The Red Bulletin FR 02/20

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FRANCE FÉVRIER 2020

HORS DU COMMUN

Votre magazine offert chaque mois avec

LE SKI comme vous ne le verrez qu'une fois À la source du projet Nebula par le photographe Reuben Krabbe



ÉDITORIAL

CARRÉMENT TOUQUET !

L’hiver, on pense neige et sports d’action en altitude – et on se verrait bien dévaler une piste dans une ambiance éclipse, comme sur notre Une signée du photographe Reuben Krabbe. Depuis ce cliché lunaire de 2015, le Canadien s’est lancé dans une incroyable quête de la photo de ski suprême, pour son projet Nebula. L’hiver, c’est aussi la saison du grand rendez-vous moto du Nord, l’intraitable Enduropale du Touquet où les amateurs, les « ­poireaux », se lancent aux côtés des meilleurs pilotes mondiaux. Un spécialiste de l’épreuve vous explique pourquoi cette course les a tous rendus carrément Touquet ! Pas envie de vous les geler ? Loin des stations et du sable, tentez l’aventure sonore sur les néo-radios pirates en ligne, actives en Angleterre. Sans vous bouger !

REUBEN KRABBE (COUVERTURE)

Lisez plus ! Votre Rédaction

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

ÉRIC POIRET

Originaire du Pas-de-Calais, Éric découvre l’Enduro du Touquet à l’âge de 8 ans lorsque ses grands-parents s’installent sur la Côte d’Opale. C’est le déclic. Dès le début des années 80, sa proximité avec l’événement lui permet d’approcher les plus grands champions. Passionné et archiviste, cet amoureux de l’Enduro décortique pour vous page 68 cette épreuve moto mythique.

CLAIRE SCHIEFFER

C’est un début de conversation dans un wagon-restaurant qui est à l’origine de l’article page 60. Une rencontre dont Claire, blogueuse passionnée de nature, se souvient très bien : « J’ai rencontré Marion en 2010 lors d’un Paris-Bordeaux en TGV, très loin de Lhassa, son lieu de vie. Depuis, j’ai toujours eu en tête de faire un portrait d’elle : cet article sur son dernier projet Clean Everest me tenait donc particulièrement à cœur. »

Notre Une vous intrigue ? Voici le créateur de cette image unique, Reuben Krabbe. Avec lui, « si les planètes sont alignées… » veut vraiment dire quelque chose. THE RED BULLETIN

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CONTENUS février 2020

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Plus gros sera le défi, plus déterminée sera Marion.

6 Dans nos pages g­ alerie ce mois-ci,

des terrains multiples offerts au champion de l’action 12 Pong-ping : ils ont retourné les principes du tennis de table 14 Si l’avenir devait rendre l’eau de mer menaçante pour les surfeurs, cette combi serait un must 16 Nico Mathieux, ce prompt de ­l’ascension, vous transporte là où vous n’oseriez pas mettre les pieds 18 Comment le photographe Chris Burkard a fait de la planète son studio photo. Géant 20 L’air de rien, Nicolas Godin vous file sa playlist anti-blues. Idéal pour l’hiver !

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Si vous pensiez savoir ce qu’est une photo de ski, c’est faux...

34 L’avis d’Adèle

Les convictions d’une comédienne française qui compte

4 0 Roues libres

Quand deux femmes spécialistes du VTT enduro roulent en Iran

52 R adio activité

Les ondes numériques s’agitent !

60 C leaner les cimes Rendre à l’Everest son état ­d’origine : le défi de Marion

68 I ndispen… sable ! 45 ans d’un mythe à moto

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34 Pour Adèle Haenel, ce qui compte dans le ciné, c’est l’humain.

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MARION CHAYGNEAUD-DUPUY, MAINDRU, LES FILMS DU WORSO, DAVID GOLDMAN

Un enfer fait de sable et ouvert à tous, pros comme amateurs : vous voilà au Touquet !

80 11 000 kilomètres à vélo, du nord au

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Les ex-radios ­ nderground de u Londres se sont fait une place sur le Net.

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sud du continent africain. Jérôme Blais vous raconte ce trip d’une vie 84 Pour notre spécialiste Jon Albon, la course d’obstacles est revigorante 86 Cette montre peut vous suivre très très haut, voire même vous sauver la vie dans certaines circonstances 88 De l’esport, du ski, de la danse et du metal dans le même agenda : vous êtes bien dans The Red Bulletin 89 Les pros à l’œuvre sur Red Bull TV vont vous en mettre plein les yeux 90 Courir la nuit n’empêche pas de le faire bien équipé et avec style 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Pour finir en beauté : ayez la positive altitude de Matthias Dandois  5


COLORADO, ÉTATS-UNIS

Forest jump Le père de Jubal Davis tenait un magasin de vélo. Mais le jeune natif de l’Ohio, alors passionné de motocross, ne découvre les joies du vélo qu’à l’âge adulte. « Un jour, j’ai vendu mes motos, acheté un vélo, déménagé au Colorado, et ai commencé à sillonner les montagnes », confie Davis, membre du team de descente Yeti Cycles. Cette incroyable photo de Craig Grant, où l’on voit Davis volant au milieu des bouleaux, fait partie d’une série d’images éditées par Yeti pour promouvoir la beauté sauvage du Colorado. yeticycles.com


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HAUTE-SAVOIE, FRANCE

Bois de chauffe

NIELS SAINT-VITEUX

Cette photo est un aperçu de ce qui vous attend dans la nouvelle vidéo du skieur Richard Permin, FastWood. « La veille de ce cliché, 30 cm de fraîche sont tombés dans la forêt qui s’est transformée en spot ­magique, se rappelle le photographe Niels Saint-Viteux. Du coup, Richard était super chaud, et il a filé à balle à t­ ravers les arbres hyper serrés, à mettre des tirs. » La version animée est dispo sur win.gs/FastWood. @niels.saintviteux


ÎLES MARQUISES, ­POLYNÉSIE FRANÇAISE

Ligne de mire « J’ai visualisé cette photo pendant plusieurs jours, et j’en ai rêvé plus d’une fois », explique le photographe français Jérémy Bernard. Soumise à des vents de 50 km/h, cette slackline de 350 m, tirée à 70 m au-dessus de Sharks Bay et parcourue par son compatriote Nathan Paulin, est une première sur l’île de Ua Pou. « Toutes les conditions peuvent être réunies en une seconde et disparaître aussi vite, explique Bernard. Ce fut le cas au ­moment de cette photo. Après la pluie vient le beau temps. » @jeremy_bernard_photography

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YUCATÁN, MEXIQUE

Monde parallèle Les rivières du Yucatán sont invisibles de la surface. Elles coulent à travers un réseau de grottes souterraines. Quand le niveau d’eau dans les grottes baisse, des stalactites se forment sur les parois. Et lorsque l’eau inonde les cavités, les plongeurs s’y aventurent pour explorer un univers sous-marin unique. Le photographe tchèque Petr Polách saisit cet instant en compagnie du spéléologue local David Dušek (ici en photo). Cinq flashes lui sont nécessaires pour créer ce couloir de lumière et le subtil jeu d’ombre. polachpetr.cz


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Le duo français d’architectes et de designers de l’agence Exercice revisite le ping-pong avec une étonnante inventivité. La manifestation artistique Nuit Blanche propose des ­installations de lumières, des performances et des expositions de sculptures et de peintures surprenantes. L’an dernier, le festival charge les créateurs de l’agence Exercice d’imaginer une œuvre pour l’édition parisienne. Le duo français innove radicalement en créant le PingPong Pang : une réinterprétation artistique du tennis de table. Ici, point d’opposition simple ou double. Le ping-pong vu par Exercice observe d’autres 12

Détournement de table : ici, le but est de mettre la balle dans les trous.

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LOU BOYD

Faisons table rase du tennis de table

WWW.EXERCICE.STUDIO

PING PONG PANG

règles, utilise trois modèles de tables inédites et pas moins de douze raquettes de tailles et de formes différentes, celles-ci allant du triangle au pentagone. Les tables s’inspirent de sources diverses. La première, conçue pour trois joueurs, réunit trois petites tables disposées selon un ­dispositif triolectique — un ­système logique conçu par Asger Jorn, artiste avant-gardiste danois. La deuxième (en bas) s’inspire de la culture des jeux d’alcool, avec un long plateau en forme de huit et un « filet » plus adapté à l’échange de bières que de balles. La dernière table (ci-­ dessus) rend le jeu très aléatoire avec des côtés angulaires inclinés sur lesquels la balle rebondit de manière imprévisible. Ces versions revisitées d’un jeu bien établi sont ludiques, certes, mais l’idée qui soustend est hautement a­ bstraite et théorique. « Avec le projet Ping Pong Pang, Exercice explore la notion d’une aire de jeux originale et durable qui favorise la rencontre et le lien social par la dimension ludique », explique Gwendal Le Bihan, cofondateur de l’agence. Élément de réflexion, ou simple diversion quant à l’exigence première de maîtriser ces formes excentriques de ping-pong ? La question est lancée. exercice.studio



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COMBINAISON RISING SEAS

Quand la mer sera toxique Deux spécialistes de la mer se sont associés pour envisager l’avenir du surf, une perspective terrifiante et étonnante à la fois.

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3. COUTURES INTELLIGENTES Elles captent niveau de bactéries, toxicité de l’eau et qualité de l’air, et allument un voyant en cas de rayonnement élevé. 4. PANNEAU DE CONTRÔLE Les données brutes des coutures intelligentes y sont traitées puis envoyées vers l’écran LED du masque via l’écran tactile. 5. JERSEY ANTIRADIATION Faite de fils de polyester, de nanoparticules de plomb et de substances anti-algues, la combi bloque radiations et polluants.

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2. ZONES D’ACCROCHE Sur le torse, les épaules, les coudes, les genoux et les pieds, elles assurent une bonne adhérence en présence d’huile.

Imaginez une plage à marée basse avec des vagues à volonté, vous prenez alors votre planche et partez pour une séance de surf matinale. Sur place, vous enfilez combinaison, gants, chaussons et masque facial permettant de respirer sous l’eau. Sur le panneau LED placé à l’avantbras, vous vérifiez la qualité de l’air et de l’eau et le niveau de radiation. Puis, vous courez vers l’eau infectée en toute sécurité. La combinaison et son système de biosécurité se chargent d’absorber les toxines et les radiations… Cette image alarmante a servi de point de départ au fabricant de surf Vissla et à l’ONG de protection de l’environnement Surfrider Foundation pour imaginer leur Rising Seas Wetsuit. « La combinaison concept de biosécurité futuriste est censée protéger les surfeurs dans un monde en crise écologique. » Un dispositif d’alerte informe sur le rayonnement solaire et la présence de bactéries via un affichage LED sur le masque. « Nous voulons concevoir un produit hightech en mesure de susciter un engouement comparable aux gadgets tels que l’iPhone, dit Chad Nelsen, patron de la ­Surfrider Foundation. Mais aussi une prise de conscience quant à la tristesse et au danger rendant l’usage d’un tel objet nécessaire à l’avenir. » Pour l’heure, cette combi n’est qu’un concept élaboré par les deux entités afin d’attirer l’attention du public. Mais ces dernières assurent que cette réalité sera bientôt la nôtre si nous ne changeons pas nos habitudes. « Dans certaines parties du globe, la pollution de l’eau est telle que cette combinaison serait déjà nécessaire », affirme Vince De La Peña, vice-président du marketing international chez Vissla. risingseas.vissla.com

VISSLA

1. MASQUE À ­AFFICHAGE LED Le système affiche les données mesurées sur le masque.

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Helicopterflight.ch


Mater ses vidéos est un entraînement à repousser vos limites mentales. Ce YouTubeur vigilant est le héros des aventures qui vous font kiffer mais que vous n’oserez jamais vivre ! Nico Mathieux, 25 ans, est un adepte de parkour, de plongée, de spéléologie et d’escalade en milieu naturel et urbain. Depuis un an et la création de sa chaîne YouTube, il entraîne son public à la découverte de ses péripéties époustouflantes. À l’image des livres dont vous êtes le héros, Nico Mathieux réalise des vidéos avec un drone et une GoPro, et vous embarque dans son expérience de plain-pied : au sommet d’une cheminée industrielle désaffectée en Slovénie, en mode toboggan sur les câbles d’un pont en Ukraine, ou lors de son expédition polaire en Islande… Autant d’exploits auxquels peu d’entre vous oseraient se frotter. À raison, car les risques sont millimétrés : Nico l’intrépide a dix ans d’expérience et d’entraînement ­derrière lui… the red bulletin : Quel rapport au danger entretenez-vous ? nico mathieux : J’annonce à mes followers : « Je vous emmène dans des ascensions ou des explorations pour vous faire découvrir un lieu où vous n’aurez jamais l’opportunité d’aller à cause des risques. » Je les emmène en immersion avec moi dans ce que j’aime faire sans jamais qu’eux aient besoin d’y aller et de se mettre en danger. Mais vous grimpez sans sécurité… Avec mon sport de départ, le parkour, j’ai été habitué à tout faire sans corde et sans harnais, donc c’était assez naturel. À force, ça fait tellement d’années que je fais des ascensions que je commence à connaître le vide et les risques, et à savoir quel entraînement il faut pour ne pas trop se mettre en danger. Et j’essaie d’expliquer cela très clairement dans mes vidéos.

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N’avez-vous jamais eu le vertige ? Avant mes 16 ans, impossible de faire un accrobranche. Le vide ne m’attirait pas. Mais j’ai compris avec l’entraînement que le vide n’est qu’une information. Si tu ne tombes pas à 50 cm du sol lors de l’entraînement tu n’es pas censé tomber si tu es très concentré, même à 100 m de haut. Comment testez-vous la fiabilité des installations que vous escaladez ? Je fais beaucoup de recherches en amont parce que j’adore ça. Quand je vois un monument, je me débrouille pour avoir les plans et m’informer un maximum. Avec le parkour, j’ai touché toutes les structures imaginables de bâtiments. Il n’y a pas cinquante mille matériaux sur Terre pour construire quelque chose. Alors je sais instantanément si ça va tenir ou pas rien qu’en le touchant. Si vous ne les partagiez pas, est-ce que vos exploits perdureraient ? Absolument, parce que je continue d’en faire sans les filmer. Je le fais pour moi à la base. La vidéo, c’est un plus. Je pense que ça fait plaisir de pouvoir partager, de faire découvrir des choses. J’évoque parfois mes échecs, c’est important aussi de montrer qu’on ne peut pas tout réussir. Est-ce que parmi vos followers, tous sont aptes à faire du parkour ? Je pense que 80 % des personnes qui me regardent ne pratiquent pas ma discipline, même à petite échelle. Quand je donne des conseils, ça ­s’applique aux gestes sportifs du ­quotidien, les gestes que tout le monde fait. Il faut beaucoup de courage pour faire ce que vous faites, mais il en faut aussi pour vous regarder, non ?

Et la fatigue dans tout ça ? C’est beaucoup de mental. La fatigue psychique peut bien plus vous pousser à stopper et à ne pas entreprendre une ascension que la fatigue physique. Le corps, lui, suit quand tu le connais bien. Et j’évolue généralement dans ma zone de confort. À quoi ressemble votre programme d’entraînement ? Depuis que je me suis mis à faire des vidéos, il a diminué, parce que je fais tout tout seul. Mais quand j’ai un gros projet, je me focalise pendant trois semaines pour récupérer le niveau dont j’ai besoin pour être large. Je fais de l’escalade trois fois par semaine. Quand je m’entraîne, j’y vais à deux cents pour cent, je ­travaille mes lacunes tout le temps, je ne reste jamais sur mes acquis. Quelle est l’expérience qui vous a le plus marqué ? La tour Glòries à Barcelone, ça restera l’épisode le plus éprouvant de ma vie jusqu’à maintenant. C’était mon premier gratte-ciel par l’extérieur sur des vitres avec une difficulté très importante. Mais hormis les escalades, c’est l’expédition polaire que j’ai faite avec Jean (son meilleur ami, ndlr) en Islande. Je suis quelqu’un qui a envie d’avoir de beaux points de vue. C’était hyper éprouvant, hyper fatigant, il faisait hyper froid (–30°C, ndlr), mais j’en garde un souvenir mémorable. C’était un engagement sur huit jours, il fallait être sûr qu’on ait tout bien calculé sinon on n’avait aucun moyen de rester en vie. Avez-vous dépassé vos limites ? Là oui, parce que j’y suis allé avec un déficit de connaissances, un savoir qu’on ne peut développer qu’en y allant. J’ai plutôt bien géré au final. nicomathieux.com

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CHRISTINE VITEL

Son point de vue

D’après certains commentaires, j’ai l’impression, oui ! (rires) Parfois j’ai plus peur en visionnant mes vidéos que quand je suis dans l’action, parce qu’il n’y a pas le toucher ni le ressenti du moment. Mais quand j’ai le matériau dans les mains, je sais que ça tient. La vidéo peut faire plus peur que la réalité.

