SUISSE MAI 2022 3,80 CHF
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HORS DU COMMUN
Elle était trop gentille. Puis il y a eu STAR WARS.
* 33,02752293578 33,02752293578km/h km/h Aujourd'hui, Ajla Del Ponte est
LA FEMME LA PLUS RAPIDE DE SUISSE
* 100 mètres en 10,9 secondes, soit environ 33 km/h
BEYONCÉ
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MAX
VERSTAPPEN
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PENÉLOPE
CRUZ
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OURI
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DAVID
MORALES
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É D I TO R I A L
BIENVENUE
TOP CHRONO !
LE POUVOIR DE LA FORCE
ROBERT WUNSCH (COVER), GETTY IMAGES
Pour être plus performante lors d’une compétition, Ajla Del Ponte se doit de pencher un peu du côté obscur de la Force. Révélations page 36.
La sprinteuse Ajla Del Ponte, 25 ans, est la femme la plus rapide de notre pays. Elle court le 100 mètres en 10,90 secondes et détient ainsi le record suisse. Mais la sympathique Tessinoise a dû franchir une étape importante avant de pouvoir dépasser toutes ses concurrentes : elle a dû apprendre à être moins gentille. Page 36, elle nous raconte le rôle positif qu’a joué pour elle le côté obscur de la Force. Max V erstappen, 24 ans, est lui aussi le plus rapide dans sa discipline. Le pilote de F1 et champion du monde nous explique, page 44, pourquoi il espère que les extraterrestres parlent notre langue. Les courageux pompiers de l’unité d’élite de l’aéroport international de Los Angeles racontent, page 52, qu’être très rapide, dans leur domaine, peut signifier sauver des vies. Nous les avons suivis lors d’un entraînement d’intervention d’urgence sur le tarmac du LAX, l’aéroport de la cité des Anges.
UN SACRÉ COUP DE CRAYON
L'illustrateur irlandais Dan Leydon a réduit Max Verstappen à son essence, et à notre demande. Page 44
1980
C'est la date officielle à laquelle le breaking est né. La photographe Martha Cooper a documenté ces débuts, à New York. À découvrir page 18.
Bonne lecture ! La Rédaction
COMMENT ÇA MARCHE ?
L’expert Andreas Breitfeld partage son savoir dans une nouvelle rubrique dédiée au biohacking, et ainsi nous apprendre à améliorer notre vie. Ce mois-ci : mieux dormir. Page 88
THE RED BULLETIN
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CONTENUS The Red Bulletin mai 2022
POMPIERS DU LAX
52 U NE ÉQUIPE DE CHOC SUJET DE COUVERTURE
36 L A PLUS RAPIDE !
La Tessinoise Ajla Del Ponte, 25 ans, est la femme la plus rapide de Suisse. Comment y parvient-elle ? Grâce à au côté sombre de la Force…
Visite à la meilleure unité de pompiers au monde en intervention d’urgence, à L.A.
MUSIQUE
64 OURI EST MULTIPLE
64 SCÈNES DE STUDIO Impressions et mélodies en clair-obscur, à l’image de l’artiste qu’est Ouri.
C’est en assumant tous ses talents que la DJane et productrice a trouvé sa voie.
WINGS FOR LIFE
70 SOLIDE FONDATION 18 B REAKING GOOD
La photographe Martha Cooper a assisté à la naissance du break dans les années 80.
CINÉMA
Réflexions sur l’optimisme avec la directrice de Wings for Life et l’un de ses bénéficiaires.
PERSPECTIVES EXPÉRIENCES POUR UNE VIE AMÉLIORÉE
30 PENÉLOPE CRUZ
L’icône hollywoodienne parle de rôles violents, de récompenses et du sens de la vie.
VIDÉO
32 J ONATHAN STEUER
Le parcours du prodige de la vidéo de danse ressemble à un plan-séquence.
34 L A MÉTAMORPHOSE
La poétesse Asma Elbadawi transforme le sport et la poésie par son approche.
FORMULE 1
44 M AX VERSTAPPEN
Le nouveau numéro un de la Formule 1 : 33 questions et réponses de et sur Verstappen.
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82 F ITNESS. Séance coaching avec Greg Minaar, GOAT du VTT DH. 83 WINGS FOR LIFE WORLD RUN. L’appli pour courir « ensemble » partout sur le globe.
44 SCÈNES DE VIE Le champion du monde de F1 Max Verstappen parle de ses héros, aussi.
84 L E COIN LECTURE. Philippe Djian sublime le quotidien en poésie.
LIFESTYLE
6 GALERIE 12 L’ADDITION, S’IL VOUS PLAÎT !
77 VOYAGE. Un rallye de kitesurf au Brésil, sur plus de 500 kilomètres !
86 TENDANCE. Nos accessoires favoris pour accueillir le printemps. 88 BIOHACKING. De l’intérêt de dormir avec des chaussettes… 90 GAMING. Coach Manager : testez vos talents de sélectionneur. 92 B OULEVARD DES HÉROS. Comment Sequoyah a donné une voix graphique aux Cherokee.
14 OBJET TROUVÉ 16 LE MOMENT PHILO 89 LA PLAYLIST
91 AGENDA 96 OURS 98 POUR FINIR EN BEAUTÉ
18 SCÈNES DE DANSE Le jour où le monde a écouvert le break. Flashback en images. d
THE RED BULLETIN
APOLLINE CORNUET, FORMULA 1/ADRIAN GREEN, MARTHA COOPER, JIM KRANTZ
PORTFOLIO
52 PARÉS POUR LE PIRE Ces pompierssoudés assurent la sécurité de près de 88 millions de p assagers par an.
THE RED BULLETIN
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HALEIWA, O’AHU, HAWAII
Un mal pour un bien L’exercice aurait pu mal tourner pour le surfeur Koa Rothman qui ride une énorme pipeline au large de sa côte natale. Mais le véritable drame s’est produit après la prise de cette photo : le photographe Ryan Moss a été victime d’un accident de jet-ski qui l’a sérieusement blessé, et détruit une grande partie de son équipement. Le Californien a néanmoins réussi à sauver quelques photos de la carte mémoire de son appareil avec l’aide d’un ami. Ce qui lui a valu une place de semi-finaliste au concours de photographie Red Bull Illume l’année dernière. « Cela a bien atténué la douleur après la blessure et l’opération », raconte Moss. ryancmoss.com
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RYAN MOSS/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
IBIZA, ESPAGNE
Bleu profond
DEAN TREML/RED BULL ILLUME, TRISTAN SHU/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
L’Ullal de na Coloms d’Ibiza – alias la « grotte de lumière » – est terriblement difficile d’accès, car il faut emprunter une route dangereuse et non balisée. Mais ce que nous pourrions qualifier de dissuasif, un plongeur de falaise le voit comme un défi. Preuve avec l’Espagnole Celia Fernández et ce cliché du Kiwi Dean Treml – finaliste de la catégorie RAW by Leica du Red Bull Illume. Instagram : @deantreml
HAUTES-ALPES, FRANCE
Étincelant Comme son nom l’indique, Jean-Baptiste Chandelier a l’habitude de se suspendre dans les airs. Mais le parapentiste français ressemble-t-il toujours à un avion en détresse lorsqu’il atterrit ? « Il a eu l’idée de pimper ses chaussures avec des pierres allume-feu pour barbecue afin de créer une traînée d’étincelles lorsqu’elles touchent le sol à grande vitesse », explique Tristan Shu, dont cette photo lui a valu une place en demi-finale du concours photo Red Bull Illume. Coupez les moteurs… tristanshu.com
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PAGE, ARIZONA, USA
DAVYDD CHONG
Rock ’n’ Roll ! NOAH WETZEL/REDBULL ILLUME
« Vélo de descente sur l’épaule, Blake a escaladé les 240 mètres de schiste chaud et meuble et les a dévalés pour une dernière ligne au coucher du soleil. Déchirant et tailladant la face, Blake a hurlé dans ce cadre, accompagné par les hululements et les cris de Jack. » Après quatre jours de shooting sous le soleil près de la frontière entre Arizona et Utah avec les freeriders Blake Sommer et Jack Graham (fin 2020), ce moment de magie est venu comme une récompense pour le photographe d’action américain Noah Wetzel. Sans oublier sa place en demi-finale du concours photo mondial Red Bull Illume. noahdavidwetzel.com
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L’A D D I T I O N S ’ I L VO U S P L A Î T !
BEYONCÉ
La voix du monde À 40 ans, Beyoncé Knowles-Carter est une popstar établie dont le succès, le talent et la philanthropie ne sont plus à démontrer. Retour en chiffres sur une carrière glamoureuse qui a démarré à la télé américaine… il y a vingt-neuf ans !
Elle chante l’hymne américain à l’occasion de la seconde investiture d’Obama.
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Son chiffre porte-bonheur. Elle et son mari Jay-Z ont chacun leur anniversaire un 4, et tous deux portent un IV tatoué à l’annulaire.
millions d’euros : le prix du jet privé qu’elle a offert à son mari lors de la fête des pères en 2011.
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albums en tête des charts américains, soit la totalité de sa discographie. Une première pour une artiste solo.
Grammys. Elle est l’artiste solo la plus récompensée au monde.
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Le nombre de langues dans lesquelles sa fiche Wikipédia est traduite.
ans : l’âge de Beyoncé lors de sa première apparition télé avec le groupe Girls Tyme dans l’émission Star Search.
440
millions de dollars : sa valeur financière d’après le magazine Forbes
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458 000
création linguistique a fait son entrée dans l’Oxford English Dictionary : “bootylicious”, un adjectif désignant des fesses sexy.
Les fans à avoir regardé sa prestation à Coachella en 2018 en direct sur YouTube. Un record pour le festival ! 12
THE RED BULLETIN
HANNES KROPIK
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CLAUDIA MEITERT
Le nombre d’ONG qu’elle soutient à hauteur de plusieurs millions. Elle gère aussi sa propre association caritative BeyGood.
2013
GETTY IMAGES (2)
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jours : l’âge de leur fille Blue Ivy lorsque le rappeur Jay-Z enregistre sa voix pour la chanson Glory.
DES AIIILES POUR L’ÉTÉ.
AU GOÛT D’ABRICOT-FRAISE.
U A E V U O N
STIMULE LE CORPS ET L‘ESPRIT.
O B J E T T RO U V É
SABRINA LUTTENBERGER
C’est avec Rocky que Sylvester Stallone a réussi à percer à Hollywood en 1976. Sept autres opus ont suivi.
SYLVESTER STALLONE
Un boxeur, ça boxe !
JULIEN‘S AUCTIONS/EMILY MCGAHEE
Les gants de boxe originaux du film Rocky Balboa, 2006 Trente ans après le cultissime Rocky, premier de la série, Sylvester Stallone enfilait les gants de boxe une dernière fois, en 2006, pour le sixième volet : Rocky Balboa, avant de les passer à son élève, Creed. À 60 ans, Sylvester Stallone continuait à se donner à fond sur le plateau. Résultat : un pied cassé et un petit évanouissement après un coup. Les gants du tournage ont récemment été achetés pour 16 000 dollars lors d’une vente aux enchères.
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L E M OM EN T PHILO
LOU ANDREAS-SALOMÉ A DIT :
« Que tout le monde sache que vous êtes unique ! » Que ce soit sur les réseaux sociaux ou IRL, être remarqué est un must. Plus vous attirez l’attention, plus votre valeur augmente. D’aucuns jugent ce comportement terriblement égocentrique. Pourtant, dans cette interview fictive, la philosophe, psychothérapeute et écrivaine germano-russe Lou Andreas-Salomé explique à Christoph Quarch qu’un brin de narcissisme de temps à autre ne nuit nullement.
the red bulletin : Lou Andreas-Salomé, en quoi trouver son style propre est-il important ? lou andreas-salomé : Il vous suffit de me regarder !
« Le narcissisme est sain lorsqu’il allie amour de soi et amour du monde. »
Comment fait-on pour réussir, c’est-à-dire pour vivre sainement, ce grand écart entre le désir ambivalent d’être à la fois vu par tous et invisible dans la masse ? En traçant résolument notre voie, sans jamais rompre le lien avec les autres, qui constituent le monde extérieur, « notre » monde, c’est-à-dire en maintenant un lien au tout. Connaissez-vous le mythe antique de Narcisse, qui a donné le terme « narcissisme » ?
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LOU ANDREAS-SALOMÉ (1861 – 1937) était l’une des femmes les plus brillantes de la fin du XIXe siècle. Fille d’un aristocrate russe, elle s’installe jeune en Suisse, à Zurich, avec sa mère, où elle étudie la philosophie et la théologie. Elle rencontre Friedrich Nietzsche, dont elle refuse la demande en mariage. Dès lors, elle fréquente les cercles intellectuels les plus importants d’Europe et développe sa propre philosophie. CHRISTOPH QUARCH, 57 ans, est un philosophe allemand, fondateur de la Nouvelle Académie Platonicienne (akademie-3.org) et auteur de nombreux ouvrages, dont le dernier Kann ich? Darf ich? Soll ich? Philosophische Antworten auf alltägliche Fragen (trad. Puis-je ? Devrais-je ? Dois-je ? Réponses philosophiques aux dilemmes du quotidien) ; en allemand, legenda Q, 2021.
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BENE ROHLMANN
Mais, qu’en est-il alors de toutes celles et ceux, nombreux, qui préfèrent passer inaperçus ? Nous portons en nous ces deux aspirations. Nous naissons en tant qu’êtres individuels avec un corps qui nous distingue de tous les autres, mais restons en même temps liés à toute l’humanité. Enfants, notre sentiment d’appartenance au groupe domine. Ce n’est qu’au stade de ce que l’on appelle l’individuation que nous commençons à nous distinguer consciemment du groupe. Cette affirmation de notre singularité suscite en nous à la fois de l’enthousiasme et de la peur, car nous sommes renvoyés à la monade originelle, l’unité parfaite. C’est là un conflit que chacun d’entre nous doit s’atteler à régler pour soi-même.
Vous pensez sans doute à Sigmund Freud, l’une de vos célèbres amitiés tout comme celle qui vous liait à Friedrich Nietzsche et Rainer Maria Rilke. Étaient-ils tous les trois des miroirs dans lesquels vous vous êtes reconnue ? Absolument ! J’ai aimé ces hommes, et bien d’autres encore. Mes histoires d’amour ont façonné la Lou que je suis aujourd’hui : une femme incomparable et aimable. C’est en tout cas ce que je pense. Et je trouve ce résultat positif. Je n’avais pas la moindre idée de ce que je devais faire pour devenir unique et aimable et je le suis pourtant devenue simplement en laissant libre cours à mon amour.
DR. CHRISTOPH QUARCH
Certes, nul ne conteste que vous ayez un style bien à vous. Mais pensez-vous que nous serions toutes et tous bien inspirés de suivre votre exemple ? Je pense que le désir d’être unique, qui se reflète non seulement intellectuellement, mais aussi physiquement, est dans la nature humaine. Ce besoin se manifeste à travers le style propre à chacun.
Bien sûr. Narcisse est un jeune homme qui découvre un jour son propre reflet et tombe amoureux de l’image ainsi dévoilée, et qui a été puni pour cela par les dieux. Mais je ne vois pas où vous voulez en venir ? Cette histoire comporte un détail souvent négligé et pourtant très intéressant : Narcisse voit pour la première fois sa propre image à la surface d’un lac i mmobile, et pas dans un miroir fabriqué par l’homme. C’est donc la nature qui lui renvoie son reflet. Cela est fascinant. Il tombe amoureux de lui-même, certes, mais ce faisant, il d écouvre qu’il fait partie d’un tout. Cette attitude procède de ce que j’appelle un « narcissisme sain ». Un narcissisme qui allie amour de soi et amour du monde, et concilie ainsi les deux aspirations bien distinctes, celle à l’individualité et celle à l’appartenance. On est loin du narcissisme pathologique de l’homme moderne décrit par mon ami Sigmund.
Devenir membre : paraplegie.ch
JE N’Y PEUX RIEN. GABRIELA
Cela peut arriver à n’importe qui. Une faute d’inattention d’un tiers peut changer radicalement ta vie. Nous aidons les para et tétraplégiques à rebondir. Toi aussi en cas de coup dur.
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Breaking Good Martha Cooper documente la scène et la culture hip-hop new-yorkaise avec son appareil photo depuis quarante ans. Elle a même assisté à la naissance d’un phénomène mondial : le breaking. Texte WOLFGANG WIESER
Street Style
Upper West Side, 1982 Un morceau de carton, un ghetto blaster : c’est tout ce dont ce jeune B-Boy a besoin. Le breaking, appelé à l’origine b-boying, est né dans les années 1970 dans les quartiers pauvres de New York. Avec ses mou vements saccadés et ses figures acrobatiques, la danse symbolisait les tensions entre les gangs.
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« La soi-disant émeute de rue que je devais photographier était en réalité un battle de danse. » Martha Cooper parle de la confusion qui a conduit à sa première rencontre avec le breaking en 1980.
Jeter des ponts Queens, 1982
Deux breakers dansent dans le Queens. Les spectateurs sont enthousiastes, comme en t émoignent leurs visages. Avec ses photos, Martha Cooper a immortalisé l’évolution fulgurante de la culture du hip-hop et des graffitis à Manhattan, à Brooklyn, dans le Queens et le Bronx.
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La grimace de Ken Riverside Park, 1982
Dès le début, les grimaces bien pensées ont été une partie importante du breaking, elles devaient intimider les adversaires lors des combats. Ici, nous voyons Ken Swift et son « mad mugsy », inspiré par Bruce Lee. Par la suite, Swift a dansé dans Flashdance. Il est aujourd’hui président de l’organisation hip-hop Breaklife.
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En lévitation
Lincoln Center, 1981 Un battle, c’est ainsi qu’on appelle les compétitions entre B-Boys : les danseurs s’affrontent en alternant leurs moves et figures. Nous voyons ici Frosty Freeze du Rock Steady Crew qui conclut le tournoi contre les Dynamic Rockers avec sa signature, le Dead Man Drop. En l’absence de jury, à l’époque, c’était le public qui rendait les honneurs.
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À domicile
Upper West Side, 1981 Le B-Boy Doze Green tourbillonne sur un carton. Le Rock Steady Crew avait l’habitude de pratiquer ses moves au square Happy Warrior, au coin de la 98e rue Ouest et d’Amsterdam Avenue. De nos jours, ce terrain de jeu est surnommé le Rock Steady Park par les habitants.
