Poly 229 - Mars 2020

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MAGAZINE

N°229

MARS 2020

POLY.FR

DARIA LIPPI PAUL PERSONNE HASSAN HAJJAJ WAJDI MOUAWAD

ÉLECTIONS MUNICIPALES

QUESTIONS DE CULTURE



BRÈVES

PHOTO SUR LA VILLE

© Jean-Pierre Duvergé

70 photographes venus de 10 pays se retrouvent pour la 4e édition de Strasbourg art photography (28/02-31/03). Plus de 50 lieux sont mis à contribution : galeries bien sûr, mais également bars (Savons d’Hélène, Le Tigre), hôtels (Citadines Kléber, Le Bouclier) ou restaurants, dont le Mandala, lieu du vernissage inaugural (05/03). Une exposition-vente de livres rassemblant artistes, éditeurs et libraires y est prévue à différentes dates du mois. Au-delà des conférences, des zooms sont programmés, dont un sur le Racing club de Strasbourg ! Gratuit, aussi bien pour les exposants que le public, ce rendez-vous qui promeut le Huitième art s’intéresse aussi aux novices. Destiné aux 8-18 ans, un concours à l’issue duquel trois prix sont décernés voit le jour. Il suffit d’envoyer trois photos composant une mini-série, sans thème imposé, par mail, à la structure d’ici le 15 mars. strasbourg-artphotography.fr

© Claude Gassian

BEAUPAIN

Espace Rohan de Saverne (05/03), MAC de Bischwiller (06/03) et Tanzmatten de Sélestat (05/05) : Alex Beaupain est en tournée dans le coin. Et ce serait dommage de ne pas en profiter pour entendre un chanteur à la sensibilité exacerbée dans un show intimiste, où se mêlent avec grâce musique pop et textes ciselés. alexbeaupain.artiste. universalmusic.fr

© Florian Martin

BEAU, OUI COMME

DARK LIGHT Plus de soixante toiles d’Odile Kolb (1953-2016) : le Château de Courcelles de Montigny-lèsMetz accueille l’exposition Ich bin megalith (jusqu’au 29/03). L’occasion de redécouvrir des œuvres abstraites, où les noirs et les gris sont extrêmement présents. Les ombres jouent élégamment avec la lumière pour que puisse se déployer la plénitude du visible montigny-les-metz.fr

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RIRE, TOUJOURS Intitulée L’Écolo chie que dans les prés, la 36e Revue Scoute (jusqu’au 20/03, La Briqueterie, Schiltigheim, puis en tournée dans toute l’Alsace) dézingue à tout va. Politique locale et municipale, enjeux environnementaux et internationaux, voilà efficace spectacle satirique, caricaturant avec brio et légèreté la face d’un monde politique de plus en plus lisse. Heureusement qu’il reste des personnages grinçants, comme Robert Grossmann (malheureusement retiré sur son Aventin), pour nous faire rire, ou pleurer… on ne sait plus ! acte5.fr

Sculpture de poche © Camille Renault

© Acte5 / Marc Dossmann

BRÈVES

ART AUJOURD’HUI Pour la 4e fois, Versant Est co-organise avec ses homologues champenois et lorrains le Weekend de l’Art contemporain Grand Est (1315/03). Entre Mulhouse, Reims, Nancy, Strasbourg, Troyes et Metz, les lieux d’art ouvrent leurs portes et proposent expositions, performances, workshops et rencontres. Des bus (sur réservation) permettent de visiter un maximum d’endroits en compagnie d’artistes. versantest.org

CELT IS IN THE AIR

Billow Wood © Aleks Tiu

Pour sa 23e édition, le festival de musique Zeltik (07/03, Hall sportif LNBD Annexe Alliance) propose une vue d’ensemble d’artistes européens celtiques réunis à Dudelange. Les irlandais Billow Wood y fusionnent musique traditionnelle et indie pop rock en associant harpe et accordéon, tandis que les italiens des Modena City Ramblers proposent du folk rythmé par le grec bouzouki et la mandoline. Les écossais Red Hot Chilli Pipers présentent, pour leur part, un rock celtique, équipés de cornemuses et vêtus de tenues traditionnelles, tout comme la locale Luxembourg Pipe Band armée de ses tambours. Un prélude est organisé la veille en l’Église Saint-Martin, autour de l’organiste Laurent Felten qui interprétera la Toccata et fugue en Ré mineur Bach ainsi que des pages contemporaines. zeltik.lu Poly 229

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BRÈVES

Or Notes Brass © Bernard Martinez

MUSIQUES

Trois concerts sont au menu de la 16e édition des Heures musicales du Kochersberg (Espace Terminus, Truchtersheim). Les Quatre Saisons de Vivaldi voisinent avec celles de Piazzolla (08/03), avant que ne se déploient les sonorités cuivrés du Or Notes Brass (21/03). Le festival se conclut avec un ciné-concert jazz sur Charlie Chaplin et Buster Keaton (28/03). hmko.fr

ÉTUDIANT

Dómisol Sisters © Rafael J. Mellado

Porté par le Crous, Musiques de RU est un tremplin étudiant pour les musiciens amateurs, tous styles confondus. Les quatre finalistes alsaciens sont invités à se produire sur la scène de l’Espace Django de Strasbourg (12/03). Avec Fosa (electro pop), Jivre (garage rock), Nil & Gaunt (rap) et Raphy & Adry (rock). De belles découvertes ! crous-strasbourg.fr espacedjango.eu

CHANSON Influencé par les pères de la chanson française comme Ferré, Brel ou Moustaki, Tim Dup met en musique ses inquiétudes et espérances quant à l’empreinte laissée par l’Homme. Après son premier opus Mélancolie heureuse, il est de retour avec un disque arrangé en trio avec Damien Tronchot et Renaud Letang intitulé Qu’en restera-t-il ?. Sa tournée passe par Oberhausbergen (Le PréO, 12/03) et Épinal (La Souris verte, 14/03). le-preo.fr – lasourisverte-epinal.fr

JAZZ

Pour sa 15e édition, le festival Marckolswing (19-21/03, Marckolsheim) invite à un voyage musical, explorant la variété du jazz classique. Au menu le peps d’un trio vocal féminin, la puissance d’un big band ou encore la sensibilité d’une guitare manouche. Sont également conviés des chansons des années 1930, le piano d’Erroll Garner et la guitare de Django Reinhardt… ainsi qu’un DJ rétro qui a plus d’un 78 tours dans son sac ! marckolswing.fr Poly 229

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SOMMAIRE

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M UNICIPALES

: QUESTIONS DE CULTURE

24 Le TJP dans la tempête des Giboulées 26 Extradanse fête ses 30 ans à Pôle Sud 28 North Korea Dance d’Eun-Me Ahn revisite le folklore du pays de Kim Jong-un

30 France Fantôme, dystopie glaçante, dessine un avenir sombre pour l’humanité

40 L’Expression du tigre face au moucheron, création de Daria Lippi au NEST explore la relation entre homme et animal

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42 Entretien avec Paul Personne, le plus rockeur des bluesmen français

46 Caravane Palace sort son quatrième opus, décidemment électro

48 Paul Clouvel organise une journée musicale à Strasbourg avec Musiques Éclatées

50 Rencontre avec Thierry Pécou autour de la création mondiale d’Until the Lions

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53 Le violoniste d’exception Vadim Repin donne deux concerts à Strasbourg

59 Au Musée du Château des Ducs de Wurtemberg on tente de Tisser la modernité

62 Les Rencontres de l’Illustration et le Festival Central Vapeur fêtent l’art du trait sous l’œil bienveillant de Tomi

64 À travers les peintures de Léon Zeytline, le Musée des Beaux-Arts de Mulhouse retourne à la Belle Époque

66 Éloge à la liberté avec les vins du Domaine Bohn

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à Reichsfeld

COUVERTURE Pour illustrer le travail de recherche de Daria Lippi autour du spécimen-acteur, dont les traces sont à découvrir dans L’Expression du tigre face au moucheron (voir page 39), Sébastien Leban a emmené toute l’équipe du spectacle dans les forêts environnant Bataville. Né dans le bassin minier de Lorraine, ce photojournaliste indépendant, membre de Divergence, a sondé tel un éthologue à l’œuvre, la part animale tapie en chacun, livrant des portraits édifiants.

sebastienleban.com

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OURS · ILS FONT POLY

Ours

Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert)

Thomas Flagel Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly.

Florent Lachèvre Après quelques mois passés à la rédac’ en 2015, il l’intègre. Alias Abdel Boumaza pour les intimes, il a tracé sa route, de l’écriture de scénarios en collaboration à la PQR normande. Sa plume fait entrer à Poly… le death métal !

Sarah Maria Krein Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK.

Anaïs Guillon Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’une Renault Captur lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique !

Julien Schick Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ?

Irene Picon De Paris à Strasbourg (où il y a même un Apple Store, dingue), elle est en stage à Poly. Préférant la Roma à la Lazio, elle écrit sans relâche des papiers sur… Tchékhov. Fini, Le Lundi au soleil.

Momix sous la pluie, 2020 © Irina Schrag

poly.fr RÉDACTION / GRAPHISME redaction@poly.fr – 03 90 22 93 49 Directeur de la publication Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Responsable de la rédaction Hervé Lévy / herve.levy@poly.fr Rédacteurs Thomas Flagel / thomas.flagel@poly.fr Florent Lachèvre / florent.lachevre@bkn.fr Stagiaire de la rédaction / Irene Picon Ont participé à ce numéro Sophie Dupressoir, Christian Pion, Pierre Reichert, Irina Schrag, Daniel Vogel et Raphaël Zimmermann Graphistes Anaïs Guillon / anais.guillon@bkn.fr Élisabeth Amarin / elisabeth.amarin@bkn.fr Développement web François Agras / webmaster@bkn.fr Maquette Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly Administration, gestion, abonnements 03 90 22 93 30 Mélissa Hufschmitt / melissa.hufschmitt@bkn.fr Diffusion 03 90 22 93 32 Vincent Bourgin / vincent.bourgin@bkn.fr

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5 numéros - 20 ¤

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Contacts pub 03 90 22 93 36 Julien Schick / julien.schick@bkn.fr Sarah Krein / sarah.krein@bkn.fr Linda Marchal-Zelfani / linda.m@bkn.fr Aurélie Fanara / aurelie@poly.fr Pierre Ledermann / pierre@poly.fr Patrice Brogard / patrice@poly.fr COMMUNICATION BKN Éditeur / BKN Studio – bkn.fr 03 90 22 93 30

Magazine mensuel édité par BKN S.à.R.L. au capital de 100 000 € 16 rue Édouard Teutsch – 67000 Strasbourg Dépôt légal : Février 2020 SIRET : 402 074 678 000 44 – ISSN 1956-9130 Impression : CE © Poly 2020. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.



Baguette Crew © Giovanni Di Legami

CHRONIQUES

TARTINE SAUCE BPM

GÉNÉRATION SWING

L’ART DE LA FUGUE

Le groupe electro messin Baguette Crew sort AFTERWORK, un premier EP de quatre titres à retrouver en streaming. Composé de Kévin Brenière et Alexandre Bauer, celui qui a préchauffé le passage d’un des pères de la french touch Étienne de Crécy aux Constellations messines en juin dernier, a fait ses armes devant quelque 8 000 spectateurs. L’opus nous embarque dans un parcours nocturne. De l’afterwork, à la musicalité chill mêlant basses et guitare funk qui s’impatientent, le groupe se lâche dans les rues avec Tapage Nocturne, au rythme saccadé et agressif. De bars en clubs, la soirée se poursuit bpm sifflants dans les oreilles, en contemplant La Mutte, tour de la Cathédrale. Ici, la musique se confond au spectaculaire, les basses rebondissent sur l’architecture et résonnent religieusement pour prolonger la soirée. Prochaine fournée à La Douche Froide (Metz, 06/03). (F.L.) projetmeta.fr

Prolifiques, les Strasbourgeois de Lyre le temps ont sorti en début 2019 leur quatrième album Clock Master. Composé du crooner Ludovic Schmitt, alias Ry’m, et du trio de musiciens contrebassiste-bassiste-DJ, ce groupe partage le même univers que Parov Stelar ou Tape Five. Depuis, le quatuor s’est extrait de sa zone de confort pour interpréter six morceaux emblématiques du XXe siècle réunis dans My Generation. Version accélérée de la mythique I’m just a gigolo de Louis Prima et ralentie de Ms. Jackson d’Outkast, les sonorités electro deviennent de lointains souvenirs pour laisser place à un jazz reggae. Réalisées en collaboration avec la jeune chorale Happy’z, ces reprises, et particulièrement celle de Boogie Wonderland d’Earth, Wind & Fire, se rapprochent du Stand on the World de Keedz. Transportant, et si éloigné des versions originales qu’il en devient authentique, ce bref album qui transforme un son hip-hop en une douce mélodie est plus qu’envoûtant. (I.P.) Paru chez French Gramm (5 €) lyreletemps.com

Pour son deuxième roman (après le très réussi Daniel Avner a disparu), l’écrivaine nancéienne Elena Costa narre l’histoire d’un garçon quittant Antibes pour s’installer à Paris et faire des études de droit. Nous sommes en 1987 et Yves, tout juste sorti de l’adolescence, s’ennuie. Rejeté par la ville. Loin de ses camarades de promo. Dans un café où il se réfugie pour réviser, il rencontre Évelyne, jolie trentenaire, professeure de piano sensuelle et secrète, et mère d’un jeune garçon de treize ans. La Vie audacieuse n’est pas tant l’histoire de leur amour que celle de la disparition de l’insaisissable jeune femme qui semble avoir érigé la liberté comme vertu cardinale, jusqu’à l’absurde. Un beau jour, elle plante fils et amant… Ils vont (tenter de) se dépatouiller, livrant en creux un portrait de femme saisissant. Le lecteur est happé par une écriture évoquant les films de Sautet, douce et mélancolique, translucide et cruelle, qui l’emporte avec brio dans une histoire intimiste. (H.L.) Paru chez Gallimard (20 €) gallimard.fr

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CHRONIQUES

À REBOURS Après une traversée de la Corée (L’Approximation des choses), l’écrivain strasbourgeois Alexis Anne-Braun pose ses valises au cœur de la France périphérique dans Ce qu’il aurait fallu dire, roman aux accents autobiographiques. Nommé prof de philosophie à Friville-Escarbotin (Somme), Victor quitte son cocon parisien pour un pays dont il ne maîtrise pas les codes. Traînant ses guêtres entre banlieues pavillonnaires et zones commerciales décorées par Jean-Luc Plé, le “Rodin des ronds-points”, l’homo intello nage à contre-courant. Dans une épopée du quotidien, le lecteur accompagne un écorché vif qui n’est pas à sa place. Le sait. Et pourtant, il aurait tant aimé… Tant aimé réussir à parler à ses élèves. Tant aimé comprendre cette réalité qui lui échappe. Tant aimé se fondre dans une province qui lui glisse entre les doigts. Tant aimé lutter contre les injustices sociales criantes qui lui sautent au visage. Voilà un roman de la distance, du fossé béant que les meilleures intentions ne parviennent pas à combler. (H.L.) Paru chez Fayard (18 €) fayard.fr

WHEN MUSIC GROOVE Entre sonorités du monde – africaines, asiatiques et outre-Atlantique –, scratch et trip-hop, The Groove Session vol. 5 est un album abouti ! Cet opus, qui célèbre les quinze ans du label Chinese Man Records, réunit le groupe éponyme et ses protégés : Scratch Bandits Crew et Baja Frequencia. Mêlant les influences de chacun avec brio, cette session est accompagnée des MCs Youthstar (membre du label) et Miscallanous (du duo hip-hop Chill Bump), dans une tournée percutant les salles du Grand-Est : La Vapeur (Dijon, 25/03), La Laiterie (Strasbourg, 27/03) et La Rodia (Besançon, 03/04). Mélange des genres, périodes et styles, l’album nous transporte dans l’univers du label : des sonorités oldschool et scratch dans Hold Tigtht et Party At Jay’s, au trip-hop contemporain aux basses dance de Break Down et Be Mine. Tout en nous permettant des pauses sur la route du monde : No Man et l’envoûtant titre This One. (F.L.) Édité par Chinese Man Records (14 €) – chinesemanrecords.com

POLISSON Après la série L’École à la folie, le duo d’auteur-illustrateur composé par Davide Cali et Benjamin Chaud (ancien pensionnaire des Arts déco strasbourgeois) signe une BD gorgée de malice. Les Adultes ne font jamais ça renverse les codes de la bienséance, se joue des injonctions des adultes et des règles immuables qu’ils imposent aux plus petits, démontrant que, bien souvent, ils ne s’appliquent guère ce qu’ils disent. Multipliant les exemples, de jurons en taquineries bien crasseuses ou maladresses improbables – et pourtant si communes –, cet album aux dessins fluides et loufoques donne une bonne leçon à tous les parents peu avares en remontrances et sermons. Un petit goût de revanche pour leurs enfants qui ne manqueront pas de rappeler quelques situations embarrassantes à leurs aînés ! Mais n’oubliez pas que l’autodérision est « ce système de défense contre soi-même permettant de se guérir avant d’être malade » disait Sim. Les grincheux ne pourront dire qu’ils n’étaient pas prévenus ! (D.V.) Paru aux éditions Hélium (14,90 €, dès 5 ans) helium-editions.fr Poly 229

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ÉDITO

ils ont voté, et puis après ? Par Hervé Lévy Illustration d’Éric Meyer pour Poly

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i l’art s’est invité dans les élections municipales récemment, c’est en la personne de Piotr Pavlenski. L’activiste actionniste russe a envoyé le grivois Griveaux dans l’enfer des politiques en compagnie de DSK et consorts dans un geste politico-performatif radical (et illégal), dont la victime est largement responsable. Pour le reste, l’art, la culture, il faut en convenir, même si cela nous en coûte, ne sont plus des thématiques porteuses, perdues aux marges du débat. En scrutant attentivement les tracts allègrement distribués on ne trouve souvent, sur le sujet, que… le vide intersidéral. Écologie (qui s’apparente souvent au greenwashing), sécurité, certains agitant le spectre de La France Orange mécanique décrite par Laurent Obertone, ou uniformisation des villes sont au cœur d’une campagne qui tourne souvent à la foire d’empoigne. C’est pour redonner place et visibilité à la culture que nous avons choisi de poser plusieurs questions (voir un florilège des

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réponses page 16 et l’intégralité sur le site poly.fr) aux principales têtes de liste des élections municipales des 15 et 22 mars de huit villes essentielles de notre zone de diffusion couvrant largement le Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté. Même si nous ne sommes pas naïfs, et avouons avoir accueilli cette cataracte sémantique avec circonspection, nous sommes heureux que les candidats aient, pour la plupart, joué le jeu. Car nous sommes convaincus que la culture demeure la mère de toutes les batailles, l’alpha et l’oméga des autres politiques. Alors oui, les mots creux papillonnent dans les contributions de certains, les lieux communs abondent, mais s’y trouvent aussi de belles idées (qui deviendront peut-être réalité) et des analyses pleines de sens. Ce dossier a le mérite de poser les choses. Les paroles s’envolent, les écrits demeurent : ils sont là, consultables dans quelques mois lorsque certains candidats, devenus maires, auront peut-être oublié leurs promesses. Il suffira simplement de se replonger dans nos pages.



