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À la découverte de Nos Îles à la Fondation François Schneider

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Les possibilités d’une île

À Wattwiller, la Fondation François Schneider part à la découverte de Nos îles, dévoilant l’envers du décor de ces bouts de terre fantasmés.

Par Suzi Vieira – Photos de Steeve Constanty

Île… était une fois la cale obscure d’un bateau, le bruit assourdissant des vagues et du vent, le roulis qui rend fou, avec pour seul espoir la lueur fragile d’une ampoule grésillant au plafond. Ainsi débute la traversée de Nos îles, exposition en forme d’exploration de l’insularité dans toutes ses métaphores variées. D’entrée de jeu, l’immersive installation sonore de Philippe Lepeut (C’est du vent, 2015) arrache le visiteur à la terre ferme de la réalité pour le transporter vers les rives d’un ailleurs… Paradis ou enfer ? Sans doute les deux, mon capitaine ! À l’instar de cette cabane de bois à taille réelle, entièrement meublée, que l’on découvre en s’enfonçant dans la jungle après avoir accosté. Refuge (2007) atypique vers lequel on se sent irrésistiblement attiré, mais dont le plasticien Stéphane Thidet a fait un lieu diablement hostile, à l’intérieur duquel une pluie tropicale se déverse avec fracas, sans discontinuer. Hypnotique… et glaçant ! Dedans / dehors : tout est inversé. Quant aux trois autochtones du Mulhousien Pierre Fraenkel (Monstrum, 2020), qui se tiennent à quelques mètres de là, avec leurs coiffes chamaniques tressées de fils DMC rouge sang et leurs cornes acérées, c’est à se demander s’ils ne s’apprêtent pas à célébrer une quelconque cérémonie rituelle, dont le naufragé serait – au choix, selon le rapport qu’on a à l’étrangeté – l’invité de marque ou la victime à sacrifier.

sur la plage abandonnée…

Dans l’histoire ici contée, on comprend vite avoir échoué sur un archipel à mille lieux de nos fantasmes d’éden aux verts palmiers et rivages bleutés, d’îles aux trésors, d’envoutantes vahinés et de Robinson Crusoé. Chacun des vingt artistes conviés s’attache en effet à déjouer les nombreux clichés sur ces mondes insulaires qui, depuis l’Odyssée d’Homère jusqu’à Houellebecq, en passant par Gauguin, Thomas More et Aimé Césaire, ont irrigué la littérature, la philosophie, la peinture… et colonisé tout notre occidental imaginaire. Entre aspiration aux vacances d’été et quotidien harassant de l’année passée à trimer, Axel Gouala (Totems-Voyage, 2018-2020) invite ainsi à un bien drôle de voyage au pays du tourisme de masse, avec ses plages pas si idylliques que cela, faites de cocotiers montés sur tube d’aspirateur ou ventouse de WC… Du rêve au cauchemar, il n’y a souvent qu’un pas ! Remain (2018), film coup de poing de l’AustraloIranienne Hoda Ashfar en fait d’ailleurs la démonstration par l’extrême. On y découvre un petit bout de terre enchanteur, perdu au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les eaux couleur d’azur de la mer de Bismarck : Manus Island. Entre ciel infini et sable blanc, la photographe et vidéaste a minutieusement enregistré les récits tragiques d’hommes qui vivent là, prisonniers depuis des années du centre offshore de rétention de migrants que le gouvernement de Canberra y a installé. Face caméra, tous racontent les mêmes trajectoires faites de traumatismes et de drames, brutalement stoppées pendant leurs traversées désespérées depuis l’Iran, la Somalie, l’Afghanistan… vers l’Eldorado australien qu’ils n’atteindront désormais plus jamais.

