The Red Bulletin FR 02/23

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HORS DU COMMUN

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FRANCE FÉVRIER 2023
RESTER AU TOP Comment CLÉMENT NOËL entretient son feu sacré... quoi qu’il arrive

SPEED OMEGLASS WC FIS SL

LIMITED EDITION CLEMENT NOEL

SPEED OMEGLASS WC FIS SL

LIMITED EDITION CLEMENT NOEL

RACE

RACE

Homologué FIS, ce ski édition limitée inspiré par Clément Noël est doté d’une technologie développée pour la star française du slalom qui a fait ses preuves en compétition. Le Speed Omeglass WC FIS SL LIMITED EDITION est doté d’une construction rectangulaire en sandwich, de chants verticaux et de renforts en Titanal qui procurent l’agilité, l’accroche et le contact ski/ neige nécessaires pour une puissance inégalée et un toucher de neige indispensables pour grappiller des secondes aux moments les plus importants.

Homologué FIS, ce ski édition limitée inspiré par Clément Noël est doté d’une technologie développée pour la star française du slalom qui a fait ses preuves en compétition. Le Speed Omeglass WC FIS SL LIMITED EDITION est doté d’une construction rectangulaire en sandwich, de chants verticaux et de renforts en Titanal qui procurent l’agilité, l’accroche et le contact ski/ neige nécessaires pour une puissance inégalée et un toucher de neige indispensables pour grappiller des secondes aux moments les plus importants.

D_2223_ADS_CN_ACTION_LIMITED_EDITION.indd 1 07/12/2022 17:28 © felix_matheron

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

CHASSEURS DE NEIGE

ADAM CLARK

« Avec mon job, j’adore me faire des potes dans le monde entier, déclare le photographe US, dont vous découvrez le portfolio freeski dans ce numéro. Avec mes photos, j’ai envie que les gens soient transportés dehors, avec les rideurs et les rideuses », dit Clark, qui a shooté pour Patagonia, The North Face, Outside et Ski Journal P. 24

Du 6 au 19 février, à Courchevel Méribel, se dérouleront les championnats du monde de ski alpin, et Clément Noël, tout comme une autre icône française du ski, Alexis Pinturault, y sera l’un des athlètes les plus en vue. Pile un an après avoir remporté l’or olympique en slalom aux JO de Beiing, il nous explique comment rester passionné et déterminé, que l’on soit au sommet de l’Olympe, comme dans le dur.

Si vous aimez vraiment la neige, prenez une double dose avec le portfolio d’Adam Clark, le photographe qui parcourt la planète partout où c’est blanc. Et si vous aimez beaucoup la neige, une triple dose avec notre focus sur le flm de snowboard Fleeting Time, et l’expérience vécue par le rideur Ben Ferguson en concrétisant ce projet.

Sous le niveau de la mer, Pierre Frolla partage sa philosophie de l’apnée, et, enfn, laissez-vous transporter à Frisco, Texas, où les gameurs et gameuses d’élite ne connaissent pas de latence.

Bonne lecture ! Votre Rédaction

TOM MONTEROSSO

« Je connais Ben Ferguson depuis longtemps et j’ai eu plaisir à le voir devenir l’un des meilleurs snowboardeurs au monde », dit le journaliste basé à Portland, Oregon, qui a écrit notre article sur le film de Ferguson, Fleeting Time. La production était une documentation épique de deux saisons avec Ben et son équipe de rideurs et rideuses triée sur le volet. » Monterosso a été longtemps rédacteur à Snowboarder Magazine. P. 46

FAIT MAISON

Studio photo improvisé dans un chalet de Tignes pour le suisse Sandro Baebler. Dans son objectif, l’un des meilleurs skieurs au monde : Clément Noël.

Éditorial
THE RED BULLETIN 3 SANDRO BAEBLER (COUVERTURE)

février 2023 6 Galerie : votre dose mensuelle de folie photographique

L’art dépolluant de Max Romey

Découvrez la playlist soulful de Danger Mouse

Madeline Gannon, la femme qui murmurait à l’oreille des robots

Mykki Blanco : non conforme

Ines Alpha : l’autre vous

Quinn Christopherson : raconte !

L’hiver éternel Le photographe Adam Clark veut vous projeter dans le blanc

Le feu sacré Pourquoi Clément Noël, l’as du slalom, est toujours opérationnel

Au bout des doigts

Sudan Archives, repensez votre perception du violon

L’autre monde Rencontre profonde avec un apnéiste profond : Pierre Frolla

Au cœur du ping Dans ce bled texan, les adeptes du gaming sont proches du divin

Voyage : Despres des dunes

Gaming : en mode Dakar

Matos : 100 % neige

Ils et elles font The Red Bulletin

Photo finale : Gary est magique !

CONTENUS
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Le temps glisse Fleeting Time est bien plus qu’un film de snowboard Les sons libres de Sudan Archives.
Avec
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Le gaming fulgurant de Frisco au Texas.
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Le monde à part de Pierre Frolla.
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Le snow pur de Ben Ferguson.
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ALLY GREEN, GREG LECOEUR, BEN FERGUSON, JOSEPH SWIDE

Compte

à

rebours avant L’AMERICA’S CUP

Décollage

Un monocoque à foils AC75 s’élève hors des eaux de la Méditerranée lors d’un essai en octobre. Voici le BoatZero, le bateau d’entraînement d’Alinghi Red Bull Racing, un challenger pour la 37e America’s Cup en 2024. L’événement sportif le plus ancien au monde (fondé en 1851) et l’apogée des courses de voiliers, l’America’s Cup attire les meilleurs navigateurs et navigatrices et repousse les limites de l’ingénierie de la voile. Alinghi connaît bien le sujet, puisqu’elle a gagné en 2003 et 2007, mais aujourd’hui, l’équipe suisse revient dans la mêlée avec un partenaire réputé pour ses performances dans un autre sport de pointe – la F1 – et navigue sous la bannière du yacht club Société Nautique de Genève. L’entrée en matière n’a pas été aisée – le bateau a chaviré lors de sa première sortie quelques semaines auparavant –mais le barreur Arnaud Psarofaghis est convaincu du potentiel de son monocoque et de son équipage. « Depuis cette session d’entraînement, l’équipe a progressé, à tous les niveaux », déclare­t­il. americascup.com

7 SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL TOM GUISE

WOODWARD, USA

Capturé

Le photographe Andrew Dixon, originaire du Maryland, avait un objectif clair avec cette photo de l’as du BMX Joshny Babu, qui lui a valu une place en demi-finale de la catégorie Emerging by Black Diamond du concours photo Red Bull Illume. « Je voulais fusionner deux choses que j’aime le plus : photographier l’action et les produits. explique Dixon. Cette photographie a nécessité 10 stroboscopes disposés autour du rideur. Il a fallu de nombreux essais à cause de la quantité de lumière projetée sur lui, mais ça valait le coup ! J’ai pu capturer cette image. Impressionnant, non ? » adixonphoto.com ; redbullillume.com

La vague

Photographe de concert, Luis Alejandro Arriaga Osorio a shooté des artistes comme Muse et Billie Eilish, mais son autre spécialité – les action sports – l’oblige à voir le monde sous un angle différent. Voyez cette photo du skateur Diego Alvarez – en finale de la catégorie Creative by Skylum du Red Bull Illume. « Ce bâtiment est particulier de par sa forme, mais il suffit de tourner la tête pour lui donner une nouvelle dimension, explique le photographe. Dans mon esprit, je l’ai immédiatement visualisé comme un bowl colossal. » Instagram : @luisarriagaph ; redbullillume.com

MEXICO CITY, MEXIQUE
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ANDREW DIXON/RED BULL ILLUME, LUIS ALEJANDRO ARRIAGA OSORIO/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG

CAPPADOCE, TURQUIE

Roc star

Ceci n’est pas que Valentin Delluc, l’as français du speed-riding (vol de proximité avec une aile et des skis) évoluant au-dessus des cheminées de fées de la Cappadoce… en speed-flying cette fois. En fait, quelques minutes avant cette prise de vue, Val’ a réalisé une première : sauter d’une montgolfière à 2 600 m d’altitude en effectuant un roll over (un saut périlleux en avant). Une figure technique et engagée, quand le vent est soutenu. Ce qui était le cas lors du tournage de la vidéo Fairy Flight de ce trip en Turquie, à voir de suite sur redbull.com ; Instagram : @valentindelluc

11 NURI YILMAZER/RED BULL CONTENT POOL

Désert pollué

Rencontrez cet artiste et réalisateur basé en Alaska qui utilise ses talents dans la lutte contre la pollution des océans. Car chez lui aussi, c’est pourri.

Au cœur de l’hiver, lorsque les températures descendent à 20 °C en Alaska, Max Romey utilise du gin pour mélanger ses aquarelles car l’eau gèlerait instantanément sur le papier. « Peindre ici n’est pas simple. Mais c’est une conversation vraiment cool à avoir avec le paysage. »

L’État d’où est originaire l’artiste est le plus grand des USA et aussi le plus faiblement peuplé avec seulement 0,49 habitant au kilomètre carré. « Comme Jurassic Park mais avec des ours, dit le jeune homme de 28 ans ».

Ces dernières années, Max Romey a vu cet environnement préservé envahi par les débris marins déchiquetés sur le littoral vierge. Après avoir parcouru le monde pendant des années comme réalisateur indépendant, il est retourné

en Alaska dans le cadre de son travail et a fini par s’attaquer au problème de la pollution. « Il faut le voir pour le croire, déplore-t-il. Vous ne pouvez pas vous promener au bord de l’eau sans mettre le pied sur une bouteille en plastique. C’est déjà incrusté dans ce paysage, c’est horrible. C’est comme trouver des asticots dans son gâteau. » Devant l’ampleur accablante du problème, le jeune créatif s’est tourné vers l’art pour montrer ce qu’il voyait. « Je suis dyslexique et ça tient une grande place dans ma vie. Lire et écrire sont des activités très difficiles pour moi, mais je peux créer des dessins qui font très bien passer le message. Je me suis rendu compte que c’était un moyen incroyable afin de me faire comprendre sans mots. »

Le cinéaste Max Romey ; des scènes de If You Give a Beach a Bottle (en haut)

En utilisant ses aquarelles comme base de départ, l’an dernier, il a réalisé le courtmétrage If You Give a Beach a Bottle, qui traite de la crise de la pollution. « Je veux allumer l’étincelle qui déclenchera la prise de conscience chez les autres. La question des débris marins est vaste ; cela ressemble à un ultra-marathon. On ne peut pas gagner vite, mais si on persévère, on peut espérer y arriver. »

Le nouveau projet du cinéaste est dédié aux centaines de chaussures échouées sur les plages de l’Alaska. « C’est la chose la plus étrange que vous trouverez ici. Les chaussures représentent un peu d’humanité, car vous savez que quelqu’un les a portées. Environ 20 milliards et demi de chaussures sont fabriquées chaque année, et il n’y a pratiquement aucun moyen de les recycler. »

L’artiste ne se dédouane pas pour autant. « J’ai eu une bonne centaine de paires de chaussures jusqu’à présent. Le but de ce film est de voir si je vais trouver une de mes propres chaussures… » Vidéos disponibles sur maxromeyproductions.com

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MAX ROMEY RACHAEL SIGEE

100 YEARS OF STANDARDS

MADE IN GERMANY
HIGH

DANGER MOUSE

Le son de l’âme

Le background musical de cet artiste et producteur en quatre titres fondamentaux.

Brian Burton, alias Danger Mouse, a produit des morceaux pour de grands noms de la musique –Adele, Gorillaz, The Black Keys –mais pèse également en solo. Il s’est fait connaître avec The Grey Album en 2004, un mélange de voix tirées du Black Album de Jay-Z et d’échantillons du White Album des Beatles, et au sein des Gnarls Barkley, il est à l’origine de l’énorme succès Crazy en 2006. Pour marquer la sortie de Into the Blue, troisième album de Broken Bells – projet avec le chanteur des Shins James Mercer (ici en photo avec Burton) – l’homme de 45 ans a choisi quatre chansons qui ont marqué sa vie. brokenbells.com

Gene Clark

From

a Silver Phial (1974)

« C’est une très belle chanson (de Gene Clark, ancien membre des Byrds, ndlr) qui raconte comment, d’une certaine manière, on se rapproche des gens qui peuvent nous faire du mal ; pour ne plus être blessé, on se met alors sous leur aile. Musicalement, la chanson est un mélange de country et de gospel. Elle est très profonde et mélancolique. Si vous ne la connaissez pas, écoutez-la. »

The Shins

Phantom Limb

(2007)

« James (Mercer, chanteur des Shins, et son compagnon de groupe des Broken Bells, ndlr) a un sens de la mélodie si particulier ; il fait partie de ces gens qui, un peu comme les Beach Boys, peuvent faire une jolie chanson entraînante avec une dose de mélancolie en plus. Je ne sais pas ce que veulent dire les paroles. Je ne veux même pas le savoir, je peux ainsi simplement m’approprier la chanson. »

The Church Under the Milky Way (1988)

« J’aurais aimé être ado quand cette chanson (du groupe de rock australien The Church, ndlr) est sortie, mais je n’avais que 11 ans à l’époque. Quand je l’ai entendue pour la première fois, j’ai eu un peu l’impression de vivre un chagrin d’amour. (rires) Ça me rend nostalgique et ça me donne envie d’être jeune et d’avoir le cœur brisé. J’aime tellement cette période musicale – elle a une grande influence sur moi. »

Isaac Hayes Walk On By (1969)

« Une reprise légendaire de Walk On By de Burt Bacharach qui a incarné toute une atmosphère et un son pour moi quand j’étais à l’université. Elle combine la musique soul que mes parents jouaient, le hip-hop qui m’a influencé dans ma jeunesse et le genre de son psychédélique et de rock progressif à la Pink Floyd que j’aimais à l’époque. Avec ses 12 minutes, c’est une déclaration artistique, un grand morceau. »

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Scannez et écoutez sur Spotify notre podcast Playlist Danger Mouse SHERVIN LAINEZ, NIKKI FENIX MARCEL ANDERS

Robot friendly

Les automates peuvent être nos amis, pense cette designeuse US qui a su apprivoiser les machines industrielles les plus imposantes.

Pendant la pandémie, Madeline Gannon s’est rendue compte que sa fille, bébé, risquait de manquer de contact humain. Elle s’est donc tournée vers un autre type de compagnon de jeu : un robot nommé Ursa Major. Après avoir construit une balancelle pour sa fille, elle en a construit une autre pour qu’Ursa – un bras robotique de 1,3 m de haut créé à l’origine pour des tâches légères, comme la peinture de voitures ou le ponçage du bois – puisse se balancer à ses côtés.

Une solution surprenante, mais pour Madeline, « la dompteuse de robots », ils sont plus que de simples machines. « Ces objets ne sont peut-être pas vivants, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas apporter un certain niveau de confort, dit-elle. Il y a cette crainte partagée dans notre relation avec la technologie, que nous construi-

rions notre propre obsolescence. Je veux montrer que les robots peuvent améliorer et enrichir nos vies sans être perçus seulement comme des sources de stress. »

Architecte à l’origine et aujourd’hui chercheuse, artiste et conceptrice multidisciplinaire basée à Miami, elle s’est rendue célèbre pour avoir mêlé art et science en programmant des robots dotés de l’autonomie nécessaire pour réagir à leur environnement. Ses travaux ont été exposés au Musée du Design de Londres où son robot industriel géant, Mimus, était capable d’interagir avec les visiteurs et visiteuses. Elle a ensuite été chargée de créer pour le Forum économique mondial 2018, Manus, un groupe de dix robots programmés pour se comporter comme une meute d’animaux. « Je leur donne la capacité de voir et de comprendre le monde qui les entoure, puis je saute au milieu et interagis avec eux comme on le ferait avec n’importe quelles autres créatures, explique-telle. Ils sont juste faits de métal et de moteurs au lieu de chair et d’os. »

Après avoir appris à programmer, le premier essai de la designeuse dans son travail

avec des robots a été un colosse industriel nommé ABBA. « Lorsqu’on se retrouve seule face à cette bête d’une tonne, les sensations sont très fortes, dit-elle. Depuis, je suis habitée par les robots. »

Inspirée par la Coupe du monde de football, elle apprend à Ursa à faire une passe. « Dans la simulation, je peux lui envoyer le ballon et elle peut me le renvoyer, explique-t-elle. Je peux demander qu’elle le fasse avec la tête, l’épaule, la poitrine ou la jambe. » L’étape suivante consistera à transférer le programme au robot physique, mais Madeline Gannon a confiance en Ursa : « Le véritable défi sera de lui faire une passe avec précision ! »

La conceptrice veut finalement montrer aux gens à quoi pourrait ressembler l’avenir si on apprenait à vivre aux côtés des robots : « Je suis hypersensible en tant qu’architecte à la façon dont les gens se déplacent dans l’espace, et je transmets cette hypersensibilité au robot. Je ne les programme pas, je cherche à les convaincre. Je n’ai pas l’impression de marcher seule vers l’avenir, car ils sont à mes côtés pour l’explorer. » atonaton.com

MADELINE GANNON
16 THE RED BULLETIN MADELINE GANNON/ATONATON RACHAEL SIGEE
Madeline Gannon dirige MADLAB.CC, un collectif dédié à l’approche informatique du design et de l’interaction.

