Pour la Science n°542 - Décembre 2022

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SEXE ET GENRE Pourquoi la biologie n’explique pas tout Biophysique LA BOUSSOLE QUANTIQUE DES OISEAUX Mathématiques LA SIMPLICITÉ, UN BIAIS DE L’ÉVOLUTION ? Physique QUAND LE CHAMPAGNE FRANCHIT LE MUR DU SON L 13256542F: 7,00 €RD DOM : 8,50 € –BEL./LUX. : 8,50 € –CH : 12,00 FS –CAN. : 12,99 $CA –TOM : 1 100 XPF Édition française de Scientific American –Décembre 2022n° 542 POUR LA SCIENCE 12/22 L’analyse de Thierry Hoquet philosophe des sciences Une solution au paradoxe de l’information ? DES TROUS DE VER AU CŒUR DES TROUS NOIRS

Comment définir la vie ? Quelle est son origine ? Quelles sont ses limites ? Comment les êtres humains interviennent-ils sur elle ?

Découvrez des façons, a priori , bien différentes d’aborder ces questions lors de deux entretiens passionnants durant lesquels un zoologiste et une astrobiologiste dévoileront leurs étonnements récents et leurs hypothèses de travail.

En accès libre À l’auditorium de la Cité des sciences et de l’industrie Retransmis sur cite-sciences.fr

Thema Qu’est ce que la vie ?

Retrouvez l’ensemble des conférences ici.

La vie selon…

Guillaume Lecointre

Professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, conseiller scienti fique du président Bruno David et chercheur en systématique. En étudiant les relations évolutives entre les êtres vivants, Guillaume Lecointre interroge également notre passé, notre avenir et notre place parmi les autres espèces.

Mardi 13 décembre à 18h30

Nathalie Cabrol

Astrobiologiste, directrice du centre de recherche Carl Sagan de l’Institut SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), États-Unis. Dans le cadre du programme SETI, dont l’objectif est de détecter la présence de civilisations extraterrestres, Nathalie Cabrol explore les milieux extrêmes sur Terre ou dans l’espace à la recherche de traces de vie.

Mardi 10 janvier à 18h30

Entretiens conduits par Caroline Broué, journaliste à Radio France.

Avec le soutien de :

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POUR LA SCIENCE

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Ont également participé à ce numéro : Gaël Clément, Sébastien Deheuvels, Charles-Élie Fillion, Thomas Hubert, Catherine Louis, Loïc Villain

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François Lassagne Rédacteur en chef

SAVOIR ÊTRE DÉCONCERTÉ

Les trous noirs posent un problème redoutable : les équations de la physique quantique impliquent que ces monstres cosmiques détruisent de l’information… alors que le même cadre théorique pose que l’information ne peut pas disparaître.

Le physicien Ahmed Almheiri, en proposant de « concevoir un traitement quantique de l’espace-temps des trous noirs » apporte une solution à ce paradoxe. Elle est très audacieuse : elle suppose d’inviter des trous de ver au cœur des trous noirs.

Assurément, changer de cadre d’analyse, passer d’un référentiel balisé à un autre, restant à explorer, a de quoi déconcerter.

Tout aussi déstabilisants sont les liens qu’entretiennent sexe et genre, que nous explorons dans un dossier spécial, avec pour guides une biologiste et écologue, une anthropologue généticienne, et un philosophe des sciences. Il apparaît d’emblée que prendre le cadre de la biologie animale et de l’éthologie pour appréhender les liens entre sexe et comportement humain bouscule bien des stéréotypes qui ont cours dans nos sociétés et attribuent tel caractère aux femmes ou aux hommes.

Mais pourquoi les stéréotypes, qui nous incitent à ranger les comportements de manière binaire dans des cases masculine ou féminine, nous imprègnent-ils autant ?

« C’est par ignorance que l’on a l’impression que la biologie nous donne un discours simple, qui correspond à nos visions binaires, rappelle le philosophe Thierry Hoquet. En réalité, la biologie nous invite d’abord à nous décentrer, à replacer les phénomènes qui nous concernent dans le tableau général de l’histoire du vivant, en particulier quand on parle de ce qu’on appelle “les sexes”. »

Du cosmos à la société, appréhender la subtilité de la réalité est toujours vivifiant. n

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 3

P. 6

ÉCHOS DES LABOS

• Apprendre ou se souvenir, comment choisir ?

• En France, il fera plus chaud que prévu en 2100

• Le contrôle des skyrmions se précise

• Un traitement pour les prématurés

• Le crapaud résiste

• Aux origines des vertébrés à mâchoire

• Un cœur magnétique

• L’or violet de l’Alhambra

P. 16

LES LIVRES DU MOIS Spécial Noël et spécial jeunesse P.

20

DISPUTES ENVIRONNEMENTALES Sortir de la logique Shadok Catherine Aubertin

P. 22

LES SCIENCES À LA LOUPE L’empirisme contre-attaque Yves Gingras

P. 36

BIOLOGIE

LE CHANT OUBLIÉ DES FEMELLES

Clémentine Vignal

Émeus femelles rivalisant pour l’accès aux mâles, crapauds mâles s’occupant seuls des œufs, mésanges femelles chanteuses…

Les rôles des sexes sont loin d’être universels dans la nature.

P. 40 ANTHROPOLOGIE

SANTÉ DES FEMMES : UNE HISTOIRE DE GENRE ?

Raphaëlle Chaix

Rester vivre dans son clan avec son mari ou le suivre chez lui : selon l’organisation sociale des populations humaines, les femmes se retrouvent dans des situations plus ou moins favorables pour leur santé.

Ce numéro comporte - un courrier de réabonnement, posé sur le magazine, sur une sélection d’abonnés ainsi qu’un encart Restos du cœur sur une sélection d’abonnés en France métropolitaine.

P. 50

PHYSIQUE

QUAND LE CHAMPAGNE FRANCHIT LE MUR DU SON

Gérard Liger-Belair, Abdessamad Benidar et Robert Georges

Le « pop ! » d’une bouteille de champagne qu’on débouche n’a pas grand-chose en commun avec le « bang ! » produit par un avion de chasse dépassant la vitesse du son. Et pourtant ! Sous le bouchon, le gaz atteint une vitesse supersonique. La preuve en images.

P. 60

BIOPHYSIQUE

LA NAVIGATION QUANTIQUE DES OISEAUX MIGRATEURS

Peter J. Hore et Henrik Mouritsen

Les oiseaux migrateurs sont sensibles au champ magnétique de la Terre. Il les aide à s’orienter lors de leurs longs voyages vers leurs lieux de reproduction et d’hivernage. La clé de cette remarquable sensibilité ? Des protéines nichées dans leurs rétines mettant en jeu… un effet quantique.

4 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022
GRANDS
N° 542 / Décembre 2022 OMMAIRE s NE MANQUEZ PAS LA PARUTION DE VOTRE MAGAZINE GRÂCE À LA NEWSLETTER LETTRE D’INFORMATION • Notre sélection d’articles • Des offres préférentielles • Nos autres magazines en kiosque Inscrivez-vous www.pourlascience.fr fr SEXE ET GENRE Pourquoi biologie n’explique pas tout LA BOUSSOLE LA SIMPLICITÉ, L’ÉVOLUTION QUAND LE CHAMPAGNE 12/22 Une solution au paradoxe de l’information ? DES TROUS DE VER AU CŒUR DES TROUS NOIRS En couverture : © Harry Campbell Les portraits des contributeurs sont de Seb
ACTUALITÉS
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DOSSIER SPÉCIAL : AUX ORIGINES DU GENRE CAHIER PARTENAIRE PAGES I À III (APRÈS LA P. 68) Parrainé par La filtration des aérosols radioactifs : un problème de taille CAHIER PARTENAIRE PAGES I À IV (APRÈS LA P. 55) Parrainé par En anticipant le déluge !

RENDEZ-VOUS

P. 80 LOGIQUE & CALCUL L’ÉVOLUTION CHOISIT LA SIMPLICITÉ Jean-Paul Delahaye

P. 46

PHILOSOPHIE DES SCIENCES

SEXE

ET GENRE :

LA BIOLOGIE NOUS FAIT PASSER

«

DU POURQUOI

AU POURQUOI PAS » Entretien avec Thierry Hoquet

Qu’entend-on par « sexe » ? Par « genre » ? Quelles relations ces deux notions entretiennent-elles ? Et pourquoi a-t-on tant besoin de créer des catégories ?

P. 24 PHYSIQUE THÉORIQUE

UNE ÎLE AU CŒUR

DES TROUS NOIRS

P. 72

HISTOIRE DES SCIENCES

LOUIS PASTEUR, UNE CARRIÈRE JALONNÉE DE POLÉMIQUES

Nicolas Chevassus-au-Louis

La France célèbre cette année le bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur. Son œuvre au service de la santé humaine, perpétuée par les instituts qui portent son nom, est incontestée. Sa carrière scientifique fut cependant marquée par de violentes polémiques.

Objets de tous les extrêmes et de tous les paradoxes, les trous noirs semblent détruire l’information qu’ils contiennent, contrevenant ainsi aux lois de la physique quantique. Pour résoudre cette énigme, il faut prendre au sérieux certaines propriétés exotiques de l’espace-temps, prédites par la relativité générale, et connecter l’intérieur des trous noirs par des trous de ver.

Dans le monde vivant, les structures simples sont plus fréquemment observées que les structures plus complexes comportant les mêmes éléments. La théorie mathématique de la complexité explique pourquoi.

