Cheval Blanc (Schiltigheim) jeudi 24 mars Im Cheval Blanc (Schiltigheim) am Donnerstag den 24. März ville-schiltigheim.fr marquishill.com
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OPÉRA OPER
Danse macabre
Librement adapté de Strindberg, Julie de Philippe Boesmans est un huis clos étouffant où trois personnages sont sur la corde raide.
Totentanz
Frei nach Strindberg ist Julie von Philippe Boesmans ein bedrückendes Geisterspiel in dem drei Figuren eine Gratwanderung durchmachen. Par Von Hervé Lévy – Croquis des décors signés Bühnenentwurf von Silvia Costa
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u cours de la nuit de la Saint-Jean, Julie danse éperdument. Tournoie, ivre, dans les bras du valet de son père, dont la fiancée s’endort. Jeune aristo’ en transe, sa sarabande se mue en ronde avec la mort où s’entrecroisent Eros et Thanatos. L’aube sera terrible… L’opéra à la musique expressive de Philippe Boesmans (créé en 2005) broie ses personnages, corps et âmes, plaçant les rapports de domination sociale et sexuelle sous une lumière aussi crue que blafarde. Cette histoire qui aurait pu tourner au vaudeville se métamorphose en un drame bergmanien névrotique auquel la metteuse en scène Silvia Costa a choisi d’instiller un caractère surnaturel et mystérieux, à rebours du qualificatif de “tragédie naturaliste” accolé à la Mademoiselle Julie de Strindberg. Elle rappelle que la Saint-Jean correspond au Midsommar suédois, où « les villageois s’autorisaient à mettre en oubli les règles sociales pour se reconnecter avec leurs instincts bruts. C’était également une nuit de présages, puisqu’on raconte que les jeunes filles consommaient des mixtures à base de plantes pour voir apparaître en rêve leur futur amant. »
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m Laufe der Johannisnacht tanzt Julie leidenschaftlich. Wirbelt betrunken in den Armen des Knechts ihres Vaters herum, dessen Verlobte schläft. Die junge Aristokratin ist in Trance, ihr Spektakel verwandelt sich in einen Rundtanz 50
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mit dem Tod, in dem Eros und Thanatos aufeinandertreffen. Das Morgengrauen wird furchtbar sein... Die Oper mit ausdrucksstarker Musik von Philippe Boesmanns (2005 uraufgeführt) zermalmt ihre Figuren, körperlich und seelisch, stellt die soziale und sexuelle Beherrschung in ein ebenso grelles wie fahles Licht. Diese Geschichte, die zu einer Posse hätte werden können, verwandelt sich in ein neurotisches Drama à la Bergman, dem die Regisseurin Silvia Costa einen übernatürlichen und mysteriösen Charakter einflösst, im Widerspruch zur Bezeichnung der „naturalistischen Tragödie“, die Fräulein Julie von Strindberg anhängt. Sie erinnert daran, dass die Johannisnacht dem schwedischen Midsommar entspricht, bei dem „die Dorfbewohner es sich erlaubten die sozialen Regeln zu vergessen um sich mit ihren rohen Instinkten zu verbinden. Es war auch eine Nacht der Omen, denn man erzählt, dass die jungen Mädchen Mixturen auf Pflanzenbasis konsumierten um im Traum ihren zukünftigen Geliebten zu sehen.“ À l’Opéra national de Lorraine (Nancy) du 27 mars au 1er avril et au Grand Théâtre (Dijon) du 4 au 7 mai In der Opéra national de Lorraine (Nancy) vom 27. März bis 1. April und im Grand Théâtre (Dijon) vom 4. bis 7. Mai opera-national-lorraine.fr opera-dijon.fr
OPÉRA OPER
Molière sans relâche Trois fleurons d’un genre oublié : la comédie-ballet. Un auteur mythique : Molière. L’Opéra de Reims souffle les 400 bougies du dramaturge avec magnificence.
Molière ohne Pause Drei Schmuckstücke eines vergessenen Genres: die Comédie-ballet. Ein legendärer Autor: Molière. Die Opéra de Reims feiert den 400. Geburtstag des Theaterautors auf prächtige Weise. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Hélène Aubert
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pectacle délaissé, la comédieballet – qui voit se succéder théâtre, musique et danse dans des tableaux différents – fut aimée de Molière qui en composa quatorze. Réunissant les comédiens des Malins Plaisirs de Vincent Tavernier, les instrumentistes du Concert spirituel d’Hervé Niquet et les chorégraphies de Marie-Geneviève Massé de la compagnie L’Éventail, ce “triptyque” en restitue le sel avec des pièces présentées dans leur intégralité. Ensemble, les trois structures mènent depuis des années un travail de restitution, proposant « une interprétation fondée sur un total respect des œuvres mais avec une approche moderne », résume Vincent Tavernier. Illustration avec Le
Malade imaginaire (18-20/03) sur une musique de Charpentier : « À travers le jeu des travestissements et des divertissements, totalement intégrés à l’action, Molière réaffirme la puissance transformatrice des arts, qui mène du chaos à l’harmonie. » Sur des musiques de Lully se déploient ensuite le rare Sicilien (24 & 25/03), « bonbon acidulé » évoquant Jacques Demy, ainsi que le spectaculaire et drolatique Mariage forcé (26 & 27/03), rempli d’une inextinguible énergie et d’une puissante joie.
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as vergessene Bühnenstück, die Comédie-ballet – in der in verschiedenen aufeinanderfolgenden Szenen Theater, Musik und Tanz
gezeigt werden – liebte Molière. Er komponierte vierzehn ihrer Art. Dieses Triptychon, das die Schauspieler der Malins Plaisirs von Vincent Tavernier, die Musiker des Concert spirituel von Hervé Niquet und die Choreographien von Marie-Geneviève Massé des Tanzensembles L’Éventail vereint, gibt seinen Reiz mit Stücken wieder, die in ihrer Gesamtheit gespielt werden. Gemeinsam arbeiten die drei Strukturen seit drei Jahren an einer Wiederherstellung, sie bieten eine „Interpretation auf der Basis des totalen Respekts gegenüber dem Werk an, aber mit einer modernen Herangehensweise“ fasst Vincent Tavernier zusammen. Der Beweis mit Le Malade imaginaire (Der eingebildete Kranke) (18.-20.03.) zu Musik von Charpentier: „Anhand eines Spiels mit Verkleidungen und Unterhaltung, die total in die Handlung integriert sind, unterstreicht Molière die transformatorische Macht der Künste, jene die vom Chaos zur Harmonie führt.“ Zu Musik von Lully wird anschließend der seltene Sicilien (Sizilier) (24. & 25.03.) gezeigt, ein „leicht säuerliches Bonbon“, das an Jacques Demy erinnert, sowie das spektakuläre und tolldreiste Mariage forcé (Die Zwangsheirat) (26.27.03.), voller grenzenloser Energie und großer Freude. À l’Opéra de Reims du 18 au 27 mars In der Opéra de Reims vom 18. bis 27. März operadereims.com
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Time of the Gypsies Arsmondo s’attache cette année aux mondes tsiganes. Entretien avec Alain Perroux, directeur de l’Opéra national du Rhin, institution qui porte ce festival pluridisciplinaire. Das pluridisziplinäre Festival Arsmondo reist in diesem Jahr in die Welt der Roma. Gespräch mit Alain Perroux, Direktor der Opéra national du Rhin, der Institution, die dieses Ereignis trägt. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Jeannette Gregori
Après avoir choisi des pays (Japon, Inde, etc.) comme thématique, Arsmondo fait sa mue : comment qualifier cette évolution ? Pour moi, ce festival croisant les disciplines est essentiel, puisqu’il permet d’ouvrir l’opéra sur les cultures du monde et d’avoir une plateforme de collaboration avec un grand nombre d’acteurs culturels. Avec une dimension transnationale, le champ des possibles de l’événement se fait encore plus vaste. Et quel meilleur exemple de culture sans frontières existe-t-il que la culture gitane ? Le lien avec l’Alsace est en outre extrêmement étroit. Cette thématique confère une dimension politique à Arsmondo… Elle était déjà présente dans les éditions précédentes, mais, en effet, est plus marquée cette année. Avec son bouquet de propositions, le festival est une fenêtre ouverte sur une culture et l’occasion de faire mieux connaissance avec une réalité socio-politique qui nous est proche. Pourquoi avoir choisi de rassembler, pour la première fois, deux pages courtes, L’Amour sorcier de Manuel de Falla et Journal d’un disparu de Leoš Janáček (15-24/03, Opéra, Strasbourg, puis 01 & 03/04, La Filature, Mulhouse) ? Ce sont deux œuvres habitées d’un feu identique écrites à la même période, dans des langages musicaux très différents. Le metteur en scène Daniel Fish réunit avec élégance ces deux pièces témoignant d’une ambivalence, entre fascination et crainte, pour leur personnage central : une gitane. Un peu magicienne, éperdument libre, séduisante en diable… Comme dans Carmen que nous avons donné il y a quelques mois, les deux compositeurs jouent avec finesse sur les fantasmes véhiculés par l’univers tsigane. Dans L’Amour sorcier, on découvrira Rocío Márquez… Il s’agit d’une immense cantaora (chanteuse de flamenco, NDLR) à qui j’ai aussi proposé de faire un récital (18/03, Opéra, Strasbourg) où elle interprétera des mélodies andalouses 52
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traditionnelles, faisant éclater la grande porosité entre l’univers du flamenco et les mondes gitans. Comment est composée la mosaïque qu’est Arsmondo ? Nous avons souhaité un équilibre entre les regards et les Arts, mêlant les photographies humanistes et empathiques de Jeannette Gregori (15/03-03/04, Lieu d’Europe, Strasbourg) aux mots du poète circassien Alexandre Romanès (25/03, Librairie Kléber, Strasbourg), sans oublier une brassée de films (Aferim ! de Radu Jude, Gadjo dilo de Tony Gatlif, etc.) et l’incroyable installation du plasticien Romuald Jandolo (11/0303/04, jardin de la HEAR, Strasbourg). Quel est votre coup de cœur ? Impossible de répondre, mais j’avoue attendre avec impatience une journée où le jazz manouche, si important en Alsace, est en fête (19/03), un véritable bœuf avec des figures comme l’accordéoniste Marcel Loeffler ou le guitariste Francko Mehrstein. Nachdem Arsmondo Länder zum Thema machte (Japan, Indien, etc.) verändert es sich: Wie würden Sie diese Entwicklung bezeichnen? Für mich ist dieses Festival, das die Disziplinen zusammenführt, grundlegend, denn es erlaubt es die Oper für die Weltkulturen zu öffnen und eine Plattform für die Zusammenarbeit einer großen Anzahl von kulturellen Akteuren zu haben. Mit einer transnationalen Dimension, wird das Feld der Möglichkeiten für das Ereignis noch breiter. Und was wäre ein besseres Beispiel für eine grenzenlose Kultur als jene der Roma? Die Beziehung mit dem Elsass ist außerdem extrem eng. Dieses Thema verleiht Arsmondo auch eine politische Dimension... Sie war schon bei den vorherigen Ausgaben präsent, ist aber in der Tat in diesem Jahr noch präsenter. Mit seinen zahlreichen Vorschlägen ist das Festival ein offenes Fenster zu einer Kultur und die Gelegenheit eine sozio-politische Realität besser kennenzulernen, die uns nahe steht.
