Cerveau&Psycho n°55 - L'épilepsie (extrait)

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Peut-on être optimiste aujourd’hui ?

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JANVIER - FÉVRIER 2013

Cerveau & Psycho • n°55

Cerveau

Psycho

L’épilepsie Elle éclaire les mécanismes de la conscience Vos mains trahissent-elles votre personnalité ? Hikikomori : le syndrome des jeunes cloîtrés chez eux Aliments : quand la forme influence le goût n°55 - Bimestriel janvier - février 2013

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Éditorial Françoise PÉTRY

www.cerveauetpsycho.fr Pour la Science, 8 rue Férou, 75278 Paris cedex 06 Standard : Tel. 01 55 42 84 00 Directrice de la rédaction : Françoise Pétry Cerveau & Psycho L’Essentiel Cerveau & Psycho Rédactrice en chef : Françoise Pétry Rédacteurs : Sébastien Bohler, Bénédicte Salthun-Lassalle Pour la Science : Rédacteur en chef : Maurice Mashaal Rédacteurs : François Savatier, Marie-Neige Cordonnier, Philippe Ribeau-Gesippe, Guillaume Jacquemont, Sean Bailly Dossiers Pour la Science : Rédacteur en chef adjoint : Loïc Mangin

De l’épilepsie à Hikikomori

Directrice artistique : Céline Lapert Secrétariat de rédaction/Maquette : Annie Tacquenet, Sylvie Sobelman, Pauline Bilbault, Raphaël Queruel, Ingrid Leroy Site Internet : Philippe Ribeau-Gesippe, assisté de Yoan Bassinet Marketing : Élise Abib Direction financière : Anne Gusdorf Direction du personnel : Marc Laumet Fabrication : Jérôme Jalabert, assisté de Marianne Sigogne Presse et communication : Susan Mackie Directrice de la publication et Gérante : Sylvie Marcé Conseillers scientifiques : Philippe Boulanger et Hervé This Ont également participé à ce numéro : Bettina Debû et Hans Geisemann Publicité France Directeur de la publicité : Jean-François Guillotin (jf.guillotin@pourlascience.fr), assisté de Nada Mellouk-Raja Tél. : 01 55 42 84 28 ou 01 55 42 84 97 ; Fax : 01 43 25 18 29 Service abonnements Ginette Bouffaré : Tél. : 01 55 42 84 04 Espace abonnements : http://tinyurl.com/abonnements-pourlascience Adresse e-mail : abonnement@pourlascience.fr Adresse postale : Service des abonnements - 8 rue Férou 75278 Paris cedex 06 Commande de livres ou de magazines : 0805 655 255 (numéro vert) Diffusion de Cerveau& Psycho Contact kiosques : A juste Titres - Pascale Delifer Tel : 04.88.15.12.48 Canada : Edipresse : 945, avenue Beaumont, Montréal, Québec, H3N 1W3 Canada. Suisse : Servidis : Chemin des châlets, 1979 Chavannes - 2 - Bogis Belgique : La Caravelle : 303, rue du Pré-aux-oies 1130 Bruxelles Autres pays : Éd. Belin : 8, rue Férou - 75278 Paris Cedex 06 Toutes les demandes d’autorisation de reproduire, pour le public français ou francophone, les textes, les photos, les dessins ou les documents contenus dans la revue « Cerveau & Psycho », doivent être adressées par écrit à « Pour la Science S.A.R.L. », 8, rue Férou, 75278 Paris Cedex 06.© Pour la Science S.A.R.L. Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et de représentation réservés pour tous les pays. Certains articles de ce numéro sont publiés en accord avec la revue Spektrum der Wissenschaft (© Spektrum der Wissenschaft Verlagsgesellschaft, mbHD-69126, Heidelberg). En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente revue sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins 75006 Paris).

© Cerveau & Psycho - n° 55 janvier - février 2013

Dans son roman L’Idiot, Fédor Dostoïevski (1821-1881) met en scène le prince Mychkine, épileptique, et décrit tous les aspects de sa maladie d’une façon qui n’aurait rien à envier aux dictionnaires de neurologie – seuls les styles pourraient les distinguer... Les signes avant-coureurs, les manifestations physiques (cris, spasmes, convulsions), les impressions, sensations, émotions : toutes ces descriptions sont si précises qu’elles trahissent la maladie dont Dostoïevski était lui-même atteint. « Il lui semblait soudain que son cerveau s’embrasait. [...] Dans ces instants rapides comme l’éclair, le sentiment de la vie et la conscience se décuplaient pour ainsi dire en lui. [...] Ces instants [...] se caractérisaient par une fulguration de la conscience. » Ces quelques phrases montrent à quel point la question de la conscience est indissociable de la maladie épileptique. Et si l’étude des mécanismes biologiques responsables de cette maladie se poursuit, celle des troubles de la conscience durant les crises représente une autre voie de recherche (voir le dossier : L’épilepsie, une fenêtre sur la conscience, page 20). La science du cerveau progresse souvent par l’étude des conséquences d’une lésion cérébrale : en analysant les troubles engendrés par cette lésion, on en déduit le rôle de l’aire concernée, quand elle fonctionne normalement. Mais comment identifier les bases neurobiologiques de la conscience ? En étudiant notamment les pertes de conscience des personnes épileptiques et les réseaux de neurones impliqués. L’épilepsie est une « vieille » maladie et sa description ne sera sans doute pas modifiée dans la nouvelle édition du Manuel diagnostique et statistique des maladies mentales à paraître en 2013 (voir Redéfinir les maladies mentales, page 58). Certaines pathologies seront supprimées, d’autres ajoutées. On ignore si le syndrome Hikikomori y figurera. Apparu au Japon, il touche des jeunes qui se coupent de toute vie sociale et passent leur temps devant leur ordinateur (voir Hikikomori : ces jeunes enfermés chez eux, page 50). L’un d’eux est-il en train d’écrire un roman mettant en scène un personnage atteint de ce syndrome ?