MUNICIPALES : QUESTIONS DE CULTURE Quelle est la place de la culture dans les programmes politiques des candidats aux élections municipales dans huit villes emblématiques du coin ? Pour le sa-

voir, nous les avons questionnés et avons sélectionné quelques extraits choisis que nous vous livrons ici. L’intégralité des réponses est à lire sur poly.fr

BELFORT Élu en 2014, Damien Meslot est candidat à sa propre succession. Marie-José Fleury (sans étiquette, soutenue par le Modem) n’a pas souhaité s’exprimer. Damien Meslot. Je veux continuer à proposer une offre diversifiée et riche aux Belfortains, à valoriser le patrimoine culturel, à soutenir nos forces culturelles et à faciliter l’accès à la Culture pour tous. Je propose également d’ouvrir la bibliothèque le dimanche, de rénover le Musée d’Histoire pour valoriser les collections, lancer un appel à projets d’artistes pour valoriser et animer le grand souterrain, étendre jusqu’au vendredi les concerts des Mercredis du château… Quel serait le projet culturel emblématique de la mandature à venir ?

Quel bilan pour la culture dans votre ville ? Samia Jaber (DVG). La municipalité s’est contentée de maintenir les grands événements qui font la singularité de Belfort. Les structures ont été affaiblies, notamment par la baisse drastique des subventions à la Scène nationale mais aussi au Théâtre du Pilier. Damien Meslot a tenté une fusion forcée avec MA scène nationale (Montbéliard). Ce projet a avorté au bout d’un an. Damien Meslot (LR). Nous avons créé de nouveaux événements comme le Mois de la Photo, la Nuit des arts ou le Concours international de Composition pour orchestre d’harmonie. Nous avons également porté une attention particulière à la rénovation du patrimoine, qui nécessitait de nombreux travaux. Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ? Samia Jaber. Belfort a besoin d’un nouveau souffle en matière d’offre culturelle, qui a toujours été une marque de fabrique et au-delà, un élément décisif de l’attractivité de notre ville. L’enjeu central consiste à être là où les autres ne sont pas. Pour cela, nous défendons trois orientations précises : le soutien à la création, notre fonction de tremplin pour la jeunesse et l’accès de toute la population à tous les arts. 16

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Samia Jaber. Le projet phare est sans aucun doute notre volonté de construire dans l’Aire urbaine une École supérieure de Musiques actuelles, autour de notre identité rock, électro, rap, héritée de plus de 30 années d’Eurockéennes. Dans notre esprit, cette école publique pourrait être une première nationale : elle permettrait de développer la production, la résidence d’artistes et de consolider la fonction tremplin des Eurockéennes. C’est un projet de long terme qui permettrait de renforcer la vitalité de notre territoire et d’attirer la jeunesse dans notre belle région. Damien Meslot. Je propose que l’accès à la culture soit davantage possible dans les quartiers et je pense notamment à développer des activités culturelles dans tous les quartiers ou jumeler chaque institution culturelle avec un quartier de la ville. Comment réagiriez-vous si les Eurockéennes étaient mises à mal par le bras de fer qui oppose Territoire de Musique à la Préfecture concernant les frais de sécurité et le statut juridique de l’association ? Samia Jaber. Nous n’osons pas imaginer que l’État maintienne une position rigide sur ce dossier, d’une part parce que c’est profondément injuste car ce festival n’a jamais eu de vocation lucrative, et d’autre part parce que ce n’est pas pertinent au regard de la situation de notre territoire. Quoi qu’il arrive, nous serons indéfectiblement aux côtés des Eurockéennes. Damien Meslot. Ce conflit est en voie de résolution, des solutions de bon sens sont à l’étude. Si l’État maintien une position de fermeté, je ne laisserai évidemment pas le festival tomber et nous travaillerions, avec l’ensemble des acteurs, à la recherche d’une solution afin de maintenir ce festival de qualité.


BESANÇON

© Jean-Charles Sexe

Maire depuis 2001 sous l’étiquette du PS avant de rallier LREM, Jean-Louis Fousseret ne se représente pas.

Quel bilan pour la culture dans votre ville ? Éric Alauzet (LREM, MoDem). Lorsque nous avons questionné en juin dernier plus de 2 300 Bisontins, nous avons pu constater un bon niveau de satisfaction en ce qui concerne la vie culturelle. Malgré tout, la ville reste trop peu connue à l’extérieur pour ses manifestations et pour ses établissements culturels. Son patrimoine architectural et historique lui-même, alors même qu’il est en plusieurs points exceptionnel et qu’il a bénéficié en 2008 d’une inscription sur la Liste du Patrimoine mondial... Tout ce secteur a besoin d’être redynamisé et de fonctionner plus ensemble. Ludovic Fagaut (LR). La ville a plutôt un bilan culturel convenable malgré le refus de certains élus de sacraliser le budget et des réductions dommageables, notamment pour les associations. Le musée des Beaux-Arts, le musée de la Résistance, les parcours culturels dans les écoles sont intéressants dans leur développement et doivent être soutenus. Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire aux Municipales ? Éric Alauzet. L’éducation artistique et culturelle de la jeunesse, celle des crèches, des écoles sera un axe prioritaire. On doit pouvoir arriver à ce que chaque école dispose d’une chorale. Besançon devra devenir la ville des créateurs et de l’innovation artistique. Ils doivent nous aider à inventer la métropole de demain. Ludovic Fagaut. Je prône la culture pour tous comme vecteur de cohésion sociale donc elle aura une place incontournable dans tous les projets que nous mènerons : petite enfance, éducation (associations), social... Nos bibliothèques, musées auront des horaires aménagés afin que chacune et chacun puissent en profiter pleinement. Nous demanderons à nos structures d’aller chercher de nouveaux publics et notamment ceux-là même qui sont les plus éloignés. Anne Vignot (EELV, PRG, PS, Gs, PCF, Radicaux de gauche, CAP 21, Urgence Écologie). Nous voulons faciliter

l’accès à la culture, en offrant de nouveaux cheminements vers les lieux de diffusion, en renforçant la médiation et en faisant davantage sortir la culture hors les murs. Notamment en développant les parcours culturels destinés aux écoles, en encourageant les animations artistiques de l’espace public… Nous soutiendrons l’existence d’une forte activité créatrice en développant les lieux dédiés à l’accueil et au travail des artistes (friches artistiques, résidences…) et nous en faciliterons l’auto-gestion par les associations. Quel serait alors le projet culturel emblématique de la mandature à venir ? Éric Alauzet Nous souhaitons construire à côté des magnifiques bâtiments de l’Hôpital St Jacques, la grande salle de musique qui manque à Besançon. Elle sera au cœur du projet de candidature pour que Besançon fasse partie du réseau des villes créatives de l’Unesco. Le projet “Les deux rives”, sur l’ancien site de la Rodiaceta, fera cohabiter harmonieusement, à proximité de la Cité des Arts et des lieux dédiés aux musiques actuelles, des activités artistiques et d’autres plus sportives. Ludovic Fagaut. Le projet emblématique est la grande bibliothèque que je voudrais ouverte à tous, un lieu de vie pour tous les Bisontines et Bisontins et au-delà. Des salles d’exposition, de multimédia, des espaces pour du co-working mis à disposition de partenaires culturels, un espace ludique pour les familles. Anne Vignot. Nous souhaitons organiser des dimanches festifs, populaires et culturels qui viseront à ouvrir largement les lieux de culture à toutes et tous et à faire véritablement envahir chaque quartier de la ville par les acteurs culturels du territoire. Également mettre en œuvre un grand projet patrimonial autour des berges du Doubs (de la source de la Mouillère aux Prés-de-Vaux), afin d’en faire un parcours dédié aux loisirs, à la culture, aux sports et au tourisme. Enfin, nous valoriserons les femmes qui ont compté dans l’histoire de notre ville, via un parcours culturel et patrimonial. Poly 229

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DIJON

© Musée des Beaux-Arts de Dijon / F. Jay et © Bruce Aufrere

Maire depuis 2001, François Rebsamen est candidat à sa propre succession.

Quel bilan pour la culture ces six dernières années ? Emmanuel Bichot (Agir, LR). La mandature aura été marquée par l’aboutissement de la rénovation du Musée des Beaux-Arts à laquelle notre groupe municipal était favorable. Toutefois, passé l’effet de curiosité, il n’est pas certain que cela permette d’augmenter durablement la fréquentation. En revanche, la programmation de l’Opéra suscite de nombreuses critiques et n’emporte pas l’adhésion, en dépit d’un coût très élevé. Stéphanie Modde (EELV, GE). Nous faisons le constat d’une politique culturelle tournée vers le rayonnement (réaménagement du Musée des Beaux-arts, etc.). Cela est positif, mais l’arbitrage budgétaire devrait permettre d’aider des projets novateurs portés par associations, artistes ou citoyens. François Rebsamen (PS, MoDem). Dijon consacre 25% de son budget à la culture. Après plus de 10 ans de travaux et un budget de 60 millions d’euros, nous avons ouvert le 17 mai 2019 un Musée des Beaux-Arts totalement rénové. C’était l’un des projets phare du mandat qui vient de s’écouler. Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ? Emmanuel Bichot. Premièrement, renforcer le lien entre culture et patrimoine. Deuxièmement, soutenir l’enseignement et la pratique artistique pour le plus grand nombre. Troisièmement, revoir la programmation culturelle des salles de spectacles pour qu’elle réponde aux attentes de tous. Stéphanie Modde. D’abord, nous souhaitons que les arbitrages financiers et le choix du soutien à tel ou tel projet se fasse de manière plus concertée. Par ailleurs, il nous semble important de mener une analyse plus fine sur l’impact social des financements publics en direction de la culture. 18

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François Rebsamen. Nous souhaitons que l’art et la culture soient présents dans tous les quartiers et pour tous les publics. Nous allons organiser un festival de la culture scientifique pour rendre hommage à Gustave Eiffel, né à Dijon. Quel serait alors le projet emblématique de la mandature à venir ? Emmanuel Bichot. Valoriser le patrimoine historique inestimable que représente le Palais des Ducs et des États de Bourgogne en l’ouvrant intégralement aux visiteurs. Stéphanie Modde. Nous créerons un festival de jardins éphémères pour relier nature et culture. François Rebsamen. La création d’un grand Musée d’Art contemporain avec l’extension du Consortium. Nous ambitionnons de voir Dijon devenir la capitale française de l’Art contemporain. Comment voyez-vous la place de la Cité internationale de la Gastronomie et du Vin (ouverture prévue fin 2021) dans le dispositif culturel dijonnais ? Emmanuel Bichot. Malheureusement le projet n’a pas été traité comme un projet culturel, mais comme une vaste opération immobilière. L’enjeu est de revenir aux sources du projet. Stéphanie Modde. Ce projet est emblématique d’une volonté de rayonner à l’international. Il faut penser également à l’ancrage régional, à un approvisionnement local et bio, et à mettre en valeur la diversité de la culture culinaire. François Rebsamen. Il s’agit d’un équipement exceptionnel qui renforcera l’attractivité culturelle, touristique, économique et commerciale de Dijon Métropole.


METZ

La Boîte à Musiques

Constellations © Philippe Gisselbrecht / Ville de Metz

Maire depuis 2008, Dominique Gros (PS) ne se représente pas.

Quel bilan pour la culture ces six dernières années ? Xavier Bouvet (EELV, Génération.s, PCF, PS, Radicaux de Gauche). Une dynamique marquée par des événements forts, en même temps qu’un renforcement des institutions. Mais les disparitions successives du festival Musiques Volantes, de Boumchaka, les difficultés de lieux indépendants montrent un écosystème fragile. Françoise Grolet (RN). La municipalité a porté atteinte à l’accès à la culture et notamment au 7e Art en décidant unilatéralement et sans considération pour une pétition de 16 000 signataires d’octroyer le monopole des cinémas messins à Kinepolis. François Grosdidier (LR). Sur les grandes infrastructures, il y a eu largement poursuite de la politique préalablement au changement de majorité municipale (en 2008, puisqu’avant Jean-Marie Rausch était aux commandes, NDLR). Elle a néanmoins conduit à des hausses budgétaires, sans contrepartie artistique. Richard Lioger (LREM, MoDem). Depuis dix ans, Metz a fait le choix de la culture. Le bilan est très positif. Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ? Xavier Bouvet. Nous élargirons les publics de la culture à Metz, au-delà du succès populaire des grands événements. Nous ferons en sorte que les artistes puissent rester à Metz, travailler à Metz. Que la ville soit attractive pour que d’autres aient envie de venir. Françoise Grolet. Rendre la culture accessible, promouvoir la culture en direction des jeunes, mais aussi notre identité messine et mosellane et une vraie diversité culturelle dans le financement de la politique culturelle, recréer un nouveau site pour les artistes, s’ouvrir à d’autres horizons comme la culture scientifique. François Grosdidier. Outre le soutien aux grandes institutions, nous entendons faire de Metz une ville de l’art numérique et de lumière, développer son caractère littéraire, conforter “Metz

la musicale”, développer le tourisme culturel grâce à un pass culture touristique ou encore tout mettre en œuvre pour être Capitale Européenne de la Culture. Richard Lioger. Je veux en faire un levier de vivre ensemble, un terrain d’expression pour la jeunesse et un emblème du rayonnement de Metz. Quel serait alors le projet emblématique de la mandature à venir ? Xavier Bouvet. Nous ne pensons pas qu’il faille un projet emblématique porté par la municipalité, mais accompagner les acteurs culturels du territoire. Françoise Grolet. Un centre culturel franco-allemand et transfrontalier. François Grosdidier. Un seul me paraîtrait réducteur. J’en citerai trois : le pavillon des espèces au musée, la mise en valeur des patrimoines naturels et architecturaux et la participation des jeunes à toutes les cultures. Richard Lioger. Amplifier le soutien et l’accompagnement de la scène artistique locale et ancrer l’identité musicale de Metz par la construction d’une Cité musicale des enfants. Quel avenir pour le festival numérique Constellations ? Xavier Bouvet. Constellations a été une vraie réussite en termes de public et de retombées. Nous ne souhaitons pas le remettre en cause. Simplement, là encore, associer un peu plus les acteurs locaux. Françoise Grolet. Nous donnerons de nouvelles orientations en écho à l’engouement du public pour les manifestations enracinées. François Grosdidier. Nous poursuivrons le festival en ajoutant au son et lumières de la Cathédrale, un second sur l’opéra le plus ancien de France. Richard Lioger. C’est le festival d’envergure dont Metz avait besoin. Je veux l’installer comme un festival de création internationale numérique.

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MULHOUSE

DR

Michèle Lutz est candidate à sa propre succession.