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coquillages et crustacés

L’île reculée est par nature une prison : les Anglais déjà nous l’avaient appris en exilant Napoléon à Sainte-Hélène, rocher volcanique paumé au milieu de l’Atlantique, à près de 2 000 kilomètres de la Namibie. Après tout, ce n’est pas pour rien que le terme “isolement” dérive du latin insula... De la Marseillaise Yohanne Lamoulère, qui met en photographies deux mois de confinement passés sur un bras du Rhône (L’île, 2020) – à deux pas des villes et pourtant si proche du sauvage et du mystérieux – à Gilles Desplanques, qui se filme attendant Godot sur son Île de béton (2016) comme un pantin égaré sous un échangeur autoroutier, toutes les solitudes y passent. La plus romantique, avec les noires falaises ébréchées d’Ouessant, capturées par le regard de Cécile Beau (Isle, 2014)… comme la plus absurde, filmée par Olivier Crouzel à Yali (2021), poétique îlot blanc de la mer Égée devenu une véritable carrière à ciel ouvert, d’où l’on extrait de la pierre ponce par cargaisons entières pour bâtir dans nos contrées de jolies petites maisons soi-disant écologiques et bien isolées. Utopies exotiques et politiques désillusions s’entremêlent ainsi tout au long d’un parcours délicatement tissé, qui jamais complètement ne bascule et tient le visiteur suspendu sur un fil, tendu entre la réalité et la fiction. L’enchantement, lui, ouvre et clôt la circumnavigation. Au fracas initial de la houle répond en un fragile écho le carillon de nacre du nuage de coquillages créé par le plasticien sonore Stéphane Clor (Sans Titre, extrait d’Imaginary Soundscape, 2016), comme un éclat de beauté sereine après la tempête.

À la Fondation François Schneider (Wattwiller) jusqu’au 18 septembre fondationfrancoisschneider.org

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Légendes

1. Stéphane Clor, Sans titre (extrait de Imaginary Soundscape), 2016, courtesy de l’artiste 2. Brankica Zilovic, Embrace again, 2018, courtesy de l’artiste et de la galerie Laure Roynette 3.et 4. Stéphane Thidet, Sans titre (Le Refuge), 2007. Collection les Abattoirs Musée, Frac, Occitanie Toulouse © Adagp, Paris, 2022

Materials’ life matter

Exhumer le futur retrace vingt ans de création du Belge Maarten Vanden Eynde. Une rétrospective en forme de coup de poing donné à l’idée de progrès, qui rappelle de quoi sont faits nos objets.

Par Suzi Vieira

«Ils ont partagé le monde, plus rien ne m’étonne / Si tu me laisses l’uranium / Moi je te laisse l’aluminium / […] Ils ont partagé Africa sans nous consulter / Ils s’étonnent que nous soyons désunis ! / Une partie de l’empire Mandingue / Se trouva chez les Wolofs / Et dans le Ghana / Une partie de l’empire Mossi. » La chanson de l’Ivoirien Tiken Jah Fakoli pourrait servir de bande son à la visite de cette édifiante exposition. Elle donne d’ailleurs son titre à l’œuvre qui en ouvre le parcours, élaborée en collaboration avec le peintre congolais Musasa. Ils ont partagé le monde (2017) figure une improbable roue de la fortune et du soi-disant progrès, dont chacune des neuf parts retrace à coups de rébus et pictogrammes colorés l’histoire du pillage organisé des ressources de la planète. Ivoire, caoutchouc, cuivre, or, pierres précieuses, coton, bois, pétrole, uranium… Sur ces matières premières s’est érigée l’humaine civilisation ; d’elles dépend entièrement notre capitaliste société de consommation. Elles sont si présentes dans notre quotidien que nous ne les remarquons plus. Et pourtant ! En vingt ans de carrière, Maarten Vanden Eynde, lui, n’a eu de cesse de les interroger, enquêter sur leurs origines, démêler l’entreprise coloniale – et post-coloniale – à laquelle elles sont indissociablement liées, mettre au jour les luttes de pouvoir dont elles font l’objet. Dans le grand hall de béton de la Kunsthalle, s’élève ainsi Fat Man 3D (2022), reproduction fidèle, toute en délicate dentelle au fuseau, de la bombe atomique qui raya Nagasaki de la carte le 9 août 1945… Histoire de ne jamais oublier que l’uranium de l’arme fatale provenait de Kinshasa (via Anvers), et que bien avant cela déjà, le coton utilisé dans la passementerie dont s’enorgueillissent encore les Flandres était ramassé par les esclaves congolais vendus aux Sudistes par Léopold II.

