POLY 254 - Février 2023

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N°254 FÉVRIER FEBRUAR 2023 POLY.FR MAGAZINE
Thomas Jolly Pierre de Maere Julian Rosefeldt Adé

Woman

Une des principales représentantes du pop art européen et cofondatrice du happening est à l’honneur à la Schirn Kunsthalle de Francfort-sur-le-Main (03/02-21/05) : Niki de Saint Phalle. Avec une centaine d’œuvres, l’exposition offre un aperçu de toutes les phases de son travail. Eine der großen Repräsentantinnen der europäischen PopArt und Mitbegründerin des Happenings wird in der Schirn Kunsthalle in Frankfurt am Main gefeiert (03.02.-21.05.): Niki de Saint Phalle. Mit rund hundert Werken gibt die Ausstellung einen Überblick über alle Phasen ihrer Arbeit. schirn.de

Love, etc.

Croisières en duo sous l’égide de Captain Bretzel, visites romantiques de la cité, parcours sensuel dans les chambres de l’hôtel Hannong, baignade au clair de lune aux Bains municipaux… Avec Strasbourg Mon Amour (10-19/02), la capitale alsacienne devient incandescente. On craque pour un concert regroupant plus beaux airs écrits par Vivaldi autour de la passion (16/02, Église Saint-Guillaume), avec la soprano Francesca Sorteni et le baryton-basse Alexandre Bald.

Kreuzfahrten zu zweit mit Captain Bretzel, romantische Stadtbesichtigungen, sinnliche Ausflüge in die Zimmer des Hotels Hannong, ein Bad im Mondschein in den Bains municipaux… Mit Strasbourg Mon Amour (10.-19.02.) wird die elsässische Hauptstadt heiß. Wir haben eine Schwäche für ein Konzert mit den schönsten Arien von Vivaldi zum Thema Leidenschaft (16.02., Église Saint-Guillaume) mit der Sopransängerin Francesca Sorteni und dem Bassbariton Alexandre Bald.

strasbourg-monamour.eu

Move

Événement majeur au ZKM avec The Performative Archive (03/02), conversation entre l’un des plus grands chorégraphes vivants, William Forsythe (73 ans), et l’artiste et directeur de l’institution de Karlsruhe depuis 1999, Peter Weibel (78 ans). Le don de 50 ans d’archives vidéo du danseur sert de fil rouge à une réflexion sur la préservation des œuvres par le Centre des Médias.

Ein Ereignis steht an im ZKM mit The Performative Archive (03.02.), einem Gespräch zwischen einem der größten lebenden Choreographen, William Forsythe (73 Jahre), und dem Künstler und seit 1999 Leiter der Karlsruher Institution Peter Weibel (78 Jahre). Die Schenkung der Videoarchive aus 50 Jahren durch den Tänzer dient als roter Faden zu einer Überlegung rund um die Aufbewahrung der Werke in diesem Medienzentrum. zkm.de

POLY 254 Février Februar 23 3 BRÈVES IN KÜRZE
Niki de Saint Phalle, Nana rouge jambes en l'air , um 1968, LeopoldHoesch Museum, Düren Peter Hirnschläger, Aachen, © 2023 Niki Charitable Art Foundation / Adagp, Paris © Dominik Mentzos
© Frederic Maigrot / CUS

Anna in Paris

Pour Anna Malagrida, Paris est « comme un corps, avec une peau, une surface », rêche et douce à la fois, que la photographie a le pouvoir de révéler. L’Attente (La Filature, Mulhouse, jusqu’au 05/03) réunit cinq de ses travaux, menés depuis la crise financière de 2008 : Les Vitrines condamnées des commerces de la capitale contraints à fermer, Les Passants (2020) des rues désertées pendant le confinement, mais aussi les façades claquemurées des beaux quartiers (Paris barricadé, 2018-2019) face à la violence des manifs des Gilets jaunes révoltés.

Für Anna Malagrida ist Paris „wie ein Körper, mit einer Haut, einer Oberfläche“, gleichzeitig rau und zart, die die Photographie zutage bringen kann. L’Attente (La Filature, Mulhouse, bis 05.03.) vereint fünf ihrer Arbeiten seit der Finanzkrise im Jahr 2008: Die vernagelten Vitrines der Geschäfte der Hauptstadt, die zur Schließung gezwungen waren, Les Passants (2020) in den leeren Straßen während des Lockdowns, aber auch verbarrikadierte Fassaden in den schönen Vierteln (Paris barricadé, 2018-2019) angesichts der Gewalt bei den Demonstrationen der rebellischen „Gilets jaunes“. lafilature.org

Alsace 4 ever

Au Pôle culturel de Drusenheim, se déploie L’Alsace de Pascklin (jusqu’au 11/02) : ses personnages archétypaux sont fichtrement attachants, livrant une charmante image de la région.

Im Pôle culturel de Drusenheim entfaltet sich Das Elsass von Pascklin (bis 11.02.): Seine archetypischen Figuren sind verdammt liebenswürdig und präsentieren ein charmantes Bild der Region. polecultureldrusenheim.fr

Happy retirement

La 20e édition de la foire d’art contemporain art KARLSRUHE (04-07/05) s’annonce : elle sera la dernière d’Ewald Karl Schrade, son illustre commissaire et fondateur. Si une salle entière lui est dédiée, 207 galeries internationales sont aussi au rendez-vous. Picasso, Warhol et les monstres sacrés de l’art allemand Baselitz et Richter sont à retrouver, ainsi que de jeunes talents à admirer… et à acheter. Die 20. Auflage der Messe für zeitgenössische Kunst art KARLSRUHE (04.-07.05.) kündigt sich an: Sie wird die letzte von Ewald Karl Schrade sein, ihrem illustren Kurator und Gründer. Ein ganzer Saal ist ihm gewidmet, 207 internationale Galerien sind auch dabei. Picasso, Warhol und die deutschen Kunstgrößen Baselitz und Richter sind anzutreffen, ebenso wie junge Talente, die man bewundern… und kaufen kann. art-karlsruhe.de

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© Anna Malagridaen collaboration avec Mathieu Pernot DR Stefan Rohrer, Arancio , 2011, Galerie Scheffel art KARLSRUHE 2022, Messe Karlsruhe / Jürgen Rösner

Verdissimo

Un baryton d’exception dans le rôle-titre (Nikoloz Lagvilava), une soprano d’anthologie, Regula Mühlemann, dans celui de Gilda, une mise en scène d’une intense élégance signée Vincent Huguet : le Rigoletto proposé par le Theater Basel (jusqu’au 21/06) est une absolue réussite !

Ein außergewöhnlicher Bariton in der Titelrolle (Nikoloz Lagvilava), eine legendäre Sopransängerin, Regula Mühlemann in jener von Gilda, eine Inszenierung mit intensiver Eleganz von Vincent Huguet: Der Rigoletto, den das Theater Basel (bis 21.06.) zeigt, ist ein absoluter Erfolg! theater-basel.ch

The Hours

Improvisateur de génie, Paul Lay ouvre la 19e édition des Heures Musicales du Kochersberg (04-25/03, Espace Terminus, Truchtersheim). Artiste instrumental aux Victoires du Jazz 2020, le pianiste propose un ciné-concert accompagnant deux chefs-d’œuvre du muet, The Immigrant – un des meilleurs Charlot de Charlie Chaplin – et Sherlock Junior, où éclate le talent de Buster Keaton. En prélude à cette soirée poétique, il livre World of Chaplin, medley des plus beaux thèmes de ses films.

Der geniale Improvisationskünstler Paul Lay eröffnet die 19. Auflage der Heures Musicales du Kochersberg (04.-25.03., Espace Terminus, Truchtersheim). Bei den Victoires du Jazz 2020 als bester Instrumentalist ausgezeichnet, präsentiert der Pianist ein KinoKonzert, das zwei Meisterwerke des Stummfilms begleitet, The Immigrant – einer der besten Charlot von Charlie Chaplin – und Sherlock Junior , der das Talent von Buster Keaton zur Geltung bringt. Als Vorspiel zu diesem poetischen Abend spielt er mit World of Chaplin, medley die schönsten Melodien aus seinen Filmen. hmko.fr

Snakes

La Kunsthalle Mannheim explore Les Débuts d’un mouvement artistique européen avec Becoming CoBrA (jusqu’au 05/03). Au Danemark, des artistes comme Asger Jorn, Ejler Biller ou Else Alfelt se sont penchés, dès le milieu des années 1930, sur des thèmes essentiels du futur groupe.

Die Kunsthalle Mannheim erkundet die Anfänge einer europäischen Kunstbewegung mit Becoming CoBrA (bis 05.03.).

In Dänemark haben sich Künstler wie Asger Jorn, Ejler Biller oder Else Alfelt ab Mitte der 1930er Jahre mit den grundlegenden Themen der zukünftigen Gruppe beschäftigt. kuma.art

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© Sylvain Gripoix © Matthias Baus Karel Appel, Untitled , 1947 © Karel Appel Foundation / VG Bild-Kunst, Bonn 2022

SCÈNE BÜHNE

14 Avec FARaway, Reims vibre au rythme de l’Afrique

Mit FARaway bebt Reims im Rhythmus Afrikas

16 À Baden-Baden, la 2e édition du festival Takeover croise les disciplines, du BMX au numérique

In Baden-Baden verbindet die 2. Auflage des Festivals Takeover die Disziplinen, vom BMX bis zum Digitalen

MUSIQUE MUSIK

30 Entretien avec Pierre de Maere, nouvelle sensation de la pop belge Interview mit Pierre de Maere, dem neuen Star des belgischen Pop

32 Zoom sur le premier album solo d’Adé, ex-chanteuse de Thérapie Taxi

Fokus auf das erste Soloalbum von Adé, Ex-Sängerin von Thérapie Taxi

34 Thomas Jolly livre une nouvelle mise en scène du mythique opéra rock Starmania

Thomas Jolly präsentiert eine neue Inszenierung der legendären Rock-Oper Starmania

EXPOSITION AUSSTELLUNG

42 Le Beau Siècle plonge dans la vie artistique de Besançon entre 1674 et 1792

Le Beau Siècle taucht in das künstlerische Leben von Besançon zwischen 1674 und 1792 ein

46 Avec Gast Michels : Movement in colour, form and symbols, le MNHA explore l’univers d’un artiste envoûtant

Mit Gast Michels : Movement in colour, form and symbols, erkundet das MNHA das Universum eines bezaubernden Künstlers

52 Les vidéos monumentales de Julian Rosefeldt investissent la Völklinger Hütte

Die monumentalen Videos von Julian Rosefeldt erobern die Völklinger Hütte

GASTRONOMIE

60 Nos pronostics en Alsace pour le cru 2023 du Guide Michelin

Unsere elsässische Prognose für die Auslese 2023 im Guide Michelin

64 Un dernier pour la route : Véronique et Thomas Muré à Rouffach

Auf ein letztes Glas: Véronique und Thomas Muré in Rouffach

COUVERTURE TITELBILD

Depuis le succès d’Un jour, je marierai un ange, sorti sur son premier EP, Pierre de Maere (lire page 30) s’est imposé en nouvelle étoile de la pop belge. Du haut de ses 21 ans, l’autodidacte au look mi-ange mi-mutant, séduit avec son univers fantasque et décalé, que le photographe polonais Marcin Kempski saisit à merveille dans ce décor inspiré des toiles de Magritte, autre doux dingue venu du Plat Pays.

Seit dem Erfolg von Un jour je marierai un ange, das auf seiner ersten EP erschien, ist Pierre de Maere (lesen Sie mehr auf S. 30) der neue Stern am belgischen Pop-Himmel. Mit seinen 21 Jahren verführt der Autodidakt mit seinem Look zwischen Engel und Mutant in seinem phantastischen und unerwarteten Universum, das der polnische Photograph Marcin Kempski auf wunderbare Weise einfängt, in diesem Dekor, der Magritte nachempfunden ist, dem anderen genialen Genie des „Plat Pays“.

8 POLY 254 Février Februar 23 SOMMAIRE INHALTSVERZEICHNIS 46
60 52 16 14
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© Marcin Kempski / Cinq7

THOMAS FLAGEL

Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly Balkantheater, experimenteller Tanz, afrikanische Autoren... seine Neugierde ist grenzenlos !

SARAH MARIA KREIN

Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK. Diese Französin im Herzen ist mit allen Wassern gewaschen: Übersetzung, Redaktion, Korrektion... Fügen wir „Truppenmotivation im Falle von Durchhängern“ hinzu.

www.poly.fr — www.poly.fr/de mag.poly magazine.poly

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION HERAUSGEBER

Julien Schick julien.schick@bkn.fr

RÉDACTEUR EN CHEF CHEFREDAKTEUR

Hervé Lévy herve.levy@poly.fr

LA RÉDACTION DIE REDAKTION

Thomas Flagel thomas.flagel@poly.fr

Suzi Vieira suzi.vieira@bkn.fr

Julia Percheron redaction@bkn.fr

JULIEN SCHICK

Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ?

Er plaudert mit seinem Freund Rudy über Architektur, sucht Morcheln in den elsässischen Wäldern. Aber wie schafft er es nebenbei Herausgeber von Poly zu sein?

ANAÏS GUILLON

Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’une Fiat 500 lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique !

Zwischen frenetischen Klicks und Wurstbuden-Humor erhellt sie das GraphikStudio mit ihrem atomaren Lachen.

TRADUCTRICE ÜBERSETZERIN

Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr

ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO

HABEN AN DIESER AUSGABE TEILGENOMMEN

Benoît Linder, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel & Raphaël Zimmermann

STUDIO GRAPHIQUE GRAFIKSTUDIO

Anaïs Guillon anais.guillon@bkn.fr

Emma Riedinger studio@bkn.fr

DIGITAL

Mohamed Outougane webmaster@bkn.fr

MAQUETTE LAYOUT

Blãs Alonso-Garcia logotype

Anaïs Guillon maquette avec l’équipe de Poly

ADMINISTRATION GESCHÄFTSFÜHRUNG

SUZI VIEIRA

Après Courrier international ou Books, elle pose ses valises à Poly. Intraitable avec les concepts, elle jongle avec les mots comme son homonyme le faisait avec les ballons à la Coupe du monde 1998.

Nach Courrier international und Books, ist sie bei Poly angekommen. Unnachgiebig wenn es um Konzepte geht, spielt sie mit den Worten, wir ihr Homonym mit den Bällen bei der Fußballweltmeisterschaft 1998.

ÉRIC MEYER

Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain.

Miesepeter und Lebenskünstler. Zu seinem poetischen Universum von Objekten aus Blech kommt ein weiteres hinzu, die bissige und virtuose Beschreibung unserer zeitgenössischen Welt, die er graviert.

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Magazine mensuel édité par BKN

Dépôt légal : Janvier 2023 — Impression : CE

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SIRET : 402 074 678 000 44 — ISSN 1956-9130

© Poly 2023 Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.

10 POLY 254 Février Februar 23 OURS Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert) Liste aller Mitarbeiter einer Zeitschrift (Duden)
Budabear, Budapest © A. Guillon

Words, words, words…

u’est la proximité franco-allemande devenue ? Cette amitié indéfectible semble aujourd’hui un brin écornée : soixante ans après le Traité de l’Élysée du 22 janvier 1963 signé par le Général de Gaulle et Konrad Adenauer (et complété par un texte paraphé à Aix-la-Chapelle en 2019 par Angela Merkel et Emmanuel Macron), le moteur commun supposé entraîner l’Europe vers des jours meilleurs a quelques ratés. Et si récemment, Olaf Scholz, lyrique, a comparé les deux voisins à «  deux âmes dans une même poitrine », cela ne masque guère des divergences béantes. De crise ukrainienne en visions antagonistes de la politique énergétique, de mots creux – l’Article 9 du Traité d’Aix-la-Chapelle stipulant que les «  deux États reconnaissent le rôle décisif que jouent la culture et les médias dans le renforcement de l’amitié francoallemande » – en inactions conjointes, nous aurions besoin de réalisations concrètes. C’est pour cela que nous poursuivons, contre vents et marées – et ça souffle sacrément, actuellement – notre œuvre ambitieuse, multipliant les numéros bilingues de Poly (sept désormais dans l’année) largement diffusés des deux côtés du Rhin, et au-delà, en Suisse et au Luxembourg, histoire de contribuer à donner du contenu à la relation franco-allemande et à l'idée européenne !

WQas ist aus dem deutsch-französischen Paar geworden? Die unerschütterliche Freundschaft scheint heute ein wenig getrübt zu sein: Sechzig Jahre nach dem Elysee-Vertrag vom 22. Januar 1963, der von Général de Gaulle und Konrad Adenauer unterzeichnet wurde (und durch einen paraphierten Text 2019 in Aachen von Angela Merkel und Emmanuel Macron vervollständigt wurde), stottert der gemeinsame Motor, der Europa in bessere Tage führen soll, ein bisschen. Auch wenn Olaf Scholz, vor Kurzem die beiden Nachbarn, poetisch mit „ zwei Seelen in derselben Brust“ verglichen hat, verdeckt das kaum die riesigen Meinungsverschiedenheiten. Von der ukrainischen Krise bis zu den antagonistischen Visionen der Energiepolitik hohle Worte – der Artikel 9 des Aachener Vertrages besagt, dass „beide Staaten die entscheidende Rolle anerkennen, die die Kultur und die Medien für die Stärkung der deutsch-französischen Freundschaft spielen.“ – und gemeinsame Untätigkeit, dabei benötigen wir konkrete Umsetzungen. Das ist der Grund, weshalb wir, allen Widerständen zum Trotz – und momentan stürmt es ziemlich – unser ambitiöses Werk fortsetzen, die zweisprachigen Ausgaben von Poly vervielfältigen (in diesem Jahr sieben Ausgaben), die beiderseits des Rheins und darüber hinaus, in der Schweiz und Luxemburg verteilt werden, um die deutsch-französische Beziehung und die europaïsche Idee mit Inhalten zu füllen!

12 POLY 254 Février Februar 23 EDITO

Panafrica

La 4e édition de FARaway, festival des arts à Reims, met un coup de projecteur sur des artistes originaires d’Afrique de l’Ouest. Découverte. Die 4. Ausgabe von FARaway, dem Festival der Künste in Reims, stellt Künstler aus Westafrika ins Rampenlicht. Eine Entdeckung.

Aristide Tarnagda. Ce nom ne vous dit sûrement rien, et pourtant ce metteur en scène et auteur dirige Les Récréâtrales, le plus grand festival de théâtre d’Afrique de l’Ouest, à Ouagadougou. Il est l’une des têtes d’affiche de FARaway 2023. Le Burkinabé y présente trois de ses mises en scène. Il s’empare de la comédie brûlante Plaidoirie pour vendre le Congo de Sinzo Aanza. Un jury de trois femmes et douze hommes se retrouve, en tant que comité de surveillance du quartier Masina Sans-Fil à Kinshasa. Si l’armée a commis une bavure en tuant des supporters qui revenaient d’un match de foot, pensant qu’il s’agissait d’une manifestation contre la hausse des prix, c’est à eux qu’incombe de déterminer le montant que l’État donnera, pour indemnisation, à chacune des familles des victimes. Dans un espace dépouillé, estimer la vie d’un adulte, d’un enfant,

d’un ancien, sert de métaphore aux contradictions de tout un pays. En résidence pour trois semaines avant le festival à La Comédie de Reims, Aristide Tarnagda crée un diptyque de deux solos volcaniques avec de nouveaux jeunes interprètes des Récréâtrales : l’ivresse du désir d’avenir d’une jeunesse au destin confisqué (Les Larmes du ciel d’août) et le monologue dialogué Et si je les tuais tous Madame, portrait d’un miséreux en exil, qui par le verbe raconte le fil d’une vie chaotique. Entre lyrics du groupe de hip-hop Faso Kombat et chansons traditionnelles, ce sont les murs du silence qui tombent. Sur leurs ruines, un voyage – intérieur ? – paraît la seule échappatoire…

Autre temps fort, la carte blanche laissée au chorégraphe Salia Sanou, figure de la danse sur le continent. Il transmet l’une de ses œuvres phares, Clameur

des arènes, à de jeunes interprètes burkinabés (dont quatre femmes, alors que ces joutes traditionnelles sont souvent vues comme masculines), issus de La Termitière, le centre chorégraphique qu’il a créé dans son pays en 2006 : corps bandés et luisants de sueur sur fond de sacs rouges empilés, accompagnés sur scène d’un groupe de musique pour un rituel plein de grâce mêlant parade et intimidation. Il poursuit ce renversement des représentations genrées dans À nos combats, où il fait rejouer Rumble in the jungle, duel Ali vs Foreman de Kinshasa en 1974, avec une danseuse, un danseur et une boxeuse professionnelle. Sur une musique de Sega Seck, ils sont accompagnés par le maître de cérémonie Soro Solo (animateur de l’inoubliable émission L’Afrique enchantée sur France Inter) et une soixantaine d’amateurs répartis en deux équipes pour jouer les supporters. Ne manquez pas non plus le pamphlet de Léonora Miano, Et que mon règne arrive, dans lequel l’autrice s’attaque à la place des femmes en Afrique noire. Le féminisme européocentré et le machisme ordinaire se répondent dans une mise en scène enjouée et accrocheuse d’Odile Sankara.