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Dossier

L’épilepsie : une fenêtre sur la conscience

21 La maladie épileptique :

une épée de Damoclès L’épilepsie est une maladie neurologique répandue et souvent handicapante. Michel Baulac

28 Crises d’épilepsie

et troubles de la conscience L’étude des crises d’absence renseigne sur les mécanismes sous-jacents de la conscience. Stéphane Charpier

36 La neurobiologie

de l’épilepsie Les crises surviennent quand trop de neurones hyperexcitables déchargent en même temps. Gilles Huberfeld

Cinéma : décryptage psychologique

14 Le Capital :

Images.com / Corbis

Psychosociologie

50 Hikikomori : ces jeunes

un totalitarisme moderne

enfermés chez eux

Ce film met en scène la mutation qui s’opère dans le monde de la finance livré au désir d’emprise.

Au Japon, le syndrome touche des dizaines de milliers de jeunes adultes. Les premiers cas sont signalés en France. Marc Gozlan

Serge Tisseron

Psychiatrie

Psychologie au quotidien

58 Redéfinir

44 Les mains,

reflet de la personnalité

les maladies mentales

Le rapport de la longueur de l’index et de celle de l’annulaire dit bien des choses !

La nouvelle édition du Manuel diagnostique des maladies mentales paraîtra en mai 2013.

Nicolas Guéguen

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Éditorial

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L’actualité des sciences cognitives

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Neuroanatomie

66 La barrière

qui protège le cerveau Comment rendre cette barrière perméable à certains médicaments ?

Baîller avant même de naître La chaussure fait l’homme (ou la femme) Une molécule pour entendre Et bien d’autres sujets...

Point de vue Un psychiatre peut-il être condamné pour son patient ?

Gert Fricker

10 Gérard Lopez

Psychologie

L’œil du Psy Comment être optimiste au XXIe siècle ?

74 Quand les goûts

et les formes se répondent Le sucré serait associé aux ronds, l’amer aux angles, le piquant aux pointes.

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Christophe André

Psychologie… animale Géniales pieuvres

Ophelia Deroy et Charles Spence

92 Georges Chapouthier

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Analyses de livres Tribune des lecteurs Neuro-BD

94 95 96

Psychopathologie des héros

80 La lumière sur

Ce numéro comporte un encart d’abonnement Cerveau & Psycho broché sur la totalité du tirage.

l’Homme invisible Le roman de H. G. Wells s’amusait déjà à explorer divers ressorts cognitifs.

Illusions

88 Les yeux dans les yeux Quelques illusions impliquant le regard d’autrui sont spectaculaires. Susana Martinez-Conde et Stephen Macknik

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En couverture : © Images.com / Corbis

Sebastian Dieguez

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Neurosciences

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À l’heure des accélérateurs de particules et de la génomique, de la 3D et de l’exploration de Mars, il existe encore des questions très simples devant lesquelles la science reste pour ainsi dire muette. Par exemple : pourquoi bâillons-nous ? Tout le monde bâille, les lions, les chiens, les rats et les hippopotames, mais personne ne sait pourquoi. Plusieurs hypothèses ont été formulées. Actuellement, la plupart des recherches portent sur la nature contagieuse du bâillement, et sur son côté suggestif. Ainsi, en lisant cet article, vous serez 60 pour cent à avoir envie de bâiller, car le simple fait d’y penser suffit à la plupart des gens pour en éprouver le besoin. Une autre hypothèse est liée au fait que le bâillement élève les concentrations de cortisol, une hormone du stress, ce qui

