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LE PRÉSIDENT
Comment Kamel le mec normal est devenu KAMETO, un boss de l’esport
LE MONDE DE DEMAIN
Il se construira assurément avec une dose massive de digital et ses acteurs majeurs comme Kameto et Tweekz, invités de ce numéro. Ces deux talents se sont imposés ces dernières années en piliers de l’industrie du divertissement numéro 1 : l’esport. En tant que streameur et patron de la KCorp pour Kamel, et « caster » vedette dans le cas de Kevin. Les jeunes (et pas que) générations se passionnent pour le gaming de compétition et nos deux talents s’activent avec détermination et bonne humeur pour les régaler. Le monde de demain, c’est eux, entre autres.
Et ce sont aussi des femmes qui font bouger les montagnes, comme l’alpiniste et coach sportive Nelly Attar, qui a fait basculer bien des mentalités en Arabie saoudite. Que dire des Nova Twins et leur nouveau rock, fusion de toutes les fusions, qui ne sert pas qu’à faire bouger les têtes, mais aussi à les faire cogiter. Côté sports mécaniques, le rallye du futur est déjà entre les mains de Kalle Rovanperä, plus jeune champion du monde WRC de l’histoire à seulement 22 ans.
Le monde bouge et, que vous suiviez ou non le mouvement, au moins, vous connaîtrez celles et ceux qui s’en chargent.
Bonne lecture !
Votre Rédaction
CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS
SAM RILEY
« Shooter une star de l’esport était une première pour moi, j’ai adoré ça, raconte le photographe de sport et de pub anglais en charge de notre cover dédiée au boss de la KCorp. Kameto s’est montré très sympa, détendu. Il était tout à fait dispo pour le shooting… Épatant, si l’on considère qu’il débarquait d’un vol de douze heures ! » Page 30
COLLECTOR
Kameto lors de notre shooting, avec son Red Bulletin de septembre 2022 dédié à Saken, l’un des joueurs stars de sa structure, la KCorp. Il nous raconte comment sa passion l’a propulsé parmi les décideurs de l’industrie de l’esport.
CHLOÉ RAMDANI
Photographe et vidéaste, la Française Chloé Ramdani est proche de la plupart des stars de la scène esport hexagonale. « Ce fut un plaisir de prendre des photos de Tweekz dans les studios d’OTP pendant le casting de LEC, explique Chloé. Il passe par toutes les émotions et expressions pendant le casting, c’est vraiment passionnant de prendre des photos de lui dans cet environnement. » Page 62
Magique
Air, eau, feu et terre sont à l’honneur de notre galerie, ouverte par le parapentiste Michael Lacher et le photographe Adi Geisegger. Magie athlétique pour Lacher au-dessus du Nebelhorn, à 2 224 mètres ; celle de Geisegger utilise de puissantes lampes de poche, une longue exposition et 320 LED sur l’arrière du cerf-volant. Ils accèdent à la demi-finale de la catégorie Masterpiece by SanDisk Professional du concours photo Red Bull Illume. adigeisegger.com ; redbullillume.com
ÎLES MENTAWAI, INDONÉSIE
Poséidon
Bienvenue sur les vagues des îles Mentawai, un archipel situé à 150 km des côtes de Sumatra et qui est un haut lieu du surf depuis la fin des années 80. En mai dernier, Red Bull a emmené neuf surfeurs et surfeuses de haut niveau, dont la championne olympique Caroline Marks et le Californien de 20 ans Dimitri Poulos (photo), pour un voyage de 19 jours. Pour voir toute l’action, regardez le premier épisode de la deuxième saison de People Watching sur Red Bull TV. redbull.com
Corde à brûler
Cordiste hors pair, le maître du saut à la corde Timothy Ho Chu-Ting a des idées du genre lumineux. En mai 2022, le recordman originaire de Hong Kong, qui a été le premier à réaliser 500 sauts en trois minutes en 2012, a donc décidé de mettre le feu au monde, en commençant par sa corde et lui-même. La vidéo de son Fire Dragon (dispo sur la chaîne YouTube Glxbal Labz) montre comment le jeune homme de 27 ans a procédé. N’essayez évidemment pas ça chez vous. redbull.com
NORTH VANCOUVER, CANADA
Dark side
Entrez dans le « nouvel âge sombre » : The New Dark Age. C’est le nom que Dave Smith, photographe de North Vancouver, a donné à son projet photographique en 2022, une méditation sur la nature du changement, la beauté sombre de la forêt et le dévouement profond de celles et ceux qui parcourent ses sentiers. Il était accompagné par une brochette de talents locaux du VTT, dont Jono Lo, Bella Roeleveld et Nigel Quarless, artiste conceptuel de métier. Ce cliché de Quarless a remporté une place en demifinale dans la catégorie Playground by WhiteWall du concours Red Bull Illume. Instagram : @dasmith ; redbullillume.com
SYMBIOTIC ARCHITECTURE
L’arbre à vivre
Selon le créateur de cette maison surréaliste, un jour, nous pourrons vivre dans des bâtiments qui poussent et respirent comme des plantes.
À l’avenir, la population mondiale vivra-t-elle à l’intérieur des arbres ? C’est la question que pose Manas Bhatia, architecte et concepteur informatique indien, avec son projet d’IA Symbiotic Architecture, qui dépeint une série d’immeubles d’habitation « vivants » ayant l’apparence de séquoias géants évidés. Délaisser la brique et le béton pour vivre dans des structures qui respirent et qui poussent, voici le défi que Bhatia a lancé aux architectes.
Symbiotic Architecture a été créé à l’aide du programme d’intelligence artificielle (IA) Midjourney, qui convertit des messages écrits en modèles architecturaux oniriques. Inspiré par Hyperion – le plus grand arbre vivant connu au monde, qui se dresse dans le parc national Redwood en Californie – Bhatia imagine
comment les humains pourraient subsister au sein de structures naturelles aussi grandes. « J’ai toujours été fasciné par la façon dont les petites créatures créent leurs habitations, dit-il. Les fourmis font les leurs avec des réseaux complexes dans le sol. Imaginez si nous pouvions créer des bâtiments qui poussent
et respirent comme des plantes. » L’inspiration lui est venue de l’environnement, mais aussi et surtout de la sagesse des anciens systèmes d’architecture. « Les peuples de l’Antiquité construisaient des bâtiments très proches de la nature. Les types de matériaux qu’ils utilisaient étaient tous d’origine locale.
Aujourd’hui, on voit des gratte-ciel qui ne sont que des bâtiments en verre, ou construits principalement en béton. J’ai réalisé Symbiotic Architecture pour offrir une vision alternative, tournée vers l’environnement. » Ces images n’existent que dans un rendu d’IA, mais la philosophie de retour à la nature de Bhatia est reprise par des architectes avant-gardistes du monde entier. Sur l’île danoise de Læsø, les maisons sont revêtues d’algues : c’est le renouveau d’une tradition séculaire. En Angleterre, on a créé une brique de maison qui sert de nid aux abeilles. Et l’Italie abrite la Sunflower House, un bâtiment réactif qui se tourne vers le soleil pour une efficacité maximale en matière d’énergie solaire.
« Il y a énormément de recherches en cours », explique Manas Bhatia, basé à New Delhi, en Inde. Des matériaux tels que le mycélium (fibres fongiques) et les déchets agricoles commencent à être utilisés. « Nous n’essayons pas de réaliser le design exact que l’IA nous a donné, mais d’encourager les systèmes qui pourraient réaliser sa vision un jour. »
À l’heure de la crise environnementale, une pensée hors des sentiers battus comme celle-ci est vitale.
« Le secteur de la construction contribue à lui seul à une grande partie du réchauffement climatique, déclare Bhatia. Il est du devoir d’un architecte de concevoir des bâtiments durables, dans le respect de la planète. »
Insta : @manasbhatiadesign
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SOLUTIONS COSMIQUES
Envoyé spatial
L’astronaute allemand Matthias Maurer réalise dans l’espace des expériences destinées à faire avancer la recherche médicale sur Terre.
Depuis tant de décennies où les humains tentent désespérément de trouver des remèdes aux maladies mortelles, faut-il espérer que ça nous tombe un jour du ciel ? « Oui ! », nous répond Matthias Maurer, 53 ans, qui voyage dans l’espace pour le compte de l’Agence spatiale européenne. Pour lui, la recherche spatiale n’est pas un luxe de milliardaires en mal de destinations insolites : c’est un des moyens les plus efficaces de booster et de tester les avancées scientifiques, notamment dans le domaine médical.
Sa dernière mission, pour laquelle il succédait à Thomas Pesquet, l’a envoyé à bord de la Station spatiale internationale pour une durée de six mois. Baptisée Cosmic Kiss,
Ingénieur et docteur en sciences des matériaux, Matthias Maurer travaille depuis 2010 au sein de l’Agence spatiale européenne (ESA).cette mission avait pour objectif de réaliser une centaine d’expériences dans les domaines les plus variés – recherche fondamentale, physique, biologie, médecine et observation terrestre.
Matthias Maurer est particulièrement fier de certaines avancées qui ont été testées pendant sa mission. L’expérience Touching Surfaces a ainsi permis de « mettre au point des surfaces totalement anti-microbiennes, en traitant au laser des matériaux tels que l’acier, le cuivre ou le laiton. Après le traitement, ces surfaces détruisent tous les microbes, les virus et les bactéries qui entrent en contact avec elles ». Une découverte de la recherche spatiale qui pourrait trouver de nom-
breuses applications sur Terre, dans le domaine médical.
Prothèse cosmique
De tels matériaux peuvent dès aujourd’hui être utilisés pour les stimulateurs cardiaques et les stents (endoprothèses vasculaires). Un progrès qui sauverait potentiellement des millions de vies, quand on sait que les implants actuels occasionnent, auprès de la moitié des patient·e·s, des infections qui peuvent s’avérer dangereuses, voire même mortelles.
Retombées du ciel
Ce n’est pas tout : selon Matthias Maurer, le traitement au laser testé au sein de l’ISS a également montré que « la résistance thermique surfacique diminue de 80 % par
rapport à celle d’autres alliages. » Un avantage qui pourrait servir à booster la performance des panneaux solaires « d’environ 30 %, ce qui permettrait d’apporter une solution concrète aux défis énergétiques que l’on rencontre sur Terre » .
Labo sur orbite
Une autre expérience réalisée par l’astronaute allemand et son équipe lui tient particulièrement à cœur : baptisée Lab-on-a-Chip, elle consiste à « mettre en culture des petites cellules cancéreuses et à tester différents fluides ou médicaments sur elles. De telles manipulations réalisées en milieu spatial permettent, grâce à la visualisation 3D, de voir instantanément
comment la tumeur réagit. Les expériences réalisées sur Terre dans des conditions classiques en laboratoire ne sont pas toujours fiables. Ces expériences en milieu spatial sont forcément bénéfiques à la recherche sur le cancer ».
À terme, on imagine aussi qu’elles pourraient mettre fin à l’expérimentation animale. Devant de tels espoirs, il ne semble pas étonnant que notre astronaute ait voulu baptiser sa mission Cosmic Kiss (trad. le baiser cosmique) : « C’est une déclaration d’amour au cosmos, mais aussi à l’ISS, que je considère comme le lien qui unit l’humanité au cosmos, ainsi qu’à toutes les découvertes, passées et à venir, que l’ISS engendre. » esa.int
« Nous avons testé un petit muscle cardiaque en milieu spatial : il s’est mis à fonctionner pour de vrai –c’est de la science-fiction ! »
Groove Nation
L’animateur et DJ anglais revisite quatre des meilleurs moments du brit funk.
Gilles Peterson est une sorte de conservateur musical – en tant que DJ, diffuseur et propriétaire de label – depuis 1979, année où, à l’âge de 15 ans, il dirigeait une station de radio pirate depuis sa cabane dans le sud de Londres. Sur l’album STR4TASFEAR, son projet commun avec JeanPaul « Bluey » Maunick, Peterson rend hommage au brit funk, mélange de jazz, de funk et de disco des années 70 et 80. « Je voulais célébrer cette époque révolutionnaire. Les parallèles avec le paysage politique de l’époque sont poignants, et les changements que nous vivons se reflètent dans ce disque. » Voici ses quatre coups de cœur du genre. gillespetersonworldwide.com
Level 42
Eyes Waterfalling (1982)
« Il y avait une soirée brit funk au club The Venue (aujourd’hui disparu, ndlr) juste en face de la gare de Victoria tous les vendredis soir, et comme j’habitais à Sutton (à 35 minutes en train de Londres, ndlr), je pouvais me rendre à Victoria vers sept heures. Le premier groupe que j’y ai vu jouer était Level 42. J’étais complètement obsédé par eux. À l’âge de 17 ans, je les avais déjà vus probablement une vingtaine de fois. »
Cymande
Bra (1972)
« Je me souviens l’avoir entendu pour la première fois lorsque mes goûts musicaux devinrent plus sophistiqués et que je me suis défait de Level 42. Je n’avais pas réalisé que Cymande avait précédé la plupart des groupes que j’aimais. Ils étaient une fondation pour le brit funk, mais aussi pour d’autres styles. Il faut des gens qui cassent les codes pour qu’un mouvement se produise, et ils étaient de ceuxlà. »
TW Funkmasters
Love Money (1980)
« Cette chanson est devenue un classique dans les clubs de New York. Le “TW” dans le nom de l’artiste représente Tony Williams, qui était un DJ sur BBC Radio London, où j’ai été DJ après avoir fait de la radio pirate. Cependant, je n’avais pas réalisé qu’il faisait l’émission de reggae quand j’étais là pour l’émission de jazz, et malheureusement il est décédé il y a quelques années, donc je n’ai jamais pu lui en parler. »
Light of the World
Pete’s Crusade (1980)
« Light of the World était le Earth, Wind & Fire du brit funk. Le membre fondateur, Bluey (plus tard dans le groupe d’acid jazz Incognito, ndlr), a été le premier à accepter que je l’interviewe depuis chez moi, sur une radio pirate, avec des antennes que mon père m’avait aidé à installer. J’avais contacté tous mes groupes préférés et personne n’avait répondu, sauf lui. Aujourd’hui, Bluey est mon partenaire dans STR4TA. »
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Lady Blackbird
La voix de l’honnêteté
Lady Blackbird, qui a ébloui la sphère jazz avec sa puissance vocale brute et son premier album Black Acid Soul, en 2021, nous parle ici de destin, de liberté et du choc du succès.
Le nom de Lady Blackbird, chanteuse soul basée à Los Angeles, fait référence aux grands noms du jazz auxquels elle a déjà été comparée –des légendes comme Billie Holiday et Nina Simone. Écoutez son album Black Acid Soul et vous comprendrez vite pourquoi on l’a mesurée à d’autres, car sa voix grondante et émotive a parfois le pouvoir de rendre le public sans voix.
Lady Blackbird a fait ses preuves dans l’industrie musicale. Née Marley Munroe dans une famille chrétienne évangélique de Farmington, au Nouveau-Mexique, elle a arpenté le circuit pendant des années en tant que chanteuse de session, interprétant tout, de la pop alternative au rock chrétien. Mais c’est lorsqu’elle commence à travailler avec son ami et producteur Chris Seefried, nommé aux Grammy Awards, en enregistrant sa voix a cappella et en laissant son groupe de soutien construire la musique autour d’elle, qu’elle brille véritablement. Le premier résultat de cette collaboration est son interprétation de la chanson Blackbird de Nina Simone. Un titre qui aborde la féminité noire, sorti en 2020 et enregistré un an plus tôt, coïncidant avec le meurtre de George Floyd et s’inscrivant ainsi dans un contexte obscure.
Alors que Lady Blackbird se prépare à une nouvelle étape de sa carrière, elle nous parle des choses qui se mettent enfin en place...
the red bulletin : Quel rôle la musique joue-t-elle dans votre vie ? lady blackbird : C’est ma vie, au sens propre. Je crois que je suis exactement née pour faire ça.
Il n’y a pas un seul souvenir que j’ai qui ne soit pas lié au chant. Mes moments les plus heureux, ceux où je suis la plus détendue, la plus ouverte et la plus honnête, sont sur scène, en train de chanter. Je suis nulle pour tout le reste. (rires) J’ai eu beaucoup de jobs différents, mais celui-ci est mon véritable amour. Pour moi, ce n’est pas du travail.
La Black Acid Soul est-elle un genre ? Comment la décririezvous ?
C’est Chris Seefried qui l’a inventée. Nous venions juste de commencer à écrire, et dans tellement de genres et de styles différents, nous étions à peu près partout sur la carte. Quand on postait des trucs, il les mettait en hashtag #BlackAcidSoul. Donc ça a commencé comme notre propre genre de sous-genre. Et quand on cherchait des titres d’albums, on s’est dit : « Hey ! » Nous avons pensé que c’était la chose la plus cool.
Ça a été un long travail pour en arriver là. Qu’est-ce que ça fait de voir une telle embellie dans votre carrière ?
C’est encore assez choquant, dans le bon sens du terme. Je fais ça depuis si longtemps : essayer d’obtenir des rendez-vous avec des labels ; avoir un album terminé mais qui n’est jamais sorti ; faire des dates dans des hôtels pour payer les factures ; espérer que quelques personnes viennent, et avoir mes meilleur·e·s ami·e·s pour me soutenir, puis être heureuse s’il y en a cinq qui sont là… Sur la route, quand nous avons commencé à jouer ces concerts, il y avait 300 personnes, puis 500 personnes, puis 1 200,
et je me disais : « Oh mon Dieu. » C’est un sentiment incroyable. Cela me fascine.
Un grand tournant a été la sortie de Blackbird, qui a coïncidé avec l’émergence de Black Lives Matter. L’attention portée à ce single à un moment où les sentiments étaient exacerbés vous a-t-elle mis la pression ?
Non, je ne dirais pas que j’ai ressenti une quelconque pression. L’album était terminé et nous commencions à jouer en ville, et puis la pandémie est arrivée. On s’accrochait, en se demandant : « Qu’est-ce qu’on fait ? » Le fait que Blackbird soit sorti à ce moment-là n’était absolument pas intentionnel. Pour moi, il fallait juste sortir le projet sur lequel nous avions travaillé durement et choisir les morceaux que je pouvais incarner à la perfection. C’était tellement agréable de pouvoir enfin faire ça, malgré toutes les circonstances. Sortir cet album, que les personnes s’y soient accrochées et l’aient soutenu pendant cette période, c’est vraiment important pour moi.
Est-il important pour vous que votre musique reflète votre identité de femme homosexuelle de couleur ?
Je parsème quelques détails ici et là, comme dans Woman, qui figure sur l’édition Deluxe de Black Acid Soul, ou le titre Beware The Stranger. La chanson originale (enregistrée par le groupe entièrement féminin Krystal Generation en 1971, ndlr) s’intitulait Wanted Dead or Alive, et nous avons inversé le genre dans les paroles. Ce n’est jamais forcé ni poussé. C’est simplement honnête, c’est ce que je suis, et si ça sort, ça sort.
Qu’espérez-vous que votre musique puisse apporter aux gens ? Je veux qu’ils et elles éprouvent un sentiment de liberté, la même que j’ai ressentie en la créant. Et qu’ils et elles s’amusent. Qu’on vienne au concert exactement comme on est… C’est ça la liberté, dans tous les sens du terme.
ladyblackbird.com
Texte STEPHANIE PHILLIPS Photo CHRISTINE SOLOMON« Je suis née pour faire cela : de la musique. »
Sa face B
Le producteur multi-platines Prinzly, à l’origine de tubes pour des pointures rap comme, Damso, Hamza et Disiz, raconte son passage de beatmaker à MC (c’est rare) pour son premier LP.
Avant les années 2000, il n’y avait pas de type beat (instrumental influencé par les arrangements originaux d’un morceau), il fallait rapper sur des faces B, ou connaître quelqu’un qui faisait des prods. C’est la raison pour laquelle le Bruxellois Prinzly, amoureux du rap se met à produire des instrumentaux avec FL Studio – un logiciel qu’il ne quittera plus, encore aujourd’hui – sur les recommandations d’un de ses cousins. Ambitieux et impatient de se faire une place dans le milieu, c’est avec son culot qu’il frappe à la porte du collectif Street Fabulous, en 2008, grâce auquel il fera ses armes en tant que beatmaker, alors qu’il n’a que vingt ans.