Aristide Tarnagda. Der Name sagt Ihnen sicher nichts und nichtsdestotrotz leitet dieser Regisseur und Autor Les Récréâtrales, das größte Theaterfestival Westafrikas in Ouagadougou. Er ist einer der Hauptakteure von FARaway 2023. Der Burkiner präsentiert hier drei seiner Inszenierungen. Er nimmt sich der brandheißen Komödie Plaidoirie pour vendre le Congo (Plädoyer zum Verkauf des Kongos) von Sinzo Aanza an. Eine Jury von drei Frauen und zwölf Männern

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Les Larmes du ciel d’août d’Aristide Tarnagda © Idrissa Zongo Rama

findet sich als Überwachungskomitee des Viertels Masina Sans-Fil in Kinshasa wieder. Während die Armee einen militärischen Übergriff begangen hat, als sie Fans tötete, die von einem Fußballspiel zurückkamen, weil sie dachte, es handele sich um eine Demonstration gegen den Anstieg der Preise, müssen sie über die Summe entscheiden, die der Staat an die Familie jedes Opfers als Kompensation zahlen muss. In einem kahlen Raum dient die Tatsache das Leben eines Erwachsenen, eines Kindes oder eines Alten zu veranschlagen als Metapher für die Widersprüche eines ganzen Landes. Aristide Tarnagda, der drei Wochen vor dem Festival in der Comédie de Reims im Rahmen einer Künstlerresidenz arbeitete, kreiert ein Diptychon aus zwei vulkanischen Solos mit neuen jungen Interpreten der Récréâtrales: Zukunftsrausch einer Jugend mit beschlagnahmter Zukunft (Les Larmes du ciel d’août / Die Tränen des Augusthimmels) und der dialogisierte Monolog Et si je les tuais tous Madame (Und wenn ich sie alle töten würde, Madame), Portrait eines Miserablen im Exil, der den Verlauf eines chaotischen

Lebens erzählt. Zwischen den lyrics der Hip-Hop-Gruppe Faso Kombat und traditionellen Liedern fallen die Mauern des Schweigens. Inmitten der Ruinen erscheint eine – innere? – Reise als einzige Fluchtmöglichkeit…

Ein weiterer Höhepunkt ist die freie Hand, die dem Choreographen Salia Sanou gelassen wurde, eine Persönlichkeit innerhalb der Tanzszene des Kontinents. Er übergibt eines seiner Hauptwerke Clameur des arènes (Geschrei der Arenen), an junge Interpreten aus Burkina Faso (darunter vier Frauen, obwohl die traditionellen Wettstreite oft als eine Männerangelegenheit betrachtet werden), aus La Termitière, dem Zentrum für Choreographie, das er in seinem Land 2006 gegründet hat: Mit Bändern verzierte, vor Schweiß glänzende Körper, vor dem Hintergrund übereinandergestapelter roter Säcke, begleitet von einer Musikgruppe, für ein Ritual voller Anmut, das Parade und Einschüchterung vermischt. Er setzt diese Umkehrung der geschlechtstypischen Darstellungen in À nos combats (Auf unsere Kämpfe) fort, wo er Rumble

in the jungle wiederaufleben lässt, das Duell Ali vs Foreman in Kinshasa im Jahr 1974, mit einer Tänzerin, einem Tänzer und einer professionellen Boxerin. Zu einer Musik von Sega Seck werden sie vom Zeremonienmeister Soro Solo und rund sechzig Amateuren begleitet, die in zwei Gruppen aufgeteilt sind, um die Fans zu spielen. Verpassen Sie auch nicht das Pamphlet von Léonora Miano, Et que mon règne arrive (Auf dass mein Reich komme) in dem die Autorin den Platz der Frauen in Schwarzafrika angreift. Der eurozentrierte Feminismus und das ordinäre Macho-Benehmen antworten in einer fröhlichen und zugkräftigen Inszenierung von Odile Sankara aufeinander.

À La Cartonnerie, au Césaré, à La Comédie, au Frac Champagne-Ardenne, au Manège, à Nova Villa, à l’Opéra et dans quelques lieux partenaires de Reims jusqu’au 12 février In La Cartonnerie, im Césaré, in La Comédie, im Frac Champagne-Ardenne, im Manège, in der Nova Villa, in der Oper und an einigen Partnerorten in Reims bis zum 12. Februar farawayfestival.eu

POLY 254 Février Februar 23 15 FESTIVAL
Clameur des arènes de Salia Sanou © Marc Coudrais

Dreams are made of…

Pour la seconde édition du festival Takeover, qui croise les disciplines, du BMX au numérique, émerge des eaux de Baden-Baden Hakanaï, claque visuelle d’Adrien M et Claire B.

Für die zweite Auflage des Festivals Takeover, das die Disziplinen verbindet, vom BMX bis zum Digitalen, taucht aus den Wassern von Baden-Baden Hakanaï auf, eine visuelle Ohrfeige von Adrien M und Claire B.

Quand le Festspielhaus confie les clés de sa maison à de jeunes artistes, il invite Adrien Mondot et sa complice Claire Bardainne, qui développent, patiemment et assidument, leur propre logiciel informatique. Avec eMotion – tout à la fois “émotion“ et “electronic motion”, c’est-à-dire mouvement électronique – l’ancien pensionnaire de l’Institut national de recherche en informatique et automatique de Grenoble donne naissance à des spectacles totalement novateurs. Cette technologie animée permet de jouer avec des projections numériques (toutes sortes de symboles et formes), afin d’exercer un incroyable pouvoir de fascination. Mais Adrien n’est pas pour autant un technologiste, ce procédé n’étant qu’un moyen de créer des matières

virtuelles fonctionnant comme autant de paysages dans lesquels évoluer, se mouvoir pour émouvoir. Hakanaï est une performance chorégraphique pour une danseuse qui évolue dans un cube d’images graphiques projetées et mises en mouvement, en temps réel, par un interprète numérique caché dans l’obscurité du plateau. Entourée de parois de tulle blanc, Akiko Kajihara interagit comme par magie avec des lettres géantes, se déplaçant en volume autour d’elle. Avec ses gestes, elle pousse, déforme et modifie les pans de murs quadrillés qui l’enserrent dans une cage. Comme par télékinésie, les éléments l’entourant se froissent et s’écartent. Tiré d’un mot japonais définissant ce qui ne dure pas, entre fragilité et évanescence, ce spectacle nous transporte entre

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Par Von Thomas Flagel & Hervé Lévy – Photos de von Virginie Serneels

rêve et réalité au milieu d’une géographie de formes (vagues, trous, montagnes…), pulsant au rythme d’une musique qui rappelle les battements du cœur jusqu’à l’oppression. La beauté plastique et la fluidité parfaite de l’ensemble, allant du ralenti hypnotique à un emballement virtuose des éléments, fascine. S’amusant à brouiller les repères, le duo de créateurs tisse une dense toile d’araignée, qu’il éclate en des myriades de constellations reliées, repoussées par la présence corporelle de la danseuse dont le corps agit à la manière de la répulsion des pôles d’un aimant. Ce voyage intérieur dans les songes de l’être nous laisse totalement émerveillés.

Wenn das Festspielhaus die Schlüssel zu seinen Türen jungen Künstlern überlässt, lädt es Adrien Mondot und seine Komplizin Claire Bardainne ein, die mit Geduld und Beharrlichkeit ihr eigenes Computerprogramm entwickeln. Mit eMotion – gleichzeitig „Emotion“ und „electronic motion“, also elektronische Bewegung – erweckt der ehemalige Schüler des Institut national de recherche en informatique et automatique de Grenoble komplett innovative Aufführungen zum Leben. Diese animierte Technologie erlaubt es mit digitalen Projektionen zu spielen (alle möglichen Symbole und Formen) um eine unglaubliche FaszinationsKraft auszuwirken. Aber Adrien ist trotzdem kein Technologe, diese Vorgehensweise ist nur ein Mittel, um virtuelle Materien zu kreieren, die wie Landschaften funktionieren, in denen man sich bewegt um bewegt zu werden. Hakanaï , ist eine choreographische Performance für eine Tänzerin, die sich in einem Kubus aus projizierten graphischen Bildern bewegt, die in Echtzeit von einem digitalen Interpreten in Bewegung umgesetzt wird, der in der Dunkelheit der Bühne versteckt ist. Umgeben von Wänden aus weißem Tüll interagiert Akiko Kajihara wie auf magische Weise mit Riesen-Buchstaben, die rund um sie kreisen. Mit ihren Gesten drückt und verformt sie die quadratischen Wandstücke, die sie in einem Käfig einsperren. Wie anhand von Telekinese verbiegen und deplatzieren sich die Elemente, die sie umgeben. Von einem japanischen Wort abgeleitet, das jenes definiert, was keine

Dauer haben wird, zwischen Zerbrechlichkeit und Vergänglichkeit, transportiert uns diese Aufführung zwischen Traum und Realität inmitten einer Geographie der Formen (Wellen, Löcher, Berge…), welche im Rhythmus einer Musik pulsieren, die bis zur Beklemmung an Herzschläge erinnert. Die plastische Schönheit und die perfekte Flüssigkeit des Ensembles, von der hypnotisierenden Zeitlupe bis zu einem virtuosen Überschwang der Elemente, fasziniert. Indem es sich damit amüsiert Bezugspunkte durcheinanderzubringen, spinnt das kreative Duo ein Netz, das es in unzählige untereinander in Verbindung stehende Konstellationen zersprengt, die von der körperlichen Präsenz der Tänzerin zurückgedrängt werden, sich wie Pole eines Magnets abstoßen. Diese innere Reise in die Träume des Seins, lässt uns staunend zurück.

Au Festspielhaus (Baden-Baden) samedi 4 et dimanche 5 février dans le cadre du festival Takeover (03-05/02)

Im Festspielhaus (Baden-Baden) am Samstag den 4. und Sonntag den 5. Februar im Rahmen des Festivals Takeover (03.-05.02.) festspielhaus.de

Forever Young

Mixant les styles, le festival Takeover (03-05/02) convoque la jeunesse, bousculant les codes à l’image du duo Grandbrothers (03/02), qui associe piano à queue et informatique pour un mélange détonnant. Une party débridée (04/02) rassemble batterie, électronique live, quatuor à cordes et… BMX. Enfin, on craque pour Daniel Hope (05/02), violoniste incandescent qui transcende les frontières des genres sonores. Das Festival Takeover (03.-05.02.) mischt die Stile und lädt die Jugend dazu ein, mit den etablierten Codes zu brechen, so wie das Duo Grandbrothers (03.02.), das Flügel und Keyboard verbindet, für eine Mischung, die aus der Reihe tanzt. Eine zügellose Party (04.02.), mit Schlagzeug, Live-Elektromusik, Streichquartett und… BMX. Und schließlich haben wir eine Schwäche für Daniel Hope (05.02.), den lebhaften Violinisten, der die Grenzen der Klang-Genres überschreitet. festspielhaus.de

POLY 254 Février Februar 23 17 FESTIVAL
Vicky Gomez PR

La Danza de los muertos

Béatrice Massin poursuit son exploration des fondamentaux baroques de la danse avec un Requiem – la mort joyeuse célébrant la vision mexicaine.

Béatrice Massin setzt ihre Erkundung der Barock-Fundamente des Tanzes mit Requiem – la mort joyeuse fort, das die Vision der mexikanischen Kultur feiert.

Du jour des Morts célébré au Mexique comme une fête rivalisant de couleurs, de pétards, de squelettes, de chemins de pétales et d’offrandes, la chorégraphe Béatrice Massin crée une danse macabre pour 12 danseurs. Elle bouscule pour l’occasion la vision ténébreuse du célèbre Requiem de Mozart en lui adjoignant le Danzon n°2 du Mexicain Arturo Márquez, plein d’emprunts à la musique populaire. Les interprètes y traversent le plateau en courant, le sourire aux lèvres. Les têtes de mort brodées sur chacun des costumes volètent avec une amplitude permettant des jeux d’apparition et de disparition de personnages tournoyant dans cet entredeux mondes qui sépare la vie et l’au-delà. Rien d’étonnant à retrouver une certaine joie dans la pièce de celle qui sait que Mozart, au crépuscule de sa vie, ne pense qu’à sa Flûte enchantée, délaissant ce Requiem qu’il laissera inachevé. Sur fond de vidéo pleine d’embruns et de ressacs, la désacralisation de la fête mise sur pied multiplie les vagues de gestes et l’unisson si cher au baroque contemporain de Béatrice Massin.

Ausgehend vom Tag des Todes, der in Mexiko als ein Fest voller Farben, Feuerwerk, Skelette, Blütenteppiche und Opfergaben gefeiert wird, kreiert die Choreographin Béatrice Massin einen Totentanz für 12 Tänzer. Sie wirft

zu dieser Gelegenheit die finstere Vision des berühmten Requiems von Mozart über Bord und verbindet es mit dem Danzón no. 2 des Mexikaners Arturo Márquez, voller Anleihen bei der Volksmusik. Die Interpreten überqueren hier rennend die Bühne, mit einem Lächeln auf den Lippen. Die Totenköpfe, die auf die Kostüme gestickt sind, flattern mit einer Amplitude, die Spiele mit dem Erscheinen und Verschwinden von Figuren erlauben, in dieser Zwischenwelt, die das Leben vom Jenseits trennt. Es erstaunt nicht, dass man eine gewisse Freude im Stück von jener findet, die weiß, dass Mozart in der Abenddämmerung seines Lebens nur an seine Zauberflöte denkt und dieses Requiem aufgibt, das er unvollendet lassen wird. Vor dem Hintergrund eines Videos voller Gischt und Brandungen, vervielfältigt die Entheiligung des Festes die Wellen der Gesten und den Einklang, der dem zeitgenössischen Barock von Béatrice Massin so teuer ist.

À L’Arsenal (Metz) jeudi 9 février, puis à La Filature (Mulhouse) mardi 28 février et au Manège (Reims) jeudi 16 et vendredi 17 mars In L’Arsenal (Metz) am Donnerstag den 9. Februar, dann in La Filature (Mulhouse) am Dienstag den 28. Februar und im Manège (Reims) am Donnerstag den 16. und Freitag den 17. März fetesgalantes.com

18 POLY 254 Février Februar 23 DANSE TANZ
Par Von Thomas Flagel – Photo de von Benoite Fanton

While I kiss the sky

Dans Deleuze I Hendrix, Angelin Preljocaj associe la voix du philosophe à la musique du Voodoo Chile dans une quête de transcendance.

In Deleuze I Hendrix assoziiert Angelin Preljocai die Stimme des Philosophen mit der Musik von Voodoo Chile in einer Suche nach Transzendenz.

J«e dois avoir un corps… Je dois avoir un corps parce qu’il y a de l’obscur en moi. » Ces mots de Deleuze résonnent chez Angelin Preljocaj, fan absolu de l’ Abécédaire. Le chorégraphe utilise la voix du philosophe, distillant des extraits d’enregistrements de ses cours à l’Université Paris VIII dans les années 1980, mu par « l’idée que le corps est transcendé par quelque chose qui le dépasse, et qui est néanmoins immanent car totalement lié à une essence qui produit elle-même les conditions et le réceptacle d’une transcendance. » Se percutent ainsi la relecture avec humour des écrits de Spinoza sur la question du corps et du mouvement dans L’Éthique, et la puissance indomptable de la musique de Jimi Hendrix, évoluant depuis les brumes violettes d’autres réalités. Le ballet qui se déploie entremêle douceur de la grâce et élans collectifs de groupe qui éclatent en duos et trios portés par le même amour des lignes.

ch muss einen Körper haben… Ich muss einen Körper haben, denn es liegt etwas Finsteres in mir.“ Diese Worte von Deleuze schwingen bei Angelin Preljocai mit, einem absoluten Fan seines Abécédaire * Der Choreograph benutzt die Stimme des Philosophen, indem er Auszüge von

Aufnahmen aus seinen Vorlesungen an der Université Paris VIII in den 1980er Jahren destilliert, angetrieben von der „Idee, dass der Körper von etwas transzendiert wird, was größer ist als er, und was nichtsdestotrotz innewohnend ist, da es total mit einer Essenz verbunden ist, die selbst die Konditionen und das Auffangbecken einer Transzendenz produziert.“ So prallt die humorvolle Lektüre von Spinoza auf die Frage des Körpers und der Bewegung in Ethik und die unbändige Kraft der Musik von Jimi Hendrix, die aus den violetten Nebelschwaden anderer Realitäten auftaucht. Das Ballett, das sich entfaltet, vermischt sanfte Anmut und den Elan der Gruppe, der in Duos und Trios mit derselben Liebe zur Linie zum Vorschein kommt.

Au Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul) jeudi 23 février (dès 15 ans) Im Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul) am Donnerstag, den 23. Februar (ab 15 Jahren) theatre-edwige-feuillere.fr

20 POLY 254 Février Februar 23 DANSE TANZ
„I
* Französische Dokumentarfilmreihe von 1988/89 mit Gesprächen zwischen Gilles Deleuze und der Journalistin Claire Parnet, auf deutsch erschienen unter Abecedaire. Gilles Deleuze von A bis Z

Be Kind, Rewind

Pour sa seconde pièce Zugzwang, le Galactik Ensemble fait de nouveau déferler un vent de folie sur un plateau incontrôlable.

Für sein zweites Stück Zugzwang lässt das Galactik Ensemble erneut einen Sturm des Wahnsinns über eine unkontrollierbare Bühne fegen.

Le coup de maître que représentait Optraken, avec ses éléments scéniques n’arrêtant pas de tomber et de se fracasser en menaçant les cinq circassiens surdoués du Galactik Ensemble, a enfin une suite ! Loin de s’être assagis, les compères évoluent dans un décor au sol mobile, enchaînant les situations loufoques et imprévisibles. Tout repose ici sur la création d’accidents. Un endroit de recherche où leur acrobatie de situation se développe par une mise en “danger” volontaire face à un environnement scénique multipliant les complications, obligeant les corps à lutter avec murs, objets et altérité. Générer le faux pas et le déséquilibre permet à l’inattendu de survenir. Autant de heureux hasards rythmant sur un tempo cadencé une multitude d’intérieurs et d’extérieurs. Jeu de mirages réalistes dont les récits successifs et parallèles se rejoignent en des ramifications subtiles et drôles, dans lesquelles les artistes redoublent de virtuosité malgré les secousses du sol, les obstacles à franchir et les chaises qui dansent étrangement. Partenaire capricieuse, la scénographie les pousse à l’adaptation permanente, métaphore d’un quotidien friable et d’élans vitaux dont le burlesque révèle la poésie et la beauté.

Der Volltreffer, den Optraken mit seinen B ü hnenelementen darstellte, die ohne Unterlass herunterfielen, zersprangen und die fünf hochbegabten Zirkusartisten des Galactik Ensemble bedrohten, hat endlich eine Fortsetzung! Die Kameraden sind nicht ruhiger gewor-

den, bewegen sich in einem Dekor mit mobilem Boden, eine verr ü ckte und unvorhersehbare Situation jagt die andere. Alles beruht hier auf der Provokation von Unfällen. Ein Ort der Suche, an dem sich ihre Situations-Akrobatik entwickelt, anhand des freiwilligen Eingehens von Risiken im Angesicht einer Umgebung mit zahlreichen Komplikationen, die die Körper dazu zwingen mit den Wenden, Objekten und der Andersartigkeit zu kämpfen. Fauxpas und Ungleichgewicht ermöglichen die Entstehung des Unerwarteten. Glückliche Zufälle bestimmen den schnellen Rhythmus in zahlreichen Innen-und Außenräumen. Realistische Trugbilder, deren aufeinanderfolgende und parallele Erzählung aufeinandertreffen, in subtilen und witzigen Verzweigungen, in denen die Künstler sich an Virtuosität übertreffen, trotz des bebenden Bodens, der zu überwindenden Hindernisse und der Stühle die auf bizarre Weise tanzen. Als launischer Partner zwingt sie das Bü hnenbild zur permanenten Anpassung, eine Metapher eines br ü chigen Alltags und jenes Lebensdrangs, dessen Burleske Poesie und Schönheit offenbart.

Au Maillon (Strasbourg) du 8 au 11 février puis à La Commanderie (Dôle) 02 & 03 mars, au Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul) 21 & 22 mars et à L’Espace des Arts (Chalon-sur-Saône) 12 & 13 mai

Im Maillon (Straßburg) vom 8. bis 11. Februar, dann in La Commanderie (Dôle) 02. & 03. März, im Théâtre Edwige Feuillère (Vesoul) 21. & 22. März und in L’Espace des Arts (Chalon-sur-Saône) 12. & 13. Mai galactikensemble.com

POLY 254 Février Februar 23 21 CIRQUE ZIRKUS

Children of the Night

La marionnettiste Yngvild Aspeli revisite au Grrranit le mythe de Dracula, explorant son démon intérieur et sa folie. Die Marionettenspielerin Yngvild Aspeli interpretiert im Grrranit den Mythos von Dracula neu, indem sie seinen inneren Dämon und seinen Wahnsinn erkundet.

Plus intimiste que sa création précédente – une autre adaptation de roman, Moby Dick  –, la plongée d’Yngvild Aspeli dans le chef-d’œuvre de Bram Stoker est centrée sur les rêves d’une des premières victimes du vampire. Comme elle, le prince de la nuit est représenté en marionnette à taille humaine, visage laiteux, entouré de comédiens-manipulateurs se fondant dans ces personnages tout en les dédoublant subtilement à l’envie. Au milieu de pantins de chiens inquiétants ou encore d’une chauve-souris voletant, Lucy erre dans une nuit sombrement lumineuse suite à la morsure reçue, tel un baiser sans fin. Elle baigne, isolée, dans un flot d’images à l’ambiance inquiétante. L’artiste norvégienne s’appuie sur l’inéluctable transformation qui la guette pour offrir un récit quasiment muet de son supplice intérieur, fait de visions tourmentées, d’irruptions fulgurantes d’acteurs attirés par le sang. Le combat contre le démon qui l’habite explore la folie, les pulsions de domination et

de mort chères à la metteuse en scène. Dans ces ténèbres de l’âme, le travail tout en finesse avec le Puppentheater Halle brouille la frontière entre la vie et la mort.

Intimer als ihre vorherige Produktion – eine weitere Bühnenbearbeitung eines Romans, Moby Dick – konzentriert sich das Eintauchen von Yngvild Aspeli in das Meisterwerk von Bram Stoker auf die Träume eines der ersten Opfer des Vampirs. Wie sie wird der Prinz der Nacht von einer lebensgroßen Marionette dargestellt, mit milchigem Gesicht, umgeben von SchauspielerMarionetten-Spielern, die mit diesen Figuren verschmelzen und sie gleichzeitig nach Lust und Laune vervielfältigen. Inmitten von beunruhigenden Hunde-Hampelmännern, oder auch einer fliegenden Fledermaus, irrt Lucy durch eine finster leuchtende Nacht, infolge des Bisses, den sie wie einen endlosen Kuss empfangen hat. Sie badet, isoliert, in einem besorgniserregenden

Bilderstrom. Die norwegische Künstlerin stützt sich auf die unausweichliche Verwandlung, die sie bedroht, um eine quasi stumme Erzählung ihrer inneren Qualen zu liefern, die aus plagenden Visionen und blitzschnellem Auftauchen von Akteuren, die vom Blut angezogen werden, aufgebaut ist. Der Kampf gegen den Dämon, der ihr innewohnt, erkundet den Wahnsinn, die Triebe der Beherrschung und des Todes, die der Regisseurin am Herzen liegen. In dieser Finsternis der Seele verwischt diese Zusammenarbeit mit dem Puppentheater Halle voller Finesse die Grenze zwischen Leben und Tod.

