N°235
MAI 2021
POLY.FR
MAGAZINE MAGAZIN
BRÈVES IN KÜRZE
THREE Les artistes travaillant dans la région frontalière entre Allemagne, France et Suisse peuvent déposer en ligne leur candidature à la Regionale 22 (jusqu’au 30/06). L’enjeu ? Être exposé dans l’une des 19 institutions participantes dès novembre. Künstler, die in der Grenzregion zwischen Deutschland, Frankreich und der Schweiz arbeiten, können online für die Regionale 22 (bis 30.06.) kandidieren. Das Ziel? In einer der 19 Institutionen ausgestellt zu werden, die ab November teilnehmen. regionale.org
Yael Bartana, Resurrection I-II, 2020 © Y. Bartana, VG Bild-Kunst, Bonn 2020, Courtesy Y. Bartana
GREEN 1 En prélude à la grande exposition State and Nature (ouverture en juin), la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden présente plusieurs œuvres dans l’espace public (jusqu’au 17/10). On découvre notamment Resurrection I-II de Yael Bartana. Als Vorspiel zur großen Ausstellung State and Nature (Eröffnung im Juni) präsentiert die Staatliche Kunsthalle Baden-Baden zahlreiche Werke im öffentlichen Raum (bis 17.10). Man entdeckt unter anderem Resurrection I-II von Yael Bartana. kunsthalle-baden-baden.de
Céline Manz, fold; Simulationisms, 2017–2019 / Le discours Die Rede, 2019/2020; Jacob Ott, B7, 2020; Anina Müller, Love Song, 2019. Kunsthaus BL. Photo : Gina Folly
GREEN 2
Olafur Eliasson, Life, 2021, vue d’installation, Courtesy of the artist; neugerriemschneider, Berlin; Tanya Bonakdar Gallery, New York / Los Angeles © 2021 Olafur Eliasson Photo: Mark Niedermann
« Un modèle de paysage futur. Un environnement accueillant » : voilà comment se présente Life à la Fondation Beyeler, à quelques encablures de Bâle, selon son auteur le plasticien Olafur Eliasson. À voir jusqu’en juillet, cette surprenante exposition / installation questionne la nature et la culture. Une réflexion salutaire faisant voler les conventions en éclats ! „Ein Modell zukünftiger Landschaften. Eine einladende Umwelt“: So präsentiert sich Life in der Fondation Beyeler, einen Steinwurf von Basel entfernt laut seinem Erschaffer, dem Künstler Olafur Eliasson. Diese überraschende Ausstellung/Installation, die bis Juli zu sehen ist hinterfragt Natur und Kultur. Eine heilsame Überlegung, die Konventionen sprengt! life.fondationbeyeler.ch
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Disco I © Michael Kerstgens / Hartmann Books
BRÈVES IN KÜRZE
PARIS CETTE ANNÉE-LÀ IN JENEM JAHR
Jürgen Nefzger, Bure ou la vie dans les bois, 2017
Le Patrimoine culturel mondial Völklinger Hütte (Völklingen) revient sur l’année 1986 (jusqu’au 28/11) qui fut aussi celle où la gigantesque usine stoppa sa production. Les clichés de Michael Kerstgens permettent un étrange retour vers le futur. Das Weltkulturerbe Völklinger Hütte (Völklingen) blickt auf das Jahr 1986 zurück (bis 28.11.), das auch jenes war, in dem die riesige Fabrik ihre Produktion beendete. Die Aufnahmen von Michael Kerstgens zeigen eine bizarre Rückkehr in die Zukunft. voelklinger-huette.org
Fondée en 1475, la Verrerie La Rochère (installée dans le village éponyme de Haute-Saône) s’est associée avec le studio de design global La Racine pour deux collections de mugs, tasses et verres : Flore rend hommage au célèbre café dans un style résolument Art déco et Parisienne célèbre le plus beau symbole de la ville lumière, la Tour Eiffel. Elle y est dessinée en pointillés à l’image du pétillant de bulles de champagne. Die 1475 gegründete Verrerie La Rochère (im gleichnamigen Dorf der Haute-Saône installiert) hat sich mit dem Designstudio La Racine für zwei Kollektionen von Bechern, Tassen und Gläsern zusammengetan: Flore erinnert an das berühmte Café im Stil der Art déco und Parisienne ehrt das berühmteste Symbol der Stadt des Lichts, den Eiffelturm. Er ist mit Pünktchen dargestellt, die an Champagner-Bläschen erinnern. larochere.com
Espace de référence pour la photographie, La Chambre (Strasbourg) fête son anniversaire en exposant 10 ans d’images (22-30/05). Un regard intro- et rétrospectif des plus passionnants. Il est accompagné d’une expo en plein air au Jardin des 2 Rives (22/05-27/06). Der Referenzraum für Photographie, La Chambre (Straßburg) feiert sein Jubiläum mit 10 Jahre in Bildern (22.-30.05.). Eine Intro-und Retrospektive, die begeistert. Sie wird begleitet von einer Ausstellung unter freiem Himmel im Garten der zwei Ufer (22.05.-27.06.). la-chambre.org
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Bonheur, Glück, 2012
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POWERFUL
YOUNG Destiné aux jeunes talents âgés de 12 à 25 ans, le festival Ici c’est Besac s’adresse aux gamers, youtubers, danseurs, rappeurs, riders… Pour gagner, chacun devra séduire des jurys composés d’influenceurs qui se prononceront à la fin du mois de mai (finale place de la Révolution, 28/08). Das Festival Ici c’est Besac für junge Talente zwischen 12 und 25 Jahren adressiert sich an Gamer, Youtuber, Tänzer, Rapper... Um zu gewinnen muss jeder die Jury aus Influencern überzeugen, die Ende Mai ihr Urteil fällen wird (Finale, Place de la Révolution, 28.08.). icicestbesac.fr
Lauréat de l’Oberrheinischer Kunstpreis, Peter Bosshart est exposé à la Städtische Galerie d’Offenbourg (jusqu’au 20/06, voir Poly n°232). Avec une palette de couleurs volontairement réduite, il peint des toiles d’une intense puissance. Souvent ironiques et bercées d’humour, ses compositions brocardent notre quotidien. On craque aussi pour des portraits d’un érotisme sourd ou des animaux errant dans un entre-deux onirique. Der Preisträger des Oberrheinischen Kunstpreises, Peter Bosshart wird in der Städtischen Galerie Offenburg ausgestellt (bis 20.06., siehe Poly Nr. 232). Mit einer bewusst reduzierten Farbpalette malt er Gemälde von intensiver Kraft. Oft ironisch und voller Humor verspotten seine Kompositionen unseren Alltag. Wir werden schwach für Portraits mit unbestimmter Erotik und Tiere, die durch Traumwelten irren. galerie-offenburg.de
© Kostas Maros
HOT D’une brûlante actualité, La Terre aux limites (Naturhistorisches Museum de Bâle, jusqu’au 03/07/2022, voir Poly n°234) dresse un état des lieux d’une planète au bord de l’asphyxie. L’exposition est construite en six parties correspondant à autant d’enjeux vitaux comme le réchauffement climatique. Höchst aktuell macht Erde am Limit (Naturhistorisches Museum Basel, bis 03.07.2022, siehe Poly Nr. 234) eine Bestandsaufnahme eines Planeten am Rande des Erstickens. Die sechsteilige Ausstellung behandelt ebenso viele Herausforderungen wie die Klimaerwärmung. nmb.bs.ch Poly 235
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Studio Kargah, Affiche pour l’exposition de Plakat für die Ausstellung der Noir Art Group
BUZZING Intitulée Viral – un thème d’actualité ! – la 3e édition de la Biennale internationale de design graphique aura lieu à Chaumont (27/05-26/09). Entre workshops et tables rondes, les expos consacrées au studio iranien Kargah et au travail poétique de la Strasbourgeoise Fanette Mellier sont à ne pas rater ! Mit dem Titel Viral – einem Thema von höchster Aktualität! – findet die 3. Biennale internationale de design graphique in Chaumont statt (27.05.26.09.). Zwischen Workshops und Gesprächsrunden, Ausstellungen die dem iranischen Studio Kargah oder der poetischen Arbeit der Straßburgerin Fanette Mellier gewidmet sind. centrenationaldugraphisme.fr
Gretel Weyer © Antoine Lejolivet / HEAR
© Peyman Pourhosein
BRÈVES IN KÜRZE
SECRET GARDEN En plein air, autour de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, se déploie Jardin public (jusqu’au 23/05). Une quinzaine de propositions artistiques sont réunies pour fêter le printemps et rendre l’art accessible au plus grand nombre ! Unter freiem Himmel rund um die Hochschule für dekorative Künste in Straßburg entfaltet sich Jardin public (bis 23.05.). Rund fünfzehn künstlerische Positionen feiern den Frühling und machen Kunst für alle zugänglich! hear.fr
EVIL DEVIL
Jérôme Zonder, Pierre-François #6, 2020. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris / Bruxelles
Inspirée d’une nouvelle d’Adelbert von Chamisso (L’Étrange histoire de Peter Schlemihl), l’exposition collective L’Homme gris, présentée au Casino Luxembourg (jusqu’au 06/06), explore les différents visages contemporains du diable. À rebours de ses représentations archétypales, les œuvres d’Andres Serrano, Jerôme Zonder ou encore Christine Borland dévoilent les multiples formes qu’il revêt dans nos sociétés postmodernes. Où il est question de la terrible banalité du mal. Die Gruppenausstellung L’Homme gris, die von einer Novelle von Adelbert von Chamisso inspiriert ist (Peter Schlemihls wundersame Geschichte) und im Casino Luxembourg (bis 06.06.) präsentiert wird, erkundet verschiedene zeitgenössische Gesichter des Teufels. Entgegen urtypischer Darstellungen enthüllen die Werke von Andres Serrano, Jerôme Zonder oder auch Christine Borland die zahlreichen Formen, die er in unseren postmodernen Gesellschaften annimmt. Es geht um die schreckliche Banalität des Bösen. casino-luxembourg.lu Poly 235
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OURS
Liste des collaborateurs d’un journal, d’une revue (Petit Robert) Liste aller Mitarbeiter einer Zeitschrift (Duden)
Thomas Flagel
Sarah Maria Krein
Théâtre des balkans, danse expérimentale, graffeurs sauvages, auteurs africains… Sa curiosité ne connaît pas de limites. Il nous fait partager ses découvertes dans Poly. Balkantheater, experimenteller Tanz, afrikanische Autoren... seine Neugierde ist grenzenlos !
Cette française de cœur qui vient d’outre-Rhin a plus d’un tour dans son sac : traduction, rédaction, corrections… Ajoutons “coaching des troupes en cas de coup de mou” pour compléter la liste des compétences de SMK. Diese Französin im Herzen ist mit allen Wassern gewaschen: Übersetzung, Redaktion, Korrektion... Fügen wir „Truppenmotivation im Falle von Durchhängern“ hinzu.
Ours de von Sophie Taeuber-Arp © Hervé Lévy DIRECTEUR DE LA PUBLICATION HERAUSGEBER Julien Schick julien.schick@bkn.fr RÉDACTEUR EN CHEF CHEFREDAKTEUR Hervé Lévy herve.levy@poly.fr LA RÉDACTION DIE REDAKTION Thomas Flagel thomas.flagel@poly.fr Suzi Vieira suzi.vieira@bkn.fr TRADUCTRICE ÜBERSETZERIN Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr
Julien Schick
Suzi Vieira
Il papote archi avec son copain Rudy, cherche des cèpes dans les forêts alsaciennes, se perd dans les sables de Namibie… Mais comment fait-il pour, en plus, diriger la publication de Poly ? Er plaudert mit seinem Freund Rudy über Architektur, sucht Morcheln in den elsässischen Wäldern. Aber wie schafft er es nebenbei Herausgeber von Poly zu sein?
Après Courrier international ou Books, elle pose ses valises à Poly. Intraitable avec les concepts, elle jongle avec les mots comme son homonyme le faisait avec les ballons à la Coupe du monde 1998. Nach Courrier international und Books, ist sie bei Poly angekommen. Unnachgiebig wenn es um Konzepte geht, spielt sie mit den Worten, wir ihr Homonym mit den Bällen bei der Fußballweltmeisterschaft 1998.
ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO HABEN AN DIESER AUSGABE TEILGENOMMEN Benoît Linder, Pierre Reichert, Emmanuel Schmitter & Raphaël Zimmermann STUDIO GRAPHIQUE GRAFIKSTUDIO Anaïs Guillon anais.guillon@bkn.fr DIGITAL François Agras webmaster@bkn.fr MAQUETTE LAYOUT Blãs Alonso-Garcia en partenariat avec l'équipe de Poly ADMINISTRATION & ABONNEMENTS GESCHÄFTSFÜHRUNG Mélissa Hufschmitt melissa.hufschmitt@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 30
Anaïs Guillon
Éric Meyer
Entre clics frénétiques et plaisanteries de baraque à frites, elle illumine le studio graphique de son rire atomique et maquette à la vitesse d’un Renault Captur lancée entre Strasbourg et Bietlenheim. Véridique ! Zwischen frenetischen Klicks und Wurstbuden-Humor erhellt sie das Graphik-Studio mit ihrem atomaren Lachen.
Ronchon et bon vivant. À son univers poétique d’objets en tôle amoureusement façonnés s’ajoute un autre, description acerbe et enlevée de notre monde contemporain. Miesepeter und Lebenskünstler. Zu seinem poetischen Universum von Objekten aus Blech kommt ein weiteres hinzu, die bissige und virtuose Beschreibung unserer zeitgenössischen Welt, die er graviert.
DIFFUSION VERTRIEB Vincent Bourgin vincent.bourgin@bkn.fr +33 (0)3 90 22 93 32 CONTACTS PUB ANZEIGENSCHALTUNG Julien Schick julien.schick@bkn.fr
Pierre Ledermann pierre@poly.fr
Sarah Krein sarah.krein@bkn.fr
Patrice Brogard patrice@poly.fr
BKN Éditeur & BKN Studio 16 rue Édouard Teutsch 67000 Strasbourg www.bkn.fr
Schicken Sie eine Email mit ihrer Anschrift an administration@bkn.fr
Magazine mensuel édité par BKN Dépôt légal : avril 2021 Impression : CE S.à.R.L. au capital de 100 000 € SIRET : 402 074 678 000 44 ISSN 1956-9130
Bitte überweisen Sie das Porto an folgende Bankdaten: Magazin POLY / Éditions BKN IBAN FR76 3008 7330 0100 0201 6510 123 BIC : CMCIFRPP 5 deutsch-französische Ausgaben 25€ 10 Poly 235 Mai 2021 11 Ausgaben (französisch + deutsch-französisch) 50€
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© Poly 2021 Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés. Tous droits de reproduction réservés. Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs.
SOMMAIRE INHALTSVERZEICHNIS
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18 Artiste rococo par excellence, François Boucher est célébré à Karlsruhe François Boucher, der Rokoko-Künstler par excellence, wird in Karlsruhe gefeiert 26 Sophie Taeuber-Arp : portrait d’une pionnière à Bâle Sophie Taeuber-Arp: Portrait einer Pionierin in Basel 28 Quand Arp dialogue avec Rodin à la Fondation Beyeler Wenn Arp in der Fondation Beyeler mit Rodin spricht
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30 À Colmar, Au nom du père retrace la trajectoire de Yan Pei-Ming In Colmar begibt sich Im Namen des Vaters auf die Spuren von Yan Pei-Ming , plus d’une langue, la Kunsthalle Mulhouse 32 Avec Qalqalah questionne le langage , plus d’une langue untersucht die Kunsthalle Mit Qalqalah Mulhouse die Sprache
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42 Big City Life explore la place de la ville dans la BD au Cartoonmuseum Big City Life erkundet den Platz der Stadt im Comic im Cartoonmuseum 46 Banksy envahit Bâle Banksy erobert Basel
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56 Au Saarländisches Staatstheater se déploie le sombre Macbeth Underworld, opéra de Pascal Dusapin Im Saarländischen Staatstheater entfaltet sich das düstere Macbeth Underworld, eine Oper von Pascal Dusapin 60 Nancy Opera Xperience #1 renouvelle le genre lyrique Nancy Opera Xperience #1 erneuert das lyrische Genre
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62 Le TNS accueille le somptueux Mithridate monté par Éric Vigner Das TNS empfängt das prächtige Mithridate, inszeniert von Éric Vigner 64 Perspectives passe au digital Perspectives geht digitale Wege 66 Visite au Domaine Josmeyer, fleuron du vignoble alsacien Besuch auf dem Weingut Josmeyer, Flaggschiff des elsässischen Weinbaus
COUVERTURE TITELBILD Courtesy of Galerie Martel, Paris
Cet Urban Landscape (2007) de Lorenzo Mattotti trouve toute sa place dans l’exposition Big City Life du Cartoonmuseum Basel (voir page 42). Message d’espoir, il incarne aussi la renaissance de la vie après la pandémie et symbolise avec grâce le printemps. Diese Urban Landscape (2007) von Lorenzo Mattotti hat ihren Platz in der Ausstellung Big City Life im Cartoonmuseum Basel gefunden (siehe Seite 42). Ein Zeichen der Hoffnung, das das Wiederaufblühen des Lebens nach der Pandemie verkörpert und mit Anmut den Frühling symbolisiert. cartoonmuseum.ch – mattotti.com
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ÉDITO
a question of lust L E
Par Von Hervé Lévy Illustration de von Éric Meyer pour für Poly
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es annonces se succèdent. Se télescopent. Se contredisent. Bateau ivre, le monde de la culture (sur)vit au rythme du virus depuis trop longtemps. À l’instant où ces lignes sont écrites, impossible de savoir ce qui va ouvrir, ni de connaître les modalités futures d’une visite dans un musée, d’une soirée au théâtre, voire d’un festival de rock. Impossible de savoir non plus qui va réussir à se sortir d’une situation économique de plus en plus complexe : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », pour reprendre le célèbre vers de La Fontaine. Dans ce brouillard, nous avons néanmoins fait à nouveau un pari un peu fou, celui de paraître, avec le soutien de nombreuses institutions. Ce qui semblait hier banal, apparaît aujourd’hui audacieux, car rien ne dit que, demain, le fragile rayon de soleil que nous apercevons ne se métamorphosera pas en nappe d’ombre. Mais foin de tristesse, de bile noire et autres saillies pessimistes avec un numéro en grande partie consacré aux expositions en Allemagne, France, Luxembourg et Suisse. Que ces pages vous transportent dans un monde d’envie et de bonheur, puisqu’il est bien entendu que la culture est aussi – et peut-être avant tout – une affaire de désir.
ine Ankündigung folgt auf die Andere. Sie kollidieren. Widersprechen sich. Wie ein Schiff in Seenot (über)lebt die Welt der Kultur seit zu langer Zeit im Rhythmus des Virus. Während wir diese Linien schreiben ist es unmöglich zu wissen, was aufmachen wird, wie in Zukunft die Bedingungen einer Museumsbesichtigung, eines Theaterbesuchs oder eines Rockkonzertes sein werden. Unmöglich zu wissen, wer eine wirtschaftliche Situation überstehen wird, die immer komplexer wird: „Nicht alle starben, aber alle waren betroffen“ schrieb schon La Fontaine. In diesem Nebel sind wir ein weiteres Mal eine verrückte Wette eingegangen, jene zu erscheinen, mit der Unterstützung zahlreicher Institutionen. Was gestern noch banal erschien, ist heute ein kühner Akt, denn es ist nie sicher ob der kleine Sonnenstrahl, den wir heute erblicken, morgen nicht von düsteren Wolken überdeckt wird. Aber keine Tristesse, keine Verbitterung und kein Pessimismus mit einer Ausgabe, die zu großen Teilen den Ausstellungen in Frankreich, Luxemburg und der Schweiz gewidmet ist. Diese Seiten sollen Sie beflügeln, in eine Welt der Lust und des Glücks tragen, denn natürlich ist die Kultur auch – und vielleicht vor allem anderen – eine Sache des Verlangens.
Christine Ott © Jean-Pierre Rosenkranz
NCY Milky Band © Louis Perruchaud
CHRONIQUES
SPACE ODISSEY
IN & OUT
MELANCHOLIA
Derrière Hotel Paradisio se cache un rappeur strasbourgeois nommé Antonin Atger. Son premier opus, Hollymoon, est une odyssée onirique et hallucinée dans l’espace intérieur de ce trentenaire biberonné à la Game Boy et aux animes d’Hayao Miyazaki. « Soleil jaune comme peroxyde, dans la matrice comme Keanu Reeves » (Zelda) : l’écriture cinématographique et la nonchalance du flow transportent successivement dans un western moderne, sous les palmiers d’une Californie de papier glacé ou dans un paysage de sapins enneigés. (S.V.) Hinter Hotel Paradisio versteckt sich ein Rapper aus Straßburg mit dem Namen Antonin Atger. Sein erstes Werk Hollymoon ist eine verträumte Odyssee voller Halluzinationen dieses Dreißigjährigen, der mit Gameboy und den Animationsfilmen von Hayao Miyazaki aufgewachsen ist. „Peroxid-gelbe Sonne, in der Matrix wie Keanu Reeves“ (Zelda): Die filmische Schreibweise und die Nonchalance des Flows transportieren in einen modernen Western, unter die Sonne des Kaliforniens aus Hochglanzmagazinen oder in Landschaften voller verschneiter Tannenbäume.