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Warum haben Sie sich dazu entschieden erstmals zwei kurze Seiten, Liebeszauber von Manuel de Falla und Tagebuch eines Verschollenen von Leoš Janáček (15.24.03., Opéra, Straßburg, dann 01. & 03.04., La Filature, Mulhouse), zusammenzuführen? Es sind zwei Werke denen ein identisches Feuer innewohnt, die in der gleichen Periode geschrieben wurden, im Laufe des Ersten Weltkrieges, in sehr unterschiedlichen musikalischen Sprachen. Der Regisseur Daniel Fish vereint mit Eleganz diese beiden Stücke, die von einer Ambivalenz zeugen, zwischen Faszination und Furcht für ihre zentrale Figur. Wie in Carmen, das wir vor einigen Monaten gezeigt haben, spielen die beiden Komponisten mit Finesse mit den Phantasien, die vom Universum der Roma transportiert werden. In Liebeszauber entdeckt man Rocío Márquez… Es handelt sich um eine Cantaora (Flamenco-Sängerin, Anm. d. Red.), der ich ein Konzert vorgeschlagen habe (18.03., Opéra, Straßburg) in dem sie die traditionellen andalusischen Melodien interpretieren wird, so dass die große Durchlässigkeit zwischen dem Universum des Flamencos und der Welt der Roma offensichtlich wird.
und den Künstlern, mit humanistischen und einfühlsamen Photographien von Jeannette Gregori (15.03.-03.04., Lieu d’Europe, Straßburg) über die Worte des Zirkuspoeten Alexandre Romanès (25.03., Librairie Kléber, Straßbourg), ohne zahlreiche Filme zu vergessen (Aferim ! von Radu Jude, Gadjo dilo von Tony Gatlif, etc.) und die unglaubliche Installation des Bildhauers Romuald Jandolo (11.03.-03.04., Garten der HEAR, Straßburg). Was ist ihr Favorit? Unmöglich zu antworten, aber ich gestehe, dass ich ungeduldig auf einen Tag warte, an dem der Roma-Jazz, der im Elsass so wichtig ist, gefeiert wird (19.03.), eine echt Jamsession mit dem Akkordeonspieler Marcel Loeffler und dem Gitarristen Francko Mehrstein. À l’Opéra, au Cinéma Odyssée, à la BNU et autres lieux de Strasbourg, à La Filature (Mulhouse), à la Comédie de Colmar et à la Médiathèque de Bischwiller du 11 mars au 3 avril In der Opéra, im Cinéma Odyssée, in der BNU und an anderen Orten in Straßburg, in La Filature (Mulhouse), in der Comédie de Colmar und in der Médiathèque de Bischwiller vom 11. März bis 3. April operanationaldurhin.eu
Wie ist das Mosaik komponiert, das Arsmondo darstellt? Wir wollten eine Ausgeglichenheit zwischen den Blickwinkeln POLY 244
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L’Europe baroque Bach, Rebel, Haydn : Ton Koopman dirige l’Orchestre philharmonique de Strasbourg dans son répertoire de prédilection avec Sergei Krylov.
Barockes Europa Bach, Rebel, Haydn: Ton Koopmann dirigiert das Orchestre philharmonique de Strasbourg durch sein Lieblings-Repertoire mit Sergei Krylov. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Sergei Krylov par von Evgeny Evtukhov
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ondateur de l’Amsterdam Baroque Orchestra en 1979 – à une époque où ce répertoire n’avait pas l’audience qu’on lui connaît –, Ton Koopman est un pionnier. Spécialiste de Bach, il a gravé une version de référence de ses cantates en 22 volumes : nous voilà d’autant plus impatients de découvrir la Suite pour orchestre n°4 et le Concerto pour violon n°2 interprété par le virtuose Sergei Krylov (en photo). Contemporain du “cantor de Leipzig”, Jean-Féry Rebel (1666-1747) fut un musicien de cour proche de Lully : page colorée, sa “symphonie de danse” Les Élémens est introduite par Le Cahos (dans l’orthographe du XVIIIe siècle), pièce visionnaire tendant vers la musique pure – détachée du chant et de la danse, elle trouve son intérêt en elle-même – dont les sept parties correspondent aux sept jours de la Création. La soirée s’achève avec la Symphonie n°98 de Haydn, la plus sombre parmi les douze dites “lon54
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doniennes”, qu’il est possible de considérer comme un requiem pour Mozart dont la disparition, le 15 décembre 1791, avait profondément affecté le compositeur. S’y déploient en effet la gravité d’une déploration déchirante et des instants d’absolue anxiété.
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ls Begründer des Amsterdam Baroque Orchestra im Jahr 1979 – zu einer Zeit als dieses Repertoire nicht die gleiche Beachtung erhielt wie heute – ist Ton Koopmann ein Pionier. Der Bach-Spezialist hat eine Version seiner Bachkantaten in 22 Volumen aufgenommen: Deswegen sind wir umso ungeduldiger die Orchestersuite Nr. 4 und das Violinkonzert in E-Dur zu entdecken, die von Sergei Krylov (siehe Photo). interpretiert werden. Jean-Féry Rebel (1666-1747) war ein Zeitgenosse des Kantors von Leipzig und stand als Hofmusiker Lully nahe: Seine Tanzsymphonie Les Élémens wird von Le Cahos
(Rechtschreibung des 18. Jahrhunderts) eingeleitet, einem visionären Stück mit Tendenz zur reinen Musik – losgelöst von Gesang und Tanz, findet sie ihre Bedeutung in ihr selbst – darunter die sieben Teile, die den sieben Tagen der Schöpfung entsprechen. Der Abend wird von der 98. Sinfonie von Haydn abgerundet, der düstersten unter den acht Londoner Sinfonien, die man als ein Requiem für Mozart betrachten kann, dessen Tod am 15. Dezember 1791 den Komponisten tief erschüttert hatte. Es entfalten sich hier in der Tat der Ernst einer herzzerreißenden Totenklage und Momente absoluter Angst. Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) jeudi 24 et vendredi 25 mars Im Palais de la Musique et des Congrès (Straßburg) am Donnerstag den 24. und Freitag den 25. März philharmonique.strasbourg.eu
OPÉRA OPER
Eros & Thanatos Ruisselant de sang et d’amour, Le Couronnement de Poppée de Monteverdi est mis en scène par Alain Françon, à Dijon. Vor Blut und Liebe triefend wird Die Krönung der Poppea von Monteverdi von Alain Françon in Dijon inszeniert. Par Von Hervé Lévy – Photo de répétition par Probenphoto von Charles-Alexandre Creton / OnP
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irée des Annales de Tacite, l’histoire oppose la vertu du philosophe Sénèque et le mal incarné par les amours adultères de Néron et de la courtisane Poppée, pour laquelle il compte répudier son épouse Octavie. Si les jeux de séduction et de pouvoir humains sont déjà complexes, les choses se corsent avec l’intervention des dieux ! S’emparant de l’opéra de Monteverdi, le metteur en scène Alain Françon, monstre sacré du théâtre, l’installe dans un espace scénique minimaliste permettant une expression incandescente des passions à l’œuvre. Pour lui, il s’agit « à la fois d’une histoire de sang répandu pour le pouvoir et de la plus belle des histoires d’amour. Pour en révéler toute l’humanité, il faut se défaire de la lecture chrétienne que le baroque fait de l’Antiquité, rompre avec le divin pour retrouver le théâtre des passions humaines. L’allégorie de l’Amour, deus ex machina qui conduit l’intrigue en soumettant ses sujets au jeu de ses flèches, est aussi un embrasement : Néron et Poppée s’aiment à la face de Rome et du monde. » Servie par une distribution vocale prometteuse composée des solistes de l’Académie de l’Opéra national de Paris et un orchestre de (très) haut niveau dans ce répertoire – Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre – cette production s’annonce excitante !
Ottavia verstoßen will, einander gegenüber. Die Spiele um Verführung und Macht sind schon unter Menschen kompliziert, aber wenn sich auch noch die Götter einmischen wird’s spannend! Der Regisseur Alain Françon, ein Superstar des Theaters, nimmt sich der Oper von Monteverdi an, installiert sie in einem minimalistischen Bühnenbild, das einen glühenden Ausdruck der Leidenschaften, die am Werk sind, erlaubt. Für ihn geht es „einerseits um eine Geschichte in der Blut für Macht vergossen wird und die schönste aller Liebesgeschichten. Um ihre ganze Menschlichkeit zu enthüllen, muss man die christliche Lesart, die der Barock gegenüber der Antike pflegt, verlassen, mit dem Göttlichen brechen um das Theater der menschlichen Leidenschaften wiederzufinden. Die Allegorie der Liebe, Deus ex machina, die durch die Intrige führt, indem sie ihre Figuren den Pfeilen unterwirft, ist auch eine Feuersbrunst: Nero und Poppea lieben sich vor Rom und der Welt“. Eine vielversprechende Rollenverteilung mit Solisten der Académie de l’Opéra national de Paris und einem Orchester von (sehr) hohem Niveau in diesem Repertoire – das Poème Harmonique von Vincent Dumestre – diese Produktion wird aufregend!
ie Geschichte nach den Annalen von Tacitus stellt die Tugend des Philosophen Seneca und das Böse, das von den außerehelichen Liebschaften Neros mit der Kurtisane Poppea verkörpert wird, für welche er seine Ehefrau
Au Grand Théâtre (Dijon) du 20 au 26 mars Im Grand Théâtre (Dijon) vom 20. bis 26. März opera-dijon.fr
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> Atelier pour enfants (5-10 ans) pendant le spectacle (20/03) POLY 244
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MUSIQUE MUSIK
Happy hours Mêlant explosions festives et rigueur artistique, la 18e édition des Heures Musicales du Kochersberg séduit. Zoom sur la programmation. Festliche Explosionen und künstlerische Genauigkeit vermischen sich in dieser 18. Auflage der Heures Musicales du Kochersberg auf verführerische Weise. Ein Programm-Fokus. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Bernard Martinez
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ette année, le directeur artistique du festival Sébastien Lentz a choisi de proposer un grand bol d’air frais aux spectateurs. Illustration avec la soprano Magali Léger, qui explore l’univers de Joséphine Baker en compagnie de l’Ensemble Contraste dans Paris mon amour (05/03),
concert virevoltant – et somptueux hommage à une femme éperdument libre – inspiré du mythique tour de chant de 1968 à l’Olympia. Quelques jours plus tard, les cinq membres du Or Notes Brass (20/03, en photo) nous emportent dans un tourbillon cuivré où cor, trompettes, tuba et trombone jouent des coudes avec jubilation, mêlant standards du répertoire et échappées belles issues de leur très beau disque intitulé Couleurs d’Amérique où se croisent Gustavo Beytelmann, Karol Beffa (avec une merveilleuse vision de Buenos Aires) ou George Gershwin. Enfin, La Truite (26/03) est un spectacle de la Compagnie Accordzéâm inspiré de la célèbre pièce de Schubert et nombre d’autres. Elles se voient revisitées et malmenées avec bonheur et une bonne dose d’humour, à l’aune de multiples genres musicaux, du rock au baroque en passant par le jazz.
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n diesem Jahr hat der künstlerische Leiter des Festivals, Sébastien Lentz sich dazu entschlossen, den Zuhörern eine große Portion Frischluft zu schenken. Illustration mit der Sopransängerin Magali Léger, die das Universum von Joséphine Baker, in Begleitung des Ensemble Contraste in Paris mon amour (05.03.) erkundet, ein herumwirbelndes Konzert – und eine Hommage an eine über alle Maße freie Frau – das von der legendären Gesangstournee von 1968 in L’Olympia inspiriert ist. Einige Tage später entführen uns die fünf Mitglieder von Or Notes Brass (20.03., siehe Photo) in einen kupfernen Wirbelsturm, in dem Horn, Trompeten, Tuba und Posaune gemeinsam jubeln und Standards des Repertoires mit schönen Ausflügen aus ihrer sehr schönen CD Couleurs d’Amérique vermischen, auf der sich Gustavo Beytelmann, Karol Beffa (mit einer wunderbaren Vision von Buenos Aires) oder George Gershwin begegnen. Und schließlich La Truite (26.03.), eine Aufführung der Compagnie Accordzéâm nach dem berühmten Stück von Schubert und zahlreichen anderen. Sie werden mit Freude und einer großzügigen Dosis Humor neuinterpretiert, mit zahlreichen musikalischen Genres als Maßstab, vom Rock zum Barock, über Jazz. À l’Espace Terminus (Truchtersheim) du 5 au 26 mars Im Espace Terminus (Truchtersheim) vom 5. bis 26. März hmko.fr
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MUSIQUE MUSIK
Love me duo L’invraisemblable couple vocal formé par Diana Damrau et Jonas Kaufmann est de retour sur scène pour une variation sur l’amour. Das ungewöhnliche Stimmpaar Diana Damrau und Jonas Kaufmann ist zurück auf der Bühne mit einer Variation zum Thema Liebe. Par Von Hervé Lévy – Photos de von Jiyang Chen & Gregor Hohenberg / Sony Classical
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eux voix immenses et un pianiste d’exception se retrouvent après avoir donné une version anthologique de l’Italienisches Liederbuch de Wolf sur un CD qui fit date, il y a quatre ans. Au clavier, Helmut Deutsch, dont le jeu est une merveille de précision et d’inspiration, accompagne à nouveau deux des plus grands chanteurs de la planète dans un récital composé de Lieder de Robert Schumann et Johannes Brahms placés sous le sceau de l’amour. D’un côté, Diana Damrau, soprano lumineuse aux aigus irradiants et à la diction d’une extrême élégance. De l’autre, le timbre d’extraterrestre du ténor Jonas Kaufmann, super-star des stars de la galaxie lyrique dont l’art de la mezza voce ne laisse pas de fasciner, comme dans le récent Selige Stunde enregistré pendant le confinement. Ils célèbrent le sentiment dans tous ses éclats, des premiers émois du désir à la tristesse du renoncement, en passant par la plénitude. En filigrane, se découvre le jeu amoureux des deux compositeurs autour de Clara Schumann, la femme de Robert – qui disait d’elle : « La postérité doit nous regarder comme un seul cœur et une seule âme » – et dont le jeune Brahms était tombé éperdument amoureux.