P. 86

ART & SCIENCE Danse avec les araignées-loups Loïc Mangin P. 88 IDÉES DE PHYSIQUE Miroir, mon beau miroir… Jean-Michel Courty et Édouard Kierlik P. 92

CHRONIQUES DE L’ÉVOLUTION La méduse

SCIENCE & GASTRONOMIE Une expérience très personnelle Hervé This P. 98 À PICORER

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 5

APPRENDRE OU SE SOUVENIR : COMMENT CHOISIR ?

Exemple d’environnement virtuel exploré par les souris pour stimuler leurs fonctions de mémorisation ou de remémoration.

L’interrupteur neuronal qui assure l’alternance de la création de nouveaux souvenirs et du rappel des anciens vient tout juste d’être découvert.

On ne sait rien tant qu’on n’a pas appris logique : pour possé der un souvenir, il faut l’avoir d’abord stocké dans le cerveau et, pour se le remémorer, il faut au contraire l’en refaire sortir ! Comment cela fonc tionne-t-il ? Une région centrale du cer veau, l’hippocampe, est presque considérée comme le centre de la mémoire, car il est essentiel non seule ment aux premières étapes de sa forma tion – c’est la phase d’apprentissage –, mais aussi lors du rappel de souvenirs –c’est la phase dite « de remémoration ». Mais comment l’hippocampe passe-t-il de la mémorisation à la remémoration ?

Une question qui taraudait les chercheurs depuis longtemps et à laquelle viennent enfin de répondre Ruy Gómez-Ocádiz et

Certains neurones de l’hippocampe (en haut) de souris mémorisent ou restituent l’information, selon les signaux envoyés par d’autres neurones (en bas).

ses collègues, de l’institut Pasteur et de l’École normale supérieure, à Paris : il existe comme un interrupteur neuronal dans l’hippocampe, qui permet de passer d’un état, la mémorisation, à l’autre, la remémoration.

En effet, les scientifiques étudient depuis longtemps les différents modes de fonctionnement de l’hippocampe, qui comprend plusieurs couches de neurones différents, empilés et organisés de diverses manières selon la couche. Ainsi, face à quelque chose de nouveau, un évé nement ou un objet par exemple, des neurones situés dans la couche dite « CA3 » de l’hippocampe travaillent ensemble pour encoder l’information et la stocker en mémoire ; puis, si néces saire, pour comprendre une situation, le même circuit de neurones s’active pour récupérer ces données mémorisées. Or ces deux modes de la mémoire ne peuvent fonctionner en même temps : ils sont en conflit. Pourtant, en général, sans que l’on s’en rende compte, on utilise presque en permanence des souvenirs et

6 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 ÉCHOS DES LABOS P. 6 Échos des labos P. 16 Livres du
P. 18 Livres
jeunesse P. 20 Disputes environnementales P. 22 Les sciences
loupe
mois – spécial Noël
du mois – spécial
à la
NEUROSCIENCES
© Ruy Gómez-Ocádiz, Christoph Schmidt-Hieber, institut Pasteur

de nouvelles informations à retenir pour comprendre le monde qui nous entoure. Les deux modes de l’hippocampe doivent donc alterner, et c’est ce commutateur neuronal que Ruy Gómez-Ocádiz et ses collègues ont cherché à repérer dans notre cerveau.

Mais pour déterminer comment l’hip pocampe passe d’un état à l’autre, il faut réussir à le confronter à de la nouveauté presque instantanément alors qu’il est en train d’utiliser des souvenirs… Un tour de passe-passe que la réalité physique ne permet pas ! Alors les chercheurs ont eu l’idée d’utiliser la réalité virtuelle : ils ont développé un jeu vidéo dans lequel des souris ont exploré et mémorisé des mondes virtuels. En parallèle, ils ont enre gistré l’activité électrique de leur hippo campe à l’aide d’électrodes implantées. Puis ils ont – comme par magie – téléporté les rongeurs dans un « environnement » virtuel totalement nouveau alors qu’ils utilisaient leurs souvenirs épisodiques des mondes virtuels mémorisés… À ce moment-là, un signal de dépolarisation électrique, faible et transitoire, est apparu dans des neurones particuliers : les cellules granulaires de la couche hippocampique nommée « gyrus denté », une zone juste ment en amont de la couche CA3 de l’hip pocampe. Ensuite, les scientifiques ont intégré ce signal synaptique de la nou veauté, qui se produit à chaque transition vers un nouveau monde virtuel, dans un modèle mathématique de l’hippocampe : il permet bien de passer du mode remémo ration au mode mémorisation et explique enfin – comment nous sommes capables d’utiliser nos souvenirs tout en apprenant de nouvelles informations.

Une défaillance de cet interrupteur neuronal, c’est-à-dire de la transition entre les modes de remémoration et de mémo risation, expliquerait-elle l’impression de déjà-vu, la sensation étrange de se rap peler quelque chose alors qu’on le découvre pour la première fois ? Dans ce cas, l’inter rupteur de l’hippocampe serait dans la mauvaise position : il considérerait que ce qu’il voit pour la première fois est en réa lité déjà archivé dans ses souvenirs. Une possibilité que les chercheurs vont désor mais pouvoir explorer. n

R. Gómez-Ocádiz et al., Nature Communications, 2022

CLIMATOLOGIE

En France, il fera plus chaud que prévu en 2100

Avec une nouvelle méthode, une équipe Météo France/CNRS a estimé que, dans un scénario d’émissions de CO2 qui suit la tendance actuelle, l’augmentation de température moyenne serait de 3,8 °C en 2100 par rapport au début du XXe siècle. Saïd Qasmi nous explique ces résultats.

Propos recueillis par Sean Bailly

SAÏD QASMI climatologue au Centre national de recherches météorologiques

Pourquoi s’intéresser à l’évolution du climat à l’échelle nationale ?

Les décisions d’un gouvernement, d’une entreprise ou de tout organisme reposent souvent sur des paramètres climatiques locaux, régionaux ou nationaux. Or le rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) s’appuie sur des données et des simulations à l’échelle globale, au mieux subcontinentale. Ainsi, la hausse de température moyenne de 1,2 °C par rapport à la période préindustrielle (1850-1900), retenue par les modèles du Giec, est globale et n’est pas représentative des conditions locales, où la hausse peut être plus importante.

Un aspect essentiel de votre étude est sa méthodologie : comment avez-vous amélioré la précision des projections ?

Dans son dernier rapport, publié en 2021, le Giec a recommandé d’utiliser des données observationnelles, comme des relevés de températures, couplées aux simulations numériques, en particulier celles du CMIP6 (Coupled Model Intercomparison Project, phase 6), qui regroupent un grand nombre de simulations globales réalisées par plusieurs équipes et reposant sur des modèles différents.

Quand on ne regarde que les simulations numériques à une échelle locale, la précision n’est pas toujours bonne. Par exemple, le CMIP6 donne une température moyenne en France en 2020 de 1,44 °C au-dessus de la moyenne calculée sur la période de référence 1900-1930. Les relevés de température donnent une valeur plus proche de 1,66 °C. Le CMIP6 sous-estime le réchauffement pour la France.

Notre méthode a consisté à développer une nouvelle méthode statistique pour passer d’une échelle globale à une échelle locale. À partir des relevés de température au sol de 1900 à aujourd’hui nous avons sélectionné un sous-groupe de simulations du CMIP6

qui reproduisent au mieux la situation en France sur cette période passée.

Nous avons ensuite regardé les projections pour 2100 des simulations sélectionnées. Pour réaliser des projections, il faut appliquer des scénarios socioéconomiques qui indiquent comment les émissions anthropiques de dioxyde de carbone (CO2) évolueront. Dans un scénario intermédiaire, noté SSP2-4.5 (pour shared socioeconomic pathways), on postule, par exemple, que les émissions suivent la tendance actuelle. C’est le scénario le plus réaliste si on regarde les politiques environnementales actuelles des pays émetteurs.

Quels sont les résultats ?

Dans le scénario SSP2-4.5, la hausse de température en France s’élève à 3,8 °C (par rapport à la moyenne de la période 1900-1930). C’est 50 % de plus que les estimations précédentes. L’effet est également saisonnier. En été (de juin à août), la hausse atteint 5,1 °C. Pour référence, l’été 2022 avec ses canicules à répétition, ses feux de forêt, etc., a présenté une température moyenne de 4 °C supérieure à la moyenne.

Une augmentation de 3,8 °C aura de nombreuses répercussions sur la vie de tous les jours. J’espère que notre étude contribuera aussi à une prise de conscience. Comme il existe une relation linéaire entre la hausse des températures moyennes et les émissions de dioxyde de carbone, la seule solution pour éviter cette trajectoire climatique consiste à, dès aujourd’hui, réduire au maximum l’accumulation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Peut-on utiliser votre approche dans d’autres régions ?

Nous avons conçu notre outil pour être un logiciel libre (open source), n’importe qui peut le faire tourner et l’adapter pour une autre région que la France. Il peut donc servir pour produire des données fiables afin de prendre les bonnes décisions politiques ou pour élaborer un projet qui dépend de paramètres climatiques.