Lauréats du tremplin Nancy Jazz Up ! 2020, les quatre compères lorrains du NCY Milky Band poursuivent avec l’album Burn’IN, le chemin de traverse qui rend leur style impénétrablement séduisant. Oscillant entre jazz et soul, avec des rythmes hip hop et des notes d’electro, Louis Treffel (clavier), Antoine Léonardon (basse), Quentin Thomas (saxophone) et Paul Lefevre (batterie) projettent leurs auditeurs dans une impertinente et jouissive science-fiction sonique. Du jazz cosmique, et futuriste ! (S.V.) Als Preisträger des Nancy Jazz Up ! 2020 setzen die vier Kameraden der NCY Milky Band aus Nancy mit ihrem Album Burn’IN den Schleichweg fort, der ihren Stil so verführerisch macht. Hin und her schwankend zwischen Jazz und Soul mit Hip-Hop-Rhythmen und Elektronoten entführen Louis Treffel (Klavier), Antoine Léonardon (Bass), Quentin Thomas (Saxophon) und Paul Lefevre (Schlagzeug) ihre Zuhörer in eine freche und großartige Science-Fiction. Kosmischer und futuristischer Jazz!
Magnétique, superbe et douloureux. Time to Die, quatrième album de la compositrice et multi-instrumentiste strasbourgeoise Christine Ott s’écoute comme un voyage sensoriel aux confins d’un monde apocalyptique, où vivants et morts se côtoient. L’auditeur est happé par le travail sur les textures, le tourbillon des synthétiseurs, des cloches tubulaires et des Ondes Martenot, auxquels se mêlent le mugissement du vent, le fracas du tonnerre et le doux bruit de la pluie. Une œuvre méditative, intense. (S.V.) Magnetisch, wunderbar und schmerzhaft. Time to Die, das vierte Album der Komponistin und Multi-Instrumentalistin Christine Ott aus Straßburg hört sich an wie eine sensorielle Reise an die Grenzen einer apokalyptischen Welt, in der die Lebenden und die Toten miteinander verkehren. Der Zuhörer wird erfasst vom Strudel der Synthesizer, den schlauchartigen Glocken und den Ondes Martenot, die sich mit dem Getöse des Windes, dem Gepolter des Donners und dem zarten Geräusch des Regens mischen. Ein meditatives, intensives Werk.
Paru chez Erschienen bei ICONIC (9,99 €) pegasemusic.com
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Paru chez Erschienen bei BMM Records (14 €) blackmilkmusic.fr
Paru chez Erschienen bei Gizeh Records (15 €) gizehrecords.com
Les Métaboles © Elsa Laurent
Ludovic Tézier © Benoît Linder
CHRONIKEN
ANGEL FACES Depuis 2010, Les Métaboles creusent un exigeant sillon choral sous la houlette de Léo Warynski. Pour son nouvel opus intitulé The Angels, l’ensemble vocal installé à Colmar explore différentes modalités des sonorités séraphiques, jouant à saute-mouton avec les siècles. Les œuvres des XVIe et XVIIe siècle de Purcell, Byrd et Palestrina croisent ainsi celles, contemporaines, de Jonathan Harvey. L’auditeur est entraîné au cœur du mystère sacré dans de diaphanes polyphonies proposant une étonnante incursion céleste. (H.L.) Seit 2010 setzen Les Métaboles unter der Leitung von Léo Warynski neue Maßstäbe des Chors. Für sein neuestes Werk The Angels erkundet das Vokalensemble aus Colmar verschiedene Modalitäten der seraphischen Klänge und spielen Bockspringen mit den Jahrhunderten. Die Werke aus dem 16. und 17. Jahrhundert von Purcell, Byrd und Palestrina treffen auf die zeitgenössischen von Jonathan Harvey. Der Zuhörer wird ins Herz des heiligen Mysteriums mitgerissen, mit durchsichtigen Polyphonien, die einen erstaunlichen Ausflug in den Himmel bieten. Paru chez Erschienen bei NoMadMusic (15 €) nomadmusic.fr
PHANTASTICUS VENI, VIDI, VERDI Étroitement associé au festival Musique et Mémoire (alliant répertoire baroque et joyaux patrimoniaux des Vosges du Sud), l’ensemble lyonnais Les Timbres sort un opus dédié à Dietrich Buxtehude avec une intégrale de ses Sonates en Trio. Liberté grande, jubilation du stylus phantasticus et rigueur sonore sont au menu d’un CD plongeant dans les chatoiements volubiles du XVIIe siècle. Tout cela est inventif en diable et éminemment virtuose, violon, viole de gambe et clavecin s’en donnant à cœur joie. (H.L.) Das eng mit dem Festival Musique et Mémoire (das Barockrepertoire und Kulturerbe der Südvogesen vereint) verbundene Ensemble Les Timbres aus Lyon bring ein Dietrich Buxtehude gewidmetes Werk heraus, mit der Gesamtheit der Triosonaten. Große Freiheit und jubilierender Stylus Phantasticus stehen auf dem Programm einer CD, die in das redselige Schillern des 17. Jahrhunderts eintaucht. Das Ganze ist teuflisch einfallsreich und höchst virtuos, mit Geige, Gambe und Cembalo, die sich vergnügen. Paru chez Erschienen bei Flora (28 €) labelflora.net
Installé en Alsace, le baryton Ludovic Tézier est l’une des plus grandes voix de la planète. Il le prouve une fois encore avec un opus époustouflant consacré à Verdi gravé avec l’Orchestra del Teatro comunale di Bologna et Frédéric Chaslin. Les morceaux de bravoure succèdent aux airs cultes tirés de Rigoletto, La Traviata (quel Germont il fait !), Ernani, Un Ballo in maschera, etc. Caméléon génial, le chanteur se glisse avec élégance et impeccable diction dans les plis les plus délicats du répertoire verdien. (H.L.) Der im Elsass lebende Bariton Ludovic Tézier ist eine der größten Stimmen des Planeten. Er beweist dies wieder einmal mit einem atemberaubenden Werk, das Verdi gewidmet ist und mit dem Orchestra del Teatro comunale di Bologna und Frédéric Chaslin aufgenommen wurde. Bravourstücke folgen auf Kult-Arien aus Rigoletto, La Traviata (ein außergewöhnlicher Germont!), Ernani, Un Ballo in maschera, etc. Als geniales Chamäleon erkundet er mit Eleganz und tadelloser Diktion die schwierigsten Ecken des Verdi-Repertoires. Paru chez Erschienen bei Sony classical (16,99 €) sonyclassical.com
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EXPOSITION AUSSTELLUNG
venus was his name François Boucher est célébré à Karlsruhe par une rétrospective jetant une délicate lumière sur celui qui fut l’Artiste rococo par excellence. François Boucher wird in Karlsruhe in einer Retrospektive gefeiert, die ein zartes Licht auf jenen wirft, der der Künstler des Rokoko par excellence war.
Par Von Hervé Lévy
À la Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, jusqu’au 30 mai In der Staatlichen Kunsthalle Karlsruhe, bis zum 30. Mai kunsthalle-karlsruhe.de Visite guidée de l’exposition en ligne par Barbara Bauer, 21/05 (17h), gratuite, inscription : info@kunsthalle-karlsruhe.de
Légende Bildunterschrift 1. Madame Pompadour, 1756, Bayerische Staatsgemäldesammlung, Alte Pinakothek, München I Dauerleihgabe der Sammlung HypoVereinbank, Member of UniCredit
Citons notamment Degas (Poly n°173), Fragonard (Poly n°163) et Corot (Poly n°152). 2 D’abord cabinet de peinture des Margraves et des Grands-ducs, le fonds originel de la Staatliche Kunsthalle est né au début du XVIe siècle. La margravine CarolineLouise de Bade commanda à Boucher deux pastorales et acheta plusieurs de ses esquisses ainsi que six études au pastel. 1 Darunter insbesondere Degas (Poly Nr.173), Fragonard (Poly Nr.163) und Corot (Poly Nr.152). 2 Zunächst Gemäldekabinett der Markgrafen und Großherzoge ist die ursprüngliche Sammlung der Staatlichen Kunsthalle Anfang des 16. Jahrhunderts entstanden. Die Markgräfin Karoline-Luise von Baden gab bei Boucher zwei Pastorale in Auftrag, kaufte mehrere seiner Skizzen und sechs Pastell-Studien. 1
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ttachée à présenter des artistes français1, la Staatliche Kunsthalle Karlsruhe se concentre aujourd’hui sur l’œuvre de François Boucher (1703-1770), dont les liens avec l’institution allemande sont anciens2. S’ouvrant par une salle rappelant la genèse du style rococo, où sont montrés coquillages et autres nautiles dont les formes inspirèrent les créateurs de l’époque, l’exposition – riche de quelque 120 œuvres – est un voyage thématique explorant toutes les facettes de l’univers d’un homme surnommé “le premier peintre de Vénus”. La déesse est ainsi le sujet de plusieurs œuvres, dont une toile de 1742 où elle est voluptueusement alanguie, couvant des yeux Amour, putti potelé s’amusant avec un couple de colombes. Comme souvent, le jeu des regards est ici d’une grande subtilité. Une palette pleine de nuances délicates, un coup de pinceau d’une extrême légèreté, des attitudes aristocratiques et oisives, une sensualité sans cesse affleurante : Boucher glorifie les femmes avec raffinement. Les dessins préparatoires, exquises esquisses peintes et autres sanguines – avec de merveilleux nus couchés – l’illustrent avec maestria. Sujets mythologiques (avec en particulier une impressionnante tapisserie représentant Venus dans la forge de Vulcain, dont sont accrochés des cartons préparatoires) ou délicieuses scènes pastorales : l’art de François Boucher est éminemment gracieux. Peintre de la cour de Louis XV, il sait ainsi exalter la beauté et l’intelligence de Madame de Pompadour, dont sont présentés trois portraits. L’un d’eux, immense et saisissant, est une pièce mythique réalisée en 1756, conservée à l’Alte Pinakothek de Munich : étoffes précieuses et accessoires
luxueux font de la maîtresse en titre du Roi un parangon d’élégance à la française. Autre chefd’œuvre, La Toilette (1742) ressemble à une incursion dans un boudoir, où le regardeur se fait voyeur : une jeune femme à la chevelure poudrée ajuste sa jarretière devant sa camérière. L’ingénuité et l’humour – un chat jouant avec une pelote de laine – se mêlent dans un décor débordant de bibelots et de chinoiseries. La scène d’une intense préciosité est nimbée d’érotisme, puisque le visage mutin de la belle, dont une mouche – signe de passion – aimante le regard, est un appel à l’amour… Ces sentiments intemporels parlent au visiteur d’aujourd’hui, auquel l’exposition fait des clins d’œil avec quelques avatars contemporains de cette “rococo connection” : une soupière signée Cindy Sherman ou une installation interactive et immersive d’Elina Lukijanova. Dans Bloß ich, cette dernière traduit des éléments stylistiques de la fin du XVIIIe siècle en sons et parole, nous transportant dans un étonnant espace artistique.
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ie Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, der es wichtig ist, französische Künstler zu präsentieren1, konzentriert sich heute auf das Werk von François Boucher (1703-1770), zu dem die deutsche Institution eine lange Beziehung hat.2 Die Ausstellung – mit rund 120 Werken – die mit einem Saal eröffnet, der die Entstehung des Rokoko-Stils erläutert und Muscheln sowie Meeresmotive zeigt, die die damaligen Kunstschaffenden inspirierten, ist eine thematische Reise, die alle Facetten des Universums eines Mannes erkundet, dessen Spitzname „der größte Venus-Maler“ war. Die Göttin ist das Motiv mehrerer Werke, darunter eines Gemäldes von 1742, auf dem sie genüsslich Amor
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Onlineführung, „Humor und Ironie in den Werken Bouchers“, Dr. Astrid Reuter, 06.05. (19 Uhr) Onlineführung, „Künstlerische Idee und ihre Verbreitung : Reproduktionstechniken im 18. Jahrhundert“, Barbara Bauer, 20.05. (19 Uhr) Onlineführung, „Inspirierende Traumwelten oder geruhsame Langeweile? Bouchers ländliche Idyllen“, Dr. Astrid Reuter, 27.05. (19 Uhr) Kostenlos, Anmeldung unter info@kunsthalle-karlsruhe.de
Légende Bildunterschrift Berger et bergère Schäfer und Schäferin, 1760, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe
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betrachtet, eine pummelige Putte, die mit einem Taubenpaar spielt. Wie so oft ist das Spiel der Blicke hier sehr subtil. Eine Palette voller zarter Nuancen, ein extrem leichter Pinselstrich, aristokratische und müßige Haltungen, eine allgegenwärtige Sinnlichkeit: Boucher glorifiziert die Frauen mit Finesse. Die vorbereitenden Zeichnungen, exquisite gemalte Skizzen und Rötelzeichnungen – mit wunderbaren liegenden Akten – illustrieren dies auf meisterliche Weise. Mythologische Szenen (insbesondere mit einem beeindruckenden Wandteppich, der Venus in der Schmiede des Vulkan darstellt und von welchem die vorbereitenden Modelle gezeigt werden) oder reizende Pastorale: Die Kunst von François Boucher ist äußerst anmutig. So fängt er als Hofmaler von Louis XV. die Schönheit und Intelligenz der Madame de Pompadour ein, von welcher hier drei Portraits gezeigt werden. Eines darunter, riesig und ergreifend, ist ein legendäres Werk, das 1756 realisiert wurde und in der Alten Pinakothek in München konserviert wird: Wertvolle Stoffe und luxuriöse Accessoires machen aus
der offiziellen Maitresse des Königs einen Ausbund an französischer Eleganz. Ein weiteres Meisterwerk, La Toilette (1742) erinnert an ein Eindringen in ein Boudoir, bei dem der Betrachter zum Voyeur wird: Eine junge Frau mit gepudertem Haar fixiert ihr Strumpfband vor ihrer Kammerfrau. Natürlichkeit und Humor – eine Katze, die schelmisch mit einem Wollknäuel spielt – vermischen sich mit einem Dekor voller Nippes und chinesischer Kunstgegenstände. Über der Szene von intensiver Preziosität liegt ein Hauch von Erotik, denn der verschmitzte Ausdruck der Schönen, deren Mouche, ein Zeichen der Leidenschaft, den Blick einfängt, ist ein Aufruf zur Liebe... Diese zeitlosen Gefühle sprechen den Besucher von heute an, dem die Ausstellung einige Anspielungen mit zeitgenössischen Vertretern der „rococo connection“ bietet: Eine Suppenschüssel von Cindy Sherman oder eine interaktive Installation zum Eintauchen von Elina Lukijanova. In Bloß ich übersetzt diese die stilistischen Elemente vom Ende des 18. Jahrhunderts in Klänge und Texte, was uns in einen erstaunlichen künstlerischen Raum versetzt.
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la métamorphose de goethe Il y a 250 ans, Goethe séjournait à Strasbourg. Une exposition revient sur cette période féconde correspondant à L’Éveil d’un génie.
Par Hervé Lévy
Au Palais Rohan / Galerie Heitz (Strasbourg), jusqu’au 31 mai musees.strasbourg.eu
Légendes 1. Jean Jacques Prior, Architecture éphémère pour accueillir la dauphine, 1770, Strasbourg, Musée des Arts Décoratifs. Photo : M. Bertola/ Musées de Strasbourg 2. Jean-Laurent Goetz, Élévation de la cathédrale et des galeries Goetz, 1772, Fondation de l’Œuvre NotreDame. Photo : M. Bertola/Musées de Strasbourg 3. Georg Melchior Kraus, Portrait de Johann Wolfgang von Goethe, 1775-1776, Goethe National Museum © Sparkassen-Kulturstiftung Hessen-Thüringen
Avec Aude Therstappen de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg – bnu.fr 2 Fille du pasteur de Sessenheim dont Goethe tombe amoureux. Le poète compara ses sentiments à « une bombe lancée la nuit qui, par une ligne étincelante et à peine inclinée, monte se mêler aux étoiles, semble rester un instant au milieu d’elles, puis, en descendant, poursuit sa trajectoire en sens inverse et enfin porte la ruine au terme de sa course » 1
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n peu plus d’une année, entre avril 1770 et août 1771 : le temps passé par Johann Wolfgang Goethe à Strasbourg peut sembler court, mais ce « furent des mois décisifs. Ce séjour fit office de véritable catalyseur », résume l’un des deux commissaires de l’exposition, Florian Siffer1. Et le responsable du Cabinet des Estampes et des Dessins des Musées de poursuivre : « Un inconnu de 21 ans arrive dans la ville pour achever son cursus en droit et approfondir sa connaissance de la langue et de la culture françaises. Un homme qui sait ce qu’il veut devenir en repart. » Construit thématiquement, le parcours riche de 120 œuvres débute avec les rares traces laissées par le poète, comme la présence de son nom dans le registre d’inscription de l’Université en date du 18 avril 1770. Le visiteur découvre aussi les lieux où il vécut, l’Hôtel de l’Esprit (avec une charmante gravure de Benjamin Zix), désormais disparu, et sa chambre de la rue du Vieux-Marché-aux-Poissons. L’occasion est aussi donnée de plonger dans l’atmosphère d’une cité où s’épanouit alors l’artisanat d’art : c’est, par exemple, l’âge d’or des faïences de Strasbourg incarnées par la dynastie Hannong. La vie intellectuelle y est également florissante ; une galerie de portraits rend ainsi hommage à des figures comme l’historien Jean-Daniel Schoepflin ou le chimiste Jacob Reinbold Spielmann.
Parmi eux, figure en majesté, peint par Anton Graff, Johann Gottfried Herder, qui « peut être considéré comme le père spirituel de Goethe ». L’épisode du passage de Marie-Antoinette, le 7 mai 1770, allant rejoindre à Paris son époux Louis XVI – qu’elle n’avait encore jamais rencontré – est aussi largement évoqué. Cet événement impressionna vivement le jeune homme qui visita l’édifice éphémère destiné à accueillir la future reine, où était notamment accroché une tapisserie des Gobelins qu’il trouva de fort mauvais goût. Elle représente en effet les amoures tumultueuses et tragiques de Jason et Médée… Au fil des espaces se déploient les béguins de Goethe (avec le brouillon d’une lettre à Frédérique Brion2) et ses fascinations esthétiques. La plus importante d’entre-elles est évidemment la Cathédrale, qu’il considère comme la plus pure manifestation du génie germanique. C’est ici que mûrit son ouvrage De l’Architecture allemande (1772), hymne à la gloire d’Erwin von Steinbach : à côté de représentations du monument au XVIIIe siècle se déploie une époustouflante toile de Théophile Schuler. La visite s’achève avec les évocations postérieures du séjour de Goethe à Strasbourg, commémorations pleines de douceurs, à l’image des gravures d’Henri Bacher ou tentatives de récupération du IIIe Reich qui voulut lui dédier un Musée, histoire d’illustrer la germanité de l’Alsace.
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goethes metamorphose Vor 250 Jahren hielt sich Goethe in Straßburg auf. Eine Ausstellung blickt auf diese produktive Periode zurück, die das Erwachen eines genialen Geistes bedeutete.
