The Red Bulletin CF Hiver 22/23

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HORS DU COMMUN SUISSE, 3,80 CHF HIVER 2022/23 ABONNEZ-VOUS DÈS MAINTENANT getredbulletin.ch QUAND L’HIVER S’EST MIS À VOLER Entre poudreuse, partys et esprit pionnier : retour sur les folles années du snowboard
JULIAN ZIGERLI / BJÖRK / RETO GURTNER / DANITSA & DIMEH / MATHILDE GREMAUD

de nos propres limites ? C’est l’état d’esprit à l’origine de la marque TUDOR, le même qui habite les femmes et les hommes qui portent ces montres. Sans eux, il n’y aurait ni histoires, ni légendes, ni victoires. C’est l’état d’esprit qui donne chaque jour à l’envie de se chaque montre TUDOR. Certains se contentent de suivre. D’autres sont nés pour

RANGER

VOUS AVEZ

VU MISRA ?

Que doit l’as du freeski Eileen Gu (les mains pleines d’or aux derniers JO) à Misra Torniainen, l’homme à côté d’elle ? Page 68

TÊTE FROIDE, CŒUR CHAUD BIENVENUE

Ils et elles conservent la tête froide mais ont le cœur chaud : nos hôtes de ce numéro d’hiver sont des passionné·e·s de leur discipline, qui gardent la tête sur les épaules dans toutes les situations, et qui ne craignent pas le froid. Notre sujet de couverture, par exemple, est le fruit des témoignages photographiques de Patrick Armbruster. Il nous propose un retour sur les années folles du snowboard, à une époque où ce dernier était encore synonyme de révolte contre l’establish ment du ski, page 20. Dans le même ordre d’idées, le pion nier des sports d’hiver Reto Gurtner nous raconte, en page 32, comment il a fait venir le snowboard en Suisse –et le rapport avec la Californie. Page 48, la Finlandaise Johanna Nordblad, quant à elle, préfère admirer l’hiver par en-dessous : son truc, c’est de plonger sous la glace des lacs gelés, sans se hâter, pour briser des records.

Bonne lecture !

La Rédaction

PATRICK ARMBRUSTER

Le chroniqueur de l’heure zéro : en tant que photographe, il baigne dans la scène du snowboard depuis les années 90.

Page 20

XXIIe

siècle, c’est l’époque à laquelle se déroule l’action de Avatar : La voie de l’eau. Tous les chiffres relatifs au film page 14.

L’ART

DE BIEN RESPIRER!

Perdre ses kilos superflus en s’allongeant sur le dos ? C’est possible ! Page 80

ÉDITORIAL
THE RED BULLETIN 3
ARMBRUSTER (COUVERTURE), SASCHA BIERL
PATRICK
BMW M3 Touring, 375 kW (510 ch), émissions de CO2 de 235 g/km*, catégorie de rendement énergétique G. Prix d‘achat au comptant: CHF 127 400.– *Données provisoires

THE NEW TOURING

CONTENUS

The

SUJET DE COUVERTURE

20 ESPRITS REBELLES

Au début du millénaire, les adeptes du snowboard ont révolutionné les sports d’hiver. Témoignage en photos.

MUSIQUE 58 SUDAN ARCHIVES

La musicienne américaine est très inspirée pour dépous siérer l’image du violon.

FREESTYLE

68 MISRA TORNIAINEN

Il a formé les plus grandes stars de ski freestyle au monde. Comment fait il ?

SNOWBOARD

32 RETO GURTNER

Ce visionnaire de 62 ans a lancé le mouvement du snowboard chez lui, en Suisse.

MUSIQUE 34 BJÖRK

L’icône de la pop islandaise est un troll. Comme chacun et chacune d’entre nous, dit elle.

MUSIQUE

36 PAMELIA STICKNEY

La musicienne américaine envoûte le monde de la pop… avec son thérémine.

MODE

38 JULIAN ZIGERLI

Le jeune entrepreneur suisse a conquis la scène de la mode sans faire de manières…

PLONGÉE LIBRE

48 À BOUT DE SOUFFLE

Johanna Nordblad plonge sous la glace, pendant 103 m, sans combinaison de plongée.

PERSPECTIVES

Expériences pour une vie amélorée

75 VOYAGE. Avec le kayakiste pro Aniol Serrasolses en Patagonie. 80 BIOHACKING. Retenir son souffle pour alléger le corps et l’esprit. 82 MONTRES. À l’eau avec la Tag Heuer Aquaracer Professional 200. 83 PLAYLIST. Les titres préférés de Sharleen Spiteri, du groupe Texas. 84

LE COIN LECTURE. L’univers du Nordic Noir avec Jo Nesbø. 86 GAMING. Rembleverse, dernier jeu de battle royal en date. 87 MATOS. Restez en contact avec vos amis sur les pistes. 88 AGENDA. Sélection des événe ments à ne pas rater. 90

RED BULL SOUNDCLASH. Danitsa ou Di-Meh : qui gagnera la plus grosse battle de hip-hop ? 92 BOULEVARD DES HÉROÏNES. L’histoire de Clärenore Stinnes, première femme pilote automobile.

TRAIT DE LA FIN 8

VOUS PLAÎT

LE TÉMOIN Les photos de Patrick Armbruster reviennent sur l’époque culte du snowboard.

L’AUDACIEUX Ses looks et son humour décalés ont fait de Julian Zigerli un designeur en vogue.

L’ALCHIMISTE Le coach Misra Torniainen apporte l’or à celles et ceux qui l’approchent.

38 20
68
96 OURS 98
Red Bulletin hiver 2022/23 16 LE MOMENT PHILO 18 OBJET TROUVÉ
LE
GALERIE 14 L’ADDITION, S’IL
!
6 THE RED BULLETIN
PATRICK ARMBRUSTER, PHILIPP MUELLER, LUKAS MAEDER, ELINA MANNINEN

LA VIE AU RALENTI

Sous la surface de l’eau glacée, le cœur de Johanna Nordblad bat plus doucement.

48 THE RED BULLETIN 7

Compte à rebours avant

CUP Décollage

Un monocoque à foils AC75 s’élève hors des eaux de la Méditerranée lors d’un essai en octobre. Voici le BoatZero, le bateau d’entraînement d’Alinghi Red Bull Racing, un challenger pour la 37 e America’s Cup en 2024. L’événement sportif le plus ancien au monde (fondé en 1851), apogée des courses de voiliers, attire les meilleurs marins et repousse les limites de l’ingénierie de la voile. Alinghi connaît bien le sujet, puisqu’elle a gagné en 2003 et 2007, mais aujourd’hui, l’équipe suisse revient dans la mêlée avec un partenaire réputé pour ses perfor mances dans un autre sport de pointe la F1 et navigue sous la bannière du yacht club Société Nautique de Genève. L’entrée en matière n’a pas été aisée (le bateau a chaviré lors de sa première sortie quelques semaines plus tôt) mais le barreur Arnaud Psarofaghis est convaincu du potentiel de son monocoque et de son équipage. « Depuis cette session d’entraînement, l’équipe a progressé, à tous les niveaux », dit-il. americascup.com

L’AMERICA’S
9 SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL TOM GUISE

Noir, c’est noir

Pour nuancer l’obscurité, il faut de la lumière. C’est la raison pour laquelle le photographe Andrew Dixon a placé dix stroboscopes autour de son modèle, l’as du BMX Joshny Babu. Il s’agit de machines à flashes qui s’allument à intervalles régu liers. Dixon : « Il nous a fallu d’innom brables essais avant que le réglage ne soit parfait. » Sa mise en scène a été récom pensée par une place de demi-finaliste au concours de photographie Red Bull Illume. adixonphoto.com ; redbullillume.com

WOODWARD, PENNSYLVANIE, USA

MEXICO, MEXIQUE

Point de vue

En tant que photographe de concert, Luis Alejandro Arriaga Osorio a immortalisé des artistes comme Muse et Billie Eilish. Mais son autre spécialité, les sports d’action, l’oblige à voir le monde sous un angle diffé rent. Prenez ce cliché du skateur Diego Alvarez, finaliste de la catégorie Creative by Skylum de Red Bull Illume. « Ce bâtiment est particulier de par sa forme, mais il suffit de tourner la tête pour lui donner une nou velle dimension, celle d’un bowl colossal grâce à cette architecture unique… » Instagram : @luisarriagaph ; redbullillume.com

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ANDREW DIXON/RED BULL ILLUME, LUIS ALEJANDRO ARRIAGA OSORIO/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

YOSEMITE, CALIFORNIE, USA

Visite VIP

Ses visites sont si rares qu’il serait dommage de la rater : la comète Neowise, à gauche du centre de l’image, ne passe que tous les 5 000 à 7 000 ans près de la Terre… à quelque 103 mil lions de kilomètres de nous. Face à ces dimen sions, le panorama nocturne que la photographe diplômée en génie mécanique, Priscilla Mewborne, a capturé il y a deux ans dans le parc national de Yosemite, en Californie, a une valeur durable. Instagram : @lovealwayspriscilla ; redbullillume.com

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PRISCILLA MEWBORNE/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

AVATAR 2

Ils sont parmi nous

Le 14 décembre, Avatar : La voie de l’eau sort dans les salles de cinéma. La suite du film le plus réussi de tous les temps nous entraîne dans un monde mystique sous-marin. Voici tous les chiffres entourant le film de James Cameron

2154

7Le nombre de fois où la sortie d’Avatar: La voie de l’eau a été reportée. À l’origine, le film aurait dû sortir en 2014.

148,6

Le nombre de vues, en millions, de la bande-annonce d’Avatar 2 au cours des premières 24 heures en ligne.

est l’année fictive au cours de laquelle le premier film Avatar (2009) se déroule sur la lune de Pandora. La suite se passe plus de dix ans après.

3films les plus réussis sur le plan commercial (Avatar, Avengers: Endgame, Avengers: Infinity War) figurent dans la filmographie de Zoe Saldana.

3 40 0 000

litres d’eau remplissent le bassin spécial où ont été tournées les prises de vue sous-marines d’Avatar 2

3

suites d’Avatar devraient sortir au cinéma tous les deux ans jusqu’en 2028, mettant en scène d’autres membres du clan Na’vi.

25

ans après Titanic (1997), Kate Winslet est de nouveau à l’affiche d’un film de James Cameron.

237

millions de dollars était le budget du premier film Avatar. Les parties 2 et 3, tournées simultanément, dépassent les 500 millions.

1pétaoctet (1 000 000 000 000 d’octets) de données, l’équivalent de 500 disques durs complets de 2 teraoctets, a servi de base aux images de synthèse d’Avatar en 2009.

dollars de recettes depuis 2009, ce qui fait d’Avatar le film le plus rentable de tous les temps.

% des bénéfices d’Avatar 2 reviennent à l’acteur Sam Worthington, outre 10 millions de dollars de salaire.

pays ont pu voir Avatar 2 au cinéma à l’automne 2022, ce qui a engendré plus de 30 millions de dollars de recettes.

L’ADDITION S’IL VOUS PLAÎT
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31
5
14 THE RED BULLETIN GETTY IMAGES (3), DISNEY.COM HANNES KROPIK CLAUDIA MEITERT

Le nouvel entièrement électrique

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SOCRATE A DIT :

Il faut se débarrasser des pensées-poubelles »

Entre une jeunesse à la conscience écologique croissante et une scène politico-économique sérieusement impliquée, l’environnement est décidément au cœur des débats. Pour tant, certaines villes sont encore accablées de déchets et autres gaz d’échappements. Pourquoi ce laisser-aller ? C’est le sujet de l’entretien fictif du philosophe Christoph Quarch avec Socrate, le champion de la pensée européenne.

the red bulletin : Athènes était-elle déjà aussi polluée à votre époque ? socrate : Que voulez-vous dire, mon ami ?

Ma foi, quand je pense à toutes ces personnes vivant dans un espace aussi restreint, j’imagine que la propreté laissait à désirer. D’autant plus que vous éleviez encore des ânes et autres bestiaux. Tout à fait. Certains coins ne sentaient vraiment pas la rose. Mais comparé à ce que j’ai pu observer chez vous, c’était somme toute assez inoffensif. À notre époque, au moins, il n’y avait ni plastique, ni produits chimiques, ni batteries usagées, ni pneus, ni déchets industriels. Vivre en ville était encore supportable. J’aurais pourtant apprécié que mes concitoyennes et concitoyens s’appliquent un peu plus à éliminer leurs déchets.

Mais à Athènes, c’est vos esclaves qui s’en char geaient, non ?

La barbe avec vos esclaves ! Je parle des déchets que vous accumulez sous votre crâne. Autrement dit, les pensées-poubelles qui parasitent votre cerveau. Car tant que vous n’aurez pas fait le tri dans votre tête, vous ne pourrez pas non plus vous occuper de toutes les poubelles accumulées à l’extérieur. « Car ce qui est au dedans est au dehors », a dit fort justement l’un de vos penseurs classiques (Goethe, ndlr). Si vous laissez vos déchets mentaux s’accumuler, comment pourrez-vous vous débarrasser de vos déchets résiduels ?

Donnez-moi un exemple de ces « déchets mentaux ».

Ce sont des phrases, cher ami. Des phrases que l’on prononce rarement, mais qui font des ravages dans l’inconscient. Des phrases comme : « Je fais ce que je veux », « Je me fous de ce que pensent les autres », « Allez, encore un télésiège, les affaires avant tout ».

Ou, plus perfide : « Bah, on a toujours fait ça et jusqu’à présent ça a parfaitement fonctionné. » Du pipeau! Ou des conneries, comme vous dites. À la poubelle et ouste ! Sinon, vous finirez par étouffer dans votre propre tas de fumier mental.

Mais ce n’est pas si simple. On ne change pas ses habitudes aussi facilement. J’en ai fait la douloureuse expérience, en effet. Je remporte même la palme : plus j’attirais l’attention des autres sur leurs pensées-poubelles, plus j’attisais leur haine à mon encontre. Pourtant, et c’est là toute l’ironie de l’histoire, les inepties qu’elles ou ils me balan çaient étaient rarement de leur propre cru. C’étaient des croyances dans l’air du temps, héritées d’un politicien, d’une célébrité du moment ou d’un influenceur, des déchets si bien assimilés qu’elles ou ils les défen daient bec et ongles.

Que faire pour inciter la population à se débarrasser de ses déchets ? Deux solutions miracles : réfléchir et demander. Faites-vous tendre un miroir pour comprendre votre modus vivendi ou prendre par la main pour vous sensibiliser à ces déchets mentaux et vous aider à voir les saletés qui traînent. Commencer par l’extérieur peut d’ailleurs être très utile le cas échéant : ouvrir les yeux, prendre conscience des déchets, les rassembler dans un sac et les éliminer convenablement ! C’est un très bon exercice, car le fait de voir les déchets du dehors et de s’en débarrasser permettra d’accroître sa sensibilité aux déchets du dedans (il désigne son crâne) Alors, au boulot, nettoyons !

SOCRATE (469–399 avant J-C) est considéré comme une véri table figure de proue de la philosophie européenne. Son cheval de bataille ? Pousser ses compatriotes à penser par elles ou euxmêmes plutôt que de se fier aux opinions populaires, ce qui lui vaudra de nombreuses attaques puis un procès à l’issue duquel Socrate sera condamné à mort. Mais son esprit critique vit en core, notamment grâce à son élève Platon, qui a érigé un monu ment à la gloire de Socrate à travers ses Dialogues. CHRISTOPH QUARCH, 58 ans, est un philosophe allemand, fon dateur de la Nouvelle Académie Platonicienne (akademie-3.org) et auteur de nombreux livres de philosophie. Son dernier ouvrage de réponses philosophiques à des questions quotidiennes est paru en allemand chez legenda Q, 2021.

LE MOMENT PHILO
«
«
16 THE RED BULLETIN DR. CHRISTOPH
Faire le ménage dans sa tête pour rendre les villes plus propres. »
QUARCH YANNICK DE LA PÊCHE
STIMULE LE CORPS ET L’ESPRI T.
DES AIIILES POUR L’HIVER. AU GOÛT DE GRENADE.
NOUVEAU

APOLLO 11

Souvenir de la Lune

La pellicule photo de Neil Armstrong

Le premier voyage sur la Lune en 1969 fut un pas de géant pour l’humanité. Cet événement majeur, Neil Armstrong l’a photographié avec un appareil Hasselblad spécialement conçu à cet effet, équipé d’un objectif Zeiss. Sur les négatifs de l’astronaute (il a réalisé environ 200 photos), on peut voir son collègue Buzz Aldrin, le drapeau américain et un bout du module d’alunissage Eagle. À l’occasion du cinquantième anniversaire du premier homme sur la Lune, des dizaines de souvenirs liés à la mission Apollo 11 ont été mis aux enchères. Parmi eux, la pellicule Kodak 70 mm de Neil Armstrong a été vendue pour environ 15 000 CHF à un acquéreur anonyme.

OBJET TROUVÉ
18 THE RED BULLETIN NASA, IMAGO IMAGES/ZUMA PRESS
Neil Armstrong, 38 ans à l’époque, a été le premier homme à fouler le sol de la Lune le 20 juillet 1969.

La technologie qui fait bouger.

Les modèles électrifiés de Kia.

En savoir plus

Braunwald, 1995

L’une des plus anciennes photos de Patrick Armbrus ter. La voiture a été amenée spécialement pour pimen ter le parc d’obstacles. En l’air, c’est Andy Weber, l’une des premières icônes de la glisse. Au volant, c’est Oliver. Il est devenu pilote.

Lequel des deux vole le plus haut ?

Hiver

PORTFOLIO
sauvage Le Suisse Patrick Armbruster est une figure incontournable de la scène du snowboard. En tant que photographe, il a documenté la manière dont les jeunes « chiens fous » ont fait exploser les sports d’hiver au tournant du millénaire. Cet album raconte cette renaissance. Et son envol.
DAVID PESENDORFER 21
Texte

Big in Japan

Tokyo, 2001 C’est Jonas Emery, l’une des premières stars suisses du cirque hivernal dans l’arène des plus grands. Il vient de remporter le X-Trail Jam devant 75 000 spectateurs –à ce jour, le plus grand événement de snowboard au monde.