ENTRAÎNE-TOI COMME UN PILOTE.

Red Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658
Gagne une expérience avec Camille Chapelière à l’Enduropale du Touquet.

Certifié·e non conforme

L’artiste hip-hop et activiste américain écrit des chansons d’un point de vue rarement entendu dans la musique grand public. Des vérités qu’il n’a pas été facile de dire.

Depuis plus de dix ans, l’artiste queer Mykki Blanco (pronom : iel) s’est imposé·e sur la scène internationale en déconstruisant les genres du hiphop et de la pop queer noire avec son lyrisme ghetto punk aux influences rave, trap, grunge. Né·e Michael Quattlebaum Jr., ce Californien de 36 ans très cash, qui a collaboré avec Blood Orange et Madonna, doit son succès à son éthique de travail DIY. Avec son album Stay Close to Music, iel troque désormais son lyrisme brutal au profit d’une poésie pop et radicale, pour nous laisser entrer dans son nouveau monde : une oraison de quiétude.

the red bulletin : Votre album s’intitule Stay Close to Music. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? mykki blanco : Je n’ai commencé à écrire des chansons qu’à l’âge de 25 ans. Maintenant, pouvoir écrire des chansons et être payé pour que les gens vous écoutent et vous voient jouer, c’est un cadeau ! Qu’est-ce que la vie, sinon une série de joies et de luttes ? Quand je pense à ce qui s’est passé dans ma vie, il y a quelques années, quand j’ai été diagnostiqué·e séropositif·ve ; quand je pense aux combats que j’ai menés contre la drogue ou l’alcool ; quand je pense au début de ma carrière où j’ai dû faire face à beaucoup de tabous, d’homophobie et de transphobie, je me demande ce que c’est que d’être une personne de couleur et queer dans cette société. Je suis passé·e par toutes ces formes variées d’oppres-

sion intersectionnelle. J’ai décidé d’appeler cet album Stay Close to Music car j’ai découvert que, peu importe ce que j’ai traversé, je me réveille et je me dis : « Peu importe, je vais me lever, prendre mon café, peut-être aller courir un peu et puis je vais écrire des chansons, et c’est mon travail. » C’est un don.

Vous avez collaboré avec des artistes de très grande renommée. Mais comment avez-vous commencé ?

Je n’ai jamais eu de maison de disques jusqu’à récemment, je n’ai jamais eu de coup de pouce du grand public, donc une des choses que je devais faire était de jouer beaucoup de concerts. La manière la plus classique de se faire connaître, comme Sam Cooke et Elvis à l’époque. C’est comme ça qu’on construit une fanbase. Et puis, la naissance de Tumblr et des réseaux sociaux m’a permis de développer ma carrière, car des gens du monde entier pouvaient dire : « Hey, on veut un show de Mykki Blanco à Paris, en Suède, au Cap-Vert, à São Paulo. » Et j’y allais. J’ai fait des tournées sans relâche. C’était fou !

Où vous sentez-vous chez vous ? Je n’ai pas d’appartement en ce moment, mais j’ai vécu un peu au Portugal jusqu’en 2020, puis à Paris, et à Los Angeles pendant quelques mois, mais j’étais la majorité du temps en Europe, dont je me sens plus proche du style de vie. De plus, il y a quelque chose qui se passe lorsque vous êtes dans un endroit dont vous ne parlez pas la langue. Je peux être dans ma tête, dans mon imagination. Je suis peut-être plus

à l’aise avec moi-même lorsque je ne suis pas soumis à ces stimuli externes, et je pense que cela influence mes compositions.

Vous êtes un·e artiste noir·e queer qui a longtemps joué avec le travestissement et la présentation de genre, et aujourd’hui votre pronom est They (iel en anglais, ndlr) Comment votre identité se reflètet-elle dans votre musique ? J’ai toujours essayé de mettre en avant les histoires queer, que j’ai vécues mais qui ne sont pas mises en avant dans les médias grand public. On nous dit très clairement : « Ne faites pas trop de bruit », on essaie de nous rendre socialement acceptables. C’est ce que le courant dominant promeut, une identité queer qui veut être hétérosexuelle et jouer selon les mêmes règles. Et il y a des personnes queer qui, dans leur authenticité, s’intègrent dans cette façon d’être hétérosexuelle, et c’est bien, elles vivent leur vérité. Mais la plupart d’entre nous savons que ce n’est pas vrai, que ça ne correspond pas à nos expériences. Dans mon propre parcours trans, j’ai toujours été une personne non-conforme au genre. J’ai toujours été une cible, très visible et invisible à la fois. Oui, les choses se sont beaucoup améliorées, mais nous restons des cibles.

Qu’est-ce que ça fait de se livrer autant au public ?

Je vais essayer d’être de plus en plus honnête dans l’écriture de mes chansons, car je me suis rendu compte que les gens n’ont plus besoin de venir me voir uniquement pour se sentir bien et danser. Je suis multidimensionnel·le. On m’appréciera peut-être davantage lorsque je serai capable de montrer plus de facettes de moi-même. Cela n’a pas toujours été très facile, ça a pris des années, beaucoup de processus différents d’écriture : « Est-ce que je peux dire ça ? Est-ce que je suis à l’aise avec ça ? » Il m’a fallu des années pour être à l’aise avec ma vulnérabilité.

Album Stay Close to Music ; mykkiblan.co

Texte MARIE-MAXIME DRICOT Photo IRAKLI GABELAIA
Mykki Blanco 18 THE RED BULLETIN
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THE RED BULLETIN 19
Qu’est-ce que la vie, sinon une série de joies et de luttes ? »

Visionnaire virtuelle

L’artiste numérique parisienne Ines Alpha porte l’épanouissement personnel à un nouveau niveau : son maquillage 3D vous aide à vous réinventer dans le métavers.

Des éclaboussures irisées qui encadrent le visage, des fleurs qui s’épanouissent d’une joue à l’autre, des masques inspirés des tentacules de pieuvre… Ce ne sont pas des images de science-fiction, mais des looks de maquillage créés par l’artiste numérique basée à Paris Inès Marzat, alias Ines Alpha, et ils pourraient être l’avenir de l’industrie de la beauté.

Marzat utilise un logiciel de conception 3D pour créer des maquillages qui ne peuvent être vus que dans le métavers et en réalité augmentée (AR).

Transformant les filtres des médias sociaux en œuvres d’art, ses créations donnent naissance à des versions fantastiques de la beauté et fournissent de nouveaux outils numériques permettant à d’autres d’explorer l’expression de soi en ligne.

Parmi ses admiratrices figurent Charli XCX et Lizzo, et Marzat travaille avec des modèles, des artistes et des directrices ou directeurs artistiques pour donner vie à son « maquillage du futur » : « Je veux créer un espace pour une créativité totale dans son apparence, explique l’artiste de 37 ans. Il est difficile d’être à part dans notre société, d’être différent ou différente, de se démarquer, de porter des vêtements colorés et un maquillage fou dans la rue, sans recevoir de commentaires ou de regards bizarres. Dans l’espace numérique, vous pouvez être tout ce

que vous voulez… Vous jouissez d’une liberté d’expression totale. »

the red bulletin : Quand avezvous commencé à créer du maquillage numérique en 3D ? ines alpha : J’ai travaillé dans la publicité en tant que directrice artistique, spécialisée dans la beauté, les cosmétiques et la mode, mais il était difficile d’être créative à cause des normes de beauté que l’on doit suivre. J’ai commencé par expérimenter des logiciels 3D pour le plaisir, en créant des taches irisées et des créatures étranges. Un jour, j’ai eu l’idée de combiner mes intérêts pour la beauté et l’art 3D et de commencer à appliquer mes créations au visage.

Quel est l’attrait pour vous ? J’aime le visage humain et la façon dont les gens s’expriment à travers la texture et le maquillage. En apprenant à ajouter de la 3D à des environnements réels, j’ai compris le potentiel de la beauté virtuelle, qui pourrait être le maquillage du futur.

Qu’est-ce qui inspire vos créations ?

Essentiellement les créatures marines : leur façon de bouger, leurs couleurs et leurs textures. Lorsque vous les sortez de l’eau, elles se dessèchent et meurent. Les reproduire en 3D permet de faire des choses qui ne sont pas possibles dans le monde réel. Vous pouvez recréer ces créatures diaphanes, fluides, multicolores et irisées de manière très élégantes sur le visage.

Tout le monde a désormais une identité en ligne. En tenez-vous compte lorsque vous créez des looks en 3D ?

Oui. Dans le métavers, vous choisissez votre identité et vous pouvez créer plusieurs « moi ». Il est si facile de choisir un filtre et d’être un personnage sur une plateforme, puis d’en être un autre ailleurs. Les gens me taguent dans leurs vidéos et, instinctivement, ils bougent et agissent différemment selon les filtres. Cela influence vraiment ma pratique et la façon dont je peux raconter différentes histoires à travers le design.

À l’avenir, les gens se promèneront-ils en portant un maquillage en 3D visible uniquement avec des lunettes AR ?

C’est mon rêve ! Certaines entreprises essaient déjà de fabriquer des lunettes et des lentilles de contact AR, mais pour l’instant, elles ne sont pas assez avancées pour vous donner l’impression d’être dans un autre environnement. Nous n’en sommes qu’au début, mais cela va certainement arriver. Je pense que la technologie évoluera rapidement, et j’espère que je serai encore sur cette planète pour le voir.

Pensez-vous que l’intérêt croissant pour la beauté et la mode numériques s’explique par notre désir personnel de moins dépendre des ressources physiques ?

Je ne suis pas sûre que la mode numérique puisse remplacer la mode réelle. Mais ce qui me dérange, c’est que nous créons quelque chose qui met l’accent sur la consommation, alors que nous devrions la diminuer. De plus, le travail numérique et son matériel restent problématiques d’un point de vue écologique. Nous devons penser à trouver le bon matériel et à le recycler correctement.

Essayez le maquillage 3D d’Inès et rendez-lui visite sur sa page Instagram : @ines.alpha

Ines Alpha
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« Dans le métavers, je ressemble à ce que je veux. »

Le raconteur

Il a fallu vingt ans à cet auteur-compositeur-interprète d’Alaska pour saisir un instrument, trouver la meilleure façon d’exprimer sa véritable identité, ainsi qu’un espace pour guérir.

L’art de raconter des contes fait partie des traditions des peuples indigènes d’Alaska. Et pour Quinn Christopherson, artiste musical de 30 ans, né à Anchorage d’une mère Ahtna Athabascan et d’un père Iñupiat*, c’est un élément primordial de son éducation. La musique lui est venue plus tard. Vers ses 20 ans, il fait son coming out comme transsexuel, apprend à jouer d’un instrument pour la première fois et découvre un nouvel univers d’expression créative. Avec des chansons mélancoliques sur les thèmes de l’identité changeante des personnes, de sa relation avec sa mère et sa lutte commune contre la dépendance, Christopherson a développé un style musical direct dans lequel se sont retrouvés de plus en plus de fans. Puis, en 2019, il a touché un public encore plus large en remportant le Tiny Desk Contest (un concours annuel organisé par la chaîne américaine), battant des milliers d’autres artistes de tous les États-Unis. « Recevoir ce coup de fil m’a semblé dingue et a changé ma vie. Ma musique se résume au chant et à la guitare, et j’ai toujours eu l’impression qu’il manquait quelque chose. Mais je suis venu tel que je suis et j’ai gagné. Cela m’a fait prendre conscience que ce que je fais est peut-être suffisant. »

the red bulletin : Il n’y a pas beaucoup d’artistes connu·e·s originaires d’Alaska. Est-ce important pour vous de représenter cette partie du monde ? quinn christopherson : Absolument. Le fait d’être originaire d’Alaska joue un rôle capital dans ma musique. Ma culture vient de là, comme toute ma famille depuis la

nuit des temps. J’ai donc un lien profond avec l’Alaska, et je n’en partirai jamais. De plus, la scène musicale locale a fait de moi le musicien à part que je suis devenu.

À quoi ressemble la scène musicale en Alaska ?

On vit tellement reculé du monde qu’on est obligé de se soutenir. On est comme les doigts de la main et on fait de la musique tous ensemble. La météo joue aussi sur notre écriture ; notre ville, Anchorage, nous a appris à chanter avec mélancolie. Comme on passe en hiver huit mois dans l’obscurité, nous sommes de vrais chats d’appartement. On se contente de rester à la maison, d’écrire et de jouer de la musique.

Vous écrivez beaucoup sur votre sœur, votre grand-mère et les problèmes rencontrés par votre mère durant votre enfance. Les femmes de votre famille sont-elles une source majeure d’inspiration ? Tout à fait. En tant que petit dernier, j’essaie toujours d’apprendre de ma famille. Quand j’ai commencé à écrire des chansons, elles parlaient de ma mère et de mon enfance. Elles étaient souvent très tristes et à la recherche de guérison. Mais j’ai grandi, tout comme ma mère, et c’est ce que ma musique montre aussi. Les gens sont si complexes qu’une chanson ne peut pas à elle seule les définir. Je veux montrer les différentes facettes des gens à travers les histoires et la musique.

Votre single, Céline, est une chanson joyeuse sur votre mère. Elle chante avec vous dans la vidéo...

Je suis tellement fier d’elle et de ce qu’elle est devenue, alors j’ai pensé qu’elle devait jouer son propre rôle dans le clip. Le jour du tournage,

elle était très nerveuse et timide face à la caméra au début. Puis, petit à petit elle s’est emparée du micro et s’est lâchée. C’est vraiment de ça que ça parle : de transformer les plus petits moments en expériences uniques et fortes.

Beaucoup de gens vous ont découvert grâce au Tiny Desk Contest Qu’avez-vous ressenti en remportant un tel concours ?

C’était tellement inattendu ! Je ne suis qu’un petit gars d’Anchorage qui a tenté sa chance. J’avais une chance sur un million de gagner !

La chanson qui vous a fait gagner, Erase Me, parle des avantages d’être un homme, même en tant que trans. Que vouliez-vous dire avec cette chanson ?

J’éprouve beaucoup de sentiments complexes à propos de cette chanson. La chose la plus importante à son sujet, et cela concerne aussi notre identité et notre expression propre, c’est qu’elles sont en constante évolution, difficiles à cerner et impossibles à étiqueter. Quand j’ai écrit les paroles, je ressentais certaines choses. Maintenant, quand je les relis, je ressens autres chose. C’est important d’avoir conscience que ces sentiments différents sont pour autant tous authentiques. Vous comprenez ce que je veux dire ?

Oui. Votre musique donne l’impression que vous vous penchez constamment sur vos propres idées.

Comme des pensées notées dans un journal intime.

Exactement. C’est comme lire le journal intime de quelqu’un… Je sais… (rires) Et quel genre de personne oserait faire ça devant tout le monde ?

*L’Alaska compte divers groupes autochtones ; 229 tribus distinctes sont reconnues par le gouvernement américain.