Von Hervé Lévy
Im Palais Rohan / Galerie Heitz (Straßburg), bis zum 31. Mai musees.strasbourg.eu
Bildunterschriften 1. Jean Jacques Prior, Vergängliche Architektur zum Empfang der Kronprinzessin, 1770, Strasbourg, Musée des Arts Décoratifs. Photo : M. Bertola/Musées de Strasbourg 2. Jean-Laurent Goetz, Errichtung der Kathedrale und der Goetz-Galerien, 1772, Fondation de l’Œuvre Notre-Dame. Photo : M. Bertola/ Musées de Strasbourg 3. Georg Melchior Kraus, Portrait von Johann Wolfgang von Goethe, 1775-1776, Goethe National Museum © Sparkassen-Kulturstiftung Hessen-Thüringen
Gemeinsam mit Aude Therstappen von der Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg – bnu.fr 2 Tochter des Pfarrers von Sessenheim, in die sich Goethe verliebt. Der Dichter schreibt seine Gefühle seien „der nächtlich geworfenen Bombe zu vergleichen, die in einer sanften, glänzenden Linie aufsteigt, sich unter die Sterne mischt, ja einen Augenblick unter ihnen zu verweilen scheint, alsdann aber abwärts, zwar wieder dieselbe Bahn, nur umgekehrt, bezeichnet, und zuletzt da, wo sie ihren Lauf geendet, Verderben hinbringt“ 1
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in bisschen mehr als ein Jahr, zwischen April 1770 und August 1771: Die Zeit, die Johann Wolfgang Goethe in Straßburg verbrachte, kann kurz erscheinen, aber es „waren entscheidende Monate. Dieser Aufenthalt diente als echter Katalysator“, fasst einer der beiden Ausstellungskuratoren, Florian Siffer1, zusammen. Und der Verantwortliche des Kupferstichkabinetts der Museen fährt fort: „Ein Unbekannter von 21 Jahren kommt in die Stadt um sein Jurastudium fortzuführen und seine Kenntnis der französischen Sprache und Kultur zu vertiefen. Ein Mann, der weiß was er will, kehrt aus ihr zurück.“ Der thematisch gegliederte Rundgang mit rund 120 Werken beginnt mit den Spuren, die der Dichter hinterließ, wie der Präsenz seines Namens auf dem Einschreiberegister der Universität vom 18. April 1770. Der Besucher entdeckt auch den Ort, an dem er lebte, das Hôtel de l’Esprit (mit einer charmanten Gravur von Benjamin Zix), das heute verschwunden ist und sein Zimmer in der Rue du Vieux-Marché-aux-Poissons. Es wird auch die Gelegenheit geboten in die Atmosphäre einer Stadt einzutauchen, in der sich damals das Kunsthandwerk entfaltete: Es ist, zum Beispiel, die Blütezeit der Straßburger Fayence, die von der Hannong-Dynastie verkörpert wird. Auch das intellektuelle Leben ist intensiv, so ehrt eine Portrait-Reihe Persönlichkeiten wie den Historiker JeanDaniel Schoepflin oder den Chemiker Jacob Reinbold Spielmann. Zwischen ihnen thront
majestätisch Johann Gottfried Herder, gemalt von Anton Graff, der „als spiritueller Vater Goethes betrachtet werden kann“. Auch die Episode um die Durchreise von Marie-Antoinette am 7. Mai 1770, die auf dem Weg zu ihrem Ehegatten Ludwig XVI. in Paris ist – den sie bis dahin noch nicht getroffen hatte – wird ausführlich behandelt. Dieses Ereignis beeindruckte den jungen Mann zutiefst, der das vergängliche Gebäude besichtigte, das die zukünftige Königin empfangen sollte, in welchem unter anderem eine Gobelins-Tapisserie hing, die er geschmacklos fand. Sie stellt in der Tat die turbulente und tragische Liebe von Iason und Medea dar... Im Laufe der Räume entfalten sich Goethes Liebschaften (mit dem Entwurf eines Briefes an Frédérique Brion2) und seine ästhetischen Faszinationen. Die wichtigste unter ihnen ist natürlich die Kathedrale, die er als reinstes Manifest des germanischen Genies betrachtet. Hier reift sein Werk Von deutscher Baukunst (1772) heran, eine Hymne zu Ehren von Erwin von Steinbach: Neben Darstellungen des Monuments im 18. Jahrhundert wird ein atemberaubendes Gemälde von Théophile Schuler gezeigt. Der Besuch endet mit späteren Erwähnungen von Goethes Aufenthalt in Straßburg, Erinnerungen voller Zärtlichkeit, wie in den Gravuren von Henri Bacher, oder Aneignungsversuchen des Dritten Reichs, das ihm ein Museum widmen wollte um das Deutschtum des Elsass zu illustrieren. Poly 235
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from russia with love Entre influences françaises et évolution propre, le Museum Frieder Burda propose un voyage au cœur de L’Impressionnisme en Russie. Zwischen französischem Einfluss und eigener Entwicklung zeigt das Museum Frieder Burda eine Reise ins Herz des Impressionismus in Russland.
Par Von Hervé Lévy
Au Museum Frieder Burda (Baden-Baden), jusqu’au 15 août Im Museum Frieder Burda (Baden-Baden), bis zum 15. August museum-frieder-burda.de
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blouis, nombre de peintres russes découvrent l’impressionnisme à la fin du XIXe siècle grâce à des séjours en France, souvent financés par des bourses. Rassemblant quelque 70 toiles, cette exposition1 montre comment Monet, Pissarro et consorts influencèrent toute une génération… qui finit par transcender les canons du genre. Si la première salle regroupe des vues de la ville lumière réalisées sur place – à l’image du très joli Jour de carnaval à Paris (1900) de Nicolas Tarkhoff – se déploie par la suite un parcours thématique illustrant l’originalité d’un impressionnisme russe porté par des artistes qui surent se dégager de la gangue de l’académisme. Les motifs ne portent pas à confusion : une femme d’une
mélancolie toute tchekhovienne est portraiturée par Valentin Serov (En Été, 1895), tandis que des paysages typiques – avec leurs forêts de bouleaux – s’alignent, piquetés de datchas dont les intérieurs ruissellent de lumière comme chez Stanislav Joukovski (Véranda de la maison de campagne, vers 1907 /10). Le même réalise en 1915 une fascinante nature morte représentant une table parée pour la Pâques orthodoxe – œufs colorés, pashka2, etc. – dans un style évoquant clairement Manet. Si le pointillisme de Vladimir Bourliouk (Jeune fille au foulard jaune, 1915) est évidemment inspiré de Seurat, il en diffère néanmoins, dans la mesure où à chaque couleur est affecté un type de point différent.
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Pour certains, l’impressionnisme est une simple étape dans une trajectoire esthétique, un marchepied vers la radicalité : peu à peu, le motif se dissout dans la lumière et la couleur, comme dans l’extraordinaire Clair de lune (1905) de Nikolaï Mechtcherine. En témoigne l’évolution d’artistes comme Natalia Gontcharova ou Michel Larionov, pour qui la peinture de paysage fut un fécond terrain d’expérimentations : de la première éclatent les teintes fauves de Rives du fleuve au crépuscule (1907 / 08), tandis que le Jardin au printemps (1904) du second donne dans l’impressionisme, canal historique. Quelques années plus tard, l’une contribuera à fonder le rayonnisme (Paysage avec train, 1913) et l’autre voguera vers des rivages expressionnistes. Kasimir Malevitch est emblématique de ces métamorphoses à l’œuvre : c’est en effet de la source vive impressionniste que jailliront en quelque sorte ses fulgurances suprématistes. Une toile de 1917 intitulée Construction en dissolution (Trois arches sur un élément diagonal en blanc), combinant formes géométriques et couleur pures, clôture ainsi une exposition montrant aussi certaines de ses compositions antérieures3 rappelant qu’il fut un admirateur de Cézanne.
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asziniert entdecken zahlreiche russische Maler den Impressionismus Ende des 19. Jahrhunderts, dank Aufenthalten in Frankreich, die oft von Stipendien finanziert werden. Mit rund 70 Gemälden zeigt diese Ausstellung1 wie Monet, Pissarro und Konsorten eine ganze Generation beeinflusst haben... die schließlich über die Kanons des Genres hinauswächst. Der erste Saal versammelt Ansichten der Stadt des Lichts, die vor Ort realisiert wurden – insbesondere der sehr schöne Karnevalstag in Paris (1900) – von Nicolas Tarkhoff – bevor sich ein thematischer Rundgang entfaltet, der die Originalität eines russischen Impressionismus illustriert, welcher von Künstlern getragen wurde, die sich von der Verkrustung des Akademismus zu befreien wussten. Die Motive sind unverwechselbar: Eine Frau mit einer Melancholie à la Tschechow wurde von Walentin Serow (Im Sommer, 1895) portraitiert, während typische Landschaften – mit ihren Birkenwäldern – sich aneinanderreihen, gespickt von Datschen, deren Innenräume von Licht geflutet sind wie bei Stanislaw Shukowski (Veranda auf dem Landgut, um 1907/10). Derselbe realisiert 1915 ein faszinierendes StillLeben, das einen für das orthodoxe Osterfest dekorierten Tisch zeigt – bunte Eier, Pashka2, etc. – in einem Stil, der ganz klar an Manet erinnert. Auch wenn der Pointillismus von Wladimir Burljuk (Mädchen mit gelbem Tuch, 1915) klar von Seurat inspiriert ist, unterscheidet er sich nichtsdestotrotz, da jeder Farbe ein anderer Punkt-Typ zugeordnet ist. Für einige ist der Impressionismus eine einfache Etappe in einer ästhetischen Laufbahn, ein Trittbrett zur Radikalität: Nach und nach löst sich das Motiv in Licht und Farbe auf, wie in der außergewöhnlichen Mondnacht (1905) von Nikolai Meschtscherin. Davon zeugt die Entwicklung von Künstlern wie Natalija Gontscharowa oder Michail Lario-
2 Légendes Bildunterschriften 1. Nikolai Meschtscherin, Clair de lune Mondnacht, 1905, Staatliche Tretjakow-Galerie, Moskau 2. Ilja Repin, À la lisière du champs Auf dem Feldrain, 1879 © Staatliche Tretjakow-Galerie, Moskau
now, für die die Landschaftsmalerei ein fruchtbares Experimentierfeld war: Von Ersterer erstrahlen die fauvistischen Töne in Flussufer. Sonnenuntergang (1907/08), während der Garten im Frühling (1904) des Zweiten dem historischen Impressionismus folgt. Einige Jahre später, trägt die Eine zur Gründung des Rayonismus bei (Landschaft mit Zug, 1913) und der Andere landet an expressionistischen Ufern. Kasimir Malewitsch ist sinnbildlich für diese Metamorphosen: Aus der lebendigen impressionistischen Quelle werden in der Tat seine Geistesblitze des Suprematismus entspringen. Ein Gemälde von 1917 mit dem Titel Konstruktion in Auflösung (Drei Bögen auf diagonalem Element in Weiß), das geometrische Formen und reine Farben kombiniert, schließt so eine Ausstellung ab, die auch einige seiner vorherigen Kompositionen3 zeigt, welche daran erinnern, dass er ein Verehrer von Cézanne war. Fruit d’une coopération avec la Galerie Tretiakov de Moscou et le Musée Barberini de Potsdam Dessert crémeux à base de fromage frais, en forme de pyramide tronquée 3 Même si la datation n’est pas exacte, puisqu’il peignit pour une exposition rétrospective, à la fin des années 1920, une série de tableaux impressionnistes qu’il antidata 1
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Ergebnis einer Kooperation mit der Staatlichen Tretjakow-Galerie in Moskau und dem Museum Barberini in Postdam Cremiges Dessert auf Frischkäsebasis in Form einer Pyramide 3 Auch wenn die Datierung nicht exakt ist, da er für eine Retrospektive Ende der 1920er Jahre eine Serie von impressionistischen Bildern malte, die er vordatierte 1
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les choix de sophie Rassemblant plus de 250 œuvres, Abstraction vivante restitue la trajectoire de Sophie Taeuber-Arp, artiste pionnière et protéiforme.
sophies entscheidungen Mit mehr als 250 Werken rekonstruiert Gelebte Abstraktion den Lebensweg von Sophie Taeuber-Arp, einer vielschichtigen Pionierin der Kunst.
Par Von Hervé Lévy
Au Kunstmuseum Basel Neubau, jusqu’au 20 juin Im Kunstmuseum Basel Neubau, bis zum 20. Juni kunstmuseumbasel.ch
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ongtemps demeurée dans l’ombre de son célèbre époux, Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) est en pleine lumière avec cette ample rétrospective construite chronologiquement (réalisée en coopération avec le Museum of Modern Art de New York et la Tate de Londres). Elle montre l’incroyable diversité d’une création où est abolie la frontière entre les genres. Meubles d’une sobriété grande de la fin des années 1920, tapisseries, reliefs et bien d’autres médias encore se côtoient avec harmonie dans un parcours débutant juste avant la Première Guerre mondiale. Elle étudie alors à la Debschitz-Schule1 de Munich, imaginant bourses, colliers et autres housses de coussins où s’imbriquent les formes élémentaires – à rebours des motifs floraux alors en cour – dont les études aux
crayons de couleur ou à la gouache sont de surprenantes pièces abstraites pouvant faire figure de matrice pour l’œuvre postérieur. En 1918, l’artiste crée des marionnettes dada pour les représentations du Roi Cerf, où René Morax, adaptant une version du XVIIIe siècle de Carlo Gozzi, parodie la psychanalyse avec des personnages comme Freudanalytikus. Dans une vitrine flottent ces saisissantes créatures modernes en bois tourné. Pour Sophie Taeuber-Arp, l’abstraction est une expérience vécue (et appliquée au quotidien) : cette vision du monde éclate dans L’Aubette (1928), véritable « Chapelle Sixtine de l’art abstrait »2 à laquelle une importante salle est consacrée. Dans ce complexe de loisirs de Strasbourg, elle prit en charge le
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salon de thé, l’Aubette-bar et le foyer-bar 3. De cette aventure radicale témoignent des compositions où des aplats bleus, noirs et blancs s’ordonnancent avec rigueur, des photographies et des vitraux géométriques. La suite du parcours est une fascinante plongée dans l’avant-garde, permettant de découvrir la puissance formelle d’une artiste qui appartint au (bien nommé) groupe Cercle et Carré, puis à l’association Abstraction-Création, entretenant des liens avec le constructivisme. Appétence pour les couleurs pures, agencement rythmique des différentes formes dans des compositions jouant sur la dialectique équilibre / déséquilibre, espaces picturaux architecturés avec soin, Échelonnements ondulant avec élégance, dessins d’exil d’après 1940 dont les lignes multicolores sinuent jusqu’à l’obsession… Les œuvres de l’artiste répondent à une exigence oscillant entre jubilation et austérité : « Les formes, par leur sobriété, leur silence, leur façon de se suffire à elles-mêmes, invitent la main, si elle est adroite, à se servir du langage qui lui est propre et qui n’est souvent qu’un murmure », écrivit Kandinsky à propos de ses reliefs des années 1930.
tionen, die mit der Dialektik Ausgeglichenheit / Unausgeglichenheit spielen, sorgfältig ausgearbeitete Bildräume, Échelonnements, die elegant Wellen schlagen, Zeichnungen aus dem Exil nach 1940, durch die sich die bunten Linien bis zur Besessenheit schlängeln... Die Werke der Künstlerin antworten auf ein Wesen, das zwischen Jubel und Strenge hin und her schwankt: „Die Formen laden, durch ihre Schlichtheit, ihre Stille, ihre Art sich selbst zu genügen die Hand ein, wenn sie geschickt ist, sich ihrer eigenen Sprache zu bedienen, die oft nur ein Murmeln ist“, schrieb Kandinsky über ihre Reliefs aus den 1930er Jahren. Influencée par les idéaux du mouvement Arts & Crafts, la pédagogie de l’établissement insistait sur la proximité entre travail manuel et art, souhaitant proposer une alternative à la production industrielle sans âme 2 L’expression a été forgée par Hans Haug, fondateur et ancien directeur des Musées de Strasbourg 3 Jean Arp et Theo van Doesburg interviennent dans d’autres espaces 1 Von den Idealen der Arts & Crafts-Bewegung beeinflusst, legte die Pädagogik der Einrichtung Wert auf die Nähe zwischen manueller Arbeit und Kunst, um eine Alternative zur seelenlosen Industrieproduktion anzubieten 2 Der Ausdruck wurde von Hans Haug geprägt, dem Gründer und ehemaligen Direktor der Straßburger Museen 3 Jean Arp und Theo van Doesburg gestalteten weitere Räume 1
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achdem sie lange im Schatten ihres berühmten Mannes stand, steht Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) im Fokus dieser breitgefächerten Retrospektive, die chronologisch aufgebaut ist (realisiert in Kooperation mit dem Museum of Modern Art in New York und der Tate in London). Sie zeigt die unglaubliche Vielfalt einer Kreation, in der die Grenzen zwischen den Genres aufgehoben sind. Sehr nüchterne Möbel vom Ende der 1920er Jahre, Wandteppiche, Reliefs und viele andere Medien begegnen sich harmonisch in einem Rundgang, der direkt vor dem Ersten Weltkrieg beginnt. Sie studiert damals an der Debschitz-Schule1 in München, denkt sich Geldbeutel, Ketten oder Kissenbezüge aus, in denen sich elementare Formen verschachteln – ganz entgegen den damals modischen Blumenmotiven – deren Vorskizzen mit Buntstift oder Gouache überraschende abstrakte Werke sind, die eine Art Matrix für das spätere Werk darstellen können. Im Jahr 1918 kreiert die Künstlerin Dada-Marionetten für die Darbietung des König Hirsch, für den René Morax eine Version aus dem 18. Jahrhundert von Carlo Gozzi adaptiert, eine Parodie auf die Psychoanalyse mit Figuren wie Freudanalytikus. In einer Vitrine schweben ergreifende moderne Kreaturen aus gedrechseltem Holz. Für Sophie Taeuber-Arp ist die Abstraktion eine gelebte Erfahrung (die täglich angewandt wird): Diese Vision der Welt erschallt in L’Aubette (1928), einer echten „Sixtinischen Kapelle der abstrakten Kunst“2 , der ein großer Saal gewidmet ist. In diesem Gebäude in Straßburg kümmerte sie sich um die Teestube, die Aubette-Bar und die Foyer-Bar.3 Von diesem radikalen Abenteuer zeugen Kompositionen, in denen sich blaue, schwarze und weiße Flächen radikal anordnen, Photographien und geometrische Glasfenster. Der weitere Rundgang ist ein faszinierendes Eintauchen in die Avantgarde, das es erlaubt die formelle Kraft einer Künstlerin zu entdecken, die erst zur Gruppe Cercle et Carré gehört, dann zum Verein Abstraction-Création, der Verbindungen zum Konstruktivismus unterhält. Verlangen nach reinen Farben, rhythmischem Aufbau verschiedener Formen in Komposi-
2 Légendes Bildunterschriften 1. Composition avec cercles et demi-cercles Komposition mit Kreisen und Halbkreisen, 1938, Arp Museum Bahnhof Rolandseck, Remagen 2. Marionette pour le Roi Cerf für König Hirsch, 1918, Museum für Gestaltung, Zürcher Hochschule der Künste, Kunstgewerbesammlung, Courtesy Umberto Romito, Ivan Suta
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attractions Avec un corpus de quelque 110 pièces, la Fondation Beyeler installe un captivant dialogue entre deux icônes dans Rodin / Arp. Mit einem Korpus von rund 110 Werken stellt die Fondation Beyeler einen faszinierenden Dialog zwischen den Ikonen Rodin / Arp her.
Par Von Hervé Lévy
À la Fondation Beyeler (Riehen / Bâle), jusqu’au 16 mai In der Fondation Beyeler (Riehen / Basel), bis zum 16. Mai fondationbeyeler.ch
Légendes Bildunterschriften 1. Auguste Rodin, Danseur Tänzer (Nijinski ?), 1912 (?), Musée Rodin, Paris, Inv. S.00890 Photo : Christian Baraja © Musée Rodin 2. Jean Arp, Étoile Stern, 1939, Musée Kröller-Müller, Otterlo © 2020, ProLitteris, Zurich Photo : Marjon Gemmeke
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e premier fut le grand dynamiteur de la sculpture du XIXe siècle. Le second, un des maîtres de l’abstraction du XXe. Se sont-ils rencontrés ? L’Histoire ne le dit pas, même si l’hypothèse est séduisante. Il n’en demeure pas moins que les œuvres – sculptures, mais aussi dessins, aquarelles, découpages… – d’Auguste Rodin (1840-1917) et de Jean Arp (1886-1966) ont beaucoup à se dire. Preuve en est apportée dans une présentation s’ouvrant par la confrontation XXL du célébrissime Penseur et de Ptolémée III, introduction symbolique d’un parcours thématique. Il débute avec Sculpture automatique (Hommage à Rodin) de 1938 dont les formes arrondies et déliées évoquent formellement une Femme accroupie des années 1900 lui faisant face. L’auteur des Bourgeois de Calais se voit aussi célébré par Arp dans un poème de 1952 : « Ses sculptures sont des échos de pérennité, / des baisers endormis / sur des mains de mort, / des méduses aux bottines vernies à boutons / du siècle des valses. » Au-delà de ce lien explicite, se déploient des relations plus subtiles, puisqu’on trouve chez les deux hommes des sources d’inspiration communes comme l’Enfer de La Divine Comédie de Dante. Les ombres se croisent, les amants damnés également. Enlacés dans un éternel Baiser de bronze ou de marbre chez Rodin, Paolo et Francesca sont représentés par un relief dada de bois, dans lequel « Arp réduit les figures à des contours extrêmement simples, réponse ironique à une interprétation pleine d’émotion, presque pompeuse », résume Raphaël Bouvier, commissaire de l’exposition. Un autre rapprochement se trouve dans le modus operandi d’artistes qui aimaient créer une composition en assemblant – dans un processus où le hasard est revendiqué – des éléments puisés dans un large répertoire de formes. Le rapport à la fragmentation y est
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essentiel : pour Rodin, il renvoie aux œuvres inachevées de Michel-Ange, permettant de ramener la figure humaine à son essence. « L’âme de la sculpture est dans le morceau », écrivait-il, ouvrant toute grande la porte de l’abstraction. Dans une salle à l’atmosphère saisissante, les torses bruts et sensuels, presque douloureux, de l’un, comme Iris, Messagère des Dieux, répondent ainsi à ceux de l’autre, lisses et polis, à l’image de Daphné. Au fil des salles et de ces confrontations / rapprochements – dessins érotiques, attrait commun pour la métamorphose ou association revendiquée du corps féminin à un vase – se devinent en filigrane les contours d’une vision du monde et de l’Art possédant de délicates attaches. Elle pourrait être toute entière résumée dans cette phrase de Rodin : « La vérité de mes figures, au lieu d’être superficielle, sembla s’épanouir du dedans au dehors comme la vie même. »
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er Erste war der große Sprenger der Skulptur des 19. Jahrhunderts. Der Zweite einer der Meister der Abstraktion des 20. Jahrhunderts. Haben Sie sich getroffen? Das überliefert die Geschichte nicht, selbst wenn die Hypothese verlockend klingt. Trotzdem haben sich die Werke – Skulpturen, aber auch Zeichnungen, Aquarelle, Collagen... – von Auguste Rodin (1840-1917) und Jean Arp (1886-1966) viel zu sagen. Der Beweis wird in einer Präsentation geliefert, die mit dem Aufeinandertreffen des berühmten Denkers und des Ptolemäus III eröffnet, einer symbolischen Einführung in einen thematischen Rundgang. Dieser beginnt mit der Automatischen Skulptur (Rodin gewidmet) von 1938 deren abgerundete flüssige Formen formell an eine Kauernde aus den 1900er Jahren erinnern, die ihr gegenübersteht. Der Autor der Bürger von Calais wird von Arp auch in einem Gedicht von 1952 geehrt: „Seine Skulpturen sind Widerhall von Jahresdauern, sind
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schlafende Küsse auf Totenhänden, sind Quallen mit Lackknopfstiefelchen des Walzerjahrhunderts.“ Neben dieser expliziten Verbindung entfalten sich subtilere Beziehungen, da man bei beiden Männern gemeinsame Inspirationsquellen wie die Hölle aus der Göttlichen Komödie von Dante findet. Schatten treffen ebenso aufeinander wie verdammte Liebende. In einem ewigen Kuss aus Bronze oder Marmor bei Rodin umschlungen, werden Paolo und Francesca auf einem Dada-Relief in Holz dargestellt „in welchem Arp die Figuren auf extrem einfache Konturen reduziert, als ironische Antwort auf eine Interpretation voller Emotion, die fast pompös wirkt“, fasst Raphaël Bouvier, der Kurator der Ausstellung, zusammen. Ein weitere Parallele ist im Modus Operandi der Künstler zu finden, die eine Komposition erstellen, indem sie – in einem bewusst zufälligen Prozess – Elemente aus einem großen Formen-Repertoire zusammensetzen. Die Haltung
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zur Gliederung ist dabei grundlegend: Für Rodin bezieht sie sich auf unvollendete Werke von Michelangelo, was das menschliche Antlitz auf das Wesentliche beschränkt. „Die Seele des Werkes befindet sich im Stück“, schrieb er und öffnete die Tür zur Abstraktion. In einem Saal mit einer ergreifenden Atmosphäre antworten die rohen, sinnlichen, fast schmerzhaften Torsi des Einen, wie Iris, Götterbotin auf die glatten und glänzenden des Anderen, wie Daphne. Im Laufe der Säle und der Gegenüberstellungen / Annäherungen – erotische Zeichnungen, gemeinsame Vorliebe für die Metamorphose oder bewusste Assoziation des weiblichen Körpers mit einer Vase – errät man die Konturen einer Sicht auf die Welt und die Kunst mit zarten Verbindungen. Man könnte sie mit folgendem Satz von Rodin zusammenfassen: „Die Wahrheit meiner Figuren ist nicht oberflächlich sondern scheint sich von Innen nach Außen zu entfalten, wie das Leben selbst.“
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fathers & son À Colmar, Au nom du père retrace avec élégance la trajectoire de Yan Pei-Ming, des représentations de Mao à un autoportrait au temps de la Covid-19. In Colmar zeichnet Im Namen des Vaters auf elegante Weise den Weg von Yan Pei-Ming nach, von den Mao-Darstellungen bis zu Selbstportraits in Zeiten des Coronavirus.