Pris dans la success story du rap et R’n’B des années 2000, à la Diam’s et Amel Bent, il poursuit son chemin au fil des années en mettant de côté son premier amour, le rap. Quinze ans après, désireux d’explorer de nouveaux horizons et de dégainer son flow, Prinzly offre une œuvre réalisée entièrement par ses soins, qu’il aura mis un an à produire. Son premier album rap, Passager 8, où l’on retrouve en featuring ses amis : Laylow, Disiz, Hamza et Tiakola. Comme le titre l’indique, il s’agit d’une invitation à l’exploration, direction la Terre en partance de la planète Prinzly, celle d’un enfant immigré d’origine congolaise qui a grandi en écoutant Michael Jackson et Bob Marley, au parcours parfois douloureux mais qui tend vers un avenir résolument lumineux. Voici une œuvre contemplative qui donne le la à un nouveau chapitre de la vie de l’artiste, celui d’une reconnaissance par ses pair·e·s et de la concrétisation d’un rêve d’enfant.
the red bulletin : Pourquoi avoir choisi ce titre, Passager 8 ? prinzly : Huit est mon chiffre favori, il représente l’infini et c’est aussi inspiré du film Alien, de Ridley Scott. Dans le film le xénomorphe (alien, ndlr) est le huitième passager. On m’a souvent dit que ma musique faisait voyager, qu’elle avait quelque chose d’extraterrestre, de cosmique. J’adore les films de sci-fi, encore plus quand ça concerne l’espace et Alien m’a beaucoup marqué.
Votre album est très contemplatif, il est à l’image de votre vie qui n’a pas été toute rose, dans le titre flou vous écrivez : « Adulte prématuré, enfance crucifiée »… Mes deux sœurs m’ont écrit le jour où le titre est sorti pour me dire que c’est la ligne qui les a le plus touchées, parce qu’on a vécu la même chose : divorce, problèmes financiers, huissiers… Des événements que beaucoup de gens traversent en fin de compte. Quand je dis : « Adulte prématuré, enfance crucifiée », c’est à cause du divorce de mes parents, j’ai eu des responsabilités et j’ai appris très vite ce qu’est la vraie vie. J’avais huit ans… Un âge où on est censé être un enfant.
Quand vous avez repris le rap, qu’est-ce qui a été le plus dur ? Retrouver comment maîtriser ma voix. Tous les beatmakers ont des flows, on sait tous faire des toplines (partie vocale d’un morceau, qui pose les intonations, le flows et les gimmicks, ndlr), ça va avec le fait de faire des prods. Mais rester le plus naturel possible quand je pose, ne pas forcer sur ma voix et l’accepter comme telle, c’était ça le plus compliqué. Parfois on se fait une idée de ce que ça doit être mais ça sort différemment.
Passer de producteur à rappeur n’est pas aisé, Kanye West en a été la preuve. Comment cela s’est passé pour vous vis-à-vis de vos collègues et de l’industrie ? Celui qui roule, il roule, le reste je m’en balance. Quand j’ai commencé à faire des prods, je n’ai demandé l’avis de personne. Si je veux rapper, je rappe, si je veux chanter, je chante, si je veux faire de l’opéra, pareil ! Ce qui fait plaisir, c’est lorsque les gens avec qui je travaille ont appris que je faisais mon projet solo, je n’ai reçu que des encouragements. Les personnes qui sont sur Passager 8 se sont proposées d’ellesmêmes, je n’ai pas eu à leur demander. J’apprécie énormément.
Votre flow de rappeur est-il à la hauteur de vos productions ? Cela dépend des morceaux. Pour certains, je me dis que la prod est audessus et certains où je suis meilleur que la prod. Sur d’autres, le mariage est parfait. Avec du recul je me dis aussi que j’aurais pu faire les choses autrement, mais ça on ne le sait qu’après coup. C’est ce qui est fun avec la musique : ça permet d’être en constante évolution. Ce retour au rap est une nouvelle étape, comme si je recommençais ma carrière. Tel un enfant qui veut tout tester !
Sur vos featurings avec Tiakola, Hamza et Disiz, vous semblez plus libéré que sur vos tracks solo, vos semblez plus puissant…
Quand je suis en featuring, c’est un partage, mais en fait, je suis en train de me battre. Je suis sur des morceaux avec des mecs qui font des disques de platine et de diamant, je ne peux pas me faire assassiner. Il y a tout le monde qui écoute donc c’est différent. Et puis, quand je pose sur un featuring, j’ai plus d’adrénaline ! Quand je suis seul, je ne suis qu’avec mon mood, ça peut être expérimental et planant comme Ciel que j’ai fait en me levant un matin, à la maison avec un petit rayon de soleil. Mais je suis déjà dans un nouvel état d’esprit pour le prochain projet, je suis plus déter que jamais.
Instagram : @prinzly888
Texte MARIE-MAXIME DRICOT Photo JONAGRAPHE« Si je veux chanter, je chante. De l’opéra, pareil ! »
L’ambition pour moteur
La pilote de course devenue présentatrice de F1 veut inspirer les prochains fans de sport auto, et nous parle du soutien de Lewis Hamilton - et d’avoir failli tuer l’acteur Daniel Craig.
À l’âge de 11 ans, Naomi Schiff fait du karting pour la première fois à l’occasion d’une fête d’anniversaire. Et est en accro depuis. Née en Belgique et élevée en Afrique du Sud, la pilote de 28 ans, métisse, ne voyait personne qui lui ressemblait sur la piste. « Je ne me sentais pas à ma place, et l’idée d’être comparée à mes homologues était effrayante. » Grâce à l’aide de son père – lui-même pilote de course avant la naissance de sa fille – elle s’est lancée. « Lorsque je suis descendue du kart à la fin de ma première course, j’avais un sourire jusqu’aux oreilles », dit-elle.
À 14 ans, elle représente l’Afrique du Sud aux championnats du monde de karting et participe à des tournois tels que la Clio Cup China Series (qu’elle remporte en 2014) et la série W, réservée aux femmes. Elle a participé au film Jurassic World Dominion et au dernier James Bond en tant que pilote-cascadeuse. Malgré ses talents, Schiff dit qu’être une femme noire avec des fonds limités dans cette industrie très onéreuse, blanche et masculine n’a pas rendu son parcours facile.
Naomi Schiff a désormais délaissé la course pour se consacrer à la présentation, en tant qu’analyste de F1 pour la chaine de télévision britannique Sky et co-présentatrice de l’émission Any Driven Monday sur YouTube, une initiative qui, espèret-elle, permettra à d’autres femmes et jeunes filles de s’intéresser aux sports mécaniques. « Elles voient mon visage à l’écran ! Si je portais un casque, elles ne pourraient pas s’identifier à moi. »
the red bulletin : Qu’est-ce qui vous attire dans le sport auto ? naomi shiff : Quand j’avais 11 ans, la course, c’était un projet familial qu’on a monté avec mon père. Je passais des heures sur la piste les week-ends à conduire et à me perfectionner. C’est passionnant de voir les différentes équipes de F1, d’ingénierie, de mécanique et les pilotes s’affronter, en réfléchissant à chaque détail, en se donnant à fond.
Quels sont les obstacles ?
Le sport auto est incroyablement coûteux. Souvent, dans les courses, on pense que si l’on est assez rapide, cela n’a pas d’importance. Mais pour être rapide, il faut passer du temps dans une voiture et pour cela, il faut de l’argent. On ne maîtrise pas la bête d’un claquement de doigts. Pour les femmes, le fait d’être prises moins au sérieux que les hommes constitue un handicap. J’ai passé un an à frapper aux portes avec mes cartes de visite… Si j’avais été un homme, on m’aurait certainement rappelée plus souvent.
Quels changements pensez-vous qu’il faille apporter au secteur ? La F1 est plus populaire que jamais. Jusqu’ici, le fan était un homme blanc d’âge moyen, mais cela est en train d’évoluer. Il y a des jeunes femmes et des personnes d’origines diverses qui regardent les courses, il faut les prendre en compte. Pas une femme n’a couru en F1 depuis 1976. On a besoin de voir des modèles féminins dans ce sport qui est toujours aussi difficile pour la personne qui pilote, peu importe son genre. Il n’y a pas de traitement de faveur pour les femmes !
Vous avez été victime de trolls l’année dernière après avoir rejoint Sky en tant que commentatrice. Comment avez-vous fait face ?
C’était effrayant. D’un coup, toute l’attention était portée sur moi. Les gens débattaient pour savoir si j’étais légitime ou non. Il y a eu un tweet : « Savez-vous comment Naomi Schiff a obtenu son poste ? » Ont succédé 250 commentaires suggérant que c’était soit à cause de la couleur de ma peau, soit parce que j’avais couché. C’est misogyne et raciste. J’ai répondu le plus calmement possible, avec trois emojis qui baillent. Je suis allée me coucher, et le lendemain, j’ai vu que j’avais reçu une notification indiquant que Lewis Hamilton avait retweeté le message et pris ma défense. J’étais incroyablement reconnaissante. Le seul réconfort dans un moment comme celui-là, c’est le soutien de ses pair·e·s.
Comment comparer la course avec les cascades dans les films comme No Time To Die ?
La scène de cascade était avec Daniel Craig en personne – il aime réaliser ses cascades lui-même. Il devait traverser la route et j’ai dû freiner brusquement pour m’arrêter pile devant lui. J’ai vraiment cru que j’allais l’écraser !
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer dans les sports mécaniques mais a l’impression de ne pas être à sa place ? Peu importe le domaine, si vous ne rencontrez personne qui vous ressemble, cela ne veut en aucun cas dire que vous êtes incapable ou illégitime. Il vous sera sûrement plus difficile de faire vos preuves et les gens risquent de ne pas comprendre votre combat, mais vous pouvez le faire. Ne vous barrez pas la route… les autres le feront pour vous. Allez au bout de ce que vous voulez faire.
Instagram : @naomischiff Texte ISABELLE ARON« On a besoin de voir des modèles féminins dans la F1. »
Compte à rebours avant
Ceci est leur Graal
L’histoire
Texte TOM GUISE et DAVID SCHMIDT Photos RICK GUESTse passer de l’appui massif de milliardaires passionnés, qui choisissent de fnancer les bateaux sans aucun espoir de retour sur investissement – il n’y a en effet aucune somme d’argent à remporter. Un exemple : Larry Ellison, patron et fondateur de la société américaine Oracle, a ainsi « investi » près de 300 millions de dollars en 2013 pour pouvoir participer à la course – que son équipe a heureusement remportée cette année-là. C’est la seule raison qui anime les équipes participant à la Coupe de l’America : avoir le privilège de ramener la « Vieille Aiguière » à la maison et le droit de défnir le plan d’eau, la date et la forme de la prochaine régate.
Lorsque le joaillier offciel de la Couronne britannique, Garrard & Co, reçoit en 1848 une commande de la reine Victoria pour fabriquer une magnifque aiguière en argent, il est loin de se douter que sa création va connaître un destin incomparable. Initialement prévu pour la grande Exposition universelle de Londres, l’objet est acquis trois ans plus tard par Lord Uxbridge, membre du Royal Yacht Squadron, qui en fait le trophée offciel d’une régate organisée par son club la même année. Cette course, qui consiste à faire le tour de l’île de Wight le plus vite possible, est censée appâter les yacht clubs étrangers, notamment les régatiers américains, connus pour leur savoir-faire. Objectif atteint : le Yacht Club de New York répond à l’appel.
Voici une photo du plus ancien trophée sportif international (page de droite) : la « Coupe » de l’America. Depuis 1851, cette magnifque aiguière en argent est âprement disputée entre les meilleurs régatiers au monde, sur les mono ou multicoques les plus modernes qui existent, parfois spécialement créés pour l’occasion. Véritable vitrine des derniers progrès de l’architecture navale, cette course mythique ne peut
Le 22 août 1851, quinze navires (sept goélettes et huit cotres) se rassemblent dans les eaux du Solent, le bras de mer principal de l’île de Wight : la reine Victoria est venue en personne assister à cette course de 53 milles –environ 99 kilomètres – qui réunit parmi quelques-uns des meilleurs bateaux de course de la Couronne britannique. Face à eux, un adversaire américain, et pas n’importe lequel : la goélette America, chef d’œuvre de l’architecture navale américaine qui appartient au Yacht Club de New York. Le commodore du club et le syndicat qu’il a fondé pour fnancer la construction du voilier, espèrent bien montrer aux Britanniques de quoi les Américains sont capables. Onze heures après le départ de la course, c’est chose faite : la magnifque America parvient la première à boucler le tour de l’île. La reine Victoria, qui assiste à l’arrivée des bateaux depuis le pont de son
folle d’un objet convoité depuis près de deux siècles par de riches passionnés de régate.
La relique
Pour réussir ce cliché haute résolution de la « Coupe de l’America », le photographe Rick Guest a pu entrer dans les salons du Royal New Zealand Yacht Squadron. « On arrive dans ce salon immense et la voilà, posée sur son piédestal, dans la vitrine. Cette coupe est un mastodonte – vraiment immense ! », raconte-t-il, impressionné. Un inconvénient lorsqu’il s’agit d’utiliser la technique multi-focale, comme il voulait le faire pour cette photo : « On réalise d’abord beaucoup de clichés avec une faible profondeur de champ, tout en ramenant progressivement la mise au point vers l’objet, en plusieurs séquences afin d’obtenir l’objet dans son ensemble. L’image ainsi composée sera particulièrement nette et précise : ce cliché est ainsi réalisé à partir de 80 prises différentes. »
Le résultat ? Une photo du trophée mythique d’une précision jusque-là inégalée. « Cet objet dégage vraiment quelque chose, se souvient le photographe. Notamment parce qu’il ne s’agit pas d’un objet moderne ou design, mais d’un véritable trophée, avec la forme qu’un trophée est censé avoir. » Lors de sa séance photo avec la star des océans, Rick Guest a involontairement fait connaissance avec le système de sécurité – tout aussi imposant que l’objet du shooting : « J’ai cru qu’il n’y aurait qu’une alarme, mais j’ai vu un cube de protection descendre instantanément du plafond et se poser sur l’aiguière pour la protéger. Décidément, les Kiwis la traitent avec beaucoup de respect : on peut voir à quel point ils la vénèrent. » rnzys.org.nz
navire personnel, aurait demandé à son commandant :
« Les bateaux sont-ils en vue ? »
« Oui, Votre Majesté, l’America mène la course. »
« Et qui est second ? »
Ce à quoi notre homme aurait lancé une réponse qui restera dans les annales du sport :
« Majesté, il n’y a pas de second. »
Et c’est ainsi que les New-Yorkais ramenèrent pour la première fois l’aiguière d’argent chez eux, à Manhattan, à la condition de devoir la remettre en jeu lors de la prochaine régate, que les vainqueurs devaient organiser à domicile. C’est cette promesse qui
a donné naissance à l’esprit unique de la Coupe de l’America : à chaque course, le tenant du titre – le defender –affronte des challengers venus le défer pour s’emparer du trophée d’argent.
Si l’on envisagea, dans un premier temps, de faire fondre le précieux métal de ce trophée pour fabriquer cinq médailles d’argent, histoire de contenter
chacun des cinq membres du syndicat nautique, il fut fnalement confé par le syndicat de l’America au New York Yacht Club (NYYC) : ensemble, ils renommèrent l’aiguière du nom de leur bateau fétiche et décidèrent d’édicter les règles de la prochaine course qui remettrait en jeu leur « titre » de propriété.
C’est ainsi que fut signé en 1852 puis le 8 juillet 1857 le fameux Deed of Gift –Acte de Donation, en français – dans lequel étaient décrites les règles de ce qui allait devenir la mythique « America’s Cup ». Il fallut pourtant attendre la fn de la Guerre de Sécession pour que le NYYC puisse organiser la première édition de la course. Ce club allait rester
Le trophée est dans un caisson pare-balles.
The Deed of Gift
Au 37 West de la 44 e rue à Midtown Manhattan se tient un magnifique bâtiment de style Beaux-Arts qui abrite l’un des clubs les plus select du pays : le Yacht Club de New York. Construit en 1901 par Whitney Warren, il est connu pour conserver la version originale du premier Deed of Gift de la Coupe de l’America. Rédigé en 1852 par George L. Schuyler à l’issue de la première course, cet Acte de Donation est le premier document à fixer les règles de la plus ancienne régate au monde. Schuyler fut l’un des propriétaires de l’America et c’est lui qui a également rédigé les autres Actes de 1882 et 1887, qui se trouvent conservés avec le premier dans les archives du NYYC – un lieu normalement interdit aux photographes depuis 1901. Petit détail qui a surpris le nôtre lorsqu’il a visité les archives : les documents sont à manipuler à mains nues, sans gants, pour éviter les gestes maladroits. Il faut dire qu’il s’agit, ni plus ni moins, du document le plus cher et le plus ancien de toute l’Histoire de la course nautique. Ce cliché haute résolution nous a été gracieusement partagé par le NYYC pour The Red Bulletin. nyyc.org
le grand tenant du titre pendant… 132 ans, soit la plus longue hégémonie de toute l’histoire du sport avec 24 victoires consécutives ! Cette domination des Américains est en partie due à une clause du règlement de la course, qui spécife que les voiliers doivent se rendre au port de départ par leurs propres moyens, sans aucune aide d’acheminement – un casse-tête pour les challengers, qui doivent réussir à concevoir des bateaux de course ultra rapides mais capables de traverser les océans.
Autres spécifcités de la Coupe de l’America : il n’y a pas de comité offciel d’organisation et le règlement n’est pas
fgé dans le marbre, puisqu’il doit, pour chaque régate, être conclu par consentement mutuel entre le premier challenger et le defender, qui peuvent ajouter toute modifcation sur les conditions de la course. C’est cette dernière spécifcité, contenue dans le Deed of Gift, qui a donné lieu à d’incessantes et coûteuses batailles juridiques entre les yacht clubs – des batailles souvent fnancées par des milliardaires venus défendre les intérêts de leurs clubs.
Pour éviter de trop longs procès, il fut tout de même admis qu’en cas de litige insolvable, l’Acte de 1887 tiendrait lieu de référence ultime.
Quant aux contentieux résultant de la lecture même du texte et de son interprétation, ils doivent être arbitrés par la Cour suprême de l’État de New York, voire la Cour d’appel – la plus haute instance de l’État – si aucun compromis n’a pu être trouvé, ce qui est déjà arrivé dans le passé. On l’aura compris : les clubs s’affrontent autant sur l’eau que devant les tribunaux !
En presque 170 ans d’existence, cette compétition aura pourtant été le théâtre de duels légendaires et la célèbre aiguière est encore considérée comme le Saint Graal des régatiers. Nombreux sont les preux « chevaliers » du nautisme à s’être lancés dans cette quête sans avoir pu mettre la main sur le précieux trophée. Sir Thomas Lipton a essayé cinq fois sans y parvenir, tout comme son compatriote Sir Thomas Sopwith – pionnier de l’aviation et concepteur des fameux biplans de la Royal Airforce – qui s’est lancé dans l’aventure à deux reprises, sans succès. Ce n’est qu’en 1983, soit 132 ans après son départ outre-Atlantique, que l’aiguière d’argent est remportée par une équipe non-américaine : une victoire hallucinante pour les Australiens du Royal Perth Yacht, une date historique dans l’Histoire de la voile ! Mais les skippeurs qui se déchirent pour obtenir le légendaire trophée ne sont pas les seuls à vivre des aventures. L’aiguière – qu’on surnomme affectueusement “The Auld Mug”, « le Vieux pichet » en français – a elle aussi connu quelques vicissitudes : notamment en 1997, lorsqu’elle faillit être détruite à coups de marteau par un jeune Maori néo-zélandais, Benjamin Peri Nathan. Il était venu au Royal New Zealand Yacht Squadron – le club victorieux de l’époque – s’était dirigé vers la vitrine
Compte à rebours avant L’AMERICA’S CUP
où elle était fèrement exposée puis avait fait éclater la vitre d’un coup de marteau avant de frapper une cinquantaine de fois sur l’aiguière, manquant de la détruire complètement. L’objet fut sauvé in extremis puis envoyé de l’autre côté de la planète chez les joailliers Garrard & Co pour être réparée. Bilan de l’incident : 114 000 livres Sterling, une coquette somme qui reste heureusement bien en-dessous de la valeur estimée de l’aiguière.
Les Néo-Zélandais comprirent la leçon, et lorsque The Auld Mug fut à nouveau exposé dans les salons du RNZYS après les victoires de 2017 et 2021, il fut placé derrière une vitrine pare-balles, protégé par un imposant dispositif de sécurité. Depuis, il ne peut être manipulé qu’avec des gants blancs, comme les pièces les plus précieuses des musées.