Le chasseur

de poudre

du Zillertal Tenjin, Japon, 2000

La photo montre Thomas « Beckna » Eberharter du Zillertal tyrolien –à quelques pas de sa ville d’adoption : Tenjindaira, en abrégé Tenjin. Traduit, cela signifie « le paradis de la poudreuse ». « Et croyezmoi, quand la météo est bonne, l’endroit fait hon neur à son nom. »

PORTFOLIO
THE RED BULLETIN 23

L’été sur le glacier Saas-Fee, 1998

Les mains nues, hiver comme été : le Suédois Marius Sommer saute ici sans gants sur le glacier. Notez au pas sage l’état plutôt négligé du half-pipe en bas de l’image.

À la dure Prague, 2013

Dix-sept snowboardeurs de haut niveau en voyage à travers les montagnes d’Europe et d’Amérique du Nord, telle est l’intrigue du film Dopamine De gauche à droite : Sylvain Bourbousson, le photographe Silvano Zeiter et Manuel Diaz, en tournée promotionnelle dans un bus.

PORTFOLIO
24 THE RED BULLETIN

Ultraviolet

Zillertal, Tyrol, 2000

Voici Camus – pas Albert, icône de l’absurde, mais Sebastian, le déjanté, snowboardeur profession nel du Chili. Il a fait une très mauvaise chute à Mayrhofen, dans la vallée du Zillertal en Autriche. Conséquence : un héma tome énorme sur la cuisse. Rien de cassé, juste une absurde couleur violette.

Müller traverse la route

Laponie, 2000 « C’était le 25 avril, et Nicolas Müller de Laax fêtait ce jour-là son 18e anniversaire à Riksgrän sen en Laponie suédoise. Et de quelle manière ! Voici ce qui s’est passé après les dernières prises de vue de Tribal, un film de snowboard, sur le chemin du retour à l’hôtel lorsque Nicolas a traversé la route. »

PORTFOLIO
26

Patrick Armbruster, 46 ans, à propos de son cheminement

«
Le snowboard était pour moi la route vers la liberté et l’aventure. »
de vie.
PORTFOLIO 28 THE RED BULLETIN

Vol de nuit, sans neige Hawaii, 2003

Que fait le snowboardeur en été ? Il enlève, comme ici le professionnel améri cain Travis Price, sa com binaison et même sa chemise à fleurs et monte sur un camion pick-up.

Travis et quelques autres pilotes ont rendu visite à Patrick alors qu’il était en plein montage de ses films de l’hiver dernier. Ils en ont profité pour faire quelques tours de nuit.

THE RED BULLETIN 29
La photo de couverture de ce numéro a été prise en 1996 à Saas-Fee et montre le snowboardeur suisse Martin Rutz.

Saas-Fee, 1996

Les Suisses Nils Frei, en haut à gauche sur la photo, et son pote Philipp Merz s’apprêtent à décharger leur matériel pour un camp d’été sur le glacier quand soudain, des riders en roller déboulent sur le parking bitumé, leur cassant les oreilles. Pour le snowboardeur, c’est une insulte.

LE

PHOTOGRAPHE

PATRICK ARMBRUSTER

« L’odeur de la pluie évaporée sur le béton chaud dans la chaleur de l’été… » Se tenir sur une planche a toujours eu quelque chose de profondément sensuel pour Patrick Armbruster. Au début des années 90, il était ado à Dietikon, non loin de Zurich. « Le skateboard était pour moi plus qu’un moyen de locomotion, c’était un art de vivre. » Peu de temps après, il a vu son premier flm de snowboard : « C’était comme faire du skateboard, mais sur la neige », se souvient Armbruster, aujourd’hui âgé de 46 ans, en évoquant sa passion. De la pluie qui s’évapore à la pluie qui gèle, de la chaleur à la glace. Il a abandonné sa formation d’électricien, s’est immergé dans la scène du snowboard alors en pleine croissance, a produit des reportages et des flms légendaires. Avec ce livre, le grand seigneur de la photographie de snowboard fait le bilan des folles années de ses débuts.

Le recueil de photos

Barely Made It (340 pages) est disponible sur le site de Patrick. En anglais. patrickarmbruster.com

PORTFOLIO
Ils voient ce que tu ne vois pas
30 THE RED BULLETIN

Le prélude à l’adieu Laax, 1995

Le Suédois Ingemar Backman en plein envol lors du coup d’envoi de la tournée de la Fédération internationale de snowboard (FIS). En arrièreplan, le conflit avec la FIS couvait déjà, celle ci voulant s’approprier ce sport d’hiver en raison de sa popularité croissante. Et elle a fini par y parvenir.

Esprit libre

Reto Gurtner déplace des mon tagnes. Littéralement : sa station de sports d’hiver Weisse Arena Flims, Laax, Falera, se compose de vingthuit remontées mécaniques, cinq hôtels, plusieurs écoles de ski et de snowboard et plus de vingt restau rants. Un véritable empire bâti par ce Suisse visionnaire de 62 ans au prix d’un travail acharné malgré le scepticisme des notables du coin. « J’ai toujours été un rebelle et un voyageur », explique-t-il.

En 1973, il part étudier la gestion d’entreprise et la jurisprudence à Los Angeles. Accompagné par les mélodies des Beach Boys, Pink Floyd et Grateful Dead, il s’initie aux joies du surf, s’imprègne du style de vie sexy, écolo et libertaire typique de la West Coast et ne tarde pas à se découvrir des affnités avec des entrepreneurs comme Jake Burton (fondateur de Burton Snowboards) ou Yvon Chouinard (créateur des vêtements Patagonia) : des esprits farouchement indépendants et proches de la nature.

Fort de cet esprit libre, Reto retourne en Europe et se heurte bien vite à cette Suisse fn-seventies engluée dans une mentalité étroite aux antipodes du mode de vie cali fornien. « J’entendais toujours le même son de cloche de la part de l’administration et de l’hôtellerie : ça ne marche pas comme ça ! Des mots qui me faisaient bondir, car rien ne me motive davantage que de surmonter les obstacles, explique

Reto. Je n’ai jamais voulu être un brave petit soldat de l’économie et je n’ai pas peur de provoquer la controverse. » Un trait de caractère qu’il partage avec son père Walter, charcutier à Flims (canton des Grisons). Tout comme Reto, il n’a pas son pareil pour repérer les ten dances en vogue.

En 1962, Walter loue 100 kilo mètres carrés de terrain à Laax avec un bail de 99 ans et construit des téléskis et des restaurants. Il se mettra à dos une partie des habi tants de la région. Le jeune Reto poursuit toutefois sur sa lancée et en 1992, il transforme la station en un paradis pour un genre de sport encore inconnu : le snowboard.

« J’étais totalement fasciné par les sports de glisse, autant par le fow que par ces surfeur·euse·s et ces snowboardeur·euse·s qui s’encou ragent mutuellement, explique Reto. J’ai toujours préféré cette mentalité d’être ensemble dans la nature plutôt que le côté compéti tion propre au ski. »

Des bosses et des sauts Alors que certaines régions ferment leurs portes aux snowboardeurs· euse·s, l’espace créé par Reto Gurtner se forge rapidement une réputation internationale chez les afcionados. Grâce au Laax Open, aux Spring Sessions et à l’hôtel Riders Palace, Reto ne se contente pas d’importer l’esprit surf dans les Alpes, mais le cristallise : plusieurs snowparks, une kickerline pro (un aménagement de bosses) de 600 mètres de long, composée de

quatre tremplins et de halfpipes mécaniques pour permettre aux freestyleur·euse·s de rester plus longtemps dans les airs.

Au milieu des années 90, Reto ouvre l’un des premiers cybercafés d’Europe à Laax. Il ne trouve aucun fournisseur d’accès en Suisse. Qu’importe, le premier domaine sera hébergé à New York. Il n’hésite pas non plus à payer de sa poche pour faire poser 90 kilomètres de câbles en fbre optique sur la mon tagne. Un investissement qui a fait décoller la réputation branchée de Laax comme un freestyleur·euse sur son tremplin.

Des bourgeois et des enragés L’un des talents de Reto Gurtner est de faire cohabiter tous les genres de personnalités, de l’hôtelier bour geois à l’enragé du snowboard. Son autre talent : parler. Prévoyez bien dix bonnes minutes avant de réussir à placer votre prochaine question. Comme beaucoup de PDG, son disque dur mental regorge de motsclés du type « émotion » ou « aligne ment ». Mais loin d’être des paroles en l’air, ce sont des valeurs totale ment assimilées dans la bouche de Reto. La Weisse Arena devrait être autosuffsante en énergie et neutre en CO ² d’ici 2030, un objectif qui correspond là aussi parfaitement aux valeurs qui lui ont été incul quées en Californie.

Si la plupart des rebelles d’hier ont aujourd’hui fondé une famille, la Weisse Arena compte toujours un tiers de snowboardeur·euse·s, contre 13 % en moyenne dans les autres stations de ski des Alpes. Et après tout, l’ADN touristique de Laax ne dépend ni d’une planche de snowboard, ni d’une paire de skis, mais d’un art de vivre. Reto Gurtner en est convaincu : « Laax a de bonnes vibes, tout simplement. »

Snowparks, chemins de randonnée, railbike… C’est sur : weissearena.com

Snowboard
Entretien SIMON SCHREYER Photo ANDREA BRUNNER Véritable pionnier des sports d’hiver, le Suisse Reto Gurtner est truffé de contradictions : amoureux du fow californien, il raffole des défs quotidiens.
32 THE RED BULLETIN
Reto Gurtner, 62 ans, à propos de sa motivation personnelle.
THE RED BULLETIN 33
« Rien ne me motive plus que de surmonter des obstacles. »

L’éternelle indépendante

L’Islandaise parle de notre espace de cerveau dispo pour la nouveauté, de ne pas compromettre sa créativité, et nous explique pourquoi nous devrions danser comme des trolls.

L’Islandaise de 56 ans parle depuis sa maison de Reykjavik, l’endroit qui a inspiré son dernier album Fossora (trad. celle qui creuse), que Björk décrit comme « un album champi gnon ». Il a été réalisé après la pandé mie avec, dit-elle, le sentiment que nous prenions tous et toutes racine. L’album est aussi novateur et auda cieux que l’on peut s’y attendre de la part d’une artiste qui a fait carrière en étant intransigeante et inventive. Et cela donne à sa musique ses propres racines. Björk ajoute qu’elle continue simplement de faire ce qu’elle fait depuis qu’elle a 14 ans.

the red bulletin : Fossora est votre dixième album studio, mais vous êtes toujours aussi inventive. Le titre Trölla-Gabba notam ment… A-t-il été inspiré par votre idée d’une fête de trolls ? björk : Je l’écoute quand je suis un troll. Je pense que nous sommes tous et toutes des trolls parfois. Quand on se sent comme un troll, on a envie de sauter et de danser, le poing en l’air, en vue d’une libération cathartique.

Vous dansez à l’écoute de vos chansons dans votre salon ? Impossible pour moi de danser sur ma propre musique. Pendant la pan démie, j’ai été DJane dans quelques endroits du centre-ville lorsque les

règles se sont assouplies. Mon set préféré dure quatre heures et com mence par de la musique classique ou de la musique du monde pendant une heure, puis la deuxième heure est un peu plus rapide, la troisième heure encore plus rapide et la der nière heure n’est que du gabber bru tal et de la techno. Cela décrit assez bien mes goûts musicaux.

En matière de musique, vous res semblez à un David Attenborough, toujours à la recherche de l’in connu. Pourquoi est-ce important ?

Je ne me comparerais pas à lui, mais oui, je suis très excitée lorsque j’en tends quelque chose de nouveau. La nature nous a faites et faits de telle sorte que nous nous renouve lons complètement tous les sept ans, nous sommes un agglomérat de cel lules totalement nouvelles. Nous devenons des personnes différentes. Il est important de pousser notre croissance émotionnelle et psycholo gique jusqu’à quatre-vingt-cinq ans, ou plus, pour en être conscient et ouvert, et pour nous débarrasser de suffisamment de déchets dans nos vies pour pouvoir aller de l’avant et continuer à grandir. Les scientifiques qui ont étudié le cerveau ont remar qué que si vous écoutez une chanson que vous n’avez jamais entendue auparavant, votre cerveau crée un nouveau territoire pour elle. Si vous n’écoutez que vos titres préférés, la partie musicale de votre cerveau ne se développe pas.

La musique électro est un terrain de jeu idéal pour vous, illimité ? La musique n’a pas de limites, c’est une question d’imagination et d’état d’esprit. La question, c’est de savoir si tout ce que pouvez mettre dans une chanson est là ou pas.

Comment voyez-vous votre place dans l’industrie musicale ? En tant qu’artiste à succès, êtes-vous libre de faire ce que vous voulez ? Ado, j’étais dans des groupes punk et nous étions chez un label indépen dant en Islande, donc il ne s’agissait pas de faire de l’argent. Si quelqu’un avait besoin d’un poster, je faisais un poster, si quelqu’un avait besoin d’une pochette d’album, quelqu’un faisait une pochette. Je viens de ce milieu DIY (Do It Yourself, ndlr) depuis l’âge de quatorze ans, où il n’est pas nécessaire de vendre son âme aux entreprises pour être musi cienne. Je me sens très chanceuse d’avoir été entourée de personnes plus âgées quand j’avais quatorze ans. Notre philosophie c’était : mieux veut avoir un contrôle créatif total et vendre trois disques que de se plier à des compromis.

Vous en tenez-vous toujours à ces règles aujourd’hui ? Rien n’a vraiment changé. Je fais toujours la même chose que quand j’étais ado. Si vous êtes propriétaire de votre travail, maîtresse de votre créativité et que vous êtes conscient de vos talents, vous pouvez faire ce que vous voulez pour le reste de votre vie. Si plein de gens aiment ce que vous faites, c’est un bonus, mais j’ai toujours été consciente qu’un jour, tout cela pouvait disparaître. Dans ce cas, je continuerais à faire de la musique.

Fossora est dispo ; bjork.com

Texte MARCEL ANDERS Photo VIDAR LOGI
Musique 34 THE RED BULLETIN

Björk, 56 ans,

connaît

« Je suis libre dans ma créativité depuis que j’ai 14 ans. »
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ne
pas de limites dans sa musique.

La fée des ondes

« Mais qu’est-ce qu’elle fabrique ? » Cette question, Pamelia Stickney l’entend souvent lorsqu’elle joue du thérémine. Diffcile en effet, pour les non-initiés, de savoir comment l’ar tiste parvient à extraire des notes, en faisant simplement danser ses mains au-dessus d’un objet qui ressemble à un poste de radio pourvu de deux antennes, l’une verticale, l’autre en forme de boucle, horizontale. Pourtant, il s’agit bien d’un instru ment de musique : inventé il y a plus d’un siècle, le thérémine fut même le premier instrument de musique électronique au monde ! Son principe est aussi simple que bluffant : les antennes émettent des ondes magné tiques que l’on va « sculpter » avec ses mains. La main droite contrôle l’amplitude des sons et la gauche le volume. Dépourvu de tout repère tac tile ou visuel et se jouant sans aucun contact physique, le thérémine s’ap privoise diffcilement : « C’est comme si j’essayais d’avancer sur un fl, les yeux fermés, tout en utilisant mes autres sens pour rester en équilibre », explique la musicienne – un exercice de funambulisme qui demande, selon elle, une certaine prise de risque.

Good Vibrations

Pamelia Stickney fait partie des plus grandes virtuoses du thérémine dans le monde – un titre que cette Amé ricaine de 46 ans tend à rejeter, par modestie : « Je n’aime pas me vanter. Je sais juste que cet instrument me permet de faire des trucs qui n’ont jamais été faits auparavant. »

Évoquant tour à tour le chant humain, la scie musicale ou les plaintes stridentes d’un violon, cet instrument a vite été adopté par les musicien·ne·s avides d’originalité ou de sons angoissants. De Hitchcock aux Beach Boys en passant par Nine Inch Nails, le thérémine continue de séduire les groupes d’avant-garde, comme celui que Pamelia Stickney a formé avec Chris Janka et Mark Holub : Blueblut, connu pour ses mix improbables alliant musique népa laise et compositions de Beethoven.

C’est dans les années 90, en regardant le documentaire de Steven Martin, Theremin – An Electronic Odyssey, que Pamelia découvre l’ob jet qui va changer sa vie : « J’ai tout de suite su que je devais l’essayer ! » Invention du physicien russe Lev Termen, plus connu sous le nom de Léon Thérémine, l’instrument à ondes électromagnétiques passe à la postérité grâce à la violoniste Clara Rockmore, qui reste la plus grande inspiration de Pamelia : « J’ai été impressionnée par le son magnifque de cet instrument et j’ai voulu l’imi ter. Son jeu m’a profondément mar quée. » Elle réussit même à rencon trer Clara Rockmore juste avant sa mort en 1998. « Tu as ce petit quelque chose », lui glisse l’artiste – le plus beau des compliments.

Odyssée musicale

Le parcours artistique de Pamelia Stickney ressemble lui aussi à une odyssée musicale : passionnée de musique dès son plus jeune âge, elle découvre tour à tour le piano, le violon et l’alto, puis la fûte et le

violoncelle. « Je jouais du Bach et du Mozart, mais j’ai commencé à m’en nuyer », dit-elle en riant. Après avoir longtemps joué de la contrebasse dans le groupe Geggy Tah, produit par Luaka Bop – le label créé par David Byrne, des Talking Heads –elle devient théréministe à l’âge de 23 ans, notamment pour couvrir les basses, d’où son surnom de « Walking Bass », qui lui est donné à ses débuts. L’instrument est alors fabriqué par l’entreprise Moog, fondée par l’in venteur du synthétiseur électronique Robert Moog : une collaboration qui dure puisque l’artiste continue de conseiller la marque pour améliorer le thérémine.

