N° 3
AOÛT-SEPTEMBRE 2012
SOYONS SÉRIEUX, RESTONS ALLUMÉS !
AOÛT-SEPTEMBRE 2012
JEUNES, JUIFS ET ULTRAS Ils sont contre le processus de paix. Et contre l’armée d’Israël DÉTATOUAGE Comment fait-on quand on regrette son « Lilou forever » ? C’est douloureux ? SREBRENICA Sept ans après, les fantômes du massacre hantent le soldat Kok BORDEL OU PAS ? Pour les uns, c’est rangé ; pour les autres, c’est le foutoir. Et pour vous ?
Rencontres, cuites, nudisme, jobs, spleen, exploits, révélations… Tout ce que la vie nous apprend quand la température monte
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Cet été, on le fait !
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U A E V U O N
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JUSTE UNE QUESTION
“Quelle a été ta plus grosse honte ?”
Annie, 68 ans, Deauville. « Le jour de mon mariage, j’ai lancé mon bouquet dans la figure de ma belle-mère. »
Florence, 22 ans, Marseille. « Une fois, en soirée, j’ai vomi, puis j’ai glissé dedans et je me suis étalée dessus… »
Fabien, 37 ans, Toulon « Dire à son voisin de table qui est en fauteuil roulant : “Désolé, je ne bois pas de champagne, ça me coupe les jambes” !!!! » Juliette, 23 ans, Paris « Mon copain m’invite chez ses parents (très coincés). Alors que le dîner s’avère plutôt tendu, mon copain part en cuisine. Je le suis et, le voyant de dos, glisse ma main dans son pantalon pour désamorcer le malaise de toute une soirée.
Mélanie et Juliette, mère et fille, 38 et 12 ans, Lille. « Des personnes m’ont déjà demandé si ma mère était ma sœur… »
Julien, 25 ans, Rennes. « Je suis batteur, et pendant un concert de mon groupe, je me suis étouffé avec mon collier devant une salle comble. »
Aurélien, 25 ans, et Julien, 28 ans, Paris. « La publication dans un magazine d’une photo nous représentant en train de déféquer ! »
Il se raidit. Ce n’était pas mon mec (qui est devenu mon ex), mais son père. » Sonia, 20 ans, Montpellier « Toutes les fois où l’attention se focalise sur moi et que je me mets à rougir comme une tomate POUR RIEN, tout ça parce que ma hantise est justement de rougir… » Jacques, 23 ans, Paris « J’avais un premier rendez-vous avec un mec, dans son petit studio. Il était beau, il sentait bon le sable chaud…
Eloïse, 21 ans, Paris. « Pour un 1er rencart, j’ai demandé conseil à une amie pour ma tenue. En partant, elle m’a collé un sticker ridicule dans le dos. C’est le mec qui me l’a fait remarquer ! »
Lorsque j’ai été pris d’une diarrhée foudroyante. J’ai alors dû lui demander de sortir un bon quart d’heure pour qu’il n’entende pas à travers la porte des toilettes. » Hugo, 34 ans, Paris « J’ai assisté à une scène où un enfant a certainement eu sa plus grosse honte : on est en colo et il y a une salle d’ordinateur. Un gamin joue à un jeu. Il est très bon. Tout le monde se rassemble autour de lui, il se démène sur le joystick pour
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Joanna, 37 ans, Villecresnes.« Moi, honte ? Jamais ! »
Baptiste, 21 ans, Paris.« Me réveiller à côté d’une fille dont je ne me rappelais absolument pas le prénom. »
PHOTOS ET TEXTES : MATHILDE VENDRIN
Benjamin, 32 ans, Paris. « Avoir le sentiment d’être ridicule. »
Stéphanie, 28 ans, Paris. « A la fac, en rentrant en retard en amphi, j’ai raté une marche et dévalé les escaliers pour atterrir les quatre fers en l’air devant le maître de conférences… Toute l’année, j’ai été “la fille” qui s’est étalée ! »
éliminer ses ennemis. D’un coup, tout s’arrête. Il était en mode “démo” et ne s’en était pas aperçu. Pendant tout le séjour, les grands l’ont appelé “démo”. » Akhilla, 17 ans, Bandol « Quand j’ai écrit sur ma copie d’italien que le Colisée de Rome était “épileptique” à la place de “elliptique” et que la copie est restée affichée pendant toute une semaine dans la salle des profs. Mais je n’ai jamais autant rigolé en cours, du coup ! ;) »
Thibault, 23 ans, Caen. « Attraper un coup de soleil en Normandie en plein mois de mars… »
Clémence, 36 ans, Paris « J’avais 14 ans, et avec mes frères on faisait des concours scato. Je perds le challenge du jour et je dois “chier” par la fenêtre de notre appart. Manque de bol, ça tombe dans le bac à fleurs de la voisine du premier. La honte : lorsqu’elle est venue sonner chez mes parents pour nous engueuler. Le soulagement : mes parents étaient morts de rire ! Depuis, à chaque fois que je vais les voir, je regarde avec nostalgie la fenêtre de la voisine ! »
