Idées pour un avenir meilleur
Comment la médecine hightech en Suisse réconcilie l’homme et la machine afin de nous maintenir en bonne santé
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Idées pour un avenir meilleur
Comment la médecine hightech en Suisse réconcilie l’homme et la machine afin de nous maintenir en bonne santé
Nicole Thurn est une journaliste de longue date. Elle est également autrice, animatrice et facilitatrice d’ateliers. Pour nous, elle s’est penchée sur les projets de deux Autrichiens dont l’objectif est de développer une énergie nucléaire « sûre » à base de thorium.
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Lorsque nous avons commencé à rédiger ce numéro, l’Europe et le monde étaient confrontés à certains des plus grands défis de notre temps. Six mois plus tard, nous avons réussi à faire beaucoup de choses que l’on ne croyait pas possibles à l’époque, grâce à l’engagement, au dévouement et à l’inventivité. Et grâce à des personnalités qui façonnent notre société avec de nouvelles idées, et en font chaque jour un endroit meilleur.
Michael Sieber est un photographe suisse primé. Ses œuvres ont été publiées entre autres dans GEO, 11 Freunde, Die Zeit et le NZZ Folio. Pour The Red Bulletin Innovator, il a photographié l’avenir virtuel de la médecine avec l’équipe du CHU de Berne.
SUJET DE COUVERTURE, PAGE 62
Nous les appelons les « faiseurs et les faiseuses de courage ». Cette édition leur est dédiée. Elle évoque des projets audacieux visant à remettre notre approvisionnement en énergie sur de toutes nouvelles bases, des pionniers et pionnières de la médecine de demain et de nombreux esprits créatifs qui réinventent tout, de la musique aux vêtements en passant par nos centres urbains, et par une révolution technologique en matière de voilier volant.
Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir et de confiance en l’avenir à la lecture de ce nouveau numéro de The Red Bulletin Innovator !
L’avenir en confiance
Le désir de nouveauté nous est inné. Celles et ceux qui y voient leur vocation changent notre monde.
10 Médecine spatiale
L’astronaute Matthias
Maurer mène des recherches à bord de l’ISS.
12 Une robe en spray
Un liquide qui se transforme en tissu : la mode du futur ?
14 Mister Groovy
Grâce à l’appli MyGroove, Martin Grubinger vous met à la pratique.
16 Confluence
À Zurich, art, économie et technologie se croisent.
18 Lampe magique
Elle produit de la lumière, de l’eau potable et du sel, par la seule force du soleil.
20 Tradi moderne
La Citroën Oli réunit le meilleur de l’ancien et du nouveau.
22 Coup de pouce
Une start-up suisse transforme les drones en boîtes à outils volantes
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La révolution de la voile
Si les bateaux peuvent voler, c’est bien grâce à un travail d’ingénierie méticuleux et audacieux. Comme le démontre les voiliers AC75 du team Alinghi Red Bull Racing.
24 Love Generation
La Suissesse Yaël Meier explique aux entreprises comment fonctionne la génération Z.
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Les visages du virage
Énergie solaire dans les champs, mini-éoliennes, piles à hydrogène… voilà l’avenir énergétique.
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Expédition dans le virtuel
Le métavers est une énorme entreprise, et tout à fait particulière. Notre auteur s’est « infiltré ».
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Intelligence artificielle
La psychologue Martina Mara et le philosophe Mark Coeckelbergh nous expliquent ce phénomène.
90 Conférence
Urban Future Global réunit les personnalités du changement et des décisions.
92 Optimiser
Le biohackeur Andreas Breitfeld nous aide à être en forme plus rapidement.
93 Mes perles
La fondatrice du podcast
Womens Authors of Achievement parle et partage.
94 Agenda
Six mois remplis d’événements passionnants nous attendent.
96 Chronique
Ali Mahlodji raconte comment nos peurs peuvent nous rendre plus forts.
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Opération Austrotom
Deux Autrichiens veulent rendre la l’énergie nucléaire sûre, propre et bon marché. Merci le thorium !
98 Humour
Notre illustratrice
La Razzia porte son regard sur l’avenir.
STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.
Le 23 mars 2022, l’astronaute de l’ESA
Matthias Maurer a effectué une sortie extravéhiculaire depuis l’ISS.
ENVOYÉ SPATIAL
L’astronaute allemand Matthias Maurer réalise dans l’espace des expériences destinées à faire avancer la recherche médicale sur Terre.
Alors que l’humanité tente depuis des décennies de trouver des remèdes aux maladies mortelles, faut-il espérer que ça nous tombe un jour du ciel ? « Oui ! », nous répond Matthias Maurer, 53 ans, qui voyage dans l’espace pour le compte de l’Agence Spatiale Européenne. Pour lui, la recherche spatiale n’est pas un luxe de milliardaires en mal de destinations insolites : c’est un des moyens les plus effcaces de booster et de tester les avancées scientifques, notamment dans le domaine médical.
Sa dernière mission, pour laquelle il succédait à Thomas Pesquet, l’a envoyé à bord de la Station Spatiale Internationale pour une durée de six mois. Baptisée Cosmic Kiss, cette mission avait pour objectif de réaliser une centaine d’expériences dans les domaines les plus variés
– recherche fondamentale, physique, biologie, médecine et observation terrestre.
Matthias Maurer est particulièrement fer de certaines avancées qui ont été testées pendant sa mission. L’expérience Touching Surfaces a ainsi permis de « mettre au point des surfaces totalement anti-microbiennes, en traitant au laser des matériaux tels que l’acier, le cuivre ou le laiton. Après le traitement, ces surfaces détruisent tous les microbes, les virus et les bactéries qui entrent en contact avec elles ». Une découverte de la recherche spatiale qui pourrait trouver de nombreuses applications sur Terre, dans le domaine médical.
De tels matériaux peuvent dès aujourd’hui être utilisés pour les stimulateurs cardiaques et
« Nous avons testé un petit muscle cardiaque en milieu spatial : il s’est mis à fonctionner pour de vrai – c’est de la science fiction ! »
les stents (endoprothèses vasculaires, ndlr) » Un progrès qui sauverait potentiellement des millions de vies, quand on sait que les implants actuels occasionnent, auprès de la moitié des patiente·s, des infections qui peuvent s’avérer dangereuses, voire même mortelles.
Retombées du ciel
Mais ce n’est pas tout : selon Matthias Maurer, le traitement au laser testé au sein de la Station spatiale internationale (ISS) a également montré que « la résistance thermique surfacique diminue de 80 % par rapport à celle d’autres alliages ». Un avantage qui pourrait servir à booster la performance des panneaux solaires « d’environ 30 %, ce qui permettrait d’apporter une solution concrète aux défs énergétiques que l’on rencontre sur Terre ».
Labo sur orbite
Une autre expérience réalisée par l’astronaute allemand et son équipe lui tient particulièrement à cœur : baptisée Lab-on-Chip, elle consiste à « mettre en culture des petites cellules cancéreuses et à tester différents fuides ou médicaments sur elles. De telles manipulations réalisées en milieu spatial permettent, grâce à la visualisation 3D, de voir instantanément comment la tumeur réagit. Les expériences réalisées sur Terre dans des conditions classiques en laboratoire ne sont pas toujours fables. Ces expériences en milieu spatial sont forcément bénéfques à la recherche sur le cancer ».
À terme, on imagine aussi qu’elles pourraient mettre fn à l’expérimentation animale. Devant de tels espoirs, il ne semble pas étonnant que notre astronaute ait voulu baptiser sa mission Cosmic Kiss (trad. le baiser cosmique) : « C’est une déclaration d’amour au cosmos, mais aussi à l’ISS, que je considère comme le lien qui unit l’humanité au cosmos, ainsi qu’à toutes les découvertes, passées et à venir, que l’ISS engendre. » esa.int
L’INFO EN PLUS Panneaux solaires, GPS, filtre à eau, scan IRM, appareils sans fil, etc. Plusieurs innovations faites pour l’aventure spatiale font désormais partie de notre quotidien.
Ingénieur et docteur en sciences des matériaux, Matthias Maurer travaille depuis 2010 au sein de l’Agence Spatiale Européenne (ESA).
Originaire de la Sarre, région frontalière de la France, Matthias Maurer aime préparer des spécialités du cru à bord !
Manel Torres mène des recherches sur la fast fashion durable depuis plus de deux décennies.
Lorsque des créateurs vaporisent sur le corps nu de Bella Hadid un liquide qui se transforme en robe, le monde de la mode en reste bouche bée…
La scène se passe dans la Salle des Textiles du musée des Arts et Métiers à Paris, à l’automne 2022 : le défilé Coperni va bientôt se terminer, et pour le clore en beauté, les deux designeurs de la maison française, Sébastien Meyer et Arnaud Vaillant, ont imaginé un numéro qui va bientôt entrer dans l’Histoire de la mode.
Uniquement vêtue d’un simple slip, Bella Hadid se tient au milieu du podium, seule figure éclairée de la salle qui est plongée dans le noir. Le reste a été maintes fois relaté, commenté et relié sur les réseaux sociaux : une robe née de la technique spray-on fabric, invention du designeur et chimiste catalan Manel Torres.
« L’idée m’est venue durant mes études de mode : si l’on arrivait à enfermer des fibres naturelles ou synthétiques dans une bombe aérosol ou un pistolet, ça réduirait instantanément le coût et le temps de production, »
explique Manel Torres. Lors de ses études au prestigieux Royal College of Art de Londres, il décide, avec le soutien d’un ami chimiste, d’écrire son doctorat sur ce qu’on appelle les liquid fabrics (trad. tissus liquides). Un travail colossal qu’il est en quelque sorte « encore en train d’écrire », comme il ajoute en plaisantant – il faut dire que les spray-on fabrics n’en sont qu’au tout début de leur histoire…
Actuellement, Manel Torres travaille avec son équipe au sein du London Bioscience Innovation Centre,
En fait, il s’agit d’un mélange de cellulose, mais le couturier
Manel Torres compare volontiers son spray à du daim.
Vaporisé à l’aide d’une bombe aérosol sur le corps, le liquide devient fibre en quelques minutes.
testant dans son laboratoire d’apprenti sorcier les réactions de différents ingrédients – comme le sel et l’amidon : pour la robe du défilé Coperni, il a ainsi utilisé un mélange de solvant alcoolisé et de fibres de cellulose, qui sont venues s’agglomérer sur la peau pour former un voile.
« C’est la même matière utilisée pour un tee-shirt ou un pull, sauf que c’est sous forme liquide. »
Au contact de l’air, le liquide blanc composé de fibres de coton et de matériaux synthétiques intégrés à une solution polymère se transforme en un voile nontissé : c’est ainsi que la mannequin Bella Hadid se retrouve en quelques minutes habillée d’une robe ultra-fine mais bien opaque. Quand on lui demande ce que l’on pourrait encore confectionner en utilisant
Automne 2022, lors de la Fashion Week à Paris : le monde découvre la robe en spray de Bella Hadid, brevetée par Manel Torres.
L’INFO EN PLUS L’Espagne et le Portugal sont devenus des sites incontournables de la mode durable : les marques Ecoalf, Lefrik, Organique ou Näz célèbrent les tendances slow fashion et upcycling en beauté.
son procédé, Torres répond, enthousiaste : « Tout ! » Que ce soit des pantalons, des chapeaux, des sacs à main, voire des revêtements textiles pour les voitures ou les maisons, ou encore des bandages chirurgicaux… Les débouchés d’un tel procédé sont infinis. Cerise sur le gâteau : chaque pièce pourrait être liquéfiée et réutilisée indéfiniment – sans altérer sa qualité. Concernant le prix de tels vêtements, Manel Torres préfère rester vague : « Prenons la chemise que je porte en ce moment. Elle vaudrait 1 000 livres Sterling chez Chanel et 100 livres ailleurs. »
Mais le fondateur de Fabrican n’est pas près de brader son invention : depuis le dernier show de Coperni, il reçoit quotidiennement 300 à 400 e-mails de personnes intéressées. Quel que soit l’avenir de sa boîte, Torres a déjà réalisé son plus grand rêve : présenter une robe de haute couture à Paris. fabricanltd.com
Fondateur d’une start-up, le percussionniste Martin Grubinger fait découvrir la musique à la jeune génération.
Comment Martin Grubinger, grâce à son application
MyGroove, repense la pratique de la musique et fait swinger un peu plus la planète.
Le batteur et percussionniste Martin Grubinger est mondialement connu. C’est surtout au marimba (une sorte de xylophone géant) qu’il est considéré comme un brillant soliste. Il ne faudrait pas penser pour autant que ce Salzbourgeois de 39 ans est quelqu’un d’égocentrique et réfugié dans sa tour d’ivoire. Au contraire, il aime bien jouer avec les autres et dans des groupes. Transmettre la joie de pratiquer la musique est sa mission. Cela commence déjà à l’université Mozarteum de Salzbourg où il enseigne. À présent, Martin a un nouveau support pour sa mission. Il veut mettre en relation les musiciens et musiciennes du monde
MyGroove est l’interface virtuelle entre la salle de cours, le local de répétition, le studio d’enregistrement et la scène de concert.
entier. Point de rencontre : sa toute nouvelle application MyGroove, qui sera lancée au printemps 2023. Il explique : « J’ai observé que beaucoup d’enfants ne chantent plus ou ne dansent plus. Peut-être parce que l’école ne considère plus la musique comme essentielle. Et peut-être aussi parce que la pratique d’un instrument a été remplacée par YouTube ou la PlayStation. »
Mission : musique
Sur la nouvelle appli, des pistes audio du monde entier sont reliées entre elles pour nous permettre de trouver l’inspiration.
Martin Grubinger veut lutter contre la disparition de la musique jouée à la maison et dans les écoles grâce à la dynamique de groupe. Car selon son expérience, la musique fonctionne mieux dans un groupe : « C’est déjà bien de jouer d’un instrument tout seul à la maison. Mais la meilleure motivation, c’est de
travailler avec les autres sur un bon rythme ou une chanson. Les défis de notre époque et les progrès de la technologie nous permettent de nous retrouver dans un espace en ligne pour faire une jam et apprendre les uns des autres avec des musicien·ne·s du monde entier ». MyGroove propose une interface virtuelle entre salle de cours, local de répétition, studio d’enregistrement et scène de concert.
Cette application novatrice remplit trois fonctions fondamentales : premièrement, elle offre aux musicien·ne·s la possibilité de s’entraîner de manière ludique – en solo, en mode accompagnement. Il est possible de jouer 200 morceaux, appelés « missions », et ce, le plus correctement possible selon plusieurs niveaux de difficulté. Tout comme un jeu vidéo dans lequel il faut franchir des niveaux. La reconnaissance IA développée par l’institut Fraunhofer est pour l’instant compatible avec les instruments les plus joués, à savoir le piano, la guitare, la basse, la batterie, les percussions et le chant. MyGroove affiche la notation, enregistre ta piste sonore, l’analyse et te signale tes erreurs, notamment rythmiques.
Lorsque deux artistes ou plus se réunissent pour célébrer le groove, ils et elles ont déjà l’esprit de la musique en eux, celui du partage. Ce qui nous amène à la deuxième fonction de l’application : MyGroove
peut bien sûr être aussi joué en mode multijoueur. Ici vous pouvez décider de répéter un morceau ensemble ou simplement faire un bœuf. Le batteur peut se trouver dans le Tyrol, le bassiste à Genève, la chanteuse à Singapour et la guitariste à Brooklyn. Ce forum sera également utilisé pour des master class, pour lesquelles Martin a déjà pu convaincre quelques noms connus (voir à droite). Luimême donnera également des cours en ligne.
Le troisième domaine d’application de MyGroove est la scène numérique avec des concerts et des concours permettant de gagner des billets et même des collaborations avec des labels de musique.
La qualité du matériel avec lequel tu utilises l’application est laissée à ton appréciation. Earpods ou casque audio bien isolant, microphone portable ou professionnel : tous les MyGroovistes décident euxmêmes combien ils veulent investir, afin de s’en donner à cœur joie.
mygroove.app
Dans l’application MyGroove, il est possible de jouer 200 morceaux de musique. L’enseignement est prodigué par des artistes qui excellent dans leur domaine.
1 Loreen Sima, basse
2 Hyung Ki Joo, piano
3 Joannie Labelle, percussions
4 Eko Fresh, voix
5 Yasi Hofer, guitare
6 Ben Jud, basse
7 Anika Nilles, batterie
8 Holly Madge, batterie
9 Arto Mäkelä, guitare
L’art à portée de main, c’est ce que propose le Zurich Art Weekend avec plus de cent événements dans soixante lieux.
Événement atypique qui entend bousculer la création artistique en invitant les acteurs et actrices de la société, la deuxième édition du Zurich Art Weekend se tiendra du 9 au 11 juin.
Tout en déambulant dans les rues du centre de Zurich, Charlotte von Stotzingen raconte la genèse de son dernier projet : « L’évolution de l’art est faite de soubresauts, de ces œuvres pionnières où l’artiste emploie pour la première fois un procédé, une technique, qui va se normaliser avec le temps – ce sont ces instants-charnières qui m’ont toujours fascinée. » Cette passionnée d’art contemporain, française d’origine, est la fondatrice du Zurich Art Weekend, un festival inédit de la scène artistique suisse puisqu’il rassemble, sur trois jours, plusieurs disciplines.
« Pour évoluer sur le plan artistique, il faut d’abord se défaire de ses modes de pensée traditionnels et ouvrir
son regard vers la nouveauté. C’est dans cette émergence de nouvelles perspectives, au croisement de l’art, de la science et de l’économie, que nous avons conçu le Zurich Art Weekend. »
En matière d’art et de technologie, Zurich dispose d’un véritable avantage
Lors du Zurich Art Weekend, les artistes parlent avec des expert e s de l’économie et de la science.
L’idée de créer un événement interdisciplinaire lui est venue lors d’un projet qu’elle menait au Kenya autour de l’autonomie numérique.
concurrentiel dans le paysage urbain européen, car elle allie un monde artistique de haut niveau et très diversifé à un paysage technologique révolutionnaire. « Zurich abrite quelques-uns des musées européens les plus avancés, des centres d’art, des galeries, des fondations, des collections et des universités, raconte von Stotzingen. Et c’est aussi un carrefour mondial pour le métavers, avec des entreprises comme Microsoft, Facebook, Google, Disney Research et Magic Leap, qui ont ouvert des bureaux ou des laboratoires de recherche à Zurich. » L’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) abrite le plus grand centre d’IA au monde et héberge son propre centre au Zurich Art Weekend.
Diversité fertile
Replacer l’art au cœur des changements contemporains : Charlotte von Stotzingen veut bousculer la scène artistique.
là aussi, il se passe actuellement beaucoup de choses nouvelles.
Pendant l’événement, des expositions sont organisées dans toute la ville, comme ici à la galerie d’art Liz Larner.
« La scène artistique de Zurich est très diversifée, mais aussi très fragmentée – des grandes institutions artistiques aux petites galeries et aux espaces off, poursuis von Stotzingen. Nous créons les conditions pour regrouper tout cela dans l’intérêt de l’art. » Dans ce cadre, des institutions suisses comme des banques et des institutions scientifques sont également étroitement impliquées. « Non seulement parce qu’elles possèdent elles-mêmes des collections, mais aussi parce que l’art est toujours un bon placement », souligne-t-elle. Et parce que
« Le meilleur exemple d’innovation majeure dans le domaine Tech & Art, ce sont les NFT. D’où cette question : quelles opportunités se créent lorsqu’une œuvre d’art, dans tous ses aspects, y compris fnanciers, peut être reproduite à l’identique dans l’espace numérique ? » Conférences, expositions, concerts, représentations de la Schauspielhaus, discussions et autres événements : le programme du 9 au 11 juin sera chargé, et entièrement gratuit. « Si on décide d’inclure tout le monde, pas simplement les artistes, les banques et les scientifques, il faut que cet événement soit vraiment ouvert à tous les publics. »
zurichartweekend.com
L’INFO EN PLUS Zurich devient le centre de la scène artistique internationale avec expos, visites, débats, ateliers etc. Cela, une semaine avant Art Basel, l’autre grand rendez-vous suisse.
Le Néo-Zélandais
Henry Glogau, 26 ans, s’est spécialisé dans les environnements extrêmes.
L’idée la plus simple est parfois la meilleure : ces lampes fabriquées à partir de plastique et de ruban adhésif produisent de l’eau potable et de la lumière.