Au Grrranit (Belfort) samedi 4 février (dès 14 ans) dans le cadre du Festival international de Marionnettes de Belfort (03-12/02) porté par le TMB

Im Grrranit (Belfort) am Samstag den 4. Februar (ab 14 Jahren) im Rahmen des Festival international de Marionnettes de Belfort (03.12.02.), getragen vom TMB grrranit.eu marionnette-belfort.com

22 POLY 254 Février Februar 23 THÉÂTRE THEATER
Par Von Irina Schrag – Photos de von Christophe Raynaud de Lage

L’indignée

Dans L’Araignée, l’autrice et metteuse en scène Charlotte Lagrange explore, à hauteur de femme, le maillage institutionnel broyant une employée de l’Aide sociale à l’enfance.

Dans son dernier roman autobiographique 1, Léonora Miano affirme qu’on appelle « réalisme, le cynisme qui consiste à s’y accoutumer ». La Franco-Camerounaise évoque la rudesse du traitement institutionnel des gens à la marge, des laissés-pour-compte, des sans-abris, avec ou sans papiers. Ces mots, Charlotte Lagrange aurait pu les écrire. Suite à une création participative avec une classe UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) de lycéens à Montbéliard, la metteuse en scène décide d’écrire, en immersion, sur les mineurs non accompagnés, perdus dans le fatras de procédures et d’organismes décidant de leur sort. Juristes, avocats et membres de l’Aide sociale à l’enfance se confient à elle sous le sceau de l’anonymat. Ainsi naît L’Araignée2, solo pour une femme se débattant avec elle-même, sa conscience, son indignation, ses petits renoncements. Dans son nouveau bureau, froid, où s’entassent des piles de dossiers à broyer dans une déchiqueteuse quand la tension est trop forte – geste échouant à décharger la colère accumulée –, rien ne peut tourner rond. Loin d’être une administrative comme les autres, un rouage immuable remplissant avec détachement les tâches qui lui sont confiées, elle pâtit de son implication auprès des enfants dont elle avait la charge. Rapidement, l’on comprend que le désastre est en cours, le burn out pris de plein fouet. Face à la pénalisation de toute humanité dans le traitement des 250 “dossiers” de mineurs étrangers non accompagnés qui lui étaient confiés, son dégoût est total. Cette employée de l’Aide sociale à l’enfance n’a pas tenu le choc face au principe de réalité. Sur un tapis de sol à effet miroir, dans lequel la comédienne Emmanuelle Lafon

ne peut ni disparaître, ni accepter la confrontation avec son reflet, la solitude est un gouffre sans fond. Avec une simplicité désarmante, elle échappe, toujours, guettant une araignée à laquelle s’accroche son désespoir, son isolement. Cette scénographie avec bonbonne à eau et plafonnier dont s’écoulent quelques gouttes, pourrait bien être la salle d’interrogatoire mentale dans laquelle ses dernières semaines d’activité continuent de la torturer. Les dialogues forment des voix dans sa mémoire, guettant tous ceux qui s’impliquent dans ce métier. Une immense toile d’araignée, un maillage institutionnel irrationnel où s’ébattent les professionnels et où « les gosses sont pris comme des mouches ». Il y a Z., jeune Afghan parlant beaucoup avec les Maliens de son foyer d’accueil ou encore S., qui lui apprend à elle comme à ses enfants, à nommer les choses dans sa langue, le week-end venu, lorsqu’elle l’invite à déjeuner. Elle sait qu’elle ne devrait pas, mais bon, est-ce si grave ? Se défiant de toute pitié et de misérabilisme, Charlotte Lagrange lève le voile sur un système poussant à la défiance. Elle pointe notre absence de considération collective sur le sort réservé à des adolescents, si mal accueillis. Il y a, enfin, cette révolte chère à Camus, qui veut que « la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent. »

Au Taps Scala (Strasbourg) du 7 au 9 février taps.strasbourg.eu

POLY 254 Février Februar 23 23 THÉÂTRE
Par Thomas Flagel – Photos de Christophe Raynaud de Lage 1 Stardust, Éditions Grasset, 2022 – grasset.fr 2 Paru en Tapuscrit chez Théâtre Ouvert – theatre-ouvert.com

Double je

Quatrième pièce de Pirandello montée par Stéphane Braunschweig, Comme tu me veux prend pour décors le Berlin d’après la Grande Guerre et l’Italie fasciste. Entre drame policier et fable existentielle bruissent les ruines d’un nouveau désastre à venir.

Après Vêtir ceux qui sont nus (2006), Six personnages en quête d’auteur (2012) et Les Géants de la montagne (2015), l’ancien directeur du Théâtre national de Strasbourg, aujourd’hui à la tête de l’Odéon, renoue avec Luigi Pirandello. L’auteur italien traverse son époque, une Europe au bord du naufrage, dix ans après la fin de la Première Guerre mondiale. L’intrigue débute dans un Berlin en pleine débauche, lorsqu’un photographe italien croit reconnaître en l’Inconnue la femme d’un de ses amis, disparue une décennie plus tôt durant le saccage du Nord de l’Italie par les troupes autrichiennes. Mais est-ce bien elle, l’amante de l’écrivain Salter, qui mène aujourd’hui une vie de débauche, dansant dans un cabaret ? Direction ensuite l’Italie où elle accepte de revenir, sans lever le voile sur son identité. Est-ce réellement Lucia ou n’est-elle qu’une imposteure qui tient le rôle que tous attendent ? Reconnaît-elle Bruno, son époux, qui n’a cessé de la chercher depuis son retour dans sa villa vide ou comble-t-elle une amnésie posttraumatique par opportunisme ? L’ambiguïté est savamment orchestrée par Pi-

randello. Comme dans Chacun sa vérité, les énigmes entourant la recherche de certitudes sont tout bonnement impossibles à résoudre. Le personnage central de la pièce ne demande qu’à être celle que son mari veut – figure de l’actrice s’il en est. Pour cela, peu importe sa réelle identité, tant que tout le monde y croit et que la vie reprend ses droits, quitte à se bercer d’illusions. Dans un dédoublement de jeu de doubles, un autre personnage pourrait être la disparue, La Folle, totalement amnésique. Pour Jean-Michel Gardair*, elles sont «  deux figures, l’une consciente, l’autre inconsciente, de la dépersonnalisation qu’opère la folie : si la Démente a été arrachée à la clinique d’un célèbre psychiatre – Freud ? – de Vienne, l’Inconnue règne sur l’asile de fous qu’est devenu le Berlin de l’après-guerre. Et l’enjeu de la pièce n’est pas de savoir qui de la Démente ou de l’Inconnue est la vraie Lucia (énigme que le dénouement laisse en suspens), mais quel homme sera capable d’arracher l’Inconnue à l’anonymat (qu’elle vit comme l’expérience littérale de son propre néant) auquel l’a condamnée la guerre. »

Folie et art forment deux portes de sortie face à l’impalpable réel et à une vérité dénuée de signification. Après Soudain l’été dernier de Tennessee Williams et Nous pour un moment d’Arne Lygre, Braunschweig continue son exploration des traumatismes de la violence, de l’oubli et des simulacres permettant la survie, la réinvention de soi. S’il le faut, emprunter l’identité d’une autre et renvoyer l’image projetée sur soi. «  Ce qu’on est, c’est ce qu’on fait de soi. » And nothing else matters…

Au Théâtre national de Strasbourg du 27 février au 4 mars tns.fr

Nouvelle traduction de Stéphane Braunschweig, publiée aux Solitaires Intempestifs (13 €) solitairesintempestifs.com

24 POLY 254 Février Februar 23
Par Thomas Flagel – Photo de Juliette Parisot / Hans Lucas * Pirandello : fantasmes et logique du double, Éditions Larousse, 1972

Insoumuses

Émilie Capliez crée la nouvelle pièce de Pauline Peyrade, Des Femmes qui nagent . Visite au cœur des répétitions, en plein montage de microfictions autour de figures féminines où le cinéma percute le théâtre.

Il y a Betty, Rita, Diane Selwyn. Une femme amnésique, une brune, une comédienne rousse et une autre qui rêve de le devenir. Un producteur endetté et un cowboy menaçant. Un rêve et une plongée dans l’inconscient, le royaume des fantasmes brumeux. Une clé bleue et le club Silencio. L’intrigue de Mulholland Drive est portée tambour battant par la seule comédienne Alma Palacios, bouillonnant sous les assauts de réel trouble du chef-d’œuvre de David Lynch. Dans une lumière mêlant pénombre et apparitions fugaces de tableaux vivants (une chanteuse, une femme à bout de nerfs…), la langue de Pauline Peyrade tourbillonne sur une musique atmosphérique. À deux semaines de la première, cette scène occupe l’équipe, en quête de rythme et de calages au cordeau. L’ambition de ce fragment résume à lui seul celui Des Femmes qui nagent. Pour Émilie Capliez, il s’agit de «  prendre nos armes à nous pour recréer les sensations du cinéma, mais sans aller chercher celles du 7 e art pour en faire au théâtre. D’autres le font très bien, c’est leur endroit de travail, pas le mien : j’aime que ça transpire, que ça parle fort, la magie du plateau… » Pas question de révéler le décor – inspiré d’un tableau d’Hopper – qui sert d’écrin à la seconde partie de la pièce, prenant la forme d’une nouvelle autour des pensées d’une ouvreuse. Une seule chose est sûre, l’espace de projection des fictions proposées par l’autrice ne sera pas nourri de film. « La vidéo n’est qu’un support de lettrage (soustitres, clin d’œil aux génériques) dans des lieux énigmatiques pouvant accueillir des formes de narration hétérogènes, loin d’être traditionnelles : texte fragmentaire, travail de montage, etc. Comme une visite de maison dans laquelle, à chaque ouverture de porte, nous tombons sur une situation avec une femme, une histoire du cinéma, une évocation plus ou moins visible d’une scène iconique. » Elle se méfie de deux écueils : faire un spectacle pour cinéphiles ou un pour actrices. « Pour parler du monde, des femmes, des hommes, il nous fallait

flouter les références trop évidentes. » Laisser de la place au surgissement d’images qui enferment et d’autres qui libèrent. La metteuse en scène se tient sur un seuil avec ses quatre comédiennes de générations différentes (de la vingtaine à la soixantaine), face au vertige de jouer des actrices, des personnages et… elles-mêmes. Ensemble, elles évoquent l’héritage, l’exploration de la représentation du corps féminin, la mémoire collective. « L’idée de sororité y est très puissante, comme la choralité. J’aime observer comment elles se jettent dans les accumulations d’images précises, intimes et brutales convoquées par Pauline, sous le regard les unes des autres. Et de voir comment elles s’aident, désorientées, se sauvent d’une situation, trouvent la force d’en découdre… »

À La Comédie de Colmar jusqu’au 7 février, puis au Théâtre Gérard Philipe (Saint-Denis) du 8 au 19 mars et à La Comédie de Reims du 19 au 21 avril comedie-colmar.com – lacomediedereims.fr tgp.theatregerardphilipe.com

> Folle Journée, samedi 4 février, à La Comédie de Colmar, avec notamment visite guidée de l’exposition Fabienne Verdier au Musée Unterlinden (14h), tea time avec Pauline Peyrade (16h30), représentation Des Femmes qui nagent (18h) et concert folk de Laura Cahen (21h) pour son second album reservations@comedie-colmar.com

À paraître aux Solitaires intempestifs (14 €) le 2 mars solitairesintempestifs.com

POLY 254 Février Februar 23 25 THÉÂTRE
Par Thomas Flagel – Photo de Klara Beck

Monday bloody monday

Avec la compagnie Babel, Élise Chatauret et Thomas Pondevie explorent le rapport à la violence dans Les Moments doux.

Tout remonte à un lundi de 2015, avec l’affaire des chemises arrachées d’Air France : deux dirigeants de l’entreprise fuient sous les assauts de leurs salariés, torses à découvert, vêtements déchirés. Alors que la fureur sociale rencontre la fureur physique, il n’en faut pas plus pour que les auteurs Élise Chatauret et Thomas Pondevie s’interrogent : qu’est-ce que la violence ? Peut-elle être légitime ? Deux questions parmi d’autres les amenant à étudier, à la manière d’un laboratoire des relations humaines, les origines de ce phénomène. «  Définir ce mot n’est pas si facile », considère la metteuse en scène. «  Son sens évolue en fonction des événements et de notre perception, c’est pourquoi, à travers notre travail, nous cherchons davantage à comprendre qu’à accuser.  » Sur les planches, six comédiens de la compagnie Babel interprètent à tour de rôle un élève, un juge, un chef d’entreprise, ou encore une institutrice. L’espace scénique se modifie au fil de la pièce, présentant une salle de classe, puis un

open space, avant de se transformer en salle d’audience et, enfin, en salon d’appartement. Le groupe d’acteurs va tenter de comprendre les rapports de domination dans différentes situations, se glissant dans tous les profils de la société et jouant avec les châssis vitrés du mobilier pour reconfigurer la scène à l’infini (ou presque).

«  Pour nous, le théâtre est un lieu de représentation qui doit raconter le monde  », explique Élise Chatauret.

«  Nous essayons de déchiffrer un sujet via des paroles d’experts, de sociologues. L’interaction avec les personnes apporte une réponse sensible, humaine et artistique, bien que nous regardions toutes ces recherches avec subjectivité. » Les Moments doux s’attache par conséquent à différentes formes de violence, «  pas seulement physique, mais également silencieuse, celle des classes aisées sur les classes pauvres ». Partir du prisme de l’enfance est vite apparu comme le fil rouge à dérouler, permettant d’aborder la question avec humour et une certaine

forme de liberté. «  La violence semble inscrite dans l’humain dès son plus jeune âge  », poursuit la co-fondatrice de la compagnie. « C’est une chose complexe, car s’il est toujours souhaitable de trouver une alternative, il y a des fois où ce n’est pas possible et où la légitime défense entre en jeu. » Le passage de la jeunesse à la sphère professionnelle se retrouve quant à lui développé dans l’open space Des scènes opposant directeurs et employés permettent «  d’évaluer combien notre société est imbibée de cette idée de performance, et comment cela agit sur les individus.  » L’analyse d’autres thèmes d’actualité fuse déjà dans les esprits de la compagnie, notamment un projet autour du fonctionnement de l’Assemblée nationale et une discussion ouverte sur la sexualité.

Au Théâtre de la Manufacture (Nancy) du 1er au 4 mars theatre-manufacture.fr

> Répétition ouverte (23/02, 19h)

26 POLY 254 Février Februar 23
Par Julia Percheron – Photo de Charles Chauve

Man of Mud

Renouant avec le plaisir enfantin du jeu dans la Gadoue, Nathan Israël entame un drôle de corps-à-corps avec la matière.

Indem er mit den kindlichen Freuden des Spiels im Matsch anknüpft, beginnt Nathan Israël in Gadoue einen bizarren Nahkampf mit der Materie.

On peut créer une compagnie nommée Le Jardin des Délices et se lancer dans un diptyque autour de… l’argile ! En complément de L’Homme de boue, Gadoue est un duo pour le jongleur Nathan Israël et la harpiste Delphine Benhamou. L’ancien pensionnaire du Centre national des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne se retrouve au milieu du public, sur une piste ronde couverte d’une bonne couche de boue blanche. Dans cette mise en scène de Luna Rousseau, le voilà en complet blanc, lancé dans une mission impossible : éviter les glissades et les salissures qui le guettent. Même si l’habile jongleur ne fait qu’un avec ses balles, il multiplie les prises de risque en tentant des figures de plus en plus complexes… jusqu’à l’inévitable. Tout le plaisir réside dans le lâcherprise, le dérapage et la bravade de l’interdit. En un mot, celui de se tacher dans un retour en enfance dénué de conséquences. Personne n’est là pour le gronder ! De s’en mettre partout au

milieu d’éclats de rire contagieux. Le corps-à-corps silencieux avec cette matière humide et grisâtre prend les atours d’un gag jouissif autant que celui d’un rituel archaïque de communion avec une pâte molle propre aux transformations.

Man kann eine Theatertruppe mit dem Namen Le Jardin des Délices (Der Garten der Freuden) gründen und sich in ein Diptychon rund um Ton stürzen! Als Gegenstück zu L’Homme de boue (Anm.d.Red. Wortspiel mit Der aufrechte Mann und Der Mann aus Schlamm) ist Gadoue (Matsch) ein Duo für den Jongleur Nathan Israël und die Harfenspielerin Delphine Benhamou. Der ehemalige Schüler des Centre national des Arts du Cirque in Châlons-en-Champagne findet sich inmitten des Publikums wieder, in einer runden Manege, die mit einer dicken Schicht von weißem Schlamm überzogen ist. In dieser Inszenierung von Luna Rousseau hat er, komplett in weiß gekleidet, eine unmögliche Mis-

sion: Die Stürze und Schmutzflecken zu vermeiden, die ihn bedrohen. Selbst wenn der geschickte Jongleur eins mit seinen Bällen ist, provoziert er das Risiko mit immer komplexeren Figuren… bis zum Unausweichlichen. Das ganze Vergnügen liegt im Loslassen, Abgleiten und im Trotz gegenüber dem Verbotenen. Kurz gesagt, jenem sich dreckig zu machen, in einer Rückkehr in die Kindheit, die ohne Konsequenzen bleibt. Niemand ist da, um ihn zu schimpfen! Sich inmitten von ansteckendem Lachen vollzuschmieren. Der stille Nahkampf mit diesem feuchten und gräulichen Material nimmt ebenso die Züge eines amüsanten Gags an wie jene eines archaischen Rituals der Kommunion mit einer weichen Paste, die zur Verwandlung anregt.

Au TJP grande scène (Strasbourg) du 3 au 9 février (dès 5 ans)

Im TJP grande scène (Straßburg) vom 3. bis 9. Februar (ab 5 Jahren)

tjp-strasbourg.com

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Par Von Irina Schrag – Photo de von Christophe Raynaud de Lage

Totem

Baro d’evel transmet Mazùt, son duo de centaures, à d’autres interprètes chargés d’habiter ses tableaux vivants.

Baro d’evel gibt Mazùt, sein Zentauren-Duo, weiter an andere Interpreten, die damit betraut sind, seine lebendigen Gemälde auszufüllen.

Mazùt représente un point de bascule dans le travail de la compagnie Baro d’evel. Un pas franc et affirmé vers la chorégraphie et les arts plastiques. Un mur de papier froissé, peint, déchiré, sert d’improbable partenaire à un duo de corps en pleine métamorphose, dans une écriture que la dramaturge Barbara Métais-Chastanier décrit comme celle des renversements : « Ceux qui habitent leurs pièces sont depuis toujours des nomades, des errants, des fragiles, des cabossés par la vie. Un peuple de déplacés et de modestes qui ne font jamais étalage de virtuosité. La prouesse est toujours creusée en mode mineur, non pour le spectaculaire qu’elle offre mais pour la fragilité qu’elle révèle ou la chute qu’elle permet. » Le duo franco-catalan composé par Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias trace un sillon où les échos du monde se tournent vers des tentatives – souvent désespérées – de s’unir et de se comprendre en mêlant cirque, chant et musique. Ils transmettent cette pièce à de plus jeunes artistes, reprenant ces rituels mystérieux en quête de leur animal intérieur, totem mythologique se défiant des mots pour mieux accueillir les possibles du vivant.

Mazùt stellt einen Wendepunkt in der Arbeit der Theatertruppe von Baro d’evel dar. Ein echter und klarer Schritt hin zur Choreographie und den Bildenden Künsten. Eine Wand aus zerknittertem Papier, bemalt, zer-

rissen, dient als unwahrscheinlicher Partner für ein Duo von Körpern mitten in der Metamorphose, in einer Handschrift, die die Dramaturgin Barbara Métais-Chastanier als jene des Umsturzes beschreibt: „Jene, die ihre Stücke bevölkern sind seit jeher Nomaden, Herumirrende, Schwache, vom Leben Gezeichnete. Ein Volk der Entwurzelten und Bescheidenen, die nie ihre Virtuosität zur Schau gestellt haben. Die Meisterleistung ist immer nach der Art eines Pioniers ausgeführt, nicht für das Spektakuläre, das sie bietet, sondern für die Zerbrechlichkeit, die sie aufdeckt oder den Sturz, den sie ermöglicht.“ Das französisch-katalanische Duo aus Camille Decourtye und Blaï Mateu Trias bahnt einen Weg, in dem sich die Echos der Welt in – oft hoffnungslose – Versuche verwandeln, sich zu vereinen und sich zu verstehen, indem man Zirkus, Gesang und Musik mischt. Sie geben dieses Stück an jüngere Künstler weiter, nehmen diese mysteriösen Rituale auf der Suche nach ihrem inneren Tier wieder auf, dem mythologischen Totem, der den Worten misstraut um besser die Möglichkeiten des Lebens in Empfang zu nehmen.

Au Théâtre de Montbéliard jeudi 23 et vendredi 24 février (dès 10 ans) Im Théâtre de Montbéliard am Donnerstag den 23. und Freitag den 24. Februar (ab 10 Jahren) mascenenationale.eu

28 POLY 254 Février Februar 23 THÉÂTRE THEATER
Par Von Thomas Flagel – Photos de von François Passerini

The Revenant

Portée par le comédien et metteur en scène Olivier Rannou, Hostile détourne le classique western italien façon théâtre d’objets.

Das vom Schauspieler und Regisseur Olivier Rannou getragene Hostile, verfremdet den klassischen Italowestern nach der Art des Objekt-Theaters.

Seul sur scène, Olivier Rannou incarne un personnage se réveillant au milieu d’un désert, désorienté. Les serpents et les vautours ne sont pourtant pas la seule menace qui plane : le mystérieux inconnu découvre qu’il est également recherché, wanted, comme on dit au Far West. Sa première pensée est d’échapper à la déshydratation et de trouver de l’eau, vite, au risque d’y laisser la vie. Sur une scène quasiment vierge, l’artiste fait sourire et joue avec le théâtre d’objets, traditionnelle signature de sa compagnie Bakélite. L’unique table en bois trônant sous les projecteurs abrite les montagnes rocheuses des Indiens d’Amérique, brouillées par des signaux de fumée, avant de se transformer en cheval vivant. La temporalité s’étire, le comédien arborant peu à peu une longue barbe négligée. Il plonge ainsi les spectateurs dans une suite de péripéties, empruntant aux codes du cinéma pour mieux les réinterpréter sur les planches. Toujours avec humour, l’histoire est accompagnée par les jeux de lumière d’Alexandre Musset et l’habillage sonore d’Émilie Rougier, compositrice de la bande-son originale.