Write Your Name in Pink, premier LP ; quinnchristopherson.com

Quinn Christopherson 22 THE RED BULLETIN
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« Je veux montrer les différentes facettes des gens. »

L’HIVER ÉTERNEL

Pour ADAM CLARK, 43 ans, la Terre n’est que neige. Le photographe d’aventure est en quête des meilleures photos de freeski. Partout et à tout moment. La preuve.

Énergie solaire

Valle Nevado, Chili, 2013

Depuis quinze ans, Clark est à la recherche de ce qu’il nomme « l’hiver éternel », explorant l’hémisphère sud à cette fin. Il met ici en scène son ami et skieur pro Carston Oliver à Valle Nevado, station de ski au cœur des Andes.

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Ayant grandi à Salt Lake City, dans l’Utah, Adam Clark est tombé amoureux du ski dès son plus jeune âge. Un voyage en Alaska organisé par son lycée a transformé cet amour en relation pour la vie.

Des photographes amateurs lui ont offert son premier appareil et il a aussitôt commencé à prendre des photos de ses amis et amies dans la neige. Ses travaux ont rapidement été publiés et il a compris qu’il pouvait gagner sa vie en tant que photographe. C’est donc en « vagabond skieur » qu’il a parcouru le monde, toujours en quête de neige.

Aujourd’hui, le photographe âgé de 43 ans est certes un peu plus sédentaire mais, où qu’il se trouve, son travail se concentre sur la capture constante de cet amour de la nature, un amour d’enfance. « J’essaie de transmettre un sentiment authentique de l’effet que ça fait d’être dans un endroit en particulier, en tant que skieur, ou juste transmettre la sensation d’être dehors », explique Adam Clark.

Instagram : @acpictures

Team building

Colombie-Britannique, Canada, 2017

Le freeskieur italien Markus Eder, emprunte une piste bordée d’arbres près du Retallack Lodge.

« Voir Markus à l’œuvre a été un énorme kick, dit Clark. Bosser avec de tels talents, c’est un vrai régal. »

Adam Clark
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(Gauche)

Sans but précis

Cooke City, Montana, 2021

« Certains jours, on n’a pas de plan, raconte Clark à propos de cette photo du skieur américain Sawyer Thomas. Nous nous sommes simplement promenés jusqu’à ce que nous trouvions un spot sympa pour passer du bon temps. »

(Ci-dessous) Transmission

Cooke City, Montana, 2021

« J’ai toujours été à la poursuite de photos d’action. Maintenant, je veux donner une idée de ce que c’est que d’être là, dehors », explique Clark, qui a saisi ici le champion du Freeride World Tour de 2020, Isaac Freeland, au coucher du soleil.

Adam Clark
«
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En regardant la photo, il faut pouvoir ressentir l’effet que cela fait d’être là. »

(Ci-dessous)

À domicile

Chaîne de Wasatch, Utah, 2019

« J’aime ma région », confie Clark à propos de l’Utah. C’est ici qu’il a saisi l’image de son compatriote, Marcus Caston, lors de la dernière descente de la journée. Son cliché pris, il a ensuite enfilé ses skis et dévalé 1,2 kilomètres jusqu’à sa voiture.

(Page opposée)

Paré au décollage Colombie-Britannique, Canada 2017

« Ce qui est bien dans mon travail, c’est que je me suis fait des amis et amies dans le monde entier », poursuit Clark. Il a ici saisi le skieur professionnel norvégien Stian Hagen lors d’un périple hors-piste à travers la chaîne Selkirk.

Adam Clark
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»
« Parfois, il s’agit seulement de s’amuser par une journée triste et nuageuse.

Un fantôme Nevados de Chillán, Chili, 2014

« En Amérique du Sud, le vent est inconstant, il va et vient sans avertissement. Nous avons attendu ce moment tout l’après-midi », développe Clark à propos de cette photo du Canadien Austin Ross.

Adam Clark
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«

La poudreuse est inconstante. Elle ne dure pas longtemps avant d’être balayée par le vent. »

(Gauche)

Baril de poudre

Chaîne de Wasatch, Utah, 2019

« Parfois, la neige est au premier plan dans mon travail », souligne Clark. Ici, le skieur pro Pep Fujas est enveloppé dans un nuage de poudreuse duveteuse.

(Ci-dessous) Au crépuscule

Lofoten, Norvège, 2015

« C’est l’un des cinq plus beaux couchers de soleil que j’ai vus de ma vie », se souvient Clark. Christina Lustenberger et Stian Hagen contemplent les fjords. Le panorama offre une vue à couper le souffle.

Adam Clark
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Le feu sacré

À 24 ans, CLÉMENT NOËL était couronné Champion olympique aux JO de Pékin. L’or suprême, comme un aboutissement en début de carrière. Et puis, il y a eu des ratés, des sorties de piste. Des bas après des hauts que le Vosgien, spécialiste du slalom, a su remonter grâce à plusieurs ingrédients : travail acharné, talent, chance et plaisir, le tout enrobé d’une passion sans limites pour son sport. Un feu sacré lors de neuf victoires en Coupe du monde de ski alpin que rien ne semble pouvoir éteindre.

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Texte PATRICIA OUDIT Photos SANDRO BAEBLER

Un but : Clément Noël, 25 ans, doit tout donner aux prochains championnats du monde FIS de ski alpin à Courchevel Méribel.

Un flow de fou : Clément, 1,91 m, lors de la Coupe du monde FIS de ski alpin à Kitzbühel, Autriche, le 22 janvier 2022.

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The red bulletin : Clément, sauriez-vous identifier l’origine de votre passion pour le ski ? clément noËl : Ça a commencé très tôt, mes parents habitaient près d’une station de ski dans les Vosges, à Ventron, mon frère faisait du ski, donc on m’a posé dessus vers l’âge de 2 ans. J’ai tout de suite bien aimé la sensation, selon mes parents car je m’en souviens plus. Mais je me rappelle un peu plus tard que je n’avais pas peur, j’aimais la vitesse et j’y prenais beaucoup de plaisir.

À quel moment l’envie devient passion ? Comment s’est-elle manifestée ? Au début, mes parents m’emmenaient et puis très vite, j’ai réclamé ! Comme mes copains de l’école se rendaient tous au club de ski, j’ai demandé à m’y inscrire aussi. On était une bande de copains, et on avait surtout envie de faire une activité qui nous plaisait, où l’on s’amusait. Même si l’esprit de compétition est apparu très jeune sur les skis.

Comment cette envie de ski a-t-elle été alimentée ?

Tout jeune, je faisais juste du ski, pour le plaisir. En 2006, j’ai 9 ans et si j’ai des souvenirs de la Coupe du monde de foot, je n’en ai aucun de la victoire d’Antoine Dénériaz (dernier champion olympique avant Clément Noël, ndlr) aux Jeux olympiques de Turin c’est pour dire que tout ce qui était autour de mon sport ne m’intéressait pas trop ! Ce n’est que vers 11 ou 12 ans que j’ai commencé à regarder le ski à la télé et à cette époque, 2008/2009, il y avait les Français qui marchaient super bien en slalom : Jean-Baptiste Grange et Julien Lizeroux. Ils étaient mes idoles et ils m’ont servi d’exemple, m’ont inspiré pendant un long moment.

Clément Noël
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J’ai toujours eu l’esprit de compétition, mais uniquement en ski ! »

Quel a été le premier déclic, votre véritable début de carrière ?

Sincèrement, je ne pense pas avoir eu un déclic à un moment précis. Tout a été assez continu, linéaire. C’est venu au fur et à mesure des années. Quand j’ai commencé à faire des bons résultats sur les circuits nationaux et notamment aux championnats de France avec trois titres alors que j’étais encore dans les Vosges, je ne me suis jamais projeté en me disant : je veux être champion de ski. Cela a pris un nouveau tour quand je suis rentré en section ski-études au lycée d’Albertville. Je ne parlerais pas de déclic, mais de choix de vie. Je me suis

dit que si je finissais le lycée, j’irais en Équipe de France et que j’aurais les moyens de performer dans ce sport, et que je sacrifierais mes études pour me consacrer au ski.

Vous parlez de choix de vie, celui de vous éloigner de votre famille pour venir dans les Alpes en est un, déterminant…

Oui, le premier vrai choix, c’est quand j’ai décidé de venir m’installer à Val d’Isère dans une famille d’accueil. J’avais 15 ans. Cela s’est imposé à moi de façon naturelle. Le choix de me tourner un peu plus vers le ski, ce n’était pas un point de

non-retour. Si l’expérience n’avait pas été concluante, j’aurais encore eu la possibilité de faire autre chose. Mais ça a marché, et étape après étape, j’ai fait mon entrée en équipe de France puis sur le circuit de la Coupe d’Europe, le cran juste au-dessus.

Comment fait-on pour en arriver au top et s’y maintenir ?

Je pense qu’il faut différencier le moment où l’on est jeune et celui où l’on arrive sur le devant de la scène. Plus jeune, j’étais loin d’être un foudre de guerre à l’entraînement, même un tout petit peu fainéant sur les bords ! Mais je prenais du plaisir dans ce que je faisais. Quand on est jeune, le plus important, c’est de ne pas trop se prendre la tête. C’est plus tard seulement que l’entraînement devient primordial, avec de grosses séances de préparation physique qui nous occupent tout l’été, et un petit peu l’automne et l’hiver, sans oublier les séances sur les skis qui commencent en août pour nous amener jusqu’à l’hiver.

Quand vous dites « grosses séances de préparation physique », ça veut dire quoi ?

Ce qu’on fait le plus, c’est de la musculation, de la presse, du gainage : on soulève de la charge jusqu’à 200 kilos en squats, jusqu’à 100 kilos en haltérophilie. On fait aussi des séances qui nous préparent à encaisser l’acide lactique des courses, ce sont des efforts très courts, très intenses. Ça, ce sont les sessions les moins drôles, on y souffre pas mal, mais il faut s’accrocher, car elles représentent 70 % de notre préparation physique.

Et le ski pur ?

Côté ski, l’été, on se lève à 5 heures du matin pour aller s’entraîner sur le glacier lors de stages de 5 jours. Et là on enchaîne 8 manches de 30/35 secondes. Ça peut paraître assez peu, mais ça prend toute la matinée et comme on est à plus de

«
Dans notre sport, la capacité d’adaptation est l’un des points clés. »
Clément Noël
40 THE RED BULLETIN ERICH SPIESS/RED BULL CONTENT POOL
Neuvième victoire mondiale en slalom pour Clément, à Val-d’Isère, le 12 décembre 2021.

« Avoir un titre olympique à 24 ans, ça n’a pas changé ma vie. »

3 000 mètres d’altitude, ça pompe pas mal d’énergie. Et on rempile l’aprèsmidi avec une nouvelle séance de sport. On a également les stages en Argentine en septembre, et là, après une petite semaine passée en Suède, je pars en Finlande pour cinq jours (l’entretien a été réalisé mi-novembre, ndlr) où il fait moins − 20 °C.

Le froid, la fatigue, la souffrance… Comment arrivez-vous à rester motivé au quotidien ?

C’est sûr que parfois, se déshabiller pour se mettre en combinaison, enfiler des chaussures de ski gelées et aller sur le tracé quand il fait super froid, ce n’est pas évident. On n’a pas toujours envie d’aller s’entraîner quand il pleut ou qu’il y a du brouillard. Mais on évolue dans un sport où la capacité d’adaptation est l’un des points clés. À vrai dire, je ne me pose pas trop la question, c’est mon métier. Et puis, il y a bien pire dans la vie : on est dans des paysages magnifiques, on est dehors, on n’est pas sur des horaires de malade non plus. Quand on a skié deux-trois heures, on rentre faire la sieste, on a du temps libre.

Quant aux voyages, je suis content quand je pars, mais aussi quand je reviens. Retrouver ma famille, mes potes et mon chat, ça me fait plaisir.

Vous employez souvent le « on » : la notion de groupe aide-t-elle à entretenir la passion ?

Lors des stages de préparation, on est entre trois et cinq athlètes, toujours un peu les mêmes à se retrouver, à partager de super moments. Une bonne bande de copains dans une super ambiance. Je ne sais pas si je suis plus passionné que les autres, mais j’aime cette vie et les émotions qu’elle me procure, je kiffe le fait d’avoir un objectif, et comme j’ai un gros esprit de compétition…

Cette niaque, vous savez d’où elle vient, comment elle a grandi ?

J’ai toujours eu l’esprit de compétition, mais uniquement en ski ! Je ne suis pas mauvais perdant dans les autres domaines comme je peux l’être parfois sur la neige. C’est important d’avoir cet esprit, cette confiance. Entre les deux manches, celles des Jeux olympiques tout comme dans d’autres moments clés, cette envie de gagner doit me servir positivement. Il faut que je prenne des risques, il faut que je tente, il fait que je joue, car c’est un jeu et je dois en accepter tous les risques et aussi celui de perdre. Faire des sorties de pistes, rater une porte : dans le slalom, ce sont des risques hyper présents. Si on part avec un état d’esprit négatif, cela va nous pousser à avoir de la retenue, de mettre le frein à main comme on dit. On prend alors le risque de ne pas aller assez vite et de faire des erreurs bêtes. Pour aller vite et skier de manière safe, il faut que je m’engage à 100 %.

Est-ce qu’on prend du plaisir quand on skie pour décrocher un titre majeur, comme aux JO ? Oui, mais c’est un plaisir différent, ce n’est pas celui du ski en lui-même que l’on ne ressent pas beaucoup sur des gros enjeux. Il y a tellement de concentration qu’on ne profite pas de sa manche. Aux JO, je me suis dit que c’était pas mal, j’avais la sensation de produire du bon ski, j’avais préparé et bien négocié une section avec un trou où tous les skieurs s’étaient fait secouer, mais je me suis dit en même temps : « Est-ce que tu n’en as pas gardé sous le pied, as-tu pris assez de risques ? » Tout au long de ce genre d’épreuve, on passe par des hauts, des bas, on sent de la tension chez les coaches et l’équipe, l’ambiance est lourde, c’est difficile à gérer. Mais on peut se nourrir de toutes ces émotions-là. Parce que quand ça sourit, c’est un plaisir énorme, et un soulagement qui l’est tout autant.

Comment fait-on pour ne pas partir en vrille quand on est champion olympique à seulement 24 ans au terme de seize ans sans sacre tricolore ? J’ai un statut en plus qu’avant, et une médaille en plus aussi, mais cela n’a pas changé ma vie, ne m’a pas posé de problèmes. Sauf peut-être, inconsciemment, après les JO, j’ai eu une période de décompression qui fait que dans les mois suivants, je n’ai pas été très bon.

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Pour aller vite et skier de manière safe, il faut que je m’engage à 100 %. »
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Fast & focus : à l’attaque en février 2021 à Cortina d’Ampezzo (Italie).

Projection mentale : Clément visualise un slalom dans sa tête, et les moves qu’il devra exécuter pour arriver en bas le plus rapidement possible.

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« Quand on est jeune, prendre du plaisir, c’est le plus important.

Quand le doute succède à l’euphorie, comment revient-on ?

Il y en a toujours des moments de doute. Comme je le disais, en slalom, la confiance c’est une grosse partie de la performance. Et quand on sort, qu’on fait des erreurs, on perd cette confiance et on doit la reconstruire. Il s’agit surtout de ne pas se précipiter, ni de s’énerver. Après les JO, le contexte était assez léger, même si je n’ai pas eu les résultats en Coupe du monde que je voulais, une partie de moi relativisait grâce à cette victoire. À d’autres moments, on ne comprend pas pourquoi on fait des contre-performances. Par exemple,

l’année dernière, j’ai fait un bon début de saison suivi d’un gros passage à vide. C’était difficile à accepter d’autant qu’il a suffit d’une seule course pour perdre cette confiance et qu’il en faudrait plusieurs, voire beaucoup, pour la regagner.

Il faut parfois accepter d’être 3e, 4e, 5e, se dire qu’il y a des points à prendre, et que tout est remis à zéro à chaque course.

Comment fait-on pour regagner cette confiance, concrètement sur les skis ?

Il faut enchaîner les manches, les mettre en bas, monter le cursus d’engagement. L’échec, tout athlète de haut niveau le

Il faut parfois accepter d’être 3e, 4e, 5e. »

connaît ; c’est la façon de rebondir qui est importante, la capacité de mettre des choses en place. Lors de ma saison 2020-21, à chaque fois que je ratais une course, je réussissais la suivante, et ça me donnait beaucoup de confiance : cela voulait dire que j’arrivais à réagir. Quand on est bon dès le départ, ce sont des choses que l’on apprend avec l’expérience.