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En mode sauvage
Riverside Park, 1983
Doze Green, Frosty Freeze, Ken Swift (devant à partir de la gauche), Fab 5 Freddy (derrière au centre) et Patti Astor (derrière à gauche) ont tous participé à Wild Style, qui est entré dans l’histoire comme le premier film de hip-hop. Ici, ils dansent devant l’emblématique muraille de Wild Style, qui n’existe plus.
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Dancefloor improvisé Upper West Side, 1982
Dans une arrière-cour près de l’appartement de Martha Cooper, deux B-Boys s’entraînent à faire des mouvements. À partir des années 80, le breaking new-yorkais a commencé à se répandre dans le monde entier.
Sens dessus dessous East Village, 1982
La légende du break Ken Swift au milieu de la cohue. Ses potes du Rock Steady Crew s’invitent dans l’image et se livrent à un battle endiablé avec le Floor Masters Crew. La scène est le club Negril dans l’East Village, à Manhattan.
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La genèse
Washington Heights, 1980 Cette photo, prise le 21 janvier 1980 à Washington Heights, un quartier situé à l’extrême nord de Manhattan, est aujourd’hui considérée comme la première image documentant une danse nouvelle et dérangeante à l’époque : le breaking. Une culture de jeunes qui s’est développée dans la rue, parallèlement au graffiti et au hip-hop.
« Les flics étaient stupéfaits : “Ces jeunes tournent sur la tête !” » Martha Cooper concernant les premières réactions de la police new-yorkaise sur les B-Boys.
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Martha Cooper devant un graffiti qui la représente : dans le milieu du hip-hop, l’Américaine, aujourd’hui âgée de 79 ans, est considérée comme une légende.
LA PHOTOGRAPHE
MARTHA COOPER Martha Cooper, née en 1943, a travaillé à partir de 1973 comme photographe pour le New York Post. En janvier 1980, elle a été envoyée par la rédaction à Washington Heights, au nord de Manhattan, où des émeutes étaient en cours. Celles-ci se sont révélées être un « battle » : pas une histoire pour le Post, mais qui a changé la vie de Cooper. Outre le fait que le breaking a vu le jour avec sa photo (voir page de gauche), elle s’est par la suite spécialisée dans la documentation de la scène hiphop new-yorkaise : graffiti, breaking. Une culture de la jeunesse qui a grandi dans le contexte de la
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pauvreté, des gangs et de la lutte pour la survie ; à ce jour, elle a publié plus de dix livres sur le sujet. Elle a immortalisé les légendaires battles du Rock Steady Crew ou des Dynamic Rockers, qui se livraient à des duels de danse acharnés dans les rues de New York, en tordant leurs corps de manière grotesque, en réalisant des pirouettes sur la tête et des sauts périlleux. C’était le début d’un mouvement qui transformait les rythmes hip-hop en mouvements irrésistibles et qui a conquis le monde dans les années qui ont suivi. Instagram : @marthacoopergram, kodakgirl.com
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Cinéma
L’actrice espagnole a marqué le cinéma européen, et conquis Hollywood. Penélope explique pourquoi elle se fiche des récompenses de son industrie, et préfère célébrer sa mère. Texte RÜDIGER STURM
Avec neuf ans de danse classique à son actif, Penélope Cruz sait comment réaliser de grands écarts audacieux dans les règles de l’art. La comédienne espagnole, mère de deux enfants, alterne les rôles entre le cinéma d’auteur européen et les blockbusters hollywodiens – et reste convaincante avec un jeu intense d’un bout à l’autre du spectre. Son palmarès réunit trois Goyas, les récompenses espagnoles du cinéma, et un Oscar pour son rôle dans Vicky Cristina Barcelona (2009). Elle était récemment à l’affiche du dernier film de Pedro Almodóvar, une fascinante quête d’identité, Madres Paralelas, et du film d’action sinoaméricain The 355, de Simon Kinberg. Et dispo pour quelques mots au Red Bulletin. the red bulletin : Votre récent film, américano-chinois, The 355, met en scène des espionnes qui passent franchement à l’action, en s’en donnant à cœur joie. Vous avez pourtant opté pour le rôle le plus intello et le plus craintif du casting, celui de la psychologue Graciela… Pourquoi ? penélope cruz : Ce n’est pas le truc de tout le monde de se battre avec ses poings et des armes. Moi, je n’aime pas cela. On peut tout à fait prouver sa force différemment – c’est d’ailleurs ce que fait mon personnage au moyen de la psychologie. C’est là que réside sa force, elle est une excellente psychologue.
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Elle se sent bien évidemment complètement dépassée par ses camarades espionnes, et son comportement a quelque chose de comique. C’est pour cela que je trouvais ce rôle, dès le départ, bien plus intéressant à jouer que celui d’une simple héroïne d’action. D’où vous vient cette force en vous, d'actrice et de femme ? De mes parents. Ma mère est une femme très forte, une féministenée. Mes parents m’ont appris à me rester fidèle avant tout. C’est pourquoi je n’ai jamais eu de problème à défendre mon point de vue ni à m’imposer. Il était très important pour eux que l’équité règne dans la famille. Ainsi, il n’y a jamais eu de différence entre ma sœur, mon frère et moi dans l’éducation qu’ils nous ont donnée. Est-ce le meilleur moyen pour apprendre l’égalité et l'équité ? À mon avis, oui. Et ça doit être là dès le premier jour. Car quand c’est naturel, on n’a pas besoin de l’apprendre ni de l’expliquer. L’égalité des genres, il faut l’avoir dans son ADN, car c’est ainsi qu’on le transmet à ses propres enfants. Cela fait trois décennies que vous avez du succès dans l’industrie du cinéma. Quels sont les facteurs qui aident à s’épanouir au maximum ? Il faut savoir s’entourer des bonnes personnes. Pour les gens de mon entourage, ma famille et mes amis, je ne suis pas la star. On se parle franchement. Cette dose de réa-
Quelle importance revêt pour vous la possibilité de vous réaliser en incarnant des rôles artistiquement élaborés, comme ceux que vous propose Pedro Almodóvar ? La seule chose qui compte pour moi, c’est de pouvoir participer à divers projets artistiques – c’est-à-dire de tourner autant dans de modestes productions indépendantes que dans de gros blockbusters. Avec Pedro, je me sens bien car nous nous connaissons depuis longtemps. Les films d’Almodóvar vous permettent de récolter de nombreuses récompenses. Quel rôle jouent-elles pour vous ? Mon attitude vis-à-vis d’elles c’est de ne rien attendre de particulier. Quand on gagne un prix, c’est grisant, mais c’est bien plus sain de se laisser surprendre. Que se passerait-il si on vous enlevait, du jour au lendemain, votre statut et votre gloire ? Cela ne changerait pas grand-chose à l’essence de ma vie. Qu’on ait du succès ou non, on doit toujours se faire face et pouvoir se regarder dans le miroir pour avancer. Au final, ce qui compte pour moi, c’est de comprendre et de trouver une réponse satisfaisante à ce grand mystère : pourquoi sommes-nous en vie ? Cette quête de la vérité, personne ne pourra jamais me l’enlever… The 355 à voir sur diverses plateformes de streaming.
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KENT NISHIMURA/LOS ANGELES TIMES/CONTOUR RA
Penélope Cruz
lité au quotidien est extrêmement importante pour moi. Et quand on a des enfants, on s’efforce obligatoirement d’être la meilleure version de soi-même. Car quand on concentre toute son attention sur ces petits êtres en devenir, on ne peut pas s’autoriser à être égoïste.
« J'aime les films indépendants autant que les blockbusters. » L'icône Penélope Cruz, 47 ans, accorde plus d'importance à la philo qu'à son statut d’icône.
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Vidéo
Qui est ce réalisateur de 18 ans dont la vie ressemble à un plan séquence ? Entre scolarité ennuyeuse et fausse identité, il a façonné sa vision de la vidéo de danse. Texte MARIE-MAXIME DRICOT
Depuis quelques mois, son pseudo s’affiche sur les smartphones de tous les danseurs à la recherche de contenus vidéo pour leurs réseaux sociaux. Sa particularité ? Son approche et la manière dont il a su s’imposer dans le monde de la danse, alors que luimême ne sait pas se mouvoir. S’il assume complètement avoir plagié certains vidéastes comme Lamine, puis cumulé les artifices quant à son identité, pour pouvoir travailler de sa passion, Jonathan est parvenu, en une année, à affirmer un style unique et asseoir sa position dans le monde de la danse. Pour sûr, sa timidité et ses expressions bancroches laissent transparaître à l’image une sensibilité qui n’a pas fini de nous éblouir. Le jeune réalisateur, déjà à la tête d’une compagnie de danse nommée Outsider, nous raconte son parcours atypique. the red bulletin : Comment est venue l’envie de filmer la danse ? jonathan steuer : Pour deux raisons. La première, c’est que je ne savais pas danser, mais que j’avais envie de faire partie de cette communauté et d’entrer dans une intimité à laquelle les spectateurs n’ont pas accès. On ne peut pas regarder la danse avec une d istance de dix centimètres, mais moi si, grâce à ma caméra. La seconde, c’est que j’ai du mal à poser mes idées sur le papier. En travaillant avec les danseurs, j’ai découvert que l’histoire existait déjà, je pouvais alors me consacrer à 100 %
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au visuel et délaisser l’aspect narratif. Mais un beau visuel ne suffit pas, il faut être complet, donc je travaille beaucoup. Vous bougez en permanence, avec ou sans votre caméra, pourquoi ? Parce qu’on m’a empêché de bouger (rires). Pendant 17 ans, comment dire… j’ai fait un truc assez relou qui s’appelle l’école. J’y ai développé une claustrophobie à cause de la salle de classe. En sept. 2021, vous avez présenté sur scène votre premier spectacle de danse filmé, avec votre compagnie Outsider. Ça fait quoi de donner naissance à son rêve ? J’ai toujours voulu faire de la mise en scène. Gamin, j’étais hyperactif, je faisais énormément de choses pour faire rêver les gens autour de moi, comme de la magie. J’ai aussi fait du piano, du théâtre… À 12 ans, je ne savais pas attacher mes lacets mais je pouvais jouer la Fantaisie-Impromptu de Chopin. Une question de volonté ! Vous avez imposé votre style dans la vidéo de danse. Même Les Twins (danseurs de Beyoncé, ndlr) vous ont remarqué… Oui, un an après m’être lancé, ils m’ont contacté. Alors depuis, je fais presque toutes leurs vidéos. C’était hyper enrichissant de travailler avec eux ! Ils ont un point de vue commercial brillant.
Plus que l’ambition, le risque et le challenge vous animent. L’échec, ça vous parle ? Au gymnase, mon prof de maths m’appelait le chômeur, maintenant je paye plus d’impôts que lui (rires). Rater, c’est trop cool, c’est hyper enrichissant ! Ce n’est pas grave. Une fois ce cap dépassé, tu peux prendre des risques. Plus tu en prends tôt, plus tu es inconscient, moins tu vois leur ampleur, mieux c’est. Qui vous a soutenu ? J’ai été entouré par les danseurs. Mes parents ne me soutiennent pas. Ils ont découvert ce que je faisais par le biais d’une interview sur France Inter… Quand je dis que j’ai fait de nombreuses vidéos pendant cinq mois, c’était dans leur dos. Quand on me posait des questions à l’époque sur ma plus grosse difficulté, dans mon développement, je répondais que c’était mes parents… Pourquoi ne pas leur avoir dit ? Parce qu’ils sabotaient mon projet par peur que je m’éloigne du chemin conventionnel, que j’ai fini par complètement rejeter. Ils sont assez conservateurs. Mais je pense que ça m’a donné une grande force, ça m’a poussé à être toujours meilleur. J’ai découvert que mon travail, je le faisais aussi par frustration, par envie de démontrer des choses. Si je n’avais pas fait ça, j’aurais peut-être terminé en fac de médecine ou en école de commerce... Instagram : @newartinsta
Comment définir votre style ? Une mouche qui vole au-dessus du danseur, puis qui se rapproche. C’est THE RED BULLETIN
LITTLE SHAO
Jonathan Steuer
très organique. Pas de mouvements robotiques, je trouve ça ennuyant et épileptique. Je fais quelque chose de flottant pour entrer en immersion avec le danseur. Si le fait d’utiliser une caméra n’apporte rien, autant voir de la danse en vrai, car c’est un art vivant.
« Rater c’est trop cool, c’est hyper enrichissant ! » Jonathan Steuer, 18 ans, vidéaste de danse et fondateur de la compagnie Outsider.
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Lifestyle
Poétesse, artiste visuelle, activiste, basketteuse… Cette « meuf du Yorkshire » est tout ça, et bien plus. N’essayez pas de la cataloguer ! Texte RACHAEL SIGEE
Photo SADIA MIR
Quand elle recevait les corrigés de ses devoirs, les pages étaient remplies de rouge. « À l’école, l’écriture était ma hantise. On me répétait que j’avais une mauvaise orthographe », se souvient Asma E lbadawi. Elle souffrait en fait de dyslexie. En découvrant la poésie, un nouvel univers d’expression s’est ouvert à elle. « La dyslexie permet de penser en dehors du cadre, de faire des associations qui sortent de l’ordinaire », expliquet-elle. C’est cette capacité à voir le monde autrement qui a fait d’elle non seulement une poétesse, mais aussi une basketteuse et une artiste visuelle ; actuellement, elle est artiste en résidence à la Jan van Eyck Académie (Pays-Bas), et a publié son premier recueil de poèmes en anglais, Belongings. Mais c’est surtout son militantisme dans le monde du sport qui l’a fait connaître : en 2017, son engagement a permis l’abrogation de l’interdiction du port du voile dans les compétitions de basket. « Je suis une meuf du Yorkshire, je me suis battue pour mes convictions. On était toutes solidaires, explique la jeune femme née au Soudan et qui a grandi à Bradford (Angleterre). J’ai pris conscience de la force du collectif et appris qu’il ne faut jamais minimiser la force de sa voix. » Un combat qui pourrait remplir toute une vie, mais pas celle d’Elbadawi, dont les passions s’étendent à des d omaines aussi divers que variés. « Enfant, j’aimais le sport, l’art, la poésie. Des occupations
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sans avenir, me disait-on. Mais moi, je n’envisageais rien d’autre. » Comme elle l’écrit dans son poème Banshee : « Être autre chose que moimême s erait une tragédie. » the red bulletin : Comment concilier basket et poésie ? asma elbadawi : Ce n’est pas simple. La poésie, c’est la vulnérabilité et l’ouverture aux autres, tout le contraire du sport où il faut être la plus forte. On peut me pousser et me bousculer, je réussirai quand même mon tir. La poésie m’a aidée à devenir une meilleure basketteuse. Quelles qualités vous ont apporté ces deux univers ? En sport, je suis du genre perfectionniste. Quand j’ai commencé à lire ma poésie sur scène, je faisais plein d’erreurs et tout le monde s’en foutait. J’ai réalisé que c’était normal de se tromper. La poésie me permet d’exprimer ma sensibilité sans que cela affecte d’autres aspects de ma vie. Je suis aussi déterminée, j’ai besoin de tester mes limites physiques et mentales pour garder le cap. J’ai fait au mieux pour faire coexister ces facettes de ma personnalité dans un monde qui n’a pas encore su créer un environnement entièrement favorable aux femmes en tant qu’athlètes. Quels obstacles les femmes voilées rencontrent-elles dans le sport ? Les femmes de ma communauté ne savent pas vraiment comment devenir athlète professionnelle. C’est en partie dû à un manque de visibilité : les gens imaginent que nos familles
Que répondre à ceux qui disent que les athlètes ne devraient pas exprimer leurs opinions ? C’est une question que je me pose souvent. La première fois où j’ai été confrontée au racisme dans le sport, j’ai eu l’impression qu’on me punissait pour avoir osé m’exprimer. J’ai longtemps pensé que les athlètes devaient se contenter de pratiquer leur sport sans émettre d’opinions sur les questions politiques ou humanitaires et que, pour leur propre sécurité, ils feraient mieux de rester neutres. Puis j’ai fini par comprendre ce que cela représentait que d’avoir une tribune publique. Si vous êtes un athlète et que vous avez une tribune, votre devoir est de défendre ceux qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Est-il important de remettre en question les attentes des autres ? À mon avis, on juge les autres à travers le prisme de nos expériences ou celles de nos communautés. La manière dont nous percevons les limites des autres peut les empêcher d’atteindre leur potentiel. Ne laissez personne définir qui vous êtes et qui vous pouvez devenir dans ce monde. Instagram : @asmaelbadawi
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SADIA MIR/REDEFINING CONCEPTS
Asma Elbadawi
sont hostiles à ce genre d’occupation. Quand j’étais petite, j’aimais beaucoup le netball, mais mes profs d’éducation physique ne me poussaient pas vraiment à aller dans des équipes locales ou nationales, alors que c’est le seul moyen d’arriver un jour à représenter son pays. C’est l’un des plus grands obstacles, le second étant la différence de salaire entre hommes et femmes, notamment au niveau de l’élite. Je connais trop de sportives qui enseignent à mi-temps ou travaillent dans une banque pour pouvoir continuer à pratiquer leur sport.
« La poésie a fait de moi une meilleure basketteuse. » Asma Elbadawi, 30 ans, au sujet de ses talents multiples.
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TRANSFORMÉE
Plus de muscles, plus d’entraînement : Ajla Del Ponte lors d’un shooting aux Pays-Bas.
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LA FEMME LA PLUS RAPIDE DE SUISSE À 25 ans, la sprinteuse AJLA DEL PONTE est la coureuse la plus rapide de Suisse et l’une des meilleures sprinteuses au monde. Pour rejoindre les rangs de l’élite mondiale, elle a d’abord dû apprendre à être moins sympa. Texte CHRISTOF GERTSCH
Photos ROBERT WUNSCH
Concentration avant le départ : Ajla Del Ponte s’entraîne neuf fois par semaine aux Pays-Bas.
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A
jla Del Ponte a déjà lu tellement de livres dans sa vie qu’elle ne peut plus se souvenir de tous. Fan de fantasy et d’univers inconnus, elle a toujours aimé inventer des histoires, que ce soit plus jeune lors de randonnées en forêt avec son frère, ou aujourd’hui, en écrivant des poèmes. Mais un livre l’accompagne encore jour et nuit : Le fond du sac, de Plinio Martini. Chaque fois qu’elle l’ouvre, elle apprend de nouvelles choses sur ses origines. Considéré comme l’un des plus grands romans suisses, Le fond du sac reste relativement méconnu. Ce récit réaliste âpre et incisif dépeint la vie de Gori, un fils de paysan, qui, dans les années 1920, quitte sa vallée et la femme qu’il aime pour échapper à la faim et à la misère. Mais Gori ne rencontrera ni amour ni fortune en Californie, et rentrera chez lui bien des années plus tard pour constater que sa vie d’avant a disparu. Cette biographie fictive d’émigrés raconte une Suisse d’hier tombée dans l’oubli : entre 1870 et 1950, plus de la moitié des habitants des vallées alpines autour du lac Majeur émigrent aux ÉtatsUnis dans l’espoir d’un avenir meilleur.