Par Von Hervé Lévy
Au Musée Unterlinden (Colmar), jusqu’au 6 septembre Im Musée Unterlinden (Colmar), bis zum 6. September musee-unterlinden.com yanpeiming.com Un cycle de conférences via Zoom est prévue avec Identité et humanisme chez Ming par Christian Besson (20/05), Yan Pei-Ming au Musée Unterlinden par Frédérique Goerig-Hergott (03/06) et Yan Pei-Ming : Le peintre le plus par Éric De Chassey (24/06)
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onservatrice en chef au Musée Unterlinden, Frédérique Goerig-Hergott souhaitait « une exposition à caractère rétrospectif balayant toute la carrière de Yan Pei-Ming (né en 1960) ». Mission accomplie avec un parcours débutant dans un cabinet intime où se déploient des dessins réalisés à Shanghai, autoportraits de la fin des années 1970 marqués des influences croisées de l’école française et du réalisme socialiste post-révolution culturelle. Après son diplôme aux Beaux-Arts de Dijon en 1986, l’artiste s’attache au sujet de Mao. Ses premières toiles s’emparent des codes
de la propagande pour mieux les faire voler en éclats : avec Col rouge (1987), le portrait grisé du Grand Timonier – rappelant certaines pièces de Gerhard Richter – voisine avec un idéogramme carmin vif. Peu à peu, l’artiste crée un univers où les portraits sont d’une expressivité hors du commun ; en cela il est l’anti-Warhol par excellence. Les visages semblent sourdre d’une glèbe pigmentaire, comme modelés ex nihilo avec violence dans des compositions monumentales à l’image d’un Portrait de Mao (1990). Après le père de la patrie, c’est le père biologique qui apparaît dans ses toiles immenses, décrit de toutes les manières possibles dans une série intitulée L’Homme le plus… Suivent des adjectifs (faible, paresseux, doux, respectable, etc.). Autre figure paternelle, Bouddha traverse l’œuvre de Yan Pei-Ming, mais peu importe le sujet : l’artiste semble toujours s’intéresser à l’Homme dans sa globalité. Ses strates de peinture appliquées à grands coups de brosse sauvages composent des visages qui sont autant de paysages s’épanouissant dans de larges champs chromatiques explorant toutes les nuances du gris, du rouge plus rarement, voire du bleu. Illustrant cette universalité, Nom d’un chien ! Un jour parfait (2012) est un triptyque christique aérien, où l’artiste se représente en lévitation, sortant littéralement d’une couche de pigments grisâtre. Avec Pandémie (2020), réalisé spécialement pour l’exposition en écho au Retable d’Issenheim, il exprime « une angoisse qui est la nôtre aujourd’hui. C’est un “arrêt sur image” sur les temps que nous vivons », résume-t-il. Une lune blafarde se détache sur Légendes Bildunterschriften
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1. Ma mère Meine Mutter, 2018, Collection privée Privatsammlung, France. Photographie : Clérin-Morin © Yan Pei-Ming, ADAGP, Paris, 2020 2. Nom d’un chien, Un jour parfait !, 2012, Collection privée Privatsammlung. Photographie : Clérin-Morin © Yan Pei-Ming, ADAGP, Paris, 2020
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une plaine sombre où se devinent, lointains, les immeubles d’une cité HLM. Au premier plan, des corps dans des sacs mortuaires. Entassés. Prêts pour la fosse commune. Dans cette version apocalyptique d’Un Enterrement à Ornans de Courbet, l’artiste est là, en combinaison de protection, masqué, penché dans une pose rappelant celle des protagonistes de L’Angélus de Millet. Le visiteur est saisi. N’en ressort pas indemne, à peine rasséréné par la lueur d’espoir posée sur une coupole évoquant Saint-Pierre de Rome.
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ie Chefkuratorin im Musée Unterlinden, Frédérique Goerig-Hergott wollte „eine Ausstellung mit Retrospektiven-Charakter, die die gesamte Karriere von Yan Pei-Ming (geboren 1960) umfasst“. Mission geglückt mit einem Rundgang, der in einem intimen Kabinett beginnt, in dem sich in Shanghai realisierte Zeichnungen ausbreiten, Selbstportraits vom Ende der 1970er Jahre, die vom kombinierten Einfluss der französischen Schule und dem sozialistischen Realismus nach der Kulturrevolution geprägt sind. Nach seinem Diplom an der Kunsthochschule von Dijon im Jahr 1986 befasst sich der Künstler mit dem Thema Mao. Seine ersten Gemälde nehmen die Codes der Propaganda auf, um diese noch besser zu sprengen: Mit Roter Kragen (1987), steht das schraffierte Portrait des Großen Steuermanns – das an einige Werke von Gerhard Richter erinnert – neben einem knallroten Ideogramm. Nach und nach erschafft der Künstler ein Universum in dem die Portraits außergewöhnlich ausdrucksstark sind ; darin ist er der Anti-Warhol par excellence. Aus den Gesichtern scheint eine Pigment-Scholle herauszuquellen, wie aus dem Nichts, mit Gewalt modelliert, in monumentalen Kompositionen wie einem Portrait von Mao (1990).
Nach dem Vaterland ist es der biologische Vater, der in den riesigen Gemälden auftaucht, in allen möglichen Arten beschrieben als der Mann, der der.... je nach Adjektiv (schwächste, faulste, sanfteste, ehrbarste, etc.) ist. Eine andere väterliche Figur, Buddha, durchzieht das Werk von Yan Pei-Ming, aber egal welches Thema: Der Künstler scheint sich immer für den Menschen in seiner Gesamtheit zu interessieren. Seine Farbschichten, die mit großen wilden Bürstenstrichen aufgetragen sind, komponieren Gesichter, die wie Landschaften sind, in denen sich alle Nuancen von Grau, seltener Rot oder Blau entfalten. Diese Universalität wird illustriert von Nom d’un chien! Un jour parfait (2012) einem luftigen, christlichen Triptychon, in dem sich der Künstler in Levitation, aus einer Schicht von grauen Pigmenten aufsteigend, darstellt. Mit Pandémie (2020), das er speziell für die Ausstellung als Antwort auf den Isenheimer Altar realisiert hat, drückt er „eine Angst aus, die heute die unsrige ist. Es ist ein Standbild der Zeit, in der wir leben“, fasst er zusammen. Ein bleicher Mond hebt sich vor einer düsteren Ebene ab, in der Ferne erahnt man Gebäude des sozialen Wohnungsbaus. Im Vordergrund Körper in Leichensäcken. Aufeinandergestapelt. Fertig für das Massengrab. In dieser apokalyptischen Version des Begräbnisses in Ornans von Courbet ist der Künstler anwesend, in Schutzanzug, mit Maske, in einer Pose verharrend, die an die Protagonisten des Angelusläutens von Millet erinnert. Der Betrachter ist ergriffen. Verlässt die Ausstellung nicht unversehrt, kaum aufgeheitert von einem Hoffnungsschimmer, der auf einer Kuppel liegt, die an den Petersdom in Rom erinnert.
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toutes les voix du monde Avec Qalqalah , plus d’une langue, la Kunsthalle Mulhouse donne à voir et à entendre l’hybridité du langage et la plurivocité des êtres.
alle stimmen der welt Mit Qalqalah , plus d’une langue, macht die Kunsthalle Mulhouse die Hybridität der Sprache und die Mehrdeutigkeit der Wesen hör-und sichtbar.
Par Von Suzi Vieira Photos de von Sébastien Bozon / La Kunsthalle Mulhouse
À la Kunsthalle (Mulhouse), jusqu’au 22 mai In der Kunsthalle (Mulhouse), bis zum 22. Mai kunsthallemulhouse.com
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nta Omri. Tu es ma vie, en français. C’est au son de l’inébriant tube planétaire d’Oum Khaltoum, repris tout en murmures par l’artiste libanaise Mounira Al Solh, que le visiteur pénètre dans l’exposition. Interprétée dans différents dialectes, piquée de mots français ou anglais, la pièce sonore assène d’emblée cette vérité souvent oubliée : une langue est indissociable des corps qui l’habitent, la parlent et l’entendent, la lisent et l’écrivent, la chantent et la psalmodient, la traduisent et la modifient. Elle n’est jamais une entité figée, qui délimiterait une identité devenant la propriété des uns au détriment des autres. Français, arabe, anglais, alle-
mand… Les œuvres de la quinzaine d’artistes présents se font l’écho de langues mouvantes et hybrides, acquises et transformées au gré des histoires personnelles ou collectives, des enjeux politiques et des rapports de domination. Avec l’ambitieuse installation Conflicted Phonemes, Lawrence Abu Hamdan évoque le cas de demandeurs d’asile somaliens dont les autorités allemandes, belges ou néerlandaises analysent la voix et l’accent au moyen d’enregistrements téléphoniques afin d’établir s’ils viennent bien de zones à risque. Un dispositif qui ignore la plasticité fondamentale du langage, son évolution au fil des générations et des mouvements de population. Aidé de
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Légendes Bildunterschriften 1. institute for incongruous translation (Natascha Sadr Haghighian & Ashkan Sepahvand) avec mit Can Altay, seeing studies (détail de l’installation Detail der Installation), 2011, Courtesy of the artists 2. Mounira Al Solh, Sama’/ Ma’as (détail de l’installation Detail der Installation), 20142017 - Intervention graphique Graphische Intervention : Montasser Drissi, Courtesy of the artists and Galerie Sfeir-Semler 3. Fehras Publishing Practices, Lip-Sing for your Art! Bilingual Karaoke, 2020-2021, Production CRAC Occitanie, Courtesy of the artists
linguistes, le plasticien anglo-jordanien a produit des cartes montrant comment les transformations du langage et des intonations des ressortissants somaliens sont la conséquence directe d’événements historiques de la région, entre conflits armés, programmes éducatifs forcés et famines. La représentation en forme d’organigramme permet de percevoir avec une rare acuité la densité des interactions humaines et l’impossibilité radicale de réduire une voix à un espace ou une nationalité. Ce cheminement d’un idiome en constante (dé)formation / (re)construction est aussi au cœur du travail de la franco-marocaine Sara Ouhaddou, née dans une famille berbérophone et dont la sculpture Atlas (2) – Brun matérialise par l’empilement de blocs de marbres les différentes strates d’une langue longtemps demeurée orale (le tamazight) et à laquelle l’État marocain a finalement concédé un alphabet propre en 2011. De Second tongues, par la sino-canadienne Serena Lee, à Man schenkt keinen Hund de Christine Lemke et Achim Lengerer, en passant par le karaoké du collectif Fehras Publishing Practices ou la vidéo Retour à Genoa City du Français Benoît Grimalt, le visiteur est sans cesse renvoyé à la pluralité insoupçonnée des langues qui le façonnent et le traversent.
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nta Omri. „Du bist mein Leben“, in Deutsch. Zum Klang des berauschenden Welthits von Oum Khaltoum, der von der libanesischen Künstlerin Mounira Al Solh in Form von Gemurmel aufgenommen wurde, tritt der Besucher in die Ausstellung ein. In verschiedenen Dialekten interpretiert und mit französischen oder englischen Worten gespickt, verbreitet das Klangstück diese oft vergessene Wahrheit: Eine Sprache ist untrennbar verbunden mit den Körpern, die sie bewohnen, die sie sprechen und hören, lesen und schreiben, sie singen und herunterleiern, sie übersetzen und verändern. Sie ist nie ein starres Gebilde, das den einen eher gehört als den anderen. Französisch,
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Arabisch, Englisch, Deutsch... Die Werke der rund fünfzehn gezeigten Künstler sind ein Echo auf die sich bewegenden und hybriden Sprachen, die im Laufe von persönlichen oder kollektiven Geschichten, politischen Ereignissen oder Dominationsbeziehungen erlernt und weiterentwickelt wurden. Mit der ambitiösen Installation Conflicted Phonemes, erinnert Lawrence Abu Hamdan an den Fall der somalischen Asylsuchenden deren Stimmen und Akzente mithilfe von Telefon-Aufnahmen von den deutschen, belgischen oder niederländischen Autoritäten analysiert wurden, um festzustellen, ob sie auch wirklich aus einer Risikozone stammen. Ein Dispositiv, das die fundamentale Plastizität der Sprache ignoriert, ihre Entwicklung im Laufe der Generationen und der Bewegung der Bevölkerung. Mithilfe von Sprachwissenschaftlern hat der britisch-jordanische Bildhauer Karten gebaut, die zeigen, dass die Veränderung der Sprache und der Betonung der Somalier eine direkte Folge historischer Ereignisse in der Region, zwischen bewaffneten Konflikten, Zwangserziehung und Hungersnöten ist. Die Darstellung in Form von Organigrammen erlaubt es, mit einer seltenen Intensität die Dichte der menschlichen Interaktionen wahrzunehmen, sowie die radikale Unmöglichkeit, eine Stimme auf ein Gebiet oder eine Nationalität zu reduzieren. Die Entwicklung eines Idioms in konstanter (De)formation / (Re)konstruktion steht auch im Zentrum der Arbeit der Französisch-Marokkanerin Sara Ouhaddou, die in einer berberisch sprechenden Familie aufwuchs und deren Skulptur Atlas (2) – Brun durch Stapel aus Marmorblöcken die einzelnen Schichten einer Sprache abbildet, die lange mündlich überliefert wurde (tamazight) und der der marokkanische Staat erst 2011 ein eigenes Alphabet zugestand. Von Second tongues der chinesisch-kanadischen Serena Lee bis Man schenkt keinen Hund von Christine Lemke und Achim Lengerer, über das Karaoke des Kollektivs Fehras Publishing Practices oder das Video Retour à Genoa City des Franzosen Benoît Grimalt wird der Besucher ohne Unterlass auf die ungeahnte Pluralität der Sprachen zurückgeworfen, die ihn formen und durchqueren. Visite commentée avec les commissaires d’exposition disponible en ligne sur la chaîne Youtube du musée Laissez-vous conter l’exposition ! Visite privée au téléphone avec une médiatrice du centre d’art (du lundi au vendredi entre 13h et 15h). Gratuit, sur inscription Visites personnalisées, expériences sonores, performances et ateliers interactifs sont également programmés sur la radio web/FM ∏Node jusqu’au 22 mai — p-node.org
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in deep waters À Wattwiller, art contemporain et pièces extra-européennes dialoguent dans une odyssée aquatique à travers Les Territoires de l’eau. In Wattwiller treten zeitgenössische Kunst und außereuropäische Stücke in einen Dialog, in einer feuchten Odyssee durch die Gebiete des Wassers.
Par Von Suzi Vieira
À la Fondation François Schneider (Wattwiller), jusqu’au 26 septembre In der Fondation François Schneider (Wattwiller), bis zum 26. September fondationfrancoisschneider.org
Légendes Bildunterschriften 1. Anorak d’enfant Kinderanorak, Alaska, Culture Yupik/Inuit, fin du XIXe siècle Inuit, Ende des 19. Jahrhunderts © Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Photo : Claude Germain 2. Wiktoria Wojciechowska, Short Flashes (détail Detail), 2013 Photographie © Fondation François Schneider
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es histoires d’eau sont universelles… et pluriséculaires. Co-produite par la Fondation François Schneider et le Musée du quai Branly - Jacques Chirac, l'exposition Les Territoires de l’eau installe un stimulant va-et-vient entre deux univers. Ici, nasses vietnamiennes, anoraks inuits, statuettes de divinités dogons ou zapotèques entrent dans un dialogue singulier, quasi magnétique, avec les vidéos de la plasticienne Nour Awada, la sculpture en sel et eau de Guillaume Barth ou les photographies de Wiktoria Wojciechowska. Dans la grande halle, les masques cimiers des populations Ijo, habitant dans la région du delta du fleuve Niger, accueillent le visiteur. Requins Ofurumo, perches, raies, ou antilopes des marais : les saisissantes personnifications d’esprits aquatiques résonnent joyeusement avec les quelque 200 créatures luminescentes en verre soufflé ou étiré qui constituent l’extravagante installation d’Yves Chaudouët, intitulée Les Poissons des grandes profondeurs. Le prélude parfait à un parcours conçu comme une plongée dans les matières et les imaginaires liquides inspirés aux hommes par la source première de vie.
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eschichten rund ums Wasser sind universell... und jahrhundertealt. Die von der Fondation François Schneider und dem Musée du quai Branly – Jacques Chirac organisierte Ausstellung Gebiete des Wassers stellt ein stimulierendes Hin und Her zwischen zwei Universen her. Hier treten vietnamesische Reusen, Anoraks der Eskimos, Statuetten von Dogo-oder Zapotekengöttern in einen besonderen Dialog, der fast magnetisch ist, mit Videos der Künstlerin Nour Awada, der Skulptur aus Salz und Wasser von Guillaume Barth oder Photographien von Wiktoria Wojciechowska. In der großen Halle empfangen Masken der Ijo-Völker, die in der Region des Niger-Deltas wohnen, den Besucher. Haie, Barsche, Rochen oder Moorantilopen: Die ergreifenden Personifizierungen von Wassergeistern antworten fröhlich auf die rund 200 lumineszierenden Kreaturen aus geblasenem Glas, die die extravagante Installation von Yves Chaudouët mit dem Titel Les Poissons des grandes profondeurs bevölkern. Das perfekte Vorspiel für einen Rundgang, der wie ein Eintauchen in die Materien und flüssigen Vorstellungswelten aufgebaut ist, zu denen der Mensch von der ersten Quelle des Lebens inspiriert wurde.
EXPOSITION AUSSTELLUNG
puissance 3 Une exposition Natascha Sadr Haghighian et deux propositions artistiques toniques : v’là l’printemps à la Stadtgalerie de Sarrebruck !
kunst hoch 3 Eine Ausstellung von Natascha Sadr Haghighian und zwei belebende künstlerische Positionen: Das ist der Frühling in der Stadtgalerie Saarbrücken!
lèle, se déploient les visages – illustrations et masques noirs – de Joni Majer, étonnants murs piquetés de multiples regards qui semblent partager une identique quête d’idéal, et les œuvres de Florian Huth. Dans sa stimulante réflexion sur le XXe siècle, le natif de Sarrebruck propose notamment un néon reprenant, comme un génial clin d’œil – voire pied de nez – le célèbre slogan de Guy Debord, Ne travaillez jamais.
