n ° 1 3 2 – M a r s / A v r i l 2 0 1 0 – w w w. p o l y. f r
URBAN SCÉNOS // VOYAGES EXTRAORDINAIRES À ALTKIRCH // SUPERSOUNDS & EMPREINTES À COLMAR TRANS(E) À MULHOUSE // PHILOCTÈTE & LES GIBOULÉES DE LA MARIONNETTE À STRASBOURG
C’EST LE pauLin DE MOnSiEuR pOMpiDOu.
RCS Belley 545 920 076
“Pumpkin” de Pierre Paulin, créé en 1971 pour l’Élysée.
8 quai Kellermann 67000 Strasbourg – tél. 03 88 23 16 23 5 rue du Commerce 67202 Wolfisheim – tél. 03 88 78 22 26
À pied, à table, dans le tram ou chez vous, la culture “Vite fait, mais bien fait !”
Une mythologie rhénane
À l’Hôtel de Ville de Schiltigheim, on découvre, du 5 au 27 mars, de bien belles œuvres de Camille Claus (1920-2005), un des artistes alsaciens les plus attachants, inventeur d’un univers poétique et onirique. www.ville-schiltigheim.fr Camille Claus, Les Fous du Rhin, 1986, Bibliothèque Humaniste de Sélestat
AU JARDIN
Jazz brothers
Avec Édouard Schimpf, architecte d’une ville en renouveau, le strasbourgeois CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) du Bas-Rhin nous convie à une exposition sur celui qui a imaginé la cité-jardin du Stockfeld. Un patrimoine à redécouvrir du 8 mars au 15 avril. www.caue67.com
Après Stevie Wonder, Milton Nascimento et Horace Silver, les frères Belmondo – Lionel et Stéphane – rendent hommage au trompettiste et compositeur jazz Freddy Hubbard, vendredi 12 mars à Pôle Sud (Strasbourg). Désormais élargis à un sextet (Sylvain Romano à la contrebasse, Laurent Fickelson au piano et Dré Pallemaerts à la batterie), les Belmondo, portés par le souffle hard bop de Yusef Lateef et influencés par John Coltrane, Dexter Gordon et Miles Davis, s’unissent au tromboniste Glenn Ferris pour honorer la mémoire de Freddie Hubbard, disparu en décembre 2008. À l’issue du concert, une rencontre est organisée avec les deux frangins.
AU CAFÉ
www.pole-sud.fr
Un eldorado de l’art C’est parti pour la septième édition d’Art Karlsruhe (du 4 au 7 mars), un rendez-vous devenu incontournable. Au menu, 208 galeries venues de 12 pays… et des petits Français dont La Voix du Maître. Dans son espace se croisent les paysages de Roger Dale et les totems de Christian Lapie. Mais aussi des Prix, des expositions, la présence du Digital Art Museum de Berlin… © Roger Dale
www.art-karlsruhe.de
Sept photographes, OTAN Quelle est notre vision des choses dans un moment de frénésie ? L’exposition collective OTAN d’images, présentée à La Chambre (Strasbourg) jusqu’au 4 avril, dévoile le chaos qui s’est emparé de la ville il y a un an. Sept photographes (Pascal Bastien, Vincent Hanrion, Vincent Kessler, Benoît Linder, Christian Lutz-Sorg, Philippe Paret, Eric Vazzoler) livrent leur perception du sommet de l’OTAN. Arpentant les rues strasbourgeoises, ils ont capté des moments uniques : avenues désertées, manifestants pacifistes offrant une fleur à des CRS ébahis, casseurs excités ou pris au piège par des bombes lacrymogènes… Aucune trace visible d’instants solennels et historiques entre hommes politiques… Seules les coulisses de cet événement médiatique sont mises à nu. www.chambreapart.org
Depuis février, le CRAC Alsace (Altkirch) dispose d’un espace de convivialité (waouh, la jolie expression) : le Petit Café imaginé par le designer Fred Rieffel… Entre bar et bibliothèque, l’endroit idéal pour faire un break après la visite de Voyages extraordinaires (voir page 66). www.cracalsace.com
À L’ÉCOLE Samedi 6 mars, l’École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg ouvre toutes grandes ses portes. Une visite s’impose, histoire de mieux connaître les travaux des étudiants et leur cursus. Également au menu, un focus sur la nouvelle école conçue par l’architecte ingénieur Marc Mimram. www.strasbourg.archi.fr
AU MONASTÈRE
de visions
Pour Du haut du toit du monde (les 17 & 18 avril), les Dominicains de Haute-Alsace de Guebwiller se transforment en… monastère tibétain. Au programme : massages au bol, vidéo, artisanat… Un Buddha bar electro prolonge les vibrations dans le cloître. Et dimanche, c’est cérémonie par des moines de Nechung ! www.les-dominicains.com
AU RESTAURANT
© Pascal Bastien
Le CEFPPA (Centre Européen de Formation et de Promotion par Alternance pour l’industrie hôtelière) d’Illkirch-Graffenstaden fête ses 20 ans. Au menu, expositions & autres manifestations dont une performance dansée (jeudi 11 mars) de Geneviève Charras intitulée Une valse à vin temps. Hips ! www.cefppa.eu
Poly 132 - Mars/Avril 10 _ 3
Téléphonie mobile le plus simple c’est de passer au Crédit Mutuel Forfaits simplifiés
SMS et Internet illimités
Budget maîtrisé
Quand le Crédit Mutuel décide de se lancer dans la téléphonie mobile, c’est qu’il a véritablement quelque chose de nouveau à vous apporter : la simplicité. Parce que, quand la téléphonie mobile devient simple, elle est accessible à tous. Forfaits simplifiés, budget maîtrisé, SMS et Internet illimités... profitez de l’offre téléphonie la plus innovante et la plus simple, Crédit Mutuel Mobile ! Venez vite vous renseigner dans votre Caisse de Crédit Mutuel.
Avec Crédit Mutuel Mobile, abonnez-vous à la simplicité ! OFFRE SOUMISE A CONDITIONS. Forfait C le Mobile premier avec engagement 12 ou 24 mois. SMS Illimités en France Métropolitaine entre 2 personnes physiques et à usage privé. Limitation du débit au-delà de 500 Mo d’usage Internet /mois. Services de l’opérateur NRJ Mobile proposés par le Crédit Mutuel.
À pied, à table, dans le tram ou chez vous, la culture “Vite fait, mais bien fait !”
Hypernuit de folie
Bertrand Belin, auteur-compositeur breton, revient sur le devant de la scène française avec son troisième album Hypernuit, dont la sortie est prévue cette année. Il sera en concert samedi 13 mars à la MJC de Colmar. www.lezard.org © A. Archeno
100 vélos au quotidien
EXCITANT Sacré moment en perspective au Musée Würth d’Erstein : samedi 6 mars, le Prix Nobel de littérature Günter Grass (qui dialogue graphiquement avec son collègue Gao Xingjian jusqu’au 16 mai) ira à la rencontre de son public. Une belle occasion de se faire dédicacer Le Tambour ! www.musee-wurth.fr
La compagnie Quelque Part invite les Strasbourgeois à monter sur leur vélo le temps d’un spectacle (samedi 24 avril, place Kléber). Objet indispensable au XIXe siècle mais peu à peu délaissé au détriment de la voiture, la bicyclette revient sur le devant de la scène. La troupe présentera 100, une chorégraphie reposant sur l’agilité à laquelle pourront se joindre comédiens, danseurs amateurs et tous ceux qui en ont envie ! Pourquoi cette performance ? Après une année passée à Pékin où la vie sans vélo est impensable, Sylvain Sicaud s’est étonné que cet engin soit devenu archaïque. Dans une ville primée par le Trophée du vélo 2009, ce spectacle ne manquera pas de faire sens.
PRÉVOYANT La prochaine édition du festival haguenovien L’Humour des notes se déroule du 6 au 15 mai (on en reparlera). Sachez cependant que la billetterie ouvrira dès le 26 avril… et préparez avec soin vos oreilles et vos zygomatiques !!! www.humour-des-notes.com
www.quelque-part.fr
Photographies de l’intime Jusqu’au 28 mars, Françoise Saur découvre l’intimité et le quotidien d’hommes et de femmes dans son exposition Donnez-vous la peine d’entrer, à l’espace d’Art contemporain André Malraux de Colmar. Cachée derrière son appareil, la photographe s’est faite discrète pour figer la relation particulière qui s’établit entre un homme et son environnement. Portraits, mises en scène artistiques, clichés de la singularité d’un foyer ou d’une partie de chasse… Ces images sont rassemblées en une fresque poétique, découpée en séries de courtes fictions. www.colmar.fr – www.francoise-saur.com Françoise Saur, De la série n°7
Des fourmis et des hommes Bien sûr, il y a ces scènes, mémorables, indélébiles, tirées du Chien Andalou de Buñuel et Dali : l’œil coupé, les fourmis importunes… Des images emblématiques du mouvement surréaliste. Il y en a tant d’autres, à découvrir lors de Surréalisme et cinéma (jusqu’au 12 avril à l’Auditorium des Musées de Strasbourg et au cinéma Star). Elles sont signées Hans Richter, René Clair, Lars Von Trier ou Alan Parker (leurs descendants) et bien sûr Man Ray, largement représenté lors de l’expo La Photographie n’est pas l’art (voir page 40) à laquelle cette manifestation fait écho. www.musees-strasbourg.org – www.cinema-star.com
RIMANT Jusqu’au 21 mars, la compagnie Jacques Bachelier propose Le Misanthrope de Molière au Théâtre de la Boîte Noire du CREPS à Strasbourg-Koenigshoffen. « Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre / Le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre. » www.lamesnieh.com
SONNANT Vendredi 19 et samedi 20 mars, l’Orchestre symphonique de Mulhouse, sous la baguette de son directeur musical Daniel Klajner – qui a fait un sacré boulot depuis son arrivée en 2005 –, propose un programme Fauré / Schumann / Schoenberg (avec l’exquis poème symphonique Pelléas et Mélisande). À voir et à entendre à La Filature. www.mulhouse.fr www.lafilature.org
OXYGÉNANT
Un Chien andalou
Il est encore là avec son look improbable, ses synthés qu’on avait rangés au rayon Nostalgie (oui, oui, la radio). Allez, Jean-Michel Jarre is back. Il sera sur scène avec plus de 70 claviers vintage (ben, oui, on n’en vend plus). Lasers et sons electro sont au rendez-vous au Zénith de Strasbourg, vendredi 26 mars. www.zenith-strasbourg.fr
Poly 132 - Mars/Avril 10 _ 5
ORCHESTRE
PHILHARMONIQUE DE STRASBOURG ORCHESTRE NATIONAL
A V R I L 2 01 0 DIM. 25/04 I 11H STRASBOURG CITÉ DE LA MUSIQUE ET DE LA DANSE AUDITORIUM
EVELyNA ANTCHEVA / VIOLON AGNèS MAISON / ALTO THOMAS KAUFMAN / CONTREBASSE SANDRINE PONCET / FLûTE SÉBASTIEN GIOT / HAUTBOIS STÉPHANIE CORRE / CLARINETTE
MARTIN U°
TROIS MADRIGAUX (DUO N° 1) POUR VIOLON ET ALTO, H 313 (1947)
PROKOFIEV
QUINTETTE POUR HAUTBOIS, CLARINETTE, VIOLON, ALTO ET CONTREBASSE EN SOL MINEUR, OP.39
SCHULHOFF
CONCERTINO POUR FLûTE, ALTO ET CONTREBASSE
jEU. 29/04 & VEN. 30/04 I 20H30 STRASBOURG PMC SALLE ÉRASME
jAKUB HRUSA / DIRECTION SIMON TRPCESKI / PIANO
jANá˘CEK
LA PETITE RENARDE RUSÉE, SUITE
TCHAïKOVSKI
CONCERTO POUR PIANO ET ORCHESTRE N°1 EN SI BÉMOL MINEUR OP.23
STRAUSS
ALSO SPRACH ZARATHUSTRA (AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA) POèME SyMPHONIQUE OP.30
RENSEIGNEMENTS : 03 69 06 37 06 / WWW.PHILHARMONIQUE-STRASBOURG.COM BILLETTERIE : CAISSE OPS ENTRÉE SCHWEITZER DU LUNDI AU VENDREDI DE 10H À 18H / BOUTIQUE CULTURE, 10 PLACE DE LA CATHÉDRALE DU MARDI AU SAMEDI DE 12H À 19H © CONCEPTION : HORSTAXE.FR | PHOTOGRAPHIE : CHRISTOPHE URBAIN | MONTAGE BKN.FR | LICENCES D’ENTREPRENEURS DE SPECTACLES N° 2 : 1006168 ET N°3 : 10066169
À pied, à table, dans le tram ou chez vous, la culture “Vite fait, mais bien fait !”
Boom Biddy Bam Bam
BAM, créée par six circassiens issus du CNAC, présente Switch, sa 1re création au festival Pisteurs d’Étoiles d’Obernai (voir p.20) les 7 et 8 mai. Un spectacle autour de la monstruosité, où ces jeunes virtuoses rivalisent d’acrobaties. www.pisteursdetoiles.com
Grand orchestre
UN SÉISME Membre du Collectif Effervescence, le trio rock rennais-clermontois La Terre Tremble !!! va faire des dégâts à la galerie strasbourgeoise Stimultania. Ambiance tecktonik garantie mercredi 10 mars !!! www.komakino.org
Le label strasbourgeois Herzfeld est à l’honneur lors de la Semaine de la chanson (voir page 19), le temps d’une soirée qui leur est dédiée, jeudi 25 mars à La Filature de Mulhouse. Le programme ? Trois concerts : Thomas Joseph, alias T, en compagnie de Christine Ott aux ondes Martenot (voir Poly 127), Roméo & Sarah et Electric Electric. Du folk lunaire, de la pop satinée et du rock electroïde avant la prestation du Herzfeld Orchestra, soit la réunion de la quinzaine de membres du label. Cadeau : un disque inédit du super-groupe offert à tous. Bonus : la présentation de deux pièces musicales issues d’une résidence du label au Conservatoire de Mulhouse.
DEUX JOURS Samedi 20 et dimanche 21 mars, le réseau Trans Rhein Art organise son quatrième Week-end de découverte de l’art contemporain. Visites, ateliers, rencontres avec les artistes… Toute la région va vibrer au rythme de la création. www.artenalsace.org
www.lafilature.org – www.hrzfld.com
Place au sarcasme
Christian Zeimert, Il n’est même plus l’ombre de lui-même, 1999, collection de l’artiste
Aborder l’histoire de l’art avec humour, voilà ce que propose l’exposition Par l’opération du Saint-Esprit à La Chaufferie, galerie des Arts déco de Strasbourg. Du 19 mars au 3 avril, le peintre Christian Zeimert dévoile le sarcasme qui constitue la base de son inspiration artistique. Pratiquant l’humour pour éviter une peinture trop sérieuse, cet artiste “calembourgeois” bouscule les images en décalant leur sens, parodiant ainsi la grande peinture. www.esad-stg.org
L’orgue dans tous ses états L’association DOA (Découverte des Orgues d’Alsace) nous invite (du 12 au 16 mai) aux Journées de l’Orgue en Alsace, un nouveau festival… Cinq journées, des lieux prestigieux (les abbatiales d’Ebersmunster ou de Marmoutier ou encore la Cathédrale de Strasbourg) et des interprètes qui ne le sont pas moins avec notamment Thierry Escaich qui improvisera une bande originale de L’Aurore de Murnau dans un attendu ciné-concert (à Thann). Mais aussi Le Parlement de Musique, Christophe Mantoux, Les Barbaroques… On en reparle bientôt.
SIX ROCKERS Le mythique Manfred Mann’s Earth Band (fondé en 1971) débarque à Sélestat samedi 27 mars. Noel Mc Calla (voix) Mick Rogers & Chris Thompson (guitare), Steve Kinch (basse), Geoff Dunn (batterie) et Manfred Mann vont mettre le feu aux Tanzmatten. Des maîtres du live ! www.tanzmatten.fr
HUIT SAISONS 4 + 4 = 8. C’est ce qu’ont dû se dire les membres de l’ensemble instrumental La Follia. Ils ont en effet décidé de présenter à La Castine de Reichshoffen, dans la même soirée (vendredi 30 avril), les célébrissimes Quatre Saisons de Vivaldi et Les Quatre Saisons de Buenos Aires d’Astor Piazzolla. Le compte est bon. www.lacastine.com
VINGT ANS C’est l’âge du Parlement de Musique, ensemble baroque fondé (et dirigé) par Martin Gester. Il nous propose la création du cycle intégral (reconstitué pour la première fois) des Vêpres de l’Assomption que Nicola Porpora composa en 1745. À entendre dimanche 7 mars en l’Église d’Illzach et lundi 8 en l’Église protestante de Barr. www.leparlementdemusique.com
www.doa-alsace.org Thierry Escaich © Pascal Bastien
Poly 132 - Mars/Avril 10 _ 7
Poly 132 – Mars/Avril 10
sommaire & couverture
48 _ Hölderlin
La BNUS s’intéresse à l’œuvre du poète
50 _ Les Invincibles 12 _ Édito 14 _ Livres, bd, cd et dvd 16 _ T’es qui toi ?
Jaek El Diablo
52 _ Les Artefacts
19 _ Coming Soon
20 _ Cinq questions à…
Il interprète son nouvel album En concert à La Semaine de la Chanson Adan Sandoval, programmateur du Festival Pisteurs d’Étoiles à Obernai
22 _ << RR = FF >> Dark Zones ?
Exposition au Maillon-Wacken
30 _ Ali Teoman
32 _ 32 Rue Vandenbranden
L’écrivain turc publie sa 1re nouvelle en français La compagnie Peeping Tom est accueillie à La Filature et à Pôle Sud
34 _ La Version Claus
Interview du metteur en scène Josse De Pauw
36 _ Les sculptures meurent aussi
Virée dans la nouvelle exposition de la Kunsthalle de Mulhouse
37 _ Le Printemps des Bretelles
L’accordéon envahit Illkirch en mars
38 _ Supersounds
De la danse aux Bains municipaux de Strasbourg
61 _ L’illustratrice
Le meilleur du festival du TJP
Concert baroque à l’OPS
60 _ L’eau de personne
28 _ Les Giboulées de la Marionnette
Le meilleur du festival mulhousien
58 _ Europa Galante
les raisons d’un clash
Centre de distribution des eaux à Rohrwiller
56 _ Festival Trans(e)
24 _ Dossier : Les Arts déco de Strasbourg,
Des petits groupes aux grands noms
54 _ Urban Intrusion
18 _ Raul Paz
Découverte de la nouvelle série d’Arte tournée à Strasbourg
Cécile Liénaux
62 _ La maladie de la mort
Une pièce tirée de Duras au TAPS Gare
64 _ Une ville vue par un artiste Victor Démé / Bobo-Dioulasso
66 _ Voyages extraordinaires La nouvelle expo du Crac Alsace
68 _ Empreintes
Le nouveau festival de la Comédie de l’Est
70 _ Ailleurs 78 _ Culture scientifique
La Roue de l'énergie de Tomi Ungerer
80 _ Culture gastronomique
Oncle Goerges à Pfettisheim
82 _ Last but not least…
Yasmina Khadra
Étienne Jaumet en concert
40 _ La photographie n’est pas l’art
Le MAMCS expose la collection de Sylvio Perlstein
41 _ Philoctète
Entretien avec Jean Jourdheuil qui monte la pièce d’Heiner Müller au TNS
44 _ Portrait
Bettina Klein, nouvelle commissaire d’exposition du CEAAC
COUVERTURE Cette photo, prise par JeanChristophe Lanquetin en 2007, témoigne d’une action artistique réalisée par l’artiste Hicham Benohoud lors d’une résidence dans la ville de Kinshasa (RDC). Elle fait partie des Scénographies Urbaines (voir pages 22-23), projet mené par les scénographes et enseignants François Duconseille et Jean-Christophe Lanquetin.
Poly 132 – Mars/Avril 10
contributeurs & qui a vu l’ours ? Ours : Pascal Bastien (né en 1970)
Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)
Libération, Télérama, Le Monde… et Poly : Pascal Bastien est un fidèle de notre magazine. Il alterne commandes pour la presse et travaux personnels menant notamment une réflexion photographique sur les zones frontalières en Alsace. m www.pascalbastien.com Photo : Pascal Bastien
Benoît Linder (né en 1969) Ce membre de l’agence French co. vit à Strasbourg. Son travail d’auteur se nourrit, discrètement, de temps suspendus et d’errances improbables au cœur de nuits urbaines et autres grands nulles parts modernes. m www.frenchco.eu/benoitlinder Photo : Benoît Linder
Sous-bock du plus grand combinat de boissons est-allemand (le signe VEB signifiant Volkseigener Betrieb, “entreprise possédée par le peuple”)
Stéphane Louis (né en 1973)
www.poly.fr
Son regard sur les choses est un de celui qui nous touche le plus et les images de celui qui s’est déjà vu consacrer un livre monographique (chez Arthénon) nous entraînent dans un étrange ailleurs. On lui doit aussi un passionnant ouvrage, Portraits, Acteurs du cinéma français (textes de Romain Sublon). m www.stephanelouis.com Crédit photo : Elias Zitronenbaum
Loïc Sander (né en 1987) Graphiste passionné de typographie, il aime créer des caractères et pratique chez Arthénon avec deux livres d’art à son actif, dont Portraits, Acteurs du cinéma français, en 2007. Photographe à ses heures, on peut découvrir sa production protéiforme sur son site… m www.akalollip.com Photo : Günther Dragocewicz
Jean-Philippe Senn (né en 1977) La photo est pour lui une affaire d’osmose, d’atmosphère : s’imprégner lentement, aller au plus profond des choses pour bien les voir. Il s’approprie la ville, elle l’irrigue comme si elle était un organisme vivant. Et ensuite jaillissent des éclats oniriques d’une réalité qu’il a su saisir avec son objectif. m www.ultra-book.com/-jean-philippesenn Photo : Jean-Philippe Senn
Maxime Stange (né en 1982) Quand on lui demande, exercice périlleux entre mille, de se définir, le photographe strasbourgeois installé à Paris nous répond avec cette mosaïque sémantique et lexicale : « Jeune & Vieux, décalé, étrange, philanthrope & misanthrope, passionné, curieux, jamais en pause, névrotique ». m www.maxime-stange.com Photo : Kevin Soobrayen
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RÉDACTION / GRAPHISME > redaction@poly.fr - 03 90 22 93 49 Responsable de la rédaction : Hervé Lévy / herve.levy@poly.fr Secrétaire de rédaction : Valérie Kempf / valerie.kempf@poly.fr Rédacteurs : Emmanuel Dosda / emmanuel.dosda@poly.fr Thomas Flagel / thomas.flagel@poly.fr Stagiaire de la rédaction : Victoria Karel / victoria.karel@poly.fr Ont participé à ce numéro : Geneviève Charras, Fouzi Louahem, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel, Arnaud Weber, Raphaël Zimmerman. Graphiste : Pierre Muller / pierre.muller@bkn.fr Maquette : Mathieu Linotte / mathieu.linotte@bkn.fr © Poly 2010. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.
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COMMUNICATION BKN Éditeur / BKN Studio - www.bkn.fr
au Noumatrouff / samedi 20 mars à 21h
BATLIK / ALEXIS HK
à La Filature / mardi 23 mars à 20 h 30
YU LES
à La Filature / jeudi 25 mars à 19 h 30
SOIREE HERZFELD
Roméo & Sarah / Electric Electric / T / Herzfeld Orchestra à La Filature / vendredi 26 mars à 20 h 30
SOIREE CONCOURS DECOUVERTES avec Amélie, Nicolas Fraissinet, Les Galipettes, Maud Lübeck et Ludmilla à La Filature / samedi 27 mars à 20 h 30
EM I LY LOIZEAU
à l’Espace Tival / dimanche 28 mars à 18 h 30
COMING SOON
après-concert Lonesome French Cowboy En partenariat avec le Créa de Kingersheim, le Noumatrouff et le Service Universitaire de l’Action Culturelle de l’U.H.A.
WWW. LAFILATURE . ORG La Filature, Scène nationale / 20 allée Nathan Katz / 68090 Mulhouse cedex
trilogie strindberg
par le Théâtre-Laboratoire Sfumato de Sofia Spectacles en bulgare surtitré
julie, jean et kristine
2 > 13 mars
la danse de mort
2 > 6 mars
strindberg à damas
9 > 13 mars
abonnement / location
03 88 24 88 24 www.tns.fr
Poly 132 – Mars/Avril 10
© Maxime Stange
édito
Régionales & Culture, la grande illusion ?