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wei große Stimmen und ein außergewöhnlicher Pianist treffen wieder aufeinander, nachdem sie eine legendäre Version des Italienischen Liederbuchs von Wolf vor
vier Jahren auf eine CD brachten, die ein Meilenstein war. Am Klavier begleitet Helmut Deutsch, dessen Spiel ein Wunder der Präzision und Inspiration ist, erneut zwei der größten Sänger des Planeten für ein Konzert mit Liedern von Robert Schumann und Johannes Brahms, ganz im Zeichen der Liebe. Einerseits Diana Damrau, eine Sopransängerin mit strahlenden hohen Tönen und einer extrem eleganten Aussprache. Andererseits das außerirdische Timbre des Tenors Jonas Kaufmann, des Super-Stars der Stars der Opern-Galaxie, dessen Kunst der mezza voce weiterhin fasziniert, wie im neuen Selige Stunde, das während des Lockdowns aufgenommen wurde. Sie zelebrieren das Gefühl in seiner ganzen Pracht, vom ersten Herzklopfen zur Betrübtheit des Verzichts, über jenes der Fülle. Zwischen den Zeilen liest man das verliebte Spiel der beiden Komponisten rund um Clara Schumann, die Frau von Robert – der über sie sagte: „Die Nachwelt soll uns als ein einziges Herz und eine einzige Seele betrachten“ – in die sich der junge Brahms unsterblich verliebt hatte. Au Festspielhaus (Baden-Baden) dimanche 27 et à La Philharmonie (Luxembourg) jeudi 31 mars Im Festspielhaus (Baden-Baden) am Sonntag den 27. und in La Philharmonie (Luxemburg) am Donnerstag den 31. März festspielhaus.de – philharmonie.lu POLY 244
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Sélection musiques Musik-Auswahl
Alex Cameron
Trio Arnold © Neda Navaee
Trio Arnold Le violoniste Shuichi Okada, l’altiste Manuel Vioque-Judde et le violoncelliste Max Kim donnent un joli programme : romantisme à la Taneïev, déconstruction à la Schnittke et sommet de perfection signé Mozart. Der Geiger Shuichi Okada, der Altist Manuel Vioque-Judde und der Cellist Max Kim spielen ein schönes Programm: Romantik à la Tanejew, Dekonstruktion à la Schnittke und der Gipfel der Perfektion von Mozart. Jusqu’au Bis 13/03, tournée dans toute l’Alsace Tournee im gesamten Elsass ajam.fr
turbulente Multikulti-Komödie. 06/03-05/04, Opernhaus (Zürich) opernhaus.ch
Turandot Le dernier opéra de Puccini – présenté dans sa version achevée par Luciano Berio – est mis en scène avec grande finesse par Jakob Peters-Messer. Die letzte Oper von Puccini – präsentiert in der von Luciano Berio vollendeten Version – wird mit Finesse von Jakob Peters-Messer inszeniert. Jusqu’au Bis 18/05, Staatstheater (Saarbrücken) staatstheater.saarland
Deluxe Moustache de rigueur, look kitsch et coloré… Les six compères de Deluxe font résonner une electro pop psychédélico-déjantée à la française. Schnauzer, Kitsch und Farben... die sechs Kumpanen von Deluxe lassen einen psychedelisch-abgefahrenen Elektropop erklingen. 23/03, La Vapeur (Dijon) & 25/03, La Laiterie (Strasbourg) lavapeur.com — artefact.org
Meimuna Avec sa néo-folk pleine de douceur et de finesse, la chanteuse suisse à la voix solaire distille des mélodies acoustiques veloutées sur son EP intitulé Courage. À tomber. Mit ihrem Neo-Folk voller Zartheit und Finesse destilliert die Sängerin aus der Schweiz mit der sonnigen Stimme eine akustische Weichheit auf ihrer EP mit dem Titel Courage. 05/03, La Poudrière (Belfort) poudriere.com L’Italiana in Algeri Le duo de metteurs en scène Moshe Leiser et Patrice Caurier installe l’action de l’opéra de Rossini – avec Cecilia Bartoli dans le rôle d’Isabella – à Alger aujourd’hui et en fait une comédie multiculturelle turbulente. Das Regisseur-Duo Moshe Leiser und Patrice Caurier installiert die Aktion der Oper von Rossini – mit Cecilia Bartoli in der Rolle der Isabella – im heutigen Algier und macht aus ihr eine 58
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Alex Cameron Le songwriter australien à l’univers déglingos, avec ses chansons écrites comme des courts-métrages, revient avec un troisième album, Oxy music. Der australische Songwriter, dessen Lieder wie Kurzfilme geschrieben sind, ist mit seinem dritten Album Oxy music zurück. 22/03, La Cartonnerie (Reims) & 24/03, Bogen F (Zürich) cartonnerie.fr — bogenf.ch
Les Mots d’amour La diva africaine aux mille voix Angélique Kidjo et le pianiste classique Alexandre Tharaud forment le couple idéal pour partir sur les traces des mots d‘amour de Piaf, Gainsbourg, Brassens… Die afrikanische Diva mit den tausend Stimmen, Angélique Kidjo und der klassische Pianist Alexandre Tharaud bilden ein ideales Paar auf den Spuren der Liebesworte Piaf, Gainsbourg, Brassens... 25/03, L’Arsenal (Metz) citemusicale-metz.fr Georgio Bercé par Jay-Z et Jacques Prévert, Georgio rappe son amour de la littérature française sur son 4e album Sacré, avec des punchlines tirées de Romain Gary ou Vladimir Maïakovski, ça le fait ! Aufgewachsen mit Jay-Z und Jacques Prévert, rappt Georgio seine Liebe zur französischen Literatur auf seinem 4. Album Sacré mit Punchlines aus Romain Gary oder Vladimir Maïakovski! 30/03, L’Autre Canal (Nancy) & 31/03, La Vapeur (Dijon) lautrecanalnancy.fr — lavapeur.com
© Henning Wagenbreth
Mondes dessinés
Protéiforme et dense, la 7e édition des Rencontres de l’illustration de Strasbourg croise les genres avec bonheur.
Gezeichnete Welten Vielförmig und dicht mischt die 7. Auflage der Rencontres de l’illustration de Strasbourg mit Freude verschiedene Genres. Par Von Hervé Lévy
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vec pour thème “Au-delà des frontières”, les Rencontres de l’illustration multiplient les propositions dans plus de trente lieux, accueillant en leur sein la 12e édition du festival Central Vapeur. Jeunes pousses et artistes confirmés se donnent rendez-vous dans un tourbillon où l’on craque pour l’exposition présentant l’univers onirico-étrange d’une grande poésie imaginé par le duo Anne-Caroline Pandolfo / Terkel Risbjerg (Médiathèque Malraux, 17/03-30/04). Installés à Strasbourg, la scénariste et le dessinateur ont publié des romans graphiques 60
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comme l’inquiétant Serena (western crépusculaire adapté d’un roman de Ron Rash) ou Enferme-moi si tu peux, dressant le portrait de six acteurs de l’Art brut – le palais idéal du Facteur Cheval, les visions de Marjan Gruzewski… – dans des volutes efflorescentes envahissant la page avec élégance et volupté. Plus récemment, est né Sousbrouillard, fable poétique et philosophique nimbée d’un épais mystère, faite de récits qui s’emboitent, à l’image des poupées russes. Autre temps fort, la présentation de la cathédrale faite de blocs de bois revisitant le rapport image / texte signée Hen-
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ning Wagenbreth (5e Lieu, 17/03-22/05) voisine avec les œuvres du mythique Folon (Musée Tomi Ungerer, 18/03-03/07). Moins conventionnel est le parcours d’affiches imaginé par la géniale Elizabeth Holleville sur le quai des Bateliers (17/0305/04), tirée d’Immonde ! sa récente BD revenant sur ses années strasbourgeoises. Sans oublier le dialogue de dessins entre Henning Wagenbreth et Samuel Bas (Coop, 17-31/03) en forme de maelström coloré ! Enfin, on attend avec impatience la Battlestar (Star Saint-Éxupéry, 18/03), fight club graphique et festif !
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© Terkel Risbjerg
nter dem Motto „Jenseits der Grenzen“ präsentieren die Rencontres de l’illustration Veranstaltungen an mehr als dreißig Orten und empfangen ebenfalls die 12. Auflage des Festivals Central Vapeur. Junge Talente und anerkannte Künstler treffen sich für einen Wirbelsturm, in welchem man für eine Ausstellung schwach wird, die das verträumt-bizarre Universum von großer Poesie des Duos Anne-Caroline Pandolfo / Terkel Risbjerg (Médiathèque Malraux, 17.03.-30.04.) präsentiert. Die in Straßburg lebende Drehbuchautorin und der Zeichner haben Grafische Romane wie das beunruhigende Serena (ein dämmeriger Western nach einem Roman von Ron Rash) oder Enfermemoi si tu peux herausgebracht, das das Portrait von sechs Autoren der Art Brut zeichnet – der ideale Palast des Facteur Cheval, die Visionen von Marjan Gruzewski… – in blühenden Windungen, die die Seite mit Eleganz und Wollust bedecken. Vor Kurzem wurde Sousbrouillard veröffentlicht, eine poetische und philosophische Fabel, die von einem dichten Geheimnis umgeben ist, gewoben aus ineinander verschachtelten Erzählungen, nach dem Vorbild einer russischen Babuschka-Puppe. Ein weiterer Höhepunkt ist die Darstellung der Kathedrale anhand von Holzblöcken, die die Beziehung zwischen Bild und Text neu verhandeln, ein Werk von Henning Wagenbreth (5e Lieu, 17.03.-22.05.), das jenem des legendären Folon (Musée Tomi Ungerer, 18.03.-03.07.) gegenübersteht. Weniger konventionell ist der Plakat-Rundgang, den sich die geniale Elisabeth Holleville für den Quai des Bateliers ausgedacht hat (17.03.-05.04.), ein Auszug aus Immonde ! ihrem neuesten Comic, in dem sie auf ihre Straßburger Jahre zurückblickt. Ohne den Dialog der Zeichnungen in Form eines bunten Malstroms zwischen Henning Wagenbreth und Samuel Bas zu vergessen (Coop, 17.-31.03.)! Und schließlich erwarten wir gespannt die Battlestar (Star Saint-Éxupéry, 18.03.), einen graphischen und festlichen Fight Club! Dans l'Eurométropole de Strasbourg du 17 au 31 mars In der Eurométropole von Straßburg vom 17. bis 31. März illustration.strasbourg.eu POLY 244
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EXPOSITION AUSSTELLUNG
L’Alsace heureuse À Strasbourg, 1909, l’Alsace à Nancy revient avec intelligence sur L’Invention du folklore à travers plus de 150 documents et œuvres.