Quel bilan pour la culture dans votre ville ? Fatima Jenn (sans étiquette). Les six dernières années ont bien sûr été marquées par des festivals culturels reconnus et appréciés tels que Scènes de rue, La Nuit des Mystères ou Musaïka. Cependant, l’appropriation de la culture mulhousienne par les mêmes acteurs ou organisée autour de pôles culturels donneurs d’ordre limitent la diversité de l’offre culturelle et brident la créativité des artistes qui ne bénéficient pas de la visibilité offerte par ces grands pôles. Michèle Lutz (LR, UDI, MoDem). Sans le sérieux attribué à la politique culturelle mulhousienne, peut-être n’aurions-nous pas pu faire fusionner les écoles d’art strasbourgeoises et mulhousiennes pour donner la Hear ou encore garder en notre sein une structure prestigieuse comme le Ballet du Rhin. Lara Million (LREM, DVD). Ce n’est pas un bilan des six dernières qu’il faut faire mais des trente dernières années puisque ce fut le même adjoint à la culture depuis 1989. Pourtant, certains équipements manquent encore de vision globale de développement et d’ouverture sur les nouveaux publics et ils devront être accompagnés par la Ville et ses partenaires dans le prochain mandat. Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ? Fatima Jenn. Il s’agit principalement de redonner la parole aux artistes mulhousiens, toutes catégories confondues, et de leur permettre de se réapproprier l’espace public. La politique culturelle ne doit pas être affirmée par la municipalité, elle doit être co-construite avec l’ensemble de ses acteurs. Mulhouse regorge de talents, il est inacceptable que seule une partie d’entre eux puisse largement diffuser leur art et leur message. Nous voulons mettre fin à l’élitisme culturel, amener la culture aux Mulhousiens et non amener les Mulhousiens à une offre culturelle prédéfinie. Michèle Lutz. Premièrement, nous aurons le souci de réinventer ce qui se fait traditionnellement et dont on a peut-être trop pris l’habitude. Deuxièmement, il s’agira de continuer à miser sur l’offre actuelle qui est considérable, mais en renforçant son rayonnement. 20

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Lara Million. Le premier axe est la mise en valeur et le soutien à la création notamment pour les jeunes et les cultures urbaines. Le second est un travail de proximité afin de transformer la ville grâce à la culture qui participe au mieux vivre-ensemble. Quel serait alors le projet culturel emblématique ? Fatima Jenn. Le projet emblématique sera de redonner la parole aux artistes : il ne pourra pas être question pour la municipalité d’être uniquement donneuse d’ordre de nouveaux projets. Michèle Lutz. La réflexion sur la création d’un lieu dédié à la musique et aux arts populaires et vivants pourrait être un projet fort. Ce lieu aurait une vocation à être emblématique par l’ambition de sa programmation, sa place dans la ville et l’appropriation qu’en feront les habitants, sur la scène et dans la salle. Lara Million. Il doit être un objectif : celui de faire en sorte que la Culture à Mulhouse soit le vecteur principal de lien social. Alors pourquoi pas rêver d’un grand rendez-vous culturel autour de la diversité, une fête des cultures du monde où world music, littérature, danse, gastronomie, théâtre, photographie se retrouveraient pour faire découvrir l’Autre. Comment gérerez-vous l’avenir de Motoco ? Fatima Jenn. Motoco doit devenir un véritable centre d’expression créative et permettre la visibilité de l’ensemble des artistes mulhousiens, un laboratoire de l’expression artistique libre. Motoco s’est transformé en pôle institutionnel et a perdu le dynamisme alternatif de ses débuts. Michèle Lutz. La marge de manœuvre du Maire sur Motoco est assez limitée, les murs appartenant à l’Agglomération et l’exploitation est assurée par une SAS. Nous contribuerons à son développement hors de ses murs et surtout hors de Mulhouse, car des laboratoires artistiques de ce genre existent ailleurs et auraient des intérêts convergeants, sa notoriété doit dépasser les frontières car le potentiel est là. Lara Million. Motoco a trouvé un modèle économique, c’est incontestablement une réussite dans la reconversion d’une friche industrielle. Il faudra s’assurer que ce modèle peut être pérenne et continuer à travailler pour le consolider.


NANCY

© Ville de Nancy

Laurent Hénart est candidat à sa propre succession.

Quel bilan pour la culture dans votre ville ces six dernières années ?

Quel serait alors le projet culturel emblématique de la mandature à venir ?

Laurent Hénart (LREM, LR). Depuis 2014, j’ai voulu engager une nouvelle étape de notre vie culturelle. Quatre grands éléments traduisent cette orientation : l’Art dans la ville, le choix de développer l’art contemporain et le design, le festival NJP soutenu et protégé, l’ouverture en mars 2020 de L’OCTROI Nancy. Nordine Jouira (FI). La politique culturelle actuelle se caractérise par l’obsession de l’attractivité et de la marchandisation pour servir des investisseurs privés, des projets culturels descendants émanant pour la plupart de la majorité en place, des événements culturels majeurs à destination des touristes plutôt que des habitant·es... Mathieu Klein (PS, PCF). Un bilan sans audace, une politique culturelle sans vision. En 2014, plusieurs projets intéressants ont été annoncés comme des ateliers laboratoires, un tiers lieu innovant… Rien de bien concret n’a vu le jour.

Laurent Hénart. Citons en deux : le projet de rénovation du Palais des ducs de Lorraine – Musée lorrain, dans une logique de complémentarité avec l’espace urbain du XVIIIe siècle classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Les Rencontres de Nancy, chaque printemps à partir de 2021 : une opération sur plusieurs sites faisant la part belle aux cultures urbaines. Nordine Jouira. Rompre avec la logique de grands projets, où le maire se place en créateur pour marquer son mandat, au profit d’un véritable soutien au foisonnement culturel existant. La collectivité doit avant tout être aux côtés des acteurs/ actrices culturel·les, ni plus ni moins. Mathieu Klein. Notre projet culturel a été construit avec les habitants et les artistes. Voici quelques-unes des actions principales : 100% des enfants des écoles primaires profiteront de parcours artistique et culturels de qualité, un nouvel événement ambitieux, fédérateur et créatif : Quartier en fête.

Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ?

Si vous êtes élu, quel avenir pour la Villa Majorelle ?

Laurent Hénart. Nous voulons d’abord sortir la culture de certains cadres habituels : créer des “promenades lumineuses nocturnes dans Nancy”, valoriser une programmation “l’été à Nancy”... Il faut intensifier notre soutien à l’accès à la création artistique. Nordine Jouira. Notre défi est de servir l’excellence, sans sombrer dans l’élitisme. Cela commence par permettre aux artistes et artisans d’art de pouvoir travailler sereinement à Nancy en leur fournissant des locaux et des hébergements au sein de tiers lieux qui pourraient voir le jour dans l’ancienne friche industrielle d’Alstom ou encore lors de la réhabilitation de l’Hôpital central. Mathieu Klein. Je souhaite une culture de proximité plus inclusive, plus créative. Mettre la personne au centre de notre politique culturelle, en privilégiant une approche qui stimule les coopérations entre les divers acteurs culturels, éducatifs, sociaux, citoyens…

Laurent Hénart. Plus qu’un musée, la Villa a été appréhendée comme une maison d’artiste où les visiteurs auront le sentiment d’entrer et de visiter une maison Art nouveau, celle de Louis Majorelle. La Villa a développé des outils de médiation à destination de divers publics (application, visite virtuelle, etc.). Une réflexion sur le jalonnement touristique piétonnier est en cours. Nordine Jouira. L’avenir de la Villa Majorelle ne peut s’appréhender qu’en valorisant l’ensemble du patrimoine laissé par l’École de Nancy. La gratuité des transports en commun facilitera les relations avec le Musée de l’École de Nancy, le parc de Saurupt et le reste du patrimoine Art nouveau. Cette “Maison des illustres” a vocation à retrouver son mobilier d’origine. Mathieu Klein. Je souhaite créer des parcours de visite à vélo qui relient les différents sites remarquables avec la mise en place de nouvelles voies cyclables, des parcours piétonniers marqués au sol et le développement d’une application mobile. Poly 229

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REIMS

© Ville de Reims

En 2014, Arnaud Robinet (UMP, UDI) battait la mairesse sortante Adeline Hazan (PS, PCF, EELV), élue en 2008.

Quel bilan pour la culture à Reims ? Gérard Chemla (LREM). La politique culturelle doit permettre d’accompagner tous les habitants vers une démarche de citoyenneté, que chacun devienne acteur de sa vie et qu’on transforme au maximum les spectateurs en acteurs. Il faut ramener dans la sphère culturelle ceux qui se l’interdisent parce qu’ils pensent que ce n’est pas pour eux. Éric Quénard (PS). Premier regret, l’abandon du projet de construction d’un Musée des Beaux-Arts signé Chipperfield avec un coût d’abandon de 5 millions d’euros. Il ferait déjà rayonner la ville et serait un atout touristique indéniable. Un long travail de concertation a été mené pour aboutir en fin de mandat à un Schéma d’orientation pour la culture très basique, sans grande originalité ni prise de position forte. La diminution de 5% des subventions aux associations a marqué une volonté de faire des économies sans analyse individuelle des projets associatifs. Arnaud Robinet (LR). Nous avons tous œuvré pendant 6 ans à ce que la culture soit partout et pour tous à Reims. Nous avons su préserver le budget municipal de la culture – 15% du budget de fonctionnement – tout en menant une politique de sobriété, là où d’autres collègues maires utilisent la culture comme une variable d’ajustement budgétaire. Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ? Gérard Chemla. Reims consacre un budget important à la culture, mais près de 80% sont absorbés par les scènes professionnelles. Il ne reste que 20% pour le milieu amateur. J’envisage de sacraliser ce budget, mais en commençant par des États généraux de la Culture. Faisons appel au secteur privé et accompagnons le mécénat en rajoutant une dotation à la déduction fiscale. Éric Quénard. L’axe prioritaire sera l’éducation artistique et culturelle et l’accessibilité des structures. Soutien aux associations et artistes locaux, place de l’art dans l’espace public, poursuite du travail de démocratisation de la culture dans tous les quartiers, valorisation de la richesse artistique et culturelle du territoire en étant candidate à la Capitale européenne de la Culture. 22

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Arnaud Robinet. Plusieurs axes de notre schéma d’orientation culturelles me semblent essentiels pour rayonner sur toute la ville : l’intervention territoriale des acteurs pour permettre un accès à la culture par la proximité, l’éducation artistique et culturelle, le jeune public étant une priorité municipale, l’accès pour les publics éloignés notamment les personnes ayant un handicap… Quel serait alors le projet culturel emblématique de votre mandature ? Gérard Chemla. Je souhaite mener des travaux pour créer une rue des petits théâtres, véritable lieu de rendez-vous. Cela allierait à la fois spectacles amateurs et spectacles professionnels. Éric Quénard. Il manque sur Reims un événement culturel et festif qui regroupe l’ensemble des partenaires du territoire au sens large dans l’espace public. Un thème pourrait être défini collectivement annuellement, afin de permettre à chacun de travailler à une proposition à présenter lors de ce grand événement annuel. Arnaud Robinet. Bien que le projet soit déjà lancé, c’est la candidature de Reims pour l’édition 2028 de la Capitale européenne de la Culture. Que pensez-vous de la future rénovation du Musée des Beaux-Arts confiée au portugais Francisco Aires Mateus pour plus de 45 millions d’euros ? Gérard Chemla. Elle était nécessaire mais a malheureusement été repoussée entraînant des travaux longs. Au-delà de la rénovation du bâtiment qui offrira 7 000 mètres carrés d’exposition, il est essentiel que la scénographie soit imaginée pour être inclusive. Il conviendra d’apporter de l’animation pour encourager des publics éloignés des musées d’y revenir. Éric Quénard. Sur le papier, il correspond en grande partie au Projet scientifique et culturel de l’ancienne proposition de construction. La rénovation sur site va malheureusement faire fermer le musée pour 3 ans avec un lieu de stockage éloigné. De plus, le projet actuel supprime en partie un espace vert avec des arbres qui ont des décennies.


STRASBOURG

© Jérôme Dorkel / Ville de Strasbourg

Maire depuis 2008, Roland Ries ne se représente pas.

Quel bilan pour la culture ces six dernières années pour la ville de Strasbourg ? Jeanne Barseghian (EELV, PCF, GE). Si on ne peut pas nier une continuité dans le panorama très riche des propositions, on peut regretter que l’approche portée par la Ville a donné le sentiment de réduire le rôle de l’artiste à celui de faire-valoir de la politique municipale. Alain Fontanel (LREM, Agir, MoDem, La Coopérative). Le mandat qui se termine est marqué par de très nombreuses réalisations. Nous avons, par exemple, ouvert de nouveaux équipements comme Le Maillon, Le Shadock ou les ateliers d’artistes à la Coop. Nos actions ont été possibles grâce à une étroite coopération entre tous les acteurs. Catherine Trautmann (PS). On a assisté à une politique de reconduction de l’existant et du maintien des publics. Elle n’a malheureusement pas été prévue pour irriguer et animer la ville. Jean-Philippe Vetter (LR, Libres!, Les Centristes). Force est de reconnaître que la ville a maintenu ses engagements, même si nous pouvons déplorer le manque de vision globale et stratégique. Il y a également eu des occasions manquées comme la relocalisation de La Laiterie sur l’ancien site de la Coop. Quels axes de politique culturelle souhaitez-vous mener en cas de victoire ? Jeanne Barseghian. Nous souhaitons décloisonner, expérimenter et réinventer, en entremêlant le processus de création artistique à celui de transformation du tissu urbain. Alain Fontanel. L’excellence culturelle, la poursuite de la diversification des publics et la place des artistes dans la ville seront mes priorités. Je souhaite aussi accueillir au sein du Musée Tomi Ungerer les archives de Charlie Hebdo et de ses dessinateurs. Nous sommes en train d’y travailler. Catherine Trautmann. Le désenchantement vis-à-vis de l’Europe est également lié à l’absence de projets à dimension culturelle. La politique de la ville doit donc s’inscrire dans le contexte du prochain projet européen “Europe créative”. Jean-Philippe Vetter. Nous souhaitons avoir un objectif de 100% d’accès à des projets d’Éducation artistique et culturelle pour les enfants des Écoles de Strasbourg.

Quel serait alors votre projet emblématique lors de la prochaine mandature ? Jeanne Barseghian. Il est temps de redonner sa juste place à l’artiste et à la création et de ne pas voir la politique culturelle uniquement par le prisme budgétaire. La culture est le levier transversal par excellence. Alain Fontanel. Le prochain mandat doit permettre d’aller encore plus loin dans l’accès de tous à la culture avec deux projets emblématiques. Je souhaite que tous les enfants d’une classe d’âge puissent enfin bénéficier d’une éducation artistique et culturelle dans le cadre des activités périscolaires. Je souhaite aussi faciliter l’accès à la lecture pour tous. Catherine Trautmann. Il y a plusieurs projets emblématiques dans notre contrat d’actions municipal concernant le Palais des Fêtes ou encore un pôle de graphisme, d’illustration et d’impression. Nous désirons créer un pôle d’excellence de Culture urbaine et innovante avec skate park couvert, ateliers, streetart, etc. Jean-Philippe Vetter. Strasbourg doit retrouver sa place dans le circuit des grandes expositions internationales. En cela, l’état de déshérence dans laquelle a été laissé l’Ancienne Douane est dramatique. Quel est votre projet pour l’Opéra, équipement en piètre état ? Jeanne Barseghian. C’est un sujet dont la priorité de traitement doit être portée dès le début de la mandature. Il peut devenir un très beau projet d’expérimentation. Alain Fontanel. La construction d’un nouvel Opéra apparaît aujourd’hui incontournable si Strasbourg veut pouvoir préserver son statut de capitale culturelle. Catherine Trautmann. Il faut cesser de tourner en rond sur cette question et comme je l’ai fait par le passé en écoutant Pierre Boulez (pour La Philharmonie de Paris, NDLR), je m’engage à lancer le projet opératique de Strasbourg. Jean-Philippe Vetter. La seule réalisation à l’actif de la municipalité est d’avoir engrangé des rapports. Nous ne voulons pas construire un nouvel opéra, mais la reconstruction sur site d’un nouvel équipement en préservant l’ancien bâtiment. Poly 229

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FESTIVAL

pluie d’univers Performances et théâtre de marionnettes créent une trentaine de mondes fantasmagoriques aux Giboulées dans dix lieux à travers Strasbourg.

Par Florent Lachèvre Photo de Bozzo Mori tirée de (MA, AÏDA…)

Au TJP, au Maillon, à Pôle Sud, au Théâtre de Hautepierre, à l’Espace K, au Mamcs, etc. (Strasbourg), au PréO (Oberhausbergen) et au Brassin (Schiltigheim), du 13 au 21 mars tjp-strasbourg.com Chantier initiation radio au TJP Petite scène (Strasbourg), samedi 7 mars Rue d’Orchampt au TJP Petite scène (Strasbourg), du 13 au 15 mars (dès 6 ans) (MA, AÏDA…) au Maillon (Strasbourg), du 18 au 20 mars (dès 8 ans)

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edevenu biennal en 2012 suite à la prise de fonction de Renaud Herbin à la tête du TJP, le festival repéré dans les arts de la marionnette depuis plus de quarante ans, se devait de « ralentir son rythme pour permettre aux performeurs de se familiariser avec notre projet développant la relation entre corps, objet et image », précise-t-il. Marionnettiste diplômé de l’École nationale supérieure des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières, il est aujourd’hui un metteur en scène qui « aime décloisonner les pratiques en introduisant tout le champ chorégraphique et les arts visuels pour sortir du canevas de la matière. » Il entend rendre les frontières entre les genres poreuses en permettant de faire se rencontrer « les plaisirs des spectateurs avec les instants de création qui se fabriquent en coulisses. C’est ce que nous avons essayé de faire dans Hiding Shadows avec Tim Spooner, en interférant sur notre rapport aux images à l’écran, jouant avec le jour et le contre-jour par exemple. C’est un des nombreux Précipités d’expériences qui viennent entrecouper le festival. » Entractes participatifs, les Précipités #1, #2 et #3 et L’École du risque, « aiguisent la curio-

sité des visiteurs avec des objets non-répertoriés pour les emmener hors des sentiers battus et les investir dans la création. » L’École du risque, par exemple, recrute en amont de sa performance finale scénique dix amateurs en chorégraphiant leurs peurs. Repenser l’espace monde Privilégiant les créations, le festival affiche une programmation fournie dans laquelle chacun peut piocher. Avec Rue d’Orchampt, le Groupe Zur, propose un spectacle immersif en deux temps, dans lequel les spectateurs sont invités à l’intérieur d’une étrange maison avec la possibilité de rejoindre le rang des acteurs et d’être à leur tour illusionnistes (en déplaçant des objets avec des cordes pendant que d’autres déambulent dans la maison). Cette vraie fausse-magie enchante ceux qui s’aventurent dans cette fabrique d’images et d’instants poétiques. Dans Vague intérieur vague, la chorégraphe Julie Nioche manipule la scénographie en direct, ce qui déstructure l’espace tel que le spectateur le connaît. Elle utilise tout le langage théâtral pour « mettre en relation l’humain avec son environnement en utilisant les corps, la fumée et la lumière »,


The Green © Tom Hakala

indique le directeur. Cette volonté de modifier les repères scéniques conventionnels se retrouve dans The Green du finlandais Kalle Nio qui anime le rideau séparant habituellement la scène des coulisses. « Les interprètes rendent visibles tous ces détails du monde auxquels le spectateur ne porte plus attention. Dans The Green, il y a cette relation avec le non-humain, avec la matière qui est intéressante dans la performance. » Même rapport dans Les Baigneurs d’Yvan Clédat et Coco Petitpierre. Déguisés en figures humanoïdes en tulle, les plasticiens s’amusent à envahir l’espace public pour « repenser et questionner notre relation au monde. La modernité nous a fait penser qu’on était au dessus de la nature. Ici, elle a disparu, donnant à voir une situation absurde. » En effet, point de mer dans le centre-ville. Avec leurs baigneurs qui cherchent un mirage pour disposer serviettes et autres parasols, les artistes placent des personnages inattendus dans la ville. Le festival crée des passerelles entre le contemporain et la matière, espace public et scénique, création et coulisses. « Notre projet corps-objet-image a atteint un niveau de maturité. L’ouvrir sur la ville, c’est le confronter à d’autres structures et le faire découvrir à d’autres publics », rapporte Renaud Herbin.