Yannick et Mathilde, 24 et 26 ans, Bordeaux. « Lors d’une séance shopping, je me suis assise dans la cabine de Yannick. Peu après, un vigile a hurlé à travers la porte d’aller faire ça ailleurs. En sortant, tout le monde nous a dévisagés. Ce n’était qu’un essayage ! »
LA QUESTION DE NEON C’est Mathilde Vendrin, étudiante en photographie de l’école Icart-Photo, à LevalloisPerret, et gagnante de notre concours, qui a réalisé ce micro-trottoir. Et c’est toujours à vous, lecteurs, de donner votre avis sur des questions sérieuses, ou farfelues ! La question du prochain numéro : « Quelle a été la meilleure décision de ta vie ? » Envoyez vos réponses par mail à contact@neonmag.fr
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Le 29 décembre 2011, manif de colons à l’extérieur du tribunal de Jérusalem. Le face-à-face avec les forces de l’ordre est musclé.
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Des jeunes juifs en guerre contre Israël Depuis le haut des collines de Cisjordanie, une nouvelle génération d’extrémistes religieux affronte les Palestiniens et l’armée israélienne. On les appelle les jeunes des collines. TEXTE ARNAUD AUBRY. PHOTOS OLIVIER FITOUSSI
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DES JEUNES JUIFS EN GUERRE CONTRE ISRAËL Ce sont des combattants, des ados extrêmement religieux, en butte avec la société et le gouvernement : on les appelle Noar Ha Gvaot, les jeunes des collines.
Le 29 décembre 2011, les jeunes des collines soutiennent six des leurs, jugés pour l’attaque d’une base militaire israélienne.
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l fait encore sombre quand le bulldozer se met en branle. La machine de chantier, et son immense pelle frontale, a été dépêchée pour détruire des habitations. Des soldats de l’armée israélienne l’escortent : gilets pare-balles, casques, Flash-Ball et grenades lacrymogènes, ils ressemblent à des Robocops kakis. Devant eux, on devine, au clair de lune, des collines à perte de vue. Au sommet de l’une d’elles, quelques baraquements ont été déclarés illégaux par la Cour suprême, et l’engin est là pour les faire disparaître. Alors que la troupe s’approche, une rumeur enfle dans l’obscurité. Face aux soldats, des occupants ont décidé de résister. Ce sont des adolescents ! Les garçons arborent la large kippa tricotée qui recouvre presque toute la tête, le visage encadré de peot (les papillotes traditionnelles), ils sont en jeans poussiéreux et en sandales. Les filles portent des bijoux et des pantalons sous leurs jupes bariolées. Certaines ont les cheveux recouverts d’un voile. Tous crient, pleurent, crachent, s’attachent les uns aux autres par les bras pour empêcher le bulldozer d’avancer. Les soldats sont pris à partie : « Tu ne dois pas détruire la maison de tes frères juifs ! » « C’est notre terre ! » Ils hurlent aux forces de l’ordre qu’ils devraient refuser d’accomplir une telle mission. Les adolescents sont ceinturés, tirés par les pieds. Un manifestant reste allongé à l’écart, sonné. La poussière du sol emplit l’air alors que le soleil se lève. A bout de forces, les résistants abandonnent. Les soldats n’avaient pas pour ordre de raser un puits illégal ou la demeure d’anciens terroristes palestiniens mais des bicoques construites par des colons israéliens. Nous
Chez ces ados, les posters de rabbins remplacent ceux des pop stars
sommes à Oz Zion, le 17 mai 2012. Et c’est la deuxième fois cette nuit que Tsahal (l’armée israélienne) intervient dans la région. Depuis le haut de la colline, on voit plusieurs villages palestiniens. C’est que, ici, on est en plein cœur de la Cisjordanie, l’un des territoires palestiniens occupés selon l’Onu. Le même manège se reproduit souvent à Havat Gilad, Migron, ou encore Beit El, des colonies israéliennes illégales. Au final, six personnes seront arrêtées, dont cinq filles. Ces Israéliens ont pour la plupart 16-17 ans, parfois moins. Ils ont la peau tannée par le soleil et l’air un peu illuminé des mystiques.
