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Au Pont tournant, Julien Rodriguez métisse le terroir alsacien
from Poly 249 - Septembre 2022
by Poly
Bridge Over Clear Water
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Chef du Pont tournant, Julien Rodriguez y arpente une exaltante zone gastronomique, entre terroir alsacien et féconds métissages. Visite à Strasbourg, dans le restaurant de l’Hôtel Régent Petite France qui fête son 30e anniversaire.
Par Hervé Lévy – Photos de Nis & For
Originaire du Nord, Julien Rodriguez n’était pas destiné à la cuisine : « En discutant avec un ami qui me parlait de ses journées de travail, de l’ambiance, j’ai été intrigué. Je suis parti faire un BTS », résume-t-il. Exit les sciences économiques, bonjour les exaltations gastronomiques. Le stage au sein d’une institution, l’Auberge du Père Bise à Talloires, sur les bords du lac d’Annecy, est « une révélation. C’est dans cette maison mythique, avec Sophie Bise et Gilles Furtin, que naît vraiment ma vocation », explique-t-il. Il rejoint ensuite la brigade d’Éric Girardin dans la micro-cuisine de la strasbourgeoise Casserole, alors étoilée au Guide Michelin. En 2014, voilà notre homme aux côtés de Boris Derendinger au Pont tournant auquel il a succédé. À 33 ans, il propose une cuisine de saison – « un minimum aujourd’hui », assure-t-il – avec une carte qui change quatre fois par an, où le terroir alsacien est piqueté d’influences orientales ou indiennes : « J’aime perturber ces marqueurs locaux d’une épice, d’une herbe, amener quelque chose qui va surprendre », s’amuse-t-il, avouant une profonde admiration pour le chef colmarien doublement étoilé Jean-Yves Schillinger. Une philosophie qui va comme un gant à un hôtel international installé à Strasbourg… Et de rajouter : « Je cuisine ce que j’aime manger et n’ai pas envie d’être mis dans une case, ni de faire ce qu’on voit partout. Une quenelle de glace avec des zigouigouis de gel dessus c’est très bien, mais ils sont nombreux à le proposer. Le credo de la maison – et c’était déjà celui de Boris – est de ne jamais être dans la tendance, mais toujours dans la bonne direction. » Illustration avec la géométrie rigoureuse – variation sur le carré et le cercle – d’un tourteau : le digne crustacé s’amuse des saveurs acidulées de la pomme et d’un joli curry, rehaussé s’il le fallait par une mayonnaise légère au vinaigre de Kalamansi, seconde touche asiatique d’une composition qui fait entrer dans le repas en douceur. Pour la suite, on hésite entre un pigeon de la maison Théo Kieffer – marquant l’appétence de Julien Rodriguez pour les produits locaux de haut niveau – et une intrigante Chakchouka. Cette dernière emporte l’adhésion. Si les fondements de ce grand classique de la cuisine nord-africaine en général, et algérienne en particulier, sont bien présents, le chef s’en amuse, ajoutant du métissage au métissage en l’accompagnant de… nans au fromage. Belle idée qui adoucit l’explosion de saveurs et de couleurs de cette joyeuse orgie de poivrons, oignons et tomates, sur laquelle est posée un œuf mollet qu’on rompt voluptueusement. Herbes et amandes torréfiées contribuent à l’équilibre d’un plat très abouti qui regarde vers l’Étoile… Au dessert, on apprécie autant l’alliance (d)étonnante du chou fleur, du chocolat blanc et de la noix de coco, que le trompe l’œil à la semblance d’une pomme chocolatée.