Valentina R. /Shutterstock.com

L’actualité

des sciences cognitives

Bâiller, avant même de naître pourrait contribuer à nous réveiller lorsque nous commençons à somnoler. D’autres chercheurs mettent en avant un effet thermorégulateur ; en fait, la vraie raison continue d’échapper aux chercheurs. Ce que l’on sait depuis peu (grâce aux travaux de Nadja Reissland et de ses collègues de l’Université de Durham, en Angleterre), c’est que les fœtus bâillent dans le ventre de leur mère, et qu’ils le font davantage à 24 semaines d’âge fœtal qu’à 36 semaines. Nous voici donc en présence d’une phase du développement embryonnaire qui correspond à une forte tendance au bâillement. Ce qui pousse les chercheurs à penser que le cerveau produit des bâillements à un certain stade de sa construction, car cela participerait effectivement à la régulation du flux sanguin cérébral et que cela stimule une certaine forme de maturation du cerveau qui dépend de l’activité motrice. Passée cette phase, le fœtus bâille beaucoup moins ; même après, les enfants de six ans bâillent moins que ceux de deux ou trois ans. Or c’est aussi à six ans qu’apparaît le bâillement par imitation, qui fait que tout le monde commence à bâiller en soirée lorsqu’une personne lance le mouvement. D’où une possibilité : le bâillement serait initialement un comportement fœtal spontané, remplissant une fonction de maturation du cerveau. Nous le conserverions ensuite comme un vestige, qui se réactiverait à la vue d’autres personnes en train de bâiller – ou lorsque nous sommes vraiment trop fatigués. N. Reissland et al., in PLoS ONE, vol. 7, e50569, 2012

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Sébastien BOHLER

Parole d’éléphant Un éléphant qui parle, ça trompe. Koshik, éléphant d’Asie qui vit dans un zoo en Corée du Sud, répète depuis quelques années les mots de ses gardiens. Il sait ainsi dire : bonjour, assis, couché, c’est bon... Comment s’y prend-il ? Il a découver t qu’il pouvait modifier les caractéristiques acoustiques de sa bouche en y enfonçant sa trompe pendant qu’il parle. Le timbre de sa voix est quasi humain. Les éléphants sont parmi les animaux les plus intelligents, on sait qu’ils ont une conscience d’eux-mêmes et cette tentative d’imitation refléterait un désir de se rapprocher des hommes, Koshik ayant été séparé des autres éléphants alors qu’il était petit. Pour l’entendre : http://www.telegraph.co.uk/earth/wildlife/9648195/ Elephant-learns-to-speak-Korean.html#

Psychologie

La chaussure fait l’homme (ou la femme) Peut-on apprendre quelque chose sur son interlocuteur en observant ses chaussures ? Des chercheurs de l’Université du Kansas ont voulu savoir si la chose était plausible. Ils ont fait passer des tests de personnalité à 208 participants et ont noté le type de chaussures qu’ils portaient. De cette façon, ils ont vu émerger trois types d’associations : d’abord, les chaussures les plus stylées chez les femmes ayant des revenus élevés, ce qui n’est guère surprenant. Chez les hommes, en revanche, une chaussure montante qui prend la cheville, du type godillot ou ranger, signale une personnalité plutôt froide, centrée sur elle-même, de faible « agréabilité ». On constate aussi un lien entre des chaussures flambant neuves avec marque apparente, et un attachement insécure, reflétant une peur de se lier aux autres. Les balbutiements d’une grammaire du pied... O. Gillath et al., in J. of Res. in Personality, à paraître

Jean-Michel Thiriet

En bref

Neurobiologie

Une molécule pour entendre Notre langage est fait de mots, mais celui du cerveau est fait d’impulsions électriques. Comprendre le langage parlé suppose donc de convertir les sons en... électricité. Cette traduction serait réalisée par une molécule nommée THMS, située dans l’oreille interne. Lorsque cette protéine subit des mutations, diverses formes de surdité en découlent. Des neuroscientifiques de l’Institut Scripps de La Jolla en Californie ont élucidé le fonctionnement de la molécule THMS dans l’oreille interne de souris. C’est là que se trouvent des cellules bien particulières qui nous permettent d’entendre les sons : les cellules ciliées. Ces cellules sont tapissées de cils microscopiques. Les sommets des cils sont reliés par une sorte de guirlande moléculaire : lorsqu’une onde sonore passe, elle incline

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les cils qui tirent sur la guirlande. La guirlande se tend et exerce une traction sur une composante du cil, la molécule THMS. La molécule change légèrement de conformation et provoque l’entrée d’ions à l’intérieur du cil, créant un courant électrique dans le cil. Le courant se propage à la cellule ciliée tout entière, puis au nerf auditif et au cerveau, où il produit la sensation d’un son. Les neuroscientifiques ont ensuite restauré la fonction de cellules ciliées de souris sourdes, en leur administrant une version normale de THMS. La thérapie génique de certaines formes de surdité serait donc envisageable. Et ces travaux nous permettent de mieux comprendre comment nous entendons. W. Xiong et al., in Cell, vol. 151, p. 1283, 2012

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Dossier

L’épilepsie : une fenêtre sur la conscience

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a maladie épileptique est fréquente, et elle est handicapante, le sujet concerné vivant dans la hantise de la survenue d’une crise. Et même si la crise redoutée ne dure pas longtemps, elle le laisse fatigué, mentalement et physiquement, et il lui faut du temps pour retrouver toute sa lucidité. Les formes de la maladie sont multiples, des crises partielles aux crises généralisées. Les enfants ne sont pas épargnés, mais beaucoup d’entre eux sont libérés de ce fardeau au moment de la puberté. En revanche, pour d’autres, l’évolution est moins favorable et la maladie peut avoir des répercussions négatives sur la vie familiale, sociale et professionnelle. La maladie est complexe, mais ses bases neurobiologiques commencent à être élucidées. Comprenant mieux ces mécanismes, les biologistes espèrent découvrir des médicaments qui, contrairement à ceux dont on dispose aujourd’hui, s’attaqueraient aux causes du mal. De surcroît, l’étude de cette maladie pourrait apporter des informations précieuses dans un tout autre domaine : celui de la conscience. Comme les crises s’accompagnent de troubles de la conscience, les recherches en cours sur l’épilepsie nous renseignent sur les mécanismes neurobiologiques qui président à l’apparition ou la disparition de la conscience.