B
ientôt les élections régionales. Premier tour, le 14 mars. Second tour, le 21. Vous avez entendu parler de culture dans ce cadre, vous ? Un peu. Beaucoup. Passionnément. À la folie. Pas du tout… On sait quoi répondre. Et pourtant, la Région Alsace soutient annuellement pas moins de 15 structures culturelles (de l’Agence Culturelle d’Alsace au Centre Régional d’Art Contemporain, en passant par les Dominicains de Haute-Alsace ou le Fonds Régional d’Art Contemporain). Elle apporte son concours à quelque 200 manifestations et 36 projets dans le secteur audiovisuel et cinématographique. Soit un budget, pour 2010, de 19,6 millions d’Euros (avec le sport) sur un total de 778 millions. Cela ne pèse évidemment pas bien lourd par rapport aux domaines d’intervention les plus importants de la collectivité, TER (144,3 millions) ou lycées (116,3 millions) en tête. Mais comme le dit la sagesse populaire, « c’est pas rien ». À l’heure où la politique en la matière est susceptible d’être menacée par la disparition de la taxe professionnelle et les nuages noirs qui s’amoncèlent sur la clause de compétence générale, je m’interroge… L’Article 35 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales dispose en effet : « La région et le département exercent, en principe exclusivement, les compétences qui leur sont attribuées
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par la loi ». Même si le texte est loin d’être adopté (et qu’il ne le sera sans doute pas en l’état), le risque existe de voir se réduire cette possibilité d’arpenter des domaines non prévus par la loi… qui a bénéficié à la culture par le passé.
téressés sur son blog par une Lettre ouverte aux têtes de liste sur la politique culturelle de la région. Des réponses de certains candidats certes, mais rien qui soit de nature à dissiper nos doutes sur l’intérêt porté à la culture. On ne peut que le déplorer.
Face à un contexte juridique préoccupant et à une situation économique qui ne l’est pas moins, nous souhaiterions des prises de position plus audacieuses que la mise en place d’un « mécanisme de subventions permettant l’accès à la culture en milieu rural comme urbain » ou le « soutien renforcé à la création pour les compagnies et les artistes régionaux » (extraits du programme de Jacques Bigot, Parti socialiste). Ou encore : « L’action culturelle doit préserver la richesse et la diversité de notre patrimoine. Nous voulons mieux contribuer à faire reconnaître nos grandes institutions culturelles comme nous favoriserons les initiatives artistiques innovantes sur tout le territoire » (extraits du programme de Philippe Richert, Majorité alsacienne). On pourrait en citer d’autres, mais faute de place… Que diable, soyons entreprenants ! La culture peut (et doit) aussi être vecteur d’emplois et de richesses : cinéma, jeux vidéo, patrimoine, architecture… Robert Grossmann, ancien adjoint à la culture de la Ville de Strasbourg, a bien interpellé les in-
Alors, messieurs les têtes de liste (eh oui, pas une femme malgré la parité qui est mise à toutes les sauces. Bravo !) Osez ! N’ayez pas peur. Dans le cadre de cette campagne un brin monotone, intéressez-vous à la culture, puisqu’elle aussi est source, à la fois, de rayonnement et de développement économique. Intéressez-vous au mécénat (bien peu alerte sous nos latitudes). Explorez le riche tissu culturel local (et pas seulement les grandes institutions). Soyez innovants. Et surtout, développez d’ores et déjà le cadre théorique d’une vraie politique culturelle avec ses grands axes, ses orientations claires, ses préférences revendiquées et assumées. Cela permettra d’être plus efficient, une fois élu… Parler est une chose. Écouter en est une autre. La plus importante, néanmoins, est de faire des choix. Se payer de mots n’est jamais productif, surtout en des temps où nous devrions, toutes et tous, être unis, sur le pont, prêts à affronter une tempête qui s’annonce. Hervé Lévy
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Fortune BD
Alice Voilà une histoire complète signée par Frédéric L’Homme (scénario) et le Strasbourgeois Jean-François Cellier. L’univers ? Un avenir foutraque, sur la planète Mars. Catherine Hamilton vit dans une méga-mégalopole, la tentaculaire Nouvelle-nouvelle Orléans, et s’évade dans des univers virtuels, s’enfonçant au creux du poignet le câble de connexion qui la reliera au jeu de simulation Guerres médiévales (comment ne pas penser au film de Mamoru Oshii, Avalon ?). Elle rencontre une petite fille, sa voisine, l’énigmatique Alice. Entre problèmes géopolitiques (la guerre de Sécession fait son retour dans le futur), références à Saint Paul et troublantes relations entre la fillette et Catherine, le scénario est parfois alambiqué… Mais les très beaux dessins – tout est à l’avenant de la couverture – métamorphosent cet album en un univers mystérieux et éminemment attirant. (R.Z.) m Paru chez Soleil (12,90 €) www.soleilprod.com
Bon d’accord, là, on triche un peu : Fortune n’est pas vraiment un groupe alsacien, enfin pas à 100 %. C’est le projet de Lionel Pierres, ex-Abstrackt Keal Agram, avec Pierre Lucas de The Big Knife (et DJ d’A.K.A.), François de Miomandre de The Yolks, et Hervé Loos, batteur du groupe electro-dark Y Front de Mulhouse. Sans doute Lionel et Hervé se sont-ils croisés lors de performances du Meteor Band (groupe qui accompagne Rodolphe Burger) auquel ils ont tous deux collaboré, notamment pour l’enregistrement d’un hommage à Gainsbourg… La musique de Fortune ? Impossible de ne pas songer à Phoenix, Français fraîchement “grammy-awardisé” dont notre quatuor a remixé le titre 1901. Même si d’Abstrackt Keal Agram Fortune a gardé l’amour pour les machines et l’électronique, c’est sur des chaussées nettement plus pop que le combo vadrouille. Art de la mélodie maîtrisé, compos bien ficelées, références (aux 80’s…) assumées, style enlevé, synthés bien réglés : Fortune fait notre bonheur. (E.D.) m Staring At The Ice Melt, Disque Primeur (sortie le 22 mars) www.disqueprimeur.com
ROMAN
La Nuit du Vojd Le premier roman du Strasbourgeois Hervé Bel ressemble à un conte cruel sur le monde du travail. Le Vojd (en russe, “chef” ou “guide”… et aussi le surnom de Staline) est le dirigeant suprême d’une entreprise gigantesque. Le jeune et brillant Ivan intègre une de ses branches, la très enviée Organisation, dont l’objectif est de « découvrir les défaillances des hommes et des systèmes, de les éradiquer et de sanctionner les responsables ». Le début d’une brillante carrière ? Mouais… Envoyé dans une grise ville de province pour son premier audit, il se frotte au réel et, à force de renoncements sans importance et de minuscules trahisons, devient un autre homme. Exit l’étudiant rêveur. Voilà le cadre sup’ qui ne vit que pour son boulot. Le roman plonge avec intelligence son lecteur dans l’univers kafkaïen de l’entreprise, considérée comme un système totalitaire, une machine à broyer les corps et les cœurs, en fouillant avec application l’esprit d’un de ces petits soldats du grand capital. (H.L.) m Paru aux éditions Jean-Claude Lattès (18 €) www.editions-jclattes.fr
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ALBUM JEUNESSE
Chat-nouille Gaëtan Dorémus est de retour dans nos librairies avec une nouvelle histoire illustrée pour enfants. À grands traits noirs, bleus et oranges, l’auteur-illustrateur de 34 ans – qui habite et travaille à Strasbourg – nous raconte comment Nounouille, le mistigri de Manon, se coupe de tous les petits plaisirs de la vie en s’installant devant la TV dès qu’il est seul, se goinfrant de pâtes. Une vie de pacha identique à celle des autres matous du quartier avec lesquels il partage son amour des séries et des jeux vidéo. Cela vous rappelle quelqu’un ? L’ado de la famille ou le voisin du deuxième étage toujours une console à la main qui ne met le nez dehors que pour rejoindre ses semblables ? Par une simplicité érigée en marque de fabrique, Dorémus interroge la source de la curiosité et de l’appétit de vivre. Devenu « tout blanc, tout mou », une vraie nouille « lisse, lisse, lisse », c’est grâce aux sentiments d’amitié que le félin reprendra des couleurs, retrouvera le chemin du partage, loin des mirages virtuels diffusés sur les écrans… (D.V.) m Paru aux Éditions du Rouergue (11 €) Dès 5 ans – www.lerouergue.com
REVUE
CD
LéOparleur Quatre ans après Tout ce qui brille, voici Faut du rêve, un troisième album à la fois désabusé et plein d’espoir, lumineux et ombrageux, fruit d’une résidence des LéOparleur sous le soleil espagnol. Ces Strasbourgeois qui ont forgé leur personnalité sur scène (on ne compte plus le nombre de leurs shows, dans les grandes salles ou les petits bouibouis), fans de musette, de chanson réaliste et de sonorités klezmer, mâtinent ici leur musique de jazz, de dub, de rock (il y a même des guitares électriques), de world. Chansons à boire (Attends Garçon : « Ne baisse pas le rideau de fer non, ressersmoi plutôt »), d’amour qui finissent mal (Mon Koeur ment : « J’aimerais que tu me rendes mon coeur […] j’crois que j’m’ sentirai bien, bien moins mélancolique et ma vie n’aurait pas ce vieux goût de fer blanc »), escapades hispaniques (No Dice Na)… Ces gens du voyage nous embarquent dans leurs valises le temps d’un disque généreux. (E.D.) m Faut du rêve, Léoproduction Le groupe sera en concert vendredi 7 mai au Grillen de Colmar et lundi 10 mai au Festival l’Humour des Notes de Haguenau www.leoparleur.com
Cyclocosmia III Roberto Bolaño
La revue littéraire d’invention et d’observation Cyclocosmia vient de sortir son troisième numéro. L’œuvre de Roberto Bolaño (et le double fictif de ses romans, Arturo Belano) y est explorée et décortiquée. Écrivain chilien disparu en 2003 à l’âge de 50 ans, il fut tour à tour vagabond, trotskiste, poète (fondateur de l’infraréalisme, mouvement post-dada d’Amérique latine) et romancier obsessionnel. Les textes inspirés et les illustrations jalonnant la revue (voir les somptueux portraits signés Lazare Bruyant) forment un agréable ensemble porté par des analyses éclairantes sur la dimension politique des romans de ce provocateur né (dimension du polar, rapport au fascisme…). De quoi donner envie de (re) lire ses incontournables Détectives sauvages et La Littérature nazie en Amérique pour patienter jusqu’à la publication, en français, du Troisième Reich (à paraître le 8 avril aux éditions Bourgois), écrit en 1989. (T.F.) m 22 € dans toutes les bonnes librairies www.cyclocosmia.net www.christianbourgois-editeur.com
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t’es qui toi ?
Une intervention mystérieuse dans l’espace public. À la recherche de son auteur.
Sympathy for El Diablo Le Strasbourgeois Jaek El Diablo est un drôle de touche-à-tout : graf, ligne de vêtements, objets… Portrait d’un créateur qui se balade sans cesse entre rue et galerie.
«M
ais l’histoire ne fait que commencer » conclut la bio officielle du Strasbourgeois Jaek El Diablo (né en 1977). Elle ne fait que commencer là où d’autres se seraient arrêtés, éreintés par trop de productions, trop de propositions, trop de projets menés de front. Tout avait commencé pour le jeune Raphaël avec le trait appliqué des décalques de super héros de Marvel et des personnages des cartoons d’Hannah & Barbera. Adolescent, il avait signé un pacte secret avec les icônes de la pop culture des années 80 et 90, le genre de pacte qu’on ne discute pas.
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Du skate…
Le street art croisera son chemin dans les années 90 par l’entremise du skate, véritable école du “home made” et de la persévérance, première ligne graphique sur le gripp des skateboards, premier tag sur les murs. Du collège au lycée, toujours ce besoin de dessiner. Son art est nourri par la musique (de The Dead Kennedys à Suicidal Tendencies, en passant par le hip-hop old school), les comics, les mangas, les jeux vidéo. Les crews se forment, le collectif MACIA (Mouvement d’Actions Cosmopolite Insurrectionnel et Autonome) pour repère, l’histoire du graf strasbourgeois
s’écrit sur les murs. Une Licence d’arts plastiques et un DESS en images de synthèse en poche, Jaek El Diablo fomente son grand œuvre, le Projet Vicius : appliquer son art, son trait, sur divers supports et, en premier lieu, à sa passion de toujours, « la sape ». Créer
« La création de logo est très proche de la recherche typographique » sa propre ligne de vêtements, adapter ses créations graphiques au street wear. « Aujourd’hui je travaille mon graphisme sur tee-shirt, mais si j’en avais la possibilité, le stylisme me tenterait. » L’entreprise, qui demande des investissements financiers lourds, attendra. En 2004, Jaek devient graphiste freelance, enchaîne les commandes de logotypes et autres identités visuelles. Son style immédiatement identifiable mixe l’iconographie hip-hop des années 90, le tatoo et le pop art surréaliste du californien Jim Philips. Il lui vaut la reconnaissance de l’Asie où le graphisme est roi via le
recueil Logology, « la création de logo est très proche de la recherche typographique qu’on trouve dans le graffiti, c’est peut être pour ça que cela m’amuse autant ». Les collaborations s’enchaînent alors, des sneakers (baskets) pour Ethnies, éS et Jim Rickey, des planches de skate pour la marque Logo skateboard , l’identité visuelle de Slidebox ou plus récemment deux customs (customisation) pour la marque Reebok destinés au Dj Bob Sinclar.
… au Toyz
Celui qui se présente aujourd’hui comme designer graphique oppose les codes traditionnels qui régissent l’art contemporain à une vision plus personnelle « parce que tous mes projets professionnels sont intimement liés à mon expression artistique, ma peinture et mon travail graphique. Mes peintures sont principalement des commandes, car j’ai aujourd’hui moins le temps de peindre dans une friche, même si j’en ai très envie. Ça viendra avec les beaux jours.» La décontraction vis-à-vis des mediums utilisés, Jaek l’explique simplement : « Le dessin permet de
tout faire, alors pourquoi pas ? » À cela s’ajoute une vision pragmatique du discours artistique : « Il est important de savoir communiquer par rapport à son travail. Je comparerais ça aux discours conceptuels des gars qui font des installations (rires)... Sauf que c’est considéré comme moins noble, pourtant c’est un peu pareil, tu vends ta soupe (rires) ». Lorsqu’on lui propose de relooker le bar le Phonographe dans un style mêlant l’univers de Disney sous crack, de super héros et de Mario Bros, Jaek y voit une façon de « pouvoir toucher tout le monde notamment ceux qui ne se retrouvent pas dans ce que les musées et autres galeries proposent ». C’est dans cette même démarche qu’il enseigne en périscolaire les outils infographiques et l’art du graf aux plus jeunes. Dernier-né de l’univers Vicius, Mister V, un Toyz tiré à cent exemplaires, expression en trois dimensions de l’univers de Jaek El Diablo, qui décidément ne connaît ni limites ni frontières. Texte : Fouzi Louahem Photos : Jean-Philippe Senn
m www.jaekeldiablo.com
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CONCERT – SALLE DES FÊTES DE SCHILTIGHEIM
Le fils
de la révolution Actuellement à Cuba, Raul Paz sera de retour en France dès le mois de mars. Sa tournée passe par Schiltigheim où il présentera son nouvel album Havanization. Portrait d’un Cubain hors du commun.
A
vec un patronyme qui signifie ‘‘paix’’ en espagnol, Raul Paz est l’homme qui a révolutionné la musique cubaine. Son premier album, Cuba Libre (1999) – rebaptisé Imaginate pour le marché américain –, témoigne de son talent. Véritable artiste éclectique, il apporte des sonorités nouvelles au répertoire cubain. S’essayant autant à la musique électronique – avec Contigo en 2000, écrit et enregistré avec les DJs Arian B.H.T et Ingmar Hänsch – qu’au dub ou au hip-hop, il mélange les genres et donne naissance à Mulata (2003), son deuxième opus. Ce Cubain à la peau blanche et aux cheveux blonds afro a vu le jour en 1969 dans la province de Pinar del Río, à l’ouest de l’île. Malgré un exil de près de dix ans (départ pour l’Amérique latine en 1996 avant d’atterrir à Paris, deux ans plus tard), il reste toujours très attaché à ses origines. Il retourne à La Havane pour enregistrer Revolucion en 2005, imprégné de pop-rock. À partir de ce moment-là, il multiplie les voyages entre la France et Cuba. Ce retour aux sources va avoir une influence sur son style musical.
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Mêlant les sonorités traditionnelles (mambo, cha-cha-cha, montuno…) du Buena Vista Social Club – célèbre club de musique de la banlieue de La Havane – à un univers musical contemporain (jazz, R'n’B, funk…), Raul se plonge dans les sons pimentés de Cuba pour en ressortir En Casa (2006), composé dans le célèbre studio Egrem de la capitale. En écoutant cet album, on pénètre dans l’intimité d’un artiste qui ose même un titre en français Le temps passe, dont les premières paroles sont : « Ça fait presque trois semaines que je suis arrivé ici, je porte encore la peine, la joie de mon pays », comme s’il avait cherché à transmettre à ses fans hexagonaux les souvenirs de sa terre natale… Aujourd’hui, le jeune Raul continue cette quête de ses racines. Le titre de son nouvel opus, Havanization, en témoigne.
Partout où il se rend, Raul ravage tout sur son passage. Réputé pour faire monter la température des salles de concert, il sait emballer les cœurs des demoiselles avec des chansons bercées de romantisme et véhiculant un message de partage. L’âme de ce rêveur n’a pas encore fini de séduire… Texte : Victoria Karel Photo : Youri Lenquette
m Havanization (Naïve) sortie prévue le 20 avril – www.naive.fr À Luxembourg, à Den Atelier, mercredi 28 avril (+352) 22 28 09 – www.printempsmusical.lu À Nancy, à la Salle Poirel, jeudi 29 avril 03 83 32 31 25 – www.poirel.nancy.fr À Schiltigheim, à la Salle des Fêtes, vendredi 30 avril 03 88 83 84 85 – www.ville-schiltigheim.fr
Casser Savoi e
La Semaine de la chanson, festival organisé par La Filature de Mulhouse, offre une carte blanche aux jeunes gens de Coming Soon, le plus américain des groupes annéciens. Howard, le grand frère, nous en dit plus.
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assionné par les songwriters américains comme Johnny Cash, mais aussi par le folk-rock indépendant – Smog, Silver Jews (le leader, David Berman, a même fait un dessin pour l’un de ses disques), Pavement – Coming Soon pratique une pop résolument américanophile… made in Annecy. Howard Hughes (un pseudo), le plus grand du groupe (par l’âge comme par la taille, à gauche avec un chapeau, sur la photo) : « C’est une ville où il ne se passe pas grand-chose et que nous avons tous quitté, mis à part Léo, toujours au lycée… Nous devons cependant beaucoup à Annecy, à l’association Underground Family et aux concerts organisés au squat La Machine Utile où nous avons rencontré Herman Dune, Schwervon !, Kimya Dawson… » Tous ces artistes étiquetés “anti-folk” qui les encouragent, les aident à voler de leurs propres ailes. Avant Coming Soon, il y avait Antsy Pants qui s’est retrouvé sur la BO du film Juno de Jason Reitman. Les deux morceaux de la bande savoyarde y côtoient des titres du Velvet Underground et de Cat Power, des Moldy Peaches ou de Kimya Dawson, leur protectrice. Le ciné a gardé une place
importante dans le cœur et l’univers du groupe. « Je suis un peu responsable de l’importance du cinéma chez Coming Soon », confesse Howard, « J’ai pris le train de la musique en marche car je voulais réaliser des films au départ… » Leurs références ? Les longs métrages de Jarmusch, Profession : reporter d’Antonioni, les road movies de Wenders, les premiers Polanski. « Comparés à nos influences musicales, nos films de prédilection sont moins tournés vers les États-Unis. » Les jeunes gens sortent un premier album en 2008, plutôt fragile et aux doux accents folk, New Grids. Ils ont entre 14 et 26 ans. Pour la pochette de leur second, Ghost Train Tragedy1, ils s’inspirent d’En quatrième vitesse du réalisateur américain Robert Aldrich. La flamme dont elle est ornée annonce la couleur : ardent, ce disque est plus rock, d’avantage électrique. À son sujet, Howard parle de « dynamique commune » quant aux arrangements, de « bonheur collectif », d’« affirmation du caractère » de chacun des membres du sextet qui a su imposer son style et se construire un réseau. Pour sa carte blanche, à Kingersheim, le groupe a convié Federico de French Cowboy2 et ex-Litlle
Rabbits, ainsi que le Lillois Leo(88 man)3, clavier de Red, autant de formations très inspirées par les USA. « On doit beaucoup à ces artistes français qui chantent en anglais depuis leurs débuts et qui ont une grande compréhension de ce qu’“indépendant” signifie. » Ils tracent tous leur route « sans se soucier de profiter d’une vague quelconque ». En quatrième vitesse. 1 Ghost Train Tragedy, paru mi 2009 sur Kitchen Music – www.kitchen-music.com 2 (Isn’t My Bedroom) A Masterpiece, paru fin février chez Havalina – www.havalinarecords.net) 3 From Speaking Parts to Blazing Rows, disponible en avril chez Kythibong – www.kythibong.org
Texte : Emmanuel Dosda Photo : Fred Mortagne
m Carte blanche à Coming Soon avec Lonesome French Cowboy et Leo(88 man), à Kingersheim, dimanche 28 mars à l’Espace Tival 03 89 51 32 10 http://tival.ville-kingersheim.fr Dans le cadre de La Semaine de la chanson du samedi 20 au dimanche 28 mars (avec Émily Loizeau, YuLeS, Alexis HK, le label Herzfeld…), à La Filature de Mulhouse, mais aussi au Noumatrouff ou à L’Espace Tival de Kingersheim 03 89 36 28 28 – www.lafilature.org
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cinq questions à...
Adan Sandoval Directeur général et programmateur de l’espace Athic d’Obernai, Adan Sandoval a concocté cette quinzième édition de Pisteurs d’étoiles, festival majeur dédié au nouveau cirque, l’unique dans le Grand est. Il nous en dévoile les enjeux.
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Pisteurs d’étoiles est consacré au nouveau cirque : quelle définition pourriez-vous donner de ce genre, né dans les années 70 ? À mon sens, le nouveau cirque raconte quelque chose de plus que le cirque “traditionnel”, il va au-delà de la prouesse physique. C’est le cirque sans animaux, mais avec des “bêtes de scène”, un cirque qui, en plus de nous émerveiller, nous parle. Un art, par exemple, où les clowns ne sont pas simplets.
quel est l’esprit qui anime le festival cette année ? Pour fêter cette quinzième édition de Pisteurs d’étoiles, nous avons décidé de marquer le coup en programmant des spectacles plus grands, plus fous, des machines immenses comme celle imaginée par P.I.P.O.T.O.T.A.L avec son formidable Basculoscope de plus de 15 tonnes sur lequel évoluent huit acrobates. Dans un autre genre, la compagnie Luc Amoros propose une création mêlant arts graphiques et arts de la rue au format cathédrale, et nous accueillerons, pour la première fois en France, CirColombia, un véritable soleil composé de 15 artistes colombiens. N’oublions pas non plus la création acrobatique et élégante des Belges de SweatShop, soutenue par tout le gotha des institutions du plat pays, et notre Maria K nationale qui oscille sans cesse entre comédie et tragédie… Et tant d’autres moments à couper le souffle ! Une expression que j’emploie à dessein puisque, pour moi, si vous n’avez pas le souffle coupé à un moment ou l’autre du spectacle, vous n’êtes pas au cirque. Le festival laisse de plus en plus de place aux arts de la rue : pourquoi ce choix ? Parce que tous les arts de la rue mènent au cirque ! Et puis, cette façon de faire permet réellement – d’une manière
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directe et immédiate – de démocratiser l’accès à la culture. Ces spectacles touchent la cité d’une autre façon et attirent de nouveaux spectateurs. Avec les difficultés de notre époque, même si nous nous efforçons de mettre en place des tarifs très avantageux (en particulier pour les réservations par Internet), nous ne pouvons pas oublier les publics les plus fragiles. Nous restons cependant un festival de cirque : ainsi, à partir de l’année prochaine, nous déclinerons d’avantage une programmation “cirque dans la rue”.