Pourquoi ce nom ? Tout simplement parce qu’ils squattent en haut des collines de Cisjordanie, dans des habitations de bric et de broc : parfois des caravanes, parfois quelques planches, un toit en tôle, des murs en toile de tente, parfois pas de mur du tout… Ce sont les avant-postes de la colonisation. La décoration y est sommaire : les posters de rabbins ultra-religieux remplacent ceux des pop stars que l’on peut trouver dans les chambres des ados de la capitale, Tel-Aviv. La guitare à la main, ils discutent, assis sur des canapés défoncés. Le luxe, pour eux, ne se niche pas dans leurs possessions mais dans leur emplacement. Ces collines sont leur trésor. Mais ces installations sont illégales, aussi bien pour les Nations unies que pour la loi israélienne elle-même. Les jeunes des collines ne constituent pas un groupe homogène, et tous ne veulent pas en découdre avec l’armée à chaque fois que celle-ci vient démanteler des avant-postes. Pour Frédéric Encel, géopolitologue et spécialiste d’Israël (Sciences Po Paris), ce qui les définit le mieux, c’est qu’ils sont tous « scru-
Les filles, même prépubères, n’ont pas froid aux yeux et sont au premier rang face à la police.
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Une guitare, des canapés de récup, des murs en toile de tente et en planches de bois… c’est la vie dans les avant-postes.
puleusement religieux, mais aussi nationalistes, voire ultranationalistes », et qu’ils « souhaitent le maintien sous souveraineté israélienne totale et définitive de ce qu’ils appellent la Judée et Samarie, autrement dit la Cisjordanie. » En gros, il y a d’un côté les plus radicaux, qui affrontent les militaires et les Palestiniens, et de l’autre ceux qui ont davantage un esprit hippie, new age et qui veulent avant tout être proches de la nature. Dans les avant-postes des plus radicaux, les baraquements des garçons et des filles sont séparés de plusieurs centaines de mètres. Les plus souples fument de la marijuana et ont des relations beaucoup plus libérales. Mais tous sont mus par la même idéologie : cette terre est la leur et il n’est pas question de laisser les Palestiniens l’habiter. Il n’y a pas de frontière. Chaque colline habitée, chaque troupeau qui paît est une victoire sur « les Arabes », comme ils les nomment. Il ne faut pas confondre les jeunes des collines avec les ultra-orthodoxes, ces fameux hommes en noir également extrêmement religieux : ces derniers sont en effet antisionistes, considérant que l’Etat politique n’a pas de légitimité et que seul le Messie pourra créer Israël (une idéologie qui pousse certains d’entre eux à prétendre que
Ces avant-postes sont tenus par des « durs » mais aussi par des colons plus modérés, qui veulent avant tout être proches de la nature. la Shoah est une punition divine). Les jeunes des collines sont au contraire ultra-sionistes : en construisant ces implantations (et en les rebâtissant encore et toujours après leur destruction par l’armée), ils ont le sentiment d’œuvrer pour l’avènement du Grand Israël, c’est-à-dire, selon la Torah, la Terre que Dieu a donnée à Abraham et qui recouvre (selon la version la plus courante) l’ensemble des territoires qui vont de la Méditerranée au Jourdain d’ouest en est, et du Sinaï à l’actuel Sud-Liban.
