Cerveau & Psycho n°122 - juin 2020

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Cerveau & Psycho

Cerveau & Psycho

COMMENT LE JEU CONSTRUIT LE CERVEAU

Acquérir les briques cognitives pour développer sa personnalité

Juin 2020

N°122

N° 122 Juin 2020

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90 % DE CE QU’ON DIT EST-IL VRAIMENT DU LANGAGE CORPOREL ?

COMMENT LE JEU CONSTRUIT LE CERVEAU Acquérir les briques cognitives pour développer sa personnalité TÉLÉTRAVAIL NE PAS CRAQUER AVEC LES ENFANTS À LA MAISON

BIEN-ÊTRE L’ÉQUILIBRE ÉMOTIONNEL DANS LA DANSE PSYCHOLOGIE LES NEURONES DE LA DISTANCE INTERPERSONNELLE COUPS FANTÔMES QUAND BÉBÉ TAPE ENCORE DANS LE VENTRE APRÈS LA NAISSANCE BEL : 8, 90 € / CAN : 12, 49 $ CAN / CH : 15, 50 CHF / DOM : 8, 90 € / LUX : 8, 90 € / TOM : 1 200 XPF


© Toby Madden pour Action contre la Faim

URGENCE CORONAVIRUS

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Pour venir en aide aux victimes en un seul don, Alliance Urgences rassemble les forces de 6 ONG.


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NOS CONTRIBUTEURS

ÉDITORIAL

p. 14-17

SÉBASTIEN BOHLER

Clémentine Delignières

Journaliste scientifique, elle a enquêté sur un phénomène inexpliqué chez de nombreuses femmes, les « coups fantômes » : l’impression de ressentir encore les coups du bébé dans leur ventre, longtemps après l’accouchement…

p. 54-61

Julia F. Christensen

Docteure en psychologie et neuroscientifique à l’institut Max-Planck de Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, elle s’est tournée vers les recherches sur les bienfaits de la danse après avoir dû arrêter sa carrière de danseuse professionnelle à cause d’une blessure.

p. 18-25

Anna Lorenzen

Docteure en neurosciences, journaliste scientifique à la revue Gehirn & Geist, elle a effectué des recherches auprès des scientifiques pour savoir comment notre cerveau mesure notre distance physique avec les autres et crée ainsi un périmètre de sécurité, notre bulle personnelle.

p. 26-28

Georges Chapouthier

Neurobiologiste, philosophe et directeur de recherche émérite au CNRS, il est spécialiste de l’intelligence des animaux, de leur cognition et de leurs émotions.

Rédacteur en chef

Un, deux, trois… Soleil !

P

endant le confinement, nous avons évité de faire beaucoup de choses : sortir, serrer des mains, rencontrer des amis, faire du shopping, voyager… Nous nous sommes beaucoup retenus, contraints, forcés à ne pas agir. Ce temps gelé est un peu celui de « Un, deux, trois… Soleil ! », le jeu auquel jouent les enfants en cour de récréation. Ce jeu, apprend-on dans notre dossier, de même que le jeu du « Ni oui, ni non », développe une aptitude cognitive clé appelée inhibition. Une capacité liée aux régions antérieures de notre cerveau, qui nous permet d’aller parfois contre notre envie du moment. Elle est essentielle pour vivre en société. Nous-mêmes, à la rédaction de Cerveau & Psycho, avons dû quelque peu « inhiber » ce numéro rédigé au mois d’avril, en le limitant à 76 pages. Principalement pour avoir le temps d’assurer sur notre site web un flux plus important d’articles en accès libre sur les effets psychologiques du confinement, afin de vous accompagner en cette période singulière. L’inhibition tient d’ailleurs une place importante dans ce numéro : on y apprend que notre instinct nous pousse à maintenir une distance de sécurité avec les autres, mais que dans les transports en commun il faut aller contre cet instinct. De la même façon, Jean-Philippe Lachaux nous apprend que pour nous concentrer dans un environnement bruyant, nous devons bloquer certains réflexes qui attireraient notre attention vers un son, une image, une conversation attrayante. Et ce détail très simple : si vous ne tombez pas de votre lit toutes les nuits, c’est parce que votre cerveau empêche automatiquement les mouvements trop amples que vous pourriez faire durant votre sommeil (les enfants, qui n’ont pas encore développé cette autorégulation, se retrouvent plus d’une fois par terre). Alors, inhiber, paradoxalement, c’est grandir. Laissons donc jouer les enfants à « Un, deux, trois… Soleil » ! £

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SOMMAIRE N° 122 JUIN 2020

p. 12

p. 14

p. 18

p. 29

DÉCOUVERTES p. 6 ACTUALITÉS Sucre : l’estomac commande au cerveau ! Le jeûne fait pousser les neurones La créativité, une récompense pour le cerveau Des ondes antidépressives  Astronautes : gare à votre cerveau !

p. 18 NEUROSCIENCES

p. 12 FOCUS

Anna Lorenzen

Pourquoi la simple vue d’une enseigne de tabac donne envie de fumer ? Les chercheurs ont des pistes… Simon Makin

p. 14 PSYCHOLOGIE

Les « coups fantômes » : quand bébé semble encore taper dans le ventre…

Dossier

p. 26

p. 6-28

Un circuit neuronal qui rend addict

p. 29-44

La distance personnelle, c’est sacré !