Si la valeur de l’objet a évidemment évolué avec le temps, sa taille aussi : initialement haute de 69 centimètres pour 3,8 kilos, elle fait aujourd’hui 110 centimètres et pèse une quinzaine de kilos : cette prise de poids est tout simplement due au fait que le socle de l’aiguière a dû être agrandi au fur et à mesure que les noms des clubs vainqueurs venaient s’ajouter sur le socle. Et comme certains d’entre eux réclamaient d’y fgurer de manière plus ostensible que les autres, on a profté de la restauration de 1997 pour standardiser la taille des lettres gravées. Remplacé par une version beaucoup plus solide en fbre de carbone, le socle originel en acajou est aujourd’hui conservé dans un coffrefort bien fermé.
L’aiguière d’argent n’est, certes, pas une grande voyageuse – après tout, seuls quatre pays ont réussi depuis 1851 à en être les heureux propriétaires : les ÉtatsUnis, l’Australie, la Suisse et la NouvelleZélande. Mais quand il lui arrive de devoir déménager dans un autre pays après la victoire d’un challenger, elle le fait dans des conditions dignes d’une diva en tournée internationale : dans un luxueux étui Louis Vuitton, qu’elle a reçu en cadeau pour honorer son 150e anniversaire.
À l’âge canonique de 175 ans, ce « Vieux pichet » n’a décidément pas fni de nous faire rêver.
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AUTHENTIQUE
Il vous est peut-être inconnu, mais KAMETO est l’une des figures essentielles de l’industrie du gaming en France. Avec sa Karmine Corp, il est passé de joueur de base à pilier de la scène esport. Portrait d’un président sincère.
Texte PH CAMY Photos SAM RILEYl’industrie, c’est ça que je
Il suffit de s’y mettre. Comme un guitariste de renommée internationale a forcément commencé à gratter dans sa piaule, gamin, une autorité de l’esport a forcément commencé à jouer aux jeux vidéo ado. Au jeu StarCraft (sur PC), dans le cas de Kamel Kebir, ce fils d’Algériens de 27 ans, né à Corbeil-Essonnes en Île-de-France. Le jeu le passionne au point de participer à des compétitions, et, en 2014, à la Paris Game Week, événement majeur pour tous les fans français de gaming. Devenu Kameto (surnom hommage à l’un de ses oncles décédé), et avant même de finaliser une licence de Langues, littératures et civilisations étrangères régionales, il tente sa chance en Angleterre pour y rejoindre Eclypsia, un média en ligne dédié à l’esport. Il a 20 ans.
C’est en tant que streamer en ascension que Kameto fait le move. Streamer ? C’est diffuser en direct, en ligne, ses parties de jeu vidéo, en solo ou entre potes, avec d’autres icônes de la sphère gaming. Il peut aussi s’agir de commenter des tournois nationaux ou internationaux d’esport, en live. Partout derrière leurs écrans, des kids se passionnent pour ses retransmissions, où ils peuvent apprécier les skills de joueurs confirmés, l’intensité d’une partie qui s’emballe un soir plutôt qu’un autre, et interagir avec les streamers, via le fameux « chat » – qui laisse apparaître les messages des followers auxquels les streamers peuvent répondre à l’envie. Streamer de plus en plus réputé et suivi, Kamel lance ensuite sa chaîne YouTube Kotei et Kameto avec son compère Zouhair Darji (Kotei, donc), avant de déchaîner les foules sur sa propre chaîne Twitch où il bat régulièrement tous les records d’audience avec plus de 1,6 million de followers à date. Ce qu’ils aiment chez Kamel ? Sa ferveur incroyable, sa passion sans limite, sa positivité et sa bonne humeur communicative. Un stream de Kameto, c’est le feu !
La communauté de Kameto pète un câble lorsque, en mars 2020, il lance sa propre structure
esport, la Karmine Corp (d’abord Kameto Corp, aussi désignée par KCorp), créée en association avec une autre vedette du digital, le youtubeur, rappeur, entrepreneur et designer Prime. Déjà ultra-suivis, les deux compères fédèrent leurs deux communautés autour de leur KCorp, qui fait d’abord sensation avec son équipe engagée sur le League of Legends, le jeu suprême de l’esport (voir notre article sur le caster Tweekz dans ce même numéro) auquel sont dédiés des championnats nationaux et internationaux, en stream et IRL. Sur LoL, la KCorp génère une véritable armée d’ultras (à maillots, écharpes et fumigènes, comme ceux du football) surnommée le Blue Wall, et enchaîne les victoires de manière fulgurante. Un après sa création, la toute fraîche équipe remporte la LFL et les European Masters. Pour résumer grossièrement, l’équivalent d’un titre en L1 et d’une Champion’s League pour une équipe tout juste montée en L1.
Derrière la réussite de ses joueurs, Kamel est l’ambassadeur d’une entité dont les activités (désormais sur Valorant, Teamfight Tactics ou TFT, Rocket League, Trackmania, et Super Smash Bros. Ultimate, et des événements) et les partenaires (des sociétés d’envergure pas forcément issues du monde de l’esport) grossissent.
En quelques années seulement, Kamel est passé du statut de gameur lambda à celui d’acteur majeur de l’esport. À 27 ans, il est aujourd’hui l’un des patrons d’une industrie qui, à elle seule, surpasse les revenus réunis de celles du cinéma et de la musique. Au niveau planétaire. Un monde de passionnés, œuvrant pour d’autres passionnés. Le 21 juin 2022, grâce à un simple tweet d’annonce, la KCorp, vend, en une poignée d’heures, l’intégralité des billets pour son événement KCX (Karmine Corp Experience). Il ne s’agit pas là d’une petite fiesta entre
« Travailler dans
voulais faire. »
Future is now: Kamel Kebir, 27 ans, aka Kameto. Streamer et président de la Karmine Corp, et icône de milliers de fans d’esport, il s’active au quotidien pour l’évolution de sa scène.
« Derrière les réussites, les trucs stylés, il y a forcément des déboires. »
gameurs dans une salle underground, mais bien d’une cérémonie de fous d’esport, essentiellement des ultras de la KCorp, au sein de l’Accor Arena de Paris. Ce sont 12 000 billets que le Blue Wall s’est arraché sans les besoins d’une campagne publicitaire ou de relais dans les médias. Un simple message sur les réseaux, et les fans répondent présent (plus de 175 000 personnes connectées sur Twitch le soir même).
Autre fait d’armes, en avril 2022, Kameto s’impose en général d’une conviviale guerre de pixels (la pixel war), où sa communauté se déchaîne des jours durant, pour défier tout ce que la planète compte de types connectés, afin de défendre (créativement) un espace virtuel mis en place sur le site de discussion et d’actualités sociales Reddit. Une manœuvre pour laquelle la légende du foot, lui aussi d’origine algérienne, Zinedine Zidane, adresse un message vidéo de félicitations à « Kamel » (qui débute par un « Bonjour Kamel, c’est Zizou » légendaire). Une validation ultime, au-delà de l’esport.
Malgré l’ascension fulgurante de sa KCorp et une communauté massive, Kamel est resté un type simple, toujours proche de sa fanbase, à laquelle il dédie un investissement et une franchise sans faille. Mais être un boss de l’esport peut parfois exiger un agenda des plus chargés. Le jour de janvier où Kamel rejoint le studio E-Do de Saint-Ouen (banlieue parisienne) pour une séance de prises de vues avec notre photographe (l’Anglais Sam Riley), il débarque d’un vol de douze heures depuis San Francisco. Il vient en effet d’assister en Californie, à San José, au Genesis 9, énorme tournoi de Smash Bros. (entre autres) pour y annoncer le dernier recrutement de la KCorp : Pedro « Kurama » Alonso, 18 ans, un joueur américain et en ascension sur le jeu Super Smash Bros. Ultimate Après notre shooting, Kamel enchaînera un meeting avec sa toute nouvelle équipe – féminine – sur le jeu Valorant. Et peut-être qu’avant de se coucher, il assurera un stream dont il a le secret. Dans l’immédiat, c’est à The Red Bulletin que Kamel, ou Kameto, dédie son après-midi, comme on l’apprécie : authentique.
the red bulletin : Kamel, qui étiez-vous il y a dix ans, que faisiez-vous ?
kameto : Il y a dix ans ? Tu m’as fait prendre un coup de vieux de fou. (rires) Je venais de forcer mon passage en terminale, car mon lycée voulait que je redouble ma première, à cause de mon absentéisme. Je me disais qu’en bossant, je pouvais avoir mon bac, j’en étais persuadé. Et c’est ce qui est arrivé finalement.
Vous n’alliez pas en cours ?
Pas tellement, notamment à cause des jeux vidéo, c’était quelque chose qui me passionnait, je passais mon temps à ça. Je jouais déjà au jeu StarCraft, je connaissais déjà l’esport, le jeu vidéo, le streaming, parce qu’en Corée du Sud c’était déjà l’explosion,
il y avait déjà des scènes, des trucs de fou. Je me disais que j’allais apprendre le coréen, pour devenir traducteur dans l’industrie du jeu vidéo. Travailler dans l’industrie de l’esport, c’est ça que je voulais faire.
Elle ressemblait à quoi, cette industrie, à l’époque ?
Elle était minuscule. Il y avait quelques petites structures, quelques petits tournois, vraiment petit par rapport à ce que c’est maintenant.
Nous sommes en 2023, et l’industrie du gaming, vous y êtes établi pour de bon. Que faites-vous exactement ?
Je suis président de la Karmine Corp.
Ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que toutes les décisions importantes doivent passer par moi. Recrutement des joueurs, associations avec des partenaires, évolution des effectifs internes… C’est très exécutif, car tout passe par moi, mais c’est juste devenu naturel. Je me réveille, je file aux locaux de la Karmine, les sujets arrivent et bonne chance.
Vous supervisez tout, en somme… Oui, et je m’occupe également du merchandising de la KCorp, ce que je ne faisais pas auparavant. On a eu beaucoup d’échecs sur le merch l’an dernier, et je n’étais pas impliqué, parce que j’étais sur d’autres trucs. Quand quelque chose merde, comme je suis l’image du club, c’est moi qui dois en prendre la responsabilité, qui vais devoir expliquer. Alors autant être impliqué : si je me casse la gueule, au moins je sais pourquoi.
Vous êtes la connexion essentielle avec les fans de la KCorp, pourquoi ?
Je ne suis pas seulement président du club, je suis aussi streamer. Je commente les matchs et comme je streame tous les jours, les gens qui nous suivent ont un lien direct avec moi, ils peuvent venir me parler directement. Je suis l’image du club. C’est ça, la force de notre projet, on est très proches de la communauté.
« On », c’est combien de personnes ?
Une douzaine de collaborateurs et une trentaine de joueurs.
« Je n’ai pas de talent particulier… Je suis un mec normal. »
Streamer, président… vous avez une troisième vie quelque part, que les gens connaissent moins ?
Les journées ne font que 24 heures. (rires) Là, tu me vois sur une période où je ne suis jamais chez moi. Ma vie perso, c’est ma copine, mes animaux, un chien Jack Russell et deux chats, un Abyssin et un Somali, et ma famille. Tout ça, c’est ma vie privée.
Revenons au président qui débarque de Californie… Vous vous seriez imaginé de telles journées quand vous jouiez à StarCraft chez vous sur votre PC ?
Non, ça n’était pas anticipable. Douze heures de vol, un shooting photo, des meetings, c’est des journées de mecs de Wall Street. (rires) Je ne pensais pas que ça allait être comme ça.
Ça vous plaît ?
Bien sûr, je préfère que ce soit ça que l’inverse. Avant, j’étais chez moi, sans projet, rien à faire, je ne bougeais pas, il ne se passait rien.
À part jouer ?
Oui, ou regarder des séries. J’avais confiance en moi, je savais que ça allait marcher, mais il ne se passait rien, rien. Et là, quand tu as des journées comme ça, que tu reviens des États-Unis, que tu fais une séance photo parce que tu as signé avec Red Bull, pour leur magazine, tu ne peux pas te plaindre. (rires) Je suis un peu éteint à cause du décalage horaire, mais je suis content.
Malgré toutes vos nouvelles fonctions, prenantes, est-ce que le plaisir est toujours là ?
S’il n’y a plus de plaisir, je disparais, ça ne sert à rien. Tout mon monde est basé sur le naturel, et le fait de kiffer ce que je fais. Si je n’aime pas ce que je fais, je ne pourrais plus être naturel, je serais obligé de fake.
Quand on a, comme vous, vécu des périodes, disons, « détente », comment s’adapte-on à des journées aussi chargées ?
On ne s’adapte pas, c’est juste « Bonne chance » : tu dois faire, alors tu fais. Tu vas, tu marches à l’aéroport, tu sors de l’aéroport, tu prends ton taxi, tu vas au shooting. (rires)
Comment restez-vous connecté au jeu vidéo, si vous ne jouez plus ?
Je reste connecté, avec mon téléphone, j’essaie de voir ce qui se fait tout le temps, partout dans le monde. Ça fait partie de mon job. Ce qui me manque un peu, c’est de pouvoir passer toute une après-midi sur le PC, jusqu’à 6 heures du mat, sans me prendre la tête. Mais en même temps, ça ne me manque pas… Je me revois dans ces périodes-là, un jeune qui ne sait pas de quoi demain sera fait. Désormais, je sais ce que demain peut m’apporter. Et je préfère ça. Je préfère être productif qu’inactif. Je n’ai que 27 ans, mais je pense que j’ai pris en maturité ces dernières années. Surtout de 25 à 27 ans, j’ai pris fois quatre.
Ce furent deux années particulièrement intenses ? Deux grosses années. Le lancement de la Karmine, tous les projets qui se sont mis en place.
« J’ai appris à m’impliquer dans plus de choses. Pour avoir les réponses. »
Beaucoup de galères ?
Pas mal de problèmes. Mais derrière les réussites, les trucs stylés, il y a forcément des déboires. Surtout dans le business, il y a des erreurs que je ne referai plus jamais. À la base, j’étais juste un joueur qui avait la passion de l’esport, le business n’était pas mon rayon, je ne pouvais pas savoir ce qui allait arriver.
Quel genre de président êtes-vous ?
J’écoute tout le monde. Je ne suis pas dans un mode : « Je suis président, c’est ça qu’on va faire, c’est comme ça ! » Je suis dans le dialogue, j’écoute ce que tu as à me dire, et on prend une décision. Parce que, soit je suis convaincu, soit tu m’as convaincu. Dans tous les cas, c’est notre décision. S’il y a de bons arguments, et que je n’ai pas les arguments pour contrer, je ne vais pas forcer.
Et sinon ?
Je le fais, et j’assume ce qui se passe.
Vous êtes aujourd’hui un acteur majeur de l’industrie de l’esport, au point qu’en juin 2022,
avec d’autres personnes essentielles de la scène, vous avez été reçu à l’Élysée par un autre président, Macron, pour évoquer l’esport… J’ai regretté.
Pourquoi ?
Parce que c’était politique, et dans le milieu duquel je viens, à l’époque où ça s’est passé, en période d’élections législatives, c’était mauvais. Des gens m’en ont voulu. C’était bien pour l’esport pour lequel il y a pas mal de choses à faire avancer, mais au final, je ne pense pas que c’était le vrai but. Si on veut vraiment faire avancer le milieu, on y va, mais dans une salle de réunion, et personne ne le sait. Pour ça, je suis légitime, je suis un acteur important, mais ne ramène pas de champagne, de petits fours, de caméra ou je ne sais quoi. Quand tu regardes les images de ce jour-là, tu vois que je tire la gueule. Mais à ce moment-là, je ne savais pas pourquoi. La prise de conscience s’est faite plus tard.
Vous avez des milliers de fans, comment gérezvous votre exposition ?
Avec Kotei, son partenaire historique qui a contribué à la réussite de Kameto lors du Good Game Show, sur la chaîne YouTube gaming Red Bull Check Point.« La crise est partout donc l’esport va forcément être impacté. »
Je ne refuse jamais de faire des photos avec les gens, mais je ne suis pas quelqu’un, je ne suis pas Brad Pitt ! (rires) Je n’ai pas de talent particulier, je ne sais pas chanter, je ne sais pas me battre, je ne sais pas escalader des murs. Je me considère comme un mec normal. Même aux jeux vidéo, je n’étais pas un génie. J’étais plus fort que la moyenne, mais rien de stupéfiant. Alors je ne me considère pas comme une star. Je suis juste un mec qui essaie de passer de bons moments, et de les partager. Qu’est-ce que tu veux que je te dise, ça a marché.
Qui étaient vos Kameto à vous, plus jeune ?
Messi, Ronaldo, Neymar, LeBron James, des stars du sport. Ou des rappeurs, des chanteurs, qui ont quelque chose de spécial. Tout ce que je fais, tout le monde peut le faire.
Encore faut-il se bouger pour le faire. Absolument.
Qu’avez-vous appris ces deux dernières années ?
À vous exposer différemment, à plus réfléchir à qui vous associez la Karmine ?
Je prends plus de pincettes quand il s’agit de s’associer à quelqu’un ou à quelque chose. Je réfléchis au pour, au contre, je me pose un milliard de questions.
J’ai appris de nos erreurs, et j’essaie de m’impliquer
dans tous les secteurs, pas forcément à 100 %, mais histoire d’avoir un œil dessus. J’ai appris à m’impliquer dans plus de choses. Pour avoir les réponses.
Et dans votre vie perso ?
Ça m’a fait réfléchir, à ne pas oublier d’où je viens, qui je suis, comme avec l’épisode de l’Élysée. Je commençais peut-être à m’éloigner de tout ça, à force d’être « dans la boucle », sans arrêt. J’ai encore beaucoup de progrès à faire côté perso. Je consacre 90 % de ma vie à mon travail, il faut que j’apprenne à jauger, à équilibrer.
Que pensent vos parents du Kamel président ?
Ils sont fiers de moi, mais je ne passe pas assez de temps avec eux, même s’ils ne sont pas loin.
Quelle est, ou était, leur activité ?
Ma mère travaillait à la Halle aux Chaussures, et mon père dans une usine.
Que vous ont-ils appris au quotidien ?
À être une bonne personne, à ne pas être malveillant. Ils m’ont appris la religion. Plein de bonnes valeurs. Ce sont des choses qui vont me servir dans la vie perso, mais ils ne m’ont rien appris sur le streaming. (Kamel éclate de rire.) En vrai ? Je jouais avec mon père.
À quel jeu ?
Quand j’ai eu la PlayStation, c’était Ronaldo V-Football (un jeu paru en 2000, ndlr). Mon père avait la quarantaine, on jouait ensemble, et c’est un peu devenu un challenge. Au début, c’est lui qui gagnait, et après je le battais, il y a eu des périodes où c’était serré, c’était un bon partenaire. Et du coup, je pouvais jouer à la Play sans que personne ne me casse la tête en mode : « On va débrancher la Play ! » Je jouais avec le daron !
Vous aimeriez rejouer avec lui ?
Oui, c’est sur ça que je dois progresser dans le futur. Savoir mieux doser le pro et la famille.
L’esport a explosé ces dernières années, notamment en France, comment reste-t-on serein dans une industrie que l’on a contribué à construire et rendre rentable ? Comment ne pas péter les plombs, trop rendre la confiance ?
Il y a tellement de structures qui se sont cassées la gueule. Je pense qu’on va rentrer dans une crise financière de l’esport. La crise est partout donc l’esport va forcément être impacté. Plein de teams ont fait des levées de fonds ces dernières années, du coup les salaires ont augmenté car les structures avaient du cash, mais l’argent a fondu, et plus personne n’a envie de lever des fonds car tout est dans le rouge dans l’esport. Mais les salaires n’ont pas baissé, alors je pense qu’on va rentrer dans un petit conflit. Pour revenir à ta question, il y a encore tellement de trucs à mettre en place en France pour faire avancer le milieu que tu ne peux pas péter les plombs en mode : « Ça y est, je suis un club de foot. »
Comment allez-vous préserver la structure, la KCorp, de ce cassage de gueule que vous anticipez ? Comment vous assurer que cela n’arrivera pas chez vous ?
Déjà, on a un nouveau PDG, Arthur Perticoz. Il vient du monde de l’entrepreneuriat, mais il regardait beaucoup l’esport, il suivait énormément la KCorp, notamment à travers les streams. Il connaissait bien le milieu, il était déjà infiltré tout en étant dans une autre activité, monter des boîtes, comme le studio/la plateforme de podcasts Majelan. Quand tu as un gars comme ça, qui connaît notre milieu, l’industrie et le vrai monde du business, tu apprends fois mille . Je suis encore trop passionné par le jeu et la compétition, et c’est bien d’avoir quelqu’un de très rationnel à côté.