Les Baigneurs © Yvan Clédat

Maturité d’un projet La programmation tout public, les différentes formes représentées et les ateliers – Radio pratique(s) invitant à partager son antenne et fabriquer des émissions – donnent des matériaux aux spectateurs pour se forger des imaginaires. Avec (MA, AÏDA…), Camille Boitel et Sève Bernard présentent au Maillon un spectacle en forme de synthèse des arts. Le circassien prend possession de la scène pour rendre visible des histoires d’amour impossibles. Les corps s’y déchirent, s’aiment, se violentent et se caressent. Plateau mécanique avec poulies et rouages : le spectateur est confronté au théâtre en train d’avoir lieu. La scène, envahie d’objets, incarne un parcours semé d’embûches qui tantôt rapproche, tantôt éloigne quatre performeurs. Pour Renaud Herbin, repenser l’espace et la place du spectateur dans ce dernier est une des conditions pour « ouvrir la porte à des cosmos habitables. Des espaces, ou mondes, dans lesquel nous n’entrons qu’avec notre sensibilité et notre rapport à la performance, à la scène et à la matière créant une poésie. Cette poésie produit des imaginaires qui nous questionnent et changent nos mentalités. » Poly 229

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FESTIVAL

ombre et lumière Pour ses 30 ans, Pôle Sud fait d’EXTRADANSE une fête en réunissant des chorégraphes ayant marqué son histoire. Coup de projecteur sur Emanuel Gat et Mark Tompkins.

Par Thomas Flagel Photos de Dajana Lothert & Julia Gat (Sunny) et de Beringer (STAYIN ALIVE)

EXTRADANSE, à Pôle Sud, au Maillon, à la Médiathèque de la Meinau, à l’Espace Django, au Point d’eau, au Cinéma Star et dans l’espace public à Strasbourg, du 24 mars au 9 avril pole-sud.fr

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oin de ses récentes pièces de groupe autour des musicals ou des minstrel shows 1, Mark Tompkins signe une poignante mise à nu, au sens propre comme au figuré. Dans STAYIN ALIVE à ma mère, l’Américain installé depuis le milieu des années soixante-dix en France revient en solo sur son enfance, son homosexualité libérée, le sida, les gouffres familiaux et les affres de l’âge. Dans un dispositif tri-frontal aux airs de file d’attente d’aéroport pour fouille en

règle, il exhibe son corps las, usé par le temps, mais jamais totalement abattu. Ce n’est pas à 66 ans que ce grand échassier amaigri va se mettre à tricher. Tout juste entretient-il un doute sur l’enrobage de fiction autour des pans de vie qu’il raconte. Regard triste, il manie comme personne l’art d’être bouleversant dans l’instant pour mieux relever la tête avec des bouts de chansons réchauffant les cœurs. Ce check point face public pour artiste en proie au bilan n’a rien du voyage d’agrément. S’il arrive en chapka de cuir, long manteau élimé et bottines rouges criardes dans une nappe de fumée, le voilà qui déballe postiches, robes et accessoires de son bagage cabine avant d’offrir sa nudité froide mêlée de sincérité brute : l’amour fait mal, à l’instar de la levrette qu’il simule, ployant sous des coups de reins imaginaires avant de s’affaler, sanglotant, sur la table en position fœtale. Il faut tout son humour chevillé au corps et ses talents de performeur totalement engagé dans ce qu’il livre d’intimité pure pour parvenir à faire passer ce moment glaçant. La musique accompagne les peines, jouant son rôle de diversion. D’un remix du Stayin alive des Bee Gees à ses reprises des Doors, Prince ou Peggy Lee (avec le sublime Is that all there is), l’anecdotique de son enfance de bébé allergique à 253 choses succède aux derniers instants de sa mère en phase terminale. Une introspection nostalgique entre extravagance, rire et effroi, crudité des plaisirs de la chair et des dangers du VIH dont on ressort, assez incroyablement, sans bourdon. Let the sunshine Bien plus solaire se veut Sunny, pièce d’Emanuel Gat2 pour dix danseurs et un musicien, Awir Leon. Les spectateurs n’auront pas la joie de voir son ancien danseur François Przybylski (qui œuvre sous pseudo pour sa seconde vie musicale) sur scène, mixer et jouer

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de ses Pads en direct sur un bord au lointain du plateau, comme pour la création à la Biennale de la Danse de Venise, en 2016. Toutefois ses compositions aux textures electro tirant sur les envolées indie-pop et sa voix rappelant celle de Chet Faker teinteront la pièce sur bande. Le chorégraphe israélien, venu à la danse sur le tard, reste fidèle à ses principes de fonctionnement : des consignes lancées à ses danseurs dont les propositions lui servent de matière brute dans laquelle architecturer. Gat choisit, prend, jette, redéploye et découpe. Joue des intensités et de la diffraction dans le temps et l’espace. Ses fantaisies sur un même thème – qui ne se limitent pas à sa reprise du morceau-titre Sunny, revisité au clavier – regorgent de surprises dans les combinaisons entre interprètes, la suspension des mouvements qui apparaissent comme les blancs au milieu des notes d’une portée complexe. Malgré les apparences, point de chaos ici. La partition comporte une grande force et une structure, à peine visible, mais dont les ritournelles impriment les échos sonores et fragmentaires dans une captation de notre attention sans cesse recherchée. La musique hypnotique et festive de Leon ne cesse de relancer la danse, l’inviter à ressurgir dans une énergie maximale et pourtant, jamais précipitée. Les solos traversant cette pièce de groupe foisonnante toujours se rejoignent, pour mieux repartir, un brin transformés. Nourrir le collectif autant qu’ancrer plus encore l’impétuosité des personnages. Chaque danseur garde sa patte, son style, sa gestuelle vive explosant d’énergie communicative, de fulgurances et d’élans. Aux mouvements animaux et arachnéens s’ajoute une certaine tendresse des regards, comme autant de dialogues secrets nous laissant à la fois extérieurs et proches. D’étranges parades amoureuses se nouent ça et là, corps qui se frôlent et se cherchent sans quasiment se toucher. Une fois ces astres alignés, des phrasés chorégraphiques en canon débutent, quasi identiques, avant leur dissémination d’atomes rendus à l’espace du plateau, jetés au sol rapides et miroirs émotionnels de ce qui traverse tout un chacun. Pour ceux qui douteraient du statut de rituel collectif de Sunny, Emmanuel Gat s’offre un ombrageux bal de coiffes à plumages incroyables, tulles formant une coupe afro englobant le visage, cape dorée scintillante dans la lumière qui se gonfle de vent, combinaison moirée avec plateformes et épaulettes galactiques. Un retour scintillant des rayons du soleil après l’averse.

Soirée spéciale anniversaire avec Dominique Boivin, Daniel Larrieu, Louis Ziegler, Pierre Boileau, Georges Appaix, Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna, à Pôle Sud (Strasbourg), mercredi 25 mars Sunny d’Emmanuel Gat, au Maillon (Strasbourg, coréalisé par Pôle Sud et Le Maillon), jeudi 26 et vendredi 27 mars maillon.eu STAYIN ALIVE à ma mère de Mark Tompkins, à Pôle Sud (Strasbourg), mardi 7 et mercredi 8 avril

Lire La Case de l’Oncle Tom dans Poly n°154 ou sur poly.fr Voir Le Monde selon Gat, article autour de Brilliant Corners paru dans Poly n°156 ou sur poly.fr 1

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corée graphique Dans North Korea Dance, la charismatique et extravagante Eun-Me Ahn revisite l’art d’un pays fermé par un régime autoritaire depuis près de 70 ans. Par Thomas Flagel Photo de Jean-Marie Chabot

À L’Arsenal (Metz), vendredi 6 mars citemusicale-metz.fr À la MALS (Sochaux), samedi 21 mars mascenenationale.eu

Lire Grandma fait le pois dans Poly n°185 ou sur poly.fr

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la naissance d’Eun-Me Ahn, le “Pays du matin calme” était déjà séparé de la République populaire démocratique de Corée depuis 10 ans. Autarcique jusqu’au pire, la dynastie communiste dirigée par les Kim en est depuis à son troisième guide suprême, Kim Jong-un. Loin, très loin de l’ouverture de son voisin du Sud dont la k-pop, le cinéma ou les géants des nouvelles technologies rayonnent dans le monde entier. Il fallait bien l’audace de l’enfant terrible de la danse coréenne, arborant son crâne rasé depuis près de 30 ans, pour se pencher sur les pratiques chorégraphiques en vigueur de l’autre côté de la frontière où, bien entendu, elle n’a jamais eu le droit de mettre le pied. Elle a fouillé sur Internet, compilé et scruté les spectacles folkloriques de masse chorégraphiés avec des centaines d’interprètes, mais aussi les parades militaires dont le régime raffole ou les vidéos de ces enfants singeant les adultes dans des performances incroyablement exigeantes avec un professionnalisme tout à fait… flippant ! Elle découvre aussi un art savamment entretenu de l’acrobatie et des danses de l’éventail très codifiées. Celle qui avait fait se mouvoir des grand-mères amatrices* détourne avec une joie manifeste ce riche folklore. En uniformes entièrement dorés et clinquants, la dizaine d’interprètes de North Korea Dance est entraînée dans une chorégraphie militaire pop et sautillante au rythme survita-

miné. Jambes tendues, ils défilent en cadence, multipliant saluts de la main et sourires figés avec dents visibles obligatoires, comme à la parade. Sur fond de draperies formant des plis à rendre jaloux les peintres de la renaissance, de tissus aux motifs luisants d’éclats que l’on retrouve sur les costumes, les corps se frôlent en miroir, dans une recherche de la synchronisation parfaite. Avec un art de la composition tout en ruptures, sont précipités dans l’espace des pas d’un Gene Kelly sous hallucinogènes, sur fond d’electro aux lignes de basse omniprésentes qui se transforment ensuite en revue pour majorettes à pompons dans une scénographie au sol noir miroitant, modifiée par la lumière. Les poses fières et viriles, hommage aux travailleurs des champs dans un pastiche de l’imagerie des masses populaires révolutionnaires, font écho à une danse des femmes, une main dans le dos, l’autre saluant alternativement la terre et le ciel. De la parade aux numéros de cabaret pour circassiens capables d’envolées proches des arts martiaux l’omniprésente Eun-Me Ahn apparaît, comme flottant dans l’espace, ses mouvements contenus s’évanouissant avec une grâce sans pareille. Une danse de petits pas arrêtés, buste droit et port de tête altier, ondulant jusqu’aux poignets pour mieux s’évaporer dans l’espace. Des gestes codifiés dans un silence soudain s’offrent au regard dans leur plus simple appareil.



raison et sentiments Tiphaine Raffier réalise un négatif du monde dans France Fantôme, pièce d’anticipation autour d’une histoire d’amour dans une société sur-technologisée. Par Irene Picon Photo de Simon Gosselin

Au Parvis-Saint-Jean (Dijon), du 10 au 14 mars tdb-cdn.com Au Théâtre de l’Odéon (Paris), du 14 au 28 mai theatre-odeon.eu

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ing t - c i n q u i è m e s i è c l e . G r â c e à l’inventive machine du démémoriel, chacun peut décharger ses souvenirs pour les conserver, qui plus est en gagnant de l’argent. Ces données sont transposables dans une nouvelle enveloppe corporelle permettant de défier la mort. Pour tout souvenir stocké, une somme d’argent est en effet perçue et les chances de revenir à la vie dans de bonnes conditions s’accroissent. Véronique, professeure de Lettres à la fac, est sceptique face à cette révolution scientifique qui en amène inévitablement une culturelle, ou plutôt déculturée. En supprimant la représentation des visages humains par la peinture, la vidéo et la photo, cette société se préserve de tout attachement physique au corps humain qui n’est désormais qu’accessoire. Le business de la réincarnation redéfinit toutes les valeurs d’une France, séduite et peu révoltée, dont la devise est devenue « Lucidité Sérénité Immortalité ». Lorsque son mari Sam décède dans un attentat, l’héroïne décide d’entamer les démarches nécessaires afin de le faire “rappeler”. Camarade de Julien Gosselin à l’École du Nord – pour lequel elle a longtemps joué – Tiphaine Raffier s’approche de son univers par

ses créations vidéos. Sur la partie supérieure de la scène trône un écran qui projette un ciel digne des plafonds d’églises sans angelots et des publicités proches du Starship Troopers de Paul Verhoeven. Débutant à l’intérieur d’une cuisine éclairée d’un projecteur sur pied rappelant un plateau de tournage, la pièce se joue dans un lieu public entouré de démémoriel évoquant des chauffe-eaux, ou des cabines téléphoniques. Pour accompagner les acteurs, deux musiciens rythment gravement la pièce au trombone, batterie, guitare et violoncelle. Au-delà du défi de mettre en scène de la SF au théâtre, Tiphaine Raffier expose « surtout une histoire sentimentale où Véronique doit passer de nombreuses frontières et aller à l’encontre de ses convictions pour retrouver Sam ». Idéologiques par les technologies qui bouleversent « le rapport anthropologique des hommes au temps, au corps, à l’amour et à l’image », ces limites sont aussi pratiques : « Partager ses souvenirs qui seront faussés, aimer un être qui n’a plus la même apparence ou vivre dans un corps qui n’est pas le sien » conclut l’auteure et metteuse en scène invitée au Festival d’Avignon 2020 pour présenter Création 4.



mulhouse baila Les créations chorégraphiques contemporaines sont sous les projecteurs de la Quinzaine de la danse. Zoom sur deux d’entre elles.

Par Irene Picon Photo de Sylvie-Ann Pare (Radical Vitality)

À l’Espace 110 (Illzach) et à La Filature, au Centre chorégraphique national, au Théâtre de la Sinne & au Cinéma Bel Air (Mulhouse), du 10 au 28 mars espace110.org Sympathetic Magic, à l’Espace 110 (Illzach), mardi 10 mars Radicale vitalité, solos et duos, à La Filature (Mulhouse), mercredi 11 mars

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ancé par l’Espace 110 en 2017 et soutenu depuis par d’autres structures, ce festival ne cesse d’innover par ses propositions variées, allant du ballet au concert dansé, venues de Lyon ou d’Amérique. Il y est possible, pour les plus curieux, d’en découvrir les coulisses en appréciant les dernières répétitions de quelques spectacles. Sympathetic Magic résulte d’une nouvelle association entre le chanteur suédois Peter von Poehl et les chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux. L’album éponyme de l’artiste est intégralement illustré, en compagnie du trio basse-batterie-guitare, par les codirecteurs de VIADANSE à Belfort qui explorent différentes formes d’hybridation possibles sur scène. Souhaitant lier cette mélodie pop, « plus rock en concert que sur le disque » confie Éric Lamoureux, à leur danse contemporaine, ils se déplacent seuls ou en duo, vêtus de costumes blancs en jouant avec un « écrin de lumières ». À l’aide de lampes LED de la taille d’un œuf disposées au sol « comme un ciel d’étoiles inversé » et de vidéos projetant des traversées de forêts, ce spectacle musicodansant se déroule tout en grâce et élégance. Sportifs ou délicats dans leurs déplacements

qui relèvent parfois de jeux de miroirs, ils sont également les choristes de von Poehl qui improvise, lui aussi, quelques petits pas de danse. « Une association artistique qui propose un voyage poétique ». Le lendemain, la compagnie québécoise Marie Chouinard se lance le défi de rejouer de brefs extraits de ses précédentes chorégraphies pour composer un spectacle rétrospectif Radicale vitalité, solos et duos. Interprétés par d’autres danseurs dans de nouvelles mises en scène, seules les actions sont conservées pour en analyser la réplicabilité. Décontextualisés, ces 25 fragments mis bout à bout, tels des saynètes sans trame commune, s’accompagnent d’une musique elle aussi déconstruite, passant de beats electro au cinquième Prélude de l’opus 28 de Chopin. Habillés ou en petite culotte avec les seins peints, les 10 danseurs se meuvent de manière déstructurée et robotique sur un plateau nu, en alternant moments de solitude, sensualité et humour tels des clowns. À l’aide de micros pendants du plafond, aucune des subtilités sonores de ces mouvements n’échappent au public, qui observe successivement les acrobates imiter des cris d’animaux, se battre ou redécouvrir l’orgasme.


le roi ivre et le nuage Avec Centaures, quand nous étions enfants, Fabrice Melquiot signe un spectacle hommage à l’histoire de Camille et Manolo, artistes ne faisant qu’un avec leur monture.