Quand un malotru fait irruption dans notre bulle personnelle, des neurones sentinelles s’allument dans notre cerveau. Sus à l’intrus ! p. 26 PSYCHOLOGIE ANIMALE

Les chiens, l’anxiété dans la peau

Votre chien se cache sous la table quand il entend un bruit bizarre ? En réalité, selon de récentes études, plus des deux tiers des chiens sont naturellement anxieux. Georges Chapouthier

COMMENT LE JEU CONSTRUIT LE CERVEAU p. 30 PSYCHOLOGIE

POURQUOI JOUER EST INDISPENSABLE ?

Le jeu libre favorise le développement social, émotionnel et cognitif de l’enfant. Ce faisant, il lui permet de devenir un adulte équilibré. Melinda Wenner Moyer

p. 36 COMPORTEMENT

UN INSTINCT CÂBLÉ DANS LE CERVEAU

Quand des rats jouent à cache-cache, on s’interroge sur l’origine antédiluvienne de l’instinct du jeu. Ryan P. Dalton et Francisco Luongo

Leur bébé est né depuis des années, mais certaines femmes continuent de ressentir de mystérieux coups de pied dans leur utérus…

p. 40 INTERVIEW

LE JEU EST UN DÉMULTIPLICATEUR D’APPRENTISSAGES

Clémentine Delignières

Les aires cérébrales mobilisées par le jeu sont essentielles pour poser les bases de la vie en société. Ce numéro comporte un encart d’abonnement Cerveau & Psycho, jeté en cahier intérieur, sur toute la diffusion kiosque en France métropolitaine. Il comporte également un courrier de réabonnement, posé sur le magazine, sur une sélection d’abonnés. En couverture : © Shutterstock.com/ESOlex

Grégoire Borst

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p. 70

p. 46

p. 50

p. 54

p. 62 p. 68

p. 46-52

p. 54-67

ÉCLAIRAGES

VIE QUOTIDIENNE LIVRES

p. 46 UN PSY AU CINÉMA

p. 54 PSYCHOLOGIE COGNITIVE

JEAN-VICTOR BLANC

To the Bone : itinéraire d’une anorexique Ce film offre une vision aussi poignante que fidèle de cette pathologie, et montre aussi la voie d’une possible guérison. p. 50 L’ENVERS DU DÉVELOPPEMENT PERSONNEL

YVES-ALEXANDRE THALMANN

90 % de ce que vous dites, du langage corporel ?

C’est complètement faux. Mais comment en est-on arrivé à le croire ?

p. 68-74

Julia F. Christensen

p. 68 SÉLECTION DE LIVRES Les 1 000 Premiers Jours Le Syndrome du paresseux La Science au service de l’école Dans la tête d’un chat Les Robots émotionnels Tant pis pour l’amour

p. 62 ÉCOLE DES CERVEAUX

p. 70 NEUROSCIENCES ET LITTÉRATURE

Le cerveau entre dans la danse

Connexion avec le corps, lien social, régulation émotionnelle : la danse est un puissant facteur d’équilibre pour le cerveau.

JEAN-PHILIPPE LACHAUX

Télétravail : évitez le big bang mental !

Quand on travaille à la maison – surtout si des enfants sont présents – on a parfois l’impression de se disperser et de perdre en efficacité. Comment éviter l’implosion ? p. 66 LA QUESTION DU MOIS

Pourquoi ne tombe-t-on pas de son lit toutes les nuits ? Nous bougeons environ 60 fois par nuit. Mais notre cerveau, avec le temps, limite ces mouvements aux dimensions du lit. Sylvia Kotterba

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SEBASTIAN DIEGUEZ

Imagine : le pouvoir de la pensée contrefactuelle

La force de la célèbre chanson de John Lennon ? Activer une faculté essentielle de notre cerveau : la simulation mentale.


DÉCOUVERTES

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p. 6 Actualités p. 12 Un circuit neuronal qui rend addict p. 14 Les « coups fantômes » : quand bébé semble encore taper dans le ventre p. 18 La distance

Actualités Par la rédaction NUTRITION

Sucre : quand l’estomac commande au cerveau

Notre estomac contiendrait des récepteurs qui détectent la présence de sucre et transmettent le message au cerveau. À la différence des récepteurs de la langue, il est impossible de les tromper par des édulcorants… H.-E. Tan et al., The gut-brain axis mediates sugar preference, Nature, le 15 avril 2020.