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 7
A. Ribes et al., Earth System Dynamics, 2022 ; S. Qasmi et A. Ribes, Science Advances, 2022

DIDACTIQUE

SCIENCE ILLUSTRATION

Anna Escardó et Julius Weideman Taschen, 2022  436 pages, 60 euros

L’originalité de cet ouvrage trilingue (allemand, anglais, français) réside dans les illustrations techniques et épurées choisies par l’autrice. Oubliés dans les publications d’art, ces schémas ont révolutionné l’avancée des sciences. Prenons pour exemple les cercles concentriques du système solaire dessinés par Nicolas Copernic en 1543, ou les traits reliant les organismes vivants des arbres phylogénétiques dessinés par Jean-Baptiste Lamarck en 1800. Ce sont de simples lignes… mais aussi des illustrations percutantes ! Que le dessin s’organise en tableau, en tuyau de mécanisme de moteur, en coupe géologique ou en une courbe de vélocité, il devient écriture universelle qui transporte une idée. Le dessin est guidé par l’émerveillement du scientifique devant le fonctionnement du monde, et c’est cette émotion qui transfigure l’imagerie scientifique. L’approche historique est richement documentée par les biographies d’un grand nombre des scientifiques. Quelques exemples dans l’illustration médicale : on commence en 1543 avec les gravures au trait des écorchés d’Andreas Vesalius (André Vésale, en français), pour arriver en 1831 aux sublimes lithographies en couleurs d’anatomie humaine de Jean-Baptiste Marc Bourgery. Le XIXe siècle, c’est aussi l’essor de la microscopie, les premiers croquis de cellules neuronales de Camillo Golgi en 1888 et les premiers clichés aux rayons X de Wilhelm Röntgen en 1895. L’ouvrage se finit sur des réalisations modernes : l’image numérique d’un coronavirus, par exemple.

La majorité des 500 illustrations sont extraites pour la première fois de leurs publications scientifiques et hissées au niveau d’œuvres d’art. Reproduites avec talent pour en souligner l’esthétisme, elles permettent au lecteur de bien mesurer leur impact dans l’avancement des connaissances. Ce très bel ouvrage inspirera toute personne sensible aux domaines des sciences et de l’art.

PASCAL LE ROC’H illustrateur scientifique, MNHN

ÉCOLOGIE

RENARDS, LES MAL-AIMÉS

Pierre Rigaux

Delachaux et Niestlé, 2022  240 pages, 34,90 euros

A

près Pas de fusils dans la nature, publié en 2019 chez Humensciences, puis Loups, un mythe vivant, paru en 2020 chez Delachaux et Niestlé, l’auteur traite ici des renards chez le même éditeur. Formé en biologie et en géographie, ce naturaliste de terrain a travaillé pendant onze ans dans plusieurs associations de protection de la nature, puis a créé son bureau d’études. Il traite presque chaque année d’un sujet animalier dans un ouvrage de vulgarisation, joliment illustré ici par l’agence Biosphoto. Chez le même éditeur existait déjà un autre livre naturaliste sur le même animal, mais le ton est ici plus actuel. Ne se limitant pas aux données de la biologie, il est rédigé dans un style agréable, qui défend la cohabitation avec ce carnivore injustement persécuté par les autorités, sollicitées par les sociétés de chasse. Un mouvement de réhabilitation de ce petit prédateur prend de l’ampleur dans notre pays, qui s’oppose aux abattages systématiques par des recours en justice. Les renards sont extrêmement utiles : chacun d’entre eux se nourrit chaque année de plusieurs milliers de rongeurs nuisibles aux récoltes et porteurs de tiques vectrices de la maladie de Lyme. Quant aux poulaillers : il est techniquement possible de les rendre inaccessibles aux renards !

L’originalité de ce nouvel ouvrage sur le renard est aussi que l’auteur ne se limite pas à notre goupil, mais passe en revue les nombreux renards ou assimilés existant dans le monde. Au fur et à mesure qu’on l’étudie, cette espèce s’avère si plastique qu’il est difficile de décrire ses mœurs de façon certaine. L’auteur nous montre à quel point elle est adaptable. Cette force explique sa capacité surprenante de colonisation, et le fait que les densités les plus importantes sont dans les villes, où Maître Goupil exploite l’abondance des déchets.

16 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 LES LIVRES DU MOIS – SPÉCIAL NOËL

ARCHÉOLOGIE/HISTOIRE

DE L’ART

NOTRE-DAME DE PARIS. LA SCIENCE À L’ŒUVRE

P. Dillmann, P. Liévaux, A. Magnien, M. Regert (dir.)

Le Cherche Midi, 2022  184 pages, 35 euros

Ce« beau livre » très illustré et bien composé présente un état de l’art d’un monument du patrimoine mondial de l’humanité : Notre-Dame de Paris. Connu de tous, cet édifice était pourtant l’une des cathédrales les moins bien étudiées avant que les chercheurs ne l’investissent au lendemain du terrible incendie du 15 avril 2019. Si, au fil des pages, demeure l’émotion suscitée par le drame, c’est la foi dans les travaux actuellement menés qui préside.

Il est vrai que ce sont de nombreux chercheurs associés à pas moins d’une cinquantaine de laboratoires et instituts (ministère de la Culture, CNRS, université, Inrap…) qui s’attachent à étudier les vestiges enfouis, les décombres et les élévations afin de retracer les histoires du monument, mais aussi d’accompagner le grand chantier de restauration mené sous l’égide de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame.

Si l’histoire de l’art, l’archéologie, l’histoire et l’anthropologie sont naturellement convoquées au chevet de la grande cathédrale, elles sont utilement appuyées par d’autres disciplines représentées par des acousticiens, des informaticiens et des ingénieurs des matériaux. Cette enquête pluridisciplinaire dépasse la simple entreprise de sauvetage pour dessiner ce qui devrait être fait pour un grand nombre d’édifices de cette importance patrimoniale et scientifique que l’on croit trop facilement éternels. Au fil des pages, les références à la littérature, à l’art et à la liturgie apportent un supplément d’âme au récit de ces recherches encore en cours.

DOMINIQUE GARCIA président de l’Inrap

ESPACE ET AUSSI

APOLLO REMASTERED

Andy Saunders

Chêne, 2022

450 pages, 85 euros

Le 25 mai 1961, dans le contexte de la guerre froide, le président J. F. Kennedy annonce, devant le Congrès américain, le lancement d’un programme qui doit amener des astronautes américains sur la Lune dans la décennie. Au prix d’un effort considérable, ce programme sera réalisé en un temps record. Les missions Apollo ont constitué un véritable programme scientifique dont le bilan se solde par 382 kilogrammes de roches lunaires et des milliers de photos, dont les pellicules originales sont conservées dans une chambre froide au Centre spatial Johnson, à Houston. Récemment, les négatifs ont été extraits de leur glacière et décongelés. Ces prises de vues sont analogiques, et la Nasa était en pointe de la technologie photographique, avec par exemple l’appareil Hasselblad 500.

Les pellicules ont été nettoyées et numérisées à très haute résolution. L’auteur du livre a personnellement restauré, retraité et remastérisé les 35 000 clichés, parmi lesquels il a sélectionné les meilleurs, présentés dans ce livre-témoignage exceptionnel.

Ainsi, le lecteur, ou plutôt le spectateur, peut prendre conscience de l’enjeu et s’imaginer en train de réaliser l’un des incroyables voyages des Apollo Un résumé photographique des missions pionnières, Mercury, et des vols Gemini est d’abord présenté. On voit une photo de novembre 1966 qui semble d’un autre âge : la règle à calcul d’Aldrin flotte devant lui à portée de main pour le cas où il devrait estimer quelques chiffres. Les missions Apollo se sont succédé à un rythme effréné : le premier vol habité eut lieu en octobre 1968 ; le dernier vol en décembre 1972 avec Apollo 17 Le livre d’Andy Saunders, avec ses centaines de photos souvent inédites, représente un témoignage accessible à tout le monde d’une étape majeure de la conquête spatiale. Un livre superbe.

NOUS AVONS MANGÉ LA TERRE

C. Bonneuil, J.-B. Fressoz et J.-R. Viallet Seuil, 2022, 192 pages, 29,90 euros

Notre planète serait entrée dans une nouvelle ère géologique, l’anthropocène : l’« ère de l’humanité. » Écrit par un historien des sciences et des techniques et un historien du CNRS avec l’aide d’un journaliste, ce livre rend sensible ce phénomène, débattu sur le plan géologique, et saisissant par son iconographie, très judicieusement choisie, commentée et accompagnée de citations. Tour à tour choquantes, touchantes, significatives, ces photographies, affiches et autres pages communiquent la sensation d’une démesure, qui est manifestement un caractère propre de notre espèce.

REQUINS ET RAIES

François Sarano et Pascal Kobeh Delachaux et Niestlé, 2022, 240 pages, 34,90 euros

Les ancêtres des requins peuplaient déjà l’océan il y a 450 millions d’années, mais nos enfants ne les côtoieront peut-être pas. L’océanographe et plongeur professionnel François Sarano a accompagné le photographe sousmarin Pascal Kobeh dans la réalisation du spectacle de toute beauté que donnent ici mille merveilles hydrodynamiques squaliformes. La découverte se fait à coups de palmes, tandis que les auteurs nous racontent leurs plongées d’observation. Rien n’est banal dans ce livre. Tout y est tranquille, comme la vie et la mort sous l’eau, que représentent si bien les requins.

HISTOIRES SURNATURELLES

Gregory Roeder et Stéphane Hette Salamandre, 2022, 144 pages, 39 euros

Entre les plantes et les insectes, la guerre, l’alliance et la manipulation se produisent toutes en même temps. Un photographe hors pair a saisi ces phénomènes à l’échelle de la feuille. Dans quel but ? Celui de donner l’occasion à son coauteur, un professeur de biologie chimique et grand explorateur d’écosystèmes variés et méconnus, de nous expliquer les symbioses, parasitismes et autres courses aux armements, qui expliquent tant couleurs et pouvoirs quasi surnaturels des insectes et des plantes.