terreur de la consommation de masse

Passionné de géologie, d’histoire, d’anthropologie, de sociologie (la liste est longue), l’érudit Vanden Eynde, qui prépare une thèse sur l’influence de l’essor des dispositifs d’aide-mé-

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moire externe sur la marche de l’Humanité, croise pratiques artistiques et questionnements sur les grands enjeux sociaux et environnementaux présents, passés et à venir. Comme quand il prélève plusieurs centaines de kilos de déchets plastiques dans le tristement célèbre gyre de l’océan Pacifique pour le fondre et le transformer en un mutant récif de corail multicolore à l’inquiétante beauté (Plastic Reef, 2008-2013). Allusion à la torture de la privation de sommeil appliquée à Guantanamo, War on Terror (2016) présente quant à lui une invraisemblable collection de 212 bouchons d’oreille de toutes formes, tailles et teintes possibles, jetables et à usage unique. Ou quand le terrorisme de la consommation de masse sévit !

civilisation ikea

En archéologue du futur, le plasticien belge imagine ce que les scientifiques de demain déduiront des vestiges que nous laissons, le récit qu’ils construiront pour rendre compte de cette période géologique nouvelle : l’Anthropocène, débutée à la fin du XVIIIe siècle avec la révolution industrielle, quand l’influence de l’Homme sur le système terrestre est devenue prédominante. Une ère désormais marquée au sceau risible d’IKEA, comme il le rappelle avec Nova Victoria (2014), commémorant le jour où le catalogue de la marque devint le livre le plus imprimé dans l’histoire – devant la Bible –, ou en enterrant clandestinement une tasse à thé du géant suédois dans le Forum romain (Preservation of IKEA teacup, 2005). Et si, finalement, les anthropologues de demain nous rebaptisaient : de Sapiens à… Homo stupidus stupidus (2008) ? Ils n’auraient peut-être pas tout à fait tort.

À la Kunsthalle (Mulhouse) jusqu’au 30 octobre kunsthallemulhouse.com

> Les Rendez-vous famille (à partir de 6 ans) proposent de découvrir l’exposition par le jeu et de réaliser, avec l’aide d’un céramiste ou designer, une création lui faisant écho (25/09 & 09/10, 14h30, gratuit, inscription obligatoire)

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Légendes

1. Plastic Reef, 2008-2013. Art Space Pythagorion, Pythagóreio, Grèce, 2019 © photo : Panos Kokkinias 2. Natural Capital, (détail), 2017. Meessen De Clercq, Bruxelles, Belgique, 2019 © photo : Philippe De Gobert 3. Frutta di Mare, 2004 © photo : Marjolijn Dijkman

Heart Of Glass

À Wingen-sur-Moder, le musée du même nom célèbre 100 ans de Lalique en Alsace. Un siècle d’innovations pour un défi audacieux : démocratiser l’art.

Par Anissa Bekkar

Marie-Claude Lalique, Motif Zeila, 1989 © Lalique SA

Bien qu’un flou subsiste sur l’inauguration de la Verrerie d’Alsace, le démarrage des premiers fours se situerait à l’automne 1922. Lorsqu’il s’y établit, la réputation de René Lalique (1860-1945) n’est plus à faire. Inventeur du bijou moderne, figure de l’Art nouveau et verrier renommé grâce à sa collaboration avec le parfumeur François Coty, il estime l’art trop élitiste et souhaite l’ouvrir au plus grand nombre. L’artisan émérite se donne ainsi pour objectif de rendre le beau accessible. C’est en Alsace qu’il concrétise cette ambition. Quelque 150 objets retracent cette épopée dans une palpitante présentation. Spécialiste des pièces uniques de joaillerie, il apprend à rationaliser son savoir-faire : pour conquérir une place dans les foyers français, le Champenois dépoussière les arts de la table en déclinant ses thèmes favoris – la femme, la faune et la flore, en tête – tout en se pliant aux contraintes de l’industrialisation. Le service Wingen (1926) illustre parfaitement cet effort d’adaptation. Produire un moule est alors encore très cher : pour rentabiliser l’opération, seule la jambe du verre est donc modelée, le calice et le pied étant confiés à un artisan. Une unique matrice permet ainsi de décliner un motif sur un service complet, réduisant les coûts de fabrication sans compromis sur la qualité. Selon le même procédé, le maître imagine environ 80 services puis, à partir des années 1930, une collection d’objets décoratifs (vases, sculptures, etc.).