« Sur la ligne de départ, il faut se dire que l’on a fait tout ce qui était nécessaire pour en arriver là. » 38
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« Si je veux courir vite, je dois faire attention à moi. » La sprinteuse raconte comment elle a dû apprendre à mettre la sympathie un peu de côté.
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AU TOP
La Tessinoise fait partie de l’élite mondiale des sprinteuses. Ici, elle court à la Diamond League en Angleterre, 2021 .
Les plus grands succès sportifs de Del Ponte Toujours plus, toujours plus vite
Championnats d’Europe en salle, Toruń , 2021 Championne d’Europe du 60 mètres
Avec 10,91 secondes sur 100 mètres, elle a battu le record suisse aux Jeux olympiques de 2021. Quelques jours plus tard, elle améliorait ce temps à 10,90.
Jeux olympiques, Tokyo, 2021 Cinquième place en finale du 100 mètres et nouveau record suisse du 100 mètres Championnats suisses, Bâle, 2020 Championne suisse sur 60 et 100 mètres iamond League, Monaco / Stockholm, 2020 D Vainqueure du 100 mètres 40
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LE RÊVE À TOKYO
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Comme Plinio Martini, instituteur de village, et Gori, son héros tragique, Ajla Del Ponte et la famille de son père sont nés dans la Vallemaggia, plus précisément à Bignasco, petite commune de trois cents habitants encerclée de forêts impénétrables, de bouillonnantes cascades et de hautes montagnes. « Pour moi, c’était le paradis, raconte Ajla Del Ponte. Les montagnes ont peut-être réduit mon horizon mais m’ont au moins permis de concentrer mon regard sur l’essentiel. » C’est la philosophie d’Ajla Del Ponte, la femme la plus rapide de Suisse : l’essentiel est ce qui nous entoure. Senada, sa mère, vient de Bosnie-Herzégovine. Quand la guerre a éclaté en 1992, elle s’est réfugiée en Suisse et a très vite pu trouver sa place grâce au soutien de Luigi, frère de Plinio Martini (disparu en 1979). Dans le fin fond du Vallemaggia, à une heure de bus de Locarno, on sait encore ce que c’est que d’être abandonné ou de devoir refaire sa vie ailleurs. L’époque où les gens tournaient le dos à leur patrie n’est pas si lointaine.
Le sport est important pour elle, mais elle veut encore découvrir le sens de la vie
Ajla, née en 1996 et son frère Karim, de deux ans son cadet, ont lu de nombreux récits et recueillis beaucoup de témoignages sur les biographies de leurs ancêtres. Mais ils ont grandi dans un monde très différent, ignorant cette peur qu’un proche ne se tue au travail, chutant d’une falaise ou se noyant dans une rivière. Eux n’ont pas eu à travailler dès leur enfance. Ils pouvaient passer leurs après-midi dans la forêt, un talkie-walkie en poche pour communiquer avec leurs parents. Karim faisait du hockey sur glace, Ajla du patinage artistique et de l’athlétisme, et jouait si bien du piano qu’elle aurait pu facilement entrer au conservatoire. Les parents ne les ont jamais bridés mais ont toujours insisté sur le fait qu’il fallait prendre les études au sérieux. Un concept qu’Ajla, de sa propre initiative, prend particulièrement à cœur : « J’ai toujours su que le sport ne serait pas mon seul maître, ditelle. Ce n’est pas le sens de ma vie. Le sens de ma vie, je dois encore le découvrir. » Le sport n’a jamais freiné son apprentissage, bien au contraire. Cet apprentissage est même à la source de ce qui a fait d’Ajla Del Ponte l’immense sportive qu’elle est devenue aujourd’hui.
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« Aujourd’hui, je sais que plus la compétition approche, moins je peux me permettre d’avoir des égards pour les autres. »
« Chez nous, on nous inculque dès l’enfance qu’on devra probablement partir si on veut faire des études. » Une réalité tessinoise d’antan conjuguée au présent. Certes, il ne s’agit plus de quitter le pays et de traverser les océans parce que c’est une question de vie ou de mort. Pour autant, dans la mentalité des jeunes Tessinois, il faut partir pour réussir, que ce soit en Suisse allemande, romande, ou à Milan. Ce que fait à son tour Ajla Del Ponte, avec un manque de préparation d’autant plus remarquable qu’elle est généralement connue pour son perfectionnisme. C’est l’été 2015, la rentrée universitaire à Lausanne approche, elle n’a pas d’appartement et n’a pas encore décidé de la suite de sa carrière sportive.
Des pieds rapides et une bonne foulée
L’entraîneur Laurent Meuwly travaille à Lausanne où il encadre trois coureuses en vue des championnats internationaux. À 19 ans, Ajla est un poids plume dans les deux sens du terme : elle pèse cinquante kilos et court le 100 mètres en 11,90 secondes, performance qui ne lui permet même pas de figurer dans le top 10 du palmarès suisse cette année-là. Lors des championnats, elle prend son courage à deux mains et s’adresse à Laurent Meuwly. Il la connaît peu, mais s’est renseigné auprès de son entourage. Il l’a regardée courir et a discerné deux qualités indispensables pour le sprint: des pieds rapides et une bonne foulée. C’est-à-dire ? Laurent Meuwly s’explique : « Ajla était polyvalente, elle avait également pratiqué le saut en longueur. Quand elle touchait le sol, elle était capable de produire énormément de force en très peu de temps. Sa foulée était tout aussi efficace, elle se déplaçait sans problème. Il lui manquait juste de la puissance. Je me suis dit qu’avec un peu plus de muscles, elle pourrait devenir l’une des meilleures sprinteuses de Suisse. » 41
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Et dix kilos plus tard, c’est désormais l’une des meilleures sprinteuses au monde. Elle court le 100 mètres en 10,90 secondes, soit tout juste une seconde de moins qu’à l’époque. Elle est un tout petit peu plus rapide que Mujinga Kambundji, qui a prouvé que même les Suissesses pouvaient se hisser au sommet de cette prestigieuse discipline. Aux Jeux olympiques de Tokyo de 2021, Del Ponte et Kambundji sont allées en finale, terminant respectivement cinquième et sixième.
« Avant, je voulais juste courir vite. Mais pour y arriver, j’ai dû découvrir la compétitrice qui sommeillait en moi. » Au diable les médailles : voir une Tessinoise et une Bernoise au milieu des éternelles championnes jamaïcaines, américaines et britanniques fut l’un des moments les plus fous de l’histoire du sport suisse. Ceux qui pensent qu’elle a regardé la vidéo de sa course sous toutes les coutures se trompent. Elle ne veut pas ternir ce qu’elle a dans la tête avec des images extérieures, préférant se souvenir exactement de ce moment et des sensations comme elle, et elle seule, les a ressentis. Dans une analogie avec les photos de son enfance, elle explique que « quand on les revoit, on croit se souvenir d’une situation mais on ne se souvient que de l’image ».
Devenir une sprinteuse de classe mondiale, c’est d’abord penser à soi
De trois à neuf entraînements par semaine, de cinquante à soixante kilos, du Tessin à Lausanne et même aux Pays-Bas (où Laurent Meuwly est entraîneur national), voilà pour les changements qui sautent aux yeux. Mais pour arriver au top mondial, Ajla Del Ponte a dû encore passer une nouvelle étape : apprendre à être moins sympa. C’est elle la mieux placée pour nous l’expliquer : « Enfant, je n’étais pas portée sur la compétition. L’athlétisme pour moi, c’était être dehors avec mes camarades. Mon but n’était pas de gagner, seulement de courir plus vite. Mais pour y arriver, j’ai dû découvrir la compétitrice qui sommeillait en moi, apprendre à ignorer qui j’allais affronter. Et surtout, j’ai été obligée de me concentrer sur moi-même. Quand je vais remplir ma bouteille d’eau à l’entraînement, je suis du genre à demander : “Qui veut encore de l’eau ?”, et je me retrouve à courir avec cinq bidons. Aujourd’hui, je sais que plus la compétition approche, moins je peux me permettre ce genre de d’égards et de considération pour les autres. Si je veux courir vite, je dois faire attention à moi. »
Le côté clair et le côté obscur de la force
C’est son psychologue qui a compris qu’il fallait changer quelque chose. Être moins sympa ? Elle ne savait pas trop quoi faire de ce conseil, au départ. Puis elle s’est souvenue de ses lectures, les fantasy et les épopées, et a trouvé la solution. À partir des conseils du psychologue, elle a puisé dans Stars Wars et Le Seigneur des anneaux pour écrire sa propre narration, s’imaginant porter en elle un côté clair et un côté obscur de la force qu’elle alterne en fonction des circonstances. Et un autre phénomène se produit sur la ligne de départ, transformant définitivement la jeune tessinoise en une sprinteuse de classe mondiale : elle déconnecte son cerveau. Les sportifs y font souvent référence et c’est bien là le moment le plus important et le plus difficile entre tous. Comment fait-on ? « Il faut se dire que l’on a fait absolument tout ce qui était nécessaire pour en arriver là, dit Ajla Del Ponte. On déborde d’adrénaline mais on est ultra calme. Je compte sur mon corps pour savoir ce qu’il faut faire. Il faut lui laisser prendre le relais et lâcher prise. » Un état que l’on aimerait bien tous atteindre un jour. Instagram : @ajletta
Aujourd’hui encore, Ajla Del Ponte a du mal à mettre des mots sur ce que représente la finale olympique pour elle après le long chemin parcouru. Rêveuse éveillée, souvent perdue dans ses pensées, elle a maintes fois imaginé le moment de sa qualification pour la finale, mais la finale elle-même, du départ à l’arrivée, jamais. Pour elle, c’était trop surréaliste. 42
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« Je compte sur mon corps pour savoir ce qu’il faut faire. » La sprinteuse Ajla Del Ponte parle du lâcherprise juste avant le signal de départ.
Formule 1
33 QUESTIONS AU NOUVEAU BOSS DE LA F1 L’actuel champion du monde de F1, MAX VERSTAPPEN, évoque ses héros, son rapport à l’argent, ses applis favorites et Hollywood.
Texte GERALD ENZINGER Illustrations DAN LEYDON
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UN DÉPASSEMENT D’ANTHOLOGIE
Verstappen (à droite) dépassant Lewis Hamilton à Abu Dhabi lors de l’ultime tour du dernier Grand Prix de la saison 2021, pour décrocher son premier titre de champion du monde.
GETTY IMAGES
P MAX VERSTAPPEN, TENANT DU TITRE
À 24 ans, le pilote est en pleine confiance, parle quatre langues et respire la sérénité. « Après la plupart des courses, je dors bien », confie-t-il. THE RED BULLETIN
our croiser un Hollandais en pleine ascension, l’aérodrome de Zell am See, près de Salzbourg (en Autriche) est tout indiqué. Cette région a été la rampe de lancement de bien des carrières : l’Innsbruckois Otto Mathé y marque l’histoire de son empreinte lors des courses sur glace des années quarante et cinquante avec une Porsche construite de ses mains. Harald Ertl, l’un de ceux qui ont sauvé Niki Lauda des flammes de sa voiture sur le Nürburgring en 1976, est natif de Zell. Et Nico Rosberg a fréquenté l’école maternelle du coin, celui-là même qui, en 2016, finira champion du monde devant Lewis Hamilton lors de l’ultime course de la saison. Un scénario qui s’est reproduit lors de ce dimanche mémorable de décembre 2021durant lequel Max
Verstappen est parvenu, lors de l’ultime GP d’une saison longue de 6 409 km, à ravir la couronne d’Hamilton en le dépassant au dernier tour. C’est donc à Zell que nous rencontrons Max, le nouveau roi de la F1, dans le cadre de sa première interview en 2022. Au menu, 33 questions pour tenter de saisir la quintessence de ce pilote surdoué. Nous retrouvons un Max détendu, profitant de la fraîcheur hivernale pour se régénérer après une saison incandescente. Logique pour quelqu’un qui regarde toujours devant lui et ne s’attarde guère sur le rétroviseur pour ressasser le passé. Mais il n’a que 24 ans, est donc de treize ans le cadet de Hamilton, qui, comme M ichael Schumacher, a encore six titres de champion du monde d’avance. Cependant, parmi les pilotes, rares sont ceux qui doutent de la capacité de Verstappen à devenir un jour le pilote le plus couronné de l’histoire de la Formule 1.
1 Combien de fois avez-vous refait ce dernier tour de course à Abu Dhabi dans votre tête ? Pas tant que ça. J’ai bien sûr vu les images, mais ensuite je suis parti en vacances où il a été peu question de Formule 1. Après une telle saison, le sentiment de fatigue prédominait.
2 Comment avez-vous vécu ce dernier tour ? J’ai soudain été pris de crampes dans la jambe de l’accélérateur (au mollet droit, ndlr). Mais dans une telle situation, tu supportes tout. J’ai travaillé toute ma vie pour ce moment. Mon père et moi en avons toujours rêvé. J’espère surtout que ce n’est que le début.
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Formule 1
6 Qui, selon vous, est le plus grand champion de tous les temps ?
3 La star de rallye Sébastien Ogier déclarait au début de sa carrière : « Je préfère être champion du monde une fois contre Sébastien Loeb que trois fois sans lui. » Diriez-vous la même chose pour Lewis Hamilton après l’avoir battu lors de ce duel de titans, alors qu’il est encore au sommet de sa gloire ? Non, cela n’a que peu d’importance pour moi. L’objectif reste toujours le même : gagner le Championnat du monde ! Et pour y parvenir, il faut battre beaucoup de bons pilotes, et pas seulement Lewis.
« TONTON » MICHAEL
Enfant, Max partait en vacances avec la légende de la F1 Michael Schumacher (ici en 1996 avec son épouse Corinna).
5 Durant votre enfance, M ichael Schumacher, ami de votre père, était comme un oncle pour vous. Que restet-il de cette époque ?
Je garde beaucoup de bons souvenirs de cette époque. Nous partions en vacances l’été ensemble, en France, mais aussi en hiver. Avec le recul, ces beaux moments sont devenus précieux, même si à l’époque, je n’avais pas vraiment conscience de ce qu’ils représentaient.
4 Quelle est votre relation avec Hamilton ? Nous nous affrontons en course, avec un grand respect mutuel. C’est l’un des plus grands pilotes que la F1 ait connus. 46
C’est là une question difficile tant les légendes en F1 sont nombreuses. Et c’est encore plus vrai dans le sport en général. Honnêtement :
je n’en sais rien.
7+8 Comment décririez-vous la F1 à un martien qui débarquerait soudainement ? Il faudrait déjà que nous parlions la même langue, c’est essentiel, sans quoi ça va être compliqué (rires). Mais comment expliqueriez-vous votre sport à un extraterrestre ? Je lui décrirais les moments forts, en insistant surtout sur le fait qu’il faut aller vite en ligne droite, être bon en freinage et, bien sûr, ressentir la force centrifuge dans les virages.
UNE ACCOLADE APRÈS UN FINISH AU COUDE À COUDE
Lewis Hamilton et Max après la finale de la saison 2021. THE RED BULLETIN
9 Vous avez décidé qu’en tant que champion du monde, vous rouleriez désormais avec le numéro 1. Lewis Hamilton n’a jamais activé cette prérogative. Pourquoi ce changement de numéro ? Simplement parce que le 1 est le plus beau numéro en Formule 1, et les saisons où tu peux le choisir sont peu nombreuses. Pour moi, ce choix est une évidence. Le numéro 33, que j’ai porté jusqu’à présent, n’était pas un premier choix non plus, le 3 m’aurait davantage convenu. Mais Daniel Ricciardo l’utilisait déjà quand j’ai débarqué en Formule 1. Laissons à présent le sportif Max Verstappen pour en s avoir un peu plus sur l’homme. Et le meilleur moyen d’y parvenir est de lui parler de son sujet favori : les voitures.
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10 Vous êtes le premier champion du monde de Formule 1 dont l’enfance s’est déroulée au XXI e siècle. Quelle est la première voiture qui vous a impressionné ? La première dont je me souviens est la Arrows (en haut à droite, ndlr). Mon père la pilotait en F1, au début des années 2000. Elle était orange, une voiture magnifique !
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RAPIDE COMME UNE FLÈCHE : LA PREMIÈRE VOITURE QUI A MARQUÉ MAX. La Arrows orange, pilotée par son père Jos (ici, lors d’une course à Montréal en 2000).
11 Combien de voitures possédezvous ? Suffisamment. Max n’est pas du genre blingbling, et ne se définit pas par ses possessions, dont il ne se vante jamais. Son penchant pour la Porsche GT3 RS, qu’il a récemment utilisée au Portugal pour une course sur circuit, n’est cependant pas un secret. On l’a également aperçu au volant d’autres voitures de sport : Aston Martin (DB11), Ferrari (488 Pista) et Honda (NSX).
12 Vous êtes la première p ersonne à avoir signé un contrat de pilote de F1 (à seize ans à Graz, ndlr), avant même d’avoir passé votre permis de conduire. Comment s’est passé votre examen pour le permis ?
J’étais très nerveux le jour de l’examen, car en cas d’échec je ne pouvais pas le repasser. Juste après, je devais m’absenter pendant deux mois, et je voulais absolument partir avec mon permis en poche. Du coup, la pression était grande. L’examinateur était strict, je n’ai bénéficié d’aucun régime de faveur. Heureusement, tout s’est bien passé.
13 Si vous pouviez supprimer une règle de circulation, quelle serait-elle ? Aucune. Elles me conviennent toutes. Je roule peu de toute façon, et que la vitesse soit limitée sur les routes me semble normal. Cela ne me dérange pas. C’est bien comme ça. 47
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Un jeune homme lambda de 24 ans aurait déjà investi tout son argent dans une caisse ; Max, lui, gagne des millions en pilotant des voitures. Parlons donc affaires.
14 Combien d’argent liquide avez-vous en poche ? Trois fois rien. Il m’arrive de n’avoir aucun sou sur moi. Mais je ne me sépare jamais de ma carte de crédit. Ne pas avoir de liquide sur soi est une tradition chez les pilotes de F1. En témoigne l’anecdote rapportée par Agnes Carlier, ancienne responsable des relations publiques de Niki Lauda. Après la finale du Championnat du monde de 1984, elle passe plusieurs semaines avec Lauda et son coéquipier Alain Prost lors d’une tournée promo pour Marlboro. Lauda, économe assumé, parie avec Prost qu’il ne dépensera pas un dollar. Il gagne son pari, obligeant Prost à lui verser une centaine de dollars.