Y a-t-il d’autres athlètes qui vous inspirent, qui vous insufflent une bonne énergie ?

Je ne pense pas qu’il y ait une seule façon d’envisager la performance, ni d’atteindre le haut niveau, alors regarder faire les autres que j’admire comme, Alexis Pinturault par exemple, c’est une bonne chose. Mais on a tous et toutes nos particularités et il faut aussi savoir tracer sa propre route.

Est-ce que se maintenir au top n’est pas le plus difficile, au final ? Rester en haut au fil des années avec les nouvelles têtes qui arrivent, pleines d’envie, continuer à chercher de nouvelles choses, à progresser, c’est ce qui est le plus dur, incontestablement.

Quand vous parlez de « nouvelles choses », à quoi pensez-vous ? Pour aller vite, il faut faire le moins de chemin possible. Pour rester dans le tracé, on travaille sur la vitesse de pieds, on essaie d’avoir une meilleure indépendance de jambes. Ce sont des exercices très techniques, mais encore une fois, c’est dans ce genre de détails qu’on grappille du temps.

Votre passion du ski est-elle renforcée par d’autres en parallèle ?

Je suis du genre à me passionner pour pas mal de choses dans la vie. J’aime la gastronomie, le bon vin, mon grand-père en vendait. J’adore aussi le golf auquel je joue beaucoup en été. Le ski a beau être ma passion, j’ai besoin de me ménager du temps libre pour ne pas y penser.

Instagram : @clement.noel

Clément Noël
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Affûté (comme ses skis) : il doit l’être pour ne laisser aucune chance à la concurrence.

LE TEMPS GLISSE

Avec Fleeting Time, l’un des films de snowboard les plus chauds du moment, le réalisateur et rideur professionnel Ben Ferguson amorce un nouveau tournant.
Texte TOM MONTEROSSO Photos AARON BLATT
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Ben Ferguson en pleine action en Alaska.

Horloge sur pied échouée dans la neige. Gigantesques sommets recouverts de poudreuse en toile de fond. Tic-tac, tic-tac. Crevasses glaciaires s’enfonçant dans les entrailles de la terre : un monde sous la surface, symbole du temps définitivement écoulé.

Ténèbres angoissantes et inconnues. Un chirurgien enfonce son arthroscope pour nettoyer un genou en miettes, résultat d’années en quête de gloire et de podiums. L’horloge poursuit son lugubre battement. Tic-tac, tic-tac. Accident après accident, les snowboardeurs s’écrasent au sol tel des pantins désarticulés. Un rideur sort à toute allure d’un nuage de poudreuse. Une avalanche éclate, déferlement de vagues de neige entraînant un surfeur au bas d’une falaise. « Mon Dieu », s’écrie une voix anonyme dans un talkie-walkie.

Un riff de guitare balaie la tension grandissante. Place à l’action. Des snowboardeurs et des snowboardeuses virevoltent sur les montagnes à la vitesse de l’éclair, se jettent dans des drops phénoménaux, glissent sur des pentes quasi verticales, posent des tricks dantesques et foncent vers la vallée sous les pales des hélicoptères qui les ramèneront au sommet. Et puis l’horloge prend feu, les flammes orangées éclairent la grisaille du ciel, le titre apparaît : Fleeting time Tic-tac, tic-tac.

La scène d’introduction du premier film du snowboardeur professionnel Ben Ferguson accroche immédiatement le spectateur par son montage saccadé. Deux années épiques pour un film de snowboard figé dans l’éternité. L’horloge en flammes dans la vallée glacée, métaphore du temps toujours trop court et inéluctable, renvoie aussi à la crise climatique. Sans intervention globale, il sera bientôt trop tard pour inverser la tendance et faire face à l’urgence écologique.

« Ce tic-tac inéluctable, c’est l’essence même de l’horloge, explique le jeune réalisateur de 27 ans à propos du titre. Le temps est éphémère. On nous avait donné deux ans. Il fallait les rentabiliser pour éviter de perdre du temps et de l’argent. Et sur une note plus sombre, cela renvoie à la crise environnementale actuelle. J’ai eu la chance de vivre tout ça, mais qui sait pour combien de temps encore ? Mieux vaut en profiter maintenant. » Véritable prodige du snowboard, Ferguson grandit en gravissant un à un les échelons de l’élite de la compétition junior. La formule du succès, en somme : les victoires aux compétitions régionales mènent à la reconnaissance nationale qui débouche à son tour sur la célébrité mondiale, à condition d’avoir ce qu’il faut.

Mais la véritable vocation de Ferguson, c’est la montagne. Il grandit à Bend, dans l’Oregon. Le Mont Bachelor est une véritable aire de jeu naturelle entre wind lips, side hits et autres descentes parfaites pour rider la poudreuse. Et si la compétition lui apporte la renommée internationale, Ferguson s’en éloigne aussitôt après une quatrième place aux JO d’hiver de 2018. Pas par manque de goût pour la compétition mais parce qu’il comprend que le moment est venu d’évoluer, et que sa véritable vocation est ailleurs.

« C’était la prochaine étape pour moi, explique Ferguson, comprendre comment devenir un snowboardeur alpin

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Le réalisateur de Fleeting Time en Colombie-Britannique.

Pendant deux ans, Ferguson et son équipe ont tourné aux quatre coins du monde. Ici : à Jackson, Wyoming.

et filmer des séquences vidéo. Si j’avais continué à ne faire que du halfpipe, j’aurais encore limité le temps dont je disposais pour perfectionner mon art et évoluer dans mon sport. Ces deux années en dehors des compétions m’ont permis de découvrir de nouveaux spots et de me perfectionner en motoneige. »

L’une des idoles de Ferguson, Travis Rice, est l’un des snowboardeurs alpins les plus suivis du moment. Dans le pre-

mier épisode d’About Time, nouvelle série Red Bull couvrant le tournage du film, il se remémore cette invitation faite à un Ferguson alors âgé de 19 ans de le rejoindre à Jackson, dans le Wyoming, pour participer au tournage de sa propre épopée sur planche, The Fourth Phase (2016) : « Il venait juste de commencer les X Games quand je l’ai appelé. Je lui ai dit : “Mec, termine les X et ramène tes fesses à Jackson illico presto.” »

Ferguson roule toute la nuit pour tourner avec Rice et apprendre du maître. Au final, c’est le jeune rideur qui impressionne l’équipe. « À peine arrivé, Ben a mis une méthode incroyable en place, se souvient encore Rice, il a donné le ton pour les trois semaines à venir. C’était la première fois qu’on pouvait passer autant de temps à faire du backcountry tous ensemble. Et quand il nous a rejoint, il a rendu pas mal de copies parfaites. »

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Ferguson dynamite la poudreuse en Colombie-Britannique sous la caméra d’Aaron Blatt.
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La championne olympique Hailey Langland enchaîne des figures de folie pour Fleeting Time (Lake Tahoe, Californie).

En 2019, Ferguson rejoint ses collègues et amis Sage Kotsenburg et Red Gerard pour réaliser Joy (2019), un film sur les exploits de ce trio de professionnels tout au long de l’hiver. La sortie du film consacre Ferguson comme la nouvelle star du backcountry et annonce l’apogée de sa deuxième carrière.

Grâce au succès de Joy, Ferguson reçoit une proposition de rêve : passer derrière la caméra, occasion pour lui d’être aux commandes d’un projet. Avec plusieurs spots de tournage disséminés aux quatre coins du globe et un calendrier réparti sur deux hivers consécutifs, Fleeting Time s’annonce ambitieux. « Comme pour tout projet de taille, la pression était forte. Il fallait être à la hauteur et tout devait coller au poil dès le départ », explique Ferguson.

Une pression qui va crescendo la première année : Ferguson se blesse au genou au cours d’une session à Jackson Hole. Dans le milieu, les blessures font partie du quotidien. Au lieu de broyer du noir, Ferguson met les bouchées doubles pour surmonter cette épreuve et boucler Fleeting Time dans les temps. Cet été-là, il passe sous le bistouri et entame une guérison express pour s’atteler à la seconde année de tournage. Sa blessure n’aura été qu’un léger contretemps au cours de cette longue et coriace aventure.

« J’étais prêt pour reprendre le boulot. Je me suis focalisé uniquement là-dessus, dit le rideur. Mais j’avais les nerfs à fleur de peau : je savais que j’étais pile au milieu de ce projet et qu’il fallait continuer à se casser le cul pour l’année suivante. Ça m’a vraiment poussé à me remettre sur pied et à être prêt pour l’hiver. »

Un film de snowboard réussi passe par une équipe triée sur le volet. Passant du statut de rideur à celui de réalisateur, Ben s’adapte et sélectionne une liste de noms susceptibles de faire des étincelles en backcountry. Le casting final réunit des champions des X Games et des Jeux olympiques et la crème de la crème du snowboard alpin. Un habile mélange de genres qui souligne toute l’expérience de Ferguson dans ces deux disciplines. Des stars de la vidéo comme Austin Smith, Mikkel Bang ou Travis Rice tutoient des cadors de la compétition comme Red Gerard, Mark McMorris et Hailey Langland. Un concentré de rideurs et rideuses tous azimuts. « Tout s’est mis

Icône du snowboard et idole d’enfance de Ferguson, Travis Rice a rejoint l’équipe de Fleeting Time à Jackson.

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»
« Quand Travis Rice est là, on se tourne forcément vers lui pour profiter de ses conseils.

« Je voulais faire un film qui donne envie de faire du snowboard. »

Ferguson

shooté à Lake Tahoe.

naturellement en place, explique Ferguson à propos de la constitution de son équipe de pointures. On n’a rien forcé et on s’est super bien entendus. »

Hailey Langland s’impose comme l’une des vedettes du film. Fraîchement débarquée des JO de Pékin en février 2022, elle arrive en Colombie-Britannique pour rejoindre l’équipe de Whistler et se retrouve bientôt au sommet d’un énorme tremplin tandis qu’un magnifique ciel bleu irradie les cimes de la chaîne côtière. Ce qui s’est passé ensuite est entré dans les annales : des figures exceptionnelles immortalisées dans Fleeting Time

La snowboardeuse américaine décrit ce moment comme « totalement surréaliste » : « J’étais hyper nerveuse, mais dès que j’ai décollé et que je me suis saisie de ma planche, j’ai su que j’allais le poser. J’ai tout donné pour relever ma planche et continuer sur ma lancée, j’entendais leurs cris de soutien. Quand j’y repense, avec le recul, je suis super fière de moi et tellement contente d’avoir fait partie de ce groupe.

Ils se sont précipités pour me prendre dans leurs bras, aussi fous de joie que moi. C’est un de mes meilleurs souvenirs de snowboard. »

Cet enchaînement de tricks mémorable a rapidement fait le tour du monde et lui a valu de figurer en couverture du magazine Slush.

« Hailey est une rideuse exceptionnelle, confie Ferguson. Pour moi elle est en train de devenir la plus forte en montagne. Elle a une analyse parfaite du terrain et s’en sort pas mal non plus en motoneige : elle est au top. »

Après deux années de tournage entre Idaho, Wyoming, Californie, Oregon, Colombie-Britannique et Japon, l’équipe a conclu son séjour à Valdez, en Alaska, la Mecque du snowboard freestyle de haute montagne avec ses pistes de 1 000 mètres presque verticales où la moindre erreur peut avoir de terribles conséquences. Pour Ferguson, c’est la conclusion parfaite, la boucle est bouclée : quelques hivers plus tôt, il avait roulé toute la nuit pour rejoindre son idole Travis Rice, et le voilà de retour ici, à la tête de son propre film, avec Rice à ses côtés.

« C’était génial, explique-t-il à propos de cette occasion de diriger son idole. Il a énormément d’expérience. C’était notre projet, bien entendu, mais avec Travis Rice sous la main, on se tournait forcément vers lui pour avoir son opinion. C’est l’un des meilleurs snowboardeurs au monde. Quand il pose un trick, on se dit : “Faut que je progresse.” Il nous pousse vers l’excellence et nous sert de guide. »

Une météo favorable prolongée en Alaska a permis à l’équipe d’emballer toutes les séquences finales et de conclure ces deux années de tournage pour un film bientôt culte. Des médailles au chemin de la guérison en passant par la découverte du backcountry et le tournage en haute-montagne, Fleeting Time est la synthèse de tout ce que Ferguson a accompli, et il n’a que 27 ans. Son objectif est clair désormais : traquer la neige, pulvériser la poudreuse et partager cette joie avec le reste du monde.

« Je voulais faire un film qui donne envie de faire du snowboard, explique Ferguson. L’idée c’est de dire : regarde ça, prends ta planche et plein gaz ! » Fleeting Time est actuellement disponible à la location sur toutes les grandes plateformes. Pour en savoir plus sur le tournage du film, regardez About Time sur Red Bull TV.

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Ferguson en mode carpe diem en Alaska.

LE MONDE DANS SES MAINS

À la fois chanteuse, productrice, compositrice, beatmakeuse et violoniste autodidacte, SUDAN ARCHIVES est une artiste multiple et inclassable qui utilise sa voix et ses mains pour faire exploser les carcans de la création.

Brittney Parks – aka Sudan Archives, son nom d’artiste – n’est pas une violoniste comme les autres. Il suffit de jeter un œil sur la pochette de son dernier album, Natural Brown Prom Queen, pour s’en rendre compte : décor de fête, chevelure rose bonbon interminable, corps de liane dont le buste étincelle, la nouvelle icône avant-gardiste du R’n’B nous toise de son regard de reine. Mais, qui est-elle ?

« Le violon est perçu comme un instrument sérieux dans le monde occidental, nous explique la jeune femme de 28 ans. Et moi, je ne suis pas quelqu’un de sérieux : j’ai envie de jouer, de déconner et de suivre mes envies. »

Pour savoir à quoi ressemblent ses envies, il faut la voir sur scène : Sudan Archives devient une reine de la fête, son violon arrimé au corps et son micro fixé autour du cou pour n’entraver aucun de ses mouvements, aucune chorégraphie à laquelle elle aurait envie de se livrer. Tout en elle vibre d’une énergie contagieuse qui invite le public à danser sur des beats sensuels que viennent agré-

menter les sons de son instrument fétiche : « J’ai toujours voulu faire du violon un instrument de fête. »

À la croisée de différentes influences musicales africaines et occidentales, Brittney Parks célèbre la même incongruité, le même non-conformisme dans son look : tresses fluo, tenues psychédéliques ultra sexy, chaussures de drag queen ou longue robe-fourreau noire de vamp tentatrice, les styles se superposent comme autant de pistes d’exploration à suivre joyeusement, sans aucune censure. Une exploration que l’artiste assume dans les thèmes de ses chansons : elle y parle d’émancipation culturelle, sexuelle et sociale, de féminité, de racines et de liens familiaux – des sujets qu’elle dissèque dans des textes suaves, posés sur une rythmique électro-violoniste inédite.

Comment Brittney Parks, la gamine du Midwest qui a grandi à Cincinnati (Ohio), est-elle devenue Sudan Archives ? À l’origine du nom, il y a d’abord l’exaspération d’une petite fille qui n’aimait pas

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J’ai toujours voulu faire du violon un instrument de fête : je voulais faire danser les gens. »

son prénom : elle demande à sa mère de l’appeler désormais Tokyo Moon, en hommage au dessin animé Sailor Moon, qu’elle adore. Ce à quoi sa mère lui oppose une alternative plus jolie : « Et pourquoi pas “Sudan” ? » Une proposition qui plaît à la petite fille.

Des années plus tard, la jeune musicienne découvre le style exubérant du violon soudanais et sent qu’elle touche du doigt le son qui lui correspond, qui la fait vibrer. C’est comme si sa route musicale l’avait guidée vers cet univers, ce trésor de sons traditionnels et de récits lointains, un trésor à conserver comme de précieuses archives : Brittney Parks a enfin trouvé son identité, son nom d’artiste.