Au décès du père fondateur en 1945, son fils Marc (19001977) assure la relève. Pour relancer l’usine, cet ingénieur de formation fait le pari du luxe, délaissant le verre au profit du cristal à l’éclat incomparable. Fin stratège, l’héritier poursuit la diversification de la manufacture en se lançant dans l’ameublement, tout en maintenant l’investissement dans les arts de la table et la décoration. Son œuvre la plus marquante en la matière reste la coruscante Tête de cheval (1953). En 1977, sa fille Marie-Claude prend les rênes de la société. Puisant dans ses voyages en Afrique, la jeune femme revisite le bestiaire de son grand-père, notamment avec la sculpture Zeila (1989) figurant une panthère prête à bondir sur sa proie. Sous son égide, la firme continue à proposer des pièces complexes et précieuses comme l’opalescent vase Orchidée (1978), réalisé en combinant soufflage, moulage et double injection du cristal. À la tête de Lalique, l’entrepreneur helvète Silvio Denz est dépositaire d’un héritage, celui du luxe à la française, s’articulant autour de cinq piliers : cristal, art, joaillerie, parfum et art de vivre. Si elle semble s’éloigner de l’objectif initial de René Lalique, la collaboration avec de grands noms de l’art contemporain et de l’architecture – Damien Hirst, Mario Botta, Zaha Hadid… – a le mérite de jeter un nouveau regard sur un savoir-faire ancestral, mais aussi, comme le souhaitait le maître lui-même, « d’éduquer notre œil ».

Au Musée Lalique (Wingen-sur-Moder) jusqu’au 6 novembre musee-lalique.com

Réseau, 2004

Il était une fois…

Dans ses peintures, collages, assemblages et autres bas-reliefs « pouvant faire penser à Alechinsky, Basquiat, Dubuffet et parfois même au street art », l’artiste contemporain Jan Voss (né en 1936) « questionne la figuration narrative, tout en proposant une lecture libre compréhensible par de jeunes enfants. Il y a une forme de paréidolie qui parle à tous les publics », résume Thomas Perraudin, commissaire de l’exposition. Chacune des vingt-cinq œuvres de Plis & Contours arbore un style innocent, ce qui semble d’autant plus évident à la simple vision de Réseau. Sur cette immense toile courent les fameux tracés de l’octogénaire allemand, reliant les saynètes qu’il a imaginées entre elles. Du rouge, du jaune, du bleu, des formes réalistes et d’autres sujettes à l’interprétation… So laut wie’s geht présente pour sa part des traits plus épais et affirmés. Cette fois-ci, l’œil suit le voyage d’une ligne azurée, longeant ce qui ressemble au profil d’un ours en gélatine, avant de s’arrêter devant un visage écarlate dont l’expression interpelle : on ne sait s’il sourit ou s’il est irrité. « C’est un travail vivant, la plage de couleurs éveille l’enthousiasme. » (J.P.)

À l’Espace d’Art contemporain André Malraux (Colmar) jusqu’au 2 octobre colmar.fr

> Visites guidées les 18 et 29/09

East side story

Avec une trentaine de nationalités, Bischwiller est un symbole de cosmopolitisme dans le paysage alsacien. Cette terre d’accueil et de passage n’a cessé d’être occupée par l’Homme depuis qu’il y a posé le pied pour la première fois, il y a environ 100 000 ans. D’ici et d’ailleurs, destins croisés à Bischwiller met en lumière l’impact de ces mouvements migratoires en prenant comme fil rouge la vie quotidienne des habitants. Le parcours commence à la Préhistoire et se poursuit avec les époques celte, mérovingienne et romaine dont il subsiste une collection d’objets usuels (poteries, outils, etc.). Plusieurs maquettes de la ville aux XIe et XIIe siècles complètent une sélection de documents d’archives couvrant l’histoire locale depuis le XVe siècle, donnant à voir son évolution architecturale. Le parcours s’enrichit enfin de prêts mettant à contribution les habitants, qui ont confié au musée costumes et instruments de musique traditionnels représentatifs de leurs origines plus ou moins lointaines. (A.B.)