Henry Glogau a toujours pensé que ses compétences en design pouvaient servir à apporter des solutions aux défs du monde actuel. Lorsqu’il termine ses études d’architecture en 2018, au lieu de se mettre sur le marché du travail dans son pays natal, la Nouvelle-Zélande, il part à Copenhague pour étudier à l’Académie royale du Danemark. Aujourd’hui, le designeur de 26 ans, qui travaille pour le cabinet danois 3XN, s’est spécialisé dans les solutions innovantes en milieux extrêmes. « J’ai l’impression que nous, architectes et designeurs, sommes trop tentés de nous isoler dans le confort de notre cocon, explique Glogau. Nous dessinons des projets sans aller voir à l’extérieur quels sont véritablement les besoins et les conditions de vie des gens pour lesquels nous travaillons. »
Ses études de master à Copenhague le mènent successivement en Alaska pour un projet de recherche, puis en 2019 au Chili, dans la petite ville côtière de Nueva Esperanza/Mejillones, située au bord du désert de l’Atacama. C’est dans cette région très aride, dont les prix d’accès à l’eau potable sont les
« Nous sommes prisonniers de notre zone de confort. Il est nécessaire de nous en dégager afin de comprendre le contexte de vie des gens que nous voulons aider. » Henry Glogau
Baptisée Solar Desalination Skylight, cette lampe solaire diffuse une douce lumière tout en transformant l’eau de mer en eau potable.
Une seule petite lampe
Skylight produit jusqu’à 540 ml d’eau potable par jour, par évaporation et désalinisation.
plus élevés d’Amérique latine, qu’il trouve le terrain idéal pour expérimenter l’une de ses idées : construire une lampe-fltre qui puisse fonctionner avec les deux seules ressources disponibles sur place en quantité illimitée –l’eau de mer et le soleil.
Produire de la lumière ET de l’eau potable avec un seul petit objet, qui plus est magnifque et facile à fabriquer ? La Solar Desalination Skylight utilise non seulement l’énergie solaire mais aussi la saumure récoltée grâce à la fltration de l’eau de mer pour produire de l’électricité. Un système ingénieux qui répond parfaitement aux besoins des locaux : « Les habitant·e·s des bidonvilles de Mejillones n’ont aucun accès aux ressources de base, que ce soit l’eau potable, l’électricité ou les équipements sanitaires. C’est dans ce contexte, en tenant compte des conditions climatiques extrêmes, que l’idée de cette lampe nous est venue. »
La lampe en question est en fait un fltre qui fonctionne par évaporation et désalinisation : en douze heures, elle est capable de produire 540 ml d’eau potable, tout en se rechargeant de manière autonome grâce à ses capteurs solaires. La saumure résultant du fltrage sert à alimenter les batteries au sel, qui totalisent une production quotidienne – si l’on y ajoute celle de ses capteurs solaires – de 9,53 volts, soit l’équivalent d’une pile PP3. « Il s’agit aujourd’hui de réféchir à des solutions qui nous permettent
de nous adapter à des milieux hostiles, pas de savoir comment faire pour les éviter. »
Henry Glogau voulait un objet qui s’insère parfaitement dans son environnement : la forme bombée résulte d’un moulage fait par CNC (pour commande numérique par calculateur) sur lequel sont gravées des rainures. L’eau de mer est versée par le haut et ressort progressivement par le bas, prête à être consommée.
Le jeune architecte-designeur travaille actuellement sur d’autres prototypes perfectionnés ainsi que sur un projet plus concret : il forme la population des bidonvilles de Nueva Esperanza à monter eux-mêmes des fltres géants qu’il a également conçus.
Simplissimes à utiliser et faciles à monter, ces fltres fonctionnent comme des distillateurs et sont très économes puisqu’on peut les bricoler soi-même. Une bâche en plastique, quelques bouts de bois, du ruban adhésif, et le tour est joué !
« Ce que je veux, c’est avoir un produit fni et commercialisable, mais aussi d’autres versions disponibles en open source, en expliquant aux gens comment faire ces fltres avec les moyens du bord. Tout le monde n’a pas la même approche du métier de designeur : pour moi, l’essentiel est de partager mes idées pour en faire profter le plus de monde possible. » henryglogau.com
Le nord du Chili compte parmi les régions les plus arides de la planète : une situation aggravée par la sécheresse qui frappe le pays depuis douze ans.
L’INFO EN PLUS
Plus de deux milliards de personnes n’ont pas ou peu accès à l’eau potable. Des associations comme Water For People ou The Water Project tentent de remédier à ce défi planétaire. 3xn.com
Le toit et le capot de la Citroën Oli, en carton alvéolaire, sont bien plus solides que s’ils étaient en métal.
Un poids réduit de moitié, moins de matières premières, et une autonomie totale : avec le concept-car Oli, Citroën nous montre de quoi seront faits ses futurs modèles.
borne de recharge. Le fait que l’on ne doive renoncer à rien malgré la retenue de l’Oli est dû à l’intelligence du concept global. Les sièges en sont un bon exemple : ils sont fabriqués à partir de trois pièces seulement et faits de matériaux recyclés extrêmement légers. Au fnal, 80 % de matériaux en moins par rapport aux sièges traditionnels. De plus, le design des dossiers en maille permet d’augmenter la luminosité à l’intérieur du véhicule, un facteur important, typique de Citroën, pour un meilleur bien-être à bord.
Bien que le concept-car
Citroën Oli ressemble fortement à l’avenir, l’idée vient du passé. Dans les années 70, une voiture familiale pesait 800 kilos, mesurait 3,7 m de long et 1,6 m de large. Compacte, intérieur réduit à l’essentiel et peu gourmande en essence– pas de superfu. Quand on regarde les routes aujourd’hui, la situation est toute autre. Le paysage est dominé par des SUV massifs de 2 tonnes et plus de 4,5 m de long. Avec pour conséquence une augmentation de la consommation de matières premières et d’énergie, tant
Avec un poids de 1 000 kilos, la Citroën Oli est deux fois moins lourde que les voitures électriques actuellement disponibles sur le marché.
Le design du tableau de bord est fonctionnel : au lieu d’un cockpit high-tech avec plusieurs écrans, l’Oli se contente d’un seul support symétrique qui s’étend sur toute la largeur du véhicule. D’un côté, la colonne de direction ; de l’autre, une station d’accueil multimédia ; au milieu, un espace où s’insère le smartphone et cinq interrupteurs à bascule clairement identifés pour la climatisation. C’est tout ce qu’elle a et tout ce dont elle a besoin. La planche de bord de l’Oli ne compte que 34 pièces alors que dans une voiture familiale compacte comparable, on en dénombre au moins 75.
20 INNOVATOR ARNAUD TAQUET/CONTINENTAL PRODUCTIONS PATRICK AULEHLA
En haut : le smartphone et le haut-parleur font office d’ordinateur de bord. Ce qui en fait un cockpit minimaliste.
En bas : les sièges de la Citroën Oli sont constitués de seulement trois éléments, ce qui les rend très légers.
Toutes les pièces du concept-car ont été recyclées et sont réutilisables, ce qui facilite la réparation et le remplacement.
Autre point fort : l’infotainment est contrôlé par le smartphone personnel arrimé à la prise centrale. Les informations téléphoniques et les applications sont ainsi combinées avec les données du véhicule, telles que la vitesse et l’état de charge de la batterie, et projetées sur le pare-brise via un système de smartband. Le même principe s’applique au système audio : pour jouir de la musique à bord, il est possible de brancher des enceintes Bluetooth aux deux extrémités du tableau de bord.
Et Citroën a compris que l’utilisation d’un véhicule
L'INFO EN PLUS Citroën a profité de la présentation de la Citroën Oli pour dévoiler son nouveau logo : un hommage à l’original de 1919.
ne s’arrête pas lorsque l’on en sort. Même en stationnement, la batterie de l’Oli peut servir de source d’énergie : avec 40 kWh d’énergie, un appareil électrique externe de 3 000 watts peut être utilisé pendant douze heures. Pratique pour les barbecues électriques, les glacières ou les enceintes de fête.
Durée de vie des pneus : 500 000 km
Citroën prévoit en outre d’inscrire l’Oli dans une économie circulaire. Une grande partie des matières premières qui la composent peuvent être recyclées et sa durée de vie doit être prolongée le plus longtemps possible. Par exemple, grâce à des pneus spécialement conçus pour durer jusqu’à 500 000 km.
L’ensemble du véhicule peut en outre être « réinventé » pour plusieurs propriétaires, en utilisant de nouvelles décorations ou couleurs, voire des pièces modernisées. Il en va de même pour les réparations : des pièces recyclées sont disponibles pour les portes, les phares ou les parechocs. Pour Vincent Cobée, CEO de Citroën, une chose est claire : « Les véhicules électriques doivent être plus légers et moins chers. Oli montre de manière impressionnante comment Citroën envisage cet avenir. » citroen.ch
HIGH TECH
Jusqu’ici, l’usage de drones civils se concentrait sur la création d’images spectaculaires. Une start-up suisse explore des possibilités insoupçonnées.
Si je m’y attendais ? Pas le moins du monde », avoue Timo Müller, CPO et cofondateur de Voliro. En compagnie d’autres étudiant·e·s de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), il participe en 2019 à un concours de projets de drones innovants organisé à Abu Dhabi et décroche la première place haut la main grâce au concept « work at height ». L’idée: développer un drone capable d’effectuer des travaux manuels comme le vissage ou la peinture dans des endroits en hauteur extrêmement difficiles d’accès. « Au cours mes recherches dans le labo d’essai de l’EPFZ consacré au développement des drones, je me suis demandé comment faire pour construire un engin qui puisse disposer d’une force de charge suffisante pour exécuter ces travaux tout en pouvant rester assez longtemps dans les airs »,
Les drones de Voliro peuvent pivoter jusqu’à 90 ° et être équipés d’une multitude de capteurs et d’outils.
raconte Timo. Ce qui a fini par constituer le thème central de son mémoire de master.
Prédispositions pratiques À l’université, Timo Müller et Mina Kamel (son binôme de recherche de l’époque devenu cofondateur de Voliro) travail-
Le fondateur de Voliro, Timo Müller (au centre) et son équipe travaillent sur l’un de leurs drones.
Un drone de Voliro inspecte une éolienne jusqu’à 50 fois plus vite que ne le permettent les méthodes classiques.
L’INFO EN PLUS
La Suisse est un hotspot pour les drones spécialisés. Le plus grand show de drones d’Europe se tiendra à Genève du 18 au 21 mai, ainsi que les Swiss Drone Days, à Zurich, chaque mois de juin.
veloppement pour lui trouver de nouvelles applications. Et la demande ne tarit pas : « La plupart de nos gros clients aux États-Unis, en Allemagne et au Benelux sont des entreprises d’inspection. »
laient autant sur la faisabilité technique d’un tel drone que sur les futures possibilités d’utilisation commerciale. Et là aussi, c’était une vraie forêt vierge : « La réputation du savoir-faire technique suisse n’est plus à faire. En revanche, niveau vente et marketing, il faut reconnaître qu’il y a encore de la marge », explique Laurent Zimmerli, responsable de l’expérience client chez Voliro. Suite à sa victoire à Abu Dhabi, la start-up a réuni des investissements de deux millions de francs de la part de bailleurs de fonds suisses.
Les jeunes techniciens ont mis au point un drone capable, grâce à six rotors orientables à 360°, de maintenir une position constante en plein vol, même en cas de vent, et ce à quelques centimètres seulement de la surface à traiter.
« En fait, on utilise plutôt le
Voliro conçoit son robot comme une sorte de plateforme d’outils volants, qui est continuellement développée pour de nouvelles applications.
terme de robot volant, indique Laurent. Donc pour être précis, nous ne sommes pas des fabricants de drones mais une entreprise spécialisée en robotique. »
Une niche du marché qui concerne actuellement le contrôle des paratonnerres situés sur les rotors des éoliennes et la mesure par ultrasons de l’épaisseur des réservoirs en acier ou des ponts afin de déterminer la porosité du matériau. Il suffit de changer l’embout du drone pour adapter celui-ci aux différentes manœuvres et surfaces d’application. Voliro considère son robot comme une sorte de plateforme d’outils volants en perpétuel dé-
En effet, ce sont généralement des pros de la grimpe industrielle spécialisée qui se chargent de ces travaux d’inspections cycliques et obligatoires situés dans des endroits en hauteur ou quasiment inaccessibles. Ce qui coûte du temps et de l’argent. « Normalement, il faut monter, vérifier, redescendre… On réduit ce temps par dix ! », s’enorgueillit Laurent.
Pour bien mettre en évidence cet avantageux potentiel économique, Voliro mise sur la transparence maximale : son site internet propose une évaluation du robot volant par les entreprises d’inspection ainsi qu’une comparaison avec le prestataire de services précédent. « Dernièrement, il ne nous a fallu que quelques jours pour contrôler l’ensemble des paratonnerres des parcs éoliens d’Allemagne du nord. En fait, c’est le client qui s’en est chargé lui-même », sourit Timo. Car l’idée de Voliro, c’est de former ses client·e·s en quelques semaines afin qu’ils et elles les pilotent en toute autonomie. voliro.com
La Suissesse
Yaël Meier a créé, à 19 ans, ZEAM, une agence qui prépare les grandes entreprises à la génération Z.
Une nouvelle génération, la génération Z, se prépare à renouveler le marché du travail. Cette jeune femme explique aux entreprises comment elle conçoit l'emploi.
À23 ans, Yaël Meier a déjà fait pas mal de choses dans sa vie : à 15 ans, elle a joué dans son premier long métrage, à 19 ans elle a fondé sa première agence, à 20 ans elle a eu son premier bébé (le deuxième est en route), et entre-temps, elle a également sorti un livre. Gen Z : Für Entscheider:innen (trad. Génération Z pour les décideurs et décideuses, pas encore traduit) examine les attentes de la génération Z, c’est-àdire de celles et ceux qui sont né·e·s entre 1997 et 2012.
génération sur le marché du travail, la génération Z, si l’on en croit un TikTok publié en 2022. Ces formules semblent symboliser le mélange de détachement et de soif de liberté qui caractérise cette génération. Entre les deux, on perçoit leur inquiétude réelle face aux dommages environnementaux que les humains infligent sans répit à la Terre.
prédécesseuses, plus axée sur la justice sociale, plus radicale sur les questions environnementales et climatiques et plus ouverte sur la tolérance en matière de genre et de sexualité. Les entreprises devraient s’y préparer. Là où la génération Y a secoué et frappé aux portes de l’inégalité, la génération Z abat maintenant les murs.
Instagram : @yaelmeier
“I’m out”, “Don’t reply” et “Apologies for existing” Voici un échantillon des formules de conclusion des e-mails de la dernière
24 INNOVATOR SIMON TANNER/NZZ JULIA C. SEIDL
Avec des ingrédients d’origine 100 % naturelle. Au goût unique.
Nous naissons avec une insatiable soif de nouveauté qui change nos vies et nous pousse à innover. Comment ? C’est-ce que nous allons voir dans ce numéro.
Confronté à la nouveauté, notre corps libère une fopée de neurotransmetteurs : la dopamine nous inonde de plaisir, le cortisol et l’adrénaline boostent notre niveau de stress, la sérotonine stimule notre sentiment de bonheur et l’ocytocine renforce nos liens sociaux. Nous craignons la nouveauté autant que nous la désirons et en faisons une quête quotidienne. La preuve avec ce reportage pour lequel nous nous sommes, nous aussi, mis en quête de toutes celles et ceux qui en ont fait
un métier et une vocation.
À l’image de Thomas Sauter, chercheur en Medical
Extended Reality (XR) à l’hôpital universitaire de Berne, un secteur qui englobe télémédecine, simulation d’opérations pour chirurgien·ne·s et de soins thérapeutiques par casque de réalité virtuelle (VR) et permet de développer de nouveaux vaccins contre le cancer (p. 62).
La technologie de demain, c’est aussi le thème central de notre grand entretien consacré à l’intelligence artifcielle (IA). Midjourney, ChatGPT ou Eleven Labs bouleversent internet avec des sons, des images et des dialogues générés par ordinateur. Notre auteure Saskia Jungnikl-Gossy discutera avec la psychologue robotique Martina Mara et le philosophe de la technique Mark Coeckelbergh (p. 46) de cette nouvelle ère, des défs posés par l’IA et de la raison pour laquelle certains algorithmes de médias sociaux sont déjà plus puissants que n’importe quel robot. « La question que tout le monde se pose : à quand l’amour avec un robot ? », explique Martina Mara.
Dans notre dossier Sport meets Tech, nous nous pencherons sur des cyborgs déjà bien réels : grâce à leurs hydrofoils, les voiliers de l’équipe suisse Alinghi Red Bull Racing survolent les eaux en atteignant des vitesses de 40 nœuds (74 km/h) et seul un équipage de huit personnes est nécessaire à leur pilotage (p. 34). Une prouesse uniquement rendue possible grâce à une parfaite synergie entre l’être humain et la machine qui a permis aux Suisses de ramener la coupe de l’America en Europe pour la première fois depuis 152 ans, et leur vaut d’être imités par les navigateurs et navigatrices du monde entier. Cette symbiose entre être humain et machine est également au cœur du concept de métavers : nouveau ? Assurément, mais peut-il vraiment nous faire vibrer, nous surprendre et surtout nous satisfaire ? Des questions que notre auteur, Marc Baumann, se posera en testant un casque de réalité virtuelle (p. 54). Il cherchera des réponses auprès d’expert·e·s du métavers et au cours d’un dialogue entre un poulet virtuel et une cacahuète numérique.
7 pionniers et pionnières du changement
Panneaux solaires au-dessus des champs, éoliennes dans les villes ou mini-centrales hydroélectriques : le tournant énergétique est en marche.
Retour à la réalité physique : l’un des plus grands défs de l’époque est de développer une énergie sûre, verte et bon marché. Déf relevé par nos avant-gardistes de la transition énergétique (p. 72) grâce à des panneaux solaires au-dessus des parkings et des champs, des éoliennes en forme de turbines et bien d’autres approches qui nous promettent un feu d’artifce énergétique.
Qui dit nature ne dit pas seulement eau, soleil et vent mais aussi tonnerre, donc thorium. Une cuillère (10 g) de ce matériau peu radioactif suffrait à alimenter annuellement 250 foyers en électricité (p. 80). Deux Autrichiens travaillent actuellement sur un réacteur à sels fondus. Une énergie atomique apparemment sûre (sans uranium) qui ne produirait que de faibles quantités de déchets radioactifs. Une révolution en marche dans la patrie de Mozart elle-même très critique à l’égard de l’énergie nucléaire ?
Ce qui est sûr, c’est qu’une foule de nouveautés nous attend. Et un petit coup de dopamine à chaque page de ce magazine. Bonne lecture !
Certaines sont attendues depuis longtemps, d’autres viennent de nulle part : chaque jour, de nouvelles idées et inventions changent notre vie et chamboulent profondément l’économie. Voici quelques exemples marquants.
ont utilisé ChatGPT (un modèle d’IA de type chatbot), dans les deux mois qui ont suivi son lancement. La croissance d’utilisation la plus rapide d’un nouvel outil dans toute l’histoire d’internet.
1,5
mètre
au-dessus de l’eau : le voilier AC75 fle à toute allure lors de l’America’s Cup grâce aux toutes dernières innovations technologiques suisses.
de personnes BRATISLAV MILENKOVIC
investis par Meta, maison mère de Facebook, dans son propre métavers. Plus que l’ensemble des investissements annuels en Suisse pour la recherche et le développement.
ce que devrait atteindre le marché de la réalité virtuelle médicale dans les cinq prochaines années. Le rôle de la VR dans la médecine va devenir essentiel.
2,6
seraient suffsants pour alimenter 10 000 foyers en électricité pendant un an, sans risque de catastrophe nucléaire. Deux Autrichiens développent le réacteur nécessaire à cet effet.
Disputée sur des voiliers AC75 taillés comme des missiles, la régate la plus high-tech au monde est avant tout une aventure humaine.
LL’America’s Cup est une course qui cumule aussi bien les paradoxes que les superlatifs : historiquement d’abord, il s’agit de la plus ancienne régate au monde, dont les règles ont été établies pour la première fois en 1852. Avec le temps, elle est devenue la grande vitrine de l’évolution nautique, mettant en scène les voiliers les plus modernes et les plus rapides du moment : ce sont les fameux AC75, monocoques géants de 22 mètres de long hérissés de foils, qu’on croirait sortis tout droit d’un flm de science-fction. À bord, la machinerie et le tableau de bord ressemblent effectivement au cockpit d’un vaisseau spatial : des ordinateurs à la pointe de l’innovation technologique contrôlent aussi bien les ailes que l’hydraulique. Cependant, aucune commande automatique n’est autorisée : protocole oblige, toutes les manœuvres à bord doivent être effectuées à la main. Le mélange de cybernétique (autorégu-
lation) et d’organique (dans ce cas : régulation par l’homme) a un nom : Cyborg. Comme quoi, même sur ces cyborgs fottants, la tradition est plus forte que tout.