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La maladie épileptique : une épée de Damoclès

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Crises d’épilepsie et troubles de la conscience

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La maladie épileptique : une épée de Damoclès L’épilepsie est une maladie neurologique répandue et souvent handicapante. Même si certaines formes juvéniles disparaissent à l’adolescence, de nombreuses personnes restent à la merci de crises plus ou moins violentes qui surviennent à l’improviste.

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épilepsie, l’une des maladies neurologiques les plus fréquentes, revêt de nombreux visages. Elle se définit comme la répétition de crises épileptiques – ou du moins un risque élevé de crises répétées –, ces crises étant spontanées, c’est-à-dire non provoquées par une maladie aiguë ou des circonstances particulières, par exemple de la fièvre. Cette maladie touche 45 millions de personnes dans le monde. En France, elle concerne six à sept personnes sur 1 000, soit plus de 400 000 personnes, la moitié ayant moins de 20 ans. On estime que 30 à 40 nouveaux cas pour 100 000 personnes se manifestent chaque année, soit environ 20 000 nouveaux cas par an en France, les chiffres étant plus élevés chez l’enfant et chez les personnes âgées. Ces chiffres masquent une grande hétérogénéité des symptômes, car l’épilepsie recouvre un vaste ensemble de maladies qui diffèrent par la nature des crises qui en sont le symptôme principal, mais aussi par leur fréquence, leur gravité, l’âge de survenue, la cause sous-jacente, la réponse au traitement médicamenteux, l’existence de troubles cognitifs, psychologiques ou psychiatriques associés, ainsi que par leur pronostic, la façon dont la maladie évoluera. Si certaines formes ont un impact limité sur la qualité de vie du sujet, d’autres ont des conséquences socioprofessionnelles graves. L’imprévisibilité des crises constitue une

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menace, une épée de Damoclès, source d’anxiété pour le patient et son entourage. Certaines épilepsies résistent aux médicaments disponibles, les crises persistant dans 30 pour cent des cas environ. En outre, diverses pathologies associées à l’épilepsie sont plus fréquentes en cas de pharmacorésistance. Désignées par le terme de comorbidités, elles comprennent dépression et troubles du comportement ou de la mémoire. Quand les crises persistent, elles ont de graves conséquences : mortalité plus élevée que dans la population générale du même âge en raison des risques d’accidents ou de décès subits (très rares) ; effets secondaires des traitements au long cours. De surcroît, chez l’enfant, les épilepsies peuvent interférer avec le développement cérébral et entraîner des déficits intellectuels et des troubles

Michel Baulac, professeur de neurologie et de neuroanatomie à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI), dirige les activités d’épileptologie clinique à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et coordonne les activités de recherche sur l’épilepsie à l’Institut du cerveau et de la moelle, ICM.

En Bref • L’épilepsie se manifeste par des crises dont les signes cliniques, la durée et le retentissement sur la vie quotidienne diffèrent. • Les crises traduisent des anomalies dans la genèse et la propagation des signaux électriques dans le cerveau. Les électroencéphalogrammes révèlent là où l’activité anormale naît et comment elle se propage. • Aujourd’hui, les médicaments disponibles bloquent les crises, mais ils sont inefficaces chez certaines personnes. Quand elle est possible, l’élimination chirurgicale du « foyer » épileptique est efficace.

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Psychologie au quotidien

Les mains, reflet de la personnalité Vos mains disent-elles quelque chose sur votre personnalité ? Oui, révèle un nombre croissant d’études scientifiques. Et ce n’est pas de la chiromancie.

L Nicolas GUÉGUEN est enseignantchercheur en psychologie sociale à l’Université de Bretagne-Sud, et dirige le Laboratoire d’Ergonomie des systèmes, traitement de l’information et comportement (LESTIC) à Vannes.

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a main de l’homme présente des caractéristiques qui la rendent très singulière dans le règne animal et qui expliquent très certainement ce degré d’évolution technique qu’est celui de l’homme aujourd’hui. La main n’est pas seulement la terminaison du bras, c’est aussi un prolongement du cerveau, un outil élaboré capable de construire de merveilleuses choses, de modifier l’environnement, de créer des œuvres qui traversent les siècles. Malgré cette singularité, les psychologues ont longtemps étudié d’autres aspects morphologiques du corps, délaissant la main. Ce n’est que récemment qu’ils se sont intéressés à certaines caractéristiques des mains. L’un des aspects importants de la recherche menée sous l’impulsion des psychologues évolutionnistes est fondé sur la différence de longueur des doigts.