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 17

COPPENS, LUCY, MOI ET LES AUTRES

Emmanuelle Pouydebat et Gilles Macagno Humensciences, 2022 136 pages, 13 euros

Certes, il ne faut pas laisser les enfants devant les écrans… Mais c’est bien en regardant à la télévision le grand paléoanthropologue récemment disparu, Yves Coppens, parler de sa découverte de Lucy que la petite Emmanuelle Pouydebat a « attrapé » la vocation, comme on attrape une bonne maladie. Aujourd’hui, directrice de recherche en biologie de l’évolution au CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle, la chercheuse raconte avec beaucoup d’humour et d’anecdotes piquantes le chemin, semé d’embûches et de belles rencontres, qui a fait de cette jeune femme tenace et passionnée une des grandes spécialistes de l’évolution des comportements animaux. Croquées avec talent par le dessinateur Gilles Macagno, ses aventures emmènent les esprits curieux dans les coulisses de ses recherches sur les chimpanzés, les éléphants, les microcèbes, les babouins… qui lui ont notamment dévoilé leurs talents cachés pour manier des outils. Nul doute que ce récit très vivant suscitera de nombreuses… vocations ! n

BESTIOLES – LE POU

Isabelle Collombat Ill. : Julie Colombet

Actes Sud-Hélium/France Inter, 2022 40 pages, 13,50 euros

Pouah le pou : quelle bestiole collante ! Et irritante… Mais aussi fascinante quand on apprend que cet insecte est capable d’adopter la couleur de la chevelure qu’il habite pour se rendre invisible et qu’il fabrique une sorte de bracelet aussi dur que du béton pour se « menotter » aux cheveux… Pas sûr que cela console les têtes brunes, rousses et blondes qui se grattent en rentrant de l’école… Mais cela les amusera et les rassurera (le pou de tête ne donne pas de maladie). À écouter en bonus : le podcast de la série « Bestioles », dont est adapté cet album, coproduite par France Inter et le Muséum national d’histoire naturelle. n

6-8 ANS

C’EST (PAS) MOI, C’EST MON CERVEAU !

Grégoire Borst, Mathieu Cassoti Nathan, 2022 128 pages, 12,90 euros

Siles parents ne savent pas toujours ce qui se passe dans la tête de leurs ados, les ados aussi peinent à comprendre ce qui se passe dans leur propre cerveau en pleine transformation. Les auteurs, tous deux chercheurs réputés en psychologie et en neurosciences, vont leur donner des clés dans un langage accessible, expériences et tests à l’appui, pour appréhender ce qui se passe dans leurs neurones quand ils sont en colère, tombent amoureux ou sont créatifs. Peut-être comprendront-ils pourquoi leurs parents les saoulent. Et pourquoi parfois à raison (mais pas toujours). n

POURQUOI LES ARBRES POUSSENT SI HAUT

Emmanuelle Kecir-Lepetit. Ill. : Éléonore Della Malva Larousse jeunesse, 2022 32 pages, 10,95 euros

Mais aussi : « Ça mange quoi les arbres ? » ou : « Est-ce qu’ils ont froid l’hiver sans leurs feuilles ? »…

Autant de questions que les tout-petits peuvent se poser et pour lesquelles les parents n’ont pas toujours de réponses adaptées. Ils vont les trouver dans ce joli petit ouvrage, notamment celle qui élucidera l’interrogation la plus importante : « Dans quel arbre je peux construire une cabane ? » n

CAPITAINE MAMAN ET LE MUSÉE D’ARCHÉOLOGIE

Magali Arnal

L’école des loisirs, 2022 48 pages, 14 euros

Voici la troisième aventure de Capitaine Maman, « la plus célèbre archéologue du monde », qui, dans cet opus, découvre avec ses trois chatons et son quartier-maître Mémé un trésor archéologique. Trésor qui va créer un incident diplomatique… À travers les rebondissements de cette histoire imaginaire, l’enfant découvrira comment on installe et quadrille une fouille, comment on dessine et note tous les vestiges. Une jolie initiation à l’archéologie. n

18 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 LES LIVRES DU MOIS – SPÉCIAL JEUNESSE
POUR LES ADOS
3-5
ANS
DÈS 11 ANS

POUR TOUTE LA FAMILLE DÈS 9 ANS

365 JOURS AVEC JAMY

Jamy Gourmaud

Nathan, 2022 384 pages, 22,90 euros

L ’almanach de Jamy va faire des heureux : tous les fans du célèbre animateur et de sa bande des épicurieux vont en apprendre tous les jours. Plus de 1 000 articles à picorer tout au long de l’année pour apprendre que la fraise n’est pas un fruit, que c’est un instituteur britannique qui a inventé le timbre, que 54,4 °C est la température la plus chaude jamais relevée (jusqu’à présent) sur notre planète. Et pour se demander combien pèse un nuage, comment décolle une fusée ou à qui Albert Einstein a tiré la langue. n

L’ÉGYPTE ANCIENNE ET LES HIÉROGLYPHES

Dominique Farout Ill. : Donatien Mary Flammarion Jeunesse / Louvre, 2022 64 pages 12,90 euros

En 150 questions (pourquoi Hathor a-t-elle une tête de vache ? Pourquoi est-ce si compliqué de construire une pyramide ?...), cet album propose aux enfants de rentrer dans le monde passionnant des anciens Égyptiens. Une initiation savante, mais souvent ludique, notamment grâce au petit cahier d’activités pour apprendre à écrire en hiéroglyphes. n

SPÉCIAL HISTOIRE DES SCIENCES

COUP DE CŒUR

LES MATHÉMATIQUES DU MILKSHAKE

Katie Steckles

EDP sciences, 2022 160 pages, 19 euros

Comment rendre les mathématiques appétissantes ?

En cuisinant, bien sûr ! Les milkshakes, c’est bien plus ragoûtant que les baignoires qui fuient. Avec un peu de méthode, on peut calculer pi avec des bretzels, découvrir les nombres de Fibonacci avec un ananas, s’exercer au pavage de plan avec des cookies, s’initier au tangram avec un sandwich (voir ci-dessous). Et bien entendu devenir un as du théorème de la pizza. À grignoter sans modération.

LES OUBLIÉS DE LA SCIENCE

Camille Van Belle Alysio, 2022, 208 pages, 22,90 euros

Journaliste et dessinatrice, l’autrice met en lumière 41 hommes et femmes de science à tort oubliés ou évincés malgré l’importance de leur découverte. Instructif et très drôle malgré le sérieux du propos, ce livre répare quelques injustices (comme la mise à l’écart de Marthe Gautier, qui identifia le chromosome supplémentaire de la trisomie 21) et ne découragera pas les chercheurs en herbe, au contraire. À lire dès le collège.

MARY ANNING CHASSEUSE DE FOSSILES

Céka, Yigaël, Florent Daniel Faton, 2022, 56 pages, 14,50 euros

Orpheline, pauvre et autodidacte, Mary Anning a pour seul héritage la ténacité et la passion de son père pour les fossiles, que les collectionneurs, en ce début du XIXe siècle, s’arrachent sans en comprendre souvent la portée.

Les aventures de la jeune Anglaise qui, à 12 ans, découvre un squelette complet d’ichtyosaure de 9 mètres de long avant, quelques années plus tard, de mettre au jour le premier plésiosaure… séduiront les adolescents toujours sensibles à l’injustice : il faudra attendre cent cinquante ans pour que le rôle pionnier joué par Mary Anning en paléontologie soit reconnu.

HISTOIRE D’APOLLO 11 COMMENT ON A MARCHÉ SUR LA LUNE

Jonathan

Les Humanoïdes associés, 2022 256 pages, 22 euros

Avec cette BD ambitieuse et documentée, cautionnée par Michael Collins lui-même (le pilote du module de commande d’Apollo 11), l’auteur raconte dans un récit savamment découpé, non seulement l’épopée de la mission et des premiers pas de l’homme sur la Lune, mais aussi l’histoire, depuis Kepler, de toutes les avancées scientifiques et techniques qui ont permis la réalisation de cette prouesse. Sans éluder les zones d’ombre (les scientifiques nazis accueillis par les Américains, la mise à l’écart des astronautes femmes par la Nasa…). Passionnant pour les jeunes – et moins jeunes – qui ont la tête dans les étoiles.

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 19
55 LES MATHS DU MILKSHAKE Quelles autres formes peut-on obtenir avec les pièces du tangramwich ? En voici quelques-unes à trouver AUTRES FORMES ÉTAPE 3 ÉTAPE 4 ÉTAPE 5

La structure de l’espace-temps à l’intérieur du trou noir serait bien plus étrange qu’on ne l’imaginait, avec des trous de ver qui le connectent à l’intérieur d’autres trous noirs.

PHYSIQUE THÉORIQUE
© Harry Campbell 24 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022

Une île au cœur des trous noirs

Objets de tous les extrêmes et de tous les paradoxes, les trous noirs semblent détruire l’information qu’ils contiennent, contrevenant ainsi aux lois de la physique quantique. Pour résoudre cette énigme, il faut prendre au sérieux certaines propriétés exotiques de l’espace-temps prédites par la relativité générale et connecter l’intérieur des trous noirs par des trous de ver.

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 25

De cause à effets

Le magazine de l’environnement

Émission spéciale du 29 novembre 2022 « L’amour est dans la nature : Mœurs et pratiques sexuelles dans le monde animal »

Disponible sur le site et l’appli Radio France

En partenariat avec

LE MARDI DE 21H À 22H Aurélie Luneau L’esprit d’ouverture.