Parce qu’il faut bien l’avouer : c’est la dimension humaine et tout ce qu’elle implique d’incertain et de faillible qui rend cette compétition passionnante, quelles que soient les avancées technologiques qui ont bouleversé l’America’s Cup ces dernières décennies. Ces fusées véliques, aussi modernes soient-elles, ne sont rien sans la parfaite coordination d’un équipage surentraîné, au sein duquel chaque membre a un rôle à jouer. À bord, on aura le groupe formant « les jambes » du bateau – des gros costauds qui savent mouliner à fond – et les autres qui constituent « la tête », choisis pour leur expérience et leur sens tactique.
« On apprend à reconnaître le vent sur l’eau et on développe un sixième sens pour l’environnement. »
MAXIME BACHELIN, BARREURNicolas Charbonnier, l’un des barreurs, à bord du voilier AC75 lors d’un entraînement au large de Barcelone.
Les hydrofoils (à gauche et à droite) soulèvent le yacht AC75 jusqu’à 1,5 m au-dessus de l’eau, ce qui lui permet d’atteindre des vitesses allant jusqu’à 40 nœuds (74 km/h).
Il vole, il vole, le voilier. La technologie qui se cache derrière est la même que celle qui fait décoller les avions.
Le foiling est une technique qui permet aux voiliers de s’élever hors de l’eau et de naviguer sur des « hydrofoils » (c’est-àdire des ailes sous-marines). Celles-ci créent une portance et réduisent la résistance à l’air, offrant au bateau la possibilité de glisser au-dessus de l’eau.
L’augmentation de la vitesse et de l’efficacité qui en résulte permet à l’équipage de naviguer plus tranquillement. Le team ARBR est un pionnier de la technologie du foiling dans le monde de la voile.
Le voilier AC75 utilise des foils en forme de T et un système de stabilité dynamique pour obtenir un foil stable et efficace, même par gros temps. La technologie des voiles a permis à l’équipe de remporter de nombreuses victoires dans les grandes compétitions internationales de voile, notamment lors de l’America’s Cup.
Les AC75, que l’on verra à l’œuvre lors de la prochaine Coupe qui aura lieu en 2024 à Barcelone, ont la particularité d’avoir de gigantesques foils capables de soulever les 6,5 tonnes du voilier dès lors qu’il dépasse les 18 nœuds (soit environ 33 km/h). La résistance de l’eau devient alors quasiment nulle et le bateau accélère d’un coup, volant à la surface de l’eau à une vitesse pouvant atteindre jusqu’à 100 km/h. Dans cette phase critique où l’équilibre du bateau menace à tout moment de rompre, la moindre erreur de jugement ou de synchronisation peut avoir des conséquences fatales. Les voiles doivent être réajustées, « réglées » comme on dit, l’angle des ailes doit être mis en position en un clin d’œil afn de garantir une tenue régulière sur et au-dessus de l’eau. Les deux équipes à bord – au total, huit têtes et autant de paires de bras – doivent être parfaitement synchrones, connaître leur partition à la note près, et garder à l’esprit l’œuvre dans son ensemble.
« Ça ressemble à un orchestre », résume Pietro Sibello, conseiller de la Team Alinghi Red Bull Racing (ARBR), qui représentera le déf suisse lors de la 37e America’s Cup.
« Chaque musicien doit savoir précisément à quel moment jouer quelle note et pour combien de temps. »
Pour nous aider à comprendre le travail complexe des équipiers entre eux, et avec la machine, The Red Bulletin est parti à la rencontre des membres de l’équipage qui fera voler son AC75 aux couleurs d’Alinghi Red Bull Racing en 2024. Dans ce texte, vous apprendrez ce que signife être un composant « vivant » d’un bateau.
« C’est comme un orchestre. Chaque instrument complète les autres. La mesure, le tempo et la hauteur s’accordent entre eux. »
PIETRO SIBELLO, CONSEILLER NAVIGATION
Le voilier d’entraînement AC40 à Barcelone lors de sa première sortie. Il s’agit d’une version plus petite de l’AC75.
L’édition 2024 de l’America’s Cup impose une limite de huit équipiers à bord (on en comptait onze en 2021) : ce changement inédit oblige à repenser complètement la composition des équipages, dont celui d’ARBR, qui n’est pas encore fixé à ce jour. Petite présentation – non exhaustive –des différents rôles qu’on peut avoir sur ces monocoques à foils.
Appelé “driving group” en anglais, il est rassemblé autour du cockpit (à l’arrière du bateau) et comprend le(s) barreur(s), le tacticien, le navigateur, les régleurs de foils et de voiles. C’est le « cerveau » du bateau, responsable de la stratégie à suivre avant et pendant la course.
Il dirige le bateau – en cumulant parfois les fonctions de capitaine, tacticien et de navigateur – et a une grosse responsabilité sur le lancement et la coordination des manœuvres. Il est relié aux autres par radio. Traditionnellement, il n’y a qu’un seul barreur, qui change de bord à chaque changement d’amure (et est remplacé temporairement par le régleur le temps de passer de tribord à bâbord, ou vice-versa).
Mais en 2021, les Italiens de la Team Luna Rossa créent la surprise avec deux barreurs à bord, un de chaque côté du bateau. « Sur un AC75 lancé à pleine vitesse sur ses foils, on risque d’être éjecté par-dessus bord dès qu’on se déplace », explique Pietro Sibello, ancien tacticien de Luna Rossa maintenant chez ARBR.
Cette mesure de sécurité pose cependant des problèmes de coordination, puisqu’on a deux équipiers pour une seule barre. Voilà un exercice de communication de haut niveau qui a ses avantages et ses inconvénients.
3 Le régleur de foils
Surnommé “fight controller” en anglais, c’est lui qui règle l’angle des foils de chaque côté du bateau. Habituellement, seul le côté sous le vent est dans l’eau, alors que la partie au vent fotte dans les airs. Sauf lorsque la vitesse est plus faible : dans ce cas, on va sortir les deux en même temps pour réduire la résistance de l’eau. Le régleur de foils doit être constamment aux aguets dès que la mer devient un peu agitée.
4 Le régleur de voiles
Petit cours de voile accéléré : la principale source d’énergie éolienne sur un AC75 est la grand-voile à double bord. C’est une grande toile de 145 m², hissée sur un mât en fbre de carbone, haut de 26,5 mètres. À l’avant du bateau, on a une voile plus petite, en général, le foc. L’espace entre le foc et la grand-voile est appelé « fente ». C’est l’écoulement d’air entre les deux qui va agir – entre autres – sur la vitesse du bateau. Les régleurs de foc et de grand-voile sont donc constamment obligés de se
coordonner pour optimiser la portance du bateau. Par petit temps, on va essayer de gonfer les voiles en augmentant le creux, mais dès que les foils sont en action et que la résistance de l’eau disparaît, l’action des voiles devient tellement violente que le régleur de grand-voile doit instantanément réduire le creux pour équilibrer le bateau.
Ce groupe, également appelé “power group”, est traditionnellement constitué de gros costauds, capables de mouliner suffisamment pour alimenter la centrale hydraulique qui permet toutes les manœuvres à bord. Plus ça mouline, plus l’équipe de pilotage va pouvoir être précise dans ses réglages.
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Les winchers ou cyclistes Les équipiers chargés de mouliner sont appelés “grinders” en anglais parce que les poignées avec lesquelles ils actionnent les winchs (treuils à main) pour régler les voiles et déplacer la bôme ressemblent à d’énormes moulins à café, tout en imitant leur bruit. Tout a changé en 2017 lorsqu’on a découvert que le voilier de l’Emirates Team New Zealand (ETNZ) avait été équipé de pédaliers : perchés sur leurs vélos, les équipiers produisaient ainsi 20 % d’énergie en plus, tout en ayant les mains libres pour d’autres manipulations. Les Kiwis ont remporté la Coupe cette année-là. Après avoir été bannis en 2021, les pédaliers seront de nouveau autorisés en 2024 : ce qui explique pourquoi, en ce moment, l’entraînement des Anglais ressemble à celui des coureurs du Tour de France. Du côté suisse, on hésite encore entre les bras et les jambes – même si l’un des équipiers ARBR est un ancien champion olympique de cyclisme en salle et que l’entraînement des sept autres comprend des heures de pédalage.
Plus jeune barreur de l’équipe à seulement 24 ans, Maxime Bachelin jouit pourtant d’une solide expérience de marin : après avoir tiré ses premiers bords en Optimist à 8 ans, il se découvre une véritable passion pour la voile, qui ne le quittera plus. Certes, les petites barquettes à frites qu’il manœuvrait étant gamin n’ont rien à voir avec les bolides flottants qu’il barre désormais, mais comme il l’explique, « l’Optimist t’apprend à sentir le bateau, à voir l’action du vent sur l’eau, à développer un sixième sens pour tout ce qui t’entoure ». Les années passées comme équipier sur différents bateaux lui ont aussi appris à développer un sens de la communication quasi télépathique au sein de l’équipage. Toute cette expérience est pourtant loin d’être suffisante pour espérer remporter l’America’s Cup : comme pour les pilotes de F1, les équipiers doivent entraîner leur temps de réaction : « On passe des heures dans le simulateur à devoir améliorer notre réactivité face à toutes sortes de situations susceptibles d’arriver lors de la régate. On chronomètre par exemple le temps qu’on met à changer une petite ampoule. Plus on est réactif, plus on sera efficace une fois sur l’eau. »
La première fois qu’il a fait de la voile, Bryan Mettraux ne s’en souvient pas, car il n’avait pas encore fêté son premier anniversaire : « Mon père nous emmenait souvent naviguer avec lui, raconte ce marin aujourd’hui âgé de 32 ans. J’ai fait mes gammes sur du 420 (quillard de 4,20 mètres, ndlr)», avant de découvrir les joies de la régate en duel – une formule que l’on retrouve dans l’America’s Cup.
« J’ai longtemps régaté sur des GC32 (catamarans à hydrofoils, ndlr), et même si ce n’est pas aussi rapide ou technique qu’un AC75, c’est parfait pour aiguiser sa réactivité. » Bryan Mettraux s’entraîne actuellement sur deux missions : savoir régler les foils et la grand-voile. « Ça permet de mieux comprendre l’interconnexion des différents postes à bord, et puis c’est
À partir de 2024, seuls huit membres d’équipage pourront s’employer à faire voler un yacht…
toujours mieux d’avoir des équipiers polyvalents. » Par exemple lorsque le régleur de foils doit aider à wincher, le barreur peut s’occuper des foils pendant ce temps-là. Quant au réglage des voiles, Mettraux explique qu’il se fie autant à son instinct qu’aux indications sur son écran. À long terme, il espère devenir un navigateur 100 % instinctif – après tout, l’électronique n’est utilisé en voile que depuis peu, et les données ne reflètent que les événements récents. Il est bien plus important de deviner, dans le feu de l’action, ce que l’avenir proche nous réserve : « Avec l’expérience, on arrive vraiment à sentir ce dont le bateau a besoin. »
« Lors du parage, environ la moitié est de l’instinct et l’autre un regard sur les données à l’écran. »
BRYAN METTRAUX, RÉGLEUR DE FOILS ET DE GRAND-VOILE
Nils Theuninck a passé ses années de voile en solitaire. Il a commencé en Optimist, puis a évolué vers le finning lourd de 4,5 m, un dériveur qui exige une force et une intelligence brutales de la part des navigateurs et qui a formé plus d’une recrue de l’America’s Cup. En 2021, Theuninck prenait la tête du classement mondial des navigateurs finlandais et remportait le bronze aux championnats d’Europe. Certes, son rêve de représenter la Suisse aux JO de Tokyo s’est envolé, mais lors de la prochaine America’s Cup, le marin de 26 ans est bien décidé à rendre fier son pays d’origine. « On y affronte les meilleurs navigateurs au monde, sur les bateaux les plus avancés jamais construits », dit-il. Pour pouvoir donner le meilleur de lui-même dans la salle des machines de l’ARBR AC75, il s’entraîne à des niveaux de forme et de force toujours plus élevés. En tant que géant de 1,94 m et 93 kilos, il sait que tout dépend du bon rapport poids/puissance. De plus, il faut avoir l’esprit clair pour prendre des décisions tactiques et pousser le bateau vers ses meilleures performances. En Finndinghy, premier bateau de course en solitaire, il a bien pu s’y préparer.
La Coupe de l’America 2024 se déroulera à Barcelone.
L’équipe d’ARBR s’entraîne déjà sur place.
Augustin Maillefer a toujours détesté le vent – enfin, dans le sport qu’il pratiquait avant de découvrir la voile : l’aviron. Ce rameur vaudois, trente ans au mois d’avril, a été titré champion du monde juniors en 2010, 2013 et 2014 et a représenté la Suisse aux Jeux olympiques de 2012 et 2016 avant de prendre sa retraite, il y a trois ans. Recruté pour le power group d’ARBR, il doit désormais apprendre à travailler en synchronisation parfaite avec les autres membres de l’équipage. « En aviron, tu ne te préoccupes pas de ce que font les trois autres coéquipiers, tu tiens ton rôle et c’est tout. Sur un voilier aussi complexe qu’un AC75, on doit être conscient du rôle de chacun, de son action sur la performance globale du bateau et de ce qu’il faut faire pour faciliter la tâche de nos coéquipiers. Cela dit, je suis là avant tout pour fournir de l’énergie, et mon expérience dans la rame m’a appris à être endurant et performant, même au-delà de la souffrance physique. »
Conceptualisés en Suisse, utilisés sur toutes les mers du monde. Les yachts d’ARBR sont une vitrine de la technologie de pointe helvétique.
Analyste performance
Andrea Emone, 26 ans, est responsable des données télémétriques collectées par les nombreux capteurs qui entourent l’ARBR AC75. « J’ai concouru dans la catégorie olympique de planche à voile, j’ai étudié l’ingénierie aérospatiale et je suis titulaire d’un master en mécanique des fluides numérique », explique-t-elle. Son expertise lui donne du poids sur une question épineuse : l’ARBR AC75 est-il encore un bateau ? « Ce n’est pas un avion, répond-elle, et ce n’est pas non plus un bateau traditionnel. La navigation a toujours été basée sur la création d’une portance, mais avec des voiles verticales. L’ARBR AC75 s’élève aussi horizontalement hors de l’eau. Mais c’est bien un bateau. » Un bateau qui peut se déplacer deux fois plus vite que les frères Wright lors du premier vol motorisé au monde en 1903…
Conseiller navigation Pietro Sibello
Lui aussi pense que, dans le milieu de la régate, les ordinateurs surpassent les performances humaines à bien des égards – notamment sur la précision. « Barrer un AC75, c’est comme piloter un avion, résume ce skipper italien de 43 ans, sauf que sur un voilier de régate, comme rien n’est automatisé, le boulot doit être fait par tous les équipiers, qui doivent être parfaitement synchrones. » Comme un orchestre. « Les ordinateurs sont beaucoup plus précis et rapides, et c’est vrai que le voilier irait plus vite si l’on avait le droit d’automatiser les manœuvres. Mais là où l’être humain surpasse l’ordinateur, c’est dans sa capacité à anticiper les situations, à profiter de son expérience, à deviner les bourrasques qui arrivent rien qu’en regardant la surface de l’eau… Au final, les équipages humains sont encore supérieurs aux ordinateurs lors des régates – pour le moment. »
6 Groupe d’énergie« En aviron, on se concentre simplement sur le fait de donner le meilleur de soi-même. »
AUGUSTIN MAILLEFER, GROUPE D’ÉNERGIE
L’IA est-elle la réponse à tout ?
Ou bien représente-telle un danger ?
À propos de l’image de l’IA dans notre société et de ce qu’elle peut nous apporter de bon.
»
Une après-midi dans le centre-ville de la capitale autrichienne. La nuit commence à tomber. Il bruine. Dans la suite de l’hôtel Altstadt, le débat est trop intense pour que quiconque s’en aperçoive.
La manipulation positive existe-t-elle ? Qu’est-ce que l’humanisme ? Qu’est-ce qui inquiète encore les expert·e·s en intelligence artificielle comme Martina Mara ou Mark Coeckelbergh ? Entretien croisé sur le pouvoir de l’IA.
L’intelligence artificielle transforme nos vies, notre manière de travailler, de passer nos vacances, de voir les choses. Si l’idée vous prenait de consacrer, comme nous, un magazine entier à l’innovation, nous ne saurions trop vous conseiller de réunir deux experts comme Martina Mara et Mark Coeckelbergh autour d’une table, qui s’intéressent depuis des années aux effets, aux dangers et aux opportunités de l’IA. Robopsychologue à l’université Kepler de Linz, Martina Mara étudie la manière dont les être humains et les machines peuvent collaborer en harmonie. Coeckelbergh analyse quant à lui l’impact éthique des innovations technologiques sur notre société. Le débat est riche, et pourrait durer encore longtemps. Le long du couloir qui mène à la sortie, les deux personnes interviewées s’arrêtent à plusieurs reprises pour poursuivre la discussion.
the red bulletin innovator : Imaginons un graphique sur lequel 100 % représenteraient une vie totalement imprégnée d’IA : où en serions-nous actuellement ?
coeckelbergh : Pas haut, vers 20%. Mon téléphone ne m’envoie pas encore de notification pour me dire : « Tu es trop stressé, Mark ! » (rires) Mais ça ne devrait pas tarder. mara : Oui, on a encore de la marge. Peu de monde se rend réellement compte de tous les domaines où l’IA est utilisée. Quand on leur parle d’IA, la plupart des gens s’imaginent une sorte d’humanoïde fantastique. La vérité, c’est que l’IA est invisible. On la retrouve dans les prévisions météo, les systèmes de traduction, etc. Donc, d’un côté, on a peut-être encore de la marge, mais de l’autre, on ne mesure pas à quel point l’IA est déjà présente dans nos sociétés, tout simplement parce qu’elle ne ressemble pas à l’idée que l’on s’en fait.
coeckelbergh : En tout cas, pas à un robot ou à une superintelligence.
Il y a une certaine ambivalence chez les gens : d’un côté, ils ont peur des robots qui risqueraient de prendre le pouvoir, de l’autre, ils n’ont aucun problème à partager des informations privées avec des assistants vocaux intelligents. Faut-il qu’un robot ressemble à un robot pour en être un ?
mara : C’est le privacy paradox : des études montrent que même si les gens se préoccupent de leurs données, ils n’agissent pas en conséquence.
coeckelbergh : Cela fait longtemps que nous avons tiré un trait sur notre vie privée. Ces données sont déjà là, mais elles ne sont pas toutes personnelles. Selon moi, il faudrait plus prêter attention à ce qui est fait de ces données et à ce que cela implique. Si mes données sont utilisées pour me manipuler, ce n’est pas la même chose. Le problème, c’est que l’IA est invisible. C’est pour cela que l’on n’y fait pas attention.
Mark Coeckelbergh, dans votre dernier livre AI Ethics, vous affirmez qu’il est essentiel de prendre de la distance avec les histoires véhiculées dans notre société quand on aborde les questions éthiques liées à la technologie. Qu’est-ce que cela signifie ?
Robopsychologue
Née à Linz (Autriche) en 1981, elle a étudié les sciences de la communication à Vienne et obtenu un doctorat en psychologie à l’université de Coblence-Landau (Allemagne).
Après avoir effectué des recherches dans le domaine extrauniversitaire, notamment à l’Ars Electronica Futurelab, elle est depuis 2018 professeur de robopsychologie – la première du genre dans le monde entier – à l’Institute of Technology de l’université Johannes Kepler, à Linz.
Elle étudie la manière dont l’être humain et la machine peuvent coexister en harmonie.
Robots sexuels ou Terminator… Il ne faut pas se limiter aux récits utopiques et dystopiques. L’IA va bien plus loin que cela, souligne Mara.
coeckelbergh : De nombreuses histoires qui manquent cruellement de sens critique nous font croire qu’avec la technologie, tout ira mieux à l’avenir. La technologie a du bon, mais on a tôt fait de ne plus considérer les choses qu’à travers ce genre d’histoires, parce que c’est tout ce que l’on ne nous propose. Et c’est important d’apporter aussi d’autres perspectives. mara : La manière dont on parle de l’IA dans le discours public est très importante. La question qui revient tout le temps, c’est de savoir quand le Terminator ou les robots sexuels deviendront une réalité. Dans mon labo, nous avons analysé 10 000 images diffusées par les médias sur le thème de l’intelligence artificielle et le contenu le plus fréquent, c’est une représentation de l’IA à l’image de l’être humain ou bien avec un aspect menaçant. On voit beaucoup plus rarement des personnes qui font réellement quelque chose avec l’IA. Donc il faudrait revenir à la réalité quant à la véritable apparence de l’IA.
coeckelbergh : Personne ne parle des outils que l’on utilise au quotidien, comme Google Search. En comparaison, les robots sont rudimentaires.
