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Viva la Revolución !
Ponctuant l’année littéraire, les Détours des Bibliothèques idéales invitent à explorer La Révolution en nous pour leur session automnale. Par Hervé Lévy – Photos d’Aline Piboule & Pascal Quignard par Alban Hefti et d’Amin Maalouf par Jean-François Paga / Grasset
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expérience fut éphémère, mais marqua durablement la ville : après l’Armistice du 11 novembre 1918, profitant d’une situation confuse, l’Empire de Guillaume II – auquel l’Alsace appartient – voit fleurir les élans révolutionnaires. À Strasbourg, un Conseil des soldats et des ouvriers est institué. Le 13 novembre, le drapeau rouge flotte sur la Cathédrale ! L’aventure de ce soviet ne durera guère, puisque les troupes françaises rétablissent l’ordre le 22 novembre. Une promenade littéraire (03/11, place Kléber) avec l’historien Jean-Claude Richez revient sur cet événement avec le regard ironique et tendre d’Alfred Döblin, comme un symbole de ces Détours des Bibliothèques idéales accueillant de grands témoins. Parmi eux, le nouveau Secrétaire perpétuel de l’Académie française, Amin Maalouf (03/11), qui publie Le Labyrinthe des égarés (Grasset), magistral essai géopolitique remontant aux sources du déclin de l’Occident, en explorant les trajectoires de ceux qui ont contesté sa suprématie au fil des âges : Japon impérial, Russie soviétique et, aujourd’hui, Chine communiste. Sont également invités un habitué de la manifestation, Edwy Plenel (05/11) – qui propose, dans Se Tenir droit (Seuil), des exercices d’admiration autour des figures de Zola, Trotski, etc. – ou encore l’ancien Premier ministre Édouard Philippe (03/11), évoquant une géographie française fondatrice avec Des Lieux qui disent (Lattès).
comme le récital littéraire de l’écrivain Pascal Quignard et de la pianiste Aline Piboule (03/11) autour de la Fantaisie de Schumann. Pensons aussi à Élie Guillou (05/11) qui chante et dit le peuple kurde avec grande poésie ou à une clôture très attendue, Lettres à un poète disparu. Lamine Diagne et Matthieu Verdeil honorent Claude McKay, figure du Harlem Renaissance qui croisa Trotski : slam, jazz et hip-hop s’entremêlent dans un océan de mots et d’images… De rencontre dédiée à L’Affiche rouge (04/11, avec notamment Didier Daeninckx et Robin, qui chante les ballades de Ferré sur des textes d’Aragon) en confidences autour de la Cinquième République par des observateurs politiques de premier plan (Michèle Cotta, Catherine Nay et Jean-Luc Barré, 05/11), le programme s’annonce dense et tonique. Notre coup de cœur ? Un hommage aux poètes russes du XXe siècle par le chanteur des Têtes Raides Christian Olivier et le traducteur André Markowicz, accompagnés de quatre musiciens (04/11). Les textes de Maïakovski, Akhmatova, Mandelstam, Tsvetaïeva, etc. s’entrecroisent dans un tourbillon de notes avec, pour épine dorsale, un chant révolutionnaire bien connu qui proclame : « Nous détruirons le monde d’avant, jusque dans ses fondements, pour bâtir notre monde à nous, qui n’était rien deviendra tout. »
Festival multiforme, les Bibliothèques idéales ont la particularité de proposer également concerts et autres spectacles,
À la Cité de la Musique et de la Danse (Strasbourg) du 2 au 5 novembre biblideales.fr
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Playgirls La 19e édition d’Augenblick, festival du cinéma de langue allemande en Alsace, rend hommage à Margarethe von Trotta. Die 19. Ausgabe von Augenblick, dem Festival für deutschsprachigen Film im Elsass, ehrt das Werk von Margarethe von Trotta. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Wolfgang Ennenbach
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n long-métrage iconique et oublié de la Nouvelle Vague allemande, Playgirl de Will Tremper – un top model en quête de riches partis, à Berlin, en 1965, vision d’une conquérante – est à (et sur) l’affiche d’Augenblick. Un symbole, puisqu’une section est dédiée au Female Gaze – avec notamment Une Femme mélancolique, réalisation drolatique de Susanne Heinrich – et que l’invitée d’honneur se nomme Margarethe von Trotta. Seront projetés Les Années de plomb ou le récent Ingeborg Bachmann, qui narre les amours tumultueuses entre Max Frisch et la poétesse, une femme forte à une époque où la domination patriarcale n’était pas un vain mot. En compétition, on retrouve six films, dont Franky Five Star de Birgit Möller, plongée dans la psyché perturbée d’une vingtenaire, quelque part entre Wes Anderson et Aki Kaurismäki. Parmi les multiples avant-premières, notons celle de La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer, sensation glaçante de Cannes, explorant l’existence rêvée que s’était ménagée le commandant du camp d’Auschwitz, à quelques encablures de l’horreur.