© Radio France/Ch. Abramowitz

AUX ORIGINES DU GENRE

En novembre 2020 en France, 22 % des 18-30 ans disaient ne pas se reconnaître dans les deux catégories de genre « homme » et « femme », selon une enquête Ifop pour le journal Marianne menée auprès d’un millier de jeunes. Non binaire, bigenre, agenre, fluide de genre… les nouvelles identités revendiquées proposent des combinaisons inédites entre appartenance de sexe, appartenance de genre et sexualités, et invitent à s’interroger. Quelle est la relation entre sexe biologique et genre social ? On invoque souvent l’existence de facteurs biologiques qui influenceraient en partie le genre. Mais que nous montrent réellement les sciences biologiques ? Et si, en retour, la construction culturelle des normes de genre impactait la biologie ? Et si, finalement, ces questions pointaient vers une réflexion plus vaste, portant sur notre rapport à la biologie ? C’est l’enquête que nous vous pro posons dans ce dossier, avec comme guides la biologiste et écologue Clémentine Vignal, l’anthropologue généticienne Raphaëlle Chaix et le philosophe des sciences Thierry Hoquet. n

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 35
DOSSIER SPÉCIAL P.36 BIOLOGIE LE CHANT OUBLIÉ DES FEMELLES P.40 ANTHROPOLOGIE SANTÉ DES FEMMES : UNE HISTOIRE DE GENRE ? P.46 PHILOSOPHIE DES SCIENCES SEXE ET GENRE : « LA BIOLOGIE NOUS FAIT PASSER DU POURQUOI AU POURQUOI PAS » Entretien avec Thierry Hoquet

Le chant oublié des femelles

Émeus femelles rivalisant pour l’accès aux mâles, crapauds mâles s’occupant seuls des œufs, mésanges femelles chanteuses… Les rôles des sexes sont loin d’être universels dans la nature.

Les mésanges charbonnières femelles chantent aussi, mais les caractéristiques de leurs vocalises sont loin d’être aussi bien décrites que celles des mâles.

BIOLOGIE DOSSIER SPÉCIAL

L’ESSENTIEL

> En énonçant sa théorie de la sélection sexuelle en 1871, Charles Darwin a défini des rôles typiques aux sexes dans le règne animal.

> Plusieurs biais ont contribué au maintien de ces stéréotypes : la prédominance d’études sur les mâles et le poids de l’idéologie.

> Mais depuis une trentaine d’années, les recherches montrent que les comportements des mâles et des femelles sont bien plus variés et qu’il n’est pas possible de prédire le comportement d’un individu uniquement à partir de son sexe.

L’AUTRICE

Rossignol, pinson, merle… Chez nombre d’espèces d’oiseaux, les mâles sont réputés pour leurs riches vocalises. Depuis quarante ans, des centaines de publications ont décrit leur chant en détail. Elles ont cependant laissé de côté une part importante de la réalité : les mâles ne sont pas les seuls à chanter. Certes, ils ont le monopole du chant chez la majorité des espèces de passereaux de climats tempérés, mais les femelles d’espèces très communes chantent aussi : rouge-gorge, étourneau, mésange charbonnière… De plus, les femelles de nombreuses espèces de la zone inter tropicale ont un chant tout aussi complexe que celui des mâles. Et les oiseaux de cette zone représentent pas moins de 80 % des 4 000 espèces mondiales d’oiseaux chanteurs… En 2014, une étude phylogénétique sur 323 espèces, de Karan Odom, de l’université du Maryland, à Baltimore, et ses collègues, a même révélé que les femelles de l’ancêtre commun des oiseaux chanteurs modernes chantaient déjà.

Cette idée d’un sexe muet se révèle d’au tant plus erronée que les femelles possèdent aussi un répertoire de cris (productions vocales plus simples que les chants), qu’elles partagent le plus souvent avec les mâles. Or ces cris ont été très peu étudiés. Se focaliser sur les chants revient donc à exagérer l’importance de la dif férence entre femelles et mâles.

Cet exemple montre qu’en éthologie l’im portance et la nature de la différence des sexes demandent à être réévaluées et, parallèlement, les comportements communs aux deux sexes méritent d’être plus souvent étudiés. De fait, depuis une trentaine d’années, les recherches ont mis en évidence la diversité des comporte ments des sexes et montré qu’ils débordent largement les rôles conventionnels.

L’HÉRITAGE DE DARWIN

Chez certaines espèces animales, la distinc tion entre femelles et mâles est évidente : les

cerfs mâles sont de plus grande taille et portent des bois, les baleines femelles ont un plus grand gabarit. Ce dimorphisme sexuel, qui englobe les caractères sexuels dits « secondaires » – non directement associés aux organes reproduc teurs –, est souvent accompagné de différences comportementales lors de la reproduction : chez le merle, seuls les mâles chantent au printemps pour défendre leur territoire face aux compéti teurs et attirer des partenaires sexuelles.

Ces exemples de différence marquée entre les sexes ont été une préoccupation majeure en biologie, et les principales avancées dans leur compréhension se sont faites à la lumière de la théorie de la sélection sexuelle, énoncée par Charles Darwin en 1871. Le concept de sélec tion sexuelle propose d’expliquer pourquoi certains caractères ne contribuent pas à aug menter les chances de survie de l’individu (soumises à la sélection naturelle), mais amé liorent ses chances de se reproduire. Ces carac tères augmenteraient le succès reproducteur de l’individu soit en le rendant plus attractif pour l’autre sexe (sélection intersexuelle), soit en lui permettant d’écarter des compétiteurs du même sexe (sélection intrasexuelle).

La sélection sexuelle prédit donc l’évolution de caractères ornementaux, d’une part, et de caractères offensifs ou défensifs, d’autre part. Selon Darwin, la sélection intrasexuelle se tra duit en une compétition à laquelle se livrent les mâles pour l’accès aux femelles, le choix d’un partenaire par ces dernières constituant la sélec tion intersexuelle. Darwin définit donc des rôles typiques des sexes, mais envisage aussi des exceptions où les rôles sont inversés, les femelles portant des ornements et étant en compétition, et les mâles choisissant leur partenaire.

En 1948, en s’appuyant sur une expérience menée sur des drosophiles, le généticien anglais Angus Bateman a proposé une origine à la sélec tion sexuelle : l’anisogamie, c’est-à-dire la diffé rence de structure des gamètes femelles et

Cet article est adapté de C. Vignal, Sexe et comportement animal : des rôles naturels des sexes ?, dans B. Abou et H. Berry (dir.), Sexe et Genre, Matériologiques, 2019.

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 37
© Varndell, Colin /Science Photo Library
CLÉMENTINE VIGNAL professeuse de biologie et d’écologie à Sorbonne Université, à Paris

L’ESSENTIEL

> Les normes de genre varient à travers le monde.

> Les systèmes de parenté sont un facteur explicatif de cette variabilité, car ils déterminent la place des femmes dans la vie

sociopolitique et leur accès aux ressources.

> On s’aperçoit aujourd’hui que ces normes de genre ont un impact sur la santé des femmes.

L’AUTRICE

RAPHAËLLE CHAIX chercheuse en anthropologie génétique au CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris

SANTÉ DES FEMMES  Une histoire de genre ?

Rester vivre dans son clan de naissance avec son mari ou le suivre chez lui : selon l’organisation sociale des populations humaines, les femmes se retrouvent dans des situations plus ou moins favorables pour leur santé.

Mars 2010. Nous sommes en mission préparatoire dans les montagnes du Ratanakiri, au Nord-Est du Cambodge, habi tées par de nombreuses minorités ethniques. Parmi elles, les Jaraï, célèbres pour leur matrilinéarité : les enfants appartiennent au clan de la mère. Lors du mariage, les hommes viennent vivre chez leur épouse. Après des recherches sur les Kirghizes et d’autres populations patrilinéaires d’Asie Centrale, j’ai monté ce projet afin de comprendre comment ces différents systèmes cultu rels laissent leur signature dans la diversité génétique des populations humaines.

En partant à leur rencontre, mes collègues et moi espérons y découvrir un exemple de société matriarcale. Nous arrivons dans un village alors qu’un sacri fice de buffle se prépare. La cérémonie se déroule devant la maison du village. Le buffle attend sur la terre rouge, attaché à quatre poteaux peints de noir et de blanc. Les habitants, appartenant aux différents clans du village, arrivent les uns après les autres. Ils se recueillent auprès du buffle, lui lancent une poignée de riz, allument un cierge. Après la mise à mort, l’animal est enfumé sous un lit de branches et de feuilles, puis dépecé par les hommes et préparé pour le repas pendant que de jeunes femmes pilent le riz. Une fois le repas prêt, les hommes disposent un morceau de tôle à même le sol et s’accroupissent autour de lui. La viande est servie sur de grandes feuilles d’arbres. Ils se mettent à manger. Les femmes attendent, accroupies à une vingtaine de mètres du festin, leur bol posé devant elles. Elles attendent longuement, plusieurs heures à observer les hommes manger, avant de pouvoir elles aussi se servir.

Deux femmes jaraï du Cambodge apportent leur récolte de feuilles de tabac dans leur village. Celui-ci est traditionnellement constitué de maisons longues abritant en général un couple de grands-parents, leurs filles, ainsi que les maris et les enfants de leurs filles.

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ANTHROPOLOGIE DOSSIER SPÉCIAL
POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 41

THIERRY HOQUET est professeur de philosophie des sciences à l’université Paris-Nanterre, membre de l’Institut de recherches philosophiques. Il travaille sur les sciences de la vie et sur leurs prolongements culturels : les modèles de l’évolution, le concept de sexe en biologie, les rapports entre machines et organismes. Il vient de publier Le Nouvel Esprit biologique (PUF, 2022).