Mais alors, à quoi cela ressemble, un robot classique ?
coeckelbergh : La robotique, ça n’a rien à voir avec ce que l’on s’imagine. Bien sûr, il y a de bons robots industriels, mais c’est autre chose. Les humanoïdes, en tout cas, ne sont pas comme dans la science-fiction.
mara : On parle beaucoup des humanoïdes, mais il n’existe pratiquement aucun robot de ce genre qui soit capable de monter les escaliers ou d’ouvrir une porte tout seul. Et pourtant, dans les esprits, c’est ce genre de robot qui prédomine.
coeckelbergh : Il faudrait s’intéresser à celles et ceux qui font déjà partie de notre vie quotidienne, comme les gens qui utilisent l’IA pour
nous influencer sur le plan politique par exemple. Le truc, c’est que l’on ne peut pas en faire de jolies photos, parce que ce ne sont que des gens assis à leur bureau. Et pourtant, cela peut avoir un énorme impact sur toute une élection. Je fais actuellement des recherches sur la démocratie et l’IA. Notre comportement en matière de vote politique est influencé par l’IA et les grandes entreprises tentent de manipuler notre comportement, nous devrions nous en inquiéter.
Il faudrait donc réglementer l’IA sur le long terme et dans le monde. Mais est-ce vraiment possible ?
coeckelbergh : Il n’existe actuellement aucune solution au niveau international. Parce que le problème n’est pas assez pris au sérieux. Et parce que les institutions sont internationales et que, même si les États dialoguent entre eux, cela n’a rien d’obligatoire. Il n’y a que des documents sur les stratégies IA. Il faudrait une véritable régulation.
mara : Dans l’UE, on travaille actuellement sur l’AI Act, un règlement européen sur l’IA. Un énorme challenge. Ce n’est pas facile de trouver un compromis entre le besoin d’innovation et les principes à défendre dans notre système de valeurs, comme l’équité, la vie privée, la transparence.
coeckelbergh : Ce sont des questions politiques et sociales, et le numérique devrait être une affaire d’État, car il influence toute notre économie.
Quels sont les changements structurels nécessaires dans la politique, la société, l’éducation ?
mara : Il y a des manquements au niveau de l’éducation. Les nouvelles générations sont plus sensibilisées à ces questions. Des décisions doivent être prises au niveau politique.
coeckelbergh : Il est important d’apporter des changements dans l’éducation dans le sens où l’on apprend à argumenter, à avoir un esprit critique vis-à-vis de ce que l’on lit et de ce que l’on entend, car il est de
« Que se passe-t-il si je décide, en tant qu’être humain autonome, que je veux être influencé ?
Comment jugeons-nous cela d’un point de vue éthique ? »
Martina Maraplus en plus difficile de déterminer à quel point nous sommes influencés. Le problème se pose aussi quand on n’échange qu’avec des gens qui partagent notre opinion. Le numérique dans l’éducation, cela ne se limite pas à distribuer des iPads aux élèves et à donner des cours sur Zoom. Il s’agit aussi de savoir quel genre de citoyennes et citoyens nous voulons former. Il s’agit de démocratie.
Zoom est en train de mettre au point une technologie qui permet, de lire sur les visages à quel point les personnes participantes à une visio sont attentives, comment elles se sentent, etc. C’est terrifiant. coeckelbergh : C’est de la manipulation. Qu’advient-il de mes données ? C’est une tentative de changer le comportement des travailleur·euse·s, des consommateur·rice·s. Il faut donc nous assurer de ne pas nous retrouver dans une véritable dystopie.
En quoi consiste l’AI Act de l’UE et qu’est-ce qu’un humanoïde : petit lexique des termes importants.
Il n’y a pas de définition universelle de l’intelligence artificielle (IA), parce que l’intelligence en soi n’est pas clairement définie. D’une manière générale, ce terme désigne la tentative de transposer l’apprentissage et le raisonnement humains sur un ordinateur. Le principe est donc de concevoir et de programmer des ordinateurs de manière à ce qu’ils puissent résoudre des problèmes par eux-mêmes. L’objectif de la recherche en IA est de comprendre le fonctionnement de notre cerveau et de le reproduire de manière artificielle.
Les humanoïdes sont des robots reproduits à l’identique des êtres humains, mais qui ne présentent pas de caractéristiques telles que les traits du visage. Les positions des articulations ainsi que les mouvements s’inspirent de l’appareil locomoteur humain. Les possibilités de l’IA, c’est-àdire la capacité d’apprentissage du robot, pourraient permettre d’utiliser des robots humanoïdes pour des tâches simples dans le domaine des soins aux personnes et aux malades.
Avec l’AI Act, l’UE entend créer une loi pour une réglementation globale de l’intelligence artificielle. Alors que l’IA s’immisce dans presque tous les domaines de notre vie, il n’existe encore aucune réglementation adéquate. L’UE compte ainsi renforcer l’innovation tout en limitant les atteintes aux droits fondamentaux des personnes à travers un cadre juridique uniforme. Un accord est attendu au premier trimestre 2023. Le règlement devrait être mis en application d’ici 2025.
L’utilitarisme est un courant philosophique qui évalue les actions humaines non pas en fonction de leurs motivations, mais de leurs conséquences. Les actions utilitaristes sont des actions qui augmentent le bien-être global d’une société en créant plus d’avantages pour tous les individus (ou du moins pour un grand nombre d’entre eux) ou en les rendant plus heureux. Autrement dit : la fin justifie-t-elle les moyens ? Pour l’utilitarisme, la réponse est oui, dès lors que le moyen utilisé a globalement plus d’effets positifs.
mara : Influencer les gens, cela ne date pas d’hier. Mais il y a des choses sur lesquelles je me laisserais volontiers influencer. Un exemple : je ne suis pas du tout sportive et je téléchargerais à la seconde n’importe quelle application qui réussirait à me manipuler pour me faire faire un peu plus de sport. (rires) Donc qu’estce que cela ferait si, en tant qu’être humain totalement autonome, je décidais de me laisser influencer ?
Ou prenons le thème de la durabilité : si une IA nous incitait à économiser de l’énergie de manière efficace et cohérente, qu’y aurait-il à en dire sur le plan éthique ?
Influence positive ?
coeckelbergh : C’est un problème très intéressant. C’est presque vouloir se manipuler soi-même, en fait. J’en parle justement dans mon livre Self Improvement. On a l’impression de devoir faire du sport. On se sent obligé de s’améliorer. S’améliorer, c’est une bonne chose en soi, mais cela devient obsessionnel de nos jours.
mara : Laissons le sport de côté alors ! Et la conscience écologique ?
coeckelbergh : D’un point de vue macro, c’est sûr que ce serait super si davantage de personnes changeaient leurs habitudes. Mais ce n’est pas sans poser de problèmes. La vision utilitariste du monde va à l’encontre de l’idée selon laquelle nous voulons être des individus autonomes. Ce serait donc comme la manipulation et l’utilitarisme opposés à l’humanisme, qui place l’être humain au centre.
mara : En tant qu’individu autonome, j’ai grandi dans le plus grand luxe en Europe centrale, où l’on a de la viande dans nos assiettes et parfois plusieurs voitures par foyer. Mais je sais qu’il y a un besoin urgent de changer nos comportements. Ce qu’il faudrait peut-être, ce serait que les algorithmes sur Internet ne me montrent plus que des publicités de produits neutres en carbone. Qu’en est-il si je le décide moi-même ?
coeckelbergh : Décider soi-même, c’est déjà mieux, oui. Mais une décision aussi peut être influencée. Quelles influences sont acceptables ?
Je n’ai pas de réponse à cette question, il faudrait en discuter. Dans quelle mesure est-il possible et souhaitable d’exercer une influence positive ? On n’a aucune envie que les
choses se passent comme en Chine. Mais ici, chez nous, le comportement des individus ne subit quasiment aucune influence. Alors, où se situent les limites ? C’est un problème très intéressant.
L’un des domaines dans lesquels l’IA est de plus en plus présente, c’est le monde du travail. Le nombre de tâches qui sont et qui peuvent être effectuées par l’IA est en augmentation constante. Allons-nous un jour être contraints de créer des emplois fictifs pour que les gens aient quelque chose à faire et se sentent utiles ?
coeckelbergh : Certains métiers seront remplacés.
Remplacés ou supprimés ?
coeckelbergh : Et après, quoi, on prend tous du bon temps ? Pour moi, c’est une utopie. L’idée de la société des loisirs existe depuis longtemps, c’est un leurre. Ce qui existe, ce sont des gens qui ont l’impression de ne servir à rien. C’est là que le gouvernement doit prendre les choses en main pour veiller au bon fonctionnement de nos systèmes sociaux. La démocratie avec ses éléments sociaux sera mise sous pression.
Le revenu universel sans conditions est-il une solution sociale ?
coeckelbergh : Je ne sais pas quelle est la solution, mais il nous faut des alternatives. Car il y aura aussi des bouleversements sur le plan démographique et du fait de l’automatisation. Ce sera compliqué de s’en sortir sans un travail bien payé et une retraite complémentaire.
mara : Le principe même du progrès technologique devrait être que la technologie nous libère de certaines tâches et nous facilite la vie. Si l’IA pouvait effectuer des tâches que nous, êtres humains, n’avons pas envie de faire, ce serait super. Oui mais, où est-il donc, ce monde ? Où tout le monde peut faire ce qu’il a envie ?
L’idée existe depuis longtemps. Je pense pourtant qu’il s’agit d’une utopie.
Mark CoeckelberghC’est vrai que ce serait génial en théorie. Nous, êtres humains, qui avons le privilège d’être des esprits créatifs, n’aurions sûrement aucun mal à trouver quoi faire de notre temps. coeckelbergh : Ce n’est pas ça le problème. Le problème, c’est que dans ce monde, les gens sont très stressés et inquiets, et d’une manière bien particulière. Prenons l’exemple du travail de bureau : les e-mails étaient censés nous soulager puisqu’ils nous permettaient d’envoyer des courriers plus facilement. Mais au final, c’est l’inverse qui s’est produit : nous sommes totalement dépassés par la quantité d’e-mails que nous recevons désormais. Ce sont toujours ces choses dont on nous raconte qu’elles nous soulageront qui finissent par nous compliquer la vie. Et cela ne s’applique pas qu’au travail. Les loisirs aussi deviennent de plus en plus stressants.
La technologie aurait-elle ouvert une brèche ?
mara : Oui, et ce qui est plus simple devient forcément beaucoup plus fréquent. Ce ne sont donc plus cinq courriers que l’on reçoit par jour, mais cent. Avant, on se posait peut-être plus la question avant de se décider à écrire quelque chose à un instant T.
Martina Mara, vous avez dit que l’objectif était de créer un avenir robotique centré sur l’être humain. À quoi cela pourrait-il ressembler et qu’est-ce que cela impliquerait ?
mara : En psychologie, on parle de besoins fondamentaux et il y en a trois qui sont essentiels : l’autonomie, la compétence et les relations sociales. Avec l’autonomie, je peux
décider moi-même de mes actes. Pour moi, l’IA entre en ligne de compte ici, car dans nos vies quotidiennes, de plus en plus de décisions sont au moins suggérées par des algorithmes. Ensuite, la compétence : nous, êtres humains, voulons être compétents dans quelque chose, et l’IA a aussi une incidence sur cela, en médecine par exemple, où elle peut analyser une radiographie plus rapidement qu’un médecin. La question est donc de savoir comment les compétences humaines et de la machine peuvent se compléter au mieux. Et enfin, les relations sociales sont, elles aussi, impactées par l’IA, notamment à cause des chatbots : on a l’impression de discuter avec des amis, mais en fait, ils ne font qu’enregistrer tout ce que l’on dit pour alimenter leurs données et nous dire ce que l’on a envie d’entendre. En ce qui concerne l’approche centrée sur l’être humain, il faudrait trouver le moyen de préserver toute l’autonomie humaine et d’utiliser l’IA comme un outil. Si des robots sociaux pouvaient servir d’intermédiaires pour que la grand-mère qui se sent seule chez elle puisse entrer en contact avec d’autres personnes par ce biais, ce serait formidable.
Philosophe de la technologie
Né en Belgique en 1975, il est professeur de philosophie des médias et de la technologie à l’Institut de philosophie de l’Université de Vienne, depuis 2015. Il est expert en éthique de l’intelligence artificielle – son dernier livre Robot Ethics est paru en 2022 – et fait partie du groupe d’experts de haut niveau sur l’intelligence artificielle de la Commission européenne. Ses recherches portent sur les développements dans le domaine de la robotique, de l’IA et des technologies de l’information et de la communication.
coeckelbergh.wordpress.com
« Que les robots fassent la besogne à notre place ?
»
L’IA peut vraiment avoir du bon.
« Ce qu’il faut, c’est bien garder à l’esprit les conséquences éthiques et aussi réfléchir au monde que nous voulons en définitive », déclare Coeckelbergh.
L’IA est devenue accessible pour beaucoup de monde. Des outils en ligne comme Midjourney créent des images sur la base de ce que l’on appelle des prompts (mots clés). Des applis telles que Lensa transforment les selfies en incroyables photos de profil.
Et les systèmes de dialogue comme ChatGPT effectuent des tâches basées sur du texte d’une manière semblable à ce que ferait un être humain.
coeckelbergh : Considérer l’IA non pas comme un ennemi, mais comme un intermédiaire.
Et puisqu’on a déjà évoqué ce qui vous faisait peur, dites-nous ce que l’IA peut avoir de bon à nous apporter.
coeckelbergh : Je pense que l’IA peut contribuer à résoudre des problèmes tels que le changement climatique. Ou du moins, nous aider à mieux les gérer. Les scientifiques ont besoin de l’IA et de données. Dans
le domaine médical, par exemple, à l’instar des diagnostics où un cancer est détecté alors qu’il aurait pu passer inaperçu. Ce qu’il faut, c’est bien garder à l’esprit les conséquences éthiques et aussi réfléchir au monde que nous voulons en définitive. mara : Il y a de vrais risques, mais aussi de réelles opportunités. Il va de soi que la lutte contre le changement climatique ne fonctionnera que si nous, les êtres humains, faisons également des efforts pour changer. On ne peut pas se contenter de se dire que la technologie résoudra le problème à notre place. Mais telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, l’IA peut tout de même être utile – en tant qu’outil statistique basé sur l’analyse des données et capable de faire des prévisions. Par exemple : où peuton éviter la surproduction ? Quant à moi, d’un point de vue tout à fait profane, je voudrais un jour avoir un assistant IA qui me débarrasserait de mes e-mails. Quand serons-nous enfin réellement soulagés par ce genre d’outils ? (rires) Je n’ai aucune envie de lire 300 e-mails par jour, donc personnellement, j’ai vraiment hâte que cela arrive. Mais comme on l’a dit : on a encore de la marge !
Qu’est-ce que le métavers ? Où le trouve-t-on ? Comment draguer quand on est un poulet virtuel ? Est-ce vraiment le monde qui nous attend demain ? Expérience avec casque de réalité virtuelle et résultats déconcertants. TEXTE
Le métavers est un pendant virtuel de notre monde réel.
Le fondateur de Facebook et PDG de Meta, Mark Zuckerberg (à droite), semble y trouver son bonheur.
J’ai harcelé une cacahuète. Voilà comment démarre ma première journée dans le métavers. Une explication s’impose : la cacahuète géante bipède est le premier avatar que je croise dans ce chat en réalité virtuelle (VR). Animée en style BD, cette dernière, une femme d’après sa voix, s’adresse à moi en anglais (précisons que nous sommes les seuls dans ce chat situé dans un bar en images de synthèse perché sur les toits d’une grande ville fctive). « Ah, je ne suis pas toute seule, me dit la cacahuète d’un ton enjoué. Salut, comment ça va ? »
J’aimerais lui répondre, mais dire à voix haute « Salut, ravi de te rencontrer » comme ça, debout dans son salon au beau milieu de la nuit avec un casque de réalité virtuelle vissé sur le crâne requiert une certaine hardiesse qui me fait présentement défaut. J’opte pour l’envoi d’un emoji amical au moyen d’une des deux manettes qui simulent mes mains dans cet univers virtuel. Mais mon pouce fait défler la barre des emojis beaucoup trop vite et au lieu du « clin d’œil », c’est un « clin d’œil-bisou » que j’envoie fotter dans l’espace-temps. La cacahuète exprime haut et fort son dégoût puis prend ses jambes à son cou. Mon avatar de poulet essaie de la retenir : « Fausse manip’ ! Désolé ! Je suis nouveau ici ! » Trop tard. « Avec qui tu hurles comme ça au milieu de la nuit ? », m’apostrophe alors ma copine. J’ôte mon casque et lui réponds : « Avec une cacahuète. Géante. » Bienvenue dans le métavers.
Dans soixante ans, je serai le premier à en rire. Nous serons en 2082, mon vieux corps usé et ridé sera maintenu en vie dans un bassin artifciel tandis que je vivrai, éternel jeune
Jhomme, des aventures extraordinaires dans un monde virtuel. C’est du moins ainsi que je me représente l’avenir dans le métavers, un peu comme dans le classique hollywoodien Matrix ou dans le roman Ready Player One, où l’humanité, en 2045, se réfugie dans la réalité virtuelle de l’OASIS pour échapper à la morosité du quotidien. Le mot métavers, dans ce contexte précis, apparaît pour la première fois dans le roman Snow Crash, de l’écrivain Neil Stephenson, paru en 1992. Dans ce livre, les entreprises mondiales ont pris le pouvoir et remplacé l’État. (Spéciale dédicace à Elon Musk.) Dans Snow Crash, les plus riches peuvent se réfugier dans le métavers. Vision dystopique terriblement noire.
Ready, Player Marc ?
Mais quand la rédaction de The Red Bulletin Innovator m’appelle pour me demander si je veux tester le métavers, je réponds pourtant : « Oui, carrément, j’adore ce sujet ! »… avant de googler timidement, sitôt la conversation terminée : « C’est quoi le métavers? » Puis poursuis mes recherches par « Comment entrer dans le métavers? » et « De quoi ai-je besoin pour le métavers? ». Les pages web s’enchaînent et s’accroissent, tout comme ma perplexité. Ici, je lis qu’il faut se rendre sur Decentraland, ce serait la Mecque du métavers. Ailleurs, quelqu’un écrit que c’est plutôt sur The Sandbox ou sur Roblox qu’il faut aller. Là encore, j’apprends que le jeu vidéo Fortnite, c’est déjà du métavers, fnalement. Et aussi qu’un casque VR n’est certes pas indispensable mais essentiel et que le produit phare, le Quest 2, a été interdit à la vente en Allemagne pendant deux ans pour raison de protection des données.
Tout cette histoire de métavers reste bien confuse et s’apparente davantage à une phase bêta prématurée qu’à une technologie avancée. Seuls 15 % de la génération Z, née entre 1995 et 2012, ont déjà été dans le métavers (enquête menée auprès de gamers et gameuses). Et seulement 8 % parmi celles et ceux de ma génération, la génération X. Je fais donc partie des 92 % restant, alors que j’utilise internet depuis 1997, que j’ai travaillé avec la réalité augmentée en 2009 et que je me suis bravement frotté aux montagnes russes en VR,
Marc Baumann a 45 ans.
Il vit à Munich et travaille comme auteur indépendant pour le Süddeutsche Zeitung Magazin Actuellement, il se consacre aux impondérables du métavers.
des vraies, avec pleins de loopings, le tout avec un casque de réalité virtuelle, s’il vous plaît. Et j’ai même failli essayer un simulateur de vol lors d’un grand salon de la technologie, mais le businessman avant moi avait vraiment l’air trop con, à plat ventre sur une sorte de banc de ftness à s’agiter en tous sens, imitant un vol avec son casque VR sur le crâne. Sa chemise est sortie de son pantalon et il s’est retrouvé les fesses à l’air, ce qu’il n’a même pas remarqué, parti qu’il était dans son délire VR. Le métavers est peut-être passionnant, visionnaire, révolutionnaire, mais pas très stylé.