Par Thomas Flagel Photo de Martin Dutasta

À La Filature (Mulhouse), jeudi 26 et vendredi 27 mars (dès 7 ans) lafilature.org

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enfance ne tient-elle pas toute entière dans un cheval de bois ? Tout s’y joue déjà, sans qu’on le sache, susurre Fabrice Melquiot avec cette pièce-portrait d’un duo sans pareil. Vingt-cinq ans passés côteà-côte, Camille et Manolo sont à la recherche d’hybridation totale. Ni humains, ni chevaux dans cette pièce, mais des centaures, nés de l’union d’un roi ivre et d’un nuage, « une moitié de cheval qui réclame sa part humaine, une moitié humaine qui espère sa part animale pour traverser la forêt et le temps ». Un retour sensible et fragmentaire, en photos et films de vacances, où l’un raconte l’autre avec les mots d’un troisième. La plume chaloupée de Fabrice Melquiot chemine en détours intimes dans la vie d’une fille unique se tenant à l’écart des autres. Une éclaireuse de France, souvent fugueuse qui part en Inde et reste mutique avec les autres. Lui se vit offrir un poney, Mustang, avec le désir secret qu’il change sa vie d’enfant à jamais. Des kilomètres avalés à vélo chaque jour pour le rejoindre, touchant le moins possible à son guidon, et une promesse d’enfance, un rendez-vous dans 14 ans, en 1992, à la Grande Mosquée de Paris. Il aura une coupe de kéké, elle un bérêt. Il viendra lui proposer de jouer dans un spectacle, ça ne sera pas le coup de foudre mais elle acceptera quand même. Entre temps, ils avaient des trucs à vivre chacun de leur côté avant de se retrouver. Devant nous, ils sont

Camille-Gaïa, étalon frison, cheval mi-lourd, puissant et agile. « Celui des travailleurs de la terre comme des grands seigneurs », une perle noire sur laquelle Camille se tient, pieds nus, debout. Avec Manolo-Indra, pure race espagnole, étalon sévillan rencontré à Vérone, les voilà marchant flanc contre flanc dans un pas de deux battant d’un même cœur. Harmonie de l’unisson dans la pénombre, Manolo a son « vélo-centaure de petite ferraille en mémoire » quand il vit aujourd’hui contre des corps de sept cent kilos. L’amour se lit dans chaque frôlement, dans la précision et la douceur des gestes et des pas, dans la danse fiévreuse et passionnée qui raconte cette utopie en marche. Ce « pas château » des rêves d’enfance, devenu réalité entre la prison des Baumettes et les Calanques, « pour toujours se souvenir qu’il y a des hommes enfermés et d’autres au grand air, et qu’on pense aux uns comme on pense aux autres. » Ses vieilles roulottes et ses lits pour qui veut, son « chapiteau en forme de volcan pour que les chevaux, en galopant, sentent le centre de la terre sous leurs sabots ». Et des amandiers tout autour, « parce qu’il est le premier arbre à refleurir ». Redécouvrir que « la bête devient soi quand on la regarde longtemps dans les yeux » et que « nous sommes tous des animaux. Des animaux prodigieux. Nous sommes des bêtes assoiffées de nuit et de sang et nous hurlons notre désir de vivre. » Poly 229

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THÉÂTRE

auto-psy d’un manque De l’impossibilité de monter Philoctète et d’achever son cycle sur les tragédies de Sophocle, Wajdi Mouawad tire Inflammation du verbe vivre, introspection à la recherche de ce qui nous tient.

Par Irina Schrag Photos de Simon Gosselin

Au Théâtre national de Strasbourg, du 13 au 21 mars tns.fr Rencontre avec Wajdi Mouawad à la Librairie Kléber (Strasbourg), mardi 17 mars à 18h

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e succès de son cycle du Sang des Promesses fut tel dans le paysage du théâtre que son auteur se mit à fuir les attentes fondées en lui. Tragédien contemporain adulé, Wajdi Mouawad tenta de renouveler son langage théâtral pour se réinventer lui-même. Cela passait par un retour aux fondements de son amour pour l’art dramatique, ce Sophocle qu’il lut à 23 ans, « fasciné par son obsession à montrer comment le tragique tombe sur celui qui, aveuglé par lui-même, ne voit pas sa démesure ». Dans une introspec-

tion personnelle, « je m’interrogeais sur ce que je ne voyais pas de moi, sur ce que notre monde ne voit pas de lui, ce point aveugle qui pourrait, en se révélant, déchirer la trame de ma vie. » Hanté par les raisons de la douleur et de la violence, le destin qui nous saisit sans prévenir et traverse tous ses écrits. Le projet de monter les sept tragédies qui nous sont parvenues était une évidence. Le poète Robert Davreu l’accompagne dans cette aventure. Mais la mort le rappelle à ses côtés avant qu’il ait fini d’achever les nouvelles traductions de


Philoctète et Œdipe à Colone. De cette profonde tristesse le laissant orphelin de son ami, doublée d’une impasse artistique et d’une perte du sens de la vie, Wajdi Mouawad fait Inflammation du verbe vivre, spectacle en forme de voyage. Dans un jeu de dialogue et d’illusion entretenue par des effets sonores et visuels, il nous raconte ce matin de 2015 où Wahid, son double tourmenté en vidéo, débute cette histoire. Seul en scène devant un rideau de fils tendus, film plastique noir brillant au sol, Wajdi errera dans cet entre-deux symbolique entre vie et mort, plongeant dans les pérégrinations de Wahid sur les traces de Philoctète en entrant dans les images projetées avant de la quitter comme par magie tel un habile Méliès d’aujourd’hui. Avec son esprit cocasse habituel, il fait du public une grande communauté des morts qui l’accompagne dans ce chemin initiatique. Si la plongée dans les tourments intimes de l’artiste en quête de sens se double d’un road-movie dans la Grèce contemporaine à la recherche de lieux mythiques – une grotte à Lemnos, la traversée du Styx vers l’Hadès, aéroport en décrépitude totale –, la pièce nous raconte aussi, et peut-être mieux que jamais, Philoctète. Suspendu devant une image de hublot d’avion, comme plus tard dans la lucarne d’un rétroviseur, Wahid explique pourquoi il est ce grand héros grec. Sa nouvelle création, devenue impossible, est sa blessure et son impossibilité d’écrire le laisse seul sur son île. Métaphore de celui qui fut abandonné à son malheur sur Lemnos par ses compagnons d’arme. Dix ans de colère et de souffrances terribles suite à une morsure de serpent. Alors que la Guerre de Troie ne prend pas fin, un oracle prédit que la victoire viendra de l’arc offert par

Héraclès à Philoctète. Ulysse qui l’a abandonné, doit donc inventer un stratagème pour revenir sur l’île avec une ruse. Ce sera Néoptolème, un ado de 14 ans, fils d’Achille, chargé de réparer des événements qu’il n’a même pas connu. Vertige de ce dont chacun est le dépositaire, malgré lui. Des images de mouettes dans un ciel grondant en bord de mer aux airs de Theo Angelopoulos, à la montée au milieu des pages projetées de L’Odyssée lui intimant d’aller jusque dans l’Hadès, le voyage prend les formes de rituels de terre et d’eau, de ceux qui nous unissent aux vivants comme aux morts. Nos âmes-chiens y hurlent des vérités enfouies et les oiseaux de douleur infinie lézardent le ciel au-dessus de décharges formées par des monceaux de déchets plastique dignes de L’Île aux fleurs. Si le théâtre est une grimace des temps passés, la révolte déborde du temps présent. Au détour d’une image, les manifestations populaires dénoncent le sort réservé à la Grèce. Zeus et sa fille Athéna, déchus de cieux plombants, squattent une ruine d’immeuble ouvert aux quatre vents. Dans un élan rimbaldien, c’est auprès d’une jeunesse rageuse que notre héros se tourne, entre désir d’émancipation et de lutte pour ce qui compte vraiment : « Le propre de l’adolescence est de ne pas être raisonnable, on devient adulte lorsqu’on trahit ses rêves. » Le chemin de la résilience et de l’amour pouvait-il passer ailleurs que par un panthéon de poètes (Trakl, Zambrano, Borges, Labbé, Walser…) ? Ceux-là même qui inventent de quoi faire rire et émouvoir ici comme ailleurs, ceux qui sont et ne seront plus. Poly 229

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docteur jivaro Avec son titre-programme à rallonge – N’avons-nous pas autant besoin d’abeilles et de tritons crêtés que de liberté et de confiance ? – la nouvelle création de Pauline Ringeade ouvre un autre champ des possibles. Par Thomas Flagel Photo de la Cie L’Imaginarium

Au Taps Scala (Strasbourg), du 10 au 14 mars (dès 15 ans) taps.strasbourg.eu À L’Espace (Besançon), du 17 au 19 mars les2scenes.fr À La Méridienne (Lunéville), mercredi 1er avril lameridienne-luneville.fr Au Nouveau Relax (Chaumont), jeudi 12 novembre lenouveaurelax.fr Au Granit (Belfort), mardi 17 et mercredi 18 novembre legranit.org Au Centre culturel André Malraux (Vandœuvre-lèsNancy), jeudi 21 et vendredi 22 janvier 2021 centremalraux.com

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a commence quand l’futur ? Ce moment où l’on change les choses ? Deux questions qui s’imposent aux trentenaires comme Pauline Ringeade, forcés de réinventer leur rapport à la Terre, au vivant et aux espèces pour tenter d’endiguer la catastrophe qui se profile. Parmi les auteurs ayant nourri sa réflexion, la famille de penseurs inspirés par les travaux de l’anthropologue Philippe Descola dans les années 1970, du philosophe Baptiste Morizot (Manières d’être vivant, paru chez Actes Sud) aux BD d’Alessandro Pignocchi (La Recomposition des mondes, Seuil) et le touche-à-tout JeanClaude Ameisen. « Ils m’ont permis de sortir du paradigme nature / culture et de prendre conscience de la crise de relation que nous vivons entre sphères du vivant : humains, plantes, autres animaux », confie la metteuse en scène. Le point de départ de N’avons-nous pas autant besoin d’abeilles et de tritons crêtés que de liberté et de confiance ? vient d’un choc esthétique pour Ici, roman graphique de Richard McGuire : « Sa superposition des époques et du temps présent offre un vertige hypnotique » qui sert de base scé-

nographique. Elle reprend l’idée d’un décor intérieur immuable, un angle de maison avec une lucarne sur l’extérieur. Pas question pour autant « de jouer comme lui à l’invention d’un futur catastrophiste, ni de coller la cosmogonie de l’animisme Jivaro extrêmement drôle de Pignocchi », mais plutôt d’ouvrir un espace de perception poétique dans lequel existent différents lieux et temporalité durant la représentation. Cinq comédiens, venant de la danse comme du théâtre tentent de réinventer la notion “d’habiter” en nouant des relations nouvelles avec leur milieu. Entouré de quelques meubles, plantes et humains, l’espace mute et devient cabane avec l’irruption de matières brutes (bois, terre) décloisonnant le dehors et le dedans. Ce surgissement, loin de l’isolement du Walden de Thoreau, se joue dans l’interaction du corps des uns et des autres, dans une présence au monde contenant passé, présent et futur. Un autre monde possible, un rêve éveillé en forme de retour au premières amours chorégraphiques de celle qui avait dû laisser de côté la danse pour sa formation à l’École du Théâtre national de Strasbourg.



c’est arrivé près de chez vous Avec Girls and Boys de son auteur fétiche Dennis Kelly, Chloé Dabert signe sa première création à la tête de la Comédie de Reims. Un monologue reflétant la violence de notre société, jusque dans la cellule familiale. Par Thomas Flagel Photo de Bénédicte Cerutti par JeanLouis Fernandez

À La Comédie de Reims, du 11 au 20 mars lacomediedereims.fr Au Théâtre du Rond-Point (Paris), du 21 avril au 17 mai theatredurondpoint.fr

* Lire notre critique de la pièce dans Poly n°224 ou sur poly.fr

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itié et terreur. Un couple de sentiments qui sied comme un gant au dramaturge anglais Dennis Kelly, connu du grand public comme scénariste de la série Utopia. Après Orphelins * et L’Abattage rituel de Gorge Mastromas, Chloé Dabert s’attaque à Girls and Boys, récit à la première personne d’une femme revenant sur sa vie depuis qu’elle est tombée amoureuse d’un type dans la file d’attente d’un aéroport qui, pourtant, lui a tout de suite déplu. Avec une langue vivace, débordant d’humour cru et d’autodérision acerbe, elle livre en anecdotes les grandes lignes de l’idylle qui se noue, de l’admiration pour l’intelligence de son compagnon qui « fait des choses » et lui donne confiance jusqu’aux turbulences qui les menacent : son ambition à elle dans la production de films documentaires, leurs deux enfants à élever, le temps qui manque, la diminution des rapports sexuels, l’incompréhension mutuelle qui finit en conflit verbal larvé quand elle ne devient pas une guerre de tranchées où chacun campe sur ses positions. Ce qui pourrait paraître comme une énième satire à la mode de vies azimutées par les cadences modernes et l’impossible équation entre développement personnel, épanouissement et contraintes

vole littéralement en éclat sous la plume de Dennis Kelly. Il s’empare, comme souvent, d’une situation quotidienne et de personnages des plus ordinaires que la violence de notre époque et les rapports de domination viennent balayer jusqu’à faire trembler l’humanité dans laquelle notre espèce aime se parer. « Le monde dans lequel nous vivons déborde dans cette écriture très rythmique et technique aidant à mettre de la distance. Il fouille l’âme humaine sans manichéisme, cherchant à montrer les mécanismes de la manipulation. » Il y a ces enfants qui ne répondent jamais, ce mari dont nous ne connaitrons pas le point de vue… Autant d’indices au milieu de la fausse piste initiale des confidences sans fard de celle qui pourrait être une amie comme nous en connaissons tous. Au milieu du « porno de la douleur » des chaînes d’info, « on est juste tous des chimpanzés un peu bizarre » lâche-t-elle. Pulsions, instincts, violences extérieures polluent l’espace intime que Chloé Dabert « divise en deux : celui de la narration et celui, plus irréel, des enfants. Il est important de conserver du mystère pour ne pas déflorer les surprises et lectures possibles des événements que nous propose l’auteur. »



THÉÂTRE

espèce d’espèce Fruit de trois années de travail et de recherches, L’Expression du tigre face au moucheron, nouvelle création de Daria Lippi, sort de son cocon de Bataville pour voir le jour au NEST. Par Thomas Flagel Photos de Sébastien Leban

Au Théâtre en bois (Thionville), du 5 au 8 mars nest-theatre.fr À la Fabrique Autonome des Acteurs (Bataville / Moussey) dans le cadre du Festival des Antipodes du 12 au 14 juin  /fabriqueautonomedesacteurs

Lire notre reportage, Pas à pas dans Bata, autour de cette utopie théâtrale en marche en Lorraine dans Poly n°223 ou sur poly.fr 2 Lire l’essai de collapsologie signé Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, paru au Seuil (2015) 1

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our se mettre au niveau de Konrad Lorenz, Charles Darwin ou encore Maurice Maeterlinck – dont les textes nourrissent la pièce –, il fallait bien un titre aux airs de dazibao sentant la métaphore maoïste comme la sagesse populaire, entre moue dubitative et activation de la petite roue mettant en branle nos méninges occidentales. Ceux qui avaient pu découvrir les étapes de ce fascinant travail d’une douzaine de comédiens à la Fabrique Autonome des Acteurs1, conservent un souvenir ému de présences captivantes. L’Homme y est une espèce scrutée à la manière d’éthologues dans un renversement culturel de l’évolution qui touche autant à la biologie qu’à la cognition et aux pulsions primaires (sexuelle, violente…) régissant les rapports sociaux. Daria Lippi coud sur mesure un écrin de situations pour ses interprètes qu’elle pousse dans leurs retranchements. Loin, très loin de leurs habitudes. Les bâtiments industriels de l’ancienne cité-ouvrière de Bataville, qu’elle occupe sept mois par an, servaient de décor naturel, patiné par le temps et les rêves déchus de l’ancien fabricant de chaussures. La metteuse en scène y voit « un paysage de l’effondrement et de la pénurie 2, cette veine noire sous-jacente du spectacle, celle de la conscience du probable écroulement de nos sociétés thermo-industrielles mondialement interconnectées. » Sortant de sa zone de confort, elle « joue de variables et

d’aléatoire pour remettre de l’enjeu dans ce qui, seul, compte : la recherche fondamentale du jeu d’acteur. » Avec beaucoup d’humour, le public est activé, sa place bousculée, passant d’une position voyeuriste de visiteur de zoo suivant des guides à celle de témoin de luttes sociales et de joutes physiques sur un ring. L’enquête scientifique et expérimentale à l’œuvre nous relie à d’autres espèces desquelles apprendre l’entraide comme l’instinct de survie. Se retrouveront pêle-mêle, un bal en forme de milonga désespérée avec ses histoires de couple ambiguës, un petit plateau mobile où regarder les comédiens dans leur habitat naturel et un entracte aux atours de stands foireux pour machines bricolées. Chercheurs et spécimens se mélangent, espèces et comportements aussi dans un laboratoire géant où « les cobayes-acteurs quittent leur statut d’observé pour devenir des expérimentateurs plus ou moins sadiques ou respectueux du bien-être animal ». Entre chorégraphie soignée et plages d’improvisation encore en cours, les dernières semaines de création serviront à « compléter l’écriture de certaines scènes, notamment sur les figures des scientifiques pour ne pas se contenter d’en faire des satires », explique la comédienne Alice Vannier, ravie de « ce travail sur l’empathie et la cruauté, à la fois violent et drôle comme dans les films de Depleschin ».



MUSIQUE

l’homme à la gibson Des débuts difficiles aux tournées qui affichent complet, le plus rockeur des bluesmen français Paul Personne a tout connu. Rencontre au moment où il reprend la route avec Funambule (ou tentative de survie en milieu hostile).