@SUBTILITE, NICO MATHIEUX

NICO MATHIEUX


« Je vous emmène découvrir un lieu où vous n’aurez jamais l’opportunité d’aller. »

En exclusivité pour The Red Bulletin : Nico Mathieux à l’assaut d’un émetteur de la région parisienne (env. 200 m de haut) le 5 décembre 2019.

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« Les Badlands, dans le Dakota du Sud aux USA, sont un plateau érodé constitué de roches sédimentaires tendres et de sols a­ rgileux, explique ­Burkard. S’y déplacer à pied est un vrai défi. »

De précieux conseils aux photographes d’aventure en herbe gracieusement prodigués par l’un des meilleurs de la profession.

Si vous êtes amateur de photos d’aventure, le nom de Chris Burkard (à droite) vous est sûrement familier. Le photographe, directeur artistique, conférencier et auteur américain est l’un des plus r­ espectés de la profession, reconnu pour sa capacité à ­saisir l’essence de la nature. « J’ai grandi en Californie, entouré de grands espaces, confie Burkard à propos de sa rencontre avec la photographie d’aventure. Quand j’étais 18

Ayez une vision L’énoncé de votre mission doit établir ce que vous voulez accomplir dans ce métier.

Évitez de vous éparpiller Choisissez une spécialité, et ­donnez tout pour la maîtriser.

Les meilleurs photographes sont les meilleurs chercheurs N’oubliez pas que Google Earth est votre allié !

Nul ne misera sur vous si vous ne le faites pas d’abord vous-même Acceptez les risques sur des projets, même en l’absence de retombées immédiates.

Ayez une solution de ­sauvegarde pour vos images Hélas ! J’ai appris cette leçon à mes dépens. THE RED BULLETIN

LOU BOYD

Restez focus !

ado, la mère de ma petite amie de l’époque m’a offert un vieil appareil argentique, que j’ai spontanément utilisé pour photographier mes amis surfeurs. Cela a changé ma vie. » Depuis, il s’est forgé une approche qui lui permet de parcourir la planète à plein temps muni de son appareil photo. Un mode de vie qu’il juge accessible à tous pour peu qu’on y mette assez de ­passion et d’application. « Il vous faut une vision. Vous devez savoir précisément ce que vous voulez accomplir avec votre travail, étaye-t-il. Bien souvent, les gens ne savent pas vraiment pourquoi ils veulent se lancer dans ce domaine. Avoir une vision claire est crucial pour vous aider à garder le cap dans les moments difficiles. » Suivi par plus de trois millions de personnes sur Instagram, Chris vous transmet cinq conseils pour faire de votre passion un avenir.

CHRIS BURKARD/MASSIF

CHRIS BURKARD


ALPHATAURI.COM


NICOLAS GODIN

Son plan ­anti-froid Membre du duo pop électro Air, multi disque de platine, Godin emmène ses fans dans d’autres mondes. Le Français nous livre ici quatre mélodies qui vous aideront à surmonter la grisaille hivernale. Sorti en 1998, Moon Safari, premier album du duo versaillais Air, est l’un des albums électro les plus marquants de tous les temps. Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel s’inspirent de leur goût partagé pour les BO de films érotiques, le disco funk et l’easy listening des années 70 pour créer des mélodies rétropop accompagnées de synthés analogiques. Le succès est au rendez-­ vous. Depuis Moon Safari, cinq autres opus ont vu le jour, dont du baroque de Bach à la sauce pop et deux bandes originales. Concrete and Glass est le nouvel album solo de Godin. Le jeune quinquagénaire transporte son public dans un univers joyeux et apaisé à l’image de la playlist qu’il nous a suggérée. Quatre morceaux contre le blues hivernal. Concrete and Glass déjà dans les bacs ; nicolasgodin.com

« Une ville est déprimante en hiver quand le temps est humide et maussade, et s’évader mentalement est une bonne façon de se faire du bien. Pour ma part, j’écoute des titres sur l’été, comme ce classique (samplé dans le hit Summertime de DJ Jazzy Jeff & The Fresh Prince de 1991, ndlr). J’adore les couchers de soleil sur une belle plage. Avec ce morceau, on ferme les yeux et on y est. » 20

Roy Ayers

João Gilberto

Elton John

« Dans les années 70, je passais mes journées devant la télé. De là me vient tout ce que je sais sur la musique. Les chansons de Roy Ayers étaient omniprésentes dans le cinéma et les émissions de variétés de l’époque, j’y ai tout puisé pour Air : les claviers, les pads, le Minimoog (synthé vintage, ndlr). De plus, la chanson évoque le ­soleil. Parfait pour fuir l’hiver. »

« Ma femme est brésilienne. Làbas, l’été est en janvier/février. Nous y allons quand l’hiver devient ici trop déprimant. Nous habitons près d’une plage bordée de palmiers. L’ambiance est détendue ; tout le monde est en tongs. Et nous écoutons la musique locale en boucle, du moment qu’elle ­dégage du soleil. Ce titre est l’un de mes préférés. Idéal en hiver. Il m’apporte chaleur et douceur. »

« Je suis un grand fan d’Elton John. C’est un compositeur hors pair et ses chansons renferment une mélancolie exaltante. J’adore les écouter quand le mauvais temps m’empêche de sortir. Je m’installe dans mon salon avec ses ­rideaux de velours et ses belles enceintes vintage Mc­Intosh des années 70. Ce ­morceau est une bonne pioche. Effet positif garanti. »

Everybody Loves The Sunshine (1976)

Estate (1977)

Song For Guy (1978)

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MARCEL ANDERS

Summer Madness (1974)

CAMILLE VIVIER

Kool & The Gang


VIENS PRENDRE LE DÉPART DE LA DESCENTE LA PLUS FOLLE DE L’ANNÉE

25 JANVIER - AX 3 DOMAINES 7 MARS - LES ORRES DESCENTE + APRÈS SKI INFORMATIONS ET INSCRIPTIONS SUR : R E D B U L L . C O M / T O U T S C H U S S


VERT L’INFINI... Un skieur fonce sur la poudreuse d’une pente escarpée du Tombstone Territorial Park. Il est 2 h 03 du matin au Canada et les aurores boréales diffusent un vert extra lorsque Reuben presse le déclencheur.


PHOTO-SYNTHÈSE Le photographe canadien REUBEN KRABBE, 29 ans, a un but précis : transformer notre perception des sports d’action. Ces photos vous ouvrent des perspectives nouvelles. Texte WOLFGANG WIESER  Photos REUBEN KRABBE

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À VOTRE AVIS ? Haut ou bas ? Jour ou nuit ? Le skieur saute ? Ou fait-il une chute lors de sa descente à Whistler, au Canada ? Reuben a la réponse… mais nous préserverons la beauté mystérieuse de cette photographie.

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UN ENTRE-DEUX Un 31 décembre, une heure avant minuit, une nouvelle année s’annonce. Reuben est perché sur un arbre et attend que le skieur ­illumine la nuit avec sa lampe ­frontale – un démarrage réussi.


TRÈS BIEN LUNÉ Éclipse de soleil au Spitzberg : la lune se cale lentement devant le s­ oleil orange. Il est 11 h 46, ­bientôt midi : Reuben attrape son appareil et réalise cette photo. Elle sera primée par la suite.

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SALUTATIONS Le soleil est déjà bas cet après-midi à Whistler, au Canada : la nuit va bientôt tomber et le soleil semble vouloir accompagner une dernière fois ce skieur, en guise d’au revoir.

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GIGANTISME Neige d’un blanc éclatant, soleil de plomb : une photo qui fait sourire Reuben. « C’est tellement plus ­ facile de photographier de jour et c’est donc plus fun. Mais la nuit, on peut jouer avec la lumière. »

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PROCHE DU COSMIQUE Préparation : dix mois. Attente : six heures. Exposition : vingt ­secondes. Une photo qui nous fait ressentir l’éternité. Lorsque le skieur (doublement exposé) voit la photo, il se remémore : « Skier comme au ciel. » Le film Nebula documente la genèse de ces photos spectaculaires. À voir sur nebula-film.com

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L’avis d’Adèle

Entretien CHRISTINE VITEL Photos JULIEN LIENARD 34

Fin octobre, nous rencontrons Adèle Haenel dans le cadre de la 57e édition de la Viennale, f­ estival du film international de Vienne (Autriche), soit quelques jours avant ses déclarations en direct sur le site de ­Mediapart le 4 novembre. À 31 ans, et déjà deux César à son actif, la palette de genres de la comédienne est riche : elle a travaillé avec de jeunes réalisateurs de cinéma d’auteur comme Céline Sciamma à ses débuts avec La naissance de pieuvres ou Thomas Cailley pour son puissant premier long-­métrage Les Combattants (2014). Quelques années plus tard, on la voit dans la comédie de Pierre S ­ alvadori, En Liberté ! (2018) et dans l’univers absurde de Quentin Dupieux avec Le Daim, après avoir incité le réalisateur à étoffer son rôle afin de donner plus de consistance à la figure féminine du film. À Cannes, en mai dernier, Adèle ­Haenel présentait Les héros ne meurent jamais, d’Aude Léa Rapin (prochaine-

ment en salles), et Portrait de la jeune fille en feu, le quatrième film de Céline Sciamma : le genre de film qui poursuit un dessein et qui marque un tournant dans une filmographie. Sa carrière, la comédienne l’aborde de manière très singulière : ses choix sonnent comme des engagements, elle semble suivre une ligne de conduite qui embrasse les obstacles. On sent percer la vulnérabilité et la d ­ étermination dans sa voix, la fébrilité qui émane des émotions, les explications formulées au plus juste. De ses personnages, elle dit ne pas chercher à interpréter des héroïnes, mais simplement à parler du minimum h ­ umain. À la lumière d’incursions philosophiques, Adèle Haenel nous éclaire sur les choix qu'elle prend sans retenue, évoque la composante humaine dans son jeu et insiste sur la nécessité pour les artistes, à l’heure actuelle, de p ­ roposer de nouveaux récits. THE RED BULLETIN

JULIEN LIENARD/CONTOUR BY GETTY IMAGES

L’actrice qui a marqué un tournant dans l’ère du cinéma français à la fin de l’année 2019, ADÈLE HAENEL, répond à The Red Bulletin sur la finalité de ses engagements artistiques, fruits de l’excitation d’aller explorer le genre humain.


« Un personnage, c’est l’opportunité de vivre. »

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« Le fait d’avoir une capacité n’oblige pas à convoquer cette capacité. » Cette exaltation, quelle forme prendelle ? Ça dépend où j’en suis dans ma vie. Dans Les Combattants, par exemple, c’est le premier degré du personnage de Madeleine qui m’a motivée. « Le monde va à sa perte, je vais apprendre la survie ! », normal. En termes de choix de jeu, cela implique des techniques. Pour ce

film, l’idée, c’était de travailler sur la non-­ambiguïté du corps. Je trouvais ça terriblement excitant d’explorer cette dimension non sexualisée. L’inspiration, je l’ai puisée dans les cartoons de Tex Avery. Avec un grand sérieux ! Pour la comédie En Liberté !, Pierre Salvadori, le réalisateur, m’a bien épaulée car c’était un registre que je maîtrisais mal. Sa manière de diriger les acteurs est liée au décalage. Je vous donne un exemple : le premier jour où j’étais sur le tournage, c’était une scène avec Audrey Tautou. Elle devait jouer la surprise. Elle faisait genre : « Qu’est-ce qui se passe ? » en écarquillant les yeux, et Pierre a dit : « Non, il faut que tu fasses comme si tu lisais des sous-titres en coréen très loin. » Le texte est toujours là pour dire le contraire de ce qu’il se passe. L’idée est simple : on change de perspective par rapport à ce qui vient d’être dit. Avec ce d ­ écalage-là, on peut jouer plein de trucs. Jouer par contraste va donc permettre de faire des cassures dans le rythme, pour dynamiser l’histoire ? Oui, et aussi le rapport qu’on a à l’émotion. Il n’est pas linéaire, car on n’entretient pas le même rapport à cette émotion tout le temps où on la ressent. Il faut essayer de jouer à la fois avec des émotions sincères et avec un certain décalage.

Louis (Damien Bonnard) et Yvonne lieutenant de police dans En Liberté ! (en haut) ; ­Marianne (Noémie Merlant) et Héloïse, picturales, dans Portrait de la jeune fille en feu (à gauche) ; Madeleine et Arnaud (Kévin Azaïs) en mode survival dans Les Combattants.

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D’un film à l’autre, le rythme change ; d’un personnage à l’autre aussi ; est-ce que la manière de s’engager dans un rôle est différente elle aussi ? Il faut bien faire la différence entre ce que l’on est capable de faire et ce que l’on souhaite faire. En Liberté !, c’est un film qui m’a énormément appris, parce que je n’étais pas capable de faire cette dissociation au début du tournage. Aujourd’hui, j’ai des capacités techniques que je n’avais pas lorsque j’ai débuté au cinéma. Il y a certaines choses que j’ai perdues, une vérité que j’avais quand j’étais adolescente que je ne peux pas faire semblant de reproduire aujourd’hui. Il faut que j’avance, que je sois toujours dans un rapport concret avec le présent, et cela suppose d’apprendre. Sur la voie de l’apprentissage, il y a un chemin philosophique, un chemin artistique, et un chemin technique. Le chemin technique, c’est apprendre à dissocier. Apprendre à dissocier son corps de sa voix, son texte du sous-texte… Tout cela, ce sont des THE RED BULLETIN

JULIEN LIENARD/CONTOUR BY GETTY IMAGES, TED PACZULA, NORD-OUEST FILMS ET JULIEN PANIÉ, UNIFRANCE.ORG

the red bulletin : Vous jouez dans des registres très différents : la comédie de Pierre Salvadori, En Liberté !, Les Combattants, un premier film dramatique, Portrait de la jeune fille en feu, un rôle de composition… Chacune de vos interprétations est d’autant plus convaincante que vous avez l’air tellement convaincue de ce que vous faites. À quoi cela tient-il ? Au rôle, au réalisateur, au scénario ? adèle haenel : C’est un peu tout ça. Je suis hyper sérieuse, et souvent, on se moque de moi, et je suis complètement d’accord avec ça. Mais mon premier ­critère pour choisir, c’est la profonde ­excitation que je ressens pour le rôle, le film ou le scénario.


lié à l’échec, ou à la réussite, mais plus à un sentiment protéiforme qui peut nous accompagner tout au long de notre vie, changer notre rapport à l’art, changer le rapport à nos futures histoires d’amour…

« Ce qui est sexy, c’est le consentement, c’est l’égalité, c’est cette invention-là. »

capacités techniques que j’acquière au fur et à mesure. Le fait d’avoir une capacité n’oblige pas à convoquer cette capacité. Est-ce que les émotions ressenties par les acteurs pendant qu’ils jouent sont les mêmes que celles ressenties par les spectateurs pendant la projection ? Quand j’ai commencé le théâtre, j’étais ivre des émotions. Je pensais naïvement que si je crie, si je pleure ou que je suis complètement débordée par l’émotion, le spectateur ressentirait la même chose, une émotion-miroir. Mais il y a une coupure entre ce que vivent les acteurs dans leurs rôles et ce que vivent les spectateurs face à l’écran ? C’est ce que j’ai appris au fil de ma carrière. Je me suis peu à peu intéressée à composer des émotions liées au rythme et à l’interaction avec le spectateur. C’està-dire qu’elles sont délayées dans l’histoire, que l’émotion du personnage dans une scène est travaillée par l’acteur pour éclore à un autre endroit du film, et c’est THE RED BULLETIN