© Shutterstock.com/Africa Studio

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es édulcorants, on le sait, ne font pas maigrir. Les spécialistes de la nutrition, de même que les chercheurs qui étudient le fonctionnement du système digestif, ont découvert depuis quelques années déjà que ces succédanés donnent l’impression de manger du sucre au niveau de la langue et du palais, mais qu’il « manque » quelque chose, de sorte que l’on reste attiré par des nourritures qui délivrent véritablement du glucose au système digestif. La cause de ce phénomène vient d’être découvert : c’est l’estomac luimême, ou plutôt la portion d’intestin qui le jouxte immédiatement - le duodénum, qui valide ou non l’ingestion de vrai sucre… 200 NEURONES INFERNAUX… La mise au jour de ce mécanisme suit un long processus méthodique qui ressemble à une enquête policière. Les chercheurs de l’université Columbia (impossible de ne pas

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personnelle, c’est sacré ! p. 26 Les chiens, l’anxiété dans la peau NEUROBIOLOGIE RETROUVEZ LA PAGE FACEBOOK DE CERVEAU & PSYCHO

Le jeûne fait pousser les neurones S. H. Baik, Intermittent fasting increases adult hippocampal neurogenesis, Brain & Behavior, vol. 10, art. e1444, 2020.

LE PIRATE PIRATÉ ! Puis, ils ont commencé à cartographier précisément le chemin complexe menant de l’intestin aux neurones du faisceau solitaire, notamment avec des virus capables de se propager « à contrecourant » depuis les neurones actifs du cerveau jusque vers l’intestin. Ils ont ainsi repéré des synapses entre le nerf vague et les neurones du faisceau solitaire, puis en remontant encore plus loin, ont vu s’illuminer environ 200 neurones au sein d’un ganglion du nerf vague. Ces neurones reçoivent leurs informations directement de l’intestin, et ils se sont montrés réceptifs au sucre authentique, et pas aux édulcorants… En poussant leur analyse encore plus loin, Zuker et ses collègues ont

identifié une molécule dans la paroi intestinale, le transporteur SGLT1. Ce récepteur détecte les molécules de glucose dans le duodénum et déclenche ensuite des signaux nerveux qui remontent au ganglion vagal, puis aux synapses entre le nerf vague et les neurones du faisceau solitaire, lesquels transmettent finalement l’information à tout le cerveau. Notre cerveau est ainsi littéralement piraté par l’intestin qui lui commande de chercher du sucre, et c’est la convergence des deux informations plaisantes – celles de la langue et de l’intestin – qui ancrerait notre attirance pour cette substance hautement énergétique. Reste qu’il est possible de hacker à son tour ce système, en trompant les neurones du tronc cérébral : en injectant un autre virus dans le faisceau solitaire des souris, les chercheurs sont parvenus à faire produire à ces neurones un récepteur conçu sur mesure pour activer les cellules nerveuses lorsqu’on donne à boire à l’animal une substance appelée clozapine. Dès lors, les neurones du faisceau solitaire s’allumant, le cerveau « croit » que l’intestin a reçu du sucre si on lui donne de la clozapine. Et les souris se mettent à aimer n’importe quelle substance, pourvu qu’on y ait mêlé ce composé chimique. À quand des enfants se ruant sur des haricots verts à la clozapine ? £ Sébastien Bohler

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e pas manger pendant seize heures au moins aurait un effet dopant sur les cellules nerveuses de votre cerveau, révèle une récente étude de l’université de Singapour. Ce « jeûne intermittent », qui consiste par exemple à prendre son dîner à 20 heures puis à sauter le petit déjeuner, a un effet sur la production de nouveaux neurones dans une zone clé du cerveau pour la mémoire et le repérage spatial : l’hippocampe. Ces conclusions ont été obtenues par Sang-Ha Baik et leurs collègues en soumettant des souris à un jeûne intermittent de seize heures pendant trois mois. Ils ont ensuite mesuré la concentration de molécules révélant la présence de synapses dans des neurones nouvellement formés de l’hippocampe, ainsi que la libération d’une substance fertilisatrice des neurones : le facteur de croissance neuronal, BDNF. Tous ces paramètres sont à la hausse, traduisant une différenciation accélérée de cellules souches de l’hippocampe en neurones aptes à jouer leur rôle dans la transmission de l’information au sein de cette zone pivot du cerveau des rongeurs. Restreindre son alimentation tout en pratiquant une activité physique régulière permet ainsi d’augmenter la plasticité neuronale et de se forger un cerveau en forme. Une étude publiée un an plus tôt a confirmé qu’à l’inverse, consommer plus de 3,5 heures d’écrans par jour se traduit par une baisse de mémoire verbale au-delà de 60 ans, préparant le déclin cognitif, alors que la lecture entretient ces capacités. Moins de séries et de chips, plus de sport et beaucoup de lecture : un bon programme pour le « monde de demain »… £ S. B.

© Shutterstock.com/Rudie Strummer

mentionner que le leader du groupe s’appelle Charles Zuker -sucre en allemand- et qu’il travaille dans l’institut Zuckerman de l’université...) ont commencé par injecter du glucose directement dans l’intestin des souris et ont vu immédiatement s’activer des neurones à la base de leur cerveau, dans une zone appelée noyau dorsal du faisceau solitaire, dans le tronc cérébral. Faisant l’hypothèse que le signal était transmis par le nerf vague, qui relie le système digestif au cerveau, ils ont sectionné ce nerf et constaté que les souris n’avaient plus d’attirance pour le glucose.


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Les « coups fantômes » :

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DÉCOUVERTES Psychologie

quand bébé semble encore taper dans le ventre… Par Clémentine Delignières, journaliste scientifique.