« Si vous n’avez pas le souffle coupé à un moment ou l’autre du spectacle, vous n’êtes pas au cirque »
quels sont vos liens avec le Centre national des arts du cirque ? Comment s’expriment-ils ? Nous avons accueilli la vingtième promotion du CNAC pendant toute la durée de sa scolarité, de la première présentation publique jusqu’au spectacle de sortie mis en scène par Georges Lavaudant (il s’agissait de 20e / Première présenté l’an passé au festival, NDLR). Cette collaboration fut une belle marque de confiance de cette grande école vis-à-vis de notre action. Elle se prolonge désormais par un partenariat avec la compagnie BAM, issue de cette promotion. À mon avis, elle possède le niveau technique le plus spectaculaire du milieu en ce moment. Elle est, du reste, déjà programmée par une vingtaine de festivals et de lieux importants. Grâce à ce soutien à des artistes de talent, nous nous sentons utiles : il est primordial de tout faire pour permettre
l’insertion de ces jeunes professionnels dans l’univers du spectacle vivant. Nous envisageons évidemment de poursuivre avec la promotion suivante car la formule fonctionne. quel est votre coup de cœur dans la programmation 2010 du festival ? Notre nouveau chapiteau de 478 places ! En effet, depuis 15 ans nous rêvions de posséder un réel outil de travail et voilà que, grâce au courage de nos élus – et il en faut par les temps qui courent – et aussi, nous l’espérons, avec une aide européenne et une contribution de la Région Alsace, nous pourrons disposer de notre propre chapiteau. Nous aurons ainsi la possibilité de développer plus encore un programme de résidences, de mutualiser nos infrastructures avec d’autres festivals et, surtout, de continuer à accueillir des programmes époustouflants faits par des artistes généreux comme le sont les circassiens. Quant aux spectacles au menu de l’édition 2010, je me garderais bien de donner mon cœur uniquement à l’un ou l’autre. Pour ce qui est de la démarche cependant, je tiens à saluer le cheminement des artistes colombiens qui, grâce à cette école du cirque et de la vie qu’est CirColombia, ont su se sortir de la rue et se hisser au niveau d’excellence international qui est aujourd’hui le leur. Propos recueillis par Hervé Lévy Photo : Pascal Bastien
m À Obernai, sous chapiteau (situé sur le parking des remparts) et à L’espace Athic, du 30 avril au 8 mai – 03 88 95 68 19 www.pisteursdetoiles.com
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Dark Zone
Urban Scénos, à Kinshasa, Dorothée Kreutzfeldt et Séverine Hubard (artistes) © Séverine Hubard
Initiateurs d’Urban Scénos, séries de résidences d’artistes sur le continent africain, François Duconseille et Jean-Christophe Lanquetin livrent l’installation << RR = FF >>. Une exposition qui réinvente et reformule ces parcours et créations artistiques.
I
ls sont deux, professeurs aux Arts déco de Strasbourg mais aussi commissaires d’expo et scénographes. Ensemble, ils forment la base du collectif ScU2, « à prononcer comme le missile », disent-ils dans un éclat de rire. En 2000, ils rencontrent des artistes camerounais à Douala. Germe l’idée de monter une résidence dans l’espace urbain où ils vivent, un quartier populaire plutôt délaissé, à l’architecture vernaculaire*. « Personne n’y faisait quoi que ce soit, artistiquement parlant », explique Jean-Christophe. « Nous avons eu envie d’y réunir des artistes d’horizons variés – d’Afrique, d’Europe, du monde arabe – travaillant dans l’espace public pour croiser les re-
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gards sur ce lieu, sa sociabilité, sur la création contemporaine… » Deux ans seront nécessaires afin de monter le projet et accueillir 26 artistes pour une résidence d’un mois. Les “Scénographies Urbaines” étaient nées, charriant un questionnement sur « le faire ensemble, malgré les différences culturelles, économiques, historiques ». Suivent sur le même modèle, au gré des rencontres, Alexandrie (2004), Kinshasa (2006/07) et Johannesburg (2009). Autant de dispositifs de création inscrits en immersion dans le contexte de ces grandes villes africaines, réalisés à parité avec des collectifs d’artistes locaux et, bien entendu, avec les habitants.
rd
exposition – maillon-wacken
Le post-colonialisme en question Des tendances et des problématiques se sont dégagées au fil des résidences, notamment un questionnement sur l’imaginaire et la réalité du monde post-colonial. Le choix de l’Afrique n’était pas un hasard. « La centaine d’artistes ayant participé à ces quatre résidences forme un réseau organique, informel et élastique. Leur formulation – par la vidéo, l’image, le texte et la performance – de questions non résolues a participé à l’émergence de zones d’ombre : les problèmes liés à l’héritage et aux séquelles du colonialisme, le problème de fonctionnement entre personnes, celui de la représentation, des perceptions croisées, des malentendus et incompréhensions… » Autant d’interrogations auxquelles le duo souhaite confronter le public strasbourgeois. << RR = FF >> (comprenez rewind = forward, comme sur un magnéto) est une installation qui leur permet de proposer un acte scénographique et artistique sur l’ensemble des “Urban Scénos”. Elle fait suite à une cartographie initiée à Art Basel, en juin 2009 (voir photo). Dans le vaste espace du Hall 1 du Maillon-Wacken, ils installent quatre écrans. Sur trois d’entre eux défileront une cinquantaine de photographies et près de trois heures de vidéos (performances filmées, courts métrages, ateliers avec des habitants…). Des fragments de textes lézarderont les murs et le sol sur lequel prendront place des bâches avec des arborescences (de lieux, d’idées…), des réflexions, des liens… Le sens et les repères concrets de ces créations réalisées in situ (dans des rues, des cours intérieures, des écoles…) dans un processus poreux né de l’interaction entre un artiste, un lieu et des spectateurs-témoins, se déplacent lorsqu’on les redéploie loin de leur espace de création. Difficile de re-placer du sens dans tout cela pour un public étranger au temps de création, mais aussi à son lieu et à son environnement. François en convient, c’est « tout sauf une exposition simple. S’il n’est pas question d’être donneurs de leçon, on ne veut pas plus être didactiques. Nous avons envie de perdre les gens dans notre installation, de les surprendre, d’être problématiques… C’est pour cela que la forme définitive n’est pas encore arrêtée ».
« Il est important pour nous de dépasser les questions anodines mais signifiantes, les lieux communs à la limite du racisme qui reviennent sans cesse : les gens nous demandent souvent pourquoi aller faire de l’art contemporain là-bas ? Sous-entendu, les habitants de ces villes africaines ne vont pas comprendre ! » Les deux compères nous réservent une soirée de finissage au cours de laquelle ils devraient activer leur réseau à grands renforts de présence numérique grâce à Skype. Pas sûr d’ailleurs qu’ils soient eux-mêmes physiquement présents. Interventions, performances croisées d’un continent à
l’autre, projections, participation active du public… Autant de possibilités pour achever cette exposition en beauté. l’Architecture vernaculaire emploie des matériaux, des techniques de mises en œuvre et des codes esthétiques souvent inspirés des architectures anciennes environnantes
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Texte : Irina Schrag
m À Strasbourg, au Maillon-Wacken, du 18 au 30 mars 03 88 27 61 81 – www.le-maillon.com www.eternalnetwork.org/ scenographiesurbaines Soirée de finissage et performance, mardi 30 mars à partir de 19h30
<< RR = FF >> Basel, Art Basel 40, juin 2009 © François Duconseille
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DOSSIER – LES ARTS DÉCO
Les Arts déconnent ? L’École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg connaît de vives secousses. Dans la ligne de mire : le projet d’établissement mené par Otto Teichert, directeur de l’Ésad, qui affaiblirait l’option Communication… sur le pied de guerre. Cette crise : point de non-retour ou nouvel élan ?
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Les coups fusent et les mots sont durs. Dans sa lettre de démission, Pierre di Sciullo met en cause le projet d’Otto Teichert. Il viserait une diminution du nombre d’étudiants, notamment en option Communication : une « saignée, nuisible pour l’ensemble de l’école ». Le chargé de cours dénonce aussi « le décalage entre notre réputation nationale et les conditions concrètes d’enseignement ». Les nombreux prix obtenus par ses étudiants3 et la visibilité qu’offrent les métiers auxquels l’option Communication (mentions “graphisme”, “illustration” et “didactique visuelle”) prépare, font en grande partie la renommée de l’Ésad.
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rticles parus dans la presse (Télérama, DNA…), interviews des trois enseignants responsables des ateliers de l’option Communication, lettre ouverte de Claude Lapointe (fondateur de l’atelier illustration) ou encore de Jean-Christophe Menu (créateur de la maison d’édition L’Association), lancement d’une pétition, et création d’un blog1 par des élèves, émotions d’anciens (lire réaction de Nicolas Wintz), prise à partie publique de l’adjoint à la Culture de la Ville de Strasbourg, Daniel Payot, communiqués officiels du directeur de l’Ésad Otto Teichert, démission de l’enseignant Pierre di Sciullo2, etc. Pourquoi l’École supérieure des Arts déco se metelle dans de pareils états ? m
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Les contre-attaques sont réduites à la portion congrue : trois communiqués de l’école entre le 4 et le 15 février, Otto Teichert refusant toute interview pour ne pas mettre d'huile sur le feu. Du côté de la direction, on se demande pourquoi tant de haine ? La Com’ se sent en danger. Si l’option Communication a déclaré la guerre au directeur, c’est toute l’école qui tremble.
L’objet de la discorde
Successeur de Katia Baudin Reneau qui démissionna quelques mois à peine après son arrivée à la direction de l’Ésad, Otto Teichert entre en fonction en janvier 2008. La situation est « explosive » selon ses dires, d’autant plus complexe que l’école envisage de s’associer au Quai mulhousien et au Conservatoire de Strasbourg afin de devenir un établissement public de coopération culturelle (voir encadré sur l’EPCC). Le but ? Une plus grande autonomie, une meilleure visibilité, la mutualisation des compétences pédagogiques… Otto Teichert affirme engager une réforme qui « tient compte du contexte budgétaire actuel ». Première initiative : réduire l’effectif total d’élèves qui passerait d’environ 470 à 400. D’après le directeur, il n’est pas question d’élitisme, il s’agit « d’arriver à une adéquation entre notre objectif artistique et les moyens dont nous disposons ». Autre décision de la direction : le choix d’option (la “spécia-
Un EPCC (Établissement public de coopération culturelle), c’est quoi ? En 1999, l’ensemble des Ministres de l’Éducation des pays de l’UE signait le protocole de Bologne visant une harmonisation des cursus supérieurs. D’où l’obligation actuelle pour les écoles d’Art de sortir de leurs tutelles municipales. Devenant des Établissements publics de coopération culturelle, les écoles d’Art resteraient entièrement publiques tout en renforçant les possibilités de mécénat privé. En toile de fond, l’enjeu est la reconnaissance des diplômes délivrés. Celles des écoles qui ne choisiraient pas d’accéder à l’autonomie ne seraient plus reconnues par l’État. Car ce n’est plus le Ministère de la Culture qui évaluera les contenus pédagogiques et délivrera la certification des diplômes mais l’AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur*). Chaque école doit donc adapter ses cursus sur le modèle universitaire (système européen de transferts et d’accumulation des crédits - ECTS, réforme LicenceMaster-Doctorat, semestrialisation des enseignements). « J’ai personnellement donné mon feu vert à des discussions entre Le Quai et l’Ésad en vue de créer un EPCC commun », affirme Michel Samuel-Weis, adjoint à la Culture de Mulhouse. « Ces
deux écoles sont complémentaires. » Pour Otto Teichert, « cette opportunité de rapprochement est un cadeau. Nos écoles sont à proximité de métropoles (Karlsruhe, Stuttgart, Bâle). Autant de conditions pour développer un beau projet d’offre de formation artistique avec une détermination forte au niveau transfrontalier ». L’idée d’un pôle d’ampleur similaire à celui formé par les écoles d’art de Karlsruhe et de Fribourg fait son chemin. « Mais Strasbourg a ajouté la filière de formation supérieure du Conservatoire de musique, ce qui crée un certain déséquilibre entre les deux villes », s’inquiète Michel Samuel-Weis. « Pas question qu’il perdure car sinon, nous créerons un EPCC tout seul ! Nous voulons conserver toutes nos filières, notamment nos options communes (Art et Son) et notre spécificité, l’option Textile. » Son homologue strasbourgeois, Daniel Payot, estime pour sa part que « nous avons ici la chance de créer un instrument plus réceptif à ce qui se passe dans le milieu artistique en général, affichant une offre de formation plurielle et rigoureuse pour compter sur le plan international. C’est une carte à jouer. » *
www.aeres-evaluation.fr
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DOSSIER – LES ARTS DÉCO
lisation”) se ferait en seconde année, soit un an plus tôt qu’aujourd’hui. Le directeur envisage aussi un passage en 4e année plus restrictif. Pour lui, « c’est comme se réinscrire à l’école via une commission. Il faudrait être plus attentif à ne retenir que des titulaires du DNAP (Diplôme national d’arts plastiques, NDLR) avec qui on se sentirait en “phase”. L’étudiant devra être suffisamment indépendant pour se situer dans un champ plus large, un projet de vie ».
Le clash
L’option Communication (la plus importante avec actuellement 160 élèves de la 3e à la 5e année) serait la plus touchée. C’est là « le nœud du problème » pour Philippe Delangle, responsable de l’atelier de communication graphique et coordinateur de l’option Com’. Olivier Poncer, responsable de l’atelier de Didactique visuelle, confirme : « Grâce au travail de Claude Lapointe et de Guillaume Dégé, l’atelier Illustration a acquis une grande renommée et attire énormément d’élèves ». Pourquoi réduire la voilure d’une option dans laquelle « les gens se précipitent de la France entière et même de l’étranger ? » se questionne Guillaume Dégé.
Adrien Honnons
Nicolas Wintz
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Illustrateur et plasticien, étudiant aux Arts déco entre 1976 et 1981, livre son point de vue* : « L’École des Arts déco est répartie sur deux bâtiments : le principal est réservé à l’Art avec un grand A, l’annexe de l’autre coté de la rue, ancienne école ménagère, est réservée aux “faiseurs de petits mickeys”. Il semblerait, vu le succès des seconds, que le petit bâtiment fasse de l’ombre au gros. Si une majorité d’étudiants qui entrent aux Arts déco rêvent de se diriger au bout des deux années préparatoires vers l’annexe, ça peut effectivement en désespérer, voire énerver certains qui tentent de récupérer les étudiants qui leur échappent en cherchant à imposer des couloirs de circulations susceptibles d’endiguer l’hémorragie. » Retrouvez l’intégralité de son texte sur www.poly.fr
*
Léon Maret
Cette domination de ce que tout le monde appelle “l’école dans l’école”, Otto Teichert semble bien décidé à y mettre fin. « Depuis les trente dernière années, la Communication n’a cessé de se développer, souvent sans l’aval de la gouvernance de l’école. » Afin de réduire les disparités d’effectifs entre options, il imagine fixer le nombre d’élèves à environ 65 / 70 par filière. Pour la Com’, on arriverait à 130 / 140 élèves, soit « le double des autres », souligne-t-il. « Preuve que je ne veux pas la mort de l’option ». Si les trois chefs de file de la Com’ (Poncer, Delangle et Dégé) sont rentrés dans un affrontement avec la direction, utilisant la presse et leur savoirfaire de communicants, c’est « pour ne pas subir de coup d’arrêt. On n’est pas assez entendu par Teichert », explique Delangle. « Son discours est idéologique. Il parle d’Art avec un grand “A”, ce qui est une vision archaïque d’une école d’art. » De son côté Otto Teichert admet qu’« il n’y a pas unanimité sur le projet. Ça débat fort. Changer de mode de fonctionnement et de culture est compliqué. Mais ce qui devait rester des débats internes a été maladroitement mis sur la place publique ». Nombreux sont les enseignants d’autres filières (Art, Design et Objet) à se sentir pris en otage, voire lésés, par les coups d’éclat du trio. À l’heure où chaque option doit constituer un dossier de maquettes pédagogiques en vue d’un
agrément par l’AERES (voir encadré sur l’EPCC), la polémique ralentit les concertations alors que la date butoir de remise des dossiers, le 15 mai, arrive à grands pas… Daniel Payot joue actuellement les médiateurs entre la direction et ses opposants qui réclamaient son intervention : « Mon rôle est de renouer le dialogue entre les deux parties ».
Après la pluie…
L’option Communication doit-elle « ouvrir une entreprise de lutherie pour apprendre à pisser dans des violons ? » comme ironisent les intéressés. Le trio n’est pas prêt à baisser la garde. Guillaume Dégé : « On ne demande pas à Teichert de changer de dogme, mais d’assurer la pérennité de nos postes d’enseignants ». Sur ce point, le directeur de l’Ésad se veut rassurant. Mieux, il positive : « Cette querelle est bonne puisqu’on n’arrête pas de dire que le niveau est excellent à l’Ésad ». De même, Daniel Payot pense qu’une « institution se construit par des moments de stabilité et de renforcement, mais aussi par des crises. On peut aussi espérer que celle des Arts déco engendre de bonnes solutions ». Souhaitons que la suite de l’affaire le confirme… http://jaimemonesad.blogspot.com Retrouvez sa lettre de démission sur www.poly.fr 3 Guillaume Chauchat et Léon Maret sont, respectivement, les 1er et 2e lauréats du concours “Jeunes Talents” du Festival international de BD d’Angoulême 2010 (voir illustrations)
Les dates clés 22 février
Le conseil municipal de Strasbourg adopte le lancement d’une étude d’opportunité pour la transformation en EPCC du Conservatoire et de l’École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg et le rapprochement avec l’École supérieure d’Art Le Quai de Mulhouse (les écoles ayant 3 ans pour accéder à l'autonomie, NDLR).
Fin mars
délibération identique à l’ordre du jour du conseil municipal de Mulhouse
15 mai
l’Ésad présente son dossier de maquettes pédagogiques à sa tutelle (ministère de la culture) pour une covalidation
Fin juin
dépôt du dossier à l’AERES (un dossier par option)
Septembre
résultat de l’AERES
1 2
Juin 2012
1er grade de Master délivré aux Arts déco
Dossier réalisé par Emmanuel Dosda et Thomas Flagel Photo : Benoît Linder / French co.
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Un fil d’humanité Pour sa 21e édition, le festival des Giboulées de la marionnette, organisé par le Théâtre Jeune Public, nous invite à la découverte d’une pluralité de formes artistiques où les gaines lyonnaises ont maille à partir avec l’électronique, la vidéo, les fils, les tiges, la sculpture et… les crevettes.
C
e n’est pas sans fierté, et avec une pointe de trémolo dans la voix, que Grégoire Callies, directeur du TJP, présente sa trilogie de La Petite Odyssée. « Quatre ans de travail et le pari de jouer les trois volets d’affilée, c’est-àdire 3h15 de spectacle ! » De la fin du Moyen Âge à notre début de siècle en proie à une globalisation galopante, c’est toute l’histoire que deux enfants, Odyssée et Bernie, nous racontent. Preuve s’il en fallait qu’on peut tout dire à des enfants (l’art, le fascisme, les guerres, l’amour, les folies et les découvertes des nos illustres aînés…), et bien plus. Dans un jeu moderne, les comédiens manipulent les marionnettes à vue et interagissent avec elles dans une fresque audacieuse.
Les ailes des crevettes
Soucieux de « contribuer à sortir la marionnette de son ghetto », Grégoire Callies se plaît à inviter toutes les formes de spectacle. La plus inattendue vient sûre-
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ment des Pays-Bas. Dans Histoires de crevettes, la Compagnie Hotel Modern crée en direct un film d’animation évoquant la vie des hommes. Trois cents crevettes séchées et déguisées sont affublées d’accessoires miniatures et placées dans des décors (ring de boxe, salle d’opération, décharge, rave-party…) réalisés avec des boîtes d’allumettes ou des pièces d’ordinateurs. La prouesse de leur manipulation donne vie à cinquante saynètes sous les yeux du public qui assiste successivement à une exécution, au meurtre d’un fleuriste tué avec une paire de ciseaux, à un atterrissage sur la lune, ou encore à l’accouchement d’un bébé (crevette of course)… Ce mélange d’arts plastiques, de théâtre d’objets, de film et de musique (un compositeur réalise bruitages et bande son en direct) est unique en son genre. Après le succès de Kamp en 2005 (spectacle sur Auschwitz qui prenait la forme d’une installation), les trois fous furieux hollandais d’Hotel Modern se produisent
pour la première fois en France et nous montrent l’humanité comme une espèce animale. Lorsqu’après avoir revêtu des ailes, les crevettes planent au-dessus du plateau – hommage au chef-d’œuvre de Wim Wenders, Les Ailes du désir – on se demande, sourire aux lèvres, qui observe l’autre se débattant avec lui-même…
Caraïbes. Avec des ailes immenses et trois plumes sur le crâne, les paysans ont vite fait de l’enfermer. Mais, fascinés par ce personnage mi-ange mi-loa *, la vie au village se transforme…
S’appelle reviens
Autre coup de cœur dans cette édition 2010, D’États de femmes signé Alice L’ombre de Márquez Laloy. Formée à l’école du TNS et toute Également à la croisée des arts, Frank auréolée du Molière du spectacle jeune Soehnle et son Figuren Theater Tübinpublic obtenu l’an passé pour 86 cm, la gen prouvent que les marionnettes parmetteuse en scène reprend sa création ticipent aussi au renouveau de l’écriture de 2004 avec sa compagnie S’appelle théâtrale. Leur adaptation de la nouvelle reviens. Trois hommes y manipulent Un Monsieur très vieux avec des ailes marionnettes, argile, sable et eau. Faimmenses de Gabriel çonneurs intrigués, García Márquez nous ils tournent autour Le public assiste à une convie au cœur de de la figure féminine, exécution, au meurtre d’un l’étrange, un pied qu’elle soit mère, fleuriste tué avec des dans le fantastique, amante ou maîtresse. l’autre dans le délire. ciseaux, à l’accouchement d’un Tout en rondeur ou en bébé (crevette of course)… L’un des plus grands lignes oblongues, la maîtres européens de sculpture de glaise se la marionnette à fils – un genre longtemps forme et passe de la maternité à la mort, considéré comme ringard et obsolète – déclinant en un lent vieillissement. Dans conte l’histoire de cet étrange vieillard une poésie de la matière, une attention volant qui débarque en plein village des particulière au rapport entre les manipu-
lateurs et les créations de leurs mains se développe et supplante toute habituelle trame de narration théâtrale. Quand charnel et sensuel se lovent le temps d’une représentation, c’est un autre monde qui se fait jour… Esprit vaudou
*
Texte : Irina Schrag Photos : Histoires de crevettes © Leo van Velzen (gauche) Trois Odyssée…à demain ! © Anémone de Blicquy (droite)
m Festival les Giboulées de la marionnette, du 19 au 27 mars, 03 88 35 70 10 www.theatre-jeune-public.com D’États de femmes (dès 12 ans), au TNS, vendredi 19 et samedi 20 mars Trois Odyssée… à demain ! (dès 8 ans), au TJP Grande Scène, samedi 20 mars Avec des ailes immenses (dès 15 ans), au TJP grande scène, jeudi 25 et vendredi 26 mars Histoires de crevettes (dès 15 ans), au Maillon-Wacken, du 25 au 27 mars
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LIVRE – MEDIATHÈQUES DE LA CUS
Le passeur d’espoir Après une résidence strasbourgeoise, Ali Teoman vient présenter sa nouvelle, Café Esperanza, au cours de la deuxième édition de Traduire l’Europe. Portrait d’un écrivain turc à l’occasion de la parution de son premier livre en français.
A
li Teoman (né en 1962) est un écrivain rare. Pas uniquement parce qu’aucun de ses livres n’avait encore été traduit en français. C’est son regard sur le monde qui étonne. Il nous entraîne sur des chemins oubliés, des sentiers qui bifurquent. Lorsqu’on lui demande quels sont ses écrivains préférés, il répond : « Kafka, Beckett et Borges ». Pas étonnant… Ce regard, il pourra désormais le faire partager au lecteur grâce à la publication d’une longue nouvelle, Café Esperanza, fruit d’une résidence de quelques mois1 à Strasbourg.
Strasbourg & Istanbul
La ville, il la connaissait déjà un peu pour y avoir « passé quelques jours lors d’études menées en France. Son atmosphère me rappelle le quartier que j’habite à Istanbul ». Pas (trop) de dépaysement donc pour celui qui a fait une partie de son cursus à la Sorbonne. Ah oui, au départ,
« Écrire est un métier. Il vaut mieux être discipliné si on attend l’inspiration, elle ne vient jamais » Ali Teoman est architecte, un métier qui explique peut-être la rigoureuse construction apportée à ses pages. Diplômé de l’Istanbul Teknik Üniversitesi, il commence à travailler. En 1993, exit l’architecture. Bonjour la littérature (et l’enseignement). Depuis, il a publié quatre romans et cinq recueils de nouvelles. À Strasbourg, il s’est attaqué à un projet mettant en scène trois personnages « et un quatrième, toujours présent, la ville » explique son
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traducteur, Daniel Rottenberg. Le credo d’Ali Teoman ? « La régularité, toujours la régularité. Écrire est un métier. Il vaut mieux être discipliné si on attend l’inspiration, elle ne vient jamais. » Lorsqu’on lui demande quand il est le plus fécond, il répond, le regard soudain triste : « Avant j’aimais écrire la nuit. Maintenant je ne peux plus. Je travaille le matin et l’aprèsmidi. » “Avant” c’est-à-dire avant qu’il ne commence à se battre contre une tumeur au cerveau. Mais la maladie ne l’a pas empêché d’arpenter Strasbourg, de visiter les musées, d’échanger, de rencontrer… Le cœur de sa nouvelle est, du reste, un café imaginaire, sa quintessence même. Ne cherchez pas, il n’existe pas à Strasbourg. Ou alors il est partout, chacun possédant le sien.