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in ikonischer und vergessener Spielfilm der Neuen Deutschen Welle, Playgirl von Will Tremper – ein Topmodel auf der Suche nach reichen Partnern, in Berlin im Jahr 1965, Vision einer Eroberin – steht auf dem Spielplan von Augenblick. Ein Symbol, denn ein Teil ist den Female Gaze gewidmet – insbesondere mit Das melancholische Mädchen, einem tolldreisten Film von Susanne Heinrich – und der Eh-
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rengast ist Margarethe von Trotta. Unter anderem wird Die bleierne Zeit oder das neuere Ingeborg Bachmann – Reise in die Wüste gezeigt, das die stürmische Liebe zwischen Max Frisch und der Dichterin erzählt, eine starke Frau in einer Zeit, in der die Vormacht des Patriarchats kein leeres Wort war. Unter den Wettbewerbern findet man sechs Filme, darunter Franky Five Star von Birgit Möller, der in die gestörte Psyche eines Zwanzigjährigen eintaucht, irgendwo zwischen Wes Anderson und Aki Kaurismäki. Unter den zahlreichen Neuerscheinungen ist jene von The Zone of Interest von Jonathan Glazer hervorzuheben, eine Sensation aus Cannes, die das Blut in den Adern gefrieren lässt und die Traumexistenz erkundet, die sich ein Kommandant des Konzentrationslagers Auschwitz einen Steinwurf vom Horror entfernt aufbaute. Dans les cinémas indépendants d’Alsace fédérés par le Recit (Réseau Est Cinéma Image et Transmission) du 7 au 24 novembre In den unabhängigen Kinos im Elsass, die zum Recit gehören (Réseau Est Cinéma Image et Transmission) vom 7. bis 24. November festival-augenblick.fr > De nombreuses rencontres sont prévues avec Margarethe von Trotta (Star Saint-Exupéry de Strasbourg, 13/11), Susanne Heinrich (Star Saint-Exupéry & Bel-Air de Mulhouse, 20/11), Birgit Möller (Star SaintExupéry & Bel-Air, 12/11), etc. > Zahlreiche Begegnungen sind vorgesehen mit Margarethe von Trotta (Star Saint-Exupéry de Strasbourg, 13.11.), Susanne Heinrich (Star Saint-Exupéry & Bel-Air de Mulhouse, 20.11.), Birgit Möller (Star SaintExupéry & Bel-Air, 12.11.), etc.
Les choix de Sophie La 38e édition d’Entrevues offre notamment une intégrale des films de Sophie Letourneur. Zoom sur une dense programmation. Par Raphaël Zimmermann – Photo extraite du film Voyages en Italie
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ne compétition internationale (regroupant le premier, deuxième ou troisième films de leur auteur, que ce soient des fictions ou des documentaires, des longs ou des courts-métrages). Un zoom sur les working class heroes du cinéma britannique avec la présentation de la mini série signée Steve McQueen, Small Axe : cinq épisodes narrant l’épopée des Antillais anglophones au Royaume-Uni, une communauté peu présente jusque-là sur les écrans. Un parcours transversal placé sous le signe de la disparition (avec L’Évaporation de l’homme de Shōhei Imamura, etc.). L’intense diversité du Festival Entrevues « reflète un cinéma d’aujourd’hui, en mouvement, dans la création, dont la recherche est un des maîtres mots », résume Elsa Lançon, directrice de Cinémas d’Aujourd’hui, qui organise l’événement belfortain. Cette année, son invité d’honneur se nomme Luc Moullet (né en 1937), figure majeure de la Nouvelle Vague cultivant le décalage, dont l’intégralité de l’œuvre sera restaurée en 2024. S’il a débuté comme critique aux Cahiers du cinéma, à l’instar de François Truffaut ou JLG, il n’a pas connu la célébrité de ses camarades. Et pourtant sa filmographie mérite d’être redécouverte à l’image de son premier film, Brigitte et Brigitte (1966), où jouent Claude Chabrol, Samuel Fuller, Éric Rohmer ou André Téchiné… Drolatique et absurde, pince sans rire et génial : dès cet instant les canons de son art sont établis. Dans un de ses papiers, il avait imaginé le concept « d’antidialectisme de la cérébralité » qui va comme un gant à
ses réalisations, d’Une Aventure de Billy le Kid (1971), peut-être son plus grand succès, au délirant Parpaillon (1992) : « Écrire, écrire, toujours écrire. Je pense donc je suis... Mais non, je pense donc je n’essuie pas, car il n’y a rien à essuyer. J’ouvre à l’extrême le robinet de mon lavabo, espérant au fond de moimême qu’il va péter, et que je vais avoir à le réparer, à réprimer une inondation. » Last but not least, La Fabbrica – « invitant un artiste qui a fait la modernité du cinéma, histoire d’interroger sa pratique en dialogue avec ses plus proches, et de narrer la manière dont on fait un film » – est dédiée à Sophie Letourneur, deux fois primée à Belfort (La Vie au ranch, 2009, et Le Marin masqué, 2011). De Voyages en Italie, relecture foutraque du film de Rossellini avec Philippe Katerine à Énorme, variation burlesque sur la grossesse avec Marina Foïs et Jonathan Cohen, en passant par Les Coquillettes narrant les aventures cocasses de trois copines au festival de Locarno, se déploie la trajectoire d’une cinéaste passionnante, œuvrant en troupe puisqu’elle est entourée depuis ses débuts des mêmes collaborateurs, chacun changeant de rôle d’un film à l’autre. Au cinéma Kinepolis (Belfort) du 20 au 26 novembre festival-entrevues.com > Le festival se décline en version junior avec Les petites Entrevues (18, 19 & 22/11) sur le thème de la magie du cinéma POLY 262
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Aux racines du jazz À l’heure du 38e Jazzdor, proposition de parcours en quatre temps, en forme de plongée aux origines du genre.
An den Quellen des Jazz
Anlässlich der 38. Ausgabe von Jazzdor präsentieren wir einen vierteiligen Rundgang zu den Wurzeln der Musikgattung.