Leur bébé est né depuis des semaines, parfois des années… mais certaines femmes continuent de ressentir des coups de pied dans leur utérus, avec crainte ou nostalgie, de façon bien réelle. Une similitude avec la sensation du « membre fantôme » ?

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lle a été dépassée par la portée de ses mots. En novembre, Hélène Rock, une doula (professionnelle accompagnant les femmes enceintes), se confie sur les réseaux sociaux : « Avez-vous déjà ressenti des coups de pied au niveau de l’utérus alors que vous n’étiez plus enceinte depuis quelques semaines, mois, voire années ? Moi oui, et jusque très récemment je croyais me faire des idées jusqu’à ce qu’un ami me partage un article scientifique sur le sujet en me demandant mon avis. J’ai appris qu’en vérité

EN BREF £ Plus d’une femme sur trois continue, après avoir accouché, de « sentir » les coups de son bébé dans son ventre... £ Ces perceptions font penser au phénomène des « membres fantômes », chez des personnes amputées d’un bras ou d’une jambe. £ Pourtant, il semble que ce phénomène soit plutôt dû à une interprétation erronée, par le cerveau de la maman, de mouvements de son appareil digestif...

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très nombreuses sont les femmes à avoir ressenti ces coups. » Sur Facebook, elle reçoit 260 commentaires, souvent pour relater une expérience similaire, et son texte est partagé 600 fois. Un record pour elle. Ce phénomène n’est pas anecdotique. L’étude qu’Hélène Rock cite a été prépubliée en ligne par une équipe de chercheurs de l’université de Monash, en Australie, dirigée par Disha Sasan. Via un questionnaire sur internet, ces chercheurs ont interrogé 192 participantes (âgées de 18 à 60 ans, qui avaient accouché pour la première fois depuis 1 à 42 ans). Les scientifiques sont arrivés à un chiffre impressionnant : 40 % d’entre elles disent avoir ressenti des « coups fantômes », identiques ou ressemblant à ceux expérimentés durant la grossesse. Ces perceptions perdurent dans certains cas jusqu’à 28 ans

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© Charlotte Martin/www.c-est-a-dire.fr

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DÉCOUVERTES Neurosciences

La distance personnelle, c’est sacré ! Par Anna Lorenzen, docteure en neurosciences et journaliste à Gehirn & Geist.

En pleine soirée, un inconnu s’approche de vous et se colle à votre nez pour vous parler. Insupportable ! Même quand aucun coronavirus ne circule. Car le malotru a fait irruption dans votre bulle personnelle, une zone de sécurité que votre cerveau garde jalousement.

EN BREF £ La « distance personnelle », ou zone de confort, que nous maintenons avec autrui est un moyen de communication non verbale ; elle varie selon notre caractère, nos expériences, nos relations aux autres, notre culture, notre humeur et le contexte. £ Si un inconnu y pénètre, nous nous sentons souvent mal à l’aise car elle représente aussi une barrière protectrice. £ La distance personnelle est produite par des neurones multisensoriels dits « péripersonnels » ; chacun surveille une partie spécifique du corps et son environnement immédiat.

Q

uelle sensation désagréable lorsqu’une personne que vous ne connaissez pas s’approche trop près de vous alors que vous ne vous y attendez pas, que ce soit dans le métro bondé ou même dans la rue quand un virus rôde et que vous cherchez à garder vos distances… Vous sentez le souffle de l’inconnu près de vous et n’avez qu’une envie : vous éloigner au plus vite. Dans de telles situations, le malaise n’a qu’une seule cause : votre « distance personnelle », la sphère ou bulle protectrice qui permet de s’isoler des autres, est violée. Cette bulle, invisible, autour de notre corps, est comme une seconde peau qui influe sur la façon dont nous

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communiquons avec autrui. Pourtant, la plupart des gens ignorent encore son existence. En fait, il n’y a pas qu’une seule sphère protectrice autour de nous, mais plusieurs, plus ou moins distantes de nous et qui dépendent des objets qui y pénètrent ou des liens que nous entretenons avec ceux qui se trouvent à l’intérieur. Et des neurones particuliers réagissent, en déclenchant un comportement d’évitement ou de défense, dès que l’une de ces barrières protectrices est franchie. C’est aussi grâce à ces dernières que nous sommes capables d’éviter des obstacles ou de manger avec une fourchette. La taille de ces différentes distances personnelles

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Les chiens L’anxiété dans la peau Par Georges Chapouthier, neurobiologiste et directeur de recherche émérite au CNRS.

Votre chien se cache sous la table quand il entend un bruit bizarre ? Il se tapit dans un coin en présence d’un inconnu ? Pas d’inquiétude : selon une récente étude, près de trois quarts des chiens auraient un tempérament anxieux.