Littérature & Philosophie
Trois personnages nous livrent leurs réflexions. Il y a Altug (le narrateur qui fait des études d’ingénieur), Xénon au patronyme de penseur antique (« Un des plus anciens de l’université de Strasbourg, peut-être même l’est-il encore plus que certains des professeurs. On peut considérer qu’il “fait partie des meubles” à la faculté de philosophie ») et Rapazinho (à l’École des Beaux-Arts). L’un est turc. Le deuxième vient d’Europe de l’Est. Le troisième est brésilien. Trois “étrangers”2 qui se fondent dans la cité. Café Esperanza ressemble à une déambulation philosophique sur l’espoir pour lequel Ali Teoman imagine de belles métaphores : « J’évoquerais un groupe de nuages pourpres sur la ligne d’horizon. (…) Ou bien un cerfvolant multicolore, ayant largué ses amarres, et s’éloignant en balançant les rubans ébouriffés de sa traîne ». Mais le texte est aussi un bijou littéraire empli d’atmosphères évoquant Strasbourg de belle manière et d’interrogations sur la forme du récit…
Le traducteur Daniel Rottenberg3 a œuvré sur « une langue très sophistiquée » et l’on referme le livre d’Ali Teoman rêveur, en attendant impatiemment la suite. Actes Sud vient d’acheter les droits d’un de ses romans… Entre octobre 2009 et janvier 2010 dans le cadre de la Saison de la Turquie en France Xénon est par ailleurs le nom d’un élément chimique. Le mot dérive du grec (xenos), se traduisant par “étranger”. 3 D’autant que ce n’est pas son métier : ce médecin anesthésiste, passionné de langues, est titulaire d’un Master de traduction professionnelle et d’un autre en études turques 1
2
Texte : Hervé Lévy Photo : Benoît Linder / French co.
m Café Esperanza (édité au Verger) sera présenté en présence d’Ali Teoman et de son traducteur, dans le cadre de Traduire l’Europe lors de la table-ronde intitulée “Que nous apporte aujourd’hui la littérature turque contemporaine ?”. Samedi 6 mars (à 17h) à la Médiathèque André Malraux de Strasbourg
Traduire ! Pour sa deuxième édition Traduire l’Europe propose un programme particulièrement dense : expositions, conférences, projections, lectures… La littérature est dans tous ses états. Notons la rencontre avec Alex Fouillet, traducteur de polars norvégiens (samedi 6 mars à la Médiathèque Sud, Illkirch-Graffenstaden), ou le concert de clôture avec l’irish world groove de Chum’s (samedi 13 mars à la Médiathèque Centre Ville). N’oublions pas non plus les 5e Rencontres Européennes de Littérature (les 12 & 13 mars dans différents lieux avec un hommage à Kiki Dimoula au Palais du Rhin, www.prixeuropeendelitterature.eu) enchâssées dans la manifestation. m Dans le réseau des Médiathèques de la Communauté Urbaine de Strasbourg, du 5 au 13 mars 03 88 45 10 10 – www.mediatheques-cus.fr
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DANSE – PÔLE SUD & LA FILATURE
Par le trou de la serrure Avec 32 rue Vandenbranden à La Filature et Pôle Sud (présenté avec Le Maillon), le collectif Peeping Tom débarque en Alsace. Si leur nom peut être traduit par “voyeur”, ces trublions de la scène chorégraphique flamande n’observent pas la vie par le petit bout de la lorgnette !
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C’
est dans une verve et une jubilation bien contrôlées que Peeping Tom décrit la vie – tout sauf un long fleuve tranquille – depuis ses débuts en 1999, né de la rencontre entre l’Argentine Gabriela Carrizo et le Français Franck Chartier sur le plateau d’Alain Platel des ballets C. de la B. Comme une saga familiale drolatique et poignante, leur œuvre ne cesse d’en découdre avec les petits riens du quotidien portés sur scène. Avec la trilogie Le Jardin, Le Salon et Le Sous-sol, c’est une vraie topographie des lieux de vie qui est mise devant les yeux du spectateur, voyeur malgré lui, des us et coutumes
d’une tribu aux prises avec les difficultés du réel. C’est ainsi que Peeping Tom observe le monde, se glissant par l’entrebâillement du conscient, dans les plis lâches du quotidien, là où s’installe en secret le capharnaüm des fantasmes et des névroses ordinaires.
Le quotidien
Leur dernière création, 32 rue Vandenbranden, s’inscrit dans cette trajectoire qui consiste à parcourir le monde avec un regard furtif et vagabond, plein de fantaisie et de surprise, et à errer, de-ci, de-là, au gré des vents, des situations, des dérapages et glissades successives des événe-
ments, des menus faits de l’ordinaire pour toucher à la poétique de la danse. Voilà une chorégraphie à fleur de sensations et d’interrogations sur le fonctionnement trivial de nos comportements, postures et attitudes face au déroulement du temps.
La danse surgit de ces petits bougés imperceptibles ou de ces effusions de colère et de maladresse Depuis leur caravane garée sur le parking du Centre Pompidou pour Une Vie inutile (2000), jusqu’au terrier mortel du Soussol, la compagnie avance sur une route escarpée. Sa trilogie familiale obscure, nue et crue, rassemble quatre générations sur scène, dans un style visuel puissant, paradoxalement hyperréaliste et onirique. L’intransigeance des protagonistes sert une vision spectaculaire et féroce. Le duo a décidé ici de se concentrer sur l’individu et sa solitude dans la société. Un thème presque banal, rabâché, si le traitement des Peeping Tom n’assurait d’ores et déjà un point de vue unique sur l’affaire. Gabriela Carrizo et Franck Chartier (épaulés, comme toujours, par la soprano Euridike de Beuf mais aussi par l’actrice et danseuse Maria Otal, âgée de 81 ans) allient en effet un sens théâtral audacieux à une gestuelle tout aussi risquée.
Le dérisoire
Quand tout bascule dans le dérisoire, que devient l’être humain, sinon le pire ennemi de lui-même et de son entourage ? Les objets, accessoires et décors de scène, viennent soutenir les affres de ce rituel désuet du quotidien où chacun se chamaille avec l’autre, pour lui dérober son territoire, lui voler son espace afin d’y trouver sa place. La vie de groupe c’est un joyeux calvaire. Impromptu, innocent et fantaisiste. Il n’y a aucun déterminisme, aucun fatalisme : tout n’est pas inscrit et tout peut encore osciller si chacun fait basculer les (soit-disant) codes de la bienséance. Accidents, failles, interstices, tout est bon pour s’immiscer dans une mouvance de l’aléatoire. La danse surgit de ces petits bougés imperceptibles ou de ces effusions de colère et de maladresse. La dramaturgie est source discrète de tensions, de détente, de regroupements ou de dispersions des sept danseurs sur
le plateau encombré d’objets hétéroclites qui sont autant d’obstacles au rebond des situations. Inspirée de La Ballade de Narayama, chef-d’œuvre du cinéaste Shohei Imamura, cette pièce incongrue décrit aussi la transgression des règles sociales qu’elle fait voler en éclats. Éclaboussures qui mènent le groupe de danseurs à reconstituer une société emblématique de la révolte des corps confinés par le conditionnement postural de la loi ou celui du bien-être. Vacillant, l’univers des Peeping Tom est attachant, déstructurant, déstabilisant. Il obéit à une énergie vitale qui puise son sens dans la tendre observation des solitudes au sein de communautés
dites structurantes pour l’être humain. On y vit, comme spectateur, que du bonheur et non un voyeurisme attristant issu de simples constats alarmistes. Le trou de la serrure est un espace de regard joyeux, ludique dont on ressort canaille et complice, ni fautif ni coupable. Texte : Geneviève Charras Photo : Frederik Buyckx (gauche), Herman Sorgeloos
m À Mulhouse, à La Filature, vendredi 23 et samedi 24 avril 03 89 36 28 29 – www.lafilature.org m À Strasbourg, à Pôle Sud, du 27 au 29 avril 03 88 39 23 40 – www.pole-sud.fr 03 88 27 61 81 – www.le-maillon.com
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THÉÂTRE – LE MAILLON
Mort d’un vieux lion solitaire Le 19 mars 2008, Hugo Claus, alors au premier stade de la maladie d’Alzheimer, se suicide à 78 ans1. Josse De Pauw était alors en pleine finalisation de La Version Claus, solo fait de morceaux d’interviews du grand écrivain flamand. Rencontre.
La première de La Version Claus eut lieu deux semaines après la mort d’Hugo Claus. Quelles répercussions cela eut-il sur la pièce ? Il y avait énormément d’émotion dans le public car tout le monde le connaissait. Aujourd’hui, c’est devenu une pièce à part entière, détachée de l’ambiance qui s’était installée après sa mort. Deux semaines avant la première, son cercueil était sur scène, dans le même théâtre, pour un dernier hommage. J’y pensais forcément en jouant la pièce 15 jours plus tard. Mais je ne voulais pas en faire quelque chose de larmoyant, ni profiter de cela. Que représente Hugo Claus pour vous ? J’ai 57 ans, mais quand j’en avais 17, il était un écrivain qui ne ressemblait pas du tout à un écrivain. On voyait à la télévision ses pairs flamands ou irlandais avec une petite barbe bien soignée, une pipe et les lunettes qui allaient avec. Ils parlaient de littérature de manière sacralisée. Claus débarquait comme une sorte de Mick Jagger. Sa manière de parler de son art, de sa jeunesse, de ses femmes et de son éducation choquait nos parents. Je l’adorais. Et puis c’était un grand poète à l’écriture érotique et provocante. Tout ce qu’on veut à 17 ans ! D’ailleurs, il était plus ou moins interdit par les pouvoirs religieux et politique. Cette génération était contre Claus alors que, pour la mienne, il était une icône. Poète, romancier, Hugo Claus a aussi participé au groupe CoBrA2. En France, il est principalement connu pour son roman Le Chagrin des Belges3. Comment ce portrait va-t-il être reçu par un public français, le connaissant très peu ? Je me suis posé la même question lorsque Le Maillon m’a invité. Même sans le connaître, on découvre un homme remarquable abordant tous les sujets. Il prend toujours des positions étonnantes, fraîches. Il est joueur et un peu menteur. La force de la pièce et de ce personnage réside dans sa capacité à échapper à tout tabou dans une langue savoureuse, constituée entièrement d’extraits d’interviews… Durant toute sa vie, on a dit de Claus qu’il était un menteur invétéré et qu’on ne pouvait jamais distinguer le vrai du faux.
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Quand j’ai lu le livre de Mark Schaevers dont est tirée la pièce4, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas beaucoup de gens aussi ouverts que lui. Alors bien sûr, il raconte de petits mensonges, mais il aborde tellement de sujets sans se poser de questions que nous avons, au final, une idée forte de qui il était. Il ne cache rien et c’est comme ça que je l’ai connu à la fin de sa vie. Faire un monologue était évident ? L’idée est venue de Mark Schaevers qui, tout en écrivant le livre tiré des interviews de Claus, m’avait parlé d’un monologue à faire autour de ce travail. Il m’a proposé de l’interpréter et, bien entendu, j’étais intéressé ! Il y a peu de gens dont on pourrait ainsi prendre les interviews de toute une vie pour en faire un spectacle, livrant toutes ces facettes. Les mots que je prononce dans la pièce sont tous d’Hugo Claus, sans exception. Il était connu pour être un affabulateur de haut vol, un anticlérical forcené, satirique à souhait, acerbe, doté de l’arrogance d’un Philippe Sollers et d’un physique
d’empereur romain. Comment abordez-vous l’interprétation d’un tel personnage ? Je fais entièrement confiance à ses mots. Je ne suis pas un comédien qui opère des transformations ou qui essaie de se glisser dans la peau de quelqu’un. Il fallait, à l’inverse, qu’un Hugo Claus naisse en moi. J’enfile un costume beige qu’il aimait bien porter et j’ai ses propres lunettes, un peu fumées, que m’a confié sa dernière femme. Elles sont le masque que je mets quand je commence à jouer Claus. Pour le reste, je ne recherche ni ses tics, ni à l’imiter. Le monologue a ceci de difficile qu’il bascule facilement vers la conférence, ce que je ne veux pas. Je souhaite qu’il y ait des moments où je m’adresse au public mais aussi d’autres, plus intimes, où on m’observe presque sans que je le sache. Une manière de capter des moments de solitude propres à Hugo Claus et à la grande tristesse de sa vie. Vous partagez la scène avec Stijn Keuleers, acteur nain mutique interprétant un journaliste sonnant à sa porte pour une interview.
Pourquoi ce choix ? Par souci de déranger quelque peu l’auditoire, de faire en sorte, comme le disait Claus des romans et de leurs passages obscurs, que cette pièce ne soit pas « un café soluble » ? Il prenait très souvent cette pose envers les journalistes : le géant face aux nains. Quand on lui demandait ce qu’il pensait de la critique, il répondait : « Le lion se fout complètement des poux dans sa crinière ». Il a joué ce jeu toute sa vie, ce qui a nourri la matière de notre pièce. J’ai invité un acteur nain qui écoute, observe. Une présence qui dérange, ce qui va bien à Claus. Il a eu recours à l’euthanasie, pratique légalisée par la Belgique en septembre 2002 2 Groupe d’avant-garde expressionniste qui réunit des artistes (Alechinsky, Jean Raine, Asger Jorn, Karel Appel…) venus de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam 3 Ce roman de 1983 raconte la période collaborationniste des Flamands et constitue une chronique du provincialisme de la société belge 4 Hugo Claus, Portrait de groupe est un abécédaire constitué de morceaux d’interviews de Hugo Claus 1
Propos recueillis par Thomas Flagel Photos : Koen Broos
m À Strasbourg, au Maillon-Wacken, du 18 au 20 mars (première française) 03 88 27 61 81 – www.le-maillon.com
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Vue de l’exposition Les Sculptures meurent aussi © La Kunsthalle
Hier. Aujourd’hui. Demain. Troisième (et dernière) exposition commissionnée par Lorenzo Benedetti à la Kunsthalle de Mulhouse. Avec Les Sculptures meurent aussi, il mène une réflexion sur les rapports entre art et temps.
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e titre des expositions imaginées par Lorenzo Benedetti ressemble souvent à un clin d’œil signifiant. Dans La Notte (en référence au film d’Antonioni « caractéristique d’une relation entre l’homme et l’espace »), il avait rassemblé des pièces faisant écho à l’architecture de la Fonderie. Avec Le Jardin aux sentiers qui bifurquent, titre d’une nouvelle de Borges, il appliquait la métaphore du labyrinthe à l’art contemporain. Voici désormais Les Sculptures meurent aussi qui, par son intitulé, évoque le court métrage réalisé par Alain Resnais et Chris Marker en 1953, Les Statues meurent aussi, où les deux cinéastes affirmaient que le colonialisme avait liquidé l’essence de l’art du continent africain. Dans le commentaire off, on entendait une phrase résumant le propos : « Nous trouvons du pittoresque là où un membre de la communauté noire voit le visage d’une culture ». C’est aussi ce que le commissaire italien a voulu montrer en indiquant que les œuvres avaient « une date de péremp-
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tion », ce qui permet de porter sur elles un regard « sans cesse renouvelé » et enrichi au fil du temps… dont l’écoulement est la matrice de l’exposition. L’eau est évidemment le matériau qui exprime le mieux cette idée : on comprend alors mieux la présence de l’œuvre de Mandla Reuter, Fountain. L’artiste a déplacé 5 000 litres d’eau provenant de la fontaine de Trevi à Rome : on les retrouve à Mulhouse dans cinq containers… D’autres viennent nous rappeler que les matériaux “pauvres”, ceux que l’homo consumans a abandonnés peuvent aussi servir de support à des sculptures commémoratives comme celle qui rend hommage aux personnalités qui ont influencé la vision du monde de Francesco Arena. De Hannah Arendt à Ludwik Zamenhof, voici 28 fragiles autels. Oscar Tuazon, lui aussi travaille les matériaux que la société laisse de côté, recréant de précaires “sculptures architecturales”. Lorenzo Benedetti propose un état de la sculpture. Il faut prendre
le temps (encore !) d’arpenter les 700 m2 de la Kunsthalle, de laisser son regard sédimenter et son esprit s’ouvrir progressivement, dépassant ainsi l’impression première d’aridité. Les fils souterrains que le commissaire d’exposition a su tisser entre les différentes pièces deviennent alors apparents. Il explore, par exemple, les liens de la sculpture d’aujourd’hui avec les matériaux du passé et questionne le visiteur sur le devenir, à la fois, de l’œuvre et de la vision qu’on s’en fait. Les Sculptures meurent aussi. Est-ce si sûr ? Texte : Raphaël Zimmermann
m À Mulhouse, à la Kunsthalle, jusqu’au 28 mars (visites guidées les samedis et dimanches à 15h) 03 69 77 66 28 www.kunsthallemulhouse.com
Orchestre national de Barbès
L’exaltation de l’accordéon À l’occasion de la 13e édition du Printemps des Bretelles, IllkirchGraffenstaden accueille des musiciens venant de toutes parts. L’accordéon, à l’honneur dans ce festival, a su se moderniser et revient sur le devant de la scène, ce que nous explique l’accordéoniste haguenovien Marcel Loeffler.
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elui qui a vu naître le Printemps des Bretelles, il y a 13 ans, est toujours aussi enthousiaste. « Chaque artiste a la possibilité de montrer ses nouvelles compos et de prouver que l’accordéon ne renvoie pas seulement au bal musette », déclare Marcel Loeffler, avant d’ajouter « Ce festival permet de modifier l’image qu’on se fait de cet instrument encore considéré par la plupart comme ringard ». En France, c’est Tony Murena ou Médard Ferrero qui, après avoir commencé par la musette, vont révéler le nouvel aspect de l’accordéon en s’intéressant au swing et au jazz à partir des années 30. Le jazz ? Un style très connu de Marcel Loeffler qui est monté pour la première fois sur scène à 10 ans, accompagnant son guitariste de paternel dans les bals. « Mon père m’a tout de suite initié au jazz manouche et non au côté flan-flan de cet instrument. » Il travaille huit heures par jour copiant les grands noms du jazz, Art Van Damme, Gustave Viseur, et s’exerçant avec d’autres musiciens. Mais
l’arrivée du twist, du disco et des instruments électriques marque le déclin des accordéonistes qui vont « beaucoup souffrir de cette période. C’est Gérard Blanchard qui va redonner vie à l’accordéon avec ses chansons (Rockamadour…) » et consacrer le “rock-accordéon”. « De nombreux chanteurs comme les Négresses Vertes vont faire de même. Aujourd’hui, cet instrument a autant sa place sur scène qu’une guitare ou un piano. » Cette année, Marcel Loeffler a carte blanche. Le 20 mars (à L’Illiade), il offrira un concert inédit, accompagné par André Minvielle (percussions), Mandino Reinhardt et Cesar Allan (guitares). « Je suis assez éclectique et voulais mélanger des styles, musette, jazz manouche et brésilien, qui me parlent. » Au cours du festival, les spectateurs pourront aussi découvrir tous les autres répertoires investis par l’accordéon : entre rock, tango, chanson française ou musique celte, « tout le monde y trouve son compte », estime Pascale-Eva
Gendrault, maire-adjointe chargée de la Culture et des Arts d’Illkirch-Graffenstaden. « Les spectacles envahissent des rues entières, mais aussi les bars et les différentes scènes » explique-t-elle. Véritable temps fort de la saison, le Printemps des bretelles « apporte la culture à ceux qui n’ont pas l’occasion ou l’habitude de voir ce type de manifestations ». Le souhait des organisateurs ? Rassembler le plus grand nombre autour d’un événement populaire, un lieu de rencontres et d’échanges où les artistes côtoient les spectateurs et où les professionnels livrent leurs expériences aux amateurs. Objectif atteint à en croire les chiffres de 2009 : 10 000 spectateurs sont venus applaudir les 500 artistes présents. « On en attend autant cette année ! », se réjouit l’élue. Texte : Victoria Karel
m À Illkirch-Graffenstaden, dans différents lieux, du 19 au 28 mars 03 88 65 31 06 – www.illiade.com
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FeStIVAL – COLMAR
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embre actif de la scène rock hexagonale depuis bien longtemps – moitié des électroïdes Zombie Zombie (avec Neman, batteur moustachu de Herman Dune), membre des talentueux, mais trop méconnus, Married Monk – le réservé Étienne Jaumet vient (enfin) de livrer un premier album solo. « J’étais saxo dans des groupes pop… et donc pas vraiment en position de leader », explique-t-il. Avant, Jaumet n’avait pas forcément « d’idées mélodiques », mais Gilb'r, patron du label electro Versatile, l’a poussé à réaliser Night Music*. Le saxo n’est pas exclu de ce disque instrumental (produit par le géant de la techno made in Détroit, Carl Craig), composé de cinq longs morceaux (For Falling Asleep fait plus de 20 minutes) électroniques et hypnotiques, cosmiques et psychédéliques. L’instrument phare ? Le bon vieux synthé.
Cash Converters… C’est avec l’apparition des Cash Converters dans les années 90 qu’Étienne développe sa passion pour les synthétiseurs, les machines analogiques aux textures sonores riches : les gens s’y débarrassaient, « à vil prix », de matériel dont l’interface lui plaît tant. « Comme avec le saxophone, on a une relation physique à l’instrument qu’il faut manipuler pour obtenir quelque chose. » Les sonorités sont celle des morceaux des 80’s (de Kraftwerk, Laurie Anderson…) qu’il affectionne, des BO de dessins animés qu’il aimait enfant, de feuilletons et de films que ce cinéphile apprécie, de documentaires TV (il vient de mettre Le Monde du silence de Cousteau en musique pour un ciné-concert).
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À l’occasion du Festival Supersounds, Étienne Jaumet transmettra sa passion pour les synthés, les musiques obscures et les BO de John Carpenter aux gamins. Faut-il vraiment lui confier ses enfants ?
Et films d’horreurs Comme son titre l’indique, son disque s’écoute volontiers by Night : « La nuit, il y a une abolition du temps… L’atmosphère change et je cherche l’ailleurs en musique ». Les morts-vivants et autres monstres chérissent aussi la nuit, comme le sait ce musicien qui travaille sur un projet de reprises de BO de John Carpenter avec Zombie Zombie. Durant le festival Supersounds, les enfants sont invités à réaliser un album, de sa compo à la confection de sa pochette en passant par son enregistrement. Quel type de musique composera-t-il avec eux ? Faut-il laisser ses enfants entre les mains de cet adepte de films d’horreur et d’ambiances flippantes ? Étienne Jaumet a déjà fait des master-classes avec des petits, pas encore de compositions, mais il ne cache pas son enthousiasme : « Je m’adapterai aux idées des enfants, à leurs envies. L’inspiration sera le moteur, je ne
sais pas faire autrement ». Il ne se voit pas en chef d’orchestre pour mini-instrumentistes, mais envisage plutôt « une collaboration » avec les enfants. « Il va falloir trouver un langage commun, c’est tout. Ce qui compte, c’est de s’amuser. Et on va s’amuser ! » Night Music, sorti en octobre 2009 sur Versatile www.versatilerecords.com
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Texte : Emmanuel Dosda Photo : Philippe Lebruman
m Étienne Jaumet, en concert le 4 avril au Grillen de Colmar (avec Little teeth et My Awesome Mixtape) Ateliers enfants (à partir de 8 ans) à la MJC avec lui : clavier le 4 avril & clavier et enregistrement le 5 Dans le cadre du Festival Supersounds – session de printemps (avec tatsuya Yoshida de ruins, Mount eerie, No Kids, Hunx & the Punkettes…), à Colmar, au Grillen, au Musée du Jouet et à la MJC, du 31 mars au 4 avril 03 89 41 01 81 – www.hiero.fr
ORCHESTRE
PHILHARMONIQUE DE STRASBOURG ORCHESTRE NATIONAL
M A R S 2 01 0 MER. 10/03 I 20H30 I STRASBOURG PMC SALLE ÉRASME
MARC ALBRECHT DIRECTION NIKOLAI TOKAREV PIANO
KORNGOLD / RACHMANINOFF / KORNGOLD SAM. 20/03 I 20H30 I STRASBOURG PMC SALLE ÉRASME
EUROPA GALANTE FABIO BIONDI DIRECTION ET VIOLON SOLO VIVICA GENAUX SOPRANO
VIVALDI VEN. 26/03 I 20H30 I STRASBOURG CITÉ DE LA MUSIQUE ET DE LA DANSE AUDITORIUM
YUNDI PIANO
CHOPIN DIM. 28/03 I 11H I STRASBOURG CITÉ DE LA MUSIQUE ET DE LA DANSE AUDITORIUM
MUSIQUE DE CHAMBRE NAOKO PERROUAULT PIANO SABINE GABBE VIOLON ODILE SIMÉON-DREVON ALTO JULIETTE FARAGO VIOLONCELLE JÉRôME SALIER CLARINETTE JÉRôME HANAR COR
FIBICH / DOHNANYI
RENSEIGNEMENTS : 03 69 06 37 06 / WWW.PHILHARMONIQUE-STRASBOURG.COM BILLETTERIE : CAISSE OPS ENTRÉE SCHWEITZER DU LUNDI AU VENDREDI DE 10H À 18H / BOUTIQUE CULTURE, 10 PLACE DE LA CATHÉDRALE DU MARDI AU SAMEDI DE 12H À 19H © CONCEPTION : HORSTAXE.FR | PHOTOGRAPHIE : CHRISTOPHE URBAIN | MONTAGE BKN.FR | LICENCES D’ENTREPRENEURS DE SPECTACLES N° 2 : 1006168 ET N°3 : 10066169
Vik Muniz, Double Mona Lisa, 1999, confiture et beurre de cacahuètes, Cibachrome © ADAGP, Paris, 2009
Exquis esquisito Avec La photographie n’est pas l’art, le MAMCS ouvre les portes d’une importante collection privée, celle de Sylvio Perlstein. Des images placées sous le double signe de l’étrange et de l’expérimentation.