SEXE ET GENRE

La biologie nous fait passer du pourquoi au pourquoi pas

Qu’entend-on par « sexe » ? Par « genre » ? Quelles relations ces deux notions entretiennent-elles ? Et pourquoi a-t-on tant besoin de créer des catégories ? Ces questions sont au cœur des réflexions de Thierry Hoquet, philosophe de la biologie.

46 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022
© AHM PHILOSOPHIE DOSSIER SPÉCIAL

Depuis plusieurs années, vous travaillez sur les notions de sexe et de genre. Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?

Je suis parti de l’idée que, pour beaucoup de gens, l’anatomie constitue une destinée et que la biologie fournit des réponses très claires sur ce que nous sommes. L’étonnement fondamen tal qui m’a guidé, c’est cette idée que le sens commun et la biologie paraissent d’accord pour dire qu’il existe deux sexes complémentaires, et qui épuisent à eux seuls la totalité de ce qui est. Ainsi, le message de la biologie serait clair, et irait dans le sens d’un binarisme sexuel très net.

Le premier travail qui m’est apparu néces saire a donc été de regarder ce que la nature disait réellement. Or, en explorant le monde vivant, on s’aperçoit que les rôles de ce qu’on appelle « mâle » et « femelle » changent parfois fortement d’une espèce à l’autre. Et que, par conséquent, le décalque parfait entre science et croyance populaire est une illusion liée à notre ignorance. La biologie, ou plutôt l’his toire naturelle, nous apprend donc d’abord à mettre à l’écart certaines idées trop simples, comme celle que ce qui est naturel et néces saire pour avoir des enfants, ce sont un papa et une maman. La biologie raconte beaucoup de choses, mais pas « un papa et une maman ».

Que raconte-t-elle ?

Une chose est claire : il faut deux gamètes pour faire des petits. Mais les gamètes peuvent se rencontrer de bien des façons, dans l’eau ou dans l’air par exemple, et sans forcément qu’il y ait besoin de copulation. Voilà ce que la bio logie nous raconte. Elle nous invite d’abord à nous décentrer, à replacer les phénomènes qui nous concernent dans le tableau général de l’histoire du vivant. Surtout quand on parle des sexes et de la reproduction sexuée – des phé nomènes qui suscitent beaucoup de fantasmes. La biologie les étudie, mais dans un cadre plus large, et sans nécessairement avoir les humains comme ligne de mire.

Ensuite, on admet aisément qu’il y a des mâles et des femelles, mais qu’entend-on parlà ? En apparence, on a diverses propriétés comme des chromosomes XY, un pénis, des spermatozoïdes quand on est mâle, et des chro mosomes XX, un utérus, des ovules, etc. quand on est femelle. Mais la biologie nous montre que cette définition n’a rien d’universel. Par exemple, le fait d’avoir un pénis est assez rare dans le monde vivant, la détermination du sexe par les chromosomes XX ou XY ne vaut que pour un certain nombre d’espèces…

En outre, le sexe n’est pas nécessairement une propriété des individus : est-ce que ce sont les individus qui sont mâles ou femelles ou seu lement certains organes, voire certains gamètes ? La biologie nous oblige à nous repo ser la question et, ce faisant, nous fait passer

du pourquoi au pourquoi pas : puisque la manière dont on pensait pouvoir définir les sexes n’a rien d’universel, pourquoi ne pas nous percevoir autrement ?

Pour l’instant, on a surtout parlé de sexe. Comment définir le genre dans cette perspective ?

Question très importante, mais complexe, car elle a une histoire. Au départ, dans les années 1970, le genre a été inventé pour parler de caractéristiques des humains qui n’étaient pas nécessairement liées à la biologie. Par exemple, on se demandait si la capacité à faire des mathématiques ou à s’orienter dans l’es pace, ou encore le fait que les hommes soient plus agressifs que les femmes, étaient liés au sexe ou relevaient du genre.

La biologie ne raconte pas “un papa et une maman” £

Mais l’ethnologie a montré comment des choses qui nous paraissaient biologiques comme la crise d’adolescence ou les rapports typiques entre femmes et hommes – étaient susceptibles de varier. Ces éléments relevaient donc non pas d’un universel, mais de contin gences historiques et sociales. Ce sont eux que l’on a appelés « genre » au départ. Sauf que, progressivement, on a considéré que le sexe constituait une sorte de talon d’Achille de cette définition : on le laissait ininterrogé sous pré texte que c’était l’affaire des biologistes.

Or, pendant que les sciences sociales disaient que les rôles, l’agressivité, la capacité à s’orienter dans l’espace, etc. relevaient du domaine sociologique, historique ou psycholo gique, des biologistes recherchaient les déter minants biologiques de ces phénomènes et de leur évolution. Un thème était au cœur de leur raisonnement : celui de l’anisogamie, c’est-àdire l’idée que les coûts de production des gamètes mâles et des gamètes femelles ne soient pas les mêmes. Si les spermatozoïdes sont petits et nombreux, et les ovules gros et rares, cela paraît entraîner que la division du travail reproducteur n’est pas égalitaire. Cette asymétrie semblait constituer la cause ultime d’un ensemble de caractéristiques supposé ment observées chez les humains, par exemple pourquoi les femmes peinent à s’orienter ou font rarement de mathématiques, pourquoi les hommes sont infidèles ou violeurs. En somme, un vaste programme de naturalisation intégrale de l’humain s’est lancé.

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 47

> Au moment du débouchage, toute l’énergie enfermée dans une bouteille sous pression se libère en quelques millièmes de seconde sous la forme d’un jet de gaz dont les caractéristiques sont remarquables.

> Le jet de dioxyde de carbone cristallise sous la forme d’un

nuage bleuté. Dans la première milliseconde, ce jet de gaz s’échappe avec une vitesse supersonique.

> Le phénomène a été observé par caméra ultrarapide et modélisé. Sous le bouchon s’élevant dans les airs se succèdent plusieurs ondes de choc.

LES AUTEURS

GÉRARD LIGER-BELAIR professeur à l’université de Reims ChampagneArdenne, Groupe de spectrométrie moléculaire et atmosphérique

ABDESSAMAD BENIDAR maître de conférences à l’université de Rennes 1, Institut de physique de Rennes

ROBERT GEORGES professeur à l’université de Rennes 1, Institut de physique de Rennes

Quand le champagne franchit le mur du son

Le « pop ! » d’une bouteille de champagne qu’on débouche n’a pas grand-chose en commun avec le « bang ! » produit par un avion de chasse dépassant la vitesse du son. Et pourtant ! Le gaz qui expulse loin le bouchon s’échappe avec une vitesse supersonique, quelle que soit la température de la bouteille. La preuve… en images.

Chaque année, ce sont près de 300 millions de bouteilles de champagne qui sont débou chées dans le monde. Et ce sont presque dix fois plus de bouchons qui sautent annuel lement si on tient compte de toutes les bou teilles de vin effervescent produites hors Champagne. Il nous semblait donc légitime de consacrer un travail de fond aux processus phy siques qui accompagnent le « pop ! » devenu mondialement iconique d’un bouchon de champagne qui saute sous l’effet de la pression qui règne dans la bouteille.

Au cours d’une seconde fermentation alcoo lique en bouteille close (qu’on appelle la « prise de mousse »), les vins de Champagne et les vins effervescents élaborés selon la méthode tradi tionnelle champenoise se chargent en dioxyde

de carbone (CO2) dissous. En parallèle, confor mément à la loi de Henry, la pression partielle du CO2 augmente dans la bouteille. Or, la solu bilité du CO2 étant très dépendante de la tem pérature du vin, la pression qui règne dans une bouteille de champagne close et en équilibre thermodynamique avec son environnement est également très dépendante de sa température. Elle varie de 4 bars à 0 °C, à près de 15 bars à 40 °C, (voir la courbe page 53). Au moment du débouchage, toute l’énergie enfermée dans une bouteille sous pression se libère alors en quelques millièmes de seconde sous la forme d’un jet de gaz dont les caractéristiques sont remarquables par bien des aspects, comme les mécanismes à l’origine de la coloration bleue prise par le gaz dans le goulot de la bouteille, que nous avons décrits précédemment (voir Pour la Science, juin 2018)

Le gaz se détend, en s’échappant par le petit interstice annulaire entre la bouteille et le bouchon.

Il franchit des zones de haute vitesse délimitées par une séquence d’ondes de choc successives. En simulation, les cellules supersoniques (en rouge) sont séparées par des ondes de choc droites.

50 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022
PHYSIQUE
POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 51
© Institut de physique de Rennes

L’ESSENTIEL

> Certains oiseaux migrateurs parcourent des milliers de kilomètres et savent retrouver leur lieu d’hivernage ou de reproduction avec une précision de quelques centimètres.

> Ils héritent de leurs parents une direction d’envol privilégiée, utilisent le Soleil

et les étoiles pour se construire une carte mentale en vol, et sont sensibles à la direction du champ magnétique terrestre.

> Leur cerveau encoderait cette direction grâce aux oscillations entre deux états quantiques de fragments de molécules – les cryptochromes – présentes dans leurs yeux.

LES AUTEURS

Le rouge-gorge familier, migrateur partiel, commun en Europe, s’oriente d’après le champ magnétique terrestre.

60 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 BIOPHYSIQUE
PETER J. HORE chimiste à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni HENRIK MOURITSEN biologiste à l’université d’Oldenburg, en Allemagne

Les oiseaux migrateurs sont sensibles au champ magnétique de la Terre, qui les aide à s’orienter lors de leurs longs voyages vers leurs lieux de reproduction et d’hivernage. La clé de cette remarquable sensibilité ? Des protéines nichées dans leurs rétines mettant en jeu… un effet quantique.

