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LES GÉNIES DE LA SCIENCE
LES GÉNIES DE LA SCIENCE
Monod, Jacob, Lwoff
par Michel Morange
POUR LA SCIENCE
Trimestriel Février 2002 – Mai 2002 FRANCE FRANCE METRO METRO 5,95 5,95 €, €, DOM DOM 5,95 5,95 €, €, BEL BEL 6,77 6,77 €, €, CAN CAN 8,75 8,75 $, $, CH CH 10,80 10,80 FS, FS, LUX LUX 6,77 6,77 €, €, PORT.CONT. PORT.CONT. 6,48 6,48 €, €, MAR MAR 50 50 MAD, MAD, MAU MAU 7,62 7,62 €€
N°10
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Monod, Jacob, Lwoff
par Michel
3. La percée française inattendue
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Après un accueil enthousiaste, le modèle de l’opéron est critiqué. Il devient, pour nombre de biologistes, l’archétype des modèles réductionnistes et sa valeur ne sera reconnue que dans les années1990. ÉTAT RELACHÉ
ÉTAT TENDU
50. La régulation du vivant
Le modèle récompensé en 1965 résout un paradoxe soulevé par les généticiens depuis les années 1930: comment des cellules qui portent les mêmes gènes peuvent-elles avoir des fonctions différentes?
En 1965, Jacques Monod, Jeffries Wyman et Jean-Pierre Changeux proposent la théorie allostérique («de l’autre forme»)pour rendre compte des extraordinaires capacités de régulation des protéines.
59. La guerre des biologies Le développement rapide de la biologie moléculaire en France, dans les années 1960, suscite de nombreuses résistances. Son approche des phénomènes vivants semble trop réductionniste.
65. Quatre «patriciens» de la science Les succès français en biologie moléculaire sont dus aux personnalités «extraordinaires» de leurs auteurs : Jacques Monod et François Jacob, mais aussi André Lwoff et Elie Wollman.
16. Du virus bactérien au chromosome En étudiant le comportement d’un virus et la sexualité des bactéries, Elie Wollman et François Jacob cartographient, dans les années 1950, le chromosome bactérien, et posent la première pierre du modèle de l’opéron.
84. L’influence intellectuelle de l’École pasteurienne
24. L’«adaptation» des bactéries
L’impact médiatique des écrits et des déclarations des trois prix Nobel est considérable. Cependant, si les polémiques sont retombées, la réflexion épistémologique de François Jacob demeure.
En 1953, Jacques Monod rebaptise l’adaptation enzymatique des bactéries en induction enzymatique, et montre… la fausseté des modèles proposés jusqu’alors pour en rendre compte
93. Un lieu de vie 30. La «grande collaboration» L’expérience «Pajamo», réalisée par Pardee, Jacob et Monod en 1958, est le catalyseur du modèle de l’opéron : elle éclaire sous un angle nouveau les observations antérieures des deux biologistes français. Encarts d’abonnement entre les pages 0 et 1, un encart broché service lecteurs et une carte d’abonnement entre les pages 96 et 97.
Les succès de l’École pasteurienne furent aussi le fruit de la bonne ambiance qui régnait dans les laboratoires d’André Lwoff et de Jacques Monod. C’était la «Belle Époque»… Légende ou réalité?
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12. Le modèle de l’opéron
40. Heurs et malheurs du modèle de l’opéron T
Le prix Nobel de médecine et de physiologie attribué en 1965 à André Lwoff, François Jacob et Jacques Monod, dévoile brutalement au public français la révolution intervenue en biologie.
N°10 • Février 2002
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4. La naissance d’une nouvelle biologie
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Monod, Jacob, Lwoff
par Michel
3. La percée française inattendue
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Après un accueil enthousiaste, le modèle de l’opéron est critiqué. Il devient, pour nombre de biologistes, l’archétype des modèles réductionnistes et sa valeur ne sera reconnue que dans les années1990. ÉTAT RELACHÉ
ÉTAT TENDU
50. La régulation du vivant
Le modèle récompensé en 1965 résout un paradoxe soulevé par les généticiens depuis les années 1930: comment des cellules qui portent les mêmes gènes peuvent-elles avoir des fonctions différentes?