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es collectionneurs sont souvent des êtres complexes et secrets. Sylvio Perlstein ne fait pas exception à la règle. Il n’aime guère parler de lui, mais les images qu’il a rassemblées (il préfèrerait sans doute employer le verbe « accumuler ») avec soin ressemblent, selon les mots d’un des commissaires de l’exposition David Rosenberg, à une « forme d’écriture silencieuse, une pensée poétique se déployant et se ramifiant sans l’aide des mots ». Elles viennent dresser un portrait en creux du diamantaire, partageant sa vie entre la Belgique et le Brésil. En quarante ans, il a réuni près de 1 000 pièces. À Strasbourg, le visiteur découvre environ 200 photographies, accompagnées de quelques autres œuvres (dont de très beaux Magritte et une série de cartes postales signées On Kawara). Organisée de manière thématique (en six sections, Corps, Objets, Masques et visages, Espaces, Scènes et Mots), la présentation regroupe nombre de clichés des 40 _ Poly 132 - Mars/Avril 10
années 20 et 30. On y trouve notamment de multiples tirages de Man Ray (dont de grands classiques comme Violon d’Ingres, où une femme est représentée aves les ouïes de l’instrument dessinées sur le dos) à qui le titre de l’exposition rend hommage, puisqu’il reprend celui d’un de ses recueils de 1937, venant rappeler son amitié avec le collectionneur.
le singulier chère au surréalisme, courant fort bien représenté dans l’exposition. Un second élément important est la fascination du collectionneur pour les créateurs qui ont été, au fil des ans, à la pointe de la recherche et de l’expérimentation. Différentes techniques sont en effet explorées : rayogrammes, surimpressions ou encore photomontages font ici bon ménage…
Insolite. Étrange. Fantasmagorique. Tels pourraient être les adjectifs qui viennent spontanément à l’esprit en se promenant dans les salles du Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. Sylvio Perlstein semble attiré par « l’esquisito », un terme portugais pouvant être traduit par “beau bizarre”. Les univers sexy – mais glaçants et hiératiques – de Vanessa Beecroft, les corps biscornus de John Peter Witkin (avec son Homme sans tête), ou cette selle de vélo faite de milliers d’abeilles de Meret Oppenheim nous renvoient à une dialectique entre le beau et
Il n’y a là aucune volonté d’exhaustivité scientifique. Simplement les choix (éclairés) et les coups de cœur d’un homme. Le résultat ? Une promenade inspirée à travers l’évolution de la photographie et, surtout, la plongée étonnamment intime dans un univers mental. Comme s’il nous était proposé, selon la formule de l’artiste Fluxus Robert Filliou, une « histoire chuchotée de l’art ». Texte : Hervé Lévy
m À Strasbourg, au MAMCS, jusqu’au 25 avril 03 88 23 31 31 – www.musees-strasbourg.org
tHÉÂtre – TNS
Jean Jourdheuil © Michelle Kokosowski
Le poète des déch irures du siècle traducteur et ami de Heiner Müller, le metteur en scène Jean Jourdheuil s’attaque au Philoctète1 écrit entre 1958 et 1964 par le dramaturge allemand. rencontre autour du drame réunissant Philoctète, blessé, banni et abandonné par les Grecs sur une île, le stratège Ulysse et le jeune Néoptolème, chargés de le ramener se battre à troie. Vous avez monté Mauser et Hamlet-Machine (1979), mais aussi Le Cas Müller en Avignon (1991). Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de mettre en scène Philoctète ? Les choses ont beaucoup changé pour – et autour – de Heiner Müller avec la chute du Mur de Berlin. La réception de ses pièces était jusqu’alors très politique, elles étaient comprises comme un affrontement Est/Ouest. La période 1990-1995 fut la plus difficile pour lui qui avait été l’une des grandes figures critiques de l’Allemagne de l’Est. Tout d’un coup, il se voyait distingué (Prix Europa) et pouvait monter ses pièces. En 1989, cette reconnaissance et ce statut l’ont conduit à devenir président de l’Académie des Arts et à prendre la direction du Berliner Ensemble, le théâtre mythique de Brecht. Il voulait ainsi sauver deux institutions menacées de l’ex-RDA. La polémique fut grande : lui qui avait eu une position si singulière depuis tant d’années (refusant la fuite à l’Ouest, critiquant le régime de l’intérieur) prenait une posture à part sur la réunification. Sa mort en décembre 1995
a, elle aussi, modifié notre manière d’appréhender et de penser son œuvre qui est passée d’un espace politique à un autre (du socialisme au libéralisme), de textes contemporains à la postérité. C’est en entendant la lecture de Quartett au Festival d’Avignon en 2007 par Jeanne Moreau et Sami Frey, que m’est venue l’envie de m’y atteler. L’impressionnante écoute du public révélait des qualités littéraires qu’on retrouve dans Philoctète. Vous parlez, à propos de ce texte, d’un palimpseste. Le « cannibalisme littéraire » de Heiner Müller rend la pièce de Sophocle plus radicale. Dans quelle mesure le contexte de son écriture (édification du Mur de Berlin, censure…) l’a-t-il influencée ? Heiner Müller ne respecte pas les conventions auxquelles se pliait Sophocle : happy-end final, intervention divine d’Héraclès… Il les supprime, comme le chœur, créant ainsi les conditions d’un travail littéraire personnel bien plus influencé par le vers shakespearien que par les Grecs. Son Philoctète est la rencontre entre cet-
te démarche et sa situation personnelle : dix années d’ostracisme. La radicalité découle de l’analogie entre sa situation et celle de Philoctète, exclu et critique, même si c’est Ulysse qui lui correspond le plus car, comme lui, il ne croit pas en l’individualisme. Le dramaturge a la volonté de problématiser les raisons conduisant à l’exclusion et à la réinsertion de Philoctète, personnage qui détient l’arme absolue avec l’arc d’Héraclès. En point de mire, le régime socialiste et son lot d’exclusions, de réintégrations. Il se substitue à Sophocle tout en utilisant ses personnages et sa situation. L’actualité de la pièce réside-t-elle dans les parallèles que l’on peut effectuer entre les enjeux mêlés pour Müller de la Guerre de troie et de la Seconde Guerre mondiale et les conflits (ou menaces de conflits) armés actuels ? Dans les années 60, l’arc d’Héraclès est évidemment associé à la bombe atomique. Dans cette décennie, les hypothèses révolutionnaires du tiers-monde existent Poly 132 - Mars/Avril 10 _ 41
encore. Aujourd’hui, le contexte a changé et nous sommes détachés d’éléments historiques et biographiques. La pièce m’intimidait littérairement, j’avais besoin de temps pour appréhender Heiner Müller comme figure littéraire. Pour la scénographie et les costumes, vous avez fait appel à Marc Lammert qui avait travaillé avec Müller à la fin de sa vie. Au paysage dévasté et chaotique de la mise en scène de Mattias Langhoff en 1994, vous avez préféré l’épure d’un décor constitué d’un unique rectangle creux… J’ai connu Marc Lammert en 1996, montant avec lui Germania 3, Les Spectres du Mort-homme à Lisbonne. Dans Philoctète, l’ambiguïté du début de la pièce fait qu’on ne sait pas s’il est encore vivant ou si l’île de Lemnos est son tombeau. La désignation de l’île évolue sous la plume de Müller, passant d’un élément naturaliste (juste une île) à un jeu sur les mots (île, caverne, tombeau). C’est pourquoi nous avons choisi cet élément anguleux et oblique qui peut tourner. Lorsque cette structure est face au public, elle est comme un autel. La littérature ouvre des espaces d’imagination et d’associations
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lorsqu’on ne dicte pas l’analyse au spectateur. Si Brecht indique au public ce qu’il doit penser, Müller a tendance à affoler et à perturber la compréhension du spectateur. C’est là que je veux me situer. L’action se fait par les mots. quel travail particulier la dimension du langage revêt-elle avec les comédiens dans l’approche des personnages et de leur interprétation ? La langue de chacun des personnages est fondamentale. Philoctète passe du grognement au pathétique pour dire sa haine et sa colère. Pour Ulysse, le langage doit être une arme, alors que chez Néoptolème, les mots permettent de dire la vérité. La pièce commence avec Ulysse et Néoptolème découvrant la tanière de celui qu’ils souhaitent convaincre de rentrer avec eux. Néoptolème reste seul pour négocier. Une trappe s’ouvre, découvrant Philoctète. Nous avons très rapidement supprimé tout accessoire d’époque (épées et autres) qui aurait fait “cour d’école”. La tentative de jouer avec un véritable arc s’est avérée ridicule. Notre idée a été de transposer cette arme absolue. Debout dans sa trappe, Philoctète est comme un soldat dans la tourelle d’un char. C’est venu au cours des répétitions, en voyant
Maurice Bénichou y trôner. Cela crée une sorte de mystère qui structure l’espace dédié à Philoctète et induit une relation à l’espace différente pour chaque acteur. Face à ce danger, Néoptolème évolue sur les bords du promontoire, à distance de l’ennemi. La relation de jeu entre Philoctète et le décor permet une lecture symbolique du spectateur. Heiner Müller attachait une grande importance à la réception de sa pièce, à l’analyse des metteurs en scène. Considérer, pour un auteur, que l’élucidation des tenants et aboutissants de son texte et de sa dramaturgie est à rechercher après son écriture est une posture peu répandue, mais extrêmement intéressante… Il pensait que la pièce finit par être plus intelligente que son auteur qui s’est aventuré dans des choses inconnues. Nous sommes prisonniers de la mode et des discours de notre époque. Müller était imprégné du discours stalinien et il choisit, en plus, d’écrire dessus. On lit dans son style l’influence des poètes qu’il affectionne : Ceylan, T.S. Eliot, Hölderlin, Ezra Pound… L’écriture est une manière de partir à la découverte d’un monde in-
connu, le refus d’une conception instrumentale du langage. Il s’apercevait de la pauvreté de certaines interprétations de son texte (Ulysse pensé à l’Ouest comme symbole du stalinien, identification de Müller au personnage de Philoctète…).
« Si Brecht indique au public ce qu’il doit penser, Müller a tendance à affoler et à perturber la compréhension du spectateur » Pour lui, Ulysse est tragique. C’est le personnage clé. Müller abolit le privilège qui fait de Philoctète le seul protagoniste. Il se met donc à distance de ce personnage qui, esseulé, est incapable de revenir à un point de vue commun, de voir l’intérêt général. Nietzsche dit qu’on peut prendre un système philosophique, le casser en morceaux et le reconstruire. C’est exactement le geste de Müller qui casse et réécrit dans une attitude expérimentale, un saut vers l’inconnu. Il possède la netteté des mots du poète, pas de la signification.
Heiner Müller a écrit : « Philoctète est le négatif d’une pièce communiste »2. Peut-on chercher à comprendre cette phrase en la rapprochant de ce qu’il disait de la rDA : « Nous n’étions que le négatif du capitalisme, pas son alternative… » ? La RDA était le négatif photographique du capitalisme et Müller est clair sur le fait qu’il n’y avait rien à en attendre. Sa défense du Berliner Ensemble et de l’Académie des Arts a été très critiquée. Pourtant, dès Hamlet-Machine, il montre que le communisme est mal en point. Mais savoir qu’il était vaincu ne l’a pas empêché de se battre. Il ne lui était pas possible de dire à l’Ouest que l’Est était foutu sinon il n’aurait pu rentrer ! Il a fait le choix de tirer le maximum littéraire de la situation.
Ma constellation d’auteurs au XXe siècle se compose de Brecht, Beckett, Genet et Müller. Autant de planètes littéraires incontournables et spécifiques. Müller m’intéresse dans ce jeu de relations. 1 Jean Jourdheuil a traduit Philoctète avec Jean-Louis Besson aux Éditions de Minuit en octobre 2009 2 Heiner Müller, Lettre au metteur en scène de la 1re représentation de Philoctète en Bulgarie au Théâtre dramatique de Sofia, 1983
Propos recueillis par Thomas Flagel Photos : Mario del Curto
m À Strasbourg, au théâtre national de Strasbourg, du 18 au 31 mars 03 88 24 88 00 – www.tns.fr m Projection de deux films sur Heiner Müller (Die Zeit ist aus den Fugen, 1990 & Je ne veux pas savoir qui je suis, 2009) à l’auditorium du MAMCS, samedi 27 mars à 14h30 suivie d’une rencontre avec Jean Jourdheuil et le réalisateur Christoph rüter 03 88 24 88 00 – www.musees-strasbourg.org
en faisant abstraction de ce long compagnonnage avec Müller, que recherchez-vous, aujourd’hui, dans cette pièce ? Arracher l’œuvre à son contexte, voir ce qu’il advient de ce texte aujourd’hui. Je souhaite situer Philoctète au ciel de la littérature, voir avec quelles œuvres elle résonne.
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portrait
Chemins de traverse Commissaire indépendante, Bettina Klein vit entre Berlin et Strasbourg où elle est dorénavant chargée du commissariat des expositions du Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines (CEAAC). Le parcours, sans détours, de cette Allemande francophile.
«J
e viens d’un milieu plutôt rural. Personne ne s’intéressait à l’art dans ma famille ou mon entourage. » Rien, a priori, ne destinait Bettina, née en 1970 à Wadern dans la Sarre – pas de musée d’art, encore moins de galerie alternative – à devenir commissaire d’exposition, de surcroît avec une « démarche conceptuelle »… Elle vit sa première expérience artistique en France, au début des années 80, lorsque la mère de sa correspondante l’amène visiter la maison familiale d’Henri Matisse en Picardie. Un « moment essentiel », décisif pour la jeune Bettina Klein qui apprend le français puis, bac en poche, suit des études d’histoire de l’art à Marburg. Deux ans plus tard, elle les poursuit à l’Université de Toulouse, mais n’apprécie pas vraiment les méthodes d’enseignement, articulées de manière très différente : dans son pays d’origine, « il y a plus de liberté, de discussions. On n’abordait pas l’histoire de l’art par périodes chronologiques : les leçons sur la peinture baroque pouvaient s’enchaîner avec des séminaires sur Rodin ». Aux cours magistraux à la française, elle préfère l’étude approfondie d’une œuvre qui mène à une réflexion plus large, en direction d’autres pistes… Un an plus tard, installation à Berlin. En cette année 1992, l’émulation y est grande. Il y a notamment l’exposition 37 Räume, initiée par Klaus Biesenbach (aujourd’hui conservateur au MoMA), dans divers lieux désaffectés de Mitte. Événement marquant pour une future commissaire
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qui s’intéressera à « l’aménagement ou l’utilisation de l’espace public », et cherchera toujours à « établir des liens avec le lieu d’exposition, en considérant sa réalité actuelle et historique ».
Un plongeon dans l’eau froide Fascinée par l’effervescence berlinoise, Bettina Klein approfondit ses connaissances en art contemporain loin des bancs universitaires, par le biais de sorties nocturnes, de virées dans les vernissages, de clubs installés dans les sous-sols d’anciens supermarchés et autres galeries underground où elle croise de nombreux créateurs. Parmi eux, Daniel Pflumm, musicien electro et plasticien vidéaste, qu’elle exposera en 2007 dans le cadre du Mythe du cargo à Ivry-sur-Seine.
« Je pars d’une oeuvre, puis je tisse à partir de celle-ci. Je les fais dialoguer les unes avec les autres et ça se poursuit en méandres » Elle boucle une maîtrise sur les photographies de Wols, artiste principalement connu pour son travail pictural, puis début des 00’s, répond à un appel d’offre : une résidence de commissaire aux Archives de la critique d’art à Rennes. « Ça me plaît de voyager, de m’adapter à de nouvelles situations », insiste-t-elle. La structure n’a pas de lieu d’exposition propre et Bettina Klein développe un circuit dans le quartier
de la Gare, un hôtel, le hall d’accueil de la SNCF, etc. La jeune commissaire apprend beaucoup de cette première expérience, comme « jetée dans l’eau froide ». Bettina Klein se décide à abandonner sa thèse, travail trop solitaire et académique sur la nature morte en photographie, et intègre une galerie privée de Berlin qui se chargeait, notamment, de Michael Snow exposé (au milieu de trois jeunes artistes : Josh Brand, Marieta Chirulescu et Alexander Gutke) lors de La Preuve concrète, sa première proposition au CEAAC (du 14 novembre 2009 au 31 janvier 2010), ou Dan Peterman, qu’on découvre aujourd’hui, au seuil de l’exposition En présence (jusqu’au 16 mai).
Ausstellungsmacherin Commissaire indépendante pour des institutions en France et en Allemagne depuis 2001, elle monte Ce qui reste (2004) au Frac Bretagne sur l’inscription de l’art dans l’espace public, ou encore Objet à part (2006) dans une villa du XIXe siècle entourée de barres HLM, à Noisy-le-Sec. Le thème : la nature morte, la « notion d’objet dans l’art post-conceptuel ». Une œuvre emblématique de sa démarche ? Un magnifique bouquet de Maria M. Loboda, composé de fleurs qui signifient chacune une insulte dans le langage des fleurs à l’époque victorienne. D’exposition en exposition, son désir « de poursuivre ce chemin » se confirme. « Créer des liens entre des choses repérées, des personnes rencontrées. Je pars d’une oeuvre, puis je tisse à partir de celle-ci.
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portrait Je les fais dialoguer les unes avec les autres et ça se poursuit en méandres. Les idées se développent. » Bettina Klein se voit comme une « Ausstellungsmacherin » (littéralement, une “faiseuse d’expositions”) : elle construit un propos personnel et l’articule avec les artistes, à partir d’œuvres existantes ou exécutées pour l’occasion.
Prendre la température du lieu Depuis fin 2009 et pour une durée de deux ans (soit six expos), Bettina Klein est la commissaire invitée du CEAAC. Evelyne Loux, directrice de la structure strasbourgeoise, est ravie d’accueillir une personne qui, grâce à sa double culture et son réseau, « augmente la possibilité de rayonner du CEAAC. Pour Bettina, l’art conceptuel fait partie de notre langage commun ». En cela, elle affirme la dimension “expérimentale” du CEAAC qui désire, depuis ses débuts, « interroger la création en train de se faire ». Sa première exposition rue de l’Abreuvoir (La Preuve concrète) traitait de la lumière, de la trace, des limites entre l’analogique et le digital… La seconde (En présence) aura une approche « plus phénoménologique » et présentera des objets « qui parleront d’eux-mêmes, qu’on contemplera pour
leurs qualités propres », confie la commissaire. Les expositions suivantes ? Bettina Klein se laisse une « marge de manœuvre » pour réagir « avant de développer une thématique ». Il s’agira peut-être de pointer certains aspects de la culture locale, d’interroger plastiquement des minéraux de l’Université de Strasbourg, de travailler sur l’historique de l’espace d’exposition du CEAAC, installé dans les anciens magasins jungendstil de verrerie et de vaisselle Neunreiter… Il y aura sans aucun doute des photos, de la vidéo, du 16 mm, des sculptures, peut-être des peintures. Des portraits, des figures humaines ? Pas sûr… « Ça n’est pas pour rien que j’ai longtemps travaillé sur la nature morte. » Et d’ajouter : « Évidemment, les natures mortes et les objets parlent de l’homme. Par détours. » Texte : Emmanuel Dosda Photos : Pascal Bastien
m En présence, du 27 février au 16 mai, au CeAAC, 7 rue de l’Abreuvoir à Strasbourg 03 88 25 69 70 – www.ceaac.org
À découvrir lors d'En Présence : Tacita Dean, Prisoner Pair, 2008 – courtesy: Marian Goodman Gallery, Paris
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Mais que fait le commissaire ? Le CEAAC a toujours fonctionné selon un principe de comité d’experts (représentants des musées ou des écoles, collectionneurs, critiques…) qui réfléchissait aux questions de la commande publique, du soutien aux artistes de la région, aux expositions. La programmation se faisait sur la base des propositions faites par ce groupe de travail. En dépit de sa bonne réputation, le CEAAC sentait ne pas avoir la place qu’il méritait sur le plan international. La solution ? Un commissaire invité qui apporte ses propres méthodes permet de proposer un discours critique et de s’inscrire dans un autre réseau, notamment lié au bassin rhénan, comme c’est le cas avec Bettina Klein. Les commissaires, choisis par un jury particulier (experts, représentants de la DRAC…), sont recrutés pour une durée de deux ans, soit six expos, même si Keren Detton, première commissaire invitée, n’en a proposé qu’une seule, celle du collectif Bad Beuys Entertainment en 2009, avant de partir à la direction du Centre d’art de Quimper. Les commissaires invités continueront-ils à exposer les artistes régionaux, largement défendus par le CEAAC jusqu’à présent ? Evelyne Loux, sa directrice, compte davantage sur la « mise en contact » des plasticiens et des commissaires qui peuvent « repartir avec un ou deux d’entre eux dans leurs valises ». Le CEAAC a également développé, en parallèle à ce process, l’aide à la création internationale : diffusion, résidences, etc. « La forme de notre soutien à la création régionale a changé, mais pas du tout le fond », insiste-t-elle.
Le
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EXPOSITION – BNU
De l'ombre
à la
lumière
Méconnu de son vivant, Friedrich Hölderlin (1770-1843) est devenu un véritable mythe au XXe siècle. À la BNU, nous plongeons au cœur de la trajectoire intellectuelle et artistique de celui que Derrida nommait le « poète des poètes ».
P
résenter aujourd’hui des manuscrits de Hölderlin est chose exceptionnelle. Le poète, qui passa les 36 dernières années de sa vie dans la tour du menuisier Zimmer à Tübingen, considéré par ses contemporains comme dérangé, n’a en effet guère été reconnu de son vivant. Beaucoup d’originaux ont ainsi été perdus. Chose rare, la BNU a pu en rassembler onze1, montrés pour la première fois en France. On y explore les aspects de son œuvre, le roman (un fragment d’Hyperion), le théâtre (une page de La Mort d’Empédocle), la traduction (un chœur de sa version d’Antigone de Manuscrit du poème L’Archipel, 1800 (WLB Stuttgart)
Sophocle) et la poésie avec, notamment, l’original de L’Archipel qui connut bien des vicissitudes pour arriver jusqu’à nous. Pendant la guerre, il avait été « enterré dans un jardin, entouré de draps. L’humidité a tout de même attaqué le manuscrit. On le voit à sa couleur très particulière, dans les tons verts et bleus » nous explique Aude Therstappen, une des deux commissaires de l’exposition2. Voilà une écriture penchée, aux angles aigus, devenue aujourd’hui presque illisible. L’exposition analyse la destinée de l’œuvre du poète foudroyé par la folie : une génération après sa disparition, on le redécouvre et les romantiques commencent à s’intéresser à lui, mais s’est surtout le XXe siècle qui rendra justice à celui qui « emploie une langue éminemment actuelle, tout sauf policée », selon les mots d’Aude Therstappen. « Le mouvement harmonieux de sa prose, la noblesse et la beauté de ses héros, me font une impression analogue à celle de la houle. Cette prose est en effet musique, sonorités tendres ou languides, coupées de dissonances douloureuses et mourant en d’étranges et sombres thrènes », écrivait en effet Nietzsche. Si le IIIe Reich récupéra Hölderlin, donnant une lecture déformée de son œuvre, il fut une figure importante pour beaucoup d’intellectuels du siècle : Jacques Derrida,
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Martin Heidegger, Walter Benjamin, Philippe Lacoue-Labarthe ou Jean-Luc Nancy… Son œuvre inspira aussi nombre de compositeurs, de Luigi Nono à Hans Werner Henze, en passant par Benjamin Britten. Mais c’est sans doute au théâtre où sa fortune fut la plus grande avec la redécouverte de son unique pièce en 1916 (pensons aussi au film de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, La Mort d’Empédocle) et de ses deux traductions de Sophocle (Jean-Louis Martinelli réalisa notamment une belle mise en scène d’Œdipe le tyran au TNS en 1999). C’est dans l’étude de cette postérité que l’exposition se révèle passionnante. 1 Ils lui ont été prêtés par la Württembergische Landesbibliothek de Stuttgart avec laquelle la BNU collabore régulièrement 2 À la BNU, elle est responsable du pôle d’excellence “Aire culturelle germanique”
Texte : Pierre Reichert Photo : Charles Berling dans Œdipe le tyran. © Florian Tiedje
m À Strasbourg, à la Bibliothèque Nationale et Universitaire, jusqu’au 1er avril (mardi 16 mars, conférence d’Alexandre Kostka sur l’iconographie du génie fou chez Nietzsche et Hölderlin ; mardi 23 mars, lecture bilingue de textes du poète) 03 88 25 28 00 – www.bnu.fr
Actuelles X
Graphisme po.lo. , photo Raoul Gilibert
soirées dédiées aux écritures contemporaines de théâtre présentées par Laure Werkmann et Gabriel de Richaud, artistes associés aux Taps
Taps Gare, sur réservation du 23 au 27 mars à 20h30
Un théâtre dans la ville, Les Taps
03 88 34 10 36 – resataps@cus-strasbourg.net
www.strasbourg.eu
Quatre adulescents dans le vent Événement du mois de mars sur Arte, la diffusion de la première saison des Invincibles. Cette adaptation d’une série québécoise, entièrement tournée à Strasbourg et dans la région, conte les mésaventures de quatre trentenaires bien décidés à vivre leur vie. Devenir adulte ? Heu… pas tout de suite !