à ce moment-là que le spectateur sera touché. La construction d’un personnage se fait-elle avant le tournage ou doit-elle se poursuivre devant la caméra ? En amont, il aura fallu définir le niveau d’intimité qu’on a envie de donner à ce moment-là. Dans Portrait de la jeune fille en feu, ce que je trouvais excitant dans le rôle d’Héloïse, c’était d’inventer une nouvelle émotion autour de l’égalité, du consentement, de la non-possessivité dans l’amour. Le film raconte et trace une émotion nouvelle du souvenir de l’amour et un nouveau rapport à notre passé, à nos histoires, qui ne serait pas

« Dans l’art, c’est la composante humaine qui est à l’œuvre, pas notre personnalité. »

Incarner un personnage, c’est s’inspirer de sa propre personnalité ? « Personnalité », c’est un mot qui me stresse. Je préfère dire que mes rôles coïncident avec des questions existentielles qui me préoccupent à un moment donné, comme dans Les Combattants sur l’ambiguïté du corps. Pour ce rôle, je me poussais moi-même à être claire, car ma position dans le cadre était très claire : en treillis et en marcel, Madeleine est une survivaliste avant d’être une femme. Dans La Fille inconnue des frères Dardenne, je me suis dit que ce qui était intéressant, ce n’était pas de faire de Jenny une héroïne au sens d’un exemple à suivre, mais de parler du minimum humain. Ce que j’entends par-là, c’est que je crois que tout le monde est susceptible d’empathie avec son prochain. Même quelqu’un qui a l’impression d’être émotionnellement gelé aura la possibilité de trouver le déclic. Ces deux personnages, je ne les ai pas construits comme des personnes, mais comme des minima humains. Vos rôles sont autant de choix assumés. Vous dites-vous parfois : « Ça va être trop compliqué », ou « Je ne me sens pas à la hauteur » ? Ou allez-vous jusqu’au bout parce que vous vous y êtes engagée ? Je ne recule pas trop, en général. La composition se fait très bien avec les gens avec qui je travaille la plupart du temps ; parfois c’est plus compliqué, mais c’est rare. Je ne force pas un sens, je n’essaie pas d’imposer mes volontés. Jusqu’à présent, j’ai lu les scénarios d’une manière qui me semblait faire écho à la recherche de la réalisatrice ou du réalisateur. Vous retrouvez-vous dans les personnages qu’on vous propose, avant d’y mettre quelque chose de vous ? Oui, car un personnage, c’est l’opportunité de vivre. Ça n’est pas une personne réelle. C’est l’opportunité de s’exciter sur une composante essentielle de la vie. C’est une épreuve de ce que c’est qu’être humain. C’est pour cela que je suis un peu contre l’idée de personnalité : on en a tous   37


« Je me sens hyper responsable des choix que je fais. » 38

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« Un des soucis des artistes est de proposer de nouveaux récits pour que les gens puissent s’en inspirer et construire leur vie. » est cohérent, qui est mesuré… Cela est un héritage à la fois artistique, culturel et économique. Mais en tant qu’artistes, nous avons la responsabilité et l’envie d’explorer de nouveaux récits. Et cela a un impact.

Dernier rôle en date : Alice dans Les héros ne meurent jamais, présenté à la Semaine de la ­critique, Cannes 2019.

une, mais ce qui est « humain », c’est une infinité d’infinis à explorer. Dans l’art, c’est la composante humaine qui est à l’œuvre, pas notre personnalité.

JULIEN LIENARD/CONTOUR BY GETTY IMAGES, LES FILMS DU WORSO

Dans quelle mesure est-on responsable de nos choix sachant que nous avons tous une palette d’émotions et de capacités limitées ? Je me sens hyper responsable des choix que je fais, car je fais des choix qui me semblent pertinents d’un point de vue politique, et d’un point de vue artistique en premier lieu. Pourquoi pertinents ? Parce qu’ils sont malléables, en recherche, et pas figés, dans le sens du pouvoir. Ces choix apportent-ils des solutions face aux difficultés du quotidien ? Le souci des artistes, ce n’est pas d’apporter des solutions ! Un des enjeux en revanche est de proposer de nouveaux récits pour que les gens puissent s’en inspirer et construire leur vie. Parce qu’on en a besoin. Et c’est extrêmement libérateur d’avoir accès à de nouveaux récits. Les spectateurs peuvent s’identifier et ainsi bâtir une vie qui leur ressemble plus. On construit tous notre vie selon un absolu empreint d’un idéal artistique, que l’on s’en rende compte ou pas. Un idéal qui a imprégné la société : l’homme qui a une femme, des enfants, qui possède, qui THE RED BULLETIN

Est-ce que le fait de savoir que vous allez être vue par des personnes sur lesquelles vous allez avoir un impact est une source de motivation dans votre travail ? Moi, je trouve cela excitant. Car l’art peut changer le monde, il peut y contribuer. Créer des nouveaux récits, c’est humain. L’infini aussi, c’est créer le futur en inspirant les vrais « acteurs » du monde d’aujourd’hui, tous les êtres humains de la planète. C’est cela qui se passe. On ne va pas créer le futur qu’on veut d’un claquement de doigts. Mais les artistes y contribuent. Notamment en expliquant que ce qui est sexy, ça n’est pas le viol. Ce qui est sexy, c’est le consentement, c’est l’égalité, c’est cette invention-là. Ça, ce sont des exemples de nouveaux récits. D’où vous vient cette soif de changement, ce besoin intransigeant de proposer de nouveaux récits ? À travers nombre de mes rôles, j’ai dressé le portrait d’une méthode souvent employée par les femmes pour survivre socialement à certaines situations : une manière d’agir très commune quoiqu’un peu dommage. Malheureusement, les alternatives, quand elles sont proposées, sont pauvres. Quelles sont-elles ? L’absence. Le suicide : on ne veut pas que je vive, donc je ne vis pas. Ou la solution de Marianne (jouée par Noémie ­Merlant, ndlr) dans le Portrait : adossée au patriarcat, elle a le droit d’exprimer son art, mais seulement dans une forme d’aliénation, parce qu’elle doit plaire malgré tout, et elle doit s’excuser d’exister. Son art est dicté

par des lois contre lesquelles elle n’ose pas s’ériger. Et même s’il s’agit d’un film d’époque, ces règles sont valables encore aujourd’hui au XXIe siècle ; c’est notre façon de vivre en tant que femme. Dans une interview, vous avez ­déclaré faire de « la résistance par l’absence… ». Encore aujourd’hui ? Souvent, on me dit que je ne suis pas très collaborative. En fait, j’observe le monde en fonction de ma façon de m’observer moi-même. Dans la mesure où je me connais, j’arrive à reconnaître certaines qualités ou émotions chez mes interlocuteurs, et je suis capable d’en parler. Tout autour de nous, un ordre préétabli presse implicitement les femmes à être de jolis objets. C’est une négation de notre existence, très clairement. Ma façon de réagir à cela, c’est de me soustraire. Je ne vais pas commencer par me mettre dans une situation conflictuelle… même si ça m’arrive, mais je n’ai pas toujours cette ressource-là. Donc ma façon de faire, c’est de m’absenter. Vous est-il déjà arrivé de jouer un rôle que vous pensiez ne jamais vouloir ou pouvoir jouer ? Oui, avec les frères Dardenne lorsqu'ils m’ont proposé de jouer dans La Fille inconnue. J’avoue que j’ai été drôlement – mais agréablement – ­surprise. Ce sont des mythes vivants… C’est comme si c’était des arbres qui m’avaient invitée à venir discuter avec eux. À ce momentlà, j’ai compris que j’étais rentrée dans le cercle, que j’y avais ma place. Y a-t-il un film de votre filmographie qui ait un écho affectif particulier pour vous ? Le Portrait de la jeune fille en feu compte énormément pour moi, parce qu’il incarne toute une décennie de relations, de réflexions, je l’adore. J’ai beaucoup ­d’affection pour la plupart des réalisateurs et réalisatrices avec lesquels j’ai travaillés, car en tant qu’acteur on les regarde et on cherche à comprendre, à comprendre les choses qu’ils ne formulent pas, à ce qui les touche, et ce qu’ils cherchent sans qu’euxmêmes ne sachent vraiment quoi. Et parce que quand on regarde quelqu’un, généralement, on l’aime.

Les héros ne meurent jamais, de Aude Léa Rapin, prochainement au cinéma.   39


LES SENTIERS DE LA LIBERTÉ Des sœurs jumelles, un esprit d’aventure. Les vététistes suisses ANITA et CARO GEHRIG ont découvert, lors de leur trip en Iran, ce qu’elles ne pensaient pas y trouver : un authentique sentiment de liberté. Récit d’un voyage hors de tout sentier balisé… et de tout cliché. Texte WERNER JESSNER  Photos SIMON RICKLIN


CREUSER LE SILLON Les sœurs avaient repéré sur internet un petit sentier qui longeait le cimetière K ­ halid Nabi au nord de l’Iran, près de la frontière avec le Turkménistan. Restait à savoir s’il pouvait servir de piste VTT. Verdict ? « Oui ! Ce fut même l’une des descentes les plus impressionnantes du séjour. »   41



RENCONTRES EN TERRE INCONNUE Vers le sommet du mont Damavand, les ­vélos transportés à dos de mulets. En chemin, les deux voyageuses croiseront des randonneurs qui repartiront, heureux, avec leurs contacts Instagram (@caro_gehrig, @anitagehrig). Facebook étant interdit en Iran, c’est via ce réseau que la jeunesse ­iranienne s’ouvre au reste du monde.

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« Les gamins étaient surexcités. Quand on leur a prêté nos bikes, ils ont bien failli ne plus nous les rendre ! »

DES MARTIENNES ? C’est un peu l’impression que Caro et Anita ont eue en arrivant au village de Palangan, dans le Kurdistan. « Les gens étaient super accueillants, on sentait une vraie curiosité bienveillante à notre égard. Plus on s’éloigne des grandes villes, plus l’Iran donne à voir son vrai visage, très loin des clichés que montrent nos médias. »   45


LE PARADIS DU VTT Les petits villages reculés dans les montagnes sont reliés entre eux par d’étroites lignes de terre sèche qui offrent une excellente adhérence : des conditions optimales pour les fans d’enduro. « Là où hommes et bêtes peuvent passer, un VTT passe aussi ! »


Le seul bikepark du pays se trouve dans la banlieue de Téhéran. Un endroit prisé des riders locaux, qui s’y rendent en soirée pour enchaîner les tricks, comme dans n’importe quel park de la planète.

Invitation officielle : les sœurs Gehrig remettent à Faranak Partoazar, meilleure vététiste iranienne, son ticket pour la Coupe du monde de VTT qui aura lieu en août à Lenzerheide (Suisse).

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« À partir de 4 000 m, le mont Damavand ­devient impraticable  : trop de neige ! »

DE LA HAUTEUR La chaîne de l’Elbourz, que domine le mont Damavand avec ses 5 671 mètres, déroule sur 600 kilomètres toute une variété de paysages appréciée des skieurs. Les vététistes y ont un choix incroyable de descentes et des panoramas dingues. Au programme : aigles, ours, loups, léopards, sans oublier les chamois ! Contacts humains : rares. 48



Téhéran

« Si vous voyez une porte, ouvrez-la ! » C’est la curiosité qui fait naître les plus belles aventures : ce qui pousse les sœurs Anita et Caro Gehrig aux quatre coins de la planète et pourquoi le fait de se bouger les fesses finit toujours par payer. the red bulletin : Vous vous trouvez aujourd’hui en Tasmanie, pour nous parler de votre trip en Iran. Ça vous arrive aussi de rentrer à la maison ? caro gehrig : Bien sûr ! On sera d’ailleurs la semaine prochaine chez nous à Flims, en Suisse. Mais on repartira juste après pour le Portugal, les États-Unis et enfin le Canada.

cera jamais la confrontation avec la réalité. C’est particulièrement vrai pour des pays comme l’Iran. Visiter ce pays bouleverse tout ce que vous croyez savoir. Ce n’est qu’une fois sur place que vous apprenez à poser les bonnes questions pour comprendre l’Iran. Un exemple ? Lorsqu’on est arrivées à

Palangan, un petit village très éloigné des grandes villes, on y a vu des jeunes filles en T-shirt, et des jeunes nous ont même proposé de l’eau-de-vie faite maison… en plein jour ! Alors qu’on entend toujours dire que la pratique de l’islam est hyper stricte dans ce pays. Ce n’est donc pas tout noir ou tout blanc, en Iran, c’est plein de nuances ! Mais ce n’est pas

Vous avez sillonné en VTT tous les recoins du continent américain, la Nouvelle-­ Zélande, la Tasmanie, l’Iran… Le tourisme pépère, ce n’est pas votre truc ? On n’aime pas les voyages standards. En Europe, il y a beaucoup d’endroits géniaux pour le VTT, mais on en connaît déjà tellement. En tant que pilotes enduro, on est habituées aux voyages, mais c’est justement ceux qui vont te chambouler qui sont les plus intéressants. D’où le trip en Iran... C’est ça. Évidemment qu’on y a trouvé des paysages de dingue, mais on n’était pas ­venues pour ça en premier. Et pourquoi, alors ? Vous pouvez avoir lu ou entendu sur le net et les réseaux sociaux tout ce que vous voulez, rien ne rempla50

FREERIDING IRAN

LE FILM

Une équipe a filmé les sœurs jumelles pendant leur trip, pour en livrer un reportage de trente minutes. Au-delà des scènes d’action et des décors naturels d’une pure beauté, c’est l’aspect humain qui est mis à l’honneur, ­notamment les rencontres avec les Iraniennes, pour qui le VTT représente bien plus qu’un simple sport. Instants ­magiques garantis  ! À voir sur Vimeo et sur freeridingiran.com

Palangan

Khalid Nabi Gorgan Mont Damavand

Chiraz

Iran

LE TRAJET 4 500 km en pick-up pour rallier les top spots d’Iran : début et fin du trip à Téhéran, en passant près de la frontière turkmène et dans le centre du pays.

en restant devant ta télé que tu vas t’en rendre compte. Qu’auriez-vous à dire à des fans de VTT qui rêveraient d’une telle aventure sans oser se bouger les fesses ? Comprenez une bonne fois pour toutes que vous avez la chance d’être libre ! Vous pouvez booker un vol sur internet et partir où bon vous semble. Beaucoup de gens, surtout dans des pays autoritaires, n’ont pas cette liberté. C’est encore pire pour les femmes, qui ont souvent besoin d’une autorisation de leur mari ou de leurs parents pour voyager. Rien que le fait de monter sur un vélo, c’est déjà pour elles un acte de rébellion. Comment ça ? Parce que cela leur permet, pour quelques minutes ou quelques heures, de se soustraire à tout contrôle. C’est leur petite bulle de liberté, la chance de se retrouver enfin seules, indépendantes et libres de pouvoir décider ellesmêmes du chemin à suivre. Nous avons compris une chose durant ce voyage, que jamais nous n’oublierons : le vélo est un moyen de libération. THE RED BULLETIN


Anita (à gauche) et Caro Gehrig : pilotes enduro, aventurières et globe-trotteuses passionnées.

Vous voulez dire que l’essence du voyage, c’est avant tout la liberté et non pas le ­plaisir de changer de décor ? Oui, c’est ainsi que je le vois. Évidemment qu’on avait aussi envie de voir des paysages, sinon on ne se serait pas fait bringuebaler sur 4 500 km dans un pick-up. Mais les plus beaux souvenirs de notre trip n’ont pas été les montagnes, ni les trails qui n’avaient sans doute jamais été ridés par une femme auparavant. Ce furent les rencontres avec les Iraniens. Plus concrètement ? Encore aujourd’hui, nous recevons des messages de femmes avec qui nous avons fait du THE RED BULLETIN

« Une visite en Iran bouleverse absolument tout ce que vous croyez savoir sur ce pays. »

VTT. Des messages qui nous font pleurer. « Enfin quelqu’un qui nous ­comprend ! », voilà ce qu’elles nous écrivent. Et aussi qu’on a été pour elles une inspiration, parce que nous assumons complètement notre liberté. Partir à l’aventure, ça donne non seulement la possibilité de changer soi-même, mais aussi celui ou celle que l’on rencontre en chemin. Entièrement d’accord, c’est beau comme idée. Avec la bonne approche, chacun peut apprendre de l’autre et arriver à mieux le comprendre. Par où commence-t-on pour devenir aventurière ?