En 1965, Jacques Monod, Jeffries Wyman et Jean-Pierre Changeux proposent la théorie allostérique («de l’autre forme»)pour rendre compte des extraordinaires capacités de régulation des protéines.
59. La guerre des biologies Le développement rapide de la biologie moléculaire en France, dans les années 1960, suscite de nombreuses résistances. Son approche des phénomènes vivants semble trop réductionniste.
65. Quatre «patriciens» de la science Les succès français en biologie moléculaire sont dus aux personnalités «extraordinaires» de leurs auteurs : Jacques Monod et François Jacob, mais aussi André Lwoff et Elie Wollman.
16. Du virus bactérien au chromosome En étudiant le comportement d’un virus et la sexualité des bactéries, Elie Wollman et François Jacob cartographient, dans les années 1950, le chromosome bactérien, et posent la première pierre du modèle de l’opéron.
84. L’influence intellectuelle de l’École pasteurienne
24. L’«adaptation» des bactéries
L’impact médiatique des écrits et des déclarations des trois prix Nobel est considérable. Cependant, si les polémiques sont retombées, la réflexion épistémologique de François Jacob demeure.
En 1953, Jacques Monod rebaptise l’adaptation enzymatique des bactéries en induction enzymatique, et montre… la fausseté des modèles proposés jusqu’alors pour en rendre compte
93. Un lieu de vie 30. La «grande collaboration» L’expérience «Pajamo», réalisée par Pardee, Jacob et Monod en 1958, est le catalyseur du modèle de l’opéron : elle éclaire sous un angle nouveau les observations antérieures des deux biologistes français. Encarts d’abonnement entre les pages 0 et 1, un encart broché service lecteurs et une carte d’abonnement entre les pages 96 et 97.
Les succès de l’École pasteurienne furent aussi le fruit de la bonne ambiance qui régnait dans les laboratoires d’André Lwoff et de Jacques Monod. C’était la «Belle Époque»… Légende ou réalité?
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12. Le modèle de l’opéron
40. Heurs et malheurs du modèle de l’opéron T
Le prix Nobel de médecine et de physiologie attribué en 1965 à André Lwoff, François Jacob et Jacques Monod, dévoile brutalement au public français la révolution intervenue en biologie.
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4. La naissance d’une nouvelle biologie
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La naissance d’une nouvelle biologie Le prix Nobel de médecine et de physiologie attribué en 1965 à André Lwoff, François Jacob et Jacques Monod, dévoile brutalement au public français la révolution intervenue en biologie.
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e 14 Octobre 1965, le prix Nobel de physiologie et de médecine est attribué à François Jacob, André Lwoff et Jacques Monod pour leurs travaux sur la régulation génétique de la synthèse des enzymes et des virus, et l’élaboration du «modèle de l’opéron». André Lwoff, 63 ans, est le plus âgé des trois. Il dirige depuis plus de trente ans le service de physiologie microbienne de l’Institut Pasteur. Jacques Monod, 55 ans, est sans doute le plus connu, par ses nombreuses activités de politique scientifique et ses prises de position publiques. François Jacob, 45 ans, le benjamin, n’a commencé la recherche que très tardivement, après une difficile reconversion à l’issue de quatre années de combat dans les Forces Françaises Libres. Ce prix Nobel récompense trois mousquetaires de l'Institut Pasteur de Paris, et s’ajoute à la déjà longue liste des prix Nobels attribués antérieurement à des chercheurs de cette institution. La justification de l’attribution du prix Nobel est assez peu explicite : il y est question d’enzymes, de virus et de régulation génétique, tous termes qui demanderaient une définition, et dont les relations sont rien moins qu’évidentes. Il est la reconnaissance d’une contribution française majeure aux progrès récents de la biologie.