R
enouveler la série française, être pourvoyeur d’un nouveau “ton” et faire émerger de jeunes talents comme avec Le Péril jeune en son temps, voilà les motivations des co-producteurs des Invincibles, Matthieu Viala et Julien Simonet. Les fondateurs de Makingprod ont su séduire Arte France qui a parié gros* sur le succès de cette série humoristique qui promet de faire souffler un vent de fraîcheur sur la chaîne culturelle franco-allemande à la réputation encore élitiste.
À toute vitesse Outre l’image d’une ville de Strasbourg résolument moderne et dynamique (loin des clichés habituels véhiculés dans les films), Les Invincibles a aussi eu un impact sur le tissu économique local, mobi-
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lisant près de 120 comédiens, plus de 150 décors et 1 000 figurants. À raison de 7,5 jours de tournage par épisode, les deux saisons ont été écrites, tournées (et bientôt diffusées) en un an, au lieu de trois habituellement pour une série française.
Le pacte Nous suivons une bande de quatre trentenaires quasi-inconnus : Jean-Michel Portal (aperçu dans La Cagnotte au TNS l’an passé), Jonathan Cohen (saisissant dans Variations Lagarce au TNS), Benjamin Bellecour et Cédric Ben Abdallah (ancien du Jamel Comedy Club). Ensemble, ils signent un pacte pour en finir avec la vie stable et rangée qu’ils ont construite jusqu’ici. Leur but ? Enfin profiter de la vie, à commencer par larguer leur petite amie respective, au même moment, pour
vivre sans attache. Autour de ce quatuor “invincible” arborant une montre bleue, une flopée de guests pimente la série : la belle Lou Doillon (une des ex), Jackie Berroyer ou encore Clémentine Célarié.
Un portrait générationnel « Les Invincibles posent une question », estime Brigitte Bémol, seule femme des quatre scénaristes. « Peut-on devenir adulte en refusant tout engagement ? Les quatre personnages représentent cette génération qui veut profiter de la récré le plus possible en fuyant les contraintes. » Un portrait générationnel se dessine autour de la peur des responsabilités, de l’importance de la sexualité et du rapport à l’autre, à son regard, ses sentiments.
SÉRIE TV – ARTE
La VF plus soft que la québécoise ? « Sûrement pas ! » s’indigne Brigitte Bémol. « Les Québécois privilégient le comique de situation. Notre adaptation a consisté à resserrer les boulons de la psychologie des personnages et ajouter du rythme (la saison originale comprenait 12 épisodes de 40 minutes, la strasbourgeoise huit épisodes de 52 minutes, NDLR). On y aborde la sexualité de manière moins prude, notamment la quête de Vince qui se cherchera beaucoup dans la série. » Alexandre Castagnetti, co-réalisateur et trublion échappé du groupe La Chanson du dimanche qui signe la BO, confirme : « On est plus provoc’ que l’original dont on est tous fans ». Jonathan Cohen s’est laissé « séduire par cette manière particulière, drôle et fraîche de parler des trentenaires, très différente du cinéma qui les présente toujours en crise. On s’est tous reconnus dans les personnages des uns et des autres, dans le fond comme dans la manière de le raconter avec un humour jouissif. » Et Benjamin Bellecour, véritable “sérivore” dans la vie, de rajouter : « Nous sommes un peu paumés. On
ne sait pas trop ce que c’est qu’être des mecs. C’est chouette de tourner une série qui est un miroir de ce qu’on vit. »
Narration à trois temps Les péripéties sont entrecoupées d’interviews des quatre héros par un anonyme dans lesquelles ils livrent la vision fantasmée de leur vie, en complet décalage avec la réalité. Le grand écart entre ce qu’ils feignent d’être et ce qu’on découvre au fil des épisodes constitue un ressort comique extrêmement réussi qui s’appuie sur leur refus de grandir, de se confronter à l’autre et, finalement, à eux-mêmes. On retrouve un troisième niveau de narration – un peu moins concluant – dans les mangas dessinés par Hassan qui donne traits à ses amis sous forme d’avatars dotés de pouvoirs. Ils y affrontent symboliquement les épreuves que ses copains et lui vivent sous nos yeux.
Les femmes Si la série a un côté Sex & the City au masculin, les femmes n’en sont pas absentes. Elles demeurent le nerf de la guerre et ne sont pas prêtes à se laisser faire.
Tous veulent multiplier les conquêtes, les parents de nos quatre invincibles y compris, ce qui ne manquera pas de perturber les garçons ! * Arte, mais aussi les bureaux des tournages de la CUS et de la Région Alsace qui ont massivement subventionné la série, prenant le risque de soutenir la production des saisons 1 et 2, coup sur coup, avant toute diffusion télévisuelle Texte : Thomas Flagel Photos : Benoît Linder / French Co.
m Les Invincibles saison 1, deux épisodes diffusés tous les mardis à 22h20, du 9 au 30 mars www.arte.tv/lesinvincibles m En finir avec le couple, La Méthode miracle des Invincibles, édité par Les Petits Matins et Arte Édition (12 €)
m À voir également une exposition de photos de Benoît Linder autour des Invincibles au Centre administratif de Strasbourg, jusqu'au 30 mars
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FESTIVAL – LA LAITERIE, LE ZÉNITH
Les
ensorceles Pointures et nouveaux talents se relaient le temps du Festival des Artefacts concocté par l’équipe de La Laiterie. Focus sur l’un d’entre eux, ThE BeWiTcHeD hAnDs On ThE tOp Of OuR hEaDs, un nom à rallonge pour un grand petit groupe… qui monte.
“L
es mains ensorcelées audessus de nos têtes” – leur nom dans la langue de Daft Punk – bien que pratiquant une musique résolument pop, se sont fait remarquer grâce à une relecture de Rapper’s Delight, tube hip-hop de Sugarhill Gang, et une reprise du technoïde Tonight de Yuksek,
« Ni incantations, ni culte, ni sorcellerie » mais de la pop enchanteresse rémois comme eux et présent le même soir au Zénith. Sébastien, porte-parole des intéressés : « Le rap du début des 90’s – Public Enemy, De La Soul, Run DMC, Beastie Boys… – fait partie des influences du groupe ». Mais les six BeWiTcHeD ne sont pas des rappeurs, « loin de là ». Pour
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Tonight, ils se sont posés « la question de l’adaptation : par quels moyens s’approprier un morceau à ce point emblématique d’un genre et d’une époque ? Nous avons eu l’idée du chant scandé à la McCartney dans Sgt. Pepper’s, puis le reste a découlé de ça… » Les références principales de ce groupe qui a digéré de nombreux styles sont plutôt tournées vers le rock indé : « Nous sommes pile dans la “génération Nirvana”. Nous avons ensuite enchaîné avec les Pixies, Sonic Youth, Pavement… Ça doit se ressentir, j’imagine… » ThE BeWiTcHeD cite encore la pop sixties – les Kinks, Beach Boys, Zombies… –, le rock progressif, et admet « avoir tâtonné du sampler et de la musique électronique avec plus ou moins d’obstination ». Des parcours musicaux divers et des influences bigarrées qui donnent une idée de la teneur de leur premier album* (« une synthèse de l’histoire du groupe, une histoire courte mais dense »), qui reflètent bien la personnalité de cette formation soudée qui se voyait comme une troupe, par le passé, lorsqu’elle comptait onze membres. « Maintenant que nous sommes revenus à un effectif raisonnable, c’est l’aspect “bande de copains» qui prédomine. » Pas le côté secte ? Non…
« Ni incantations, ni culte, ni sorcellerie » dans ce groupe qui cherche néanmoins à envoûter l’auditeur. « Du moins pas encore », rectifie Sébastien… *Sortie prévue en automne 2010 Texte : Emmanuel Dosda Photo : Gaetan Verboven
m ThE BeWiTcHeD hAnDs On ThE tOp Of OuR hEaDs en concert le 16 avril au Zénith de Strasbourg m Festival des Artefacts, à Strasbourg, les 16 et 17 avril au Zénith (Nada Surf, Archive, Wax Tailor…) et du 21 au 24 avril à La Laiterie (Wave Machine, Le Peuple de l’Herbe, Festival scène d’ici…) 03 88 237 237 – www.festival.artefact.org
Search & Destroy C
lou du spectacle artefactien : Iggy Pop et ses Stooges, soit l’ensemble de la formation originale moins Ron Asheton, décédé début 2009. L’iguane et sa bande devraient reprendre l’intégralité de Raw Power (1974), un troisième album supra violent malgré le travail de mixage de David Bowie qui a essayé d’adoucir le ton. L’avis des BeWiTcHeD sur le pape Pop ? « On ne court pas après les reformations de groupes cultes, mais ce que nous inspire Iggy Pop est globalement positif. En ce qui me concerne », note Sébastien, « je suis aussi très fan des deux albums enregistrés avec Bowie, The Idiot et Lust For Life. Sans oublier Avenue B où Iggy Pop joue les crooners, une facette moins connue de son répertoire vocal… »
L’auteur exhibitionniste de Search and Destroy a un concurrent de taille en la personne d’Anton Newcombe, leader frapadingue de Brian Jonestown Massacre*. Ce groupe US popularisé par le documentaire Dig ! créera – forcément – la surprise. On ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre avec un type de la trempe de Newcombe, ex-junky accro à la bouteille, partisan des bastons en backstage et de l’usage intensif du Fuck You… * Dernier album, paru fin février : Who Killed Sgt. Pepper ? chez A Records – www.brianjonestownmassacre.com
m Iggy Pop & The Stooges et Brian Jonestown Massacre en concert le 16 avril au Zénith de Strasbourg © Marcos Hermes / marcoshermes.com
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urban intrusion
Des lieux oubliés, fermés, abandonnés – visites clandestines
CENTRE DE DISTRIBUTION DES EAUX ROHRWILLER LUNDI 22 FÉVRIER 2010, 13H 48°45’02” N / 07°54’46” E
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Les bords de la Zorn. Des murs de brique en partie effondrés et une inscription permettant de donner quelques indications sur ce que fut, il y a une centaine d’années, la destination du lieu – Wasserwerk der Stadt Haguenau (ou centre de distribution des eaux de la Ville de Haguenau) – surmontée du blason de la cité du nord de l’Alsace. Du passé de l’endroit, il ne reste rien. Le bâtiment sombre peu à peu dans l’oubli en bord de départementale. Qui le voit encore ? Les VRP pressés qui passent en Clio blanche sur la route ? Les agriculteurs récoltant la betterave ? Plus personne, en somme. Et pourtant, il a son charme… La nature a repris
ses droits. Herbes folles. Ronces. Taillis. Rien, ou presque, ne distingue ce vestige industriel de la fin du XIXe siècle des châteaux vosgiens. On discerne même des traces de peintures murales sur lesquelles le temps a passé. À quelle époque sommes-nous ? Une image confuse : les fresques de Pompéi. Vertige. Comme si toute ruine avait, au final, la semblance de l’antique. Texte : Hervé Lévy Photos : Stéphane Louis
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FESTIVAL – LA FILATURE
T
En état de Trans(e) La troisième édition du festival Trans(e)versal (musique, théâtre, danse et art) et Trans(e)frontalier de La Filature mulhousienne se profile. Petite sélection des événements à ne pas rater.
oujours prompt à faire découvrir de nouveaux talents et à jouer son rôle de soutien aux créations d’artistes de renommée, Joël Gunzburger, directeur de La Filature, nous réserve quelques représentations de choix, notamment en danse contemporaine. Première d’entre elles et non des moindres : Mais le diable marche à nos côtés. Créée à l’issue d’une résidence à la Comédie de L’Est de Colmar puis à La Filature, cette pièce chorégraphique réunit le musicien Fritz Hauser (adepte de solos pour batterie et percussions) et le chorégraphe Heddy Maalem. Pour ce dernier, marqué par la violence de la guerre d’Algérie et l’arrachement à sa terre (il est né d’un père algérien et d’une mère française dans les Aurès), la découverte du corps et de ses mouvements se double de celle du monde de la sensation pour le précipiter dans la
Mais le diable marche à nos côtés © Patrick Fabre
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danse. En résultent des pièces sensibles et des solos (Un petit moment de faiblesse, Le principe de solitude) où il aborde le regard sur autrui par la nudité. Sa version du Sacre du printemps, monté avec des danseurs issus de différents pays d’Afrique de l’Ouest aux physiques particuliers – longs, secs, ronds –, marque la critique et les spectateurs, ébahis par son rythme et par la modernité de sa relecture du classique de Stravinski, pourtant repris maintes et maintes fois par des chorégraphes comme Maurice Béjart, Pina Bausch ou Angelin Preljocaj. Admiratif de La Table verte1 et « du courage qu’il fallut pour la créer », Heddy Maalem souhaite montrer le corps « de la périphérie des villes, celui que fabrique une humanité de béton. Son mouvement électrique, cette urgence un peu idiote qu’ignore le souffle lent de la nature ». Le corps, comme une voix de grands tambours face aux villes et, toujours, l’ambiguïté de ses spectacles où la beauté du mouvement contient sa répulsion. Neuf danseurs d’horizons éclatés (Afrique et Asie) comme clameur du commencement du monde, « la fin inévitable de celui où nous sommes, la torsion de ce geste que nous faisons pour nous lover dans la spirale d’aujourd’hui ».
Goya © Thomas Laedlein-Greilsammer
participe de cette vaste entreprise. L’Alsacien Christophe Greilsammer a choisi une forme insolite et inhabituelle puisqu’il Du Prado à Disneyworld nous emmène, en bus, dans une déambuAu croisement du théâtre, de la danse lation au cœur de Mulhouse. L’occasion, contemporaine et de la performance, la pour ceux qui avaient raté l’expérience jeune et prometteuse chorégraphe zuridurant le festival Ososphère2 en septemchoise Alexandra Bachzetsis nous convie dans son Dream Season. Patchwork de bre dernier, de se laisser mener comme le saynètes de films cultes (Sailor et Lula, A père de cette pièce, décidé à entraîner ses History of violence…), de séries télé et de enfants au musée du Prado pour admisoap-opéras rejouées en direct par cinq rer les tableaux de Goya (de nuit en casperformeurs, elle décode les tendances de sant une vitre) plutôt qu’à Disneyworld, la culture populaire dominante : modèles destination rêvée de sa progéniture. « Je féminins, corps-objet devenu marchandipréfère que ce soit Goya qui m’empêche se… « Si Dallas est node fermer l’œil plutôt tre Odyssée, L’Odyssée « Si Dallas est notre qu’Adidas, Findus, fut aussi le Dallas de Volkswagen, la voisine, Odyssée, L’Odyssée un salaud qui prétend l’Antiquité », affirme, avec une dose d’ironie être mon meilleur ami fut aussi le Dallas grinçante et un regard ou une connasse qui rade l’Antiquité » aussi affûté que précis, bâche qu’elle m’aime. » celle qui n’a de cesse Le ton est donné. Avec d’explorer les mouvements culturels en le bus pour seul espace de jeu, le comévogue (hip-hop, mode, strip-tease…) et dien-conteur s’appuie sur les mixes d’un ce qu’ils révèlent sur la société, la sexuaDJ qui improvise des ambiances en lien lité et les rapports de domination. avec les pérégrinations du père, quelJeunesse, tu brûleras les idoles d’antan et que peu bourré et défoncé, lancé dans réinventeras ce monde qui est tien, clame une vaste tirade sur la culture gratuite, le poète. Nul doute que le Goya de l’imle football, l’argent… Décidé à ouvrir pétueux et impertinent Rodrigo García l’esprit de ses fils, coûte que coûte. Les
passagers-spectateurs écoutent et tissent des liens avec le parcours urbain sur lequel s’appuie cette pièce somptueusement caustique et radicalement acerbe. Preuve, s’il en fallait, que le monde est nôtre et qu’il appartient à chacun de nous de le modeler à sa guise. 1 Ballet de Kurt Jooss sous-titré « danse macabre en 8 tableaux et 16 danseurs » qui montrait, en 1932, la future montée du nazisme et l’établissement du IIIe Reich. 2 La Berlinoise Ellen Allien, déjà conviée par Les Nuits de l’Ososphère, sera la reine de La Nuit electro de La Filature, samedi 13 mars
Texte : Daniel Vogel
m À Mulhouse, à La Filature, Festival Trans(e), du 5 au 13 mars 03 89 36 28 28 – www.lafilature.org Dream Season, vendredi 5 et samedi 6 mars (danse-performance en anglais, texte français fourni) Mais le diable marche à nos côtés, mardi 9 mars Goya, du 9 au 13 mars Le décor à l’envers, exposition proposée par Sophie Kaplan (directrice du CRAC Alsace), à découvrir jusqu’au 2 mai
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Viva Vivaldi !
L’Orchestre philharmonique de Strasbourg invite un des meilleurs ensembles de la scène baroque, les Italiens d’Europa Galante pour un programme tout entier consacré à Vivaldi.
C
oup de tonnerre dans l’univers du baroque : nous étions en 1992 et jamais on n’avait entendu Les Quatre saisons de Vivaldi ainsi. En un seul enregistrement, la réputation d’Europa Galante1, ensemble fondé par Fabio Biondi en 1989, est établie. Depuis le milieu des années 70 – période où l’on redécouvre ce répertoire –, la religion du chef (et violoniste) palermitain était néanmoins faite. Pour lui, un enregistrement de la Passion selon Saint Matthieu de Bach par Nikolaus Harnoncourt fut une véritable révélation. Après ce choc esthétique, il a eu envie de « mieux comprendre comment on jouait la musique à cette époque, comment on la percevait. En un mot comme en cent, je suis tombé amoureux », confie-t-il. Le voilà embarqué dans une aventure qui débute par un projet discographique : « Je travaillais avec Marc Minkowski sur des enregistrements des comédies-ballets de Molière et Lully pour Erato. Yolanta Skura qui collaborait avec le label montait alors sa propre maison de disques, Opus 111, 58 _ Poly 132 - Mars/Avril 10
et cherchait un ensemble italien. À cette époque, le répertoire baroque du pays demeurait presque inexploré : l’aventure m’a donc séduit, d’autant que nous nous étions réunis depuis peu avec quelques amis autour de certaines partitions de Vivaldi. » En une vingtaine d’années, Europa Galante devient une référence dans l’interprétation de Tartini, Locatelli, Geminiani, Caldara, Corelli ou Scarlatti… mais le “prêtre roux”2 est resté au centre des préoccupations artistiques de Fabio Biondi, même s’il est « devenu un peu plus critique [qu’il] ne l’était à l’époque. C’était l’amour fou. C’est toujours l’amour, mais un sentiment plus mûr sans doute, même si jamais je ne m’ennuie en compagnie de ce compositeur. En vingt ans, nous avons exploré bien d’autres territoires musicaux… et je reviens toujours à Vivaldi. » À Strasbourg, la formation transalpine propose un feu d’artifice vocal et musical avec la mezzo Vivica Genaux (un pro-
gramme que l’on peut en grande partie retrouver sur un récent CD fort justement nommé Pyrotechnics3). Voilà un florilège où l’on découvre bien des facettes de l’art de Vivaldi avec des pièces instrumentales (comme la très belle ouverture de Verità in cimento) et « des airs virtuoses – certains affirmaient qu’il écrivait pour la voix comme pour le violon –, des airs qui renvoient à la vision de la nature développée dans Les Quatre saisons, des airs pathétiques… » www.europagalante.com Surnom donné à Vivaldi en raison de sa chevelure flamboyante 3 Paru chez Virgin Classics en 2009 www.virginclassics.com 1 2
Texte : Hervé Lévy Illustration : Loïc Sander
m À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès (Salle Érasme), samedi 20 mars – 03 69 06 37 06 www.philharmonique-strasbourg.com
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DANSE – BAINS MUNICIPAUX
La longue marche Avec son caractère bien trempé et son sens aigu de l’adaptation aux événements in situ, Christine Bastin se jette à l’eau. La chorégraphe participe avec L’eau de personne… à l’opération À l’eau, la terre ? Ici Strasbourg !* et crée une pièce aux Bains Municipaux.
A
guerrie à toute sorte d’expériences depuis la création de sa compagnie La Folia, Christine Bastin, danseuse et chorégraphe au tempérament d’air et de feu, se tend des pièges et se lance des défis, depuis qu’elle a ouvert son travail aux arts du cirque, aux arts plastiques et au hip-hop. Le génie de l’eau ne lui est pas indifférent depuis ses expériences dédiées à l’élément fondateur de vie (L’eau de là, L’eau passagère…). Avec L’eau de personne…, « j’ai envie de parler de l’eau comme de parler du vivant, du sacré, du lieu où tout ce qui vaut la peine s’accomplit, simplement, divinement, pour rien, pour personne, pour la joie », explique la chorégraphe. Dans ses compositions précédentes pour la scène, elle nous avait habitués à un état de corps et de danse fougueuse, sensuelle, en rébellion, toute en extrême érotisme à fleur de peau, à fleur de prises. « La vie naît de l’eau, l’enfant naît de l’eau, par les amants qui se font fruits, fontaines et larmes et au soir de la mort, l’eau doucement s’évapore », lance-t-elle. Dans les Bains Municipaux, son regard se porte « surtout sur le bassin de la piscine et les marches qui y conduisent ».
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Le public sera assis et non en situation de déambulation. « Quand l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg m’a guidée vers ce lieu, j’ai été séduite et enchantée par son architecture magnifique ! Pour répéter, j’ai trouvé à Paris un studio où il y a suffisamment de marches pour simuler l’espace. Et nous viendrons à cinq danseurs seulement quelques jours avant l’événement. Ce sera encore une occasion d’inventer et d’expérimenter, hors cadre institutionnel et sans grands moyens. » De toute manière elle sera comme un poisson… dans l’eau : « Cela me rapproche de la nature. J’adore danser en extérieur, dans les éléments naturels. La nature va bien avec la danse ! J’ai été sensibilisée à la protection de l’eau, cet “or bleu” que beaucoup se disputent politiquement, comme une propriété à conquérir. Une vraie bataille aux enjeux gravissimes ». Fluide et passionnée, animée par la grâce, sa danse terrestre et aérienne va se confronter, en changeant de milieu, à une autre dimension : ce qui coule de source, se répand, fond, ce qui n’a pas de cadre, ni de limite – l’eau ne cesse jamais de
bouger – fait mouvoir les corps dans d’intenses transes jouissives. Mais ce spectacle va au-delà du simple aspect artistique puisqu’il s’inscrit « dans un contexte politique et militant qui me conduit à réfléchir aussi sur le statut et l’existence, la reconnaissance des artistes hors circuits institutionnels. Notre “eau” à nous, nous devons la défendre : c’est notre art et sa légitimité dans la cité, auprès des citoyens pour une meilleure visibilité. » * Événement organisé par les étudiants de l’ENGEES du 19 au 22 mars dont l’objet est de mettre l’eau au cœur des préoccupations des citoyens Texte : Geneviève Charras Photo : D.R.
m À Strasbourg, aux Bains Municipaux, samedi 20 et dimanche 21 mars (entrée libre dans la limite des places disponibles) 03 88 60 93 30 – www.strasbourg.eu www.aleaulaterre.eu
l’illustratrice
Cécile Liénaux Née en 1985, Cécile a fait des études en communication visuelle à Strasbourg (BTS au Lycée Le Corbusier, Master 1 Design à l’UMB). Afin de nourrir son imaginaire, pour remplir « [s]a tête d’images et [s]on carnet de couleurs », elle voyage beaucoup. C’est d’ailleurs lors d’un long séjour en Australie que Cécile a rencontré le fermier qui a servi de modèle à son drôle de cow-boy… http://leblabladececile.blogspot.com
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Immergée dans l’œuvre de Marguerite Duras depuis deux ans, Sandrine Gironde présente La Maladie de la mort. Un texte poétique sur l’incapacité et le besoin d’aimer.