Imaginez être dans le corps d’une barge rousse, un gros échassier au bec long et pointu, né dans la toundra de l’Alaska. Les jours raccourcissant, vous ressen tez l’envie de vous lancer dans une migration particulièrement impres sionnante : un vol sans escale jusqu’en Nouvelle-Zélande ! Cela signifie que vous vole rez sept jours et sept nuits à travers l’océan Pacifique, franchirez l’équateur pour finale ment vous poser sur une île située à 12 000 kilo mètres. Pour vous, c’est une entreprise vitale. Chaque année, des dizaines de milliers de barges rousses réussissent cet exploit. Elles ne sont pas les seules à migrer : chaque printemps, des milliards d’autres jeunes oiseaux, dont des fauvettes, des gobe-mouches, des sternes et des bécasses, entreprennent des migrations tout aussi spectaculaires et dangereuses, navi guant habilement dans le ciel nocturne sans être guidés par des congénères expérimentés.

Les humains s’interrogent depuis long temps sur la disparition saisonnière de nom breux oiseaux. Aristote imaginait que les

hirondelles et d’autres espèces aviaires hiber naient, tandis que d’autres se transformaient en oiseaux différents : les rossignols en rougesgorges, par exemple. Ce n’est qu’avec l’avène ment du baguage des oiseaux au siècle dernier, puis du suivi par satellite et de campagnes de terrain plus fréquentes, que les chercheurs ont fait le rapprochement entre des populations d’oiseaux hivernant dans une région et d’autres nichant ailleurs. Ils ont peu à peu découvert les distances immenses parcourues par certains oiseaux. Et ils ont fait un constat frappant : les oiseaux nés dans l’année, qui migrent pour la première fois, savent où aller. Tout aussi éton nant est le fait qu’ils empruntent les mêmes itinéraires encore et encore, année après année. Comment font-ils ?

Comme les marins d’antan utilisaient le Soleil et les étoiles pour se guider, les oiseaux migrateurs s’orientent d’après des repères célestes. Cependant, ils emploient aussi une faculté que n’ont pas les humains : ils per çoivent le champ magnétique qu’engendre le noyau liquide de la Terre, et s’en servent pour

POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 / 61
© Kyle Bean

> La célébration du bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur, cette année, rappelle l’importance de l’œuvre du savant au service de la santé humaine. Elle ne doit cependant pas ignorer les polémiques qui ont émaillé sa carrière.

> Lors des débats qui entourent ses travaux sur la question de la génération spontanée, Louis Pasteur se montre très

déterminé, jusqu’à écarter parfois les arguments de ses adversaires pour des raisons qui n’ont rien de scientifique.

> La découverte de la vaccination contre la rage, terrain d’affrontement entre Pasteur et certains médecins, laisse entrevoir un Pasteur soucieux d’affirmer la prééminence de ses travaux, quitte à ignorer ceux d’autres scientifiques.

Louis Pasteur une carrière jalonnée de polémiques

La France célèbre cette année le bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur. Son œuvre au service de la santé humaine, perpétuée par les instituts qui portent son nom, est incontestée. Sa carrière scientifique fut cependant marquée par de violentes polémiques, dans lesquelles Louis Pasteur ne se montra pas toujours sous son meilleur jour.

Jules Guérin, Gabriel Colin, Michel Peter… Ces noms n’évoquent aujourd’hui plus rien, ou presque, même aux amateurs d’histoire des sciences. Membres des Académies des sciences ou de médecine, ils furent certains des plus fervents critiques de Louis Pasteur, en une époque où le débat scien tifique se jouait pour beaucoup dans les séances hebdomadaires des cénacles du quai Conti. L’histoire leur a donné tort… mais pas toujours. D’un tempérament polémiste, voire obstiné, Louis Pasteur répondit souvent à leurs objec tions de manière autoritaire, en recourant par fois à des arguments éloignés des règles du débat scientifique. S’il avait raison, était-ce pour de bonnes raisons ? Cette question tra verse la nouvelle biographie de Pasteur, par l’historien et philosophe des sciences Michel Morange, qui s’intéresse particulièrement aux méthodes de travail d’un des plus grands

savants français. À l’occasion de cet événement éditorial, retour sur la carrière d’un Louis Pasteur aujourd’hui consensuel, mais dont le vivant fut de bruit et de fureur.

Le 5 décembre 1862, Louis Pasteur est élu membre de l’Académie des Sciences. L’homme aime les honneurs, et aspirait à cette consécra tion de longue date. À l’âge de 40 ans, il a apporté d’importantes contributions à la chimie, disci pline à laquelle il a été formé au sein de l’École normale supérieure. Sa carrière académique n’a jusque-là connu que de rares controverses feu trées entre savants. Avec son élection à l’Acadé mie des sciences, il devient un personnage public, impliqué dans des polémiques qui débordent du petit milieu scientifique.

Tel est le cas de la vive controverse qui oppose Louis Pasteur à Félix Pouchet, directeur du Museum d’histoire naturelle de Rouen, à propos de la génération spontanée. L’enjeu en est le suivant : la vie peut-elle apparaître

En 1862, Louis Pasteur, qui aspirait à cette consécration, est élu membre de l’Académie des sciences (caricature par B. Moloch, parue dans La Chronique Parisienne, en 1885). Des débats enlevés se tiendront dans ce cénacle, entre le savant et ses contradicteurs.

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Sauf mention contraire, toutes les images appartiennent à : © Institut Pasteur/Musée Pasteur

L’ÉVOLUTION CHOISIT LA SIMPLICITÉ

Dans le monde vivant, les structures simples sont plus fréquemment observées que les structures plus complexes comportant les mêmes éléments. La théorie mathématique de la complexité explique pourquoi.

En substance, dans sa plus simple expression, le mécanisme à la base de la théorie moderne de l’évolution s’apparente à un algorithme : des mutations génétiques apparaissent aléatoirement et produisent des variations des caractères des organismes vivants. La sélection naturelle agit alors sur ces variations en favorisant certains phénotypes (ensembles de caractères) par rapport à d’autres. On peut voir ce mécanisme comme un algorithme de type {génération par varia tions aléatoires} + {sélection} que rien ne dirige et qui produit les formes variées des organismes vivants. Or nous allons voir que cette vision algorithmique de l’évolution four nit à elle seule une explication d’une curiosité de la nature : la surreprésentation des struc tures simples dans le monde vivant.

Observez une voiture. Globalement, elle comporte un plan de symétrie, quatre roues identiques, une multitude de vis et d’écrous similaires, etc. Rien de surprenant : de façon générale, les objets techniques présentent presque toujours des symétries et des sousparties répétées qui accroissent leur robustesse tout en facilitant leur fabrication et les modifi cations qu’on opère pour les perfectionner.

Ces régularités structurelles simplifient la description des objets : on parle de « faible

complexité descriptive » – une propriété syno nyme de concision : ainsi, en mathématiques, pour décrire la suite de mille termes 0101010101010…, au lieu d’écrire tous les termes, il suffit de la présenter comme « la suite composée de 500 fois 01 ». La recherche de cette concision tire parti des répétitions, des symétries ou des régularités récurrentes. Plus étonnant en revanche, les structures biologiques comportent aussi de nombreuses symétries et sous-parties répétées : la majo rité des animaux ont par exemple un plan approximatif de symétrie, et leurs cellules se regroupent en catégories comprenant cha cune un grand nombre d’exemplaires quasi identiques.

On pourrait tenter d’expliquer ce parallèle par l’idée que la symétrie et la répétition de sous-structures résultent de la sélection natu relle. Cependant, l’évolution, contrairement aux ingénieurs, ne planifie pas les formes et structures qu’elle produit. Il faudrait donc supposer que ces traits offrent un avantage compétitif immédiat, ce qui n’est pas patent : selon la théorie moderne de l’évolution, la plupart des mutations sont « neutres », ce qui signifie qu’elles ne donnent pas prise à la sélection naturelle ! Aussi semble-t-il impos sible de justifier la fréquence avec laquelle on

80 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 LOGIQUE & CALCUL P. 80 Logique & calcul P. 86 Art & science P. 88 Idées de physique P. 92 Chroniques de l’évolution P. 96 Science & gastronomie P. 98 À picorer
L’AUTEUR JEAN-PAUL DELAHAYE professeur émérite à l’université de Lille et chercheur au laboratoire Cristal (Centre de recherche en informatique, signal et automatique de Lille) Jean-Paul Delahaye a récemment publié : Au-delà du Bitcoin (Dunod, 2022).

D’après I. G. Johnston et al., PNAS, vol 119, article e2113883119, 2022

II y a un biais de simplicité pour un ensemble d’objets lorsqu’on observe un plus grand nombre d’objets dont la description est simple (on dit que la « complexité descriptive » est faible). Un des exemples de biais de simplicité en biologie présentés en 2022 par Iain Johnston, de l’université de Bergen, en Norvège, et son équipe concerne les structures des complexes de protéines. Les complexes de protéines sont des formes provenant de la réunion de plusieurs protéines. Ces complexes apparaissent dans les cellules quand les protéines possèdent des éléments de surface qui se complètent et constituent des assemblages stables.

Les chercheurs ont étudié un ensemble de 34 287 complexes protéiques tirés de la Banque de données sur les protéines (Protein Data Bank). Ils ont classé les complexes selon 120 topologies différentes. Le dessin indique, pour

EN

les complexes impliquant six sous-unités, la fréquence d’apparition d’un complexe protéique de topologie T par rapport à la complexité descriptive de T, K’(T).