E Par Von Raphaël Zimmermann Photo de von Natascha Sadr Haghighian
À la Stadtgalerie (Sarrebruck), jusqu’au 6 juin In der Stadtgalerie (Saarbrücken), bis zum 6. Juni stadtgalerie-saarbruecken.de
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ne bande de couleurs vives faite de 21 caissons lumineux accueille le visiteur dans la cour intérieure. Natascha Sadr Haghighian y a placé les noms de victimes récentes de l’extrémisme de droite en Allemagne, créant un lieu de mémoire contemporain à la fois émouvant et douloureux. Intitulée Dites leurs noms, l’œuvre est une invitation à penser le monde et un prélude à l’exposition Le Lion malade dédiée à la plasticienne qui représenta l’Allemagne à la Biennale de Venise en 2019. Installations multimédia, vidéos, dessins et autres compositions audio questionnent de manière radicale les enchevêtrements complexes à l’œuvre dans nos sociétés, entre technologie, biologie et valeurs humaines. En paral-
in strahlendes Farbband aus 21 beleuchteten Kisten empfängt den Besucher im Innenhof. Natascha Sadr Haghighian hat darin die Namen von zeitgenössischen Opfern des Rechtsextremismus in Deutschland platziert und so einen gleichzeitig ergreifenden und schmerzlichen Erinnerungsort geschaffen. Das Werk mit dem Titel Sagt ihre Namen ist eine Einladung zur Meditation und ein Vorspiel zur Ausstellung Le Lion malade, die der Künstlerin gewidmet ist, die Deutschland bei der Biennale in Venedig im Jahr 2019 vertrat. MultimediaInstallationen, Videos, Zeichnungen und Audiokompositionen hinterfragen auf radikale Weise die komplexen Verflechtungen, die Technologie, Biologie und menschliche Werte für unsere Gesellschaft darstellen. Parallel dazu entfalten sich die Gesichter – Illustrationen und schwarze Masken – von Joni Majer, erstaunliche Wände, die mit zahlreichen Blicken übersäht sind, denen allen eine Suche nach dem Idealen gemeinsam ist sowie die Werke von Florian Huth. In seiner stimulierenden Überlegung zum 20. Jahrhundert präsentiert der geborene Saarbrücker unter anderem eine Neonröhre, die als genialen Seitenhieb den berühmten Slogan von Guy Debord aufnimmt: Ne travaillez jamais. Poly 235
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cosmogonies À Strasbourg, Rêver de la terre aux étoiles fait se rencontrer plasticiens contemporains et artistes aborigènes. Cosmique !
kosmogonien In Straßburg lässt Träumen von der Erde bis zu den Sternen zeitgenössische Bildhauer und eingeborene Künstler aufeinandertreffen. Kosmisch!
Par Von Hervé Lévy
À l’Espace Apollonia (Strasbourg), jusqu’au 30 mai Im Espace Apollonia (Straßburg), bis zum 30. Mai apollonia-art-exchanges.com
Légendes Bildunterschriften 1. Ningura Napurrula, Sans titre Ohne Titel, Galerie le Temps du Rêve 2. Œuvre collaborative Kollaboratives Gemälde, Sans titre, Ohne Titel, Galerie Le Temps du Rêve
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ignes. Cercles. Points. Trois espaces d’exposition “thématiques” génèrent d’étonnantes rencontres. Chargées de significations sacrées, les œuvres des artistes autochtones australiens expriment une ample cosmogonie dans des circonvolutions chromatiques d’une vibrante intensité. George Tjungurrayi évoque l’histoire des Ancêtres, tandis que Ronnie Tjampitjinpa crée une cartographie symbolique, dont les ocres rappellent le désert. En connexion avec la nature, ces “passeurs de rêve” – comme ils se présentent – dialoguent élégamment avec des plasticiens tel Vladimir Skoda. Dans Entropia Grande, il créé une fascinante topographie faite de 150 279 billes de 131 milli-
mètres de diamètre en forme de réflexion sur le chaos et les lignes de fracture parcourant la planète. Autres propositions, les traits ondoyants de l’iconique minimaliste Sol LeWitt et le pointillisme obsessionnel et zen de Pierre Antonelli – qui gagnerait à se voir plus souvent exposé – possèdent de subtiles affinités formelles (mais pas que…) avec les œuvres venues des antipodes.
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inien. Kreise. Punkte. Drei „thematische“ Ausstellungsräume erzeugen erstaunliche Begegnungen. Die Werke von eingeborenen Künstlern Australiens, mit sakraler Bedeutung, drücken eine breite Kosmogonie in Farbwindungen von vibrierender Intensität aus. George Tjungurrayi erinnert an die Geschichte der Vorfahren, während Ronnie Tjampitjinpa eine symbolische Kartographie kreiert, deren Ockertöne an die Wüste erinnern. In Verbindung mit der Natur stehen diese „Traum-Schleuser“ – wie sie sich selbst bezeichnen – in einem Dialog mit Bildhauern wie Vladimir Skoda. In Entropia Grande kreiert er eine faszinierende Topographie aus 150 279 Kugeln von 131 Millimetern Durchmesser in Form einer Überlegung zum Chaos und den Bruchlinien, die den Planeten durchziehen. Andere Beiträge, wie die wogenden Linien der Minimalismus-Ikone Sol LeWitt und der zwanghafte und meditative Pointillismus von Pierre Antonelli – der öfter ausgestellt werden sollte – besitzen subtile formelle Verwandtschaften (aber nicht nur...) mit den Werken vom anderen Ende der Welt.
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univercity Institution majeure à Trèves, l’Université a fêté son 50e anniversaire l’année passée. À la découverte d’Un Lieu particulier. Als wichtige Institution in Trier hat die Universität im vergangenen Jahr ihr 50. Jubiläum gefeiert. Entdeckung eines Besonderen Ortes.
Par Von Pierre Reichert
Au Stadtmuseum Simeonstift (Trèves), jusqu’au 5 septembre Im Stadtmuseum Simeonstift (Trier), bis zum 5. September museum-trier.de
Légende Bildunterschrift Caféteria Schneidershof Cafeteria am Standort Schneidershof, 1972 © Stadtarchiv Trier, Bildsammlung I, Nr. 98/20 © Stadtmuseum Simeonstift Trier
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Université de Trèves possède une histoire singulière : fondée en 1473, elle fut fermée en 1798 avec l’annexion française, avant de renaître en 1970. Jumelée dans un premier temps avec Kaiserslautern, elle prend son indépendance définitive en 1975. Si cette exposition thématique se concentre sur la refondation contemporaine, elle n’en revient pas moins aux sources avec de riches documents du XVe siècle. Le visiteur y apprend de plus que les débats furent vifs autour du nom à lui donner, certains voulant l’appeler “Université Karl Marx” – pour rendre hommage au fils le plus célèbre de la cité – d’autres préférant faire référence à la… Moselle. L’Université de Trêves (tout simplement) fut bâtie ex nihilo : de saisissantes photographies prises à l’aube du chantier rappellent cette naissance. Portraits des protagonistes de cette épopée – comme Friedrich Spee qui lutta contre la chasse aux sorcières au XVIIe siècle –, description du lien étroit entre l’établissement et la cité, zoom sur les œuvres d’art installées sur le campus, etc. : l’exposition jette un regard à 360° sur l’institution allemande.
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ie Geschichte der Universität Trier ist außergewöhnlich: 1473 gegründet wurde sie 1798 bei der französischen Besatzung geschlossen, bevor sie 1970 wieder auferstand. Zunächst mit Kaiserslautern verbunden, wird sie 1975 endgültig unabhängig. Auch wenn sich diese thematische Ausstellung auf die zeitgenössische Neugründung konzentriert, kommt sie nicht weniger auf die Quellen zurück, mit zahlreichen Dokumenten aus dem 15. Jahrhundert. Der Besucher lernt hier außerdem, dass die Debatte um den Namen heftig war, einige wollten sie „Karl-MarxUniversität“ nennen – um den berühmtesten Sohn der Stadt zu ehren – andere bevorzugten eine Referenz zur Mosel. Die Universität Trier (ganz schlicht) wurde ex nihilo erbaut: Ergreifende Photographien der Baustelle erinnern an diese Geburt. Portraits der Protagonisten der damaligen Zeit – wie Friedrich Spee, der gegen die Hexenjagd im 17. Jahrhundert kämpfte –, Beschreibung der engen Beziehungen zwischen der Universität und der Stadt, Fokus auf die Kunstwerke, die auf dem Campus stehen, etc.: Die Ausstellung bietet eine 360°-Sicht auf die deutsche Institution.
plus jamais ! À Karlsruhe, Gurs 1940 retrace la tragédie de l’expulsion et de l’assassinat de la population juive du sud-ouest de l’Allemagne.
nie wieder! In Karlsruhe beschreibt Gurs 1940 die Tragödie der Deportation und Ermordung von südwestdeutschen Jüdinnen und Juden. Par Von Pierre Reichert
Au Stadtmuseum / Prinz-MaxPalais (Karlsruhe), jusqu’au 3 octobre Im Stadtmuseum / Prinz-MaxPalais (Karlsruhe), bis zum 3. Oktober karlsruhe.de – gurs1940.de
Légende Bildunterschrift Le camps de Gurs Das Lager Gurs, vers ca 1942 (Mémorial de la Shoah, Paris, CC_276a_3)
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u vent de l’histoire, le nom de Gurs possède de sinistres résonances. C’est en effet dans le camp érigé en 1939 dans cette commune des Pyrénées-Atlantiques (pour y interner ceux qui fuyaient l’Espagne voisine) que furent déportés des milliers de Juifs venus des Gau – une subdivision territoriale de l’Allemagne nazie – de Bade et de Sarre-Palatinat, les 22 et 23 octobre 1940. Les sources officielles évoquent 6 504 personnes mais le nombre réel fut sans doute bien supérieur. Ceux qui y ont survécu ont, pour la plupart, été ensuite transférés puis exterminés dès 1942 à Auschwitz et Sobibor. Si le visiteur découvre comment vivaient les Juifs à Karlsruhe avant la déportation à Gurs, il en apprend aussi beaucoup sur une tragédie encore mal connue en France, décrivant les conditions de vie dans cette antichambre de l’enfer, notamment à travers les dessins extrêmement émouvants d’Eva Liebhold. L’exposition replace aussi cet événement dans la tourmente européenne et s’achève par un indispensable chapitre mémoriel retraçant l’histoire de la commémoration de ces crimes jusqu’à nos jours…
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m Wind der Geschichte hat der Name Gurs einen düsteren Klang. Es handelt sich um das 1939 errichtete Lager, das in dieser Gemeinde des Departements PyrénéesAtlantiques errichtet wurde (um dort jene zu internieren, die aus dem benachbarten Spanien flohen) und in welches tausende von Juden aus den Gaus – Verwaltungsbezirke Nazideutschlands – von Baden und Saarland/ Rheinland-Pfalz am 22. und 23. Oktober 1940 deportiert wurden. Die offiziellen Quellen nennen 6504 Personen, aber die reale Anzahl wahr ohne Zweifel höher. Diejenigen, die dort überlebt haben, wurden zum Großteil anschließend ab 1942 nach Auschwitz und Sobibor transferiert und dort exterminiert. Der Besucher erfährt wie die Juden in Karlsruhe vor der Deportation nach Gurs lebten, aber auch vieles über eine in Frankreich noch wenig bekannte Tragödie, die Lebensbedingungen in diesem Vorzimmer der Hölle, insbesondere anhand der extrem bewegenden Zeichnungen von Eva Liebhold. Die Ausstellung setzt auch dieses Ereignis in den Kontext der europäischen Unruhen und endet mit einem unentbehrlichen Kapitel zur Erinnerungskultur, das die Geschichte des Gedenkens an diese Verbrechen bis heute erzählt...
EXPOSITION AUSSTELLUNG
judaïca Avec Traces cachées, la Städtische Galerie de Karlsruhe s’attache aux pas des artistes et architectes juifs dans la ville, entre 1900 et 1950. Mit Verborgene Spuren folgt die Städtische Galerie Karlsruhe den jüdischen Künstlern und Architekten der Stadt zwischen 1900 und 1950.
Par Von Pierre Reichert
À la Städtische Galerie (Karlsruhe), du 6 mai au 8 août In der Städtischen Galerie (Karlsruhe), vom 6. Mai bis 8. August staedtische-galerie.de kulturinkarlsruhe.de
Légende Bildunterschrift Gustav Wolf , Myself, 1941 / 42 © Heinz Pelz
Initiative rassemblant plus de 30 institutions majeures de la cité du Bade-Wurtemberg (Badisches Staatstheater, ZKM, etc) * Initiative, die mehr als 30 große Institutionen der Stadt versammelt (Badisches Staatstheater, ZKM, etc.) *
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touffées en 1933, les voix juives étaient pourtant nombreuses dans la vie culturelle de Karlsruhe depuis le début du XXe siècle. Cette exposition – présentée dans le cadre de Kultur in Karlsruhe* – permet d’en découvrir la richesse pour la première fois, à travers une vingtaine de personnalités qui naquirent, étudièrent (attirés par des établissements prestigieux) ou travaillèrent dans la cité allemande. S’y déploie notamment l’expressionnisme d’une grande élégance de Hanns Ludwig Katz (avec l’érotique et intriguant Miss Mary, 1926), les photographies pionnières d’Ellen Auerbach ou encore les délicates faïences animalières d’Emil Pottner produites par la manufacture Majolika. Si les dessins réalisés à Auschwitz par Leo Haas glacent le sang, ceux de Gustav Wolf génèrent une agréable sidération. Une créature vague-
ment angoissante aux allures de gargouille prend l’air satisfait devant un ciel traversé d’une pluie de crânes (Nightmare, 1925 / 27) ; un homme seul et minuscule erre dans un cauchemar urbain géométrique (Myself, 1941 / 42) ; une croix gammée de sang recouvre une étoile de David dorée (Sans titre, vers 1944). Le trait d’une précision chirurgicale de cet élève de Hans Thoma constitue une belle découverte.
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ie jüdischen Stimmen, die ab 1933 erstickt wurden, waren zahlreich im kulturellen Leben Karlsruhes seit Beginn des 20. Jahrhunderts. Diese Ausstellung – die im Rahmen von Kultur in Karlsruhe* präsentiert wird – erlaubt es, ihre Vielfalt zum ersten Mal zu entdecken, anhand von rund zwanzig Persönlichkeiten, die in der Stadt geboren wurden, studierten (angezogen von namhaften Institutionen) oder hier arbeiteten. Man entdeckt unter andrem den sehr eleganten Expressionismus von Hanns Ludwig Katz (mit der erotischen und rätselhaften Miss Mary, 1926), die bahnbrechenden Photographien von Ellen Auerbach oder auch die zarten TierFayencen von Emil Pottner, die von der Majolika-Manufaktur produziert wurden. Während die in Auschwitz realisierten Zeichnungen von Leo Haas das Blut gefrieren lassen, rufen jene von Gustav Wolf eine angenehme Erstarrung hervor. Eine vage Angst einflössende Kreatur mit dem Aussehen eines Wasserspeiers scheint zufrieden zu sein, vor dem Hintergrund eines Himmels, der von einem Schädelregen überzogen wird (Nightmare, 1925/27), ein einsamer, winziger Mann irrt durch einen geometrischen, urbanen Albtraum (Myself, 1941/42), ein Hakenkreuz aus Blut bedeckt einen goldenen Davidstern (Ohne Titel, um 1944): Der chirurgisch präzise Zeichenstrich dieses Schülers von Hans Thoma ist eine schöne Entdeckung. Poly 235
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urban maelstrom Simple décor ou personnage à part entière : Big City Life explore la place de la ville chez douze auteurs majeurs de la bande dessinée. Einfacher Dekor oder eine Figur für sich: Big City Life erkundet den Platz der Stadt bei zwölf großen Comic-Autoren.
Par Von Suzi Vieira
Au Cartoonmuseum Basel, jusqu’au 20 juin Im Cartoonmuseum Basel, bis zum 20. Juni cartoonmuseum.ch Une visite en français est disponible en ligne sur la chaîne Youtube du musée Geführte Besichtigungen am 02.05., 06. & 20.06. (14 Uhr)
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ssis au sommet d’une colline fleurie, un homme regarde la ville qui gronde à ses pieds, compacte, sombre et menaçante. C’est sur cette gravure sur bois tirée du chef-d’œuvre de Frans Masereel, La Ville (1925), que s’ouvre l’impressionnante exposition du Cartoonmuseum, regroupant douze des plus grands noms du Neuvième art autour du thème de la vie citadine. Avec leur style âpre et faussement naïf, leur trait direct et radicalement expressionniste, les dessins du pionnier belge en constituent un point de départ diablement efficace. Rues saturées
d’automobiles fonçant dans tous les sens, piétons entassés qui tentent de se frayer un passage dans les interstices, scènes de foule dans les grands magasins, sur les quais de gare, aux spectacles de cirque, de boxe ou de cabaret, difficulté des vies populaires, prostituées s’exposant devant leurs riches clients, femmes battues ou étranglées… Tout y est. Y compris la poésie : une des illustrations, magistrale, reproduit le jeu de Tetris des bâtiments enchevêtrés sur un même espace. Au premier plan, trois fenêtres ouvertes laissent entrevoir les intérieurs d’autant d’habitants,
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bribes d’histoires solitaires et étrangement contemplatives, qui surgissent un moment avant d’être replongées dans le maelstrom urbain. D’Art Spiegelman à Chris Ware Admirés en leur temps par Stephan Zweig ou Thomas Mann, les récits en images de Masereel, dépourvus de tout texte, sont aujourd’hui considérés comme les précurseurs du roman graphique contemporain. Son influence se retrouve chez tous les artistes présents dans l’exposition. Depuis le maître Art Spiegelman, auteur de Maus, dont les planches à la composition sobre livrent une vision burlesquement dépressive du New York arty de ses débuts, jusqu’à l’inclassable Chris Ware, figure de proue de la bande dessinée actuelle et obsessionnel compulsif de la construction des cases. En déambulant dans la salle consacrée à ce dernier, le visiteur est frappé par la façon dont son ouvrage Building Stories, avec ses récits fragmentés du quotidien des locataires d’un immeuble de Chicago, reprend la dialectique “masereelienne” entre les dimensions individuelle et collective de la condition urbaine, vie intime et vie sociale, intérieur et extérieur. L’hydre aux mille têtes Au fil du parcours, la ville apparaît surtout comme un espace de contradictions fondamentales. Pour le Suisse Helge Reumann, dont la rudesse méthodique des dessins impressionne autant qu’elle fait frémir, elle est d’abord le lieu où l’homme cherche à asseoir sa domination sur la nature, pour en devenir le maître et possesseur. Tandis que chez l’Italienne Gabriella Giandelli, elle est le cadre de vie fantasmagorique d’êtres déracinés, ayant perdu le sens des liens profonds qui les unissent les uns aux autres et les relient à la beauté du monde. Mais des multiples visages que prend la ville, celui que nous présente Michaël Matthys est sans doute l’un des plus saisissants. Né à Charleroi, le peintre et bédéiste capture sur le papier le déclin de l’ancienne cité minière et sidérurgique du plat pays. Ses dessins, exécutés au sang de bœuf qu’il récupère dans les abattoirs de la commune, parviennent à saisir l’essence même de ce territoire sinistré : ses rues, ses gens, l’intérieur des usines désaffectées, la douleur des restructurations, le chômage, la colère, la résignation, l’amour aussi, et puis… la féroce énergie du désespoir. Des paysages glauques aux beaux petits couples d’amoureux, de la folie à l’humour, de l’horreur à la féérie, les
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regards portés par chacun des artistes, qu’il s’agisse de Will Eisner, Sempé, Lorenzo Mattotti, Christoph Niemann, Marcel Schmitz ou encore Yann Kebbi se répondent, diffèrent, se contredisent. Mais de leur succession se dégage peu à peu une certitude étrange, une idée de la ville conçue comme un être vivant, qui palpite, grouille, saigne et vibre – qui meurt parfois aussi, à l’image de ceux qui l’habitent.
Légendes Bildunterschriften 1. Helge Reumann, SUV, 2019 2. Chris Ware, Building Stories, 2012 3. Frans Masereel, Die Stadt, 1925, Frans Masereel Stiftung Saarbrücken © 2020, ProLitteris, Zurich
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uf einem Hügel voller Blumen sitzend, blickt ein Mann auf die Stadt, die zu seinen Füßen grollt, kompakt, düster und bedrohlich. Mit dieser Holz-Gravur Poly 235
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wurden, werden heute als Vorreiter des zeitgenössischen graphischen Romans betrachtet. Sein Einfluss ist bei allen in der Ausstellung gezeigten Künstlern zu sehen. Vom Meister Art Spiegelman, Autor von Maus, dessen Bildtafeln mit nüchterner Komposition eine depressive Vision des New Yorks seiner Anfänge zeigen, bis hin zum unklassifizierbaren Chris Ware, der Galionsfigur des aktuellen Comics, der eine zwanghafte Obsession für die Konstruktion von Panels pflegt. Der Besucher, der den ihm gewidmeten Saal durchstreift, ist verblüfft von der Art und Weise auf die sein Werk Building Stories, mit seinen fragmentierten Erzählungen des Alltags der Mieter in einem Wohnhaus in Chicago die Dialektik von Masereel aufnimmt, zwischen individueller und kollektiver Dimension der Stadt, intimem und sozialem Leben, Innen und Außen.