Index contre majeur Le rapport entre la longueur de l’index (deuxième doigt de la main ou 2D) et celle de l’annulaire (quatrième doigt ou 4D) est certainement celui qui a fait l’objet du plus grand nombre de recherches. On le nomme rapport 2D:4D. Pour le calculer, on pose la main à plat sur une surface plane, et on mesure la longueur de la base de la première phalange (à partir du pli avec la paume) jusqu’à l’extré-

mité du doigt ; et ce, pour l’index et l’annulaire. Il suffit ensuite de diviser la longueur de l’index par celle de l’annulaire. Ce rapport est également appelé indice de Manning, du nom du chercheur, John Manning, de l’Université de Liverpool en Grande-Bretagne, qui a donné ses lettres de noblesse à ce champ d’études. Car ce rapport fournit divers renseignements. Pour comprendre les effets qui ont été répertoriés, il faut savoir que les recherches ont montré que la longueur de l’index est directement influencée par la quantité d’estrogènes chez le fœtus humain, tandis que la longueur de l’annulaire serait influencée par la testostérone. Outre le niveau d’exposition à l’une et l’autre de ces hormones, on a constaté que l’annulaire renferme davantage de récepteurs à la testostérone, ce qui suggère que plus ces récepteurs reçoivent des concentrations élevées de testostérone, plus ce doigt se développe au cours de l’embryogenèse. Ainsi, en raison de cette relation entre l’exposition aux stéroïdes sexuels et la longueur de l’index et de l’annulaire, la recherche sur le rapport 2D:4D ne se résume pas à une lecture des lignes de la main d’une diseuse de bonne aventure ! La longueur de ces deux doigts serait un indice renseignant sur le degré d’exposition aux hormones sexuelles au stade fœtal, ce qui pourrait expliquer un certain nombre de différences de comportements. On sait que l’ex-

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position à ces stéroïdes influe sur divers aspects morphologiques, par exemple la symétrie du visage, et que les variations de ce degré d’exposition sont également liées à des différences comportementales et de personnalité.

Le sexe au bout des doigts

n’est le cas que pour 10 pour cent des femmes. En calculant une moyenne statistique du rapport 2D:4D pour les hommes et une pour les femmes, on a montré que les empreintes de mains retrouvées sur les murs des grottes préhistoriques étudiées par les paléontologues étaient celles de mains d’hommes, mais aussi de femmes. Outre le sexe, le rapport 2D:4D semble également être un prédicteur de certaines différences morphologiques qui dépendent de la

En Bref • La longueur de l’annulaire et celle de l’index dépendent des concentrations de certaines hormones (testostérone et estrogène) auxquelles le fœtus a été exposé in utero.

•Une observation minutieuse des mains livre de nombreuses informations sur un individu.

• Les capacités athlétiques (force physique, niveau d’excellence dans divers sports tels le football ou l’escrime) sont également reflétées par la longueur relative des doigts.

Mangostock / Shutterstock.com

En premier lieu, le rapport 2D:4D permet de déterminer le sexe d’une personne. Hommes et femmes ne sont pas exposés aux mêmes concentrations d’hormones sexuelles, ce qui entraîne des différences dans ce rapport. Les psychologues Johannes Hönekopp et Steven Watson, de l’Université de Newcastle au Royaume-Uni, ont montré, dans une synthèse des travaux sur les différences entre hommes et femmes, qu’un index plus long que l’annulaire (un rapport 2D:4D supérieur à 1) s’observe chez 50 pour cent des femmes, mais seulement 15 pour cent des hommes. En revanche, près d’un tiers des hommes présente un annulaire plus long que l’index (le rapport 2D:4D est inférieur à 1), ce qui

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Psychosociologie

Marc Gozlan est journaliste scientifique à Paris.

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Au Japon, une forme de retrait social pathologique, le « hikikomori », concerne plus de 260 000 adolescents et jeunes adultes, qui se cloîtrent chez eux et n’en sortent plus. Les premiers cas en France et aux États-Unis viennent d’être répertoriés.

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H i k i k o m o r i

ces jeunes enfermés chez eux

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atsuya, 23 ans, vit enfermé chez lui. Il n’est quasiment pas sorti de sa chambre depuis trois ans. Fils unique, il habite un deux-pièces qu’occupent ses parents dans la banlieue de Tokyo. Il passe sa journée à dormir. Il mange les repas préparés par sa mère qui les dépose sur le pas de la porte de sa chambre, toujours fermée. Il se réveille le soir pour passer la nuit à surfer sur Internet, à chatter sur des forums de discussion, lire des mangas et jouer à des jeux vidéo. Il refuse de s’inscrire dans une école de réinsertion professionnelle ou de chercher du travail, et même de partir en vacances. L’an dernier, ses parents se sont décidés à l’emmener consulter dans plusieurs hôpitaux de la région qui, tour à tour, ont évoqué une dépression ou une schizophrénie latente. La scolarité de Tatsuya à l’école élémentaire s’est déroulée normalement, mais il a commencé à manquer l’école quand il est entré au collège. Se mêlant peu à ses camarades, il se plaint d’être moqué et même humilié. Malgré ces brimades, ses résultats scolaires sont bons et il poursuit une formation universitaire d’ingénieur. Il y a trois ans, il a subitement tout arrêté et, depuis, vit cloîtré à domicile. Tatsuya souffre d’hikikomori, c’est-à-dire en français de « retrait social ». L’origine du terme hikikomori (hiki vient de hiku (reculer), komori dérive de komoru qui signifie « entrer à l’intérieur ») traduit un repli sur soi. Selon les critères diagnostiques réactualisés en 2010 par le ministère de la Santé japonais, le hikikomori est un phénomène qui se manifeste par un retrait des activités sociales et le fait de rester à la maison quasiment toute la journée durant plus de six mois. Il n’y a pas de limite d’âge inférieure. Bien que le hikikomori soit défini comme un état non psychotique, excluant donc la schizophrénie, les autorités sanitaires admettent qu’il est probable que certains cas correspondent en fait à des patients souffrant de schizophrénie, mais dont le diagnostic de psychose n’a pas encore été posé. Qu’est-ce que le hikikomori ? En réalité, la situation peut se présenter sous plusieurs formes. S’il arrive que l’adolescent ou le jeune adulte puisse rester totalement reclus pendant des mois, voire des années, il peut aussi accepter de sortir, le temps de faire des courses dans