15 Êtes-vous p lutôt actions ou cryptomonnaies ? Pas crypto pour l’instant ! 48
MAX AU SOMMET
Le Néerlandais à Abu Dhabi, juste après son titre mondial, exulte en brandissant son trophée.
16 Quelle a été le montant de votre première prime après une victoire ? Je ne sais plus, c’était au tout début, 100 ou 200 €. Ou peut-être un jeu de pneus.
17 Vous êtes-vous fait plaisir pour ce titre en vous offrant un cadeau spécial, par exemple ? Non, pas du tout. Je n’étais pas à la maison pendant plusieurs semaines, et à mon retour, j’ai repris l’entraînement sur le simulateur, comme d’habitude. Je n’ai donc pas fait de shopping. THE RED BULLETIN
22+23 Son directeur d’équipe, Christian Horner, raconte que durant le GP des ÉtatsUnis 2021, Max a joué près de 14 heures à FIFA. Une façon pour lui de couper avec la dure réalité de la F1, mais aussi le moyen pour cet homme ambitieux d’assouvir son besoin et sa passion de la compétition.
DANS LES BRAS DE KELLY PIQUET, 33 ANS,
la fille du triple champion du monde de Formule 1 Nelson Piquet (BRA). Max et Kelly sont en couple depuis octobre 2020.
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Max n’est pas du genre à mener grand train. Il réside certes à Monaco, mais demeure discret et apprécie la principauté avant tout pour ses avantages logistiques tels que les conditions d’entraînement. Contrairement à son rival Lewis Hamilton, Max n’est pas très jet-set. Sa petite amie Kelly Piquet, fille du triple champion du monde de Formule 1 Nelson Piquet, et sa famille – son père Jos et ses 107 Grands Prix, sa mère Sophie Kumpen, l’une des plus rapides pilotes de karting au monde qui a même battu Jenson Button à plusieurs reprises, et sa sœur Victoria, qui vient d’avoir son deuxième bébé – passent avant les soirées huppées.
18 Comment dormez-vous après une course ? Parfois bien, parfois mal. Cela dépend bien sûr aussi du résultat. Mais la plupart du temps, plutôt bien.
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On raconte sur Internet que vous auriez un niveau de classe mondiale à FIFA – classé 21 e mondial sur FIFA Ultimate Team en j anvier 2019. Confirmez-vous l’info ? Je me débrouille très bien à FIFA. Je ne suis pas un pro, mais je m’amuse bien.
Est-ce que vous cuisinez ? Non.
Comment vous évaluez- vous ? Plutôt bon. Pas mauvais. Je suis bon !
20 Comment vous recentrez- vous quand le moral flanche ? Je m’occupe, je me change les idées. Par exemple, je me mets au simulateur. Ou je passe du temps avec mes amis ou ma famille.
21 Votre série TV préférée ? Aucune actuellement. Plus jeune, j’en aimais une différente chaque année.
JOINDRE L’UTILE À L’AGRÉABLE
Max très concentré sur son simulateur de conduite.
24 Quand on est pilote de course de profession, peut-on encore trouver une activité de loisirs capable de rivaliser avec la F1 en termes de montée d’adrénaline. Qu’aimez-vous faire pendant vos loisirs ?
À vrai dire, le simulateur est mon passe-temps favori.
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Formule 1
25 Nous sommes persuadés que votre vie fera un jour l’objet d’un film, tout comme votre duel épique avec Lewis Hamilton en 2021. Qui verriez-vous dans votre rôle ? J’espère que cela n’arrivera jamais. Je m’en passe bien ! Mais si c’était le cas, je voterais pour Leonardo DiCaprio. Ce serait bien. « On n’apprend pas pour l’école, mais pour la vie. » Ce vieil adage s’applique bien à Max, sinon comment expliquer autrement ses compétences techniques et linguistiques. Il parle couramment le limbourgeois (sa langue maternelle, répandue dans la région frontalière germano-hollandaise belge), le néerlandais, l’allemand et l’anglais, et maîtrise, dans une moindre mesure, l’italien, le français et le portugais.
26 Vous n’étiez pas un élève heureux à l’école… Je détestais l’école, je n’aimais rien, sauf l’histoire.
27 Quelle autre langue aimeriez- vous apprendre ? Le mandarin. 50
PORTRAIT DE STAR : LEONARDO DiCAPRIO
Si sa vie devait un jour faire l’objet d’un film, Max souhaiterait être incarné par l’acteur oscarisé de 47 ans.
28 Votre appli préférée ? WhatsApp.
29 Quelle autre question le journaliste Verstappen poserait-il au champion du monde Verstappen ? Aucune, je pense que tout a été dit ou presque.
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MAX VERSTAPPEN AVEC DEUX DE SES PRINCIPAUX MENTORS
Le directeur de Red Bull Racing, Helmut Marko…
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Très bien, alors concluons avec une question sur deux de vos principaux mentors : les Autrichiens Helmut M arko et Franz Tost. Qu’est-ce qu’ils vous évoquent ? L’année chez Toro Rosso avec Franz à la tête de l’équipe a été géniale. Franz est un fin connaisseur de la F1, nous échangions beaucoup à chaque course et c’est encore le cas aujourd’hui, même si, depuis, j’ai changé d’équipe.
31 Et Helmut Marko ? Helmut Marko m’a fait signer mon premier contrat en F1, j’ai vécu avec lui beaucoup de bons moments et j’espère que cela continuera de nombreuses années.
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Une petite question à son mentor par procuration, Max la lui transmettra.
32 Helmut Marko, quelle a été l’évolution de Max au cours de ces sept années passées à ses côtés ? À 24 ans, il fait déjà preuve d’une grande maturité même si cela ne saute pas aux yeux. Auparavant, il perdait son sangfroid au moindre problème technique à l’entraînement. Aujourd’hui, il reste imperturbable. Et il est resté solidaire de l’équipe même dans les années où nous savions que le titre était hors de portée. Mais comme d’autres champions, ce qui le caractérise, c’est sa concentration totale, qu’on peut parfois confondre avec un manque d’égards. Mais lui, il ne se dit qu’une chose : « Je veux gagner et je fais tout pour. »
… et Franz Tost, directeur de la Scuderia AlphaTauri, avec lequel Max entretient un contact étroit.
33 Max, quelles leçons tirez-vous de votre saison déjà légendaire de 2021 ? Qu’il ne faut jamais lâcher et croire en ses chances jusqu’au dernier tour ! Red Bull Racing Road Trips
Découvrez comment Max Verstappen participe à la première course de l’année… sur la glace. Toute la saison est à voir sur redbull.com
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LE FEU DU CIEL Des pompiers de choc, l’ARFF, veillent non-stop sur l’énorme aéroport de Los Angeles (LAX). C’est l’une des meilleures brigades au monde. Cette troupe d’élite est parée pour les pires situations, et doit parfois assurer la survie de passagers. Texte SCOTT C. JOHNSON Photos JIM KRANTZ
Si un incendie devait arriver, ils seraient prêts : les membres de l’ARFF se préparent au max afin d’éviter le pire au LAX.
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Pompiers du LAX
Pompiers du LAX
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ans le ciel à peine éclairé des lueurs de l’aube, le Boeing 767 passe au-dessus de sa tête, si près que Michael Flores, depuis son camion, peut en distinguer chaque détail : une petite centaine de mètres séparent l’énorme engin du tarmac du Los Angeles International Airport – LAX, de son petit nom –, un vol en rase-motte décidé par le capitaine du Boeing, quelques minutes auparavant. Dans un appel de détresse, il a averti la tour de contrôle du LAX que le réacteur gauche ne fonctionnait pas bien et qu’il allait devoir faire un atterrissage d’urgence. En survolant à si basse altitude, le capitaine espérait que les troupes d’intervention au sol réussiraient à déceler ce qui clochait avec ce fichu réacteur – chose que lui, dans son cockpit, ne pouvait pas voir. Mais Michael Flores ne distingue rien d’anormal. « Pas bon signe », marmonne le collègue assis à sa droite. Michael Flores vient tout juste d’intégrer la brigade d’élite de l’ARFF – pour « Aircraft Rescue and Firefighting » – du LAX. Après trente années passées au sein du LAFD, la brigade de pompiers de la Cité des Anges, ce grand gaillard peut compter sur son expérience et un sang-froid à toute épreuve. Il reste donc dans son camion, en attendant la suite : quand le Boeing 767 se décide à tenter d’atterrir sur l’une des pistes longue de 3 940 m, le réacteur gauche racle violemment le bitume, et des étincelles en jaillissent, produisant une impressionnante traînée lumineuse le long du tarmac, encore plongé dans la pénombre matinale. Le signal du départ pour Flores et ses collègues du poste 80 : d’un coup, six énormes fourgons à incendie (les célèbres PANTHER de la marque autrichienne Rosenbauer, valant près d’1,2 million de dollars pièce et spécialement conçus pour intervenir sur les aérodromes) foncent en direction de l’avion-cargo. Une fois sur place, tout va très vite, chaque équipe sait parfaitement ce qu’elle doit faire : tandis qu’une des équipes va chercher le pilote dans le cockpit par une passerelle de secours, une autre s’occupe du copilote qui, dans un accès de panique, a tenté de s ’extirper de l’avion en descendant en rappel le long d’une corde. Mauvaise tactique : en lâchant prise trop tôt, il s’affale lourdement sur le sol en béton mais s’en sort avec une blessure à la jambe. Quand on pense à ce qui aurait pu arriver ce jour-là si l’avion avait pris feu, ce bilan est finalement le plus optimiste de ceux qu’on pouvait espérer. Des scénarios-catastrophes, Michael Flores et ses collègues de l’ARFF sont obligés d’en envisager à tout moment, même si l’aéroport international de Los Angeles est l’un des mieux équipés au monde en matière de sécu54
rité : alors que les nombreuses équipes stationnées dans les environs (dont deux juste à côté de l’aéroport) se concentrent sur les urgences médicales et les incendies dans les bâtiments des huit terminaux, la brigade d’élite de l’ARFF (également appelée le « poste 80 ») est quant à elle spécialisée dans les interventions sur les aéronefs. Chaque année, pas moins de 700 000 avions atterrissent ou décollent du tarmac de Los Angeles. Autant d’interventions potentielles pour ces pompiers d’exception. Fuite de carburant, fumée dans le cockpit, odeur suspecte : nombreux sont les signaux d’alerte qui, s’ils sont décelés trop tard, peuvent déboucher en quelques secondes sur les pires scénarios et causer la mort de centaines de personnes. Imaginez un peu : chacun des 1 500 avions qui passent chaque jour par Los Angeles renferme dans ses réservoirs des milliers, des dizaines de milliers, voire (comme c’est le cas pour un Airbus 380 à plein) plus de 300 000 litres de kérosène. Avec des centaines de passagers à son bord. Leur salut en cas de catastrophe ? Les s oldats du feu de l’ARFF. Leonard Sedillos, dont le sourire et la bonhommie cachent un professionnalisme et une expérience qui forcent le respect, résume la difficulté de son boulot : « Il faut toujours être présent à 100 %, quand on travaille au LAX, parce que toute ta carrière peut se jouer ou se déjouer sur une seule petite intervention. » Sedillos, qui veille sur son unité comme une chatte sur ses chatons, est l’un des nombreux capitaines stationnés au poste 80.
Des entraînements aussi durs qu’une mission
La brigade de pompiers de l’aéroport international de Los Angeles a une longue histoire derrière elle et fut, dès le début, un exemple de modernité. L’ARFF exporte son savoir-faire partout dans le monde, y compris des formations spécifiques de plusieurs mois portant notamment sur l’aéronautique, sur la conduite de nuit ou encore sur les réactions chimiques des carburants et les protocoles d’intervention. Cette brigade, c’est en quelque sorte la Ligue des Champions des brigades de pompiers. Pour y entrer, il faut justifier d’un CV exemplaire et de plusieurs décennies d’expérience en tant que pompier professionnel, dans le milieu urbain. Après une longue et rude sélection, les heureuses recrues sont admises dans le saint des saints : les 3 000 hectares de la zone aéroportuaire du LAX. Et c’est là que leur véritable formation commence, comme le rappelle Flores : « Quand tu arrives ici après des années de carrière, tu vas devoir tout réapprendre de la base, comme un débutant. »
Le job de l’ARFF : assurer la protection des 700 000 avions qui passent par le LAX chaque année. THE RED BULLETIN
Le pompier Eric Johnson en pause lors d’un exercice d’intervention d’urgence.
Ces véhicules flashy Panther, d’un coût d’un million de dollars, ont été conçus sur mesure pour le LAX.
À bord du Panther, qui peut atteindre les 140 km/h. Ce camion est du genre délicat à conduire, surtout sous la pression.
Pompiers du LAX
« À l’aéroport du LAX, ta carrière peut se jouer sur une seule petite intervention. »
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L’équipe ARFF (ci-dessus) pulvérise un mur de flammes enveloppant une coque d’avion vide (à gauche) lors d’un entraînement. En cas d’incendie réel, ils peuvent utiliser des substances polyfluoroalkylées, également connues sous le nom de « mousse éternelle », un agent chimique d’extinction des incendies.
Pompiers du LAX
Cette brigade, c’est en quelque sorte la « Ligue des Champions » des pompiers.
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Pompiers du LAX
Un souci dans l’engrenage, et c’est tout le trafic aérien des États-Unis, voire du monde, qui peut en pâtir. Un havre de paix au sein de l’enfer rouge
S’étendant au bord de la mer, entre Santa Monica et les premières banlieues de la mégalopole californienne, l’aéroport international de Los Angeles est un monde en soi, où transitent chaque année plus de 88 millions de personnes. Un imbroglio administratif parfois très compliqué mais que rien, à l’extérieur, ne laisse soupçonner : le LAX donne l’impression d’être une machine parfaitement huilée. Mais derrière cette ambiance de carte postale, la réalité des membres de la brigade de l’ARFF est extrême : un seul petit grain de sable dans l’engrenage du LAX, et c’est tout le trafic aérien des États-Unis qui peut en pâtir. Heureusement, en dépit de toute cette pression, ces soldats du feu considèrent encore leur lieu de travail comme un havre de paix, une bulle hors du temps qui n’a rien à voir avec l’enfer urbain qu’ils ont dû affronter lorsqu’ils t ravaillaient dans les brigades de la ville. Leur monde
à eux, qu’ils surnomment affectueusement leur « green world » comme une allusion à la couleur de leurs véhicules et à la folie du « red world » de L.A., est une oasis de sérénité dans un océan de chaos, de pauvreté et de violence. Pour Billy Barnes, un collègue de Flores, fou d’aviation depuis tout petit, il n’y a aucun doute : « Ce monde rouge, c’est l’enfer. Tous mes potes rêveraient de bosser ici plutôt qu’à l’extérieur. » Le monde extérieur dont parle cet homme né dans le Queens à New York et qui a déménagé à L.A. peu de temps après, c’est le quotidien qu’il a dû endurer pendant vingt-et-un an. Dès la fin du lycée, il s’engage dans l’armée et est envoyé au Koweït pour l’opération « Bouclier du désert » en 1990. De retour au bercail, le jeune soldat se repose en regardant les actualités tous les soirs à la télé. Très vite, la soif d’aventure le reprend : il veut continuer à servir, mais pas dans les airs cette fois-ci. Barnes décide alors de devenir pompier.
Aucune erreur ne se produit deux fois
Avec ses vingt-et-un ans de service au compteur, Barnes est pourtant l’une des nouvelles recrues du poste 80, puisqu’il y est entré dans le courant de l’année dernière. Cet Afro-Américain est un passionné de films et d’histoires (d’aviation, bien sûr). Barnes occupe une partie de son temps libre à collectionner les vieilles photos relatant des catastrophes aériennes – comme celle survenue il y a trente ans. Tony Guzman se souvient de ce terrible inci-
L’ARFF est en quelque sorte le v ainqueur de la Ligue des champions du secteur.
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1 900 avions par jour, 88 millions de passagers et 700 000 avions par an : des gens comme le pompier Oscar Scott surveillent le LAX tous les jours.
dent. Il était encore un « petit nouveau » qui avait rejoint l’ARFF à peine trois mois auparavant. Cette fameuse nuit du 1er février 1991, l’alerte a sonné pendant le dîner : incident au LAX ! Sur le tarmac, un énorme nuage de fumée noire. Sur place, deux équipes avaient déjà commencé à essayer d’éteindre l’incendie qui s’était déclaré à bord d’un Boeing 737-3B7, comptant 89 passagers. Avec sa combinaison ignifuge, Guzman est l’un des premiers pompiers à entrer dans l’engin en feu : au-dessus de sa tête, un trou béant d’où s’échappent une épaisse fumée noire et des vapeurs toxiques. Devant lui, des corps calcinés, encore attachés à leurs sièges. La plupart des survivants ont déjà fui ou ont été évacués par les pompiers. Seul le pilote, grièvement blessé, n’a pas réussi à sortir du cockpit. La catastrophe aérienne du vol USAir 1493 est due à une collision entre un Boeing en train d’atterrir et un autre petit avion de ligne qui allait décoller sur la même piste et dont les douze personnes à bord périrent sur le coup. Elle aura fait 35 victimes, décédées lors du choc entre les deux avions ou pendant l’incendie qui a suivi. À l’origine du drame : une défaillance professionnelle. Ce fut le pire jour de l’histoire du LAX mais il entraîna aussi une optimisation des contrôles aériens aux USA. Trente ans plus tard, pourtant, il est encore difficile pour les pompiers de l’ARFF de ne pas repenser à l’incident. Il leur rappelle aussi quel est leur pire ennemi : l’erreur humaine. C’est pour cette unique raison que Flores et ses collègues passent des heures et des heures, chaque jour, à dresser l’inventaire et à vérifier l’efficacité de leur matéTHE RED BULLETIN
Le glossaire des pompiers
Faits et jargon touchant à l’équipe d’intervention de LAX LAX : aéroport international de Los Angeles ; superficie de 3 000 hectares LAFD : département des pompiers de Los Angeles ARFF : unité d’élite Aircraft Rescue & Fire Fighting Working Group Panther : gros véhicule de lutte contre les incendies de l’aéroport, pouvant contenir 15 000 litres d’eau et de mousse d’extinction PFAS : agent chimique de lutte contre l’incendie 1 500 avions décollent/atterrissent chaque jour à LAX Station 80 : responsable de la protection d’environ 700 000 avions
riel – pour que plus jamais, un tel drame ne se reproduise sur le tarmac de leur aéroport. Michael Flores, avec ses 51 printemps et sa carrure de rugbyman, est un enfant du coin. À 17 ans, il participe à un programme destiné à montrer aux jeunes le métier de pompier. Il y découvre les ateliers du Los Angeles Fire Department, se familiarise avec la réparation de véhicules, le matériel, le maniement de la grande échelles ou des lances à incendie. Ce fils de mécanicien se sent immédiatement chez lui : il y prend goût et décide de s’engager. Son premier « véritable » incendie, Flores s’en souvient encore : un incendie domestique, survenu dans une maison des environs. Il se souvient aussi de l’épuisant travail de déblaiement et de la difficulté d’inventorier les objets qui avaient survécu à l’incendie. 61
Ils s’entraînent comme si leur vie en dépendait, et c’est le cas. Quand il y a un incendie, tout doit être aussi efficace et automatisé que dans une machine.