Das glückliche Elsass In Straßburg blickt 1909, das Elsass in Nancy auf intelligente Weise, anhand von 150 Dokumenten und Werken, auf Die Erfindung der Folklore zurück. Par Von Hervé Lévy
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image d’Épinal d’une Alsace archétypale (et figée) sortie d’un dessin de Hansi avec coiffe, colombages et tutti quanti est partiellement née en… Lorraine. En 1909, Nancy accueille en effet l’Exposition internationale de l’Est de la France qui a un immense succès populaire, attirant quelque deux millions de visiteurs. Hésitant entre expo universelle sur un thème régional(iste) et acte patriotique – puisque s’y déploie une intense nostalgie pour les provinces perdues après l’annexion de 1871 –, cette manifestation renferme notamment un village alsacien reconstitué. Une vision idéalisée qui va s’imposer dans l’imaginaire collectif… Particulièrement riche, le parcours présente en profondeur les enjeux de l’événement, que concentre à merveille une toile au dramatisme exacerbé de Jean-Joseph Weerts, mais permet aussi d’en découvrir le substrat et les acteurs : maison traditionnelle démontée à Zutzendorf et remontée in situ, fête villageoise détachée de son terroir, vente de kougelhopfs et autres pichets de vin…
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as Bild eines archetypischen (und unveränderlichen) Elsasses, wie in den Zeichnungen von Hansi mit Trachtenhaube, Fachwerk und so weiter ist zum Teil... in Lothringen entstanden. Im Jahr 1909 empfängt Nancy die Internationale Ausstellung von Ostfrankreich, die einen großen Erfolg hat und rund zwei Millionen Besucher anzieht. Auf halbem Weg zwischen Weltausstellung zu einem regionalen Thema und patriotischem Akt – da sich hier eine intensive
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Jean-Joseph Weerts, France !! Ou l’Alsace et la Lorraine désespérées Frankreich!! Oder das verzweifelte Elsass und Lothringen, 1906 © Nancy, Palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain
Nostalgie für die verlorenen Provinzen nach der Abtretung von Elsass-Lothringen von 1871 entfaltet – präsentiert diese Veranstaltung unter anderem die Rekonstruktion eines elsässischen Dorfes. Eine idealisierte Version, die sich in das kollektive Gedächtnis einbrennen wird... Der besonders reichhaltige Rundgang dringt tief in die verschiedenen Themen ein, zeigt unter anderem ein Gemälde von übersteigerter Dramatik von Jean-Joseph Weerts aber erlaubt es auch seine Substrate und die Akteure zu entdecken: ein traditionelles Haus, das in Zutzendorf abgebaut und vor Ort
wieder aufgebaut wurde, ein Dorffest, das seinem Herkunftsgebiet entrissen wurde, Verkauf von Kougelhopf und Weinkrügen... Au Musée alsacien (Strasbourg) jusqu’au 23 mai (en partenariat avec le Palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain) Im Musée alsacien (Straßburg) bis zum 23. Mai (in Kooperation mit dem Palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain) musees.strasbourg.eu – musee-lorrain.nancy.fr > Visite avec la commissaire (26/04 & 14/05, 14h30) > Führung auf Deutsch (24.04., 11 Uhr)
EXPOSITION
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Vues d’ateliers Au Musée Courbet, Un Atelier à soi plonge au cœur de la seconde moitié du XIXe siècle, dans des espaces emblématiques de la mutation du statut de l’artiste.
Atelieransichten
Im Musée Courbet taucht Un Atelier à soi ins Herz der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts ein, in symbolträchtigen Räumen der Veränderung des Künstlerstatus. Par Von Hervé Lévy
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lors que “l’atelier dans la campagne” de Gustave Courbet s’ouvre à la visite à Ornans après quasiment un siècle d’oubli – permettant de découvrir ses uniques peintures murales, La Seine à Bougival et L’Escaut se jetant dans la mer –, le musée qui lui est dédié abrite une exposition entrant en résonance avec cet événement. C’est en effet une de ses toiles représentant son second atelier – à Paris, rue Hautefeuille – qui métamorphose la perception de cet espace au mitan du XIXe siècle. Auparavant, il était le plus souvent un 64
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sanctuaire privé dédié au rapport intime entre le créateur et sa muse : Corot peignant de Charles Desavary en est un bel exemple. Il devient un véritable lieu de vie dont l’artiste est le point focal autour duquel gravite une petite société, où se croisent mécènes, rapins, modèles, commanditaires, journalistes… Illustration avec une composition de Jean Gigoux où l’on pourrait se croire dans un salon à la mode où l’on débat, témoignant de la frénésie qui régnait autour de la question artistique dans la seconde moitié du XIXe siècle : « À aucune
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autre époque les peintres et les sculpteurs n’ont occupé au même degré l’opinion et passionné les masses. », écrivit le critique Albert Wolff. Genre iconographique à part entière, la vue d’atelier – couplée aux reportages paraissant dans la presse, illustrés par gravures ou photogravures – connaît une floraison intense. Les différentes sections de l’exposition en dressent un complet panorama à travers une soixantaine de pièces, dont quelques raretés à l’image d’un bronze de Courbet, Le Pêcheur aux chabots. S’y déploient portraits bohèmes parfois outrés, comme Art, misère, désespoir, folie !, au romantisme sombre tendance destructeur, et compositions délicates tel Un Coin d’atelier d’Édouard Dantan où un modèle mutin mate un sculpteur maniant le ciseau avec ardeur. Dans cet espace intime, l’artiste affirme ses intentions et son identité : reconnu ou maudit, commerçant (avec les photographies d’Edmond Bénard) ou retiré du monde pour mieux plonger dans les nuées de l’inspiration, etc. L’austérité émanant d’une huile d’Octave Tassaert contraste ainsi vivement avec la magnificence d’une toile de Charles Giraud : toutes deux décrivent pourtant le même lieu de travail. Un éclairage particulier est évidemment porté sur Courbet et son studio franc-comtois : « J’ai été énormément dérangé par la construction de mon atelier à Ornans, mais en revanche je suis à même maintenant de faire tout ce que comporte la peinture », écrivit-il en 1860. Y naquirent en effet des chefs-d’œuvre comme L’Hallali du cerf et Vénus et Psyché.
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ährend sich das „Atelier auf dem Land“ von Gustave Courbet nach fast einem Jahrhundert des Vergessens für Besichtigungen öffnet – was es erlaubt seine einzigen Wandgemälde zu entdecken, La Seine à Bougival (Die Seine in Bougival) und L’Escaut se jetant dans la mer (Die Schelde mündet im Meer) –, beherbergt das Museum, das ihm gewidmet ist, eine Ausstellung in Einklang mit diesem Ereignis. Es ist in der Tat eines seiner Gemälde, welches sein zweites Atelier darstellt – in Paris, rue Hautefeuille – das die Wahrnehmung dieses Raums in der Mitte des 19. Jahrhunderts verändert. Zuvor war er meist ein privates Refugium, das der intimen Beziehung zwischen dem Kunstschaffenden und seiner Muse gewidmet war: Corot peignant (Corot malend) von Charles Desavary illustriert dies. Es wird zu einem echten Lebensort, dessen Brennpunkt der Künstler ist, um welchen herum eine kleine Gesellschaft kreist, in der sich Mäzene, Schüler, Modelle, Auftraggeber und Journalisten begegnen... Illustration mit einer Komposition von Jean Gigoux, in der man sich in einem modischen Salon wähnt, in dem man debattiert, was von der Besessenheit zeugt, die in der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts die Kunst begleitete: „In keiner anderen Epoche haben die Künstler und Bildhauer im gleichen Maße die Stimmung geprägt und die Massen begeistert.“, schrieb der Kritiker Albert Wolff.
chabots (Der Kaulkopf-Fischer). Es entfalten sich hier auch überzeichnete Boheme-Portraits wie Art, misère, désespoir, folie! (Kunst, Misere, Verzweiflung, Wahnsinn!) von düsterer Romantik mit zerstörerischer Tendenz, und zarte Kompositionen wie Un Coin d’atelier (Eine Ecke des Ateliers) von Édouard Dantan in dem ein schelmisches Modell einen Bildhauer betrachtet, der mit Elan den Meißel schwingt. In diesem intimen Raum betont der Künstler seine Intentionen und seine Identität: Anerkannt oder verdammt, geschäftstüchtig (mit den Photographien von Edmond Bénard) oder zurückgezogen von der Welt um besser in die Wolken der Inspiration einzutauchen, etc. Die Strenge, die von einem Ölgemälde von Octave Tassaert ausgeht, steht so in einem lebendigen Kontrast mit der Pracht eines Gemäldes von Charles Giraud: Dabei beschreiben beide den selben Arbeitsplatz. Eine besondere Erläuterung erfährt natürlich Courbet und sein Atelier in der Franche-Comté: „Ich wurde sehr vom Bau meines Ateliers in Ornans gestört, aber dafür bin ich nun in der Lage alles zu tun, was die Malerei umfasst“, schrieb er 1860. Hier entstanden in der Tat Meisterwerke wie L’Hallali du cerf (Der Tod des Hirschs) und Vénus et Psyché (Venus und Psyche). Au Musée Courbet (Ornans) jusqu’au 27 mars Im Musée Courbet (Ornans) bis zum 27. März musee-courbet.fr 1. Charles Giraud, L’Atelier d’un artiste, 1870, Compiègne, Musée national du Château de Compiègne © RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Daniel Arnaudet 2. Paul Mathey, Félicien Rops dans son atelier, 1876-1900, Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux
Als eigenständiges ikonographisches Genre floriert die Atelieransicht, gepaart mit Reportagen, die in der Presse erscheinen, illustriert von Gravuren und Heliogravüren. Die verschiedenen Abschnitte der Ausstellung zeichnen ein komplettes Panorama anhand von rund sechzig Werken, darunter einigen Raritäten wie einer Bronzefigur von Courbet, Le Pêcheur aux
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EXPOSITION AUSSTELLUNG
La Lecture, 1979 Coll. Claus-Bock © Pôle Culturel
Claus to me Deux expositions complémentaires rendent hommage à Camille Claus, peintre alsacien majeur du vingtième siècle. Zwei komplementäre Ausstellungen zu Ehren von Camille Claus, einem der großen elsässischen Maler des 20. Jahrhunderts. Par Von Hervé Lévy
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ouvent, Camille Claus (19202005) se voit réduit à des œuvres d’un lyrisme exacerbé, irradiantes de vie et nimbées d’un certain onirisme, installant une mythologie alsacienne syncrétique. Deux expositions viennent compléter le tableau, montrant notamment les toiles réalisées à son retour de Tambov où il avait été interné comme nombre d’incorporés de force dans l’Armée allemande : des corps décharnés aux allures expressionnistes incarnent une intense douleur. Peu après, notre homme s’essaye à l’abstraction avec des compositions géométriques rappelant Jean Arp ou Auguste Herbin, avant de revenir à la figuration dès 1950. À Drusenheim se déploie tout cet itinéraire pictural, tandis que l’exposition strasbourgeoise s’intéresse plus en détail à la spiritualité du peintre. S’y trouvent notamment des toiles de la série Diogène prêtées par le Mamcs : le philosophe y est vu non comme un cynique