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le quartier, même s’il replonge dans son isolement en se barricadant dans sa chambre de retour dans l’appartement familial. Il peut aussi lui arriver de sortir la nuit ou au petit matin, lorsqu’il est le moins susceptible de rencontrer des gens, en particulier des camarades ou des voisins. Dans de rares cas, le sujet hikikomori dissimule son état en quittant son domicile chaque matin pour se promener ou prendre le train comme s’il se rendait à l’école, à l’université ou à son travail.

Un tableau clinique disparate Au Japon, 80 pour cent des cas de hikikomori sont des hommes. L’unique étude rigoureuse sur l’épidémiologie de ce trouble, conduite entre 2002 et 2006, indique que 1,2 pour cent des Japonais, âgés de 20 à 49 ans, vivent une telle situation au cours de leur vie, ce qui, extrapolé à la population du pays (128 millions d’habitants), permet d’estimer à 232 000 le nombre d’individus présentant un hikikomori. Au total, 0,5 pour cent des foyers japonais ont eu ou ont un enfant souffrant de hikikomori. Dans 20 pour cent des cas, la pathologie commence entre 10 et 14 ans et, dans plus d’un tiers des cas, elle débute vers la fin de l’adolescence, entre 15 et 19 ans. Les premiers signes d’absentéisme scolaire ou d’isolement peuvent apparaître dès 12 à 14 ans. En 2003, on a constaté que certains élèves refusant d’aller à l’école devenaient par

En Bref • Hikikomori signifie « retrait social », un terme qui désigne le phénomène et la personne qui en souffre. • Les hikikomori se trouvent dans l’impossibilité d’avoir une vie sociale, d’aller à l’école, à l’université ou de travailler. Ils vivent reclus au domicile familial. • Ces adolescents ou jeunes adultes passent la plupart de leur temps enfermés chez eux, avec un rythme veille-sommeil inversé. Cet isolement se prolonge parfois des années. • Le hikikomori peut être « primaire » (sans trouble psychiatrique associé) ou « secondaire » (existence d’une pathologie mentale simultanée).

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Psychiatrie

les maladies mentales

E Ferris Jabr est journaliste scientifique à New York.

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n février 1969, David Rosenhan s’est présenté à l’accueil d’un hôpital psychiatrique de Pennsylvanie. Il se plaignait d’entendre des voix inconnues qui répétaient les mots « vide », « bruit sourd » et « creux » dans sa tête. Il fut immédiatement hospitalisé avec un diagnostic de schizophrénie, bien que ce fût le seul symptôme inhabituel. Entre 1969 et 1972, sept amis et étudiants de D. Rosenhan, professeur de psychologie au Collège Swarthmore, furent admis dans un hôpital après avoir affirmé qu’eux aussi entendaient des voix. Mais c’était leur seule plainte. Les psychiatres posèrent tous le diagnostic de schizophrénie ou de trouble bipolaire. Ils furent hospitalisés, et les médecins leur prescrivirent des médicaments antipsychotiques. Pourtant, ces « patients » ne prirent pas les médicaments. Bien que les voix aient disparu dès que D. Rosenhan et les autres ont été hospitalisés, personne ne réalisa que ces personnes étaient saines – et l’étaient depuis le début. Les voix n’étaient qu’une ruse.

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La nouvelle édition du Manuel diagnostique des maladies mentales va paraître en 2013. Certains changements sont surprenants. stique i t a t s t ique e t s o n g el dia mentales u n a M s aladie m s e d

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Redéfinir

Ces huit faux patients firent l’objet d’un article publié dans la revue Science en 1973 : « Un individu sain dans des lieux qui ne le sont pas ». La conclusion était que les psychiatres ne disposaient pas de moyens fiables pour diagnostiquer une maladie mentale. L’expérience de D. Rosenhan entraîna une transformation radicale du guide de référence des psychiatres, le Manuel diagnostique et statistique des maladies mentales (DSM), publié par l’Association américaine de psychiatrie (APA). Le DSM revu et complété, nommé DSM-III et publié en 1980, associait chaque maladie à une liste de symptômes, dont plusieurs devaient être présents pour qu’un diagnostic puisse être posé. Dans les versions antérieures du DSM, les descriptions laissaient beaucoup de place à l’interprétation personnelle. Ce manuel représente toujours la référence en psychiatrie. Toutefois, l’Association américaine de psychiatrie en prépare la cinquième édition et la publication est prévue pour mai 2013. Le DSM-IV était très similaire au DSM-III. Au