La conquête de ces terres préfigure le retour du Messie selon les colons Pour comprendre la situation, il est nécessaire de revenir en 1967. Israël affronte ses voisins arabes durant la guerre des Six Jours. Et gagne. L’Etat juif victorieux étend alors sa superficie, prenant à l’Egypte la bande de Gaza et le Sinaï, à la Syrie le plateau du Golan et à la Jordanie les terres de JudéeSamarie (la Cisjordanie) et Jérusalem-Est. Soutenus par l’Etat, entre autres par le biais
d’avantages financiers, de nombreux juifs partent alors peupler tous ces territoires pour y créer des villages : c’est le début de la colonisation. L’idéal d’une vie communautaire plus proche de la nature se mêle à un militantisme sioniste radical et à une croyance religieuse exacerbée. Le développement de la colonisation a alors comme point de mire idéologique la théorie du grand rabbin Rav Kook, inventeur du « sionisme religieux ». Pour eux, la victoire d’Israël sur la coalition arabe est un signe divin : Dieu a donné la victoire à son peuple. Pour cette première génération, la conquête de ces terres préfigure le retour du Messie. Sur les collines d’Oulpana ou de Migron, dans les quartiers d’Hébron ou de Beit El, les colons travaillent d’arrache-pied afin de permettre l’arrivée de Dieu. Les jeunes des collines sont les héritiers de cette pensée. Mais les éleveurs de chèvres, idéalistes et non-violents des années 1970, ont été remplacés par une deuxième génération plus dure qui considère ses aînés comme
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CONNAÎTRE
Les amis Facebook qu’on adore détester Que vous ayez 50 ou 800 amis sur le réseau social, vous en connaissez forcément un dans la liste qui suit. 15 profils bien utiles pour identifier les boulets… et ne pas en devenir un. TEXTE LAURÈNE CHAMPALLE. ILLUSTRATIONS LAURENT BLACHIER
eurs commentaires peuvent pourrir votre fil d’actu avec des infos parfaitement inutiles ou, pire, votre cher wall, vitrine de votre e-réputation, en vous faisant passer pour ce que vous n’êtes pas : une woo girl hystérique, un monsieur météo pathétique ou un beauf. Nous avons tous des boulets parmi nos « amis ». On les garde parce qu’il faut bien l’avouer, ils nous font rire. Et si l’on se mettait à les supprimer un par un, on se retrouverait bien seul au milieu de nos quelques friends zéro défaut.
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LE MONSIEUR MÉTÉO
LA WOO GIRL
LE SERIAL POKER
Son statut préféré « Braaaaaaaaaad !!!!!!!!! » Son mode de communication Elle fait le son à coups de points d’exclamation et de lettres démultipliées, dans un savant mélange de franglais et d’onomatopées 2.0. Elle a 225 amis – surtout des filles –, qu’elle appelle « ma belle », « ma poule », « poulette », « bichette » ou « ma chérie d’amour ». Quand une de ses copines annonce en statut qu’elle part une semaine à L.A. (prononcer èlèy), la woo girl ne se contentera jamais d’un sobre « Bon voyage, Caro ». « Yooooooooooooooo, l’Amériqueeeee, l’Amériqueeeeeeee !!!!! Enjoyyyyyyyy ma poule d’amour !!!!! Love !!! », s’égosille-t-elle sur son mur. Comment communiquer avec elle Avec sobriété et concision. A bannir : petits cœurs girly, surnoms gnangnan et smileys qui risquent de l’exciter et la pousser à la surenchère.
Ses statuts préférés Aucun. Il ne statue pas, il poke. Son mode de communication Imaginez ce que ça donnerait, dans la vraie vie, un type qui vous appuie le doigt dans le dos en marmonnant « Hé, hé ? », jusqu’à ce que vous vous retourniez. Comment communiquer avec lui Ne le pokez pas en retour, sinon c’est sans fin.
Son statut préféré « Des giboulées en juin : vive le réchauffement climatique ! » Son mode de communication Il n’a rien à dire mais il tient à poster sa petite contribution quotidienne, alors il parle de la pluie et du beau temps. Comment communiquer avec lui Un petit « Allez, c’est bientôt le week-end ! » le jeudi, ou – blague potache – le lundi, sera apprécié, car bien souvent le type qui se prend pour Joël Collado déteste son boulot et n’attend qu’une chose : le samedi.