Allein auf der Bühne verkörpert Olivier Ranneau eine Figur, die orientierungslos inmitten einer Wüste erwacht. Die Schlangen und Aasgeier sind jedoch nicht die einzige Bedrohung: Der mysteriöse Unbekannte ent-

deckt, dass er ebenfalls gesucht, oder „wanted“ ist, wie man im Wilden Westen sagt. Sein erster Gedanke ist jener der Dehydratation zu entkommen und Wasser zu finden, schnell, bevor er sein Leben riskiert. Auf einer fast jungfräulichen Bühne provoziert der Künstler ein Lächeln und spielt mit dem Objekt-Theater, der traditionellen Spezialität seiner Truppe Bakélite. Der einzige Holztisch, der unter den Projektoren thront, beherbergt reihum die felsigen Berge der Indigenen Völker Amerikas, die hinter den Wolken der Rauchzeichen verschwinden, bevor er sich in ein lebendiges Pferd verwandelt. Die Zeitlichkeit zieht sich ins Ewige, Olivier Rannou trägt peu à peu einen langen vernachlässigten Bart. So taucht er die Zuschauer in eine Abfolge von unerwarteten Ereignissen, entleiht Codes des Kinos, um diese auf der Bühne neu zu interpretieren. Immer voller Humor, wird die Geschichte von den Lichtspielen von Alexandre Musset und den Klangbildern von Emilie Rougier begleitet, die auch die Komponistin des Original-Soundtracks ist.

Aux Rotondes (Luxembourg) vendredi 3 et samedi 4 février In den Rotondes (Luxemburg) am Freitag den 3. und Samstag den 4. Februar rotondes.lu

POLY 254 Février Februar 23 29
Par Von Julia Percheron – Photo de von Mathieu Ezan

Bel-Ami

Depuis le succès fou d’Un jour, je marierai un ange, on n’entend plus parler que de lui. Interview avec Pierre de Maere, pour la sortie de son premier album, Regarde-moi.

Seit dem Erfolg von Un jour, je marierai un ange1, spricht Frankreich nur noch von ihm. Interview mit Pierre de Maere zu seinem ersten Album, Regarde-moi2.

Vous avez envahi les ondes en 2022 avec Un jour je marierai un ange. Comment avez-vous écrit ce tube ?

Le morceau, sorti début 2022 sur l’EP Demain, je, a en effet connu un succès incroyable depuis la reprise de Nardo sur TikTok l’été dernier ! Le texte, lui, date de 2020 : je regardais la série norvégienne Skam et, succombant au charme du personnage d’Isaac – jeune gay angélique –, j’ai pris conscience de ma sempiternelle attirance pour des personnages qui n’existent pas. Cette chanson, qui parle de la quête d’un amour idéal, est une ode à la tendresse et à la douceur.

Votre projet se caractérise par un univers visuel très travaillé…

La mode est mon autre passion. Entre 14 et 18 ans, j’ai découvert la photographie et, très vite, suis passé des portraits de ma sœur aux shootings pour une agence de mannequinat. Depuis, l’art d’habiller les corps me fascine. Mes goûts vestimentaires reflètent qui je suis, et il est important que le projet intègre cette dimension. Mon personnage n’a rien d’un alter ego, c’est moi, dans une version plus flamboyante. J’ai grandi avec Lady Gaga et Stromae, deux artistes aux univers très forts, dans la lignée de David Bowie…

Parlons du premier album, sorti fin janvier… Il s’appelle Regarde-moi, pour “regarde-moi d’amour”, pas par prétention narcissique [Rires] ! Le disque décline ce sentiment sous plusieurs angles : Les Oiseaux évoque la lettre d’adieu déchirante d’un soldat envoyé au front pendant la guerre de 39-45 ; Enfant de parle du couple de mes parents, illustrant la théorie selon laquelle les opposés s’attirent, etc.

Comment, à 21 ans, en vient-on à écrire Les Oiseaux ? Tout commence par les mélodies de voix que je pose sur une production : je chante alors une espèce de yaourt brassé de mots sortis de nulle part. Soudain, me viennent ces deux lignes : «  Je serre les dents / Je crains les oiseaux ». Et puis les images arrivent. J’associe les volatiles aux avions de chasse qui tirent au sort la vie des gens en lâchant leurs bombes... Ainsi naît peu à peu l’histoire.

Vous êtes fan de Maupassant ? Il y avait déjà Regrets sur l’EP et maintenant Bel-Ami…

Je n’ai toujours pas fini le livre ! Ce personnage a tellement

résonné en moi qu’en lisant cette phrase incroyable de Maupassant : «  À Paris, vois-tu, il vaudrait mieux n’avoir pas de lit que pas d’habit », j’ai lâché le roman pour écrire. Aujourd’hui encore, je n’ai moi-même pas de lit dans ma chambre parisienne, tout juste un matelas. Mais des costumes Gucci, à foison !

Vous roulez les “r”, est-ce comme Jacques Brel ? Plutôt comme Stromae, car j’ai découvert Brel plus tard, vers 16 ans. Mais c’est un emprunt inconscient. Cela m’est venu naturellement dès mes premières chansons à 10/11 ans, sans doute parce que c’est plus élégant, plus beau. Plus théâtral aussi !

Im Jahr 2022 haben Sie die Radiowellen mit Un jour je marierai un ange erobert. Wie haben Sie diesen Hit geschrieben?

Das Stück, das Anfang 2022 auf der EP Demain, je (Morgen, ich) erschien, hat in der Tat einen unglaublichen Erfolg gehabt, nachdem es Nardo auf TikTok wiederaufnahm! Der Text ist von 2020: Ich schaute die norwegische Serie Skam und verfiel dem Charme der Figur Isaac – ein junger engelhafter Schwuler – und wurde mir meiner unvermeidlichen Anziehungskraft gegenüber Personen bewusst, die nicht existieren. Dieses Lied, das von der Suche nach der idealen Liebe spricht, ist eine Ode an die Zärtlichkeit und Sanftmut.

Ihr Projekt wird von einem sehr ausgearbeiteten visuellen Universum charakterisiert…

Die Mode ist meine zweite Leidenschaft. Zwischen 14 und 18 Jahren habe ich die Photographie entdeckt und sehr schnell bin ich von Portraits meiner Schwester zu Shootings für Modeagenturen gewechselt. Seitdem fasziniert mich die Kunst die Körper einzukleiden. Mein Modegeschmack spiegelt das wider, was ich bin und es ist wichtig, dass das Projekt diese Dimension integriert. Meine Figur ist kein Alter Ego, das bin ich in einer flammenden Version. Ich bin mit Lady Gaga und Stromae aufgewachsen, zwei Künstlern mit starken Universen, in den Fußstapfen von David Bowie…

Sprechen wir über ihr erstes Album, das Ende Januar erschienen ist…

Es heißt Regarde-moi, für „schau mich mit Liebe an“, nicht

30 POLY 254 Février Februar 23 MUSIQUE MUSIK
Par Von Suzi Vieira – Photo de von Marcin Kempski

aus einer narzisstischen Prätention heraus [Lacht]! Die Platte behandelt dieses Gefühl aus verschiedenen Blickwinkeln: Les Oiseaux (Die Vögel) bezieht sich auf den zerreißenden Abschiedsbrief eines Soldaten, der während des Zweiten Weltkrieges an die Front geschickt wurde ; Enfant de (Kind von) spricht von meinen Eltern als Paar und illustriert die Theorie, nach der sich Gegensätze anziehen, etc.

Wie kommt man mit 21 Jahren dazu Les Oiseaux zu schreiben?

Alles beginnt mit den Stimm-Melodien, die ich für eine Produktion aufnehme: Ich singe einen Kauderwelsch von Worten, die aus dem Nichts kommen. Plötzlich kommen mir diese zwei Zeilen: „Ich beiße die Zähne zusammen / Ich fürchte die Vögel“. Und dann kommen die Bilder. Ich assoziiere das Federvieh mit Jagdfliegern, die das Leben der Leute mit dem Los ziehen, indem sie ihre Bomben werfen… So wird nach und nach eine Geschichte geboren.

Sind Sie ein Fan von Maupassant? Auf der EP gab es schon Regrets (Reue) und jetzt Bel-Ami…

Ich habe das Buch immer noch nicht fertiggelesen! Diese Figur hat so zu mir gesprochen, als ich diesen unglaublichen Satz von Maupassant las: „In Paris, siehst Du, ist es besser kein Bett zu haben als keine Kleidung“, habe ich den Roman fallen lassen, um zu schreiben. Heute noch habe ich in meinem

Zimmer in Paris kein Bett, nur eine Matratze. Aber zahlreiche Kostüme von Gucci!

Sie rollen das „R“ wie Jacques Brel?

Eher wie Stromae, denn ich habe Brel später, mit ungefähr 16 Jahren entdeckt. Aber das ist eine unterbewusste Anleihe. Das ist bei mir natürlich mit meinen ersten Liedern mit 10/ 11 Jahren gekommen, sicher weil es eleganter, schöner ist. Auch theatralischer!

Au Moloco (Audincourt) samedi 25 février et aux Tanzmatten (Sélestat) mardi 16 mai

Im Moloco (Audincourt) am Samstag 25. Februar und im Tanzmatten (Sélestat) am Dienstag, den 16. Mai lemoloco.com – tanzmatten.fr

Édité par Erschienen Cinq 7 / Wagram Music cinq7.com

POLY 254 Février Februar 23 31
1 Eines Tages werde ich einen Engel heiraten 2 Schau mich an

Cowgirl

Entre pop luxuriante et country futuriste, Adé promène son spleen et ses refrains dansants sur Et alors ?, premier opus solo de l’ex-chanteuse de Thérapie Taxi.

Zwischen üppigem Pop und futuristischer Countrymusic, führt Adé ihren Spleen und ihre tanzenden Refrains auf Et alors? spazieren, dem ersten Solo-Album der Ex-Sängerin von Thérapie Taxi.

Par Von Suzi Vieira – Photo de von Fanny Latour-Lambert

Dans la nuit chaude d’une grande avenue de Los Angeles, éclairée par les néons multicolores des enseignes, elle marche seule, blouson doré sur le dos et santiags aux pieds. Premier album solo d’Adé, Et alors ? est à l’image du “ road-clip ” onirique de son morceau phare, Tout Savoir  : “in musicolor”, baigné dans une atmosphère de saloon perdu sous la lune, quelque part entre la fureur de Thelma et Louise et l’ambiance eighties de Starsky et Hutch. Enregistré à Bruxelles et dans le mythique studio Sound Emporium de Nashville, le disque hybride musique americana, pop contemporaine et chanson française, à coups de banjos, pedal steels et guitare slides. Sans jamais tomber pour autant dans la caricature vintage, ni les clichés d’un mauvais western ! Loin des paroles trash et des hymnes à la fête borderline de l’époque Thérapie Taxi – groupe générationnel au succès fulgurant, qui scella sa séparation par une tournée d’adieux triomphante à l’automne 2021 –, la Parisienne de 27 ans livre ici ses doutes et ses échecs, clame son envie d’avancer sur des titres intimistes, entre refrains dansants et douce mélancolie. «  Tu seras seule pour parfois être libre  », chante sur la piste d’ouverture celle qui, enfant, écoutait Neil Young, Bob Dylan, Cat Power, la Carter Family et… Shania Twain ! C’est d’ailleurs en se remémorant ses premières amours musicales qu’Adélaïde Chabannes de Balsac, de son vrai nom, a vu germer l’idée de ce projet, jusqu’au déclic provoqué par l’écoute de l’ultra léché Golden Hour (2018), de la Texane Kacey Musgraves, new big star de la country aux USA, avec Taylor Swift et Lil Nas X.

Mais si les sonorités et l’imagerie d’Et alors ? s’inspirent clairement de l’Ouest et du road trip de deux semaines mené avec vidéaste, photographe et producteur entre Nouveau-Mexique et Californie, aucune des chansons de l’album n’y a été écrite ni ne fait référence, de près ou de loin, à l’Amérique ou aux thèmes traditionnels de la country. Si tu partais, ballade bleu-nuit, est une merveilleuse déclaration d’amour, quand Side By Side , légère et tendre, décrit l’usure des sentiments. Sur l’irrésistible

Q, Adé se fait plaisir, revient aux mots crus et au timbre boudeur de Thérapie Taxi avec une délectation non dissimulée («  Alors mêle-toi de ton cul, ouais ! »). Le disque aurait aussi bien pu s’appeler “Grandir”, à l’image des lyrics de Tout savoir, où la jeune femme, sur un air mêlé de mandoline et de hiphop, semble faire le bilan, regard dans le rétro, du passage de l’adolescence à l’âge adulte : «  Et j’me dirais à moimême / Que si j’me r’connais pas / Que si je suis plus la même / C’est peut-être grâce à moi ».

Sie läuft alleine durch eine heiße Nacht einer großen Avenue von Los Angeles, die von den bunten Neonröhren der Leuchtreklamen erhellt wird, in goldenem Blouson, mit Cowboystiefeln an den Füßen. Das erste Solo-Album von Adé, Et alors? entspricht dem verträumten Roadtrip seines Leittitels Tout Savoir: “in musicolor”, der in einer Saloon-Atmosphäre badet, verloren im Mondschein, irgendwo zwischen der Heftigkeit von Thelma & Louise und der Achtziger-Stimmung von Starsky & Hutch. In Brüssel und im legendären Studio Sound Emporium in Nashville aufgenommen, hybridisiert die Platte amerikanische Musik, zeitgenössischen Pop und französisches Chanson, mit Banjo, Pedal-Steel-Gitarren und SlideGitarren. Ohne je zu einer VintageKarikatur zu werden oder zum Klischee eines schlechten Westerns! Fern der Trash-Parolen und Hymnen an ausufernde Partys in der Zeit von Thérapie Taxi – der Gruppe einer Generation mit immensem Erfolg, die im Herbst 2021 ihre Auflösung mit einer triumphalen Abschiedstournee feierte –, liefert die Pariserin von 27 Jahren hier ihre Zweifel und Misserfolge, singt auf intimen Titeln ihren Willen weiterzukommen, zwischen tanzenden Refrains und zarter Melancholie. „Du wirst allein sein, um manchmal frei zu sein“, singt jene, die als Kind Neil Young, Bob Dylan, Cat Power, die Carter Family und… Shania Twain hörte! Übrigens sind jener, die mit wahrem Namen Adélaïde Chabannes de Balsac heißt, die Ideen zu diesem Projekt mit der Erinnerung an ihre ersten musikalischen Lieben gekommen, bis zum Startschuss, der beim Hören des

ultra-bearbeiteten Golden Hour (2018), der Texanerin Kacey Musgraves, dem neuen großen Star der Countrymusik in den USA, neben Taylor Swift und Lil Nas X, ausgelöst wurde.

Aber selbst wenn die Klang-und Bildwelten von Et alors? klar vom Westen und einem zweiwöchigen Roadtrip mit einem Videofilmer, einem Photographen und einem Produzenten zwischen New Mexico und Kaliforniern inspiriert sind, wurde hier keines der Lieder des Albums geschrieben oder nimmt auf Amerika oder traditionelle Themen der Countrymusik Bezug. Si tu partais, eine nachtblaue Ballade ist eine wunderbare Liebeserklärung, während Side By Side, leicht und zärtlich, die Abnutzung der Gefühle beschreibt. Auf dem unwiderstehlichen Q tobt sich Adé aus, kommt zu den rohen Worten und zum schmollenden Tonfall von Thérapie Taxi zurück, mit einer kaum verborgenen Genugtuung („Kümmere dich um deinen eigenen Arsch!“ singt sie auf Französisch). Die Platte hätte genauso gut „erwachsen werden“ heißen können, so wie der Text von Tout savoir , bei dem die junge Frau, zu einer Melodie mit einer Mischung aus Mandoline und Hip-Hop eine Bilanz zu ziehen scheint, ein Blick in den Rückspiegel, vom Übergang der Pubertät zum Erwachsenenalter: „Und ich sage zu mir selbst / Dass, wenn ich mich nicht wiedererkenne / Wenn ich nicht mehr die selbe bin / Das vielleicht dir zu verdanken ist“.

À La Laiterie (Strasbourg) vendredi 3 mars, à La Cartonnerie (Reims) samedi 4 mars, à La Souris Verte (Épinal) jeudi 23 mars et à la BAM (Metz) vendredi 24 mars

In La Laiterie (Straßburg) am Freitag den 3. März, in La Cartonnerie (Reim) am Samstag den 4. März, in La Souris Verte (Épinal) am Donnerstag den 23. März und in der BAM (Metz) am Freitag den 24. März adeofficiel.com

POLY 254 Février Februar 23 33 MUSIQUE MUSIK
Édité par Erschienen bei Tôt ou tard totoutard.com

Black Mirror

En montant Starmania, Thomas Jolly s’attaque à un opéra rock culte. Sur scène, se déploie une envoûtante fable sombre, zébrée d’éclairs lumineux.

Indem er Starmania inszeniert, wagt sich Thomas Jolly an eine Kult-Rockoper heran. Auf der Bühne entfaltet sich eine verzaubernde, düstere Fabel, die von Lichtblicken durchzogen ist.

Thomas Jolly a signé des mises en scène qui restent dans les mémoires, que ce soit au théâtre

–  Henri VI de Shakespeare au festival d’Avignon – ou à l’opéra, où il montera bientôt Roméo et Juliette de Gounod (Opéra Bastille, 17/06-15/07). Dans sa volonté de «  s’adresser au plus grand nombre », celui qui a été choisi comme directeur artistique des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques 2024 s’empare de Starmania (avec le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui), opéra rock mythique signé Michel Berger (musique) et Luc Plamondon (livret), découvert à l’adolescence :

«  Je l’écoutais dans ma chambre, comprenant qu’il y avait quelque chose de profondément théâtral autour de ces personnages – aux noms tout droit sor-

tis d’une bande dessinée, Stella Spotlight, Johnny Rockfort, etc. – dont les chansons me fascinaient  », résume-til. Se déployant dans un futur proche, au cœur d’un Occident unifié dont la capitale se nomme Monopolis, l’histoire est sombre et tire son nom d’une émission où tout le monde peut devenir une star : « Starmania était une dystopie visionnaire à la fin des années 1970. Aujourd’hui, force est de constater que le réel a rattrapé la fiction », explique Thomas Jolly, qui y voit «  une œuvre noire et nihiliste, mais tout ce qui est raconté nous renvoie à de vraies interrogations. Dans un monde où la peur est omniprésente, où l’image trompe et manipule, où chacun est replié sur lui-même, où l’individualisme et l’égoïsme règnent en maîtres, ne serait-il pas temps d’inventer

d’autres façons d’être ensemble ? Les questionnements que suscitent Starmania sont à rechercher en miroir d’une œuvre où tous les personnages essaient de trouver un sens à leur existence… sans y arriver. Et vous ? Telle est la question renvoyée aux spectateurs ! » Et de rajouter : «  Dans l’œuvre, deux forces s’opposent, dont une très noire – celle de l’individualisme, de la dépression, de la vacuité – tirant les protagonistes vers le bas. Pour y échapper, chacun est attiré par la lumière, mais c’est pour s’y brûler les ailes. Pour moi, Starmania est une relecture contemporaine du mythe d’Icare, qui tente de s’échapper du labyrinthe conçu par Dédale. Ce dernier a d’ailleurs plusieurs traits communs avec Monopolis. Dans la mise en scène, j’ai voulu combiner des éléments telluriques sombres – comme des escaliers brutalistes – avec d’autres, immatériels, qui sont des faisceaux de lumière : ces deux forces sont aussi dangereuses l’une que l’autre ! »

Thomas Jolly hat Inszenierungen auf die Bühne gebracht, die im Gedächtnis bleiben, ob im Theater –  Henri VI von Shakespeare beim Festival d’Avignon – oder in der Oper, wo er bald Roméo et Juliette von Gonoud zeigen wird (Opéra Bastille, 17.06.-15.07.). Mit seinem Willen „sich an das größtmögliche Publikum “ zu richten, nimmt sich jener, der als künstlerischer Leiter für die Eröffnungs-und Abschlusszeremonie der Olympischen Spiele 2024 in Paris ausgewählt wurde, Starmania an (mit dem Choreographen Sidi Larbi Cherkaoui), der legendären Rockoper von Michel Berger (Musik)

34 POLY 254 Février Februar 23 OPÉRA
Par Von Hervé Lévy – Portrait de von Thomas Jolly par von Olivier Metzger © Anthony Dorfmann

und Luc Plamondon (Operntext), die er als Jugendlicher entdeckte: „Ich hörte sie in meinem Zimmer, verstand, dass es um diese Figuren herum etwas zutiefst theatrales gab – mit Namen, die direkt aus einem Comic stammten, Stella Spotlight, Johnny Rockfort, etc. – deren Lieder mich faszinierten“, fasst er zusammen. Die düstere Geschichte, die sich in einer nahen Zukunft in einem vereinigten Westen abspielt, dessen Hauptstadt Monopolis heißt, entleiht ihren Titel einer Sendung, in der jeder zum Star werden kann: „Starmania war eine visionäre Dystopie vom Ende der 1970er Jahre. Heute muss man feststellen, dass die Realität die Fiktion eingeholt hat“, erklärt Thomas Jolly, der darin „ein schwarzes und nihilistisches Werk sieht, aber alles was erzählt wird, wirft echte Fragen auf. In einer Welt, in der die Angst omnipräsent ist, in der das Bild täuscht und

manipuliert, in der jeder sich abkapselt, in der der Individualismus und der Egoismus vorherrschen, wäre es nicht an der Zeit andere Formen des Miteinanders zu erfinden? Die Fragen, die Starmania aufwirft sind im Angesicht eines Werkes zu suchen, in dem alle Figuren versuchen ihrer Existenz einen Sinn zu verleihen… ohne dass es ihnen gelingt. Und ihr? Das ist die Frage, die den Zuschauern gestellt wird!“ Und er fügt hinzu: „Im Werk stehen sich zwei Kräfte gegenüber, von denen die eine, sehr schwarze – jene des Individualismus, der Depression und der Belanglosigkeit – die Protagonisten herunterzieht. Um ihr zu entkommen, wird jeder vom Licht angezogen, aber um sich an ihm die Flügel zu verbrennen. Für mich ist Starmania eine zeitgenössische Lektüre des Ikarus-Mythos, der versucht aus dem von Dädalus errichteten Labyrinth zu entfliehen. Dieses hat übrigens

mehrere Gemeinsamkeiten mit Monopolis. In der Inszenierung wollte ich die düsteren irdischen Elemente – wie brutalistische Treppen – mit anderen, immateriellen kombinieren, die Lichtkegel sind. Die beiden Mächte sind, die eine wie die andere, genauso gefährlich!“

Au Zénith (Strasbourg) du 10 au 12 février, au Galaxie (Amnéville) vendredi 17 et samedi 18 février, au Zénith (Dijon) du 23 au 26 février Im Zénith (Straßburg) vom 10. bis 12. Februar, im Galaxie (Amnéville) am Freitag den 17. und Samstag den 18. Februar, im Zénith (Dijon) vom 23. bis 26. Februar starmania-officiel.com

> À voir également, Le Dragon d’Evgueni Schwartz mis en scène par Thomas Jolly (08 & 09/02, La Filature, Mulhouse) – lafilature.org

POLY 254 Février Februar 23 35 OPER

Tales of Ordinary Madness

Avec sa vision du Tour d’écrou de Benjamin Britten, Dominique Pitoiset plonge au plus profond de l’inquiétante étrangeté chère au compositeur.