Envol pour la gloire : de gauche à droite, André Lwoff, François Jacob et Jacques Monod prennent l’avion Paris-Stockholm le 5 décembre 1965 pour recevoir leur prix Nobel.
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Service des archives - Institut Pasteur
La biologie nouvelle Dans les années 1930-1960 une nouvelle forme de biologie nommée biologie moléculaire prend son essor. Il ne s’agit pas d’une nouvelle discipline, mais de la convergence de multiples disciplines biologiques jusqu’alors distinctes : biochimie, génétique, microbiologie, virologie. De nombreux chimistes et physiciens se penchent aussi sur son berceau. Comme son nom l’indique, cette nouvelle biologie explique les phénomènes du vivant à partir des propriétés des macromolécules qui participent à leur réalisation. Deux catégories de macromolécules retiennent plus particulièrement l’attention des biologistes moléculaires : les acides nucléiques, dont l’ADN qui est le constituant des gènes, et les protéines qui sont les agents actifs du monde vivant. Le but de la biologie moléculaire est ainsi de caractériser la structure, la fonction, et les relations entre ces deux types de macromolécules. Cette définition, plus limitée, permet de dater la révolution moléculaire ou, pour le moins, d’établir une chronologie de © POUR LA SCIENCE
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En 1940, George Beadle (1903-1989) et Edward Tatum (1909-1975) font un grand pas dans l’étude du rôle des gènes en montrant qu’à chaque gène correspond une protéine. À gauche, Edward Tatum inspectant des cultures de la moisissure Neurospora, vers 1960. À droite, George Beadle faisant une expérience de transplantation sur des larves de drosophile.
En 1953, Jim Watson et Francis Crick découvrent la structure en double hélice de l’ADN. Cette découverte permet d’aborder les recherches génétiques sous un angle nouveau : l’étude des propriétés des molécules qui constituent les gènes. © POUR LA SCIENCE
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Le modèle de l’opéron Le modèle récompensé en 1965 résout un paradoxe soulevé par les généticiens depuis les années 1930: comment des cellules qui portent les mêmes gènes peuvent-elles avoir des fonctions différentes?
péron est le nom donné à un ensemble de gènes regroupés sur un chromosome et soumis à une même régulation. Grâce à des schémas simples, le modèle de l’opéron proposé par le groupe français est rapidement connu de tous. Examinons l’un de ces schémas qui, à la suite du prix Nobel de 1965, inondent aussi bien les articles scientifiques que les revues de vulgarisation (voir le schéma ci-dessous) : on y voit d'abord une longue molécule, l'ADN, qui est le constituant des gènes. L’ADN est formé de deux chaînes de nucléotides, enroulées l’une autour de l’autre en hélice, mais est généralement représenté sous la forme d’un long trait, compartimenté en plusieurs gènes (Ac, y, z). Les expériences du groupe français ayant porté sur l’utilisation du lactose, le sucre du lait, par les bactéries, les gènes symbolisés sont souvent ceux qui permettent la synthèse des enzymes et des protéines nécessaires à ce processus. Ces enzymes et ces protéines sont représentées par de petites pelotes (en bleu sur le schéma ci-dessous). Entre l'ADN, les gènes et les protéines, s'interpose une longue molécule nommée ARN messager, qui est une copie simplifiée d’une des chaînes de l’ADN (en orange sur le schéma). Des particules subcellulaires, les ribosomes (en vert sur le schéma), traduisent ensuite l’ARN messager en protéines. La copie de l'ADN en ARN n'est pas automatique. Elle peut être bloquée par la présence, sur l'ADN, juste en amont des gènes du métabolisme du lactose, d'une protéine appelée «répresseur», elle-même synthétisée à partir d'un
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Le modèle de l’opéron, tel qu’il est divulgué après le prix Nobel de 1965. L’ADN est représenté sous la forme d’une longue molécule où se succèdent les gènes. L’expression des gènes z, y et Ac en protéines est contrôlée par le même segment génétique, appelé opérateur o, situé en amont : en absence de β-Galactoside, une protéine nommée le répresseur se lie à l’opérateur o, bloquant l’expression des gènes situés en aval. En présence de β-Galactoside, le répresseur ne peut plus se lier à l’ADN et les gènes en aval de l’opérateur o sont exprimés : ils sont d’abord transcrits en ARN messager, puis traduits en protéines par des particules de la cellule nommées «ribosomes». Jacob et Monod nomment «opéron» l’ensemble des gènes ainsi soumis à une même régulation.