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DÉCOUVERTES Psychologie animale

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eut-être certains comportements de votre chien vous paraissent-ils totalement incongrus : lorsqu’il se met à aboyer après un piéton qui passe, lorsqu’il se montre soudain agressif sans raison apparente, lorsqu’il se cache sous un meuble en entendant un bruit inhabituel… La raison est peut-être tout simplement qu’il se laisse déborder par ses émotions. Des scientifiques finlandais viennent en effet de découvrir un fait étonnant : la majorité des chiens seraient spontanément anxieux. Cette étude, menée par l’équipe de Hannes Lohi, à l’université de Helsinki, a porté sur pas moins de 13 700 chiens de compagnie, appartenant à 264 races différentes. Elle a concerné un

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nombre à peu près équivalent de mâles et de femelles, âgés de 10 semaines à 18 ans. En interrogeant, à l’aide de questionnaires, de nombreux propriétaires de chiens, les auteurs ont évalué la présence de 7 émotions ou traits de comportement liés à l’anxiété chez les animaux. La sensibilité au bruit s’est révélée le trait le plus répandu, puisqu’elle affecte 32 % des canidés – particulièrement effrayés par les pétarades de feux d’artifice ou le grondement du tonnerre. La peur des autres chiens, des étrangers ou des situations nouvelles suit de près, touchant 29 % des animaux. Viennent ensuite, dans l’ordre : la crainte des hauteurs et des surfaces (comme une grille métallique ou un sol brillant sur lequel il

EN BREF £ L’anxiété semble être un trait fondamental du caractère des chiens de compagnie, partagé par une large majorité d’entre eux.

© Shutterstock.com/Eric Isselee

£ Elle se manifeste de diverses façons : peurs variées (du bruit, des inconnus, des autres chiens…), agressivité, comportements compulsifs… £ Cette anxiété aurait une base génétique, qui résulterait du long processus de domestication par l’homme.

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Dossier 29

SOMMAIRE

p. 30 Pourquoi jouer est indispensable ?  p. 36 Un instinct câblé dans le cerveau p. 40 Interview Le jeu est un démultiplicateur d’apprentissages

COMMENT

LE JEU CONSTRUIT LE CERVEAU Peut-être avez-vous joué

à « Ni oui, ni non » étant petit(e), ou avec vos enfants lors d’un voyage en voiture. Vous ignoriez probablement que cela développait votre cerveau préfrontal et vos capacités d’inhibition, essentielles au contrôle de soi. Ou bien, lors d’un long week-end pluvieux, avez-vous un jour ressorti cette vieille boîte de Monopoly. Vous ne saviez pas alors que vous développiez votre jonction temporopariétale, qui s’exerce à percer à jour les intentions d’autrui. En jouant aux échecs, vous avez développé votre mémoire de travail, vos fonctions exécutives, mais aussi votre contrôle émotionnel, exercé par la zone de votre cerveau située juste au-dessus de vos yeux, le cortex orbitofrontal. Le jeu est le grand bâtisseur du cerveau, à tout âge. Il nous pousse à explorer nos possibilités et à apprendre, grâce au plaisir libéré par notre système de récompense. Depuis l’éternel cache-cache qui stimule notre théorie de l’esprit (savoir ce que sait ou ignore l’autre) à certains jeux vidéo d’action qui amélioreraient nos capacités d’attention, nous avons tout à gagner à comprendre que la vie est un jeu ! Sébastien Bohler

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Dossier

POURQUOI JOUER EST INDISPENSABLE ?

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Le jeu libre, sans contrainte, favorise l’imagination, la créativité, le développement social, émotionnel et cognitif de l’enfant. Il lui permet de devenir un adulte équilibré, détendu, capable de s’adapter à son environnement. Par Melinda Wenner Moyer, journaliste scientifique à Cold Spring, dans l’État de New York.

£ Le jeu « libre », imaginatif et turbulent, par opposition au jeu structuré, développe la créativité et l’intelligence des enfants. £ En se créant un monde imaginaire, les plus jeunes apprennent à vivre en société, à se détendre et à résoudre des difficultés. £ En les bridant, on risque de les rendre anxieux et socialement inadaptés à l’âge adulte.

L

Inventer un monde et y fixer des règles est un merveilleux moyen de développer sa flexibilité mentale et sa créativité.

JOUER SANS RÈGLE NI CONTRAINTE Mais quel est le facteur le plus important ? Le fait d’être abusé ou le manque de jeu ? Pour répondre à cette question, depuis plus de cinquante ans, Stuart Brown a interrogé quelque 6 000 personnes sur leur enfance. Ses données suggèrent que le manque d’occasions de s’adonner à des activités d’imagination, non structurées, empêche les enfants de grandir en adultes équilibrés. Car pratiquer du jeu « libre » serait

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© Getty Images/ PeopleImages

e 1er août 1966, Charles Whitman, âgé de 25 ans, monte au sommet de la tour de l’université d’Austin, au Texas, et tue quarante-six personnes avec un fusil. Élève ingénieur et ancien tireur d’élite de la marine américaine, il est la dernière personne que l’on aurait crue capable d’une telle folie meurtrière. Chargé par l’État d’enquêter sur l’affaire, le psychiatre Stuart Brown, professeur au Baylor College of Medicine, à Houston, découvre alors que Whitman a deux points communs avec d’autres tueurs : il a été maltraité par ses proches et n’a jamais joué durant son enfance.


DOSSIER COMMENT LE JEU CONSTRUIT LE CERVEAU

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UN INSTINCT CÂBLÉ DANS LE CERVEAU EN BREF £ Des expériences inédites montrent que certains animaux aiment spontanément jouer à cache-cache. £ Cela suggère que le jeu serait un comportement inné, déjà présent chez des espèces de mammifères apparues bien avant l’homme.