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insolent, mais plutôt comme un homme éperdument libre qui tourne le dos aux conventions sociales, à l’ordre établi. Un vivant portrait de l’artiste pour qui l’a connu…
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ft wird Camille Claus (19202005) auf Werke von übersteigerter Lyrik, voller Leben und Träume, für eine synkretistische elsässische Mythologie reduziert. Zwei Ausstellungen runden das Bild ab, zeigen insbesondere die Gemälde, die er nach seiner Rückkehr aus Tambow realisiert hat, wo er interniert war, wie zahlreiche zwangsweise in die deutsche Wehrmacht eingezogene Elsässer: Ausgemergelte Körper mit expressionistischem Aussehen verkörpern einen intensiven Schmerz. Wenig später probiert unser Mann die Abstraktion aus, mit geometrischen Kompositionen, die an Jean Arp oder Auguste Herbin erinnern, bevor er ab 1950 zur bildli-
chen Darstellung zurückkehrt. In Drusenheim entfaltet sich dieser bildliche Lebensweg, während die Ausstellung in Straßburg sich detaillierter für die Spiritualität des Malers interessiert. Man findet hier insbesondere die Gemälde aus der Serie Diogène, eine Leihgabe des Mamcs: Der Philosoph wird nicht wie ein respektloser Zyniker gesehen, sondern eher als ein völlig freier Mann, der den sozialen Konventionen und der bestehenden Ordnung den Rück en kehrt. Ein lebendiges Portrait des Künstlers für jene, die ihn kannten... À la Médiathèque protestante (Strasbourg) jusqu’au 25 mars et à l’Espace d’art Paso (Drusenheim) jusqu’au 9 avril In der Médiathèque protestante (Straßburg) bis zum 25. März und im Espace d’art Paso (Drusenheim) bis zum 9. April mediathequeprotestante.fr polecultureldrusenheim.fr
EXPOSITION
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Georgia on My Mind La Fondation Beyeler explore l’univers oscillant entre abstraction et figuration de Georgia O’Keeffe, icône américaine de l’art moderne. Die Fondation Beyeler erkundet das zwischen Abstraktion und bildlicher Darstellung pendelnde Universum von Georgia O’Keeffe, der amerikanischen Ikone der modernen Kunst. Par Von Hervé Lévy
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es dégradés allant du noir le plus intense au gris diaphane. Une composition spiralaire aux lignes élancées. Fusain de 1915, Early Abstraction est la plus ancienne pièce de cet accrochage dédié à Georgia O’Keeffe (18871986) : s’y trouvent déjà les éléments de la grammaire stylistique d’une femme dont le talent tape dans l’œil d’Alfred Stieglitz. Photographe et fondateur de la Galerie 291 – où il défend Picasso, Braque, Brancusi ou Duchamp –, il devient aussi son… mari. Au fil des salles, se dévoile un univers où abstraction et figuration coexistent, se mêlant souvent dans un flirt tout en délicatesse : en 1928, elle peint ainsi des toiles d’essence aussi différentes que East River from the Shelton Hotel, paysage d’une mélancolie toute hopperienne et Abs-
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traction – Alexius, où des nuages semblent gagner tout l’espace en exquises volutes épousant plusieurs nuances de bleu. Le parcours fait évidemment la part belle à son motif emblématique : « On prend rarement le temps de voir vraiment une fleur. Je l’ai peinte assez grande pour que d’autres voient ce que je vois », explique-t-elle en 1926. Une affirmation assez éloignée de la lecture freudienne le plus souvent réalisée, qu’elle récusa toute sa vie. Reste que les résonances sexuelles d’Inside Red Canna (1919), un exemple parmi d’autres, sont manifestes avec son rouge éclatant et ses formes évocatrices. Extase des pétales. Jouissance des corolles. Ivresse des pistils. Chacun y verra néanmoins ce qu’il voudra… Botaniques
AUSSTELLUNG
et érotiques, les tableaux irradient de puissantes pulsations vitales, comme les paysages organiques et ondoyants qu’elle peint dès 1929 au Nouveau-Mexique, d’une géologie étonnamment sexuée, à l’image de Black Place I (1944) ou Black Hills With Cedar (1941), qui évoque avec force L’Origine du monde de Courbet. Elle saisit la vibration particulière de cette région désertique où elle s’installe définitivement en 1949, représentant mesas arides et crânes d’animaux blanchis par le soleil qui deviennent des sujets récurrents. L’artiste joue par ailleurs avec les cavités naturelles des os dans des compositions où proportions et échelles se brouillent, comme dans Pelvis with the Distance (1943) rappelant curieusement le surréalisme de Salvador Dalí. Pour terminer le voyage, l’œuvre tardif de Georgia O’Keeffe dialogue avec l’immense Black Mobile with Hole (1954) de Calder qui partageait avec elle une fascination pour les horizons infinis de l’Amérique profonde. Sa rencontre avec Sky above Clouds / Yellow Horizon and Clouds (1976/77), huile de plus de deux mètres de long, génère d’étranges espaces méditatifs métaphysiques.
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der Knochen in Kompositionen, in denen Proportionen und Maßstäbe verschwimmen, wie in Pelvis with the Distance (1943), das kurioserweise an den Surrealismus von Salvador Dalí erinnert. Um die Reise zu beenden tritt das Spätwerk von Georgia O’Keeffe in einen Dialog mit dem riesigen Black Mobile with Hole (1954) von Calder, der ihre Faszination für die unendlichen Weiten Amerikas teilte. Seine Begegnung mit Sky above Clouds / Yellow Horizon and Clouds (1976/77), einem Ölgemälde von mehr als zwei Metern Länge, erzeugt merkwürdige metaphysische Meditationsräume. À la Fondation Beyeler (Riehen / Bâle) jusqu’au 22 mai In der Fondation Beyeler (Riehen/ Basel) bis zum 22. Mai fondationbeyeler.ch > Visite guidée en français, 06/03 (15h) > Geführte Besichtigung mit der Kuratorin Theodora Vischer, 30.03., 04.05. (18:30-20 Uhr) > Open Studio, freies Aquarellatelier, 26. & 27.03, 23. & 24.04., 21. & 22.05. (10-18 Uhr) > Kunstfrühstück mit geführter Besichtigung, 20.03. (9-12 Uhr)
bstufungen von intensivem Schwarz bis zum durchsichtigen Grau. Eine spiralenförmige Komposition mit schlanken Linien. Die Kohlezeichnung Early Abstraction von 1915 ist das älteste Stück dieser Georgia O’Keeffe (1887-1986) gewidmeten Ausstellung: Darin finden sich schon die Elemente der stilistischen Grammatik einer Frau deren Talent Alfred Stieglitz ins Auge fällt. Der Photograph und Gründer der Galerie 291 – wo er Picasso, Braque, Brancusi oder Duchamp vertritt –, wird auch ihr... Ehemann. Im Laufe der Säle entfaltet sich ein Universum, in dem Abstraktion und figurative Darstellung nebeneinander existieren und sich sogar oft auf delikate Weise vermischen: Im Jahr 1928 malt sie Gemälde von so unterschiedlicher Essenz wie East River from the Shelton Hotel, eine melancholische Landschaft à la Hopper und Abstraction – Alexius, in dem die Wolken den gesamten Raum einzunehmen scheinen, in herrlichen Windungen mit zahlreichen Blautönen. Der Rundgang räumt natürlich ihrem symbolträchtigsten Motiv einen großen Platz ein: „Man nimmt sich selten die Zeit eine Blume wirklich zu betrachten. Ich habe sie groß genug gemalt, so dass andere sehen was ich sehe“, erklärt sie 1926. Eine Erklärung, die ziemlich weit entfernt ist von der freudschen Lesart, die oft angewandt wird und die sie ihr Leben lang ablehnte. Trotzdem sind die sexuellen Anspielungen in Inside Red Canna (1919), einem Beispiel unter vielen, evident mit seinem knallenden Rot und den vielsagenden Formen. Ekstase der Blütenblätter. Orgasmus der Blütenkronen. Trunkenheit der Blütestempel. Jeder wird darin sehen was er möchte... Botanisch und erotisch strahlen die Gemälde mächtige Lebensimpulse aus, wie die organischen und wogenden Landschaften, die sie ab 1929 in New Mexico malt, eine erstaunlich geschlechtliche Geologie, wie bei Black Place I (1944) oder Black Hills With Cedar (1941), das stark an Der Ursprung der Welt von Courbet erinnert. Sie begreift die besondere Vibration dieser Wüstenregion, in der sie sich definitiv 1949 installiert um dort öde Tafelberge und von der Sonne gebleichte Tierschädel darzustellen, die zu regelmäßigen Motiven werden. Die Künstlerin spielt außerdem mit den natürlichen Höhlen
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1. Georgia O’Keeffe, Oriental Poppies, 1927, collection de Sammlung des Frederick R. Weisman Art Museum at the University of Minnesota, Minneapolis. Achat du musée Ankauf, 1937 © Georgia O’Keeffe Museum / 2021, ProLitteris, Zurich 2. Georgia O’Keeffe, Jack-in-the-Pulpit No. IV, 1930, National Gallery of Art, Washington, Alfred Stieglitz. Collection, Legs de Vermächtnis Georgia O’Keeffe, 1987 © Board of Trustees, National Gallery of Art, Washington D.C.
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Pierre Fraenkel, Mutus Phalangide, 2021
Les herbes bleues Réunissant vingt-sept plasticiens mulhousiens, Botanica renouvelle notre regard sur l’univers végétal.
Die blauen Gräser
Mit der Teilnahme von siebenundzwanzig Künstlern aus Mulhouse erneuert Botanica unseren Blick auf das Universum der Pflanzen. Par Von Suzi Vieira
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e printemps sera bientôt là ; la nature doucement s’éveille à la Fondation François Schneider. Au jardin… et à l’intérieur des salles baignées de lumière. Là, fougères stellaires, arbres cantonais pluri-centenaires, frondaisons des sous-bois et forêts de Moselle, putréfaction de lys fanés, majestueux cèdres, phosphorescentes graminées et autres luminescentes ombellifères ont en effet colonisé les murs pendant l’hiver. Tapie dans un coin, se tient même aux aguets une effrayante araignée de bois et d’étoffes bigarrées, géante sortie de l’imagination du plasticien Pierre Fraenkel. En tout, vingt-sept artistes venus de la mulhousienne pépinière Motoco – installée sur le site des anciennes usines textiles DMC – font dialoguer leurs explorations végétales et autres études sur le paysage avec l’univers aquatique auquel est dédiée l’institution wattwilleroise. Depuis les cinquante nuances de vert des nénuphars photographiés par Nicola Amaru aux herbiers minutieusement tracés à la plume et au pastel sec par Iva Šintić, en passant par les incroyables bouquets de masses florales rugissant à vif sur les toiles d’Anne-Sophie Tschiegg, Botanica fait l’époustouflant inventaire phytologico-sensible de la flore qui nous entoure, à la campagne comme à la ville.