Par Florent Lachèvre Photo de Yann Buisson

À La Laiterie (Strasbourg), vendredi 20 mars À La Rodia (Besançon), samedi 21 mars À La Vapeur (Dijon), dimanche 22 mars À L’Olympia (Paris), vendredi 27 mars et mercredi 24 juin À l’Espace Jean Ferrat (Longlaville), samedi 30 mai Au Motordays (Gérardmer), dimanche 31 mai paulpersonne.com

Édité chez Very Cords Records verygroup.fr

Bonjour Paul Personne, comment vous sentez-vous ? Je me sens très bien, excité par cette nouvelle tournée. “Personne” (rires), à chaque fois qu’on prononce mon nom d’artiste ça me fait sourire. J’ai choisi ce pseudo à une époque où la musique ne fonctionnait pas pour moi, alors que je ne ressentais que le besoin de m’exprimer avec ma guitare. J’ai toujours laissé une place importante à mon état d’esprit et à la musique. Celui qui n’était personne est devenu quelqu’un si je puis dire… mais c’est un peu tard aujourd’hui pour changer de costard ! Et “Paul Quelqu’un” ça sonne moins bien, non ? En chiffres, Paul Personne c’est trente ans de carrière solo, une vingtaine d’albums… Il vous arrive de vous retourner ? J’ai très rarement effectué de bilan. Et quand je l’ai fait, c’était en discutant avec un pote. Lorsque je remonte la machine, ce sont des sensations qui me reviennent. Des instants de vie, des moments sur scène et sur les routes avec ma Gibson Les Paul Gold top. Une chanson peut partir d’un mot, d’une mélodie ou d’une émotion que je suis en train de ressentir. J’essaie de rester le plus simple possible dans mes textes, c’est ce qui me donne une identité blues. Le rock vient de la folie de la gratte qui me possède. Est-ce la guitare qui vous a servi de balancier pour garder cet équilibre ? Pourtant vous aviez démarré la musique par la batterie… J’ai avancé avec la musique et les rêves. Prendre une gratte, une valoche et tout mettre

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dans une bagnole. Mon tout premier choc, ce fut Johnny Hallyday, en noir et blanc sur l’unique chaîne de mes parents dans les années 1960. Il chantait Laisse les filles avec une guitare, une veste en cuir et une chemise à franges. Il se roulait par terre en hurlant… C’était complètement dingue. Et puis il y eut les Beatles et les Stones. Mon premier réflexe : récupérer des boîtes de biscuits vides et taper dessus avec des cuillères et des spatules en bois. La guitare est venue ensuite, naturellement. Les sensations sont indescriptibles. C’est un prolongement de la main qui permet de s’exprimer avec une facilité déconcertante, même quant on n’est pas bon au début (rires). D’ailleurs, j’improvise souvent sur scène et ça ne se passe pas toujours bien ! Pourquoi ce sous-titre, Tentative de survie en milieu hostile ? Dans Chez Moi, je chante « Je vais souvent


voir ailleurs, exciter mes peurs […] et toujours partir, pour mieux revenir chez moi. » Chacun cherche un endroit stabilisant, même ceux qui, comme moi, aiment la route. Les villes m’agressent alors j’ai choisi de m’installer dans la campagne normande. Non pour trouver l’inspiration, que je trouve sur les routes et en partageant des moments de musique, mais pour m’occuper de ma chèvre Lili (rires)… et retrouver ma famille ! Rentrer chez moi, c’est faire grandir mon envie de repartir, comme aujourd’hui. J’aime aller à la rencontre des gens. J’ai beaucoup de chance d’être encore là. Ne pas être une idole m’a épargné. Ce que j’aime le plus pendant mes concerts, c’est retrouver des têtes, les reconnaître après toutes ces années au premier rang, à côté d’autres qui me

sont inconnues. Il y a un mélange des générations qui me fait dire que je ne suis pas qu’une ombre qui s’accroche. C’est cette liberté qui vous a conforté dans un choix d’indépendance ? Pour défendre ma musique, j’ai refusé des propositions de maisons de disques. Je n’ai jamais abandonné, même si ça a été difficile au début. Dans Karma je scande « Même pas peur, je t’aurais un jour. » Je ne fais pas pour plaire où répondre à des critères. Il faut croire que cette démarche sincère fait que j’ai aujourd’hui un public fidèle. Aujourd’hui, sans Johnny, comment un enfant peut-il avoir envie d’attraper une guitare et se

rouler par terre ? La guitare, comme d’autres instruments, fait partie du tout d’une chanson et de la sensibilité d’un artiste. Ça ne doit pas être qu’un déluge de notes sans âme. Quand le gars arrête de chanter, sa guitare doit faire le reste et prolonger ses paroles. Même si c’est imparfait. Surtout si c’est imparfait d’ailleurs… parce que la vie est comme ça ! Sur ton ordi, tu fais un clic et tu as tout à portée de main. Le désir, le chemin à parcourir pour avoir ce que l’on veut… C’est tout ça qui est intéressant. « Tu ferais mieux d’éteindre les écrans malsains, un minimum de JT ce serait bien, si tu veux t’enfuir pour oublier alors viens. »

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MUSIQUE

abîmes back Nous étions prévenus depuis l’émergence de la nouvelle vague du rap belge, scandée par Roméo Elvis, Bruxelles arrive ! Dans son sillon, Moka Boka se révèle avec Juste avant Kwami.

Par Florent Lachèvre Photo d’Adele Boterf

À L’Autre Canal (Nancy), vendredi 6 mars lautrecanalnancy.fr À La Laiterie (Strasbourg), samedi 7 mars artefact.org À La Boule Noire (Paris), vendredi 20 mars laboule-noire.fr

* Live vidéo d’artistes émergeants produit par la plateforme musicale berlinoise éponyme sur Internet

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epéré par De La Fuentes (producteur de Damso) – alias Krisy quand il rappe – puis propulsé grâce à une Colors Session* en 2018, l’étoile montante du hip-hop belge Moka Boka est annoncée en première partie de la tournée 2020 d’Oxmo Puccino. En « apprentissage dans l’industrie », son titre Heracles (2018), en featuring avec Swing (membre du groupe L’Or du Commun) forge son identité : instrus influencées par le rap US, synthé electro aux rythmiques reggae et impertinence du rock. La couleur des notes est donnée. La musicalité du Bruxellois ne se fixe aucune limite, oscille selon ses humeurs et thématiques (la valeur du travail, les femmes et la condition humaine). D’origine congolaise par son père, Moka Boka est confronté dès son plus jeune âge aux problématiques du métissage considéré comme « blanc pour les noirs et noir pour les blancs ». Il l’analyse aujourd’hui avec philosophie : « Mon père est noir, ma mère est blanche, mon cœur est bleu » écrit-il dans Nuage – titre produit dans le cadre du RedBull Music Festival 2019, qui le pousse sur le devant de la scène. La vie dépeinte dans ses textes est bercée d’obscurité, néanmoins

nécessaire pour apercevoir la lumière, métaphore de son précédent album Pas de Pluie, Pas de Fleurs. Dans son nouvel opus, entre l’egotrip Yeux doux et le rap conscient Anxiété, il se situe dans un art hybride et transgenre où l’honnêteté règne en maître. « Est-ce que Dieu m’aime fort ? (…) J’avance tout le temps vers le Nord ! Allez bouge-toi, bosse dure, bouge-toi ! » scande-t-il. Avec son flow et ses textes simples, l’artiste brise la solitude en portant une musique bienveillante et intelligente, à l’instar de MC Solaar, sa référence francophone. En attendant de trouver ses réponses, musicalité, voix et textes déraillent dans Tête qui tourne (Addiction), dans lequel il livre ses vices – entre alcools, drogues et femmes – dans une proposition envoûtante. L’album se termine avec Abîmes, outro aux sonorités mélancoliques qui conclut une proposition artistique complète, tant dans la variété des genres que dans les atmosphères des textes grâce à l’emploi d’un vocoder. « Quand j’ai mal je me déconnecte, ouais, c’est pas normal d’être si honnête, ouais » lâche-t-il, avant d’être volontairement inaudible. Vivement son retour à la surface.


Un bò bún sur le canap’ ?

est disponible sur


oui c’est ça Révélé en 2008, Caravan Palace revient avec Chronologic, son quatrième album qui accentue le virage electro du précédent. Précurseur d’un genre, le groupe conserve les sonorités vintage qui font sa patte. Par Florent Lachèvre Photo de Florent Drillon

Au Zénith (Paris), samedi 7 mars le-zenith.com À Den Atelier (Luxembourg), jeudi 19 mars atelier.lu À L’Autre Canal (Nancy), samedi 21 mars lautrecanalnancy.fr Au Kaufleuten (Zürich), vendredi 8 mai kaufleuten.ch caravanpalace.com

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e qui est à l’origine une bande de copains voulant faire du jazz manouche est devenu un grand de l’electro française. Arnaud (guitare), Hugues (violon) et Charles (contrebasse) – trio complété depuis par Antoine (machines) – associent la musique acoustique à l’électronique que chacun « nourrit au début par pur plaisir avec son synthé », s’amuse la chanteuse Zoé Colotis. Le point de départ ? La BO du pilote d’une émission pornographique rétro pour Canal qui n’aboutit pas en 2005. Qu’importe, le style atypique du groupe est né, associant swing et contemporain. Les retours positifs des premières compos les poussent à recruter une chanteuse. « Hugues a été sur Myspace et a recherché les mots clés chanteuse, electro et jazz et est arrivé sur mon profil… On s’est donné rendez-vous pour un bœuf à Paris. » Après avoir écumé les scènes des plus grands festivals (Coachella et Glastonbury), Caravan Palace assume une musicalité plus léchée amorcée dans <|°_°|>, son troisième opus. Une évolution de son « goût pour la production moderne et la musique dansante. Notre identité, c’est de mettre tout ce qu’on aime dans les chansons, des samples d’Audrey Hepburn aux sonorités jazz, synthé funk et voix rock, pour donner une couleur à l’album. » Cette liberté permet au groupe de se réinventer et de ralentir son tempo. Et on

le ressent dans ses titres novateurs comme Leena, qui rythme une musicalité saccadée digitale par des insertions sauvages de saxo et d’un contre chant féminin « oui c’est ça », fragments sensuels pour amorcer l’explosion des bpm. Supersonic arbore quant à lui une mélodie eighties et une voix rock saturée, inédite pour le groupe. Le titre dansant Plume a un parfum de summer hit plus assumé que Russian, son prédécesseur, et qui donne à voir tout le potentiel du groupe à se réinventer. Comme à son habitude, ce dernier se cache derrière la figure d’un robot qui, dans son traitement esthétique des clips et autres goodies, incarne son évolution musicale. « Dès le début, nous voulions garantir un certain anonymat aux membres et aux musiciens. Le choix de cette figure de proue allie le vintage du gramophone à la modernité technologique. » Devenu buste gréco-romain après avoir écouté des vinyles sur la pochette de l’album éponyme en 2008, il s’intègre dans l’histoire des arts. Parce que la musique est ancestrale, que les robots ont toujours existé (à en croire la SF), Caravan Palace ne s’obstine pas à s’inscrire dans son temps mais cherche à « jongler avec les époques comme un hommage à ses influences et pourquoi pas, en inventer de nouvelles – d’où Chronologic. »


MUSIQUE

let the wind blow Pour la 23e édition du Printemps des Bretelles, 18 lieux de la ville d’Illkirch-Graffenstaden sont investis et cadencés par l’accordéon.

Par Irene Picon Photo de Dubioza Kolektiv par Goran Lizdek Dans différents lieux d’IllkirchGraffenstaden, du 13 au 22 mars printempsdesbretelles.fr

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nergisant et vivant, comme le printemps » : pour Jérôme Potiés, nouveau directeur, depuis septembre dernier de ce Festival des Accordéons du monde, il s'agit d’un « événement singulier qui permet de décliner toutes les formes musicales et culturelles d’un instrument festif et populaire ». Les représentations y sont aussi variées, avec des bals où le tango est cadencé par le bandonéon du Cuarteto Rotterdam (20/03, Magic Mirrors placé sur le Forum de l’Ill). Ce rendez-vous familial l’est également pour ses artistes : Marcel Loeffler (21/03, L’Illiade), véritable star du Printemps des Bretelles, se présente cette année avec son fils Cédric. Membre de la communauté manouche alsacienne, il s’est distingué lors des précédentes éditions par des concerts aussi bien baroques que swing. La veille se produit le groupe barcelonais d’origine latino Che Sudaka, propulsé par Manu Chao avec lequel a été réalisé La Risa Bonita. Il sera sur scène avec le collectif folklorique bosnien Dubioza Kolektiv (20/03, L’Illiade), pour une rencontre entre Amérique du Sud et Europe de l’Est. Cette soirée autoproclamée fiesta popular promet d’être rythmée par les airs de cumbia, hip-hop et métal qui y sont fusionnés.

Avec 18 lieux investis, ce sont près de 90 concerts majoritairement gratuits, dont ceux du Printemps des Bretelles Off qui sont à découvrir. Comme le souligne Jérôme Potiés, cette version à entrée libre « permet de devenir un levier pour certains artistes amateurs ou émergents qui reviennent plus tard dans le In ». Les 80 groupes mobilisés permettent de « tenter de représenter tous les styles musicaux en faisant des paris ». Ce festival, qui distribue chaque année sa propre bière de la brasserie locale Perle, promeut « tout ce qui a un impact ou est impacté par l’accordéon ». Dans cette lignée, l’exposition Les Mains musicales (02-29/03, La Vill’A) – composée de photographies réalisées par Christophe Staudinger lors des dernières éditions – s’inspire du vers de Verlaine, qui écrit dans son recueil Parallèlement « Les mains ont leur caractère ». Omniprésent, le “piano à coulisse” devient lors de certaines soirées support de récit, comme le fait Philippe Meyer dans son apologie de Ma Radio – Histoire Amoureuse (15/03, L’Illiade), ou de théâtre avec la pièce pour enfants Fantôme (15/03, L’Illiade) proposée par la Compagnie des Ô.

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picorer la musique Avec Musiques Éclatées, Paul Clouvel organise une chasse aux trésors sonores ludique et gratuite dans le centre de Strasbourg. Par Florent Lachèvre Photo de Grégory Massat

Dans différents lieux de Strasbourg (Hôtels Graffalgar et BOMA, Église Saint-Pierre-leVieux, Embarcadère des Rohan, Galeries Lafayette, Librairie Kléber, Salon de l’Hôtel de Ville, Opéra, Palais du Rhin et Cathédrale), samedi 28 mars musiques-eclatees.fr

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l’origine, un constat : « Strasbourg est une ville musicale contemporaine riche de ses institutions et de sa position géographique. Malgré ses ensembles de qualité, il lui manquait une vitrine pour attirer la curiosité d’un nouveau public », témoigne Paul Clouvel, directeur artistique de Musiques Éclatées. Ce parcours d’une journée en dix concerts gratuits dans autant de points de la ville, met en lumière l’activité classique, jazz et contemporaine « mélangeant lieux institutionnels et endroits décalés. » Ainsi, des gens, qui « n’ont pas l’habitude d’aller à l’opéra », rencontrent une musique faisant irruption dans leur quotidien : « Je pense au Quatuor Ellius, ensemble de tubas, qui performera dans les Galeries Lafayette. Tous ne seront pas informés et il me tarde de découvrir les réactions parce qu’entre nous, un tuba ne passe pas inaperçu ! » Entre musiques populaires (La Vie en rose d’Édith Piaf), BO de films cultes et compositions originales, cette jeune formation un brin décalée, issue du Conservatoire de Strasbourg, valorise un instrument méconnu avec l’énergie qu’elle dégage ! Cette volonté d’éclater les représentations dans hôtels, églises, institutions,

librairie et bateau permet à chacun de tester « différents styles et expériences pendant une quarantaine de minutes, laissant la possibilité de se rendre au concert suivant », se réjouit-il. La présence d’Accroche Note, avec ses trente années de création contemporaine au compteur, ne fait pas d’ombre aux performeurs moins connus puisque l’association porte « un point d’honneur à ce que les “têtes d’affiches” n’aient pas le meilleur horaire, dans le meilleur lieu. » De la performance intimiste en chambre de Yui Sakagoshi d’à peine trente places à l’Hôtel Graffalgar, au concert de clôture du quatuor RE/SONO, pouvant accueillir plus de mille spectateurs dans la Cathédrale, « Musique Éclatées est un moment d’échange où la musique va à la rencontre du public. Les concerts piquent la curiosité des passants, qui sont appelés à aller et venir tout au long de la journée pour partager avec les artistes à la fin des représentations. » L’aspect ludique de l’événement en fait son charme et donne envie de découvrir cette harmonie forcée entre des genres codifiés et des environnements aux acoustiques indomptables.


other voices Festival rémois multifocal porté par Césaré, La Magnifique Avant-Garde se penche sur la voix pour son édition 2020.

Par Raphaël Zimmermann Portrait de Baa Box par Warm Canto

À Reims, dans différents lieux, du 28 mars au 5 avril cesare-cncm.com

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n des huit Centres nationaux de création musicale hexagonaux, Césaré a pour mission de favoriser l’émergence d’œuvres originales à la frontière des styles et des disciplines artistiques. Pour ce faire, il mène une politique active de résidence, de production et de transmission. Emblématique de son action, La Magnifique Avant-Garde est un événement dense et protéiforme « pensé comme un moment convivial de rencontres et d’échanges, qui résonnera dans différents lieux emblématiques de la ville », résume le directeur de l’institution Philippe Le Goff. Centré sur la voix et le bien-être – un terme à prendre dans son sens le plus large – son édition 2020 est riche de multiples propositions. Symbolique de la réflexion à l’œuvre est e s p a _, pièce de Yannick Guédon (28/03, Frac Champagne-Ardenne) où chanteurs et danseurs interprètent une double partition. La première est traditionnellement musicale et a cappella, tandis que la seconde est faite de placements et de déplacements. L’objectif étant de voir comment le spectateur peut écouter un lieu, puisque l’œuvre en révèle avec délicatesse les spécificités acoustiques. Autre moment fort, une soirée dédiée aux

musiques électroniques africaines (28/03, La Cartonnerie) avec les paysage sonores hypnotiques de l’égyptienne Nour Emam qui tutoient la musique concrète et la noise. Ils seront suivis du trio formé par les batteurs / performers Uriel Barthélémi et Omutaba autour d’une chanteuse de rap. Tout aussi expérimentales sont les installations immersives interactives de Mathieu Chamagne (Césaré, 26-29/03) : Volumes aborde la question du corps dans l’espace numérique en jouant avec différentes modélisations d’objets sonores, particules élémentaires de la musique électroacoustique. Enfin, impossible de ne pas citer une soirée en compagnie de Leïla Martial et de son trio Baa Box (04/04, Le Shed) : « C’est le cri de la chèvre en anglais, il ne cherche pas l’esthétique, il EST », explique celle qui a réuni les énergies d’Éric Perez (basse batterie, guitare, sampler) et Pierre Tereygeol (guitare, voix). Voilà sacré voyage entre hybridations electro, géniaux bidouillages vocaux et autres singulières associations de timbres. Le trio partage la scène avec l’intimité du duo piano / voix formé par Ève Risser et Naïny Diabaté. Poly 229

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des heures hindoues Point d’orgue du Festival Arsmondo 2020 dédié à l’Inde, la création mondiale d’Until the Lions fait écho au Mahabharata. Rencontre avec Thierry Pécou, compositeur de cet opéra.