Les décisions passent par moi, mais aussi par lui. Ensuite, on ne devrait pas subir cette crise car on a énormément de fans, on génère de bons revenus, et on dosera en fonction du marché. Arthur sait regarder audelà de la scène.
Comment se portent vos équipes ?
Nous avons une nouvelle équipe, féminine, sur Valorant, qui va bientôt débuter. Sur Rocket League, on a l’une des meilleures équipes au monde. Sur Valorant, en masculin, on est dans la ligue supérieure, ce qui veut dire que l’on peut gagner le plus gros titre du jeu. Trackmania pareil, TFT pareil, il y a juste cette histoire de LEC avec LoL qui m’a aspiré beaucoup d’énergie. Ça m’a rendu triste. Mais ça m’a fait gagner trop de temps, j’ai trop évolué.
Que s’est-il passé ?
C’était une grosse décision à prendre. Pour faire court, nous avions deux choix, accéder ou non à la ligue supérieure sur LoL, la LEC (la ligue européenne de League of Legends, ndlr). Je ne le sentais pas, j’hésitais, et je ne l’ai pas fait. Aujourd’hui, je suis heureux de cette décision, mais sur le moment, ce jour où j’ai dû annoncer aux fans qu’on n’y allait plus, ça m’a tué.
C’est-à-dire ?
Je lance le stream, et là, je ne peux plus parler. J’ai la gorge nouée. Je coupe la caméra et le micro. Je veux dire aux gars que je reviens, mais je n’y arrive même pas. Je descends dans ma salle de bain, et je pleure. Et puis je remonte, et je leur dis qu’on n’y va pas. Et puis, je streame. (rires)
Comment vos fans ont-ils réagi ?
Tu ne m’as jamais vu comme ça sur internet, jamais. Je n’aime pas trop montrer mes émotions négatives. Je suis enjoué, je peux être énervé, mais passionné. Mais là, j’étais mal. Ça se voyait que j’avais pleuré. Les fans ont été cool.
C’est ça, représenter un club, être un président, un porte-parole ?
Exactement.
Dans dix ans, Kamel sera-t-il plus proche des siens et de sa famille ?
Ça, c’est sûr. J’espère avoir des enfants. Avec la responsabilité de bien les éduquer, de leur donner les meilleures armes.
L’esport en sera où ?
Le pourcentage de la population qui consomme de l’esport va augmenter et j’espère voir des stades, des petites arénas au moins, où ils pourront se réunir régulièrement pour voir des matchs d’esport, pour hurler, sur des actions de fou. Chaque club avec son arène. Et la KCorp au sommet. @KarmineCorp
« Désormais, je sais ce que demain peut m’apporter. »
L’ÉLAN FINLANDAIS
C’est un pays qui a produit plus de champions de sports mécaniques par habitant que tout autre. Mais parmi ces grands, une nouvelle légende a vu le jour. Pourquoi la Finlande est-elle le royaume des pilotes, et qui est donc KALLE ROVANPERÄ ?
Texte WERNER JESSNER Photos OSSI PIISPANENDécembre 2022. Le champion du monde des rallyes, Kalle Rovanperä, 22 ans, prend sa Toyota GR Yaris Rally1 Hybrid en mode routes fermées près de Korpilahti.
Kalle Rovanperä
Ouninpohja. Ruuhimäki. Päijälä.
Charmants substantifs finnois qui sont pour nous autant de promesses d’huiles essentielles, de pâtisseries insolites ou autres curieux élixirs. Mais les gens du pays savent quelle âpreté se cache sous ces mots désignant les épreuves spéciales de l’édition annuelle du Rallye de Finlande, jamais annulé depuis 1951. Ce n’est d’ailleurs pas la seule raison de son statut de véritable institution nationale : quand les meilleurs pilotes de rallye au monde s’affrontent sur des parcours semblables à des montagnes russes traversant lacs, forêts de bouleaux et prairies pittoresques à des vitesses moyennes de plus de 130 km/h et des sauts dépassant les 50 mètres, tout le pays vient encourager ses héros.
Pendant la majeure partie de son histoire, les challengeurs d’autres régions nordiques n’ont eu aucune chance dans ce rallye. Il a fallu attendre exactement quarante ans pour que le premier pilote non scandinave s’impose en vainqueur au pays des mille lacs. Les Finlandais n’auraient rien eu contre le fait que cela n’arrive jamais.
Tout d’abord, en 1990, la légende espagnole du rallye Carlos Sainz Sr. a remporté de la victoire dans l’épreuve –appelée à l’époque Rallye des 1000 lacs – en route vers son premier titre WRC. Deux ans plus tard, le Français Didier Auriol ajoutait son nom à la légende. Et on connaît la suite : immenses champions à la longévité exceptionnelle, nos deux Sébastien hexagonaux, j’ai nommé messieurs Loeb et Ogier, se sont emparés du titre et ont véritablement ébranlé cette institution finlandaise par excellence, en la remportant à quatre reprises à eux deux, de 2008 à 2013. Ce fut une tragédie nationale dans le Grand Nord.
Ci-dessus : le team de Kalle Rovanperä s’est improvisé un atelier dans une menuiserie. À droite : le plus jeune champion WRC de tous les temps.
« À douze ans, j’ai perdu tout intérêt pour la course. »
Kalle Rovanperä
Dans les forêts autour de Jyväskylä, un petit elfe observait tout cela, comme des milliers de fans, encourageait son père Harri (une star locale du rallye, retiré de la discipline en 2006, quand il avait 6 ans) et les autres pilotes finlandais. Son nom ? Kalle Rovanperä. « Je n’ai jamais eu d’idoles mais j’ai toujours admiré mon père et j’assistais à la plupart de ses essais », se souvient-il. Après la mise au vert de son père, ils regardaient la course ensemble et encourageaient les autres stars finlandaises, mais de 2004 à 2021, chaque année sauf une, Loeb et Ogier se partageaient le titre WRC (championnat du monde des rallyes). D’aussi loin que Kalle se souvienne, ils ont été les champions du monde. Il rêvait qu’un pilote finlandais s’empare de cette couronne. Et il s’est avéré que la personne dont il rêvait, c’était lui-même. Pour mémoire, l’octuple champion du monde Sébastien Ogier courait dans la même écurie que lui l’année dernière quand Kalle l’a battu.
Lorsqu’il vient au monde, son père Harri Rovanperä est l’un des pilotes les plus rapides de la discipline. Courant pour Peugeot, Mitsubishi, Seat et Škoda, il s’impose au Rallye de Suède mais n’atteint jamais vraiment la gloire. Une carrière au goût d’inachevé, reconnaît-il volontiers aujourd’hui. Les raisons ?
« Toujours ces moments où je faisais n’importe quoi. Et puis il fallait respecter le système des hiérarchies au sein de l’équipe. » Autrement dit, son coéquipier Marcus Grönholm devait devenir champion du monde et Harri avait pour mission de l’épauler. Mais au fond, il avait l’étoffe d’un vrai champion.
De toute façon, Harri a d’autres projets en tête à l’époque : comme le fait
Jos Verstappen avec son petit Max, il met très tôt son fils au karting. Kalle n’a que six ans quand il conduit sa première voiture. Des vidéos du gamin de huit ans circulent dans lesquelles on le voit dériver sur un lac gelé au volant d’un petit engin transformé en voiture de rallye. « On roulait sur la neige et la glace par
Harri Rovanperä a rendu visite à son fils Kalle durant notre reportage. Harri connaît toute l’équipe de Kalle, et il leur fait une confiance aveugle.
mesure de sécurité : cela limite la vitesse », rassure Harri, qui achète ensuite à la jeune star de YouTube sa première vraie voiture de rallye avec laquelle il participe à des courses sans copilote en Estonie. Alors que Verstappen senior emmène son fils de course de karting en course de karting, Kalle, lui, peut rester Kalle. « Je n’ai jamais eu à le convaincre de faire des compétitions », explique Harri. Et l’inévitable se produit :
« À douze ans, j’ai complètement perdu tout intérêt pour la course. Pendant neuf mois, je n’ai même pas posé les yeux sur ma voiture. J’avais juste envie de faire les mêmes trucs que tous les gosses de mon âge », se souvient Kalle.
« Mais un peu avant Noël, enchaîne son père, il vient me dire qu’il a envie de s’y remettre. » Harri traîne la Citroën C2 qui commençait à rouiller dans le jardin jusqu’en Laponie, Kalle s’empare du
« Je n’ai jamais eu d’idoles, mais j’ai toujours admiré mon père. »
volant… et ne le lâchera plus jamais. Une mention spéciale dans le règlement de l’union lettone lui permet de participer au championnat local à l’âge de 15 ans.
Faute de permis de conduire, le copilote prend le relais sur les étapes de liaison, l’adolescent n’étant autorisé à appuyer sur le champignon que sur les parties fermées du circuit. Sans surprises, Kalle Rovanperä remportera le titre à trois reprises.
On voyait déjà que Kalle avait ce petit truc en plus. À 15, 16 ans, il était plus rapide que moi. Une vraie comète », poursuit-il ici à Korpilahti où il fait le mécano sur la Toyota de ce rejeton qui enchaîne les superlatifs : plus jeune pilote de tous les temps au classement par points, plus jeune sur le podium, plus jeune à remporter une course de WRC et, depuis 2022, plus jeune champion du monde des rallyes à 22 ans et un jour.
(Là encore, difficile de ne pas penser à Max Verstappen.) Pour mettre cela en contexte, la dernière personne à détenir le record était Colin McRae en 1995 ; il avait 27 ans. Kalle Rovanperä a été plus rapide.
À Jyväskylä, c’est l’hiver dans toute sa splendeur : températures en dessous de zéro (à deux chiffres), routes enneigées, journées courtes, luminosité rare. Attablé avec un ami dans le café-restau
Les pointes que l’on voit ici sur les roues de la Toyota de Rovanperä sont les plus longues, telles qu’utilisées au Rallye de Suède en février dernier.
« Revolution », un jeune homme remarquablement frêle dévore un hamburger. La mine des autres clients est sans équivoque : on sait qu’ils reconnaissent le champion du monde des rallyes, mais cela s’arrête à quelques échanges de regards polis. Installé à Monaco comme tant de pilotes de course, Kalle apprécie ce trait caractéristique de ses compatriotes : « Ils ne sont jamais intrusifs. Mais c’est pareil à Monaco, je m’entoure de gens normaux, pas de célébrités. »
D’être entré dans l’Histoire en ayant déjà le titre mondial en poche deux manches avant la finale a fait de lui un héros populaire : « Je pilote pour gagner, peu importe l’avance », élude-t-il. Nette distinction avec les autres légendes de la discipline, l’Allemand Walter Röhrl en tête, qui a toujours fait passer la perfection de son art avant les résultats.
Comme le précise son père : « Kalle, c’est une autre génération. Il est plus intelligent, plus concentré sur ses objectifs et d’une maturité étonnante du haut de ses 22 ans. De moi, il a hérité cette capacité à rester calme dans les situations extrêmes, c’est tout. Je ne crois pas que le père Rovanperä et le père Verstappen se ressemblent, mais leurs fils, oui. Ils veulent gagner à tout prix et, outre leur talent, sont capables d’investir une masse de travail hallucinante. » Kalle
pointe un autre parallèle du doigt avec son collègue champion du monde : « Max et moi ne sommes jamais aussi bons que dans des conditions difficiles. Notre météo préférée : des trombes de pluie ! » Entre Harri et Kalle, la Finlande a évolué. Le langage aussi : Harri cultive un anglais très finnois propre aux pilotes de sa génération, une prononciation gutturale qui fait honneur à l’infinitif et a forgé cette image du coureur finlandais typique, le sisu.
Sisu ne se traduit pas avec des mots, mais en la personne même de Harri Rovanperä et des autres pilotes de son acabit sortis de l’insondable néant finlandais : persévérer, continuer, s’accrocher jusqu’à ce que le monde entier comprenne enfin ce dont on est capable.
L’anglais de Kalle est fluide et cosmopolite. Alors qu’Harri affûtait ses compétences de pilote clandestinement, la nuit, sur des routes perdues en forêt pendant que ses amis distrayaient le policier du
Les
village, c’est tout un segment de route qui est bouclé pour Kalle, postes de sécurité et ambulances sur place inclus.
Ici, aux abords de Korpilahti, la route disparaît sous la neige. Parcours vallonnés typiquement finlandais. Au volant de sa Toyota Yaris, Kalle passe en sixième. Un coup d’œil sur le compteur : 180 km/h. On a beau savoir que les pneus sont généreusement cloutés, on tremble un peu quand les arbres défilent à cette vitesse vertigineuse. L’approche d’une butte non pas en ligne droite mais dans une légère chicane à gauche n’arrange rien. Les quatre roues quittent le sol, un ange passe dans la voiture qui retrouve bien vite la terre ferme tandis que Kalle la redresse d’un seul mouvement fluide et parfaitement dosé. Cette souplesse, cette tendresse même avec laquelle Kalle manie sa Toyota empêche sans doute son copilote de paniquer. Aucune précipitation ni faute de rythme. Jamais. Le jeune homme joue de sa Yaris comme d’un instrument. « C’est ici que j’ai roulé pour la première fois, à l’âge de 12 ans. C’est peutêtre pour ça que le succès est arrivé si tôt : malgré ma jeunesse, je ne manque pas d’expérience. » Dans toute sa carrière au plus haut niveau du WRC, Kalle n’a connu en tout et pour tout que quatre
conditions météo favorites de ce pilote ? Des trombes de pluie !
Jonne Halttunen, copilote
abandons, là ou la plupart de ses collègues passent pas mal d’années à plier du métal avant de connaître leurs limites. « Peut-être bien que j’utilise ma tête », s’amuse Kalle. Des mots prononcés sans condescendance, juste avec un certain réalisme.
Copilote attitré de Kalle Rovanperä depuis six ans, Jonne Halttunen a quinze ans de plus que lui. Son père Harri les compare à deux frères « mais on ne sait jamais vraiment qui est l’aîné ». Quand on lui demande pourquoi il s’est engagé aux côtés d’un ado sans permis à l’époque, Jonne rétorque : « J’avais été plusieurs fois champion de Finlande et je voulais me lancer dans les championnats du monde. Avec Kalle, j’ai senti qu’une opportunité se présentait. Il était déjà très mûr pour un ado ; sur la route, il ménage le matos et il est très malin. On ne s’est encore jamais engueulés. Kalle sait exactement quand il faut attaquer, et là, il est sans pitié. »
Question à son chef d’équipe, Jari-Matti Latvala, qui, malgré une carrière couronnée de succès, n’est jamais devenu champion du monde : pourquoi Toyota a-t-elle pris le risque de recruter un adolescent ? « Malgré son jeune âge, Kalle conduisait déjà comme un adulte et surtout, il reconnaissait honnêtement et ouvertement ses erreurs et s’empressait de les corriger. »
Et ses principaux traits de caractère ?
« J’en distingue quatre : primo, il s’adapte plus rapidement que les autres aux nouvelles voitures. Deuxio, il est capable de prendre plus de risques que ses concurrents dans des situations décisives sans faire pour autant des sorties de route. Tercio : quand d’autres explosent, lui s’épanouit dans les conditions difficiles. Et enfin, il résiste outrageusement bien à la pression. Bien sûr, j’essaie d’instaurer un climat positif pour que toute l’équipe roule le sourire aux lèvres, malgré toutes les pressions subies. Mais quand on est pilote, c’est une autre paire de manches, et je sais de quoi je parle. Les défis et les espoirs de victoire, ça vous lessive psychologiquement. Lui, la seule et unique fois où je l’ai senti nerveux, c’était pour le titre de champion du monde en Nouvelle-Zélande. »
« Kalle sait quand attaquer, et là, il est sans pitié. »
Kalle Rovanperä et son copilote Jonne Halttunen. Les deux hommes ont foncé ensemble cinq années durant pour devenir champions du monde des rallyes.
Rovanperäs united. Harri dit que son fils a surpassé son talent à l’âge de 15 ans. Kalle considère son père comme son idole.
Revenons à ce fameux rallye, en septembre 2022, justement. Rovanperä a déjà le titre en ligne de mire, mais pas encore dans la poche. Avec deux autres rallyes au calendrier, il doit terminer avec sept points d’avance sur son plus proche rival, l’Estonien Ott Tänak (qui est d’ailleurs le seul pilote à avoir brisé la longue série de victoires des deux Sébastien, Ogier et Loeb en remportant le WRC 2019). Et bien que Rovanperä ait pris d’assaut la saison avec cinq victoires, ses deux dernières épreuves disputées avaient révélé sa faillibilité. En Belgique en août dernier, il avait fait un tonneau avec sa voiture le premier jour, et trois semaines plus tard, au rallye de Grèce, il avait terminé à une décevante quinzième place, réduisant encore son avance.
Pour ajouter à l’enjeu, Rovanperä est le premier à partir le vendredi à Auckland, un désavantage significatif car il devait être celui qui nettoyait le parcours de gravier et traçait des lignes pour tout le monde. Il a terminé la journée en quatrième position, avec 7,2 secondes de retard sur Tänak, qui s’est couché ce soir-là en première position. Il était temps, comme le dit Latvala, d’absorber cette pression. Rovanperä a creusé profondément dans son sisu. « Je me mobilise pour gagner, peu importe l’écart »,
dit-il en parlant de sa méthode. Deux événements importants se sont produits pendant la nuit. Premièrement, Rovanperä a eu 22 ans. Deuxièmement, il s’est mis à pleuvoir abondamment – un cadeau d’anniversaire des cieux pour un jeune homme élevé dans des conditions sans compromis. Parti en septième position, il a réalisé une performance impeccable sous la pluie battante, terminant en tête, ou assez près, de chaque étape, alors que d’autres ont fait des erreurs.
Cela lui a permis d’aborder le dimanche avec 29 points d’avance sur le pilote en deuxième position – son coéquipier et champion du monde en titre Ogier. En troisième position se trouvait Tänak. Les deux hommes que Rovanperä avait –de loin – regardé diriger son monde depuis qu’il avait 13 ans. L’heure d’un nouvel ordre mondial avait sonné, et il en avait fait son cheval de bataille.
Lors de la dernière Power Stage du dernier jour, Rovanperä n’avait besoin que
d’une quatrième place pour remporter le titre mondial, mais il l’a quand même remporté. Un titre remporté par le duo Rovanperä/Halttunen au terme d’une course contrôlée et dominatrice juste devant leur coéquipier et octuple champion du monde Sébastien Ogier.
Un jour après son 22e anniversaire, et après seulement sa troisième saison en WRC, Kalle Rovanperä a été couronné champion du monde – le premier Finlandais à rendre le titre à sa nation en deux décennies.
Et les premiers mots échangés par Harri et Kalle Rovanperä enfin devenu champion du monde ? « Franchement, je ne m’en souviens pas, avoue Kalle. Sûrement quelque chose du genre : “Ça, c’est fait !”, enfin je suppose », ajoute Harri après un instant de réflexion typiquement finlandais. Jonne, le copilote, vient mettre son grain de sel : « Je me souviens très bien de ce que tu m’as dit quand c’était clair qu’on était champions du monde : “Perkele !” »
Ni une huile essentielle, ni une pâtisserie, ni un élixir, juste une expression emphatique finnoise parfaitement appropriée, sortie du cœur et signifiant à peu près « diable » : ultime symbole de l’union éternelle et intemporelle entre la Finlande d’hier et celle de demain. Instagram : @kallerovenpera
Kalle est le premier Finlandais à rendre le titre à sa nation depuis 20 ans.
DOUBLE IMPACT
Après une année exceptionnelle remplie de succès, NOVA TWINS, le duo londonien qui mélange les genres, offre un autre choix à la musique alternative et fouette le rock. Rencontre backstage pour discuter de respect, de représentation et de grosses basses.