Mit seiner Vision von The Turn of the Screw von Benjamin Britten, taucht Dominique Pitoiset in die Tiefe der beunruhigenden Eigenartigkeit ein, die dem Komponisten so wichtig ist.

Production marquante, signée du directeur de l’institution dijonnaise, Dominique Pitoiset, et servie par un casting prometteur, Le Tour d’écrou se déploie dans une maison tout droit sortie des années 1960 : immense baie vitrée donnant sur un jardin clos d’un mur de briques avec sa balançoire, Lounge Chair de Charles et Ray Eames… Tel est le décor d’une intense sobriété où se concentre le drame imaginé par Benjamin Britten en 1954, à partir d’un court roman fantastique écrit par Henry James. Se glissant avec élégance dans les ambiguïtés du récit, le metteur en scène crée un huis clos hallucinatoire se déroulant dans un cadre terriblement ordinaire, qui souligne le propos extraordinaire d’une histoire où les fantômes croisent les fantasmes, où la folie tutoie les non-dits. Elle se déploie autour de deux jeunes enfants, confiés aux bons soins d’une gouvernante dans un lieu isolé et hanté par les esprits des employés de maison précédents, morts mystérieusement. Dominique Pitoiset crée une atmosphère oppressante en diable, plongeant dans les interstices du réel en toute finesse.

Die bemerkenswerte Produktion des Direktors der Institution in Dijon, Dominique Pitoiset wird von einem vielversprechenden Casting präsentiert, The Turn of the Screw entfaltet sich in einem Haus, das direkt aus den 1960er Jahren zu stammen scheint: Ein riesiges Glasfenster

mit Blick auf einen Garten, der von einer Backsteinmauer umschlossen wird, mit seiner Schaukel und seinem Lounge Chair von Charles und Ray Eames… Das ist der Dekor von intensiver Nüchternheit, in dem sich das Drama entwickelt, das Benjamin Britten 1954 auf der Basis eines kurzen phantastischen Romans aus der Feder von Henry James geschrieben hat. Indem er sich auf elegante Weise in die Zweideutigkeiten der Erzählung einbringt, kreiert der Regisseur ein halluzinatorisches Geisterspiel, das sich in einem schrecklich ordinären Rahmen abspielt, der die außergewöhnliche Handlung einer Geschichte unterstreicht, in welcher Gespenster auf Wahnvorstellungen treffen und der Wahnsinn dem Unausgesprochenen begegnet. Sie entfaltet sich rund um zwei kleine Kinder, die den guten Händen einer Gouvernante überlassen wurden, an einem isolierten Ort, der von den Geistern der vorherigen Hausangestellten heimgesucht wird, die auf mysteriöse Weise verstarben. Dominique Pitoiset kreiert eine teuflisch bedrückende Atmosphäre, die voller Finesse in die Zwischenräume der Realität eintaucht.

36 POLY 254 Février Februar 23
Par Von Hervé Lévy – Photo de von Opéra national de Bordeaux Au Grand Théâtre (Dijon) du 26 février au 2 mars Im Grand Théâtre (Dijon) vom 26. Februar bis 2. März opera-dijon.fr

Mots d’amour

Pour ses débuts lyriques, Tiago Rodrigues s’attaque à Tristan et Isolde de Wagner, création événement de la saison opératique.

Worte der Liebe

Für seinen lyrischen Einstand beschäftigt sich Tiago Rodrigues mit Tristan et Isolde von Wagner, einem Produktions-Ereignis der Opern-Saison.

Afin d’accueillir la musique de Wagner, point besoin d’imaginer «  des espaces réalistes, naturalistes, cinématographiques…  » Elle requiert au contraire « un espace de pur présent », résume Matthieu Dussouillez. C’est pour cela que le directeur général de l’Opéra national de Lorraine a confié les rênes de cette mise en scène de Tristan et Isolde à Tiago Rodrigues : «  Son mystère se situe dans le rapport direct et généreux qu’il établit avec le public », poursuit-il. Pour le nouveau directeur du Festival d’Avignon, très attendu dans l’univers lyrique, cette passion tragique

s’approche de Sophocle : «  Ici, tout est public, tout est politique. Face à la monumentalité des enjeux, l’amour devient un geste radical : Tristan et Isolde, c’est croire qu’au nom de l’amour on peut en un instant remettre en question toute la construction d’une vie. » Dans un dispositif d’une grande limpidité, il a choisi de remplacer le surtitrage par des cartons – où figurent des textes de son cru –manipulés par les danseurs Sofia Dias et Vítor Roriz, «  deux observateurs, qui regarderaient la légende qui s’interprète sous leurs yeux ».

Um Wagners Musik zu empfangen, muss man keine „ realistischen, naturalistischen, kinematographischen Räume “ erfinden. Sie benötigt im Gegenteil einen „ Raum der puren Gegenwart“, fasst Matthieu Dussouillez zusammen. Hierfür hat der Generaldirektor der Opéra national de Lorraine die Zügel dieser Inszenierung von Tristan et Isolde Tiago Rodriguez in die Hand gegeben: „ Sein Geheimnis liegt im direkten und großzügigen Verhältnis, das er mit dem Publikum aufbaut“, erklärt er weiter. Für den neuen Direktor des Festivals von Avignon, der im Opern-Universum sehnlichst erwartet wird, nähert sich diese tragische Leidenschaft Sophokles an. „Hier ist alles öffentlich, alles ist politisch. Angesichts der monumentalen Herausforderungen wird die Liebe zu einer radikalen Geste: Tristan et Isolde , heißt daran zu glauben, dass man im Namen der Liebe, für einen Augenblick, die ganze Struktur eines Lebens in Frage stellen kann .“ In einer äußerst klaren Systematik hat er sich dafür entschieden die Übertitel durch Karten zu ersetzen – auf denen die französischen Texte aus seiner Feder stehen – mit welchen die Tänzer Sofia Dias und Vítor Roriz hantieren, „ zwei Beobachter, die die Legende betrachten, die vor ihren Augen interpretiert wird“.

À l’Opéra national de Lorraine (Nancy) du 29 janvier au 10 février

In der Opéra national de Lorraine (Nancy) vom 29. Januar bis 10. Februar opera-national-lorraine.fr

POLY 254 Février Februar 23 37 OPÉRA OPER
Par Von Hervé Lévy – Portrait de von Tiago Rodrigues par von Filipe Ferreira

Set her free

En couplant La Voix humaine de Poulenc à une partition contemporaine d’Anna Thorvaldsdottir, l’Opéra national du Rhin crée l’événement. Die Opéra national du Rhin präsentiert mit der Verbindung von Die menschliche Stimme von Poulenc und einer zeitgenössischen Partition von Anna Thorvaldsdottir ein Ereignis.

Par Von Hervé Lévy – Photo de von Grant Gee

Sous ses (faux) airs frivoles se cachent une exigence de fer et une voix au timbre cristallin, à la diction impeccable : Patricia Petibon est une diva contemporaine au glamour exubérant, cassant quelque peu l’image de la star lyrique académique et un tantinet figée. Et cela fait du bien dans un univers bien souvent policé. Elle se glisse à merveille dans le monologue douloureux d’une amoureuse délaissée qu’est La Voix humaine de Poulenc. Entre banalité et blessure, Le Téléphone pleure. La metteuse en scène Katie Mitchell y voit un être qui « se rabaisse et s’humilie pour un homme sans cœur, qui ne vaut manifestement pas qu’elle lui consacre son temps ». Elle a choisi de donner un nouvel épilogue cinématographique à l’œuvre – en forme de plongée dans la nuit strasbourgeoise signée Grant Gee – se déployant sur Aerality, partition qui porte bien son nom, de la compositrice islandaise Anna Thorvaldsdottir. Dans sa globalité, la soirée ressemble ainsi à une trajectoire de libération, décrivant « l’histoire cohérente d’une femme seule et de son parcours, de victime du patriarcat à agent de son propre destin ».

Hinter ihrem (fälschlicherweise) frivolem Auftreten versteckt sich eine eiserne Willenskraft und eine kristallklare Stimme mit tadelloser Aussprache: Patricia Petitbon ist eine zeitgenössische Diva mit überschäumendem Glamour, die ein wenig das Bild des akademischen Opernstars zersprengt, der ein bisschen steif ist. Das tut gut in einem Universum, das sehr oft sehr zivilisiert ist. Sie schlüpft auf wunderbare Weise in den schmerzhaften Monolog einer verlassenen Liebenden, den La Voix humaine von Poulenc

darstellt. Zwischen Banalität und Verletzung, vertraut sie sich am Telefon an. Die Regisseurin Katie Mitchell sieht in ihr ein Wesen, das „sich erniedrigt und demütigt, für einen herzlosen Mann, der es offensichtlich nicht wert ist, dass sie ihm ihre Zeit opfert“. Sie hat sich dazu entschieden dem Werk einen neuen kinematographischen Epilog zu verleihen – in Form eines Eintauchens in die Straßburger Nacht, von Grant Gee – dass sich zu Aerality entfaltet, einer Partition, die ihrem Namen alle Ehre macht, aus der Feder der Isländerin Anna Thorvaldsdottir. Im Ganzen erinnert der Abend so an den Werdegang einer Befreiung, die „die kohärente Geschichte einer Frau beschreibt, die allein ist, ihre Entwicklung als Opfer des Patriarchats und Agent ihres eigenen Schicksals“.

À l’Opéra (Strasbourg) du 18 au 26 février et à La Filature (Mulhouse) dimanche 12 et mardi 14 mars

In der Opéra (Straßburg) vom 18. bis 26. Februar und in La Filature (Mulhouse) am Sonntag den 12. und Dienstag den 14. März operanationaldurhin.eu

> Les artistes de l’Opéra Studio proposent Album Poulenc (04/02, Opéra, Strasbourg et 12/02, Musée Unterlinden, Colmar)

> Des musiciens de l’OPS explorent le répertoire chambriste avec Bienvenue chez Poulenc (17/02, Opéra, Strasbourg) philharmonique.strasbourg.eu

> Die Künstler von Opéra Studio präsentieren Album Poulenc (04.02., Opéra, Straßburg und 12.02., Musée Unterlinden, Colmar)

> Die Musiker des OPS erkunden das Kammermusik-Repertorium mit Bienvenue chez Poulenc (17.02., Opéra, Straßburg) philharmonique.strasbourg.eu

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Happy Händel

À Karlsruhe, les Händel-Festspiele célèbrent leur 45e anniversaire de la plus baroque des façons, avec un bouquet coloré d’opéras et de concerts.

In Karlsruhe feiern die Händel-Festspiele ihr 45. Jubiläum auf die barocke Weise, mit einem bunten Cocktail aus Opern und Konzerten.

Reflétant l’effervescence de la cité du Bade-Wurtemberg, Kultur in Karlsruhe est une initiative fédérant plus de 30 institutions dont le Badisches Staatstheater, où se déroulent les Händel Festspiele. Manifestation majeure métamorphosant, deux semaines durant, la ville en capitale du baroque, elle prend pour thème “Händel et son temps”, élargissant le propos aux contemporains du compositeur, qui reste néanmoins au cœur de l’événement. Se déploient ainsi un de ses opéras de jeunesse, Ottone, Re di Germania (17/0203/03) avec l’exceptionnel contre-ténor Yuriy Mynenko dans une nouvelle mise en scène extrêmement prometteuse signée Carlos Wagner, ainsi que la reprise du Hercules (23/02-02/03, en photo) monté par Floris Visser l’année passée, drame musical prenant pour thème la fin tragique du mythique personnage, contée par Sophocle dans Les Trachiniennes. Il s’agit d’une œuvre grandiose marquée par le triomphe destructeur de la jalousie. À cela s’ajoute une brassée de concerts, dont une rencontre au sommet entre le compositeur et Jan Dismas Zelenka (28/02), sous l’égide du Karlsruher Barockorchester, ou encore une autre avec… le jazz (25/02).

Die Initiative Kultur in Karlsruhe, die die Vielfalt der Stadt in Baden-Württemberg widerspiegelt, ist eine Initiative, die mehr als 30 Institutionen vereint, darunter das Badi-

sche Staatstheater, in dem die Händel-Festspiele stattfinden. Als Großereignis verwandeln sie zwei Wochen lang die Stadt in die Hauptstadt des Barocks, unter dem Motto „Händel und seine Zeit“, das auch die Zeitgenossen des Komponisten miteinbezieht, wobei er im Zentrum steht. So entfaltet sich eines seiner Frühwerke, die Oper Ottone, Re di Germania (17.02.-03.03.) mit dem außergewöhnlichen Countertenor Yuriy Mynenko in einer neuen, extrem vielversprechenden Inszenierung von Carlos Wagner, sowie die Wiederaufnahme von Hercules (23.02.-02.03., siehe Photo), von Floris Visser im vergangenen Jahr inszeniert, ein musikalisches Drama, das das tragische Ende der legendären Figur thematisiert, wie es Sophokles in Die Trachinierinnen erzählt. Es handelt sich um ein grandioses Werk, das vom destruktiven Triumph der Eifersucht geprägt ist. Hieran reihen sich zahlreiche Konzerte an, darunter eine Begegnung zwischen dem Komponisten und Jan Dismas Zelenka (28.02.) unter der Schirmherrschaft des Karlsruher Barockorchesters oder auch ein anderes mit… Jazz (25.02.).

Au Badisches Staatstheater (Karlsruhe) du 17 février au 3 mars Im Badischen Staatstheater (Karlsruhe) vom 17. Februar bis 3. März staatstheater.karlsruhe.de – kulturinkarlsruhe.de

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Par Von Hervé Lévy – Photo de von Falk von Traubenberg

Golden City

Le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon présente

Le Beau Siècle, explorant la vie artistique de la ville entre 1674 et 1792, De la Conquête à la Révolution

Das Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon präsentiert Le Beau Siècle (Das schöne Jahrhundert), das das künstlerische Leben der Stadt zwischen 1674 und 1792, Von der Eroberung bis zur Revolution erkundet.

Peintures, sculptures, dessins ou encore estampes se relaient dans l’ancienne halle aux grains de la cité. Cette excursion chronologique et didactique ressemble à une plongée dans un écosystème historique foisonnant. Elle débute par un fascinant face-à-face avec le Portrait équestre de Louis XIV , du peintre parisien René-Antoine Houasse. Cette œuvre magistrale «  offre de grandes qualités d’exécution, le roi réalisant la figure difficile de la levade*. Ce tableau a connu plusieurs versions, mais celle-ci est magnifique  », résume Yohan Rimaud, commissaire de l’exposition. Il permet d’évoquer la prise de la cité par le Roi-Soleil, en 1674, un épisode qui mit fin à son statut de ville libre impériale. « Houasse l’a peint pour le monarque, car il faisait partie de son premier cercle artistique. Lorsque la Franche-Comté devient française, l’élite locale doit s’adapter et cette œuvre apparaît comme un moyen de convertir les esprits au royaume de France. Louis XIV y est en effet dépeint comme un chef de guerre. » Le Siège de Besançon d’Adam Frans van der Meulen accompagne ce portrait, affirmant le roi comme le nouveau conquérant de la capitale franc-comtoise. Le début de cette épopée se poursuit jusqu’à l’extrémité de la grande galerie, dans l’espace consacré à la peinture religieuse. Là, le monumental Martyre de Saint-Étienne de Nicolas Guy Brenet, un des acteurs du néo-classicisme et natif de la région, se déploie sur quatre mètres de haut, dévoilant «  une esthétique plutôt baroque, avec ses couleurs chaudes. »

La période de l’Ancien Régime voit également le développement du trompe-l’œil, «  une pratique datant au moins de la Renaissance mais peu adoptée en France avant le XVIIIe siècle. » Une trentaine de peintures signées Gaspard Gresly sont ainsi présentées, «  dans une sorte de petit labyrinthe, sur des parois en sapin, exactement comme on les accrochait, à l’époque, dans les demeures modestes. » À travers un renouvellement artistique marqué par le réaménagement des décors d’églises, d’appartements et une forte augmentation de la demande en œuvres d’art, Johann Melchior Wyrsch et Luc Breton participent à la création de l’académie royale de peinture et de sculpture, ouverte en 1773. Leurs travaux sont aussi à retrouver, notamment une Pietà, sculpture en terre

cuite révélant le corps nu du Christ, le torse appuyé contre sa mère. Afin de mettre davantage en avant cette variété d’ouvrages, des paysages sonores ont été créés par l’archéologue-musicologue Mylène Pardoen. « Nous voulions tenter quelque chose de nouveau », précise Yohan Rimaud. « L’artiste a travaillé sur trois fresques musicales, dans le but d’évoquer le Besançon d’autrefois. » Le hennissement d’un cheval est par exemple identifiable au milieu des pièces exposées, une approche singulière transportant encore un peu plus les visiteurs au temps des Lumières.

Gemälde, Skulpturen, Zeichnungen oder auch Drucke wechseln sich in der ehemaligen Halle des Kornmarktes der Stadt ab. Diese chronologische und didaktische Exkursion ähnelt einem Eintauchen in ein umfangreiches historisches Ökosystem. Sie beginnt mit einem faszinierenden Face-à-Face mit dem Reiterportrait von Louis XIV des Pariser Malers René-Antoine Houasse. Dieses Meistwerk „demonstriert eine große Qualität in der Ausführung, da der König die schwierige Figur der Levade* ausführt . Es gab mehrere Versionen zu diesem Gemälde, aber dieses bleibt wunderschön“, fasst Yohan Rimaud, der Kurator der Ausstellung zusammen. Es erlaubt es, die Eroberung der Stadt durch den Sonnenkönig selbst im Jahr 1674 zu thematisieren, eine Episode, die ihrem Status als freie Stadt des Reiches ein Ende setzte. „Houasse hat es für den Monarchen gemalt, da er zu seinem ersten künstlerischen Zirkel gehörte. Als die Franche-Comté französisch wurde, musste sich die lokale Elite anpassen und dieses Werk erscheint wie ein Mittel, um die Geister zum Königreich Frankreich zu bekehren. Louis XIV wird in der Tat wie ein Kriegschef dargestellt.“ Die Belagerung von Besançon von Adam Frans van der Meulen begleitet dieses Portrait, das den König als den neuen Eroberer der Hauptstadt der FrancheComté bestätigt. Der Beginn dieses Epos setzt sich bis in den äußersten Winkel der großen Galerie fort, in jenem Raum, der der religiösen Malerei gewidmet ist. Hier entfaltet sich das monumentale Martyrium des Heiligen Stephanus von Nicolas Guy Brenet, einem der Akteure des Neo-Klassizismus, der aus der Region stammt, auf vier Metern Höhe, das „eine eher barocke Ästhetik, mit seinen warmen Farben“ enthüllt.

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Die Zeit des Ancien Regimes ist auch jene der Entwicklung des Trompe-l’œils, „einer Praxis, die spätestens in der Renaissance auftaucht, aber in Frankreich vor dem 18. Jahrhundert wenig übernommen wurde.“ Rund dreißig Gemälde von Gaspard Gresly werden so präsentiert, „in einer Art Labyrinth, auf Tannen-Wänden, genauso wie man sie früher in den bescheidenen Häusern aufhängte.“ Anhand einer künstlerischen Erneuerung, die von der Neugestaltung der Kirchendekorationen, Appartements und einem starken Anstieg der Nachfrage nach Kunstwerken geprägt ist, beteiligen sich Johann Melchior Wyrsch und Luc Breton an der Kreation der Königlichen Akademie für Malerei und Skulptur, die 1773 eröffnet wurde. Ihre Werke sind auch zu finden, insbesondre eine Pièta, Skulptur aus gebranntem Ton, die den nackten Körper Christi zeigt, der sich mit dem Oberkörper auf seine Mutter stützt. Um die Varietät der Werke zusätzlich hervorzuheben, wurden von der Archäologin und Musikwissenschaftlerin Mylène Pardoen Klanglandschaften kreiert. „Wir wollten etwas Neues ausprobieren“, präzisiert Yohan Rimaud. „Der Künstler hat zu drei musikalischen Fresken gearbeitet, mit dem Ziel an das Besançon von Früher zu erinnern.“ Das Wiehern eines Pferdes ist zum Beispiel inmitten der Ausstellungsstücke zu hören, eine besondere Herangehensweise, die den Besucher noch ein bisschen mehr in die Zeit der Aufklärung versetzt.

Légendes Bildunterschriften

1. Nicolas Guy Brenet, Les Cœurs de Jésus et Marie, 1775, Église de Chamblay

2. Luc Breton, Pietà, Besançon, MBAA, inv. 849.35.3

3. Gaspard Gresly, Trompe-l’œil à la gravure, la pochette brodée... Coll. particulière

Au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie (Besançon) jusqu’au 19 mars

Im Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie (Besançon) bis zum 19. März mbaa.besancon.fr

> Visites guidées les dimanches à 15h

> Conférence autour du travail sonore de Mylène Pardoen (23/02, 18h)

* En équitation, figure où le cheval semble s’asseoir sur ses postérieurs tandis que son corps se redresse et qu’il replie ses antérieurs.

* Eine Figur in der Reitkunst, bei der das Pferd sich auf seine Hinterbeine zu setzen scheint, während sein Körper sich aufrichtet und es seine Vorderbeine einknickt.

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Des lieux à nous

Avec ses ensorcelantes installations vidéo, Olivier Crouzel transforme les lieux en paysage, invitant avec obstination nos regards à se porter à nouveau vers un (im)possible Horizon.

Orte für uns

Mit seinen bezaubernden Videoinstallationen verwandelt Olivier Crouzel Orte in Landschaften und lädt mit Nachdruck unsere Blicke dazu ein, sich erneut auf einen (un)möglichen Horizont zu richten.