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Ac ADN
ARN MESSAGER
RIBOSOME
RÉPRESSEUR
β-GALACTOSIDE PROTÉINES Z
Ac
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autre gène nommé gène «régulateur» (le gène i sur le schéma). Le répresseur est une protéine particulière, dite «allostérique», car elle peut adopter deux états différents : spontanément, le répresseur est dans un état qui lui permet de se fixer à l'ADN et de bloquer l'activité des gènes situés en aval, mais en présence d'un composé apparenté au lactose, un β-Galactoside, le répresseur change de forme et se détache de l'ADN. Ce dernier, libéré, est alors copié en ARN messager. L’ARN messager est traduit en protéines qui permettent aux bactéries de métaboliser le lactose. Ainsi, grâce à ce système de régulation génétique, les protéines requises par les bactéries pour digérer et assimiler le lactose ne sont synthétisées que lorsque ce sucre est présent dans le milieu. Si, pour le grand public, ces schémas sont l'occasion de découvrir la structure des gènes et leur rôle dans la synthèse des protéines et des enzymes, les biologistes connaissent la première depuis 1953, et le second depuis près de 20 ans. La nouveauté, pour les spécialistes, est le rôle intermédiaire de l'ARN messager entre les gènes et les protéines, et la description précise des mécanismes qui contrôlent l'activité – l'expression – des gènes.
La force explicative de ce modèle Le principal mérite du groupe français est d'avoir montré la généralité de leur modèle : les mécanismes qui régulent l'utilisation du lactose interviennent aussi dans le contrôle du métabolisme d'autres composés, tel le galactose, ou dans la synthèse d'acides aminés tel le tryptophane. Ils jouent en outre un rôle dans les relations complexes entre les bactéries et certains de leurs virus, nommés bactériophages «tempérés». Ces virus ont deux façons d’envahir les bactéries : soit ils se multiplient à l'intérieur des bactéries en les détruisant, soit ils s'attachent au chromosome bactérien et passent ainsi silencieusement de génération en génération. Dans ce dernier cas, un répresseur, analogue à celui qui contrôle la synthèse des enzymes du métabolisme du lactose, se fixe sur le matériel génétique du phage, dont il inhibe l'activité. En proposant un mécanisme général de régulation de l'expression génétique, le groupe français répond à une interrogation apparue parmi les généticiens dès les années 1930. La redécouverte des lois de Mendel au début du siècle, puis la localisation des gènes sur les chromosomes et le développement rapide des travaux de génétique ont montré le rôle essentiel des gènes dans la détermination des caractéristiques structurales et fonctionnelles des organismes vivant. Cependant, ces études ont aussi fait surgir un paradoxe : toutes les cellules d'un organisme complexe tel, par exemple, l'homme, ont le même nombre de chromosomes et portent les mêmes gènes. Or, ces cellules ont des caractéristiques
Pour infecter les bactéries, les bactériophages – virus de bactéries – s’adsorbent à leur surface et injectent leur matériel génétique dans les bactéries. Ci-dessus, un cliché de microscopie électronique réalisé en 1953 par Thomas Anderson, montrant des bactériophages adsorbés sur une bactérie.