Par Hervé Lévy Photo de Sophie Dupressoir pour Poly

À l’Opéra (Strasbourg), du 21 au 27 mars À La Filature (Mulhouse) dimanche 5 et mardi 7 avril operanationaldurhin.eu Rencontre avec l’équipe artistique à la BNU (Strasbourg), 20/03 (18h30) – bnu.fr Deux œuvres de Thierry Pécou, Manoa et Chö, un rituel tibétain qu’il interprète au piano seront données par Accroche Note (12/03, Opéra, Strasbourg) L’Orchestre symphonique de Mulhouse honore Thierry Pécou avec une œuvre pour trompette et orchestre, Soleil rouge (03 & 04/04, Église Saint-Étienne, Mulhouse), tandis que des musiciens de l’OSM interprètent son quatuor à cordes Fuga del son (29/03, La Filature, Mulhouse)

Lire La Musique du tout-monde dans Poly n°157 ou sur poly.fr Des orchestres où prédominent les instruments de percussion en bronze 3 Mode musical dans la musique indienne caractérisé par une structure déterminée, des ornements et un motif mélodique spécifiques et correspondant à un climat émotionnel 1

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u départ d’Until the Lions se trouve un texte épique et poétique de Karthika Naïr (2015). Librettiste de l’opéra, elle s’empare du Mahabharata, réécrivant l’épopée fondatrice de l’hindouisme vue par le regard de personnages périphériques, majoritairement des femmes. Ainsi Satyavati (incarnée par une comédienne sur scène), princesse déclassée car abandonnée toute petite et élevée par un pêcheur, narre-t-elle l’histoire. Ce n’est pas son mariage avec un roi qui change quelque chose. Bafouée par le système politique, elle doit lutter pour sa légitimité et celle de ses enfants, dont elle cherche à assurer la place sur le trône. Son regard et sa destinée se croisent avec celle d’Amba : duels, jeunes filles enlevées, mariages arrangés, amours secrètes, humiliations, colère incandescente, réincarnation et vengeance… Si l’action est foisonnante, l’histoire est intemporelle, faite de jeux de pouvoir et de relations amoureuses. Rien de nouveau sous le soleil depuis l’aube des temps. Monde Il semblait éminemment naturel qu’un compositeur comme Thierry Pécou1 s’empare de cette épopée. Chine ancienne, Grèce antique, Tibet éternel, Amérique précolombienne, immense et mystérieuse Amazonie… Son œuvre se nourrit de cultures éloignées dans l’espace et le temps, de ce “Tout-monde” d’Édouard Glissant désignant « notre univers tel qu’il change et perdure en échangeant et, en même temps, la “vision” que nous en avons ». Le compositeur aux racines antillaises a fait sienne cette définition du poète martiniquais, cherchant sans cesse à « dire le monde, c’est-à-dire à mieux connaître ses

musiques pour les retraduire avec les éléments de mon langage et les instruments de l’orchestre traditionnel. » Et de compléter : « Je me considère comme un témoin de mon temps, de ce que Glissant appelle la “mondialité”, cette capacité à écrire et composer en présence de toutes les influences possibles, à se laisser traverser par elles et à en faire son miel. C’est un enrichissement qui s’oppose à la mondialisation qui n’est qu’appauvrissement et uniformisation. » Inde Pour mettre en musique ces Échos du Mahabharata, où « s’efface la voix du patriarcat au profit de celle des éternelles dominées », Thierry Pécou s’est tourné vers « les musiques


indiennes et plus généralement celles de toute l’Asie du Sud-Est. Je pense par exemple aux sonorités des gamelans indonésiens2 », résume-t-il. Mais point de pastiche ou d’exotisme ici : ces références sont « souterraines. Je retiens ainsi la sinuosité et la vitalité des lignes mélodiques des ragas 3 ou les modèles rigoureux, quasi géométriques d’organisation des orchestres de gongs. L’aspect rythmique de la pièce est ainsi dérivé des jeux numériques à l’œuvre dans les rythmiques indiennes. » Avec un orchestre traditionnel augmenté d’une guitare électrique (« en référence aux hard rock, histoire d’accentuer la teinte sombre, dure, de la partition »), le compositeur nous emporte dans une épopée universelle.

printemps indien Au fil des rendez-vous du pluridisciplinaire Festival Arsmondo de l’Opéra national du Rhin (01/03-08/04) de nombreuses facettes de la culture indienne seront à découvrir comme un hommage en cinq films à Satyajit Ray (Odyssée Strasbourg, 02/03-06/04). Au nombre des multiples lectures, citons celle d’extraits de Siddhartha de Hermann Hesse par Hanna Schygulla qui fut l’égérie de Fassbinder (09/03, Opéra, Strasbourg) ou celle de fragments du Dieu des petits riens d’Arundhati Roy par Valeria Bruni Tedeschi (16/03, Opéra, Strasbourg). Au menu également, l’exposition House of Love (01/03-08/04, Mamcs) présentant des clichés de nuit, entre réalité et fiction, signés Dayanita Singh ou un concert montrant comment l’Inde était vue par des compositeurs français comme Delibes, Bizet ou Massenet (17/03, Théâtre municipal, Colmar & 21/03, Opéra, Strasbourg). operanationaldurhin.eu Poly 229

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ma sorcière bien aimée À Nancy, puis Dijon, s’épanouit une nouvelle production éminemment politique d’Alcina de Haendel, mise en scène par Serena Sinigaglia. Visite sur l’île enchantée.

Par Hervé Lévy Maquette du décor signée Edoardo Sanchi

À l’Opéra national de Lorraine (Nancy), du 11 au 18 mars opera-national-lorraine.fr À l’Opéra de Dijon, du 15 au 17 avril opera-dijon.fr Cette mise en scène d’Alcina sera également présentée à l’Opéra national du Rhin en mai / juin 2021 operanationaldurhin.eu

Poème épique en italien écrit au début du XVIe siècle puisant aux sources des principaux cycles chevaleresques médiévaux 2 Directrice artistique du Teatro Ringhiera de Milan 1

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irtuoses en diable, les membres de la Cappella Mediterranea – et leur directeur musical Leonardo García Alarcón – que nous avions écoutés, admiratifs, il y a quelques mois à Bastille dans Les Indes galantes de Rameau, sont les interprètes idéaux de la pépite baroque qu’est Alcina de Haendel. Un personnage secondaire d’Orlando furioso (Roland furieux) de Ludovico Ariosto1 y est placé sous les feux des projecteurs, donnant son titre à l’opéra. Elle est une puissante sorcière, magicienne régnant sur une île dont le pouvoir, rappelant celui de Circé dans L’Odyssée, est de métamorphoser les hommes qu’elle attire en pierres ou en bêtes sauvages. Brûlant d’amour pour le chevalier Ruggiero, elle le retient captif, mais sa fiancée – déguisée en homme – vient pour tenter de le délivrer. Elle débarque sur l’île et la sœur d’Alcina, trompée par les apparences, craque pour ce qu’elle imagine être un beau garçon. Tel est le point de départ d’une intrigue abracadabrantesque où les sortilèges le disputent aux effets spéciaux (éclairs zébrant le ciel, métamorphose d’un homme en lion, etc.) pensées pour la machinerie ultra performante pour l’époque de Covent Garden, où l’œuvre fut créée en 1735.

Dans notre XXIe siècle « profane, marqué par le triomphe de la technologie, la seule magie que nous connaissons est celle des images qui n’ont de cesse de nous persuader et de nous séduire à travers un jeu de miroirs, nous réduisant à l’état de purs consommateurs. Monter Alcina aujourd’hui, c’est s’interroger sur l’effondrement éthique et humain de nos sociétés capitalistes soi-disant libres », explique la metteuse en scène Serena Sinigaglia2 qui livre une vision éminemment politique de l’œuvre de Haendel. C’est d’une lutte entre deux univers dont il s’agit, la sorcière apparaissant bien plus humaine que tous les autres protagonistes présentés comme civilisés. Et de poursuivre : « Alcina incarne une forme de résistance. Son monde est sensible, indomptable, anarchiste. Il s’oppose au monde conservateur, dévot et manichéen d’Atlante, dont est issu Ruggiero. Elle nous rappelle à la nature. Comme elle, la nature est à la fois belle et terrifiante. Et nous la détruisons, tout comme son royaume qui sera finalement anéanti. » Un royaume comme une métaphore de la situation d’une planète à bout de souffle ?


MUSIQUE

repin sans répit Le Concerto de Glazounov avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, puis un rendez-vous chambriste : voilà deux occasions de découvrir l’art délicat du violoniste Vadim Repin.

Par Hervé Lévy Photo de Gela Megrelidze

Au Palais de la Musique et des Congrès (Strasbourg), du 5 au 7 mars philharmonique.strasbourg.eu

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arement violoniste a fait sonner son instrument (le Stradivarius Rode de 1733) avec tant de sensibilité et de délicatesse : à l’âge de la maturité, Vadim Repin est incontestablement un des plus grands de la planète. Certains voient même en lui la réincarnation du mythique David Oïstrakh. Il est vrai qu’avec cette alliance de discipline absolue et de brillance, il s’en montre le digne héritier, conforme à l’image que s’en faisait l’immense Yehudi Menuhin qui déclarait : « Tout simplement le meilleur, le plus parfait des violonistes qu’il m’ait été donné d’entendre ». Avec l’OPS placé sous la direction de la coréenne Shiyeon Sung, le natif de Novossibirsk joue le Concerto de Glazounov (05 & 06/03), compositeur qui n’a certes pas la célébrité de son contemporain Tchaïkovski (dont sera donné, en clôture de concert la Symphonie n°4 nimbée de douleur et d’angoisse), mais dont le corpus se révèle passionnant, à l’image de cette partition complexe, où l’incandescence le dispute à la gaieté. Quelques influences folkloriques sont également perceptibles, notamment lorsque le violon se métamorphose en balalaïka : l’occasion pour le virtuose de briller et d’explorer la

profondeur d’une œuvre éminemment russe. Le voyage se poursuit avec un concert de musique de chambre (07/03) pour lequel Vadim Repin partage la scène du PMC avec ses compatriotes, le violoncelliste Alexander Kniazev et le pianiste Andrei Korobeinikov. Ensemble, ils donnent un programme 100% russe débutant par le Trio pour piano et cordes n°2 de Chostakovitch, page élégiaque de 1944 dédiée au musicologue Ivan Sollertinski. « C’était mon meilleur ami, le plus cher de tous. Je lui dois d’être devenu ce que je suis. Il va m’être incroyablement difficile de vivre sans lui. En raison de circonstances extérieures, nous ne nous sommes pas beaucoup vus ces dernières années, mais j’étais heureux de savoir qu’Ivan Ivanovitch vivait parmi nous, avec son intelligence pénétrante, sa conception du monde et son énergie. Sa mort m’a porté un terrible coup », écrit-il à sa veuve. C’est également un hommage que rend Tchaïkovski dans son Trio pour piano et cordes “à la mémoire d’un grand artiste”, comme un tombeau pour le pianiste Nikolaï Rubinstein dont il était très proche. Voilà pièce funèbre qui répond à la précédente dans sa puissante tristesse.

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happy Après Haydn, la Cité musicale de Metz consacre un nouveau temps fort à un autre compositeur majeur, Beethoven dont le 250e anniversaire est célébré cette année. On retrouvera une équipe de choc pour une intégrale de ses Trios en trois concerts (14 &15/03) avec le pianiste FrançoisFrédéric Guy, le violoniste Tedi Papavrami et le violoncelliste Xavier Phillips. Se déploie également le très original Baby Doll (13/03) où sa Symphonie n°7 est embarquée dans un fascinant voyage. Pour sa conceptrice, la metteuse en scène Marie-Ève Signeyrole, il s’agit d’un « objet symphonique et migratoire » où se mêlent texte, danse, vidéo et musique. Le spectateur suit l’épopée d’Hourria, une Érythréenne de 19 ans qui décide de gagner l’Europe. Voilà une traversée métissée placée sous le signe des violences faites aux femmes. L’Orchestre national de Metz, dirigé par David Reiland, y rencontre le clarinettiste klezmer Yom qui intègre et déforme des motifs de la partition pour les réorienter vers son propre univers. (H.L.) À L’Arsenal (Metz), du 13 au 15 mars citemusicale-metz.fr

dark blood Il s’agit d’une des œuvres les plus sanglantes du répertoire, où le meurtre génère le meurtre : le très shakespearien Macbeth de Verdi est présenté à l’Opéra de Dijon sous la baguette impétueuse de Sebastiano Rolli. À la mise en scène, Nicola Raab nous emporte dans un pays qui s’effondre, entre milices privées et guérilla urbaine dans les cités. Pour elle, la situation actuelle entre en résonance avec le propos très sombre de l’œuvre : « Des forces politiques engendrant la division, la guerre et les luttes de pouvoir, qui balayent d’un revers de la main la fine couche de bonnes manières, de civisme et de soi-disante civilisation qui nous sépare de la barbarie. 54

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Maquette des décors © Ashley Martin-Davis

Des mouvements et des développements qui se rapprochent chaque jour de ce sentiment de sécurité dans lequel nous nous berçons, une violence sourde que nous commençons à ressentir et percevoir tout autour de nous. » Elle installe l’action dans une réalité où l’individu ne compte plus, celle de notre monde avec réfugiés, sacs mortuaires, clôtures réputées infranchissables, pilotes de drones… (H.L.) À l’Opéra de Dijon, du 22 au 29 mars opera-dijon.fr Ateliers pour les enfants pendant les représentations (22 & 29/03)



EXPOSITION

Scène de rue (cadre) Old school

hors d’hajjaj Star de l’Art contemporain, Hassan Hajjaj expose au Manège quinze photos du Groupe acrobatique de Tanger.

Par Thomas Flagel

Dans le Hall du Manège (Reims), du 11 au 28 mars manege-reims.eu

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utodidacte, passé maître dans l’art de l’agencement des motifs (rayures, pois, batiks…) comme des couleurs, l’artiste anglo-marocain Hassan Hajjaj ne se fixe aucune limite. Si le grand public le connait pour ses clichés clinquants, les centres d’art contemporains s’arrachent aussi son mobilier et ses objets. Son style s’ancre dans son continent d’origine, rappelant le travail de studio frontal comme l’art du portrait et des poses du grand Malick Sidibé, qu’Hassan Hajjaj revisite et dynamite de couleurs pop acidulées. Son amour de la mode et son inventivité ont ainsi conduit le Groupe acrobatique de Tanger à lui confier les costumes et l’univers visuel de leur spectacle FIQ ! (Réveille-toi  !), présenté au Manège rémois (13-15/03). Quinze tableaux bariolés pour autant de circassiens virtuoses arborant pantalons bouffants à pois

sur chaussettes de couleurs flashy, bandes de motifs vuitonnesques ou rayures toutes en longueur tranchant au milieu des tapis traditionnels et des murs de médina. Même DJ Key, qui signe la bande son originale du spectacle, se retrouve portraituré en casquette et babouches, vinyles rouges lévitant au-dessus des mains, magicien-prophète sonore au costume home-made. S’il y a du Warhol dans sa manière de réutiliser graphiquement les motifs des biens de consommation, cette critique à peine voilée de l’intrusion de la société marchande dans les questions de tradition et d’identité se double, dans d’autres séries, de l’orchestration d’un choc provocateur entre détournement du voile et icônes contemporaines gardant un pied dans chaque monde.