C’est le premier jalon d’une carrière solo toujours guidée par un leitmotiv : ne jamais suivre que sa propre voie. Ado, la jeune Brittney refuse ainsi le soutien de son beau-père, Derrick Ladd – qui a notamment lancé la maison de disques Atlanta’s LaFace Records – pour rester fidèle à ses goûts musicaux. Une force de caractère qui lui porte chance lorsqu’elle emménage, quelque temps après, à Los Angeles : elle y rencontre par hasard un des managers de Stones Throw Records, label indépendant célèbre pour ses productions éclectiques, comme MF DOOM, Madlib ou encore NxWorries. Un premier contrat sur-mesure, qui lui permet de s’épanouir musicalement en dehors du carcan rigide de l’industrie pop.

Nous la retrouvons peu après la sortie de Natural Brown Prom Queen, son deuxième album – un cocktail génial et avant-gardiste de sonorités électro, soul, R’n’B, rap et country. Sudan Archives nous parle de son instrument fétiche, du courage qu’il faut pour faire les bons choix et rester fidèle à soi-même, et de son espoir de servir d’exemple à d’autres femmes audacieuses en les encourageant à assumer leur propre style.

the red bulletin : Vous jouez du violon avec une telle aisance. À quel âge avez-vous commencé à jouer de cet instrument ?

parks : J’avais dix ans. Gerry O’Connor (excellent violoniste folk originaire de Dundalk, en Irlande, ndlr) était venu jouer avec son groupe de violonistes dans mon école à Wyoming (Ohio, ndlr) Ils nous ont parlé du violon et nous ont fait découvrir le folk et les danses irlandaises : j’étais conquise. Ce fut une révélation pour moi, et j’ai eu envie de faire la même chose.

Est-ce vrai que vous avez appris à jouer à l’oreille ?

Oui, on peut dire ça ! Dans mon école, chaque enfant recevait un instrument de musique, que l’on pouvait acheter ou louer. J’avais choisi de louer un violon : j’ai commencé à m’amuser dessus et c’est encore ce que je fais aujourd’hui. Au début, je rendais ma sœur complètement folle : il faut dire que le violon n’est pas très beau à entendre quand on ne sait pas encore en jouer…

Comment l’Église a-t-elle changé votre rapport à la musique ?

Le fait de jouer dans une église a boosté ma confiance en moi et ma créativité. Notre chef de chorale et ma mère m’ont incitée à jouer alors que je ne savais même pas lire les notes. Ils m’ont encouragée en me disant de jouer tout simplement à l’oreille. J’ai pu ainsi trouver mes propres mélodies et c’est encore comme ça que je compose aujourd’hui.

Vous avez aussi été marquée par ces musiciens soudanais qui jouent du violon à une corde.

J’ai découvert le violon à travers des chansons irlandaises, la musique que l’on joue dans les pubs pour faire danser les gens. Et puis un jour, en cherchant sur YouTube des musiciens de folk irlandais, j’ai découvert toutes ces vidéos archivées de violonistes soudanais ; ça m’a littéralement bouleversée. Je me suis dit : « Voilà des gens qui me ressemblent et

qui jouent de manière si exubérante. » Au lieu de traiter leur violon comme un instrument d’accompagnement, ils le mettent en avant : j’ai compris que je pouvais faire la même chose et jouer du violon comme bon me semblait. Voir ces artistes à l’œuvre m’a autorisée à oser jouer exactement comme je le sentais.

Ces différentes influences sont-elles encore palpables dans la musique que vous faites ?

Je n’y pense plus vraiment, tout simplement parce que je me suis appropriée ma propre musique : j’ai trouvé mon propre style, un peu comme une boule de neige que j’ai commencé à faire rouler lentement dans une direction et qui a absorbé tout un tas d’influences au fil du chemin. Toutes ces choses font désormais partie intégrante de moi.

Qu’est-ce qui vous a poussée, à l’époque, à choisir justement une direction complètement inédite ? Je crois que c’est mon esprit rebelle ! Je n’aime pas faire les choses uniquement parce qu’on me dit de les faire ou parce qu’on me conseille de faire ainsi. Je ne veux pas qu’on me conseille de faire tel type de musique, tout ça parce que ça plaît au plus grand nombre. Je préfère faire la musique que j’aime, même si c’est nul. Ce qui me fait rire, c’est de voir à quel point le regard des gens a changé : parce que j’ai toujours été du genre à n’en faire qu’à ma tête et à nager à contre-courant, à la sortie de ce nouvel album – qui me correspond totalement – les gens me disent : « Alors comme ça, tu fais de la pop, maintenant ? » Et je leur réponds : « Eh oui, je suis une artiste pop ! Allez comprendre ! »

Durant votre adolescence à Cincinnati, vous et votre sœur jumelle aviez formé N2, un groupe de pop/R’n’B : pourquoi avoir quitté N2 et emménagé toute seule à Los Angeles ?

Pour dire la vérité, cette décision n’avait pas grand-chose à voir avec notre musique. Je vivais à l’époque avec ma mère et mon beau-père et je voulais sortir le soir, faire de la musique, composer ou tout simplement traîner avec mes amis. À force de me voir tenir tête et découcher régulièrement, mes parents en ont eu marre et m’ont virée de chez eux. Je me suis dit : « Bon, je n’ai qu’à essayer Los Angeles. » Et c’est là que ma sœur et moi avons compris que nous allions suivre

Sudan Archives
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« Je veux servir de tremplin à des femmes ingénieures du son ou à des productrices.
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« On produit des endorphines quand on fait de la musique et qu’on crée, et c’est quelque chose dont on a terriblement besoin au quotidien. »

deux chemins différents : même si c’était un peu triste, elle était contente pour moi et tous ont montré leur soutien.

À Los Angeles, vous arrivez très vite à rentrer chez Stones Throw Records, en devenant même l’une de leurs plus jeunes artistes. Est-ce vrai que vous avez été découverte en étant serveuse dans le resto fréquenté par leurs managers ?

Oui, c’était une phase de ma vie assez intense : j’ai fait des tas de petits boulots à Los Angeles. Le matin, je devais prendre mon vélo, un train et un bus pour aller bosser dans un café, et pendant mes jours de congé, je vendais des donuts. Je servais le café à ces managers qui bossaient à côté. Il y en avait un qui était toujours aimable – et qui s’intéressait à ma musique. C’est finalement lui qui m’a fait rentrer chez Stones Throw.

Ce type que vous servez qui vous signe, tout cela ça paraît si simple ! Je sais ! C’était marrant : ce mec est même revenu à la charge plusieurs fois et à force d’insister, j’ai fini par lui faire écouter quelques trucs que j’avais composés. Il a écouté les extraits puis les a envoyés à Chris Manak (aka DJ Peanut Butter Wolf, qui est aussi producteur et fondateur de Stones Throw Records, ndlr). Ils m’ont demandé de venir les voir – et c’est comme ça que j’ai signé avec eux.

Il faut dire que vous êtes aussi une véritable bête de scène, avec une présence incroyable en concert : pensez-vous que c’est votre énergie qui a attiré leur attention ? Non, absolument pas. Avant, j’étais même plutôt du genre à fuir les spotlights, je n’ai jamais eu envie de devenir célèbre. Tout ce que je voulais, c’était faire de la musique et montrer aux gens ce que j’étais capable de créer, pas ce que j’étais en tant qu’individu. J’ai pris confiance sur scène avec le temps, à force de faire mon job de musicienne, de continuer à donner des concerts même si j’avais le trac – j’ai d’ailleurs toujours le trac ! Mais j’ai persévéré, et maintenant, j’apprécie vraiment le fait d’y aller, de faire ce qui me plaît et d’être moi.

Votre nouvel album, Natural Brown Prom Queen, est un projet ambitieux : 18 titres, avec des longueurs imposantes. Était-ce un choix délibéré ?

C’est vrai qu’il y a beaucoup de musique là-dedans ! Je l’ai écrit durant la pandémie, alors que j’étais cloîtrée chez moi. J’ai installé un petit studio d’enregistrement dans ma cave et j’y ai passé tout mon temps, à créer de la musique, des riffs, des beats. Ce fut comme un acte thérapeutique : on produit des endorphines quand on fait de la musique et qu’on crée en général, et c’est quelque chose dont on a terriblement besoin au quotidien.

Les titres sont bâtis comme des millefeuilles musicaux : comment avezvous fait pour les composer ? Chaque chanson est le résultat d’un processus différent, mais en général, je commence par écouter une mélodie dans ma tête et je cours enregistrer la partie violon qui va avec. Puis j’ajoute des couches successives comme si j’utilisais une pédale loop. Je suis une obsédée des sons : je peux me servir de pratiquement tout ce que j’entends autour de moi, des trucs que les gens n’utiliseraient pas. Sur l’album, on entend ainsi des bruits de collision et de percussion, que j’ai créés en jouant avec mon violon et en retravaillant les sons.

On pourrait penser que le fait de bosser seule dans son coin peut être assez stérile : à vous écouter, ce fut au contraire libérateur…

Rétrospectivement, ça m’a effectivement rendue plus créative : à l’extérieur, il y avait tellement de choses auxquelles je voulais réagir et en même temps, j’avais tout cet espace à moi pour y jouer et déconner autant que je le désirais. Dans mon petit studio personnel, je pouvais enfin jeter les bases d’un morceau et le modeler aussi longtemps et aussi loin que je le voulais : c’est vraiment utile d’avoir son propre espace de création.

Vous évoquez un espace à créer pour les femmes dans la production musicale : avez-vous constaté une évolution à ce niveau-là dans les studios ?

Je ne sais pas si ça change, mais je pense qu’elles sont nombreuses et qu’elles manquent encore cruellement de visibilité. C’est une industrie dominée par les hommes et les femmes n’ont souvent pas accès aux mêmes opportunités ni à la même reconnaissance. J’ai envie de faire suffisamment carrière pour avoir l’occasion de combler ce fossé et pour servir de tremplin à des femmes ingénieures du son ou à des productrices.

La tournée européenne NBPQ 2022 bat son plein, avec des concerts dans toute l’Europe, dont la France : quel est le prochain gros projet sur la liste ? Tout ce qui m’importe, c’est de continuer à faire la musique que j’aime, une musique qui me ressemble. Si ça permettait en plus d’inspirer des gens ou de les inciter à sortir des sentiers battus, ce serait évidemment génial.

Maintenant que vous faites danser des gens qui viennent vous écouter partout dans le monde, quel sentiment cela engendre-t-il chez vous ? Pour être honnête, je n’ai compris que récemment à quel point j’étais comprise et accueillie par le public. Il y a quelques semaines, j’ai joué lors d’un célèbre talkshow américain et quelqu’un est venu me dire après mon passage : « Il y a tellement de gamins qui n’aiment pas le violon parce qu’ils voient ça comme quelque chose de barbant. Je parie que vous allez les faire changer d’envie ! » On commence à me voir comme celle qui décomplexe le violon : c’est pas cool, ça ?

« J’ai commencé à m’amuser au violon à l’école, et c’est encore ce que je fais aujourd’hui. »
sudanarchives.com Sudan Archives THE RED BULLETIN 61

Rendez-vous marin : en 2007, Pierre Frolla s’est laissé photographier avec un requintigre au large des côtes sud-africaines pour attirer l’attention sur cette espèce menacée d’extinction.

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FRED BUYLE

L’AUTRE MONDE

L’apnéiste français PIERRE FROLLA vit dans un univers à couper le souffle. Nous plongeons ici en exclusivité dans l’esprit et les océans de ce penseur profond de 47 ans, détenteur de records mondiaux.

Texte TOM GUISE, SASKIA JUNGNIKL- GOSSY

En 2004, Pierre Frolla repousse les limites de la plongée en apnée : le Monégasque parvient à retenir son souffe suffsamment longtemps pour descendre à 123 mètres de profondeur, détruisant ainsi le record mondial de l’époque. Pour combler le manque d’oxygène, les apnéistes utilisent différentes techniques respiratoires très spéciales pour consommer le moins d’oxygène possible au cours de leur plongée. Cela exige concentration et maîtrise corporelle maximales. Pionnier de ce sport extrême, Frolla a établi de nouveaux standards pour la sécurité en eaux profondes : âgé de 47 ans, il partage volontiers ses expériences avec le public, comme dans son documentaire On a Long Breath (2015) ou dans son livre Océans : face à face (2021), pour lesquels il a plongé à la rencontre des baleines, des requins et des crocodiles afin de sensibiliser le public à la protection de la faune et de la flore. Aujourd’hui, Frolla dirige l’une des plus grandes écoles de plongée au monde dans son pays natal, Monaco, et transmet sa philosophie aux autres. « Descendre dans les océans les plus profonds du monde m’a aidé à comprendre qui j’étais, qui je pouvais devenir, et à me prouver que mes capacités étaient immenses », dit­il. Voici le récit de sa descente dans les abysses.

ORIGINES

Pourquoi j’ai

reprogrammé mon corps

« J’ai passé une enfance merveilleuse à Monaco, un paradis où la mer tutoie la montagne. On peut faire une plongée à cent mètres de profondeur le matin et dévaler des pistes de ski à deux mille mètres d’altitude l’après­midi. Je me souviens encore de ma première vraie nage en pleine mer : c’était sur la plage sauvage de Cabbé, dans la partie Est de Monaco. Je venais d’avoir cinq ans. Mais ce n’est que quinze ans plus tard que l’apnée est devenue ma discipline de prédilection, après une grave blessure à l’épaule lors des championnats du monde de judo à Chicoutimi, au Canada, en 1995. La déception était d’autant plus grande que je m’étais entraîné très dur pour cette épreuve. Plutôt que de subir une opération, j’ai décidé de m’entraîner un peu à l’apnée et surtout, de faire de grosses séances de natation pour travail­

ler ma rééducation. À l’époque, mon corps était programmé pour le combat. Tout le contraire de l’apnée, où il n’est pas question de se battre mais au contraire de ne faire qu’un avec l’eau. Lutter contre cet élément ne sert à rien. En natation, on peut faire une pause quand on a nagé trop vite. En cyclisme, on peut descendre de son vélo quand les cuisses font trop mal. En apnée, on n’a pas ce genre de luxe : rester au fond de la mer nous condamne à une mort certaine. Aucune échappatoire possible : pour respirer, la seule solution est de remonter. J’ai toujours voulu aller au­delà de mes limites pour me prouver que j’étais capable de beaucoup plus que ce que je m’étais imaginé au réveil. Quand je vais me coucher, je veux me sentir plus fort qu’au saut du lit. »

Ci-dessus : le jour où il a demandé la main de sa femme, Frolla s’est promené avec un crocodile au large des côtes de Cuba. Hasard ou coïncidence ? Agent spécial en eaux troubles : en 2006, Frolla plonge au large des Bahamas vers l’épave d’un avion DC3 utilisée dans une scène de James Bond.