Par Von Florent Servia — Photos de von African Jazz Roots © Jean-Baptiste Millot / David Murray et Kahil El Zahar © DR
l’afrique Les racines refont surface. Simon Goubert (batterie) et Ablaye Cissoko (kora) poursuivent le dialogue, onze ans après le premier album d’African Jazz Roots (16/11, Reithalle, Offenburg). Né après un voyage du batteur français au Sénégal, en 2009, le groupe a séduit par son lyrisme. Ils joueront la musique de Seetu, leur troisième opus, paru cette année. Les intrications mélodieuses du piano (Sophia Domancich) et de la kora, et enlevées des calebasses (Ibrahima Ndir) et de la batterie font toujours effet, avec beaucoup de poésie et de beauté à la clef. Quant aux solos d’Ablaye Cissoko, ils restent… époustouflants, laissant la magie opérer. l’inde Autre explorateur français, Louis Sclavis se tourne cette fois vers l’Inde. Les habitués du festival savent que le musicien 18
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en est quasiment un parrain, tant il y est monté sur scène. En 1987, il intitule son premier album Chine, annonçant une marque de fabrique : revisiter l’ailleurs. Dans les années 1990, il signe avec Henri Texier et Aldo Romano, deux autres piliers du jazz français, une trilogie africaine devenue culte. Quelles impressions l’Inde veut-il partager ? Son atlas est toujours imaginaire et fait de souvenirs. Interprété en quintet, avec notamment l’Alsacien Benjamin Moussay au piano, la musique d’India (19/11, Reithalle, Offenburg) est décrite par le virtuose comme « un bouquet de mélodies et d’ambiances soutenues par des pulsations et rythmes obstinés ». la great black music Ils se sont rencontrés pour la première fois, à Chicago, épicentre de la Great Black Music, il y a cinquante ans. Ils empruntent depuis la même direction : celle d’un jazz free,
afrocentré, nourri de blues, de spiritual jazz et de ferveur. Le saxophoniste David Murray et le percussionniste Kahil El Zahar (21/11, Fossé des Treize, Strasbourg) sont nourris par le feu sacré, fidèles aux voix de leurs ancêtres. Ensemble, dans la transe et le groove, dans le passé et le futur, les deux musiciens américains perpétuent les plus belles heures du jazz. les classics McCoy Tyner, intégra, lui aussi, des éléments de musique africaine, d’Asie du Sud-Est, comme le firent les jazzmen américains des années 1960. Le pianiste a surtout marqué l’âge d’or des plus grands labels de jazz (Impulse!, Milestone et Blue Note), avec des dizaines d’albums parus entre les sixties et les eighties. Non, le pianiste McCoy Tyner, décédé en 2020, à l’âge de 81 ans, ne sera pas là en personne. Mais les musiciens venus rendre hommage à l’ancien sideman de John Coltrane (notamment) ne sont pas, comme on le dit dans le jargon sportif, des peintres. Un quintet d’Américains dédie un concert à l’un des inventeurs du jazz modal et chantre du hard bop dans Mc Coy Legends (24/11, La Briqueterie, Schiltigheim). afrika Die Wurzeln kommen zum Vorschein. Simon Goubert (Schlagzeug) und Ablaye Cissoko (Kora) setzen den Dialog fort, elf Jahre nach dem ersten Album von African Jazz Roots (16.11.,
Reithalle, Offenburg). Die Gruppe, die nach einer Reise des französischen Schlagzeugers in den Senegal im Jahr 2009 entstand, verführt durch ihre Lyrik. Sie spielen die Musik aus Seetu, ihrem dritten Werk, das in diesem Jahr erschienen ist. Die melodiösen Verschränkungen des Klaviers (Sophia Domancich) und der Kora, die Lebendigkeit der Kalebasse (Ibrahima Ndir) und des Schlagzeuges beeindrucken immer, mit sehr viel Poesie und Schönheit. Und was die Solos von Ablaye Cissoko angeht sind diese einfach atemberaubend, voller Zauber. indien Ein anderer französischer Forscher, Louis Sclavis, wendet sich diesmal Indien zu. Stammgäste des Festivals wissen, dass er quasi sein Pate ist, so oft stand er hier auf der Bühne. Im Jahr 1987 nennt er sein erstes Album Chine (China) und kündigt damit sein Markenzeichen an: Die Neuinterpretation des Fremden. In den 1990er Jahren bringt er mit Henri Texier und Aldo Romano, zwei weiteren Größen des französischen Jazz, eine afrikanische Trilogie heraus, die Kult geworden ist. Welche Eindrücke aus Indien will er teilen? Sein Atlas ist immer imaginär und aus Erinnerungen gemacht. In Form eines Quintetts interpretiert, insbesondere mit dem Elsässer Benjamin Moussay am Klavier, wird die Musik von India (19.11., Reithalle, Offenburg) vom Virtuosen beschrieben als „ein Bündel aus Melodien und Stimmungen, die von Schwingungen und hartnäckigen Rhythmen unterstrichen werden“. great black music Sie sind sich zum ersten Mal in Chicago begegnet, dem Epizentrum der Great Black Music, vor fünfzig Jahren. Seitdem schlagen sie dieselbe Richtung ein. Jene eines freien, afrozentrierten Jazz, der sich von Blues, Spiritual Jazz und Inbrunst nährt. In der Brust des Saxophonisten David Murray und des Schlagzeugers Kahil El Zahar (21.11., Fossé des Treize, Straßburg) brennt das heilige Feuer, das den Stimmen ihrer Vorfahren treu bleibt. Gemeinsam, zwischen Trance und Groove, Vergangenheit und Zukunft, lassen die beiden amerikanischen Musiker die schönsten Stunden des Jazz weiterleben. die klassiker McCoy Tyner, integriert ebenfalls Elemente afrikanischer Musik sowie jene aus Südostasien, wie es die amerikanischen Jazzmen der 1960er Jahre taten. Der Pianist hat vor allem das goldene Zeitalter der größten Jazzlabels geprägt (Impulse!, Milestone und Blue Note), mit etwa zehn Alben, die zwischen den sixties und den eighties erschienen. Nein, der Pianist McCoy Tyner, der im Jahr 2020, im Alter von 81 Jahren verstarb, wird nicht persönlich anwesend sein. Aber die Musiker, die hier dem ehemaligen Sideman von John Coltrane die Ehre erweisen, sind alles andere als Anfänger. Ein Quintett von Amerikanern widmet einem der Erfinder des modal jazz, Sänger des Hard Bop mit Mc Coy Legends (24.11., La Briqueterie, Schiltigheim) ein Konzert. Dans différents lieux d’Offenburg, Strasbourg et alentours du 10 au 24 novembre An verschiedenen Orten in Offenburg, Straßburg und Umgebung vom 10. bis 24. November jazzdor.com POLY 262