LES JEUNES PARENTS Leurs photos Echographies et photos de ventre à l’appui, ces no life ont fait vivre jour après jour les neuf mois de grossesse à leur 72 friends : un enfer. Mais ce n’était rien. Depuis que Lily-Rose est née, sa bouille de petite guenon a remplacé leurs photos de profil et leur wall dégouline de statuts post-partum niaiseux.
Leurs statuts préférés « Lily-Rose a 3 mois : bon moisiversaire, ma puce », « Lily-Rose a trois dents », « Lily-Rose a dit Papa »… Leur mode de communication Lily-Rose est devenue le centre de l’univers. Avant, c’était Kiki, leur chat. Le pire, c’est que chaque photo déclenche une avalanche de like et de commentaires en « ou » : « trop chou », « oh, le beau bidou », « on a envie de lui faire plein de bisous sur ses petites joues »… Fatigant, mais ça passera. Comment communiquer avec eux Ne participez pas au gagatisme collectif ! Si vous-même êtes jeune parent, montrez l’exemple : réfrénez vos pulsions de poster à tout-va des photos de votre progéniture. Vos amis sans enfant apprécieront.
LE BEAUF Son statut préféré « S’en va à la pêche aux moules (haha) » ou encore « Qu’est-ce qu’un Chinois avec des écouteurs ? Un NemP3 ». Son mode de communication Ce lourdingue adepte du LOL gras poste des devinettes premier degré et partage des images racoleuses : un hijab barré à côté d’un Bikini accompagné d’un gros YES, par exemple. MDR ! Comment communiquer avec lui Ignorez-le.
LE RÂLEUR Son statut préféré « Arrivé 1h en retard au taf : merci le RER ! #VDM » ou – pour que ses amis anglophones compatissent – « noisy
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AVOIR
Là, pour vous, c’est le bordel ? Trois yaourts vides sur une table, un lit sens dessus dessous… Le foutoir, c’est une question de point de vue. Et pas forcément un problème. TEXTE FABIEN TRÉCOURT. PHOTOS EMMANUELLE CARON
m OUI. Et il faut être complètement inconscient pour garder ses préservatifs à proximité de la glu. m NON. Il faut être aveugle pour ne pas voir l’intuition créative à l’œuvre.
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m OUI. L’obsession du rouge ne dispense pas du ménage. m NON. Les ustensiles sont parfaitement classés par thème.
C
hez Loïc, 30 ans, c’est le chantier permanent. Prof au collège et passionné de vélo, il bricole son biclou au milieu des piles de copies, des caisses à outils et des chiffons tachés de graisse qui jonchent le parquet… Loïc ne voit pas l’intérêt de ranger ce qu’il utilise chaque jour. D’ailleurs, il n’aime pas les endroits clean. « Ça me met mal à l’aise, je ne sais pas trop où m’asseoir. » Il préfère que ça bouge et que ça s’étale. « Je veux tout avoir dans mon champ de vision, sinon je perds les choses. » Le mois dernier, il a rangé son matériel de jonglage. Depuis, impossible de remettre la main dessus, alors qu’il vit dans une chambre de vingt mètres carrés ! Moralité : mieux vaut que ce soit le bazar. Les invités peuvent trouver ça crade, il s’en fiche. « En fait, je range souvent, se défend-il, mais je “dérange” encore plus. » Je tilte sur ce mot : « déranger ». Il y a un côté rebelle dans le bordel. C’est l’adolescent qui se révolte, le militant qui veut foutre en l’air le système, le libertin qui refuse les
m OUI. Une commode, c’est fait pour mettre les choses DEDANS. m NON. C’est bien empilé, mais par contre, dieu que c’est moche.