On ne « commence » pas… Ça sonne encore trop intello à mon goût. Lancez-vous, c’est tout ! Assouvissez votre curiosité ! Si vous voyez une porte, ouvrez-la et allez voir ce qui se cache derrière. Le monde est passionnant et beaucoup plus accueillant que ce que vous imaginez. Vous avez déjà pas mal bourlingué. Il reste des envies sur votre « bucket list » ? Et comment ! L’appétit vient en mangeant, c’est bien connu. On aimerait assister à une aurore boréale. Et aussi voir un orque nager en haute mer. Bon là, ça va être un peu difficile à réaliser en VTT, c’est vrai…   51


RADIO ACTIVITÉ

Dans les années 90, les stations pirates régnaient sur les ondes. Trente ans plus tard, cet esprit de changement trouve un nouveau public en ligne. 52

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DJ Kamilla Rose anime son émission quotidienne au studio de Foundation FM.

Texte LOU BOYD Photos DAVID GOLDMAN

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Underground radio

A

u début des années 90, quand vous circuliez à Londres, vous pouviez tourner le bouton de la radio et trouver des centaines de stations illégales qui diffusaient discrètement via des antennes sans autorisation sur les toits des immeubles voisins. En révolte contre le courant dominant, ces « radios pirates » procuraient un ­accès facile à la culture musicale underground londonienne, de la jungle et de l’acid house à la scène naissante du grime au tournant du millénaire. Ces stations offraient aux communautés de migrants des émissions dans leur langue maternelle, défendaient les intérêts locaux et offraient une plateforme à la musique alternative, tout en gardant une longueur d’avance sur les organismes de réglementation qui tentaient désespérément de les faire fermer. En 2020, le paysage est tout autre. Bien qu’il existe encore une poignée de stations FM illégales, celles-ci fonctionnent en grande partie sans être inquiétées par les autorités et l’époque où les pirates régissaient la contre-culture musicale à Londres est révolue. C’est l’heure de la radio Internet. Une nouvelle génération de stations, ainsi que d’anciennes r­ adios pirates comme

Rinse FM et Kool FM (aujourd’hui Kool London) « ­re-nées » sur Internet, ont pris le relais de la diffusion. Ces équipes n’ont plus besoin de grimper sur les tours pour émettre et profitent plutôt de la liberté sur Internet de partager légitimement la vibe de l’underground avec à peine davantage qu’un ordinateur portable et un micro. Fille de l’ancienne légende de Kiss FM, Trevor ­Nelson, et filleule de l’icône de la radio pirate et musicien Jazzie B, Shy One, la DJ et productrice londonienne a un autre regard sur la scène radio underground de la ville. « Mes premiers souvenirs de la radio sont d’aller à Kiss FM alors qu’elle était encore pirate (la station a finalement obtenu une licence légale, à sa deuxième tentative, en décembre 1989, ndlr). Je me souviens avoir rendu visite à mon père en sachant que c’était là l’endroit d’où venait ce que j’écoutais à la maison. » Après avoir animé ses propres émissions sur les ­pirates à l’adolescence, Shy One (de son vrai nom Mali Larrington-Nelson) est maintenant une présence régulière sur plusieurs stations de radio en ligne. « Internet a changé la donne. Les jeunes y sont allés pour faire leurs propres trucs sans avoir à payer quelqu’un doté de l’équipement et des connaissances pour une station FM. Au lieu de cela, on peut tout trouver par soi-même et tout mettre en place beaucoup plus rapidement et pour beaucoup moins cher. » Ces stations en ligne se distinguent par leur mode de transmission et par leur production musicale. « Chaque fois que je suis en voiture et que je me branche sur un pirate, c’est un tout nouveau monde, explique Shy One. On y entend la “musique des grands” : r­ eggae, groove rare, soul, écoutée par les générations précédentes. » De nouvelles stations en ligne font cependant jouer tous les genres musicaux pour tous les publics. Parmi cellesci, on retrouve de nombreux collectifs comme Touching

À droite : sur le mur d’un parking ­désaffecté devenu espace événementiel créatif, des flyers annonçant un événement organisé par Balamii. Ci-contre : la DJ et productrice Shy One.

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« Quand vous vous branchez sur la radio de grande diffusion, c’est toujours la même chose. Il faut ­proposer aux gens une offre variée. »


Ci-dessus : des professionnelles ­chevronnées de la radio (de gauche à droite) Becky Richardson, Ami Bennett et Frankie Wells ont ­fondé Foundation FM en 2018.

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Underground radio

« Une station de grande écoute, ce ne sont que des playlists. » Bass et BBZ pour les femmes queer de couleur. « La ­radio underground est toujours nécessaire, dit Shy One. Quand vous vous branchez sur une radio de grande écoute, c’est de la merde. Ce ne sont que des playlists et c’est insupportable parce que c’est toujours la même chose. Il faut proposer une offre variée. Il est essentiel de donner à chacun la possibilité de faire valoir ses talents, parce que vous n’en entendrez pas parler ­autrement. » L’une des stations de radio underground les plus excitantes de Londres est Balamii, fondée par un passionné de radio, James Browning. Situé à l’arrière d’une galerie marchande délabrée au sud de Londres dans Rye Lane à Peckham, au bout d’un couloir éclairé par des néons, le siège de la station passe inaperçu. Le bureau de Browning – une petite pièce sans ­fenêtre – est derrière le studio ; dans le coin se trouve un seau pour r­ ecueillir l’eau qui coule du plafond.

modestes, Balamii est devenue une station à part entière avec des auditeurs en Europe et aux États-Unis. Elle ­organise également des événements qui attirent des centaines de personnes à Londres. « Je crois que les gens sont encore dévoués à la cause de la radio underground, dit Browning. On ne court plus les toits, mais il faut ­s’assurer d’être correct avec la musique que l’on joue, la façon dont elle est reçue et ce que l’on représente. » Toutes les radios Internet ne se ressemblent pas. Plus bas, dans la même rue, c’est un tout autre type d’opérations. Foundation FM a été créée avec un ­énoncé de mission clair : « Mettre en valeur les talents ­émergents les plus chauds de la scène musicale underground, menée par un groupe diversifié de femmes, de personnes LGBTQI et de créatrices talentueuses, avec les femmes à l’avant-plan. » Bien que la station en ligne soit entièrement indépendante, les cofondatrices de Foundation FM – Becky Richardson, Ami Bennett et Frankie Wells –- ont acquis une expérience considérable sur BBC Radio 1Xtra, ­Capital Xtra, BBC Asian Network et Radar Radio. Cette station a pu compter

B

alamii est restée fidèle à l’esprit des radios communautaires underground, avec des DJs locaux qui diffusent les saveurs locales, de la house au jazz via le grime, la techno et plus encore. Des DJs ­réputés, dont Shy One, animent des émissions aux ­côtés d’étudiants débutants, et la station applique une politique d’inclusivité et de liberté créative, soutenant les espaces insécables (safe spaces) et l’intégrité musicale. Dans le coin du bureau de Browning se trouve une vieille affiche A4. « C’est le flyer du premier événement que j’ai organisé quand j’avais 15 ans, ditil. À cet âge-là, j’écoutais les radios pirates avec des amis, dans la bagnole ou chez nous. On avait tous des platines, alors on allait chez l’un ou chez l’autre pour faire des mixes. » Browning est allé travailler chez ­Resonance FM à l’âge de 18 ans, puis a suivi d’autres DJs à la radio pendant qu’il était à l’université de ­Brighton. Plus de dix ans plus tard, après avoir travaillé à la City, il a d ­ écidé de prendre le risque de lancer sa propre station indépendante basée sur la scène musicale du sud de Londres, avec laquelle il avait grandi. « Depuis mon adolescence, je voulais diriger une station de radio – cela avait toujours été mon rêve – mais je n’ai jamais cru que cela se réaliserait. Puis, un jour, je me suis dit : “Je vais prendre l’argent que j’ai économisé pour m’acheter une maison et le ­dépenser en e­ ssayant de faire ce que j’ai toujours aimé le plus.” » Après avoir trouvé un lieu adéquat, Browning s’est lancé dans la construction de la station en utilisant les ressources de la communauté. « J’ai parcouru la rue et ai trouvé tout le bois dans un commerce du coin. J’ai construit la station avec des copains. Toutes mes économies y sont passées puis, quand j’ai manqué d’argent, j’ai emprunté le reste de l’équipement. » Après ces ­débuts THE RED BULLETIN

Chowa Nkonde est aux manettes pendant l’émission du 13 novembre 2019 sur Balamii. Le studio de Peckham diffuse en direct tous les jours de 8h à 3h du matin.

sur davantage que de la bonne volonté, du bois local et des haut-parleurs empruntés : elle a reçu un financement dès ses débuts et les trois femmes ont un studio du genre branché. Des polaroïds de tous ceux qui sont passés par la station sont disposés sur la table basse et un présentoir de merchandising est placé dans le coin. L’énorme enseigne lumineuse de Foundation FM se ­reflète dans la vitrine du studio professionnel où la DJ Kamilla Rose (Boiler Room, BBC Radio 1Xtra) anime son émission quotidienne. Bien que Foundation FM partage un énoncé de mission avec les stations indépendantes d’origine, on est à des années-lumière du monde des antennes illégales et des descentes de p ­ olice. « La raison derrière la mise sur pied de Foundation était de   57


Underground radio

fournir un espace pour les gens qui, selon nous, avaient de bonnes choses à dire ou faisaient de grandes choses, mais n’avaient pas d’endroit pour le faire, e­ xplique ­Bennett. Je pense qu’il y a la même énergie que celle que l’on retrouvait dans les radios ­pirates mais une ­radio en ligne comme la nôtre se situe entre elles et les mainstreams. On a leur liberté, mais on est réglo. On entend des ­histoires au sujet des stations de radio ­pirates dans les ­années 1990 où il fallait un cintre métallique pour ­pouvoir les capter, où la police survenait et que les ­propriétaires de la station devaient emballer le matériel et se sauver. Bien sûr, nous sommes dans un espace légitime et nous sommes une entreprise, mais nous n’avons pas de limites sur le plan créatif. On peut travailler avec qui on veut et mettre ce que l’on veut en onde, et cela en fait un endroit incroyable. » Foundation FM travaille comme un terreau fertile pour les femmes de ce milieu afin de créer un environnement plus égalitaire au plus haut niveau. « Nous nous assurons que tous ceux qui passent du temps avec nous obtiennent quelque chose en retour, dit Wells. Qu’il s’agisse d’apprendre à diriger un bureau, à produire un spectacle, à monter une émission, etc. Si vous nous dites ce que vous voulez savoir, nous vous l’enseignerons aussi longtemps que nécessaire. Plus nous le ferons, plus les choses évolueront et l’équilibre au sommet de l’industrie pourra être atteint, ce qui est notre but. » La ­station ­travaille avec des programmes tels que Normal

En haut : disques vinyle et polaroids dans le studio de Balamii. Ci-dessus : DJ Jon Phonics sélectionne les disques pour son émission du mercredi soir. Ci-contre : les DJs Lily et Ruby, alias Sweet Lemonade ­Sisters, à Holdrons Arcade, l’espace de vente au détail discret sur Rye Lane, le domicile de Balamii.

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« La radio en ligne reste une forme de protestation : on occupe l’espace. » Not ­Novelty – un workshop dédié aux DJs femmes – et anime des cours de radio pour les jeunes de 16 à 18 ans. « Quand nous avons organisé un atelier, cela nous a vraiment ouvert les yeux et les filles étaient toutes très motivées, dit Wells. Cool, non ? L’impact que nous avons eu sur elles pourrait les amener à faire carrière à la radio ou dans la musique. » Foundation FM envisage maintenant d’organiser d’autres événements à l’extérieur du studio et sera présente au SXSW Music Festival à Austin, au Texas, en mars prochain. « La radio en ligne n’est qu’un espace où il fait vraiment bon vivre. Et si accessible qu’elle soit aujourd’hui, je pense qu’elle le deviendra davantage. Comme nous faisons partie de la première génération, nous n’en sommes qu’au début de ce changement, alors nous pouvons lui donner une orientation. Mais Foundation THE RED BULLETIN

FM a son identité propre et fait ce qu’elle veut – nous nous contentons de la suivre. » Bien que Balamii et Foundation FM diffèrent à bien des égards, elles ­incarnent toutes deux l’état de la musique underground à Londres en 2020 : une scène qui permet aux jeunes de créer légalement des avenues alternatives au courant dominant d’une manière différente que leurs ­homologues des années 90. Les radiodiffuseurs d’aujourd’hui n’ont pas besoin d’installer des antennes pour partager leur musique : ils utilisent les outils d ­ igitaux à leur disposition pour créer des espaces artistiques permettant la coexistence de diverses cultures. Mais si la radio indépendante locale n’est plus illégale, sa pertinence n’a pas diminué. « C’est toujours une forme de protestation, parce que vous occupez l’espace, dit Shy One. La radio grand public est très ­statu quo : il n’y a aucune forme d’expression et tout cela est très artificiel, programmé et strictement réglementé. Lorsque les gens créent et occupent l’espace de façon indépendante en utilisant le même médium, ce qu’ils font en réalité, c’est une protestation visible et non-­ violente. Pro-communautaire et pro-culture. » balamii.com ; foundation.fm   59



Guides tibétains et alpinistes récoltent les déchets sur la face nord de l’Everest.

Soulever des montagnes Une Française à l’origine du premier projet de nettoyage du versant nord de l’Everest : MARION CHAYGNEAUD-DUPUY, 39 ans, dont dix-sept passés à coordonner des projets sociaux et environnementaux au Tibet, a l’habitude de se confronter à l’impossible. Sa force ? Considérer toutes les difficultés qui lui barrent le chemin comme autant d’opportunités à saisir. Entretien CLAIRE SCHIEFFER

Photos NYIMA TSERING   61


onbonnes de gaz rouillées, réchauds en panne, tentes éventrées, matelas, crampons, cordes, bouteilles d’oxygène, canettes et conserves vides, sacs et autres emballages plastiques jetés par les équipes de cuisine : rien ne manque au décor, pas même les quantités effrayantes d’excréments gelés laissés sur place par les milliers d’alpinistes qui se sont succédé ici depuis le début des expéditions commerciales dans les années 90. Ce tableau idyllique, c’est ce qui attendait, jusqu’à récemment, toutes celles et ceux qui entreprenaient l’ascension du mont Everest. Une vision désastreuse en total désaccord avec celle que nous nous faisons de cette montagne restée si longtemps inaccessible et qui domine la chaîne de l’Himalaya du haut de ses 8 848 mètres. Souillé, croulant sous des tonnes de détritus, le toit du monde était devenu, en l’espace de trente ans, la plus haute décharge à ciel ouvert au monde. Plus qu’esthétiques, la pollution de l’Everest a surtout de graves conséquences écologiques pour tout le continent asiatique : car c’est au cœur des glaciers de l’Himalaya que les grands fleuves qui traversent l’Asie prennent leur source. Des réserves gigantesques d’eau potable contenues dans le plateau tibétain – que l’on appelle aussi pour cette ­raison le « troisième pôle » – dépendent les deux milliards 62

Les chiffres de Clean Everest

15

dollars par kilo : le salaire des porteurs qui récoltent les déchets en haute altitude

150

personnes mobilisées par an pour l’opération (50 guides, 100 porteurs chinois ou étrangers)

50 10

yaks mis à disposition pour chaque opération

tonnes de déchets évacuées de la pente nord de l’Everest

1 500 dollars : le montant de la taxe environnementale payée par chaque grimpeur

8

kilos minimum de déchets (par personne) à redescendre aux camps, sous peine de déclencher la suspicion des autorités.