Rendez-vous avec Lou Évidemment, un tel talent ne pouvait passer inaperçu : en vingt ans de carrière, la théréministe a multiplié les collaborations fructueuses –Yoko Ono et son fls Sean Lennon, Grace Jones, Sébastien Tellier et bien d’autres. Lorsque Lou Reed l’invite un jour à dîner avec lui, elle ne sait rien de lui : « Je me doutais bien qu’il était connu, mais j’ignorais à quel point. » Elle en parle alors à son petit ami : « Il a pété les plombs ! “Tu n’as jamais entendu parler du Velvet Underground ?!” » Lou Reed la fait venir à la célèbre émission Satur day Night Live, où elle joue pour des millions de téléspectateur·rice·s. Le destin l’a fnalement menée jusqu’à Vienne, où elle vit depuis 2009. Si la capitale autrichienne semblait beau coup trop « provinciale » pour l’artiste rebelle qu’elle était avant, Pamelia Stickney apprécie aujourd’hui le calme de sa nouvelle vie : « J’ai envie de me dépasser d’une manière plus saine et de chercher l’inspiration là où je m’y attends le moins. »

Infos et dates de tournée sur : pamelia.weebly.com

Texte MARIETTA STEINHART Photo PHILIPP HORAK Le thérémine, ça vous parle ? Un instrument de musique imaginé par un savant russe en 1920 et maîtrisé par quelques virtuoses, dont l’Américaine Pamelia Stickney.
Musique 36 THE RED BULLETIN
« Je jouais Bach et Mozart. Lou Reed ? Connais pas ! Jusqu’à ce qu’il m’invite à dîner. » Pamelia Stickney, théréministe, poursuit son odyssée musicale depuis plus de quarante ans. THE RED BULLETIN 37

LA VIE EN ZIGERLI

Sexy, flashy et terriblement décalée, la mode de JULIAN ZIGERLI (38 ans) est faite pour des gens qui s’assument. Devenu l’un des designers suisses les plus connus à l’étranger, il est la preuve vivante qu’avec un peu d’humour et une sacrée dose de confiance en soi, on peut aller loin. Très loin.

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Julian Zigerli prend la pose, dans son ate lier de Zurich, avec ses propres créations… et ça lui va plutôt bien. Il est le meilleur ambassadeur de sa mode. Julian Zigerli à nu (ou presque). Autour du cou : une de ses créations. Aux pieds : sa paire de chaussons préférée.
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« Je fais des fringues, évidemment. Mais le corps n’a pas besoin de vêtements pour être beau. »

EEt maintenant… sans rien : à mi-chemin entre l’ordre et la proposition polie, la consigne du pho tographe est lancée comme une invitation à tester Julian Zigerli, à voir jusqu’où il peut aller. Debout dans son atelier zurichois, notre hôte s’exécute avec une visible décontraction, et pose fèrement devant la caméra, simplement « vêtu » d’une longue écharpe en feuilles de laurier et de gros chaussons rouges. Après la séance, l’intéressé explique son choix : « Cette écharpe est heureusement assez grande, elle donne fère allure. Sur le coup, je me suis dit que ça allait le faire. »

Effectivement, ça le fait. D’ailleurs, cette phrase décrit parfaitement le parcours, le caractère et la mode de Julian Zigerli, qui aborde les défs de l’existence comme un éternel gamin : sans prise de tête et sans hésitation, avec la nonchalance et l’opti misme des gens qui croient en eux… et en la vie. Ce n’est pas pour rien que ses ami·e·s l’appellent « Susi Sorglos », du nom de cette jeune femme joyeuse et ingénue chantée par Otto Waalkes : car il en faut, de l’optimisme, quand on décide de fonder sa propre ligne de vêtements unisexes, juste après la fn de ses études – dans un pays connu pour son conformisme vestimentaire et qui préfère à l’originalité une cer taine élégance intemporelle mais un peu fade : la Suisse, son pays natal. Un choix qui, entre-temps, s’est avéré judicieux : la preuve qu’on peut suivre ses envies et tomber juste.

C’est un Zigerli, ça ?

Aujourd’hui, Julian Zigerli fait partie des designeur· euse·s suisses les mieux cotés à l’international : il a ouvert une première boutique en 2018 dans le centre-ville de Zurich et vend les créations de sa mode partout dans le monde, grâce à sa boutique en ligne. Ses collaborations avec des artistes de renom sont nombreuses, comme celle avec l’artiste allemande Katharina Grosse, une graffeuse qui a

Smile harder, la devise qui orne son atelier à Zurich, est bien plus qu’un simple coup de marketing : c’est une philosophie de vie.

Sans chemise, sans pantalon, juste un pull orange pétant, porté sous un énorme gilet oversize. What else?
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notamment exposé au Centre Pompidou à Paris : ses graffes colorés, travaillés à la bombe, ont ainsi été intégrés dans une des collections du designeur suisse. En plus de son label, Zigerli donne parfois des cours à l’université des arts à Berlin et travaille sur des projets parallèles, comme cette ligne de linge de maison qu’il a créée dernièrement pour une autre marque. Et si sa propre équipe ne compte encore que quatre employé·e·s, sa réputation dépasse largement les frontières de la Suisse. Plus qu’un nom, Zigerli est devenu une griffe, un style reconnaissable entre tous. Manifestement, ça fait beaucoup rire l’intéressé : « C’est un Zigerli, ça ? –Pas mal du tout ! » mime-t-il en tripotant la chaîne qu’il porte autour du cou, sur laquelle on peut lire les lettres O-K-A-Y. Ses collections de bioux font également fureur : des smileys, des petits cœurs et

des palmiers, mais aussi de jolies boucles d’oreilles en forme de seins – qui ressemblent de loin à des cerises – ou d’organes masculins, ces dernières étant vendues sous le nom de « Sausage Ear Stud », histoire d’entretenir l’ambiguïté. On l’aura compris : Julian Zigerli ne se prend pas trop au sérieux, et c’est tant mieux.

the red bulletin : Sur le profl Instagram de votre marque, vous jouez souvent avec la nudité, avec des pièces qui reprennent notamment l’ana tomie masculine ou féminine. C’est bon pour les affaires, la provocation ? N’est-ce pas diffcile d’arriver à la banque pour demander un crédit en montrant des créations parfois un peu… osées ? julian zigerli : (rires) Je ne suis pas obligé de montrer ces pièces-là, il y en a heureusement plein d’autres ! Mais je tiens à dire que je ne cherche absolument pas à provoquer. Ce que je veux, c’est au contraire décomplexer notre rapport au corps humain, qu’on le considère comme quelque chose qui va de soi. Mon métier, c’est de faire des fringues, évidemment, mais le corps humain n’a pas besoin de vêtements pour être beau. J’aime jouer avec cette idée, même si c’est un jeu que l’on ne reconnaît pas toujours au premier coup d’œil. Dans la collection actuelle, il y a par exemple ces motifs de découpe aux ciseaux, qui font allusion à l’artisanat suisse traditionnel. Quand on les regarde de plus près, on y voit des petites chèvres, des smileys, des palmiers et des gens qui se promènent… Sauf que ces gens-là sont à poil. Là encore, il faut vraiment avoir le nez dessus pour voir les détails de leur anatomie. J’adore ce genre de clins d’œil.

On peut dire que Julian Zigerli assume tota lement son côté ambigu et inclassable : s’il s’est fait un nom dans la mode de luxe, avec des prix qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses, il n’en demeure pas moins attaché à ses racines. Son dernier déflé, il l’a d’ailleurs organisé directement chez lui, dans son lotissement à Zurich, en dessinant le podium par terre, à la craie. Les jour nalistes se sont retrouvé·e·s perdu·e·s au milieu de personnes retraitées, d’ados et d’autres gens du coin qui n’avaient jamais assisté à un déflé de mode. Sa petite sœur, née avec un handicap mental, a réguliè rement joué la mannequin pour lui, dans le passé. Et quand il ne peut pas venir aider à la boutique, comme il en a l’habitude tous les samedis, c’est son père qui le remplace, un ancien pilote militaire. Ce n’est pas un pro de la mode, mais « il fait ça avec une

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Des créations en couleurs et avec des motifs qui regorgent de surprises, comme un pied-de-nez à la grisaille ambiante.
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L’un de ses défilés est organisé dans son lotissement : un joyeux mélange de gens du cru et de journalistes.

Il voit la vie en rose : éternel gamin à l’opti misme inébranlable, Julian Zigerli croque la vie à pleines dents.

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Julian Zigerli a commencé très tôt à vouloir se démarquer en expérimentant autour de son look.
« Enfant, j’avais un pull rose que j’adorais. Tout le monde le trouvait horrible. Sauf moi. »

Zigerli est devenu le roi des imprimés truffés de clins d’œil : un destin qu’il s’est taillé sur mesure.

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Pour les nomades urbains : une vesteponcho qui se transforme en sac. Il fallait y penser.

telle nonchalance que les gens l’adorent. » Julian a compris dès l’enfance qu’il avait une affnité avec les formes et les couleurs, et que ses goûts personnels étaient en dehors des clous : « Je portais un pull rose avec d’horribles motifs dessus, et je l’adorais. Tout le monde le trouvait horrible. Tout le monde sauf moi. » Pourtant, quand on lui demande quel est son plus grand talent, sa réponse surprend : au lieu de parler de mode, il nous explique que c’est grâce à son côté « ça-va-le-faire » qu’il a été capable de s’attirer les bonnes personnes. « C’est pour cette raison que j’ai osé réaliser mon rêve en créant ma propre marque. Même mes profs à l’université me disaient que j’avais un bon feeling avec les gens. Ce qui me réussit, c’est de savoir m’entourer des gens qu’il faut, de les embar quer dans mon délire. » Et l’enfant terrible de la mode suisse ajoute en riant : « En fait, je crois que je suis plutôt quelqu’un de sympathique. »

Sourire à la vie

Un sens du compliment qui pourrait sembler arro gant mais qui, chez lui, sonne parfaitement juste : oui, c’est quelqu’un de sympathique, mais aussi quelqu’un de vrai, quelqu’un capable de lâcher des phrases comme « les meilleures idées me viennent parfois quand j’ai la gueule de bois ». Quelqu’un qui

n’essaie pas de paraître cool et qui a décidé de ne jamais se prendre la tête : c’est pour ça qu’il a fait imprimer des sacs avec sa devise préférée « Smile harder », qu’il a longtemps gardé un petit cœur sur son logo, et qu’il utilise tout le temps le « nous » quand il parle de sa boîte – même s’il en est la tête pensante et le premier responsable. Le sens de l’équipe couplé d’un indécrottable optimisme : deux qualités en or qui lui ont bien été utiles pendant la pandémie. « Au début, on ne savait pas trop quoi faire. On a arrêté la collection en cours, et même si on avait toujours la boutique en ligne, on savait que ce n’était pas le moment où les gens allaient mettre 300 CHF dans une chemise que personne n’allait voir. C’était donc important de lâcher prise, de se dire : “On utilise le temps libre qu’on a maintenant pour ranger tout l’atelier pendant deux semaines et on voit ce qui se passe.” Parce qu’on n’avait jamais fait de pause jusque-là. » Ce qui s’est passé ? Des tas d’idées sont venues pendant ces deux semaines de rangement – comme utiliser les restes des tissus pour faire des housses de coussin et de couette, des masques. Ou décider de se concentrer sur une seule collection par an en la dévoilant sur l’année petit à petit, en dehors de la Fashion Week.

Des idées qui se sont avérées payantes. Pour quoi ? Peut-être parce qu’il a de la chance. Mais c’est surtout parce qu’il s’écoute et qu’il se fait confance. « Pour réaliser un projet, on a besoin de croire en soi et en ses capacités, parce qu’on sera souvent obligé à douter de ce qu’on fait. Quand on a la certitude qu’on peut se fer à son ressenti, on est capable de déplacer des montagnes. » Sans oublier le fait de ne pas tout prendre au sérieux : « Mes créations, je n’y suis pas vraiment attaché émotionnellement : même si je les aime toutes, je me dis que j’ai trop de bébés pour en préférer un, parce qu’au fond, ce ne sont que des fringues. Ce qui est intéressant, c’est juste ment de les concevoir. »

La boutique de Julian Zigerli est à Zurich, Rindermarkt 14. Toutes les collections et les accessoires sont en vente en ligne : julianzigerli.com

Julian Zigerli a une devise : souris à la vie, elle te sourira un jour ou l’autre. Autrement dit : lance-toi ! Qui sait, ça pourrait bien marcher.
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« Je sais comment embarquer les autres dans mon délire. C’est peut-être là mon plus grand talent. »
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Briseuse de glace

La Finlandaise JOHANNA NORDBLAD, 47 ans, a plongé en apnée sur 103 mètres sous la glace. À la fin, elle a cru que son cœur allait s’arrêter de battre. Le froid extrême ralentit les choses d’une manière inquiétante – mais il peut aussi les sublimer.

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Texte KARIN CERNY Photos ELINA MANNINEN
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SOUS LA SURFACE

Johanna Nordblad sous la couche de glace du lac Sonnanen, dans le sud de sa Finlande natale. L’eau est à deux degrés.

ermez les yeux. Imaginez-vous en mail lot de bain sur un lac gelé. Devant vous, un trou dans la glace, l’eau est sombre, menaçante. Vous glissez lentement sous la glace. Vous plongez et parcourez une distance équivalente à la longueur d’un terrain de football avec tout l’oxygène contenu dans vos poumons.

En mars 2021, la Finlandaise Johanna Nordblad, 47 ans, a établi un nouveau record mondial. Aucun homme ni aucune femme n’avait encore plongé aussi loin sans oxygène sous la glace : 103 mètres en apnée. Sans palmes, sans combinaison. À la seule force de son corps. Dans une eau à environ deux degrés Celsius, avec une température ambiante de moins sept degrés. Le documentaire de 40 minutes de Netfix Hold Your Breath: The Ice Dive a suivi la plongeuse de l’extrême pendant plus d’un an, immortalisant ses doutes, son entraînement, mais aussi sa volonté sur des images d’un bleu crépusculaire dans un monde de neige et de glace.

Une question subsiste : que ressent-on quand on disparaît jusqu’à trois minutes sous la glace ? Quand on plonge dans un monde où l’on ne peut pas vivre ? « C’est assez effrayant d’établir ce genre de record, parce qu’on n’a pas de données de référence », expliquera Johanna un an plus tard, par une chaude journée

de printemps. Elle vit à Helsinki, près de l’eau bien entendu. « J’ai atteint ma limite absolue. Après 80 mètres, j’avais l’impression que mon cœur ne battait plus qu’une fois par heure. Les derniers mètres m’ont semblé durer des jours. Je me suis dit, ça y est, là, mon cœur va totalement s’arrêter de fonctionner. »

FPuis, elle laisse éclater un rire qui la caractérise bien : profond et chaleureux, accentué par l’éclat de ses yeux. Elle pourrait bien être comme l’un de ces requins du Groenland qui vivent trois fois plus longtemps que leurs congénères des eaux plus chaudes. Dans le froid, le métabolisme tourne au ralenti, tout prend une lenteur inquiétante. « Somniosus » (qui signife « somnolents »), tel est le nom de ces géants indolents des eaux polaires. Johanna a dû s’habituer à cette vie au ralenti. À cette sensation déconcer tante d’un corps et d’un esprit devenant léthargiques.

En mode survie

La plongée sous glace est une activité paradoxale : on se trouve dans une situation extrême et potentiellement mortelle, mais on doit rester calme et détendu. Sous l’eau, le réfexe d’immer sion se déclenche. Le corps sait qu’il

doit économiser l’oxygène et il se met en mode survie : la fréquence cardiaque baisse (jusqu’à atteindre le chiffre incroyable de 10 battements par minute chez les professionnel·le·s de l’apnée) et le sang affue vers les organes vitaux. Une sorte de transe s’installe. Qui peut rapidement conduire à un évanouisse ment mortel.

Mais comment fait-on pour rester alerte tout en s’assoupissant ? Pour ne pas rater le moment où il faut refaire sur face ? « Le froid est tellement puissant, on ressent tellement de choses différentes en même temps, explique Johanna. C’est pour cela qu’il faut être totalement dans le moment présent, afn d’être en mesure de décider de plonger jusqu’au prochain trou ou non. » Aller trop vite, c’est risquer de prendre de mauvaises décisions qui peuvent être fatales. « En compétition, j’étais toujours la plongeuse la plus lente », dit-elle. Un handicap qui est devenu sa force aujourd’hui. « La lenteur est ma façon personnelle de faire face à ce déf potentiellement mortel. »

La plongée sous glace lui a appris une leçon de vie, l’a rendue plus calme, plus sereine, mais aussi plus concentrée. Quiconque s’aventure dans ce monde étrange, fait d’obscurité et de froid, ne

son épais manteau pour l’entraînement.

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L’APPEL DE LA GLACE Johanna au lac Öllöri, dans le nord de la Finlande. Elle abandonne
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ARRIVÉE AU BUT

La femme qui venait du froid : Johanna Nordblad, fraîchement décongelée.

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La lenteur était son handicap. Elle est devenue sa force.

DÉPART EN DOUCEUR

Johanna prend appui avec ses mains à la surface de la glace. Encore un moment avant de se lancer et de s’immerger.

doit faire qu’un avec lui-même, chaque pensée parasite coûte une précieuse quantité d’oxygène. « Le secret de la plon gée en apnée, c’est de ne laisser absolu ment aucune place à la peur, explique Johanna. Pour moi, c’est aussi ce qui en fait toute la beauté. Je laisse mes pro blèmes à la surface pour que mon esprit soit détendu pendant la plongée. »

Quand quelque chose la stresse, lui trotte dans la tête ou lui fait peur, elle note un rendez-vous dans son agenda. « Cela me donne une sorte de liberté : je sais qu’il y aura un moment plus tard où j’essaierai de résoudre ce problème. Mais maintenant, je n’ai plus besoin d’y pen ser. » Johanna Nordblad, qui travaille en tant que graphiste indépendante, semble être une personne heureuse. La plongée sous glace est le meilleur des coaches.