Jouer, bavarder, faire ses courses, travailler… Le métavers doit faciliter tout cela. L’experte en logiciels Johanna Pirker (à droite) prévient : « Nous transposons dans le monde virtuel nos problèmes du monde réel. »
« À qui parles-tu si fort au milieu de la nuit ? », me demande mon amie. Je retire mes lunettes de VR et lui réponds : « Avec une cacahuète. »
Déjà, à l’époque, la vidéo Youtube d’octobre 2021 où Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, dévoila au public ses grands projets de métavers était franchement craignos. Ce court-métrage d’une dizaine de minutes le met en scène se transformant en son propre avatar en images d’animation, puis il annonce que son entreprise s’appellera désormais Meta. Ensuite, avatar Zuckerberg rencontre ses autres potes avatars dans une station spatiale et ils font une partie de cartes. Mark Z. lance alors à un collègue : « Hey, j’étais censé être le robot ! » Et tout le monde rit aux éclats, de ce rire forcé qui répond à la boutade d’un chef. Cette vidéo Youtube, que l’on peut considérer comme le coup d’envoi offciel du métavers, ne donne malheureusement pas très envie d’y goûter et fait plutôt penser à des parents qui auraient forcé leur gamin ado à jouer à la Nintendo-Wii avec son petit frère. Quelques semaines plus tard, Zuckerberg d’enfoncer le clou avec son avatar en selfe devant une tour Eiffel en mode métavers à l’animation si ringarde que tout le monde sur Twitter s’est moqué de son grand projet.
Hype, hype, hourra
C’est donc pour ça qu’il dépense des milliards et met la santé fnancière de Facebook en péril, comme le révèlent anonymement certains employé·e·s de l’entreprise ? Heureusement, je tombe sur le podcasteur Thomas Riedel, qui se décrit lui-même par cette magnifque tournure : « J’ai bien peur d’être le premier journaliste allemand du métavers. » Le fait que je cherche vainement la porte d’entrée du métavers ne le choque pas outre mesure : « Votre exaspération m’inonde de joie, car j’ai moi-même l’intime conviction que le métavers n’existe pas encore. » Pardon ? « C’est un hold-up médiatique où tout le monde cherche à se faire du fric en disant que c’est du métavers », explique Thomas Riedel. Okay, temps mort, on arrête les frais, j’appelle la rédaction, cette histoire de métavers c’est du pipeau, on retente le coup dans cinq ans, d’ici là, bye-bye !
Pas si vite, me retient Thomas Riedel. Le métavers deviendra un jour un immense réseau d’expériences de réalité virtuelle et augmentée où tout sera interconnecté.
Dans le métavers, la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la réalité physique se rejoignent. Petit lexique des termes les plus importants.
Le métavers est un équivalent virtuel de notre monde réel.
Le métavers peut être utilisé avec un smartphone, un ordinateur portable, une tablette ou des lunettes VR. La réalité virtuelle (VR) ou la réalité augmentée (AR) sont une option, mais ne sont pas indispensables.
L’un des principaux objectifs du métavers est de créer une économie numérique propre, dans laquelle les biens virtuels sont vendus avec leurs propres monnaies.
Les investissements dans le domaine du métavers sont réalisés par de grandes entreprises de technologie comme Microsoft, ainsi que par des marques de mode comme Nike, Adidas et H&M.
Le métavers est toujours en cours. Il ne peut pas être mis en pause, réinitialisé ou arrêté.
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Les plateformes métavers seront accessibles dès 2023. Meta, la société mère de Facebook, en développe actuellement deux.
C’est cette année-là que le terme métavers a été mentionné pour la première fois, dans le roman de science-fiction Snow Crash de Neal Stephenson.
C’est le capital en bourse que représente le marché des métavers selon les estimations.
C’est, selon la banque JP Morgan, la somme des biens présents dans le métavers en 2029.
450 000 dollars ont été payés en 2021 pour un terrain dans le métavers
The Sandbox
62 % de toutes les terres virtuelles actuellement disponibles se trouvent dans le métavers
The Sandbox, qui a été lancé
La question est donc de savoir qui sera le premier à construire l’emballage virtuel qui enrobera le tout. Voilà pourquoi Mark Zuckerberg est en train d’essayer de construire une sorte de html pour métavers. La phase de développement prendra encore cinq, dix ou vingt ans, mais en attendant, on peut déjà en essayer les différentes parties, que ce soit en réalité virtuelle ou augmentée, ou tout simplement sur notre écran.
Je tente une seconde excursion dans la réalité virtuelle et me tourne vers l’alpinisme. Salué par les critiques, The Climb propose des graphismes extrêmement réalistes, ce qui correspond bien plus à ce que j’attends du métavers. Après trois ou quatre minutes de chargement (un casque VR coûte dans les 500 euros, un prix destiné à attirer le plus grand nombre d’acheteur·euse·s possible. Ils ne sont donc pas ultra performants), je commence The Climb sur une mince plateforme en pleine montagne, entouré de ravins. Les manettes permettent de s’emparer des prises dans la roche pour se hisser au sommet mètre après mètre. Une erreur et c’est la chute fatale, je ne peux réprimer un bref sursaut au moment de l’impact. Je passe à Medal of honor : me voilà en soldat britannique blessé sur un champ de bataille pendant la Seconde Guerre mondiale. Deux camarades me portent secours. Fascinant de se retrouver sur un lit d’hôpital avec ces manettes qui imitent de vraies mains. Mais quand commence le premier combat et que mon soldat défouraille à tout va, me voilà pris de nausée alors que je suis immobile dans mon salon. Un phénomène appelé motion sickness qui retarde encore le grand boom de la VR. Après 90 minutes, j’ai besoin
d’une pause. J’enlève mon casque et sors sur la terrasse. Pendant une ou deux minutes, j’ai l’impression que mon chien et le paysage sont des images de synthèse. Autre chose de bizarre, mais peut-être est-ce mon imagination : mon rythme cardiaque me semble chamboulé quand je remets le casque.
PPlus je passe de temps dans le métavers, plus j’ai envie d’aller folâtrer dans la nature ; situation devenue trop rare, je promène mon chien sans emporter mon téléphone. Le corps s’habituera-t-il au va-et-vient entre le monde réel et ce monde imaginaire en trompe-l’œil ? Ou tout va-t-il se brouiller, comme au sortir du sommeil, quand on est encore à moitié dans le rêve et qu’on n’est pas sûr d’être éveillé ? « Impossible de tenir plus de deux heures avec un casque VR », explique Thorsten Hennig-Thurau. Enseignant à Münster et à Londres, ce professeur en marketing multimédia a recréé une partie de l’université de Münster, son propre bureau inclus, en images de synthèses. Il travaille actuellement sur les premiers cours entièrement en VR. Je le retrouve dans son bureau au bord de la mer. La plage que j’aperçois derrière lui n’existe que dans mon casque VR, puisqu’il se trouve en fait à Münster et moi à Munich. Mais nos avatars se font face assis tous deux autour de la même table virtuelle, et en étirant mes jambes chez moi à Munich, je crains l’espace d’un instant de frôler les siennes sous la table avant de me rappeler que 600 kilomètres nous séparent. Nous sommes des avatars en style BD, avec juste le haut du corps animé (dans un souci d’optimisation du traitement de données). Toutefois, la rencontre est étonnamment immersive. Le professeur me montre comment se passer des manettes pour travailler uniquement avec les gestes de la main, puis nous allons tous deux écrire un peu au tableau. Il est juste devant moi et j’ai véritablement l’impression de pouvoir le toucher. Hennig-Thurau porte un modèle de casque VR dernier cri
Notre auteur se déplaçant dans le métavers en haut lors d’un appel vidéo virtuel, en bas avec un avatar flottant.
qui, contrairement au mien, est capable de reconnaître les expressions du visage : quand il rit, son avatar rit aussi, quand une question est complexe, l’avatar fronce les sourcils. Comparée à toutes ces réunions zoom emblématiques de ces dernières années de pandémie, où l’on apparaît dans de minuscules fenêtres, une réunion VR avec des avatars a en effet l’air plus « réelle ». Voilà peutêtre l’avenir du télétravail.
Ou pas. Car nul ne sait à quoi le monde de demain ressemblera exactement ; tout comme nous étions loin d’imaginer, en 1992, même si nous pouvions déjà envoyer des e-mails, que trente ans plus tard, nous serions tous et toutes scotché·e·s sur nos smartphones à regarder messages persos, vidéos et nouvelles du monde entier dans le métro en allant au boulot. Tout est encore possible dans le métavers, même les scénarios les plus sombres : « Pour l’instant, nous copions tous nos problèmes réels dans le métavers : crise immobilière
« Le métavers est un battage médiatique où tout le monde veut faire de l’argent. »
THOMAS RIEDEL
(des terrains virtuels sont déjà vendus à des prix absurdes), racisme, harcèlement sexuel et mêmes des cellules de soutien VR pour les femmes », explique Johanna Pirker, développeuse informatique à l’université technique de Graz et chercheuse en systèmes interactifs et sciences des données. « Ce qui est génial, c’est que ce cyberespace permet enfn l’intégration des personnes exclues, handicapées ou démunies dans le réel, toutes cultures confondues. »
Après 90 minutes de réalité virtuelle, la nature nous attire d’autant plus. Le métavers nous rend-il finalement plus actifs dans le monde réel ?
gigantesque chantier totalement improvisé, légèrement déjanté et incroyablement excitant.
L’idée du métavers est née dans un roman de sciencefiction. Aujourd’hui encore, la culture pop, Hollywood et les entreprises de jeux sont à l’origine des idées de la Silicon Valley.
Snow Crash (1992)
Dans le roman de Neal Stephenson, le métavers est un lieu de retraite d’une Amérique dystopique où seuls « la musique, les films, les logiciels et la livraison de pizzas à grande vitesse » sont encore valables.
Second Life (2003)
Le proto-métavers
LLe métavers pourrait devenir un lieu où l’espace virtuel est conçu par toutes et tous, où l’on bâtit son propre espace sous la forme d’une longue avenue qui fait le tour du monde et sur laquelle nous pouvons nous rencontrer. C’est l’exacte description du métavers dans Snow Crash : une route. Il ne reste plus qu’à espérer que chacun·e puisse emprunter cette route de manière équitable et que des lois empêchent les crimes de rester impunis (contrairement à ce qui se passe actuellement sur le darknet). Les prochaines années nous diront si l’avenir virtuel choisira l’ombre ou la lumière.
D’ici là, il faut peut-être se représenter le métavers comme Berlin-Est après la chute du mur en 1990 : un
Alors que mon avatar de poulet se promène dans un McDo virtuel, un chariot d’entretien fotte dans les airs, peut-être est-ce un bug, peutêtre sommes-nous toutes et tous devenu·e·s fous. J’observe le menu au dessus du comptoir et me sens un peu insulté par les Chicken McNuggets, tout poulet VR que je suis, puis m’empare d’un gobelet de Coca qui traîne et le « sirote », ce qui ne fait évidemment aucun sens, avec mon casque VR sur la tête.
Revenu sur le parking, je suis soudain abordé par un groupe d’avatars, dont un énorme chat et un monstre sinistre qui, au fl de la conversation, fnit par m’inviter à une soirée de chat VR. Un peu plus tard, alors que je me mets à agiter mes ailes de poulet sur une piste de danse presque déserte, je trébuche sur mon chien endormi dans le monde réel et m’écrase brutalement au sol. Mon casque est intact, mais mon genou s’orne bientôt d’un joli bleu, ultime création née de cette union du monde réel et virtuel.
Second Life, développé par Linden Lab, existe depuis vingt ans déjà. Jusqu’à 200 000 adeptes utilisent la plateforme chaque jour.
World of Warcraft (2004)
Avec plus de 8 millions de joueurs actifs par mois, WoW détient le record du jeu de rôle en ligne multijoueur (MMORPG) le plus populaire de tous les temps.
Ready Player One (2011/18)
Le film de Steven Spielberg, adapté du roman d’Ernest Cline, a rendu le monde virtuel OASIS cool, malgré la dystopie qui l’entoure.
PRÉPARE-TOI POUR UNE DESCENTE ÉPIQUE
DÉPART: 3023, LES ATTELAS
TEXTE
Muamer Becirovic & Günther Kralicek
PHOTOS
Michael Sieber
Un diagnostic ultra précis en quelques secondes réalisé par un algorithme ? Des robots-chirurgiens ? Des vaccins anti-cancer ? Ce qui ressemble à de la science-fiction pourrait bientôt faire partie du quotidien des hôpitaux.
Grâce aux techniques les plus modernes, la médecine est à l'aube d'une nouvelle ère.
LLa scène se passe en 2050. Un homme est allongé dans une salle d’opération pour subir l’ablation d’une tumeur cérébrale. Au-dessus de sa tête, des bras robotisés se déplacent lentement, selon une chorégraphie téléguidée d’une précision à couper le souffe. Assis derrière une vitre sans tain, non loin de la table d’opération, le chirurgien en chef commande les bras du robot à partir d’une modélisation en 3D du cerveau du patient : la tumeur, qui apparaît sur l’écran dans une couleur vive, y est parfaitement localisable. Le chirurgien marque, à l’aide d’un stylo, une entaille minuscule : 1,3 mm très exactement. Inutile de dire qu’à l’œil nu, une main humaine ne pourrait atteindre la même précision : c’est en fait le robot-assistant, avec sa vision haute résolution, qui est à l’œuvre, et c’est lui qui va bientôt procéder à une opération qui semblait inimaginable quelques décennies plus tôt. Si l’assistance robotique en chirurgie n’en est encore qu’à ses débuts, ce domaine de recherche est promis à un très bel avenir : Thomas Neumuth, qui travaille au CHU de Leipzig, en Allemagne, en est convaincu. Ce professeur allemand, ingénieur informaticien de formation, sait de quoi il parle, puisqu’il dirige le centre de recherche sur la chirurgie assistée par ordinateur, au sein du CHU.
Son projet, c’est de faire en sorte que ce rêve devienne réalité. L’un des plus gros obstacles à surmonter est assez surprenant, à première vue : il s’agit de l’incompatibilité des différents appareils utilisés en salle d’opération. Tous ceux qu’on y trouve ont leurs
propres systèmes d’opération, leurs propres interfaces, leurs propres écrans – et sont souvent incompatibles entre eux. Qu’elle soit le résultat de considérations techniques ou de stratégies marketing des fabricants, cette situation pose de gros problèmes fnanciers, puisque l’équipement technologique opératoire doit être renouvelé tous les dix à douze ans pour rester à la pointe.
Mais alors, la solution ne seraitelle pas, pour les hôpitaux, de s’approvisionner chez un seul fabricant ? D’un point de vue technico-médical, cette option est rejetée par de nombreux médecins, qui préfèrent l’idée d’une interconnexion modulaire permettant de combiner, de relier et, si nécessaire, de remplacer des appareils ultra
L’hôpital universitaire de Berne a plus de 600 ans d’histoire médicale derrière lui. Avec plus de 10 000 collaborateurs et collaboratrices, il est aujourd’hui le plus grand hôpital de Suisse.
L’avenir de la médecine s’écrit à Leipzig, Berne et Hambourg, avec la réalité virtuelle, la biotechnologie et la télésanté.
Médecin & professeur Rendre la numérisation utile à la médecine est sa passion.
Thomas Sauter est médecin spécialiste en médecine interne générale à l’hôpital de l’Île à Berne, professeur à l’université de Berne, et codirecteur du Virtual Inselspital Simulation Lab.
Il y effectue des recherches sur des phénomènes tels que la télémédecine, les wearables et la réalité étendue en médecine (XR), ce qui correspond à une réalité virtuelle (VR) ou réalité augmentée (AR) pour les médecins et les chirurgien·ne·s.
Des lunettes VR sont utilisées par les chirurgien·ne·s du laboratoire de simulation virtuelle pour s’entraîner à des opérations rares à haut risque.
Une combinaison de progrès techniques et de recherche ciblée permet de mettre de nouvelles percées médicales à portée de main.
1 LA RÉALITÉ ÉTENDUE (XR) Grâce à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée, les médecins peuvent s'entraîner à des interventions difficiles.
2 LA TÉLÉMÉDICINE Suivi à distance, l'échange de données et les appels vidéo permettent de traiter les patient·e·s plus rapidement et mieux.
3 LES VACCINS À ARNM La technologie peut non seulement être utilisée pour se protéger du Covid, mais pourrait bientôt combattre le paludisme, le VIH ou la grippe, et le cancer.
spécialisés. Cette « modularité » serait rendue possible par la création d’une plate-forme numérique suffsamment bien confgurée pour intégrer tous les fux de données et les différents composants des appareils : en Allemagne, le CHU de Leipzig est justement l’un des premiers à utiliser ce système, qui permet aux appareils d’échanger leurs données et de les faire converger dans le système central de l’hôpital.
Thomas Neumuth s’enfammelorsqu’il décrit les progrès ainsi réalisés : « La personne en charge de la chirurgie peut désormais surveiller d’un seul coup d’œil toute la salle d’opération. » Certaines infos cruciales comme l’activité cardiaque ou le niveau d’anesthésie proviennent de différents appareils installés d’un bout à l’autre de la salle. Or, le·la chirurgien·ne ne peut aller consulter ces infos puisqu’il doit rester près de la personne malade. C’est dans ce cas que la compatibilité des appareils devient intéressante car « [elle] permet au médecin de consulter les données directement sur son écran – des données ultra précises, en plus d’une commande à distance simplifée : tout cela facilite le travail du chirurgien ». Une effcacité accrue qui concerne également toute la paperasse administrative post-opératoire : toutes ces tâches rébarbatives seront bientôt exécutées par des programmes, ce qui soulagera les équipes médicales.
Au total, Thomas Neumuth estime à 20 % le gain de temps et d’effcacité qu’un tel système apporterait en salle d’opération, sans parler des coûts économisés. D’ici 2032, prévoit-il, tous les hôpitaux d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche seront équipés d’un système modulaire.
Respecter le corps humain
Mais là n’est pas, selon Thomas Neumuth, le principal avantage de cette révolution technologique. La chirurgie est en effet arrivée à un tournant majeur de son histoire et doit prendre en compte le fait que
L’histoire de la chirurgie est à un tournant. La technologie numérique rendra les opérations plus précises à l’avenir, ce qui permettra de réduire la taille de l’intervention et d’accélérer le processus de guérison.
chaque acte chirurgical reste une intrusion, un traumatisme pour le corps humain, qui récupère plus ou moins vite selon l’état de santé et la gravité des opérations.
« Chaque acte chirurgical a des effets collatéraux, pour la simple raison que l’on incise des tissus sains pour aller enlever ou réparer des tissus endommagés. Tout l’enjeu consiste maintenant à réduire au maximum le traumatisme en améliorant la précision des interventions chirurgicales, ce qui va permettre de réduire considérablement le temps de récupération post-opératoire, et donc le temps que les patient·e·s passent à l’hôpital. Là encore, on va gagner en effcacité, puisque davantage pourront être traité·e·s, » conclut Neumuth.
anglais eHealth – et de ce qu’on appelle la « médecine d’urgence à distance ». C’est dans le cadre de ces domaines qu’il a créé, il y a deux ans, un poste de professeur-assistant à l’université de Berne – le tout premier dans l’espace germanophone.
LLa scène se passe sur une autoroute, un accident terrible vient de se produire et les ambulances viennent d’arriver sur place pour s’occuper des blessé·e·s. Penchée sur l’un d’eux, une jeune médecin urgentiste est en train de lui prodiguer les premiers secours. Des gestes précis qu’elle doit connaître par cœur et pouvoir réaliser dans toutes les situations de stress. Ça y est, le patient est maintenant hors de danger. Soulagée, elle retire son casque de réalité virtuelle et essuie la sueur de son front : exercice pratique réussi !