Ivre de conduite

180 véhicules de légende participent à la troisième édition de Destination Automobile. Pendant une journée, les moteurs vont vrombir !

Par Julia Percheron — Photo de Catherine Kohler (gauche)

Trois circuits de presque quatre-vingt-dix kilomètres chacun, trente-neuf communes traversées, neuf étapes pour une arrivée sur les chapeaux de roue à l’autodrome du Musée national de l’Automobile : l’espace d’une journée, nul doute que l’agglomération mulhousienne va vibrer. « Beaucoup de personnes ont regretté l’arrêt de l’ancienne parade automobile de la ville, il y a quelques années », relate Guillaume Gasser, directeur général de l’institution. Et de poursuivre : « Elles se sont tournées vers nous pour recréer un événement autour de la voiture ancienne et, aujourd’hui, nous avons la volonté de le pérenniser. » Pilotée de concert avec Mulhouse Alsace Agglomération, cette édition accueille soixante bolides de plus que l’an passé et bénéficie entre autres du soutien de la Grange à Bécanes, à Bantzenheim, qui organise pour l’occasion une exposition de ses mythiques motos.

Au départ de l’Écomusée d’Alsace à Ungersheim, des bijoux remontant à l’entre-deux-guerres – et même avant – vont parader aux mains de leurs collectionneurs. « Une vieille Citroën D14 G de 1927, une Morgan SuperSport et une Peugeot 320 de 1935, les Tractions des années 1950, une Fiat 500 des seventies, ce fameux pot de yaourt… ce sont des spécimens de toutes les époques », sourit l’expert. Les routes ne sont pas privatisées, si bien que le public peut circuler au plus proche des engins. Il peut aussi compter sur différentes pauses jalonnant les trois itinéraires afin de les admirer plus longuement : les ”villages étapes” de Lutterbach, Brunstatt, Dietwiller, Ottmarsheim, Habsheim, Zillisheim, Bantzenheim, Battenheim et Staffelfelden découpent en effet les circuits. Puis, dès seize heures trente, diverses animations s’emparent de l’autodrome. C’est pourtant la révélation d’un nouveau modèle d’anthologie qui risque de faire des émules : une Bugatti Royale Esders de 1932 qui, après une démonstration sur la piste, pourra être louée par des amateurs. « Il est conseillé de la réserver avant, histoire d’éviter le chaos ! » Peut-être plus surprenant encore, Destination Automobile fait également résonner cet amour pour les voitures anciennes avec le cinéma. « Les deux sont souvent liés, c’est pourquoi nous voulions faire une sorte de clin d’œil à quelque chose de populaire. » Outre les vieilles machines rutilantes, les curieux apercevront ainsi la Batmobile, tout droit sortie de l’œuvre de Tim Burton en 1989, l’iconique Delorean de Retour vers le futur, la Jeep de Jurassic Park et la Peugeot de la franchise Taxi. Détenus par Movie Cars Central, à Paris, ces véhicules « permettent à l’événement de grandir, de s’installer et de devenir un incontournable. »

Dans l’agglomération de Mulhouse dimanche 11 septembre mulhouse-alsace.fr

> Circuit 1 : Lutterbach, Brunstatt, Dietwiller > Circuit 2 : Ottmarsheim, Habsheim, Zillisheim > Circuit 3 : Bantzenheim, Battenheim, Staffelfelden > Réservation le 11/09 pour conduire la Bugatti Royale Esders myclassicautomobile.com

La Chevauchée sur le lac de Constance

Voler en dirigeable, découvrir à vélo les plus imposantes chutes d’eau d’Europe, boire de divins breuvages, se perdre dans un océan de fleurs… Tout cela – et bien plus encore – est possible autour du Bodensee. Visite.