LOU BOYD Photos STEPHANIE SIAN SMITHce samedi de novembre exceptionnellement ensoleillé, la file devant la salle de concert du sud de Londres, l’Electric Brixton, s’allonge rapidement. Le public est là pour voir les Nova Twins, c’est-àdire Amy Love et Georgia South, l’un des groupes les plus électrisants de la scène musicale britannique. La diversité d’âges, de sexes et de styles vestimentaires dans la file de 1 500 personnes reflète l’attrait du duo pour tous les genres. Avec un son qui incorpore punk, rap, pop, rock, metal, R’n’B et bien d’autres genres encore, les Nova Twins ont été associées au cours de leur ascension fulgurante en popularité au style d’artistes comme Rage Against the Machine, Cypress Hill ou Missy Elliot. Et elles ont assuré des premières parties pour Bring Me the Horizon, Prophets of Rage, Yungblud, Enter Shikari, Skunk Anansie ou encore Sleaford Mods.
Bondissant d’un taxi, les Nova Twins s’infiltrent par derrière dans la salle de concert. Elles ont été très occupées ces derniers mois. « Quelle période folle, s’exclame Love, chanteuse et guitariste, en riant et en s’affalant théâtralement sur l’épaule de sa camarade South. On est un peu dépassées. » Il s’agit de leur troisième concert en autant de soirs. Le duo a parcouru le Royaume-Uni au cours des dernières 48 heures, donnant des shows à Glasgow et à Manchester avant de gagner Londres aux premières lueurs ce matin.
En personne, les Nova Twins semblent chaotiques et hyperactives. Love – l’aînée des deux – est assurée et charmante, tandis que South est adorable et animée, passant d’une personne à l’autre avec un enthousiasme contagieux. Dans le chaos
Enorganisé de la préparation de leur concert du jour, elles se blottissent souvent l’une contre l’autre pour discuter, murmurer des blagues et rigoler. Le duo s’est rencontré à l’adolescence, par l’intermédiaire du frère de South. Elles ont tout de suite senti une connexion. Leur histoire ressemble plus à une rom com qu’à un parcours musical. « On m’a présenté la famille de Georgia et nous nous sommes tout de suite entendues comme deux larrons en foire, raconte Love. Je suis allée chez elle un jour et nous avons immédiatement cliqué. Et ça n’a pas changé depuis. »
Lors de cette première rencontre, South et Love ont été liées par un amour commun de la musique. Love avait écrit et joué en tant qu’artiste solo et a été attirée par South et sa famille musicale. « Tout le monde est musicien dans la famille de Georgia, dit Love en riant. C’est vrai ! Ta mère, ton père et tes frères sont tous musiciens ! Vous avez toujours joué de la musique à la maison –c’était génial. »
Elles n’ont cependant pas pensé à former leur propre groupe. Love avait un projet solo en cours, et South était déjà dans un groupe local. « Mais nous avons toujours eu cette sorte de connexion et d’affinité, et nous gravitions l’une vers l’autre de toute façon, poursuit Love. Les gens nous disaient tout le temps : “Vous devriez monter un groupe”, et nous répondions maladroitement : “Nous sommes déjà dans d’autres groupes.” Mais, évidemment, ils avaient tous raison. C’était clair pour tout le monde, sauf pour nous, et rapidement,
nous avons décidé que nous allions monter quelque chose. »
Elles sont officiellement devenues un duo en 2014 et sont parties sur les chapeaux de roue. Cousant leurs propres tenues de scène extravagantes à partir de rien et filmant des clips DIY sur des smartphones avec l’aide de la maman de South, les adolescentes sont rapidement devenues des figures connues de la scène open-mic du sud-est de Londres, jouant
« Les gens nous disaient tout le temps : “Vous devriez monter un groupe.” »
Amy Love
dans des clubs réputés pour leur musique live comme The Fox & Firkin et le Ravensbourne Arms à Lewisham. Après avoir publié indépendamment leur première chanson, Bassline Bitch, en ligne en 2015, Nova Twins a retenu l’attention du label indé Robotunes et le duo a été rapidement signé. En août de l’année suivante, elles ont sorti leur premier EP éponyme. « Nous avions notre propre son dès le départ, déclare South. Quand nous
avons écrit notre première chanson, il n’y avait que ma basse distorsionnée et la voix punk d’Amy. Nous avions tout de suite ces éléments et nous savions que c’était neuf et intéressant, comme rien de ce que nous avions entendu auparavant. Cela nous a donné envie d’aller de l’avant. Nous ne sommes pratiquement pas sorties pendant deux ans ; nous étions dans notre propre bulle ensemble, à écrire, à répéter, à nous y donner à fond. »
Avance rapide jusqu’en 2020 et l’aboutissement de ce dur labeur : le premier album du groupe, Who Are the Girls?, sorti sur Spotify en février de la même année, quelques semaines avant que le monde ne s’écroule. Cela aurait pu être un désastre, mais le disque est devenu l’un des success story de la pandémie. Bien qu’elles n’aient pas pu partir en tournée, leurs chansons à haute teneur en énergie, avec leurs paroles
Nova Twins
C’est parti : les Nova Twins font vibrer la foule à l’Electric Brixton lors de la dernière date de leur tournée Supernova en 2022. Notez les lumières géantes épelant NOVA derrière le duo.
fortes et leurs riffs lourds, ont captivé l’imagination des amateurs et amatrices à travers le monde. En même temps qu’un nouveau public de fans passionné·e·s, elles ont reçu des messages de grands noms de l’industrie, dont Elton John, qui les a invitées à participer à son podcast sur Apple Music – « Nous étions en mode, “Fuuuuuck!” Parce qu’il était là, sur FaceTime, une légende dans un survêtement Gucci », s’amuse South – et le guitariste des Rage Against the Machine, Tom Morello, qui a proclamé que les Nova Twins étaient « le meilleur groupe dont vous n’avez jamais entendu parler ».
Après le succès retentissant de Who
Are the Girls?, le groupe s’est attelé à la préparation d’une suite, Supernova, dont la sortie était programmée pour 2022. « Nous étions assez nerveuses, admet Love. À cause de la pandémie, Supernova ne ressemblait pas vraiment à un deuxième album… plutôt à un deuxième premier disque. » Elles n’avaient pas à s’inquiéter : l’album a été à la hauteur de son nom, propulsant le duo à un autre niveau. Universellement acclamé par la critique, l’album a valu à Nova Twins une pléthore de nominations pour des prix tels que le Mercury Prize et ceux du
meilleur groupe du Royaume-Uni et du meilleur groupe du monde décernés par NME, ainsi que d’autres prix comme celui de la révélation britannique décerné par le magazine rock et heavy Kerrang! et celui de nouvelles artistes Women in Music 2022 décerné par Music Week. Supernova est une collection punchy de pièces de trois minutes qui distillent des hooks imparables et des paroles bien ficelées. Écrit pendant la pandémie et à l’apogée du mouvement Black Lives Matter, le message est sans détour au sujet des luttes des Nova Twins en tant que femmes de couleur dans l’industrie de la musique (Love est d’origine iranienne et nigériane, South est d’origine jamaïcaine et australienne). « Nous avons grandi dans le rock et nous n’avons pas vu beaucoup de visages comme les nôtres, dit South. Nous avons souvent
été le seul groupe de personnes de couleur à l’affiche des festivals. Les gens nous disaient que nous aurions plus de succès si nous devenions plus pop, ou moins heavy et alternatif. » Leur album Supernova est un bras d’honneur fait à ces commentaires.
Pendant la pandémie, alors qu’elles cherchaient d’autres moyens de répondre aux événements qu’elles voyaient se dérouler aux États-Unis, les Nova Twins ont lancé Voices for the Unheard, une playlist d’artistes de couleur, sur leur profil d’artiste Spotify. « C’est une façon de mettre en avant les créateurs et créatrices de couleur et de dire à notre public : “Voici les artistes que vous devriez écouter, ils et elles sont incroyables” », explique South. La playlist s’est ensuite transformée en une série d’interviews sur les réseaux sociaux, animées par le groupe. « Ces interviews avaient pour but d’encourager les artistes à raconter leur histoire et leur parcours », continue South. Elle et Love se sont entretenues avec des musiciens et musiciennes tel·le·s que Skin, la chanteuse de Skunk Anansie, Shingai Shoniwa, la chanteuse de Noisettes devenue une star
« Nous voyions peu de visages comme les nôtres. »
Georgia South
solo, Connie Constance, ou encore Loathe, un groupe de metal basé à Liverpool, sur leur expérience d’artistes de couleur dans l’industrie musicale.
« On a récolté toutes ces expériences et on les a partagées, reprend South. Des histoires sur des situations comme le fait de ne pas être invité·e à un festival parce qu’un autre groupe de couleur a déjà été invité. Des histoires de gens qui se sont fait dire : “Oh, vous n’êtes pas indie, parce que vous ressemblez à ça”, ou “Vous n’êtes pas rock, parce que vous avez une énorme coupe afro.” Il y a tellement d’histoires similaires sur le fait d’être incompris·e. »
La série a poussé les Nova Twins à prendre les choses en main et, fin 2020, elles ont écrit une lettre ouverte aux organisateurs des MOBO – un événement de remise de prix qui célèbre la musique d’origine noire – pour demander l’ajout d’une catégorie alternative/ rock. « Nous sommes Nova Twins, un groupe de deux filles métisses du sudest de Londres et de l’Essex qui crient à travers des micros et jouent des riffs sinueux à la basse, ont-elles écrit. Nous voulons utiliser notre plateforme pour élever la voix de celles et ceux que l’on n’entend pas, diversifier l’espace pour les groupes de couleur alternatifs, mais nous ne pouvons pas le faire seules. Nous avons besoin de plateformes pionnières et influentes comme les MOBO pour nous soutenir et envisager un avenir plus diversifié pour la musique. » C’était une déclaration puissante, qui n’est pas passée inaperçue. Elles ont rapidement reçu une invitation à une réunion avec la fondatrice des MOBO, Kanya King, et en 2022, une catégorie « alternative » a été créée… avec les Nova Twins parmi les premières nominées, bien sûr.
« Cela a commencé parce que quelqu’un a demandé en plaisantant si on s’était déjà présentées aux MOBO. On a tous ri comme si c’était une idée ridicule, raconte Love. Mais on s’est arrêtées et on s’est dit : “En fait, pourquoi pas ?” La raison pour laquelle nous avons vraiment eu du mal en tant que groupe dans la musique rock au début était que les gens ne voulaient pas reconnaître d’où venait le rock. C’est du rhythm and blues ! C’est inspiré de la musique noire ! »
C’est un point évoqué dans leur lettre aux MOBO : « Les gens ne savent pas que le rock’n’roll a en grande partie été créé par une femme noire, écrivent-elles.
Amy Love
Sister Rosetta Tharpe, qui a commencé sa carrière dans les années 1930, a ensuite inspiré des noms familiers à travers les décennies. On peut voir et entendre son influence dans les compositions de Little Richard, de Chuck Berry, d’Elvis Presley, de Tina Turner, de Jimi Hendrix, etc. Sa technique de jeu à la guitare a également exercé une influence majeure sur le développement du blues britannique dans les années 1960. Nous avons tous une dette énorme envers elle… » La nouvelle catégorie MOBO est une victoire pour la représentation des
femmes de couleur du passé et du présent du rock, souligne le groupe, mais surtout, elle ouvre la voie à celles de demain. « Cela va ouvrir des portes aux jeunes artistes de couleur qui pourraient vouloir explorer des genres différents, renchérit Love. C’est tellement kiffant de voir de jeunes groupes alternatifs de couleur vraiment enthousiasmés par cette catégorie, approuve South. C’est comme si, enfin, nous étions incluses, et les gens sont très enthousiastes face à l’avenir. »
Le concert de ce soir à Londres marque la fin de la tournée Supernova au Royaume-Uni pour 2022 (elle se terminera en fait à Brighton le 4 mars 2023) et c’est un peu un retour aux sources pour le groupe qui a commencé à se produire dans des pubs tout
« Nous sommes des bricoleuses. »
près. En observant les Nova Twins dans les coulisses de l’Electric Brixton, il est évident qu’elles ont le contrôle de chacun des aspects de leur image et de leur produit. Cinq minutes à peine après leur arrivée, elles sont déjà plongées dans les détails techniques du spectacle de ce soir. South discute avec l’équipe de scène de l’emplacement de la pyrotechnie et des lumières, tandis que Love négocie le choix de sa tenue avec le photographe envoyé par The Red Bulletin
Le duo, qui a toujours créé ses propres tenues de scène assorties, a maintenant un label de mode, Bad Stitches, et le choix du bon look est donc de la plus haute importance. « Nous sommes des bricoleuses dans l’âme, ajoute Love. Nous restons un groupe indépendant, signé sur un label indépendant. Donc, quand il s’agit de lumière ou de son, nous nous
occupons de chaque composante, car nous sommes les seules à savoir comment cela doit sonner et apparaître. »
Sept heures après l’arrivée de South et de Love à l’Electric Brixton, les portes s’ouvrent et le public remplit rapidement l’arène principale et les balcons. La diversité de ce dernier tranche avec celle que l’on observe habituellement aux concerts rock. Il y a des pères avec leurs fils, des bandes d’adolescentes accrochées aux rampes d’accès à l’avant, des personnes
Nova Twins
qui assistent au concert seules, des couples enroulés l’un autour de l’autre au bar… Tous partagent la même effervescence. Au moment où les lumières s’éteignent, la salle toute entière se met à rugir.
Quatre lumières géantes situées au fond de la scène clignotent en séquence –N.O.V.A. – et un mur de feu s’élève dans les airs alors que South and Love bondissent sur scène et entament leur première chanson. La foule se sépare instantanément pour créer le premier mosh pit de la soirée. Dès le deuxième morceau, les deux femmes sautent de la scène et jouent dans la fosse à leurs côtés. « Tout le monde se lance dans la fosse à nos concerts, a prévenu Love. C’est génial de voir des femmes, des personnes nonbinaires, un mélange d’hommes et de femmes plus âgé·e·s, ainsi que des plus jeunes. Nous veillons toujours à la sécurité de chacun·e, mais si vous connaissez notre groupe, vous savez ce que nous défendons : le respect, peu importe d’où viennent les gens, à quoi elles et ils ressemblent ou quel est leur genre. Tout le monde mérite le respect. »
Le duo donne un spectacle parfait : la voix puissante de Love contrebalancée par sa présence de frontwoman assurée et l’énergie inépuisable de South alors qu’elle saute un peu partout sur la scène pendant le set. « Quand nous écrivions en vase clos, on imaginait toujours ce que ça ferait d’être devant une foule, raconte South. Dans ma chambre, je me disais : “Ce sera le drop de cette chanson”, et je rêvais de la chanter lors de tournées ! Alors, bien sûr que je saute partout ! C’est maintenant ma réalité. C’est la plus grosse décharge. »
Alors que le duo domine la scène devant une foule enthousiaste et à guichets fermés, il est clair qu’elles sont arrivées au sommet. Et, dans une industrie encore parsemée d’obstacles, South et Love sont convaincues qu’elles ont ce qu’il faut pour se tailler une place dans le monde de la musique. « Nous avons tellement de chance de nous être trouvées, déclare South après le concert, en regardant Love. Nous sommes déterminées, nous nous motivons mutuellement, et nous ne nous plaignons pas. Nous avons tellement de chance d’être dans ce duo, de nous faire confiance et de respecter les idées de l’autre. Je sais que quoi que nous rencontrions, nous ferons équipe ensemble. On va y arriver, p*tain ! » novatwins.co.uk
« Ce que défend Nova Twins, c’est le respect. »
Georgia South
CASTER SENIOR
À 34 ans, KEVIN « TWEEKZ » REMY est une figure de l’esport français. Guidé par sa passion, il commente les compétitions de League of Legends depuis dix ans, et s’est battu pour. Immersion chez un caster.
Texte EVA MARTINELLO Photos CHLOÉ RAMDANI & TIMO VERDEILLes murs du Zénith de Lille tremblent. Le public est en effervescence. Il fait des holàs et crie pour accueillir l’élite de l’esport sur League of Legends. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils voient leurs joueurs préférés, leurs idoles, en vrai. Derrière eux, l’ordinateur des commentateurs vibre et se déplace sur le bureau par l’impulsion de la foule. Les casters anglophones et français ne s’entendent plus parler. Le chef d’orchestre de la foule, c’est Tweekz. Il commente son premier grand événement physique et a troqué ses T-shirts geek pour un costard. Malgré l’épuisement, après huit heures de cast par jour, il ne ressent pas la fatigue : les fans en délire lui envoient une énergie explosive.
Un visage de l’esport français
Ce tournoi a lieu en 2013. C’est le premier à réunir les meilleurs joueurs européens du jeu vidéo League of Legends dans une salle de concert en France, et après ses dix ans de cast, Tweekz le considère encore comme son meilleur souvenir de carrière. Tweekz y est présent en tant que commentateur, avec son collègue Gaston « Lege » Bruyère-Pirot. Leur rôle est de commenter en duo tous les matchs en direct pour la foule sur place, mais aussi via une retransmission en streaming, pour les spectateurs devant leur écran. Les joueurs présents à cet événement de 2013 sont aujourd’hui des figures du milieu, et Tweekz n’y fait pas exception. « C’était hyper effrayant, mais fou aussi. Les gens criaient avec
Tweekz et Chips dans les locaux de Webedia en 2019, commentent un match de LFL (la ligue française de League of Legends).nous huit heures d’affilée. Les casters internationaux n’en pouvaient plus de ce bruit, ils faisaient n’importe quoi ! C’était comme du foot. Je me suis dit : “C’est ce que je veux faire de ma vie” », nous confie-t-il avec émotion. Pour revenir sur son parcours, il reçoit The Red Bulletin là où il passe la majorité de son temps : le studio d’OTP, qui retransmet et commente les compétitions officielles de LoL Une petite pièce divisée en deux : le banc des casters trône sur la gauche avec un écran à l’arrière un autre devant eux, pour regarder le match en direct près de la caméra. De l’autre, des fauteuils sont installés dans un plus grand espace, derrière un grand écran, pour accueillir les invités entre les matchs. La régie est dans une pièce séparée du studio, où l’on
trouve toujours plus d’écrans et une grande table de mixage.
Pendant les émissions, Jean-Philippe « Karnage » Coto, co-fondateur d’OTP et producteur, s’assoit dans la régie et maintient une constante communication avec le présentateur pour lui dire quand lancer les sujets ou passer à la pause. La structure d’un jour de matchs est similaire au sport traditionnel. Comme en Ligue 1, les commentateurs commencent l’émission en expliquant le programme, les enjeux des matchs à venir et font monter la tension. En plus de commenter les parties en direct, OTP invite divers intervenants : des experts, appelés analystes, pour énoncer leurs pronostics avant un match, puis en faire le débrief quand il se termine. Relancés par le présentateur, les analystes reviennent sur les moments forts du match et les conséquences du résultat dans le classement de la ligue. Ces experts sont des joueurs professionnels, des entraîneurs ou encore les commentateurs eux-mêmes, questionnés sur des sujets pointus. Et, fort de son expérience, Tweekz peut occuper tous les rôles sur le plateau.
Caster senior
À 34 ans, Tweekz est considéré comme l’un des pionniers du cast français sur LoL. Pourtant, ses collègues, amis et associés Fabien « Chips » Culié et Charles « Noi » Lapassat, sont ceux qui sont le plus souvent mis sous les projecteurs.
En effet, le duo a fondé la chaîne qui deviendra la référence dans son domaine, O’Gaming LoL, en 2011. Tweekz commence sa carrière en même temps qu’eux, mais gravite dans des chaînes concurrentes et ne les rejoint qu’en 2016. Guidé par sa passion, Tweekz joue un rôle essentiel pour les amateurs d’esport : il est la voix qui accueille le spectateur et qui le guide au cours d’un match, pour vulgariser, com-
prendre et le faire vibrer. En parallèle, il présente l’émission d’actualité esport, beIN eSports sur la chaîne de TNT beIN pendant cinq ans. Il y rencontre des commentateurs du sport traditionnel qui l’inspirent pour élever son art. « J’ai pu leur demander des conseils. On a repris les mêmes codes de color caster et playby-play dans un match. » Cela correspond aux deux rôles traditionnels de commentateurs sportifs : le caster playby-play commente l’action comme elle se déroule, alors que le color caster prend la parole dans les moments plus lents.
Au cours de ses dix ans de carrière, le vétéran a tout commenté sur LoL, de la plus petite compétition locale aux finales mondiales à Bercy, devant un public de 9 000 fans. Son profil brille par sa polyvalence grâce à ses expériences diverses, ce qui le dirige vers un rôle hybride qu’il qualifie de « caster senior », soit commentateur expérimenté. « Dans ce rôle, tu dois être capable d’être le leader sur une émission, donc pouvoir assumer n’importe quel rôle : commentateur, analyste, et host. Le host est le présentateur, donc il fait l’ouverture du show et la gestion de la parole. C’est aussi un passeur de plats », nous explique Tweekz.