Simuler des situations d’urgence pour favoriser la formation médicale : c’est l’une des nombreuses applications concrètes de la réalité virtuelle qui sont utilisées aujourd’hui dans des centres de formation : comme par exemple à l’hôpital universitaire de Berne, dont le département de médecine d’urgence utilise de tels moyens pour former les futurs urgentistes. Thomas Sauter est le directeur responsable de la formation, de la santé numérique – en
« Le département que je dirige s’intéresse à tous les aspects liés à la numérisation de la médecine urgentiste », explique Sauter. Si l’on s’en tient à la défnition stricto sensu que donne l’OMS de la « télémédecine », celle-ci désigne une forme de pratique médicale mettant en relation patient·e·s et professionnel·le·s de santé via les technologies d’information et de communication. « Par contre, le domaine de ce qu’on appelle la “télé-santé” regroupe d’autres aspects, comme celui de la formation notamment, où l’utilisation de casques VR, de l’intelligence artifcielle, de “wearables” (c’est-à-dire l’informatique vestimentaire, ndlr) et d’applis fait partie intégrante de la formation du personnel soignant. » Parmi ces wearables, on peut citer par exemple les montres connectées qui informent le ou la malade de son état de santé. Quant aux applis de santé, elles permettent de l’aider à choisir son lieu de prise en charge ou de calculer la nécessité d’un traitement. Quelles que soient les avancées que cela représente en termes d’effcacité, la numérisation de la médecine est un vrai débat de société parce qu’elle peut présenter des risques, notamment une déshumanisation des relations médecin-patient·e mais aussi une concentration exponentielle de données personnelles. Pour Thomas Sauter, ces interrogations légitimes ne doivent pas remettre en question le progrès énorme que représente la télé-santé : « Il ne s’agit pas d’éloigner le ou la patient·e de son médecin mais au contraire d’établir une véritable collaboration. Par le biais de ces accessoires électro-
niques et des applications smartphone, la personne malade devient l’actrice de sa santé car elle est pleinement intégrée au processus médical. »
Selon Sauter, il n’y aucune raison de croire que les médecins soient un jour remplacés par des algorithmes : au contraire, la numérisation servira tout au plus à renforcer la relation entre le médecin et ses patient·e·s. Encore faut-il que tout le monde s’y mettre : si certains hôpitaux ont tout de suite intégré les dernières innovations, quitte à ressembler à des décors de science-fction, la situation est loin d’être la même partout. « La réalité, c’est qu’on a encore beaucoup de praticien·ne·s qui s’échinent à tout documenter à la main sur papier… Une habitude qui freine considérablement l’échange des données médicales », regrette Sauter.
CCar c’est justement dans ce domaine qu’il perçoit le plus gros potentiel de la santé numérique : la formation d’un véritable réseau d’échanges, qui permettrait non seulement aux médecins de collaborer à distance en échangeant des informations, mais aussi d’interagir avec le ou la malade et de l’inclure davantage dans ce processus. « La médecine numérique sera mieux adaptée à l’individu, plus participative et beaucoup plus effcace dans la prévention. Que ce soit pour interpréter des radiographies, prescrire le bon médicament, établir un diagnostic fable : la médecine numérique est avant tout là pour aider le personnel médical dans son travail, pas pour le remplacer. Il n’est pas question de toucher à la relation de confance qui existe entre le médecin et son ou sa
La visite de mondes virtuels sur tablette, comme ici une grotte marine, aide à soulager les douleurs.
patient·e. » Dernier rejeton du département de médecine d’urgence au sein du CHU bernois, le projet VISL – pour Virtual Insel Simulation Lab, trad. Laboratoire de simulation d’îlots virtuels – s’intéresse depuis 2020 à ce qu’on appelle la Medical Extended Reality ou réalité étendue (abrégée XR), un domaine qui inclut la réalité augmentée (AR), la réalité virtuelle (VR) et la réalité mixte (MR). Si ces innovations ont tout de suite été intégrées dans l’univers du gaming, elles sont en train de révolutionner le domaine médical. Tanja Birrenbach est la cofondatrice, avec son collègue Thomas Sauter, du
L’Hôpital universitaire de Berne utilise la réalité virtuelle pour aider les malades en cas de douleur ou d’anxiété.
projet VISL : spécialiste de la médecine d’urgence, elle est convaincue que la réalité étendue trouvera une multitude d’applications concrètes dans tous les secteurs de la médecine, de la formation du personnel soignant à la prise en charge des patient·e·s.
« Les simulations en MR ou en VR permettent de s’entraîner à des interventions rares ou à haut risque, pour lesquelles les exercices pratiques conventionnels seraient bien trop chers à mettre en place ou beaucoup trop dangereux. En utilisant la MR et la VR, nous avons mis au point toute une palette d’exercices qui touchent à tous les niveaux de compétence : on y apprend aussi bien comment bien utiliser son équipement de protection que la manière adéquate de mettre un cathéter jugulaire sur quelqu'un de gravement blessé. »
Mais ce n’est pas tout : la réalité virtuelle facilite les formations interdisciplinaires des équipes et optimise le suivi de ces formations – grâce à la quantité de matériel numérique ainsi produit. Elle intervient aussi dans le traitement des malades, notamment pour aider à gérer la douleur ou le stress. On les place dans des mondes virtuels qui leur permettent d’oublier – au moins pour un temps – leurs douleurs. Tanja Birrenbach : « Le potentiel d’applications concrètes est déjà énorme, mais il va certainement s’amplifer au fur et à mesure que l’utilisation de la XR deviendra plus intuitive. »
Assis dans le cabinet de son médecin, un père de famille vient d’apprendre que son cancer de la peau est trop avancé pour pouvoir envisager une ablation chirurgicale. Désespéré, il comprend que son seul espoir réside désormais dans une chimiothérapie, avec tous les effets secondaires douloureux que cela suppose – sans certitude d’une issue heureuse : dans le meilleur des cas, ce lourd traitement
« Nous avons développé différents entraînements VR et AR : des formations simples sur les compétences aux procédures très complexes, comme la pose d’un cathéter dans l’aorte chez un·e patient· e gravement blessé · e. »
Tanja Birrenbach
lui permettra de vivre encore quelques années, mais à quel prix et dans quel état physique ?
Le cancer de la peau est une maladie qui touche de plus en plus de personnes sur Terre et dont les chances de survie diminuent s’il est diagnostiqué trop tard pour envisager une intervention chirurgicale. Depuis quelques années, une thérapie révolutionnaire est en train d’être développée, avec des résultats très prometteurs. La pandémie de Covid-19 a permis au grand public de découvrir les fameux vaccins à ARN messager (abrégé en ARNm) – ARN pour acide ribonucléique. Ces nouvelles thérapies, loin de se limiter au coronavirus, promettent de très nombreuses applications, notamment dans la prévention et le traitement du cancer.
Chaque année, rien qu’en Suisse, 40 000 nouveaux cas de cancer sont décelés : c’est la deuxième cause de mortalité dans le pays, juste après les maladies cardiovasculaires. Alors que l’on connaît cette maladie depuis plus de deux siècles, les traitements restent lourds, invasifs et – si le cancer n’est pas dépisté à temps ou pour les formes graves – trop souvent ineffcaces.
la vaccination à ARNm – avec peu d’effets secondaires.
2. la radiothérapie, qui convient aux carcinomes diffciles à opérer mais bien délimités ;
3. la chimiothérapie, où l’on administre par voie intraveineuse des médicaments dits « cytotoxiques » qui vont tuer les cellules tumorales. Cette thérapie est évidemment redoutée en raison des terribles effets secondaires.
La stratégie la plus communément adoptée aujourd’hui est de combiner ces trois traitements : après opération, la personne malade est soumis à des séances de radiothérapie sur les zones à risque. La chimiothérapie vient ensuite aider à éradiquer défnitivement toutes les cellules cancéreuses qui pourraient encore circuler dans le sang. L’un des points faibles de ces thérapies, en plus d’être invasives, c’est qu’elles ne peuvent être adaptées à chaque individu – contrairement aux thérapies utilisant l’ARN messager.
DUn atout de taille
forme grave ou généralisée, la thérapie à base d’ARN messager n’est pas suffsante. Là où elle démontre en revanche toute son effcacité, c’est pour les mélanomes, parce qu’ils sont – au même titre que le cancer du rein – directement liés au système immunitaire. Alors que d’autres cancers, comme celui du poumon ou du sein, interagissent moins avec le système immunitaire : dans ces cas-là, un vaccin ARNm va être moins effcace pour empêcher la formation de cellules cancéreuses. »
Directeur et médecin-chef du prestigieux Tumorzentrum à Hambourg, Dirk Arnold est considéré comme l’un des plus grands spécialistes du cancer en Allemagne. Il décrit la complexité de cette maladie en quelques mots : « Les tumeurs sont des systèmes intelligents qui apprennent très vite, et c’est cette capacité à s’adapter et à muter rapidement qui leur permet de résister non seulement au système immunitaire du corps humain mais également aux traitements extérieurs. »
Il existe actuellement trois voies classiques pour le traitement du cancer de la peau :
1. l’intervention chirurgicale, avec ablation de la tumeur ;
Voilà qui intéresse de plus en plus la recherche médicale, parce que cela bouleverse l’approche thérapeutique : en effet, les trois voies classiques ont comme point commun de constituer des « agressions » venant de l’extérieur, face auxquelles l’organisme malade reste dans un état de passivité. Alors que la thérapie à l’ARN messager utilise activement le système immunitaire la personne malade : elle intervient après l’ablation de la tumeur sous forme d’un sérum « individuel » élaboré à partir de cellules cancéreuses prélevées sur cette personne.
Cette substance n’a pas le même rôle qu’un vaccin classique : il ne s’agit pas de protéger des personnes saines potentiellement à risque, mais plutôt de prévenir les récidives.
Autre bémol, l’ARN messager ne convient pas à tous les types de cancer, comme l’explique Dirk Arnold : « Pour de nombreux types de cancer, notamment ceux présentant une
Quel que soit l’état actuel de la recherche autour de l’ARNm, cette technologie est promise à un bel avenir : les études réalisées sur des patient·e·s atteint·e·s d’un cancer de la peau, à un stade trop avancé pour pouvoir être opéré·e·s, ont livré des résultats positifs – sans augmentation, ou alors minime, des effets indésirables. Différents laboratoires dans le monde travaillent sur d’autres terrains d’action de l’ARNm, en évaluant comment il pourrait intervenir pour d’autres cancers. L’équipe de Dirk Arnold dirige actuellement une étude réalisée sur 200 patient·e·s souffrant d’un cancer de l’intestin, pour voir dans quelle mesure un vaccin ARNm aiderait à empêcher les récidives une fois la tumeur enlevée. Certes, il faudra attendre quelques années pour en connaître les conclusions, et quelques autres encore pour voir arriver sur le marché des « vaccins anti-cancer » mais une chose est sûre : la médecine actuelle n’a pas fni de faire reculer les frontières de l’impossible. Une raison de plus de croire en l’avenir.
Au cours des cinq prochaines années, le marché de la réalité virtuelle en médecine devrait croître de 35 % par an.
Sur Youtube, Philippe Cattin, directeur du Département d’ingénierie biomédicale de l’Université de Bâle, montre à quoi cela ressemble en pratique.
Des patient· e ·s dont le cancer de la peau était si grave qu’il ne pouvait plus être opéré ont déjà été traités avec succès par
L’énergie solaire du Tessin, des bâtiments intelligents, de la lumière de Genève à Delhi...
Ces six personnalités rendent notre électricité propre.
Cette visionnaire de 27 ans n’en démord pas : la technologie peut changer le monde. « Je ne me laisse pas gouverner par la peur comme la plupart de mes contemporain·e·s. J’essaie de me focaliser sur ce que je peux faire pour construire un avenir meilleur sur cette planète », explique Greta Ziegler.
Elle n’a pas 30 ans mais déjà un parcours professionnel très impressionnant. Cheffe de projet, elle encadre différentes start-ups issues de la Green Tech Valley, ce nouvel Eldorado technologique autrichien pour la protection climatique et l’économie circulaire
Nom
Greta Ziegler
Fonction
Cheffe de projet
Projet
La Green Tech Valley soutient les innovations vertes en Autriche. Plus de 300 pionnier·ère·s mondiaux de la Green Tech y poursuivent leurs travaux de recherche.
basé en Styrie et en Carinthie. « Si je m’implique dans quelque chose, il faut que ça ait du sens, poursuitelle. J’entends par là un travail aux ramifications plus larges tout en gardant une ligne de conduite claire pour aboutir à des changements positifs. Ça doit rester un plaisir, évidemment. »
Après des études en sciences des systèmes environnementaux, Ziegler soumet son propre concept à l’Academic Startup Accelerator du Gründungsgarage de Graz (le garage des créations, programme de soutien à la création de startups). Un enthousiasme de la première heure pour cette communauté qui ne l’a plus quittée depuis. Son rôle au sein du groupe de la Green Tech Valley ? Connecter start-ups vertes, entreprises établies et grands investisseurs pour stimuler la croissance de ces jeunes pousses et donner ainsi davantage de visibilité à leur succès.
Qu’il soit écologique ou social, le développement durable est au cœur de presque toutes les préoccupations de Greta Ziegler. « Pour moi, c’était l’évidence même dès le départ: je devais travailler dans une entreprise qui soit favorable au développement durable et qui participe activement à son essor. » À ce titre, les chiffres de la Green Tech Valley sont éloquents : plus de trois cents entreprises et instituts de recherche en sont membres, dont un vingtaine a déjà rejoint le cercle très fermé des leaders technologiques mondiaux. Plus de 2 300 chercheurs et chercheuses travaillent sur les solutions vertes de demain, six cents produits sont d’ores et déjà sur le marché. D’une centrale thermique de recyclage inédite alimentant l’usine de papier Norske Skog aux plus grandes installations solaires thermiques et photovoltaïques d’Autriche, le tournant énergétique est devenu une réalité.
« Oubliez la Silicon Valley, le futur est ici dans la Green Tech Valley ! », proclame, non sans malice, Greta Ziegler.
Dans un monde où beaucoup résistent au changement, Mauro Caccivio penche pour les décisions audacieuses et n’hésite pas à se lancer dans l’inconnu.
L’ingénieur en électronique de 51 ans a déjà pas mal roulé sa bosse, tant dans le domaine de la conception de cartes électroniques pour l’industrie spatiale que dans le développement de panneaux solaires pour les satellites et les missions scientifiques dans l’espace.
En 2008, retour sur Terre pour rejoindre les rangs d’une start-up spécialisée dans la production d’un nouveau type de panneaux solaire à couche mince avant d’accepter, quatre ans plus tard, un poste de chercheur et testeur au sein de l’Institute for Applied Sustainability to the Built Environment de la Supsi, Haute école spécialisée de Suisse italienne.
de l’électricité aujourd’hui. De là à conclure que les panneaux solaires sont faits pour durer, il n’y a qu’un pas !
Loin de cantonner son engagement au domaine strictement professionnel, Caccivio a décidé de l’étendre à sa vie quotidienne. Sa compagne et lui ont délibérément opté pour un logement près de la gare afin de privilégier le vélo et les transports en commun. Ils achètent essentiellement des fruits et légumes de saison et des produits locaux, et Caccivio essaie de réduire chaque année un peu plus sa consommation en viande, même s’il a du mal à tirer un trait définitif sur le fameux bifteck à la florentine de sa Toscane natale.
Éduquer les générations
Nom
Mauro Caccivio
Fonction
Cofondateur & CEO
Projet
Anywhere.Solar transforme tous types de surfaces en centrales solaires grâce à des installations simples et pratiques surplombant parkings et champs agricoles.
Mauro Caccivio dirige désormais le laboratoire photovoltaïque (PVLab) de la SUPSI, le seul dans son genre officiellement reconnu en Suisse. Il pilote des projets pour améliorer la fiabilité et la qualité des panneaux solaires par le biais de tests accélérés, de suivi sur le long terme et d’une charte de caractérisation précise des technologies standard et innovantes.
Son équipe peut se vanter d’avoir créé, dès 1982, la première installation photovoltaïque en Europe reliée au réseau électrique. Et celle-ci produit encore
Son plus grand souhait pour l’avenir ? La mise en place d’une transition durable en faveur des énergies renouvelables et une production d’énergie décentralisée pour aboutir à un réseau électrique synonyme de durabilité et de démocratie. Il rêve que la révolution des smart grids, ou réseaux électriques intelligents, soit aussi rapide que celle des télécommunications mobiles et qu’elle connaisse le même succès. Une attitude aussi positive qu’optimiste qui se reflète bien dans ses travaux destinés à améliorer l’avenir de notre planète grâce à des technologies innovantes et des décisions audacieuses.
Caccivio conclut : « Je pense que la technologie peut nous sauver. Mais pour cela, il faut avoir la bonne approche. Car si l’unique objectif est de faire toujours plus de profits, on court tout droit à notre perte. Pour rendre le monde meilleur, il faut injecter un peu plus d’humanité dans nos technologies. »
« Rendre l’électricité démocratique et durable grâce à une énergie renouvelable et décentralisée. »
Fabiana Lisco est ingénieure chez 3S Swiss Solar Solutions, une entreprise suisse spécialisée dans le développement et la production de matériaux de construction émetteurs d’énergie solaire avec de l’électricité sans CO². C’est dès l’enfance que cette femme aujourd’hui âgée de 39 ans a pris conscience de son environnement : « Pour moi, il était normal que mes grandsmères italiennes nous préparent des repas sains, qu’elles se fournissent en fruits et légumes frais sur les marchés locaux et jamais, au grand jamais, elles n’auraient acheté d’aliments transformés. »
Elle estime qu’il faudrait enseigner ce respect de l’environnement aux enfants dès leur plus jeune âge : « Leur montrer la magie de planter des légumes, de les laisser suivre leur cycle naturel et d’attendre patiemment la bonne saison pour récolter leur fruit préféré. »
Une patience et une persévérance dont Fabiana Lisco n’a pas manqué non plus au cours de sa carrière : un master en chimie décroché à Bari, un second master en matériaux et énergie renouvelable à l’université de Novare, puis un doctorat au Centre for Renewable Energy Systems de l’université britannique de Loughborough, avant de rejoindre 3S Swiss Solar Solutions en 2022.
« Voilà plus de vingt ans que nous développons et produisons des systèmes photovoltaïques, souligne Fabiana Lisco. « Nos modules solaires ne sont pas montés sur le toit, mais directement intégrés dans le bâtiment – le toit, la façade ou la balustrade. Ils produisent ainsi de l‘électricité propre sans émettre de CO² et sans devoir étanchéifier des surfaces supplémentaires. » Et pourquoi est-ce si important ? « Les bâtiments sont responsables de 40 % des émissions mondiales de CO². Environ 15 % sont causées par la production de matériaux de construction et 25 % proviennent de la climatisation et du chauffage des bâtiments, y compris en Suisse. »
Lisco travaille au sein d’une équipe d’ingénieur·e·s chargée de la conception, des processus, des lignes et systèmes de production. En plus de la création de panneaux solaires, la sélection de fournisseur·euse·s agrégé·e·s et l’organisation de tests pour étudier la fiabilité des produits, elle s’occupe également des essais de matériaux, de l’analyse des don-
nées et du développement des processus de production.
« Je suis ravie de faire partie de cette équipe : ensemble, nous réfléchissons et échangeons des idées en permanence, explique Lisco. Je suis fermement convaincue que le succès dépend de l’esprit d’équipe. Depuis mon enfance, je rêve de faire quelque chose d’important pour notre société. » L’ingénieure conclut :
« On devrait toutes se demander comment améliorer nos décisions quotidiennes en termes de durabilité pour rendre le monde meilleur. »
Nom
Fabiana Lisco
Fonction
Ingénieure chez 3S
Swiss Solar Solutions
Projet
Système photovoltaïque intégré aux bâtiments
Energie Zukunft Schweiz (EZS) veut accélérer le tournant énergétique en Europe. L’entreprise suisse, titulaire de fliales en Italie, Roumanie, Allemagne et Espagne, compte désormais près de 200 collaborateurs et collaboratrices. Leur mission ? Aider les entreprises de distribution d’énergie, le secteur immobilier et les pouvoirs publics à utiliser les énergies renouvelables et à améliorer l’effcacité énergétique.
La dream team
Sabine Marbet est responsable du secteur d’activité Effcacité énergétique, et vice-présidente du directorat suisse. Elle s’occupe de stratégies climatiques et énergétiques ainsi que de la planifcation et de la mise en œuvre de mesures d’effcacité dans la construction. « Et je suis aussi responsable culturelle chez EZS, ajoute Marbet. Ma devise : People frst » Sa collègue Lidia Gallego est cheffe d’équipe pour les projets photovoltaïques et s’occupe des stratégies climatiques et énergétiques, ainsi que de la planifcation et la mise en œuvre de mesures d’effcacité dans la construction. « Je consacre beaucoup de temps et d’énergie à mon travail. Donc pour moi, c’est important que celui-ci soit aussi utile qu’agréable. »
Si, pour l’une comme pour l’autre, le chemin vers EZS n’était
Noms
Sabine Marbet (en haut), Lidia Gallego
Fonctions
Responsable de l’efficacité énergétique ; Responsable des projets photovoltaïques.