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Découverte déroutante : les animaux jouent comme nous ! Les rats, par exemple, adorent jouer à cache-cache. De quoi suggérer que l’instinct du jeu plonge ses racines dans une histoire évolutionniste très ancienne. Par Ryan P. Dalton et Francisco Luongo.

À

la soixante et unième minute de la finale de la Coupe du monde féminine 2019 entre les États-Unis et les Pays-Bas, la joueuse Megan Rapinoe se tenait à la limite de la surface de réparation, attendant stoïquement le coup de sifflet du juge pour tirer son penalty. Une heure d’attaques et de contre-attaques, sous une chaleur étouffante et le regard anxieux de dizaines de milliers de supporters, avait épuisé les deux équipes mais n’avaient pas encore produit de but pour l’une ou l’autre. Au coup de sifflet, Rapinoe prend une profonde inspiration, trottine vers l’avant et envoie le ballon au fond des filets, brisant ainsi l’égalité. Alors que le stade éclate de joie, elle se dirige vers les lignes de touche ; elle a déjà fait dix pas quand son calme cède enfin à l’expression inimitable de la joie pure. Ce fut un moment magnifique et un rappel que si la récompense échoit aux vainqueurs, il existe des forces encore plus puissantes – dans notre biologie, dans notre esprit – qui nous incitent avant tout… à jouer. Le jeu, comportement humain universel, est depuis longtemps un sujet d’intérêt scientifique intense. Néanmoins, parce qu’il est spontané et naturel – des caractéristiques qui sont difficiles à observer dans des expériences de laboratoire où les tâches sont imposées et soigneusement

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UNE ACTIVITÉ DÉLIBÉRÉE ET AUTOGÉNÉRÉE Se demandant à quel point le jeu était inscrit dans notre nature profonde, l’historien et théoricien culturel néerlandais Johan Huizinga a commencé par définir, dans son ouvrage référence Homo ludens (qui signifie l’« homme joueur », en latin), précisément ce qu’est cette pratique. Entre autres critères, il a soutenu que le jeu doit être volontaire : le combat de gladiateurs, ne peut être qualifié de jeu parce que les participants ont été forcés d’entrer dans l’arène. Et puis, l’activité ludique doit se dérouler dans un espace et un temps où les règles diffèrent de celles de la vie réelle. On s’en aperçoit pendant les temps morts d’un match de basket ou de tennis : les protagonistes sortent alors de ce « cercle magique ». Toujours selon ses critères, le jeu doit posséder une motivation intrinsèque (on doit avoir envie de s’y adonner sans récompense externe) et ne doit pas avoir d’intérêt matériel. Les joueurs peuvent certes devenir plus forts ou plus rapides à force d’entraînement, mais leur pratique ne doit pas les nourrir, les habiller ou les rémunérer. En ce sens, la plupart des athlètes amateurs jouent encore. Le plus important, c’est que le jeu doit être amusant. De ce fait si le jeu remplit une fonction comportementale ou évolutionniste, alors les circuits neuronaux du cerveau qui procurent du plaisir lorsque nous nous adonnons à des activités, c’est-à-dire les circuits impliqués dans la motivation et la récompense, doivent être actifs lorsque nous jouons. Mais à quoi sert de jouer, fondamentalement ? Pour répondre à cette question, il faut avoir en tête

© Getty Images/PeopleImages

contrôlées –, sa véritable nature est longtemps restée mystérieuse. Or, dans une étude passionnante publiée récemment dans la revue Science, des expérimentateurs ont fait un pas important vers la résolution de cette énigme en apprenant à des rats à jouer à l’un des plus répandus de tous les jeux d’enfants : le cache-cache.


ÉCLAIRAGES

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p. 46 To the Bone : itinéraire d’une anorexique p. 50 90 % de ce que vous dites, du langage corporel ?

Un psy au cinéma JEAN-VICTOR BLANC

Médecin psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, et enseignant à Sorbonne Université.

To the Bone

Itinéraire d’une anorexique Le film de la réalisatrice Marti Noxon, elle-même ancienne anorexique, offre une vision aussi poignante que fidèle de cette pathologie. Il évoque aussi le long chemin de la guérison, sur lequel s’engagent un grand nombre de patients.

llen, jeune femme de 20 ans, est atteinte d’anorexie mentale sévère. Talentueuse, elle a mis ses études d’art au point mort, et ne fréquente que d’autres patientes victimes de troubles du comportement alimentaire (TCA), dans des hôpitaux qui ne lui conviennent pas. Ses insolences et son déni de la maladie font régulièrement échouer ses traitements. Finalement, sa belle-mère, dépassée, lui obtient un rendez-vous avec un psychiatre aux méthodes peu conventionnelles, William Beckham. Le

£ To the Bone raconte l’histoire d’une jeune patiente anorexique qui entre dans une institution de soin spécialisée. £ Ses symptômes – maigreur, restriction alimentaire, hyperactivité physique… – sont décrits avec une grande fidélité et un ton très juste. £ Le film met également en lumière le combat contre les stratégies et les pensées mortifères de ces patients, qui est au centre de la thérapie.