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contraire, le DSM-5 représentera la première modification importante depuis 30 ans (l’Association américaine de psychiatrie a renoncé aux chiffres romains pour cette nouvelle version). Pour permettre des diagnostics plus précis et suivre l’évolution de la maladie, il introduira des recommandations concernant la gravité des symptômes. Les rédacteurs du DSM éliminent totalement certains troubles, tel le syndrome d’Asperger, et en ajoutent de nouveaux, dont l’hyperphagie boulimique et l’addiction aux jeux. L’Association américaine de psychiatrie a été sévèrement critiquée pour n’avoir pas rendu transparent son processus de révision. En 2010, l’Association a donné accès à une version numérique du nouveau manuel sur son site Internet, afin de collecter des commentaires publics. Le volume de réponses a surpris les éditeurs : 50 millions de connexions provenant de 500 000 personnes, et plus de 10 000 commentaires recueillis jusqu’à présent. De nombreuses critiques ont accueilli le manuscrit. Selon certains psychiatres, l’ou© Cerveau & Psycho - n° 55 janvier - février 2013

DSM-5

Manuel diagnostique et statistique des maladies mentales Cerveau & Psycho

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Manuel d iagn des malad ostique et statistiq ue ies menta les

DSM-IV

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vrage contient plus de troubles qu’il n’en existe, ce qui encourage les diagnostics superflus – notamment chez les enfants. Bien que de nombreux psychiatres ne prennent pas le DSM au pied de la lettre – et se fondent plutôt sur leur expertise personnelle pour poser un diagnostic –, ce manuel détermine en grande partie les diagnostics que

En Bref • La cinquième version du Manuel statistique et diagnostique des maladies mentales sera publiée en mai 2013. • C’est le premier changement notable du diagnostic psychiatrique depuis plus de 30 ans. • La nouvelle version du manuel éliminera probablement divers diagnostics psychiatriques, par exemple le syndrome d’Asperger ou le trouble de la personnalité paranoïde. • De nouveaux diagnostics seront ajoutés. Sans doute, les accès de violence chez l’enfant, et l’addiction au sexe chez l’adulte.

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Psychologie

Quand les goûts

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les formes se répondent Sucré rond, amer anguleux, piquant pointu ? Le cerveau humain associe spontanément goûts et formes. Les experts en marketing et certains restaurateurs s’inspirent aujourd’hui de ces recherches.

U Ophelia Deroy est chercheuse au Centre d’étude des sens, à l’Université de Londres. Charles Spence est professeur au Laboratoire Crossmodal, Département de psychologie expérimentale, à l’Université d’Oxford.

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n citron est-il lent ou rapide ? Le chocolat au lait est-il plus rond ou plus carré que le chocolat noir ? De récentes études en psychologie et en neurosciences mettent en lumière des mécanismes sous-tendant ces associations apparemment arbitraires entre goûts, formes, odeurs et sons. Ces recherches permettent de comprendre comment les sens interagissent, par exemple lorsque nous sommes au restaurant, ou décidons d’acheter un produit dans un supermarché. Elles peuvent permettre de réfléchir plus scientifiquement à la mise en valeur des mets ou des produits par les emballages ou le contexte de consommation. Un jour de courses, faites une expérience. Demandez-vous pourquoi les pots de fromage blanc sont plus trapus que les pots de yaourt. Pourquoi on retrouve une même étoile rouge sur les bouteilles d’une marque d’eau pétillante et d’une marque de bière, voire sur certaines pastilles mentholées. Le choix d’une forme anguleuse pour les boissons pétillantes s’explique peut-être par le caractère « piquant » de boissons dont le

dioxyde de carbone stimule le nerf trigéminal, responsable également des sensations de fraîcheur provoquées par les dérivés mentholés… Il y aurait ainsi une correspondance entre cette stimulation trigéminale (tactile) et la forme anguleuse (visuelle), la perception de la seconde permettant d’anticiper celle de la première. L’information délivrée par une certaine modalité sensorielle crée des attentes implicites, y compris dans les autres modalités sensorielles. Or le rôle du marketing n’est-il pas de susciter les bonnes attentes chez le consommateur ? Si le cas de l’étoile rouge est assez intuitif, il est moins évident de comprendre de telles associations ou attentes à propos de la forme plus ramassée de certains fromages blancs. Pourquoi les textures plus crémeuses ou plus riches seraient-elles associées à ce genre de formes ? Posons la question aux sciences du goût, de la perception et de la psychologie. Ce qui intrigue ces experts tient à l’accord observé entre individus quant à ces associations apparemment arbitraires. Dans une tâche de choix forcé, réalisée par notre groupe du Laboratoire Crossmodal à Oxford, nous

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Franck Boston / Shutterstock.com