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aus dem Meisterwerk von Frans Masereel, Die Stadt (1925) öffnet die beeindruckende Ausstellung im Cartoonmuseum Basel, die zwölf der großen Namen der Neunten Kunst zum Thema Leben in der Stadt vereint. Mit ihrem strengen und fälschlich naivem Stil, ihrem direkten und radikal expressionistischen Strich bieten die Zeichnungen des belgischen Pioniers einen teuflisch schlagkräftigen Ausgangspunkt. Von in alle Richtungen rasenden Autos verstopfte Straßen, zusammengepferchte Fußgänger, die versuchen, sich in den Lücken einen Weg zu bahnen, Szenen von Menschenmassen in den großen Geschäften, auf den Bahnsteigen, bei Zirkusund Boxveranstaltungen oder im Kabarett, Schwierigkeiten des Lebens der einfachen Bevölkerung, der Prostituierten, die sich vor ihren reichen Kunden zeigen, geschlagene oder erwürgte Frauen... Alles ist da. Auch die Poesie: Eine der meisterhaften Illustrationen bildet ein Tetris-Spiel mit Gebäuden nach, die ineinander geschachtelt sind. Im Vordergrund geben drei geöffnete Fenster den Blick auf die Räume der Bewohner frei, Bruchstücke einsamer Geschichten, die zur Meditation einladen und einen Moment auftauchen, bevor sie im urbanen Malstrom untergehen. Von Art Spiegelman bis Chris Ware Die völlig textlosen Bilderzählungen von Masereel, die zu ihrer Zeit von Stephan Zweig oder Thomas Mann bewundert 44
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Die tausendköpfige Hydra Im Laufe des Rundgangs erscheint die Stadt vor allem als ein Raum der grundlegenden Widersprüche. Für den Schweizer Helge Reumann, dessen methodische Härte ebenso beeindruckt wie erschaudern lässt, ist sie zunächst der Ort, an dem der Mensch seine Beherrschung der Natur ausdrückt um ihr Meister und Besitzer zu werden. Währenddessen ist sie bei der Italienerin Gabriella Giandelli der phantasmagorische Rahmen für entwurzelte Wesen, die den Sinn für tiefe Beziehungen verloren haben, welche sie untereinander und mit der Schönheit der Welt verbinden. Aber unter den zahlreichen Gesichtern der Stadt, ist jenes, das uns Michaël Matthys präsentiert sicher das ergreifendste. Der in Charleroi geborene Maler und Comiczeichner fängt auf dem Papier den Verfall der ehemaligen Stadt der Kohle-und Stahlindustrie im Flachen Land ein. Seine Zeichnungen, die mit Rinderblut ausgeführt sind, das er in den Metzgereien der Gemeinde einsammelt, schaffen es die Essenz dieser trostlosen Region einzufangen: Ihre Straßen, Menschen, das Innere der verlassenen Fabriken, den Schmerz der Umstrukturierung, die Arbeitslosigkeit, die Wut, die Resignation, auch die Liebe und dann... die wilde Energie der Verzweiflung. Von den düsteren Landschaften zu schönen kleinen Liebespaaren, vom Wahnsinn zum Humor, vom Horror zum Märchen, die Visionen dieser Künstler, ob es sich um Will Eisner, Sempé, Lorenzo Mattotti, Christoph Niemann, Marcel Schmitz oder auch Yann Kebbi handelt, antworten aufeinander, unterscheiden und widersprechen sich. Aber aus ihrem Aufeinanderfolgen steigt peu à peu eine komische Gewissheit auf, eine Idee der Stadt als ein lebendiges Wesen, das bebt, wimmelt, blutet und vibriert – und manchmal auch stirbt, wie jene, die sie bewohnen. Rencontre avec l’illustrateur berlinois Christoph Niemann au Volkshaus Basel (10/06, 19h30) Begegnung mit dem Berliner Illustrator Christoph Niemann im Volkshaus Basel (10.06., 19:30 Uhr) Ateliers gravure sur bois avec l’artiste bâlois Marcel Mayer (13/06, 13h3016h30) et création d’une ville en carton avec Marcel Schmitz et Thierry Van Hasselt (09 &16/05, 14h) Atelier für Holzgravur mit dem Basler Künstler Marcel Mayer (13.06., 13:30-16:30 Uhr) und Kreation einer Stadt aus Karton mit Marcel Schmitz und Thierry Van Hasselt (09. & 16.05., 14 Uhr)
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ghetto superstore Immersion vandale dans les pochoirs du graffeur masqué, Banksy, Building Castles In The Sky jette un regard sur la carrière de l’artiste le plus célèbre de la planète. Eintauchen in die Schablonen des maskierten Graffiti-Sprühers Banksy mit Building Castles In The Sky, ein Blick auf die Karriere des berühmtesten Künstlers des Planeten.
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Par Von Suzi Vieira
À la Messe (Bâle), jusqu’au 30 mai In der Messe (Basel), bis zum 30. Mai banksybasel.ch
Légendes Bildunterschriften 1. Mickey Snake, 2015 2. Love is in the air (Flower thrower), 2003 3. Napalm, 2004 Photos © Dario Lasagni et Massimo Menghini/ Courtesy of GC Events
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eu de créateurs vivants peuvent se vanter d’attirer les foules à une rétrospective, qui plus est au beau milieu d’une pandémie ! Le succès de cette exposition donne la mesure de ce qu’est devenu Banksy. Adulé aussi bien par les people et les collectionneurs que par le grand public, le pochoiriste anglais s’est hissé en une vingtaine d’années au rang de star planétaire. « Il est l’artiste contemporain le plus connu au monde, et sans doute le plus représentatif de ce XXIe siècle, à défaut d’être le plus important », affirme Stefano Antonelli, l’un des trois commissaires de l’événement. « Qui d’autre fait, en pleine crise sanitaire, la Une des journaux internationaux pour avoir posté sur Instagram une photo de ses toilettes, investis par huit rats dessinés qui foutent le bordel ? » La “banksymania” a pourtant de quoi surprendre s’agissant d’un street artist ayant fait de l’anonymat son étendard et de la critique du système sa marque de fabrique. Tel Robin des Bois, avec ses bombes de peinture en bandoulière, le graffeur masqué s’en prend à l’autorité et aux puissants, se plaçant résolument du côté des laissés-pour-compte du libéralisme mondialisé : enfants, migrants, proscrits et même rats, devenus son emblème. Un engagement qui l’amène à aller peindre, dès 2003, sur un mur tout près de la barrière de séparation entre Israël et la Cisjordanie, son cultissime Love Is In The Air. Une œuvre en forme d’oxymore : on y voit un jeune manifestant enragé, dont le cocktail Molotov a été remplacé par un bouquet de fleurs. Simple, direct, éloquent et diablement efficace ! Détourner pour mieux critiquer Avec le choix du pochoir, Banksy s’inscrit clairement dans la veine la plus politique de l’art. On pense pêle-mêle aux affiches de la propagande révolutionnaire russe, à la lutte
antinucléaire d’un Ernest Pignon-Ernest ou encore au mouvement punk. Le trublion anarchiste assume sans complexe ses positions antimilitaristes, antiautoritaires et anticapitalistes. En atteste Sale Ends Today (2007) qu’on découvre ici, pièce peu connue mais fichtrement sarcastique. Inspirée des scènes bibliques de la Renaissance, on y voit un groupe de femmes en pleurs devant la Passion du Christ. Sauf qu’en lieu et place du Messie, se déploie une banale affiche rouge annonçant la fin des soldes. Toute la force de l’artiste britannique est là, dans cette capacité redoutable à synthétiser son message en une image immédiatement intelligible par tout un chacun. « C’est un formidable constructeur d’images, passé maître dans la technique du détournement », souligne Stefano Antonelli. L’une de ses plus puissantes œuvres, également montrée, Napalm (2004), réutilise ainsi la célèbre photo de la petite fille brûlée au napalm prise en 1972 par Nick Ut en pleine guerre du Vietnam, mais flanquée, dans la version “banksienne”, de deux icones de la culture américaine, Mickey Mouse et Ronald McDonald. Le monde pernicieux de Disney Opposé à toute forme de consécration par le milieu de l’art, dont il pourfend depuis toujours l’élitisme, Banksy ne cautionne aucune exposition consacrée à sa production. Celle de Bâle n’échappe pas à la règle, qui réunit une centaine de pièces provenant de collections privées et essentiellement réalisées au début des années 2000. Des trois seules œuvres récentes intégrées au parcours, deux sont issues de l’installation temporaire Dismaland, le parc d’attraction dystopique – sorte de Disneyland pour grands dépressifs – imaginé par l’artiste en 2015 dans une petite station balnéaire de la côte anglaise. La multinationale américaine du divertissement, symbole d’une société jugée superficielle, est une cible récurrente du graffeur. Sa sculpture Mickey Snake (2015), qui sert d’avertissement à tous les parents, présente la souris aux grandes oreilles avalée par un pernicieux boa, non sans rendre par la même occasion un joli hommage au Petit Prince de Saint-Exupéry.
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enige lebende Kreative können von sich sagen, dass die Massen zu ihren Retrospektiven strömen und das Mitten in einer Pandemie. Der Erfolg dieser Ausstellung zeigt zu was Banksy geworden ist. Sowohl von Stars, Sammlern als auch vom breiten Publikum vergöttert, hat sich der Poly 235
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britische Graffitikünstler in zwanzig Jahren den Rang eines Weltstars erarbeitet. „Er ist der berühmteste zeitgenössische Künstler der Welt und zweifelsohne der repräsentativste dieses 21. Jahrhunderts, auch wenn er nicht der wichtigste ist“, sagt Stefano Antonelli, einer der drei Kuratoren des Ereignisses. „Wer anderes steht Mitten in der Sanitären Krise auf den Titelbildern der internationalen Zeitungen, weil er auf Instagram das Photo seiner Toilette gepostet hat, welche von gezeichneten Ratten belagert sind, die Chaos stiften?“ Die Banksymania kann jedoch überraschen, da es sich um einen street artist handelt, der aus der Anonymität sein Markenzeichen gemacht hat und stets das System kritisiert. Wie ein Robin Hood, mit seinen Farbdosen umgehängt, attackiert der maskierte Graffitikünstler die Autorität und die Mächtigen, stellt sich radikal auf die Seite der Gescheiterten des globalen Liberalismus: Kinder, Migranten, Geächtete und sogar Ratten, die zu seinem Emblem geworden sind. Ein Engagement, das ihn dazu führt ab 2003 auf einer Mauer zwischen Israel und dem Westjordanland sein Kultbild Love Is In The Air zu malen. Ein Werk in Form eines Oxymoron: Man sieht darauf einen jungen wütenden Demonstranten dessen Molotowcocktail durch einen Blumenstrauß ersetzt wurde. Einfach, direkt, eloquent und teuflisch effizient! Verformen um besser zu kritisieren Mit der Wahl der Schablone schreibt sich Banksy ganz klar in die politischste Strömung der Kunst ein. Man denkt an russische Propaganda-Plakate, an den antinuklearen Kampf eines Ernest Pigngon-Ernest oder auch die Punkbewegung. Der anarchistische Unruhestifter steht ohne Komplexe zu seiner antimilitärischen, antiautoritären und antikapitalistischen Haltung. Davon zeugt Sale Ends Today (2007), das man hier entdeckt, ein wenig bekanntes Werk, das sehr sarkastisch ist. Von den biblischen Szenen der Renaissance inspiriert, sieht man eine weinende Frauengruppe vor der Pas48
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sion Christi. Nur dass der Messias hier von einem einfachen Plakat ersetzt wird, welches das Ende des Schlussverkaufs ankündigt. Die ganze Kraft des britischen Künstlers ist da, in dieser berüchtigten Fähigkeit seine Nachricht in einem Bild zusammenzufassen, das sofort von jedem verstanden wird. „Er ist ein phantastischer Bildbauer, der Meister in der Technik der Verformung geworden ist“, unterstreicht Stefano Antonelli. Eines seiner stärksten Werke, das ebenfalls gezeigt wird ist Napalm (2004), das das berühmte Photo des von Napalm verbrannten Mädchens aufnimmt, welches 1972 von Nick Ut Mitten im Vietnamkrieg geschossen wurde, aber in der Banksy-Version von zwei Ikonen der amerikanischen Kultur, Mickey Mouse und Ronald McDonald begleitet wird. Die gefährliche Welt von Disney Jeder Form der Anerkennung durch das Milieu der Kunst widerstehend, gegen dessen Elitismus er seit jeher angeht, unterstützt Banksy keine Ausstellung, die seiner Produktion gewidmet ist. Jene in Basel gehört ebenso dazu und vereint rund hundert Werke aus privaten Sammlungen, die zum Großteil Anfang der 2000er Jahre realisiert wurden. Zwei von den drei neueren Werke im Rundgang stammen aus der temporären Installation Dismaland, dem dystopischen Freizeitpark – eine Art Disneyland für Depressive – das der Künstler 2015 in einem kleinen Küstenort in England eröffnete. Der multinationale amerikanische Konzern, Symbol einer oberflächlichen Gesellschaft, ist eine wiederkehrende Zielscheibe des Graffitikünstlers. Seine Skulptur Mickey Snake (2015), die alle Eltern warnt, präsentiert die Maus mit den großen Ohren, die von einer gefährlichen Boa aufgefressen wird, nicht ohne gleichzeitig eine schöne Hommage an den Kleinen Prinzen von Saint-Exupéry darzustellen.
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tattoo’s family Avec Leu Art Family, le Musée Tinguely rend hommage à l’univers psychédélique d’une tribu de tatoueurs artistes. Mit Leu Art Family ehrt das Museum Tinguely das bewusstseinsverändernde Universum einer Sippe von Tatoo-Künstlern. Par Von Suzi Vieira
Au Musée Tinguely (Bâle), jusqu’au 31 octobre Im Museum Tinguely (Basel), bis zum 31. Oktober tinguely.ch
Légendes Bildunterschriften 1. Vue de l'exposition Installationsansicht in der Ausstellung Leu Art Family © 2021, Museum Tinguely ; photo Daniel Spehr 2. Filip Leu, Aztec Head Backpiece, 1999 © Geoffreoy Baud
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a première salle est sombre, sépulcrale. Hypnotisé par la vidéo d’un pulsar (Ohne Titel, Ajja Leu) projeté sur l’écran qui lui fait face, le visiteur découvre l’océan de croquis imaginés par Felix Leu et son fils ainé, Filip, deux légendes du monde du tatouage. Là, têtes de mort et calaveras mexicaines le disputent aux dragons et aux créatures marines. Depuis les débuts de Felix et sa femme Loretta dans les années 1970, la famille Leu (une vingtaine de membres, tous artistes) mène une vie de bohème, fidèle à la philosophie hippie. Ama, la sœur de Filip, crée des vêtements aux motifs tribaux pendant qu’Aia, la troisième, s’est fait un nom comme aquarelliste et qu’Ajja, le benjamin, donne vie à des peintures nées de projections lumineuses. Les Leu ont le tatouage dans la peau et l’énergie créatrice dans le sang. Solaire, débordante et charnelle, la seconde salle du parcours présente les œuvres de la lignée au grand complet, du patriarche aux petits-enfants. Les murs disparaissent ici sous un déluge de couleurs, où dessins au fusain de femmes berbères cohabitent avec toiles surréalistes – une vulve émerge d’un paysage champêtre – et arabesques psychédéliques.
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er erste Saal ist düster, wie ein Grab. Vom Video eines Pulsars hypnotisiert (Ohne Titel, Ajja Leu) das auf eine Leinwand projiziert wird, der der Besucher gegenübersteht, entdeckt er einen Ozean von Skizzen von Felix Leu und seinem ältesten Sohn, Filip, zwei Legenden der Welt der Tätowierung. Hier, Totenköpfe und mexikanische calaveras, dort Drachen und Kreaturen der Meere. Seit den Anfängen von Felix und seiner Ehefrau Loretta in den 1970er Jahren führt die Leu-Familie (rund zwanzig Mitglieder, alle Künstler) ein Bohemeleben, treu der Hippie-Philosophie. Ama, die Schwester von Filip, kreiert Kleidungsstücke mit indianischen Motiven während Aia, die Dritte, sich als Aquarellmalerin einen Namen gemacht hat und Ajja, der Jüngste, Gemälden Leben einhaucht, die aus Lichtprojektionen entstanden sind. Die Leus sind verrückt nach Tätowierungen und haben die kreative Energie im Blut. Sonnig, übervoll und sinnlich präsentiert der zweite Saal des Rundgangs Werke der gesamten Nachkommenschaft, vom Patriarchen bis zu den Enkelkindern. Die Wände verschwinden hier unter einer Flut von Farben, wo Kohlezeichnungen von Berberfrauen auf surrealistische Gemälde – eine Vulva taucht aus einer Landschaft auf – und psychedelische Arabesken treffen. Poly 235
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l’esprit de l’atelier Rencontre avec Pascal H Poirot à l’occasion des Ateliers ouverts dont l’artiste alsacien a imaginé l’identité graphique cette année.
der geist des ateliers Begegnung mit Pascal H Poirot anlässlich der Offenen Ateliers, für die der elsässische Künstler in diesem Jahr das Corporate Design entworfen hat.
Par Von Hervé Lévy Photos de von Florian Tiedje
L’Atelier perché, situé 4 rue des Vieilles-vignes (Neuve-Église) est visitable comme quelque 115 autres au cours de la 22e édition des Ateliers Ouverts en Alsace (22 & 23/05 et 29 & 30/05) Das Atelier perché, 4 rue des Vieilles-vignes (Neuve-Église) ist wie rund 115 andere im Zuge der 22. Ausgabe der Offenen Ateliers im Elsass zu besichtigen (22. & 23.05. und 29. & 30.05.) ateliers-ouverts.net pascalhpoirot.com Les Ateliers Ouverts se déploient aussi dans le Grand Est, dans les Vosges, à Reims et à Thionville (05 & 06/06) Die Offenen Ateliers finden auch im gesamten Ostfrankreich statt, in den Vogesen, in Reims und Thionville (05. & 06.06.) lesateliersdugrandest.net
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imple et modeste. » Voilà comment Pascal H Poirot parle de son Atelier perché d’une cinquantaine de mètres carrés, précisant cependant : « Il a été construit comme un véritable atelier de peintre par l’architecte Éric Gauthier, qui a également refait l’intérieur du CEAAC, avec sa lumière venant d’en haut, sa hauteur de chapelle, son ouverture sur la nature. » Rajoutez une mezzanine pour ranger le “stock”, une vue paisible, et vous obtenez un lieu générant l’inspiration. Épicentre de son travail, l’endroit est aussi présent dans ses toiles, même s’il s’agit « d’ateliers fictifs, de souvenirs des anciens ateliers, d’empreintes. » S’il la représente souvent, il ne peint en effet jamais dans la nature. « La confrontation avec les éléments est un moment d’une trop grande intensité. Il y a d’un côté l’espace où on ne maîtrise rien, le dehors. Et de l’autre celui où l’on tente de maîtriser quelque chose, l’atelier. Impossible d’y arriver complètement ! Et c’est mieux ainsi. »
Célèbre depuis les années 1980 pour ses Canapés (une série sans fin, mais « une peinture n’est jamais “satisfaite”, elle en appelle d’autres, toujours d’autres »), PHP aime jouer avec les perspectives, les faussant allègrement. Paysages figuratifs non réalistes. Vues métaphysiques sur lesquelles plane l’ombre de Giorgio De Chirico. Échappées surréalisantes aux accents magrittiens. Son art ne se laisse pas saisir avec aisance, même s’il exerce une séduction violente. Un chevalet trône au bout d’une terrasse de bois devant un paysage de montagne grandiose (La Fonte). Ailleurs, il est planté dans le désert avec un monochrome rouge posé sur lui (Sous les yeux I) ou délimite logiquement l’espace de travail de l’artiste (Vue d’atelier Y). Le propos dialectique entre le dehors et le dedans est permanent. Entre l’immensité de la nature et la toile qui la reflète se crée une fascinante mise en abyme. Il nous embarque dans un entre-deux onirique, une réalité en soi qui est la nature mais en est profondément diffé-
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rente. Voilà des mangroves aux reflets fuyants, insaisissables par essence, cristallisées avec élégance dans des efflorescences pointillistes, des montagnes magiques aux lignes bleutées, piquetées de cactus et d’eucalyptus ou encore des déserts où se sont échouées d’improbables barques comme les carcasses mélancoliques des chalutiers de la Mer d’Aral.