En plus d’être au top de leur forme, ces pompiers doivent se tenir à jour de l’évolution complexe des avions modernes.
Pompiers du LAX
Il faudra 90 secondes aux flammes pour pomper tout l’oxygène disponible à bord d’un avion qui prend feu. La détermination de fer ne brûle pas
Il y a des traumatismes que même les gars les plus solides, rompus aux interventions les plus périlleuses, ne parviennent pas à effacer de leur mémoire. Pour Barnes, il s’agit de la catastrophe de l’Asiana Airlines, qui s’est écrasé à San Francisco le 6 juillet 2013 : les pilotes ont raté leur atterrissage et la queue de l’avion s’est disloquée pendant que l’engin touchait le sol. L’impact fut tel que l’appareil prit feu instantanément. Pour les pompiers sur place, ce fut un cauchemar : il fallait faire sortir les 307 personnes à bord le plus vite possible. Cette catastrophe coûta finalement la vie à trois personnes et fit 187 blessés, mais le pire, pour Barnes, fut le fait que l’une des victimes, éjectée hors de l’avion au moment du choc, soit décédée parce qu’un camion de pompier lui aurait roulé dessus pendant l’évacuation chaotique de l’appareil. Si l’autopsie a entre-temps révélé que la victime était déjà morte avant de se faire écraser, commettre une telle faute reste la hantise de Barnes et des autres pompiers : « On entend parfois parler de collègues qui tombent en dépression ou se suicident, tout ça parce qu’ils ont pris la mauvaise décision, confiet-il. Tout le monde peut se tromper. Mais nous ne faisons jamais deux fois la même erreur, parce qu’on en tire toujours une leçon. » D’où l’importance d’un entraînement permanent. Il n’est pas rare d’y voir des unités venant d’Allemagne, du Canada ou du Nigeria s’entraîner ici. Le programme de la journée est une intervention anti-incendie relativement classique, mais le décor est impressionnant : au milieu d’un terrain de béton flanqué de deux immenses entrepôts, deux coques d’avion attendent les stagiaires du jour. Les responsables de l’exercice donnent le signal : aussitôt, des flammes jaillissent du fossé et se fraient un chemin vers la carcasse de l’avion. Une colonne de six hommes, équipés de leurs combinaisons ignifuges et de masques, s’élance alors vers le gigantesque brasier. Une fois les lances branchées sur les PANTHER, qui contiennent chacun 10 000 litres d’eau et 1 000 litres de PFAS (acronyme anglais pour « Substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées », une mousse très efficace pour étouffer les flammes), la lutte peut commencer. En temps normal, on utilise des PFAS.
Toujours prêts à intervenir en cas d’urgence
En plus des exercices pratiques comme celui-là, les pompiers de l’ARFF doivent constamment se former aux nouveaux modèles d’avion susceptibles d’atterrir au LAX. Quelles sont les caractéristiques d’un Boeing ou d’un Airbus, d’un avion de ligne ou d’un jet privé, combien de THE RED BULLETIN
s orties y a-t-il sur tel modèle, combien de sièges, combien de rangées ? Le cockpit de tel avion est-il facilement accessible ? Sans oublier la complexité croissante des matériaux que l’on trouve aujourd’hui sur un avion : autrefois, on trouvait surtout de l’aluminium. Aujourd’hui, chaque constructeur utilise pléthore de matériaux composites plus ou moins connus, dont il est difficile de prévoir le comportement lors d’un choc ou d’un incendie. Plus les pompiers en savent sur les machines auxquelles ils feront face, plus l’intervention a de chances de réussir. Un mauvais calcul peut faire perdre quelques précieuses secondes et conduire à une catastrophe. La règle de base, c’est 90 secondes. C’est le temps dont disposent les équipes d’intervention avant que les flammes n’aient pompé tout l’oxygène disponible à bord et que les passagers à l’intérieur, notamment les plus fragiles, ne commencent à suffoquer. Parmi les responsables de l’exercice présents ce jourlà sur le tarmac de San Bernardino, le capitaine Leonard Sedillos. Pour lui, devenir soldat du feu était plus qu’un rêve de gamin, c’était une évidence. Il a grandi dans une famille de pompiers et savait dès son plus jeune âge qu’il suivrait les traces de son père. À cette époque, le métier était encore plus risqué, les pompiers n’avaient pas autant de protections lorsqu’ils partaient combattre les flammes. Certains gars avaient d’ailleurs les oreilles à moitié fondues, à force de les exposer à de trop hautes températures. On allait au brasier sans combinaison ignifuge ni bottes de sécurité. Si les risques sont relativement moindres de nos jours, le sens du devoir, de l’abnégation et de l’entraide, présent chez tous les pompiers, est resté le même. Sedillos se souvient de l’ambiance fraternelle qui régnait à la caserne où travaillait son père, et des longues heures passées à écouter les drames et les histoires que les hommes se racontaient pendant leurs gardes. Deux semaines après l’épisode de San Bernardino, nous retrouvons Sedillos et son unité au poste 80 du LAX. Les hommes ont l’air détendus, mais se tiennent prêts à intervenir au moindre signal de leur capitaine. Ici, les gardes sont de 48 heures, ce qui laisse évidemment beaucoup de temps aux membres de l’équipe pour apprendre à se connaître. « On a tous l’air relax, vu de l’extérieur, rappelle le capitaine, mais tout le monde ici est paré pour faire face à la pire des catastrophes. » Car tous, ici, ont déjà sauvé des vies humaines, ranimé des personnes inconscientes, porté dans leurs bras des blessés graves ou des victimes d’incendie. Guzman, le doyen de la brigade, ne peut s’empêcher de ramener ses collègues à la dure réalité du métier : « Chaque seconde peut faire la différence. Et des vies humaines dépendent de votre savoirfaire. » Une éthique que tous les pompiers de l’ARFF partagent à 100 %. Pour que jour après jour, l’aéroport international de Los Angeles reste l’un des plus grands au monde, mais aussi et surtout : l’un des plus sûrs. Accédez à notre vidéo exclusive et observez les pompiers de LAX en action en scannant le QR code ci-contre !
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Musique
OURI EST MULTIPLE
Artiste-productrice de musique électronique et classique, elle offre un récit émancipateur et un voyage introspectif sans aucune censure. Un clair-obscur mélodieux qui évoque ce que la vie a de plus beau, et qui redonne confiance en soi. Texte MARIE-MAXIME DRICOT Photos APOLLINE CORNUET
Ouri à l’ouvrage en décembre 2021, lors de l’enregistrement d’un titre aux Red Bull Music Studios Paris.
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Musique
Collectionneuse d’instruments, Ouri est une touche-à-tout à l’outillage généreux.
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urielle Auvé, plus connue sous le nom de scène « Ouri », est une DJ, productrice électronique et multi-instrumentiste de 29 ans basée à Montréal. Sa formation musicale a commencé en région parisienne avec le piano, la harpe et le violoncelle. Des instruments qui ont fortement influencé son approche expérimentale de la musique. Entre sonorités orchestrales et grosses basses à la légèreté envoûtante, elle explore les sentiments humains les plus profonds, en prenant soin de choisir son environnement de production favori, l’isolement, propice au développement personnel. Ouri est multiple. Après quelques années de recherches, l’artiste semble avoir trouvé son équilibre au croisement de l’obscurité et de la clarté. Chez elle, masculin et féminin, noir et blanc ne font qu’un. 66
Collectionneuse d’instruments de musique, c’est en arrivant au Canada, depuis la France, que cette native d’Amérique du Sud découvre la musique électronique. Un genre qui fait tout de suite tilt dans son esprit. Ses rencontres à Montréal, qu’elle qualifie volontiers de « village », la poussent à produire. Cependant, elle ne trouve pas sa place. Il faudra attendre son premier EP puis son album Frame of A Fauna pour qu’Ouri assume sa multiplicité et qu’on arrête de la reléguer au rang de simple vocaliste. « Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’étais toujours l’unique fille dans le groupe, et ça me saoulait parce que lorsqu’on rencontrait de nouvelles personnes, les gens disaient : “Ah ! Toi t’es la personne qui chante”, du type, tu ne sais rien faire de plus. Comme si
« S’isoler, ça permet vraiment de se concentrer. »
je ne pouvais pas avoir de rôle technique ni être productrice. » Perturbée par ces propos, la jeune artiste décide d’en faire son combat : non, elle ne serait pas une chanteuse, au profit d’une carrière de productrice, en oubliant ainsi qu’elle aimait tant utiliser sa voix. « Ça m’a appris plein de choses, dit-elle. À l’époque, je voulais être anonyme, non féminine, juste productrice. J’ai fini par réaliser que c’était moi qui me créais cette prison-là, personne ne m’avait demandé d’être une seule chose. Donc j’ai commencé à mettre des instruments acoustiques dans mes performances, à chanter et à collaborer avec des chanteurs. » Aujourd’hui à la tête de son propre label, Make It Rain Records, Ouri sait combien elle est chanceuse : « J’ai une toute petite équipe, on est indépendants et je ne ressens pas particulièrement de pression, si j’en ai, c’est parce que je me la mets. Mais il faut se concentrer sur l’essentiel. Être une femme en musique, ce n’est pas toujours facile. » C’est suite à une rupture amoureuse qu’elle prend conscience de cela. Juste après sa participation à la Red Bull Music Academy de Montréal, en 2017, à laquelle son ex, jaloux, n’avait pas été reçu. Se diminuer au profit des attentes des autres ou des relations qu’on peut entretenir, c’était désormais révolu. « Aujourd’hui, je fais tout ce que je veux, et si c’est mauvais, eh bien je vais faire autre chose. Mais je ne veux pas m’enfermer sur un seul chemin. » Un chemin qu’elle dessine jour après jour. Après avoir voyagé au Mexique, aux États-Unis, et en Europe, elle découvre que l’isolement peut aussi être bénéfique pour sa construction mentale et musicale : « S’isoler, ça permet vraiment de se concentrer, de ne pas se perdre dans un rythme de vie qui nous fait stagner, bien qu’il faille aussi voyager pour s’inspirer au maximum, pour voir des choses qu’on ne c omprend pas dans le but de nourrir sa pratique. » C’est d’ailleurs pendant la pandémie qu’Ouri s’est épanouie. Sans distraction, sans réseau social, elle avance sur ses projets et crée des retraites au sein même de son appartement montréalais, en coupant son téléphone pendant près de deux semaines. L’occasion de se focaliser sur sa musique et les émotions, les messages qu’elle veut véhiculer. Dans son album Frame of A Fauna (2021), elle raconte le cycle de la vie THE RED BULLETIN
« J’aimerais faire de la musique stupide, sans s ignification. »
« Le prochain chapitre, c’est moi qui l’écris. »
Musique
MARIA JOSE GOVEA/RED BULL CONTENT POOL
À gauche : séance de violoncelle pour le chanteur Beverly Glenn-Copeland. Ci-dessus : Ouri entourée d’autres artistes en ascension lors du Red Bull Music Academy Weekender, à Montréal, en 2017.
dans ce qu’il a de plus merveilleux et de plus obscur. Un album hybride qui assume l’identité métisse et les multiples facettes de la productrice avec le track Wrong Breed : « De nombreuses fois, on m’a fait sentir comme une outcast, comme quelqu’un qui n’est pas vraiment légitime de par son apparence ou son bagage culturel, qui ne fait aucun sens avec les normes sociales. Parfois les gens pensent que comme que tu es métisse, c’est ta nature, tu le comprends et le vis parfaitement bien. Alors que c’est bizarre comme expérience de vie, surtout dans des sociétés polarisées et binaires. » De la naissance à la mort, Ouri offre un voyage introspectif qui permet de redécouvrir les émotions extrêmes qui rythment et qui font que nos vies valent la peine d’être vécues. Elle raconte : « Au moment de cet album, ma sœur allait accoucher, je suis allée lui rendre visite en Europe, et voir ma famille dysfonctionnelle réunie autour de cette naissance, ça a généré en moi, en nous, des émotions très puissantes. C’était fascinant de faire le constat de tout cela et de s’apercevoir que les membres de ma famille avaient vieilli. Comment leurs émotions impactaient leur corps… J’étais en phase d’observation. Puis je suis rentrée à Montréal, et il s’est passé un milliard de trucs : le bébé est né, et ma mère est décédée dans THE RED BULLETIN
d’étranges conditions : elle vivait dans une secte au Brésil et a fait un AVC entourée d’une horde de personnes déjantées, des vautours qui n’ont pas su prendre soin d’elle… C’est cela qui m’a inspiré la dernière chanson de l’album. » Des événements majeurs qui ont changé l’artiste, laquelle décrit cette métamorphose comme un passage de la 2D à la 3D. Pourtant, Ouri accepte la mort comme une évidence qui fait partie du cycle de la vie : « Ce n’est pas comme si ma mère n’allait jamais mourir… et puis c’était son choix d’être là-bas. » L’occasion pour elle de redécouvrir que l’amour aussi existe. Il ne lui aura fallu que cinq minutes pour ouvrir son téléphone, chanter et écrire le dernier morceau de l’album, Grip. En somme, la famille est le fil conducteur de Frame of A Fauna – de la naissance à la mort. Spontanéité, renaissance et liberté. La Montréalaise, cérébrale malgré elle, favorise la redécouverte de soi pour
« Il faut voir des choses qu’on ne comprend pas pour nourrir sa pratique. »
atteindre un état presque transcendantal à l’instant T. Et si parfois elle aimerait être dans la simplicité et la légèreté, c’est plus fort qu’elle. Rien n’y fait. Un état qui s’explique par son isolement créatif et un besoin de contrôle dû à sa confiance en elle qu’elle a mis du temps à trouver. Son but serait même de « faire de la musique stupide, sans signification, et qui procure des sensations extrêmes ». Légèreté. Demandez-lui de vous expliquer comment elle fait pour toujours voir la lumière au bout du tunnel et elle vous répondra qu’il faut se rendre compte que malgré ce qu’on endure, ce qu’on vit, nous sommes les auteurs de notre propre existence. « Le prochain chapitre, c’est moi qui l’écris, personne ne le fera à ma place. Plus j’avance, plus je vois des trucs qui m’ont extrêmement blessée et je me rends compte que je ne suis pas obligée de réécrire cette histoire à l’infini, je peux la changer complètement. Ça me rend vraiment heureuse, je prends conscience que je peux tout renverser si j’en ai envie. » À l’écoute d’Ouri, réaliser le pouvoir que nous avons et l’envie de l’utiliser peut changer plus que le cours d’une vie. Ouri et le producteur français Bamao Yendé, à la tête du label Boukan Records, ont composé le morceau X-12-AM aux Red Bull Music Studios Paris, à découvrir sur Spotify. Instagram : @ouri.riou
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Wings for Life
« Il faut avoir envie de voir les opportunités » L’optimisme, ça s’apprend ? Quelle est la clé du bonheur et en quoi les athlètes sont-ils mieux équipés pour faire face aux aléas de la vie ? Des questions que nous avons posées à ANITA GERHARDTER, qui dirige la fondation Wings for Life, ainsi qu’à PHILIPP KUTTIN, paraplégique depuis 2020. Texte WERNER JESSNER
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Photos PHILIPP HORAK
THE RED BULLETIN
L’ÉNERGIE DE L’ESPOIR
Anita Gerhardter et Philipp Kuttin veulent faire du fauteuil roulant un objet du passé.
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ans les locaux de Wings for Life, qui finance la recherche sur les lésions de la moelle épinière, à Salzbourg, nous rencontrons celle qui dirige la fondation depuis ses débuts, Anita Gerhardter. L’ambiance est détendue et chaleureuse. Ce matin, Philipp Kuttin (dont le père Heinz fut cham pion autrichien de saut à ski) doit nous rejoindre. Dehors, une Volks wagen vient se garer, un jeune homme en sort, déplie son fauteuil et fonce à l’intérieur. Visiblement, tout le monde se connaît : embras sades, rires, blagues qui fusent. On ne peut s’empêcher d’être (agréable ment) surpris d’une telle légèreté.
the red bulletin : Vous dirigez une fondation dédiée à la recherche sur les lésions de la moelle épinière, un sujet assez grave, finalement. Pourtant, on sent ici une réelle joie de vivre. Comment est-ce possible ? Anita Gerhardter : Évidemment, quand il s’agit de personnes handi capées depuis peu, ce n’est pas pa reil. Mais ce que nous faisons ici, c’est redonner espoir, parce qu’on s’investit corps et âme dans un ob jectif : guérir un jour les lésions de la moelle épinière. C’est merveilleux de savoir dans quel but on fait tout ça. Et c’est vraiment épanouissant. Philipp Kuttin : Quand j’arrive ici, c’est toujours passionnant de décou vrir quelles avancées ont été faites. Ça m’aide à mieux comprendre ce qui se passe dans le corps quand on est paralysé. Je rencontre ici des per sonnes valides qui comprennent ce que je ressens. On peut en parler plus facilement, et les questions qu’elles me posent sont beaucoup plus ciblées. 72
PHILIPP KUTTIN,
né en 1998, a connu une carrière prometteuse dans le biathlon (combiné nordique) avant de travailler pour la fédération autrichienne de ski. Pendant son service militaire en août 2020, il a fait une crise de somnambulisme et sauté d’un balcon. Une chute de huit mètres qui l’a laissé paralysé des jambes.
Comment s’est passée votre première rencontre ? Gerhardter : Je connaissais le père de Philipp par les médias. Un jour, il m’a appelée pour me dire que son fils, somnambule, avait fait une terrible chute pendant qu’il dor mait. C’est ce qu’il y a de plus diffi cile à vivre, le désespoir des familles. On ne s’y habitue pas. Je me sou viens encore parfaitement du coup de téléphone m’apprenant l’accident de Hannes Kinigadner (le fils de Heinz Kinigadner, cofondateur de WFL, ndlr) : on a l’impression que le monde s’écroule.