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créateurs de créatures À Toul, se croisent le geek art de Paul, alias Hector, et les êtres textiles étranges de sa mère, Françoise Sablons pour une exposition post-brut. Par Hervé Lévy Photo de Lucile Perron (Sauvages de Françoise Sablons)

À La Petite Boucherie (Toul), du 8 mars au 3 avril  /lapetiteboucherie.fr Françoise Sablons expose sa fresque monumentale de 25 mètres de long intitulée fresque Tarzan Parade à la Cathédrale de Toul (01/0820/09)

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ous avions laissé la famille Sablons au fin fond du Jura, au Vaudioux très précisément, minuscule village où mère et fils organisent chaque été, depuis 2002, des expositions dans leur galerie nommée Biz’Art-Biz’Art. Présentant essentiellement des œuvres d’art brut – signées, par exemple, du génial russe Sergey Bespamyatnykh – ils montrent également les leurs. Depuis la disparition de son époux Dominique en 2015, Françoise Sablons « n’arrive plus à dessiner, ni à peindre. Un blocage. Net », explique-t-elle. Exit donc ses bestioles post-pop à la complexion d’albâtre. Nouée à l’intérieur, elle crée des sculptures de cordes : en 2015 naissent les Sauvages, armada textile qui « renvoie à notre humanité première, mais aussi au besoin, exacerbé aujourd’hui, de dissimuler sa fragilité derrière des masques. » Évoquant des fétiches africains ou des statuettes primitives frustes venues du Néolithique, ils ont un air à la fois inquiétant et attirant : terne, terreux, leur silhouette asexuée les indifférencie, seuls leurs masques les individualise, indiquant leur statut d’êtres sociaux. Ils dialoguent avec les Ours faits de

cordages noircis au bitume, version vaguement inquiétante de nos doudous d’enfance. Leur noir mat et poudré capte la lumière avec force, tandis que leurs yeux, deux perles de verre biscornues, la réfléchissent avec élégance. En contrepoint, se déploient les œuvres de Paul Sablons, plus connu sous le pseudonyme d’Hector : encres sur papier aux rondeurs pop séduisantes et aux couleurs franches, et sculptures qu’il a nommées Cucus : « Quand je les ai créées, je me suis dit qu’on me ferait peut-être le reproche qu’elles sont “cucul la praline”, alors j’ai préféré mettre les pieds dans le plat de suite », s’amuse-t-il. Du bois découpé jaillit une silhouette reconnaissable au premier regard, avec ses grandes oreilles vaguement félines. Des centaines de personnages sont nés de la féconde imagination (et du travail précis et méticuleux) d’un artiste passionné par la mythologie et imprégné de culture geek. Se croisent figures chères aux enfants de toutes les époques (Casimir, Bécassine, Tarzan…), super-héros (Galactus, Wolverine, Elektra…) et autres icônes… jusqu’à Jésus !


will survive Depuis les années 1960, l’art de la tapisserie s’est émancipé de la peinture. Tisser la Modernité revient sur cette épopée en réunissant une vingtaine d’œuvres marquantes. Par Irene Picon Photo de Dorine Maillot, à gauche Marius Prassinos, Les habitats du ciel ©Succession Marius Prassinos / Adagp, Paris (2020) et à droite Jean Lurçat, Le Ciel © Fondation Lurçat / Adagp, Paris (2020)

Au Musée du Château des Ducs de Wurtemberg (Montbéliard), jusqu’au 5 avril musees-franchecomte.com

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eux créations de grand format signées Jean Lurçat accueillent le public à Montbéliard : Le Ciel, aux tons jaune soleil et rouge vif sur fond noir et Amazonie, avec son décor végétal parsemé de papillons. Connu pour Le Chant du monde, sa réplique de La Tenture de l’Apocalypse d’Angers, l’artiste a transformé la tapisserie grâce à ses travaux de simplification des formes et de réduction de la palette de couleurs durant la première moitié du XXe siècle. À la même époque, des collectionneurs ont permis à cet art de ne pas tomber dans l’oubli, tout en conservant un lien inhérent à la peinture. C’est le cas de Marie Cuttoli qui commanda des œuvres à Braque, Matisse ou encore Picasso pour les faire retranscrire à la Manufacture d’Aubusson, tout comme Denise René avec Drakkar de Delaunay, dont le seul exemplaire tissé existant est exposé. Une révolution des couleurs et des matières Les années 1960 signent la consécration de cet art. L’installation ordonnée en 1964 par Malraux d’un Atelier de recherche et de création au Mobilier national permet à la “Nouvelle tapisserie” de se rénover tout en continuant de reproduire des tableaux. Au même

moment, Lurçat organise la première biennale dédiée à Lausanne. Poursuivi pendant plus de trente ans, ce rendez-vous international accueille de nombreux artistes comme Jagoda Buic (L’Oiseau de feu, hommage à Stravinsky) et Le Corbusier, qui concevait la tapisserie « comme un élément utile de la composition de l’architecture moderne et non comme un décor ». L’exemplaire original tissé de La Femme et le maréchal ferrant est l’une des pièces maîtresses de cette rétrospective. Définitivement indépendantes de la peinture, les œuvres postérieures plongent dans l’expérimentation et explorent davantage les couleurs et matériaux. La laine, qui a été longtemps la seule étoffe exploitée, est assemblée par Françoise Giannesini avec coton, velours, satin, toile et paillette dans son Faust en 1981. Jacques Monory approfondit pour sa part les couleurs dans son ouvrage monochrome Velvet Jungle n°1, représentant une femme entourée de fleurs, fruit d’un travail monumental : 940 jours de tissage de 45 bleus différents réalisés par deux lissiers. En conclusion, l’association VORTEX-X présente une œuvre composée de bandelettes synthétiques non tissées à partir de déchets industriels recyclés. Un écho sensibilisant aux prestigieux matériaux présentés auparavant qui modernise l’art de la tapisserie. Poly 229

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EXPOSITION

en chair et en os Sarah Jérôme joue des mots et des matières dans À la santé du serpent. Dessins, peintures et sculptures : elle confie « lier les textures, sujets ou couleurs comme dans un jeu de kyrielle ». Digne de l’univers du Demon with bowl de Damien Hirst, sa série intitulée Champ de pensées est une installation de têtes disposées au sol, comme des trouvailles archéologiques. Apaisés ou morts, ces visages de terre cuite semblent produire ou être produits par les tentacules et branches de coraux qui les ensevelissent. À côté, un corpus d’images extraites de plusieurs spectacles, dont Nelken de Pina Bausch. Ancienne danseuse, Sarah Jérôme désire ainsi « décontextualiser les actions représentées pour en repenser leurs interprétations ». Avoisinant les œuvres de Lee Bul, la façade d’armure fragmentée Surrender est pendue par des fils, telle une marionnette. Blanche de face et rouge sang de dos, cette sculpture de céramique cirée crée une illusion de chair qui humanise, mais fragilise la cuirasse. « Une analyse du corps comme d’un territoire à l’intérieur duquel il est à la fois l’outil principal et le sujet d’étude. » (I.P.) À l’Espace d’Art contemporain André Malraux (Colmar), jusqu’au 15 mars – colmar.fr Performance de l’artiste avec Ruppert Pupkin au Grillen (Colmar), 05/03 (19h30) grillen.fr – comedie-colmar.com

la forme fond Dix ans que la Galerie Radial, orchestrée par Frédéric Croizer, expose des artistes « aux techniques uniques pour qui le processus de création est constamment remis en question. » Dans Transparences, Jean-Daniel Salvat et Julius Weiland partagent l’espace avec des œuvres qui se font écho. D’un côté, le peintre scinde ses tableaux en deux parties égales­et applique les pigments d’un geste instinctif au revers d’un vinyle transparent, tendu sur un châssis. « Il ne nous dévoile pas les traces de la matière car la surface reste lisse mais détourne un support qui n’est pas prédestiné à être montré. » Le contraste des couleurs révèle la gémellité des toiles et oppose l’exigence – découpage millimétré et fond homogène – à l’expression de la trace intuitive. De l’autre, le travail du plasticien Julius Weiland qui contrôle le process : il place des morceaux de verre (soufflés ou récupérés) dans un moule, déterminant l’espace où tout se joue, avant de les fusionner dans un four – mais ne maîtrise pas les réactions des mouvements du verre qui fond. Jouant sur les volumes, il utilise différentes teintes pour changer notre « perception de l’espace et de la forme ». Son œuvre, entre amas de verre et maîtrise artisanale, dégage une énergie organique, naturelle et gracieuse. (F.L.) À Galerie Radial (Strasbourg), jusqu’au 7 mars radial-gallery.eu

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Julius Weiland, Untitled V, 2019



FESTIVAL

passage de crayons Terreau de la jeune pousse, Strasbourg se transforme en vitrine, sous le regard du maître Tomi, dans un événement réunissant les cinquièmes Rencontres de l’Illustration et les dix ans du Festival Central Vapeur.

Par Florent Lachèvre Photo des participants de l'édition 2019 par Marie Secher, illustrations de Marion Duval Toi-même (à gauche) et Céline Le Gouail, Grand sommet des micro-nations (à droite)

Les Rencontres de l’Illustration et le Festival Central Vapeur (Strasbourg), du 19 au 29 mars centralvapeur.org strasbourgillustration.eu Vernissage des Rencontres à la BNU et du Festival Central Vapeur au Garage Coop (Strasbourg), le jeudi 19 mars Exposition d’illustrations de Marion Duval sur le Quai des bateliers (Strasbourg), du 19 au 29 mars Exposition Ça vaut le détour, objets détournés de Tomi Ungerer et François Duconseille à Apollonia (Strasbourg), du 21 mars au 3 avril Central Vapeur s’expose aussi à Metz, Nancy et Chaumont

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n an que l’illustre Tomi Ungerer, père des Trois brigands et Jean de la Lune, a cassé sa mine. Les Rencontres de l’Illustration lui rendent hommage, lui qui a contribué à « faire de la région une terre riche de talents de par son rayonnement et les vocations qu’il a suscitées chez les jeunes, comme c’est le cas pour Marion Duval, à qui l’on doit la réinterprétation de l’univers de Tomi dans l’affiche de cette édition », assure Thérèse Willer, directrice du Musée consacré à l’artiste. De Tomi Ungerer à la jeune création peut-on lire sur l’affiche, comme un manifeste. Marion Duval, illustratrice diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg est honorée de l’avoir « réalisé car il s’agit d’un événement majeur de l’illustration. Au delà de la visibilité, rendre hommage à ce géant qui m’a inspiré petite me permet de me sentir d’avantage impliquée dans la thématique de cette année. » Graphiquement, elle « valorise la jeune création portée par la montagne géant-brigand, donnant à voir un océan de nuages, symbole de réussite. Très précaire, cette jeune pousse a besoin d’être soutenue pour gravir cette montagne. Portée par Tomi, on se sent plus grand, mais souvent ça ne suffit pas » conclut-elle. Musées, bibliothèques, écoles et autres institutions déclinent et réinterprètent le travail de l’illustrateur dans

plus de trente lieux. Ainsi, les étudiants de la Haute École des Arts du Rhin proposent Vade Retro Tristanas, exposition née d’un workshop avec Pascal Leyder artiste belge, représentant l’état d’esprit d’une personne atteinte d’un handicap. Dessins, gravures et textiles, chaque illustrateur y développe sa technique contribuant à la naissance d’un style propre. Fêter l’illustration Les Rencontres et le Festival Central Vapeur ont pour objectif commun de « diversifier les genres représentés et de toucher différentes générations », appuie Fabien Texier, directeur de l’association Central Vapeur, qui a investi les locaux du Garage Coop. Que ce soit pour valoriser le patrimoine avec des expositions à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg et aux musées, ou la création artistique avec des ateliers et rencontres dans la ville, ils défendent un savoir-faire et un trésor culturel. À l’occasion des dix ans de l’association et des Éditions 2024, deux expositions, revenant sur les parcours de l’illustration indépendante, seront organisées : Le grand sommet des Micro-nations, dévoile à la BNU quarante-deux kakémonos représentant des drapeaux de nations imaginaires (comme le Royaume d’Irae), librement interprétés par


des illustrateurs et illustratrices ayant « contribué au rayonnement de Central Vapeur, à l’instar de Lisa Blumen, aujourd’hui lauréate du Prix UNICEF du livre jeunesse pour Gros Ours », indique Fabien Texier. La seconde retrace le parcours des Éditions 2024 proposant un labyrinthe interactif pour le parvis de Palais Rohan qui plonge l’espace public dans l’univers graphique des différents albums de ses auteurs. Si les Rencontres investissent pour la première fois les rues, la chasse aux trésors culturels se prolonge avec le lancement « d’un grand jeu en hommage à Tomi reliant les différents musées de la ville et permettant de collecter six pièces d’un puzzle qui, une fois réunies, donnent à voir un dessin des Trois brigands absent de l’album » annonce Thérèse Willer. Géant de papier Riche de ses talents, Central Vapeur porte un point d’honneur à « développer la défense de ce vivier d’illustrateurs. » Le festival de l’association établit « une programmation qui représente différentes tendances de l’illustration et formes de diffusion. Cela va du réseau indépendant dont le collectif

franco-belge Frémok est le parfait exemple, aux gros éditeurs comme Albin Michel » témoigne le programmateur artistique. Le Salon des Indépendants permet aux éditeurs, microéditeurs et collectifs invités de proposer un panorama des méthodes et supports existants tout en étant « un générateur de rencontres entre auteurs-illustrateurs et éditeurs et un moment d’échanges entre les acteurs de l’illustration et les passionnés. » Comme à chaque édition, le Dialogue de dessins, qui oppose cette année Frédérique Bertrand (New York en Pyjamarama, 2011) à Manon Debaye, et la Battlestar, bataille de dessins par équipe projetée en direct au cinéma Star, sont l’occasion de découvrir des performances festives dans un cadre inhabituel. Pour Fabien Texier, c’est une bonne chose que Central Vapeur et les Rencontres s’organisent à la même période pour « permettre de tirer vers le haut les deux événements. Les Rencontres bénéficient de la partie indépendante de l’illustration et de la notoriété de nos artistes invités et nous sommes découvert par un public qui n’a pas l’habitude d’être confrontés à différents styles graphiques. »

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belle époque Avec La Vie parisienne, le Musée des Beaux-Arts de Mulhouse expose les toiles de Léon Zeytline pour un voyage dans les Années folles pétillant comme une coupe de Champagne. Par Hervé Lévy

Au Musée des Beaux-Arts (Mulhouse), jusqu’au 17 mai musees-mulhouse.fr À l’occasion de cette exposition, le Musée modifie l’accrochage de ses collections permanentes pour présenter des œuvres sorties de ses réserves sur le thème de Paris

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e peintre d’origine russe Léon Zeytline (1885-1962) qui s’installa dans le Haut-Rhin dès 1925 y est surtout connu pour son œuvre tardif. Mais ce n’est pas à ces marines et autres paysages de neige que se consacre cette exposition permettant de découvrir un artiste fasciné par le Paris de la Belle Époque auquel il consacra plus de 500 huiles et aquarelles. De ce corpus est présentée une sélection d’une soixantaine d’œuvres, toutes issues de collections privées. On le voit s’y dégager du carcan de l’académisme réaliste du Groupe des Ambulants – puisqu’il fut l’élève de certains de ses membres comme Abram Arkhipov ou Alexeï Korine – pour glisser vers un post-impressionnisme élégant. Construite thématiquement, cette présentation est un voyage dans les arcanes de la ville Lumière. On y croise une mutine danseuse de cancan (Les Dessous chics où se dévoile bien plus que dans la chanson écrite par Gainsbourg) aux faux airs de pin-up fifties de Mel Ramos. Au fil des salles se déploient de multiples élégantes, charmants avatars de l’éternel féminin. Songeuse, le regard perdu dans le vide, l’une est assisse à la

terrasse d’un café, robe de dentelle et diadème dans les cheveux semblant attendre son chevalier servant (Rêverie, ci-dessus), tandis qu’une autre nous regarde dans les yeux, indifférente au vieux barbon avec qui elle finit de souper (Cabaret). Vêtue d’une robe bustier irradiant d’érotisme, la belle chapeautée comme à Ascot et gantée jusqu’au coude lance une œillade où la noblesse le dispute à la provoc’. C’est à une promenade encyclopédique dans la cité à laquelle nous somme conviés avec ses paysages urbains extrêmement animés (Trafic dense sur le Boulevard Montmartre ou Faubourg du Temple) dans lesquels l’influence de Monet est perceptible ou ses événements majeurs comme l’Exposition universelle de 1900. Le talent de Zeytline éclate aussi dans des saynètes du quotidien comme dans le très doux Petit violoniste et la dame aux fleurs ou À l’Ami Alfred. Dans cette composition, un couple – elle en robe chic, lui en costume blanc coiffé d’un canotier – sort d’un estaminet à la terrasse duquel deux hommes ventripotents vident des bocks. Comme un précipité de Paris, au début du XXe siècle.



les bohn, le brut et le vivant Par Christian Pion

Domaine Bohn 1 Chemin du Leh (Reichsfeld) domainebohn.com

Bourguignon, héritier spirituel d’une famille qui consacre sa vie au vin depuis trois générations, il partage avec nous ses découvertes, son enthousiasme et ses coups de gueule.

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nstallé dans la maison bâtie par le père de Bernard Bohn, où il œuvre avec son fils Arthur, le domaine ouvert sur les pentes abruptes du vignoble alentour cultive à part égal deux terroirs fort différents séparés par la Chernetz, rivière qui longe la seule route d’accès au village de Reichsfeld. En montant à gauche des grès roses d’origine volcanique, et à droite une des rares veines de schiste d’Alsace. Le paysage est grandiose, la forêt bien présente sur les hauteurs laisse progressivement place aux collines viticoles pentues aux rondeurs sensuelles. Les vignes sont conduites en bio, et la qualité du raisin est au cœur du travail des vignerons. Tisanes et purin d’orties, taille courte, vendanges manuelles, rendements maîtrisés, vinification naturelle sans intrants, élevage long en foudre : tout est en place pour stimuler l’expression du terroir et donner aux vins ce style singulier, digeste et salivant. Les crémants bruts à base de pinot noir et de chardonnay, vineux, fins et racés sont élevés longuement sur latte et dégorgés tous les six mois. Fraîcheur, complexité, bulles d’une belle finesse, une touche oxydative complexe et gastronomique en font de grands vins effervescents. Ah, le millésimé 2008 ! Les rieslings sur

schiste, du Schieferberg ou de l’Oberhagel, sont des vins au toucher de bouche singulier, assez atypique tant la minéralité exacerbée du terroir prend le dessus sur l’expression variétale du cépage. Douceur glissante d’une matière complexe et harmonieuse d’une salinité folle en fin de bouche. Les vins d’entrée de gamme sont de beaux canons de soif ! Les cuvées sont nombreuses grâce aux expérimentations de deux artistes variant les élevages avec des choix de bois originaux comme le châtaignier et l’acacia, les macérations en raisins entiers, l’utilisation de l’amphore. Père et fils se laissent une magnifique liberté d’exprimer leur personnalité et leurs idées les plus créatives. Une cuvée unique, hors des sentiers battus, associant plusieurs millésimes de riesling Oberhagel enthousiasme par son harmonie entre fruit et minéralité. Les pinots noirs ne sont pas en reste, magnifiquement alsaciens. Le Par Nathur, créé par Arthur, comporte deux tiers de grappes entières macérées pendant un mois. Il est pimpant et propose une bouche juteuse, craquante d’un fruit aux tanins très fins alors que celui de Bernard, Les Roches rouges, pinote et offre un fruit frais et éclatant. Que d’âme !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

À Reichsfeld, petit village viticole bas-rhinois, le Domaine Bohn développe une vision originale et novatrice du vin. Un éloge de la liberté au service de l’émotion.




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