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infach und bescheiden.“ So spricht Pascal H Poirot von seinem Atelier perché von rund fünfzig Quadratmetern, wobei er präzisiert: „Es wurde wie ein echtes Maleratelier vom Architekten Éric Gauthier gebaut, der ebenfalls den Innenraum des CEAAC neu gestaltet hat, mit seinem Deckenlicht, seiner Kapellenhöhe, seiner Öffnung zur Natur.“ Man füge ein Zwischengeschoss hinzu um den „Bestand“ zu lagern, eine friedliche Aussicht und man bekommt einen inspirierenden Ort. Als Epizentrum seiner Arbeit, ist der Ort auch in seinen Gemälden präsent, selbst wenn es sich um „fiktive Ateliers handelt, Erinnerungen an alte Ateliers, Spuren.“ Auch wenn er sie oft darstellt, malt er niemals in der Natur. „Die Konfrontation mit den Elementen ist ein Moment der zu großen Intensität. Es gibt auf der einen Seite den Ort an dem man nichts beherrscht, Draußen. Und auf der Anderen, denjenigen, an dem man versucht etwas zu beherrschen, das Atelier. Unmöglich es komplett zu schaffen! Und das ist auch besser so.“
Seit den 1980er Jahren für seine Canapés berühmt (eine endlose Serie, aber „ein Gemälde ist nie „zufrieden“ es ruft immer weitere, immer weitere hervor“), liebt es PHP mit den Perspektiven zu spielen, die er mit Freude verfälscht. Figurative, nicht realistische Landschaften. Metaphysische Ausblicke, über denen der Schatten von Giorgio De Chirico schwebt. Surrealistische Ausflüge mit Akzenten von Magrit. Seine Kunst lässt sich nicht leicht erfassen, auch wenn sie eine gewaltige Verführungskraft ausstrahlt. Eine Staffelei thront am Ende einer Holzterrasse vor einem grandiosen Bergpanorama (La Fonte). Woanders steht sie in der Wüste mit einem roten Monochrom (Sous les yeux!) oder begrenzt logisch den Arbeitsbereich des Künstlers (Vue d’atelier Y). Der dialektische Diskurs zwischen Draußen und Drinnen ist permanent. Zwischen der Unendlichkeit der Natur und der Leinwand, die sie widerspiegelt, entsteht eine faszinierende Mise en abyme. Er entführt uns in eine verträumte Zwischenwelt, eine Realität an sich, die die Natur ist, aber zutiefst anders. Mangroven mit fliehenden Lichtreflexen, ungreifbar, mit Eleganz in einer pointillistischen Blüte kristallisiert, magische Berge mit bläulichen Linien, gespickt von Kakteen und Eukalyptus oder auch Wüsten, in denen unwahrscheinliche Boote gestrandet sind, wie die melancholischen Gerippe der Fischkutter des Aralmeeres.
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l’acte pour l’art Au printemps, la deuxième édition de L’Industrie Magnifique fait fleurir de nouvelles œuvres éphémères sur les places de Strasbourg.
handeln für die kunst Im Frühjahr lässt die zweite Ausgabe von L’Industrie Magnifique neue Werke auf den Plätzen Straßburgs aufblühen.
Par Von Emmanuel Schmitter Photo de Christoph de Barry / Hans Lucas (Stéphanie-Lucie Mathern/ Espace Couvert)
Sur les places de Strasbourg, du 3 au 13 juin Auf den Plätzen Straßburgs, vom 3. bis 13. Juni industriemagnifique.com
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u départ, une belle intuition : renouer avec la forme première du mécénat, en associant les savoir-faire des artistes et des entreprises, qui constituent avec l’espace public un « triangle vertueux » selon l’expression de Jean Hansmaennel, président d’Industrie et Territoires, association organisatrice de L’Industrie Magnifique. Le succès de la première édition en 2018 a naturellement incité à poursuivre « le mouvement ». Il fallait donner une suite aux œuvres qui ont alimenté l’imaginaire des 330 000 visiteurs tout en impulsant une nouvelle dimension à la manifestation. En doublant le nombre de partenaires – pas moins de 160, dont 50 entreprises alsaciennes mécènes et 50 artistes internationaux –, le cru 2021 est à la hauteur de ses belles ambitions. Et ce, dans un con-
Tombeau pour le romantisme allemand Grab der deutschen Romantik, Stéphanie-Lucie Mathern/ Espace Couvert
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texte de soif culturelle accrue par la fermeture des lieux de diffusion de l’art pendant de si longs mois. Le maintien de la manifestation, après un premier report d’un an, s’inscrit dans le temps annonciateur du renouveau culturel des mois prochains. La perspective est heureuse, mais elle met davantage la pression sur les artistes et sur les entreprises qui les accompagnent. Parlons bien, parlons œuvres : la variété est au rendez-vous, variété d’intentions, variété de formes. On y trouve aussi bien de la sculpture et de la photographie, que de l’installation immersive ou des dispositifs numériques. Les Strasbourgeois s’attarderont sans doute sur les mille possibilités offertes par L’Ososphère, place du Château, pour le compte de l’entreprise Vivialys. Avec pour maîtres mots vision, modularité et imbrication, le Cosmos District propose une manière fascinante d’envisager le futur, avec une approche artistique digne des meilleurs films d’anticipation. Au gré de leurs flâneries, ils iront découvrir les pièces signées de quelques-uns des artistes alsaciens auxquels nous restons très attachés, Daniel Depoutot, Patrick Bastardoz, Michel Dejean, Catherine Gangloff, Benjamin Kiffel ou Bénédicte Bach, dont certains déjà présents lors de la première édition. Ils manifesteront peut-être une attention particulière à l’œuvre de Stéphanie-Lucie Mathern. La jeune artiste, dont on apprécie la peinture expressive, explore une voie qu’on ne lui soupçonnait guère. Avec l’entreprise Espace Couvert, spécialisée dans la structure événementielle, elle recouvre la statue de Goethe, « à la façon d’un mausolée », et fait figurer en épitaphe une intrigante phrase extraite de Faust : « L’espionnage, semble-t-il, est dans tes goûts ». À
l’image de cette édition prometteuse, elle invite à découvrir ce qui se cache derrière le rideau et se laisser émerveiller par l’insoupçonné.
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m Anfang steht eine schöne Intention: An die ursprüngliche Form des Mäzenatentums anzuknüpfen, indem man das Savoir-faire der Künstler und Unternehmen verbindet, die mit dem Öffentlichen Raum ein „positives Dreieck“ bilden, wie es Jean Hansmaennel, der Präsident von Industrie et Territoires, dem Verein, der die Industrie Magnifique organisiert, ausdrückt. Der Erfolg der ersten Ausgabe im Jahr 2018 hat natürlich dazu angeregt „die Bewegung“ weiterzuführen. Es war also nötig eine Fortsetzung für die Werke zu finden, die die Phantasie von 330 000 Besuchern angeregt hatten und gleichzeitig der Veranstaltung eine neue Dimension zu verleihen. Indem die Anzahl an Partnern verdoppelt wurde – nicht weniger als 160, darunter 50 elsässische Unternehmen, die Mäzene sind und 50 internationale Künstler – ist die Auswahl 2021 auf der Höhe der Erwartungen. Und das im Kontext eines gesteigerten Verlangens nach Kultur, nach der Schließung der Orte des Kunstvertriebs während so langer Monate. Die Beibehaltung der Veranstaltung, nach einer ersten Verschiebung um ein Jahr, fügt sich in die Zeit des kulturellen Wiederauflebens der kommenden Monate ein. Die Perspektive ist glücklich, setzt die Künstler und die Unternehmen,
die sie begleiten aber zusätzlich unter Druck. Und die Werke? Varietät ist angesagt, Varietät der Botschaften, Varietät der Formen. Man findet ebenso Skulptur und Photographie wie Installationen zum Eintauchen oder digitale Angebote. Die Straßburger werden sicher an den tausend Möglichkeiten hängenbleiben, die L’Ososphère auf der Place du Château gemeinsam mit dem Unternehmen Vivialys bietet. Unter den Leitworten Vision, Baukastenprinzip und Verflechtung präsentiert Cosmos District eine faszinierende Art die Zukunft zu betrachten, mit einer künstlerischen Herangehensweise, die den besten Sciencefiction-Filmen in nichts nachsteht. Im Laufe ihrer Spaziergänge werden sie auch die Werke einiger der elsässischen Künstler entdecken, wie Daniel Depoutot, Patrick Bastardoz, Michel Dejean, Catherine Gangloff, Benjamin Kiffel oder Bénédicte Bach, von denen manche schon an der ersten Ausgabe teilnahmen. Sie werden vielleicht dem Werk von Stéphanie-Lucie Mathern besondere Beachtung schenken. Die junge Künstlerin, die für ihre expressive Malerei geschätzt wird, erkundet einen Weg, den man nicht mit ihr assoziiert hätte. Mit dem Unternehmen Espace Couvert, Spezialist für Eventausstattung, überdeckt sie das Goethe-Standbild „nach der Art eines Mausoleums“ mit einem Satz aus dem Faust als Grabinschrift: „ Das Spionieren, scheint‘s, ist deine Lust.“ Ganz im Sinne dieser vielversprechenden Veranstaltung lädt sie dazu ein, zu entdecken, was sich hinter dem Vorhang versteckt und sich vom Ungeahntem entzücken zu lassen. Poly 235
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wild Avec Simplement brillant, le Schmuckmuseum explore la libération à l’œuvre en joaillerie dans les années 1960 et 1970. Mit Einfach brillant erkundet das Schmuckmuseum die Befreiung, die die Jahre zwischen 1960 und 1970 für die Juweliere bedeuteten.
Par Von Raphaël Zimmermann
Au Schmuckmuseum (Pforzheim), jusqu’au 27 juin Im Schmuckmuseum (Pforzheim), bis zum 27. Juni schmuckmuseum.de
Légende Bildunterschrift Bracelet Armschmuck, David Thomas, England 1965, Courtesy of the Cincinnati Art Museum, Collection Sammlung Kimberly Klosterman, Photo Tony Walsh
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xit la sagesse un brin compassée des fifties : en joaillerie, la décennie suivante marque un tournant révolutionnaire épousant l’air du temps. Se considérant avant tout comme des artistes, certains bijoutiers pulvérisent les codes avec des créations radicales qui ne sont pas faites pour être portées tous les jours ! Certaines sont des épures convoquant l’abstraction minimaliste d’un Ellsworth Kelly, comme une broche signée Karl Stittgen, faite de deux cercles enlacés où des espaces monochromes d’or, de diamant ou de malachite dialoguent délicatement. D’autres font se rencontrer des formes complexes avec élégance, à l’image du collier Veracruz de Jean Vendôme (dont les nuances de violet de cristaux d’améthyste génèrent une puissante fascination chromatique) ou d’une bague que Roger Lucas créa pour Cartier dans un esprit hippie ultra chic. Des formes organiques (rappelant Jean Arp) entrent en résonance avec des pièces complexes proches de certaines sculptures d’Arnaldo Pomodoro comme un bracelet de David Thomas. Au fil des vitrines, le visiteur voit formes et matières se libérer…
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chluss mit der steifen Zurückhaltung der Fünfzigerjahre: In der Juwelierkunst bedeuten die Sechziger einen radikalen Wendepunkt im Geiste der Zeit. Einige Juweliere, die sich zuallererst als Künstler betrachten, brechen mit den Codes anhand von radikalen Kreationen, die nicht dazu geschaffen sind täglich getragen zu werden! Einige sind Entwürfe, die die minimalistische Abstraktion eines Ellsworth Kelly einberufen, wie eine Brosche von Karl Stittgen aus zwei ineinanderverschlungenen Kreisen bei denen monochrome Flächen aus Gold, Diamanten oder Malachit in einen Dialog treten. Andere lassen auf elegante Weise komplexe Formen aufeinandertreffen, wie im Collier Veracruz von Jean Vendôme (dessen Violett-Nuancen aus Amethyst-Kristallen eine starke farbliche Faszination ausstrahlen) oder einem Ring, den Roger Lucas für Cartier entwarf, in einem sehr schicken Hippie-Stil. Organische Formen (die an Jean Arp erinnern) treten in Resonanz mit komplexen Stücken, die einigen Skulpturen von Arnaldo Pomodoro nahestehen, wie ein Armreif von David Thomas. Im Laufe der Vitrinen wird der Besucher Zeuge der Befreiung der Materialien und Formen...
MUSIQUE MUSIK
outrenoir Au Saarländisches Staatstheater se déploie l’excitant opéra Macbeth Underworld de Pascal Dusapin. Entretien avec le compositeur français, en résidence dans la maison de Sarrebruck.
jenseits von schwarz Im Saarländischen Staatstheater entfaltet sich die aufregende Oper Macbeth Underworld von Pascal Dusapin. Gespräch mit dem französischen Komponisten, der im Saarbrücker Haus artist in residence ist. Par Von Hervé Lévy Portrait de von Marthe Lemelle Photos de von Martin Kaufhold
Au Saarländisches Staatstheater (Sarrebruck), les 2, 8 et 28 mai puis les 3 et 6 juin Im Saarländischen Staatstheater (Saarbrücken), am 02., 08. & 28. Mai und am 03. & 06. Juni staatstheater.saarland Au Grand Théâtre (Luxembourg), mercredi 12 mai Im Grand Théâtre (Luxemburg), am Mittwoch den 12. Mai theatres.lu
Après Penthesilea1, vous vous colletez avec une autre histoire d’amour et de mort : pourquoi avoir eu envie d’aborder les rivages sombres de Macbeth ? Le désir de m’attaquer à l’œuvre de Shakespeare vient de Penthesilea, une histoire d’amour et de loi : dès que l’héroïne comprend qu’elle a parjuré, elle met fin à sa vie. Macbeth c’est exactement le contraire – si bien qu’il est possible de considérer les deux opéras comme un diptyque – dans la mesure où son personnage central outrepasse complètement la loi. Il est très actuel, évoquant nombre de puissants – au Brésil, aux États-Unis, mais pas uniquement – qui foulent aux pieds les principes sur lesquels notre culture est assise. J’essaie de témoigner de mon inquiétude au monde en abordant de telles thématiques. L’opéra doit-il être une caisse de résonance du monde ? Pour moi, oui. Il s’agit, pour résumer, de dire en chantant ce qui nous préoccupe – et d’inscrire cette réflexion dans la psyché – plus que de raconter des histoires. Le cinéma le fait bien mieux que nous ! Medeamaterial (1992) était ainsi lié à la Guerre de Bosnie, Penthesilea (2014) entrait en résonance avec la situation en Syrie ou en Lybie… Mon Macbeth peut faire penser à Trump ou Bolsonaro, mais aussi à certains magnats des GAFA.
Voir Poly n°180 et sur poly.fr Outremonde (Actes Sud, 1999) dont le titre original est Underworld 1 Siehe Poly Nr.180 oder auf poly.fr 1
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Dans votre opéra, vous avez néanmoins centré le propos sur le couple formé par Macbeth et Lady Macbeth : pourquoi ce choix assez éloigné de Shakespeare ? Le danger est de cantonner Lady Macbeth au statut de dingue hystérique et manipulatrice,
comme on le fait trop souvent. Je souhaitais la penser différemment, comme une femme douce et amoureuse. Je voulais qu’ils composent un vrai couple, avec une dimension érotique. Cela permet de montrer plus facilement la destruction de leur relation qui va de pair avec l’avancée de la folie. Pourquoi avoir nommé votre opéra Macbeth Underworld ? Ils sont tous morts, ce sont des fantômes revenus des enfers en train de rejouer une scène qui a déjà existé. C’est un pur cauchemar qui nous fait plonger dans les tréfonds de l’âme humaine. Je voulais exprimer l’idée d’un autre monde. Cet “outremonde” je l’ai trouvé dans le titre d’un roman de Don DeLillo2. Qu’est-ce qui vous a irrigué pour composer cet opéra ? L’idée de la partition est née lorsque j’ai regardé successivement deux films, Le Château de l’araignée d’Akira Kurosawa et une réalisation peu connue de Roman Polanski qui s’intitule simplement Macbeth. Ensuite j’ai collationné une centaine de films et de travaux théâtraux, du Macbeth de la télévision tchécoslovaque à celui de la Royal Shakespeare Company produit par Thames Television avec Judi Dench. Que pensez-vous de la mise en scène de Lorenzo Fioroni à Sarrebruck ? Elle est très différente de celle de Thomas Jolly à la création, en 2019. C’était un moment merveilleux quand je l’ai découverte : Lady Macbeth a été sexuée à l’extrême, tandis que Macbeth a été dévirilisé. Ils évoluent dans une atmosphère de fin du monde, dans des limbes
déliquescents post-nucléaires. C’est une manière de voir ma partition qui m’a beaucoup séduite. Que pouvez-vous nous dire de votre prochain opéra, Il Viaggio qui sera créé au Festival d’Aix-en-Provence en 2022 ? Je me suis fondé sur La Divine Comédie de Dante : plus vous relisez ce texte, plus vous le voyez partir au loin. De ce long compagnonnage, je me suis décidé à faire un opéra. J’ai beaucoup erré, beaucoup désespéré, beaucoup angoissé, mais finalement l’idée est apparue de partir sur la trace de Dante, un personnage qui sera dédoublé, puisqu’on y croise un Dante de 35 ans et un Dante sortant tout juste de la Vita nuova. Après Penthesilea et Macbeth Underworld, il me fallait quelque chose de plus lumineux. Nach Penthesilea1 schlagen Sie sich mit einer anderen Geschichte von Liebe und Tod herum: Warum hatten Sie Lust, an den düsteren Ufern von Macbeth anzulegen? Der Wunsch mich mit dem Werk von Shakespeare zu beschäftigen, kommt von Penthesilea, einer Geschichte von Liebe und Gesetz: Als die Heldin versteht, dass sie einen Meineid geschworen hat, begeht sie Selbstmord. Macbeth ist exakt das Gegenteil – so sehr, dass man die beiden Opern als ein Diptychon verstehen kann – hinsichtlich der Tatsache, dass die Hauptfigur komplett das Gesetz überschreitet. Es ist sehr aktuell, erinnert an viele Mächtige – in Brasilien, in den USA, aber nicht nur – die die Grundprinzipien unserer Kultur mit Füßen treten. Ich zeuge von meiner Sorge um die Welt, indem ich solche Themen behandele. Poly 235
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Sollte die Oper ein Resonanzkörper der Welt sein? Für mich, ja. Es geht, zusammengefasst, darum, singend das zu sagen, was uns beschäftigt – und diese Überlegung in die Psyche einzuschreiben – mehr noch als darum Geschichten zu erzählen. Das macht das Kino sehr viel besser als wir! Medeamaterial (1992) stand in Zusammenhang mit dem Bosnienkrieg, Penthesilea (2014) mit der Situation in Syrien oder Libyen... Meine Macbeth kann an Trump oder Bolsonaro, aber auch einige Magnaten der GAFA denken lassen. In ihrer Oper haben Sie nichtsdestotrotz den Schwerpunkt auf das Paar aus Macbeth und Lady Macbeth gelegt: Warum diese Entscheidung, die ziemlich weit entfernt von Shakespeare ist? Die Gefahr liegt darin Lady Macbeth auf den Status der verrückten Hysterikerin und Manipulatorin zu beschränken, wie es oft der Fall ist. Ich wollte sie anders denken, wie eine sanfte und verliebte Frau. Ich wollte, dass sie ein echtes Paar bilden, mit einer erotischen Dimension. Das macht es einfacher die Zerstörung ihrer Beziehung zu zeigen, die mit dem fortschreitenden Wahnsinn einhergeht. Warum haben Sie ihre Oper Macbeth Underworld genannt? Sie sind alle tot, es sind die Geister, die aus der Hölle zurückgekehrt sind um eine Szene nachzuspielen, die bereits existiert hat. Es ist ein purer Albtraum, der uns in das Innerste der menschlichen Seele eintauchen lässt. Ich wollte die Idee einer anderen Welt ausdrücken. Diese „Jenseits-Welt“ habe ich im Titel eines Romans von Don DeLillo gefunden. Was hat sie dazu gebracht diese Oper zu komponieren? Die Idee der Partition ist entstanden, als ich nacheinander 58
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zwei Filme sah, Das Schloss im Spinnwebwald von Akira Kurosawa und eine wenig bekannte Realisation von Roman Polanski, die ganz einfach Macbeth heißt. Anschließend habe ich rund hundert Filme und Theaterstücke kollationiert, von Macbeth in einer tschechoslowakischen Fernsehproduktion bis zu jener der Royal Shakespeare Company, produziert von Thames Television mit Judi Dench. Was denken Sie von der Inszenierung von Lorenzo Fioroni in Saarbrücken? Sie ist sehr anders als jene von Thomas Jolly bei der Uraufführung im Jahr 2019. Als ich sie entdeckte, war das ein wunderbarer Moment: Lady Macbeth war extrem sexualisiert, während Macbeth feminisiert wurde. Sie bewegen sich in einem Endzeitszenario, in einer dekadenten postnuklearen Vorhölle. Es war eine Sicht auf meine Partition, die mir sehr gefallen hat. Was können Sie uns über ihre kommende Oper, Il Viaggio sagen, die beim Festival d’Aix-en-Provence 2022 uraufgeführt wird? Ich habe mich auf die Göttliche Komödie von Dante gestützt: Je öfter sie diesen Text lesen, desto weiter geht er. Nach dieser langen Begleitung habe ich mich dazu entschieden, eine Oper zu machen. Ich war sehr verirrt, verzweifelt, sehr ängstlich, aber schließlich ist die Idee aufgetaucht auf den Spuren von Dante zu wandeln, einer Figur, die doppelt sein wird, da man auf einen Dante von 35 Jahren trifft und einen, der gerade die Vita nuova fertig gestellt hat. Nach Penthesilea und Macbeth Underworld hatte ich das Bedürfnis nach etwas Hellerem.
love is in the air 12 courts-métrages, 12 lieux de la Métropole lorraine et 12 histoires d’amour : Nancy Opera Xperience #1 renouvelle le genre lyrique. 12 Kurzfilme, 12 Orte der lothringischen Metropole und 12 Liebesgeschichten: Nancy Opera Xperience #1 erfindet das lyrische Genre neu.