« Voir toute cette pollution m’a littéralement blessée : il fallait que je fasse quelque chose. » THE RED BULLETIN

YVES ROCHER FOUNDATION

B

­ ’individus habitant le long des d ­vallées des grands fleuves d’Inde et de Chine. Un problème aggravé par la difficulté logistique et physique d’y remédier : outre les conditions climatiques extrêmes (on ne peut s’y rendre que durant deux mois de l’année, en mai et juin, et la région est constamment soumise à des vents violents), l’altitude ainsi que la nature très accidentée des sols rendaient toute opération de dépollution non seulement aléatoire mais aussi périlleuse. Une fois parvenu dans la « zone de la mort » (au-delà de 8 000 mètres), l’oxygène se raréfie tellement que le risque d’y laisser sa peau devient bien réel. Dans ces conditions, la tentation est grande pour les alpinistes et les équipes organisatrices de se délester au maximum de tout ce qui encombre. Devant ce désastre, des actions se sont mises en place récemment, des deux côtés de l’Everest : côté népalais, où se trouve la voie sud, qui est aussi la voie la plus empruntée parce que la plus facile (avec plus de 850 candidats à l’ascension, rien que pour cette année 2019), on se débat encore avec d’importants problèmes de pollution et de gestion insuffisante des déchets dus à l’activité touristique. Côté chinois, en revanche, c’est un autre bilan, quasi exemplaire : le versant nord de ­l’Everest (qui a accueilli cette année pas moins de 280 courageux alpinistes venus tenter l’exploit par la voie tibétaine, réputée la plus difficile) est aujourd’hui débarrassé de ses déchets. Pour les heureux touristes qui obtiennent un permis pour rejoindre le sommet en partant du Tibet, cette montagne sacrée que les Tibétains appellent « Jomolangma » se présente enfin dans toute sa pureté originelle, grâce à un vaste programme de nettoyage, baptisé Clean Everest et mis en place entre 2016 et 2019. L’originalité de ce projet fut tout d’abord


Une détermination et un optimisme à toute épreuve : Marion ChaygneaudDupuy, porteuse du projet Clean Everest.

THE RED BULLETIN

63


Le tourisme sur l’Everest en quelques chiffres

8 848

mètres : l’altitude du mont Everest

5 11

morts en moyenne par an

morts en 2019 (dont 2 côté tibétain)

12 000

kilos d’excréments ramenés chaque saison par les sherpas népalais, qui se déversent en

partie dans les cours d’eau du Népal

60 000

euros en moyenne : le prix que l’on paie pour monter sur l’Everest

2

mois : la durée de la saison touristique (mai-juin)

20

pour cent : le taux d’oxygène au-delà de 7 400 m

développement, à la protection de la culture des nomades tibétains et à la défense de l’environnement au Tibet. C’est d’ailleurs pour ce dernier aspect de son engagement et pour son rôle dans la mise en place de Clean Everest que la jeune femme, originaire de Dordogne, a été récompensée par le prix Terre de Femmes 2019, décerné par la ­Fondation Yves Rocher. Spécialiste de l’entrepreneuriat social, du­g ­ uidage et de la

Les yaks, acteurs incontournables pour la réussite du projet.

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­ édecine en très haute a m ­ ltitude, ­fondatrice d’une ONG pour la défense des cultures nomades (Highland Initiatives) et de la première plateforme pour les entrepreneurs sociaux tibétains (­Global Nomad), elle est également la première femme à avoir gravi l’Everest à trois reprises (en 2013, 2016 et 2017) et détient le record du plus « long permis de résidence » délivré à un Occidental à Lhassa. Pour The Red Bulletin, Marion Chaygneaud-Dupuy revient sur la difficile mise en œuvre du projet Clean Everest et sur sa manière d’aborder chaque obstacle comme un cadeau du destin. the red bulletin : Quand vous est venue l’idée de Clean Everest ? marion chaygneaud-dupuy : Lors de ma première ascension au sommet, en 2013. Voir toute cette pollution, m’a littéralement blessée, une blessure que j’ai ressentie au plus profond de moi. Il fallait donc que je fasse quelque chose, car je me sentais comme « polluée ». J’avais cette détermination et en même temps, je devais être dans l’action : pour mobiliser des équipes, mettre la lumière auprès de mes élèves à l’École des guides de Lhassa (Marion y travaille comme formatrice, ndlr), sur tout ce qui pouvait être fait au niveau local pour dépolluer les sites, afin de monter une action qui soit pérenne et réplicable ; et enfin, je voulais fédérer cette initiative avec d’autres, de part le monde, pour qu’il y ait un effet boule de neige. Un vaste projet, qui a mis trois ans à devenir réalité ! Par où avez-vous commencé ? Il y a un principe, dans la réalisation de projet, qui s’appelle slow down to accelerate : il faut y aller petit à petit car ce n’est que lorsqu’il y a des bases solides, installées sur la durée, que le projet peut vraiment mûrir. La lenteur du processus – trois ans ! – c’est donc tout à fait normal. Mais une fois que les opérations de nettoyage ont commencé, en 2016, tout a été très vite : en 2017, on avait déjà récolté la moitié des déchets, et les deux dernières années, on a pu peaufiner le modèle et terminer de tout nettoyer. Au total, ce sont dix tonnes THE RED BULLETIN

MARION CHAYGNEAUD-DUPUY

sa grande complexité logistique : il faut dire que la face septentrionale de l’Everest est la plus accidentée, et donc la plus dangereuse. Dans cet océan de caillasse battu par des vents glaciaux tout au long de l’année, impossible pour les hélicoptères de secours de se poser ou pour les véhicules d’y avoir accès. Pour les participants au projet, une seule solution afin de venir à bout des quelques dix tonnes de déchets repérés sur le site avant opération : les évacuer à dos d’homme ou de yak. Une entreprise titanesque mise en place et réalisée sur quatre ans, au prix de lourds efforts physiques et financiers. Outre l’évacuation des déchets, ce projet a également permis de mettre en place toute une infrastructure visant à collecter et trier les déchets et à récupérer les eaux noires en haute altitude, d’installer des toilettes dans les différents camps d’ascension et d’instaurer un système de contrôle environnemental draconien, une taxe dont doivent s’acquitter chaque client d’expédition ainsi qu’une charte écologique reprenant les valeurs tibétaines de protection des montagnes. À l’origine du projet : Marion Chaygneaud-Dupuy, une Française de 39 ans qui réside à Lhassa (région autonome du Tibet, en Chine) depuis ses 22 ans et qui a consacré la plus grande partie de sa vie à l’aide au


Au final, les efforts ont payé : l’une des équipes de Clean Everest devant le butin du jour.

de déchets qui ont été évacuées de l’Everest ! Quelles ont été les premières ­étapes  ? Il fallait absolument que ce projet soit cent pour cent tibétain, que le peuple tibétain se l’approprie. Il était donc essentiel de partir du tréfonds des valeurs partagées par la population locale. Pour cela, j’avais un partenariat avec l’École des guides de montagne du Tibet à Lhassa et la compagnie des guides tibétains. On a donc commencé par enseigner aux élèves de l’École des Guides les préceptes de la culture bouddhiste tibétaine, car ce sont eux qui vont plus tard coordonner les opérations de collecte et de nettoyage lors des expéditions. Ces trois années consacrées à un travail de fond et d’éducation auprès des guides et de tous les professionnels de la montagne, je savais qu’elles allaient porter leurs fruits. Pourquoi leur parler de préceptes bouddhistes tibétains avant de leur apprendre à trier les déchets ? Pour qu’un projet s’inscrive dans la durée et que les gens qui y participent restent motivés, il est fondamental de partir de leurs valeurs propres, celles qui leur parlent. Et THE RED BULLETIN

« Trois ans de préparation, c’est tout à fait normal ! » pour cela, il faut d’abord prendre le temps : le temps de les écouter, de comprendre ce qui est important pour eux. Pour les Tibétains, c’était cette vision sacrée de la montagne (« Jomolangma » est le nom tibétain de l’Everest et signifie « la mère sacrée », ndlr). L’éducation des futurs professionnels de la montagne, ce n’était qu’une étape du projet. Quelles ont été les autres étapes ? L’étape la plus importante pour le projet a été la création d’une charte environnementale, qui est censée être respectée par tous les professionnels de la montagne et tous les alpinistes se rendant sur l’Everest – et bientôt sur tous les autres sommets de l’Himalaya, côté chinois. Là encore, nous sommes partis des valeurs tibétaines pour édifier, avec les guides tibétains, une charte environnementale qui corresponde à leurs croyances et qui soit acceptée par tous.

Quel en est le contenu ? Le modèle de cette charte s’inspire de celle créée par le Karmapa, le ­deuxième dignitaire bouddhiste le plus important après le Dalaï-lama. Vivant en exil en Inde, il a instauré dans ses monastères des règles de vie en harmonie avec la nature, sur la base de quatre piliers, qui correspondent aux quatre éléments (l’eau, l’air, le feu et la terre) : la protection de l’eau, celle de la faune et de la flore, la gestion des déchets et l’éducation. Une charte, c’est bien, mais comment la faire appliquer ? À partir de la deuxième expédition de nettoyage, lorsque le projet a commencé à être reconnu par les autorités locales, celles-ci ont décidé de réglementer autour des points de la charte. Les agences qui organisent des ascensions sur l’Everest sans respecter la charte sont identifiées par le gouvernement et risquent de perdre leur permis. Concernant par exemple l’interdiction de laisser des déchets derrière soi – un point essentiel de la charte –, ce sont les représentants du gouvernement chinois qui vérifient pour chaque expédition le nombre de kilos montés dans les camps en altitude et le nombre de kilos redescendus. Au final, il faut   65


Seuls les agences et les guides sont concernés par ces réglementations ? Cette charte s’applique à tous les professionnels de la montagne : ça va des aides-cuisiniers durant les expéditions aux yakmen, qui conduisent les yaks utilisés pour le transport de matériel. Ces derniers sont les caravaniers des expéditions et jouent un rôle très important pour la préservation de la montagne. Il y a donc un gros travail de sensibilisation (par des dialogues, des films, des ateliers, etc.) qui est fait vers les caravaniers. Je passe donc beaucoup de temps dans les cuisines des expéditions à leur enseigner à faire le tri ! C’est d’ailleurs ce qui prend le plus de temps : former les professionnels de la montagne, aller les voir, parler avec eux du traitement des déchets pour essayer de recycler au maximum. Plus concrètement, comment fait-on pour venir à bout de dix tonnes de déchets dans l’un des endroits les plus inaccessibles de la planète ? Les détritus sont collectés par des porteurs tibétains aidés de yaks et qui sont payés selon le système du Cash for Trash. Un premier tri s’opère dès le début : les déchets biodégradables sont ramenés à une altitude où ils pourront se biodégrader sans risquer de geler. Les autres sont ramenés au Camp de base, à 5 200 mètres ou au Camp de base Avancé, à 6 500 mètres. Là encore, on sépare les déchets recyclables, qui sont envoyés par camion à Lhassa, et ceux non-recyclables qui sont envoyés à la décharge de Tingri, la ville la plus proche du Camp de base. Quant aux déchets laissés en très haute altitude, à partir de 6 500 mètres, ils sont ramenés à dos d’homme, équipés de bouteilles d’oxygène. C’est un travail physique et logistique très compliqué à réaliser. Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui sur la voie nord de l’Everest, grâce à Clean Everest ? 66

L’Everest côté nord : la voie tibétaine

SOMMET NÉPAL

8 848 m, le plus haut sommet au monde

Premier ressaut 8 500 m

Second ressaut 8 600 m

CRÊTE EST

CRÊTE OUEST

Camp VI 8 250 m Camp V 7 800 m CRÊTE NORD Camp IV 7 050 m COL NORD Camp III 6 500 m CAMP DE BASE AVANCÉ Camp II 6 090 m TIBET

Camp I 5 580 m

On y trouve enfin tout un dispositif de collecte et de traitement des ordures (containers, centres de collecte à mi-parcours, transport des déchets), ainsi que des toilettes, même au Camp 1, à 7 028 mètres. Toute cette infrastructure et logistique est désormais gérée et financée par le gouvernement chinois depuis 2018. Et tout cela coûte cher : il a fallu installer des toilettes, redescendre les vieilles cordes de montée, fournir à tous les alpinistes des sacs biodégradables pour les excréments, dont on ne peut se débarrasser qu’en-dessous de 6 000 mètres. À 18 ans, vous vouliez devenir nonne dans un monastère bouddhiste, et vous voilà une professionnelle du social business : comment opère-t-on un tel revirement ?

Dans mon parcours, je suis passée par trois modèles de développement : le premier fut purement humanitaire. Puis j’ai travaillé pour des ONG sur des gestions de projet traditionnelles. Dans les deux cas, j’ai vu les limites de ces modèles, tant dans leur pérennité que dans leur approche, trop axés sur l’assistanat. Il n’y avait pas de prise en compte de ce besoin fondamental d’autonomie financière des Tibétains. C’est comme ça que je me suis intéressée au social business, qui permet un vrai partenariat d’égal à égal avec les Tibétains : je suis donc devenue entrepreneur social et me suis positionnée comme chef d’entreprise, avec face à moi des gens qui étaient prêts à se prendre en charge eux-mêmes. Et qui ont en plus de cela une vision sociale très forte de leur business. L’autre THE RED BULLETIN

CHRONICLE/ALAMY STOCK PHOTO

qu’il y ait un minimum de huit kilos de déchets par personne. En deçà de ce chiffre, l’organisateur s’expose, à moyen terme, à un retrait de permis.


La charte environnementale de Clean Everest

1. PROTÉGER L’EAU

DE SOURCE Toute activité liée à l’eau (vaisselle, lessive, etc.) doit se faire avec des produits non agressifs et à une distance de 50 mètres minimum d’un cours d’eau. Installer les toilettes toujours en aval d’une source, jamais en amont.

2.

TRAITEMENT DES DÉCHETS Équiper les camps de trois containers pour les déchets recyclables, non-recyclables et le papier. Ne rien laisser derrière soi. S’assurer que les déchets sont tous collectés et transportés par les yakmen jusqu’aux camps, nettoyer le Camp de base Avancé avant de s’y installer.

3. PROTECTION DE

LA FAUNE ET DE LA FLORE Ne pas s’approcher ni nourrir les animaux sauvages, ne pas faire de bruit ni allumer de feu dans les zones où ils vivent. Il est interdit de ramasser des plantes sauvages ou d’acheter des produits faits à partir de plantes ou d’espèces animales protégées.

4.