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Jacques Monod, présentant le modèle de l’opéron en octobre 1965, après l’annonce de l’attribution du prix Nobel de physiologie et médecine. © POUR LA SCIENCE
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Du virus bactérien au chromosome En étudiant le comportement d’un virus et la sexualité des bactéries, Elie Wollman et François Jacob cartographient, dans les années 1950, le chromosome bactérien, et posent la première pierre du modèle de l’opéron.
L
e modèle de l’opéron est le fruit de plusieurs années de recherches dans deux domaines : la description du phénomène de lysogénie (possibilité pour un virus de bactérie, le bactériophage, de rester silencieux à l’intérieur de la bactérie qui l’abrite), et l’étude approfondie de l’adaptation enzymatique des bactéries à leur milieu. Nous allons retracer la création de ce modèle.
La découverte du bactériophage
Félix d’Herelle (1873-1949).
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Le bactériophage est découvert en 1915, à l’Institut Pasteur de Paris, par Félix d’Herelle, canadien d’origine française : ce dernier observe, dans les selles de patients convalescents d’une dysenterie, la présence d’un «matériel» passant à travers les filtres (on dénomme ces organismes des virus «filtrants») et détruisant les bacilles responsables de la dysenterie. Félix d’Herelle n’est pas le seul à faire une telle observation ; à Londres, Frederick Twort observe des phénomènes similaires. S’en suivent, après la guerre, plusieurs années de violente polémique : Félix d’Herelle affirme que Frederick Twort a observé un phénomène différent de celui qu’il a lui-même décrit. Passons sur ces querelles de priorité : le mérite d’avoir fait du bactériophage un objet important de recherche en biologie revient sans aucun doute à Félix d’Herelle.
Publicité du Laboratoire du bactériophage de Félix d’Herelle, parue en 1936 dans le journal La Médecine. Ce magazine prônait la thérapie par le bactériophage, «puissante» arme biologique anti-bactérienne. © POUR LA SCIENCE
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Olivier Meckes, MPI-Tübingen/Photo Researchers, Inc.
0,1 µm
Pour Félix d’Herelle, l’intérêt principal du bactériophage est qu’il constitue un outil de lutte contre les infections bactériennes. Félix d’Herelle est un adepte de la lutte biologique. Avant de travailler à l’Institut Pasteur de Paris, il a parcouru l’Amérique latine et le Maghreb afin de caractériser les bactéries qui, capables de s’attaquer aux criquets, pourraient être utilisées dans la lutte contre ce fléau. À une époque où aucun composé chimique efficace contre les bactéries n’est encore connu, le bactériophage semble une arme biologique anti-bactérienne prometteuse. Félix d’Herelle multiplie les essais. Il travaille plusieurs années en Inde pour essayer de démontrer l’efficacité des bactériophages dans la prophylaxie et la thérapie du choléra, puis fonde, à Paris, un laboratoire privé qui produira différents types de bactériophages, chacun adapté à une pathologie microbienne particulière. L’utilisation thérapeutique des bactériophages disparaît lorsque, à la fin de la Seconde guerre mondiale, les antibiotiques montrent toute leur efficacité.
Le bactériophage : un système modèle Le bactériophage est aussi un objet biologique fascinant par sa petite taille – environ 0,1 micromètre –, qui le place à la frontière de la vie et de la matière inanimée. Pour Félix d’Herelle, le bactériophage est un organisme vivant, sans
Invasion d’une bactérie par des bactériophages, observée de nos jours en microscopie électronique : les bactériophages (en turquoise) s’ancrent à la membrane de la bactérie (colorée en jaune) et larguent, dans la bactérie, leur matériel génétique (fils verts) ; l’on sait aujourd’hui que ce matériel génétique est une molécule d’ADN.
À gauche, quelques membres de l’École américaine du phage en 1949. De gauche à droite, Jean Weiglé, Ole Maaløe, Elie Wollman (alors en stage), Gunther Stent, Max Delbrück et Giorgio Soli. À droite, Max Delbrück et Salvador Luria à Cold Spring Harbor, dans les années 1950.
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© POUR LA SCIENCE