normes… sans compter l’espace orgiaque auquel le nom se réfère. Un truc psy en somme. La clinicienne Maryse Vaillant a justement coécrit Range ta chambre ! (éd. Flammarion), je pars donc l’interroger. « A l’adolescence, confirme-t-elle, tout ce qui a trait à “l’ordre” est associé au conformisme, voire au flicage. » Pour certains, rester bordélique c’est une manière de revendiquer sa liberté d’ado. « D’autres sont incapables d’être ordonnés parce qu’ils n’ont jamais appris à ranger, nuance Maryse Vaillant. Ils ont l’impression que maman sera toujours là pour ramasser derrière. »
En fait, les bordéliques sont des archivistes qui s’ignorent Maman ou la personne avec qui l’on vit : dans les coloc’ comme dans les couples, la question du ménage figure parmi les principales causes d’engueulade. Frédéric, ingénieur de 30 ans, est un bordélique assumé… mais ne supporte pas le désordre de sa copine ! « Je me retrouve dans mon foutoir tant
qu’il n’y a pas d’interférence, explique-t-il. Les problèmes commencent quand le sien recouvre le mien. » A moins de vivre dans des apparts séparés, il faut pourtant bien faire des compromis. Pour Maryse Vaillant, c’est même un critère essentiel : « Tant qu’on est capable de faire de la place aux autres, être bordélique ne pose pas de problème. » Dans le meilleur des cas, le bordel peut être source de créativité. « C’est le signe d’une grande fécondité d’esprit, poursuit Maryse Vaillant, on a plein de désirs et de projets, ça bouillonne et ça part dans tous les sens. » Eric, journaliste de 28 ans, a trois idées à la minute. S’il est seul dans l’open space – il travaille de nuit –, il en profite pour étaler ses dossiers et feuilles volantes sur tous les bureaux de ses collègues. Quand l’équipe du matin arrive, en revanche, c’est rapidement Beyrouth sur le sien. « Cette incapacité à être ordonné m’angoisse, confesse-t-il, mais tout ranger m’ennuie encore plus. » C’est son côté « punk shui », un détournement du feng shui imaginé par le designer
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21 (1) Ribeira, la vieille ville. (2) Quartier de Foz do Douro. (3) Vila Nova de Gaia. (4) Avenida Ramos Pinto 400. (5) Rua do Choupelo. (6) Rua Ferreira Borges 27. (7) Pont Dom-Luís. (8) Rua Ferreira Borges. (9) Rua de Passos Manuel 226. (10) Rua Santa Catarina 112. (11) Rua de Miguel Bombarda. (12) Rua do Rosário 294. (13) Rua das Carmelitas 144. (14) Rua de São Filipe de Nery. (15) Rua do Carmo 23. (16) Rua das Carmelitas 162. (17) Rua da Galeria de Paris 56. (18) Rua de Passos Manuel 178. (19) Rua Cândido dos Reis 30. (20) Ponte do Infante. (21) Foz do Douro, 4150-196. (22) Plage Praia da Luz. (23) Rua de Miguel Bombarda 267. (24) Rua dos Caldeireiros 261. (25) Guimarães. (26) Braga. (27) Gare de São Bento. (28) Rua da Galeria de Paris 20. (29) Rua do Almada 63. (30) Rua do Ouro 223.
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Porto, ma ville
Carnet de bord Y FILER Avec Ryanair ou Easyjet, qui proposent chaque jour plusieurs vols pas chers au départ des grandes villes de France. Avec la ligne violette du métro, le centre est à 27 min et 1,80 € de l’aéroport.
L’Atlantique lui donne son énergie, le Douro sa douceur de vivre. Laissez-moi vous guider entre ces deux eaux.
POSER SA VALISE comercial Bombarda (11), sur la rue (branchée) Miguel Bombarda, on trouve des boutiques de designers portugais : Storytailors, qui plaira aux extravagants, ou Águas Furtadas, qui fabrique des versions pop des souvenirs classiques comme le coq de Barcelos. Muuda (12) est un autre endroit chouette pour dépenser un peu d’argent : fringues, expos photos, sushis… Mais surtout, qu’on parle portugais ou pas, il faut absolument aller à la librairie Lello (13) : l’une des plus belles au monde, avec son escalier en bois monumental. Le soir, j’aime sortir dans les ruelles à côté de la Torre dos Clérigos (14), l’emblème de Porto qui a longtemps servi de phare pour les navires. Dans la taverne toute de travers A Tasquinha (15), les polvo no alho (les poulpes à l’ail) et le leite creme (un dessert à la crème) sont délicieux. Je bois souvent une première bière au Era Uma Vez No Porto (16) (Il était une fois à Porto), un bar calme et décontracté. Puis j’enchaîne avec un rade beaucoup plus vivant, Galeria de Paris (17), un ancien dépôt de tissus dans lequel s’empilent, jus qu’au plafond, des machines à coudre, des vieilles radios… Ensuite, s’il n’y a aucun concert de rock indé intéressant à l’éclectique Maus Hábitos (18), on peut aller danser toute la nuit sur de l’électro au Plano B (19), le parfait club underground et décadent. Le programme idéal pour le lendemain (surtout avec la gueule de bois…) : prenez la vieille ligne 1 du tramway, qui roule le long des berges du Douro, depuis le Ponte do Infante (20) jusqu’au Passeio Alegre (21), un parc à l’embouchure du fleuve. De là, il y a une promenade agréable, en passant par le château fort de São João jusqu’à la plage de sable Praia da Luz (22). Perché sur son pont en bois, on admire la vue sur la mer en " écoutant de la musique douce.!