Accro à la sensation

Enfant, elle était déjà passionnée d’eau. Dès qu’elle avait du temps libre, elle allait nager. En 2000, elle découvre la plongée en apnée. Elle s’allonge au fond de la piscine et observe les gens qui nagent au-dessus d’elle. « On aurait dit des ani maux. Tout était si paisible, j’avais l’im pression de faire partie de la nature. Et j’ai rapidement su que j’étais accro à cette sensation », dit-elle. Dès 2004, elle bat le record du monde féminin d’apnée dyna mique avec palmes sur 158 mètres en

6 minutes et 39 secondes. Elle entraîne ensuite l’équipe nationale masculine de plongée en apnée en Finlande et participe aux championnats du monde en Serbie et dans son pays.

En 2006, elle connait une première crise. « Brusquement, rien de tout cela ne m’amusait plus, c’est un peu devenu mon boulot. Je n’avais plus envie de me mesurer aux autres. Je voulais me décou vrir moi-même », dit-elle. C’est ainsi qu’elle décide de sortir des sentiers bat tus. « J’ai commencé à m’entraîner selon mes propres méthodes, je nageais le plus lentement possible pendant 20 minutes. Pour me vider la tête et trouver de nou velles idées. »

Le froid n’était pas au programme au départ. Ce n’est qu’à la suite d’un accident qu’elle s’y est mise. En 2010, Johanna fait une sortie en VTT de des cente. La piste est glissante, elle fait une chute. Son pied gauche reste accroché à la pédale. Sa jambe, gravement bles sée, ressemble à une branche tordue. La blessure est maintenue ouverte pen dant dix jours à l’hôpital pour éviter la nécrose. On lui donne de la morphine pour calmer la douleur qui est insup portable. Ses os fnissent par cicatriser, mais son système nerveux ne semble pas vouloir se calmer. Trois ans plus tard, Johanna se réveillait encore la nuit en hurlant de douleur. « J’ai cru que

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LA LIGNE À SUIVRE

Nordblad lors de son record du monde dans le lac Öllori en Finlande. Une corde tendue à l’horizontale lui indique le chemin à suivre.

je devenais folle », dit-elle. Jusqu’à ce qu’un médecin lui prescrive une thérapie par l’eau froide. « Au début, j’ai trouvé ça horrible, je me suis assise au bord du bassin, j’ai plongé mon pied dans l’eau froide. Des larmes m’ont coulé sur le visage. » Mais au bout de deux minutes, j’ai ressenti un véritable soulagement et la douleur a disparu. Le froid permet alors à Johanna de s’apaiser intérieu rement. Il lui apporte une profonde satisfaction.

Les larmes de l’apaisement

« Cette blessure m’a permis de décou vrir un nouveau monde », dit-elle aujourd’hui. Elle commence à se glisser tout entière dans l’eau froide – le choc lui fait perdre le souffe. Mais elle apprend à passer par dessus – de ce froid qui s’in sinue dans sa tête et envahit son cerveau. Qui meurtrit la peau telles des piqûres d’aiguille. Johanna comprend quelque chose : on ne peut pas lutter contre le froid, il faut l’accepter. Et la récompense, c’est une incroyable sensation de liberté. Comme si on appuyait sur le bouton reset. « On entre dans un état méditatif sans méditer : nager dans l’eau glacée, c’est une méthode de paresseux pour se

sentir bien. Quelques minutes dans l’eau froide et on a l’impression d’avoir pris dix jours de vacances. » Et la plongée sous glace ? « Ça, c’est la méthode pour les super paresseux : en 30 secondes, on change complètement sa vision des choses. Le trou dans la glace est une porte vers un lieu calme et magnifque où le temps s’arrête. »

Son record du monde n’a pas été une promenade de santé. Les obstacles se sont multipliés. Au départ, Johanna a pour objectif de plonger à « seulement » 81 mètres sous la glace pour battre le record masculin qui est à l’époque d’un peu plus de 70 mètres. Mais la pandémie arrive et la pousse à reporter sa tentative. Entre-temps, une Russe établit un record non offciel de 102 mètres. La barre est placée très haut tout à coup. Pour ne rien arranger, les piscines sont fermées pen dant le Covid, Johanna a l’impression de ne pas s’être assez entraînée. Comment faire face à cette pression ?

Une fois de plus, c’est son humour noir qui la sauve. « La veille de ma ten tative de record, j’ai appelé une de mes amies et je lui ai expliqué qu’il y avait deux possibilités », raconte l’athlète. « Dans l’eau, je n’entends pas ma voix

« Sous la glace, le temps est suspendu. »

intérieure, je plonge trop longtemps –et je meurs. Ou alors je remonte au premier trou. Et je meurs de honte. » Au fond d’elle, Johanna sait bien qu’elle n’a qu’une seule planche de salut : faire confance à sa lenteur. « Si je m’étais dit dès le matin qu’il faudrait que je plonge sur 103 mètres le jour-même, je n’y serais jamais arrivée, dit-elle. On ne peut rien prévoir à l’avance, il faut décider sur le moment. »

Johanna détient le record, hommes et femmes confondus. Dans le docu mentaire de Netfix, elle déclare : « Les femmes peuvent faire tout ce que font les hommes. » Une affrmation qu’elle trouve réductrice aujourd’hui. « Cette distinction

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SANG FROID

En plongée libre, Johanna se fond dans la nature, tout est calme et paisible.

ne veut rien dire pour moi : j’ai toujours fait ce que j’avais envie. Peu importe que je sois une femme ou non. » Elle était la plus jeune de sa famille, toujours en vadrouille avec son frère et ses amis à lui. Même si elle était la plus petite, elle était toujours partante pour les activités fun et les aventures. « Je ne me suis jamais dit que j’étais différente parce que j’étais une flle. Il ne devrait pas y avoir cette distinction entre les trucs de garçons et les trucs de flles. »

La parfaite équipe

Pour sa sœur aînée, Elina Manninen, cela n’a pas toujours été facile. « Quand Johanna était petite, on l’appelait notre petit singe, dit-elle. Je me rappelle qu’elle faisait toujours des trucs bizarres. » Les deux sœurs sont diamétralement oppo sées : Elina est plus craintive, ce n’est pas une aventurière. Et pourtant, toutes deux forment une équipe parfaite. Si différentes, les sœurs sont pourtant très liées : Johanna plonge, Elina est son soutien émotionnel. Même si elle vit en permanence avec la peur que sa sœur soit victime d’un accident mortel.

Elina, qui est photographe, réalise des photos sous-marines de sa sœur d’une beauté époustoufante. Elle est en revanche équipée d’une combinaison en néoprène et d’un appareil à oxy gène. Et qu’en pense Kaspar, le fls de Johanna ? « Il me fait confance, affrme la plongeuse. Avant qu’il ne devienne un ado qui vole de ses propres ailes, nous avons beaucoup plongé ensemble. »

Mais revenons-en au jour de son record du monde : « Encore cinq minutes », annonce une voix masculine. Johanna Nordblad est allongée en com binaison de ski sur un tapis de yoga, sur le lac gelé d’Öllöri, dans le nord de la Finlande. Ses yeux sont fermés, sa respiration est calme. « Encore une minute. » Aussi immobile qu’une statue, elle est assise sous un peignoir chauffant. « Encore 30 secondes. » Elle retire son peignoir, prend encore quelques bouffées d’oxygène. Et puis, elle plonge. Dans un monde obscur et glacial où tout se passe au ralenti. Tel un requin du Groenland, elle glisse dans l’eau en toute légèreté. Deux minutes et 42 secondes. Qui lui ont semblé durer des jours.

johannanordblad.com, elinamanninen.com ; Instagram : @johannanordblad, @elinamanninen

TENUE LÉGÈRE

Johanna Nordblad s’entraîne parfois avec des palmes, mais elle a battu son record du monde sans. Et aussi sans combinaison de plongée.

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« Trente secondes : c’est la méthode pour les paresseux pour se sentir bien. »

PARTITION LIBRE

Armée de son archet et d’un certain grain de folie, SUDAN ARCHIVES fait exploser les codes de son instrument fétiche, le violon. Portrait d’une artiste unique et inclassable qui n’en fait qu’à sa tête.

Texte LOU BOYD Photos ALLY GREEN

Musique

Sudan Archives, 28 ans, ne voulait plus être la gentille petite Brittney. Elle s’est alors réinventée.

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Brittney Parks – aka Sudan Archives, son nom d’artiste – n’est pas une violoniste comme les autres. Il sufft de jeter un œil sur la pochette de son dernier album, Natural Brown Prom Queen, pour s’en rendre compte : décor de fête, chevelure rose bonbon interminable, corps de liane dont le buste étincelle, la nouvelle icône avant-gardiste du R’n’B nous toise de son regard de reine. Une question s’impose : qui est-elle ?

« Le violon est perçu comme un ins trument sérieux dans le monde occiden tal, nous explique la jeune femme de 28 ans. Et moi, je ne suis pas quelqu’un de sérieux : j’ai envie de jouer, de décon ner et de suivre mes envies. »

Pour savoir à quoi ressemblent ses envies, il faut la voir sur scène : Sudan Archives devient une reine de la fête, son violon arrimé au corps et son micro fxé autour du cou pour n’entraver aucun de ses mouvements, aucune chorégra phie à laquelle elle aurait envie de se livrer. Tout en elle vibre d’une énergie contagieuse qui invite le public à danser sur des beats sensuels que viennent agrémenter les sons de son violon : « J’ai toujours voulu faire du violon un instru ment de fête. »

À la croisée de différentes infuences musicales africaines et occidentales, Brittney Parks célèbre la même incon gruité, le même non-conformisme dans son look : tresses fuo, tenues psychédé liques ultra sexy, chaussures de drag queen ou longue robe-fourreau noire de vamp tentatrice, les styles se super posent comme autant de pistes d’explo ration à suivre joyeusement, sans

aucune censure. Une liberté que l’artiste assume dans les thèmes de ses chan sons : elle y parle d’émancipation cultu relle, sexuelle et sociale, de féminité, de racines et de liens familiaux – des sujets qu’elle dissèque dans des textes suaves, posés sur une rythmique électro-violo niste inédite.

Comment Brittney Parks, la gamine du Midwest qui a grandi à Cincinnati (Ohio), est-elle devenue Sudan Archives ? À l’origine du nom, il y a d’abord l’exaspération d’une petite flle qui n’aimait pas son prénom : alors elle demande à sa mère de l’appeler Tokyo Moon, en hommage au dessin animé Sailor Moon, qu’elle adore. Ce à quoi sa mère lui oppose une alternative afri caine : « Et pourquoi pas “Sudan” ? » Une proposition qui plaît à la petite flle.

Des années plus tard, la jeune musi cienne découvre le style exubérant du violon soudanais et sent qu’elle touche du doigt le son qui lui correspond, qui la

fait vibrer. C’est comme si sa route musicale l’avait guidée vers cet univers, ce trésor de sons traditionnels et de récits lointains, un trésor à conserver comme de précieuses archives : Brittney Parks a enfn trouvé son identité.

C’est le premier jalon d’une carrière solo qui fut toujours guidée par le même leitmotiv : ne jamais suivre que sa propre voie. Adolescente, la jeune Brittney refuse ainsi le soutien de son beau-père, Derrick Ladd – qui a notamment lancé la maison de disques Atlanta’s LaFace

Sudan Archives sur scène : pantalon taille basse, soutif en strass, string vert fluo...
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« J’ai toujours voulu faire du violon un instrument de fête : je voulais faire danser les gens. »

Records – pour rester fdèle à ses goûts musicaux. Une force de caractère qui lui porte chance lorsqu’elle emménage, quelque temps après, à Los Angeles : elle y rencontre par hasard un des managers de Stones Throw Records, label indépen dant célèbre pour ses productions éclec tiques, comme MF DOOM, Madlib ou encore NxWorries. Un premier contrat sur-mesure, qui lui permet de s’épanouir musicalement en dehors du carcan rigide de l’industrie pop.

Nous la retrouvons peu après la sortie de Natural Brown Prom Queen, son deu xième album – un cocktail génial et avant-gardiste de sonorités électro, soul, R’n’B, rap et country. Sudan Archives nous parle de son instrument fétiche, du courage qu’il faut pour faire les bons choix et rester fdèle à soi-même, et de son espoir de servir d’exemple à d’autres femmes audacieuses en les encourageant à assumer leur propre style dans l’indus trie de la musique.

the red bulletin : Vous jouez du violon avec une telle aisance. À quel âge avez-vous commencé à jouer d’un instrument ?

sudan archives : J’avais dix ans. Gerry O’Connor (excellent violoniste folk origi naire de Dundalk, en Irlande, ndlr) était venu jouer avec son groupe de violo nistes dans mon école à Wyoming (dans l’Ohio, États-Unis, ndlr). Ils nous ont parlé du violon et nous ont fait découvrir

le folk et les danses irlandaises : j’étais conquise. Ce fut une révélation pour moi, et j’ai eu envie de faire la même chose.

Est-ce vrai que vous avez appris à jouer à l’oreille ?

Oui, on peut dire ça ! Dans mon école, chaque enfant recevait un instrument de musique, que l’on pouvait acheter ou louer. J’avais choisi de louer un violon : j’ai commencé à m’amuser dessus et c’est encore ce que je fais aujourd’hui. Au début, je rendais ma sœur complètement folle : il faut dire que le violon n’est pas très beau à entendre quand on ne sait pas encore en jouer…

Vous avez aussi été marquée par ces musiciens soudanais qui jouent du violon à une corde.

J’ai découvert le violon à travers des chansons irlandaises, la musique que l’on joue dans les pubs pour faire danser les gens. Et puis, un jour, en cherchant sur YouTube des musicien·ne·s de folk irlandais, j’ai découvert toutes ces vidéos archivées de violonistes soudanais : ça m’a littéralement bouleversée. Je me suis dit : « Voilà des gens qui me ressemblent et qui jouent de manière si exubérante. » Au lieu de traiter leur violon comme un instru ment d’accompagnement, ils le mettent en avant : j’ai compris que je pouvais faire la même chose et jouer du violon comme bon me semblait. Voir ces musicien·ne·s à l’œuvre m’a autorisée à oser jouer exacte ment comme je le sentais.

Qu’est-ce qui vous a poussée, à l’époque, à choisir justement une direction complètement inédite ? Je crois que c’est mon esprit rebelle ! Je n’aime pas faire les choses uniquement parce qu’on me dit de les faire ou parce qu’on me conseille de faire ainsi. Je ne veux pas qu’on me conseille de faire tel type de musique, tout ça parce que ça plaît au plus grand nombre. Je préfère faire la musique que j’aime, même si c’est nul. Ce qui me fait rire, c’est de voir à quel point le regard des autres a changé : comme j’ai toujours été du genre à n’en faire qu’à ma tête et à nager à contre-cou rant, à la sortie de ce nouvel album – qui me correspond totalement – les gens ont été surpris : « Alors comme ça, tu fais de la pop, maintenant ? » Et moi de leur répondre : « Allez comprendre ! Faut croire que je suis une artiste pop, fnalement ! »

Musique
«
Tout ce qui m’importe, c’est de faire de la musique et de jouer de mon instrument d’une manière qui me ressemble. »
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... et perruque blanche. Un concerto pour violon sans aucun élément classique.

Durant votre adolescence à Cincin nati, vous et votre sœur jumelle aviez formé N2, un groupe de pop/R’n’B. Pourquoi avoir quitté N2 et emmé nagé toute seule à Los Angeles ?

Pour dire la vérité, cette décision n’avait pas grand-chose à voir avec notre musique. Je vivais à l’époque avec ma mère et mon beau-père et je voulais sortir le soir, faire de la musique, com poser ou tout simplement traîner avec mes amis et fumer des joints. À force de me voir tenir tête et découcher réguliè rement, mes parents en ont eu marre et m’ont virée de chez eux. Je me suis dit « Bon, je n’ai qu’à essayer Los Angeles. » Et c’est là que ma sœur et moi avons compris que nous allions suivre deux chemins différents : même si c’était un peu triste, elle était contente pour moi et tous ont montré leur soutien.

À votre arrivée à Los Angeles, vous arrivez très vite à rentrer chez Stones Throw Records, en devenant même l’une de leurs plus jeunes artistes. Est-ce vrai que vous avez été décou verte en étant serveuse dans le resto fréquenté par leurs managers ?

Oui, c’était une phase de ma vie assez intense : j’ai fait des tas de petits bou lots à Los Angeles. Le matin, je devais prendre mon vélo, un train et un bus pour aller bosser dans un café, et pen dant mes jours de congé, je vendais des donuts. Je servais le café à ces managers qui bossaient à côté, certains n’étaient vraiment pas sympas, mais il y en avait un qui était toujours gentil, aimable –et qui s’intéressait à ma musique. C’est fnalement lui qui m’a fait rentrer chez Stone Throw.

Tout de même, on a du mal à imaginer qu’un type bossant dans une maison de disques insiste pour écouter ce que

vous faites… Ça paraît si simple et si improbable !

Je sais ! C’était marrant : ce mec est même revenu à la charge plusieurs fois et à force d’insister, j’ai fni par lui faire écouter quelques trucs que j’avais com posés. Il a écouté les extraits puis les a envoyés à Chris Manak (aka. DJ Peanut Butter Wolf, qui est aussi producteur et fondateur de Stones Throw Records, ndlr) Ils m’ont demandé de venir les voir – et c’est comme ça que j’ai signé avec eux.

Il faut dire que vous êtes aussi une véritable bête de scène, avec une pré sence incroyable en concert : pensezvous que c’est votre énergie qui a attiré leur attention ?

Non, absolument pas. Avant, j’étais même plutôt du genre à fuir les spotlights, je n’ai jamais eu envie de devenir célèbre. Tout ce que je voulais, c’était faire de la musique et montrer aux gens ce que j’étais capable de créer, pas ce que j’étais en tant qu’individu. J’ai pris confance sur scène avec le temps, à force de faire mon job de musicienne, de continuer à donner des concerts même si j’avais le trac – j’ai d’ailleurs toujours le trac ! Mais j’ai persé véré, et maintenant, j’apprécie vraiment le fait d’y aller, de faire ce qui me plaît et d’être moi.