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er Frühling steht vor der Tür; die Natur erwacht langsam in der Fondation François Schneider. Im Garten... und in den von Licht gefluteten Sälen. Dort Farnkraut
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wie von einem anderen Stern, mehrere hundert Jahre alte kantonesische Bäume, Laub aus dem Unterholz und den Wäldern der Mosel, Verwesung verwelkter Lilien, majestätische Zedern, phosphoreszierende Gräser und lumineszierende Doldenblütler, die die Wände den Winter über kolonisiert haben. In eine Ecke gekauert, liegt eine Angst einflössende bunt gemusterte Riesenspinne aus Holz und Stoff auf der Lauer, die der Phantasie des Bildhauers Pierre Fraenkel entspringt. Insgesamt stellen siebenundzwanzig Künstler aus der Talentschmiede Motoco in Mulhouse – die auf dem Gelände der ehemaligen Textilfabriken DMC installiert sind – ihre pflanzlichen Erkundungen und Landschaftsstudien mit dem Wasseruniversum in einen Dialog, dem die Institution in Wattwiller gewidmet ist. Von den Grüntönen der von Nicola Amaru photographierten Wasserlilien zu den minutiös mit Feder und Pastell gezeichneten Herbarien von Iva Šintić über die unglaublichen Sträuße von Blumenmassen, die über die Leinwände von Anne-Sophie Tschiegg tosen, stellt Botanica ein sensibles Bewuchs-Inventar der Flora auf, die uns, sowohl auf dem Land, als auch in der Stadt, umgibt. À la Fondation François Schneider (Wattwiller) jusqu’au 27 mars In der Fondation François Schneider (Wattwiller) bis zum 27. März fondationfrancoisschneider.org
EXPOSITION AUSSTELLUNG
Melancholia Dans une exposition savernoise en forme de rétrospective, Marc Petit poursuit l‘exploration de son thème de prédilection : la nostalgie. In einer Ausstellung in Saverne in Form einer Retrospektive setzt Marc Petit die Erkundung seines Lieblingsthemas fort: der Nostalgie. Par Von Anissa Bekkar – Photo de von Sylvain Crouzillat
répondent à des œuvres plus anciennes et emblématiques comme La Famille (1995), avec ses trois personnages à tête de mort. Plus d’un quart de siècle séparent ainsi certains bronzes, dans l’esprit d’une rétrospective qui ne dit pas son nom. L’occasion de constater l’évolution du travail du sculpteur, libéré de l’impératif d’une explosion émotive immédiate. S’il cherchait autrefois à « choquer au premier regard », il s’émeut désormais de capter durablement l’attention du spectateur. Une confrontation plus apaisée, mais toujours aussi intense…
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60 ans, Marc Petit, qui a passé les deux tiers de son existence à modeler le bronze, pose un regard espiègle sur sa carrière : « En réalité, je ne maîtrise pas du tout la sculpture. Si je savais sculpter parfaitement, j’arrêterais tout de suite », assène-t-il avec malice. Imprégnées des blessures du passé, ses sombres rondes-bosses évoquent douleur, inquiétude ou mélancolie : « Toute ma vie, j’ai cherché la beauté. Mais mon propre vécu fait que je crée des choses qui choquent, heurtent ou surprennent », explique l’artiste. Monumentaux ou à taille humaine, une centaine de statues et groupes promènent leur silhouette. Des créations récentes
it 60 Jahren wirft Marc Petit, der zwei Drittel seiner Existenz damit verbracht hat Bronze zu bearbeiten, einen schelmischen Blick auf seine Karriere: „In Wahrheit beherrsche ich die Skulptur überhaupt nicht. Wenn ich ein perfekter Bildhauer wäre, würde ich sofort aufhören“, gibt er mit Schalkhaftigkeit von sich. Von den Wunden der Vergangenheit durchdrungen, lassen seine düsteren Vollplastiken an Schmerz, Besorgnis oder Melancholie denken: „Mein ganzes Leben lang habe ich nach Schönheit gesucht. Aber mein eigenes Erleben führt dazu, dass ich Dinge erschaffe, die schockieren, vor den Kopf stoßen oder überraschen“, erklärt der Künstler. Monumental oder von menschlichem Format zeigen rund hundert Statuen und Gruppen ihre Silhouette. Neue Kreationen antworten auf ältere und emblematische Arbeiten wie La Famille (1995), eine Gruppe, die Figuren mit Totenkopf darstellt. Mehr als ein Viertel Jahrhundert liegen so zwischen einigen Bronzestatuen, ganz im Sinne einer Retrospektive, die nicht beim Namen genannt wird. Die Gelegenheit die Entwicklung der Arbeit des Bildhauers zu entdecken, frei von jeglichem Imperativ einer sofortigen Emotions-Explosion. Während er früher versuchte „auf den ersten Blick zu schockieren“, treibt es ihn heute an, die Aufmerksamkeit des Betrachters dauerhaft zu fesseln. Eine beruhigte Konfrontation, die aber immer noch genauso intensiv ist... Au Château des Rohan (Saverne) du 12 mars au 20 avril Im Château des Rohan (Saverne) vom 12. März bis zum 20. April tourisme-saverne.fr
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EXPOSITION
D’autres vies que la mienne À la Kunsthalle de Mulhouse, Romain Kronenberg brouille les frontières entre réel et fiction avec Boaz, exposition en forme de jeu sur la narration.
Alles ist wahr In der Kunsthalle de Mulhouse verwischt Romain Kronenberg die Grenzen zwischen Realität und Fiktion mit Boaz, einer Ausstellung in Form eines Spiels mit der Erzählung. Par Von Suzi Vieira – Photos de von Romain Kronenberg
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abord, il y a Boaz. Et puis Malachie, Deborah et Amos. Quatre personnages, le soleil de l’île de Procida, un parfum de mysticisme qui plane, la tendresse infinie de l’amour filial, le désir fusionnel qui circule, les mots tus, les gestes suspendus… et le trouble de l’étrangeté qui sourd peu à peu du récit. Passé par la Faculté de théologie protestante de Genève avant d’étudier la composition électro-acoustique, Romain Kronenberg élabore depuis plusieurs années des projets à la croisée de l’écriture, la sculpture et la photographie, donnant naissance à de troublantes fictions habitées par la question de la transcendance divine. Ses personnages naviguent entre réel et imaginaire, romans, films, lettres ou objets leur ayant appartenu et hissés au rang de reliques. Quand le plasticien en parle, c’est comme s’ils existaient. Pour de vrai ! Ces présences fantomatiques le hantent et l’accompagnent des années durant. Avec elles, il a formé le collectif “soma anders”. Ses œuvres sont en effet les siennes autant que les leurs. Ainsi se voient présentées à la Kunsthalle les poupées de paille fabriquées par Malachie tout au long du livre, les diapositives de famille prises par Amos, les vidéos tournées par Boaz avec la petite caméra reçue de ses parents pour ses six ans ou encore le pendentif que ce dernier portait toujours autour du cou – aussi précieux que le Saint-Suaire
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avec le grand “Monolithe” blanc fabriqué pour lui servir de reliquaire. Dans un espace à la semblance d’une cathédrale de béton, le visiteur est d’abord frappé par le silence vibrant qui règne, rompu tous les quarts d’heure par des extraits de l’interrogatoire mené sur Deborah. Seule rescapée du drame, la jeune femme est en effet sommée par les autorités religieuses de raconter, encore et encore, le déroulé des faits ayant mené à la mort de “la légende” (Boaz) et de son plus fervent apôtre (Malachie). Romain Kronenberg n’est
pas le premier écrivain à attester que les héros de ses textes sont doués d’une vie propre – et de libre arbitre –, échappant nécessairement à leur créateur. Mais il est le seul à projeter leur forme d’existence singulière dans l’espace physique, tangible, qui fait le substrat de notre sacro-sainte “réalité”. « Ce qu’ils disent et font est pour moi tout aussi réel que ce que je vois à la télévision ou lis dans les journaux », soutient-il. « Ils sont des présences, des âmes personnifiées, vivant d’une vie aussi vraie que la mienne. » Vue d’exposition galerie Sator, 2021
AUSSTELLUNG
Diapositive avec la participation de Meris Angioletti, 2022
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uerst ist da Boas. Und dann Maleachi, Debora und Amos. Vier Figuren, die Sonne der Insel Procida, ein Parfum von Mystizismus hängt in der Luft, die unendliche Zärtlichkeit der kindlichen Liebe, das symbiotische Verlangen, die verschwiegenen Worte, die unterbrochenen Gesten... und die Aufruhr der Sonderbarkeit, die nach und nach aus der Erzählung hervorquillt. Romain Kronenberg, der an der Fakultät für protestantische Theologie in Genf war, bevor er elektro-akustische Kompositionen studierte, entwickelt seit mehreren Jahren Projekte an der Grenze zwischen Schrift, Skulptur und Photographie, die seltsamen Fiktionen Leben verleihen, welche von der Frage der göttlichen Transzendenz durchdrungen sind. Seine Figuren navigieren zwischen Realität und Vorstellungswelt, Romanen, Filmen, Briefen oder Objekten, die ihnen gehörten und zum Rang von Reliquien erhoben werden. Wenn der Künstler von ihnen spricht, ist es so als existierten sie. In echt! Diese gespensti-
schen Präsenzen suchen ihn heim und begleiten ihn jahrelang. Mit ihnen hat er die Gruppe „soma anders“ gegründet. Seine Werke sind in der Tat ebenso die seinen wie die ihrigen. So werden in der Kunsthalle Strohpuppen präsentiert, die von Malachie im Laufe des Buchs hergestellt werden, die Diapositive der Familie, die von Amos aufgenommen wurden, die von Boas gedrehten Videos, mit der kleinen Kamera, die er zu seinem sechsten Geburtstag von seinen Eltern geschenkt bekam oder auch der Anhänger, den Letzterer immer um den Hals trug – ebenso wertvoll wie das Heilige Grabtuch mit dem großen weißen „Monolithen“, der ihm als Reliquienschrein dient. In einem Raum, der an eine Beton-Kathedrale erinnert, bemerkt der Besucher zunächst die herrschende Stille, die alle Viertelstunde von Auszügen des Verhörs unterbrochen wird, das Debora führt. Als einzige Überlebende des Dramas wird die junge Frau von den
religiösen Autoritäten dazu aufgefordert, wieder und wieder, den Ablauf der Geschehnisse zu erzählen, die zum Tod der „Legende“ (Boas) und seines frömmsten Jüngers (Maleachi) führten. Romain Kronenberg ist nicht der erste Schriftsteller, der bestätigt, dass seine Texten ein Eigenleben führen – und ihren eigenen Willen haben –, und sich damit notwendigerweise ihrem Erschaffer entziehen. Aber er ist der Einzige, der ihre besondere Existenz-Form in den physischen, greifbaren Raum übersetzt, der das Substrat unserer hochheiligen „Realität“ ausmacht. „Das was sie sagen und tun ist für mich genauso reell wie das was ich im Fernsehen sehe oder in den Zeitungen lese“, unterstreicht er. „Sie sind Präsenzen, personifizierte Seelen, die ein Leben leben, das so echt ist wie meines.“ À la Kunsthalle (Mulhouse) jusqu’au 30 avril In der Kunsthalle (Mulhouse) bis zum 30. April kunsthallemulhouse.com soma-anders.com POLY 244
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EXPOSITION
Queeropolis À Baden-Baden, une passionnante rétrospective invite à explorer la galaxie disruptive d’Ulrike Ottinger, lauréate du prix Hans Thoma1 2021. In Baden-Baden lädt eine begeisternde Retrospektive dazu ein, die zerrüttende Galaxie von Ulrike Ottinger, Preisträgerin des Hans-Thoma-Preises1 2021, zu erkunden. Par Von Hervé Lévy
Ulrike Ottinger, Das Gastmahl der verfolgten Wissenschaftler und Künstler, 1981
À
près de quatre-vingts ans, Ulrike Ottinger n’a rien perdu de sa radicalité. Dans l’immense salle ouvrant l’intelligent Cosmos Ottinger, trône Le Banquet des persécutés, installation monumentale de 2022 transposant en trois dimensions une scène de Freak Orlando (1981). Revisitant le roman de Virginia Woolf, l’ambition de ce film avant-gardiste est d’embrasser l’histoire humaine et son versant sombre en particulier. Ce manifeste queer mettant en scène Delphine Seyrig et Magdalena Montezuma – l’égérie de Werner Schroeter – a la semblance d’une grenade dégoupillée. Quelque part entre Antonin Artaud et Alejandro Jodorowsky s’ébattent des Freaks : poules à têtes de bébé, dogue allemand au poil blanc tacheté de noir promené par un nain pareillement bicolore, moines se 74
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livrant à des rituels BDSM où la robe de bure martyrise celle de latex, etc. Ils proposent une ode à la fluidité de genre, à l’androgynie et à l’affranchissement des conventions sexuelles. À l’entrée de cette même salle, on plonge dans l’atelier de la plasticienne avec “partitions d’images” et autres scénarios illustrés de gravures ou photos constituant la matière brute de sa création. Tous les murs sont revêtus de collages textiles récents peuplés de figures de la contre-culture, de Valeska Gert 2, au hiératisme étudié, à Allen Ginsberg grimé en Oncle Sam : ils sont liés à Paris Calligrammes (2020) qui retrace les années parisiennes de l’artiste, de 1962 à 1969, avec la voix off de Fanny Ardant. Dès cette époque, la matrice politique d’Ulrike Ottinger est en place, faite de féminisme radical, d’anticolonialisme ou encore d’affirmation queer. Des thématiques éminemment actuelles
traitées avec une exubérance mâtinée d’ironique noirceur. Toute l’exposition en constitue un décryptage où des photographies cartographient son univers, tandis que des toiles des sixties, rarement exposées, en narrent la genèse. La fascination opère avec ces compositions pop assumées aux couleurs flashy, comme le très psychédélique Bubble Gum ou une étonnante plongée dans le subconscient du Che avec Le Penseur. Projections cinématographiques, accessoires utilisés dans ses films, Opéra colonial… le portrait est complet et culmine dans une salle appelée Ossuaire Europe : au centre trône L’Europe et le taureau (1987), tente peinte de représentations du mythe évoquant Moreau ou Dix et de scènes d’abattoir… Elle est entourée de clichés de l’incroyable ossuaire de Sedlec (prises pour préparer La Comtesse de sang, film non encore réalisé). Voilà espace faisant l’effet d’un cinglant coup de fouet macabre évoquant le XXe siècle du continent. Et anticipant le suivant ?