ÉDUCATION Enseigner les bonnes pratiques de tri et de recyclage. Connaître et respecter les coutumes et les croyances locales liées à la nature et aux montagnes. Apprécier un mode de vie proche de la nature.

raison, c’est qu’en Chine, il n’y a pas d’autre voie, voire d’autre voix possible : si tu n’as pas un business, tu n’es pas entendue. Si tu n’es pas dans ce milieu-là, tu n’existes pas. Finalement, je m’y suis sentie plus à l’aise, parce que c’est beaucoup plus créatif de créer une entreprise. C’est donc dans ce contexte qu’est né Global Nomad, la première agence de tourisme éco-­socio-responsable au Tibet. Avec deux autres associés (basés à Chengdu, notre antenne chinoise, à 2 000 km à l’ouest de Lhassa), nous avons développé des produits touristiques dans toutes les régions du Tibet, avec l’objectif premier de servir de plateforme pour d’autres entreprises liées au tourisme éco-socio-responsable et à la protection des cultures tibétaines – notamment l’artisanat, la musique et l’art. THE RED BULLETIN

Aujourd’hui, une dizaine de tour-­ opérateurs francophones t­ ravaillent avec Global Nomad. Vous vous efforcez depuis des années de développer le tourisme de montagne au Tibet et donc sur l’Everest, tout en sachant que ce tourisme peut avoir des conséquences écologiques fatales : n’est-ce pas un paradoxe ? Non, parce que j’ai toujours agi dans le bon sens, justement pour éviter toute répercussion négative. J’ai constamment œuvré à créer du changement, à faire bouger cette industrie pour qu’elle soit plus respectueuse de la nature et des Hommes. Les expéditions que j’ai pu mener au Tibet, que ce soit avec mon agence Global Nomad ou avec d’autres structures, ont toujours été des exemples en termes de tourisme éco-responsable. Au cours de toutes ces années au service des autres, qu’est-ce qui vous a permis de ne pas lâcher, face à la difficulté ? Pour moi, la difficulté, c’est un moteur. Là où beaucoup pourraient y voir un problème, j’y vois une opportunité pour transformer une situation en une résolution. Il y a de plus, en tibétain, un entraînement de l’esprit qu’on appelle la pratique de la semchuk (de « sem », l’esprit, et « chuk », la force) : cette force de détermination, elle peut se cultiver. Comment ? En changeant justement la vision qu’on se fait des problèmes et des difficultés : il s’agit de voir une possibilité dans toutes les expériences de la vie et du quotidien, d’y voir un champ d’exploration et de transformation intérieures pour éveiller cette « semchuk ». Tout à coup, tout le mode de perception change, tout devient une possibilité pour renforcer une qualité intérieure, et c’est génial, parce que du coup, toutes les difficultés sont bienvenues ! C’est

« Là où certains voient un problème, je vois une opportunité. »

d’ailleurs ainsi que les Tibétains abordent leur quotidien. Il y a tout de même des difficultés qui restent objectivement insurmontables... C’est vrai qu’il faut du discernement pour savoir ce qui est possible et réalisable, et ce qui est hors de ma portée. Il faut rester avec des objectifs bien définis à la base, bien clairs. C’est là que mes connaissances en coaching et en management me sont bien utiles, justement pour formuler les bons objectifs, des délais réalistes, et y rester connectée, avec détermination et ­douceur à la fois. Vous avez déjà trois ascensions de l’Everest à votre actif et serez bientôt chef d’expédition pour la voie nord : comment vous préparez-­ vous pour rester de longs mois en très haute montagne ? Ce qui m’aide, c’est de me sentir connectée à la nature : c’est cette symbiose avec mon environnement qui va me permettre d’affronter les éléments. Et cela passe par une reconnexion avec son propre corps. Cela signifie être ultraréceptive à toutes mes sensations physiologiques, absolument toutes, même les micro-sensations : la transpiration, le froid, les palpitations du cœur, la respiration. C’est ce que l’on appelle l’intéroception. Une fois en montagne, je suis confrontée à un environnement tellement dur que je suis obligée d’être à l’écoute de mon corps, de savoir si j’ai faim ou soif, si j’ai besoin de me reposer. Cette vision d’union avec la nature, c’est un atout considérable pour faire face aux environnements les plus hostiles. Quels conseils donneriez-vous aux amoureux de la montagne ? Suivre les principes de leave no trace (que l’on pourrait traduire par « ne laisser aucune trace derrière soi », ndlr), évidemment, mais surtout se rappeler que l’on fait partie intégrante de la nature, et considérer la montagne comme son propre corps. Respecter la montagne, c’est se respecter soi-même.

Global Nomad : globalnomad-tibet.com Highland Initiatives : highland-­ initiatives.com/clean-­everest/   67


INDISPEN…

SABLE ! FRANK MELLING, MAINDRU

Un dimanche par an, sur un tracé d’une douzaine de kilomètres, légendes de la moto ou pilotes inconnus embarquent dans la même galère : L’ENDUROPALE DU TOUQUET. L’un des rassemblements motorisés les plus populaires (500 000 spectateurs sur ses trois jours en 2019), la course fête sa 45e édition cette année. Éric Poiret, l’auteur du premier ouvrage dédié à cette course nous en dresse un portrait en dix entrées. Texte ÉRIC POIRET 68

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Aux origines : un défi Le Touquet, début des années 70. Des jeunes s’éclatent en bécane dans les dunes. À leur tête, Thierry Sabine, fraîchement recruté par le maire Léonce Deprez pour développer sa « Station des quatre saisons ». Influencé par le film Challenge One, où Steve McQueen défie les vastes déserts américains, Sabine propose une course ouverte aux motards du dimanche comme aux plus grands champions. Le maire relève le défi. Le 16 février 1975, 286 pionniers s’élancent à l’assaut de la plage du

­ ouquet et des dunes pour le premier T acte d’une longue série d’Enduros du Touquet. Le millier d’engagés est atteint dès 1978 puis l’épreuve ­rassemble p ­ rogressivement près de 300 000 spectateurs. Les dunes sont finalement s­ anctuarisées au terme de l’édition 2005 et l’Enduropale prend la relève. La course se déroule uniquement sur la plage, mais « Monsieur tout le monde » peut toujours s’aligner aux côtés de ses idoles. Devant près de 500 000 personnes.


La gloire des « sans-grade » La présence des purs amateurs au milieu des champions est l’essence même de l’épreuve. Ceux que l’on surnomme ­affectueusement « les poireaux », en référence à leur faculté de se planter ou de poireauter dans un bouchon, composent la majeure partie du peloton. Mais qui sont-ils ? Sous leurs dossards anonymes se cachent des hommes ou des femmes de tous âges, issus de tous milieux. Ils se retrouvent durant l’hiver sur le circuit de Loon-Plage pour se préparer un minimum à l’événement. Le résultat leur importe peu :

voir le drapeau à damier serait déjà un formidable exploit. Malgré tout, ces « sans-grade » comptent de nombreux supporteurs parmi la foule : les potes et la famille bien sûr mais aussi des spectateurs admiratifs de leur courage ou émus par leur regard rempli de détresse. Ces « seconds rôles » du spectacle méritent amplement leurs encouragements ! Et puis une jolie décoration fixée sur leur casque ou une ­tenue originale attirera irrémédiablement l’œil des objectifs ! Le « poireau », lui aussi, a le droit à son heure de gloire.

Holeshot… surtout, ne vous retournez pas ! Réaliser le « holeshot » au Touquet revient à se faire flasher à plus de 170 km/h sur la plage pour pointer en tête au premier virage quelques kilomètres plus loin, remporter une prime et se faire acclamer par des dizaines de milliers de spectateurs admiratifs. Le « holeshoteur » est le premier vainqueur du jour. Jadis, certains casse-cous en faisaient même leur objectif en préparant des prototypes plus puissants les uns que les autres. Pour autant, disposer de mille chevaux sous la selle ne suffit pas. Pour réaliser l’exploit, il faut avoir la foi… et un brin de folie ! Imaginezvous derrière la grille de départ. Vous avez choisi de vous placer sur le sable dur pour ne pas vous faire surprendre. L’adrénaline monte, le cardio s’affole… Au signal, vous enclenchez la deuxième pour ne pas creuser le sol. C’est parti ! Lancé à pleine vitesse sur la plage, votre seul but est d’atteindre l’horizon avant les autres. Ne vous retournez surtout pas, la moindre erreur serait fatale ! 1 200 furieux sont lancés à vos trousses… 70

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FLAVIEN DUHAMEL/RED BULL CONTENT POOL, MAINDRU

Le pilote Dominique Pihan en mode « eauld » school : on lui avait ­promis du sable, c’est finalement avec ­l’élément liquide qu’il doit lutter.

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La météo : fatale ou géniale Il ne faut pas s’attendre à faire bronzette lors d’un week-end d’Enduro. La manifestation se déroule au creux de l’hiver et la météo est une source d’inquiétude pour tous les acteurs. En cas d’intempéries, une baisse de fréquentation du public est redoutée par les professionnels du tourisme et les commerçants. D’un point de vue sportif, le froid, la pluie et le vent malmènent les organismes et les mécaniques, ce qui influe inévitablement sur le résultat final. Surtout, la sécurité des pilotes est en jeu. L’acte 2012 en est une parfaite illustration. Ce 5 février, Le Touquet s’est réveillée sous un épais manteau neigeux. Malgré la démonstration de force des services municipaux, l’Enduropale s’est déroulé dans des conditions extrêmes devant un public clairsemé. Par crainte de blessures, les forfaits de dernière minute et les abandons précoces furent nombreux… Un an plus tard, en raison de vents violents, la marée a envahi le parcours et provoqué un arrêt forcé de la course comme en 1989 et 2007. A contrario, un air d’été planait sur l’édition 2019. Allez comprendre…   71


Quand l’Enduro du Touquet passait encore par les dunes, le fameux Goulet de Stella-Plage était LE spot le plus spectaculaire de l’événement.


Le plus gros bouchon de l’histoire de la moto

MAINDRU

Qui n’a jamais vu les images du Goulet de Stella-Plage, lieu emblématique de l’Enduro où venaient s’engouffrer des centaines d’amateurs jusqu’en 2005 ? Ce passage étroit et sinueux marquant l’entrée dans les dunes est devenu, à partir de 1983, le symbole d’une épreuve démesurée ; un site stratégique où certains n’hésitaient pas à s’installer plusieurs heures avant le début des hostilités pour s’assurer une place de choix. Sur la dune, on grelotte mais on s’amuse, on chante, on pique-nique pour tuer le temps avant de vivre ces moments tant attendus : entendre réson-

ner au loin le canon du blindé de l’Armée, synonyme de départ, apercevoir les hélicoptères, voir grossir l’essaim mécanique et sentir son bourdonnement grandir à mesure qu’il approche du virage. Acclamer furtivement les champions pressés puis admirer longuement le courage des « poireaux » ensevelis au sein du plus gros bouchon de l’Histoire du sport motocycliste : c’était ça le Goulet. Un spectacle grandiose pour les uns, un enfer pour les autres !

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La foule : toujours gagnante

MAINDRU

Lorsqu’il a confié à Thierry Sabine la mission « d’animer le désert de l’hiver », Léonce Deprez n’imaginait pas que la course de motos créée par le promoteur de sa station attirerait un jour des centaines de milliers de spectateurs. Pourtant, ce fut encore le cas en 2019. Suivi tout de même par 8 à 10 000 personnes lors de sa première édition en 1975, l’Enduro s’est rapidement affirmé comme une manifestation populaire hors norme, devenant même, pour certains, un véritable pèlerinage. La fête foraine, le concert géant ou les campings sauvages ont beau avoir disparu, la diversité du public de l’Enduro fait toujours sa force. Qu’ils viennent en famille, en bande de motards, entre fêtards ou passionnés de sports mécaniques, tous y trouveront leur bonheur. Et même si les dunes et le Goulet ne font plus p ­ artie du spectacle depuis 2006, mieux vaut arriver à l’heure… Foule des grands jours oblige, l’escabeau est devenu le compagnon indispensable des retardataires pour apercevoir l’un des moments phares de la journée : le départ !

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Des exploits… et des drames Course exigeante, l’Enduropale a malheureusement été le théâtre de nombres d’accidents spectaculaires, voire dramatiques. L’un des pires de son histoire s’est joué en 2008. Si ­Benjamin Schots est encore parmi nous, c’est sans doute par miracle. À la réception d’un saut, ce gamin de 20 ans fut catapulté à plus de vingt mètres pour terminer inconscient et désarticulé au pied des officiels. Les images firent froid dans le dos et le tour du monde. Dix ans plus tôt, Stéphane Malliaule eut moins de chance… Peu après le départ, la roue avant du Belge de 29 ans vint se planter dans une bâche. Il décéda un peu plus tard d’un œdème cérébral. Les accidents majeurs ont souvent eu la plage pour théâtre. Une spectatrice imprudente ayant bravé l’interdit de se déplacer sur le tracé de la course y perdit la vie en 1982, renversée par le Hollandais Rond. En 1994, une impressionnante chute collective envoyait une trentaine de pilotes au tapis dont l’un d’entre eux resta longtemps dans le coma. Bis repetita en 2015 lorsqu’un carambolage massif sonna le glas du départ simultané des 1 200 pilotes. Pour des raisons de sécurité, ces derniers s’élancent désormais en deux vagues successives.   75


Le Touquet, c’est si proche de l’Angleterre : le pilote ­britannique Nathan Wilson, vainqueur de l’Enduropale 2019.

Des légendes gravées dans le sable Parmi les pilotes prestigieux ayant inscrit leur nom au palmarès, Håkan Carlqvist figure en bonne place. En 1979, le Suédois, futur champion du monde, est devenu le premier étranger à remporter l’épreuve. Trois ans plus tard, Kees van der Ven débutait son règne. Ses cinq victoires consécutives ont hissé « Le Hollandais volant » au rang de légende. Si le quintuple champion du monde Éric Geboers réussit le triplé de 1988 à 1990, un jeune Dunkerquois entreprit de faire tomber le record de Van der Ven. Arnaud Demeester, le plus jeune vainqueur de l’Histoire, ouvrit son palmarès en 1995 et atteint son objectif en 2007. David Hauquier, Jean-Claude Moussé, Thierry Béthys et Timoteï Potisek furent ses plus grands rivaux. En 2008, Demeester et Potisek offrirent un final à couper le souffle au terme duquel « Sandman » soulevait son septième trophée. « Dream Tim » prenait sa revanche en 2009 avant de disparaître accidentellement au mois de novembre suivant à l’âge de 25 ans… En remportant trois fois l’épreuve entre 2014 et 2016, Adrien Van Beveren est devenu à son tour une référence.

De l’imprévu en prévision L’Enduro a connu des moments épiques. En 1978, en raison d’un faux-départ massif et d’une tempête de force 8, les organisateurs annulent la seconde manche d’une course qui se disputait jadis en deux temps. Un an après l’annulation de l’édition 91 pour cause de guerre du Golfe, Frédéric Bolley pensait faire triompher la première 250 cm³ depuis celle de Péan en 1976… Une panne sèche mit fin à son rêve à quelques mètres du Graal. Yann Guédard lui raflait cet honneur et offrait à Kawasaki sa seule victoire ou presque. Car en 2010, un pilote de la marque fut déclassé de la première place après l’arrivée. Le niveau sonore de la Kawa d’Yves Deudon avait été mesuré au-delà du seuil autorisé, ce dont profita Mickaël Pichon. À cette unique victoire sur tapis vert succédera, trois ans plus tard, une victoire sur drapeau rouge. Prévu pour interrompre la course, sa sortie brutale à l’arrivée de Milko Potisek fut le départ d’un incroyable imbroglio. Jean-Claude Moussé, leader un tour plus tôt, fut finalement désigné vainqueur au règlement. 76

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Retour en 1976, avec Daniel Péan, le vainqueur du deuxième Enduro du Touquet de l’histoire, sur sa moto Maïco.

MIHAI STETCU/RED BULL CONTENT POOL, MAINDRU, JP DESBOUVRIE/ MAINDRU

Des 4 temps et un scooter... Si trails et trials forment l’anagramme parfait, ils sont surtout le type de machines chevauchées par la plupart des participants au premier Enduro. Le règlement n’imposait alors qu’une immatriculation, un système d’éclairage et un silencieux d’échappement. Mais vu la difficulté de l’épreuve, le maquillage de motos de cross est vite devenu monnaie courante… Dans les années 80, les choses évoluèrent avec l’arrivée ­massive sur le marché des modèles d’enduro. À cette époque, les moteurs deux temps faisaient la loi. Une odeur d’huile et une fumée ­bleutée planaient au-dessus du peloton. Au début des années 2000, le durcissement des normes environnementales entraîna l’avènement du moteur quatre temps, moins polluant. La Honda de Thierry Béthys sera la première du genre à s’imposer au Touquet en 2003. Par ailleurs, l’Enduro a vu défiler des machines plus surprenantes les unes que les autres. L’Histoire retiendra un scooter, une Harley Davidson, une Honda 900 CBR revisitée, des BMW de 1200 cm³ ou encore de curieux prototypes à deux roues motrices inventés par les frères Savard.

L’OUVRAGE (DÉJÀ) RÉFÉRENCE SUR L’ENDUROPALE Un passionné de l’Enduropale depuis l’enfance, Éric Poiret s’est lancé un défi fou il y a une poignée d’années : écrire la première anthologie jamais dédiée à cette course. Fort de ses connaissances et des témoignages des acteurs et spécialistes de l’épreuve qu’il a consultés, et après avoir scanné des milliers de photos d’archives (pour beaucoup « oubliées » dans les stocks de l’agence Maindru), Éric a finalement achevé son ouvrage, pour le plaisir des fans de l’Enduropale et de celles et ceux qui le font vivre chaque année. Nous le remercions ainsi que les éditions Solar et l’agence Maindru pour leur aide dans la réalisation de cette rétrospective.