C’est un rôle qu’il assume très souvent chez OTP. « Tu dois mettre en valeur toutes les spécificités des profils que tu as dans ton émission, comme un analyste pur qui a une expertise, mais doit être lancé sur son sujet pour en parler. Il faut pouvoir le mettre en avant… mais il faut aussi gérer le rythme de l’émission : du genre : “Parle, sois beau, tu es fort, mais en même temps, dans trois minutes quinze, je te coupe parce qu’on doit lancer la pause.” Donc tu es le visage d’accueil et celui qui pose le rythme, mais tu dois aussi te mettre en retrait pour faire briller toutes les spécialisations de l’émission ! »
« Les gens criaient avec nous huit heures d’affilée. Je me suis dit : “C’est ce que je veux faire de ma vie.” »
Façon NBA
Au fil des années, Tweekz a aiguisé son style et trouvé sa place. Quand il commence en 2011, il y a peu de références de casters dans l’esport. Tous posent leur pierre à l’édifice et découvrent le métier alors que l’esport bourgeonne dans le monde. Alors, le passionné s’inspire d’une autre discipline. « La NBA était une référence pour moi, raconte-t-il. Le rythme des matchs ressemble beaucoup à LoL : ça se joue à cinq, avec des rythmes frénétiques et des moments de repos. Les buzzer-beater rappellent les contestations de Nashor qui se jouent au pixel-près… »
Le buzzer-beater est une action spectaculaire dans le basketball. Cela fait référence à un tir lancé juste avant que le chronomètre s’arrête, et où le ballon tombe dans le panier après la fin du round. Le Baron Nashor, sur LoL, est un monstre qui donne un atout extrêmement puissant à l’équipe qui lui assène le dernier coup. Quand deux équipes combattent le monstre en même temps, le joueur qui parvient à retirer le dernier point de vie du Nashor a le potentiel d’offrir la victoire à son équipe par sa seule action. Pour y parvenir, un joueur de chaque équipe dispose d’un pouvoir appelé le « châtiment » qui inflige de lourds dégâts à ce monstre. C’est ce joueur qui a la responsabilité d’achever le Nashor. Mais quand ces joueurs le ratent, il peut être « volé », c’est-à-dire qu’un autre pourra asséner le dernier coup au monstre et prendre l’atout majeur pour son équipe.
Quand un buzzer-beater est marqué en NBA, les commentateurs s’égosillent et le public exulte. Sur LoL, un « vol » de Nashor provoque la même ferveur dans la salle. Les fans sautent sur leur siège et brandissent leurs drapeaux, les joueurs crient devant leur écran sur la scène et les commentateurs hurlent dans leur micro. Ces moments forts deviennent historiques.
Tweekz aime s’imprégner des émotions, comme ce qu’un fan ressent devant son écran, et les verbalise. Son visage
C’EST QUOI, LOL ?
League of Legends est la discipline référence de l’esport dans le monde. Il s’agit d’un jeu de stratégie qui se joue par deux équipes de cinq. Elles s’affrontent sur une carte appelée la Faille de l’Invocateur où chaque joueur incarne un personnage, son « champion », qui a des pouvoirs magiques uniques. Le but est d’atteindre la base adverse et de la détruire, dans une partie de 20 à 50 minutes en moyenne. Créé en 2011, le jeu compte plus de 100 millions d’utilisateurs dans le monde.
s’illumine quand il explique la ferveur qu’il ressent en regardant un match de LoL. D’ailleurs, quand il pose son casque et quitte le studio, il regarde d’autres matchs sur son temps libre. Sa passion est inextinguible. « On me reproche souvent d’en faire trop. Mais je suis comme ça ! Je vis les émotions à fond. Quand tu vois les remontada incroyables dans l’esport, ça donne de l’espoir, ça montre que tout est possible. Et c’est en commentant des matchs dans des salles que je me suis rendu compte que ce que les gens préfèrent, c’est d’avoir cette montée d’intensité en partie, ce moment palpitant qui arrive, un peu comme quand on regarde une série à suspense. »
Addict au cast
Pourtant, devenir une personnalité publique et travailler devant la caméra n’a pas toujours été évident pour lui. « Avant, j’étais quelqu’un d’hyper introverti. J’avais trop de complexes pour me livrer aux gens et l’esport m’a permis de me libérer », raconte-t-il. Le jeu vidéo était une passion de gosse. Il se décrit comme « le premier spectateur Twitch », en expliquant qu’il regardait son grandfrère de huit ans son aîné jouer pendant des heures sur la console sur des jeux comme Metal Gear Solid et Final Fantasy VII, puis sur PC, à la manière d’un fan de jeux vidéo qui regarde son streamer préféré. « J’avais déjà cette posture de spectateur et plus tard, cette fibre m’a donné des facilités pour le cast. »
Quand Tweekz découvre les jeux en ligne, rares sont les foyers équipés d’une connexion et d’un ordinateur en France.
« J’ai tout de suite adoré les jeux en ligne.
« Le rythme des matchs NBA ressemble beaucoup à LoL. »
Mettre des doses à des gens que tu connais pas, c’était vraiment l’euphorie. J’ai tout de suite été compétitif sur World of Warcraft, j’étais dans le top européen pendant des mois », raconte-t-il. World of Warcraft est un jeu massivement multijoueur (MMORPG) en monde ouvert où les joueurs incarnent un personnage dans un monde médiéval-fantastique. Sorti en 2004, le jeu américain, édité par Blizzard Entertainment, propose une sorte de seconde vie, avec des quêtes, des combats, des fonctionnalités sociales et des guildes. Depuis, le jeu a rassemblé plus de cent millions de joueurs et reste une référence du genre. C’est d’ailleurs grâce à ses performances compétitives en PvP (combats entre joueurs) que Tweekz se fait ses premiers contacts qui le conduiront à son premier emploi chez Millenium, en 2013. Mais avant, il découvre un autre jeu en ligne compétitif : League of Legends. Tweekz accroche instantanément à son gameplay complexe. Son éditeur, Riot Games, affiche de grandes ambitions, mais le succès n’est pas immédiat.
Rien ne prédit que dix ans plus tard, LoL génèrera un millard de dollars par an et rassemblera 120 millions de joueurs dans le monde. Mais Tweekz est à fond ; il se hisse au sommet du classement européen en disputant des parties classées, avec des alliés et ennemis choisis au hasard sur les serveurs en ligne. Pour faire partie des meilleurs, il doit avoir de parfaites connaissances sur le jeu et en maîtriser la stratégie. Puis, de plus en plus de joueurs s’y mettent, tentés par l’envie de tester leurs capacités. Tweekz participe à des compétitions locales comme amateur, « pour le bon délire, l’esprit de guilde », et il y découvre le cast par hasard, entre LoL et d’autres jeux compétitifs. Il commente des premières parties pour ses potes dans l’un de ces tournois. Les joueurs agglutinés derrière l’écran des équipes finalistes
UN CIRCUIT DE COMPÉTITIONS STRUCTURÉ
La scène esport comporte plusieurs niveaux, des « divisions », comme dans le football. Le championnat européen, appelé LEC, est au sommet et rassemble les dix meilleures équipes du continent. De janvier à août, elles s’affrontent pour faire partie des deux à trois équipes qualifiées au mondial, qui a lieu tous les ans en octobre. En-dessous, plusieurs pays ont leur championnat national. En France, il se nomme la LFL, créé en 2019, et oppose dix équipes sur une saison qui s’étend de janvier à juillet. La chaîne OTP LoL, co-fondée par Tweekz en 2020, retransmet tous les matchs du LEC et LFL en français sur Twitch, ainsi que son niveau inférieur (la Division 2) et le championnat sud-coréen (LCK), car il offre le meilleur niveau de jeu au monde. En tout, la chaîne diffuse du contenu 7 jours sur 7. Cela représentait plus de 5 millions d’heures visionnées sur un total de 615 heures de diffusion sur le mois de janvier 2023 (source : Twitchmetrics).
ne peuvent pas tout voir, et il décide de commenter l’action en direct pour ses potes qui sont placés trop loin. Et puis, « l’addiction vient en le faisant ». Il prend un micro et commente sur PC pour des spectateurs à distance. Il va dans des tournois plus grands et commente des finales sur scène, devant quelques centaines de spectateurs et retransmis sur internet.Le cast prend une place croissante dans son quotidien.
Harcèlement constant
Kevin se lance dans une double-vie, façon super-héros : le jour, il est étudiant en M2 Commerce International, et le soir, il se transforme en caster esport flamboyant. Il commente des « cups » appelées Go4LoL, des tournois hebdomadaires ouverts à tous et organisés en ligne par la communauté, qui accueillent des équipes de toute l’Europe, pour la plupart sponsorisées par des entreprises privées. Il n’y a pas encore du direct ; Tweekz revoit un match, le commente et le poste ensuite sur Dailymotion. « J’allais au bureau de ma mère après les cours. Il y avait un PC et je pouvais crier comme je voulais. On était trois, c’était du gros fait maison ! On castait à deux avec mon collègue, et une personne en plus gérait le pov (point de vue sur l’écran, ndlr)
Il y avait souvent des retards. Genja et Edward jouaient de Sibérie, par exemple, et donc avaient un gros décalage horaire. On finissait à des heures pas possibles ! » Tweekz diffuse les casts pour la chaîne Millenium. À ce moment-là, les cashprizes sont modestes. Souvent, on ne gagne que du matériel informatique ; il n’y a même pas de quoi rembourser
« Les remontada incroyables dans l’esport, ça donne de l’espoir, ça montre que tout est possible. »
le voyage pour les équipes. Quand il y a mille euros sur la table, les meilleurs joueurs européens affluent. C’est une petite niche, mais Tweekz est passionné. S’il a la moindre chance de pouvoir en faire son métier un jour, malgré la précarité et l’avenir flou du jeu, il s’y lance à fond et ses efforts finissent par payer. Son diplôme en poche, Tweekz décide de se réorienter et intègre Millenium en 2011 à plein temps, l’une des premières Web TV en France qui diffuse du contenu multi-gaming sur Dailymotion (l’ancêtre de Twitch), en tant que spécialiste de LoL. Il y fait du cast, mais y est aussi présentateur, streamer et manager d’équipe compétitive.
Tweekz trouve son « clan » : le local de la TV est une villa près de Marseille où l’on vit, mange et travaille ensemble. Il bosse, respire, dort esport. Il est complètement immergé dans sa passion, dont il peut enfin vivre. Mais tout n’est pas rose. « Quand je suis arrivé devant la caméra, j’étais en surpoids et je me suis fait massacrer », nous confie-t-il. Les réactions sur les réseaux sociaux et le chat sont tranchantes. Ce dernier subit un harcèlement constant pendant plus d’un an. « C’était dur et plus virulent, car les chats étaient complètement anonymes et éphémères. Quand tu vois
les choses pourries qu’on t’envoie, tu comprends si tu es capable de faire ce métier ou pas. » Malgré les difficultés, Tweekz poursuit son chemin. Avec le soutien de ses collègues, Doigby et ZeratoR, il ne lâche rien. Ces derniers sont d’autres figures émergentes du streaming en France et font aussi face à du harcèlement en ligne. Alors que Tweekz restera dans l’esport pur, Arif « Doigby » Akin deviendra ensuite un animateur de jeux vidéo compétitifs, comptabilisant plus d’un million d’abonnés sur YouTube et sur Twitch aujourd’hui. Adrien « ZeratoR » Nougaret, quant à lui, se tournera vers le multigaming ; il sera l’un des premiers streamers indépendants sur Twitch et deviendra un pilier du streaming français, organisant notamment l’un des plus grands marathons caritatifs de gaming dans le monde, le ZEvent, depuis 2016.
Le doute
Le chemin de Tweekz se séparera plus tard de Doigby et ZeratoR par sa passion pour LoL. « Ils ont tous les deux finis par devenir streamers indépendants. C’est vraiment Twitch qui a légitimé le fait d’être indépendant et de le rester, car jusque-là, c’était que des Web TV. Twitch a créé les empires qu’on connaît aujourd’hui. » Frustré par le manque d’investissement donné au MOBA (Multiplayer online battle arena, un genre du jeu vidéo), la chaîne se dirigeant vers du multigaming, il part au Royaume-Uni , à Ashford,avec plusieurs collègues dont ZeratoR en 2013. Ils rejoignent la Web TV concurrente Eclypsia, qui souhaite mettre plus de moyens dans sa chaîne LoL. « C’était difficile de partir, je n’aurais pas eu l’audace de le faire seul. J’avais beaucoup de mal avec le changement et l’affectif a toujours pris une part importante dans ma prise de décisions professionnelles. » Mais le rêve se craquelle : très vite, les propriétaires de la chaîne décident de se tourner vers du contenu plus généraliste et Tweekz est relégué au second plan avec LoL, alors que ses émissions génèrent de bons chiffres pour l’époque (entre 4 000 et 8 000 vues). Le jeu est prometteur, mais n’est pas encore un poids lourd du gaming. Pourtant, le caster a tout lâché pour ce projet. « Être seul en Angleterre, dans une ville vide, je l’ai vécu difficilement. » Il entre dans une période de doute. C’est alors qu’un drame remet tout en perspective.
« J’ai perdu mon père et j’ai mis six mois à sortir de ma bulle, nous explique Tweekz. Je n’étais plus moi-même. » Malgré le deuil, il décide de poursuivre sa passion. « Être en doute professionnel, quand tu vis un drame familial, ça te met au fond. » Mais Tweekz prend le contre-pied de la situation. « Quand tu remontes, t’es dans cette mentalité où tu n’as plus rien à perdre. Tu n’en as rien à péter de ce que pensent les autres », confie-t-il. C’est alors qu’il décide de quitter Eclypsia pour retourner chez Millenium, dont les locaux ont déménagé à Paris via le rachat de la société par le géant du digital Webedia. Avec ce rachat en 2015, Millenium affiche des ambitions beaucoup plus importantes. On lui promet un job de rêve, dont un local professionnel pour faire du streaming et du cast, ainsi qu’une « arène » pour organiser des tournois en physique à Paris, accueillant compétiteurs et spectateurs.
« Être en doute professionnel, quand tu vis un drame familial, ça te met au fond. »
« Le jeu change en permanence grâce aux mises à jour : j’ai toujours la passion !
Un pari
Mais une fois encore, les choses tournent au vinaigre. Les promesses ne sont pas tenues. Tweekz travaille dans un placard derrière le parking, avec l’odeur des pots d’échappement et une climatisation qui ne fonctionne pas. Lui et d’autres collègues, comme Xavier « Mister mv » Dang, sont en pleine désillusion. Le streamer, excédé, redeviendra définitivement indépendant un an plus tard, où sa chaîne multigaming décollera sur Twitch. Tweekz se retrouve au pied du mur et se résout à rejoindre la concurrence : O’Gaming, en tant que freelance. C’est l’une des seules Web TV en France qui diffuse 100 % d’esport. Sa chaîne LoL détruit la concurrence, portée par Chips et Noi. Tweekz troque la sécurité de l’emploi pour une mission sans filet. Cette fois, c’est bien son dernier recours. « J’ai toqué à la porte d’O’Gaming, mais j’ai pensé à arrêter. J’avais un diplôme donc j’ai fait ce pari. »
Sa dernière chance paie. OG investit de plus en plus de moyens dans LoL et devient le partenaire privilégié de Riot Games, qui ouvre son bureau français en 2016. Tweekz est enfin lancé.
Les audiences explosent et les compétitions se multiplient. OGTV LoL devient une machine bien huilée, qui comporte une dizaine de casters. Tweekz cimente sa réputation de référence française avec ses deux comparses. Il acquiert quelques expériences dans la TV, chez beIN Sports. Il fait un tournoi international au Zénith de Paris en 2018. Puis la finale mondiale à Bercy l’année suivante. LoL devient la première discipline esport au monde.
En 2020, la majorité de l’équipe LoL quitte O’Gaming pour fonder sa propre Web TV 100 % consacrée à LoL : One Trick Production (OTP). Le but est
toujours le même : donner la priorité à son jeu favori. Car la passion de Tweekz pour le jeu est intarissable. Après plus de dix ans de métier, il passe encore ses journées à commenter des matchs et en regarde plus sur son temps libre. « J’ai toujours la passion ! Le jeu change en permanence grâce aux mises à jour. Mais surtout, avoir intégré O’Gaming a tout changé pour moi. J’ai découvert des personnes qui aimaient autant le jeu que moi, alors que tous les autres s’étaient lassés », explique-t-il.
Se réinventer
Désormais, Tweekz pense à « passer le flambeau ». Mais pas de suite. « On a une nouvelle génération de casters qui s’établit chez OTP, comme TraYtoN et Zerotick. Ils ne sont pas encore prêts à tout reprendre, mais ils sont là et grandissent », en faisant référence aux derniers à avoir rejoint l’équipe. « OTP m’a donné un nouveau souffle. J’ai envie de travailler pour ce bébé, et même en tant que caster, je suis un éternel insatisfait. » Tweekz dit ne pas avoir fait le tour. Il se trouve des défauts et se force à revoir ses vidéos pour s’améliorer, encore et toujours.
« Tu es obligé de faire ce boulot d’introspection parce qu’il n’y a personne pour te dire ce que tu fais de bien ou non. Je souffre du syndrome de l’imposteur parce qu’il n’y a pas de référence dans mon milieu, Chips et Noi sont ceux qui me donnent des conseils. » En effet, ce sont eux trois qui ont tracé le chemin du cast esport en France, mais aussi à l’international. Leurs comparses anglais, espagnols ou encore coréens ont autant d’expérience qu’eux sur LoL, sorti en 2010. Chips, Noi et Tweekz se challengent donc entre eux. « C’est difficile, ton ego peut partir en vrille. C’est là que le fait qu’on soit collègues, associés et amis est une grande qualité : dès que l’un de nous part en vrille, on se le dit. Inversement, on se soutient dans les moments difficiles. » L’esport est une discipline encore jeune, comparativement au sport traditionnel. Et bien que s’en inspirer ait beaucoup apporté aux professionnels, la comparaison a ses limites.
Au fil des années, l’industrie du sport électronique gagne en maturité et réinvente ses propres codes. Et LoL, le jeu numéro 1 de l’esport, est encore loin de s’essouffler. Tant qu’il perdurera, Tweekz ne sera jamais très loin. twitch.tv/tweekz
« Tu n’as personne pour te dire si ce que tu fais est bien ou non. Je souffre du syndrome de l’imposteur. »
Bouger les montagnes
En 2022, NELLY ATTAR a été la première femme arabe à réussir l’ascension du K2. De retour en Arabie saoudite, où les femmes ont longtemps été dissuadées de pratiquer une activité physique, elle est devenue un véritable modèle et a incité des millions de personnes à bouger.
Texte MAUREEN O’HAGAN Photos TERRAY SYLVESTERIl ne s’agit pas que de vaincre les plus hautes montagnes. La voie de Nelly fait écho à un mouvement en Arabie saoudite qui prône l’activité physique.
Si
vous imaginez que les spécialistes de l’alpinisme ne sont que de vieux briscards, la surprise va être grande. Nelly Attar a dansé lors de son ascension du mont Everest, ses boucles brunes virevoltant au vent. Elle a aussi dansé sur l’Ama Dablam technique et le serein Kilimandjaro. Elle a même dansé sur le terrifiant K2 l’été dernier. Elle danse quand elle est heureuse, quand elle s’ennuie ou encore quand elle a peur. Pour elle, « le mouvement est un excellent remède ».
Autre anecdote étonnante : cette pile électrique de 1,58 m s’est entraînée à escalader les plus hauts sommets aux alentours de sa ville, Riyad…
En Arabie saoudite, dans ce désert brûlant et sans relief ? Sans montagnes de neige et de glace ? Qui plus est, dans ce pays, des règles écrites et orales ont, pendant une grande partie de la vie de Nelly Attar, limité l’accès de la plupart des femmes et des filles au sport ou à l’activité physique : pas question d’être athlète, spectatrice, ou même d’avoir cours de sport à l’école. Danser en public était également tabou.