Par Hervé Lévy – Photos d‘Achim Mende/IBT GmbH

Quelque 173 kilomètres de rivage en Allemagne, 72 en Suisse et 28 en Autriche : le lac de Constance (Bodensee, dans la langue de Goethe) s’alanguit à la croisée de trois pays. Et le visiteur curieux peut même en arpenter un quatrième, puisque le Lichtenstein n’est qu’à quelques encablures. Les échappées visuelles sont magnifiques, les eaux irisées reflétant un paysage de montagnes dans un romantisme éminemment lamartinien : « Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! / Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir, / Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, / Au moins le souvenir ! »

croquer la culture

Un chapelet de villes charmantes attire le visiteur, de Constance – où trône Imperia, immense statue de béton de Peter Lenk, évoquant le Concile qui mit fin au grand schisme d’Occident – à Friedrichshafen. Si la cité fut célèbre pour avoir abrité l’avionneur Dornier, elle reste fidèle à ce passé grâce à un musée rappelant l’épopée de Ferdinand von Zeppelin, qui commença la construction de ses aérostats dans un hangar flottant sur le lac. Aujourd’hui, la société Zeppelin NT perpétue la tradition et permet de féériques vols en modernes dirigeables, histoire de prendre de la hauteur pour admirer la région. Revenu sur terre, impossible de manquer les trois sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Le premier est l’Île de Reichenau – reliée à la rive orientale par une digue équipée d’une route – où Saint Pirmin fonda la plus ancienne abbaye bénédictine allemande en 724, dont les peintures murales sont de véritables bijoux. Rajoutons que le climat de l’île en fait un véritable jardin où poussent fruits et légumes en abondance. Autre île, autre féérie : les 45 hectares de Mainau (appartenant à la famille Bernadotte) attirent des amateurs de fleurs venus du monde entier, notamment pour le très géométrique jardin aux roses, dont quelque 1 200 va-

riétés sont présentées ! Les deux autres fleurons classés sont l’abbaye helvète de Saint-Gall, qui renferme l’une des plus vastes collections de manuscrits du Moyen-Âge, parfait exemple de monastère carolingien, et certains sites palafittiques préhistoriques, vestiges d’habitations lacustres. Richement dotée dans le domaine muséal, la région abrite notamment le Kunsthaus Bregenz, qui propose une exposition dédiée aux œuvres choc du New-Yorkais Jordan Wolfson (jusqu’au 09/10), et le Kunstmuseum Liechtenstein aux lignes épurées, dont les collections d’Arte Povera sont célèbres dans le monde entier. Mais foin de culture, la nature nous attend avec les chutes du Rhin, la plus grande cascade d’Europe. En Suisse, entre Neuhausen am Rheinfall, sur la rive droite, et Flurlingen, en face, le spectacle est grandiose. Chaque seconde, jusqu’à 700 000 litres d’eau tombent de 23 mètres de haut sur une largeur de 150 mètres.