L
L’autre, si loin, si proche e début des années 1980 est une « Duras parle profondément d’amour, période de production active pour même si pour cela elle passe par l’inMarguerite Duras. Les livres et les capacité à aimer », analyse Sandrine. films se succèdent. Pourtant, l’immense « Cet homme va mourir d’une vie qu’il écrivaine vit une période sombre, noyée n’a pas vécue car il n’a pas aimé. J’ai dans l’alcool. La Maladie de la mort porte traité ce texte dans sa dimension univerces stigmates autobiographiques : la main selle : comment rejoindre l’autre, quel tremblante, elle ne peut écrire elle-même qu’il soit, au-delà ce texte qu’elle dicte à son Yann Andréa, « Cet homme va mourir des différences ? » questionnement effectuant des cord’une vie qu’il n’a pas Un sur le désir, une lecrections sur les tapuscrits. « J’ai essayé de vécue car il n’a pas aimé » ture plus sensible qu’analytique. Habifaire abstraction tuée aux récits poétiques dont la forme de cette part autobiographique, de son lui laisse une liberté plus grande que des histoire avec Yann Andréa, laissant de textes purement théâtraux, la metteuse côté l’homosexualité suggérée dans le en scène s’est immergée dans Duras avec texte. » La douleur humaine parcourt La ce « besoin d’y entrer pleinement pour Maladie de la mort. Un homme y paie [s]’en séparer ensuite ». Les deux coméune femme pendant plusieurs jours pour diens de la pièce connaissaient peu cette qu’elle s’allonge, nue, dans un lit. Dans auteure. Ensemble, ils ont longuement une chambre face à la mer, il tentera sans travaillé à la table pour comprendre ce qui succès de l’aimer, la regardant dormir, la se jouait entre ces mots. « Il est difficile, touchant du doigt, pleurant contre elle. encore aujourd’hui, d’en avoir la même Cette femme lui révèlera son absence à vision. Duras nous touche à des endroits la vie, atteint qu’il est par la maladie de si intimes que ses questions existentielles la mort, celle de l’amour.
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résonnent différemment en chacun, selon nos vécus. » La scénographie de la pièce a été pensée de manière à laisser des « espaces de voyage mental » aux spectateurs. Le public est sur scène, adossé au mur du fond, le rapport frontal scène/spectateurs s’effaçant au profit d’une proximité intime. Une grande fenêtre – figure du rapport entre intimité et universalité, intérieur et extérieur, chambre et terrasse… – est placée entre la scène et la salle. Les deux personnages du livre ne sont pas incarnés, les comédiens nous content leur histoire. « Ils questionnent et interrogent. Mais en même temps, cette poésie qu’ils portent les traverse et ne les laisse pas indemnes. » « Je me suis dit que l’on écrivait toujours sur le corps mort du monde et, de même, sur le corps mort de l’amour », notait Duras dans L’Été 80. Il en est de même au théâtre. Texte : Thomas Flagel Photo : Stéphane Lempereur
m À Verdun (55), à Transversales, du 17 au 19 mars – 03 29 86 10 10 www.transversales-verdun.com À Strasbourg, au Taps Gare, du 27 au 29 avril 03 88 34 10 36 – www.strasbourg.eu
Où trouver Prochaine parution de Poly le 29 avril 2010
Liste en cours de réalisation
Les lieux référents (plus de 120 exemplaires) Bas-Rhin
Strasbourg La Boutique Culture, Cg67, Cinéma Odyssée, Graphigro, Restaurant la Victoire, CUS Oberausbergen PréO Haguenau Médiathèque, Théâtre, Mairie Sélestat Tanzmatten, FRAC Alsace, Mairie
Schilthigheim Mairie, l'École de Musique, le Cheval Blanc Illkirch L'Illiade
Haut-Rhin
Étoffes, Office du Tourisme, Mairie Saint Louis Mairie, Musée Fernet Branca
Colmar Le Poussin Vert, Cg68, Comédie de l'Est, Mairie Kingersheim Espace Tival Mulhouse Cinéma Bel Air, Musée de l'Impression sur
Bischheim Mairie / Centre Culturel / Salle du Cercle, Bibliothèque – Cour des Bœcklin Bischwiller MAC Haguenau École de Musique, Musée Historique, Relais Culturel Hœnheim Mairie Illkirch Mairie Lingolsheim Mairie Obernai Espace Athic Ostwald Mairie, Château de l'Île, Le Point d'Eau Sélestat ACA Saverne Rohan Schilthigheim ferme Linck Strasbourg ARTE, CIRDD, Espace Insight, FEC, La Choucrouterie, L'Artichaut, Le Kafteur, LISAA, La Maison des Associations, Stimultania, Strasbourg Événements, 3 magasins BEMAC Mésange, Neuhof & St Nicolas, Café Broglie, Snack Mi-
chel, Trolleybus, Archives de la Ville de Strasbourg et de la CUS, CEAAC, CRDP, Restaurant Chez Yvonne, Cinéma Star St Éxupéry, IUFM, AFGES, ES, MAMCS, TJP Petite Scène et grande Scène, Bibliothèque de L'ULP, CCI de Strasbourg, La Laiterie, les TAPS Gare et Scala, Pôle Sud, Le Vaisseau, l'École d'Architecture de Strasbourg, FNAC, BNU, Bibliothèques du Neudorf, Hautepierre, Kuhn, Meinau & de Cronenbourg, CREPS Cube Noir, Le Maillon, L'Opéra National du Rhin, l'ESADS Vendenheim Mairie
Haut-Rhin
Altkirch CRAC Alsace Cernay Espace Grün Colmar Hiéro Colmar, Lézard, Le Grillen, CIVA, Bibliothèque Municipale, Musée d'Unterlinden, FNAC, Cinéma
Le Poussin Vert
Focus ++ Colisée Guebwiller Les Dominicains de Haute-Alsace, IEAC Huningue Triangle Illzach Espace 110 Kembs Espace Rhénan Kingersheim CRÉA Mulhouse Société Industrielle, Maison du Technopole, La filature, FNAC Mulhouse, Bibliothèque Médiathèque, Bibliothèque FLSH, Musée des Beaux Arts, École Le Quai, BEMAC, CCI, Kunsthalle, Théâtre de la Sinne, hôtel du Parc, l'Entrepôt Ribeauvillé Salle du Parc Rixheim La Passerelle Saint-Louis Théâtre de la Coupôle, Médiathèque Thann Relais Culturel Et dans plus de 100 autres lieux : bars, restaurants, magasins…
Les lieux de lecture en Alsace Les salles d'attente des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg 50 bars
20 restaurants 50 salons de coiffure 40 cabinets médicaux et dentaires
Restaurant la Victoire
C’est le lieu de toutes les retrouvailles pour le Strasbourg artistique, politique, penseur... Cuisine ouverte jusqu’à 1h du matin (fermé le samedi & dimanche) Le café-concert colmarien qui bouge et où il faut être. Sympa et festif ! www.lepoussinvert.net
Les lieux de diffusion ++ Bas-Rhin
Focus référents
Si vous souhaitez vous aussi devenir un lieu de diffusion pour Poly, n'hésitez pas à nous en faire la demande.
Mairie de Haguenau
La capitale de l’Alsace du Nord offre à ses visiteurs de nombreuses rues piétonnes dans un cadre préservé, serti de grès des Vosges, où cohabitent culture et commerces de proximité. www.ville-haguenau.fr
SIM
Cette institution vieille de plus de 150 ans offre à voir, outre un environnement original et originel, des collections et bibliothèques. Très active, la Sté industrielle de Mulhouse marque aujourd’hui encore profondément la pensée mulhousienne. www.sim.asso.fr
Médiathèque de Saint-Louis
Les sourires avenants des bibliothécaires et la lumière baignent tous les espaces. Vous y passerez assurément quelques heures sans même vous en rendre compte et y reviendrez, c’est certain. www.mediatheque-saint-louis.fr
Contact gwenaelle.lecointe@bkn.fr
_16 rue Édouard Teutsch _ 67000 Strasbourg _ tél. 03 90 22 93 30 _ fax 03 90 22 93 37
une ville vue par un artiste
Victor Démé / Bobo-Dioulasso Si Victor Démé chante pour le peuple burkinabé, sa musique folk-blues résonne partout dans le monde. Ce tisseur de mélodies afro, ex-couturier, nous parle de Bobo-Dioulasso et de son pays, le Burkina Faso, en attendant son concert à la Salle du Cercle de Bischheim.
N
é en 1962 dans une famille mandingue1 à Bobo-Dioulasso, seconde ville du Burkina Faso après la capitale Ouagadougou, Victor Démé hérite du goût pour la musique via sa mère, Aminata, une griotte 2. L’héritage est-il une notion importante pour lui ? Fait-il de la musique pour léguer une histoire, un patrimoine ? Victor précise : « C’est davantage pour transmettre mes sentiments sur des événements, mes réflexions sur des injustices. Cependant, comme je le dis dans un de mes titres qui parle de cet héritage griot, je chante car jamais je ne renierai mes racines de djeli 3 ». Très tôt, Victor Démé s’installe en Côte d’Ivoire : il suit son père qui tient un atelier de couture à Koumassi, une des dix communes d’Abidjan. Dans la boutique paternelle, « le bruit de la machine et sa cadence [lui] donnaient le rythme, et [lui] permettaient de [s]’évader grâce à quelques mélodies ». Fou de musique, ce tailleur de ritournelles fait ses armes dans des clubs ivoiriens et joue au sein de Super Mandé, aux côtés de Abdoulaye Diabaté, célèbre chanteur malien. Plus tard, il intégrera l’orchestre Suprême Comenba, à Ouagadougou. « Dans ces grands orchestres du Burkina et de Côte d’Ivoire, nous jouions souvent lors de “podiums” et concerts de quartier. Les nuits étaient très animées », se souvient-il. « On y interprétait des airs à la mode, des standards africains de Mory Kanté, de Kassy Mady, de Salif Keita, la musique d’Afrique centrale, mais aussi les grands tubes salsa et
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rock. Le blues et la musique afro-cubaine ont beaucoup de liens avec l’Afrique de l’Ouest. Cuba et le Burkina ont été très liés sous Thomas Sankara, tant politiquement que musicalement, beaucoup de musiciens ont été formés à La Havane. » Cette expérience déteindra sur ses compos solos qui s’inspirent de la tradition africaine et sont teintées de sonorités latino, de blues… Fin des années 80, Victor retourne au Burkina Faso où le révolutionnaire Thomas Sankara (assassiné en 1987) a beaucoup fait pour la culture « qu’il considérait comme une richesse du Burkina. Il a mis en place des orchestres dans chaque grande société nationale et chaque régiment, il a créé la semaine nationale de la culture ». Sur le plan social, Sankara a, selon lui, œuvré « pour les droits de la femme et pour la scolarisation des jeunes filles ». Victor Démé est, à l’instar de Salif Keïta qu’il apprécie beaucoup, intéressé par la chose politique. Il chante la place des femmes au Burkina (“Je vous admire pour votre courage, pour vos idées…”) ou encore les problèmes environnementaux. Dans Makelekoté, une de ses chansons « très impliquées, sur l’écologie », il demande à ses concitoyens « de lutter contre la pollution, les déchets qui bientôt nous empêcheront de cultiver ». Bobo-Dioulasso est cependant une ville reconnue comme agréable, notamment pour son climat… La plupart des musiciens, de nombreux balafonistes, se
sont établis dans cette cité, considérée comme la capitale culturelle du Burkina Faso. Victor y apprécie particulièrement ces cabarets, « lieux populaires où les gens de toutes origines sociales se retrouvent pour boire le tchapalo, la bière de mil… Aujourd’hui, c’est surtout pour les fêtes et les grandes occasions que je fréquente ces endroits ». À présent, il se produit plutôt au Bambou, « tenu par un ami ». Bobo-Dioulasso : un eldorado pour les musiciens ? « Non, de nombreux très bons artistes sont
encore dans l’ombre. Ouagadougou monopolise beaucoup de possibilités de diffusion et de production. Et encore, rien n’y est facile, même pour ceux qui ont de réelles qualités artistiques. » La preuve : Victor Démé a sorti son premier album… au bout de trente ans de carrière. Bien sûr, il y eut ses problèmes personnels (la mort de sa femme, ses filles à élever sans le sou, de sérieux soucis de santé…), mais aussi le coût élevé de l’unique studio d’enregistrement (à l’époque) du Burki-
na… En 2004, le Français globe-trotter et mélomane Camille Louvel le remarque et l’invite à enregistrer un premier album éponyme (sorti en 2008), dans un studio de fortune, bricolé sur place avec trois fois rien, « sans contrepartie financière ». Bilan : plus de 35 000 disques vendus, une reconnaissance internationale, des concerts partout dans le monde et la mise en boîte, dans la foulée, d’un second album (Deli, sur Chapa Blues Records), dans des conditions identiques, par choix esthéti-
que, artistique, humain : « c’est un parti pris en effet », car il préfère continuer à composer et à enregistrer sa musique, dans son pays, au Burkina. Peuple d’Afrique de l’Ouest Le griot est un orateur et/ou musicien africain, porteur d’un savoir, d’une tradition 3 Autre nom pour griot 1 2
Texte : Emmanuel Dosda Photo : David Commeillas
m À Bischheim, à la Salle du Cercle, vendredi 12 mars 03 88 33 36 68 – www.ville-bischheim.fr
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Art CONteMPOrAIN – CRAC ALSACE
Etonnants voyageurs Le CrAC Alsace a rassemblé les œuvres de Christoph Keller et Simon Faithfull pour une passionnante réflexion intitulée Voyages extraordinaires. entre art, science et poésie…
D
ès l’entrée du Centre régional d’art contemporain, le visiteur est prévenu. Au-dessus de la porte sont en effet installées deux pièces de Christoph Keller : on peut lire l’incipit de l’essai de Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, « Je hais les voyages et les explorateurs » et trois drapeaux, à la fois étranges et familiers, flottent au vent. Il s’agit de ceux de la France, de l’Allemagne et de la Suisse dans lesquels les couleurs d’origine ont été remplacées par leurs complémentaires. Le ton est donné, les Voyages extraordinaires – une référence à l’œuvre de Jules Verne – auxquels il nous sera donné d’assister (et de participer) vont brouiller nos points de vue. L’autre dénominateur commun des œuvres présentées (vidéos, dessins, sculptures…) est à trouver dans un rapport, souvent ludique, à la science. Ainsi Christoph Keller, le plus analytique des deux, dans sa série Inverse Observatories, montre-t-il des photographies d’observatoires trouvées sur le Net, puis solarisées1 (premier renversement), dans une étonnante mise en abyme : nous voilà en effet observant des observatoires
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(deuxième renversement) construits pour scruter le ciel. Il a également choisi, dans Cloudbuster Project, de fabriquer une nouvelle version d’un appareil imaginé dans les années 50 par Wilhelm Reich, psychanalyste et pape du freudo-marxisme. Il aurait découvert l’Orgone, une énergie présente partout, dont la maîtrise permettrait, entre autres, de faire pleuvoir. Telle est la mission de ce “brise nuage”… Invention foutraque ou réelle avancée ? Science ou croyance ? Dans 0°00 Navigation, Simon Faithfull a décidé de suivre à pied le méridien de Greenwich en Angleterre : une vidéo retrace son parcours. On le voit passer dans une cuisine, escalader des clôtures… Un modus operandi pas si éloigné des préoccupations du Strasbourgeois Latourex2 que l’on retrouve dans Liverpool to Liverpool qui entraîna l’artiste de la Grande-Bretagne au Canada, une expédition transatlantique et poétique qu’il documente par des vidéos, des textes et des dessins “low tech” réalisés au Palm pilote. Le visiteur est sans cesse trimballé sur la triple frontière entre science, utopie et absurde, puis invité à transcender
son quotidien grâce au voyage, qu’il soit intérieur (comme dans Hypnosis-FilmProject de Christoph Keller, un montage de séquences cinématographiques autour de l’hypnose) ou géographique… En ce sens, Ice Blink de Simon Faithfull est exemplaire. Il s’agit du carnet de bord de l’artiste qui a accompagné des scientifiques en Antarctique : parmi les pièces présentées, on découvre notamment une saisissante vidéo tournée à Stromness, ancienne station baleinière réinvestie par les otaries depuis son abandon dans les années 60. On ne peut que demeurer scotchés devant ces images oniriques. Le voyage débute au CRAC. En photographie, l’inversion des valeurs d’ombre et de lumière 2 LAboratoire de TOURisme EXpérimental www.latourex.org 1
Texte : Hervé Lévy Gauche : Christoph Keller, Untitled (Inverse Observatories), 2007 © The artist & Galerie Esther Schipper, Berlin Droite : Simon Faithfull, Stromness house video, 2005, © The artist, Parker’s Box, NY & Galerie Polaris, Paris
m À Altkirch, au CrAC Alsace, jusqu’au 16 mai 03 89 08 82 59 – www.cracalsace.com
(;326,7,21 2(895(6 '( /$ &2//(&7,21 '8 )5$& $/6$&( 3$6&$/ %(51,(5 )5$1&. %5$*,*$1' 67 3+$1( &$/$,6 0$5,( &22/ )$%,2 %$/'8&&, ',',(5 &285%27 3$6&$/ '$1= 2',/( '$5%(//(< 0,&+(/ -$&48(/,1 -21$7+$1 '(/$&+$8; 0$/$&+, )$55(// 3,(55( ),//,48(7 0$Ñ'(5 )25781 5,& +$77$1 '$1,(/ 52%(57 +81=,.(5 =2),$ /,3(&.$ ',',(5 0(1&2%21, 5,&+$5' 0211,(5 '(,0$17$6 1$5.(9,&,86 $675,' 1,332/'7 520$1 21'Ì. )(51$1'( 3(7,7'(0$1*( 3$8/ 32895($8 ',',(5 5,77(1(5 3(7(5 5 6(/ )5$1&. 6&857, 5$3+$Í/ =$5.$
La Chaufferie galerie de l’école supérieure des arts décoratifs de strasbourg
u / $57 (67 81 -(8 7$17 3,6 3285 &(/8, 48, 6 (1 )$,7 81 '(92,5 v
Expositions 5, rue de la Manufacture des Tabacs, Strasbourg Ouvert du mercredi au samedi de 15 à 19 h Nocturne le jeudi. www.esad-stg.org/chaufferie
Fire delights in its form Frédéric Clavère & Lionel Scoccimaro Du 5 février au 13 mars
Par l’Opération du Saint Esprit Christian Zeimert Du 19 mars au 3 avril
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GRAPHISME ET PHOTOGRAPHIE : POSTE 4
5 FÉVRIER 25 AVRIL 2010
MUSÉE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN
WWW.MUSEES-STRASBOURG.ORG
Exposition organisée par les Musées de la Ville de Strasbourg et le Musée d’Ixelles, Bruxelles
En quête de (re)pères La metteuse en scène Cécile Backès s’empare de Vaterland, le pays de nos pères, roman familial et sauvage de Jean-Paul Wenzel et Bernard Bloch. Un récit fragmenté sur la recherche de ses origines et de sa culture.
E
lle y songeait depuis tant d’années, remuée par ce texte et les résonances intimes qui faisaient écho à sa propre histoire. Une première rencontre en 2001, puis une longue entrevue en 2007 avec Jean-Paul Wenzel achèveront de donner à Cécile Backès le courage de mener à bien la création de Vaterland, le pays du père en janvier de cette année au Centre Dramatique National de Thionville. Dans un décor minimaliste constitué d’un écran blanc et d’un fauteuil, quatre individus s’échangent les micros pour conter leur histoire. Jean, 35 ans, court les scènes allemandes avec son groupe. On est en 1982. Cette tournée lui permet – prétexte ou coïncidence – de partir à la recherche de ce père qu’il n’a jamais connu : Wilhelm Klutz, soldat allemand, prit en 1944 l’identité de Louis Duteil, soldat français, afin d’épouser une jeune et belle Française prénommée Odette. À la Libération, Henri Duteil partit à la recherche de son frère Louis qui ne donnait pas signe de vie. Un récit à quatre voix mélangeant époques, personnages, lieux et points de vue.
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Traces de soi Cette vie et cette quête de sens sont celles de Jean-Paul Wenzel. Cécile Backès y ajoute pléthore de voix off, surgissements du passé résonnant en français et parfois en allemand. « On cherche le fantôme du père, et plus loin encore, murs tombés, le fantasme de l’Europe à venir », confie la metteuse en scène. L’Europe dévastée d’après guerre n’est jamais montrée. Son évocation se glisse subtilement dans les images tournées par son frère Simon, lors d’un voyage sur les traces du livre. Des gares, des trains, des foules, des fragments de corps, des paysages anonymes… Comme l’univers sonore omniprésent (The Clash, Joy Division, Bauhaus, etc.), elles constituent des pièces de plus dans le puzzle éclaté qui nous est donné à assembler. Une plongée dans la tête d’un jeune homme dévasté qui s’accroche à ce « rock’n’roll anglais né du souvenir des bombes, comme l’a dit Keith Richards ». Reste ce besoin de chercher, de dire cette violence de l’inconnu et de l’absence pour n’en rien oublier. Et le silence strident. Intenable. Douloureux. Chacun chemine
entre le poids des destins collectifs et des histoires individuelles, se construisant avec des traces de passé, des bribes de souvenirs. Un aller-retour entre nos pensées et ce qui se joue sur scène. Du théâtre, du vrai. Texte : Thomas Flagel Photo : Thomas Faverjon
m À Épinal (88), à l’Auditorium de la Louvière, du 2 au 5 mars 03 29 65 98 58 – www.scenes-vosges.com À Forbach (57), au Carreau, mardi 9 et mercredi 10 mars (surtitré en allemand) 03 87 84 64 34 – www.carreau-forbach.com À Neufchâteau (88), au Trait d’Union, vendredi 26 et samedi 27 mars 03 29 94 99 50 – www.trait-dunion.ifrance.com À Colmar, à la Comédie de l’Est, mardi 30 mars (dans le cadre du festival Empreintes) 03 89 24 31 78 – www.comedie-est.com
En deux Akté
Dans Borges VS Goya, la jeune compagnie havraise Akté mélange deux textes du sulfureux Rodrigo García. Deux anti-héros pour une même critique du monde.
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n ne présente plus Rodrigo García, auteur à la plume séduisante et aux mises en scène déjantées, irrévérencieuses à souhait. Borges VS Goya est une sorte de collage entrelacé de deux de ses pièces (Borges, 2002 et Goya, 2006), réalisé par Arnaud Troalic. Deux monologues s’entremêlent sur scène. D’un côté, Goya, looser défoncé ayant dépassé le demi-siècle, veut faire une virée nocturne au musée du Prado avec ses gamins pour se délecter des toiles de celui dont il a usurpé le nom. De l’autre, Borges en route pour saccager la tombe du grand écrivain argentin, coupable à ses yeux de ne pas s’être engagé contre la dictature militaire. Verbe haut, critique affûtée, provocation haletante, la langue de Rodrigo García donne sa pleine mesure, soutenue par une mise en scène originale. Chaque comédien dispose d’une télécommande déclenchant les sous-titres français d’un Goya s’exprimant en espagnol et les images vidéos de Borges. « Goya était sourd et Borges aveugle », explique Arnaud Troalic. « Le dispositif permet de faire de ces handicaps des
je n’arrive pas à fermer l’œil de la nuit, bordel, autant que ce soit à cause d’un tableau de Goya. Et pas à cause d’une bagnole que je ne peux pas me payer. (…) Ni parce qu’une fois de plus je m’y suis pris trop tard pour les soldes et que j’ai raté le moins cher du pire alors qu’on n’a pas les moyens d’acheter autre chose. » No comment ! Texte : Irina Schrag Photo : Olivier Roche
m Borges VS Goya, à Colmar, à la Comédie de l’Est, du 16 au 18 mars 03 89 24 31 78 – www.comedie-est.com
THÉÂTRE – COMÉDIE DE L’EST
Empreintes d’artistes Guy Pierre Couleau, directeur de la Comédie de l’Est, propose un nouveau rendez-vous biennal dédié à la jeune création théâtrale et aux auteurs contemporains. En alternance avec le festival Témoins d’ailleurs, Empreintes permettra de découvrir six spectacles. Des auteurs de renom (Ibsen, Jean-Paul Wenzel et Rodrigo García, voir ci-contre) mais aussi des plumes incroyables comme celle de Daniel Danis, auteur québécois qui raconte dans Kiwi (3 et 4 mars) la misère et l’espoir des enfants de la rue dans une mise en scène proche de la performance mélangeant théâtre et vidéo. Nils Öhlund, membre de la troupe permanente colmarienne, monte pour sa part Une maison de poupées (22 & 23 mars), où le grand auteur norvégien Henrik Ibsen fait éclater un foyer familial. m Empreintes, à Colmar, à la Comédie de l’Est, du 3 au 30 mars 03 89 24 31 78 – www.comedie-est.com
« Si je n’arrive pas à fermer l’œil de la nuit, bordel, autant que ce soit à cause d’un tableau de Goya » appuis de jeu. » Les réelles infirmités des deux anti-héros nous alpaguant avec leurs formules chocs sont « de faire partie d’une génération de perdants qui se sont faits enculer jusqu’à l’os. De ne pas avoir été préparés et éduqués. De provoquer pour exister. De crier pour être entendus. De choquer pour être écoutés. D’être manipulés ». Mais le monde décrit n’est pas qu’une sombre plongée désenchantée dans le chaos. Cette critique de la société porte en elle un questionnement personnel sur l’identité et le sens de nos vies. Résonnent ainsi ces lignes de Goya : « Si
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Décors d'Amélie Kiritzé-Topor
Les troubles de l’enfant
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de l'intérieur
Pourquoi jouer à la suite Trouble in Tahiti de Bernstein et L’Enfant et les Sortilèges de Ravel ? Réponse du metteur en scène Benoît Bénichou qui a rassemblé ces deux pièces à l’Opéra national de Lorraine.