Pierre Frolla
Plonger pour se trouver soi-même : Pierre Frolla au large de Monaco, sa mer natale.
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GIL ZETBASE, GREG LECOEUR, FRED BUYLE

LA

PEUR

Et soudain, le prédateur marin s’est mis à claquer des dents

« Quand j’étais petit, j’avais une peur bleue des requins mais parallèlement, j’étais convaincu que j’allais devenir champion de plongée un jour. Du coup, j’ai passé pas mal de temps à vivre avec cette contradiction, plongeant voluptueusement dans les profondeurs des océans avec cette boule au ventre permanente de tomber sur un requin. À seize ans, je me suis envolé pour l’autre bout du monde à la rencontre de mes ennemis. Quand j’ai croisé mon premier squale, un énorme requin-citron, je n’en ai pas cru mes yeux : en m’apercevant, le géant a aussitôt fait demi-tour pour s’enfuir dare-dare. C’est lui qui avait peur de moi ! À ce moment-là, j’ai réalisé que ce qui nous fait vraiment peur, c’est l’inconnu. Et quand celui-ci devient familier, la peur disparaît. J’ai compris aussi que le requin n’est pas une espèce menaçante, mais une espèce menacée. » En 2012, dans le cadre d’une exposition intitulée Vivent les requins !, à l’aquarium de Paris, Frolla a nagé pendant trois quarts d’heure dans un bassin au milieu de 25 requins. Il voulait attirer l’attention sur le caractère pacifique de ces animaux et sur la menace d’extinction qui pèse sur eux. « En apnée, il ne faut pas avoir peur. La peur nourrit le doute, le doute nourrit l’erreur, et l’erreur nourrit l’échec. Une erreur à plus de 100 mètres de profondeur n’est pas un échec, mais une fin imminente. »

LES PROFONDEURS Une ivresse entre humilité et acceptation

« Être au fond de l’océan est une expérience très particulière. Quand je plonge, chaque mètre parcouru me fait ressentir les choses d’une manière toujours plus intense. Je ne sais pas comment l’expliquer, c’est comme si une véritable prescience de nos sensations se développait : le nombre de secondes passées sous l’eau, l’autonomie de notre batterie interne… Une apnée en grande profondeur signife s’exposer à une pression énorme. Un synonyme d’humilité, de sacrifce de soi et d’acceptation. Il y a une grande différence entre l’apnée, où l’on retient sa respiration

le plus longtemps possible, et le manque d’oxygène qui est un processus chimique. Quand notre corps manque d’oxygène, on meurt. Mais avant cela, on peut retenir très longtemps sa respiration et consommer l’oxygène emmagasiné dans les poumons, ce qui permet de survivre bien plus longuement qu’on ne le pense. En 2003, j’ai voulu plonger à 114 mètres pour habituer mon corps à la pression. Le sondeur indiquait un fond plat à 120 mètres, donc apparemment il n’y avait aucun danger. Mais à 104 mètres, je me suis englué dans un monticule boueux. L’eau était noire, je n’y voyais rien, j’étais coincé jusqu’aux genoux et il m’a fallu près de 20 secondes pour me dégager. J’ai vraiment cru que j’allais rester bloqué au fond. Par la suite, nous avons mis en place de nouvelles mesures de sécurité et insisté davantage sur les contrôles. »

Frolla tire les bras le long d’une corde qui l’entraîne vers les profondeurs. Lors de la remontée, l’important est de ne pas se précipiter. Cela peut provoquer une décompression, qui génère des bulles de gaz dans le corps.

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ALEXIS ROSENFELD, ROBERT MARGAILLAN

PIERRE FROLLA

Né le 14 février 1975 à Monaco, il grandit les pieds dans l’eau. Son père, spécialiste en chasse sous-marine, lui inculque très tôt les préceptes de la vie aquatique et de la protection de la nature. Frolla a quatre records du monde de plongée en apnée à son actif, et s’occupe désormais d’écoles de plongée pour enfants dans lesquelles il enseigne principalement le respect de la faune et de la flore.

d’atteindre mes propres limites sans les dépasser. Cela me permet de défnir de nouvelles frontières et de nouveaux objectifs tout en sachant que la sécurité est primordiale. Un proverbe dit : “Descend qui veut, remonte qui peut.” Descendre est plus simple que monter, fnalement. Tout le monde peut aller jusqu’au fond, mais si on est mal préparé, on risque de ne jamais remonter vivant. »

L’AMOUR Sa pression enfn envolée, nous nous sommes

mariés sous l’eau

LES RECORDS

Au moment du triomphe, tu es complètement seul

« Offcieusement, ma plongée la plus profonde est de 132 mètres. Mon record offciel, lui, est de 123 mètres de profondeur. Battre un record pour la première fois procure un sentiment très particulier.

On s’y prépare intensément, on y pense chaque seconde, chaque minute et chaque

mètre à l’entraînement. La préparation d’un tel record dure entre six et neuf mois, à raison de deux à trois séances par jour, six fois par semaine. Mon coach m’a dit à l’époque : “Si tu deviens un jour champion du monde, tu seras au sommet d’une montagne et tu pourras observer le monde entier. Mais tu seras seul. C’est à ce moment-là que tu devras décider de ce que tu veux faire et comment tu veux le faire.” Les sommets et les points culminants que je vise sont situés au fond des océans, aussi ma plus grande motivation pendant une compétition est-elle

« Ma femme et moi nous sommes mariés sous l’eau en 2015. Un moment magnifque et un peu dingue avec soixante-dix personnes à nos côtés. Ma compagne était très fère d’elle parce qu’un an plus tôt, elle n’arrivait pas encore à faire ce que l’on appelle une “compensation”, un rééquilibrage de la pression de l’eau en envoyant de l’air vers l’oreille moyenne pour réduire les sensations douloureuses. Elle a tout donné, et quand elle y est enfn arrivée, je lui ai demandé de m’épouser sous l’eau. Le prince Albert II de Monaco était l’un de nos témoins de mariage. C’est un très bon plongeur et un élève remarquable. J’ai parcouru pratiquement tous les océans de la planète et me suis rendu dans les coins les plus reculés du globe. Chaque expédition est une parfaite harmonie entre rencontres inoubliables et opportunités exceptionnelles. Pour moi, les voyages les plus importants sont ceux associant les rencontres avec la mer et les personnes. Nager avec des crocodiles est unique, caresser des requins blancs presque irréel et danser avec un groupe de cachalots indescriptible… Mais ce qui donne vraiment du sel à tout cela, c’est l’aspect humain. »

Instagram : @pierrefrolla

Pierre Frolla THE RED BULLETIN 67 ZACH PINA, HAMILTON

Son stade : aHTracTXII participe à un tournoi à 1 500 dollars depuis sa chambre de l’appartement de Frisco qu’il partage avec Flxnked.

AU CŒUR DU PING

Une force invisible nous entoure. Elle profite à presque tout le monde, mais elle apporte surtout des superpouvoirs, une incroyable richesse et une liberté sans égale aux gameurs et gameuses d’élite. C’est à Frisco, point zéro de ce que l’on appelle le « ping », qu’elle règne sous sa forme la plus authentique.

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Texte & Photos JOSEPH SWIDE

risco, Texas (États-Unis d’Amérique) compte les sept dernières sorties de la Dallas North Tollway. Située à une cinquantaine de kilomètres du centre de Dallas, la ville est implantée à la limite de la zone suburbaine, qui englobe une kyrielle de parcs d’affaires, sièges de banques, fast-foods et complexes immobiliers. Du moins pour le moment. Entre les nouveaux sites et les chantiers en cours, on peut encore apercevoir ces plaines si caractéristiques de l’ancien Texas du Nord, apparues lorsque la voie maritime intérieure de l’Ouest qui traversait l’Amérique du Nord s’est retirée pour ne former qu’un golfe il y a environ 260 millions d’années.

Vers 800 ans après Jésus-Christ, le peuple autochtone des Caddos, originaire de la vallée du Mississippi, a émigré vers l’Ouest pour établir les premiers campements permanents de la région, et ainsi cultiver le maïs, les courges et les haricots. Au début du XIXe siècle, des cow-boys locaux ont installé le premier campement de Frisco alors qu’ils empruntaient la piste des Chaouanons pour mener le bétail des ranchs du sud vers les marchés du Kansas et du Missouri, où ils pouvaient gagner entre 30 et 50 dollars par tête. Et depuis 2020 environ, des jeunes du monde entier affluent en toute discrétion vers Frisco où, derrière les murs d’immeubles ordinaires, ils jouent à Call of Duty: Warzone jusqu’à 24 heures par jour et gagnent jusqu’à 50 000 dollars par mois. Née en 2003, la franchise Call of Duty est une série de jeux vidéo de tir à la première personne. Le début de l’année 2020 a marqué l’arrivée de Warzone, un jeu de battle royale téléchargeable gratuitement et dans lequel jusqu’à 150 joueurs et joueuses s’affrontent sur une seule et immense carte, par équipes de quatre, trois ou deux, ou bien individuellement, selon le type de jeu. Simple et accessible gratuitement (grâce à un modèle économique reposant sur des microtransactions qui permettent d’obtenir des skins spéciales pour les personnages et les armes, et de débloquer d’autres éléments), ce jeu est sorti juste avant la pandémie qui a piégé des millions de personnes chez elles pendant de longs mois. Sa popularité a soudain explosé et Warzone est devenu le jeu de tir à la première personne le plus joué au monde.

Flxnked et aHTracTXII ont emménagé dans une résidence sécurisée près du centre de Frisco. L’appartement est propre et meublé simplement : murs blancs, moquette grise, photo de paysage urbain tirée d’une banque d’images sur le mur du salon, et bol en verre rempli de M&M’s sur le comptoir de la cuisine. À l’arrière du modem ultrarapide posé à même le sol du salon, deux câbles identiques rejoignent chacune des chambres où, près des lits faits au carré, trônent de magnifiques ordinateurs équipés de deux écrans pour jouer, streamer et discuter en même temps avec les fans.

Étendu sur le sofa, aHTracTXII parcourt l’application DoorDash, équivalente à un Deliveroo américain (avec des enseignes comme Chick-Fil-A, Shake Shack, Raising Cane’s) et se décide finalement pour

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Au contrôle : l’écran de Jukeyz pendant le wager. Si l’on voit peu de personnes physiquement présentes dans la salle, des milliers de fans profitent du stream chez eux.

du Five Guys. Bien qu’il soit cinq heures de l’aprèsmidi, cela ne fait que quelques heures qu’il est debout. Difficile de dire s’il a l’intention de prendre son petit-déjeuner ou son dîner, mais un tournoi en ligne qui promet 1 500 dollars au vainqueur commence dans moins de soixante minutes. C’est peutêtre sa seule chance d’avaler quelque chose avant cinq ou six heures.

Originaire de Chicago, aHTracTXII est un joueur professionnel de 25 ans à la voix douce et aux traits juvéniles. Il peut se targuer de gagner plusieurs milliers de dollars par mois grâce aux tournois Call of Duty auxquels il participe depuis l’âge de 13 ans. Pourtant, jusqu’à son récent déménagement à Frisco il y a quelques mois, il n’avait pas encore quitté le domicile familial. « Je n’ai jamais eu de vrai job.

Après le bac, j’ai continué à jouer, explique-t-il. J’adore toute cette liberté qui m’est offerte : streamer quand je veux, manger ce que je veux et faire mon truc dans mon coin. Enfin, avec lui dans les parages quand même. »

Flxnked est parti du Minnesota pour s’installer à Frisco au début de l’année 2022. Plus jeune, il jouait au hockey… jusqu’à ce qu’une blessure au genou durant son adolescence ne l’amène à s’intéresser à Call of Duty. En 2019, il a reçu une bourse d’esport afin de rejoindre l’équipe Call of Duty de l’université Davenport de Grand Rapids (Michigan). Mais lorsque la COVID-19 a surgi, il a abandonné sa scolarité pour passer pro, se démenant comme un beau diable au sein de la communauté en ligne dans l’optique d’accéder aux tournois sur invitation qui forgent les carrières des meilleurs joueurs. « Pendant des mois entiers, vous ne gagnez pas un sou, raconte-t-il. Et puis d’un coup, vous gagnez 10 000 ou 12 000 dollars… en un seul mois ! »

En règle générale, sur le circuit professionnel, deux duos s’associent pour former une équipe de quatre joueurs. Ils ne peuvent pas s’éliminer, et la victoire revient au duo qui aura accumulé le plus de kills contre les autres joueurs du lobby. Contrairement à certains jeux où les participantes et les participants s’affrontent sur un réseau LAN (Local Area Network) – avec des ordinateurs connectés à proximité immédiate – ou au minimum dans le cadre de sessions privées, les joueurs pros sur Warzone se retrouvent en ligne dans des lobbies publics et se frottent à des quidams souvent inconscients du fait qu’ils sont face à des pros jouant pour des milliers de dollars. Cela renforce l’accessibilité et l’attrait de la compétition Warzone pour les innombrables spectateurs qui regardent ces matches lors des streams. Mais d’un autre côté, un tel système laisse les revenus potentiellement lucratifs des plus grands pros à la merci des connexions Internet. Ce sont d’ailleurs les débits Internet qui conduisent les joueurs tels que Flxnked à s’intéresser à la ville de Frisco.

« Ailleurs, tout ce que vous pouvez espérer, c’est un ping de 15 millisecondes maximum, précise-t-il. Ici, vous avez un ping de 7. Et parfois moins !

Frisco, temple du ping
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Ailleurs, tout ce que vous pouvez espérer, c’est un ping de 15 millisecondes maximum. Ici, vous avez un ping de 7. C’est insensé. »
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C’est insensé. » Avec toute sa technologie numérique sans fil invisible, on pourrait croire qu’Internet est le résultat d’un tour de magie.

En réalité, il s’agit d’un vaste réseau physique de serveurs, de câbles et de modems qui permettent aux signaux porteurs d’informations de circuler entre les ordinateurs du monde entier. La vitesse de circulation des informations, que ce soit entre les périphériques ou entre les serveurs et les périphériques, est appelée « ping ». Elle est généralement mesurée en millisecondes. Deux moyens efficaces permettent de raccourcir le ping. Tout d’abord, il est possible d’améliorer le réseau physique afin d’accélérer la circulation des informations. Par exemple, le wifi est souvent plus lent que les connexions par câble physique, tandis que la fibre optique est le must absolu. Une fois que la vitesse est optimisée d’un point de vue matériel, le seul autre moyen de raccourcir le ping consiste à réduire la distance parcourue par l’information, et donc à installer l’ordinateur aussi près que possible du serveur.

Les serveurs de Call of Duty sont gérés par une société parente, Activision Blizzard. Vingt-neuf serveurs dans le monde, dont douze aux États-Unis d’Amérique, sont dédiés à Call of Duty. Ces derniers sont situés dans les principales zones métropolitaines du pays (New York, Los Angeles, Chicago, San Francisco, Seattle, Atlanta, etc.), mais la communauté Call of Duty sait bien que les serveurs de Dallas, pour une raison quelconque, fournissent les meilleurs pings.

Pour l’internaute moyen, la latence ou le ping n’a généralement pas beaucoup d’incidence : seul un léger décalage est parfois constaté pendant un appel vidéo ou un stream. Mais pour un gameur ou une gameuse, chaque milliseconde de retard dans le mouvement ou la réaction de son personnage peut avoir un impact notable sur le jeu.

Dans Call of Duty, ces millisecondes permettent parfois de descendre un adversaire avant de se faire tirer dessus. Concernant les pros qui passe la plupart de leur temps à jouer à des wagers ou des tournois en ligne dans le but de remporter des milliers de dollars, ce léger avantage peut leur faire quitter leur chambre d’ado chez papa-maman pour un luxueux appartement à Frisco, avec un dressing rempli de fringues de créateurs.

Si Usain Bolt pouvait s’assurer un avantage de 30 millisecondes à chaque course en vivant tout bêtement à Frisco (Texas), il y a de fortes chances qu’il loue l’appartement d’à côté et qu’on y retrouve un bol de M&M’s sur le comptoir de la cuisine.

La sortie 14 de la Dallas North Tollway ne se distingue pas vraiment des treize sorties précédentes ni des vingt-cinq sorties suivantes. Mais après la Mattress Firm et Dick’s Sporting Goods, derrière le bureau de poste et juste devant Planet Fitness, au beau milieu d’une énième zone d’activités encore une fois parfaitement entretenue, une tour noire comme le jais, la Stone Tower, abrite ce

« Pendant des mois entiers, vous ne gagnez pas un sou. Et puis d’un coup, vous gagnez 10 000 ou 12 000 dollars… en un seul mois ! » Les yeux dans le jeu : Almond et Tommey, deux résidents de Fricso, affrontent Jukeyz et HisokaT42 au Mavs Gaming Hub de Dallas, à l’occasion d’un wager où 6 000 dollars sont en jeu. 72 THE RED BULLETIN

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qui pourrait bien être la mystérieuse essence de Frisco. Il s’agit de l’Inwood National Bank, mais le cadastre attribue l’adresse (13 760 Noel Road) au siège d’Activision Publishing Inc. à Dallas.