Votre nouvel album Natural Brown Prom Queen est un projet ambitieux : 18 titres aux longueurs imposantes (le titre ChevyS10 avec 6’10, notamment). Était-ce un choix délibéré ? C’est vrai qu’il y a beaucoup de musique, là-dedans ! Je l’ai écrit durant la pandé mie de Covid-19, alors que j’étais cloîtrée chez moi sans pouvoir aller nulle part. J’ai installé un petit studio dans ma cave et j’y ai passé tout mon temps, à créer de la musique, des riffs, des beats. Ce fut comme un acte thérapeutique : on pro duit des endorphines quand on fait de la musique et qu’on est créatif en général – c’est quelque chose dont on a terrible ment besoin au quotidien.

Les titres sont bâtis comme des mille feuilles musicaux : comment avez-vous fait pour les composer ? Chaque chanson est le résultat d’un processus différent, mais en général, je commence par écouter une mélodie dans ma tête et je cours enregistrer la partie violon qui va avec. Puis j’ajoute des

couches successives comme si j’utilisais une pédale loop. Je suis une obsédée des sons : je peux me servir de pratiquement tout ce que j’entends autour de moi, des trucs que les gens n’utiliseraient pas. Sur l’album, on entend ainsi des bruits de collision et de percussion, que j’ai créés en jouant avec mon violon et en retra vaillant les sons.

On pourrait penser que le fait de bosser seule dans son coin peut être assez stérile : à vous écouter, ce fut au contraire libérateur…

Rétrospectivement, ça m’a effectivement rendue plus créative : à l’extérieur, il y avait tellement de choses auxquelles je voulais réagir et en même temps, j’avais tout cet espace à moi pour y jouer et déconner. Dans mon petit studio person nel, je pouvais enfn jeter les bases d’un morceau et le modeler aussi longtemps et aussi loin que je le voulais : c’est vrai ment utile d’avoir son propre espace de création.

Vous avez souvent déclaré vouloir faire du violon un instrument de fête : aujourd’hui, vous faites danser les foules partout dans le monde. Qu’est-ce que ça vous fait ? Pour être honnête, je n’ai compris que récemment à quel point j’étais comprise et accueillie par le public. Il y a quelques semaines, j’ai joué lors d’un célèbre talkshow américain et quelqu’un est venu me dire après mon passage : « Il y a telle ment de gamins qui n’aiment pas le vio lon parce qu’ils voient ça comme quelque chose de barbant. Je parie que vous allez les faire changer d’envie ! » Les gens commencent à me voir comme celle qui décomplexe le violon : c’est pas la plus cool des images, ça ?

« On produit des endorphines quand on est créatif : c’est quelque chose dont on a terriblement besoin au quotidien. »
Musique sudanarchives.com
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« Les gens commencent à me voir comme celle qui décomplexe le violon : c’est pas la plus cool des images, ça ? »

Dépoussiérage. Sudan Archives a d’abord pris le violon au sérieux, puis ses tenues.

L’avenir dans toute sa splendeur : ce prototype BMW M4 entièrement électrique allie perfor mance M et durabilité.

Deux lettres qui, à première vue, ne vont pas vraiment ensemble : M et E. Pour les fans d’automobile du monde entier, M symbolise le plaisir de performance ultime, les moteurs impétueux, la propulsion arrière et les modèles mythiques comme la BMW M1 ou la BMW M3. Dans l’imaginaire collectif, E est syno nyme d’efficience, de sobriété, de passage obligé ; d’électromobilité, en somme. Mais que se passe rait-il, s’est-on imaginé du côté de Munich, si l’on pouvait inverser la formule ? Si l’e-mobilité deve nait soudain symbole de perfor mances accrues et de toutes ces compétences caractéristiques de la marque légendaire ? Si l’on pouvait concevoir une voiture électrique digne d’arborer l’em blématique logo M ? Dans cette logique, BMW a introduit une nouvelle lettre dans l’alphabet des émotions. Depuis 2010, le petit « i » sous le logo de l’hélice bleue et blanche désigne les modèles électriques. Et quand le petit i et le grand M se ren contrent, comme avec la BMW i4 M50 ou la BMW iX M60, c’est l’apothéose ; mais attention, le meilleur reste encore à venir. 2022, quelque part en Bavière. Un prototype noir avec camou flage blanc-bleu-rouge (les couleurs de M GmbH) fait des tours d’essai sur une piste. Mais que teste-t-on exactement ? Le connaisseur averti retrouvera les éléments chers à M comme les larges passages de roue ou l’avant caractéristique de la BMW M3 ou de la BMW M4. Mais ne s’agit-il

M GOES E

Depuis 1972, la lettre M fait figure de performances exceptionnelles chez BMW. Bonne nouvelle : le passage à l’électrique ne change

pas de la base d’une BMW i4 ? Absolument, comme le confirme bientôt l’absence de bruit du moteur à combustion.

Sous ce camouflage se cache en fait l’avenir de M GmbH, et celui-ci est électrique. Pour celles et ceux pour qui les caractéris tiques de conduite passent avant les dogmes, c’est une très bonne nouvelle. Comme chaque roue de ce prototype est entraînée par son propre moteur électrique, les ingénieurs ont pu réaliser une

transmission intégrale inédite capable de fournir à chaque roue la puissance exacte dont elle a besoin en quelques millisecondes. En comparaison, toute solution mécanique aussi sophistiquée soit-elle appartient définitivement au passé.

Pour plus d’infos sur la BMW M Power électrique, scannez le code QR.

L’avenir de M sera électrique, et c’est une bonne nouvelle.
BMW AG
pas la donne, bien au contraire ; les dernières technologies ouvrent des possibilités jusqu’à présent insoupçonnées.

L’AVENIR EN DÉTAILS

Solutions, visions et approches de la performance électrique de pointe.

1 Structure Concept de carrosserie issu de la série M3/M4 pour une rigidité en torsion particulièrement élevée.

2 Larges passages de roue pour intégrer des essieux hautement performants.

3 Quatre moteurs électriques pour une répartition infiniment variable et extrêmement précise de la propulsion sur chaque roue.

4 Unité de commande hautement intégrée pour relier données de la personne au volant et paramètres de conduite en quelques millisecondes.

5 Disposition du radiateur pensée pour offrir une stabilité thermique optimale des composants élec troniques et une performance maximale.

6 Récupération de l’énergie de freinage jusqu’aux limites de la dynamique de conduite pour recharger les batteries.

PROMOTION
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En termes de voitures hautes performances, M GmbH remporte la palme, comme le prouve ce prototype de BMW M4 électrique : véritable bijou de perfection, la rigidité en torsion maximale vient de l’actuelle BMW M4. La confi guration du système de refroidis sement est tout aussi importante pour les modèles électriques que pour ses consœurs à combustion. Que ce soit au niveau des châssis, de la direction ou des réglages électroniques, on retrouve ces compétences clés et ce savoir-faire caractéristiques de la marque

Plaisir, vitesse et autonomie accrus : la propulsion électrique, c’est possible.

depuis toujours. Facile d’imaginer la suite : l’association de la propul sion électrique et de la compétence M nous permettra bientôt de voir des voitures aux performances encore inimaginables même dans des conditions défavorables (neige, glace ou pluie). Des voitures récu pérant un maximum d’énergie au freinage dans des conditions difficiles tout en restant durables même en conduite sportive. En fin de compte, non contentes d’être plus rapides que tout ce que nous avons connu jusqu’à présent, elles seront également plus agréables à piloter et leur autonomie sera décuplée pour des expériences de conduites révolutionnaires. Autre facteur décisif : depuis sa création il y a cinquante ans, M GmbH s’est toujours concentré sur la pratique du sport auto. Albert Einstein l’avait bien compris : E = mc². Les ingénieurs munichois ont semblet-il adapté cette formule comme suit : l’électromobilité, c’est M GmbH multiplié par Compétition puissance 2.

LES 10 FANTASTIQUES

Un demi-siècle de BMW M GmbH en dix modèles légendaires.

BMW 3.0 CSL

Année de sortie 1972

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 200 chevaux

0 100 km/h 7,1 secondes

Vitesse max. 220 km/h

Fondée en 1972, l’entreprise BMW M GmbH s’inspire du coupé de la série E9 et construit un véhicule de tourisme pour Lauda, Stuck et cie.

BMW M1

Année de sortie 1978

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 277 chevaux

0 100 km/h 6,0 secondes Vitesse max. 265 km/h

Première sportive de BMW et premier modèle à bénéficier du sigle « M ». La BMW M1 est actuellement l’une des voitures classiques les plus convoitées au monde.

Année de sortie 1984

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 286 chevaux

0 100 km/h 6,4 secondes Vitesse max. 255 km/h

BMW M3

Année de sortie 1986

Moteur Six cylindres en ligne

Puissance 195 chevaux

0 100 km/h 6,8 secondes Vitesse max. 230 km/h

BMW M635 CSi Cruiser élégant, voiture de course performante : un coupé généreux apprécié des grands noms de la course automobile.
PROMOTION BMW i4 M50 Année de sortie 2021 Moteur Électrique Puissance 625 chevaux 0 100 km/h 3,9 secondes Vitesse max. 225 km/h BMW M6 Année de sortie 2005 Moteur V10 Puissance 507 chevaux 0 100 km/h 4,6 secondes Vitesse max. 305 km/h BMW M5 Touring Année de sortie 1992 Moteur Six cylindres en ligne Puissance 340 chevaux 0 100 km/h 5,9 secondes Vitesse max. 250 km/h BMW Série 1 M Coupé Année de sortie 2011 Moteur Six cylindres en ligne Puissance 340 chevaux 0 100 km/h 4,9 secondes Vitesse max. 250 km/h BMW Z3 M Coupé Année de sortie 1997 Moteur Six cylindres en ligne Puissance 321 chevaux 0 100 km/h 5,4 secondes Vitesse max. 250 km/h Année de sortie 2022 Moteur V8 Puissance 625 chevaux 0 100 km/h 3,2 secondes Vitesse max. 305 km/h BMW M8 Competition Coupé Le premier modèle M électrique de l’histoire allie performance M, confort au quotidien et durabilité. Légère, compacte, puissante et limitée : la BMW Série 1 M Coupé traduit le concept propre à la M3 dans la plus petite catégorie de véhicules de BMW. Performance totale sans sacri fier au luxe : l’actuelle BMW M8 Competition Coupé fait figure de référence tous secteurs confondus. La plus performante gran turismo de
brille par son magnifique
son pilotage souple et sa parfaite
! La première M en mode « sac à dos » : en version Touring, la souveraine BMW M5 était
rapide
pratique.
«
clown »,
BMW Z3 M Coupé compacte
propulsion arrière, six cylindres
de la gran turismo avec son moteur à dix cylindres digne
F1 de l’époque. Le plus : toit en carbone et modes de conduite très sophistiqués. BMW GROUP CLASSIC, BMW AG
l’histoire
moteur,
tenue de route. Une icône de grande classe
aussi
que
Affectueusement surnommée
chaussure de
la
allie
en ligne et look spectaculaire. Summum
d’une

Un coach en or

Pour gagner en freeski, ou autre, il faut trouver la bonne combinaison. MISRA TORNIAINEN, 39 ans, peut se targuer d’être le meilleur coach de la discipline. À ses côtés, les athlètes qu’il entraîne transforme tous leurs essais en médailles (d’or).

Freestyle
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Mettmenstetten, canton de Zurich : Misra Torniainen sur la rampe de sa jeunesse.

évrier 2022, pendant les JO de Pékin : Eileen Gu décroche la médaille d’or à l’épreuve de Big Air, après avoir réalisé un saut qu’elle n’avait jamais tenté en compétition – un Leftside Double Cork 1620 °, quatre tours et demi parfaitement maîtrisés. D’émotion, la jeune SinoAméricaine tombe à genoux : personne n’arrive à y croire, pas même elle. Tout là-haut, depuis la rampe de lancement, un homme exulte : Misra Torniainen, son entraîneur, qui savait qu’un Double Cork apporterait à sa petite protégée la victoire ultime. Et pourtant, à cet instant précis, lui-même a encore du mal à réali ser ce qui vient de se passer.

Cela fait seulement six mois qu’il est l’entraîneur officiel d’Eileen Gu, cette athlète hors du commun qui a raflé, à seulement 18 ans, deux médailles d’or pour la Chine, en ski acrobatique. Entraî ner un tel phénomène n’a rien d’un bou lot tranquille : pour Misra Torniainen, ce furent six mois passés comme dans une centrifugeuse, entre les coups de fil avec le ministre des sports chinois, les virées en SUV avec la famille Gu dans les collines de Los Angeles, les nuits sans sommeil à se tenir prêt au moindre appel. Six mois éreintants pendant les quels il a connu le doute, la colère, la fatigue mais aussi de grands moments de bonheur – car Eileen Gu reste pour lui un cadeau du ciel, pour lequel il a accepté de délaisser pendant plusieurs mois sa femme et ses deux enfants.

S’agit-il là de son dernier sacrifice ? (Une question cruciale pour cet homme dévoué, à laquelle il répondra évasive

Fment quand nous aurons fait plus ample connaissance) À 39 ans, Misra Torniainen est, dans le monde du freeski, l’homme qu’on appelle quand on veut gagner l’or. Jeux Olympiques, champion nats du monde, X-Games : toutes celles et ceux qui ont fait appel à lui ont tou jours fini en haut du podium. Les cham pionnes olympiques Sarah Hoefflin et Mathilde Gremaud, mais aussi le vain queur des X-Games – et star Instagram –Andri Ragettli le savent : c’est grâce à lui que leurs carrières respectives ont littéralement décollé. Alors forcément, il ne pouvait y avoir qu’un homme capable d’entraîner un talent comme Eileen Gu, jeune prodige du freeski au

CV impressionnant : mannequin convoité par les plus grands magazines, étudiante modèle à Standford, chroniqueuse pour le New York Times, star des réseaux sociaux en Chine et dans le reste du monde, et désormais double médaillée d’or – en Big Air et Halfpipe.

Si les exploits d’Eileen Gu aux derniers JO ont été maintes fois relatés, il est temps de s’intéresser à l’homme qui en est en partie responsable : Misra Torniainen. L’entraîneur suisse, aux origines suissofranco-italiennes – son nom est celui de son épouse finlandaise – n’aime pas se tenir sous les projecteurs, et quand il prend la parole, c’est uniquement pour parler des athlètes qu’il entraîne.

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DUO GAGNANT Eileen Gu, médaillée d’argent (à gauche), et Mathilde Gremaud, médaillée d’or, jubilent sur le podium aux Jeux olympiques de Pékin 2022.

Sentiments refoulés

Alors que tant d’articles ont déjà été écrits sur les championnes qu’il a fait naître, sur Sarah Hoefflin, Mathilde Gremaud et Eileen Gu, nous avons voulu savoir qui était vraiment Misra Torniainen, un homme qui transforme en or celles et ceux qui l’approchent.

Misra Torniainen, né Misra Noto, est le fils de deux êtres malmenés par la vie : une mère droguée, à l’enfance difficile passée de foyer en foyer, qui finit par mourir du sida lorsque Misra n’a que 21 ans. Un père que le jeune homme n’aura pratiquement pas connu et qui décède un an après. Cette enfance chao tique lui aura donné une grande force,

dit-il, mais aussi une propension à se renfermer sur lui- même : « J’ai beau coup de mal à parler de moi, même avec mes proches. Je préfère gérer mes pro blèmes tout seul, dans mon coin. » Il n’a que cinq ans lorsque les services sociaux viennent chez lui pour le retirer de la

garde maternelle et le placer en foyer à Mettmenstetten, près de Zurich. Dans cet orphelinat géré par l’Église, « les règles étaient très strictes, nous avions toujours des tâches à exécuter et la foi chrétienne nous était martelée du matin au soir, que nous le souhaitions ou non ». Très vite, le petit Misra comprend deux choses : qu’il ne peut compter que sur lui-même – et qu’il tient son propre destin entre ses mains.

« Les gens en Suisse s’imaginent tou jours que les pires foyers pour enfants se trouvent à l’étranger. C’est faux : ma mère a souffert de ses années en foyer, et moi aussi. » Durant les dix années passées en foyer, on ne lui a jamais

Très vite, le petit Misra comprend qu’il ne peut compter que sur lui-même.
LA BEAUTÉ DU GESTE
THE RED BULLETIN 71 GETTY IMAGES, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL
Eileen Gu lors de la séance photo en septembre 2021 au Red Bull Performance Camp à Saas Fee.

UN TREMPLIN VERS LE SUCCÈS

demandé comment il se sentait : « J’ai appris à me débrouiller seul et à m’obser ver à distance, à contrôler l’image que je renvoyais aux adultes. Quand tu grandis dans un foyer, tu rêves de liberté. »

Il veut faire du foot – la direction du foyer lui répond qu’il doit attendre d’avoir 12 ans. Pourquoi s’embêter à demander la permission quand on peut inventer un mensonge ? Un mercredi après-midi, alors que ses gardiens le croient chez un ami, il escalade la grille de la piscine municipale de Mettmens tetten – et découvre un nouveau monde : devant lui, un immense tremplin aqua tique sur lequel s’entraîne un groupe de skieurs acrobatiques. Il s’agit ni plus ni

moins de l’équipe nationale suisse, accompagnée de l’entraîneur Michel Roth. On autorise ce petit garçon curieux à essayer la rampe. À partir de ce jour, Misra reviendra tous les mercre dis à la piscine municipale. Quelques années plus tard, au moment de quitter

le foyer, l’ado de 16 ans lance à son tuteur : « Tu n’as rien capté, mais figuretoi que je suis membre de l’équipe natio nale junior de ski acrobatique. »

Tenace, Misra est aussi un homme curieux, ouvert à la nouveauté : lorsque le freeski commence à se développer à la fin des années 90, il tombe amoureux de cet univers où souffle encore un vent de liberté, loin des normes du ski acro batique. Devenu l’un des premiers free skieurs pros en Suisse, il remporte ses premiers succès… avant de se fracturer le genou lors d’une émission de télévi sion – un accident qui met un terme à sa carrière de sportif. Qu’à cela ne tienne : Michel Roth le rappelle à ses

Mathilde Gremaud devant un décor monumental, toujours dans le cadre du Red Bull Performance Camp.
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Misra Torniainen, un homme qui transforme en or celles et ceux qui l’approchent.

côtés, cette fois-ci pour le former au métier d’entraîneur. « À l’époque où j’entraînais Misra, j’avais déjà le pres sentiment qu’il ferait un bon coach », raconte l’entraîneur national suisse, qui a porté sur le podium olympique trois de ses athlètes.