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e prime abord, Trouble in Tahiti semble n’avoir que peu en commun avec L’Enfant et les Sortilèges. Le premier est un rare opéra en sept scènes de Leonard Bernstein, créé en 1952. Le second est une fantaisie lyrique en deux parties de Maurice Ravel (sur un livret de Colette), datant de 1925. D’un côté, un jeune couple qui s’ennuie dans une banlieue pavillonnaire made in USA, un univers rappelant le film de Sam Mendes, Les Noces rebelles (avec Kate Winslet et Leonardo DiCaprio). Drame ordinaire de la société de consommation où les apparences du bonheur comptent plus que le bonheur : middle-class blues… De l’autre côté, un petit garçon qui ne veut pas faire ses devoirs est puni par sa mère. Colère. Point de départ d’une sarabande onirique où une théière et sa tasse dansent un fox-trot et où un vieillard aux doigts crochus – Monsieur Arithmétique – entraîne le bambin dans une ronde infernale de chiffres et de
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problèmes mathématiques. Pourquoi alors rassembler dans la même soirée le désenchantement d’un univers d’une terrifiante banalité et une leçon de morale poétique sur l’éducation ? Pour Benoît Bénichou, dont c’est la première mise en scène (mais qu’on avait déjà découvert comme assistant à Strasbourg et à Nancy), « L’Enfant et les Sortilèges peut être considéré comme une “suite” de Trouble in Tahiti. En les jouant successivement, nous voilà face à une pièce en deux actes débutant par un portrait de famille en voie de dissolution et se poursuivant avec les effets de cette situation sur un enfant délaissé. Cherchant sa place dans ce monde, il se venge sur les objets. » Selon lui, l’œuvre de Ravel, si elle demeure poétique, « prend une dimension nouvelle, puisque les aspirations et les angoisses de l’enfant qui affronte la réalité du monde trouvent leurs justifications dans un contexte psycho-
logique et social qui nous ramène à nos propres interrogations ». Il s’agit alors d’un véritable parcours initiatique, d’un apprentissage. Cette unité possible entre les deux œuvres se manifeste par la récurrence du trio père / mère / fils, que l’on retrouve tout au long du spectacle, et un univers (décors et costumes) identique : les États-Unis des fifties. Musicalement également, l’association est cohérente, puisque les deux partitions « sont complémentaires et l’on y retrouve des sonorités qui se répondent et des structures parallèles ». Au final, voilà un diptyque en forme de réflexion sur les conséquences de la société de consommation sur le couple, « la destruction », et les enfants, « les caprices et l’immaturité ». Texte : Hervé Lévy
m À Nancy, à l’Opéra national de Lorraine, du 19 au 26 mars – 03 83 85 33 11 www.opera-national-lorraine.fr
SCHILTIGHEIM CULTURE / Mars - avril - mai
2009
à 20h30 au Cheval Blanc > Chanson le 12 mars
2010
MANU GALURE
> Théâtre le 23 mars
GRAND’PEURS ET MISÈRES de Berthold Brecht
à 20h30 à la Salle des Fêtes > Jazz le 9 avril
MANU KATCHÉ
> Musique du monde le 30 avril
RAUL PAZ
> Théâtre urbain, hip hop, vidéo le 7 mai
À NOS MORTS
Cie Mémoires Vives > Chanson le 18 mai
LE SPECTACLE VIVANT EN TOURNÉE p JUSQU’AU 4 JUIN
18 SPECTACLES DANS 36 VILLES D’ALSACE
LES ÉTRANGERS FAMILIERS
Un salut à Georges Brassens Campagnie Musique à Ouïr > Chanson le 21 mai
JEANNE CHERHAL RÉSERVATIONS : 03 88 83 84 85 WWW.VILLE-SCHILTIGHEIM.FR & FNAC
Journées de l’Orgue en Alsace
Conc er ts et tou ri sm e
Thann, Ingersheim, Ebersmunster, Marmoutier Strasbourg, Saessolsheim, Dannemarie…
aich Les Barbaroques - Thierry Esc Francis Jacob - Romain Leleu r Vernet Christophe Mantoux - Olivie Le Parlement de Musique Location
Programme complet du festival
sur
ww w.doa-alsace.org
1 er Festival DOA
du 12 au 16 mai 2010
Les
Photos : Patrice Leroy / Hugo Riotto / Raoul Gilbert
Le plus heureux des trois, d’Eugène Labiche Unique & Compagnie p MARS / AVRIL
Mademoiselle Maria K dans Médée de Sénèque en solo, en intégrale (ou presque) Compagnie Les oreilles et la queue p MARS / MAI
Grand’Peur et Misères… d’après Bertolt Brecht Compagnie du Midi p MARS
Le Meunier Hurlant, d’après Arto Paasilinna Compagnie Tro-héol p MARS
Requiem, de Roger Lombardot Compagnie El Paso p MARS
Ca, c’est du sport ! Compagnie Art’Maniac p MARS / AVRIL / MAI
Le Tango des Gangsters Valiumvalse p MARS / MAI / JUIN
Retrouvez toute la programmation sur www.culture-alsace.org
Gravé d’ironie
LUX
Le Musée National d’Histoire et d’Art de Luxembourg célèbre le 150e anniversaire de la naissance de James Ensor, illustre artiste belge de la fin du XIXe siècle.
U
n collectionneur attaché à son anonymat a souhaité rendre hommage à James Ensor. Le MNHA a sauté sur l’occasion pour sélectionner 200 pièces, en majorité des gravures, amassées depuis 25 ans par ce mystérieux amateur d’art. Aquarelle, gouache, crayons de couleur : ces œuvres coloriées tirent leur originalité de la variété de ces techniques. « Ce sont des joyaux. Ensor est un magicien de la gravure. La singularité de son travail ? Son regard porté sur l’art et la société », estime le collectionneur. L’artiste se lance dans la gravure en 1885 et s’éloigne peu à peu du réalisme pour se tourner vers une dimension fantastique et symboliste. Ses productions dévoilent aussi un côté provocateur et humoristique. L’Entrée du Christ à Bruxelles le Mardi Gras en 1889 fait ainsi polémique et lui vaut l’exclusion des XX, cercle de peintres belges avant-gardistes. Entre critique so-
Les Joueurs, 1895, eau-forte rehaussée de couleurs, collection privée
ciale, politique et religieuse, il y parodie l’arrivée du Christ à Jérusalem et les “entrées joyeuses”* dans les villes flamandes. Dix ans plus tard, il en réalise une eau-forte rehaussée de couleurs que l’on découvre ici, parmi d’autres trésors. * Les souverains, comme Charles Quint, se faisaient ainsi accueillir (et donc reconnaître) dans chaque ville Texte : Victoria Karel
m À Luxembourg, au Musée National d’Histoire et d’Art, jusqu’au 30 mai / + 00352 47 93 30 1 – www.mnha.public.lu
Dans la jungle, terrible jungle
CH
Cent ans après sa disparition, la Fondation Beyeler accueille un rare ensemble de tableaux de Henri Rousseau. Naïf le douanier ? À voir…
A
utodidacte complet, le Douanier Rousseau (ainsi nommé parce qu’il travaillait à l’octroi de Paris) a produit un art qui ne se réduit pas à l’étiquette de naïf qu’on lui colle le plus souvent par commodité. Ses premières tentatives picturales – portraits et paysages parisiens – font déjà fi des frontières établies et s’éloignent de tout académisme. Elles annoncent les “tableaux de jungle” pour lesquels il est célèbre. Ce n’est pas un hasard s’il fut découvert par Picasso (qui avait organisé un Banquet Rousseau dans son atelier du Bateau Lavoir en 1908), Léger ou Kandinsky : Rousseau est un précurseur de l’art moderne. Parfois, comme dans Les joueurs de football, il semble annoncer le surréalisme. Souvent, celui qui n’avait jamais vu la forêt vierge “en vrai” laisse son imagination se déployer, donnant naissance à des compositions oniriques et ouvrant les portes de mondes inexplorés et fascinants dans lesquels ses successeurs, Ernst et Magritte en tête, vont s’engouffrer. Texte : Hervé Lévy
Henri Rousseau, Les joueurs de football, 1908, Solomon R. Guggenheim Museum, New York
72 _ Poly 132 - Mars/Avril 10
m À Riehen (à côté de Bâle), à la Fondation Beyeler, jusqu’au 9 mai + 41 61 645 97 00 – www.beyeler.com
Un génie du clavier
Krystian Zimerman est aujourd’hui un des meilleurs pianistes (qui, chose rare, se déplace toujours avec son propre instrument) de la planète. Il fait escale, vendredi 19 mars, au Festspielhaus de Baden-Baden le temps d’un récital dédié à Chopin… Entre exigence et féérie ! www.festspielhaus.de
Il était une fois…
Avec L’Eau de la vie, le Théâtre musical de Besançon reprend, mercredi 14 avril, une belle mise en scène signée Olivier Py (aujourd’hui directeur du Théâtre de l’Odéon). Une ébouriffante variation pour tous (dès 7 ans) sur les contes de Grimm. www.letheatre-besancon.fr
Photos en stock
L’Arsenal de Metz montre quelques éclats de la collection photographique du FRAC Lorraine (du 4 mars au 18 avril). Avec Noir / Blanc, découvrons notamment un très bel ensemble d’images signées JoelPeter Witkin. www.fraclorraine.org
Une voix
Connaissez-vous la voix caractéristique de Max Raabe ? Accompagné du Palast Orchester, il casse la baraque dans les pays germaniques et commence à connaître un beau succès international – son récent concert à Pleyel fut un triomphe – en reprenant des standards des années 20 et 30. À découvrir toutes affaires cessantes à La Philharmonie de Luxembourg, jeudi 15 avril. www.philharmonie.lu
Bouge !
Jusqu’au 16 mai, le Musée Tinguely de Bâle présente Le Mouvement. Du cinéma à l’art cinétique, exposition qui met en lumière les liens entre la sculpture cinétique et le film à partir d’une reconstitution de la célèbre exposition de 1955, Le Mouvement, à la Galerie Denise René à Paris. www.tinguely.ch
Happy birthday
L’Autre Canal de Nancy souffle ses trois bougies en musique. Samedi 13 mars, on y chantera (peut-être) Happy Birthday et on écoutera (sans faute) le blues cabossé de Son of Dave, les boucles électroniques démentes du Chapelier Fou ou le rock lourd de The Heavy. www.lautrecanalnancy.fr
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Un autre monde est possible
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de l'intérieur
Jusqu’au 26 avril, le Musée des Beaux-arts et d’archéologie de Besançon présente L’écart absolu, exposition qui s’intéresse au bisontin Charles Fourier (1772-1837) et à l’influence du père du socialisme utopique sur son époque et le monde contemporain. Lumière est faite sur les principaux écrits et théories de celui qui construisit “l’autre monde”, repensant les fondements de la société au XIXe siècle. Sa doctrine a inspiré des artistes actuels tels que Vanessa Beecroft ou Jean-Claude Silbermann dont les œuvres sont également visibles. www.musee-arts-besancon.org Vanessa Beecroft, Gênes, VB 52.04 (green table), Castello di Rivoli, Turin, 2003, Collezione Bertozzini, Italia
Expressionniste !
CH
L’œuvre d’Albert Müller (1897-1926) est une belle découverte. Présentés dans sa ville d’origine, Bâle, ses dessins, peintures, sculptures et travaux graphiques montrent la belle diversité d’un des représentants majeurs de l’expressionnisme suisse. On découvre la fougue de ce grand ami de Kirchner au Kunstmuseum (jusqu’au 9 mai) : paysages, figures énergiques, sculptures de bois travaillées intentionnellement de manière très brute. www.kunstmuseumbasel.ch Albert Müller, Portrait d’Ernst Ludwig Kirchner II, 1925 Kunstmuseum Basel, Kupferstichkabinett, Inv. 2008.78. Photo : Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler
La beauté du banal
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de l'intérieur
Le Musée des Beaux-arts de Nancy nous fait (re)découvrir le photographe français d’origine hongroise Brassaï (1899-1984) jusqu’au 17 mai. Intitulée La maison que j’habite, cette exposition rassemble 150 clichés, dont certains inédits. De son vrai nom Gyula Halász, Brassaï (un surnom venant de sa ville natale puisqu’il signifie en hongrois “de Brasov”) collabore en 1933 au premier numéro de la revue surréaliste Le Minotaure. Pendant cette période, il s’adonne à capter la beauté banale de son environnement : une chaise de son jardin, la rosée formée sur une fleur de capucine, l’ombre d’un papillon de nuit… Dans la présentation nancéienne, on plongera aussi au cœur d’ateliers d’artistes (Picasso, Giacometti, Dali…) qu’il aimait photographier. www.nancy.fr
Papillon de nuit (vers 1930-1931) collection particulière © Estate Brassaï / RMN
Des airs de désert Au Theater Basel, Christoph Marthaler propose la création mondiale du Wüstenbuch de Beat Furrer (né en 1954), compositeur suisse parmi les plus intéressants de sa génération.
CH
F
in 2009, Christoph Marthaler avait livré une version jubilatoire de La Grande-Duchesse de Gérolstein, extrayant de manière foutraque – et extraordinairement intelligente – le suc tragique de l’œuvre d’Offenbach. Le voilà de retour au Theater Basel pour mettre en scène le Wüstenbuch du Suisse Beat Furrer qu’il connaît bien pour avoir monté Fama (2005) et Invocation (2003). Mais qu’est donc ce “livre des déserts” ? Du théâtre musical où les notes se mêleront à un texte original signé Händl Klaus, à des extraits d’Ingeborg Bachmann, Antonio Machado, Lucrèce ou encore à des fragments du Papyrus 302… un document qui pourrait être considéré comme le point de départ de l’œuvre, puisque Beat Furrer a travaillé avec l’égyptologue Jan Assmann pour présenter ces textes du quotidien de l’empire des pharaons dans un cadre théâtral. Au final, il s’agit, selon les mots du compositeur, d’un « voyage dans les déserts considérés comme une métaphore de l’absence de souvenirs, de décomposition de l’identité, de la décomposition de la structure de la société, de la destruction de l’espace ». Texte : Hervé Lévy Photo : Tanja Dorendorf, T+T Fotografie (Christoph Marthaler)
m À Bâle, au Theater Basel, du 15 au 17 mars +41 61 295 11 33 – www.theater-basel.ch
Une vitrine du design A
près la caserne de pompiers de l’Anglo-Irakienne Zaha Hadid, le pavillon de conférences du Japonais Tadao Ando ou la station-service du Français Jean Prouvé, c’est au tour de la VitraHaus imaginée par les architectes suisses, Herzog et de Meuron (leur cabinet s’est vu confier le projet de reconversion des anciens Bains municipaux de Colmar en extension du musée d’Unterlinden, voir Poly n°131), de s’ériger sur le site de Vitra. Douze maisons superposées sur cinq niveaux forment un bâtiment étonnant. Cette structure répond à l’esprit du stylisme – une esthétique industrielle cherchant à harmoniser les formes et les fonctions des objets – du fabricant de meubles. Elle accueille des produits de la collection VitraHome qui comprend des classiques de Charles & Ray Eames, George Nelson ou Verner Panton et des œuvres contemporaines signées Maarten Van Severen, Ronan & Erwan Bouroullec, Antonio Citterio ou Hella Jongerius. La disposition des créations plonge le visiteur au cœur d’un habitat ou d’un bureau et sait aussi bien l’inspirer que le questionner sur ses goûts. Et grande nouveauté : moyennant finances, il est possible de repartir avec son coup de cœur… Texte : Victoria Karel Photo : Leon Chew
m +49 7621 702 3200 www.design-museum.de
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Un nouvel espace vient d’ouvrir ses portes sur le site de Vitra, à Weil am Rhein. À la VitraHaus, les œuvres de designers contemporains sont exposées, de manière permanente.
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Poly 132 – Mars/Avril 10
culture scientifique
Elles sont si jolies,
avec leurs bas résille… Tomi à Shanghai ! Dans le cadre de l’Exposition Universelle 2010, l’artiste alsacien présentera sa Roue de l’énergie, sorte de centrale hydraulique mobile pilotée par des grenouilles très sexy.
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u 1er mai au 31 octobre aura lieu l’Exposition Universelle 2010, à Shanghai. 200 pays doivent participer à cette manifestation qui pourrait attirer 70 millions de visiteurs. Elle aura pour thème Better City, Better Life : il sera question d’énergies renouvelables, d’économie verte… L’Alsace, également de la partie, y implantera un pavillon à ses couleurs. Celui-ci, réalisé selon la technologie de mur solaire, présentera les principales avancées de la région dans le domaine du développement durable. Nous y verrons aussi La Roue de l’énergie, sculpture mêlant art & technique, œuvre originale réalisée par Tomi Ungerer, commandée par le Musée EDF Electropolis de Mulhouse et inaugurée sur le site de la centrale nucléaire de Fessenheim, à l’occasion de son trentième anniversaire. La Roue de l’énergie fit d’ailleurs
78 _ Poly 132 - Mars/Avril 10
controverse : “Pourquoi Tomi, artiste autoproclamé vieil écolo, batifole-t-il avec ses ennemis d’antan ?” questionnent les antinucléaires. La roue tourne, répond Tomi en substance… Reste l’objet du (mini) scandale, polémique et poétique, une centrale hydroélectrique mobile – la roue fait tourner un générateur d’électricité –, une œuvre colorée en acier de 4 mètres de long, pour 2,5 m de haut et de large. Juchées sur un pédalo composé de deux poissons géants, nippées comme des poupées du Crazy Horse (bas résille et talons aiguilles), d’aguichantes grenouilles semblent faire tourner la roue en pédalant. Un drôle d'engin en forme circulaire, la source première d’énergie qui, selon Tomi, souligne l’importance de l’eau, élément précieux à ses yeux. Tomi Ungerer, à ce propos : « Je me suis toujours intéressé à la problématique de l’énergie
et de l’eau. C’est une question centrale aujourd’hui, dont ne se préoccupent pas assez les politiques. La Roue de l’énergie, c’est une façon d’interpeller les décideurs » sur ces questions. Jusqu’au 21 mars, cette centrale hydraulique flottante qui arbore fièrement les étoiles européennes restera à Fessenheim. Par la suite, elle voguera peutêtre sur le Rhin et fera sans doute quelques escales, avant de filer à Shanghai. Texte : Emmanuel Dosda Photos : Stéphane François / Médiathèque EDF
m www.electropolis.tm.fr www.shanghai2010.fr
Poly 132 – Mars/Avril 10
culture gastronomique
Mon oncle de Pfettisheim Une rumeur insistante voudrait que la flammekueche proposée chez Oncle Georges soit une des meilleures de la région. Après essai, on confirme. Le secret ? La qualité des produits.
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vec un nom pareil1, il était prédestiné à la restauration ! Thomas Wirth a ouvert son restaurant en mars 2007. Le lieu était dédié à la restauration depuis 1886 : à l’époque “restaurant brasserie épicerie”, il avait été fondé par Eugène Weinling, le père du fameux oncle Georges, lui même grand oncle du maître des lieux actuels (vous suivez ?) pour qui il était important de rendre hommage à celui qui avait été maître-saucier dans différents établissements de prestige, dont la Tour d’argent. Reste qu’avant de reprendre l’endroit, Thomas Wirth a été photographe de presse pendant 16 ans, travaillant notamment pour l’AFP. Le déclic ? « Avoir constaté que la flammekueche était devenue le parent pauvre de la gastronomie alsacienne. » Il a eu envie de privilégier la qualité, a choisi le 100 % bio & slow food2 et la proximité, n’ayant pas moins de 27 fournisseurs (hors vins) majoritairement du coin, alors que beaucoup n’en ont qu’un seul, Métro. « Quand on achète un kilo de lar-
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dons à la ferme c’est 11 €, chez un grossiste alimentaire c’est 3,50 €. » Le résultat ? Des tartes flammées (« une traduction littérale du dialecte ») un peu plus chères qu’ailleurs (9 € la basique) mais foutrement meilleures. Fabriquée selon le mode traditionnel (pas de fonds de pâte tout prêts comme dans nombre d’usines à bouffe), la flammée est exquise et se fait parfois originale avec des associations qui font mouche (comme pour la flammée comté & noix)… Et en plus, vous avez le sourire de Carole, la tchatche de Thomas, une sélection de pinards à l’avenant… Que demande le peuple ? En allemand “Wirt” signifie aubergiste Slow Food est une association s’opposant aux effets dégradants de la culture de la fast-food qui standardise les goûts – www.slowfood.fr
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Texte : Hervé Lévy Photos : D.R.
m Oncle Georges (ouvert du vendredi au lundi, uniquement le soir) À Pfettisheim, 25 rue Principale 03 88 69 85 03
Kitchen masters
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e point de départ de cet ouvrage, qui compte une soixantaine de pages, est une émission de radio animée par Olivier Dannel, Cordon Bleu, sur France Bleu Alsace. Le livre L’Alsace des cordons bleus réunit ainsi dix chefs de la région autour de 50 recettes placées sous le signe de l’hiver. Entrées, plats, desserts… Tout est réalisable. Et a été réalisé par l’auteur. De la poitrine de canard au miel épicé de François Paul (Le Cygne, Gundershoffen) aux pommes confites à la vanille d’Arnaud Barberis (La Belle Vue, Saulxures), en passant par le râble de lièvre au raisin de Laurent Arbeit (Auberge Saint-Laurent, Sierentz), ces préparations sont à la portée de tous. Pour chacune d’entre elles, un vin est en outre conseillé. On attend donc avec impatience le volume consacré au printemps ! (H.L.) m En vente dans toutes les bonnes librairies et sur le site au prix de 9,90 € (remboursés sous forme de réduction valable jusqu’au 30 avril dans un des établissements partenaires) – www.cordonbleu-alsace.fr
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Last but not Least
Yasmina Khadra Écrivain. Rencontré le 4 février à la Librairie Kléber Dernière indignation. La bêtise humaine, cette inaptitude à accéder à la maturité Dernier émerveillement. Toujours le sourire de ma fille, le matin Dernière ligne écrite. « L’aube poussive qui rassemble ses heures inutiles pour faire face au lendemain livide de nullité » Dernier livre de chevet. Noces d’Albert Camus Dernière idole. Je préfère ne pas en avoir pour continuer d’espérer et rêver Dernière critique d’un mécontent. Quelqu’un affirmant que je n’écris pas, moi-même, mes livres Dernière tentative de vous récupérer. Je crois que je les ai découragés Dernier coup de gueule. J’ai perdu la voix quand il s’agit de donner des coups de gueule, ça ne sert à rien Dernière belle rencontre. Mon public, toujours Dernier regret. C’est toujours le même : l’homme est tellement fragile et vulnérable, si peu conscient de la chance qu’il a d’être en vie Dernière chose que vous voulez qu’on dise de vous. C’est un bon ami Dernier livre paru. L’Olympe des Infortunes, éditions Julliard (18 €) Propos recueillis par Thomas Flagel Portrait : Benoît Linder / French Co.
82 _ Poly 132 - Mars/Avril 10
James
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Musée national d’histoire et d’art Luxembourg
Marché-aux-Poissons L-2345 Luxembourg www.mnha.lu
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