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Ces petits riens Pour sa 11e édition, LOOSTIK, festival franco-allemand dédié au jeune public, entend séduire petits et grands avec de la magie nouvelle et… de la mousse de bain ! Für seine 11. Ausgabe verführt LOOSTIK, das deutschfranzösische Festival für junges Publikum, Jung und Alt mit neuem Zauber und Badeschaum! Par Von Thomas Flagel
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réé en 2013 par la Fondation pour la coopération culturelle franco-allemande, basée à Sarrebruck et Le Carreau, scène nationale de Forbach et de l’Est mosellan, LOOSTIK fait partie des rendez-vous prisés par les amoureux de découvertes scéniques. Star de la magie nouvelle, Étienne Saglio recrée une ambiance de cabaret traditionnel dans Goupil et Kosmao (11 & 12/11, Le Carreau, dès 5 ans). L’inoubliable dresseur de fantômes des Limbes, qui a aussi enchanté des loups et sondé ses démons intérieurs en se laissant posséder par de vieux objets dans une ronde poétique (Le Soir des monstres), se plait ici à déjouer les codes : l’assistant du magicien tiré à quatre épingles, se présentant face à nous, n’est autre qu’un renard taxidermisé, le Goupil de son dernier conte cruel, Le Bruit des loups. Dérapage programmé et surprises en tout genre d’un monsieur Hulot utilisant avec délices un humour de situation façon Tex Avery. Ça tire, ça grince et ça dépote avec un tas de surprises entraînant la complicité du public, ravi de voir la bête se rebeller, et l’être “magiquement” animé prendre le contrôle de l’illusionniste. mousse Johanny Bert a imaginé Le Petit Bain (10 & 11/11, Le Carreau), seul en scène pour très jeunes spectateurs, dès 3 ans. Une première pour celui qui s’empare plutôt de sujets politiques, à l’instar du cabaret queer Hen. Ici, un homme pénètre dans une grande masse de… mousse de bain. Ludique à souhait, il taille dans cette matière, crée de petits personnages avec lesquels il joue dans l’éphémère 20
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Goupil et Kosmao © Étienne Saglio
des bulles au milieu desquelles il danse, librement. Cette rêverie convoque aussi bien les souvenirs d’enfance que les plaisirs aquatiques de détente, ou les soirées mousse en boîte. Mais la fragilité de ce terrain de jeu le rend surtout propice à une exploration sensible d’un paysage façonnable jusqu’à sa disparition, que chacun sait inexorable. Le festival permet aussi un saut dans le temps avec la redécouverte d’Un petit Chaperon rouge (9/11, Le Carreau, dès 9 ans) en clair-obscur, quasiment dénué de mots, dans lequel Florence Lavaud joue du frisson d’un loup féroce (un homme à grands ongles de fer) séduisant une jeune fille naïve dans un déluge de trouvailles scéniques du plus bel effet (longs draps rouges menaçants qui se gonflent
d’air, lumières inquiétantes, tango langoureux). Molière du spectacle jeune public en 2006, la pièce est recréée pour LOOSTIK. Rendez-vous est pris.
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as Festival Loostik, das 2013 von der Stiftung für deutschfranzösische Zusammenarbeit in Saarbrücken und dem Carreau, der Nationalbühne in Forbach für den Osten des Departements Moselle kreiert wurde, gehört heute zu den festen Terminen aller Liebhaber von Bühnenentdeckungen. Der Star der neuen Zauberkunst, Étienne Saglio, kreiert die Stimmung eines traditionellen Kabaretts in Goupil et Kosmao (11. & 12.11., Le Carreau, ab 5 Jahren). Der Unvergessliche Geister-Bändiger aus Limbes, der
Le Petit Bain © Simon Gosselin
auch die Wölfe verzaubert und seine innere Dämonen erforscht hat, indem er sich in einem poetischen Rundtanz von alten Objekten beherrschen ließ (Le Soir des monstres), erfreut sich hier an der Dekonstruktion der Codes: Der Assistent des Zauberers, der wie aus dem Ei gepellt ist, präsentiert sich frontal zum Zuschauer, er ist nichts anderes als ein ausgestopfter Fuchs, der rebellische Reinecke aus einem letzten grausamen Stück Le Bruit des loups. Programmierte Entgleisungen und allerlei Überraschungen eines Monsieur Hulot, der eine Situationskomik à la Tex Avery nutzt. Es schießt, quietscht und geht ruckzuck, mit haufenweise Überraschungen, die eine gewisse Verbindung mit dem Publikum herstellen, das sich darüber freut, wie das Tier sich auflehnt und das magisch animierte Wesen die Kontrolle über den Illusionisten übernimmt. schaum Johanny Berta hat Le Petit Bain (10. & 11.11., Le Carreau), allein auf der Bühne entworfen, für sehr junges Publikum ab 3 Jahren. Eine Premiere für jenen,
der sich eher mit politischen Themen befasst, so wie beim queeren Kabarett Hen. Hier dringt ein Mann in eine Masse von… Badeschaum ein. Herrlich verspielt, zerschneidet er diese Materie, schafft kleine Figuren, mit denen er mit der Vergänglichkeit der Blasen spielt, inmitten derer er frei tanzt. Diese Träumerei ruft ebenso Kindheitserinnerungen hervor wie die Wasserfreuden der Entspannung oder die Abende in der Disko mit Schaumparty. Aber die Zerbrechlichkeit dieses Spielplatzes macht ihn vor allem zu einem Terrain der sensiblen Erkundung einer formbaren Landschaft, bis hin zu ihrem Verschwinden, das jedem verhängnisvoll erscheint. Das Festival erlaubt es auch eine Zeitreise zu machen, mit der Wiederentdeckung von Un petit Chaperon rouge (9.11., Le Carreau, ab 9 Jahren) in Schwarz-Weiß, fast ohne Worte, in dem Florence Lavaud mit dem Schauder eines bösen Wolfs spielt (ein Mann mit großen Eisenkrallen) der ein junges Mädchen in einer Sturzflut von Bühneneffekten verführt (lange, rote, bedrohliche Laken, die sich mit Luft füllen, beunruhigendes Licht, verführe-
rischer Tango). Die Aufführung, die im Jahr 2006 den Molière-Preis für Junges Theater erhielt, wird hier für LOOSTIK neu inszeniert. Der Termin ist notiert. Dans divers lieux de Forbach (Le Carreau) et Sarrebruck du 7 au 12 novembre An verschiedenen Orten in Forbach (Le Carreau) und Saarbrücken vom 7. bis 12. November loostik.eu
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Temps suspendu Polymorphe et hybride, Born to be alive célèbre les formes les plus étonnantes de spectacle vivant.