Olivier Crouzel est un plasticien-topographe, un explorateur des espaces ordinaires. Par le biais de ses installations savamment élaborées, le vidéaste scrute avec ténacité cet Horizon contemporain, d’espoirs et de désillusions mêlées, dont parle le titre de l’exposition individuelle que lui consacre la Fondation François Schneider. Posté d’un côté (à Tarifa) puis de l’autre (à Ceuta) du détroit de Gibraltar, il filme la majestueuse et altière traversée d’un oiseau migrateur (cigogne ou héron cendré), celle, sous escorte, de réfugiés que trois fourgons de la police espagnole ramènent en ferry vers l’Afrique, et enfin celle d’une valise naufragée de la Méditerranée, échouant sur la plage marocaine de Fnideq. Dans l’obscurité des salles du sous-sol de l’institution wattwilleroise, les trois parcours, simultanément diffusés sur des toiles fixées à des Barrières (2018) disposées côte à côte, forment comme les panneaux d’un nouveau Retable de la Passion, en sa version tragiquement contemporaine. À quelques pas à peine, leur répond en écho Même mer, mêmes hommes (2016), où l’image du frêle canot de sauvetage projetée de nuit sur les vagues d’une plage déserte de Lesbos – pourtant si prisée des touristes en journée – semble respirer au rythme souffreteux du va-et-vient de la marée.

Fasciné par les lieux communs et incongrus, Olivier Crouzel a l’art d’en révéler, par ses dispositifs filmiques, l’insaisissable genius loci, réactivant la mémoire des gestes disparus, donnant à entendre le murmure des voix oubliées, mettant au jour les traces des corps ayant habité ou traversé ces espaces dépeuplés, les rêves et les aspirations dont ils étaient chargés… Depuis 2014, l’artiste revient régulièrement à l’un de ces sites qui le hantent et l’hypnotisent : “Le Signal”, barre de béton emblématique des grandes stations balnéaires des seventies, construite à Soulac-sur-Mer, en Gironde. Bâtiment délabré, avec ses soixante-seize appartements ayant vue sur mer, risquant de s’effondrer, au vu de l’érosion qui attaque la dune sur laquelle il est perché*. Le plasticien en a fait un atelier à ciel ouvert, la toile de fond de plusieurs de ses œuvres, dont l’envoûtant et immersif 18 rideaux (2014-2019), avec ses

prises de vues filmées depuis dix-huit fenêtres de l’immeuble. Plus récent, Horizonto (2018) embarque le spectateur à bord d’un road-movie semé d’embuches, vécu à travers le parebrise d’un camping-car mené tambour battant sur la côte atlantique, depuis Bordeaux jusqu’à Biarritz. Secousses et sourires garantis !

Olivier Crouzel ist Plastiker und Topograph, ein Forschungsreisender in ordinären Räumen. Anhand seiner geschickt ausgearbeiteten Installationen sucht der Videokünstler beharrlich diesen zeitgenössischen Horizont ab, eine Mischung aus Hoffnungen und Enttäuschungen, von denen der Titel dieser Einzelausstellung erzählt, die ihm die Fondation François Schneider widmet. Auf der einen (Tarifa) und der anderen (Ceuta) Seite der Meerenge von Gibraltar postiert, filmt er die majestätische und stolze Überquerung eines Zugvogels (Storch oder Graureiher), jene, unter strenger Bewachung, von Flüchtlingen, die drei Einsatzwagen der spanischen Polizei mit einer Fähre zurück nach Afrika bringen, und schließlich jene eines schiffbrüchigen Koffers im Mittelmeer, der am marokkanischen Strand von Fnideq an Land geht. In der Dunkelheit der Säle des Untergeschosses der Institution in Wattwiller bilden die drei Reisen, die parallel auf an Barrières (Barrieren, 2018) fixierte Leinwände projiziert werden, die Bildtafeln eines Retabels der Passion Christi, in ihrer tragischen zeitgenössischen Version. Nur wenige Schritte entfernt, antwortet wie ein Echo Même mer, mêmes hommes (Selbes Meer, selbe Männer, 2016), in dem das Bild des nicht stabilen Rettungsbootes nachts auf die Wellen eines verlassenen Strandes – der tagsüber bei Touristen sehr beliebt ist – in Lesbos projiziert wird und das im Rhythmus von Ebbe und Flut zu atmen scheint.

Von Gemeinplätzen und merkwürdigen Orten fasziniert, beherrscht Olivier Crouzel die Kunst sie zu offenbaren, anhand von filmischen Dispositiven, dem ungreifbaren genius loci, der die Erinnerung an verschwundene Gesten reaktiviert, die das Gemurmel der vergessenen Stimmen hörbar machen, Spuren

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EXPOSITION AUSSTELLUNG
Par Von Suzi Vieira – Photos de von Steeve Constanty

von Körpern aufzeigen, die diesen verlassenen Ort bewohnt oder durchquert haben, den Träumen und Sehnsüchten, die sie mit sich führten… Seit 2014 kommt der Künstler regelmäßig zu einem dieser Orte zurück, die ihn nicht mehr loslassen und hypnotisieren: “Le Signal”, eine symbolträchtige Betonbarriere der großen Balearen-Strände aus den Siebzigern, die in Soulac-sur-Mer, im französischen Departement Gironde aufgebaut ist. Ein verfallenes Gebäude mit seinen sechsund-

sechzig Appartements mit Meerblick, das einsturzgefährdet ist, angesichts der Erosion, die die Düne angreift, auf der es steht*. Der Künstler hat aus ihm sein Freilichtatelier gemacht, den Hintergrund mehrerer seiner Werke, darunter das betörende und immersive 18 rideaux (18 Vorhänge, 2014-2019), mit seinen Aufnahmen, die er aus achtzehn Fenstern des Gebäudes machte. Das neuere Horizonto (2018) nimmt den Betrachter mit ans Bord eines Road-Movies voller Hindernisse, den er hinter der Windschutzscheibe eines Wohnmobils erlebt, das im Eiltempo an der Atlantikküste entlangfährt, von Bordeaux bis Biarritz. Ruckeln und Lachen garantiert!

À la Fondation François Schneider (Wattwiller) jusqu’au 26 mars In der Fondation François Schneider (Wattwiller) bis 26. März fondationfrancoisschneider.org

> En parallèle, est présentée l’exposition Réceptacle, réunissant les œuvres des 4 artistes et collectifs lauréats du 10e concours Talents contemporains, organisé chaque année par la Fondation sur le thème de l’eau (jusqu’au 26 mars).

> Parallel dazu wird die Ausstellung Réceptacle präsentiert, die die Werke von 4 Künstlern und Kollektiven vereint, die Preisträger des 10. Wettbewerbs Talents contemporains sind, der jedes Jahr von der Fondation zum Thema Wasser organisiert wird (bis 26. März).

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Le chantier de destruction du Signal doit justement débuter ce lundi 6 février. * Die Abrissarbeiten des Signal sollen just an diesem Montag den 6. Februar beginnen. 18 rideaux, 2014-2019 Barrières, 2018

Sign and sight

Avec Gast Michels : Movement in colour, form and symbols, le Musée national d’Histoire et d’Art de Luxembourg revient sur 30 ans de carrière de l’artiste.

Mit Gast Michels : Movement in colour, form and symbols, blickt das Musée national d’Histoire et d’Art de Luxembourg auf die dreißigjährige Karriere des Künstlers zurück.

On l’appelait “l’homme des forêts”, tant la terre du Mullerthal de son enfance, avec ses arbres au vert intense, ses grottes et ses falaises de grès, imprégnait tout son imaginaire. Peintre, sculpteur, et surtout génial observateur de la réalité, Gast Michels (1954-2013) a marqué de son empreinte l’art des années 19902000 dans le Grand Duché, autant qu’il a inscrit ses œuvres en forme de savants graffitis dans l’espace public de ses concitoyens – pensons, entre autres, à Atmosphère urbaine, fresque murale de 258 m2 réalisée en 2006 pour la Ville de Luxembourg. Touche-à-tout curieux et expérimentateur dans l’âme, Gaston

François Michels, de son vrai nom, a fait évoluer son trait vers un style de plus en plus graphique et abstrait, caractérisé par des coups de pinceau expressifs. L’homme a d’ailleurs souvent comparé l’acte créateur à un combat de boxe engagé entre lui et la toile, gestuelle tendue et regard concentré. Cette physicalité, le visiteur la ressent tout au long du parcours présenté par le MNHA dans cette première rétrospective exhaustive consacrée à l’artiste, depuis les mystiques sous-bois de Lune pâle (1989) jusqu’aux vibrantes Créatures (1994) de sa gigantesque et captivante tapisserie d’Aubusson. Ici tout vibre et semble en mouvement. Formes et couleurs

s’entraînent mutuellement dans une curieuse danse ancestrale. L’œil ne sait plus où se poser. On se croirait face à une peinture rupestre d’avant l’histoire : art brut et énergie vitale.

« En dépit de l’impression de spontanéité que livrent ses œuvres, rien dans ses travaux n’est jamais laissé au hasard  », souligne Lis Hausemer, commissaire d’une exposition conçue en étroite collaboration avec le Cercle Cité et la fondation Gast Michels Estate, dirigée par les fils du peintre. «  Les multiples éléments picturaux sont les composantes d’une structure toujours très sophistiquée. Il les place comme un bâtis-

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seur organise l’espace, pour trouver le juste équilibre.  » Avec sa roue et ses étoiles, ses aplats lumineux de jaune et de bleu, Formule x (1992) introduit à merveille au langage plastique unique du natif d’Echternach, qui a développé une approche quasi sémiotique de la peinture. Hantée par des symboles récurrents (flèche, croix, hache, etc.), son œuvre prend parfois des allures de traces scripturales sauvées du fond des âges et soudain jetées dans la contemporanéité par un drôle d’esprit, piquant et malicieux, qui n’est pas sans rappeler un certain Keith Haring.

Man nannte ihn den „Waldmann“, so sehr beeinflusste die Region des Müllerthals seiner Kindheit, mit seinen intensiv grünen Bäumen, seinen Grotten und seinen Sandsteinfelsen seine Vorstellungswelt. Als Maler, Bildhauer und vor allem genialer Beobachter der Realität hat Gast Michels (1954-2013) die Kunst der 1990er-2000er Jahre im Großherzogtum geprägt, insbesondere, da er Werke in Form von ausgeklügelten Graffitis in den öffentlichen Raum seiner Mitbürger eingebracht hat – man denke an Atmosphère urbaine (Atmosphäre der Stadt), eine Wandfreske von 258 m2, die er 2006 für die Stadt Luxemburg realisierte. Als neugieriger Tausendsassa

und Freund von Experimenten hat jener, dessen richtiger Name Gaston François Michels ist, seinen Stil immer graphischer und abstrakter werden lassen, mit charakteristischen, ausdrucksstarken Pinselstrichen. Er hat den Schaffensakt oft mit einem Boxkampf verglichen, der sich zwischen ihm und der Leinwand abspielt, mit angespannter Gestik und konzentriertem Blick. Diese Körperlichkeit spürt der Besucher im gesamten Rundgang, der vom MNHA in dieser ersten breiten Retrospektive präsentiert wird, von den legendären Unterhölzern in Lune pâle (Blasser Mond, 1989) bis zu den vibrierenden Créatures (Kreaturen, 1994), seinem gigantischen und fesselnden Wandteppich von Aubusson. Hier ist alles Vibration und Bewegung. Formen und Farben reißen einander in einem bizarren altüberlieferten Tanz mit. Das Auge weiß nicht mehr, wo es sich festhalten soll. Man wähnt sich im Angesicht einer Felsenmalerei aus der Frühgeschichte: Art Brut und Lebensenergie.

„Trotz des Eindrucks der Spontaneität, den seine Werke vermitteln, wird nichts in seinen Werken dem Zufall überlassen “, unterstreicht Lis Hausemer, die Kuratorin einer Ausstellung, die in enger Zusammenarbeit mit dem Cercle Cité und der Stiftung Gast Michels

Légendes Bildunterschriften

Estate gestaltet wurde, welche von den Söhnen des Malers geführt wird.

„Die zahlreichen Bildelemente sind die Komponenten einer immer sehr ausgeklügelten Struktur. Michels platziert sie wie ein Baumeister den Raum organisiert, um die perfekte Ausgeglichenheit zu finden.“ Mit seinem Rad und seinen Sternen, seinen leuchtenden Farbflächen in gelb und blau führt Formule x (1992) auf wunderbare Weise die einzigartige plastische Sprache des gebürtigen Echternachers ein, der eine fast semiotische Herangehensweise an die Malerei entwickelt hat. Von wiederkehrenden Symbolen heimgesucht (Pfeil, Kreuz, Axt, etc.), nimmt sein Werk manchmal die Züge von SchriftSpuren aus Urzeiten an, die plötzlich, von einem witzigen, spitzen und schelmischen Geist, der ein wenig an einen Keith Haring erinnert, in die Gegenwart geworfen wurden.

Au Musée national d’Histoire et d’Art (Luxembourg) jusqu’au 26 mars Im Musée national d’Histoire et d’Art (Luxemburg) bis 26. März mnha.lu

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1. Vaisseau, 1994, Gast Michels Estate 2. Portrait de von Gast Michels par von Jochen Herling, vers um 1990 3. Formule ‘x’, 1992 © Gast Michels Estate
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Photo : Frank Michels

Exotic and Erotic

Pour la Saint-Valentin, Plombières-les-Bains vibre au rythme d’EroticArt, qui a notamment convié Les Éroticiens, mutin duo strasbourgeois.

Zum Valentinstag bebt Plombières-les-Bains im Rhythmus der EroticArt, die unter anderem Les Éroticiens eingeladen hat, ein stummes Duo aus Straßburg.

Compositions licencieuses, bodypaintig et autres sexes multicolores en crochet : quelques jours durant, la cité thermale vosgienne de Plombières-les-Bains, où Voltaire et Berlioz prirent les eaux, twiste au rythme de la volupté. Cette année, elle accueille un duo oulipo-luxurieux né en 2015 et fondateur de l’Ou’XpO – Ouvroir d’Érotique Potentielle –, un « lieu d’expression et de mémoire du couple », résume un de ses membres. Professant un Éros sans Thanatos dont dada n’est jamais éloigné, où l’art se mêle au sourire et où la contrainte ne s’accommode d’aucune (auto)censure, il expose des saynètes agrémentées de collages originaux de Jacques Vicens, mais aussi, et pour la première fois, le Cabinet de Curiosités des 9 Célibataires, hommage débridé à Marcel Duchamp. S’y trouvent autant d’objets étranges, comme un Extracteur de Viagra de Jean-Michel Pouey de Juillacq (en photo), aux circonvolutions tubulaires complexes, un petit char d’assaut ithyphallique doré de Vincent Schueller ou encore une intrigante sculpture textile de Myrtille Béal… Décidément, nous n’avons pas lu tous les livres et la chair n’est pas triste !

Anstößige Kompositionen, Bodypainting und gehäkelte bunte Geschlechtsteile: Einige Tage lang lebt die Thermalkurstadt Plombières-les-Bains in den Vogesen,

in der schon Voltaire und Berlioz badeten, im Rhythmus der Lust. In diesem Jahr empfängt sie das wollüstige Duo, das 2015 entstand und Gründer der Ou’XpO ist – französisch für „Nähstube der potentiellen Erotik“ – ein „Ort des Ausdrucks und der Erinnerung des Paares“, wie es eines seiner Mitglieder zusammenfasst. Indem sie einen Eros ohne Thanatos vertreten, der nie weit weg von Dada ist, bei dem die Kunst sich mit einem Lächeln vermischt und der Zwang keinerlei (Selbst-) Zensur erfährt, stellen sie Sketche aus, die mit Collagen von Jacques Vicens ausgeschmückt werden, aber auch und zum ersten Mal das Cabinet de Curiosités des 9 Célibataires (Kuriositätenkabinett der 9 Junggesellen), eine zügellose Hommage an Marcel Duchamp. Hier findet man zahlreiche merkwürdige Objekte, wie einen Extracteur de Viagra (Viagra-Entsafter) von Jean-Michel Pouey de Juillacq (siehe Photo), mit komplexen Windungen, einen kleinen goldenen erigierten Kampfpanzer von Vincent Schueller oder auch eine rätselhafte TextilSkulptur von Myrtille Béal…

Au Clos des Deux Augustins (Plombières-les-Bains)

les 11, 12, 14, 18 et 19 février

Im Clos des Deux Augustins (Plombières-les-Bains)

am 11., 12., 14., 18. und 19. Februar leseroticiens.jimdofree.com

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Par Von Hervé Lévy – Photo de von Benoît Schwaller

Memories Are Made of This

À Offenbourg, l’exposition collective Entre Deux rassemble dix artistes venus des deux côtés du Rhin autour du thème de la mémoire.

In Offenburg versammelt die Gruppenausstellung Zwischen Zwei zehn Künstler von beiden Seiten des Rheins rund um das Thema der Erinnerung.

Après un premier volet dans l’espace public, regroupant des pièces de grand format, qui s’est achevé à Strasbourg en octobre dernier, le second, plus intime, prend ses quartiers dans les salles de la Städtische Galerie. Ils sont dix, tous nés dans les années 1980 et installés en France ou en Allemagne. Creusant le sillon de la mémoire, peintures, dessins, photographies, sculptures et installations forment un parcours d’une grande intensité. Il débute avec les toiles de Marion Sautter, paysages flottants et mélancoliques, doux comme le souvenir, à l’image d’une Improvisation en orange

et bleu (2022), errance forestière sur laquelle plane l’ombre de la chanson de The Cure. Suivent les séduisantes Peintures sans support / Peintures installées de David Sibieude, uniquement faites de pigments : évoquant des peaux, ces volumes s’épanouissent dans un éblouissant chromatisme, formes organiques et fragiles qui ont la semblance du vivant, faisant naître des sentiments changeants en fonction de la lumière et / ou du lieu où se place le regardeur. On reste également scotchés face aux abstractions d’une immense profondeur de Jean-Baptiste Defrance, orgies sourdes de gris (piquetées de touches

de vert, bleu…), qui semblent réinventer d’étrange manière le romantisme d’un Casper David Friedrich, en livrant un précipité contemporain et angoissant. À regarder en écoutant le Winterreise de Schubert à plein tube…

Si l’on demeure enchantés par les dessins d’Haleh Zahedi (avec notamment la série de grande taille Surplis, 2022), formes organiques semblant échappées d’un tableau de Bacon passé au noir, la découverte d’Arrtist Duo est une belle surprise. Nathalie Franz et Alexander Suvorov composent des œuvres à quatre mains, créant une

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poésie visuelle sémantique. Les mots – tamponnés ou peints – sont en effet leur matériau premier : fleurs, créatures arachnéennes, relecture de la propagande socialiste… Les lettres caracolent. Substantifs et adjectifs vacillent. Perdent leur signification pour en trouver une nouvelle, pleine d’un onirique lyrisme. Enfin, comment ne pas craquer pour Pio Rahner ? Le natif d’Offenbourg collecte notamment des objets où demeure présente l’âme d’un lieu disparu. Il expose ici Gouttière (2016-19), parallélépipède d’un mètre de long sur vingt centimètres de côté, fait essentiellement de paraffine et de cire d’abeille provenant des bougies allumées dans des dizaines et des dizaines d’églises. Dans ce bloc austère se concentre ainsi le souvenir des milliers de prières. Et l’évanescence sacrée se fait matière brute…

Nach einem ersten Teil im öffentlichen Raum, der großformatige Werke präsentierte und im vergangenen Oktober in Straßburg endete, zieht der zweite, intimere, in die Säle der Städtischen Galerie ein. Sie sind zehn und alle in den 1980er Jahren geboren, wohnen in Frankreich oder Deutschland. Indem sie der Erinnerung einen Weg bahnen, bilden Gemälde, Zeichnungen, Photographien, Skulpturen und Installationen einen Rundgang von großer Intensität. Er beginnt mit den Leinwänden von Marion Sautter, schwebenden und melancholischen Landschaften, sanft wie die Erinnerung, wie bei einer Improvisation in Orange und Blau (2022) einer Irrfahrt durch den Wald, über den der Schatten des Liedes von The Cure gleitet. Darauf folgt die verführerische Malerei ohne Stütze/installierte Malerei von David Sibieude die einzig aus Pigmenten gemacht sind: Diese Volumen, die an Häute erinnern, entfalten sich in einer faszinierenden Chromatik, organische und zerbrechliche Formen, die lebendig erscheinen, je nach Lichteinfall, Ort und dem Blickwinkel des Betrachters verschiedene Gefühle bei diesem erzeugen. Man bleibt ebenfalls an den extrem tiefgründigen Abstraktionen von Jean-Baptiste Defrance kleben, der auf eine bizarre Weise die Romantik eines Casper David Friedrich neu zu erfinden scheint, indem er ein zeitgenössisches und beängstigendes Konzentrat liefert. Bei der Betrachtung hat man den Ein-

druck Schuberts Winterreise in voller Lautstärke zu hören…

Während wir von den Zeichnungen von Haleh Zahedi (insbesondere mit der großformatigen Serie Surplis , 2022) verzaubert sind, organischen Formen, die aus einem geschwärzten Gemälde von Bacon zu stammen scheinen, ist die Entdeckung des Arrtist Duos eine schöne Überraschung. Nathalie Franz und Alexander Suvorov komponieren vierhändige Werke, kreieren eine semantische visuelle Poesie. Die Worte – gestempelt oder gemalt – sind in der Tat ihr Lieblingsmaterial: Blumen, spinnenartige Kreaturen, eine Neuinterpretation der sozialistischen Propaganda… Die Buchstaben tollen herum. Substantive und Adjektive taumeln. Verlieren ihre Bedeutung, um eine neue von lyrischer Verträumtheit zu finden. Und wie soll man nicht schwach werden für Pio Rahner? Der gebürtige Offenburger sammelt insbesondere Objekte, in

denen die Seele eines verlorenen Ortes noch präsent ist. Er stellt hier Rinne aus (2016-19), einen Parallelpiped von einem Meter Länge und zwanzig Zentimetern Höhe, hauptsächlich aus Paraffin und Bienenwachs gemacht, der von abgebrannten Kerzen aus zahlreichen Kirchen stammt. In diesem schmucklosen Block konzentriert sich somit die Erinnerung an tausende Gebete. Und aus der heiligen Vergänglichkeit wird ein Rohmaterial…

À la Städtische Galerie (Offenbourg) jusqu’au 2 avril (dans le cadre des Heimattage et en collaboration avec Quinz’art)

In der Städtischen Galerie (Offenburg) bis zum 2. April (im Rahmen der Heimattage und in Zusammenarbeit mit Quinz’art) galerie-offenburg.de –heimattage-offenburg.de

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Légendes Bildunterschriften 1. Solweig de Barry, Ohne Titel, 2022
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2. Haleh Zahedi, de la série Surplis I, 2022

Gold Digger

La Völklinger Hütte, usine sidérurgique classée au patrimoine culturel mondial de l’Humanité, fête ses 150 ans avec une rétrospective consacrée au vidéaste Julian Rosefeldt.