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it fast achtzig Jahren hat Ulrike Ottinger nichts von ihrer Radikalität verloren. Im riesigen Saal, der den intelligenten Cosmos Ottinger eröffnet, thront Das Gastmahl der Verfolgten, eine riesige Installation von 2022, die eine Szene aus Freak Orlando (1981) in drei Dimensionen umsetzt. Die Ambition dieses avantgardistischen Films, der den Roman von Virginia Woolf neu interpretiert, ist es die menschliche Geschichte zu umfassen, insbesondere ihre düsteren Seiten. Dieses Queer-Manifest, das Delphine Seyrig und Magdalena Montezuma – die Muse von Werner Schroeter – in Szene setzt, ähnelt einer entsicherten Bom-
AUSSTELLUNG
be. Irgendwo zwischen Antonin Artaud und Alejandro Jodorowsky tollen Freaks herum: Hühner mit Babyköpfen, Deutsche Dogge mit weißem Fell und einigen schwarzen Flecken, die von einem ebenfalls zweifarbigen Zwerg spazieren geführt wird, Mönche, die sich BDSMRitualen unterwerfen, in denen die Kutte aus braunem Wollstoff jenen in Latex quält, etc. Sie präsentieren eine Ode an die genderfluide Identität, an die Androgynie und an das Freimachen von sexuellen Konventionen. Am Eingang dieses selben Saals taucht man in das Atelier der Künstlerin mit „Bildpartitionen“ und anderen Szenarien ein, die von Gravuren oder Photos illustriert werden, welche das Rohmaterial für ihre Kreationen darstellen. Alle Wände sind mit aktuellen Textil-Collagen bedeckt, die von Figuren der Gegen-Kultur bevölkert sind, von Valeska Gert2 mit studierter Feierlichkeit, bis zu Allen Ginsgberg, der als Oncle Sam verkleidet ist: Sie stehen mit Paris Calligrammes (2020) in Verbindung, das die Pariser Jahre der Künstlerin, von 1962 bis 1969, mit der Offstimme von Fanny Ardent erzählt. Seit dieser Epoche ist die politische Matrix von Ulrike
Ottinger installiert, eine Mischung aus radikalem Feminismus, Antikolonialismus oder auch Queer-Bejahung. Äußerst aktuelle Thematiken, die mit einer Überschwänglichkeit behandelt werden, die mit einer ironischen Schwärze gemischt ist. Die gesamte Ausstellung stellt eine Entschlüsselung dar, in der Photographien ihr Universum kartografieren, während Gemälde aus den Sechzigern, die selten ausgestellt werden, ihre Entstehung erzählen. Die Faszination wirkt mit diesen bewusst popigen Kompositionen in grellen Farben, wie das sehr psychedelische Bubble Gum oder einem erstaunlichen Eintauchen in das Unterbewusstsein des Che mit Le Penseur. Kino-Projektionen, Accessoires, die in ihren Filmen benutzt wurden, ColonialOper… das Portrait ist komplett und gipfelt in einem Saal mit dem Titel Beinhaus Europa: Im Zentrum thront Europa und der Stier (1987), ein gemaltes Zelt, das an den Mythos und seine Bearbeitung von Moreau oder Dix erinnert, sowie Schlachthofszenen... Sie ist umgeben von unglaublichen Aufnahmen des Ossariums in Sedlec (Bilder zur Vorbereitung des noch nicht realisierten Films La
Comtesse de sang). Ein Raum, der den Effekt eines Peitschenhiebs hat und das 20. Jahrhundert des Kontinents erzählt. Und das kommende vorhersieht? À la Staatliche Kunsthalle (Baden-Baden) jusqu’au 15 mai In der Staatlichen Kunsthalle (Baden-Baden) bis zum 15. Mai kunsthalle-baden-baden.de ulrikeottinger.com > Une sélection de films d’Ulrike Ottinger est projetée chaque semaine au cinéma Moviac > Eine Auswahl von Filmen von Ulrike Ottinger wird jede Woche im Kino Moviac ausgestrahlt moviac.de 1 Prix décerné par le Land du Bade-Wurtemberg depuis 1950 à des artistes qui y sont nés ou y travaillent comme Otto Dix (1967), Anselm Kiefer (1983) ou Tobias Rehberger (2009) 2 Danseuse s’inscrivant dans le courant expressionniste qui aimait incarner des marginaux et inspira Pina Bausch ou Maguy Marin 1 Preis der seit 1950 vom Bundesland BadenWürttemberg an Künstler verliehen wird, die dort geboren sind und arbeiten, darunter Otto Dix (1967), Anselm Kiefer (1983) oder Tobias Rehberger (2009) 2 Tänzerinnen, die sich in die expressionistische Bewegung einschreiben, die gerne Randfiguren verkörperte und Pina Bausch sowie Maguy Marin inspirierte
Ulrike Ottinger, Verzerrungsstudie, 1980
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EXPOSITION
Anna Ehrenstein, Tumpamaras Technophallus, 2020
Phallo- (de)centric manifesto Avec Tupamaras Technophallus, la Stadtgalerie Saarbrücken jette un regard sur l’œuvre collaborative et joyeusement subversive d’Anna Ehrenstein. Mit Tupamaras Technophallus betrachtet die Stadtgalerie Saarbrücken das fröhlich subversive Gemeinschaftswerk von Anna Ehrenstein. Par Von Suzi Vieira
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omment vivre ensemble, réellement ? Tel est le leitmotiv du travail d’Anna Ehrenstein. Allemande d’origine albanaise, l’artiste de 29 ans tisse une œuvre singulière entre photographie, sculpture, vidéo, installation virtuelle et performance. « Chacun de ses projets se fonde sur le concept de collaboration. Chez elle, ce n’est pas un vain mot », explique Katharina Ritter, directrice de la Stadtgalerie et commissaire de l’exposition. Hors de question pour Ehrenstein de débarquer dans un pays et s’y installer quelques mois en faisant comme si elle pouvait comprendre la réalité de ses habitants. Démarche d’inspiration bien trop coloniale ! Si le contenu même du projet n’a pas été développé conjointement, alors ce n’est pas une collaboration. Lectrice d’Ivan Illich, la plasticienne veut œuvrer à la « société conviviale » que le penseur appelait de ses vœux en 1973 : défendre une coexistence horizontale de cultures s’influençant mutuellement, sans hégémonie de l’une sur les autres. L’exposition Tupamaras Technophallus s’inscrit dans le droit fil de cette philosophie inclusive. Alliée au collectif de danseurs colombiens House of Tupamaras, qui lutte pour les droits LGBTQIA+ à travers la pratique du voguing, Anna Ehrenstein s’amuse à brouiller l’image traditionnelle de la science et de ses prétendues normes biologiques universelles en les mon-
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trant d’un point de vue non occidental, queer et féministe. « Elle n’a pas peur d’affronter des sujets brûlants de façon très critique tout en s’en appropriant les outils avec ironie pour créer une œuvre sauvagement surréaliste. En cela, son travail s’accorde parfaitement à l’idée que nous nous faisons de la Stadtgalerie comme espace de confiance critique », souligne Ritter. Point d’orgue du parcours, une immersive vidéo à 360° mêle iconographie pop hallucinatoire, danses lascives, extraits de discours scientifiques et interviews à forte charge politique. On pense au Manifeste cyborg de Donna Haraway… version joyeusement foutraque, mais pas moins subversive !
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ie kann man wirklich zusammen leben? Das ist das Leitmotiv der Arbeit von Anna Ehrenstein. Die deutsche neunundzwanzigjährige Künstlerin albanischer Herkunft knüpft ein einzigartiges Werk zwischen Photographie, Skulptur, Video, virtueller Installation und Performance. „Jedes ihrer Projekte beruht auf dem Konzept der Zusammenarbeit. Bei ihr ist das kein leeres Wort!“, erklärt Katharina Ritter, die Künstlerische Leiterin und Kuratorin der Ausstellung. Es kommt überhaupt nicht in Frage für Ehrenstein in einem Land anzukommen und sich dort für einige Monate zu installieren um so zu tun, als könne sie die Realität der Bewohner verstehen. Eine allzu sehr koloniale Vorgehens-
AUSSTELLUNG
Sous la façade de l’État Fascinante plongée dans les coulisses bien ordinaires du pouvoir, Der Apparat (également à la Stadtgalerie jusqu’au 15/05) s’offre comme une ethnographie du travail bureaucratique. Loin des lumières du journal télévisé et des pompeuses réunions ministérielles, le photographe Lukas Ratius a infiltré les bureaux, couloirs et cantines des élus et fonctionnaires du Land de la Sarre. Entre bijoux déposés dans un bac au portique de sécurité, cartes à jouer abandonnées sur une table et brosse à dents trônant sur le lavabo des WC, il lève le voile sur le quotidien de ceux qui façonnent l’appareil d’État.
Hinter der Fassade des Staates Anna Ehrenstein, Lentikular, 2020
Ein faszinierendes Eintauchen in die ordinären Kulissen der Macht: Der Apparat (ebenfalls in der Stadtgalerie bis 15.05.) ist eine Art Ethnographie der bürokratischen Arbeit. Fern der Scheinwerfer der Fernsehnachrichten und der hochtrabenden Ministerkonferenzen ist der Photograph Lukas Ratius in die Büros, Flure und Kantinen der Politiker und Funktionäre des Saarlandes eingedrungen. Zwischen Schmuck in einer Plastikbox an der Sicherheitsschleuse, zurückgelassenen Spielkarten auf einem Tisch und einer Zahnbürste auf einem Waschbecken in den Toilette, hebt er den Vorhang des Alltags von jenen, die den Staatsapparat formen und lenken.
Die Ausstellung Tupamaras Technophallus ist ein Produkt dieser inklusiven Philosophie. Gemeinsam mit dem kolumbianischen Tanzkollektiv House of Tupamaras, das anhand der Praxis des Vogueing für die Rechte der LGBTQIA+ kämpft, amüsiert sich Anna Ehrenstein damit, das traditionelle Bild der Wissenschaft und ihrer angeblich universellen biologischen Normen zu stören, indem sie es aus nicht-westlicher, sondern queer und feministischen Sicht zeigt. „Sie hat keine Angst davor heiße Themen auf sehr kritische Weise zu behandeln und sich dabei gleichzeitig auf ironische Weise ihre Werkzeuge anzueignen, um ein wildes, surrealistisches Werk zu kreieren. Deshalb passt ihre Arbeit perfekt zu der Vorstellung, die wir von der Stadtgalerie als Ort der kritischen Zuversicht haben“, unterstreicht Ritter. Den Höhepunkt des Rundgangs bildet eine 360°-Video-VR-Assemblage, die halluzinatorische PopIkonographie, laszive Tänze, Auszüge aus wissenschaftlichen Diskursen und Interviews mit politischem Inhalt mischt. Man denkt an Ein Manifest für Cyborgs von Donna Haraway... eine fröhlich chaotische, aber nicht weniger subversive Version!
À la Stadtgalerie (Sarrebruck) jusqu’au 15 mai In der Stadtgalerie (Saarbrücken) bis zum 15. Mai stadtgalerie.saarbruecken.de annaehrenstein.com
Lukas Ratius, Der Apparat, Autobahngold, 2018
weise! Wenn der Inhalt eines Projektes nicht gemeinsam entwickelt wurde, ist es keine Zusammenarbeit. Die Leserin von Ivan Illich, die Bildhauerin, will eine „gesellige Gesellschaft“ bewirken, die der Denker sich schon 1973 wünschte: Eine horizontale Koexistenz von Kulturen, die sich gegenseitig beeinflussen, ohne Hegemonie der einen über die andere.