La complexité descriptive K’(T) utilisée ici est une mesure approximative de la complexité de Kolmogorov K(T) ; elle est définie comme le nombre minimal de liens distincts nécessaires pour obtenir la structure donnée. On note que les structures les plus probables ont toutes un K’(T) assez faible. On a donc bien dans ce cas particulier la vérification que plus la complexité descriptive d’une topologie possible est faible, plus nombreux sont les complexes protéiques ayant la forme correspondante. Le théorème du codage de la théorie de la complexité de Kolmogorov laissait attendre de telles situations en biologie. Les protéines pourraient s’assembler de très nombreuses manières, asymétriques. « Ce qu’on observe est

comme si en plongeant sa main plusieurs fois dans une meule de foin on y trouvait à chaque fois une aiguille : c’est très surprenant ! », commente Ard Louis, l’un des auteurs des travaux, professeur de physique à l’université d’Oxford, dans un article du Monde paru en avril 2022. Dans ce même article, Sylvain Billiard, du CNRS à l’université de Lille, formule une mise en garde : « Il ne faudrait pas conclure trop vite que la sélection naturelle est négligeable dans le processus d’apparition et de maintien des formes simples au cours de l’évolution. » Ard Louis va dans le même sens : « Nous ne contestons pas le rôle permanent de la sélection naturelle dans l’évolution ! Si les formes simples se maintiennent, c’est qu’elles doivent aussi conférer des avantages sélectifs. Ce que dit notre modèle, c’est qu’avant même que les structures ne subissent une pression de sélection, il y a un biais en faveur de la simplicité. »

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0 3,5 2,5
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EXEMPLE DE BIAIS DE SIMPLICITÉ
BIOLOGIE Complexe protéique Faible complexité (peu d’interfaces différentes) Fréquence élevée Complexité plus grande (interfaces variées) Fréquence faible Complexité descriptive des topologies possibles. Les trois topologies les plus simples (en vert) totalisent 76,8 % de tous les complexes protéiques. 1 778 complexes protéiques de taille 6
1,5 0,5
2 1 0 2 4 6 8 10 12 14 Types de sous-unités Interface asymétrique Interface symétrique Logarithme de la fréquence de chaque topologie possible
86 / POUR LA SCIENCE N° 542 / DÉCEMBRE 2022 ART & SCIENCE
© Lello Mazzacane

L’AUTEUR

DANSE AVEC LES ARAIGNÉES-LOUPS

Publié le 13 octobre, le rapport « Planète vivante » du WWF est accablant. Entre 1970 et 2018, la taille des popula tions de vertébrés sauvages a diminué en moyenne de 69 %. Parmi les plus fortes baisses, le nombre d’éléphants de forêt africains a chuté de plus de 86 %, celui de gorilles de plaines, de 80 %, celui des raies et des requins, de 71 %. Pas de doute, il y a de moins en moins d’animaux sauvages sur Terre. Et ce déclin s’entend ! En cin quante ans, 50 % des sons du vivant auraient disparu.

Pour en rendre compte, et plus large ment pour contribuer à la prise de conscience sur la nécessité de préserver le vivant, la Philharmonie de Paris propose l’exposition « Musicanimale », construite en partenariat avec le Muséum national d’histoire naturelle. L’idée ? Près de deux cents œuvres d’art, créations et objets de la culture populaire, des plus anciens aux plus contemporains, invitent le public à tendre l’oreille vers la faune.

Le parcours est construit selon un abé cédaire. Et l’on part du A comme « appeaux » jusqu’au Z de « zoomorphe » en passant par le C du « Chant des baleines », le K du pion nier de l’écologie sonore Knud Viktor, le P du Papageno de La Flûte enchantée… et le T du « tarentisme », qui va nous occuper ici. De quoi s’agit-il ?

De rituels, attestés dès le Moyen Âge, qui ont eu cours dans le sud de l’Italie,

essentiellement dans la région des Pouilles, au moins jusqu’aux années 1960. Ils asso cient une danse endiablée (la pizzica) et une musique effrénée (la tarentella ). L’objectif était curatif : soigner l’empoison nement consécutif à une morsure de la lycose de Tarente, Lycosa tarantula, une araignée de la famille des Lycosidae, ou araignées-loups, que l’on rencontre sur tout le pourtour méditerranéen. Son venin était supposé plonger les victimes dans une profonde léthargie qui conduirait à la mort sans la pratique de la pizzica. Tout le village participait à cette sorte d’exorcisme qui durait des heures, voire des jours.

Accompagné de plusieurs photo graphes, dont des clichés sont montrés à la Philharmonie (voir la photo page cicontre), Ernesto de Martino, de l’univer sité de Cagliari, en Sardaigne, a mené en 1959 une enquête de terrain dans la région du Salento pour étudier les der nières résurgences du tarentisme. Selon lui, « le tarentulé, qui a été mordu, devient en dansant l’araignée qui l’a mordu, et, en même temps, il la piétine et l’écrase. »

Et l’araignée dans tout ça ? Sa grande taille (plusieurs centimètres) peut effrayer, mais elle est hors de cause. Sa morsure est certes douloureuse, mais en aucun cas dan gereuse, et son venin n’entraîne aucun symptôme associé au tarentisme. Les soup çons devraient plutôt se porter sur la mal mignatte, ou veuve noire méditerranéenne

Latrodectus tredecimguttatus. Cette arai gnée, beaucoup plus petite (sa taille n’ex cède pas quelques millimètres), n’en produit pas moins un venin quinze fois plus toxique que celui du serpent à son nettes contenant de l’α-latrotoxine. En détruisant les vésicules synaptiques, cette substance provoque de nombreux symp tômes réunis sous le nom de « latrodec tisme » : transpiration et sueurs froides, spasmes musculaires dans le thorax, l’ab domen et le visage, anxiété intense, peur de mourir, hallucinations, myocardite, œdèmes… Malgré ce tableau clinique, les cas mortels restent rares.

Le tarentisme devrait-il s’appeler le « malmignattisme » ? Dans tous les cas, lycoses et veuves noires appartiennent à cette biodiversité que la Philharmonie de Paris met en musique en tablant sur la pluridisciplinarité : art ancien, contem porain, écologie, sciences naturelles mènent la danse ! n

Exposition « Musicanimale », jusqu’au 29 janvier 2023 à la Philharmonie de Paris. https://philharmoniedeparis.fr

L’auteur a publié : Pollock, Turner, Van Gogh, Vermeer et la science… (Belin, 2018)

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LOÏC MANGIN rédacteur en chef adjoint à Pour la Science
À la Philharmonie de Paris, une exposition alerte sur le silence qui accompagne la perte de biodiversité. Invité à se mettre à l’écoute du vivant, le public découvre notamment un intrigant rituel italien associant danse, musique, transe et... araignée.

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58 MILLIMÈTRES

Contrairement à ce que suggèrent son nom et son squelette composé d’un dépôt calcaire, le corail de feu n’appartient pas à la classe des anthozoaires, où l’on retrouve les vrais coraux. Il se trouve dans la classe des hydrozoaires, qui comprend notamment les hydres ou la « méduse immortelle ».

La mouche Drosophila bifurcata produit à peine quelques centaines de spermatozoïdes au cours de sa vie. Et ces derniers mesurent 58 millimètres, soit quinze fois la longueur du corps de l’insecte. Cette drosophile est un contre-exemple de la théorie qui suggère que les mâles sont peu discriminants dans le choix des femelles car ils produisent de grandes quantités de spermatozoïdes en fournissant peu d’énergie.

£ Certains esprits enthousiastes des prétendues « intelligences » artificielles semblent croire que la science n’aura bientôt plus vraiment besoin de théories pour accorder un sens aux données empiriques. £

GINGRAS sociologue des sciences

BANG !

CORAIL DE FEU INTÉGRALE DE CHEMIN

Le bouchon d’une bouteille de champagne est expulsé à une vitesse de 60 kilomètres par heure. Il est percuté par un gaz qui s’échappe, lui, à des vitesses supersoniques. Une onde de choc se forme, pendant une fraction de milliseconde, sous la forme d’un « disque de Mach ».

Richard Feynman a conçu cette technique de calcul dans les années 1940 pour étudier l’évolution de systèmes quantiques. L’idée est qu’une particule ne se déplace pas d’un point A vers un point B en suivant un seul chemin, mais en empruntant en même temps toutes les trajectoires imaginables, chacune contribuant à l’évolution finale, mais pondérée par une certaine probabilité.

TARENTISME

Ensemble de rituels qui datent du Moyen Âge, associant danse et musique, pour « soigner » une personne victime de la morsure d’une araignée supposée être la lycose de Tarente. Cette pratique a perduré dans le sud de l’Italie au moins jusque dans les années 1960.

En 2100, en France, la température sera en moyenne 3,8 °C plus élevée qu’au début du XXe siècle, en se plaçant dans un scénario où les émissions de dioxyde de carbone suivront la tendance actuelle. Cette nouvelle estimation, à la méthodologie plus robuste, est 50 % supérieure aux estimations précédentes…

3,8 °C
YVES
p. 50 p. 86
p. 24
Imprimé en France – Maury Imprimeur S.A. Malesherbes – Dépôt légal : 5636 – Décembre 2022 – N° d’édition
paritaire n° 0922 K 82079 –Distribution : MLP – ISSN 0 153-4092 – N° d’imprimeur : 266 373 – Directeur
p. 92
p. 7
p. 22
: M0770542-01
Commission
de la publication et gérant : Frédéric Mériot.
PICORER À

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