Stillstand der Zeit
Vielförmig und hybrid feiert Born to be alive die erstaunlichsten Formen der darstellenden Kunst. Par Von Thomas Flagel – Photos de von Christophe Urbain (ALL, à la lisière) & Andrea Macchia (Monjour)
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haque mois de novembre, Le Manège de Reims électrise les soirées d’automne en conviant une floppée de spectacles détonants dans son cirque et son théâtre. Il y a du ludique avec les Jeux de société du chorégraphe Ezio Schiavulli (08/11), réflexion autour des ruptures et des déséquilibres maillant les relations humaines, inspiré par le concept des états du Moi du psychiatre Éric Berne. À partir de jeux réels, choisis aléatoirement mais toujours très physiques, six danseurs expérimentent les processus d’affiliation faisant qu’au sein d’un groupe qui s’auto-évalue, une chaîne d’identités sociales et de relations de pouvoir se compose et se recrée. Sa consœur Silvia Gribaudi joue du dessin animé
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en temps réel dans lequel les interprètes forment des personnages en chair et en os. Dans Monjour (14/11), la chorégraphe se fait même maîtresse de cérémonie, ambiançant et commentant le spectacle, micro en main, depuis le premier rang. Cette revue pour acrobates, danseurs et clown se moque gaiement de la mort du cygne, use du pantomime et du slapstick dans une version hip-hop et débridée du show, des numéros tout en démesure, faisant vivre les images défilantes, au kitsch jouissif, de la cartoonist Francesca Ghermandi. Toute aussi folle promet d’être la première de K. Und de Jérôme Marin (10/11) qui renoue avec l’esprit berlinois du cabaret politique et engagé avec des textes, chansons et musiques de
Bertolt Brecht, Kurt Weill, Mendelssohn… ou les plus récents, mais non moins irrévérencieux, Rainer Werner Fassbinder et Nina Hagen ! Quant à l’exubérante Argentine Ayelen Parolin, c’est du côté de l’absurde et de l’esprit dada qu’elle œuvre dans Zonder (14/11). La figure de l’idiot lui sert à déconstruire sa danse avec insolence pour mieux en reconstruire le squelette. Mais la pièce à ne pas manquer reste ALL (à la lisière), dernière création de Marie Cambois (08/11). Par couches de réalités, unes à unes déposées sur le plateau, la chorégraphe nous entraîne dans un univers lynchéen au milieu de deux danseuses et d’une comédienne, entre confidences et mise en abime des rôles que l’on joue, à la vie comme à la scène. Le cri de la mythique Agavé – frappée de folie par Dionysos, elle tue son propre fils dont elle plante la tête au bout d’une pique – résonne longtemps encore après sa fin. Accompagné en live par Anthony Laguerre, incroyable à la guitare, cette exploration d’images mouvantes, créées par un art plein de maîtrise du ralenti des corps, suspend le temps tel une succession de mirages dans lesquels la lumière vibrionne imperceptiblement, pour mieux nous mener, extatiques, vers des rivages intérieurs inconnus, mais pourtant familiers.