Dans l’une des chambres blanches de la pension A Favorita (23). La 6 a son balcon privé (à partir de 85 € la double, pensaofavorita.pt). Plus colorée, l’auberge de jeunesse Oporto Poets Hostel (24). Demander une chambre privée avec vue sur la vieille ville (à partir de 42 € la double, oportopoetshostel.com).
PRENDRE L’AIR En train, à une heure de Porto, partez à Guimarães (25), capitale européenne de la culture en 2012. Les processions les plus théâtrales ont lieu à Pâques à Braga (26). La gare de Porto, São Bento (27), vaut le détour avec ses azulejos.
RAPPORTER Une boîte en fer-blanc d’A Vida Portuguesa (28), avec des produits traditionnels : sardines, savons… Ou les pralines au porto de la Confeitaria Arcádia (29).
SURTOUT Aller manger des petiscos (tapas) à l’Adega Rio Douro (30), un minuscule bar à vin, en écoutant la patronne et ses clients chanter le fado (le mardi).
NE SURTOUT PAS Boire du porto du matin au soir. Son goût sucré est traître, le porto est un vin bien alcoolisé. Au dîner, le vinho verde pétillant passe beaucoup mieux.
TWO DOT TWO
ILLUSTRATION : CHRISTOPHER DOMBRES
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ans ma ville coulent deux fleuves : le Douro et le bon vin ! Le premier glisse tranquillement le long de la Ribeira (1), la vieille ville (classée à l’Unesco) aux maisons colorées et déglinguées. Puis va se jeter quelques kilomètres plus loin dans l’Atlantique, au Foz do Douro (2), l’embouchure qu’on admire depuis les hauteurs du centre-ville. Juste de l’autre côté, dans la ville voisine de Vila Nova de Gaia (3), on découvre les vignes qui donneront le fameux porto, notre grand produit d’exportation. Les caves se succèdent. Beaucoup d’entre elles portent des noms anglais, en raison des accords commerciaux signés dès le XIIIe siècle entre l’Angleterre et le Portugal. Les amateurs qui n’en auront pas eu assez avec les dégustations des caves Ramos Pinto (4) ou Taylor’s (5) pourront étancher leur soif à l’Institut des Vins de Porto (6). Après une visite des domaines viticoles des environs, l’idéal est de s’installer en terrasse pour boire un Portonic (du porto et du tonic) au soleil, face à la ville. Ensuite, prenez le pont en arc Dom-Luís (7), et vous vous retrouverez de nouveau dans le centre-ville. Passez devant la vieille Bourse, le luxueux Palácio da Bolsa (8), et arrêtez-vous au Café Santiago (9) : c’est là qu’on mange les meilleurs francesinhas, des sandwichs avec plusieurs sortes de viandes, du fromage et une sauce à base de tomate et de bière. Puis ce sera bientôt l’heure de la première tasse de bica (café) de la journée. Mon endroit préféré pour prendre un expresso ? Le Majestic (10), un café Art nouveau où règne l’ambiance de la Belle Epoque. Un vieux proverbe dit que c’est à Porto que les gens travaillent et à Lisbonne qu’ils dépensent leur argent. Mais depuis, on s’est bien rattrapés ! Prenons le chemin des boutiques pour s’en convaincre. Dans le centro
MARIA HELENA SILVA
31 ans Aime faire du vélo le long du Douro quand elle a bu du porto.
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