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Sélection expositions Ausstellungs-Auswahl
Mirror Mirror , Mudam © Rémi Villaggi-Metz
Yoko Ono, Bottoms, 1967
Des Alinari aux maîtres de la photographie contemporaine Voilà fascinant parcours dans un siècle et demi de photographie italienne à travers 125 clichés. Ein faszinierender Rundgang durch eineinhalb Jahrhunderte der italienischen Photographie anhand von 125 Aufnahmen. Jusqu’au Bis 10/03, Pavillon Joséphine (Strasbourg) iicstrasburgo.esteri.it
body|spaces L’exposition montre comment les photographes ont contribué à façonner notre rapport physique aux espaces réels et virtuels au cours des trente dernières années. Die Ausstellung zeigt wie die Photographen dazu beigetragen haben unsere physische Beziehung zu den reellen und virtuellen Räumen im Laufe der vergangenen dreißig Jahre zu verändern. Jusqu’au Bis 19/06, Staatsgalerie (Stuttgart) staatsgalerie.de
Mirror Mirror Cette présentation inédite de la collection met en lumière la diversité des champs artistiques couverts par la politique d’acquisition du Mudam. Centré sur la mode et donnant dans ce domaine un aperçu significatif du fonds existant, ce projet a été imaginé par Sarah Zigrand. Diese ganz neue Präsentation der Sammlung stellt die Vielfalt der künstlerischen Felder, die von der Ankaufspolitik des Mudams abgedeckt werden, in den Vordergrund. Dieses Projekt, das sich auf die Mode konzentriert, wobei ein aussagekräftiger Überblick über die existierenden Bestände gegeben wird, wurde von Sarah Zigrand konzipiert. Jusqu’au Bis 24/04, Mudam (Luxembourg) mudam.com Rococo Disco Marijke Vasey interroge le sujet de la peinture et les limites du tableau en y introduisant des motifs ornementaux. Marijke Vasey stellt das Thema der Malerei und die Grenzen des Gemäldes in Frage, indem sie ornamentale Motive integriert. Jusqu’au Bis 24/04, Le 19 (Montbéliard) le19crac.com Singeries ! Affenschande! Cette exposition explore la vie et la mort d’un animal de compagnie à l’époque du Haut Moyen-Âge. Diese Ausstellung erkundet das Leben und Sterben eines damaligen Schosstieres im Frühmittelalter. Jusqu’au Bis 22/05, Barfüsserkirche (Bâle) hmb.ch 78
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Zurich Art March Musées, centres d’art et autres galeries ouvrent leurs portes avec nouvelles expositions et événements pour un week-end de découvertes ! Museen, Kunstzentren und Galerien öffnen ihre Pforten mit neuen Ausstellungen und Ereignissen für ein Wochenende voller Entdeckungen! 04-06/03, Zürich zurichartweekend.com Yoko Ono Les performances et actions de Yoko Ono sont remises en scène et exposées (avec sculptures, travaux sur papier, installations, etc.) sous l’intitulé This room moves at the same speed as the clouds. Die Performances und Aktionen von Yoko Ono werden nachund ausgestellt (mit Skulpturen, Arbeiten auf Papier, Installationen, etc.) unter dem Titel This room moves at the same speed as the clouds. 04/03-29/05, Kunsthaus (Zürich) kunsthaus.ch
Chanson Douce
Seule femme doublement étoilée d’Allemagne, Douce Steiner officie aux portes de la Forêt-Noire. Visite au Restaurant Hirschen pour une expérience toute en délicatesse. Als einzige Frau mit zwei Sternen in Deutschland arbeitet Douce Steiner an der Schwelle zum Schwarzwald. Besuch im Restaurant Hirschen für ein Erlebnis voller Delikatesse. Par Von Hervé Lévy – Portrait de von Benoît Linder pour für Poly
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a cuisine ? Douce Steiner est tombée dedans toute petite avec son chef de père aux côtés duquel elle sillonne les grandes tables et découvre fascinée, le métier à huit ans. Sa vocation est née qu’elle va cultiver auprès des plus grands : Georges Blanc – « La seule femme parmi 45 cuisiniers, à dix-neuf ans », décrit-elle –, Fritz Schilling (avec ses accents méditerranéens) ou encore le mythique Harald Wohlfahrt à la Traube Tonbach, où elle rencontre son mari Udo Weiler avec qui elle œuvre en toute complicité. De retour au bercail à la fin des années 1990, elle exprime sa personnalité au Restaurant Hirschen, réalisant des plats d’inspiration française d’une extrême légèreté. En cuisine, l’atmosphère est harmonieuse : « Le stress n’est pas un aiguillon. Pas besoin de crier pour faire du bon travail », explique-t-elle. Bienveillance et respect sont les deux sources de sa philosophie. Et cela se sent dans l’ambiance clairement décontractée de la salle dont le décor mixe éléments traditionnels et art contemporain de bon aloi. Si Douce Steiner botte gentiment en touche lorsqu’on évoque la (très) faible proportion de femmes dans
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la haute gastronomie, elle s’exprime avec volubilité dans ses assiettes. Et si on lui demande si sa cuisine est féminine, elle répond avec simplicité : « Elle est simplement humaine. » Jolie définition pour une symphonie joyeuse où émerge un saumon confit d’une déboussolante tendreté, esquif rose flottant avec nonchalance sur une mer d’encre faite d’une multitude de grains de caviar impérial. La dialectique subtile des teintes et des textures se prolonge avec des goûts finement ciselés où le piment d’Espelette irradiant dans les chairs du poisson se joue de l’amertume acidulée de l’oseille. L’absolu régal que constitue un bouillon de truffes noires du Périgord et sa crème de topinambours est d’un altier classicisme, tout comme la poularde de Bresse et son amusant bouquet garni. À côté, trône une intéressante réinterprétation de la “soupe VGE” de Paul Bocuse dont on casse la croûte avec jubilation. Douce France… Mais ce qu’on aime le plus est un méli-mélo mycologique, véritable vedette du menu à notre sens, extrêmement surprenant et enthousiasmant. Ronde sylvestre abstraite où sa majesté le cèpe règne en maître, cette composition à l’archi-
GASTRONOMIE
tecture savamment déconstruite est un absolu bonheur visuel et gustatif. Rafraîchie par une crème glacée de trompettes de la mort et twistée par un zeste de râpeux raifort, s’y exprime la quintessence des sous-bois environnants !
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ie Küche? Douce Steiner ist schon ganz klein hineingefallen, mit ihrem Vater, der auch Küchenchef war, an dessen Seite sie die großen Tische frequentiert und fasziniert mit acht Jahren den Beruf kennenlernt. Ihre Berufung, die sie an der Seite der Größten kultivieren wird, ist geboren: Georges Blanc – „Die einzige Frau unter 45 Köchen, mit neunzehn Jahren“, beschreibt sie –, Fritz Schilling (mit seinen mediterranen Akzenten) oder auch der legendäre Harald Wohlfahrt in der Traube Tonbach, wo sie ihren Ehemann Udo Weiler kennenlernt, mit dem sie gemeinsam arbeitet. Ende der 1990er Jahre zurück im Schoß der Familie, drückt sie ihre Persönlichkeit im Restaurant Hirschen aus, indem sie Gerichte mit französischem Einfluss von extremer Leichtigkeit kreiert. In der Küche ist die Atmosphäre harmonisch: „Der Stress ist kein Antrieb. Man muss nicht schreien um gute Arbeit zu leisten“, erklärt sie. Wohlwollen und Respekt sind die beiden Quellen ihrer Philosophie. Und das spürt man in der klar entspannten Atmosphäre des Speisesaals, dessen Dekoration traditionelle Elemente und zeitgenössische Kunst mischt. Douce Steiner weicht der Frage nach dem (sehr) geringen Anteil von Frauen in der gehobenen Gastronomie auf liebenswürdige Weise aus und drückt sich dafür mit Zungenfähigkeit auf ihren Tellern aus. Und wenn man sie fragt, ob ihre Küche weiblich sei, antwortet sie mit Natürlichkeit: „Sie ist ganz einfach menschlich.“ Eine schöne Definition für eine fröhliche Sinfonie aus der ein Confierter Lachs von unglaublicher Zartheit auftaucht, ein rosa Schiffchen, das auf nonchalante Art auf einem Meer aus Imperial Kaviar schwimmt. Das subtile Spiel der Farben und Texturen setzt sich mit fein ausgearbeiteten Geschmacksnoten fort, in denen der Piment d’Espelette, den der Fisch ausstrahlt, sich mit der Bitternote des Sauerklees amüsiert. Eine absolute Gaumenfreude stellt ein Bouillon von schwarzen Perigord-Trüffeln mit seiner Topinambur-Creme dar, ein stolzer Klassiker, ebenso wie die Bresse-Poularde mit ihrem kleinen „Bouquet Garni“. Daneben thront eine interessante Neuinterpretation der „Soupe VGE“ von Paul Bocuse, die man jubelnd verspeist. Douce France... Aber was wir am meisten lieben ist eine Pilzmischung, der echte Star des Menus wie wir finden, extrem überraschend und begeisternd. Ein abstrakter Rundtanz im Wald, bei dem ihre Majestät der Steinpilz herrscht: Diese Komposition mit einer geschickt dekonstruierten Architektur ist ein absolutes visuelles und geschmackliches Glück, erfrischt von einer geeisten Creme von Totentrompeten mit einer Spur von geriebenem Meerrettich. In diesem Gericht drückt sich die Quintessenz der umliegenden Unterhölzer aus!
Le Restaurant Hirschen est situé Hauptstrasse 69 (Sulzburg). Ouvert du mercredi au samedi (le soir uniquement). Menus à 203 € Das Restaurant Hirschen liegt in der Hauptstrasse 69 (Sulzburg). Geöffnet mittwochs bis samstags (ausschließlich abends). Menüs zu 203€ douce-steiner.de
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UN DERNIER POUR LA ROUTE AUF EIN LETZTES GLAS
Granit’hic Nature et précis, Olivier Carl nous accueille dans son caveau de Dambach-la-Ville, une des perles du vignoble alsacien. Natürlich und präzise empfängt uns Olivier Carl in seinem Weinkeller in Dambach-la-Ville, einer der Perlen des elsässischen Weinbaugebiets.
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ur les sept hectares de vignes en bio d’Olivier Carl (qui produit environ 45 000 bouteilles annuelles), le réchauffement climatique est une réalité tangible : « Notre terroir sablo-granitique contient peu d’argile, donc nous avons besoin de pluies régulières car l’eau ne reste pas. Pour maintenir une certaine humidité, nous sommes aujourd’hui obligés de protéger les sols avec des paillages en cas de canicule », explique-t-il. Estampillée “nature”, une partie de sa production magnifie le pinot noir sur des sols qui, ailleurs, seraient dévolus à des rieslings d’une intense minéralité : foulée au pied, Terre de Granite est une macération surprenante de tension… Autre cuvée emblématique de la maison, qui s’essaye aujourd’hui à des vins oxydatifs à la mode jurassienne – affaire à suivre avec un gewurz’ qui promet –, la bien nommée Barbe Rousse est une macération de gewurztraminer. Si certains vins oranges manquent de tenue de route, celui-ci est parfaitement architecturé, déployant des arômes poivrés et quelques notes d’épices qu’on imagine se marier en toute élégance avec un couscous.
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ür die sieben Hektar Bioweinreben von Olivier Carl (der ungefähr 45 000 Flaschen pro Jahr produziert) ist die Klimaerwärmung eine greifbare Realität: „Unser Sand-
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Granit-Boden enthält wenig Lehm, deswegen benötigen wir regelmäßigen Regen, denn das Wasser bleibt nicht. Um eine gewisse Feuchtigkeit beizubehalten sind wir heute dazu gezwungen die Böden im Falle von Hitzewellen mit Strohabdeckung zu schützen“, erklärt er. Ein Teil seiner Produktion mit dem Gütezeichen „Natur“ verherrlicht den Pinot Noir auf Böden, die anderswo Rieslingen von intensiver Mineralität zuständen: Mit den Füßen gekeltert ist Terre de Granite eine Mazeration von überraschender Spannkraft... Ein weiterer symbolträchtiger Jahrgang des Hauses, das sich heute an Oxydativen Weinen nach der Mode des Juras probiert – eine Sache, die es zu verfolgen gilt mit einem vielversprechenden Gewürztraminer – ist der wohlbenannte Barbe Rousse (Rotbart), die Mazeration eines Gewürztraminers. Da wo es einigen Orangenen Weinen an Bodenhaftung fehlt ist dieser hier perfekt strukturiert, entfaltet Pfefferaromen und Gewürznoten, die sich in unserer Vorstellung auf elegante Weise mit einem Couscous verbinden. Vins Carl 2 impasse de Muhlenheim (Dambach-la-Ville) vinsbiocarl.com
L‘abus d‘alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
Par Von Hervé Lévy – Photo de von Stéphane Louis pour für Poly