Die Völklinger Hütte, Eisen-und Stahlhütte, die zum Weltkulturerbe der Unesco gehört, feiert ihre 150jähriges Jubiläum mit einer Retrospektive, die dem Videokünstler Julian Rosefeldt gewidmet ist.

Par Von Thomas Flagel – Photos de von Studio Julian Rosefeldt, Berlin

Les anciens ouvriers comme les visiteurs de passage à Völklingen vont en prendre plein les yeux. S’il y a déjà eu de grands noms et des expositions d’envergure internationale (Boltanski, l’Urban Art…), les 6 000 m2 de la salle des soufflantes et de la salle de compression de ce monstre d’acier sont, peut-être pour la première fois, habités par une œuvre tenant tête au gigantisme des lieux. Sept installations spatialisées du Berlinois Julian Rosefeldt se déploient en effet sur d’immenses écrans avec, pour point d’orgue des 20 dernières années de création ici réunies, EUPHORIA. L’artiste n’y fait pas dans la demie-mesure : 2h de film diffusées en boucle sur de multiples écrans par 24 canaux, 150 enfants formant un chœur antique dont les corps projetés à taille réelle nous entourent, 5 batteurs de jazz géniaux derrière leurs instruments qui attendent d’en découdre avec le silence. Le tout sert d’écrin immersif à une critique des effets «  de l’économie de marché néolibérale débridée, avec ses enchevêtrements historiques, sociaux et politiques », assure celui qui multiplie les collages de citations mêlant Despentes, Einstein, Houellebecq ou encore… Snoop Dog ! Tourné une semaine avant le début

de la guerre, dans l’ancienne gare de Kiev, entourée d’un impressionnant cimetière de bus, EUPHORIA a tout de l’opéra fleuve visuellement opulent avec ses centaines de figurants et d’interprètes danseurs, circassiens, acrobates, comédiens et chanteurs rivalisant de virtuosité. D’un hall de banque newyorkaise où les aigles se tiennent en plumes et en os sur le dossier des chaises et pas uniquement sur les drapeaux, nous cheminons en taxi dans Big Apple, philosophons avec des SDF autour d’un braséro en plein hiver, errons dans un supermarché dont on ne sait s’il est désert à cause de l’heure tardive où à cause du tigre qui déambule dans ses rayons, parlant avec la voix de Cate Blanchett. Des ouvrières faisant les trois huit dans un entrepôt de colis aux skateboarders squattant un dépôt de bus délabré, nous suivons les pensées et discussions de nombreux personnages marginalisés (où se pensant en marge) qui, malgré leurs aspirations, tiennent chacun un rôle dans le système dénoncé, souvent même sans le savoir. Autre pépite de l’exposition, DEEP GOLD, plongée dadaïste en noir et blanc dans les années 1920. Cette déambulation triste et mélancolique d’un homme dans un décor de ville

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EUPHORIA, 2022

en proie à la violence multiplie les travelings somptueux, les apparitions fantasques et référencées (un zeppelin nommé SCUM, un jeune et présomptueux Dalí à moustache) dans une débauche de travestissement, d’humour mordant et de satire peignant un monde en décadence façon Max Beckmann. Lorsque notre guide passe de l’autre côté de ce qui se révèle être un décor de cinéma, c’est la réalité qui s’effondre, le fascisme, les années folles et lubriques, la douce rêverie d’un promeneur solitaire.

Die ehemaligen Arbeiter und Besucher von Völklingen werden Augen machen. Auch wenn schon große Namen von internationaler Tragweite (Boltanski, Urban Art…) die 6 000 m2 der Gebläsehalle und der Verdichterhalle dieses Stahlmonsters bespielt haben, werden sie, vielleicht zum ersten Mal, von einem Werk eingenommen, das dem Gigantismus des Ortes Stand hält. Sieben Rauminstallationen des Berliners Julian Rosefeldt entfalten sich in der Tat auf riesigen Leinwänden mit dem Höhepunkt seiner Kreationen aus den letzten zwanzig Jahren, die hier vereint sind, EUPHORIA. Der Künstler macht hier keine halben Sachen: Ein zweistündiger Film, der in Endlosschleife auf den zahlreichen Bildschirmen durch 24 Kanäle ausgestrahlt wird, 150 Kinder, die einen antiken Chor bilden, deren Körper in Lebensgröße uns umzingeln, 5 geniale Jazz-Schlagzeuger hinter ihren Instrumenten, die darauf Warten mit der Stille zu brechen. Das Ganze dient als immersiver Rahmen für eine Kritik der Auswirkungen „der zügellosen neoliberalen Marktwirtschaft, mit ihren historischen, sozialen und politischen Verwicklungen“ versichert jener, der in zahlreichen Kollagen Zitate von Despentes, Einstein, Houellebecq oder auch Snoop Dog vermischt! Im ehemaligen Bahnhof von Kiew gedreht, umgeben von einem beeindruckenden Busfriedhof, eine Woche vor dem Beginn des Krieges, hat EUPHORIA etwas von einer MammutOper, visuell opulent mit hunderten Statisten und Tänzern, Zirkusartisten, Akrobaten, Schauspielern und Sängern, die

sich an Virtuosität übertreffen. Von der Eingangshalle einer Bank in New York, in der Adler aus Federn und Blut auf den Stuhllehnen sitzen und statt auf den Flaggen, fahren wir mit dem Taxi in den Big Apple, philosophieren mit Obdachlosen um eine Feuerstelle herum, mitten im ukrainischen Winter, irren durch einen Supermarkt, von dem man nicht weiß ob er aufgrund der späten Stunde leer ist, oder aufgrund des Tigers, der durch die Gänge streift und mit der Stimme von Cate Blanchett spricht. Von den Arbeitern, die in einem Paketlager Schichtdienst leisten bis zu den Skateboardern, die ein baufälliges Bus-Depot eingenommen haben, folgen wir den Gedanken und Diskussionen zahlreicher Personen am Rande der Gesellschaft (oder jener die sich dafür halten), die trotz ihres Strebens, alle eine Rolle in diesem System haben, das sie denunzieren, oft sogar ohne es zu wissen. Ein weiteres Glanzstück der Ausstellung ist DEEP GOLD ein dadaistischer Sprung in die Zwanzigerjahre in schwarz-weiß. Dieser triste und melancholische Spaziergang eines Mannes durch den Dekor einer Stadt, die Gewalt in vielfältiger Form zum Opfer fällt, mit wunderbaren Kamerafahrten, phantastischen Auftritten und Referenzen (ein Zeppelin mit dem Namen SCUM, ein junger und überheblicher Dalí mit Schnurrbart) in Travestie-Ausschweifungen, mit bissigem Humor und Satire, der eine dekadente Welt à la Max Beckmann beschreibt. Als unser Führer auf die andere Seite von jenem tritt, was sich als Filmkulisse entpuppt, ist es die Realität, die in sich zusammenbricht, der Faschismus, die wahnsinnigen und schlüpfrigen goldenen Zwanzigerjahre, der zerbrechliche Traum eines einsamen Spaziergängers.

Au Patrimoine culturel mondial Völklinger Hütte (Völklingen)

jusqu’au 3 septembre

Im Weltkulturerbe Völklinger Hütte (Völklingen) bis zum 3. September voelklinger-huette.org

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DEEP GOLD, 2013/14

Real Humans

Transformers fait dialoguer des icônes de la collection Frieder Burda avec plusieurs créatures artificielles réalisées par des plasticiens contemporains. Et soudain, le musée prend vie…

Transformers stellt einen Dialog zwischen der Sammlung Frieder Burda und mehreren künstlichen Kreaturen her, die von zeitgenössischen bildenden Künstlern realisiert wurden. Und plötzlich wird das Museum lebendig… Par

Pantalon de cuir skinny. Boots argentées. Pull noir et cheveux blonds cascadant avec douceur. Une jeune femme est posée sur un banc, contemplant une toile abstraite de Gerhard Richter de 1997, envoûtant lac vert dans lequel le regard se perd. En s’approchant, le visiteur découvre qu’il s’agit d’une créature artificielle, clone (de silicone avec armature de métal) créé à partir d’un scan 3D de l’artiste Louisa Clement, qui a disséminé trois de ses Représentantes (2002) au rez-de-chaussée du musée. Une fois assis, une conversation un brin surréaliste peut s’ébaucher en anglais avec ce Real human, qui parle de tout et de rien, surtout. Reste que la discussion avec ces IA glam chic est fascinante, tout autant que celle qu’elles entretiennent avec les chefs-d’œuvre de la collection accrochés aux murs. Ces trois femmes-machines entrent ainsi en résonance avec le triptyque Zyklop I, II, III –dithyrambisch (1973) de Markus Lüpertz, mais aussi avec Party (1963) de Gerhard Richter, toile balafrée où les personnages sont couturés, métamorphosant une soirée idéale de l’American way of life en bal des vampires. Des pièces du passé parlent à celles du présent, voire de l’avenir, «  revivifiant la notion de musée de manière radicale. Nous tentons là une expérience, dans le but d’aller au-delà de la performance, avec des moyens technologiques nouveaux  », résume Udo Kittelmann, directeur artistique du Museum Frieder Burda et commissaire de cette exposition interrogeant en finesse la technologie et ses limites.

La suite du parcours est conforme à ce credo avec I... I... I… (2019) : une souris blanche mignonette pointe le bout de son museau depuis un trou pratiqué au ras du sol. Sculpture animatronique signée Ryan Gander, elle balbutie des sons enfantins difficilement compréhensibles. Voilà qui questionne notre condition, à l’image de Kerze (1982), “photo-peinture” de Gerhard Richter en forme de vanité contemporaine, qui fait face à son avatar numérique et mobile signé Timur Si-Qin, dont sont aussi montrées des pièces de la série Mainstream, affiches du film Transformers modifiées, histoire de confronter la nature à ces machines extraterrestres. L’exposition s’achève avec une installation de 2014 réalisée par Jordan Wolfson : entrant dans une pièce aveugle enchâssée dans une salle où sont accrochées des merveilles – Copley, Pollock, Baselitz, etc. –, le visiteur est ébloui par une atmosphère clinique. Face à lui,

une Female Figure, créature robotique badass en cuissardes et tanga blancs cradingues, se déhanche sur Graceland de Paul Simon et Applause de Lady Gaga à fond les ballons. Excitation et répulsion se mêlent. Impudique, la danseuse, qu’on croirait sortie d’un claque du Nebraska, vous lance des regards à la fois lascifs et comminatoires, métaphores d’un avenir possible pour notre époque aussi troublante que troublée.

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Von Hervé Lévy

Skinny Lederhose. Silberne Stiefel. Schwarzer Pullover und blondes wallendes Haar. Eine junge Frau sitzt auf einer Bank und blickt auf ein abstraktes Gemälde von Gerhard Richter von 1997, einen in seinen Bann ziehenden grünen See, in dem sich der Blick verliert. Bei näherer Betrachtung entdeckt der Besucher, dass es sich um ein künstliches Wesen handelt, einen Klon (aus Silikon mit Metall-Armatur), der auf der Basis eines 3D-Scans der Künstlerin Louisa Clement kreiert wurde, die drei dieser Repräsentantinnen (2002) im Erdgeschoss des Museums verstreut hat. Wenn man einmal neben ihm sitzt, kann sich ein leicht surrealistisches Gespräch in englischer Sprache mit diesem Real human entwickeln, der über alles und vor allem nichts spricht. Die Diskussion mit diesen glamourös-schicken AI ist faszinierend, ebenso wie jene, die sie mit den Meisterwerken der Sammlung, die an den Wänden hängen, unterhalten. Diese drei MaschinenFrauen treten so in Resonanz mit dem Triptychon Zyklop I, II, III – dithyrambisch (1973) von Markus Lüpertz, aber auch Party (1963) von Gerhard Richter, einer Leinwand mit Schmiss, auf der die Figuren mit Nähten übersät sind, so dass ein idealer Abend des American way of life sich in einen Ball der Vampire verwandelt. Die Werke der Vergangenheit sprechen mit jenen der Gegenwart, sogar jenen der Zukunft, „indem sie die Idee von Museum radikal aufs Neue hinterfragen. Wir wagen ein Experiment, eine konsequente Fortsetzung der Idee der Performance, mit neuen technologischen Mitteln“ fasst der künstlerische Leiter des Museums Frieder Burda und Kurator dieser Ausstellung Udo Kittelmann zusammen, der mit Finesse die Technik und ihre Grenzen ausleuchtet.

Der Rest des Rundgangs entspricht diesem Kredo mit avec I... I... I… (2019): Eine süße weiße Maus streckt ihr Schnäuzchen

aus einem Loch, das auf Bodenhöhe in die Wand gebrochen wurde. Die animatronische Skulptur von Ryan Gander stottert kindliche Worte, die schwer verständlich sind. So stellt sie unsere Situation in Frage, ebenso wie die Kerze (1982), „Photo-Gemälde“ von Gerhard Richter in Form eines zeitgenössischen Vanitas-Still-Lebens, das seinem digitalen und mobilen Avatar von Timur Si-Quin gegenübersteht, von dem auch Werke aus der Serie Mainstream gezeigt werden, bearbeitete Plakate des Films Transformers, um die Natur mit außerirdischen Maschinen in Kontrast zu setzen. Die Ausstellung endet mit einer Installation von 2014 von Jordon Wolfson: Der Besucher, der in einen abgedunkelten, abgetrennten Raum eintritt, in einem Saal, in dem Meisterwerke hängen – Copley, Pollock, Baselitz, etc. –, wird von einer klinischen Atmosphäre geblendet. Ihm gegenüber schwingt eine Female Figure, eine knallharte Roboter-Kreatur in Overknee-Stiefeln und dreckigem weißen Tanga, die Hüften zu Graceland von Paul Simon und Applause von Lady Gaga, in extremer Lautstärke. Erregung und Abstoßung vermischen sich. Schamlos wirft uns die Tänzerin, die aus einem Bordell in Nebraska entsprungen sein könnte, gleichzeitig laszive und drohende Blicke zu, Metaphern einer möglichen Zukunft unserer ebenso verwirrenden wie verwirrten Epoche.

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Légendes Bildunterschriften 1. Jordan Wolfson, Female Figure, 2014, Studio Jordan Wolfson © Courtesy the artist, David Zwirner, New York, Sadie Coles HQ, London; Foto: Markus Tretter, Kunsthaus Bregenz 2. Ryan Gander, I…I…I…, 2019, Collection Sammlung H. Müller-Spreer © The artist/VG BildKunst, Bonn 2022, Image courtesy the artist and Esther Schipper, Berlin; Photo © N. Kazakov
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Au Museum Frieder Burda (Baden-Baden) jusqu’au 30 avril Im Museum Frieder Burda (Baden-Baden) bis zum 30. April museum-frieder-burda.de

Connection

Avec [Un]Earthing, de Saša Spačal, la Stadtgalerie Saarbrücken plonge au cœur du bio-art et invite à penser une écologie nouvelle.

Mit [Un]Earthing von Saša Spačal taucht die Stadtgalerie Saarbrücken ins Herz der Bio-Art ein und lädt zum Denken einer neuen Ökologie ein.

Formée aux sciences de la biologie et connue pour son œuvre digne des plus grands récits d’anticipation, la Slovène Saša Spačal déploie depuis une quinzaine d’années les plus improbables et fascinants scénarios d’un futur où l’humanité pourrait communiquer avec des espèces autres que la sienne. Ainsi avait-elle fait sensation en 2013 avec la capsule My connect, qui invitait les visiteurs à entrer, via des capteurs sensoriels, en symbiose avec un champignon – ou plus précisément du mycélium, réseau de filaments fongiques souterrain grâce auquel les plantes ont pu coloniser la Terre ! Au carrefour de l’art, des sciences du vivant et de la technologie, ses installations participatives (qu’on pense aux récentes MycoMythologies ou à Meta_bolus, présentée à Sarrebruck) sont autant de provocations poétiques dont l’objectif est de faire comprendre les connexions multiples liant les êtres humains à l’ensemble des écosystèmes de la planète. Histoire de rappeler à l’Homme qu’il est simple maillon dans la chaîne – et non point son maître ou possesseur ! En parallèle, la Stadtgalerie présente An Influencer Will Save the World, avec les dessins du jeune auteur de BD Eric Schwarz, ironique plongée colorée dans un monde post-apocalyptique pas si lointain.

Die Slowenin Saša Spačal, die Biologiewissenschaften studiert hat und für ihr Werk bekannt ist, das den größten Antizipationsromanen in nichts nachsteht, entfaltet seit rund fünfzehn Jahren die unwahrscheinlich -

sten und faszinierendsten Szenarien einer Zukunft, in der die Menschheit mit anderen Arten als der ihrigen kommunizieren könnte. So hatte sie 2013 mit der Kapsel My connect für eine Sensation gesorgt, die die Besucher dazu einlud, anhand von Sinnes-Sensoren eine Symbiose mit Pilzen einzugehen – oder genauer gesagt mit dem Mycel, einem Netzwerk von unterirdischen Pilz-Fäden, anhand derer die Pflanzen miteinander kommunizieren und die Erde kolonisieren konnten! An der Kreuzung zwischen Kunst und Wissenschaft des Lebenden und der Technik sind ihre partizipativen Installationen (man denke an die neuen MycoMythologies oder Meta_bolus, die in Saarbrücken präsentiert werden) poetische Provokationen, deren Ziel es ist, die unzähligen Verbindungen zwischen den menschlichen Wesen und der Gesamtheit des Ökosystems des Planeten verständlich zu machen. Der Mensch wird daran erinnert, dass er nur ein Glied in der Kette ist – und keinesfalls ihr Meister oder Besitzer! Parallel dazu präsentiert die Stadtgalerie An Influencer Will Save the World, mit Zeichnungen des jungen Comic-Autors Eric Schwarz, ein ironisches buntes Eintauchen in eine post-apokalyptische Welt, die nicht so weit entfernt ist.

À

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Par Von Suzi Vieira – Photos de von Karolina Prica (Meta_bolus) la Stadtgalerie Saarbrücken (Sarrebruck) du 24 février au 14 mai In der Stadtgalerie Saarbrücken (Saarbrücken) vom 24. Februar bis 14. Mai stadtgalerie.saarbruecken.de

Parce que je le dois », lâche, laconique, Günter Grass ; « Parce que j’ai faim », explique quant à elle l’actrice Milla Jovovich. Tous deux ont accepté de répondre à cette question existentielle inlassablement posée depuis trois décennies par le réalisateur allemand Hermann Vaske : Why are you creative?, devenu aujourd’hui film documentaire, projet multimédia et fascinante exposition. D’où viennent les idées ? Comment arrivent-elles à se concrétiser ? Qu’est-ce qui les bloque ? On sait peu de choses sur le processus permettant de passer de la pensée à l’œuvre. Pour mieux cerner cette genèse, Vaske a interrogé pas moins de 1 000 cerveaux prestigieux, de David Bowie à Stephen Hawking, d’Ai Weiwei à Nelson Mandela, de Mikhaïl Gorbatchev à Zaha Hadid et de Marylin Manson au Dalaï Lama. Condensant leurs analyses, il propose une passionnante expédition au pays de la création, entre montage frénétique des réflexions de certains intervenants sur l’origine de leur talent (un simple don de Dieu pour Quentin Tarantino) et présentation d’œuvres d’autres interviewés, tel ce dessin de Damien Hirst le figurant en pénis éjaculant face à une vulve à peine esquissée.

eil ich muss“, lässt Günter Grass lakonisch fallen; „Weil ich Hunger habe“, erklärt ihrerseits die Schauspielerin Milla Jovovich. Alle beide waren dazu bereit auf diese existentielle Frage zu antworten, die seit

Je crée, donc je suis

Plongée au cœur des origines de l’inventivité humaine, Why are you creative? retrace l’enquête folle menée par Hermann Vaske depuis 35 ans.

Ich kreiere, also bin ich

Ein Eintauchen ins Zentrum des menschlichen Einfallsreichtums mit Why are you creative?, das eine verrückte Untersuchung von Hermann Vaske erzählt, die seit 35 Jahren andauert.

drei Jahrzehnten ohne Unterlass vom deutschen Filmregisseur Hermann Vaske gestellt wird: Why are you creative? ist heute zu einem Dokumentarfilm, einem Multimedia-Projekt und zu einer faszinierenden Ausstellung geworden. Woher kommen die Ideen? Wie werden sie konkretisiert? Wovon werden sie blockiert? Man weiß wenig über den Prozess, der es erlaubt von der Idee bis zum Werk zu gelangen. Um diese Genese besser zu verstehen hat Vaske nicht weniger als 1000 renommierte Köpfe befragt, von David Bowie bis Stephen Hawking, von Ai Weiwei bis Nelson Mandela, von Michail Gorbatschow bis Zaha Hadid und Marylin Manson bis zum Dalaï Lama. Indem er ihre Analysen zusammenfasst, schafft er einen begeisternden Ausflug ins Land der Kreation, zwischen frenetischer Montage der Überlegungen einiger Teilnehmer zum Ursprung des Talents (eine einfache Gabe Gottes für Quentin Tarantino) und einer Präsentation von Werken anderer Interviewten, wie diese Zeichnung von Damien Hirst, die ihn als ejakulierenden Penis gegenüber einer kaum skizzierten Vulva darstellt.

Légende Bildunterschrift

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Au Stadtmuseum Simeonstift (Trèves) du 12 février au 16 avril Im Stadtmuseum Simeonstift (Trier) vom 12. Februar bis 16. April museum-trier.de Johnny Depp © Hermann Vaske / Emotional Network

All That You Have Is Your Soul

En plein cœur des Vosges du Nord, l’art délicat de Fabien Mengus s’épanouit à L’Arnsbourg depuis 2016. Visite chez le chef établi à Baerenthal, à quelques encablures de son Alsace natale.

Im Herzen der Nordvogesen entfaltet sich seit 2016 die delikate Kunst von Fabien Mengus in L’Arnsbourg. Besuch beim Chefkoch in Baerenthal, einen Steinwurf von seiner Geburtsregion, dem Elsass entfernt.