Par Von Hervé Lévy Photo de von Jean-Louis Fernandez
À voir sur Zu sehen auf opera-national-lorraine.fr Des cubes aux couleurs du Nancy Opera Xperience sont installés à proximité des lieux de tournage. Chacun peut y scanner les flash-codes pour découvrir l’épisode correspondant sur son smartphone. Würfel in den Farben der Nancy Opera Xperience sind in der Nähe der Drehorte installiert. Jeder kann hier die Flashcodes scannen um die entsprechende Episode auf seinem Smartphone zu entdecken.
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irecteur de l’Opéra national de Lorraine, Matthieu Dussouillez souhaitait dès avant la pandémie créer « un laboratoire de création lyrique afin de questionner l’opéra et ses modes de production au XXIe siècle ». NOX (Nancy Opera Xperience) a ainsi pour objectif d’imaginer des propositions « inscrites au cœur de la ville, permettant de nouer des liens forts avec ses habitants et de faire voler les codes en éclats ». Pour cette première session, est proposé un spectacle 100 % digital et gratuit : Êtes-vous amoureux ? rassemble 12 saynètes opératiques écrites à partir de témoignages d’habitants de la cité (recueillis par Chloé Kobuta) mis en musique par Paul Brody. Le spectateur se laisse happer par ces tranches de vie, microfictions se déroulant à la Piscine Alfred Nakache, au Bowling des Nations ou encore à la Brasserie Au Grand Sérieux et explorant la polyphonie du sentiment. Ces fragments du discours amoureux forment au final un véritable « Musée de l’Amour, exploitant les potentialités poétiques du quotidien, dont le personnage principal est Nancy. »
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er Direktor der Opéra national de Lorraine, Matthieu Dussouillez wollte schon vor der Pandemie „ein Labor für lyrische Kreationen schaffen, um die Oper und ihre Produktionsweise im 21. Jahrhundert in Frage zu stellen.“ NOX (Nancy Opera Xpercience) hat zum Ziel Beiträge zu erarbeiten, die „sich ins Herz der Stadt einschreiben, es erlauben starke Beziehungen zu den Einwohnern herzustellen und die Codes zu sprengen“. Für diese erste Ausgabe wird eine 100% digitale und kostenlose Aufführung angeboten: Êtes-vous amoureux ? versammelt 12 Opern-Sketche, auf der Basis von Berichten der Einwohner der Stadt (aufgenommen von Chloé Kobuta), die von Paul Brody musikalisch umgesetzt wurden. Der Zuschauer lässt sich von diesen Lebensausschnitten fesseln, Mikro-Fiktionen, die im Schwimmbad Alfred Nakache, im Bowlingcenter Nations oder auch in der Brasserie Au Grand Sérieux spielen und die Vielstimmigkeit des Gefühls erkunden. Diese Fragmente des Liebes-Diskurses bilden am Ende „ein Museum der Liebe, das die poetischen Möglichkeiten des Alltags nutzt und dessen Hauptfigur Nancy ist.“
dancer in the dark Porté par l’esthétique sombre et stylisée d’Éric Vigner, Mithridate de Racine retrouve le chemin du TNS après avoir fait l’objet d’une captation. Getragen von Éric Vigners düsterer Ästhetik findet Mithridate von Racine seinen Weg ins TNS, nachdem es schon aufgezeichnet wurde.
Par Von Suzi Vieira Photos de von Jean-Louis Fernandez
Au Théâtre national de Strasbourg, du 7 au 17 juin Im Théâtre national de Strasbourg, vom 7. bis 17. Juni tns.fr À la Comédie de Reims, du 22 au 25 juin In der Comédie de Reims, vom 22. bis 25. Juni lacomediedereims.fr Le film est disponible en replay sur france.tv jusqu’au 23 août
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u’en un jour, qu’en un lieu, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli », écrivait Boileau, édictant la sacro-sainte règle de la tragédie classique. Avec Mithridate (1673), Racine place le légendaire roi du Pont – territoire antique situé sur les rives de la Mer noire –, aux dernières heures d’une vie passée à lutter contre l’invasion romaine. Parmi les moins connues de son auteur, l’œuvre est rarement donnée. C’est aussi la plus sombre. « Une pièce crépusculaire et intime. Douloureuse », confie Éric Vigner, dont la mise en scène embarque très loin le spectateur dans un voyage funèbre et poétique, au cœur des
ténébreuses passions humaines, viciées par les amours trahies et les guerres vaines. Ici, le monarque, défait par Pompée, revient dans la ville de Sinope, où ses deux fils, l’ayant cru mort, se disputent sa promise. Vaincu sur le plan politique, Mithridate comprend qu’il l’est aussi chez lui… et se consume, jusqu’à l’autodestruction. C’est la tragédie d’un homme qui perd tout et réalise, trop tard, combien il a manqué l’essentiel, poursuivant la gloire au détriment de l’amour. « Vanité des vanités, tout n’est que vanité », trouvait-on déjà dans l’Écclésiaste… La scénographie toute en clair-obscur de Vigner traduit superbement l’atmosphère vespérale qui nimbe le texte :
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«Ce récit de la fin d’une vie et de la fin d’un monde est un miroir saisissant par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui, aux questions sur la mort et le sens de l’existence que charrie en nous la pandémie. Qu’est-ce qu’on fait ? À quoi ça sert ? ». Dans la nuit noire du théâtre, le metteur en scène laisse jaillir le crépitement d’un feu, autour duquel l’étourdissante Jutta Johanna Weiss (quelle Monime elle fait !) se débat entre les désirs de trois hommes qui tous exigent de la posséder. Il y a du Georges de La Tour dans les tableaux du premier acte. Et du Eyes Wide Shut dans la nitescence du rideau de perles de verre de Bohême balayant le plateau et plongeant les comédiens dans les limbes d’une « dimension à moitié réelle / à moitié rêvée »… jusqu’à les ensevelir. Reporté depuis novembre dernier en raison de la crise sanitaire, le spectacle est entre-temps devenu un film réalisé par Stéphane Pinot, visible sur la plateforme de France Télévisions avant de pouvoir enfin être présenté au public. « Un film, pas une captation plate et sans point de vue », tient à préciser Éric Vigner. Avec les amis de la société de production La Compagnie des Indes, il a pensé chacun des plans de ce longmétrage pour rendre compte au plus près de ses choix de mise en scène : « Les plans serrés sur les visages, les micros qui autorisent de parler à voix basse, l’extrême définition de l’image, sublimant y compris les lumières nocturnes, traduisent le caractère profondément intimiste de l’œuvre de Racine. C’est du théâtre de chambre. »
den Sinn der Existenz, die die Pandemie in uns aufkommen lässt. Was machen wir? Zu was ist es gut? “ In der schwarzen Nacht des Theaters lässt der Regisseur das Prasseln eines Feuers aufblitzen, um das die überwältigende Jutta Johanna Weiss sich mit den Begierden der drei Männer herumschlägt, die sie alle besitzen wollen. Die Gestaltung des ersten Aktes hat etwas von Georges de La Tour. Und etwas von Eyes Wide Shut in der Brillanz des Vorhangs aus Glasperlen, der über die Bühne hinweg gleitet und die Schauspieler in die Vorhölle einer „halb realen / halb geträumten Dimension“ eintaucht... bis er sie begräbt. Seit November aufgrund der sanitären Krise verschoben, ist die Aufführung inzwischen zum Film geworden, der von Stéphane Pinot realisiert wurde und auf der Plattform von France Télévisions zu sehen ist, bevor sie endlich vor Publikum stattfinden kann. „Ein Film, keine platte Aufzeichnung ohne Standpunkt“, präzisiert Éric Vigner. Mit Freunden von der Produktionsgesellschaft La Compagnie des Indes hat er an jeder Szene dieses Spielfilms gearbeitet, um seine Entscheidungen in der Inszenierung bestmöglich wiederzuspiegeln: „Nahaufnahmen der Gesichter, Mikrophone, die es erlauben mit leiser Stimme zu sprechen, extrem hohe Bilddefinition, die auch das nächtliche Licht wiedergibt, so dass der sehr intime Charakter von Racines Werk transportiert wird. Es ist ein Kammerspiel.“
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enn an einem Ort und einem Tag die Handlung sich erfüllt, bleibt das Theater bis zum Ende gefüllt.“, schrieb Boileau, als er die sakrosankte Regel der klassischen Tragödie herausgab. Mit Mithridate (1673) beschreibt Racine den legendären König von Pontos – einem antiken Reich an den Ufern des Schwarzen Meeres – in den letzten Stunden eines Lebens, das dem Kampf gegen die römischen Invasionen gewidmet war. Das Werk, das zu den weniger bekannten des Autors gehört, wird selten gespielt. Es ist auch das dunkelste. „Ein intimes Stück der Dämmerung. Schmerzhaft“, vertraut uns Éric Vigner an, dessen Inszenierung den Zuschauer auf eine poetische Totenreise mitnimmt, ins Zentrum der mysteriösen menschlichen Leidenschaften, verdorben von verratener Liebe und sinnlosen Kriegen. Hier kommt der Monarch, nach seiner Niederlage gegen Pompeius in die Stadt Sinop zurück, wo sich seine beiden Söhne, die ihn für tot hielten, um seine Verlobte streiten. Auf der politischen Ebene besiegt, versteht Mithridate, dass er es auch im Privaten ist... und verzehrt sich bis zur Selbstzerstörung. Es ist die Tragödie eines Mannes, der alles verliert und zu spät realisiert, dass er das wichtigste verpasst hat, indem er den Ruhm zu Ungunsten der Liebe verfolgte. „Eitelkeit der Eitelkeiten, alles ist nur Eitelkeit“, fand man schon bei Kohelet... Die Inszenierung von Vigner, im Dämmerlicht, spiegelt wunderbar diese abendliche Stimmung wieder, die über dem Text liegt: „Diese Erzählung vom Ende eines Lebens und dem Ende einer Welt ist ein ergreifender Spiegel in Bezug zu dem, was wir heute erleben, zu den Fragen rund um den Tod und Poly 235
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theater 3.0 Pandémie oblige, le festival de théâtre franco-allemand Perspectives met à l’honneur des formats émergents venus d’outre-Rhin. Carrément bluffant. Pandemiebedingt zeigt das deutsch-französische Theaterfestival Perspectives herausragende Formate aus Deutschland. Geradezu umwerfend.
Par Von Suzi Vieira Photos © Collectif punktlive Sur le site du festival francoallemand Perspectives, du 20 au 29 mai Auf der Homepage des deutschfranzösischen Festivals Perspectives, vom 20. bis 29. Mai festival-perspectives.de Un deuxième temps fort aura lieu à l’été avec des spectacles en Allemagne et en France, du 29/07 au 01/08 Ein zweiter Höhepunkt wird in diesem Jahr im Sommer in Deutschland und Frankreich vom 29.07. bis 01. 08. stattfinden
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ul ersatz de spectacle vivant ici ! Pas de monologue débité face à une webcam. Pas plus de captation de représentation jouée sans public “faute de mieux”. Les quatre œuvres numériques au programme de Perspectives n’ont rien des succédanés ayant fleuri ces derniers temps sur les pages d’accueil des institutions. Astreint en ce mois de mai à une édition 100% digitale, le grand rendez-vous franco-allemand du théâtre – qui joue depuis quarante ans à saute frontière entre Lorraine et Sarre – a décidé de miser sur l’inventivité des jeunes dramaturges d’outre-Rhin en se faisant la vitrine de formats émergents tout à fait époustouflants. Au
premier rang desquels werther.live, du collectif punktlive, adaptation rafraichissante des Souffrances du jeune Werther (1774). Tirée du roman épistolaire de Goethe, la pièce est explicitement mise en scène pour l’espace numérique. On y assiste uniquement lors de représentations jouées en temps réel par les comédiens et l’équipe technique. Ici, Werther, étudiant ayant mis sa carrière universitaire de côté pendant la pandémie, passe son temps à échanger sur Skype avec son ami Wilhelm. Le public vit le drame du point de vue du jeune héros, dont l’écran d’ordinateur fait office de scène, immergeant les spectateurs dans son quotidien numérique : conversations WhatsApp, publications sur Facebook, recherches sur Instagram… Ce n’est pas à un bal mais sur eBay que ce Werther 2.0 rencontre la belle Lotte – en lui achetant un ouvrage sur les armes anciennes. Et à défaut de promenades dans les bois, c’est au son de la pluie printanière qui tambourine aux fenêtre de leurs salons respectifs qu’il en tombe obsessionnellement amoureux lors des rendez-vous sur Zoom. La transposition au XXIe siècle est totale… et pourtant d’une troublante fidélité à l’intrigue comme au ton de l’œuvre originale. C’est astucieux, et captivant en diable ! Tout aussi déroutant, Lob des Vergessens - Teil 2 (Éloge de l’oubli – Partie 2), une performance-essai en forme de webinaire Zoom, explore l’histoire méconnue de l’expulsion des Allemands d’Europe de l’Est après la Seconde Guerre Mondiale. Lui-même descendant de réfugiés, Oliver Zahn embarque les spectateurs dans une enquête historicosociologique sur les mécanismes de l’oubli à l’œuvre dans une société allemande pourtant hantée par le devoir de mémoire. Les formes
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divergent, mais chacune des expérimentations présentées repose sur une scénographie aussi novatrice qu’interactive. Le drolatique Twin Speaks prend des airs de fiction policière avançant à coups de liens hypertextes et de GIFs. Quand le Lockdown du collectif machina eX invite carrément à un “Live-Theater-Game”, où les participants doivent échanger par messagerie et passer quelques coups de fil afin d’élucider l’inquiétante disparition d’une dénommée Tess.
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ein Theaterersatz! Kein Monolog vor der Webcam. Auch keine Aufnahmen von Darbietungen, die „mangels Alternativen“ ohne Publikum gespielt werden. Die vier digitalen Werke, die auf dem Programm von Perspectives stehen, haben nichts von den Ersatzveranstaltungen, die in letzter Zeit auf den Homepages der Institutionen entstanden sind. In diesem Monat Mai auf eine 100% digitale Ausgabe beschränkt, hat das große deutsch-französische Rendezvous des Theaters – das seit vierzig Jahren zwischen Lothringen und dem Saarland stattfindet – auf den Einfallsreichtum der jungen deutschen Dramaturgen gesetzt und sich zur Vitrine herausragender Formate gemacht, die absolut atemberaubend sind. Dazu gehört werther.live, des Kollektivs punktlive, eine Erfrischende Interpretation der Leiden des jungen Werthers (1774). Das Stück nach Goethes Briefroman ist explizit für den digitalen Raum konzipiert. Man kann es nur während der von den Schauspielern und Technikern in Echtzeit gebotenen Darstellungen sehen. Hier hat der Student Werther während der Pandemie seine universitäre Karriere auf Eis gelegt und verbringt seine Zeit mit seinem Freund Wilhelm auf Skype. Das Publikum
erlebt das Drama aus der Sicht des jungen Helden, dessen Computerbildschirm als Bühne dient, wodurch der Zuschauer in seinen digitalen Alltag eintaucht: WhatsApp-Unterhaltungen, Veröffentlichungen auf Facebook, Recherchen auf Instagram... Dieser Werther 2.0. trifft die schöne Lotte nicht auf einem Ball, sondern auf eBay – da er ihr ein Werk über alte Waffen abkauft. Statt auf Waldspaziergängen, verliebt er sich unsterblich zum Geräusch des Frühlingsregens auf ihren jeweiligen Fenstern, bei ihren Rendezvous auf Zoom. Die Übertragung auf das 21. Jahrhundert ist total... und trotzdem merkwürdig nah dran an der ursprünglichen Intrige und ihrem Tonfall. Raffiniert und teuflisch fesselnd! Ebenso unerwartet ist Lob des Vergessens Teil 2 ein Performance-Essay in Form eines Zoom-Seminars, das die verkannte Geschichte der Vertreibung der Deutschen aus Osteuropa nach dem Zweiten Weltkrieg erkundet. Oliver Zahn, der selbst Nachfahre von Flüchtlingen ist, nimmt die Zuschauer mit auf eine historisch-soziale Untersuchung der Mechanismen des Vergessens die in einer deutschen Gesellschaft wirken, der die Pflicht der Erinnerung keine Ruhe lässt. Die Formen unterscheiden sich, aber jeder der gezeigten Versuche beruht auf einer innovativen und interaktiven Inszenierung. Das tolldreiste Twin Speaks in Form eines Krimis, der mithilfe von Links und GIFs abläuft. Währenddessen lädt der Lockdown des Kollektivs machina eX zu einem „Live-Theater-Game“ ein, bei dem die Teilnehmer sich über Nachrichten und Telefonanrufe austauschen um das besorgniserregende Verschwinden einer gewissen Tess aufzuklären.
werther.live du collectif punktlive, en allemand sous-titré en français, 20 & 25/05 Lob des Vergessens – Teil 2 d’Oliver Zahn, 22/05 en allemand et 29/05 en anglais Twin Speaks – Telegram Edition du collectif vorschlag:hammer, 21 & 24/05, en allemand Lockdown du collectif machina eX, 22 & 23/05, en allemand werther.live des Kollektivs punktlive, in Deutsch mit französischen Untertiteln, am 20. & 25.05. Lob des Vergessens – Teil 2 von Oliver Zahn, am 22.05. in Deutsch und am 29.05. in Englisch Twin Speaks – Telegram Edition des Kollektivs vorschlag:hammer, am 21. & 24.05. in Deutsch Lockdown des Kollektivs machina eX, am 22. & 23.05. in Deutsch
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UN DERNIER POUR LA ROUTE AUF EIN LETZTES GLAS
arty wines À la découverte des flacons à la forte identité du Domaine Josmeyer, fleuron du vignoble alsacien cultivé en biodynamie depuis 2000. Entdeckung von charakterstarken Flaschen des Weinguts Josmeyer, Flaggschiff des elsässischen Weins, das seit 2000 biodynamisch anbaut.
Domaine Josmeyer 76 rue Clemenceau (Wintzenheim) josmeyer.com
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ous sommes des passeurs de culture », résume Céline Meyer, œuvrant la main dans la main avec sa sœur Isabelle – vinificatrice d’une extrême inspiration – sur un domaine de 25 hectares qui compte 90 parcelles. Se plaçant dans les pas de leur père « qui trouvait souvent l’inspiration dans les musées pour ses vins », elles imaginent des cuvées comme l’iconique Mise du printemps, un pinot blanc plein de fraîcheur qui « lance la saison » dans des pépiements de fleurs blanches répondant avec grâce à l’étiquette imaginée par Alma Bucciali. Pionnier dans le travail avec des plasticiens (Raymond Waydelich, Tony Soulié, etc.) pour donner une identité visuelle à ses bouteilles, Josmeyer est notamment célèbre pour son pinot auxerrois H. Issu de vieilles vignes plantées au cœur du Grand Cru Hengst, immense vin structuré en diable, classieux sans être inutilement démonstratif, il est un parfait compagnon pour des bouchées à la reine. Depuis peu est proposée une macération de gewurztraminer délicatement rustique – et ce n’est pas un oxymore ici – nommée Libre sous le ciel, une appellation qui va comme un gant au domaine dans son ensemble.
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ir sind Vermittler der Kultur“, resümiert Céline Meyer, die Hand in Hand mit ihrer Schwester Isabelle – einer Winzerin mit extremer Inspiration – auf einem Weingut von 25 Hektar mit 90 Parzellen wirkt. In den Fußstapfen ihres Vaters, „der seine Inspiration für seine Weine oft in Museen fand“, erfinden sie Jahrgänge wie den ikonischen Mise du printemps, einen Pinot Blanc voller Frische, der „die Saison startet“ mit Gezwitscher von weißen Blüten, die mit Anmut auf das von Alma Bucciali gestaltete Etikett antworten. Als Pionier in der Zusammenarbeit mit Künstlern (Raymond Waydelich, Tony Soulié, etc.), die seinen Flaschen eine visuelle Identität verleihen, ist Josmeyer vor allem bekannt für seinen Pinot Auxerrois H. Aus alten Reben stammend, die im Herzen des Grand Cru Hengst gepflanzt sind, ist dieser große Wein teuflisch strukturiert, nobel ohne überflüssig demonstrativ zu sein, ein perfekter Begleiter für eine Königinpastete. Seit Kurzem wird ein feiner, rustikaler Gewürztraminer angeboten – und das ist hier kein Oxymoron – mit dem Namen Libre sous le ciel, einer Bezeichnung, die wie die Faust aufs Auge zum gesamten Weingut passt.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération
Par Von Hervé Lévy