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médecin met les cartes sur la table : en l’absence de soins Ellen mourra de dénutrition. Acceptet-elle d’entrer dans sa clinique spécialisée ? DES POILS POUR SURVIVRE Voici l’entrée en matière de To the Bone, comédie dramatique diffusée sur Netflix depuis 2017. Le film met particulièrement bien en scène un ensemble de symptômes liés à l’anorexie mentale. L’apparence physique d’Ellen, dès les premières scènes, donne le frisson. Décharnée, la jeune femme se dissimule sous des couches de vêtements dans lesquels elle flotte. Lors de l’examen médical, le docteur Beckham (Keanu Reeves, impeccable dans ce rôle à contre-emploi) lui fait remarquer une petite couche de poils duveteuse sur ses avant-bras : il s’agit du lanugo, une réaction corporelle au manque chronique de

© To the Bone

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EN BREF


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nourriture, visant à conserver la chaleur malgré la perte des tissus adipeux. La question des restrictions alimentaires est fidèlement rendue. Par exemple, quand Ellen cite de tête, à l’unité près, le nombre de calories contenues dans un steak, une barre chocolatée ou une crotte de nez. Elle écope ainsi du surnom de « Rain Man des calories » – en référence au film où Dustin Hoffman joue le rôle d’un patient atteint de trouble du spectre autistique, capable de compter instantanément une multitude de mikados tombés par terre. Chez les anorexiques, ce décompte est assorti d’un objectif calorique journalier, souvent très bas et déconnecté de

toute réalité physiologique. D’ailleurs quand une patiente famélique de l’hôpital apprend qu’elle a ingéré 1 500 calories par sa sonde nasogastrique, elle s’effondre comme si c’était une quantité létale. Pourtant, une femme de stature moyenne a besoin de l’apport d’au moins 1 900 calories par jour. Comme pour apesantir la situation, la restriction est non seulement quantitative, mais aussi qualitative : certains types d’aliments (dans le film, les nems, la viande ou les confiseries) sont proscrits du menu. Ellen va jusqu’à s’acharner à gratter la croûte d’un morceau de poisson pané. Ces conduites de triage alimentaire, assez

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À voir

Un film de Marti Noxon Diffusé sur Netflix depuis le 14 juillet 2017


© Getty Images/Nisian Hughes

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VIE QUOTIDIENNE p. 55 Le cerveau entre dans la danse p. 62 Télétravail : évitez le big bang mental ! p. 66 Pourquoi ne tombe-t-on pas de son lit toutes les nuits ?

Le cerveau entre dans

la danse Par Julia F. Christensen, docteure en psychologie et neuroscientifique à l’institut Max-Planck de Francfort-sur-le-Main, en Allemagne.

«J

Pour notre cerveau, danser rime avec bienfaits : il retrouve alors une connexion avec le corps, et avec les autres individus. Le tout en libérant des cascades de molécules du bien-être. Quelques conseils pour s’y mettre… ou s’y remettre.

e ne sais pas danser ! » Vous vous êtes peut-être dit cela lors d’une soirée où tout le monde s’est mis à bouger en cadence, ou peut-être avez-vous entendu ces mots dans la bouche de vos proches… Beaucoup de personnes, surtout dans les pays du nord de l’Europe, comme au Danemark, en Allemagne ou en Angleterre, dansent très peu parce qu’elles pensent ne pas savoir se mouvoir harmonieusement. Eh bien, cette crainte n’est pas fondée ! Selon les études scientifiques, la capacité à suivre le tempo est inscrite dans nos gènes et nous naissons avec : même le cerveau des nouveau-nés réagit lorsqu’un morceau de musique est soudainement interrompu, comme l’ont montré en 2009 István Winkler, de l’Académie des sciences hongroise, et ses collègues. Les bébés âgés de quelques heures seulement ont déjà le rythme dans la peau… En fait, toute personne qui répond par l’affirmative à la question « aimez-vous la musique ? » est

EN BREF £ En dansant, de nombreuses personnes craignent de se mettre dans l’embarras ou d’être jugées par les autres. Mais le sens du rythme est dans leur cerveau, dès le berceau. £ Bouger au rythme de la musique a de multiples bienfaits sur le corps et l’esprit : amélioration de la condition physique et de l’humeur, diminution du stress. £ En cause, l’interaction de différents facteurs, comme la musique, le toucher et l’exercice physique.

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capable de danser. Et c’est le cas de la plupart des êtres humains. Seuls 1,5 % des individus considèrent la musique comme une nuisance ou un phénomène aléatoire qu’ils n’écouteraient pas de leur propre initiative ; ces personnes souffrent d’amusie, un trouble neurologique de la perception, congénital ou résultant d’une lésion cérébrale. Aujourd’hui pourtant, 11 % seulement des Français dansent de façon plus ou moins régulière, une proportion encore plus basse dans des cultures non latines comme en Allemagne (3 %). C’est un peu, selon certains spécialistes, comme si nous avions perdu la « culture populaire » du plaisir de la danse, des bals, des fêtes entre amis au rythme de la musique… LE RYTHME DANS LA PEAU Or c’est un véritable souci, car la danse est une activité extrêmement saine. Elle stimule le métabolisme (l’activité des cellules et des organes, et la consommation d’énergie), le lien social,

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LIVRES Neurosciences et littérature

SEBASTIAN DIEGUEZ Chercheur en neurosciences au Laboratoire de sciences cognitives et neurologiques de l’université de Fribourg, en Suisse.