« La vie m’a appris que les challenges nous offraient de nombreuses opportunités, explique la Libanaise de 33 ans. Il suffit d’un peu de créativité. »
La progression de Nelly Attar en tant qu’athlète – de ses cours de danse clandestins à l’ouverture d’un studio très influent, en passant par des marathons et des Ironman, ou encore l’ascension des plus hauts sommets du monde – est émaillée de challenges et de solutions créatives. Mais ce n’est qu’une facette de l’histoire. Son parcours professionnel, du métier de psychologue à celui de star dans le monde du sport, nous raconte autre chose. Il reflète les bouleversements
que connaît actuellement l’Arabie saoudite et témoigne du rôle de Nelly Attar dans cette transition. « J’ai décidé de changer de vie et de travailler dans le sport, car en Arabie saoudite, c’est ce qui avait le plus d’impact, rapporte-t-elle. Surtout dans le domaine de la santé mentale. »
Dans un pays où 60 % des femmes font moins de 30 minutes d’activité physique par semaine, le simple fait de bouger son corps peut engendrer une réelle transformation. Physique, et mentale. « C’est le meilleur antidépresseur et le meilleur anxiolytique qui existe », assuret-elle. Cette histoire, elle tient à la partager avec ses compatriotes saoudien·ne·s, avec les femmes, avec le monde entier.
Àce jour, l’exploit le plus singulier de Nelly Attar est sans conteste l’ascension du K2, longtemps surnommé la « montagne sauvage », car, selon l’un des premiers alpinistes à avoir vaincu son sommet, il « essaie de vous tuer ». L’aventure est éprouvante : elle dure de nombreuses semaines et nécessite de s’y prendre très à l’avance. Il faut aussi planifier une rotation d’acclimatation et tenir compte des risques d’avalanche, de mauvais temps et de chutes de pierres et de glace. Sans oublier l’effroyable sérac situé au-dessus d’un passage raide et étroit, qui a déjà fait beaucoup de victimes. En juillet 2022, elle est devenue la première femme arabe à atteindre ce sommet de 8 611 mètres. Mais à bien des égards, une autre première fois – qui ne figurera dans aucun livre des records – est tout aussi déterminante. Elle concerne la danse.
Si là où vous habitez, vous pouvez assister à des spectacles de danse, aller en boîte de nuit, prendre des cours de danse et vous trémousser lors de concerts, ce qui suit peut être difficile à comprendre. En effet, jusqu’à une date assez récente, la danse et la musique n’étaient pas autorisées dans les lieux publics saoudiens. Nelly fait partie de celles et ceux qui ont fait découvrir la danse et le mouvement aux Saoudiennes et Saoudiens. Nous entamerons donc le récit de son ascension ici. Tout a commencé par une suite de challenges personnels. Après
avoir déménagé à Londres en 2010 pour suivre son master de recherche en psychologie, l’anxiété l’a gagnée : gorge serrée, attaques de panique qui faisaient battre son cœur à toute allure, impression que le monde allait s’effondrer… Il lui a fallu des mois pour apprendre à gérer la situation. Elle s’est d’abord attachée à se calmer, à ralentir sa respiration et à se concentrer sur une seule chose à la fois. Puis, pour régler ce problème sur le long terme, elle s’est intéressée au mouvement. « Le sport était mon exutoire : courir le long de la Tamise, participer à des cours de sport, danser. J’ai tout testé, raconte Nelly. Quand je ne m’entraînais pas, je ne me sentais pas bien. Je me trouvais paresseuse. Et il me suffisait de commencer à m’entraîner pour me sentir mieux. Je voulais davantage prendre soin de moi et avoir un meilleur régime alimentaire. »
Après l’obtention de son diplôme, Nelly Attar a cherché du travail à Londres, puis au Liban où vivait son père, mais il lui a fallu plus d’un an pour enfin décrocher un poste. En 2013, elle a trouvé du travail chez elle, à Riyad : elle proposait des thérapies aux patient·e·s souffrant de traumatismes cérébraux. Mais un autre défi l’attendait. En Arabie saoudite, les femmes telles que Nelly Attar avaient peu d’échappatoires. Les rares possibilités de faire du sport se résumaient généralement à des salles mal équipées et gérées par des instituts de beauté. Voir une femme arabe courir en public était suffisamment
Avant de devenir une star du sport, Nelly souffrait d’anxiété et d’attaques de panique. Pour elle, « le mouvement est un excellent remède ».« J’ai découvert que les challenges nous offraient de nombreuses opportunités. »
Durant l’automne 2021, Nelly a annoncé son projet d’escalader le K2. À cette époque, seules 400 personnes environ avaient dompté la « montagne sauvage ».
Pour muscler sa préparation, Nelly a fait appel à Mike McCastle, l’homme qui avait entraîné l’explorateur Colin O’Brady avant sa traversée de l’Antarctique sans assistance.
inhabituel pour susciter les commentaires. Tout comme le simple fait d’être dehors sans son abaya, cette longue robe noire. Mais Nelly avait besoin de bouger. Alors elle a eu l’idée de proposer des cours de danse après le travail à ses collègues féminines. Le projet était assez effrayant au départ. Mais cette étape « a bouleversé [s]a vie professionnelle et, par la suite, [s]a vie tout entière », réaliset-elle aujourd’hui.
Ses cours sont devenus de plus en plus populaires. Elle parcourait la ville pour se rendre dans les ambassades ou d’autres lieux privés afin de donner des cours de danse clandestins. Sa mère et son beaupère lui ont alors suggéré une nouvelle idée tout aussi intimidante : ouvrir son propre studio. Nous étions en 2017, le pari était risqué. Cette année-là, un adolescent de 14 ans avait été placé en garde à vue après avoir dansé la Macarena dans la rue. Comment obtenir une licence ? Nelly Attar se lançait dans l’inconnu. Certains conservateurs ne pouvaient pas accepter l’idée que des femmes aient une activité un tant soit peu sportive. Nelly pouvait s’attirer de graves ennuis si son projet était découvert. Elle n’était même pas sûre d’être assez bonne danseuse.
« Mais j’ai toujours fait ce qu’il fallait pour avancer, a-t-elle confié pendant une conférence TEDx. Ce n’était pas parfait ? Tant pis, j’y allais quand même ! » Elle a appelé son studio Move. Réservé aux femmes et aux filles, ce studio proposait tous styles de danse, de l’afrobeat à la danse du ventre, en passant par le hiphop. Mais il ne permettait pas seulement de découvrir la danse. Les femmes arrivaient en avance, simplement pour baigner dans un environnement chaleureux et solidaire. Les filles ramenaient leurs mères, qui restaient là et regardaient, apprenaient et socialisaient.
En parallèle, Nelly organisait d’autres activités pour la communauté, comme des randonnées et des courses à pied – tout ce qui pouvait faire bouger les femmes.
« Les possibilités sont infinies, se réjouit-elle. Faites du basket, dansez et jouez avec vos enfants. Le mouvement englobe tellement de choses. Vous devez
tester et observer ce qui fonctionne chez vous. Inconsciemment, vous poserez les premières pierres. »
Comme le lui disait souvent son père, « seuls ceux qui prennent le risque d’aller loin peuvent savoir jusqu’où ils iront ». Quand elle était plus jeune, il l’emmenait en randonnée, ce qui n’était pas courant dans la région, mais il adorait partir à l’aventure. « Il suffisait que l’on voie un scarabée pour qu’il me fasse tout un exposé à ce sujet, se souvient-elle. Il m’a fait voir la nature telle qu’elle était. » Quand elle a eu 17 ans, il l’a emmenée escalader le mont Kenya en Afrique. Ils n’ont pas atteint le sommet, mais la graine avait été plantée. Lorsqu’elle fait de l’alpinisme, Nelly se sent vivante. « Elle s’épanouit, constate sa sœur Rasha Attar Elsolh. Elle est au mieux de sa forme, se sent au top et fait son maximum. Elle est faite pour la montagne. » Mohamed Attar n’était pas que son père. C’était aussi son meilleur ami. Ils se téléphonaient plusieurs fois par jour, et les mots du père ont donné à la fille l’énergie de gravir des montagnes et de relever des défis de plus en plus ardus.
Après le mont Kenya, Nelly Attar a vaincu d’autres sommets : le Kilimandjaro, l’Elbrouz, l’Aconcagua et l’Island Peak. Pourtant, la première fois que quelqu’un a évoqué l’Everest, Nelly a trouvé l’idée saugrenue. Comment s’entraîner à gravir la plus haute montagne au monde dans le désert ? Puis elle a pensé à son père et à sa façon de l’inciter à repousser ses limites. Elle s’est rappelé que les défis nous rendaient plus forts. Alors elle a respiré un bon coup et, malgré toutes les imperfections, elle a fait un pas vers l’avant.
Il n’est jamais simple de s’entraîner pour une ascension de cette envergure, et l’Arabie saoudite ne facilite pas la tâche. En l’absence de sommets couverts de glace ou de neige, Nelly faisait du fractionné dans les dunes. Pour se muscler, elle tirait des pneus dans les rues de la ville. Pour éviter la chaleur du désert, elle commençait à s’entraîner à 3 heures du matin. Pour ne pas attirer l’attention de la police des mœurs, elle courait en abaya
En l’absence de sommets couverts de glace ou de neige pour se préparer, elle faisait du fractionné dans les dunes.
noire. Quand elle a repéré le plus gros dénivelé de Riyad (environ 150 mètres), elle a décidé de faire des allers-retours pendant des heures. Son entraînement a attiré quelques regards. Mais cela lui a offert un avantage inattendu. « Les gens m’ont dit que cela avait renforcé mon mental. »
En 2019, quand le groupe de Nelly Attar, qui comprenait d’autres femmes alpinistes arabes ainsi que des guides bien entraînés et des sherpas, passait d’un camp d’altitude à un autre sur le mont Everest, elle écoutait les messages
Nelly Attar montre fièrement le drapeau libanais au sommet du K2.
d’encouragement de son père. Il a fallu deux mois au groupe pour atteindre le sommet. Peu de temps après, Nelly a enduré plusieurs épreuves personnelles. Tout d’abord, la pandémie a totalement paralysé Move (même si elle espère rouvrir le studio un jour). Puis, en octobre 2020, Mohamed Attar est mort de la COVID. Du jour au lendemain, elle a eu l’impression de perdre son père, mais aussi le chemin qui s’ouvrait devant elle. « J’avais le sentiment que mon cœur était déchiré et saignait, comme une fontaine qu’on ne pouvait plus arrêter », révèle-t-
elle. Elle ne mangeait plus. Elle ne dormait plus. Voir ses ami·e·s, danser, s’entraîner… C’était mission impossible. Mais elle connaissait la solution : bouger.
Àl’automne 2021, Nelly a annoncé son projet d’escalader le K2 l’été suivant. Un objectif périlleux : seules 400 personnes environ ont réussi l’ascension du K2. D’après les statistiques, un alpiniste sur quatre meurt en tentant d’atteindre le sommet. Pour muscler sa préparation quotidienne, Nelly a fait appel à Mike McCastle, l’Américain qui avait entraîné l’explorateur Colin O’Brady avant sa traversée de l’Antarctique sans assistance. « C’est un coach exceptionnel », déclare-t-elle, saluant la créativité dont il a fait preuve pour repousser les limites de la jeune athlète, ce qui lui a non seulement apporté plus de force, mais a aussi révélé ses faiblesses.
À cette époque, l’Arabie saoudite était également en pleine mutation. Le gouvernement instaurait un plan de modernisation nommé Vision 2030. En 2016, il a créé une branche féminine au sein des autorités sportives. Il a aussi accordé des licences à des salles de sport féminines, notamment pour contrer la hausse alarmante de l’obésité. En 2017, l’interdiction de jouer de la musique en live a été levée. En 2018, les femmes ont été autorisées à conduire et à assister à certains événements sportifs. En mars 2022, Riyad a organisé son premier marathon officiel, pendant lequel hommes et femmes ont couru ensemble. Les femmes ont de plus en plus délaissé les abayas noires qui les empêchaient d’avoir une activité physique. Le gouvernement a même commencé à sanctionner des concerts où hommes et femmes dansaient ensemble.
« Je ne pensais pas que cela pouvait arriver aussi vite, s’étonne Nelly. C’est incroyable, tellement surréaliste. Le pays entier a changé, et nous sommes des agent·e·s de ce changement. »
Nelly a aussi gagné en popularité. Des articles lui ont été consacrés. Des étrangers ont commencé à la reconnaître lors des courses. Elle a décroché le premier poste d’entraîneuse du Nike Training Club d’Arabie saoudite. La Saudi Sports for All Federation l’a nommée ambassadrice officielle. Le gouvernement a conclu un partenariat avec Move et Nelly pour proposer un boot camp gratuit dans le cadre d’une mesure de santé publique, et pour donner des cours de danse dans les écoles. Elle a des dizaines de milliers
de followeur·euse·s sur les réseaux sociaux. Et pourtant, lorsqu’elle a cherché des sponsors avant son ascension du K2 –une étape incontournable pour une sportive telle que Nelly Attar –, elle n’a pas attiré les foules. Bien qu’elle ait passé presque toute sa vie en Arabie saoudite, elle était de nationalité libanaise, ce qui déplaisait aux marques saoudiennes. En outre, les entreprises locales ne savaient pas vraiment quoi faire d’une icône sportive féminine. « Les marques me disaient que je ne pouvais pas travailler avec elles parce que j’étais libanaise… parce que je dansais trop… parce que j’étais une femme, mais que je ne m’habillais pas de manière assez “féminine”… parce que j’avais trop de passions dans la vie… parce que je ne rentrais pas dans les cases… », a-t-elle publié sur Instagram.
La recherche de sponsors était une mission. Mais son père lui avait appris à toujours aller de l’avant. Alors Nelly a vidé
son compte en banque et a monté son projet contre vents et marées. Juste avant son départ pour le Pakistan, une marque de fruits séchés haut de gamme, Bateel, et une autre, de médias numériques, Yes Theory, ont décidé de la soutenir. Quand elle a entrepris le trek de sept jours entre le village d’Askole et le pied de la montagne, elle a pensé à ces milliers de femmes et de filles qu’elle avait soutenues au travers de ses cours de danse et de sport, et à la manière dont, à leur tour, ces femmes et ces filles la soutenaient.
Elle a pensé à sa famille qui la féliciterait à son retour. « Toute une foule de personnes grimpe à mes côtés », assure-t-elle.
Peu après 22 heures ce 21 juillet, l’ascension du sommet a pu commencer, au cœur de la nuit noire. Et l’entraînement de Nelly Attar a payé : ni ses jambes ni ses poumons ne l’ont lâchée. Mais quand sa lampe frontale s’est heurtée à un mur de glace, l’hésitation s’est fait sentir. Lors de
ses entraînements en Arabie Saoudite, il n’y avait aucun moyen de se préparer à l’escalade sur glace. Or, Nelly se trouvait face à un mur de glace sur la montagne la plus dangereuse au monde. Luttant pour s’accrocher à la paroi avec ses crampons, elle a glissé à plusieurs reprises. Elle s’est même retrouvée à se balancer dangereusement au bout de sa corde. Respire, se disait-elle. Sois concentrée. Oublie tout le reste. « J’avais déjà traversé le deuil, la pire chose au monde », reconnaît-elle. Elle a frappé la glace avec son crampon droit et fait un premier mouvement. Elle a frappé la glace avec son crampon gauche et fait un autre mouvement. Vers 3 h 30 du matin, elle était au sommet, en larmes.
Et quand l’équipe est rentrée au camp – environ dix heures après être partie –, tout le monde a dansé ensemble. « Je suis Nelly Attar, aime-t-elle à dire. Et pour me sentir vivante, je bouge. »
Instagram : @nellyattar
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Expériences et équipements pour une vie améliorée
Si vous suivez un peu le triathlon, vous connaissez forcément Kona : cette ville de la péninsule hawaïenne aux magnifiques décors volcaniques accueille les championnats du monde d’Ironman, course mythique aux 3,8 km de natation, 180,2 km de cyclisme et 42,2 km de marathon. Je n’y étais jamais allé, malgré quatre courses d’Ironman et plusieurs épreuves de 70.3 (soit un demi-Ironman) à mon actif, parfait tremplin pour mon actuelle carrière d’ultrarunner. Aussi, quand Apple m’a sélectionné pour tester son Apple Watch Ultra parmi un groupe restreint d’athlètes internationaux, je ne me suis pas fait prier.
Quatrième journée. En compagnie de Josh Crosby, je parcours la célèbre piste cyclable d’Ironman, la Queen Ka’ahumanu Highway (ou « Queen K » pour les autochtones) jusqu’au village de Waikoloa, un sourire idiot accroché au visage. La veille, j’ai exposé mon plan à Josh, nouveau compagnon d’aventures au pedigree impressionnant :
ex-champion du monde d’aviron, professionnel d’ultra-endurance et d’Ironman puis entraîneur pour le programme Fitness+ d’Apple. Mes efforts de séduction ont payé : il a enfin accepté de faire la montée du mythique Mauna Kea en gravel bike avec moi.
Plus connu sous le nom de « Mauna a Wakea » (la montagne blanche), le volcan endormi s’élève à 4 207 mètres au-dessus de la mer. Son altitude est certes nettement inférieure à celle du mont Everest (8 849 m), mais s’il l’on prend en compte sa partie immergée dans la fosse hawaïenne, le Mauna Kea s’élève à environ 9 330 m, ce qui en fait le plus haut sommet de la planète depuis sa base sur la croûte terrestre.
L’itinéraire ne nous a pas permis de voir le bout du géant tropical, mais lorsque le bitume a fait place aux sentiers rocailleux, j’ai pu au moins apprécier la magie de l’imposant sommet perçant à travers les nuages. « On reviendra », ai-je dit à Josh tout en m’échinant sur ce terrain impitoyable. « Compte sur moi », a-t-il répondu, goguenard.
« S’il est bien plus bas que le mont Everest depuis la surface, le Mauna Kea est en fait la plus haute montagne de la planète en considérant sa partie immergée dans l’océan Pacifique. »
James Poole, ultrarunner
PERSPECTIVES voyage
L’île aux trésors : les points clés de l’aventure de Poole
Paradis retrouvé : vue magique depuis la pointe nord de Kona ; (ci-contre) gravel bike vers Waikoloa Village ; (1re page) King’s Highway Foot Trail. 1. Mauna Kea 2. Réserve forestière de Kohala 3. Parc de loisirs d’Hapuna Beach State 4. Waikoloa Village 5. Bikeworks Beach & SportsVerdict final
Au fil des années, j’ai éprouvé pas mal de montres d’aventure, au sens propre du terme. Niveau expérience utilisateur, la Garmin et l’Apple Watch Ultra sont comme le jour et la nuit. Et la finition est impressionnante. Mais pour mon ratio habituel, soit des courses de plusieurs jours, ce n’est pas (encore) la montre d’endurance idéale. Commençons par l’autonomie de la batterie. Toutes fonctions acti-
Les trois derniers jours ont été un véritable festival d’aventures débuté dès l’aube par une course en solo le long de la côte jusqu’au parc de loisirs d’Hapuna Beach State. Quand je débarque quelque part, mon rituel favori consiste à enfiler mes chaussures de course, jeter un coup d’œil sur la carte et sortir sans aucun but sinon d’explorer le coin et me décrasser du décalage horaire. Je me dirige bientôt vers le nord, foulant plages de sable fin et sentiers de roche volcanique coupante, spectateur solitaire ravi d’assister paisiblement au délicat réveil du monde loin du chaos de ma vie londonienne.