Le transfert de confance

En une quinzaine d’années passées à observer Torniainen à l’œuvre, Michel Roth a eu le temps de déceler les quali tés de son élève : « Misra est un bon observateur, qui sait faire attention aux autres. Et qui trouve toujours le bon équilibre entre le travail et la détente. »

Mais la plus grande de ses qualités –et la première qui est citée lorsqu’on interroge ses athlètes – c’est cette incroyable confiance que Misra a en luimême et qu’il arrive à transmettre. Il a une telle confiance dans les capacités des personnes qu’il entraîne que celles-ci finissent par atteindre les objectifs qu’il leur lance. Quand il sent que ses athlètes sont enfin prêt·e·s à franchir l’étape supérieure, il a les mots qu’il faut pour les en convaincre.

Cela paraît trivial, mais dans une dis cipline aussi jeune que le freestyle, où tout est encore à faire, il est essentiel de savoir prendre des risques. De faire des choses que personne n’a osé faire avant.

Or, c’est exactement ce qu’Eileen Gu a fait aux derniers JO de Pékin, en ten tant un saut qu’elle n’avait jamais fait en compétition, quelque temps à peine après une lourde chute à l’entraînement, qui l’avait laissée en larmes. Misra était venu la consoler : « La prochaine fois que tu pleures, ça sera pour l’or que tu auras remporté en Big Air. » Un exploit qui fait écho à celui de Mathilde Gremaud en 2020, à Saas-Fee, lorsqu’elle fut la première skieuse à réussir un Switch Double Cork 1440 ° : partie dos à la piste, elle prend la rampe à reculons, enchaîne un double salto et deux vrilles.

Imaginer l’impossible, savoir avancer en terre inconnue : c’est toute la beauté de ce sport, qui demande à toutes celles et ceux qui s’y adonnent de dépasser en permanence leurs propres limites. Tout le talent de Misra Torniainen, c’est de savoir justement leur montrer où sont les portes qu’il leur faudra franchir.

spécialité de Misra Torniainen : miser sur la mémoire du corps.

Mémoire musculaire

Tout le reste est une aventure à deux, qui s’écrit au jour le jour. Car si l’entraî neur visualise parfaitement l’objectif à atteindre, il n’a aucune idée de la route à suivre pour y parvenir. Cette route sera dictée au fur et à mesure par les aptitudes et le caractère de chaque individu. Une souplesse qui convient parfaitement à l’esprit de liberté du freeski, car dans cette discipline, l’essentiel – qu’il s’agisse du Big Air, du Halfpipe ou du Slopestyle –se passe dans les airs, pas sur la neige.

D’où le premier conseil que Misra Torniainen donne à celles et ceux qui font appel à son expertise : être le plus souvent possible dans les airs. Que ce soit sur un skate, un surf, un trampoline, un plon geoir de piscine : « Chaque fois que tu as l’occasion de voler dans les airs, fais-le. Il n’y a que comme ça que tu peux apprendre comment te comporter et com ment réagir quand tu es en l’air. Avec le temps, on développe une mémoire muscu laire : ton corps finit par savoir instinctivement ce qu’il doit faire dès le moment où tu quittes le sol. » C’est ce qu’on appelle air awareness en anglais –

un concept qui inclut aussi bien la percep tion orientationnelle que la conscience des mouvements du corps quand il est lancé au-dessus du plancher des vaches.

Le revirement

Avec le temps, l’expertise de Torniainen dans ce domaine a dépassé le monde du ski : des athlètes venant d’autres disci plines font désormais appel à lui pour des conseils, comme l’Allemand Sebas tian Steudtner, surfeur de grosses vagues et recordman mondial. Une coopération qui a certes surpris l’intéressé, mais qui tombe à pic pour l’entraîneur suisse, bien décidé à lever le pied, après des années passées à vivre et à travailler pour les autres. Une envie de sérénité qui avait déjà motivé sa décision de quitter en 2018 la fédération suisse de freeski… avant que le destin ne le rattrape en 2021, avec l’offre lancée par Eileen Gu de devenir son entraîneur officiel – une chance qui ne se présente pas deux fois dans une vie. Or, Misra Torniainen ne vit pas son rôle de coach à moitié : il endosse le quotidien de ses protégé·e·s avec un dévouement sans faille, une discipline de fer – en se livrant lui-même à des programmes sportifs – et une hygiène de vie quasi monacale.

Un rythme harassant difficilement compatible avec une vie de père de famille : si Misra Torniainen adore son métier de coach, il ne veut pas se réveiller un jour et se rendre compte qu’il n’a plus rien à dire à son épouse et qu’il n’a pas vu ses enfants grandir. Désormais, c’est à distance qu’il veut poursuivre son métier de coach sportif, en essayant de réduire au maximum les voyages qui l’éloignent de sa famille. Évidemment, Misra Torniainen n’a encore aucune idée de la forme que prendra sa nouvelle carrière, il nous avoue qu’il reste ouvert à toutes les possibilités.

Mais il y a une chose dont il est sûr –et que nous savons aussi bien que lui, maintenant que nous avons appris à le connaître : quel que soit le cours de son destin, quelles que soient les déci sions qu’il prendra dans sa vie, il y aura toujours de nouvelles portes à ouvrir –pour peu qu’on sache les déceler.

Instragram : @misranoto, @mathilde_gremaud, @eileen_gu_

Freestyle
En freestyle, il faut faire des choses que personne n’a jamais faites, des choses impossibles à copier.
THE RED BULLETIN 73 LORENZ RICHARD/RED BULL CONTENT POOL
La

Naturellement rafraîchissant.

Au goût unique grâce aux ingrédients d’origine 100% naturelle.

PERSPECTIVES

Expériences et équipements pour une vie améliorée

SUR UNE RIVIÈRE SAUVAGE

Un voyage en kayak à travers la Patagonie avec l’athlète pro Aniol Serrasolses.

75 @MATIASMONDACAPHOTO

PERSPECTIVES voyage

Le kayakiste professionnel Aniol Serrasolses, 30 ans, parle de sa contrée d’adoption, près du fleuve Futaleufú au Chili.

Celles et ceux qui parcourent le Río Futaleufú découvrent un paradis. Et les amateur·rice·s d’eaux vives qui parviennent à la pointe sud de l’Amérique du Sud, à 75 kilo mètres à l’est de la célèbre Carretera Austral et à la frontière avec l’Argentine, se croient au septième ciel. Il existe peu d’endroits au monde où l’on souhaiterait aussi fortement avoir une embarcation et une pagaie. Et beaucoup de temps pour explorer les rapides.

L’un de ces amateurs a poussé l’expérience jusqu’au bout. Il a émigré au bord du Futaleufú (« grand fleuve ») et y a même construit sa maison : Aniol Serrasolses, d’origine espagnole, vit en Patagonie et fait visiter son coin de pays aux participant·e·s du voyage orga nisé par Destination Red Bull. Décrire Aniol comme l’un des meilleurs kaya kistes du monde ne rend guère justice à ce trentenaire. Il a certes remporté toutes les compétitions importantes, mais plus encore, c’est un pionnier.

Quelqu’un qui réalise des premières que d’autres considèrent trop risquées,

comme les Keyhole Falls au Canada. Avant lui, des générations d’athlètes s’y sont rendus et ont rêvé de descendre cette chute d’eau de 35 mètres de haut. Un seul est allé jusqu’au bout : Aniol lui-même. Il dit de son coin de pays actuel : « Le Futaleufú fait de toi un autre homme. Je suis venu ici pour la première fois en 2009. Depuis, le temps s’est arrêté pour moi. L’Europe devait ressem bler à cela autrefois : des routes non gou dronnées, des gens détendus, des arbres très anciens. Les autochtones appellent ce pays “la région que Dieu a peinte”. »

Le long de l’artère vitale

Le Futaleufú est l’artère vitale de la région. Le mode de vie patagon semble s’être ici adapté au rythme du fleuve. Il s’écoule sans cesse et les surprises sont rares. Cela le prédestine au kayak. Bien sûr, il y a des passages plus excitants et d’autres plus calmes, mais il en va de

même dans la vie. Aniol : « Je recom mande de considérer Futaleufú davan tage comme un séjour d’aventure que comme un séjour sportif. Cela implique aussi de se mettre à l’écoute des locaux. Nous allons rencontrer des gens qui ont beaucoup à raconter sur le Chili. » La beauté de la nature, et sa diversité, constitue la richesse de cette région.

Dans une région sans aéroport à proximité, il est facile de lever le pied et d’arriver au gré des pérégrinations. Pas d’internet à haut débit, pas de chaînes de restaurants anonymes. Au lieu de cela : des poissons pêchés soimême et préparés au feu de bois. Ou un asado, la version patagonne d’une soirée barbecue. Dormir dans des cabanes rustiques, fenêtres ouvertes, avec le bruit du fleuve à l’extérieur. Le voyage Destination Red Bull avec Aniol Serrasolses remonte aux origines des besoins et des désirs humains. Ce qu’il

«
Les locaux appellent ce pays “la région que Dieu a peinte”, tant elle est belle. »
Certains endroits du Futaleufú ne sont acces sibles qu’à pied. Aniol : « Ils en valent la peine ! »
76 THE RED BULLETIN

Carretera Austral

En route le long de l’autoroute culte d’Amérique du Sud

HISTOIRE

La construction de cette route de 1 350 km au Chili remonte au dictateur Pinochet. La « route du sud », comme on la traduit, devait permettre d’atteindre par voie terrestre certaines parties du Chili qui dépendaient auparavant des ferries. Actuellement, elle se termine dans le village de Villa O’Higgins. Il est prévu d’ajouter 935 kilomètres supplémentaires, jusqu’à la ré gion de Magallanes et de l’Antarctique chilien.

TOURISME

Outre les kayakistes, la région est appréciée des motard·e·s pour ses pistes tout-terrain. Les pilotes d’enduro s’extasient devant la diversité du paysage et se réjouissent que la majeure partie du chemin ne soit toujours pas asphal tée. Les lacs le long de la route invitent à faire des haltes rafraîchissantes. Plus on va vers le sud, plus le paysage est traversé par des fjords.

ARRIVÉE

L’aéroport le plus proche est celui de Puerto Montt, au sud du Chili. Il est desservi par trois compagnies aériennes régionales. Alternative : en voiture, camping-car ou moto, prendre la Carrera Panamericana de Santiago du Chili en direction du sud et commencer l’aventure dès la capitale chilienne.

La rivière Futaleufú a aussi des sections calmes. Condition préalable pour s’amuser pendant le voyage en kayak : niveau de compétence 3 à 4 sur l’échelle de difficulté fluviale. Santiago Buenos Aires Argentine Chili Punta Arenas
THE RED BULLETIN 77
Guide et artiste aqua tique : Aniol Serrasolses est l’un des meilleurs kayakistes au monde.
@MATIASMONDACAPHOTO
WERNER JESSNER

faut encore sur place pour être heureux et satisfait ? Une combinaison en néo prène, en raison de la température exté rieure moyenne de 20 degrés en plein été sud-américain, c’est-à-dire au mois de janvier, à moins de s’appeler Johanna Norbald (cf. page 48). Il va de soi que la rivière est d’autant plus fraîche. De manière générale, la Patagonie est une région du monde où l’on peut rencontrer toutes les conditions météorologiques possibles et imaginables le même jour.

Ralentir au bord de l’eau

L’hébergement de ce voyage Destina tion Red Bull reflète également le carac tère naturel de l’endroit. Aniol continue : « L’endroit où nous allons vivre s’ap pelle cara del Indio, ce que l’on peut tra duire par “visage de l’Indien”. Celle ou celui qui a trouvé une fois ce visage dans la paroi rocheuse sait exactement de quoi il s’agit. La paroi ressemble en effet à un Mont Rushmore naturel. C’est clai rement le visage d’un autochtone qui veille sur le lieu. » Bien sûr, Aniol aurait pu loger ses hôtes dans un hôtel du vil lage plutôt tranquille de Futaleufú, mais cela aurait diminué l’expérience : « Dans nos maisons en bois, nous ne sommes

qu’à quelques mètres du Futaleufú. D’une part, c’est évidemment pra tique, mais d’autre part, cela crée un lien plus intense avec le fleuve. » Lors de ce voyage à l’autre bout du monde, il s’agit aussi de se perdre soi-même, pour ensuite mieux se retrouver. Aniol : « Bien sûr, nous serons tous les jours dans le kayak et nous naviguerons sur le fleuve. Mais nous allons aussi décou vrir des endroits qui ne sont accessibles qu’à pied et que l’on n’oublie pas de toute sa vie. Et il y aura des moments où nous serons simplement assis sur la rive à regarder le Futaleufú. » Pour apprécier pleinement les balades en kayak, un niveau de compétence 3 à 4 (sur un maximum de 6) sur l’échelle de la difficulté fluviale est nécessaire.

Des conditions parfaites pour le kayak, un paysage intact, une hospi talité généreuse et un environnement qui invite à prendre son temps : de bons ingrédients dirait-on pour un voyage à l’autre bout du monde. Ou pour confir mer un vieux proverbe patagon : « Celui qui se dépêche perd son temps. »

Ce voyage du 6 au 14 janvier 2023 est proposé par Destination Red Bull. Réservez dès mainte nant sur destination.redbull.com

PERSPECTIVES voyage
Aniol Serrasolses (2e à partir de la droite) invite à découvrir la nature et le kayak sur le Futaleufú au Chili en janvier 2023.
«
Nous verrons des endroits que l’on n’oublie pas de toute sa vie. »
Aniol Serrasolses a fait du Futaleufú
son nouveau chez-lui.
78 THE RED BULLETIN @MATIASMONDACAPHOTO
RED BULL DONNE DES AIIILES. LE SAUT VERS L‘INDÉPENDANCE ? F R EE ASSESSM E NT Comment surmonter tous les obstacles : www.wingfinder.com

RÉGIME D’AIR

Bien respirer pour rester mince

Le biohackeur professionnel Andreas Breitfeld nous donne des astuces pour améliorer nos vies. Ce mois-ci : voici comment se débarrasser des kilos superflus en respirant correctement.

Exercice à faire au quotidien : s’allonger, poser les mains sur le ventre, respirer. L’objectif est de réduire le mouve ment respiratoire par la pression des mains.

En inspirant, bomber le ventre vers l’extérieur.

En expirant, rentrer le ventre et exercer une légère pression avec les mains.

Respirer profondément par le nez.

Expirer lentement par le nez.

Si, après les fêtes, vous avez le souffle coupé en regardant la balance, c’est un bon début, car respirer moins et retenir régulièrement sa respiration est étonnamment utile pour brûler les graisses. Tout comme respirer par le nez plutôt que par la bouche.

La mini-désacidification

Les circuits de régulation sous-jacents sont très complexes, mais peuvent être réduits à trois domaines. Premièrement, le cortisol, l’hormone du stress, est un frein à la perte de poids. En respirant superficiellement et légèrement et en retenant régulièrement votre souffle, vous détendez votre système nerveux, faites baisser le taux de cortisol dans le sang et brûlez les graisses.

Deuxièmement, la rétention d’air augmente légèrement le pH du sang dans le sens basique pendant une courte période. (Vraiment légèrement, car notre corps nivelle très rapidement et efficace

ment le pH du sang). Cette mini-désaci dification soutient le métabolisme. Troisièmement, votre corps consomme plus d’énergie en raison du manque d’oxygène lorsque vous retenez votre respiration.

À bout de souffle tout au long de la journée

Exercice n° 1 : prenez dix minutes, trois à quatre fois par jour, pour faire un simple exercice de respiration en position allon gée (voir ci-dessus). L’objectif est de res pirer aussi peu et aussi facilement que possible, on ne devrait même pas voir que vous respirez. Ce faisant, il se produit ce que l’on appelle une « faim d’air ». Exercice n° 2 : améliorez la capacité de votre corps à tolérer le CO². Vous pouvez vous entraîner en marchant : maintenez le rythme, mais ne respirez pas pendant 10 pas, puis 15 pas, puis une fois peut-être 20 voire 30 pas. Les expert·e·s peuvent faire jusqu’à 60 ou même 80 pas sans prendre de nouvelle inspiration.

ANDREAS BREITFELD, 49 ans, est le bio hackeur le plus réputé d’Allemagne. Il mène des recherches dans son labo à Munich.

En bref, le BIOHACKING englobe tout ce que les gens peuvent faire de manière autonome pour améliorer leur santé, leur qualité de vie et leur longévité.

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PERSPECTIVES
biohacking
80 THE RED BULLETIN ANDREAS BREITFELD SASCHA BIERL

TAG HEUER

On se jette à l’eau !

En fringante héritière de la magistrale 300, la TAG Heuer Aquaracer Professional 200 est une montre qui allie robustesse et légèreté.

Un modèle conçu pour l’eau dans tous ses états : plongée sous-marine, escalade sur glace, ou décollage en speed flying (sport de ski extrême avec mini parachute). Véritable bijou de performance de 40 millimètres de diamètre pour onze milli mètres d’épaisseur, l’Aquaracer Professional 200 est légèrement plus fine que son aînée. Ce mo dèle TAG Heuer est disponible dans deux versions, à quartz ou automatique.

Prix : 2 100 CHF (quartz), 2 800 CHF (automatique) ; tagheuer.com

VISIBILITÉ OPTIMALE

CONTRASTE SUBTIL

Maillons extérieurs brossés, maillons intérieurs polis.

ROBUSTE ET ÉLÉGANTE

Boîtier en acier inoxydable avec lunette tournante 12 faces.