Et la première fois que vous vous êtes parlé ? Gerhardter : C’était très intense. On aimerait proposer tellement plus que ce que nous sommes en mesure de faire. Aujourd’hui, le projet de guérir les lésions de la moelle épi nière ressemble à un puzzle dont il existe déjà de nombreuses pièces. Nous allons assister à de grandes avancées dans les années qui viennent. D’ici là, nous pouvons mettre notre expertise au profit de celles et ceux qui se trouvent dans cette situation, les aider dans les premières décisions critiques. Les équipes médicales font un travail in croyable, et nos experts sont là pour aider quiconque éprouve le besoin d’avoir une seconde opinion. Philipp, que s’est-il passé après votre accident ? Kuttin : Je suis resté seize jours en soins intensifs, parce qu’il y a eu des complications au niveau des pou THE RED BULLETIN
Wings for Life
mons, ce qui m’a valu un mois dans une clinique spécialisée, à Murnau, avant de commencer la rééducation. En tout, il s’est passé 4,5 mois avant que je puisse rentrer chez moi. Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez ri à nouveau ? C’était à Murnau justement, quand j’apprenais à conduire mon fauteuil. Je me suis mis à faire le con, et je suis tombé ! Alors forcément, j’ai éclaté de rire.
« Se déplacer tout seul, c’est si important, presque viscéral. Pouvoir aller où l’on veut, quand on veut. » Philipp Kuttin
ANITA GERHARDTER
est la PDG de Wings for Life. Cette passionnée de sport est le cœur, la tête et l’âme de la fondation, Depuis sa création en 2004. Son objectif est clair : « Pouvoir un jour aller prendre un Stehseiterl (une bière au comptoir, debout, ndlr) avec Wolfi et Philipp. » THE RED BULLETIN
Quand une personne valide voit un paraplégique tomber de son fauteuil, ça la met plutôt mal à l’aise… Kuttin : Quand un enfant tombe, il pleure, mais dès qu’on l’a consolé, il se remet à rire comme si de rien n’était. Peut-être que je suis redevenu un peu enfant. Quand je sautais à ski, il fallait aussi que je me relève après une chute. Exactement comme aujourd’hui, quand je dois remonter sur mon fauteuil après être tombé. Anita, percevez-vous des différences entre les sportifs et les non-sportifs ? Gerhardter : Oui, les sportifs ont tendance à aborder leur nouvel état comme un défi à relever. Ils cherchent à gagner en mobilité, en agilité, en force. Ils font preuve d’une grande volonté et se fixent des objectifs. Quand on est capable de faire ça, c’est un gros avantage. Par exemple ? Gerhardter : Je pense notamment à Wolfi Illek, tétraplégique, qui dirige le service Fundraising. Nous avions organisé un cours de conduite pour toute la boîte : moi qui m’estime être une excellente conductrice, je dois avouer que Wolfi nous a tous battus à plate couture avec son bus aménagé ! Ça m’impressionne aussi de le voir faire le trajet jusqu’ici depuis Waidhofen (deux heures de route, ndlr), tout seul avec son bus Volks wagen. Si son portable tombe par terre et qu’il a une panne, il ne peut rien faire. Mais ça ne l’arrête pas. Kuttin : Se déplacer seul, c’est si important, presque viscéral. Pouvoir aller où l’on veut, quand on veut. Comme je fais mes études à Vienne, je prends souvent ma voiture. J’habite dans un foyer d’étudiants avec accès pour handicapés, et je parcours en fauteuil roulant les 2,5 kilomètres qui me séparent de l’université. J’aime bien regarder à chaque fois le temps que j’ai mis : ça me prépare à la course mondiale Wings for Life. Où seriez-vous aujourd’hui, s’il n’y avait pas eu cet accident ? Kuttin : En train de fêter ma médaille aux Jeux Olympiques ! Non, plus sérieusement : j’avais déjà décidé d’étudier l’ingénierie sportive – un conseil que m’avait donné Toni Giger, 73
à l’époque. Mon objectif, c’est d’être indépendant financièrement. Avant même que je commence ces études, j’avais déjà reçu des propositions de boulot : c’est ainsi que j’ai contribué à améliorer un fauteuil roulant pour les joueurs de golf handicapés. Une opportunité qui se ferme, ce sont trois autres qui s’ouvrent ? Kuttin : Ça dépend quelles opportunités tu recherches. Gerhardter : Il faut aussi avoir envie de les voir. Prenez Julia Macchietto, une jeune femme qui s’est retrouvée paraplégique à 19 ans suite à un accident de la route. Elle a eu un enfant : une grossesse, c’est déjà éprouvant quand on est valide, mais elle a mené ça comme une battante, et aujourd’hui, c’est une maman vraiment cool. Une étude a été réalisée pour voir si les événements majeurs de nos vies pouvaient influencer notre bonheur. En comparant, d’un côté, des personnes devenues paraplégiques et de l’autre, des gagnants du loto, on s’est aperçu qu’au bout de deux ans, les râleurs, même après avoir gagné au loto, n’étaient pas plus heureux qu’avant. Alors que parmi les paraplégiques, celles et ceux qui avaient un naturel optimiste, après une phase d’adaptation à leur nouvelle situation, retrouvaient la joie de vivre qu’ils avaient avant leur accident. La leçon de tout ça ? Gerhardter : Être heureux ou malheureux dépend beaucoup plus de ton rapport à la vie que des facteurs extérieurs. Philipp, comment étiez-vous avant votre accident ? Kuttin : Communiquer n’était pas quelque chose d’évident pour moi, j’étais plutôt marginal, même si j’avais le sens de l’équipe. Quand j’ai ciré tous les skis de mes collègues de biathlon et qu’on a gagné de l’avance grâce à ça, j’étais content, parce que les autres étaient contents.
« Je suis tombé sur le dos, pas sur la tête. » Philipp Kuttin 74
L’espoir donne des ailes. Anita s’est mise aux commandes d’un projet ambitieux : financer, via la fondation, la recherche scientifique sur les lésions de la moelle épinière. Voir encadré à droite.
Vous sentez-vous marginal en fauteuil roulant ? Kuttin : Pas vraiment. Certains ne savent pas comment m’aborder, mais je répète souvent que c’est sur le dos que je suis tombé, pas sur la tête. Dans ma tête, je suis exactement le même qu’avant. Physiquement, vous savez maintenant où se situent vos limites… Kuttin : Faux ! À chaque séance de physiothérapie, je fais des progrès. Depuis peu, j’arrive à contracter légèrement mes muscles fessiers, ce
qui améliore la stabilité du dos. Je teste sans cesse de nouveaux exercices et j’essaye de redécouvrir certaines fonctions de mon corps. En fait, je ne me sens pas mieux ou moins bien qu’avant – juste différent. Gerhardter : D’après la science, il y a, au cours des deux premières années, une courte phase pendant laquelle il est possible de récupérer de nombreuses fonctions. Philipp fait tout son possible pour déclencher cette phase – son attitude est exemplaire. THE RED BULLETIN
Wings for Life
« L’attitude est plus déterminante pour ton bonheur que les facteurs extérieurs. » Anita Gerhardter Quels sports pratiquez-vous ? Le golf, le handbike, le monoski et le ski de fond. Cela va sans doute m’aider plus tard, dans ma carrière en ingénierie handisport. De même, j’ai envie d’essayer le basket en fauteuil et le sledge-hockey. Sans oublier ce type qui a fabriqué un surf-fauteuil pour paraplégiques : ça m’intéresse. Dans cinq ans, j’aimerais gagner ma vie à développer, fabriquer, tester et améliorer des appareils handisport. C’est mon objectif professionnel. Avez-vous vécu, depuis l’accident, des moments magiques ? Kuttin : Pendant ma rééducation, j’ai beaucoup aimé les sessions en groupe, parce que nous, les « jeunes » invalides, on pouvait profiter de l’expérience des « anciens ». Un des moments les plus beaux fut une vidéo de 2,5 minutes envoyée par l’équipe autrichienne de biathlon. J’en avais les larmes aux yeux. Les mecs étaient en Finlande pour démarrer leur saison, mais ils ont pensé à moi et m’ont encouragé : « Tu vas t’en sortir comme un pro ! »
ROMAN BURRI, SAMO VIDIC/WINGS FOR LIFE
Comment vous en sortez-vous jusque-là ? Kuttin : Comme avant, il y a des jours plus faciles que d’autres. Que faites-vous pour retrouver le moral après une journée difficile ? Kuttin : Soit je joue à un jeu vidéo en ligne avec des potes, soit je fais du sport. De ce côté-là, c’est exactement comme avant l’accident. wingsforlife.com Le 8 mai, rejoignez la communauté des coureurs du monde entier lors du Wings for Life World Run pour soutenir la fondation Wings For Life. Pour vous inscrire et obtenir toutes les infos, il suffit de scanner le QR code ci-dessus, ou de consulter : wingsforlifeworldrun.com THE RED BULLETIN
FONDATION
Où va mon argent ? Bien vu : à 100 % dans la recherche, notamment dans ces quatre projets qui contribuent à guérir un jour les lésions de la moelle épinière.
Assurer les bases : cellules souches
Chercheur : Christian Schachtrup Projet : fibrinogène La survie et la différenciation des cellules souches après leur transplantation dépendent fortement de leur environnement cellulaire, lequel est radicalement modifié après une lésion de la moelle épinière. L’université de Fribourg-en-Brisgau étudie, dans le cadre d’un projet de recherche, le rôle du fibrinogène (protéine associée à la coagulation sanguine) dans les cellules souches transplantées et comment cela peut favoriser la régénération des lésions de la moelle épinière.
Jan Schwab (g.), de l’université d’Ohio et Stephen Strittmatter, professeur à Yale.
Connecter les cellules nerveuses
Chercheur : Stephen Strittmatter Projet : RESET
Aux États-Unis, des cliniques spécialisées dans les paralysies utilisent, pour les patients atteints de paraplégie chronique, une substance directement injectée dans la moelle épinière, censée favoriser la régénération et la reconnexion nerveuse. La substance étudiée par Strittmatter intervient, elle, comme une sorte de leurre capable de piéger les protéines freinant la régénération des tissus de la moelle épinière. Une analyse des études est attendue pour l’automne 2022.
Grégoire Courtine lors d’un essai avec un participant au projet.
Rééducation et stimulation
Chercheur : Grégoire Courtine Projet : STIMO Les neuroscientifiques de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne ont associé un programme de rééducation avec une stimulation électrique par implant spinal. En 2018, l’équipe constatait une amélioration notoire des fonctions motrices chez les patients souffrant d’une lésion partielle. Ce procédé par stimulation a été ensuite développé, et des résultats probants dans les cas de paraplégies complètes ont été publiés en février 2022. Les effets de cette thérapie sur le long terme doivent encore être analysés.
Ré-innerver par thérapie enzymatique Chercheurs : Elizabeth Bradbury et Joost Verhaagen Projet : chondroïtinase
La chondroïtinase fait partie d’une thérapie enzymatique très prometteuse, qui permettrait la régénération et la reconnexion des cellules nerveuses dans la moelle épinière. Malgré les résultats positifs de cette approche, il reste encore de nombreux obstacles à surmonter avant d’envisager une application clinique sûre et efficace.
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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée
LE DAKAR DES VAGUES
THIAGO DIZ
Le 1er rallye de kitesurf au monde
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PERSPECTIVES voyage
« Les écarts entre concurrents sont passés de 15-30 minutes à près de 4 heures, poussant nombre d’entre eux à l’abandon. »
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Pedro Macedo Soares de Araujo franchit la ligne d’arrivée au 3e jour ; (cidessus) le point de départ au Kauli Seadi Kite Center.
TOM WARD
u troisième jour de l’édition 2021 du Sertões Kitesurf 500 km, la cadence ne faiblit pas. L’eau alourdit ma planche, mes pieds en sang me torturent, et le vent sans cesse changeant abat régulièrement ma voile. Et, pour couronner le tout, je rate la bouée, l’un des passages de contrôle balisant ce premier rallye de kitesurf d’endurance au monde. Les bouées encouragent les participants à rester dans la course, mais si vous en manquez une, vous écopez de 30 min de pénalité. Et il y a pire : les coureurs lents peuvent être distancés, ce qui peut s’avérer dangereux. L’eau est chaude, et si je n’ai jamais entendu parler d’attaques de requins par ici, cela reste l’océan. Ce rallye est le premier du genre : une course de six jours sur l’Atlantique Sud le long de la côte nord-est du Brésil, de São Miguel do Gostoso dans le Rio Grande do Norte à Preá, dans le Ceará ; un rallye d’endurance où les kitesurfeurs passent
THIAGO DIZ, GABRIEL HEUSI
A
Notre auteure, la kitesurfeuse pro Marcela Witt, nous raconte comment elle a vécu la compétition.
THE RED BULLETIN
Marcela Witt, kitesurfeuse brésilienne et auteure de l’article, prépare son équipement en vue du départ de la compétition.
de longues heures sur l’eau, soutenus par des équipes qui les suivent en voiture. Cette première édition compte une centaine de riders, âgés de 14 ans et plus, répartis en quatre catégories : Aventure pour les amateurs ; Double, où les coéquipiers se relaient ; Masters, pour les plus de 50 ans ; et Elite. Je concours en catégorie Elite femme, dont le premier prix est de 4 000 R$ (660 €). J’ai grandi en pratiquant le kitesurf avec ma famille à Rio. Contrairement au surf classique, cette discipline ne nécessite pas de vagues ; le vent propulse une grande aile contrôlée par les mains. Et un kitesurf, ça va vite. À la fin des années 2000, les kitesurfeurs battaient souvent des records de vitesse ; en 2010, l’Américain Rob Douglas atteint 103 km/h, record qu’il détiendra pendant deux ans. Le kitesurf prend son essor au tournant du millénaire. En 2005, je participe à ma première compétition à l’âge de 14 ans THE RED BULLETIN
et à ma première épreuve d’endurance dos au vent à 20 ans. J’étais inconsciente et hors de ma zone de confort, mais l’expérience fut l’une des meilleures de ma vie. Depuis, je suis accro. Mon expérience ne m’immunise pas contre les caprices d’une course comme le Sertões Kitesurf 500 km. La météo est instable sur les côtes du Brésil ; le vent marin ou de terre vous propulse quand le vent latéral vous ralentit. Ce sport est épuisant. À l’instar de la course à pied, vous pouvez courir deux heures à un rythme constant, mais en compétition, ça devient un sprint, vous êtes à fond – environ 30 km/h – pendant plusieurs jours. Vous surpasser pendant une journée passe encore, mais le faire jour après jour vous éreinte. La plupart du temps, vous ne connaissez ni la position des concurrents ni la vôtre. Initialement, je voulais participer pour le plaisir. D’où mon choix d’utiliser une planche de surf moins
Itinéraire de vol
ARRIVÉE Preá
Le parcours du Sertões Kitesurf 500 km
Icaraizinho
Porto do Pecém Beberibe Icapuí Guamaré DÉPART São Miguel do Gostoso
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PERSPECTIVES voyage
Se nourrir et se loger Où séjourner et où s’amuser pendant l’événement Kauli Seadi Kite Center « C’est le point de départ du rallye, précise Witt. Kauli est un champion du monde de windsurf et dirige à présent cette géniale école de windsurf. » Hôtel Ilha dos Poldros, Maranhão « L’un de mes spots préférés à l’ouest de Preá. Faire du kite dans l’océan exige un bon niveau, mais la rivière Parnaíba est à la portée de tous. » Hôtel Vila Guará, Atins Beach, Maranhão « Superbes bungalows de plage et une autre école de kite géniale. » Hôtel Vila Kalango, Jericoacoara, Ceará « Le parc national de Jericoacoara est paradisiaque. Idéal pour le surf et la détente. » Rancho do Peixe, Preá, Ceará « Point final de la course. On y trouve de beaux bungalows sur la plage, la cuisine et le vin sont top. » sertoeskitesurf.com.br
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Le soir, la récupération se révèle difficile. Au départ, je comptais m’arrêter et manger en route, mais ma décision d’être compétitive me pousse à avancer toujours plus. Les tentes où nous dormons se trouvent dans les terres, mais les organisateurs ne s’attendaient pas à ce que nous soyons aussi rapides. Les concurrents arrivent les premiers au point de rencontre et attendent les voitures sous le soleil, sans ravitaillement.
« Mon expérience ne m’immunise pas contre les caprices du rallye. » Marcela Witt, gagnante du Sertões Kitesurf 2021.
Au quatrième jour, le vent faible accentue les écarts entre les concurrents, passant de 15 minutes à près de 4 heures, poussant nombre d’entre eux à l’abandon. Le dernier jour, mon avance sur ma plus proche rivale est de 2 heures, mais elle est vaillante. Je boucle finalement la course en 17 h, 6 min et 34 sec et ne crois à ma victoire qu’après avoir posé le pied sur le podium. Sortir de sa zone de confort a du bon. En compétition comme dans la vie, être devant un jour n’a de sens que si vous faites tout pour le rester le jour suivant. Et qu’importe si vous êtes lent, l’essentiel est de ne jamais arrêter d’avancer. Marcela Witt est la première femme à avoir pratiqué le kitesurf en Antarctique et sur le redoutable spot de surf big wave de Nazaré, au Portugal. Insta : @marcelawitt ; sertoeskitesurf.com.br THE RED BULLETIN
TOM WARD
rapide mais plus agréable, alors que beaucoup d’athlètes optent pour le twintip, une planche à double sens ne nécessitant pas de rotation à 180°, et bien plus rapide. Je termine néanmoins la première étape à la deuxième place à 20 min de la tête de course. En comparant nos vitesses, je me dis qu’avec un twintip, j’ai des chances de gagner. Le lendemain, je repars sur un twintip. Ma progression subit un coup d’arrêt au troisième jour en ratant la bouée de passage dans une baie au bout de la section la plus longue de l’épreuve, plus de 100 km. L’écart du point de passage est inférieur à une minute, mais les commissaires de course l’ont vu sur le GPS. J ’enrage, mais poursuis ma route et termine l’étape en tête avec trois heures d’avance sur ma poursuivante.
Relaxation et kistesurf sur la plage de Rancho do Peixe.
THIAGO DIZ
Vague d’émotion : (en haut) les participants en catégorie Elite sur la ligne de départ au jour 1 ; (ci-dessus) le kitesurfeur Bruno Graça Melo Côrtes sur la ligne d’arrivée.