Le Touquet, 45 ans d’Enduro, par Éric Poiret ; éditions Solar THE RED BULLETIN

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guide au programme

IMPOSSIBLE...

… n’est pas Albon ! Il vous dit comment gérer une course d’obstacles. PAGE 84

MONTRE DU MOIS

Une Favre-Leuba qui assure en altitude comme en profondeur. PAGE 86

NOCTAMBULES

Si vous le faites dans le noir (la course à pied), faites-le bien équipé. PAGE 90

TDA GLOBAL CYCLING

MONUMENTAL

Vous épatez vos potes avec vos sorties à vélo du dimanche ? Qu’en sera-t-il en roulant du nord au sud de l’Afrique ?! PAGE 80

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Voyage.

Une sortie du dimanche ? Que dalle ! Ces types se sont lancés pour une virée à vélo de plus de cent jours.

TOUR D’AFRIQUE

DU CAIRE AU CAP… À VÉLO 11 000 kilomètres, 115 jours, 10 pays, à vélo : Jérôme Blais a économisé dix ans pour s’offrir l’aventure de sa vie. Le Canadien, prof d’EPS, revient sur sa traversée de l’Afrique.

M

a tête est sur le point d’exploser sous l’effet du soleil et de la déshydratation. Tout n’est que poussière, chaleur, sueur et épuisement. Une journée brutale. Arrivé au camp, je constate que je suis loin d’être le seul dans cet état. C’est un

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v­ éritable hôpital de campagne : des visages émaciés, un médecin qui court d’une tente à l’autre, des participants plus ou moins valides récupèrent à l’ombre tandis que d’autres, plus nombreux sont sous perfusion, allongés à plat ventre. Difficile de croire que nous

Jérôme Blais, un homme heureux qui a traversé l’Afrique.

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Afrique

INFOS CLÉS

LA TRAVERSÉE DU CONTINENT

Ce que vous devez savoir avant de vous l­ ancer dans l’aventure de votre vie, et où vous arrêter si vous le faites. Le Caire, Égypte

Afrique

Poolparty dans la « piscine du diable », au bord des chutes Victoria (Zambie).

Le Cap, Afrique du Sud

DÉTAILS DISTANCE OFFICIELLE 11 025 km

MWANGI KIRUBI, LAUNDON PEACOCK, TDA GLOBAL CYCLING, ALAMY

FLORIAN STURM

UNIQUE Elle est inscrite depuis 2003 dans le Guinness des records comme la traversée la plus rapide de l’Afrique à la force ­humaine. Sur ce trip du nord au sud de l’Afrique, mieux vaut ne pas compter les crevaisons.

sommes tous là pour une simple virée à vélo. Cela dit, nous traversons tout le continent africain, du Caire à la ville du Cap, soit dix pays, plusieurs zones climatiques et l’équateur. Et nous sommes à ce stade au Soudan, soit à un cinquième du parcours seulement. Je n’étais jamais allé en Afrique et je voulais absolument découvrir cet immense continent à vélo. En mode défi ultime, inoubliable. Je suis professeur de sport et donc je suis plutôt en forme. En Amérique du Nord, des voyages de plusieurs mois à vélo j’en ai effectué plus d’un, mais rien ne m’a préparé à ce qui m’attendait ici. L’idée est simple : couvrir le tracé de bout en bout, soit plus de

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« Le tour m’a éreinté, mais je n’ai pas songé une seule seconde à abandonner. »

PAYS TRAVERSÉS Égypte, Soudan, Éthiopie, Kenya, Tanzanie, Malawi, Zambie, Botswana, ­Namibie, Afrique du Sud.

ZONES TRAVERSÉES Rives du Nil, hauts ­plateaux éthiopiens, lac Malawi, chutes Victoria, désert du Kalahari. ZONES CLIMATIQUES Tropicale, subtropicale, tempérée. DURÉE 115 jours : 86 sur le vélo, 25 jours de repos, 4 jours de voyage. COÛT 15 800 €

S’ARRÊTER ET ADMIRER Pendant le voyage, faites un crochet pour visiter ces trois merveilles.

11 000 kilomètres en quatre mois – 33 participants, dont moi, ont choisi cette option – ou effectuer des étapes réduites. Un camion achemine équipement, tentes et nourriture et nous roulons entre 80 à 200 kilomètres par jour selon les étapes. Prendre une douche quotidienne ? Oubliez !

LE CAIRE/ÉGYPTE : LA CITÉ DES MORTS Près d’un demi-million de personnes vivent dans des mausolées familiaux, des tombes et des lieux de sépulture richement décorés. LIVINGSTONE/ZAMBIE : DEVIL’S POOL Une piscine naturelle avec vue spectaculaire sur les chutes Victoria, les plus grandes au monde. LIWONDE/MALAWI : L’ARBRE DES LÉPREUX Ce baobab du parc national de Liwonde n’est pas ici, synonyme de vie. Il servait de sépulture aux lépreux du Malawi qui furent longtemps privés d’inhumation.

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Voyage.

Afrique

RALLIER LE SUD

TRANS-AFRICAN ­EXPRESS

Au XIXe siècle, Cecil Rhodes rêvait de relier l’Afrique du Sud à l’Égypte en train. C’est cet itinéraire emblématique qu’empruntent à présent les cyclistes de l’aventure, dans l’autre sens. Voici leur nécessaire de survie.

SYSTÈME D Vous avez un pneu crevé dans les hauts plateaux éthiopiens, et vous n’avez pas d’outils ? Pas de panique. Un ­lacet de chaussure et un champ feront l’affaire.

2 À l’aide du lacet, faites un nœud serré près de la crevaison en serrant le plus possible.

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Bourrez le pneu avec de l’herbe ou des feuilles d’arbre avant de remettre la chambre à air.

Regonflez le pneu et reprenez la route prudemment en attendant de ­réparer votre crevaison.

NÉCESSAIRE DE VOYAGE CE QUE JÉRÔME BLAIS CONSEILLE D’EMPORTER 1. DES LINGETTES Entre sueur, crème solaire, spray anti-insectes et l’absence de douches pendant des jours, les lingettes assureront le mieux le brin de toilette de survie. 2. LIT DE CAMP Évitez le tapis de sol et le matelas gonflable, ils seront vite troués ou endommagés par les pluies torrentielles. 3. SKI PLIABLE POUR BOIRE DES COUPS Rien de tel pour créer du lien en buvant des coups après une rude journée de vélo.

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vélo. Je n’ai subi aucune crevaison jusqu’au Malawi, soit plus de 7 000 kilomètres. Ensuite, j’ai cessé de compter après la douzième. J’ai connu le plus de soucis en ­Namibie où moins de 10 % du ­réseau routier est goudronné. ­Depuis, je suis un expert en réparation de pneu en bordure de route. La solidarité que suscite ce genre d’aventure est fabuleuse. À vélo, vous vous battez essentiellement contre vous-même, la chaleur, les nids-de-poule, les côtes et le vent de face. Mais lorsque la difficulté se fait grande au point de vouloir abandonner l’étape, les autres vous somment de poursuivre jusqu’à ce que vous pédaliez de nouveau. De véritables amitiés naissent entre les participants surtout le soir autour du feu de camp. Je suis toujours en contact avec quelques-uns. J’ai lutté contre l’épuisement, les coups de chaud, la diarrhée et le découragement, le tour m’a éreinté, mais je n’ai pas songé une seule seconde à abandonner. Car ce tour offre une occasion unique de se connaître. C’est incroyable ce qu’une telle promenade à vélo peut vous changer. tdaglobalcycling.com

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TDV GLOBAL CYCLING

1 Enlevez le pneu et la chambre à air de la jante.

Le tour démarre en Égypte dans une drôle d’ambiance. Nous sommes en janvier, nos corps sont en mode hiver, mais subissent une température de 35°C à l’ombre, ombre dont les routes sont ici totalement dépourvues. De plus, un convoi militaire encadre le peloton. Le cyclisme reste une curiosité sur les routes égyptiennes, ce qui n’est pas rassurant en matière de sécurité routière. Les camions et les soldats armés qui nous escortent suscitent un sentiment étrange, oppressant et rassurant à la fois. Mais on s’y habitue vite. Et les merveilles que nous admirons durant le périple y contribuent grandement comme le Sphinx, Assouan, Abou Simbel et Louxor le long du Nil en Égypte, les hauts plateaux éthiopiens, les déserts du Kenya et de Namibie, les hauts lieux du safari au Botswana et en Tanzanie et enfin Table Mountain au Cap, pour n’en citer que quelques-unes. On voyage lentement à vélo. Chaque merveille observée rend l’expérience encore plus intense jusqu’à vous donner des frissons. Les organismes sont mis à rude épreuve, mais l’équipement aussi. Sable, poussière, crasse et pistes interminables n’épargnent aucun

SASCHA BIERL

Safaga, c’est tout droit, et c’est en Égypte : ça n’est donc que le début…


HORS DU COMMUN Le prochain numéro le 20 février avec    et le 5 mars avec  dans une sélection de points de vente et en abonnement LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL


DU RÉCONFORT DANS L’EFFORT Jonathan Albon est champion du monde de course à obstacles, un sport d’endurance extrême où il faut escalader et ramper, mettant son corps dans le dur durant des bornes. Voici le secret de sa résistance.

J

onathan Albon se lance dans la course à obstacles (OCR) en 2009, alors que celle-ci n’est même pas un sport reconnu. En 2014, il court encore en amateur. À 25 ans, il réalise le doublé en remportant les championnats du monde OCR et les Spartan. Il passe la demidécennie suivante à défendre un record inégalé : champion du monde d’OCR, vainqueur des Skyrunner World Series en 2017 et lauréat l’année ­suivante d’un deuxième titre mondial aux Spartan et aux Ultra Skyrunning. Mais comment devient-on aussi endurant ? Pour Albon, tout commence par une ­annonce dans un journal local pour la course Tough Guy dans les West Midlands, vers Birmingham. À l’époque, il a 20 ans et vit dans l’Essex, au nord-est de Londres. « Ça avait

l’air mortel : sauter dans le feu, se traîner sur la glace. Jusquelà, je n’avais rien fait de ma vie, alors je me suis dit que c’était l’occasion de voir ce que je valais, confie-t-il. Et je me découvre ainsi une aptitude à courir et passer des obstacles. Je le dois à mes cinq années de livreur chez FedEx. » L’Anglais le doit peut-être au fait qu’il soit venu tard à la compétition, empruntant un parcours différent des pros dont la moindre activité est encadrée et contrôlée. En 2014, Albon s’installe à Bergen, en Norvège, pour se bâtir un mental d’OCR au cœur de

« Une course ­d’obstacles consiste en partie à ne jamais ­lâcher… Le corps s’adapte au froid. »

Courir dans l’eau : Albon a recours à sa « foulée haute » (voir les conseils ci-contre) pour ne pas sombrer en eau trouble.

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l­ ’hiver arctique. « C’était sympa avec le recul. On brise la glace, on s’électrocute, on s’habitue aux espaces exigus sombres, on affronte le vertige, ses peurs et la douleur après quoi, on se sent bien plus humain en retrouvant le confort du ­bureau. » Si la course à pied constitue l’essentiel de l’OCR, Albon estime que les obstacles apportent un plus. « Je suis parvenu à la conclusion que courir douze mois par an n’est pas bénéfique et que deux ou trois mois d’un sport moins ­intense font du bien. » Pour parfaire son cardio, il s’adonne près de chez lui au ski de randonnée. « C’est sympa et vivifiant. L’hiver dernier, j’ai avalé entre 12 000 et 15 000 m à ski par semaine. Gravir une montagne, la redescendre et une fois en bas se dire : “Allez je ­remets ça”, c’est peu courant, non ? » S’amuser dans le froid améliore la résistance y compris pour les courses d’été. « Une course d’obstacles consiste en partie à ne jamais lâcher quoiqu’il arrive. Le corps s’adapte au froid. » L’été, en hors saison, Albon s’entraîne avec des chaussures de vélo et l’hiver avec des chaussures de ski. « Le fait de moins courir renouvelle mon plaisir pour la course, c’est génial. Et le cross-training booste votre moteur. » Pour la maîtrise de l’art de passer les obstacles comme la corde suspendue ou le filet vertical, Albon adopte une approche aussi efficace que ludique en pratiquant abondamment le bloc, bien plus stimulant pour l’esprit. À 30 ans, il se dit désormais aussi affûté mentalement que physiquement. « Passer du temps dans la nature n’a en soi que des avantages. L’air frais est un garant de bonne humeur. » Les sponsors de Jonathan Albon : GORE Running Wear, Dryrobe, Clif Bar, VJ Sport. jonathanalbon.com ; gorewear.com

SCOTT SEEFELDT

JONATHAN ALBON

MATTHEW RAY

Faire.

La boue jusqu’au cou : en course à obstacles, on se mesure aux autres et à soi.

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fitness

« Avec le recul, c’est s­ ympa… On se sent bien plus humain en retrouvant le confort du bureau. » Ne tombez pas dans le filet

« Visez la partie du filet la moins lâche, généralement le long de la structure. Saisissez ensuite un bout de corde vertical et placez vos pieds de chaque côté de celui-ci pour grimper, précise Albon. À grandes enjambées, afin de réduire le risque de ­passer à travers le filet. »

Faites le mur

Filer vers la victoire : le champion du monde OCR s’apprête à affronter un nouvel obstacle.

Bien négociez la ­mêlée sous les fils barbelés

SURMONTER LES OBSTACLES

Ce n’est pas qu’une question de force selon Albon...

« Ramper en short et sur du gravier est douloureux. La roulade est une solution ; mais cela donne le tournis. Du coup, j’alterne : trois roulades et je rampe sur le côté. »

Monter à la corde

Quand la corde de chanvre est recouverte de boue, y monter exige plus de technique que de force : Albon n’active pas que ses biceps. « Coincez la corde entre les pieds, puis redressez-­vous dessus, explique-t-il. Et enfin, hissez-vous en vous aidant plus de vos jambes et abdominaux que de vos bras. »

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« J’effectue une traction et je pose mes coudes sur le mur, puis je passe mes jambes par-dessus. Cela exige beaucoup de force, poursuit Albon. Pour solliciter davantage les jambes et les abdos, sautez et agrippezvous au mur bras tendus, balancez le corps pour remonter le talon et pivotez pour relever le mollet. Il ne vous reste plus qu’à basculer de l’autre côté. »

Sautez dans la boue

Tenir ferme : la moindre glissade sur la corde, c’est la b ­ aignade forcée et la perte de précieuses secondes.

« Si elle ne dépasse pas les chevilles, je cours. Si elle atteint les genoux, j’utilise la foulée haute : lever haut un pied et bondir vers l’avant, ainsi seul un tibia fend l’eau. S’il faut nager, la brasse, c’est bien : vous gardez la tête hors de l’eau sale. »

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Avoir.

L’ORIGINALE

FAVRE-LEUBA RAIDER BIVOUAC 9000

Première montre-­ bracelet mécanique à baromètre anéroïde, la Bivouac est lancée en 1962.

MÉCANIQUE EN ASCENSION Depuis près de 60 ans, la traditionnelle marque suisse Favre-Leuba associe mouvements mécaniques à des altimètres et ­profondimètres étonnamment bien pensés.

Les premières montres intelligentes

Fondée par Abraham Favre au Locle en 1737, la marque horlogère aujourd’hui dénommée Favre-Leuba, compte deux ­modèles classés depuis près de soixante ans parmi les montres multifonctions. La Bathy (­bathos : profondeur en grec) sortie en 1968 est la première montre de plongée équipée d’un profondimètre affichant deux des plus importantes

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données d’une plongée : le temps de plongée et la profondeur. Et avant elle, la Bivouac lancée en 1962 devient la ­première montre-bracelet à proposer un altimètre grâce à son baromètre anéroïde.