manger des pommes

La région du lac de Constance est aussi un espace merveilleux qu’il est loisible d’arpenter à pied, à vélo ou en bateau à voile, faisant de belles découvertes gastronomiques… L’endroit est en effet célèbre pour un oignon – le “Höri-Bülle” – d’une infinie délicatesse : rose à l’extérieur et blanc à l’intérieur, il est d’une grande douceur, formant l’ingrédient principal de la Bülledünne, une tarte culte ! L’automne est en outre à croquer, puisque la pomme est LA grande spécialité du coin, à laquelle plusieurs semaines sont même dédiées (17/09-09/12). On compte 1 200 arboriculteurs qui consacrent 7 500 hectares au fruit sur la rive allemande, soit une production d’1,6 milliard de Boskoop, Gravensteiner, Ingrid Marie et autres Winterzitrone. C’est même elle qui a donné son nom au restaurant gastronomique du Seehotel Villa Linde de Bodman-Ludwigshafen : sous la houlette du chef Aljoscha Füting, s’Äpfle (une Étoile au Guide Michelin) offre une gastronomie locale, les produits provenant d’au plus 90 kilomètres, et de haute volée. Destination de rêve pour les gourmets, le lac offre aussi bien la simplicité rustique des Besenwirtschaften que la haute gastronomie d’artistes rivalisant de créativité pour imaginer des plats magnifiant les poissons du lac, ombles chevaliers, brochets et autres perches… On craque pour la locomotive culinaire qu’est Dirk Hoberg, officiant à Constance, chez Ophelia Fine Dining, établissement à la suprême élégance, niché dans une villa Art nouveau de l’Hôtel Riva. Et pour sublimer les compositions qu’il concocte, les vins locaux sont d’idoines compagnons, à l’image des bouteilles du Weingut Vollmayer, dont les vignes sont perchées sur les pentes du Hohentwiel, à 560 mètres d’altitude. On appréciera aussi les quilles du Staatsweingut Meersburg, existant depuis plus de 800 ans – et en particulier sa jolie cuvée Annette mêlant müller-thurgau, souvignier gris et cabernet blanc – ou du Weingut Florin, maison helvète produisant de remarquables pinots noirs.

Monastère et château de Salem

bodensee.eu lacdeconstance.eu tourisme-bw.fr

> Véritable sésame, la Bodensee Card PLUS permet de profiter de nombreux avantages : entrée gratuite dans plus de 160 sites, transport gratuit à bord de tous les bateaux des VSU (Vereinigte Schifffahrtsunternehmen für den Bodensee und Rhein), expériences insolites et autres check-in express. Elle est proposée pour trois ou sept jours (pas forcément d’affilée) et valable un an bodensee-card.eu

Le Pape des palais

À La Mirande, un chef instinctif bouleverse le folklore de la cuisine provençale depuis 2016, la réinventant avec panache. Rencontre avec Florent Pietravalle en Avignon.

Par Hervé Lévy – Portrait de Rija Andrianina

Ses maîtres se nomment Pierre Gagnaire – « Un grand monsieur et un grand chef » – et Joël Robuchon, avec lequel il a « appris une cuisine de régularité et de précision », mais il a aussi œuvré, tout jeune, auprès des pionniers du bio et d’un lien renouvelé à la nature que sont Jean-Luc Rabanel et Roland Reichrath. Au mitan de la trentaine, Florent Pietravalle est bien dans ses baskets, ne travaillant qu’avec des producteurs (ultra) locaux, mis à part pour le café dont le marc sert cependant à nourrir les différentes variétés poussant dans la champignonnière qu’il a installée dans les caves de La Mirande, tandis que des herbes aromatiques poussent sur les toits. Son credo ? « Défolkloriser la cuisine provençale en sortant des sempiternels carrés d’agneau au thym et autres ratatouilles », se marre-t-il. Contemporaine, sa cuisine est également vivante et instinctive : « Rien n’est jamais figé. Je m’adapte en fonction des approvisionnements, puisqu’il n’est pas possible de forcer la nature à donner ce qu’elle n’a pas », explique-t-il. Sa maestria se déploie au pied du Palais des papes, dans le cadre chic d’une salle où les cardinaux recevaient au XIVe siècle, sous un somptueux plafond à double caisson.

Et l’inventivité de ses compositions est éblouissante. Dans un “classique” de la maison, une brassée de grains de caviar surmonte un yaourt au raifort dans un étonnant jeu dialectique entre piquant et iodé, qui se complexifie avec bonheur grâce à une poignée de feuilles d’oxalis joliment acidulées, ensemble relevé d’un épatant garum, vision contemporaine du condiment utilisé dans la Rome antique et rappelant le nuocmâm. « Je conserve toutes les parures de viande et de poisson, que je fais fermenter avec du sel et du kōji (ferment issu de la moisissure de champignon, NDLR) pour le réaliser », explique Florent Pietravalle. Explosion de saveurs garantie, tout comme avec une création où la Provence tutoie le Japon : interprétation des umeboshi, les prunes salées nippones, des abricots point trop sucrés accroissent la puissance d’un couple formé par des crevettes sauvages et du miel fermenté… « C’est ce dernier qui a fait naître le plat. Notre apicultrice Alice Galy avait dix kilos d’un miel avec un peu trop d’eau. Et l’eau fermente, ce qui confère une acidité qui ne marche pas au petit déjeuner, sur une tartine [Rires]. Dans ce plat, au contraire… », s’amuse le chef lauréat d’une Étoile au Guide Michelin, en 2021. Une seconde ne devrait pas tarder à la rejoindre.