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edes Jahr im November elektrisiert Le Manège de Reims die Herbstabende, indem es eine Menge explosiver Aufführungen in seinen Zirkus oder sein Theater einlädt. Es gibt Verspieltes wie die Jeux de société des Choreographen Ezio Schiavulli (08.11.), eine Überlegung zu Brüchen und Ungleichgewicht in den menschlichen Beziehungen, inspiriert vom Konzept der Ich-Zustände des Psychiaters Éric Berne. Ausgehend von echten Spielen, die zufällig ausgewählt werden aber immer sehr physisch sind, experimentieren sechs Tänzer den Prozess der Zugehörigkeit, der dafür sorgt, dass sich in einer Gruppe, die sich selbst evaluiert, eine Kette aus sozialen Identitäten und Machtbeziehungen bildet und rekonstruiert. Seine Kollegin Silvia Gribaudi spielt mit Trickfilmen in Echtzeit in denen die Interpreten die Figuren mit Haut und Haaren verkörpern. In Monjour (14.11.), wird die Choreographin sogar zur Zeremonienmeisterin, die die Aufführung animiert und kommentiert, mit dem Mikrophon in der Hand, von der ersten Reihe aus. Diese Revue für Akrobaten, Tänzer und Clown macht sich fröhlich über den Tod des Schwans lustig, nutzt Pantomime und Slapstick in einer Hip-Hop-Version der Show, mit Nummern voller Maßlosigkeit, die die kitschigen Bilder der Cartoonistin Francesca Ghermandi zum Leben erwecken. Ebenso verrückt verspricht die Premiere von K. Und von Jérôme Marin (10.11.) zu werden, der an den Geist des politischen und engagierten Berliner Kabaretts anknüpft, mit Texten und Musik von Bertolt Brecht, Kurt Weill, Mendelssohn… oder den neueren, aber nicht weniger respektlosen Rainer Werner Fassbinder und Nina Hagen! Die überschwängliche Argentinierin Ayelen Parlon arbeitet in Zonder (14.11.) mit dem Absurden und dem Geist des Dada. Die Figur des Idioten dient ihr dazu ihren Tanz auf freche Art zu dekonstruieren, um das Skelett besser zu rekonstruieren. Aber das Stück, das man nicht verpassen darf, bleibt ALL (à la lisière), die neueste Kreation von Marie Cambois (08.11.). Anhand verschiedener Realitäts-Schichten, die nach und nach auf die Bühne gebracht werden, entführt uns die Choreographin in einer Universum à la David Lynch inmitten
von zwei Tänzerinnen und einer Schauspielerin, zwischen vertraulicher Mitteilung und Mise en abyme der Rollen, die man im Leben und auf der Bühne spielt. Der Schrei der legendären Agaue – von Dionysos mit Wahnsinn geschlagen, tötet sie ihren eigenen Sohn, dessen Kopf sie auf eine Speerspitze spießt – klingt noch lange nach. Live von Anthony Laguerre begleitet, der an der Gitarre unglaublich ist, lässt diese Erkundung bewegter Bilder, die von einer voll beherrschten Kunst der Zeitlupe der Körper kreiert werden, die Zeit stillstehen wie eine Abfolge von Fata Morganen, in denen das Licht unwahrnehmbar vibriert, um uns noch besser, in einer Art Ektase, zu unbekannten inneren und doch vertrauten Ufern zu führen. Au Manège (Reims) du 7 au 18 novembre Im Manège (Reims) vom 7. bis 18. November manege-reims.eu > ALL jouera également à l’ACB (Bar-le-Duc) mardi 5 décembre > ALL wird ebenfalls im ACB (Bar-le-Duc) am Dienstag den 5. Dezember gespielt acb-scenenationale.org POLY 262
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Sorority Depuis 1997, Les Femmes s’en Mêlent défend la création féminine dans la musique. Sa tournée annuelle fait plusieurs étapes dans le Grand Est. Seit 1997 repräsentiert Les Femmes s’en Mêlent die weibliche Kreation in der Musik. Die alljährliche Tournee macht mehrfach Station in Ostfrankreich. Par Von Irina Schrag – Photo de von We Hate You Please Die par von Kamryn Cusumano
guitare électrique. Marxistes-féministes – un détour sur leur site aux vrais-faux airs de fanzine redonne la pêche un jour de déprime –, elles tapent fort, défendant la Commune, l’IVG ou la fin du patriarcat et du chômage en rêvant d’un monde meilleur. Autre groupe qui vaut le détour, We Hate You Please Die, punk acide made in Rouen, est devenu plus pop en trio, avec une bassiste prenant le lead façon Riot Grrrl. Last but not least, Lolie Tai, venue du quartier strasbourgeois de La Meinau, rappe et chante les titres de son premier EP. Sur fond de drill mélodique et de boom bap, ses Mauvais souvenirs font mouche avec une écriture scotchante.
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outes actuelles qu’elles soient, les musiques ne font guère mieux que les autres dans la parité homme / femme, rendant le travail de fond des Femmes s’en mêlent toujours aussi important. La cuvée 2023 réserve son lot de découvertes engagées. Voire enragées si l’on débute avec le punk-rap vénère des Vulves assassines, promettant à qui les croise de laisser « Booba sur le bord de la route comme un enfant de chœur paumé ». Un combo en trio réunissant DJ Conant et MC Vieillard, deux rappeuses crashant tout sur leur passage derrière les machines, sans oublier Samy, à la 24
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o aktuell sie auch ist, die Musik macht es im Bereich der Gleichstellung von Mann und Frau kaum besser als andere, was die Arbeit von Les Femmes s’en mêlent (Die Frauen mischen sich ein) immer noch grundlegend macht. Oder sogar wütend, wenn man mit dem genervten PunkRap von Vulves assassines beginnt, die versprechen, dass sie „Booba am Straßenrand zurücklassen, wie einen verlorenen Chorknaben“. Ein Trio, das DJ Conant und MC Vieillard vereint, zwei Rapperinnen, die hinter ihren Plattenspielern alles zerschlagen, ohne Samy an der Elektro-Gitarre zu vergessen. Marxistisch-Feministisch – ein Abstecher auf ihre Webseite, die an ein Fanmagazin erinnert, erhellt an deprimierenden Tagen die Stimmung – hauen sie drauf, verteidigen die Commune, den Schwangerschaftsabbruch oder das Ende des Patriarchats und der Arbeitslosigkeit, während sie von einer besseren Welt träumen. Eine weitere Gruppe, die zu erwähnen ist, We Hate You Please Die, ätzender Punk aus Rouen, ist als Trio poppiger geworden, mit einem Bassisten, der nach der Art von Riot Grrrl an der Spitze der Gruppe steht. Last but not least, rappt und singt Lolie Tai, aus dem Straßburger Viertel La Meinau die Titel ihrer ersten EP. Vor dem Hintergrund melodischen Drills und Boom-Baps treffen ihre Mauvais souvenirs (Negativen Erinnerungen) ins Schwarze, dank ihres fesselnden Schreibstils.