Projet
Energie Zukunft Schweiz aide les entreprises à accélérer le tournant énergétique.
pas tout tracé, il correspond en tous points à leurs ambitions. Marbet a étudié les sciences de l’environnement à l’EPF de Zurich et s’est particulièrement intéressée aux processus atmosphériques à une époque où la thématique du trou dans la couche d’ozone était très actuelle. « J’ai ensuite travaillé trois ans comme météorologue et présentatrice chez MeteoNews avant de rejoindre Energie Zukunft Schweiz en 2018. J’étais la seconde employée, j’ai donc pu accompagner pas à pas sa genèse. Quand j’ai choisi mes études, le développement durable était déjà un sujet essentiel pour moi. Je suis pragmatique, c’est l’impact des choses qui m’intéresse : pas seulement parler mais agir, apporter ma pierre à l’édifce. »
Le tournant, c’est maintenant Gallego obtient son master avec spécialisation en énergie solaire à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Elle travaille ensuite pour des entreprises solaires en Thaïlande et en Suisse en tant que développeuse de projets avant de rejoindre l’équipe d’Energie Zukunft Schweiz en 2018.
« J’espère que le grand changement vers une société durable se produira dans les années à venir, parce qu’il n’y pas d’autre alternative, tout simplement », résume Lidia Gallego.
« Ce qui m’intéresse c’est l’impact des choses. Parler, c’est bien, agir, c’est mieux. »
Chaque été, nos parents nous emmenaient, mon frère et moi, dans le village de nos ancêtres en Inde. Mais il n’y avait pas d’électricité, raconte Govinda Upadhyay. Et comme le gouvernement n’était pas fiable, il a fallu beaucoup de temps pour que le village en ait. C’est ce qui a éveillé mon intérêt pour les solutions énergétiques décentralisées. Des solutions qui ne nécessitent pas d’intervention extérieure et qui permettent néanmoins un accès sûr et propre à l’électricité. »
Govinda Upadhyay est le fondateur et le PDG de SmartHelio. Cette entreprise de logiciels améliore les performances et la longévité des installations solaires.
« Nous voulons ainsi jouer notre rôle dans la réalisation des objectifs en matière d’énergie propre, dans la réduction des déchets électriques et dans l’accélération de la transition énergétique, explique-t-il. Nous pensons que l’énergie propre est une solution importante pour réduire drastiquement les émissions de carbone dans notre société. »
Âgé aujourd’hui de 34 ans, il a fondé sa deuxième entreprise, SmartHelio, en 2019. La première, LEDSafari, est spécialisée dans l’éducation des enfants des
Nom
Govinda Upadhyay
Fonction
Fondateur & CEO de SmartHelio & LEDSafari
Projet
SmartHelio améliore la performance et la longévité des installations solaires ; LEDSafari enseigne la durabilité aux enfants des pays émergents.
pays émergents au développement durable et à l’énergie propre. « J’ai alors constaté que les installations solaires ne fonctionnaient souvent pas comme elles le devraient pour couvrir les besoins énergétiques. » C’est ainsi qu’il a eu l’idée de développer une solution qui aiderait à détecter à distance les défauts de performance et les pannes des installations énergétiques, et à y remédier rapidement.
Ce chercheur en climatologie et en énergie a fait ses études en Suède, aux Pays-Bas et en Inde. En 2016, Upadhyay a été classé dans la liste Forbes des trente
meilleurs pour son travail dans le domaine de l’énergie durable. « La conscience climatique est au cœur de mon activité et de mon style de vie. J’essaie de faire attention aux petites habitudes qui peuvent avoir un impact important, nourriture, transport, etc. Je n’ai pas de voiture, par exemple. » En Europe, Upadhyay se déplace le plus souvent en train. Il est végétarien et préfère acheter des aliments produits localement.
Avec courage et fermeté
« J’ai grandi à Delhi et j’ai vu la ville prospérer, mais aussi devenir polluée. Je vois l’impact sur la santé et la vie des gens, déclare Upadhyay. Il faut apprendre à nos enfants à être conscients des risques, leur enseigner qu’ils et elles ont le pouvoir d’agir et de changer le statu quo. Nous ne devons pas nous résigner à une situation injuste et nous pouvons nous battre pour nos convictions afin de servir les gens. Je veux que mon enfant et tous les autres vivent dans une société durable où l’air est propre. Je veux qu’il y ait de l’énergie propre partout. C’est la mission de SmartHelio : accélérer l’introduction de l’énergie propre dans la société. J’espère que nous pourrons aller vite, et par là j’entends vraiment vite. »
« La conscience climatique est au cœur de mon activité et de mon mode de vie. »
Il se jette dans l’océan depuis les falaises, part à l’assaut des montagnes et parcourt les rues de Genève à vélo. Aventurier passionné, Maël Perret s’est fxé un objectif de taille : insuffer un peu plus de durabilité dans le monde de l’immobilier. Ingénieur en énergie spécialisé dans l’IoT (Internet of Things) et les bâtiments intelligents, il s’est concentré sur la gestion de données pour garantir l’effcacité énergétique des bâtiments.
E-nno, sa société fondée en 2018, a développé une technologie capable de décoder les bâtiments
Nom
Maël Perret
Fonction
Directeur général et fondateur d’E-nno
Projet
E-nno transforme les bâtiments en bâtiments intelligents grâce à des économies d’énergie pouvant atteindre 35 %.
pour fournir une multitude de données sur leur fonctionnement. Cette solution permet d’identifer en douze semaines toutes les économies d’énergie potentielles et de réduire automatiquement la consommation énergétique du bâtiment jusqu’à 35 % sans rien changer au bien-être des occupant·e·s. « Pour moi, la durabilité n’est pas qu’un mot à la mode, c’est un engagement au quotidien, déclare Perret. Je veux contribuer à l’avènement d’un monde meilleur et je suis convaincu que le secteur immobilier a un rôle important à jouer. »
Pour lui, il ne fait aucun doute que les technologies destinées à réduire l’empreinte écologique vont continuer de se développer à l’avenir. « C’est bien d’inclure les besoins de sécurité dans la pyramide de Maslow, ce serait encore mieux d’y ajouter les questions environnementales. »
Perret gère son entreprise selon un modèle durable, sollicitant les boîtes locales pour le développement et l’application de sa technologie tout en veillant à l’énergie et aux ressources mobilisées. Baptisé pay-as-you-save, son modèle commercial se base sur une économie d’énergie autofnancée, ce qui permet aux professionnels de l’immobilier de prendre les bonnes décisions concernant leurs futurs investissements en énergie.
Pour les générations à venir Perret est très engagé en faveur d’une intégration de thèmes tels que la crise environnementale et l’évolution technologique dans les programmes scolaires. « Je veux que les nouvelles générations soient pleinement conscientes du problème et équipées des outils nécessaires au changement. »
À 35 ans, Maël Perret fait fgure de précurseur dans le secteur de l’immobilier. « On ne peut pas rendre le monde meilleur si chacun·e ne prend pas sa part de responsabilité. La mienne, c’est de faire des bâtiments plus effcaces en termes d’énergie tout en préservant l’environnement. J’ai hâte de me lancer dans de nouvelles aventures. »
Deux Autrichiens travaillent en labo sur un prototype de réacteur sans danger – qui pourrait être alimenté par du thorium. C’est bien plus qu’une utopie, encore à l’état de projet.
Entrepreneur
nucléaire et ami des animaux : Florian Wagner (ci-contre) vit à Graz avec 21 chats et 3 chiens, et élève des crapauds pendant son temps libre. Ici en photo : son chat ragdoll « Dior ».
30 g de thorium, un métal faiblement radioactif (ici sous forme de poudre) devraient suffire à alimenter 360 foyers en électricité, en toute sécurité pendant un an.
Le « bon » nucléaire, est-ce possible ?
L’énergie nucléaire – rien que ce mot déclenche automatiquement une réaction de rejet chez beaucoup. On pense à Hiroshima, Tchernobyl et Fukushima, à la guerre froide et aux missiles qui s’abattent autour des centrales nucléaires ukrainiennes. Et aux flms de Bond, dans lesquels Dr. No et Blofeld menacent le monde avec des armes radioactives… Et voilà que notre duo entre en scène !
Il est composé d’un entrepreneur débrouillard qui vit dans une villa blanche en forme de vaisseau extraterrestre à fanc de colline avec 21 chats et trois chiens et qui
Lélève des crapauds pendant son temps libre. Et d’un ex-activiste de Greenpeace et physicien nucléaire. Ensemble, ils veulent sauver le monde du changement climatique – et ce, grâce à du « bon » nucléaire. L’entrepreneur s’appelle Florian Wagner, et a 43 ans. Le physicien s’appelle Mario Müller, et a onze ans de plus.
Au moment de leur rencontre, Florian Wagner venait d’emménager avec sa nouvelle start-up Emerald Horizon dans la communauté Greentech de la Science Tower de Graz. Homme imposant au parler énergique, Wagner avait fondé avec des amis la société d’investissement QBasis Invest pendant ses études
Depuis 1962, il existe un réacteur expérimental près du parc du Prater, à Vienne. Mario Müller (à gauche) et Florian Wagner l’utilisent pour la recherche.
de médecine après l’éclatement de la bulle dotcom en 2002 ; il l’avait développée pour en faire une place de marché de plusieurs millions et était à la recherche de placements dans le domaine des énergies alternatives. Une seule chose lui manquait : le savoir-faire scientifque.
C’est alors que Müller est arrivé. Déjà passionné d’électrotechnique au lycée, il a étudié la physique, s’est engagé pour Greenpeace, a toujours voté vert et a fait de la recherche pendant quelques années au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire près de Genève. C’est là qu’il était entré en contact avec Carlo Rubbia, lauréat du prix Nobel et inventeur, dans les années 1980, d’un concept utopique d’accélérateur de particules pour les centrales nucléaires. Cette idée deviendra plus tard une pièce importante du puzzle pour Emerald Horizon.
Florian Wagner venait de faire des recherches sur les réacteurs de quatrième génération et butait sur des approches de valorisation des déchets nucléaires : « Chaque approche en soi présentait des solutions partielles prometteuses, mais n’était pas satisfaisante dans son ensemble », explique-t-il. C’est alors qu’il a décidé, avec Mario Müller, de réunir les meilleures solutions partielles en un concept global. Best of the past, selon Müller, qui s’est joint au projet en tant que directeur de la recherche et du développement. En 2019 la start-up a démarré, en 2020 le travail sur un modèle numérique a commencé, en 2021 l’entreprise a lancé la recherche fondamentale en laboratoire. Le résultat est l’ « ADES Amplifer » : un amplifcateur qui peut aussi produire
sa propre énergie en tant que centrale électrique. Avec une puissance allant jusqu’à 25 MW, un module pourrait alimenter de 5 000 à 10 000 foyers en électricité et en chaleur. Une centrale souterraine au thorium et à sels fondus, petite et modulaire, sans risque de fusion du cœur du réacteur nucléaire, utilisant le thorium faiblement radioactif comme source d’énergie et dotée d’un petit accélérateur de particules révolutionnaire, dont la technologie est utilisée dans la recherche médicale pour lutter contre le cancer. Des composants de
Müller montre une maquette du réacteur ADES. Le prototype de la grande version devrait être mis à l’essai avant la fin de l’année 2023.
l’amplifcateur sont développés et testés au célèbre institut Jozef Stefan de Ljubljana, en Slovénie, et le prototype est en cours de construction.
Sur simple pression d’un bouton Dans la réalité, l’amplifcateur ADES devrait être assez peu spectaculaire : une petite boîte grise pour la commande, à côté de grands boîtiers pour la production d’électricité et d’hydrogène. La fssion nucléaire proprement dite se déroule cachée, sous terre, dans un conteneur fermé et étanche. La principale différence d’ADES par rapport à une centrale nucléaire classique réside dans le fait que « les réacteurs des centrales nucléaires classiques sont toujours dangereux. Cela signife qu’il faut maîtriser le développement massif d’énergie et faire des efforts pour que ça ne surchauffe pas et n’explose pas comme une bombe atomique", explique Müller. ADES fonctionne « de manière plus sûre, car une fusion du cœur du réacteur, et donc une catastrophe, est impossible. On peut l’allumer et l’éteindre de l’extérieur. Et en cas d’un hypothétique incident, il s’arrêterait de luimême plus vite qu’en un millionième de seconde, explique Wagner. Grâce à l’accélérateur de particules, on peut contrôler avec précision le développement de la chaleur et sans devoir introduire au préalable ni uranium ni plutonium ». À vrai dire, le terme de réacteur ne convient pas non plus à l’ADES, « car nous le pilotons de
Contrairement aux centrales, il ne reste pas de transuraniens hautement radioactifs, comme le plutonium, à partir duquel fabriquer des bombes atomiques.
l’extérieur – peut-être devrions-nous l’appeler module de production contrôlée d’énergie nucléaire », réféchit Wagner à haute voix.
Le fonctionnement du conteneur est le suivant : l’accélérateur de particules est activé de l’extérieur par la commande et envoie un faisceau de particules ciblé dans un anneau rempli de thorium et de sels fondus. Le thorium faiblement radioactif est transformé en uranium 233 et un état intermédiaire est créé, ce qui permet de « récolter » d’énormes quantités d’énergie et de chaleur jusqu’à 900 °C. Contrairement aux centrales nucléaires traditionnelles, il ne reste pas de transuraniens hautement radioactifs comme le plutonium, à partir duquel on peut fabriquer des bombes atomiques.
L’idée n’est pas tout à fait nouvelle. Des réacteurs au thorium et à sels fondus ont déjà été développés dans les années 1960 et ont échoué car le risque de corrosion des cuves par les sels fondus était trop élevé. C’est pourquoi, dans l’ADES, les sels fondus sont maintenus en mouvement continu dans un anneau par une pompe de circulation afn qu’ils ne se déposent pas. L’anneau est composé de céramique en carbure de silicium résistant à la corrosion et est entouré d’une enveloppe de protection. Si les sels fondus devaient malgré tout s’échapper, ils s’écouleraient dans un bac et se solidiferaient immédiatement au contact de l’air. « Le module ADES fnal n’aura pas besoin d’une maintenance maximale », explique Müller. Un logiciel appelé Safety Security Environment doit garantir le contrôle en toute sécurité.
L’équipe d’Emerald Horizon veut construire un réacteur à sels fondus made in Austria, appelé module ADES.
Après la mise en marche, l’accélérateur de particules 1 est activé : il bombarde l’anneau (loop 2 ) rempli de thorium et de sels avec des protons, et produit des neutrons de haute énergie. Une unité de circulation 3 maintient les sels à l’état liquide en mouvement dans l’anneau. Le thorium transmute et se désintègre,
libérant ainsi de l’énergie. La chaleur obtenue est transportée par des échangeurs de chaleur 4 vers deux conteneurs situés à l’extérieur ( 5 et 6 ), où une turbine à vapeur et un générateur produisent de l’électricité ou de l’hydrogène. Une partie de l’électricité peut être réinjectée : l’amplificateur devient ainsi une centrale électrique. ADES peut être éteint et allumé via la fonction On/Off, et s’éteint automatiquement en cas de panne.
FFini ce qui dérange et qui irradie ?
Nikolaus Müllner, chercheur à l’Institut des sciences du risque et de la sécurité de l’Université des ressources naturelles de Vienne, est sceptique. Le chercheur a notamment réalisé des analyses de sécurité pour la centrale nucléaire argentine d’Atucha et des rapports de recherche sur l’élimination des déchets nucléaires. Les startups technologiques comme Emerald Horizon émergent au niveau international. Personne ne sait comment
Ce métal blanc-gris a été découvert en Norvège en 1828 et n’est que faiblement radioactif. Il doit son nom au dieu nordique du tonnerre, Thor. Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie atomique, basée à Vienne, il existe entre six et onze millions de tonnes de thorium dans le monde. Le gisement en Autriche serait
compris entre 25 000 et 100 000 tonnes, ce qui en ferait le plus grand d’Europe. 2,6 kg de thorium dans un réacteur ADES permettrait d’alimenter 10 000 foyers en énergie pendant un an. Mathématiquement parlant, les gisements existants permettraient d’alimenter tous les foyers de l’UE pendant des centaines d’années.
Directeur de recherche chez Emerald Horizon, Mario Müller a construit l’anneau du réacteur ADES à Graz, et l’injecteur de neutrinos à Vienne.
une nouvelle technologie réagit réellement dans la pratique. « Tout peut fonctionner en théorie et en laboratoire, mais en exploitation constante, des perturbations imprévues peuvent survenir », fait remarquer Müllner.
Florian Wagner ne se laisse pas freiner dans son enthousiasme.
« Nous ne construisons pas une grande installation dont l’issue est incertaine, mais une machine qui peut être testée avec précision, adaptée sans complication et menée à la production en série. » Pour une sécurité et un contrôle optimaux, les modules resteront la propriété d’Emerald Horizon, et les client·e·s ne paieront que les frais d’achat d’énergie de 12 cents par kilowattheure via un contrat : « Comme nous le faisons déjà avec nos installations photovoltaïques », explique Wagner.
Les Atomic-Twins autrichiens sont même si optimistes qu’ils ont avancé à 2029 le début de la production en série de l’ADES, initialement prévu pour 2039 : « Nous allons bientôt construire le démonstrateur, avant même que le prototype ne soit terminé, car nous savons déjà assez précisément ce qui fonctionne ou pas grâce au jumeau numérique et aux tests effectués jusqu’à présent », explique Wagner. La construction du démonstrateur et la procédure d’autorisation coûteront 250 millions d’euros. La moitié de cette somme devrait provenir de partenaires et futur·e·s acheteur·euse·s : « Des producteurs d’électricité, des groupes industriels, des hôpitaux, des chantiers navals, etc. Même une île est intéressée et souhaite devenir autonome en énergie avec ADES », poursuit Wagner. Müllner doute que le calendrier
d’Emerald Horizon tienne la route. « L’approche est encore très innovante en termes de matériaux et de mise en œuvre. Même si tous les tests de sécurité et de matériaux se déroulent bien, les autorisations prennent des décennies en raison de la complexité de la législation. Les fondateur·rice·s de nombreuses start-ups sont éloignés du secteur et sous-estiment l’extrême lenteur de tels projets. »
Là encore, Florian Wagner ne veut pas se laisser décontenancer. C’est justement le fait d’être éloigné du secteur qui permet de trouver des solutions plus innovantes. Grâce à la coopération de divers partenaires et
« Nous ne construisons pas une grande installation à l’issue incertaine, mais une machine qui peut être testée avec précision et adaptée sans complication.
»
MARIO MÜLLER
De nombreux pays européens investissent dans des technologies nucléaires améliorées. D’autres s’accrochent à leurs anciens réacteurs. Un aperçu.
En tant qu’opposante convaincue à l’énergie nucléaire, l’Autriche est désormais bien seule en Europe :
1 En Finlande, la centrale nucléaire Olkiluoto-3 a été inaugurée en 2022.
2 La Slovaquie construit les troisième et quatrième unités de la centrale de Mochovce.
3 La France redémarre des centrales nucléaires arrêtées en 2022 et prévoit de construire de petites centrales modulaires (appelées SMR) dès 2030.
4 La centrale nucléaire hongroise de Paks, et son homologue anglaise 5 Hinckley Park reçoit des millions de subventions nationales. L’UE a rejeté une plainte de la République d’Autriche à ce sujet. D’autres
misent sur les centrales de quatrième génération.
6 La République tchèque prévoit la plus petite centrale nucléaire d’Europe dans le parc nucléaire de Temelín : elle devrait être construite d’ici 2035.
7 La Pologne prévoit de se lancer dans l’utilisation de l’énergie nucléaire en 2033, avec un total de six unités d’une capacité totale de 6 à 9 GW d’ici 2043.
En dehors de l’Europe, la Chine construit un petit réacteur au thorium et aux sels liquides à Wuhei. Bill Gates veut lui aussi, avec sa société TerraPower, produire d’ici 2050 des centaines de petites centrales nucléaires refroidies au sodium. Le premier réacteur est actuellement en construction dans le Wyoming pour 180 millions d’euros et devrait être mis en service en 2028.
du monde de la fnance, ADES doit être rapidement produit en série. Pour la recherche et le développement, l’entreprise a déjà quelques soutiens assurés comme le groupe Bernard ou l’université technique de Graz. À l’aide d’une obligation verte qu’il a émise, Wagner veut « apporter les milliards de Wall Street à l’industrie autrichienne ».
Les milliards viennent donc de Manhattan, mais où vont les déchets ? ADES produit des déchets nucléaires radioactifs, mais ceux-ci ne doivent être stockés « que » pendant 300 ans, le matériau ayant déjà perdu beaucoup de sa dangerosité après cinquante ans. Pour le plutonium en revanche, il s’agit de 240 000 ans, et même de millions d’années pour certains transuraniens. Selon Florian Wagner, le thorium présente même une production d’énergie élevée avec peu de déchets : « On peut utiliser 97 % du thorium pour produire de l’énergie ; pour l’uranium, ce n’est que 3 %. » Cela tombe bien : en novembre de l’année dernière, le plus grand gisement de thorium du monde aurait été découvert en Carinthie (Autriche). Selon Florian Wagner, les modules ADES devraient même, dans une prochaine étape, réduire la nocivité des déchets nucléaires des centrales nucléaires traditionnelles. Mais pour l’instant, ils doivent être utilisés pour produire de l’énergie et renforcer les installations éoliennes et hydroélectriques.