La montre-bracelet qui sauve des vies

En 1964, l’Italien Walter ­Bonatti (22 juin 1930 – 13 sept. 2011), l’un des alpinistes les plus célèbres de tous les temps, se lance en compagnie d’un guide, à l’assaut du sommet des Grandes Jorasses dans le massif du Mont-Blanc. Alors qu’une tempête se lève, il décide en consultant entre autres sa Bivouac de se mettre à l’abri. Une décision qui aura probablement sauvé la vie des deux hommes. L’altimètre de sa montre l’incite à conclure que le sommet (Pointe Whymper) qu’il vise à 4 184 mètres, ne peut être atteint avec de telles conditions météorologiques.

Walter Bonatti avec sa Bivouac (à gauche), dont l’altimètre intégré lui ­sauvera la vie sur le mont Blanc (à droite).

Le comeback

Après une brève interruption d’activité en 2017, FavreLeuba, l’une des plus anciennes marques horlogères suisses, est reprise par de nouveaux propriétaires et retrouve le ­devant de la scène avec de ­nouvelles versions de la Bathy et de la Bivouac. Cette dernière présentée officiellement à Bâle en 2018 est rebaptisée Raider Bivouac 9000. Elle mesure le temps, mais aussi l’altitude jusqu’à 9000 mètres soit au-dessus du toit du monde, l’Everest et ses 8848 mètres. C’est d’ailleurs sur ce célèbre sommet que l’altimètre fera ses preuves. En 2018, l’alpiniste américain Adrian Ballinger gravit le Sagarmatha, nom de l’Everest en népalais, avec une

« À 8 800 mètres, ma Bivouac fonctionne à merveille. » Message de l’alpiniste américain Adrian Ballinger envoyé du toit du monde.

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ROGER RÜEGGER

D

ans sa quête de perfection, l’industrie horlogère met volontiers l’accent sur l’aspect mesure du temps et néglige les fonctions mécaniques additionnelles telles que le podomètre, le thermomètre et autres boussoles, jugées externes à son cœur de métier. Pourtant, ­mécanique opportune et « storytelling » n’ont rien d’incompatible. Favre-Leuba en est une brillante illustration.


montres

Lunette rotative

Indicateur de ­réserve de marche

La lunette tournante ­bidirectionnelle avec insert, combinée à l’aiguille rouge du centre, permet une ­lecture précise de l’altitude par incrément de 100 m.

Le mouvement à remontage manuel dispose d’une ­réserve de marche d’environ 65 heures. L’affichage à 12 heures indique à l’utili­ sateur l’état de la réserve de marche.

Petite seconde Le cadran auxiliaire à neuf heures indique les ­secondes tout en servant d’indicateur du bon fonctionnement de la montre.

Cadran auxiliaire Synchronisé avec l’aiguille rouge centrale, le cadran auxiliaire à trois heures af­ fiche l’altitude en milliers de mètres (de zéro à 9 000 m) via l’extrémité supérieure de la petite aiguille. L’extrémité inférieure indique la pres­ sion atmosphérique sur une échelle en hectopascals.

Altimètre central L’aiguille rouge centrale ­indique l’altitude en temps réel sur la lunette extérieure avec une amplitude allant de 0 à 9 000 m en faisant jusqu’à trois fois le tour du cadran.

Guichet de date Le guichet date à six heures indique le jour courant (de 1 à 31) et s’ajuste manuellement pour les mois de moins de 31 jours.

LA NOUVELLE ÉDITION

Favre-Leuba Raider Bivouac 9000

Bracelet Recco

Le boîtier en titane de 48 mm embarque un mouvement à remontage manuel étanche jusqu’à 30 m de profondeur.

Le bracelet Recco dispose d’un émetteur ­intégré (un réflecteur), qui permet aux équipes de secours de localiser plus rapide­ ment une victime d’avalanche.

Prix : 7 900 €

Bivouac 9000 à son poignet. Celle-ci devient à cette occasion la première montre-­bracelet à altimètre mécanique à indiquer avec précision 8 848 m d’altitude. Ballinger marque l’événement par un message concis à Favre-Leuba : « À 8 800 m, ma Bivouac 9000 a fonctionné à merveille jusqu’au sommet du mont Everest ».

Plus haut, plus grand, plus léger

Adrian Ballinger a grimpé sur le toit du monde avec une ­Raider Bivouac 9000 au poignet.

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En Allemagne, Autriche et Suisse, les détenteurs d’une Bivouac se meuvent de fait entre 3,54 m (Neuendorf près de Wilster, dans le SchleswigHolstein) et 4634 mètres (la pointe Dufour) au-dessus du niveau de la mer. Aussi, la fonction altimètre est pour

eux tout à fait pertinente. ­L’aiguille rouge du centre leur indique à tout ­moment à quelle altitude ils se trouvent. (La Bathy pour sa part, ne s’apprécie vraiment qu’en plongée avec une amplitude plus réduite.) Par ailleurs, les montres mécaniques proposant des fonctions additionnelles aux pilotes d’avion de loisir, de planeur et de ­parapente sont rares. À ce jour, l’Oris Big Crown ProPilot constitue la seule alternative avec un altimètre. Avec son boîtier en titane de 48 mm, la Bivouac de Favre-Leuba est une option intelligente pour les inconditionnels de montres mécaniques qui visent toujours plus haut. favre-leuba.com

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Faire.

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janvier La nuit des masques Quand les Ricains de Slipknot se pointent avec leur premier album et leurs masques effrayants en 1999, les Metalhead pètent les plombs. En concert, ils offrent un show incroyable, entre kermesse brutale et haut niveau technique : à voir, revoir, ou re-revoir. Alors, jetez-vous sur les potentiels billets restants, et si c’est complet, priez ! Les dieux du metal gâtent parfois leurs fidèles dans le dur. Paris ; AccorHotel Arena

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au 16 février Astropolis Il est impossible de dissocier le Pays de Brest de son Astropolis, dont l’édition hivernale se pointe avec une quarantaine d’artistes, des découvertes sonores et des discussions autour des cultures électroniques. Au programme : concerts, soirées, vinyl market, masterclass, et rendez-vous ­dédiés aux kids. Avec une envie permanente pour la découverte, tant au niveau du line-up que des formats proposés. Brest ; astropolis.org

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janvier - mars mars Red Bull Tout Schuss Au Red Bull Tout Schuss, on vient comme on est, gars ou fille, avec ses skis, son snow, une grosse motivation pour se jeter sur une descente d’enfer jusqu’au pied des pistes, et une motivation encore plus grosse pour brûler le dancefloor jusqu’à l’aube durant la soirée après-ski (gratuite et ­ouverte à tous et toutes) devenue indissociable de la descente. Les Orres ; redbull.com/toutschuss

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La finale mondiale du World Tour du Red Bull Dragon Ball FighterZ, tournoi esport parmi les plus fous de l’année, prend place à Paris. Au Pavillon Baltard, devant un millier de spectateurs, Wawa (en photo), vainqueur de l’étape japonaise face à Kazunoko, sera le talent local en vue. Entre les prestations du joueur du team esport de l’AS Monaco et des quinze autres combattants qualifiés (dont un joueur qualifié le samedi), dans une scénographie proche du Tournament of Power de Dragon Ball Z, les fans pourront ­visiter le village de l’événement (goodies, ­figurines, etc.) et assister à une projo du dernier film Dragon Ball Super : Broly. Paris ; win.gs/dbfzwf

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et 22 février

HIP OPSESSION

Partagé en deux temps annuels, le festival Hip Opsession poursuit son exploration des cultures hip-hop. Cette édition s’attachera ainsi uniquement à la danse pour onze jours de battles, spectacles chorégraphiques, stages et jams. Son événement majeur, le Battle Opsession, investit le Lieu Unique les 21 et 22 février en trois temps : 1vs1 popping, locking, house et hip-hop (le 21) ; les qualifs 3vs3 breaking (le 22 après-midi) ; 3vs3 breaking, 2vs2 Bonnie & Clyde, 1vs1 top rock, le samedi 22 au soir. Nantes ; hipopsession.com

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LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL, JASON HALAYKO/RED BULL CONTENT POOL

et 9 février Red Bull Dragon Ball FighterZ


Voir.

LAAX OPEN/JOSHUA LAEMMERHIRT, TEDDY MORELLEC/RED BULL CONTENT POOL, JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL

DÉPART IMMINENT

Ce mois-ci, Red Bull TV vous offre un accès exclusif aux arènes des sports d’action les plus chaudes du moment, de l’Estonie à la Côte d’Azur.

janvier / février

Le clou du spectacle : la finale de halfpipe, le 18 janvier.

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et 18 janvier   EN DIRECT

LAAX OPEN

Pendant une semaine, la petite bourgade idyllique de Laax, en Suisse, se transforme en une sorte de Woodstock pour les snowboardeurs. Avec des concerts open air, des DJ sets, des soirées jusqu’au petit matin et une poudreuse accessible ­librement pour assurer une bonne ambiance. Les plus grands moments à ne pas manquer seront retransmis sur Red Bull TV : le 17 aura lieu la finale de la coupe du monde de slopestyle, et le lendemain, on couronnera le champion de halfpipe.

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et 9 février   EN

DIRECT

SIMPLE SESSIONS

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

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À l’occasion de la vingtième édition des Simple Sessions en 2020, les plus grands BMXers et skateurs de la planète (ici Jaime Mateu) se retrouvent à Tallinn (Estonie), dans un Contest fou pour désigner et célébrer le meilleur d’entre eux.

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au 27 janvier   EN

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WRC MONTE CARLO

Si le départ du championnat du monde des rallyes a traditionnellement lieu à Monaco, il est plus difficile d’anticiper les conditions météo sur les routes alpines qui en font un vrai challenge pour les ­pilotes et un grand moment pour les spectateurs.

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NIGHT RUN

Pour foncer dans l’obscurité, avec tous vos sens en alerte, voici le bon équipement pour des courses de nuit tout en style et en sécurité. Sans prendre froid !

UNDER ARMOUR UA veste en molleton Recover Full Zip, underarmour.fr ; short BJÖRN BORG DPM, bjornborg.com ; collants Easy pour homme THE NORTH FACE, thenorthface.fr ; chaussettes STANCE Great Plains Crew Feel360 Run, stance.eu.com ; chaussures ASICS GT-2000, a­ sics.com

KLAUS THYMANN/INSTITUTE

Photos KLAUS THYMANN   Stylisme SARAH ANN MURRAY


Veste pliable THE NORTH FACE Flight Series Better Than Naked, thenorthface.fr ; soutien-gorge de sport 4Keeps et chaussures Hybrid Netfit Astro PUMA, eu.puma.com ; leggings Clara taille haute moulant BJÖRN BORG, bjornborg.com

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Revée (à gauche) porte une veste PROVIZ Reflect360, provizsports.com ; pull UNDER ARMOUR UA IntelliKnit, underarmour.fr ; leggings LULULEMON Wunder Under High-Rise, lululemon.co.uk ; chaussettes STANCE Exchange Crew Feel360, stance.eu.com ; chaussures PUMA Hybrid Netfit Astro, eu.puma.com. Natalia porte un haut à manches longues PROVIZ Reflect360 et une veste Reflect360, provizsports.com ; veste ICEBREAKER MerinoLOFT Helix, icebreaker.com ; leggings HUMMEL Hmltoss, hummel.net ; chaussures NEW BALANCE FuelCell Echo, newbalance.fr ; montre SUUNTO 9 GPS, suunto.com ; gants de course ULTIMATE PERFORMANCE Reflective Ultimate, 1000mile.co.uk ; sac à dos THE NORTH FACE Electra, thenorthface.fr

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Natalia porte une veste NICCE Petrol Bomber, nicceclothing.com ; veste ADIDAS Supernova Confident Three Season, adidas.fr ; leggings NEW BALANCE Printed Evolve et haut Evolve, newbalance.fr ; short ON Running, on-running.com ; chaussures SAUCONY Guide 13, saucony.com Darren porte un tee-shirt à manches longues BJÖRN BORG DPM, un tee-shirt noir et des leggings DPM, bjornborg.com ; short LULULEMON T.H.E., lululemon.co.uk ; chaussettes STANCE Joven Classic Crew, stance.eu.com ; chaussures SAUCONY Guide 13, saucony.com


Dans le sens des aiguilles d’une montre : veste pliable UNDER ARMOUR Women’s UA Qualifier Storm Graphic, underarmour.fr ; soutien-gorge de sport LULULEMON Free To Be Serene, lululemon.co.uk ; leggings ASICS W GPX CPD et chaussures Gel-Cumulus 20, asics.com ; chaussettes STANCE Needles Crew Feel360, stance.eu.com ; sac d’hydratation OSPREY Duro 6, ospreyeurope. com ; bandeau du styliste ; Chris porte une veste ADIDAS TERREX Agravic Alpha Shield, adidas.fr ; short NEW BALANCE Shift, newbalance.fr ; leggings ASICS Icon Winter, asics.com ; chaussettes STANCE Kagan Moon Man Crew Feel360, stance.eu.com ; chaussures THE NORTH FACE Flight Series Trinity, thenorthface.fr ; Darren : casquette REFLECT360 et veste REFLECT360, PROVIZ, leggings BND 7/8, tee-shirt noir Ignite et chaussures PUMA ; chaussettes Icon Anthem STANCE ; veste ARC’TERYX ZETA SL, arcteryx.com ; débardeur BJÖRN BORG Cle Racerback, bjornborg.com ; leggings NEW BALANCE Reclaim Hybrid, newbalance.fr ; chaussures HOKA ONE ONE Cavu 2, hokaoneone.eu

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Veste THE NORTH FACE Men’s Flight Futurelight, thenorthface.fr ; tee-shirt PUMA Ignite, short Ignite Blocked et chaussures Hybrid Fuego, eu.puma.com ; chaussettes STANCE Serve Crew Feel360, stance.eu.com

Assistante stylisme : FRANCESCA MARTIN KANE Mannequins : REVÉE WALCOTT-NOLAN, DARREN CORBIN et CHRIS BOLINGBROKE @ W Model Management ; NATALIA T @ BMA Models


MENTIONS LÉGALES Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Andreas Rottenschlager, Nina Treml Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson Directeur photos Eva Kerschbaum Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable des infos et du texte Andreas Wollinger Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann

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Managing Editor Ulrich Corazza Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza Directeur commercial & Publishing Management Stefan Ebner Publishing Management Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger Marketing B2B & Communication Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif, Stefan Portenkirchner Directeur créatif global Markus Kietreiber Co- Publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth Staber (Dir.), Mathias Blaha, Raffael Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer, Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber, Sara Wonka, Julia Bianca Zmek, Edith Zöchling-Marchart Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier, Florian Solly Emplacements publicitaires Manuela Brandstätter, Monika Spitaler

The Red ­Bulletin est ­actuellement distribué dans six pays. Vous voyez ici la Une de notre édition anglaise dédiée à l'incroyable Danny MacAskill. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

Production Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder MIT Michael Thaler, Christoph Kocsisek Opérations Alexander Peham, Yvonne Tremmel Assistante du Management général Patricia Höreth Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. SO PRESS n’est pas r­ esponsable des textes, photos, ­illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

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Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alessandra Ballabeni, alessandra.ballabeni@redbull.com Contributions, traductions, révision Lucie Donzé, Fred & Susanne F ­ ortas, Suzanne K ­ říženecký, Audrey Plaza, Claire S ­ chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Prix : 18 €, 12 numéros/an getredbulletin.com Siège de la rédaction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Prinovis Ltd. & Co. KG, 90471 Nuremberg Publicité PROFIL 134 bis rue du Point du jour 92100 Boulogne +33 (0)1 46 94 84 24 Thierry Rémond, tremond@profil-1830.com Elisabeth Sirand-Girouard, egirouard@profil-1830.com Edouard Fourès efoures@profil-1830.com

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Pour finir en beauté.

Une mer de nuages

Le prochain THE RED BULLETIN n° 95 disponible dès le 20 février 2020 98

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Au top du flatland, discipline du BMX, Matthias Dandois y est depuis un moment, avec de multiples titres mondiaux à son actif, mais jamais il n’avait pratiqué aussi haut. Le spot du jour est l’Aiguille Rouge, le point culminant du domaine Paradiski, aux Arcs. D’habitude très urbain, le flat permet cette fois à Matthias de s’exprimer face à une mer de nuages : un sommet de plaisir (et de froideur) pour le rider français.


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