> We Hate You Please Die, Les Tanneries (Dijon) 16.11., Le Moloco (Audincourt) 17/11, La Maison Bleue (Strasbourg) 25.11., Le Gueulard Plus (Nilvange) 29.11 > Les Vulves Assassines, Les Trinitaires (Metz) 30.11. (+ En Attendant Ana + Miët) > Lolie Tai, Espace Django (Strasbourg) 30.11. (+ Juste Shani + Enae) lfsm.net
Aller / retour Un Werther de Massenet extraordinaire et un bouquet de concerts : La Grande Gare 2023 s’annonce mémorable. Entretien avec le chef d’orchestre Thomas Hengelbrock. Ein außergewöhnlicher Werther von Massenet und zahlreiche Konzerte: La Grande Gare 2023 verspricht großartig zu werden. Gespräch mit dem Dirigenten Thomas Hengelbrock. Par Von Hervé Lévy – Photo de von Mina Esfandiari
Comment résumer l’esprit d’un festival que vous commissionnez avec Benedikt Stampa, l’intendant du Festspielhaus ? Notre projet est d’explorer l’esprit européen à travers la relation artistique entre France et Allemagne, au XIXe siècle, et de rassembler des publics des deux côtés du Rhin. Nos pays sont les deux faces de la même médaille, il ne faut jamais l’oublier. Votre relation à la France est étroite… Je suis venu pour la première fois à Paris à quinze ans, y passant une petite semaine. Je me suis alors juré d’y déménager un jour, d’apprendre la langue, de me plonger dans cette culture qui me fascine. Lorsque Gérard Mortier m’a proposé en 2005 de diriger Orphée et Eurydice de Gluck, à Bastille, dans une mise en scène de Pina Bausch, j’ai été enthousiaste. Peu à peu, je me suis imprégné de musique et de littérature françaises… jusqu’à m’installer à Paris et être en résidence au Château de Fontainebleau avec l’ensemble et le chœur Balthasar Neumann. Vous allez diriger Werther de Massenet (dans une mise en scène de Robert Carsen, 24 & 26/11) : quels sont vos liens avec la musique française ? J’ai grandi avec Brahms, Schumann, Mahler… Un jour, grâce à Frans Brüggen, j’ai rencontré Nikolaus Harnoncourt et découvert ses interprétations historiquement informées de Rameau ou Lully. J’ai été frappé par la beauté de ces musiques et me suis demandé comment ça continuait. Alors, j’ai étudié, me suis plongé dans l’œuvre 26
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de Méhul qui est fantastique, mais aussi dans celle de Jean-François Lesueur, puis dans tout le romantisme français. Qu’est-ce qui est nécessaire pour diriger Werther ? La partition ne suffit pas. Il faut s’imprégner de sources esthétiques et littéraires, Goethe bien évidemment. Mais pour comprendre Goethe, il faut lire Rousseau, car il a beaucoup pris de lui, que ce soit dans la description de la nature ou la compréhension d’un jeune homme comme Werther. Cette œuvre peut faire figure de pont entre nos deux pays : souvenez-vous de la discussion portant sur le livre entre Napoléon et Goethe en 1808, à Erfurt. Un des pièges à éviter est que cette musique devienne sirupeuse ou trop sentimentale… Dans Werther, les voix sont souvent enlacées avec les bois, créant une étoffe légère, presque transparente. On se rappelle alors qu’il influença Debussy et que Kœchlin fut un de ses élèves. Il faut lire cette partition de manière presque impressionniste pour y instiller de la souplesse. Bien sûr, certaines scènes rappellent que Massenet connaît bien Parsifal. Il existe cependant une grande différence avec Wagner : chez le compositeur français, les émotions sont tout aussi profondes, mais s’expriment en un clin d’œil et en toute subtilité. Elles sont là, prégnantes, puis s’évanouissent sans que les phrases s’élargissent ou s’appesantissent… Wie kann man den Geist des Festivals zusammenfassen, das Sie mit
Benedikt Stampa, dem Intendanten des Festspielhauses, gemeinsam kuratieren? Unser Projekt besteht darin, den europäischen Geist anhand der künstlerischen Beziehungen zwischen Frankreich und Deutschland im 19. Jahrhundert zu erkunden und das Publikum von beiden Seiten des Rheins zusammenzubringen. Unsere Länder sind die beiden Seiten derselben Medaille, das darf man nie vergessen. Sie haben eine enge Beziehung zu Frankreich… Ich kam zum ersten Mal mit fünfzehn Jahren nach Paris und habe dort rund eine Woche verbracht. Ich habe mir damals geschworen eines Tages dorthin zu ziehen, die Sprache zu lernen, in diese Kultur einzutauchen, die mich fasziniert. Als mir Gérard Mortier im Jahr 2005 angeboten hat Orphée et Eurydice von Gluck, an der Opéra Bastille zu dirigieren, in einer Inszenierung von Pina Bausch, war ich begeistert. Nach und nach habe ich französische Musik und Literatur aufgesogen… bis ich mich in Paris installierte und im Château de Fontainebleau mit dem Ensemble und dem Chor Balthasar Neumann eine Residenz hielt. Sie werden Werther von Massenet dirigieren (in einer Inszenierung von Robert Carsen, 24. & 26.11.): Was sind ihre Verbindungen zur französischen Musik? Ich bin mit Brahms, Schumann, Mahler aufgewachsen… Eines Tages habe ich, dank Frans Brüggen, Nikolaus Harnoncourt kennengelernt und seine histo-