« Si j’étais du genre à parier, je dirais que c’est là que se trouvent les serveurs, révèle Alex Gill, spécialiste gaming chez Red Bull, qui a passé les quatre dernières années sur la scène esports de Frisco. Et s’ils ne sont pas là, ils se trouvent forcément dans un bâtiment privé à proximité. Nous savons qu’ils sont dans la région de Dallas, et tout le monde pense que c’est à Frisco. Je ne le tiens d’aucune source réelle. Activision Blizzard en a peut-être parlé à quelques personnes, ce qui a suffi à propager la rumeur. Mais c’est ce qui se dit dans le monde de l’esport. » Alex Gill explique que, quand il était petit, Dallas semblait

être un aimant à gameurs et gameuses. « À la fin des années 1990, les éditeurs des premiers jeux n’avaient pas de serveurs dédiés. Un joueur lançait une partie et l’exécutait sur son ordinateur en tant que serveur, ou bien les développeurs faisaient tourner une session – permettant le fonctionnement d’un serveur de jeu à la demande. Je me souviens que beaucoup de serveurs tournaient à Dallas, car c’est une ville centrale du pays. Puis, au début des années 2000, lorsque les jeux en ligne ont gagné en popularité, nous avons assisté à une véritable révolution. »

L’arrivée des players à Frisco a-t-elle amené les serveurs ici, ou les serveurs ont-ils amené les players ? Pour Alex Gill, cela reste un mystère. « C’est la question de l’œuf ou la poule. Il y avait déjà quelques équipes installées ici, comme Complexity Gaming créée en 2003 qui s’enorgueillit d’être la plus ancienne organisation d’esport encore en activité. L’équipe est d’ailleurs détenue par les Dallas Cowboys. Team Envy, qui est l’une des plus grandes équipes de Call of Duty, était là aussi. Et OpTic Gaming a figuré parmi les trois meilleures marques d’esport au niveau mondial pendant plusieurs années. J’ignore si les serveurs étaient déjà au Texas à l’époque, mais ils sont venus de Chicago jusqu’ici et ont créé un triumvirat rassemblant trois des plus importantes et anciennes organisations d’esport. Je n’ai aucun contact chez Activision Blizzard. Cependant, il me semble que c’est la raison pour laquelle ils ont voulu construire des serveurs à Dallas, mais aussi à Frisco. Je ne crois pas à une simple coïncidence. »

Puis, la pandémie mondiale survenue en 2020 a tout bouleversé. « Les serveurs ont pris plus d’importance, poursuit Alex Gill. Auparavant, Activision Blizzard organisait l’intégralité de ses événements à Columbus (Ohio). Toutes les équipes jouaient dans des conditions identiques sur un serveur local privé du site. Mais la COVID-19 a grippé la machine. Soudain, il a fallu organiser des matches de ligue pro à distance. Cela a réintégré le ping dans l’équation. » La première édition en ligne du championnat du monde Call of Duty League 2020 a été remportée par Dallas Empire.

« Il y a eu un peu de drama au début. Lorsque les équipes texanes gagnaient leurs parties, tout le monde disait : “C’est juste parce que les serveurs sont à Dallas. Vous n’êtes pas vraiment meilleurs que nous.” Puis une chose étrange s’est produite : toute

Frisco, temple du ping
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« La COVID-19 a grippé
machine… Soudain, il a fallu organiser des ligues pro à distance. »

une flopée d’équipes pro a déménagé à Frisco. Le siège de l’organisation restait à L.A., New York ou ailleurs, mais les joueurs emménageaient dans des appartements et des maisons à Frisco afin de raccourcir le ping. Je ne pense pas que cela ait vraiment changé la donne, mais à cette époque, les équipes ont peut-être admis l’importance du ping. Et c’est devenu la Mecque des joueurs et joueuses pro sur Call of Duty » L’Inwood National Bank n’a toujours pas livré ses secrets. C’est le week-end et les bureaux sont fermés. Le soleil brille, et la seule personne aux alentours est un type qui nettoie tranquillement sa voiture de l’autre côté de la rue.

Nous sommes samedi. En cette chaude aprèsmidi dans le quartier de Deep Ellum à Dallas, la jeunesse dorée de la ville se presse devant les bars, les restaurants et les salles de concert, tandis que les voitures et les motos circulent dans les rues, créant une bande son qui va de la country aux corridos mexicains en passant par la drill.

À un pâté de maisons de la rue principale, dans le calme d’un ancien espace industriel climatisé qui abrite aujourd’hui le Dallas Mavericks Gaming Hub, lieu chic dédié à l’esport et financé par la franchise NBA de la ville, Alex Gill et quelques collaborateurs travaillent en silence pour remplir tout ce vide et installer des ordinateurs, des moniteurs ainsi qu’un énorme écran de projection en vue du match Warzone qui se tiendra un peu plus tard dans la

journée. À cette occasion, quatre des meilleurs joueurs au monde s’affronteront en ligne dans des lobbies publics pour tenter de remporter 6 000 dollars. L’installation se conclut par quelques tests du jeu en ligne. L’ordinateur signale un ping théoriquement impossible de zéro milliseconde.

La star du jour est Jukeyz, un pro venu de Liverpool (Angleterre) et qui a déjà remporté plus de 200 000 dollars au cours de sa carrière grâce à Warzone. Il est l’un des deux seuls Européens à figurer sur la liste des dix joueurs ayant amassé le plus de gains. Dans la mesure où un océan entier les sépare des serveurs et affecte la vitesse des pings, les joueurs européens sont nettement désavantagés lorsqu’ils évoluent dans un jeu basé aux USA contre des joueurs résidant aux USA et sur des serveurs basés aux USA. Malgré ce handicap, la place de Jukeyz sur une telle liste confirme le talent du joueur et explique la raison de sa venue en Amérique du Nord, notamment à Dallas.

Alors qu’officiellement, il avait prévu de séjourner douze jours aux États-Unis afin de se rendre dans trois villes américaines, se bâtir son propre public et faire prospérer sa marque, il a pu bénéficier d’un meilleur ping pour ses parties quotidiennes et gagner plus d’argent. Le point d’orgue de son étape à Dallas a été un match contre deux des meilleurs joueurs mondiaux (qui forment le meilleur duo mondial), Almond et Tommey, résidant tous deux à Frisco.

Siège de campagne : la Stone Tower au nord de Dallas est la seule adresse connue d’Activision dans la région de Dallas, et abrite donc a priori les serveurs de Call of Duty de la ville.

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Autre transfuge du Minnesota fraîchement débarqué à Frisco, Almond est un véritable phénomène. À seulement 23 ans, il a, selon esportsearnings.com, gagné plus de 250 000 dollars grâce à Warzone pendant l’année 2021. Tommey, un Anglais de 29 ans qui a lui aussi emménagé à Frisco depuis peu, est aujourd’hui le joueur Warzone qui a remporté le plus de gains, avec un montant total supérieur à 400 000 dollars. Jukeyz fait équipe avec HisokaT42, un adolescent du sud de San Francisco (Californie)

qui jouait au football américain à l’université jusqu’à ce qu’il réalise qu’il pouvait gagner 50 000 dollars par an en jouant à Warzone. Son père, dont le physique tout aussi impressionnant et le dynamisme lui donnent des airs de grand frère, est venu soutenir son fils, étoile montante de l’esport, avec la même intensité que s’il était sur la ligne de touche de n’importe quel terrain de sport professionnel majeur.

Lorsqu’on le voit entrer dans le Mavs Gaming Hub pour le match, Tommey porte du Balenciaga,

Frisco, temple du ping
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Avec des gains estimés à 200 000 dollars grâce à Warzone, Jukeyz est l’un des deux seuls Européens à figurer sur la liste des dix joueurs ayant amassé le plus de gains.
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L’affrontement : (à gauche, du premier plan à l’arrière-plan) Tommey, Almond, Jukeyz et HisokaT42 jouent en deux contre deux. La victoire récompense la meilleure des cinq parties pour un wager de 6 000 dollars au Mavs Gaming Hub.

L’industrie des serveurs : (au-dessous) panneau d’Internet Boulevard à Frisco.

D’autres serveurs Activision existent ailleurs, mais pour les fans de Call of Duty, rien ne vaut Frisco.

tandis qu’Almond tient un sac Gucci. HisokaT42 a, quant à lui, choisi Burberry, tandis que Jukeyz enlève sa Rolex du poignet en s’asseyant sur son fauteuil gaming, puis prend une bouffée de son inhalateur contre l’asthme. Les quatre hommes sont prêts pour le match.

La victoire récompensera la meilleure des cinq parties. Almond et Tommey remportent rapidement les deux premières parties et prennent le contrôle du match, mais Jukeyz et HisokaT42 leur ravissent la troisième partie et restent dans la course. Pendant la quatrième partie, HisokaT42 atteint ce que les athlètes traditionnels appellent un état de flow.

Immobile sur son fauteuil, il fixe l’écran sans même cligner des yeux et semble totalement détaché du monde qui l’entoure. Mais à l’écran, la vitesse et l’agilité frénétique avec lesquelles son avatar se déplace sur la carte, ainsi que la fulgurance de ses réflexes et de ses réactions face à n’importe quelle cible ou menace potentielle, sont presque impossibles à suivre. « Certains s’interrogent vis-à-vis du réel impact du ping sur les résultats de ces matches,

observe Alex Gill. Cela a bien sûr des répercussions, par exemple en cas de grosse latence. Mais au-delà d’un certain seuil, cela n’influe pas forcément sur les performances. Si un joueur a un ping de 30 et que son adversaire a un ping de 10, cela représente un avantage de 20 millisecondes. Or, il ne faut pas oublier un autre facteur du jeu : le temps de réponse physique humain. Certains joueurs ont un temps de réaction imbattable, mais d’autres joueurs d’exception peuvent avoir un temps de réaction inférieur au mien. Cependant, ils sont meilleurs, car ils sont réellement capables de prédire l’avenir : on dirait qu’ils entrent dans la tête de leurs adversaires. »

Dans un jeu rapide et instinctif tel que Warzone, le préshot est une stratégie plébiscitée par les meilleurs joueurs. « Vous tentez de deviner où se trouve votre adversaire, et vous lui tirez dessus avant même de le voir, explique Alex Gill. Les joueurs qui accèdent à cet état de flow finissent toujours par gagner. C’est inéluctable. Cela étant dit, vous conservez un avantage de 20 à 50 millisecondes. Je ne m’en rendrais peut-être pas compte, mais eux oui. »

HisokaT42 enchaîne 35 kills et égalise, ce qui vaut à son père d’exploser de joie dans la salle. Bien que son duo perde la cinquième partie, et par conséquent le wager de 6 000 dollars, tout le monde parle de la performance des deux joueurs après le match, démontrant ainsi l’attrait mystique des joueurs de Warzone pour Dallas. L’élimination de chaque milliseconde offre des moments où il n’y a plus aucune distance entre le joueur et le jeu. Chaque impulsion mentale se traduit alors directement en action virtuelle.

Pour les fans de Call of Duty, d’autres lieux dans le monde permettent de profiter pleinement des serveurs Activision ou de l’Internet haute vitesse. Mais Frisco reste inégalable. Que vous habitiez une suite immaculée et climatisée ou que vous soyez un geek solitaire qui loge dans une espèce de cagibi, le ping reste le même. Et même si on pouvait mettre le nez dans ces serveurs bénits des dieux, on ne pourrait pas éclaircir le mystère en observant simplement quelques appareils présents dans le bâtiment de l’Inwood National Bank. C’est encore plus évident chez ces jeunes de 25 ans originaires de Chicago, qui désertent leur foyer pour passer tout leur temps dans des appartements de banlieue faiblement éclairés, chez ces jeunes de 23 ans originaires du Minnesota et dont les placards regorgent de Gucci et de Balenciaga, et chez cet habitant de Liverpool qui a traversé l’Atlantique pour faire équipe avec un jeune de 19 ans résidant dans le sud de San Francisco, juste pour se faire une dose de jeu pur et dur.

Alors que leurs comparses vont boire un verre et dîner, Jukeyz et HisokaT42 restent rivés à leurs écrans jusque tard dans la nuit, savourant leurs derniers instants sur l’Internet de Dallas, avec l’espoir de regagner l’argent des wagers. Ils finissent par retrouver leurs amis dans l’espace VIP d’une boîte de nuit afin de profiter du champagne.

Frisco, temple du ping
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PERSPECTIVES

Expériences et équipements pour une vie améliorée

BIENVENUE SUR MON TERRITOIRE

Traversée du désert de Rub al-Khali avec Cyril Despres, le roi des rallyes : un voyage off-road.

79 MARTHA GATTRINGER

Légende de rallyes-raids, Cyril Despres, 48 ans, nous présente Destination Red Bull : un voyage dans le désert avec pauses panoramiques sur la crête des dunes.

Même si je connais le désert comme ma poche, je ne m’habituerai jamais tout à fait à cette impression de pouvoir capturer toute l’immensité de notre planète. Cela n’existe nulle part ailleurs sinon peut-être au beau milieu de l’océan. Cette émotion durera toute la vie car dans le cas présent, ressentir signifie aussi expérimenter, dans le plus pur sens du terme. Grâce à Destination Red Bull, nous traverserons le Rub al-Khali, plus grand désert du monde avec 650 000 km² de sable. Il couvre l’Arabie saoudite mais aussi le Yémen, Oman, le Qatar et enfin les Émirats arabes unis, où je ferai découvrir à mes hôtes toute la fascination du désert à bord de plusieurs véhicules différents.

Le ciel et cinq étoiles

En mode copilote, les participants et participantes seront à mes côtés dans une Rallye Raid Car adaptée à la course. Nous filerons à travers la région de l’oasis de Liwa qui s’étend sur une centaine de kilomètres. Aventure fébrile dans les dunes, ce voyage revêt également des allures de Contes des 1001 nuits avec cette soirée magique que nous passerons dans une tente de Bédouins des plus luxueuses proposée par l’hôtel cinq étoiles Qasr Al Sarab. Qui plus est, mon groupe aura lui-même l’occasion de tester ses limites au volant d’un puissant buggy Polaris 1000cc Turbo. Je fournirai évidemment toutes les explications

Le soleil, le sable et l’infini : à l’assaut des dunes en buggy Polaris 1000cc Turbo.

nécessaires, que ce soit pour choisir le meilleur point de freinage, maintenir le véhicule sur sa trajectoire sans perdre de vitesse ou encore garder le contrôle sur les pentes gentiment périlleuses.

La Polaris est ce que l’on appelle dans le monde du rallye un « side-by-side ». Plus petite catégorie du Rallye Dakar, c’est probablement celle qui procure le plus de sensations fortes. On l’appelle ainsi parce que conducteur et passager sont assis tout près l’un de l’autre, épaule contre épaule. Mais ses roues larges, sa généreuse suspension, sa parfaite adhérence et surtout son

poids très léger permettent à ce véhicule de s’envoler littéralement sur les pointes des dunes là où beaucoup d’autres véhicules arrivent péniblement à se frayer un chemin. Et comme il n’y pas de vitres, on a droit à une expérience encore plus directe… et sans filtre ! Un side-by-side, c’est presque comme une moto quatre roues.

Mon taxi du Dakar

Cerise sur le gâteau : un petit tour de taxi en ma compagnie dans une voiture customisée pour le Rallye Dakar. C’est une expérience qu’il faut avoir vécue

PERSPECTIVES voyage
«
Une fois que tu l’as vécue, cette sensation d’immensité ne te quitte plus. »
80 THE RED BULLETIN MARTHA GATTRINGER

Sur le sable : Cyril Despres (milieu) et ses invités (à gauche, Andrea Schlager, présentatrice TV) discutent de leur itinéraire à travers le Rub al-Khali.

Émirats arabes unis

Arrivée

En route pour le désert ! Entre deux tours de piste à grande vitesse dans une Rally Raid Car de course et un buggy maniable, repos bien mérité dans un somptueux hôtel cinq étoiles, le Qasr Al Sarab.

En avion : arrivée individuelle à l’hôtel de luxe cinq étoiles Qasr Al Sarab, dans l’oasis de Liwa. Prise de contact et dîner commun avec vue à couper le souffle sur le désert et son magnifique coucher de soleil.

Le guide

Né en 1974, Cyril Despres est une véritable légende dans le sport mécanique. Ce Français a remporté cinq fois le Rallye Dakar et compte également plusieurs victoires sur d’autres rallyes-marathons, ainsi que deux éditions du Red Bull Erzbergrodeo.

Cyril Despres vous expliquera plusieurs choses : comment tirer le maximum du buggy Polaris, choisir le bon point de freinage, maintenir le véhicule sur sa trajectoire même à grande vitesse, et comment garder le contrôle même en position inclinée.