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avons demandé aux participants de situer différents échantillons de chocolat, variant en proportion de cacao (de 30 à 90 pour cent) sur une échelle d’angularité allant du plus pointu au plus arrondi : les extrémités de l’échelle étaient associées à des formes, l’une représentant une étoile aux branches très pointues, l’autre un nuage aux contours arrondis. Les participants se sont majoritairement accordés pour attribuer un caractère plus anguleux aux chocolats les plus riches en cacao et une forme plus ronde aux échantillons les moins intenses et les plus crémeux. Plus généralement, les goûts sucrés et les textures molles sont associés à des formes rondes, tandis que les goûts amers le sont normalement à des formes anguleuses. Les effets observés sont reproductibles et peuvent être confirmés sur des milliers de personnes (notamment en utilisant des tests en ligne). Soulignons bien que les formes que nous avions choisies dans ce protocole ne correspondaient pas aux ingrédients ni à la forme habituelle du chocolat – en ce sens, les résultats ne peuvent pas s’expliquer par une association sémantique, comme si l’on assimilait

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par exemple un goût de citron à une forme de citron. Il s’agissait de deux formes arbitraires, l’une, très anguleuse, proche d’une étoile, et l’autre, plus arrondie, en forme de nuage. Les formes n’étaient toutefois pas choisies complètement au hasard, mais s’inspiraient de celles que le psychologue de la théorie de la Gestalt, Wolfgang Köhler (18871967), a élaborées pour tester le phénomène

1. Ces pommes vous semblent-elles acides ? Si elles étaient rondes et jaunes, vous les trouveriez probablement plus sucrées.

En Bref • Les expériences de perception montrent que nous associons les saveurs sucrées à des formes rondes et les saveurs amères à des formes anguleuses. • Cet effet ne résulte pas d’une métaphore linguistique. Il est d’ordre sensoriel et s’observe dans différentes cultures. • Des correspondances semblent aussi exister entre des sons produits par des mouvements arrondis de la bouche, des formes rondes et des saveurs sucrées. • De nombreux goûts ou odeurs complexes (poivre, goyave, etc.) sont reliés à des formes. Une science du « goût en contexte » associe les mets et l’environnement visuel où ils sont servis.

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SOUVENIRS D’UN AMNÉSIQUE PATIENT : HM MR# : K207163 ADMISSION : 09/01/1953

SON MÉDECIN, WILLIAM SCOVILLE, RETIRE SES DEUX HIPPOCAMPES SANS SAVOIR...

QUAND LE PATIENT REVIENT À LUI, IL SE RAPPELLE SON PASSÉ D’AVANT L’OPÉRATION…

…MAIS NE PEUT PLUS FORMER DE NOUVEAUX SOUVENIRS. EN 1953, HENRY MOLAISON SUBIT UNE INTERVENTION CHIRURGICALE POUR METTRE UN TERME À SES CRISES D’ÉPILEPSIE.

… QUELLE FONCTION REMPLIT CETTE STRUCTURE CÉRÉBRALE.

ELLE DÉCOUVRE QU’HENRY NE PEUT PLUS FORMER DE SOUVENIRS « DÉCLARATIFS ».

Dwayne Godwin est neuroscientifique à la Faculté de médecine de Wake Forest. Dessins de Jorge Cham / www.phdcomics.com.

LES CHOSES QU’IL VOIT, LES GENS QU’IL RENCONTRE…

UNE PSYCHOLOGUE, BRENDA MILNER, ENTREPREND DE L’ÉTUDIER. MAIS SA CAPACITÉ À FORMER DES SOUVENIRS « PROCÉDURAUX » EST INTACTE.

GANGLION DE LA BASE

HIPPOCAMPE TEMPS … IL LES OUBLIE INSTANTANÉMENT.

IL PEUT APPRENDRE DE NOUVELLES COMPÉTENCES, MÊME S’IL NE SE SOUVIENT PAS DE LES AVOIR APPRISES.

GRÂCE À CES ÉTUDES, NOUS SAVONS QUE CES DEUX TYPES DE SOUVENIRS SONT STOCKÉS DANS DIFFÉRENTES PARTIES DU CERVEAU…

LES CAS EXTRAORDINAIRES TEL CELUI DE HENRY AMÉLIORENT NOTRE COMPRÉHENSION DU CERVEAU HUMAIN.

… ET QUE L’HIPPOCAMPE AGIT COMME UNE PLAQUE TOURNANTE QUI RELIE LES DIFFÉRENTS RÉSEAUX DE STOCKAGE DANS LE CERVEAU.

IL EST DÉCÉDÉ EN 2008 À L’ÂGE DE 82 ANS, MAIS IL AVAIT TOUJOURS 27 ANS DANS SA TÊTE.

Retrouvez votre prochain numéro en kiosque le 7 mars 2013 Imprimé en France – Maury Imprimeur S. A. Malesherbes – Dépôt légal janvier 2013 – N° d’édition 076055-01 – Commission paritaire : 0713 K 83412 Distribution NMPP – ISSN 1639-6936 – N° d’imprimeur 178 245 – Directrice de la publication et Gérante : Sylvie Marcé

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