MMais l’objectif principal d’Emerald Horizon est de remplacer le « mauvais » nucléaire par le « bon » et d’accélérer la sortie du nucléaire des centrales obsolètes, notamment autour de l’Autriche. La voie est-elle ouverte à une « opération Austrotom » ? « L’Autriche a toujours été un pays sans nucléaire, neutre et aussi siège de l’AIEA. Nous sommes aujourd’hui assis sur un incroyable trésor de thorium. Quel pays serait donc plus approprié comme point de départ pour une technologie révolutionnaire ? », interrogent en chœur Wagner et Müller.
Transports publics non-polluants, villes sans émissions : Gerald Babel-Sutter, fondateur d’Urban Future, propose une conférence sur l’essor des métropoles durables.
the red bulletin innovator : Pourquoi Urban Future est-elle devenue la conférence sur le développement urbain durable numéro un en Europe ?
Gerald b abel-Sutter : Parce nous avons un objectif précis. Notre conférence internationale se tient chaque année dans une ville innovante différente. Des expert·e·s et des décideur·euse·s de la politique, de l’économie et du civil unissent leur savoir-faire et leur passion pour que le changement s’opère enfn dans nos villes. Cette année, la conférence se tient à Stuttgart, région passionnante elle-même confrontée à d’immenses changements structurels.
Quelle est la genèse d’Urban Future?
Tout a commencé en 2014 à Graz avec un atelier sur le thème de la mobilité pour favoriser les échanges entre expert·e·s sur
leurs défs et leurs projets. Nous nous sommes soudain retrouvés avec mille personnes invitées de plus de trente nations, ce qui nous a totalement surpris : nous avions manifestement touché une corde sensible. Les conférences traitent généralement du « pourquoi ». Nous nous intéressons au « comment ». Comment transformer une idée ou une vision en réalité ? Quelles sont les obstacles ? Comment les surmonter ? Voilà les différents thèmes abordés par Urban Future.
Y a-t-il des domaines dans lesquels les villes se sont améliorées au cours des dix dernières années ?
Oui, heureusement. Les choses ont bien évolué. De nombreuses grandes métropoles se sont réunies pour fxer des règles communes en matière de gaz d’échappement à l’entrée des villes. Et citons aussi
Le Viennois est fondateur et PDG d’Urban Future, qui connecte les décideurs et décideuses des villes du monde entier avec les acteurs et actrices du changement. Ses précédents postes : Head of Conferences (cb brand), Head of Business Development & Marketing (CMS), Marketing Manager (Steiner Optics).
Participant·e·s lors de l’Urban Future Global Conference à Oslo en 2019.
les « C40 Cities », une coalition de villes qui ont annoncé qu’à partir de 2025, elles n’achèteraient plus que des bus sans émissions de CO² pour le transport public. Cette nouvelle approche se traduit également par une plus grande marge de manœuvre.
Que peuvent faire les villes pour développer leur durabilité plus rapidement ?
Les villes subissent d’énormes transformations dans presque tous les domaines. Pour la mobilité, il faut favoriser les transports publics, le vélo et l’autopartage. Pour le bâtiment, la construction durable et la rénovation énergétique. Et pour l’énergie, économiser, développer les énergies renouvelables locales et abandonner les énergies fossiles.
Vous avez des exemples positifs en milieu urbain ?
Bien entendu. L’essentiel est de fxer des objectifs communs, faire preuve d’innovation et de créativité et encourager la coopération. Parmi les projets réussis, on peut citer le concept de la villeéponge de Rotterdam : absorber et stocker l’eau de pluie dans les villes au lieu de la canaliser et de l’évacuer. Le centreville d’Oslo sans voitures, les canaux de débordement de Graz en cas de fortes pluies ou encore Tokyo et son gigantesque projet d’infrastructure pour la prévention des inondations sont autant d’exemples de bonnes pratiques.
Y a-t-il des différences d’approches marquantes selon les villes ?
Absolument ! Si les villes européennes excellent dans l’optimisation et la planifcation stratégique, les villes d’Afrique et d’Amérique latine impressionnent par leur créativité et leur approche pragmatique.
Urban Future ne propose pas que des dialogues mais aussi des ateliers, des visites interactives et bien plus encore.
Quelle est la situation en Suisse, en Allemagne et Autriche ?
Les transports publics de l’espace germanophone sont parmi les meilleurs au monde. C’est un atout majeur. En revanche, les structures rigides, l’administration léthargique et les interminables processus de décision freinent la transformation des villes. Dans de nombreux cas, la devise reste : « Préserver plutôt que changer. »
Comment provoquer défnitivement le changement ?
Pour assurer une meilleure durabilité, le pouvoir reste entre les mains de toutes les personnes agissant en ce domaine. Si l’ensemble est encadré par de « bonnes » personnalités dirigeantes et des équipes passionnées, on trouvera toujours un moyen, quel que soit l’endroit de la planète où le changement s’opère.
du 21 au 23 juin 2023, à Stuttgart (Allemagne)
Toutes les infos sur : urban-future.org
Qu’attendez-vous du développement urbain durable dans les dix, voire les vingt prochaines années ?
Des dirigeants et dirigeantes qui pensent autrement, plus de jeunes aux postes clés, plus de diversité au sein des équipes dirigeantes urbaines, et surtout, plus de femmes. L’objectif est que la durabilité dépasse ce statut de secteur pour devenir une attitude fondamentale qui concerne tout le monde.
Le biohackeur Andreas Breitfeld présente ce gadget sensé améliorer la vie. Comment un brassard intelligent vous aide à être visiblement plus musclé·e.
Les hormones de croissance sont la clé pour prendre de la masse musculaire, pour une régénération plus rapide et une peau plus lisse. Il est donc judicieux de stimuler la sécrétion de ces hormones lors de l’entraînement. On peut le faire avec des poids qui sollicitent les articulations, les ligaments et les tendons, ou on peut obtenir le même effet en réduisant de manière dosée la circulation sanguine avec un poids d’entraînement plus faible (− 75 %) et un nombre de répétitions élevé (20-40). Pourquoi ? L’augmentation de la circulation sanguine après l’entraînement de musculation entraîne, en plus de
l’amélioration visuelle due au « pompage », une production accrue d’hormones en récompense des efforts fournis à la salle de sport. Un certain nombre d’études affrment désormais que le meilleur résultat est obtenu lorsque l’apport sanguin aigu est réduit à court terme par des bandes ou des manchettes. Il est important de noter qu’il s’agit toujours d’une réduction du débit, et non d’un étranglement. En conséquence, je recommande uniquement des solutions spécifques comme B-Strong, et non l’utilisation d’élastiques, qui peuvent entraîner des lésions nerveuses ou pire encore. Les bandeaux spéciaux B-Strong sont disponibles pour le bras et la cuisse en différentes tailles, avec une appli qui calcule la pression avec laquelle ils réduisent le fux sanguin (comme un brassard de tension). env. 490 CHF ; win.gs/B-Strong
Le cœur de B-Strong : un bandeau pour le haut du bras afin de réguler le débit sanguin.
Andreas Breitfeld est un biohackeur qui prend sa santé en main et teste des gadgets dans son laboratoire. Il évalue pour nous divers gadgets.
1.
Quel est le livre qui t’a le plus appris ?
Guerre et Paix, de Léon Tolstoï. Il est intemporel. Il permet de déceler les mécanismes de la vie et la profondeur des relations humaines. Plus les personnages et leurs relations sont variés, mieux on peut comprendre les autres et aussi se comprendre soimême. Ce livre permet de se pencher sur sa propre vie.
2.
Quelle newsletter lis-tu jusqu’à la fin ?
Cee Cee Berlin, à laquelle je suis abonnée depuis 2015. J’aime cette lettre d’infos sur la vie culturelle de la capitale. Et il y a bien sûr, la WAA Podcast Newsletter ;)
3.
Quel est le compte Insta que tu likes le plus?
Sans aucun doute
This Place: une marque de cosmétiques clean créée par une de mes amies invitée du podcast, Laura Simonow. J’adore à la fois l’esthétique et la qualité des produits mais aussi le vrai sentiment « d’appartenir à la communauté ».
4.
Quel est le podcast dont tu ne rates aucun épisode ?
Question difficile, car je n’ai guère le temps, à côté de mon podcast, d’en écouter d’autres. Mais quand j’y arrive, c’est Fast&Curious, de Verena Pausder et LeaSophie Cramer, un duo très dynamique qui se démarque et qui m’inspire avec des insights personnels et originaux sur le monde des affaires et de la carrière.
5.
Quelle est la dernière appli que tu as découverte ?
Récemment, j’ai eu la chance de lire des articles sur les thèmes passion economy et side hustle pour l’appli Informed. J’ai trouvé ça vraiment plein de bon sens et très informatif.
6.
Quel est le plaisir coupable que tu t’octroies ?
La recherche de meubles d’occasion ou vintage sur Cocoli (site allemand de revente de meubles, ndlr)! C’est toujours pour moi une vraie petite chasse au trésor.
Daria Suvorova est la fondatrice et l’animatrice du podcast, en anglais, Women Authors of Achievement (WAA), dans lequel elle raconte des histoires de femmes qui ont réussi dans tous les domaines possibles. Elle travaille également comme directrice de lancement pour la fintech européenne Klarna et enseigne en tant que professeure invitée à la Popakademie Baden-Württemberg. Thème : « Le pouvoir des podcasts » Le podcast Women Authors of Achievement (WAA) peut être écouté sur toutes les grandes plateformes.
Quelles applications et quels textes ont inspiré la fondatrice de Women Authors of Achievement, Daria Suvorova ?DONYA JOSHANI, COCOLI, OMR
Avec le slogan Artificial Worlds, le festival international de la culture numérique fait son retour à l’automne. Le DA Z –Digital Art Zurich réunit en un seul lieu les artistes numériques les plus remarquables au monde. Pendant dix jours, on pourra découvrir ces artistes et leurs œuvres lors d’expositions, d’installations, d’expériences virtuelles, de concerts et de débats dans le centre-ville de Zurich. L’art numérique n’est donc plus seulement présent sur les smartphones, mais aussi dans les rues.
DA Z – Digital Art Zurich da-z.net
“That’s Infotainment at its best!” Voilà qui plonge dans l’esprit angliciste du festival. Trois journées de rencontre dans la Marx Halle de Vienne, trois thématiques bien distinctes : 4Pioneers, 4Future, 4Gamechangers. Conseils pour start-ups et investisseur·euse·s, avenir du système de santé, discussions sur le journalisme de qualité, corruption et émancipation féminine, presque tous les sujets brûlants du moment seront abordés. Le programme sera également retransmis à la télévision sur Puls24 et ORF et en streaming sur l’application ZAPPN.
4Gamechangers
4gamechangers.io
avril 2023
Martina Panchyrz (ci-dessus) a plusieurs cordes à son arc : journaliste, fondatrice de l’entreprise de médias M.STORIES, dévoreuse de livres… et désormais organisatrice du Female Business Festival. Sous la devise Courage, 1 500 participantes sont conviées pour la première fois à Munich pour cerner et atteindre leurs objectifs grâce à un large panel d’activités, entre scène de pitch et de podcasts en live, sessions de yoga et dégustations de vin. Réaliser ses rêves n’a jamais été aussi fun !
Female Business Festival martinastories.com
Quinzième édition du Swiss Innovation Forum de Zurich, le rendez-vous annuel numéro un dans le domaine de l’innovation. Objectif de la conférence suisse : faire dialoguer science et économie avec un menu très varié, cette année encore, entre Experience Zone, exemples de meilleures pratiques et discours inspirants sans oublier la remise du Swiss Technology Award (STA). Si l’événement n’aura lieu qu’à la fin de l’année, les billets Early Bird sont disponibles dès maintenant.
Swiss Innovation Forum swiss-innovation.com
Un petit air d’Hollywood et du cash pour vos idée innovantes et durables : tous les rendez-vous incontournables en Suisse, en Autriche et en Allemagne.
Tu es jeune, pétri d’innovation, tes idées sont géniales mais il te manque encore le partenaire idéal pour les concrétiser ? Alors, tu ferais mieux de te jeter illico sur le programme annuel du Social Impact Award (SIA) et marquer la date du 8 mai en rouge dans ton calendrier. Ce printemps, des événements et des ateliers seront organisés dans toute l’Autriche pour t’aider à développer ton projet ou ton concept social. Et tu as jusqu’au début du mois de mai pour soumettre celui-ci, recevoir un ticket pour l’appel à projet SIA d’une valeur de plus de 20 000 euros et avoir accès à toute une équipe d’expertes, d’experts et de mentors.
Social Impact Award
socialimpactaward.net
Le festival OMR de Hambourg est le plus grand événement germanophone de ce type pour les créateurs de contenu numérique. Cette année, des intervenant·e·s sont déjà annoncé·e·s : Pamela Reif, productrice de vidéos web et influenceuse, le designeur Ronnie Fieg (entre autres fondateur de la marque de mode Kith) ainsi que l’investisseur tech et média Scooter Braun. Dans la ville hanséatique, tout tourne autour de l’information, de l’inspiration et du réseautage autour du business numérique ainsi que de nombreux aperçus du monde des grands. Cela vaut donc la peine de se rendre au festival OMR ; y participer est encore bien plus important !
OMR Festival omr.com
Troisième édition du Customer Experience Forum de Biel/Bienne. Sous la devise Impact matters!, l’événement organisé par SUCCUS se focalise sur la stratégie CX au niveau de l’entreprise. De la conception de produits au développement commercial et à la vente, tout ce qui est important pour l’expérience client est présent. Et cette année, honneur au networking ! Au programme : des discours d’expert·e·s, ateliers et débats ouverts. Les billets Early Bird sont déjà disponibles. Customer Experience Forum succus.at
avril et 25 mai 2023
Quelle forme auront les espaces de travail de demain ? Quelle sera l’importance du bien-être mental ? Comment mènera-ton son équipe vers la réussite ? Trois des centaines de questions auxquelles le Female Future Festival (au lac de Constance et à Munich) répondra grâce à l’intervention de conférenciers, conférencières, et entrepreneurs, entrepreneuses éclairé·e·s. Le thème de cette année : Level-up: nouveaux mondes du travail
Female Future Festival female-future.com
Ali Mahlodji, conférencier de renom et fondateur de startups, explique sa notion de la liberté, et pourquoi il est si important de faire face à ses peurs pour la conquérir.
En d’autres termes, derrière notre peur se cache la liberté. Quand je rencontre des personnes qui ont (apparemment) réussi, je constate encore et toujours la même chose : leur liberté intérieure a fait place à la peur. Comme ce directeur de stratégie d’une grande banque européenne qui m’expliquait récemment combien il détestait son travail. Pourtant, lorsque je lui ai rétorqué d’un ton lapidaire qu’il n’avait qu’à démissionne et prendre une année sabbatique, il m’a répondu : « C’est impossible. Qu’est-ce que je vais faire après ? Imagine qu’on ne veuille plus de moi ? »
Il m’a confé ressentir une véritable angoisse existentielle à l’idée de se retrouver sans emploi. Il préférait attendre que la situation s’améliore sur son lieu de travail. Il avait accepté ce poste il y a plus de trois ans et avait déjà eu envie de tout quitter au bout de six mois. Il avait 39 ans, une santé de fer, de brillantes études derrière lui et un splendide CV. Sans femme ni enfants ni dettes, il disposait d’un confortable matelas fnancier qui lui aurait permis de tenir facilement pendant un an et demi sans avoir à travailler ni rien sacrifer à son style de vie.
Ali Mahlodji est un maître du changement : de l’abandon scolaire à la création de start-ups et au conseil en entreprise, de l’enfant réfugié à l’un des meilleurs conférenciers de l’espace germanophone. À 41 ans, il est ambassadeur auprès de l’UE pour la jeunesse, podcasteur, auteur et chroniqueur.
Et quel style de vie ! Vacances à Hawaï, soirées cocktails hyper branchées et un magnifque loft mansardé de 150 m² au cœur Vienne. Il avait tout ce dont rêve le commun des mortels et pourtant, la plupart de mes connaissances aux revenus bien plus modestes se sentaient plus libre que lui…
Succombant au mirage de la possession, il s’était enfermé dans un carcan d’opulence. Oui, ses possessions s’étaient littéralement emparées de lui. Il avait commencé à confondre son train de vie actuel avec l’apparente illusion de la sécurité.
Une peur manifestement ridicule pour les personnes menacées de pauvreté. Néanmoins, il souffrait des symptômes caractéristiques de ce mal qui le rongeait : panique, mains moites et tendance à éviter le sujet.
Une peur est toujours quelque chose de très individuel. Ce qui fait trembler une personne en remplit peut-être une autre de délicieux frissons. Aussi me paraît-il essentiel de respecter la peur de chacun·e, à défaut de la comprendre.
Certain·e·s ont peur des chiens, d’autres de parler en public, d’autres encore de voler et en même temps on trouve autant d’ami·e·s des bêtes, de conférencier·ère·s fanatiques et d’accros de l’avion qui passent leur temps à guetter les offres des compagnies aériennes.
Je me souviens encore de ce jour où une peur panique s’est emparée de moi lors d’un vol secoué par de fortes turbulences sur le territoire américain. Les dix années suivantes, j’ai vécu un enfer à chaque vol, qu’il soit sans histoires ou non. Je me bourrais de sprays, de médicaments et faisais des exercices respiratoires au moment du décollage. Peine perdue : j’avais même l’impression que la situation ne faisait qu’empirer.
Je suis en train d’écrire ces lignes dans un avion qui me ramène de France. Le vol est agité, les prévisions météo pour l’atterrissage à Vienne sont catastrophiques. Le commandant de bord vient d’annoncer qu’à cette altitude, nous sommes confrontés à un vent latéral très fort et qu’il faut s’attendre à de nouvelles turbulences lors des 25 prochaines
minutes. J’écoute cela tout en écrivant et je suis détendu. Très détendu même. À plusieurs milliers de mètres au-dessus de la terre ferme, je termine de dîner et sirote paisiblement mon café. Il y a probablement plusieurs personnes sur ce vol qui sont en train de se dire : « Mais comment il fait ce type devant moi pour rester aussi calme alors que l’avion est secoué comme un prunier ? »
Que s’est-il passé au cours des dix dernières années ? Par quel miracle la poule mouillée que j’étais s’est-elle changée en un passager presque neurasthénique et ce, en l’espace d’une seule journée ?
La solution est à la fois simple et incroyablement complexe : j’ai affronté ma peur et me suis confronté à ce que je craignais le plus : les scénarios dans lesquels nous sommes pris dans de terribles turbulences et où l’issue sera probablement fatale.
Ma délivrance a eu lieu au cours d’une soirée où le hasard a voulu que je me retrouve assis à côté d’un homme qui travaillait comme pilote privé pour un célèbre champion de Formule 1. Après quelques verres, je lui ai parlé de ma peur de voler et il m’a simplement répondu : « C’est comme de prendre le bus, sauf que de rouler en bus est beaucoup plus dangereux. » Avisant mon air perplexe, il a pris le temps de répondre à toutes mes peurs de voler. Au cours de la nuit, il m’a expliqué calmement comment fonctionne un avion, sans éluder aucune de mes questions et en opposant des réponses claires à toutes mes objections. Ma peur s’est changée en savoir.
Une semaine plus tard, je suis de nouveau dans les airs et j’ai délibérément choisi de m’asseoir côté hublot. La peur a défnitivement fait place au respect. En me confrontant à mes craintes, en choisissant de me faire aider, j’ai retrouvé le plaisir de prendre l’avion. Quant à ma peur, je l’ai rangée dans le tiroir des inquiétudes infondées, ce grinçant tiroir qui ne s’ouvre que lorsqu’on évite de se confronter à ses angoisses.
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Doris Schamp est illustratrice et caricaturiste. Elle a remporté, en 2013, le Prix international de la bande dessinée d’Aix-la-Chapelle (Allemagne). Doris Schamp, 39 ans, explore les abîmes de l’humour et de Los Angeles, où elle a vécu, et autrefois développé des images animées pour Red Bull. Quand elle ne fait pas de planche à voile, elle dessine et évolue entre la campagne et la capitale autrichienne.
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