Il est un des cuisiniers les plus discrets de la région : Fabien Mengus a passé une quinzaine d’années au Cygne de Gundershoffen (d’abord dans l’ombre de François Paul puis, dès 2011, dans la lumière des deux Étoiles Michelin), avant de reprendre l’institution gastronomique qu’est L’Arnsbourg, posé en plein cœur du “pays verrier” – Meisenthal ou SaintLouis-lès-Bitche sont à une portée de fusil. En six ans, avec son épouse Laure – hôtesse souriante et prévenante –, le jeune quadragénaire « parti d’une feuille vierge » a réussi son pari. « Nous avons essayé de faire un peu mieux tous les jours. Aujourd’hui, nous nous sommes appropriés les lieux. » Et le rachat de l’hôtel en 2018, îlot d’élégante contemporanéité posé à quelques pas du restaurant et véritable balcon sur la forêt (tant les échappées belles sylvestres depuis les chambres sont charmantes), y a sans aucun doute contribué. Si le chef est peu disert, ses compositions nimbées d’une puissante sérénité, extraordinairement expressives et pleines d’une généreuse poésie, parlent pour lui : «  On voit l’âme d’une

personne dans les assiettes qu’il compose  », affirme dans un sourire celui qui n’a qu’une Étoile au Guide Michelin et mériterait assurément de doubler la mise. Et d’âme, il est question à chaque instant du repas.

Une création ayant pour épicentre des médaillons de homard séduit l’œil : le noble crustacé y dialogue avec des dés de chou-rave à la douce sucrosité et une étuvée de chou chinois, dans une structure où l’organisation rigoureuse s’amuse du chaos, à l’image de certaines galaxies observées au télescope. Liant l’ensemble, un sabayon éthéré au citron vert piqueté de poudre de corail renforce l’effet cosmique de l’affaire, y apportant une touche acidulée qui crée la cohérence du plat. Suit une composition abstraite à l’implacable géométrie, présentant (de droite à gauche) trois noix de Saint-Jacques, un pavé rectangulaire de chou vert braisé marqueté d’éclats de sarrasin et un cercle de jus aux herbes d’un vert iridescent. L’ensemble – qui aurait pu être peint par Vasarely, à ses

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Par Von Hervé Lévy – Photos de von Cyrille Fleckinger

débuts – est une explosion de fines saveurs laissant le dîneur heureux. Enfin, impossible de ne pas évoquer la tendresse d’un dos de jeune cerf, que jouxte une poignée de cubes de butternut infusés à la badiane – on ne soulignera jamais assez le rôle des saveurs anisées pour faire danser le cha-cha-cha à un plat –, accompagné d’un sylvestre condiment de mûres et framboises à l’estragon. Toute cette majesté exhale un puissant parfum de revenez-y. Voilà qui explique sans doute pourquoi de nombreux clients de L’Arnsbourg sont des habitués !

Er ist einer der diskretesten Köche der Region: Fabien Mengus hat rund fünfzehn Jahre im Cygne in Gundershoffen verbracht – zunächst im Schatten von François Paul, dann, ab 2011 im Licht von zwei Sternen im Guide Michelin –, bevor er die gastronomische Institution L’Arnsbourg übernahm, inmitten des „Glaser-Landes“ – Meisenthal oder Saint-Louis-lès-Bitche sind direkt nebenan. In sechs Jahren hat der junge Vierzigjährige, mit seiner Ehefrau Laure – einer fröhlichen und zuvorkommenden Gastgeberin – der „ von einem unbeschriebenen Blatt ausgegangen ist “ seine Wette gewonnen. „ Wir haben versucht es jeden Tag ein bisschen besser zu machen. Heute haben wir uns den Ort angeeignet.“ Und der Ankauf des Hotels im Jahr 2018, einer Insel von eleganter Zeitgenössigkeit, wenige Schritte vom Restaurant entfernt, das ein wahrer Balkon zum Wald hin ist (die Aussichten auf den Forst von den Zimmern aus sind charmant), hat sicherlich dazu beigetragen. Während der Küchenchef nicht sehr gesprächig ist, sind seine Kompositionen von einer starken Ruhe geprägt, außergewöhnlich ausdruckstark und von einer großzügigen Poesie getränkt, die für ihn sprechen: „Man sieht die Seele einer Person an den Tellern, die sie komponiert“, bestätigt jener mit einem Lächeln, der nur einen Stern im Guide Michelin hat, mit völliger Sicherheit aber das Doppelte verdient hätte. Und um die Seele geht es an jedem Moment des Essens.

Eine Kreation, deren Epizentrum Hummer-Medaillons sind, verführt das Auge: Das noble Krustentier tritt hier in einen

Dialog mit Kohlrabi-Würfeln mit zarter Süße und gedämpftem Chinakohl in einer Struktur, in der sich die strenge Organisation mit dem Chaos amüsiert, wie bei gewissen Galaxien, die man mit dem Teleskop beobachtet. Ein ätherisches Sabayon mit Limette, das mit Koralle gespickt ist, verstärkt den kosmischen Effekt des Ganzen, mit einem Hauch von Säure, der die Kohärenz des Gerichts ausmacht. Es folgt eine abstrakte Komposition von perfekter Geometrie, die (von rechts nach links) drei Jakobsmuscheln präsentiert, ein Rechteck mit geschmortem Wirsing, das mit Buchweizen übersät ist und einen Kreis aus Kräuter-Jus in schillerndem Grün. Das Ensemble –das vom jungen Vasarely gemalt sein könnte – ist eine Explosion feiner Geschmacksnoten, die den Speisenden glücklich zurücklassen. Und schließlich ist es unmöglich die Zartheit des Rückens eines jungen Hirschs nicht zu erwähnen, der neben Butternut-Würfeln, die in Sternanis eingelegt wurden – der Wert von Anis-Noten um ein Gericht Cha-Cha-Cha tanzen zu lassen, ist nicht zu unterschätzen – in Begleitung von Bromund Himbeeren aus dem Wald mit Estragon. Diese ganze Erhabenheit strömt ein starkes Parfum von „Komm-Wieder“ aus. Das erklärt sicherlich, warum die zahlreichen Gäste in L’Arnsbourg inzwischen Stammgäste sind!

L’Arnsbourg est situé 18 Untermuhlthal à Baerenthal. Fermé lundi et mardi toute la journée, ainsi que mercredi midi. Menus de 59 à 149 € L’Arnsbourg liegt im 18 Untermuhlthal in Baerenthal. Montags und dienstags ganztägig geschlossen, sowie mittwochs mittags. Menu von 59 bis 149€ arnsbourg.com

> Le Cygne, table bistronomique de Laure et Fabien Mengus, se trouve 35 Grand Rue à Gundershoffen. Le chef exécutif Jean-François Royer officie dans cette adresse récompensée par un Bib Gourmand au Guide Michelin, distinguant les tables offrant le meilleur rapport qualité-prix. aucygne.fr

> Le Cygne, Bistronomie-Küche von Laure und Fabien Mengus, liegt in der 35 Grand Rue in Gundershoffen. Der Küchenchef Jean-François Royer wirkt an dieser Adresse, die mit einem Bib Gourmand im Guide Michelin ausgezeichnet wurde, einer Auszeichnung für die Häuser mit dem besten Preis-Leistungsverhältnis. aucygne.fr

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Le Petit Livre rouge

Chaque année, le Guide Michelin décerne ses étoiles : pour l’édition 2023, c’est à Strasbourg que se déroule la cérémonie. Qui seront les prochains lauréats en Alsace ? Poly prend les paris.

Das kleine rote Buch

Jedes Jahr verleiht der Guide Michelin seine Sterne: Für die Ausgabe 2023 findet die Zeremonie in Straßburg statt. Wer sind die nächsten Preisträger im Elsass? Ein Antwortversuch.

Délocalisée pour la première fois hors de Paris l’an passé, à Cognac, la cérémonie officielle d’annonce des Étoiles du Guide Michelin 2023 se déroule à Strasbourg, sous l’égide de la Collectivité européenne d’Alsace et dans le cadre d’une année de la gastronomie. Cette dernière sera riche de nombreux événements – défense des terroirs, transmission des savoir-faire, réflexions sur le “bien vivre, bien manger” en milieu scolaire ou dans les Ehpad, etc. –, positionnant la région en pointe dans le domaine sur l’échiquier européen. Plus de mille chefs sont attendus pour une cérémonie oversize diffusée en direct sur Internet. Si les voies du Petit Livre rouge demeurent impénétrables, on peut imaginer

quelques nouveautés en Alsace, après une édition 2022 où ce fut le calme plat. Poly se risque au jeu des pronostics et décerne ses Étoiles.

Die offizielle Zeremonie der Verkündigung der Sterne im Guide Michelin , die im vergangenen Jahr erstmals außerhalb von Paris in Cognac stattfand, spielt sich 2023 in Straßburg unter der Schirmherrschaft der Europäischen Gebietskörperschaft Elsass und im Namen eines Jahres der Gastronomie statt. Letzteres wird zahlreiche Veranstaltungen bieten – Verteidigung des Terroirs, Weitergabe von Wissen, Überlegungen zum „Gut leben, gut essen“ in der Schule und in Altenheimen, etc. – die die Region in

der europäischen Szene als Vorreiter positionieren. Mehr als hundert Küchenchefs werden erwartet, für eine Riesen-Zeremonie, die live im Internet übertragen wird. Auch wenn die Wege des Kleinen Roten Buchs unergründlich sind, kann man sich im Elsass einige Neuigkeiten vorstellen, nach einer Auflage 2022 mit totaler Funkstille. Poly wagt sich an ein Prognosen-Spiel und verleiht seine Sterne.

Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg) lundi 6 mars Im Palais de la Musique et des Congrès (Straßburg) am Montag den 6. März guide.michelin.com – alsace.eu

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Par Von Hervé Lévy - Photo de von Mike Weiss (de:ja)

Hunter

Chef majeur de notre temps, Olivier Nasti – désigné Cuisinier de l’année 2023 par le Gault&Millau – dépoussière l’image du gibier avec maestria. Chasseur émérite, le Meilleur Ouvrier de France est notamment le créateur d’un plat iconique, le tartare de cerf au caviar. On aime aussi énormément son esprit avant-gardiste, illustré par une éblouissante neige de foie gras, tourbillon extatique et terrien s’amusant avec une crème de berawecka et quelques éclats de tomme des montagnes.

Einer der großen Küchenchefs unserer Zeit, Olivier Nasti – vom Gault&Millau zum Koch des Jahres ausgezeichnet – entstaubt das Image von Wild mit Meisterhand. Als herausragender Jäger ist der Meilleur Ouvrier de France unter anderem der Schöpfer eines ikonischen Gerichts, dem Hirsch-Tatar mit Kaviar. Wir mögen auch seinen avantgardistischen Geist sehr, der von einem blendenden Foie-GrasSchnee illustriert wird, einem ekstatischen und bodenständigen Wirbelsturm, der sich mit einer Früchtebrot-Creme und einigen Splittern Bergkäse amüsiert.

La Table d’Olivier Nasti (Kaysersberg) lechambard.fr

Dukes

Installé dans une maison centenaire voulue par Ettore Bugatti, l’établissement offre un décor gracieux, où se mêlent cristaux précieux – Baccarat pour le Salon d’été et Lalique pour le Salon d’hiver –, mobilier moderne chic et œuvres de Charles Spindler. Sensibilité, douceur, classicisme sont les mots décrivant au mieux la cuisine de Nicolas StammCorby. Avec Serge Schaal en salle, le duo, véritable porteétendard de la région, est la parfaite incarnation de l’esprit alsacien au XXIe siècle.

In einem hunderte Jahre alten Haus installiert, das Ettore Bugatti errichten ließ, bietet diese Einrichtung eine charmante Dekoration in der sich wertvolle Kristalle – Baccarat im Sommersalon und Lalique im Wintersalon –, schicke moderne Möbel und Werke von Charles Spindler mischen. Sensibilität, Sanftheit, Klassizismus sind die Worte, die am Besten die Küche von Nicolas Stamm-Corby beschreiben. Mit Serge Schaal im Saal ist das Duo ein echter Fahnenträger der Region, die perfekte Inkarnation des elsässischen Geistes des 21. Jahrhunderts.

La Fourchette des Ducs (Obernai) lafourchettedesducs.com

Mr. Natural

Frontale et proche de la nature, brute sans être brutale, la cuisine de Jérôme Jaegle se déploie dans des efflorescences de finesse. Pensons à un céleri conservé deux ans et demi pour atteindre sa plénitude ou à une multitude de plantes – deux par plat, c’est la règle – transcendant nos sens.

Frontal und nah an der Natur, roh ohne brutal zu sein, entfaltet sich die Küche von Jérôme Jaegle mit Blüten von Finesse. Man denke an einen Sellerie, der zweieinhalb Jahre konserviert wird, um seine ganze Pracht zu entfalten, oder an eine Vielfalt von Pflanzen – zwei pro Gericht, das ist die Regel – die unsere Sinne beflügeln.

Alchémille (Kaysersberg) alchemille.alsace

POLY 254 Février Februar 23 61
© Aline Gerard © Anne-Emmanuelle Thion
GASTRONOMIE
© Julie Limont

Révélation

Le couple formé par Jeanne Satori et David Degoursy est l’étoile montante alsacienne : ouvert en 2021, de:ja leur établissement situé à quelques encablures des Funambules (décidément) est un vibrant hommage aux artisans. La liste des producteurs avec lesquels ils œuvrent est incroyable… Voilà deux créateurs locavores qui ont tout compris à la gastronomie du XXIe siècle !

Entdeckung

Das Paar, das Jeanne Satori und David Degoursy bilden, ist der aufsteigende Stern des Elsasses: Ihr 2021 eröffnetes Etablissement ist eine leidenschaftliche Hommage an die Handwerker. Die Liste der Produzenten, mit denen sie arbeiten ist unglaublich… Zwei Kreative des Regionalen, die alles rund um die Gastronomie des 21. Jahrhunderts verstanden haben!

de:ja (Strasbourg) deja-restaurant.com

T’es roc, coco

Chic et choc, le restaurant, où Cédric Kuster accueille ses hôtes de la plus parfaite des manières, est une bonbonnière épurée, où s’épanouit la cuisine de Jean Roc, maître des alliances contemporaines jouant avec les traditions.

Rococo

Schick und Schock. Das Restaurant in dem Cédric Kuster seine Gäste auf perfekte Weise empfängt, ist ein edles kleines Haus, in dem sich die Küche von Jean Roc entfaltet, dem Meister der zeitgenössischen Allianzen, die mit Traditionen spielen.

La Casserole (Strasbourg) la-casserole.fr

Guth, c’est bien

Cuisinier et cueilleur à ses heures, Yannick Guth propose une gastronomie au plus près de la nature dans sa fermeauberge métamorphosée en cocon racé et boisé, où se déploie une symphonie sylvestre.

Guth ist gut

Yannick Guth, gleichzeitig Koch und Sammler, bietet eine naturnahe Küche in seiner Ferme-Auberge an, die in einen reinrassigen und holzigen Kokon verwandelt wurde, in dem die Sinfonie des Waldes gespielt wird.

Auberge Chez Guth (Steige) auberge-chez-guth.fr

62 POLY 254 Février Februar 23 GASTRONOMIE
© Mike Weiss © Benoît Linder © Paola Guigou

La vie en rouge

À Rouffach, Véronique et Thomas Muré imaginent des pinots noirs d’anthologie, donnant ses lettres de noblesse à un cépage rouge trop longtemps mésestimé en Alsace.

L’aventure débute à la fin du XVIIe siècle : douze générations plus tard, Véronique et Thomas Muré sont à la tête d’un domaine de 28 hectares en biodynamie, où le respect du terroir tient lieu de philosophie. Œuvrant de concert – même si le frère est plus à la cave et à la vigne que sa sœur, qui gère la partie administrative et commerciale –, ils arpentent le spectre des cépages alsaciens, proposant aussi des crémants de référence, immergeant même récemment 300 bouteilles par 25 mètres de fond, dans le plan d’eau de la base nautique de Colmar : « Nous avons une palette témoin. Chaque fois que nous remonterons des bouteilles, nous ferons des dégustations croisées pour voir comment le crémant vieillit avec une forte pression. Nous sommes impatients de voir ce que ça va donner, notamment comment vont évoluer les bulles », résume Véronique Muré.

La grande affaire de la maison est néanmoins le rouge (20 % de la production environ), un secteur où les expérimentations sont aussi de mise avec la plantation de 7 ares de syrah en 2010, histoire de se préparer aux mutations induites par le réchauffement climatique1 : « L’année 2003, avec la canicule, a été un instant charnière. Nous nous sommes dit qu’il fallait agir. » Estampillés Vin de France2, les quelque 300 bouteilles produites sont séduisantes avec leur aspect salin et minéral. Cette aventure pionnière a été un succès : du coup, la surface a été multipliée par dix l’hiver dernier. D’autres initiatives sont prises pour lutter contre les chaleurs excessives, comme la

«  création de pergolas naturelles, véritables tunnels de végétation  » formés par les rameaux d’un rang qui rejoignent le suivant de façon à créer de l’ombre afin de réduire la température de quelques degrés. Mais Muré est surtout célèbre pour son Clos Saint Landelin – du nom d’un moine irlandais qui évangélisa le Pays de Bade au VIIe siècle –, 12 hectares dont la maison a le monopole, puisqu’elle en est l’unique propriétaire. Partie sud du Grand cru Vorbourg, ce terroir argilo-calcaire caillouteux est planté de plusieurs cépages, mais il est fameux dans le monde entier pour son pinot noir, qui n’a rien à envier aux bourguignons. Entre arômes de fruits rouges bien mûrs au nez et bouche éclatante et soyeuse, le millésime 2020 est une grande réussite ! On garde néanmoins une tendresse toute particulière pour le pinot noir V3 S’il ne s’agit pas d’une référence aux envahisseurs reptiliens de la série, on a le sentiment que ces quilles tant aimées viennent véritablement d’ailleurs.

Muré

RD

1 La syrah est un cépage généralement présent dans des zones plus chaudes, à l’image de la vallée du Rhône.

2 Les bouteilles n’ont pas droit à l’appellation Alsace puisque la syrah n’est pas un des cépages reconnus dans la région.

3 La lettre indique simplement que les vignes sont plantées dans la zone du grand cru Vorbourg.

est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

64 POLY 254 Février Februar 23 L’abus
d’alcool
83, sortie Soultzmatt (Rouffach) mure.com

Das Leben in Rot

In Rouffach erfinden Véronique und Thomas Muré legendäre Pinots Noirs, die einer roten Rebsorte, die im Elsass lange unterschätzt wurde, wieder in den Adelsstand verhelfen.

Von Hervé Lévy – Photo von Julien Kauffmann

Das Abenteuer beginnt Ende des 17. Jahrhunderts: Zwölf Generationen später stehen Véronique und Thomas Muré an der Spitze eines biodynamischen, 28 Hektar großen Weinguts, dessen Philosophie der Respekt des Terroirs ist. Gemeinsam – selbst wenn sich der Bruder mehr im Weinkeller und im Weinberg aufhält als seine Schwester, die die administrative und kaufmännische Seite erledigt – vermessen sie die Bandbreite der elsässischen Rebsorten, bieten auch Crémants an, die zu einer Referenz geworden sind, von denen sie vor Kurzem 300 Flaschen in 25 Metern Tiefe im Wassersportzentrum von Colmar versenkt haben: „Wir haben eine Kontroll-Palette. Jedes Mal, wenn wir Flaschen hochholen, werden wir vergleichende Weinproben machen, um zu sehen wie der Wein unter starkem Druck altert. Wir sind gespannt darauf, was sich zeigen wird, insbesondere bezüglich der Entwicklung der Bläschen“, fasst Véronique Muré zusammen.

Die Hauptbeschäftigung des Hauses ist nichtsdestotrotz der Rotwein (ungefähr 20% der Produktion), ein Sektor, der ebenfalls Experimenten unterzogen wird, mit dem Anbau von 7 Ar Syrah im Jahr 2010 um sich auf die Veränderungen einzustellen, die der Klimawandel mit sich bringt1: „Das Jahr 2003 mit der Hitzewelle war ein Moment des Umbruchs. Wir haben uns gesagt, das wir handeln müssen.“ Mit dem Gütezeichen Vin de France2 ausgezeichnet, sind die rund 300 produzierten Flaschen verführerisch mit ihrem salzigen und mineralischen Aspekt. Dieses Pionier-Abenteuer war ein voller Erfolg: Deswegen wurde die Anbaufläche im vergangenen Winter verdoppelt. Eine weitere Initiative, um gegen die zu große

Hitze zu kämpfen ist die „Kreation von natürlichen Pergolen, echte Vegetations-Tunnel“, die von den Trieben einer Reihe zur nächsten geformt werden, um Schatten zu spenden und so die Temperatur um ein paar Grad zu senken. Aber Muré ist vor allem berühmt für seinen Clos Saint Landelin – nach dem Namen des irländischen Mönches Landelin von Ettenheimmünster, der Baden im 7. Jahrhundert zum Christentum bekehrte – 12 Hektar deren Monopol beim Haus Muré liegt, da es der einzige Besitzer ist. Als südlicher Teil des Grand Cru Vorbourg, ist dieses lehm-und kalkhaltige, steinige Terroir mit mehreren Rebsorten bepflanzt, aber es ist weltweit bekannt für seinen Pinot Noir, der den Burgundern in nichts nachsteht. Zwischen Aromen von reifen roten Früchten, einem frischen und samtigen Abgang ist der Jahrgang 2020 ein voller Erfolg! Unsere besondere Zuneigung gilt nichtsdestotrotz dem Pinot Noir V3. Selbst wenn es sich nicht um eine Anspielung auf die reptilienartigen Eroberer der Science-Fiction-Serie handelt, hat man das Gefühl, das die so geliebten Flaschen aus einer anderen Welt stammen.

RD

66 POLY 254 Février Februar 23 AUF EIN LETZTES GLAS L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
Muré 83, sortie Soultzmatt (Rouffach) mure.com 1 Der Syrah ist eine Rebsorte, die in der Regel in wärmeren Regionen, wie im Rhonetal präsent ist. 2 Die Flaschen haben keinen Anspruch auf die Herkunftsbezeichnung Elsass, da der Syrah in der Region nicht anerkannt wird. 3 Der Buchstabe weist lediglich darauf hin, dass die Reben in der Region des Grand Cru Vorbourg angebaut werden.

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