90 secondes. L’autonomie passe à 60 heures, mais rend mes relevés de distance imprécis malgré une vitesse de localisation GPS (environ deux secondes) très impressionnante. La sirène de 86 décibels (un sifflet high-tech) est super, mais tant qu’on est conscient, on peut crier et dans le cas contraire, elle ne sert plus vraiment à rien. En revanche, les fonctions Backtrack et SOS by Satellite, qui relaient votre position aux contacts d’urgence (mais vous oblige à avoir un iPhone 14 ou 14 Pro), auraient pu me sauver la vie l’année dernière. Alors que je courais les 550 km du Speed Project Solo en mars 2022, je me suis retrouvé en mauvaise posture sur le sommet enneigé du mont Baldy, en Californie, sans couverture téléphonique. Si j’étais tombé, on ne m’aurait jamais retrouvé. Depuis, je ne pars plus jamais à l’aventure sans appareil pour contacter les services d’urgence par satellite dans mes bagages.
et sa plage de sable volcanique noir qui fait toujours son petit effet. Au bout d’un foisonnant sous-bois tropical nous attend une crique immaculée, parfaite conclusion de notre première journée. Au cours de mes vingt et quelques années dans le sport d’aventure, j’ai essayé pas mal de trucs, de la traversée du désert de Gobi à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, en passant par le surf sur les côtes du Salvador. Mais j’ai toujours préféré la terre ferme et le fait d’être un piètre nageur justifie mon choix de ne plus tenter d’Ironman.
vées, l’Ultra peut fonctionner pendant douze heures, un temps convenable pour l’exercice quotidien. En mode éco, j’ai pu atteindre 17 heures, passable pour un marathon sur route mais pas pour des centaines de kilomètres en montagne. Le mode Entraînement permet de réduire encore la conso en désactivant la plupart des outils de mesure et en réduisant les relevés GPS et BPM à une cadence de raire, altitude et détails topographiques compris). Des applis payantes pallient ce manque mais cela limite son potentiel quand on veut sortir des sentiers battus. Nous troquons nos chaussures de trail pour des chaussures de rando et dépassons Hawi (sur l’Ironman, c’est le point où l’on passe du vélo à la course à pied) pour rejoindre la réserve forestière de Kohala
Mon plan de retour à la civilisation était simple : garder l’océan Pacifique sur ma gauche à l’aller et sur ma droite au retour. L’Ultra m’a permis de sélectionner plusieurs points de repère en cours de route, et j’ai suivi ce fil d’Ariane jusqu’à bon port, ou plutôt jusqu’à un solide petit-déjeuner. Contrairement à d’autres montres GPS du même genre, l’Ultra ne permet pas de télécharger un itinéraire GPX (fiche de calcul Excel avec infos en 3D sur l’itiné-
James PooleN’ayant plus fait de plongée depuis des siècles, c’est avec une certaine appréhension que je me suis retrouvé inscrit à une séance d’essai de l’appli Oceanic+, développée en partenariat avec Huish Outdoors (société de technologie de plongée fondée par l’un des grands pionniers du genre, Bob Hollis, tristement décédé en janvier dernier à 85 ans). Par chance, on a fait du snuba, une variante de la plongée sous-marine où les bouteilles sont posées sur un radeau en surface, ce qui m’a évité un cours de rattrapage, voire d’avoir toute expérience préalable en matière de plongée. Si la longueur du tuyau limite la profondeur et, par conséquent, les risques de mal de mer lors de la remontée, le risque de barotraumatisme au niveau des oreilles ou des poumons est tout aussi réel. Débarrassés de tout fardeau matériel et technique, nous sommes descendus à huit mètres, profondeur suffisante pour découvrir des bancs de poissons papillons, de vivaneaux bleus et de poissons-perroquets nageant au milieu du corail. J’avais oublié combien la plongée pouvait être cathartique. Sur le chemin du retour, je me suis juré de décrocher mon brevet de plongée. En ramenant mon gravel Cervélo Áspero jusqu’au Bikeworks Beach & Sports sur Waikoloa Beach Drive, j’ai repensé à ces incroyables journées d’exploration. Chacun·e a sa propre idée du paradis, mais pour les passionné·e·s de nature, il faut reconnaître qu’Hawaï est le summum de l’aventure. Pyramide naturelle des profondeurs du Pacifique au sommet enneigé du Mauna Kea, c’est le nirvana des spécialistes de course, randonnée, surf, cyclisme et plongée. En montant dans l’avion, je ne peux m’empêcher de m’exclamer « Mahalo, Hawaï ! A hui hou ! » Merci, Hawaï ! À bientôt... James Poole a participé à certaines des courses à pied les plus diffciles au monde dont l’Ultra-Trail Mont-Blanc, le Speed Project Solo et la Gobi Race 400. Instagram : @jamesdpoole
« En roulant sur la Queen K, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire. »
HORS DU COMMUN
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EN SELLE
À l’assaut des cols
Passez à la vitesse supérieure – et pédalez plus fort – avec le Wahoo Kickr Climb.
Les vélos d’appartement ne sont plus l’apanage des masochistes qui passent leurs hivers à s’échiner sur une machine dans leur antre de douleur, avec le mur du garage pour seule distraction. Les programmes d’entraînement en ligne tels que Wahoo X et Zwift permettent de regarder l’action à l’écran pendant que les configurations intelligentes modifient automatiquement la résistance de pédalage en fonction de la pente de la route virtuelle sur laquelle vous vous trouvez.
Le Kickr Climb de Wahoo vous fait passer à un niveau supérieur. Il s’agit d’un dispositif qui remplace la roue avant de votre vélo et qui, grâce à un système de
moteur entraîné par courroie, réagit en temps réel aux itinéraires que vous suivez sur l’application d’entraînement de votre choix, en simulant les montées, les descentes et toute autre ondulation. Il existe également une télécommande permettant de régler manuellement l’inclinaison. Non seulement, cela augmente le réalisme, mais cela vous permet de modifier votre position sur le vélo, de solliciter les muscles requis pour une montée sur une vraie route ou une montagne, et d’améliorer vos capacités et votre technique lorsque vous vous mesurerez enfin aux vraies collines.
eu.wahooftness.com
MARCHE ATHLÉTIQUE
Dans sa foulée
Rencontre avec l’homme qui marche plus vite que son ombre.
«Quand je raconte mes records vitesses, les gens tombent par terre », raconte Tom Bosworth sur sa réponse toute prête quand on le chambre sur sa discipline : la marche athlétique. Dandinement des hanches, bras qui pompent, il ne passe pas inaperçu. Mais le seul objectif de sa technique est la vitesse. Et là, attention : le trentenaire originaire de Sevenoaks, dans le Kent, détient en effet le record du monde du mile (1,6 km) en 5 minutes et 31 secondes, établi au London Stadium en 2017. Pour vous faire une idée, il faut une moyenne de 4 min/km pour courir un 5 km en moins de 20 minutes.
Bosworth a beau avoir mis un terme à sa carrière en août 2022, il reste le marcheur britannique le plus titré du moment. La distance des courses pros varie de 3 à 100 km et les concurrentes
doivent respecter deux règles principales : la jambe avant doit rester tendue jusqu’à ce que le corps passe au-dessus et un pied doit être constamment en contact avec le sol. Des juges contrôlent le tout et distribuent cartons jaunes et rouges en cas d’infraction. Trois cartons rouges et le marcheur est disqualifié.
Pour lui, c’est cela qui démarque son sport des autres épreuves d’endurance.
« Un marathon de 2,5 heures vous semble ennuyeux ? Passez donc à la marche athlétique. Ça dure une heure vingt, et même dans les derniers tours, on ne sait jamais vraiment qui va l’emporter. »
Si la technique est, au début, « atrocement compliquée et très inconfortable », il ajoute que « la marche athlétique est l’un des moyens les plus simples et moins risqués de retrouver la forme : tout le
corps est mobilisé, le tronc et les fessiers travaillent dur pour maintenir cette technique sur la distance, on obtient vite un super physique ».
Sous tension
« Les gens craignent souvent d’avoir les deux pieds en l’air, mais ça n’arrive qu’à des niveaux pros, explique Bosworth. Le plus dur est de garder la jambe tendue. Ne pas plier le genou semble contre-productif et le corps va se braquer, surtout si on a l’habitude de courir. Le remède le plus simple est de perfectionner sa frappe du pied: en atterrissant sur le talon et en remontant les
orteils, on redresse automatiquement la jambe. » Ce qui provoque une réaction en chaîne dans le bassin et donne ce déhanché si particulier.
Le fil du rasoir
Quand le corps passe audessus de la jambe tendu, il faut charger chaque foulée au max en gardant le pied au sol le plus de temps possible.
« C’est essentiel pour la technique et ça booste votre vitesse. Bosworth conseille aux débutant·e·s de s’imaginer marcher sur une corde raide pour réduire les mouvements latéraux.
La danse des canards
Si les jambes doivent rester tendues, il faut garder le haut du corps souple. Bras pliés à 90 ° au niveau du coude, mouvement de pompe à partir des hanches en gardant la poitrine et la tête bien droites. « Si votre tête commence à faire le yoyo, c’est que vous fatiguez ou votre technique n’est pas encore complètement au point : vous vous tenez trop en arrière. »
Pas de pieds d’argile
« En frappant le sol jambe tendue, on sollicite énormément les muscles ischiojambiers, le tronc et le bas du dos. Conclusion : il faut avoir un corps solide. » La méthode Bosworth ? « Je dois deux de mes records britanniques en 2020 à un hiver entier passé à faire du Pilates tous les matins. »
Trouver son rythme
Au début, vous serez tenté·e d’aller lentement, mais
Tom Bosworth, recordmanBosworth le déconseille : « Exercez-vous à un rythme de marche normal, vous finirez par trouver votre rythme », assure-t-il. Et ne vous découragez pas si ça ne marche pas du premier coup : « J’ai vu des coureurs d’élite s’y frotter et en baver rien que sur 50 mètres, car la technique est vraiment très difficile. » tombosworth.com
« La marche athlétique mobilise tout le corps. »
L’aventure de l’esprit
La série Stranger Things a fait découvrir à un nouveau public le grand classique des jeux de rôles : Donjons et Dragons. Ça vous tente ? Prenez une torche...
Lancé dans le monde par les Américains Gary Gygax et Dave Arneson en 1974, Donjons et Dragons (D&D) est un mélange unique de jeu de plateau, de jeu de guerre et de théâtre d’improvisation. Le premier jeu de rôle qui permettait aux joueurs et joueuses de contrôler des personnages individuels plutôt que des armées entières. Il a été adopté par les ados férus de Tolkien, désireux de vivre des quêtes héroïques contre des monstres à plusieurs têtes en utilisant un stylo, du papier, des livres de règles et une poignée de dés aux formes diverses.
D&D a connu des hauts et des bas depuis son lancement. Dans les années 80, les évangélistes chrétiens qui affirmaient que le jeu encourageait la sorcellerie et le satanisme ne l’ont pas empêché le devenir un phénomène mondial et d’avoir même son propre dessin animé du samedi matin, avant de s’écraser
sur Terre une décennie plus tard. Mais une relance en 2014 a annoncé une renaissance et le jeu compte aujourd’hui des millions de fans dans le monde entier, avec un film d’action, Dungeons & Dragons: Honour Among Thieves, avec les vedettes hollywoodiennes Chris Pine et Hugh Grant, qui sort dans les salles ce mois-ci. D&D est désormais culte.
Comment un débutant de niveau 1 avec zéro point d’expérience peut-il s’y mettre ? Les jeux prennent la forme d’histoires dans lesquelles on crée son personnage (y compris sa race, son job, ses capacités et quelques statistiques de départ déterminées au dé). Sous la houlette d’un maître du donjon (MD), miarbitre, mi-conteur, mi-maître de piste, les joueurs évoluent dans l’histoire du MD, en relevant des défis grâce au travail d’équipe, à la logique et au lancer de dés. Personne ne gagne ni ne perd au sens
classique du terme, et les jeux se terminent rarement en une seule session ; en fait, certains sont connus pour ne jamais se terminer.
Matthew Mercer est un expert de ce jeu. Cet acteur américain de 40 ans est le plus célèbre maître de jeu vivant à l’heure actuelle et a cofondé le flux D&D Critical Role sur YouTube. Il explique ici comment optimiser votre expérience de jeu.
Jouez-vous du jeu
Avec ses multiples livres de règles et son dé à 20 faces, D&D peut sembler intimidant, mais Mercer affirme qu’il n’est pas aussi compliqué que vous le souhaitez. « Les règles sont là pour aider, pas pour entraver, explique-t-il. Toute règle compliquée, contradictoire ou ennuyeuse peut être contournée ou ignorée pour garder le plaisir du jeu intact. »
Réinventez-vous
« Beaucoup, au début, créent des personnages pas trop loin d’eux, dit Mercer. Mais je vous mets au défi de créer quelque chose de très différent et de voir jusqu’où vous irez. » Cela pourrait vous aider à sortir de votre bulle et à voir les choses différemment. Le jeu peut aussi être expressif : « Les postures tordues, les accessoires, les tics, etc. peuvent être des outils extrêmement efficaces. »
Fusionnez
Que l’on soit MD ou joueur, l’écoute est une compétence utile lorsqu’on travaille en groupe. « Il peut être très facile de se perdre dans ses propres pensées et plans. Mais quand on est tout aussi investi·e dans les autres participant·e·s et leurs personnages, et qu’on se laisse aller à un jeu de rôle par réflexe, c’est là que la vraie magie opère. »
Explorez
Tout le monde peut devenir maître du donjon, et Mercer pense que vous pouvez développer des compétences créatives en groupe comme grâce à D&D. « Me perdre dans mon imagination, voir ces mondes prendre vie devant moi, puis tisser des complications et des enjeux pour que mes joueurs les rencontrent et les modifient par leur propre ingéniosité, est une joie que je ne peux exprimer. » Lancez-vous dans vos propres nouveaux mondes !
« Pour le plaisir de jouer, on peut ignorer les règles. »
Matthew Mercer, maître du donjon
7 MAI 2023
COURONS POUR CEUX QUI NE LE PEUVENT PAS
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ENSEMBLE, EN MÊME TEMPS, PARTOUT DANS LE MONDE 100 % DES FONDS RÉCOLTÉS VONT À LA RECHERCHE SUR LA MOELLE ÉPINIÈRE
Musts du mois
PERSPECTIVES matos
SALEWA WILDFIRE 2
La Wildfire 2 est équipée d’un bord à 360 degrés qui protège aussi bien orteils qu’empeigne. Elle est aussi composée du système Switchfit Salewa : un œillet supplémentaire pour les lacets qui permet de tirer le pied vers l’avant, jusqu’à l’embout de protection des orteils. Couplé à une semelle POMOCA et à une zone escalade sur la semelle au niveau des orteils, il permet de transformer la chaussure de rando en soulier d’escalade pour les ascensions plus techniques. 160€; salewa.com
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PERSPECTIVES matos
HELLY HANSEN ODIN 9 WORLDS 3.0
La veste hardshell primée du label norvégien revient dans une version revisitée plus légère. Réalisée en tissu triple couche HELLY TECH® PROFESSIONAL éprouvé à la fois imperméable, respirant et coupevent, cette veste assure une protection maximale. Des détails ingénieux y ont été ajoutés pour les terrains accidentés et dans des conditions météorologiques difficiles. 500€; hellyhansen.com
PLAYSTATION VR2 ET VR2 SENSE
« Au-delà de la réalité »… C’est la promesse de PlayStation avec ce casque VR2 et ces manettes VR2 Sense. La technologie PlayStation VR2 Sense™ est source d’émotion et d’immersion grâce aux vibrations subtiles du casque, à la technologie audio 3D et au suivi du regard intelligent, le tout combiné à la détection du toucher, au retour haptique et aux gâchettes adaptatives des manettes PS VR2 Sense. Dès 599,99€; playstation.com
PICTURE OFF TRAX
Cette sacoche d’aventure Picture, compacte et fonctionnelle, offre un design robuste et ergonomique avec un système de fermeture à glissière. Le traitement déperlant durable sans PFC garantit une protection maximale contre la pluie et les intempéries imprévisibles afin que son contenu reste au sec toute la journée. Elle comprend une poche doublée en polaire pour ranger votre téléphone, vos lunettes de soleil ou tout autre objet de valeur. 60€; picture-organic-clothing.com
Vous êtes un inspecteur de police new-yorkais qui se rend à Los Angeles dans l’espoir de se réconcilier avec sa femme. Mais vous vous retrouvez par accident au beau milieu de la fête de Noël de son entreprise dans leurs bureaux tout en haut d’un immeuble. Et vous n’êtes pas seul. Un groupe de terroristes internationaux dirigé par un génie du crime qui ressemble fort à l’acteur Alan Rickman prend tout le monde en otage. Vous réussissez à vous procurer un des talkieswalkies (plus une mitrailleuse) des terroristes. Étant le seul à être en ligne directe avec les ravisseurs et les négociateurs de crise à l’extérieur, que décidez-vous ?
On ose espérer que vous ne tenterez pas ce que John McClane, joué par Bruce Willis, a fait dans le film Die Hard 1: une approche décrite comme une négociation agressive (spoiler : l’assurance du bâtiment ne la couvrirait pas). Rupert Godesen, pourrait en revanche proposer une solution plus diplomatique. Cet homme (tenant une mine sur la photo) est le fondateur de HASP Training, une société qui dispense des formations de sensibilisation aux environnements hostiles (HEAT). Auteur d’ouvrages tels que Travelling Safely Overseas et fort de plus de trente ans d’expérience en Bosnie, en Irak et en Afghanistan comme réserviste des forces spéciales britanniques, il a formé des correspondants étrangers de la BBC sur la gestion « des policiers désagréables et des contrôles des véhicules » ou la prise d’otages.
Il nous apprend tout d’abord que ce dernier scénario n’est heureusement pas commun. « L’enlèvement de personnes en vue d’obtenir une rançon est un énorme défi logistique, explique-t-il. Pourquoi faire ça quand on peut se lancer dans la cybercriminalité et voler l’argent
NÉGOCIER Une crise ?
Quelle crise ?
Ce type peut vous sortir de n’importe quelle situation difficile, qu’il faille briser la glace ou sauver votre vie.
des gens tout en restant en pyjama ? » Cependant, les tactiques de négociation de Godesen peuvent également être appliquées à des situations plus ordinaires : des entretiens d’embauche aux conversations bizarres en soirée. Voilà comment se sortir de n’importe quelle situation délicate…
De l’empathie
La meilleure façon de se sortir d’une confrontation difficile ?
L’éviter. « Appréciez l’avis des autres, mettez-vous à leur place et ne soyez pas con. Vous échapperez ainsi, je l’espère, aux ennuis », déclare Godesen. Faire preuve de respect, comme « ranger son portable et enlever ses
lunettes de soleil quand on regarde quelqu’un dans les yeux », peut faire des miracles.
Cogitez
« Si vous avez réfléchi à toutes les choses qui pourraient mal tourner, il est beaucoup plus facile de rester calme lorsque cela arrive ; ça vous évite de vous retrouver piégé, explique Godesen. Contrairement aux animaux, nous sommes dotés d’imagination, alors préparezvous bien et assurez vos
arrières. » Et non, à la question de l’entretien d’embauche sur votre « plus gros défaut », la réponse « trop perfectionniste » ne suffit pas.
Soyez honnête
Godesen met en garde contre la tentation de mentir pour se sortir d’une difficulté. Si vous faites une erreur, admettezla : « Je suis désolé, c’est ma faute. » Et ne pensez pas vous en tirer en feignant d’être sincère – le langage corporel est très révélateur. « La plupart des gens mentent avec leurs pieds : ils pointent vers la sortie, explique Godeson. Mal à l’aise, vous cherchez littéralement à partir. »
Restez humble
Même si quelqu’un vous fixe, il est possible de désamorcer la situation. « La programmation neurolinguistique est l’étude de la communication non verbale, explique Godesen. Vous pouvez provoquer un changement chez quelqu’un en modulant simplement votre voix. Si vous baissez le ton et signalisez avec votre corps et votre voix qu’il n’y a pas de problème ici, votre interlocuteur ne pourra que se calmer. » Le contact visuel est également un facteur essentiel : « Ne fixez pas quelqu’un du regard. Adoptez un regard neutre ou empathique, face à votre interlocuteur. »
Retournez la situation
Soyez prudent, mais si vous êtes sûr de vous et si vos arguments sont solides, il est possible de reprendre le contrôle de la situation en passant à l’offensive. « Une de mes clientes se trouvait au Japon lorsque quelqu’un dans le métro lui a touché les fesses », se souvient-il. Elle s’est retournée d´un coup, lui a attrapé la main et a déclaré à haute voix : « Ce type vient de me mettre la main aux fesses ». Grillé ! Quand vous avez confiance en vous, vous pouvez mieux vous en sortir. hasptraining.co.uk
« Vous pouvez agir sur quelqu’un en modulant simplement votre voix. »
Rupert Godesen, expert en négo
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1 300 pilotes pros ou non, 600 000 spectateurs et spectatrices sur trois jours, des chicanes, des whoops, des vagues, des bosses, et un sable vicieux qui peut emprisonner votre moto au moindre faux pas : l’Enduropale du Touquet était de retour les 4 et 5 février derniers, et a vu le Britannique Todd Kellett (qui a survolé le championnat de France des sables 2023) s’imposer sur cette édition. Durant le holeshot (toujours un grand moment), le public et les objectifs se sont régalés grâce au Français Jérémy Hauquier (notre photo) qui a fumé la concurrence avec audace.
Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 13 avril 2023.