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82 THE RED BULLETIN WOLFGANG WIESER
Caractéristiques classiques : index trapèze, aiguilles glaives avec lisibilité optimale grâce au Super-LumiNova.

TEXAS Magie de l’harmonie

Sharleen Spiteri, chanteuse du groupe Texas, présente les quatre chansons qui ont marqué sa vie et sa musique à tout jamais.

Sharleen Spiteri sait comment concocter des disques exceptionnels. Un coup d’œil à la discographie de la chanteuse et compositrice écossaise suffit pour s’en convaincre. Elle débarque sur la scène musicale des années 80 à la tête du groupe Texas. Le single Say What You Want, (1997) annonce le succès de leur 4 e album White on Blonde, acclamé par la critique. D’autres hits suivront, puis le best of du groupe qui se vendra à plus de deux millions d’exemplaires. Spiteri est connue pour son souci du détail. « Quand je parle de musique, je peux devenir franchement cassepieds. Petite, je m’enfermais des heures dans ma chambre pour écou ter des disques. Je disséquais chaque chanson une à une… » Ce qui lui a permis de découvrir ses quatre titres préférés et composer des mélodies magnifiques.

THE BEATLES HELP (1965)

« Ce contre-chant qui commence avant la mélodie principale est vraiment extraordinaire. Et puis il y a ce je ne sais quoi de très parti culier, voire d’inexplicable, propre aux groupes de Liverpool. Ce n’est pas l’accent, ni la diction, mais la façon dont ils savent placer leurs harmonies : ça n’existe que dans cette région d’Angleterre, la Mersey side, c’est quasiment inimitable. »

MARVIN

YOU’RE ALL I NEED TO GET BY (1968)

« Marvin et Tammi, pour moi, c’est la quintessence du duo. La chaleur et les tonalités hypnotiques de leurs harmonies sont inégalables, le son de leurs voix, entremêlées, du miel pour les oreilles. Réunir les plus grandes stars musicales du monde pour un duo ne sert à rien si leurs voix ne sont pas en parfaite harmonie. »

BOB MARLEY STIR IT UP (1973)

« En parlant d’harmonies, voici la chanson parfaite pour apprendre ce que c’est vraiment. Le chant est d’une limpidité phénoménale, la production parfaitement au point.

Il existe une version vraiment super et de très bonne qualité enregistrée par Bob lors de l’émission de variété The Old Grey Whistle Test sur la BBC, avec Peter Tosh et Bunny Wailer comme choristes. Magnifique ! »

THE RONETTES

BREAKIN’ UP (1964)

« Ce que j’adore chez The Ronettes, c’est cet élément un peu punk. Tout n’est pas propre et lisse, mais c’est justement cette trépidation et ce côté brut de décoffrage des mélodies qui me fascine. Phil Spector a fait un travail de production exceptionnel. Et si vous voulez recevoir une leçon magistrale en matière de aaaah, vous n’avez qu’à écouter attentive ment la partie centrale. »

GAYE & TAMMI TERRELL
PERSPECTIVES playlist
Scannez le QR code pour accéder à la playlist de Sharleen Spiteri sur Spotify. texas.uk.com
THE RED BULLETIN 83 JULIAN BROAD WILL LAVIN

POLARS SCANDINAVES

L’inspecteur Harry

Le maître du Nordic Noir : avec Harry Hole, le célèbre auteur de best-sellers norvégien Jo Nesbø a crée un parangon de littérature policière. Du grand cru.

Si vous êtes du genre à flâner dans les rayons polars d’une librairie ou de son équivalent en ligne, vous remarquerez probablement que l’alpha et l’oméga de la littérature policière contem poraine sont un Å et un Ø. Les explications de cette domi nation presque dantesque du genre par les auteurs et autrices scandinaves ne manquent pas, même si cer taines sont assez tirées par les cheveux. Le climat froid qui se prête parfaitement

aux meurtres glacés, les lon gues nuits du Grand Nord qui réveillent les côtés sombres des gens ou, pour certains cri tiques, une concurrence euro péenne pataude qui se régio nalise jusqu’à l’écœurement avec des intrigues à la « pen dant une fête de pompiers, un cultivateur de betteraves est retrouvé avec une fourche plantée dans le dos. Un poli cier de village excentrique se lance dans l’enquête sur son vélo pliant ». Quoiqu’il en soit, le mieux est encore de jeter un coup d’œil à l’histoire litté

raire récente pour saisir véri tablement ce phénomène du « Nordic Noir ».

Dès le milieu des années 1960, le duo d’auteurs sué dois Maj Sjöwall et Per Wahlöö posent les jalons du genre d’une manière qui fait encore référence aujourd’hui. Dans leur célèbre série consa crée à l’inspecteur Martin Beck, le couple d’auteurs n’hésite pas à aborder des thématiques sociopolitiques et s’attire ainsi les faveurs d’un nouveau lectorat. Sjöwall et Wahlöö ont créé LA for mule qu’Henning Mankell, Stieg Larsson, Liza Marklund, Håkan Nesser ou Arne Dahl reprendront bien des années plus tard pour peaufiner le fameux modèle polar suédois, qui continue aujourd’hui encore de remplir les tiroirs

PERSPECTIVES le coin lecture
84 THE RED BULLETIN VINZ SCHWARZBAUER
Texte JAKOB

Première partie, chapitre 1, 1 er paragraphe

Un oiseau gris passa dans le champ de vision de Harry, qui tambourinait sur le volant. Temps ralenti. La veille au soir, quelqu’un avait parlé à la télé de temps ralenti. C’en était un exemple. Comme le 24 décembre au soir, lorsqu’on attend le père Noël. Ou sur la chaise électrique, avant la décharge. Il tambourina de plus belle.

CHAUDEMENT RECOMMANDÉS De sang froid

Quatre auteurs de romans policiers scandinaves qui se vendent à des millions d’exemplaires à l’échelle internationale.

caisses du monde entier. Iro niquement, deux des protago nistes les plus célèbres de ce boom littéraire ne sont pas suédois : d’un côté, le Danois Jussi Adler-Olsen, de l’autre, celui qui est sans doute le meilleur représentant actuel du « Nordic Noir », le Norvé gien Jo Nesbø.

Fils d’une bibliothécaire, Nesbø, né à Oslo en 1960, baigne pour ainsi dire dans la littérature dès son plus jeune âge, même s’il s’y intéresse très peu. En effet, le petit Jo rêve de devenir un grand foot balleur professionnel, carrière bien vite étouffée dans l’œuf à cause d’un ligament croisé. Fraîchement diplômé d’une formation commerciale, Nesbø fonde en 1992 le groupe pop Di Derre, qui, s’il connaît un certain succès en Norvège, passe complète ment sous le radar internatio nal. Jo Nesbø replonge alors dans son bain de jeunesse. Excellente décision.

Récompensé par le prix Riverton et le prix du polar scandinave, son premier roman, L’homme chauve-sou ris (1997) marque la première apparition de l’inspecteur principal Harry Hole, l’un des flics les plus charismatiques de la littérature policière.

Comme l’explique lui-même Jo Nesbø : « Je me souviens m’être longuement demandé si je devais faire de Harry un de ces héros un peu diffé rents, gay, prêtre, handicapé, ou quelque chose dans ce genre, ou si je devais m’en tenir aux stéréotypes du

polar hardboiled, et me concentrer sur un solitaire qui croule sous les pro blèmes. J’ai délibérément choisi cette seconde option ». Excellente décision bis. Hanté par un démon nommé Jim Beam, Harry Hole est une véritable bombe à retarde ment. Mais c’est aussi un redoutable enquêteur capable d’une telle empathie pour ses suspects et sus pectes que le grand Hercule Poirot en personne s’en arra cherait la moustache. Et ce qui rend sa personnalité encore plus attachante, c’est qu’Harry est autant un obser vateur cynique qu’un incorri gible romantique.

Jo Nesbø atteint véritable ment sa vitesse de croisière avec la troisième enquête d’Harry Hole, Rouge-gorge (2000). À ce jour, dix autres volumes ont suivi, tous de véri tables pépites du genre : du polar dur, sombre et haletant.

HENNING MANKELL

Sans l’inspecteur Kurt Wallander, la franchise « polar suédois » n’existerait pas. Le style de Mankell est concis sans être simpliste, il croque ses personnages avec une précision magistrale et ses in trigues sont enracinées dans un contexte social. Le rythme est quant à lui délibérément contemplatif. Tirée à plus de 30 millions d’exemplaires, la série reste n° 1, même sept ans après la mort de Mankell. Meurtriers sans visage (Seuil)

HÅKAN NESSER

Après s’être hissé parmi les meilleurs du genre avec la série Van Veteren, Håkan Nesser, pour sa deuxième série à succès, mélange habilement la froide analyse scandinave et le tempéra ment méridional avec son ins pecteur italo-suédois Gunnar Barbarotti. D’un point de vue stylistique, Nesser, à l’instar de Mankell, ralentit l’action pour mieux mettre l’accent sur l’aspect psychologique. Homme sans chien (Point)

JUSSI ADLER-OLSEN

La flopée de polars suédois rencontre une féroce concur rence danoise : avec sa série de best-sellers autour de Carl Mørck, chef d’une bri gade spéciale (environ 23 mil lions d’exemplaires vendus), Adler-Olsen réussit un sacré tour de force : celui de faire grincer remarquablement les rouages du suspense tout en faisant la part belle à l’hu mour entre mares de sang et forêts lugubres. Miséricorde (Le livre de poche)

En bon chirurgien du noir, Arne Dahl opère également à la croisée du roman policier et du thriller. Avec L’équipe A, sa première série à succès sur une équipe d’enquêteur· rice·s atypiques, il prend place parmi les cinq grands du polar suédois. Sa nouvelle série, Sam Berger & Molly Blom, fait des étincelles au tant entre les deux collègues que tout oppose qu’au niveau du suspense impitoyable. Le dernier couple qui en sort (Actes Sud)

JO NESBØ Rouge-gorge Une enquête de l’inspecteur Harry Hole (Folio Policier) ARNE DAHL
THE RED BULLETIN 85

PERSPECTIVES

gaming

Rumbelverse, un jeu de Battle Royal, où la der nière personne debout gagne.

RUMBLEVERSE

C’est la lutte finale

Oubliez Fortnite, c’est maintenant l’heure de la lutte. Place à la Wrestlemania

Si les noms de Triple H et Hardy Boyz vous sont fami liers, il y a de fortes chances que vous soyez adepte des jeux vidéo de lutte tels que WWF Wrestlemania. Mais depuis, les batailles multi joueur·euse·s en ligne comme Fortnite, où le dernier person nage debout gagne, ont pris le relais. Suintant l’atmosphère de combat, chaque ronde de Rumbleverse commence en vous déposant, vous et 39 autres, au hasard dans son aire de jeu, la tentaculaire Grapital City. Le but ? Combi ner suffisamment de coups de coude, de choke slams et de coups de chaise en acier pour devenir le seul survivant. Le streameur Twitch Aaron Slamani, alias Settanno, 27 ans, fait partie de la

première vague de gameurs et gameuses. Basé à Londres, il a enregistré la première série de trente victoires consécutives, faisant de lui un champion incontesté. « La connaissance des jeux de combat ne vous servira à rien », explique-t-il, ajoutant que celles et ceux qui ont été élevés au régime des jeux de plateformes des années 90 pourraient s’épa nouir dans le monde simpliste de Rumbleverse, imprégné d’arcade. Il révèle ici comment dominer, même si vous êtes moins solide que The Rock...

Élevez-vous

Plutôt que de se battre contre la première personne qu’il rencontre, Settanno se dirige vers les hauteurs pour avoir un bon point de vue, éviter les ennuis et observer l’action qui se déroule plus bas. « L’avan tage de l’altitude signifie que vous êtes parfaitement placé pour lancer des attaques sur les adversaires au-dessous de vous. Peu importe le nombre d’heures de jeu à son actif, on n’est jamais à l’abri d’un coude qui nous tombe dessus. »

Faites le tri

Chaque groupe de quarante personnes comprendra des novices qui s’initient à Rumble verse, mais il y aura aussi une poignée de lutteur·euse·s

chevronné·e·s. « Si vous pou vez identifier un adversaire fort, éliminez-le rapidement, explique Settanno. Frappez en premier et frappez fort ! »

Remettez à plus tard

Une dérouillée ? Sauvez-vous.

« Vous pouvez escalader un bâtiment ou plonger dans une ruelle. C’est ainsi que je gagne beaucoup de parties », révèle Settanno. Vous n’arrivez pas à ébranler votre adversaire ? Rejoignez d’autres bastons. « Même si cet ennemi ne s’en prend pas à quelqu’un d’autre, un·e autre joueur·euse peut l’intercepter pour vous. »

Décrochez

Comme si éviter un assaut de slams et de takedowns ne suffisait pas, vous devez éga lement faire face à une aire de jeu toujours plus petite. Mais il est possible d’utiliser cela à votre avantage. « Quand vous sortez du cercle, un décompte de 10 secondes s’enclenche, explique-t-il. Sachez gérer ce décompte et vous pourrez chercher en dehors de la zone des armes supplémentaires au fur et à mesure que le jeu avance. »

Armez-vous

Si vous survivez jusqu’au dernier face-à-face, il y a une arme que vous voudrez avoir dans votre arsenal : la chaise en acier ! « Si vous tapez quelqu’un contre le mur à l’aide de cette chaise, il sera assommé, et vous pourrez le frapper à nouveau : un wall splat ne pardonne pas. »

Rumbleverse est dispo en téléchargement gratuit sur Windows, PlayStation et Xbox ; rumbleverse.com

« Frappez en premier et frappez fort ! »
Settanno, streameur Twitch
86 THE RED BULLETIN JOE ELLISON

Le Milo a une portée maximale de 600 mètres, mais ce potentiel est multiplié par chaque dispositif ajouté sur le réseau crypté et sécurisé.

PERSPECTIVES matos

COMMUNICATION

Speak easy

Tchatchez en pleine nature grâce à ce système de communication mains libres.

Le cœur de Peter Celinski bat à tout rompre. Du haut de l’une des pistes noires les plus redoutables de ColombieBritannique, il vient de voir ses deux garnements se jeter sur la pente couverte de poudreuse pour disparaître dans les pins en contrebas. Trop tard pour leur crier de s’arrêter, il n’a plus qu’à cro cher des skis pour se lancer sur leurs traces.

C’est en bas de piste que l’expert en réseau audionumé rique, recouvert de neige après plusieurs chutes, a une illumi nation grâce à ce bain glacial. Au lieu d’utiliser des télé phones (faible signal) ou des talkies-walkies (peu pratiques et encombrants) pour commu niquer en montagne, pourquoi ne pas créer une alternative mains-libres connectée en permanence ? Milo est né.

Le concept est simple.

Rond, plat et facile à accro cher à tous les supports, Milo est équipé de six microphones numériques anti-bruits para sites et d’un haut-parleur. On peut également le connecter à des écouteurs Bluetooth ou filaires. Après synchronisation, ce petit appareil permet de

montagne.

communiquer avec vos homo logues comme si elles et ils étaient à deux pas de vous via un réseau crypté, sécurisé et ininterrompu, pour une expérience outdoor collective inoubliable.

Étanche pendant trente minutes à un mètre de profon deur, la batterie du Milo dure une journée entière. Véritable révolution pour tous les sports extrêmes en groupe, il pourrait bien sonner la fin du talkie-walkie. okmilo.com

THE RED BULLETIN 87
Milo assure une liaison optimale en TIM KENT CHARLIE ALLENBY

mars au 2 avril

L’APPEL DE LA MONTAGNE…

… pour la fin de la saison. Le Freeride World Tour fête sa finale à l’Xtreme Verbier, sur le légendaire versant nord du Bec des Rosses. Aucune autre montagne n’est plus redoutée par les coureurs et les coureuses que ce massif des Alpes valaisannes. Le parcours mène du départ à 3 223 mètres d’altitude à l’arrivée, 500 mètres plus bas, avec une pente de 60 degrés par endroits. Cela en fait l’une des descentes les plus difficiles au monde. freerideworldtour.com

janvier

12ENTRE DEUX

Quelle est la différence entre le freeride et le freestyle ? Le premier se déroule dans la poudreuse, le second dans un fun park. Un hybride : le backcountry freestyle. Le meilleur moyen de voir à quoi cela ressemble est de participer au Backcountry Invitational. Le concours aura lieu entre le 12 janvier et le 10 février (la date exacte sera communiquée 48 heures avant). nendaz.ch

au 22 janvier BIENVENUE À BORD

Le Laax Open est l’événement de snowboard le plus presti gieux d’Europe. 300 pros du snowboard, comme Leon Vockensperger (photo), et pour la première fois aussi du freeski, se mesurent sur le Crap Sogn Gion dans les disciplines Halfpipe et Slopestyle. En direct sur redbull.com/laaxopen23

et 28 janvier ICE, ICE, BABY

Vous avez déjà fait de l’escalade sur glace ? C’est un peu comme de l’esca lade classique, sauf qu’il s’agit de planter des pio lets dans la paroi. Les meil leur·e·s dans cette disci pline s’affrontent lors de l’Ice Climbing Worldcup à Saas Fee. Plus de cent athlètes de vingt pays y montrent leur habileté dans le Ice Dome de 32 m de haut. Celles et ceux qui le souhaitent peuvent bien sûr s’y essayer. iceandsound.com

février ATTENTION, AIRE DE JEU

L’élite du Slopestyle débarque à Bad Gastein (Autriche) et transforme la station en funpark. Lors du Red Bull Playstreets, les stars du freeski montrent l’étendue de leurs talents dans les rues étroites en exécutant leurs meilleurs tricks. L’entrée est gratuite pour le public. Si vous trouvez le chemin trop long, vous pouvez les suivre en direct, dès 19 heures, sur Red Bull TV. redbull.com/playstreets

PERSPECTIVES
agenda
27
18
25 10
88 THE RED BULLETIN @FREERIDEWORLDTOUR/JEREMY
BERNARD, LAAX OPEN/RUGGLI, MANUEL MARKTL/MINE CREATIVE/GASTEINERTAL TOURISMUS GMBH

COMPÉTITION MUSICALE

Le duel de l’année

Le 11 février 2023, deux pointures du hip-hop suisse s’affronteront à Genève lors du Red Bull SoundClash. Chronique d’un choc des titans annoncé entre Danitsa et Di-Meh.