PRESENTED BY
SWITZERLAND
Z I E E S S W I H U S C , S , G G U U O Z 2 2 0 2 I A M . 88 VTEKNÖTNPNAESN
ECUH I P N E S L E E E N I I D U , Q E L X L U A E WCIORULRAIRUFPEONUFRÜCR INTMEITNLAANUTFEN EL-DTOENI MUAND JETZINT SACNRMIS
I C I E E P B I A C I D T I R E A S P
PERSPECTIVES fitness
parcours. Après coup, Bruni a déclaré « qu’il y serait resté » s’il avait atterri sur un rocher. Pour Minnaar, la maîtrise de ses nerfs est primordiale : « Sans la capacité à se détendre, attaquer la piste et gagner est impossible. Le mental compte beaucoup. »
S’adapter
Le GOAT a encore frappé En trente ans, le Sud-Africain « Greatest of All time » Greg Minnaar a remporté quatre titres mondiaux en VTT DH, une discipline où la moindre erreur peut faire très mal. Sa réussite ne doit rien au hasard. Le 29 août 2021, à 39 ans, Greg Minnaar devenait champion du monde de descente UCI… pour la 4 e fois. La somme de ses victoires, dont 23 en CM, fait de lui le vainqueur le plus prolifique du DH. Le Sud-Africain décrochait son premier titre mondial en 2003, à l’âge de 22 ans. Beaucoup doutaient de sa capacité à réitérer l’exploit 18 ans plus tard. Le Black Snake a balayé ces doutes avec une performance de haut vol à Val di Sole (Italie) sur le parcours le plus ardu de la saison. Comment Minnaar s’est-il maintenu au top malgré la révolution technologique des vélos et l’avènement d’une nouvelle génération de riders qui ont changé 82
la donne ? « Je suis un pilote plus complet aujourd’hui ! »
Savoir compter
À Val di Sole, les cinq premiers arrivants sont séparés par seulement quelques dixièmes de seconde. « Pour gagner, il faut rouler à 100 % », déclare Minnaar, tout en précisant qu’il ne s’agit pas « de descendre comme un inconscient ». Ses décennies d’expérience jouent un rôle essentiel. « Identifiez les segments où vous ne pouvez être qu’à 95 % et ceux où vous pouvez pousser à 105. »
Garder son sang-froid
« L’expérience m’a appris à accepter mes peurs. J’éprouve d’énormes difficultés à me
almer dans le portillon de c départ, car ça peut tourner très mal », confie Minnaar. De fait, la veille de sa victoire, son rival Loïc Bruni chutait violemment, atterrissant sur l’unique parcelle de terre du
« Revenir aux fondamentaux est inévitable. » Greg Minnaar
Se connaître
Minnaar sait que l’heure de la retraite sonnera lorsque, à l’intersaison, les trois entraînements hebdomadaires deviendront insoutenables. Pour faire face à ce défi, il privilégie les entraînements sociaux, avec d’autres pilotes. Sa méthode reste cependant la même : « Analyser mon corps et corriger mes faiblesses. Revenir aux fondamentaux pour progresser est inévitable, même après une longue carrière. » santacruzbicycles.com THE RED BULLETIN
MATT RAY
RÉUSSIR
BARTOSZ WOLINSKI/RED BULL CONTENT POOL
Inverser le cours du temps : l’âge n’a pas de prise sur Greg. À 39 ans, il rafle encore des titres majeurs.
Le VTT de descente a bien changé en dix ans. L’élargissement des bermes et l’allongement des sauts rendent les pistes actuelles plus rapides que celles d’autrefois. La nouvelle génération de pilotes utilise des suspensions plus rigides pour un meilleur retour d’énergie, ce qui accroît la vitesse du vélo, mais réduit sa maniabilité. Mécano doué, Minnaar ne cesse d’améliorer son VTT, même avant le départ d’une course. « Pendant les qualifs, les ornières m’ont mené la vie dure. » Avant la finale, il modifie les réglages des suspensions sans les tester. Il pense avoir tout gâché, en progressant plus lentement jusqu’à la mi-course. « Soudain, le vélo devient plus maniable, je trouve le bon rythme tandis que les concurrents peinent. » Pari gagnant.
PERSPECTIVES Wings for Life World Run
COMMENT ÇA MARCHE ?
App-solument fantastique ! Qu’est-ce qui rend Wings for Life World Run si spécial ? Le 8 mai 2022, les participants prendront son départ dans le monde entier à 13 heures, heure locale, et ce, où qu’ils se trouvent. C’est possible grâce à l’application ! Elle sera votre meilleure amie pendant cette course hors du commun, vous motivera et vous tiendra connecté(e) avec le monde entier.
Avec le Goal Calculator, vous pouvez fixer votre objectif de course individuel pour le jour de la course. Choisissez votre objectif de course et découvrez ici le temps dont vous disposez et l’allure que vous devez tenir pour l’atteindre le 8 mai. Grâce à la check-list pratique, vous pouvez également vous assurer que vous êtes parfaitement préparé(e) pour le jour de la course.
Téléchargement
Communauté
L’application Wings for Life World Run est disponible sur l’App Store pour iOS et sur Google Play pour les appareils Android.
Que vous soyez débutant(e), en course, pro ou en fauteuil roulant, tout le monde peut participer à Wings for Life World Run. La devise : tout le monde est gagnant.
Après le téléchargement, vous pouvez vous inscrire soit avec votre profil Facebook, soit avec votre e-mail. Accédez à l’appli grâce à ce QR Code.
Rejoignez une équipe ou invitez vos amis, famille ou collègues et créez votre équipe. Et chaque participant compte, car tous les frais d’inscription sont directement reversés à 100 % à la recherche sur la moelle épinière.
Préparation
Avec le son
Le format de course de Wings for Life World Run est unique : la ligne d’arrivée vous suit comme une catcher car virtuelle, qui se lance à votre poursuite 30 minutes après le départ. Votre course s’achève dès qu’elle vous dépasse.
Le jour de la course, une expérience audio particulière vous attend : une voix vous encourage et célèbre avec vous vos objectifs d’étape, tandis que la voix de la catcher car, Maxine Éouzan vous motive. Jamais un événement de course virtuel n’aura été aussi réel !
Faites un test avec l’appli ! Démarrez un Preparation Run et faites-vous déjà chasser pendant l’entraînement pour voir combien de temps vous pouvez distancer la catcher car.
THE RED BULLETIN
Check-list
Pour les mises à jour et les informations sur la course, consultez le site : wingsforlifeworldrun.com
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PERSPECTIVES le coin lecture
L’ART DU LANGAGE
Ivre de vivre Chez Philippe Djian, enchanteur de la banalité, tout est question de style. Ses romans transforment le quotidien en poésie.
L
es symptômes sont variés : chez certains, on observe une démarche qui devient allègre, presque dansante. D’autres se mettent à dévisager des inconnus, longuement et sans crier gare. D’autres encore clignent des yeux devant un magnifique coucher de soleil sans se dire : « Oh, quel magnifique coucher de soleil », mais en ouvrant une canette de bière en silence pour savou-
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rer le moment. Ces symptômes apparaissent lorsqu’on lit un roman de Philippe Djian. Ils traduisent une volonté farouche de se sentir vivant, mais aussi une nostalgie presque oubliée. L’expérience djianesque ne vous tente pas ? Cela est bien dommage, car l’auteur, né à Paris en 1949, est un magicien de l’ordinaire. Un alchimiste qui transforme le quotidien en poésie. Un flâneur littéraire conscient que la
beauté de la flânerie réside dans son absence but. Une vision qui transparaît dans le choix des personnages et des genres abordés par Philippe Djian à travers une trentaine de romans et de récits souvent compacts. Les protagonistes vont de l’artiste au criminel, et les thèmes de la passion amoureuse à la crise amère de la quarantaine, avec, comme point commun, une vie bouillonnante. THE RED BULLETIN
VINZ SCHWARZBAUER
Texte JAKOB HÜBNER
« Les Inéquitables », entame du livre Mais il voulait qu’elle enlève ses mains, qu’elle cesse de le toucher, qu’elle s’écarte, disparaisse, il essayait de lui dire de ficher le camp, de rentrer, mais il avait la bouche pleine de sang et elle refusait de le lâcher. Prends mon mouchoir, dit-elle.
Tout commence en 1984 avec Zone érogène qui n’est cependant pas le premier roman de Djian, mais celui avec lequel le Français établit son style. Un an plus tard paraît 37 °2 le matin, pièce centrale de la trilogie de Zorg (du nom du protagoniste de la série), que Djian conclut brillamment avec Maudit Manège, en 1986. La même année, la mythique adaptation cinématographique de 37 °2 le matin sort sur les écrans, le réalisateur JeanJacques Beineix (décédé en janvier dernier) est nommé aux Oscars, les dents du bonheur de Béatrice Dalle deviennent un symbole de sex-appeal, Jean-Hugues Anglade récolte le César du meilleur acteur, et Philippe Djian accède au statut d’auteur culte. Sexe, drogue et rock’n’roll en format livre. Palpitant, preste, rythmé. Ponctué de dialogues grinçants et crus, sans guillemets ni préavis. La critique littéraire française s’essouffle, Philippe Djian sera leur bouffée d’oxygène : Échine, Lent Dehors, Sotos, Sainte-Bob, Vers chez Les Blancs. Une écriture sans découpage, grouillante de vie. Philippe Djian, le rebelle de la littérature, devient alors l’un des auteurs les plus lus de sa génération. Il ne manque d’ailleurs pas de nous faire savoir, non sans un brin de coquetterie, que la trame de ses histoires n’est pas sa priorité : « Chez moi, seuls comptent le style et la THE RED BULLETIN
langue, je n’écris pas pour faire passer des messages. » De fait, les romans écrits dans cette période sont des petits chefs-d’œuvre intemporels. Mais un rebelle, ça vieillit aussi. Au milieu des années 2000, Philippe Djian se fait de plus en plus discret. Le poing serré avec lequel il caresse la vie avec tant de tendresse manque soudain de punch. Avec Marlène (2017) et À l’aube (2018), Djian retrouve toutefois des couleurs et son roman Les Inéquitables paru en 2019 finit par le ramener sur le devant de la scène. La proximité envoûtante que créent ses phrases et ses dialogues simples et intenses est empreinte d’une beauté telle qu’elle nous invite à danser. Les Inéquitables est une histoire sous forme de thriller qui se déroule dans une petit ville au bord de l’océan, et où s’entremêlent l’amour, l’amitié et la trahison ; quant au style, c’est du « pur Djian », le compliment ultime pour un livre.
PHILIPPE DJIAN Les Inéquitables 2019 Gallimard
DU MÊME GENRE
Agents Provocateurs Quatre écrivains célèbres de l’Hexagone dépourvus de tabou ou de bons sentiments.
MICHEL HOUELLEBECQ Ses livres ne laissent jamais indifférents et provoquent souvent la polémique. Cependant, derrière cette agitation intellectuelle, on oublie souvent que Michel Houellebecq maîtrise l’art de sonder les limites douloureuses de notre société avec la sensibilité d’un sismographe, mais aussi que son écriture est l’une des plus remarquables de notre époque. Anéantir, Éditions Flammarion
VIRGINIE DESPENTES Dans les années 1990, Despentes suscite de vives controverses avec Baise-moi ou Les Chiennes Savantes, des romans d’une violence extrême et explicite, interdits aux mineurs. En 2015, la parution de la première partie de sa trilogie Vernon Subutex change la donne. Ce portrait au vitriol des mœurs de notre époque vaut à Despentes d’être qualifiée de « Balzac féminin du XXIe siècle ». Vernon Subutex, Éditions Grasset
EMMA BECKER Pour son troisième roman, l’auteure française Emma Becker, 33 ans, mène une « enquête de terrain » pendant deux ans en opérant en tant que prostituée dans une maison close berlinoise. Cela a donné une autofiction aussi délicate que désenchantée, aussi impudique que radicale, mais, plus étonnant encore, avec des passages d’une infinie drôlerie. La maison, Éditions Flammarion
FRÉDÉRIC BEIGBEDER Avec 99 francs, critique féroce de la décadence et du cynisme du monde publicitaire, Beigbeder devient célèbre. Vingt ans plus tard, il flagelle son « double négatif » Octave Parango à travers une satire acerbe et caustique qui éviscère avec délectation le diktat rampant du rire. On se demande comment une autopsie aussi triste de la société peut être aussi drôle. L’homme qui pleure de rire, Éditions Grasset
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PERSPECTIVES tendance INTEMPOREL ANDY WOLF OMEGA Il était une fois un voyageur du temps qui faisait de l’auto- stop sur nos écrans… Vous le connaissez, il s’agit de Dr. Who, la série de science-fiction culte. L’entreprise de lunettes autrichienne Andy Wolf s’est inspirée du personnage éponyme pour sa nouvelle collection… hors du temps. andy-wolf.com
LE DÉTAIL BIENVENU La protection latérale sur la monture assure un confort maximal.
Que du bon ! Un thriller autour d’une fleur, une paire de lunettes pour voyageur du temps et une chaussure céleste. LES PIEDS À L’AIR SANDALES LEVI’S En plus des vêtements en denim, Levi’s confectionne des baskets inspirées du légendaire jean 501. Et aussi des chaussures plus légères. Nous craquons particulièrement pour ces sandales acidulées, qui promettent un été au frais. levi.com
UNE FOLLE HISTOIRE THE PETUNIA CARNAGE La nature n’avait pas prévu de pétunia orange. Lorsque le Finlandais, Teemu Teeri, en découvre une non loin d’une gare, l’histoire commence et débouche sur la « crise du pétunia ». Ce thriller botanique véridique, qui prend racine dans les labos de l’Institut Max Planck de Cologne, au début des années 90, est richement documenté par le photographe viennois Klaus Pichler. klauspichler.net
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COMME SUR UN NUAGE ON CLOUDMONSTER La création la plus excentrique à ce jour parmi les chaussures de course sort tout juste du laboratoire suisse d’On : la Cloudmonster. Le nom le dit déjà : les éléments Cloud dans la semelle garantissent des atterrissages super doux et une poussée maximale, pour un poids plume de 230 grammes. on-running.com
HAUTE PERFORMANCE VESTE THE NORTH FACE PHLEGO 2L DRYVENT Celui qui porte cette veste ne doit pas avoir peur de se perdre. Ou de ne pas être vu. Ou d’avoir froid. Ou trop chaud. Ou d’être mouillé. Ou de ne pas faire un achat écoresponsable. thenorthface.ch
SANDALE À SON PIED Il y a des jours avec… et des jours sans.
PETITE SŒUR TAG HEUER AQUARACER PROFESSIONAL 200 « Elle est la compagne d’une vie passionnante et inoubliable, faite d’aventures, d’exploits et de limites dépassées », déclare Frédéric Arnault, PDG de TAG Heuer. Mais avant tout, la sœur cadette du modèle 300 est une véritable beauté. tagheuer.com
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PERSPECTIVES biohacking MIEUX DORMIR
Chaussettes et mélatonine Tous les mois, notre biohacker préféré, Andreas Breitfeld, nous délivre ses conseils pour améliorer notre qualité de vie. Ce mois-ci : pourquoi on dort mieux avec des chaussettes.
Pieds froids = sommeil foutu Moins le sang circule dans les extrémités, plus il reste dans le torse qui reçoit trop de chaleur. À extrémités plus chaudes (donc mieux irriguées), sommeil réparateur assuré.
mélatonine glande pinéale
La mélatonine nous fatigue
Cela est dû à la température de notre corps, notamment au niveau du torse. Une baisse de cette température (idéalement de 0,2 à 0,5 °C) favorise le sommeil. Pour cela, on peut soit faire appel à la high-tech (certains gadgets hors de prix permettent de faire baisser la température sous la couette), soit au 88
ANDREAS BREITFELD, 49 ans, est le biohacker le plus célèbre d’Allemagne. Il est chercheur dans son laboratoire spécialisé de Munich. En termes simples, le BIOHACKING englobe tout ce que les gens peuvent faire eux-mêmes pour améliorer leur santé, leur qualité de vie et leur longévité.
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ANDREAS BREITFELD
Pourquoi ?
ystème D : les chaussettes. Réchauffer s nos extrémités va dilater les vaisseaux sanguins et contribuer à une meilleure circulation. En gros, cela « aspire » le sang chaud situé au niveau du torse. Résultat : la température centrale du corps diminue. Si l’on y réfléchit bien, on pourrait encore accentuer ce phénomène en mettant des gants ou des mitaines, mais honnêtement, même moi je ne vais pas jusque-là. Faut pas pousser !
PRIVAT
L
es chaussettes au lit n’ont pas bonne presse. Niveau jeux coquins sous la couette, on ne peut pas dire que ce soit très glamour. Mais niveau qualité du sommeil, c’est l’extase. En e ffet, mettre des chaussettes permet de s’endormir plus facilement et de dormir mieux.
SASCHA BIERL
C’est dans la glande pinéale que se forme la mélatonine, hormone du sommeil déterminante pour la bonne qualité de notre repos. L’un des e ffets prouvés est qu’elle diminue la température du corps, facilitant l’endormissement et la durée du sommeil.
PERSPECTIVES playlist
DAVID MORALES
« La musique m’a sauvé » Le DJ et producteur américain a sorti un nouvel album en début d’année. Il nous dévoile ici quatre disques qu’il aime depuis sa jeunesse.
WILL LAVIN
Mixer devant des milliers de fans, prendre de gros jets privés et toucher des millions d’euros : le phénomène des DJ’s superstars est apparu dans les années 1990. L’un des plus connus est David Morales, cuisinier de formation, qui s’est fait connaître en tant que producteur pour ses morceaux house dynamiques et a réussi à décrocher un Grammy en 1998 en tant que Remixer of the Year. Il a notamment produit et remixé des albums pour Michael Jackson, Madonna et Jamiroquai. À 59 ans, ce New-Yorkais d’origine portoricaine est de retour après plus d’une décennie d’absence : avec l’album Life Is A Song, une ode à la musique et à l’influence qu’elle a eue sur lui. « La musique est une partie vraiment importante de ma vie, déclare Morales sans détour, elle m’a sauvé. » Il présente et raconte ici quatre morceaux qui ont marqué sa jeunesse.