risch informierte Aufführungspraxis von Rameau oder Lully entdeckt. Ich war von der Schönheit dieser Musik begeistert und ich habe mich gefragt, wie das weiterging. Also habe ich studiert, bin in das Werk von Méhul eingetaucht, dann in die gesamte französische Romantik. Was ist nötig, um Werther zu dirigieren? Die Partitur reicht nicht aus. Man muss sich mit den ästhetischen und literarischen Quellen vollsaugen, natürlich Goethe. Aber um Goethe zu verstehen, muss man wieder Rousseau lesen, denn er hat von ihm vieles übernommen, ob in der Naturbeschreibung oder dem
Verständnis eines jungen Mannes wie Werther. Dieses Werk kann als Brücke dienen zwischen unseren beiden Ländern: Erinnern Sie sich an die Diskussion über das Buch zwischen Napoléon und Goethe im Jahr 1808 in Erfurt. Eine der Fallen, die man umgehen muss, ist jene einer zu schnulzigen oder zu sentimentalen Musik… In Werther sind die Stimmen oft mit den Holzbläsern verflochten, was einen leichten, fast transparenten Stoff erzeugt. Man erinnert sich daran, dass er Debussy beeinflusste und Kœchlin einer seiner Schüler war. Man muss diese Partitur auf fast impressionistische Wei-
se lesen, um ihr Flexibilität einzuträufeln. Natürlich erinnern einige Szenen daran, dass Massenet Parsifal gut kennt. Es besteht nichtsdestotrotz ein großer Unterschied mit Wagner: Beim französischen Komponisten sind die Gefühle genauso tiefgründig, drücken sich aber in einem Augenzwinkern, voller Subtilität aus. Sie sind da, prägnant, und verflüchtigen sich dann, ohne dass die Sätze breiter oder schwerer würden… Au Festspielhaus (Baden-Baden) du 18 au 26 novembre Im Festspielhaus (Baden-Baden) vom 18. bis 26. November festspielhaus.de POLY 262
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Retour vers le présent Sept spectacles sont à l’affiche de Scènes d’automne en Alsace, dont un manga théâtral de Natacha Steck et une nouvelle adaptation d’Hamlet, mise en scène par Catherine Umbdenstock. Par Julia Percheron – Photos d’Hamlet par Julie Schertzer et d’Un jour, j’irai à Tokyo avec toi !
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armi les pièces sélectionnées cette saison, les cinq lieux porteurs du festival soutiennent particulièrement Un jour, j’irai à Tokyo avec toi ! L’histoire conte l’essor du manga en France, depuis les années 1970, à travers huit membres d’une même famille. « Le manga et l’anime sont des arts très vivants, ce qui donne un jeu vraiment physique », sourit sa créatrice, Natacha Steck. Au début, le plateau est nu. Les décors colorés et l’éclairage au néon arrivent progressivement, comme si tout partait d’une page blanche. Telle une rétrospective, les années défilent autour du foyer, donnant corps aux héros littéraires de chaque génération. Lorsque l’édition du genre s’impose dans l’Hexagone, courant 1990, elle l’illustre en recréant les planches de séries iconiques comme Lady Snowblood, Slam Dunk et Pluto. Autre façon de nous immerger dans cette culture japonaise : réadapter en direct certains thèmes incontournables, à l’image de Street Fighter 2 Turbo. Lors d’une séquence mettant en scène un combat de sumo, la musique se trouve revisitée avec flûte traversière, guitare, caisse 28
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claire, clavier et autre ocarina. Face à un tel foisonnement créatif, les acteurs se glissent dans plusieurs rôles. Dans le cas de la saga de basket Slam Dunk, les personnages sont réunis sous le nom du héros, Sakuragi, existant à travers le petit-fils. « Celui-ci grandit tout au long de l’œuvre, évoluant au fil des années, en même temps que les protagonistes des mangas, qui passent symboliquement d’une génération à une autre », explique le comédien Hugo Seksig Garcia. « et le reste est silence » Dans un autre registre, Catherine Umbdenstock retravaille Hamlet, d’après une nouvelle traduction commandée à Dorothée Zumstein. L’intrigue commence au pied des immenses remparts du château danois d’Elsenor, au milieu de soldats. « Les adaptations d’Hamlet se concentrent souvent plus sur le côté dramatique que politique », analyse la metteuse en scène. « Certes, son père est tué et sa mère se remarie, mais il hérite aussi d’un royaume déchiré. Ici, le sujet de la guerre est un élément central », insiste-t-elle. « La situation politique du pays est instable, ce qui
est d’autant plus intéressant car cela fait écho à notre monde actuel. » Six interprètes se partagent une quinzaine de personnages, certains tirant profit de leurs compétences musicales. L’actrice d’Ophélie, l’amoureuse éconduite, est également une harpiste hors pair. Tout d’abord romantique, sa mélodie laisse peu à peu place à des sonorités guerrières, signant sa chute dans la folie. Punk, rock, rap et electro sont aussi présents, « jusqu’à ce qu’à la fin, ne résonne plus que le silence. » À La Comédie de Colmar, La Filature (Mulhouse), Le Créa (Kingersheim), L’Espace 110 (Illzach) et La Coupole (Saint-Louis) du 7 au 10 novembre > Un jour, j’irai à Tokyo avec toi ! de Natacha Steck au Théâtre La Coupole (Saint-Louis) le 7 novembre, puis en 2024 en tournée dans le cadre du festival Momix (Kingersheim) le 7 février, à Nest (Thionville) du 11 au 13 avril, à La Manufacture (Nancy) du 23 au 25 mai et à L’Espace 110 (Illzach) le 11 octobre > Hamlet de Catherine Umbdenstock à La Comédie de Colmar du 8 au 10 novembre et au TAPS Scala (Strasbourg) du 5 au 9 décembre