La Mirande est le restaurant de l’Hôtel du même nom situé 4 place de l’Amirande (Avignon). Ouvert du jeudi au dimanche. Menus de 90 à 190 € la-mirande.fr

Et toujours en été

Au Prieuré-Baumanière, la cuisine provençale de très haut niveau signée Marc Fontanne est récompensée d’une Étoile du Guide Michelin. Visite chez le maestro méridional de Villeneuve-lès-Avignon.

Par Hervé Lévy – Portrait de Virginie Ovessian et photo de Pauline Daniel

Dans la “galaxie Baumanière” – dont le vaisseau amiral des Baux-de-Provence brille de trois Étoiles au Guide Michelin avec Glenn Viel –, le Prieuré de Villeneuve-lèsAvignon fait figure de délicat cocon : « Une maison de campagne en ville », selon la définition d’Alexandre Favier, son directeur. Hôtel de grand charme, il abrite également une table où œuvre Marc Fontanne depuis 2018. S’il a fait ses armes auprès de chefs prestigieux – au nombre desquels figure la star de Valence, Anne-Sophie Pic –, ce sont les dix années passées aux côtés de Yannick Franques qui ont marqué notre homme. Du Meilleur Ouvrier de France, il a épousé la simplicité. « Plus une cuisine est évidente, plus elle est compliquée à réaliser. Ma devise pourrait être résumée en une phrase : Droit au but », explique-t-il. Explorant les « fondamentaux de la gastronomie provençale, mâtinés d’influences méditerranéennes », il propose des plats ensoleillés d’une extrême lisibilité où éclatent les fragrances envoûtantes du thym, de la sarriette ou du romarin. Pour les accompagner, est proposée une belle sélection de flacons de la région, dont ceux du propriétaire du groupe Baumanière, Jean-André Charial : cuvée de son Domaine de Lauzières, L’Affectif séduit par sa droiture et son élégance, accompagnant avec joliesse quelques fromages de chèvre des Alpilles.

Sur une terrasse à l’allure folle où bruissent glycines et jasmins, peut débuter une symphonie provençale dont le premier mouvement s’articule autour de la tomate. Relevée par une huile de basilic où percent des évanescences vanillées et un condiment mariant citron et basilic, le fruit s’offre. Cru. Presque nu dans la puissance intacte de ses saveurs. Alanguie dans son eau glacée et gouleyante, la demi sphère rouge est surmontée d’un sorbet à la tomate dont la couleur – un vieux rose d’une belle noblesse – est aussi séduisante que la suavité. Le parcours se poursuit avec une des vedettes de la Drôme provençale, le haricot Coco de Mollans-sur-Ouvèze à la production confidentielle, formant le substrat d’une raviole à l’encre de seiche. Voilà composition en noir et blanc dont l’harmonie est faite de subtils équilibres entre onctueux légume, langues de coques, salicorne et croûtons à la spiruline. Terre et mer. Yin et Yang. Acmé du repas, une volaille fermière contisée au citron brulé éclate de bonheur dans un jus de cuisson à la marjolaine, entourée d’une farandole d’aubergines confites, d’ail doux et d’olives picholine : comme si, en une assiette ultra gourmande, Marc Fontanne saisissait, d’un coup d’un seul, l’esprit de la Provence.

Le Prieuré-Baumanière est le restaurant de l’Hôtel du même nom situé 7 place du Chapitre (Villeneuve-lès-Avignon). Fermé mardi et mercredi. Menus de 39 à 110 € leprieure.com

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