Scannez ce code QR pour accéder à la playlist de David Morales sur Spotify. djdavidmorales.com
THE JACKSON 5
THE O’JAYS
DOUBLE EXPOSURE
THE JIMMY CASTOR BUNCH
ABC (1970)
PUT YOUR HANDS TOGETHER (1973)
TEN PERCENT (1976)
IT’S JUST BEGUN (1972)
« Dans le quartier où j’ai grandi, il y avait des fêtes dans les parcs avec des DJ’s. Je me souviens qu’à l’âge de 13 ans, j’ai vu l’un d’eux installer son matériel. C’était la première fois que je voyais deux platines et une table de mixage, et il jouait Ten Percent. Son break m’a époustouflé. C’était le premier single 12 pouces sorti chez Salsoul Records. Je me suis procuré un exemplaire que j’écoutais en boucle. »
« Ce disque a été comme une remise de diplôme pour moi. Il me rappelle mon adolescence, quand je faisais du graffiti et du break. J’étais le meilleur danseur de la bande, on m’appelait Flaco Larock, nom que j’avais fait floquer en lettres fluorescentes à l’avant d’un T-shirt. Dans mes battles en discothèque, ce morceau mettait le feu au dancefloor avec son break et son intro d’enfer. »
« Quand j’étais enfant, cette chanson passait sur toutes les radios pop, on ne pouvait pas y échapper. En première ou deuxième année à l’école p rimaire, nous devions réaliser un exposé sur un groupe célèbre et interpréter une de leurs chansons. Certains ont choisi The Partridge Family ; moi, les Jackson 5 pour chanter ABC. C’est l’une des premières chansons qui m’a marqué pour la vie. » THE RED BULLETIN
« Jeune, je n’avais pas les moyens d’acheter des disques, mais cela ne m’empêchait pas de traîner chez les disquaires. Ce disque est le premier 45 tours que je me suis offert. À la maison, notre chaîne hi-fi était pourrie. Pourtant, j’ai placé l’enceinte sur le bord de la fenêtre et écouté ce morceau une centaine de fois d’affilée. Ma mère aurait pu mettre le disque en miettes tellement elle en avait marre. »
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PERSPECTIVES gaming Dédoublement en défense centrale, xGs, système en « sapin de Noël »… si cela vous parle, alors F ootball Manager devrait vous plaire.
du jeu », explique Miles Jacobson, directeur de Sports Interactive, studio des développeurs à Londres. Lorsqu’il entraînait Chelsea, André Villas-Boas utilisait le jeu pour prendre des décisions, et Alex McLeish, ex-entraîneur des Glasgow Rangers, admet avoir ignoré le conseil de son fils au sujet d’un joueur de la réserve de Barcelone qu’il avait repéré dans FM : Lionel Messi.
Des enseignements
« La critique du jeu la plus récurrente concerne le nombre de blessures, dit Jacobson, pourtant elles ne représentent que 70 % de la réalité. » Selon lui, les leçons à tirer du jeu peuvent profiter à tout manager. « Si vous mettez tout votre budget sur une star au salaire élevé, vous vous privez de nouvelles recrues. Diversifier les talents est plus judicieux. »
Boss du foot Pourriez-vous détecter un Messi si vous étiez recruteur ? Jouer à Football Manager pourrait vous y former… L’engouement des experts « en chambre » est tel que chaque année, près de huit millions de joueurs choisissent la dernière édition de Football Manager (FM) pour tester leurs compétences. Un joueur moyen de FM consacre plus de 250 h par an au jeu, une assiduité qui a fait l’objet d’au moins deux divorces. Mais selon Simon Parkin, critique de jeux vidéo, ce profil de joueur a de fortes chances de détenir la clé du succès.
de remplacements et de tactiques, mais pour l’essentiel, il s’agit de négocier des transferts, gérer les blessures, échafauder des programmes d’entraînement, et de corriger une communication désastreuse. « Nous voulions un monde de foot performant »,
Accros aux données
Du foot performant
FM compile plus de feuilles de calcul complexes que d’actions de jeu, mais pour le jeu, il y a FIFA. Certes, il y est question de composition d’équipes, 90
explique Paul Collyer, créateur de la version initiale de FM (lancée en 1992 sous le nom de Championship Manager) avec son frère Oliver, alors qu’il était encore écolier. La version 2022 ajoute des statistiques visuelles des zones de perte de balle, de la gestion de communication et la réalisation des objectifs du club.
Simon Parkin est écrivain et critique de jeux vidéo pour le quotidien anglais The Observer. simonparkin.com
FM dispose de milliers de recruteurs sillonnant le globe en quête de talents nouveaux ou confirmés en disposant d’une base de 650 000 joueurs cumulant chacun 250 points de données. « Des footballeurs bien réels s’y affronteraient afin de jauger la crédibilité
Hyperréalisme
Les joueurs pros utilisent FM pour parfaire leur connaissance du foot. Lorsque Gareth Barry signe à Aston Villa à 16 ans, son contrat prévoit la présence de prises de courant dans le bus du club pour pouvoir jouer à FM sur son ordi. Parfois, le jeu s’invite dans la vraie vie comme lorsque Andros Townsend (Everton) reçoit un SMS de sa copine qui apprend par un tabloïd que le joueur a écopé d’une amende pour avoir loupé l’entraînement... Cela s’était passé dans Football Manager… Football Manager 2022 sur Xbox, Switch, Windows, MacOS, iOS et Android ; footballmanager.com THE RED BULLETIN
SIMON PARKIN
COACH
PERSPECTIVES agenda
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au 8 mai MAN’S WORLD
21 ARMON RUETZ/RED BULL CONTENT POOL, MAN’S WORLD, IGNAZ KOENIG/RED BULL CONTENT POOL (2), ALAN MAAG/CYCLEWEEK
au 24 avril DANSER ENCORE ! Pendant quatre jours, Red Bull Lausanne Unlocked réunit les meilleurs clubs et bars de la ville de Lausanne sous un même toit. L’hôtel 5 étoiles Lausanne Palace se transforme en un lieu de fête exclusif avec plus de mille visiteurs par soirée. D’excellents barmen, des DJ’s, des temps forts culinaires et des spectacles de danse. Toutes les infos sous : redbull.com/unlocked
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Découvrir, s’étonner, savourer : après une interruption d’un an, le Man’s World Zurich en est déjà à sa 6e édition. Le salon des amateurs de bonnes choses se présente désormais dans le hall 550 à Zurich-Oerlikon. Plus de 100 fabricants et produits sélectionnés, principalement régionaux, et de nombreuses attractions seront au rendez- vous. mansworld.com
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avril PLONGÉE DANS LE MONDE DES MOTEURS
au 15 mai VÉLO-CULTURE
L’expo permanente Red Bull World of Racing passe à la vitesse supérieure : venez admirer au Musée Suisse des Transports de nouveaux bolides originaux triés sur le volet et à l’histoire unique, dont les voitures originales de Sebastian Vettel et Max Verstappen, et testez vos capacités dans le simulateur de course ou lors du Pit-Stop-Challenge. redbull.com/worldofracing
À Zurich, la Cycle Week se transforme en festival national du vélo : en prélude à la saison du vélo, la Cycle Week met en lumière toutes les facettes de la pratique du deux-roues pendant trois jours : tester les derniers modèles, s’émerveiller lors des démonstrations, discuter pendant les ateliers et se régaler avec de la musique unplugged et une large offre de Food&Drink. cycleweek.ch
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B O U L E VARD DES HÉRO S
SEQUOYAH
FORCE ET PERSÉVÉRANCE L’auteur MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins hors du commun de personnages inspirants, dans le respect des faits et de sa liberté d’écrivain. Ce mois-ci, l’histoire d’un indien Cherokee qui inventa une nouvelle écriture.
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BENE ROHLMANN, CLAUDIA MEITERT MICHAEL KÖHLMEIER
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IMAGO, GETTY IMAGES, PICTUREDESK.COM
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ers le milieu des années 90, je ce qui explique pourquoi les Anglais le me rendis aux États-Unis, dans connaissent davantage sous le nom de le Dakota du nord, où je fis la George Guess. connaissance de Lenny GleeDepuis le XVIe siècle, les échanges entre son, un professeur qui enseiles indiens Cherokee et les colons blancs gnait à la Dickinson State University. Il avaient été assez pacifiques : les deux était un spécialiste des peuples autochpeuples commerçaient beaucoup entre eux tones d’Amérique du nord et c’est lui qui me et il n’était pas rare de voir un homme blanc MICHAEL KÖHLMEIER L’Autrichien est considé- épouser une autochtone – alors que les fit découvrir l’histoire d’un homme hors du commun : Sequoyah. Selon lui, « cet homme ré comme l’un des meil- unions entre hommes autochtones et leurs conteurs du monde femmes blanches étaient beaucoup moins fut l’un des plus grands génies de l’Histoire germanophone. Derde l’humanité ». Une opinion que partageait courantes. nière parution en franpar ailleurs son collègue John Searle, un Les quelques conflits qui pouvaient avoir çais : La petite fille au dé éminent philosophe et linguiste. à coudre, Éd. Jacqueline lieu n’impliquaient que rarement les Blancs Chambon, 2017. Évidemment, j’avais déjà entendu le et opposaient davantage les différents nom de « Sequoyah » : il s’agissait pour moi peuples autochtones entre eux. de ces gigantesques arbres, les plus grands du monde, Sequoyah n’était aucunement taillé pour la guerre, qui poussaient sur les flancs ouest de la Sierra Nevada, même s’il avait rêvé, étant plus jeune, de devenir un en Californie. Mais j’ignorais qu’ils portaient le nom grand guerrier. Quand il le raconta à son biographe, d’un indien Cherokee né au XVIIIe siècle. Les diffélors de la longue entrevue qu’il donna en 1829, il eut rentes tribus de cette nation s’étaient installées dans ce sourire malicieux, plein d’ironie et de sagesse qui les États actuels du Tennessee et de Caroline du nord, avait fasciné toutes celles et ceux qui avaient croisé jusqu’en Virginie et en Alabama. Elles se nommaient son chemin. « Ani-Yun-wiya », ce qui signifiait « le peuple principal » equoyah, en plus d’être de stature plutôt fluette et – autrement dit, le peuple élu et aimé des bons esprits. de ne pas avoir une grande force physique, était Les autres nations reconnaissaient la valeur des Anidevenu boiteux à la suite d’une blessure à la jambe Yun-wiya, et l’on disait que c’était chez eux que l’on dans sa jeunesse, ce qui enterra définitivement ses aspitrouvait les plus grands savants, les meilleurs stratèges rations belliqueuses. Il prit pourtant part, un jour, à un de guerre, les meilleurs agronomes. Mais de toutes ces raid mené contre un convoi de colons blancs : ceux-ci, têtes pensantes, le plus intelligent, le plus génial représentant de la nation Cherokee, était sans conteste dans leur fuite, abandonnèrent toutes leurs possessions, Sequoyah. et laissèrent derrière eux le plus chétif d’entre eux, un La naissance de cet homme est restée floue, luijeune homme malingre qui allait bouleverser la vie de même prétendait être né entre 1763 et 1765. Sa mère Sequoyah. Le convoi en question avait été destiné à était Cherokee et son père devait être sans doute un fonder une véritable ville, avec son église, son saloon commerçant écossais du nom de Nathaniel Guess – et son journal local. Le jeune prisonnier blanc était
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BO U LEVAR D DES HÉ RO S
justement imprimeur de son métier, et il avait emmené sa presse à imprimer avec lui. Les indiens Cherokee ne surent que faire de cette camelote et décidèrent de la laisser au seul membre de la tribu que cela pouvait intéresser : Sequoyah. Or celui-ci, qui avait grandi auprès de sa mère et n’avait jamais eu aucun contact avec son géniteur, ne connaissait rien de la civilisation européenne. Mais il avait déjà vu ce que les Indiens appelaient « le papier qui parle », et il savait que les Blancs le tenaient parfois entre les mains, qu’ils le fixaient des yeux et que parfois même, ils énonçaient tout haut le message secret que les minuscules caractères noirs alignés sur le papier semblaient vouloir dire… Et voilà qu’il tenait à présent en sa possession la machine capable de produire un tel miracle. Comme il savait à peu près comprendre et parler la langue des Blancs, il demanda à son précieux détenu de lui enseigner les secrets de ce langage écrit, mais il n’en ressortit que deux ou trois leçons car le jeune imprimeur réussit, peu de temps après, à prendre la poudre d’escampette. Sequoyah se retrouva seul avec la presse à imprimer, les feuilles de papier et les caractères de plomb. Seul aussi face à son désir de comprendre, de percer le mystère de l’écriture. Tout cela le fascinait, surtout les petites pièces en plomb sur lesquelles étaient gravés de multiples signes, tous différents. Son plus grand trésor était cet exemplaire de journal que le jeune imprimeur avait ramené avec lui. Et comme Sequoyah était un homme doué d’une patience et d’une ambition incommensurables, il décida de s’en servir pour parvenir à déchiffrer le langage secret du « papier qui parle ». Il se mit à comparer les signes, à y chercher la logique que suivait l’ordre des symboles. Les autres membres de la tribu ne virent pas ce travail d’un très bon œil, car ils considéraient à l’époque l’écriture comme de la sorcellerie ramenée par les Blancs. Ils essayèrent d’empêcher Sequoyah de poursuivre ses recherches, et finirent par jeter au feu son précieux journal.
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ourtant, certains peuples autochtones possédaient bel et bien leurs propres écritures, mais il s’agissait uniquement de systèmes pictographiques. Comme ils décrivaient fidèlement ce qui avait été créé sur Terre, on considérait que ces systèmes étaient les seuls acceptés par les bons esprits : on pouvait y reconnaître un aigle, un arbre, un nuage, un fleuve, une femme, etc. Même le grand chef sioux Sitting Bull, cinquante ans après l’invention de Sequoyah,
Les Cherokees voyaient dans ses découvertes de la folie voire de la sorcellerie.
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utilisa l’écriture pictographique pour coucher sur le papier l’histoire de sa vie. Or ce système pouvait très difficilement décrire tout ce que l’on ne pouvait pas voir, comme les concepts abstraits ou les sentiments. Le professeur Gleeson, que j’avais rencontré lors de mon séjour dans le Dakota du nord, me parla également d’un ouvrage qu’il possédait, un « livre d’une valeur inestimable » : la première édition de Lectures on American Literature de Samuel Lorenzo Knapp, l’homme qui avait personnellement interviewé Sequoyah en 1829 et dont les propos servirent de base à l’écriture de son livre. Sequoyah lui avait en effet raconté dans les détails comment il avait procédé pour inventer la première écriture des Indiens d’Amérique du nord : le syllabaire cherokee.
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vant de s’enfuir, le jeune imprimeur ne lui avait enseigné que quelques mots en anglais. Le mot buffalo (trad. bison) et le mot man (trad. homme). Sequoyah avait longuement observé les mots, il avait étudié les signes qui les formaient, les avait dessinés, en avait changé la disposition à l’intérieur d’un mot. Ce qu’il cherchait à comprendre, c’est la relation entre la signification du mot et ce à quoi ce mot ressemblait. Selon lui, il n’était pas possible que l’arrondi dans la lettre « a » de man symbolise un bouclier (donc un attribut masculin) et que le petit trait accolé puisse représenter le bras tenant un bouclier. Idem pour les deux « f » du mot buffalo : ces lettres ne pouvaient en aucun cas symboliser les deux cornes d’un bison. Il remarqua ensuite que la cinquième lettre de buffalo était la même que la deuxième lettre de man : il comprit alors que ces signes n’avaient rien à voir avec les pictogrammes utilisés par les Indiens, mais qu’ils étaient au contraire abstraits, qu’ils n’étaient pas liés à une réalité mais à un son, et qu’ils pouvaient donc être utilisés pour décrire tout, absolument tout ce que l’on voulait. Sequoyah se pencha alors sur les sons de sa propre langue et découvrit qu’elle pouvait se résumer à un total de quatre-vingt-cinq sons syllabiques. Il prit alors les petits caractères en plomb qu’il avait à disposition et se mit à les associer à une syllabe. Comme il n’était pas familiarisé avec ces lettres, il ne se soucia guère de les placer dans le bon sens : pour lui, que le « n » se présente les pattes en bas, en haut ou sur le côté, cela n’avait aucune importance. Au contraire : cela lui permettait d’utiliser une même lettre pour décrire plusieurs sons syllabiques. C’est ainsi qu’il mit au point son célèbre syllabaire. Finalement, raconta-t-il à son interlocuteur, il parvint relativement vite à pouvoir transcrire sur du papier, grâce aux quatre-vingt-cinq graphèmes qu’il avait inventés, n’importe quelle phrase orale de la langue cherokee. Il ajouta dans un de ses légendaires sourires narquois qu’il en avait profité, accessoirement, pour analyser et retranscrire dans son syllabaire toute la grammaire de la langue cherokee.
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À l’aide d’un vieux journal, Sequoyah inventa la première écriture des Indiens d’Amérique.
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r, toutes ses découvertes déconcertèrent les autres membres de sa tribu : il fut raillé, attaqué, menacé par ses frères indiens qui voyaient dans ses découvertes de la pure folie voire de la sorcellerie. Sequoyah essaya de les convaincre en se livrant à une expérience : il demanda qu’on lui confie pendant un mois deux garçons et deux filles de dix ans pour leur enseigner son écriture. À l’issue de ce délai, il rassembla toute la tribu et sépara les quatre enfants du reste du groupe, suffisamment loin pour qu’ils ne puissent pas entendre ni voir ce qui se racontait. Il demanda alors à quatre de ses plus farouches adversaires de lui raconter une histoire, qu’il écrivit sur un grand tableau. Au final, chacun des enfants p arvint
à déchiffrer les histoires racontées sur le tableau, sans faire une seule faute. Cette expérience acheva de convaincre le conseil des aînés de la tribu et il fut décidé que chaque membre âgé de plus de dix ans devrait apprendre à lire et à écrire. En 1825, la tribu de Sequoyah fit l’acquisition d’une presse à imprimerie plus moderne et deux ans plus tard parut le tout premier journal utilisant l’écriture cherokee, le Cherokee Phoenix, qui comptabilisa, dans son histoire, un total de 409 éditions. D’autres nations indiennes suivirent l’exemple des Cherokees et se dotèrent également de leur propre écriture ou adoptèrent le syllabaire cherokee. Sequoyah poursuivit toute sa vie ses recherches en linguistique, au Mexique notamment. Il mourut en 1843. Le professeur Gleeson était intarissable sur son idole, tant l’histoire de cet homme exceptionnel le fascinait : « Selon moi, Sequoyah est à mettre à égalité avec Léonard de Vinci et Thomas Alva Edison ! En une vie, il a réussi à créer ce que l’humanité a mis des millénaires à réaliser. Inventer une écriture, c’est inventer le monde. Alors ce n’est que justice qu’on ait choisi le nom de cet homme pour désigner le plus grand arbre qui existe sur Terre. »
HORS DU COMMUN theredbulletin.com
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