Imagine

Le pouvoir de la pensée contrefactuelle

Q

ui n’a jamais refait le monde avec ses amis, le temps d’une soirée un peu arrosée ? Au gré de ces joutes verbales, chacun y va de ses désirs, scénarios et solutions pour réinventer une réalité jugée insatisfaisante : et si on faisait ceci ? Et si on changeait cela ? Si seulement un tel avait été élu ! Cette capacité d’envisager les faits tels qu’ils auraient pu être, mais ne sont pas, est typique de l’espèce humaine. Les philosophes et les psychologues la désignent sous le nom de « pensée contrefactuelle ». Rêveries inertes et improductives ? Fantasmes irrationnels ? Bien des gens sont prompts à conseiller de regarder la réalité en face, au lieu de passer son temps à en envisager une autre. Pourtant, si la pensée contrefactuelle était inutile, voire contreproductive, il serait difficile d’expliquer pourquoi notre espèce en est si friande. Et si

C’est la chanson la plus célèbre de John Lennon, symbole de l’idéalisme d’une génération. Sa force réside dans une faculté centrale de notre cerveau : la capacité de simulation mentale.

EN BREF £ Dans la chanson Imagine, John Lennon nous demande d’imaginer un monde meilleur, avec en creux une critique de la société contemporaine. £ Ce type de simulation mentale nous permet de reconstituer les mécanismes causaux à l’œuvre dans les événements et augmente l’impression de contrôler son destin. £ À ce titre, c’est un vrai outil de transformation du monde.

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ce pouvoir de penser autre chose n’était pas une faiblesse, mais notre plus grande force ? UN « TUBE » ASTUCIEUX C’était de toute évidence l’avis de John Lennon lorsqu’il composa Imagine en 1971. Véritable hymne pacifiste, constamment repris dans les classements des meilleurs hits de tous les temps, la chanson reste la plus connue de la carrière solo de l’ex-Beatles. Une mélodie immédiatement reconnaissable, des paroles simples et mémorables, un message universel, la chanson avait tout pour devenir un tube. Mais une grande partie de ce succès repose sans doute aussi sur son usage astucieux de la pensée contrefactuelle. Ce que Lennon nous demande d’« imaginer », c’est ce que cela donnerait s’il n’y avait ni « enfer » ni « paradis », et si toute une série de choses

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À retrouver dans ce numéro

p. 62

RECHARGE ATTENTIONNELLE

Lorsque vous commencez un travail et êtes interrompu, il faut « recharger » les informations au moment de recommencer. Cette « recharge » est la cause d’importantes pertes de temps. p. 46

LANUGO

Sur les bras des personnes anorexiques apparaît parfois un fin duvet de poils. Ce pelage appelé « lanugo » serait une adaptation du corps pour limiter les déperditions d’énergie sous forme de chaleur, les apports énergétiques par la nourriture étant insuffisants. p. 40

p. 18

NEURONES PÉRIPERSONNELS

Notre cerveau contient des neurones qui établissent une frontière entre nous et les autres, comme une sorte de bulle invisible. Si quelqu’un pénètre dans cet espace de sécurité, les neurones péripersonnels s’activent et évaluent la situation : la personne est-elle amie, ennemie, peut-on l’autoriser à s’approcher davantage ?

BRIQUES COGNITIVES

« Jouer est une manière d’acquérir les compétences cognitives de base qui serviront Grégoire Borst, université de Paris plus tard aux apprentissages complexes. » p. 66

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mouvements du corps sont réalisés chaque nuit par un dormeur. C’est notamment pourquoi les enfants tombent parfois de leur lit. Mais le cerveau des adultes a intégré les dimensions du lit et en tient compte dans ces microréveils. p. 50

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COUPS FANTÔMES

Jusqu’à 40 % des femmes ressentiraient de temps à autre, parfois plusieurs années après avoir accouché, des sensations de coups à l’intérieur du ventre qui leur font penser à ceux que donnait leur bébé quand elles étaient enceintes.

PARAVERBAL

En communication, le canal paraverbal est constitué par l’intonation, la vitesse et le volume de la voix. Un mythe veut qu’il représente 38 % des informations échangées dans des conversations, et que la gestuelle pure représente 55 %. Aujourd’hui, on sait que cette croyance est infondée.

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70 %

des chiens seraient anxieux. Les comportements de fuite, d’agressivité ou d’aboiements intempestifs seraient souvent dus à ce trait de caractère déterminé génétiquement.

Imprimé en France – Maury imprimeur S. A. Malesherbes– Dépôt légal juin 2020 – N° d’édition M0760122-01 – Commission paritaire : 0723 K 83412 – Distribution Presstalis – ISSN 1639-6936 – N° d’imprimeur 245 128 – Directeur de la publication et gérant : Frédéric Mériot


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