Dix-sept ans déjà qu’a eu lieu la première édition du Red Bull SoundClash, le battle musical de tous les superla tifs. Dix-sept ans d’un succès qui ne faiblit pas, bien au contraire. Pour son édition 2023, ce spectaculaire battle en live nous réserve une édi tion inédite : le 11 février pro chain, pour la première fois de son histoire, il aura lieu dans l’ouest du pays, en Suisse

romande. Et pour relever cette joute verbale et musicale ex ceptionnelle à l’Arena de Ge nève, l’équipe organisatrice a tout simplement fait appel aux deux plus grandes stars du hip-hop de Suisse romande. Danitsa et Di-Meh ont profon dément marqué la scène mu sicale suisse de ces dernières années. Collaboratrice régu lière au sein du collectif Little Lion Sound, Danitsa été élue meilleure artiste de Romandie

aux Swiss Music Awards 2018 et 2022. Di-Meh, quant à lui, est membre de la clique Superwak aux côtés de Maka la, Slimka et Varnish la Piscine et fait partie des patrons du rap suisse. Ses spectacles débordant d’énergie ont per mis à sa réputation de dépas ser les frontières du pays. Si ces deux talents exception nels ont l’habitude de se pro duire ensemble, c’est sur deux scènes opposées qu’ils de vront tout donner lors du pro chain SoundClash. Au menu : créativité artistique absolue.

redbull.com/ soundclash switzerland

PERSPECTIVES Red Bull Soundclash
Une salle comble, des beats puissants… Instantané du SoundClash 2014 au Maag Event Hall de Zurich.
90 THE RED BULLETIN JEAN-CHRISTOPHE DUPASQUIER/RED BULL CONTENT
POOL,
CLEMENT ARDIN, ALAMY

Puissance quatre

Ce qui rend le SoundClash tellement unique, c’est que les artistes participants, en plus de se livrer à un battle homérique, doivent égale ment rivaliser de talent lors de quatre duels au sommet. Ce n’est qu’à l’issue des ces duels que l’on saura le nom du roi ou de la reine du rap. Des rounds baptisés Cover, Takeover, Clash et Wildcard au cours desquels elles et ils doivent réinterpréter leurs propres chansons, reprendre celles de leur adversaire et emballer le public avec leur prestation et celle de guests surprises issu·e·s de la scène musi cale : l’occasion rêvée pour Danitsa et Di-Meh de s’atti rer les faveurs du public, car c’est l’intensité des applaudissements qui déci deront du ou de la gagnante du SoundClash.

IL N’EN RESTERA QU’UN·E SEUL·E

Plus d’amitié qui tienne lors du SoundClash: Danitsa et Di-Meh ont beau avoir l’habitude de se produire ensemble, c’est en tant qu’adversaires qu’elles et ils monteront sur scène en février.

THE RED BULLETIN : Votre amitié ne date pas d’hier et pourtant, vous allez vous affronter au SoundClash. Pourquoi ?

DANITSA : Au départ, je n’étais pas trop sûre de vouloir participer au SoundClash. Je suis une personne très positive et je me suis toujours dit que les battles n’étaient pas mon truc. Mais Di-Meh m’a dit : « Faisons-le à notre sauce en mettant l’accent sur le show en lui-même plus que sur la compétition. »

DI-MEH : Le SoundClash me permet de concréti ser l’idée que je me fais d’une scène, de savoir si je veux des danseurs, un groupe en live ou ce genre de choses. Ça me plaît beaucoup ; pour moi, c’est une nouvelle source d’expression.

Donc peu importe qui l’emportera ? DI-MEH : Je recherche le plaisir avant tout, d’ac cord, mais après, c’est clair que je veux rempor ter ce duel. Et j’ai une ou deux bottes secrètes en réserve, donc je suis entièrement convaincu de ma victoire. (rires)

DANITSA : J’ai moi aussi prévu quelques trucs de malade qui devraient scotcher Di-Meh. (rires) Je pense que lui et moi, on s’investit énormé ment dans nos spectacles, donc peu importe

qui gagne : au final, on aura une bonne raison de faire la fête. Ceci dit, j’ai bien entendu prévu un show pour jouer la gagne.

Quels sont vos points forts ?

DI-MEH : Mon énergie, évidemment ! Je kiffe la scène, c’est un peu ma marque de fabrique.

DANITSA : Même soumise au stress et à la pres sion, je ne perds jamais confiance en moi parce que je sais que je travaille dur.

DI-MEH : Je suis bien conscient que Danitsa sera extrêmement bien préparée. C’est une femme forte, ça sera dur contre elle.

Justement, quels sont vos avantages par rapport à l’autre selon vous ?

DI-MEH : Danitsa a l’habitude de se produire avec des groupes, ça devrait l’avantager.

DANITSA : Di-Meh connaît tout un tas d’artistes et a plein de contacts dans le monde de la mu sique. Les artistes qu’il va faire venir sur scène au SoundClash sont tous ses potes. Au cours de ma carrière, je n’ai pas fait beaucoup de featuring, mais je suis quand même persuadée qu’il sera étonné de tout ce que j’ai concocté.

Du coup, vous avez quel genre d’attentes pour ce duel de l’année ?

DANITSA : Je n’ai aucune attente, juste essayer de proposer un show vraiment spécial. Au final, tout dépendra du public. Même si je réussis quelque chose d’extraordinaire, c’est possible que la communauté de Di-Meh soit plus grande et que cela l’aide à gagner.

Di-Meh, 27 ans, travaille d’arrache-pied sur ses arrangements uniques.

Danitsa, 27 ans, en est convaincue : son show va faire des étincelles.

DI-MEH : Ça serait génial, évidemment, mais même si tout le monde n’est pas là pour moi, j’espère qu’on va remplir la salle. Le spectacle vit grâce au public.

Et ça vous rend nerveux ?

DI-MEH : J’habite quasiment sur scène, donc même si le SoundClash est un show un peu différent, ce genre de trucs ne me rend pas nerveux. Je fais assez facilement abstraction. Mon vrai défi sera d’interpréter les morceaux d’une manière inédite et différente. Mon plan est donc de beaucoup m’entraîner.

DANITSA : Pas encore. J’ai fait plus de soixante concerts avec mon groupe cette année, ce qui me procure une certaine sérénité. Et si tout ne se déroule pas comme prévu lors du Sound Clash, ce n’est pas un drame. Toute cette prépa ration, tous ces arrangements uniques pour mes morceaux me serviront aussi pour mes futurs spectacles en 2023. Donc quoiqu’il arrive, le SoundClash, ce n’est que du bonus.

« Je ne perds pas confiance, même sous la pression ! »
« C’est une nouvelle source d’expression ! »
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CLÄRENORE STINNES LA FEMME D’ACIER

Lorsque la jeune Clärenore Stinnes boucla, au terme d’un périple de 47 000 kilomètres parcourus en deux ans, le premier tour du monde jamais réalisé en voiture – au volant d’un modèle de série tout à fait banal conçu pour la ville et les routes goudronnées – ma mère avait tout juste quatorze ans.

Son père – mon grand-père – était mécani cien, ce qui était à l’époque un métier encore rare et respecté. Ma mère avait conservé dans un album toutes les coupures de journaux parlant de « Mademoiselle Stinnes » et avait même réussi à y glisser une photo dédicacée de la célèbre pilote allemande, qu’elle avait obtenue grâce à des relations de son père.

L’Autrichien est considéré comme l’un des meilleurs conteurs du monde germano phone. Dernière parution en français : La petite fille au dé à coudre, Éd. Jacqueline Chambon, 2017.

J’ai hérité de l’album et de cette précieuse photo : on y voit Clärenore Stinnes posant fèrement à côté de son Adler Standard 6 – une six-cylindres produite en série par le constructeur automobile Adler à Francfort, avec 50 chevaux, traction arrière, freins hydrauliques, trois vitesses.

La jeune femme de 26 ans tient une cigarette de la main droite, une paire de gants de la main gauche et sur la tête, une casquette en cuir. Elle est habillée comme un homme, avec costume et cravate, et sourit d’un air absent – ce fut du moins mon impression.

Ma mère, qui venait de la petite ville de Cobourg en Bavière, fut l’une des plus ferventes admiratrices de Clärenore Stinnes à cette époque, et la première femme de sa ville natale à passer son permis de conduire.

Un acte pionnier uniquement rendu possible par le fait que mon grand-père était personnellement inter venu pour lui permettre de franchir le pas. Pensez donc :

voir une femme au volant était encore plus étrange que de voir une femme enseigner à l’université. L’incroyable histoire de Clärenore Stinnes, ma mère a bien dû me la raconter une bonne centaine de fois.

Née à 1901 à Mülheim en Allemagne, Clärenore était la flle d’Hugo Stinnes, magna de l’acier et l’un des plus riches industriels du pays. Elle était la préférée de son père, qui ne tenait pas grand cas de ses autres frères. Il lui apprit à conduire mais aussi à apprécier l’ivresse de la vitesse : pour lui, disait-il, une voiture n’était pas faite pour transporter des gens mais pour le plaisir d’aller vite – le plus vite possible. En ces temps pionniers de l’automobile, nombreuses étaient encore les voix qui s’éle vaient contre les dangers physiologiques de la vitesse : des scientifques racontaient même qu’au-delà d’une vitesse de 50 km/h, le corps humain subissait des déformations irréversibles.

Hugo et Clärenore Stinnes n’en croyaient pas un mot. « Et quand bien même, disait l’industriel alle mand, nous saurons survivre à ces déformations. » Il faisait une telle confance à sa flle qu’il en avait fait son assistante et sa confdente, en l’initiant aux secrets de l’entreprise. Quand il mourut prématurément, la jeune femme de 23 ans, écartée des affaires de l’entreprise par sa mère et ses frères, décida d’honorer la mémoire paternelle en se lançant dans la course automobile.

La même année, elle prit part à la première de ses nombreuses courses – face à des concurrents toujours

BOULEVARD DES HÉROÏNES
MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins hors du commun de personnages inspirants – dans le respect des faits et de sa liberté d’écrivain. Ce mois-ci, comment le premier tour du monde en voiture fut bouclé par une femme. MICHAEL KÖHLMEIER
92 THE RED BULLETIN MICHAEL KÖHLMEIER BELICTA CASTELBARCO, CLAUDIA MEITERT GETTY IMAGES (3)
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exclusivement masculins – et remporta, durant les trois années qui suivirent, pas moins de dix-sept victoires.

Forte de cette expérience, elle décida de placer la barre des défs encore plus haut : cette fois-ci, elle deviendrait le premier être humain à boucler un tour du monde en voiture – à une époque où les routes étaient encore en majorité de simples pistes – quand elles existaient ! Quant aux cartes routières… Ma mère me racontait que Clärenore Stinnes avait organisé l’ex pédition toute seule, tentant de se procurer le plus de cartes possible, téléphonant dans tous les consulats et les comptoirs commerciaux de par le monde pour avoir des renseignements sur les pays traversés, rassemblant tous les visas et autres laisser-passer nécessaires pour la poursuite de cet extraordinaire périple.

Elle reçut de la frme Adler le dernier modèle sorti de leur usine et acheta un petit camion pour y transporter le carburant et les pièces de rechange – il n’y avait alors ni station-service ni garage dans les régions traversées.

Pour l’aider dans son entreprise, elle recruta un mécanicien ainsi qu’un chauffeur pour le camion. Et parce qu’il était hors de question de dormir dehors pen dant un an : Clärenore demanda au constructeur Adler de faire en sorte que les sièges de sa berline soient rabat tables et puissent servir de couchettes la nuit. Enfn, dans leurs bagages, les trois aventuriers avaient prévu d’emmener suffsamment d’armes à feu et de couteaux pour prévenir les attaques des bandits de grand chemin.

Certains passages avaient la réputation d’être de véritables coupe-gorges. Pour parfaire cet attirail de protection, Clärenore emporta avec elle deux grands chiens de race Terrier, Billy et Lilly. Coût total du projet : 100 000 marks allemands de l’époque. Une somme exorbitante qu’elle assuma en se faisant verser sa part d’héritage.

Il lui manquait cependant la pièce la plus importante de son expédition, celle qui lui permettrait de laisser une trace et d’entrer dans l’Histoire : un caméraman. Deux jours avant le départ, elle ft la connaissance, lors d’un spectacle de danse qu’on avait organisé pour célé brer son départ, d’un photographe-caméraman profes sionnel, le Suédois Carl-Axel Söderström.

Ma mère me racontait que Clärenore Stinnes s’était dirigée droit vers lui et avait lancé, en lui pointant les clés de sa voiture devant le nez : « Vous ! Venez avec nous ! » Ce à quoi Söderström avait répondu : « Permet

tez au moins que je me change ? » Oui, avait rétorqué l’aventurière – mais qu’il se dépêche !

À ce moment du récit, j’interrompais ma mère : « Es-tu bien sûre que les voitures avaient des clés de contact, à l’époque ? »

« C’est tout à fait toi, ça : toujours à t’arrêter à des détails ! »

« Pardon. Continue ! »

Clärenore Stinnes avait établi la route et les étapes le plus précisément possible : pour tout le reste, elle savait qu’il allait falloir improviser. La première partie du périple les conduisit à travers les Balkans jusqu’en Russie, puis à travers la Sibérie et le désert de Gobi jusqu’à Pékin.

En Russie, la voiture et le camion avançaient pénible ment, kilomètre par kilomètre, sur des routes – plutôt des pistes – de plus en plus boueuses, impraticables et dangereuses : à deux reprises, ils avaient été poursuivis par des hordes de pillards. Un peu après Moscou, les deux mécaniciens jetèrent l’éponge et décidèrent de ren trer chez eux. Clärenore se retrouva seule avec Carl-Axel Söderström.

Ce dernier racontera plus tard qu’il avait passé la pre mière partie de l’expédition à pester contre l’entêtement et la détermination aveugle de sa patronne. Petit à petit, les sentiments à son égard avaient changé et les deux aventuriers avaient fni par tomber amoureux.

« C’était, dira l’intéressée quelques années avant sa mort, alors que son mari Carl-Axel n’était déjà plus de ce monde, c’était comme si nous étions les deux derniers êtres sur Terre. »

« Et que peuvent bien faire les deux derniers êtres sur Terre ? Tomber amoureux, évidemment ! », poursuivait ma mère.

Évidemment.

Après Moscou, le duo Stinnes-Söderström passa par la Sibérie et les villes d’Omsk, Novossibirsk, Irkoutsk : par moins 30° Celsius, ils traversèrent le lac Baïkal gelé et poursuivirent leur route vers Pékin en passant par le désert de Gobi. Puis ils embarquèrent avec leurs deux véhicules sur un cargo qui les emmena au Japon. De là, ils prirent un autre bateau vers Hawaï puis vint le grand périple à travers toute l’Amérique du sud, avec un autre déf de taille : être les premiers à traverser la Cordillère des Andes depuis Valparaiso au Chili. Un projet fou puisqu’il n’existait, dans les années vingt, aucune route pour franchir l’immense chaîne de montagnes : là encore, ils frôlèrent la mort à plusieurs reprises, mais refusèrent d’abandonner.

La dernière partie de l’aventure, sur les routes gou dronnées des États-Unis, fut une partie de plaisir : par tout, ils étaient acclamés par la population, Henry Ford les invita à visiter sa toute nouvelle usine à Detroit – et se montra intéressé par l’idée des sièges rabattables –le président américain Hoover les convia à la Maison Blanche. Restés en tête-à-tête depuis la Sibérie, l’inti mité avait fni par rapprocher la jeune Allemande et son compagnon de route.

BOULEVARD DES HÉROÏNES À Moscou, Clärenore et son caméraman furent livrés à eux-mêmes : « C’était comme si nous étions les deux derniers êtres sur Terre. » 94 THE RED BULLETIN

Le 24 juin 1929, après deux ans d’une odyssée rocambolesque de 46 758 kilomètres, les deux aventu riers arrivèrent à Berlin et furent accueillis en héros par la population.

« Et puis ? », demandai-je à ma mère.

« Et puis quoi ? »

« Qu’est-ce qu’il s’est passé ensuite ? »

« Ils se sont mariés. Évidemment. »

« Sont-ils repartis pour de nouvelles aventures ? Après tout, ils n’étaient passés ni par l’Australie, ni par l’Afrique : ce n’était pas un tour du monde complet ! »

Ce genre de commentaires déplaisait à ma mère : elle rétorqua que les deux continents n’étaient pas sur la route et qu’on ne pouvait pas tout faire d’un coup. Je la fxai du regard : « Et toi ? »

« Quoi, moi ? »

« Ça ne t’a jamais démangée, toi aussi, de partir ? Je veux dire, tu as été la première femme à Cobourg à passer le permis, tu n’as jamais eu envie de suivre un peu les traces de ton modèle ? »

« Ah ! », répondit-elle – avant de se taire. Je savais pourquoi elle se taisait : cette petite pause lui permettait de passer de la frustration à l’ironie, et de l’ironie à la

bonne humeur. Dans un sourire, elle poursuivit : « Tu sais, j’ai appris quelque chose. J’ai appris à répondre à cette question : à quoi servent les modèles ? On pour rait penser que les pionnières et les pionniers sont là pour nous inciter à les imiter. »

À mon tour, je lui posai la question qu’elle attendait de moi : « Et quelle est la véritable raison ? »

« Si elles et ils réalisent des exploits, c’est pour que nous n’ayons plus besoin de les faire nous-mêmes. Puisque c’est déjà fait. »

Clärenore Stinnes et Carl-Axel Söderström se sont mariés et sont partis vivre en Suède pour y travailler dans leur ferme. Ils eurent trois enfants et vécurent heureux. Lui est mort en 1976, Clärenore Stinnes en 1990.

HORS DU COMMUN

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Traverser la Cordillère des Andes était un projet fou : il n’existait à l’époque aucune route.

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