Infos : destination.redbull.com

Petit-déjeuner sous les palmiers avec Cyril Despres (en haut) et soirée de rêve à l’hôtel Qasr Al Sarab : la fatigue de la journée s’efface bien vite dans ce décor dédié au bien-être. Dubaï Jereirah Abu Dhabi
THE RED BULLETIN 81

au moins une fois dans sa vie. Entre le passage de vitesses en terrain accidenté, les techniques en côte et en descente, le boucan dans l’habitacle malgré le casque et le micro, sans oublier la dextérité avec laquelle on peut manœuvrer cet énorme engin dans le désert : c’est vraiment quelque chose de très impressionnant. Et mes passagers et passagères auront encore quelques occasions de se réjouir : attendez que je fasse un bon gros freinage bien sec pour la première fois !

La suspension est telle que l’espace d’un instant, vous aurez les yeux en face du toit au lieu du pare-brise. Pour pouvoir profiter de tout ça, il faut justement disposer d’un terrain de jeu où l’on peut pousser le véhicule à ses limites. Ah, désert, quand tu nous tiens…

La magie de la mer

Et puis vient ce moment vraiment unique, quand je m’arrête sur la crête de la plus haute dune : j’enlève mes lunettes, coupe le moteur et me contente de regarder, tout simplement. Je m’imprègne du désert. Une mer

voyage

Cyril

de sable, à peine quelques traces à part les nôtres. La magie du désert ! J’ai vécu cela pour la première fois en pleine compétition lors de mon premier rallye dans les dunes. Et j’en suis tombé amoureux instantanément.

Mon amour pour le sable a commencé en plein Paris : j’avais tout juste vingt ans et je travaillais comme mécanicien de motos. J’avais peu d’argent, un minuscule appartement et passais donc presque tout mon temps dans l’atelier. On était les seuls dans toute la région parisienne à construire des motos de rallyes, ce qui attirait toute une foule de motards baroudeurs qui racontaient leurs histoires de désert et de pays étrangers. À force d’écouter leurs légendes, j’ai décidé d’écrire la mienne, et j’ai remporté le Rallye Dakar à cinq reprises. Plutôt pas mal comme préparation pour notre voyage à travers le Rub al-Khali, non ?

Ce voyage du 4 au 8 mars 2023 est proposé par Destination Red Bull. Réservez dès maintenant sur : destination.redbull.com

PERSPECTIVES
Cyril Despres en pleine action. Sensations de conduite uniques garanties dans les dunes.
« Une mer de sable, aucune trace ou presque. On vit la magie du désert. »
Despres, expert du désert, à propos de ses expériences inoubliables.
82 THE RED BULLETIN MARTHA GATTRINGER, NAIM CHIDIAC/RED BULL CONTENT POOL

PERSPECTIVES gaming

Dans les traces du pro

Comment gagner au nouveau jeu Dakar Desert Rally, par un champion du vrai rallye.

Dans le jeu Dakar Desert Rally, plus de 150 voitures, motos, camions, quads et SSV (pensez dune buggies) peuvent être pilotés sur 130 parcours.

En réalité, le « Dakar » a été lancé en 1979. Cette course continentale contre la montre se déroule sur un parcours essentiellement tout-terrain le long duquel les pilotes doivent couvrir des centaines de kilomètres chaque jour. Initialement disputée entre Paris et la capitale sénégalaise, Dakar, elle se déroule en Arabie saoudite depuis 2020.

« Vous devez parcourir 10 000 kilomètres pour gagner et vous pouvez tout perdre en cinq mètres », explique Sam Sunderland, double vainqueur du Rallye Dakar et champion moto en titre. Ce Britannique de 33 ans, qui incarne un personnage jouable dans le jeu, a connu les hauts et les bas du Dakar, terminant quatre fois

sur le podium mais se brisant cinq vertèbres et une omoplate lors de son dernier DNF (pour did not finish, qui n’a pas terminé) en 2020.

Retour au jeu, qui dispose d’un mode Sport, type arcade, sympa, semblable à celui de Mad Max, mais la simulation, c’est du sérieux. Chaque dune et chaque rivière traversées au cours des trois derniers rallyes ont été reconstituées de manière scientifique, tandis que les joueuses et les joueurs naviguent à l’aide d’un road

book qui indique les étapes à suivre, avec des symboles hiéroglyphiques et des points de repère. Mais Sam Sunderland est là pour décoder plus que ces symboles : « Il vaut mieux être prudent que de foncer en aveugle. Je l’ai appris à la dure. »

Adaptez-vous

Vous rencontrerez diverses conditions, alors ne vous inquiétez pas de la configuration du véhicule. « L’étape la plus longue (il y en a une par jour, sur 14 jours, ndlr) que nous avons faite était de 1 200 km. Un peu comme si on planifiait les conditions de conduite à Londres et en Écosse en même temps, explique Sunderland. En fait, vous traversez tellement de types de terrains – rivières, dunes, montagnes – que vous serez constamment en train de vous ajuster. »

Jouez sur vos forces

« La plupart des coureuses et coureurs passent un mauvais moment dans les dunes. Imaginez faire du vélo dans du sable. » Vivre à Dubaï pendant dix ans l’a aidé à affiner son approche. « Recherchez la route la plus plate et la plus lisse et gardez vos roues au sol. N’essayez pas de franchir des obstacles si vous ne pouvez pas voir l’autre côté. » Mais même les pros du Dakar ont leurs faiblesses : « Je n’aime pas rouler dans des lits de rivière caillouteux imprévisibles. » Dans ce cas, il préconise la patience.

Suivez le code

Il est essentiel de réviser les symboles du road book en mode simulation. Se tromper de direction ajoute du temps à votre total, mais cela peut aussi avoir de graves conséquences dans le monde réel. « En 2014, je me suis retrouvé sur une piste qui ressemblait vraiment à la description. J’ai fini par tomber en panne d’eau et j’étais complètement déshydraté. J’ai commencé à avoir des hallucinations et à frissonner – et il faisait 42 °C. » Sunderland a finalement terminé l’étape, mais il a perdu une heure et demie, et sa chance de remporter le titre.

Gardez le rythme

Terminer une étape à la première place n’est pas le tout au Dakar. Les gagnantes et gagnants d’étape partent en premier le lendemain et s’engagent sur le parcours sans les traces des autres pilotes comme points de référence. « C’est un dilemme : vous ne voulez pas remporter une étape, mais vous devez le faire pour gagner la course », explique Sunderland. Essayer de finir deuxième n’est pas non plus une option. « Le plus petit écart peut avoir des conséquences énormes sur le temps. Il faut tout donner. » Dakar Desert Rally sur PC, PlayStation et Xbox ; dakarthegame.com

COURSE
84 THE RED BULLETIN DPPI/RED BULL CONTENT POOL CHARLIE ALLENBY
Un as : Sam Sunderland, champion du Dakar.

HORS DU COMMUN

Retrouvez votre prochain numéro en février en abonnement avec et avec , dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.

AARON BLATT / RED BULL CONTENT POOL

Piste ouverte

Un équipement de pointe pour votre prochaine aventure alpine.

Photos TIM KENT
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PERSPECTIVES équipement de ski

Page opposée : bonnet STANCE OG Pom, stance.eu.com; masque de ski MESSYWEEKEND Achton XE2, messyweekend.com; veste OOSC Overhead, oosc-clothing.com

Page opposée : bonnet STANCE OG Pom, stance.eu.com; masque de ski MESSYWEEKEND Achton XE2, messyweekend.com; veste OOSC Overhead, oosc-clothing.com; Cette page : bonnet BLACK DIAMOND Double Waffle, blackdiamondequipment.com; masque de ski DRAGON ALLIANCE RVX MAG OTG Snow, dragonalliance.com; veste et pantalon PICTURE ORGANIC CLOTHING Sylva 3L, picture-organic-clothing.com; mouffles 686 Linear, 686.com; après-ski DEELUXE ID Lara, deeluxe.com; snowboard CAPITA The Equalizer by Jess Kimura, capitasnowboarding.com

Cette page : bonnet BLACK DIAMOND Double Waffle, blackdiamondequipment.com; masque de ski DRAGON ALLIANCE RVX MAG OTG Snow, dragonalliance.com; veste et pantalon PICTURE ORGANIC CLOTHING Sylva 3L, picture-organic-clothing.com; mouffles 686 Linear, 686.com; après-ski DEELUXE ID Lara, deeluxe.com; snowboard CAPITA The Equalizer by Jess Kimura, capitasnowboarding.com

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PERSPECTIVES équipement de ski

88 THE RED BULLETIN
Casque POC Obex MIPS, pocsports.com; masque de ski DRAGON ALLIANCE PXV Snow, dragonalliance.com; veste de ski et pantalon de snowboard PROTEST Prtlostan, protest.eu; mouffles 686 Linear Under Cuff, 686.com; skis K2 Dispatch 101, k2snow.com

Casque avec visière intégrale POC Levator MIPS, pocsports.com; veste shell HELLY HANSEN Odin 9 Worlds 2.0, hellyhansen.com; sac à dos STUBBLE & CO Roll Top Mini, stubbleandco.com

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De gauche à droite : snowboard CAPITA Kazu Kokubo, capitasnowboarding.com; snowboard SLASH BY GIGI Brainstorm, slashsnow.com; snowboard NIDECKER Beta, nidecker.com

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PERSPECTIVES équipement de ski

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Masque de ski DRAGON ALLIANCE NFX 2 Forest Bailey Signature, dragonalliance.com; bonnet ROXY Hedda, veste imperméable Neeva et pantalon de ski Chloe Kim, roxy.fr; mouffles 686 Linear, 686.com; bottes de snowboard NITRO SNOWBOARDS Monarch TLS nitrosnowboards.com

PERSPECTIVES équipement de ski

Masque de ski 100 % Snowcraft XL , 100percent.com; veste Tanto et pantalon Katana THRUDARK Ronin, thrudark.com; sac à dos GROUNDTRUTH RIKR 24 L, groundtruth.global; MILO The Action Communicator, okmilo.com; mouffles 686 Linear Under Cuff, 686.com; chaussures de ski K2 Recon 120, k2snow.com; skis SIMPLY Recreation, simplyrc.co

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Depuis le haut : chaussures de ski SALOMON S/Pro Alpha, salomon.com; bottes de snowboard DEELUXE ID Lara, deeluxe.com; bottes THIRTYTWO Bandito X Christenson, eu.thirtytwo.com; chaussures de ski K2 Mindbender 120 s, k2snow.com

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Du haut : masque de snowboard 100 % Snowcraft Cement/HiPER® (avec un écran supplémentaire), 100percent.com; masque POC Nexal Clarity, pocsports.com; masque SMITH OPTICS Squad MAG (+ écran supplémentaire), smithoptics.com; masque DRAGON ALLIANCE RVX Mag OTG (+ écran supplémentaire), fr.dragonalliance.com; masque MESSYWEEKEND Achton XEP, messyweekend.com

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PERSPECTIVES équipement de ski

Bonnet ROXY Nevea, roxy.fr; masque de ski POC Fovea Clarity, pocsports.com; veste 66°NORTH Hornstrandir, 66north.com; mouffles 686 Linear, 686.com; pantalon MARMOT Orion, marmot.eu; chaussures de ski SALOMON S/Pro Alpha, salomon.com; skis K2 Mindbender 89Ti, k2snow.com; bâtons de ski SCOTT SPORTS Pro Taper SRS, scott-sports.com Mannequins : GEORGIA DAVIS et VINCENT @ SELECT MODEL . Coiffure et maquillage : LINDA BURNS

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Gestion commerciale Co-édition Alexandra Ita Rédaction Co-édition Raffael Fritz (dir.), Gundi Bittermann, Michael Hufnagl, Alexander Klein, Irene Olorode, Mariella Reithoffer, Wolfgang Wieser

Directeur exécutif de la création Markus Kietreiber

Gestion de projet création Elisabeth Kopanz

Direction artistique Co-édition Peter Knehtl (dir.), Luana Baumann-Fonseca, Silvia Druml-Shams, Erwin Edtmayer, Simone Fischer, Andreea Gschwandtner, Lisa Jeschko, Araksya Manukjan, Carina Schaittenberger, Julia Schinzel, Florian Solly, Sophie Weidinger, Stephan Zenz

Direct to Consumer Business Peter Schiffer (dir.), Marija Althajm, Victoria Schwärzler, Yoldaş Yarar

Manager Vente et projets spécifiques Klaus Pleninger Service de publicité

Manuela Brandstätter, Monika Spitaler

Fabrication & Production Veronika Felder (dir.), Martin Brandhofer, Walter O. Sádaba, Sabine Wessig

Lithographie Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailović, Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher

Finances Mariia Gerutska (dir.), Elisabeth Maier

MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler

IT Service Maximilian Auerbach

Opérations Alice Gafitanu, Melanie Grasserbauer, Alexander Peham, Thomas Platzer, Raphaela Pucher

Gestion de projet Dominik Debriacher

Assistante du Management général Sandra Artacker

Directeurs généraux Andreas Kornhofer, Stefan Ebner

Adresse Am Grünen Prater 3, 1020 Vienne, Autriche

Téléphone +43 1 90221 - 0 Web redbulletin.com

THE RED BULLETIN

Allemagne, ISSN 2079-4258

Country Editor Maximilian Reich Révision

Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Lisa Masten

Publicité Thomas Hutterer (dir.), Michael Baidinger, Maggie Childs, Franz Fellner, Ines Gruber, Moritz Philipp Haaf, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Yvonne Mensik, Alfred Vrej Minassian, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Johannes Wahrmann-Schär, Ellen Wittmann-Sochor, Nicole Umsait, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

THE RED BULLETIN

Autriche, ISSN 1995-8838

Country Editor

Nina Kaltenböck

Révision

Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek

Publishing Management

Bernhard Schmied

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. SO PRESS n’est pas responsable des textes, photos, illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs et autrices.

Propriétaire, éditeur et rédaction Médias

Red Bull Media House GmbH, Oberst-LepperdingerStraße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700

Directeurs généraux

Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

Publicité Thomas Hutterer (dir.), Michael Baidinger, Maggie Childs, Franz Fellner, Ines Gruber, Moritz Philipp Haaf, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Yvonne Mensik, Alfred Vrej Minassian, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Johannes Wahrmann-Schär, Ellen Wittmann-Sochor, Nicole Umsait, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X

Country Editor Peter Flax Rédactrice adjointe Nora O’Donnell Révision Catherine Auer, David Caplan Publishing Management Branden Peters

Publicité Marissa Bobkowski, marissa.bobkowski@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com

96 THE RED BULLETIN
©
Éditeur / Benjamin Benéteau 2022
Graton
FINALE DU CHAMPIONNAT DE FRANCE DES SABLES • 1ÈRE ÉPREUVE DE LA COUPE DU MONDE

Gary est magique

Nous l’inscrivions en couverture de notre numéro de juin, en amont de l’édition française de la compétition de plongeon de haut vol Red Bull Cliff Diving, à Paris, et nous remettons ça ! Car oui, Gary Hunt, le plongeur le plus titré de la compétition, est magique : par sa philosophie, son approche de la performance, et son style.

L’Anglais naturalisé français a remporté à Sydney, Australie, son dixième titre de champion du Red Bull Cliff Diving World Series. Appréciez ce plongeon qui lui a permis d’achever la saison 2022 au-dessus du lot.

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 16 février 2023.

Pour finir en beauté
98 THE RED BULLETIN ROMINA AMATO/RED BULL CONTENT POOL

*Bonus de précommande se présentant sous la forme d’un code de téléchargement utilisable auprès des revendeurs agréés. Un compte PlayStation™Network et une connexion Internet sont nécessaires pour utiliser ce code. Débloque des éléments en jeu au cours de la progression de l’histoire. © 2022 Sony Interactive Entertainment LLC. God of War est une marque déposée de Sony Interactive Entertainment LLC et des entreprises affiliées situées aux États-Unis et dans d’autres pays. « PlayStation Family Mark », « PlayStation », le « logo PlayStation Studios », « PS4 », et « PS5 » sont des marques commerciales et des marques déposées de Sony Interactive Entertainment Inc.

Elegance is an attitude

LONGINES ULTRA-CHRON
Clément Noël

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