The Red Bulletin Juillet 2018 - FR

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FRANCE JUILLET 2018

HORS DU COMMUN EN KIOSQUE CHAQUE 3 e SAMEDI DU MOIS AVEC MAGAZINE SPONSORISÉ

« EN MAÎTRISANT L’INSTANT, J’AI CONSTRUIT MON FUTUR » COMMENT PIERRE GASLY EST DEVENU PILOTE DE FORMULE 1




BIENVENUE

Vingt-et-une fois cette année, Pierre Gasly Gasly, 22 ans, se sera installé dans sa Toro Rosso sur la grille de départ d’un Grand Prix de Formule 1. Prenez le même Gasly (ou presque), quinze ans en arrière, et vous le trouverez assis dans un kart, essayant pour la première fois ce petit bolide avec lequel ses frères s’éclatent tous les week-ends. En page 28, Pierre déroule pour vous la constante qui lui a permis d’atteindre l’élite du sport auto, et l’importance de l’instant, pour transformer le rêve en objectif.

« Shauna sur son bloc, c’est hypnotisant, dit le journaliste londonien Matt Blake. Tactique comme un joueur d’échec, elle anticipe toujours la suite. Je ne regarderai jamais plus Spider-Man de la même manière. » P. 42

Pour Shauna Coxsey (page 42), figure anglaise de la grimpe de bloc, l’échéance est à court terme : 2020 avec les JO au Japon. D’ici là, elle devra se familiariser (et ex exceller) avec deux approches de son sport qu’elle connaît à peine. Et, comme ce magazine n’est pas dédié qu’au sport, on est allé aux US voir la chanteuse Fever Ray (page 64). Avec sa clique, elle prône la fin d’un sexe dit dominant.

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

DAVID GOLDMAN

Le photographe anglais a parcouru la planète pour des tas de publications et de marques. Quand il ne shoote pas, il navigue au large des côtes sud de l’Angleterre, ou vadrouille sur deux roues. Voilà un bon profil pour photographier l’aventurier Ash Dkyes, qu’il est allé rencontrer dans sa ville galloise. « C’était génial d’écouter ses récits, déclare Goldman à propos de Dykes. Son enthousiasme est contagieux ! » Page 72

LAURA SNAPES

Rédactrice musique du Guardian, la Londonienne a suivi nombre de groupes en tournée. « Un backstage est généralement un endroit sans intérêt, raconte-t-elle. Mais derrière les scènes d’une tournée de Fever Ray (page 64), il se passe quelque chose. Un dévouement passionné au message de la chanteuse Karin Dreijer qui m’a boostée et rendue triste… Une expérience aussi enrichissante et authentique ne devrait pas être si rare. »

Bonne lecture ! Votre Rédaction

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THE RED BULLETIN

DAN ISTITENE/GETTY IMAGES (COUVERTURE)

MAINTENANT EST IMPORTANT



SOMMAIRE juillet

REPORTAGES

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Pierre Gasly

36

Brian Eno

L’histoire d’un gamin qui rêvait d’être là où il est aujourd’hui. L’un des façonneurs de sons les plus doués au monde se livre.

40 Parcourir le monde…

… avec trois euros par jour, sur une selle, Ben Page l’a fait.

42 Face au mur

La grimpeuse est au plus haut niveau, mais doit réapprendre.

50

30 jours d’enfer

56

Les émojis…

58

Soyez heureux !

Pour traverser l’Atlantique à la rame, comment ont-ils fait ? … ont changé sa vie et il leur dédie une encyclopédie évolutive. Pour Mo, il faut retrouver notre configuration par défaut.

64 Ray de lumière

Un concert de Fever Ray n’en est pas un, c’est une expérience.

72

L’aventurier improbable

Pour survivre dans des zones extrêmes, il s’entraîne chez lui.

72

28

Cet entraînement de warrior sur une plage galloise va permettre à Ash Dykes de se dépasser dans des coins plus hostiles.

UNE IDÉE FIXE

Pierre Gasly voulait devenir champion du monde de F1. Le voici désormais au meilleur endroit pour y arriver.

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THE RED BULLETIN

RICK GUST, FLORENT GOODEN / AFP / PICTUREDESK.COM, DAVID GOLDMAN

ASH DYKES


BULLEVARD Un mode de vie hors du commun

10 Comme dans le film Là-haut,

il s’envole avec des ballons…

12 Le burger d’insectes, ça le fait ? 14 Le Red Bull Music Festival se

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propage sur la planète et atteint Paris en septembre Du patinage à haut risque… Façon GoPro, mais pour le son De Lauryn Hill à Prince, quels sons régalent Janelle Monáe ? Volkswagen dingo à Pikes Peak Ascension pour l’échafaud ? Il était motivé, mais dû renoncer Une base secrète à la James Bond : visitez le 007 Elements

GUIDE

Voir. Avoir. Faire. 84 Voyage : l’Islande très cool 86 Red Bull TV : restez branché 88 Fitness : Lucy dure comme fer 90 Agenda : ils donnent des ailes 92 Matos : sélection de fines lames 96 Ours : ils et elles font le TRB 98 Makes You Fly: le Red Bull Air

Race, c’était renversant !

42 SHAUNA COXSEY

Pour s’imposer aux Jeux olympiques au Japon en 2020, elle devra apprendre des disciplines dans sa discipline. Difficile.

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BULLEVARD U N

ST Y L E

D E

V I E

H O R S

D U

C O M M U N

THE ADVENTURISTS/ RICHARD BRANDON-COX

TOM GUISE

L’aventurier britannique Tom Morgan s’envole – un peu comme dans le film Là-haut, le chien parlant en moins.

SKY IS THE LIMIT

Combien faut-il de ballons pour porter un être humain jusqu’à la stratosphère ? L’expérience a été réalisée au-dessus de la savane africaine.

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«L

a Coupe aéronautique Gordon Bennett est une course aérienne en ballons gonflés à l’hydrogène, explique Tom Morgan. Elle perdure depuis sa création en 1906 malgré des débuts calamiteux : des participants égarés et au moins cinq morts à déplorer. J’ai trouvé le concept génial, mais bien trop coûteux. Alors l’idée m’est venue d’organiser une course de ballons pour budgets modestes. » Tom Morgan, un aventurier ? Ce serait minimiser son mérite. Fournisseur d’aventures lui convient mieux. Basée à Bristol, son agence The Adventurists concocte des escapades extrêmes qui renouent avec le goût de l’inconnu, une denrée rare à l’âge du GPS. Son site web, fort de la devise « pour un monde moins ennuyeux », propose des aventures allant d’une course en moto vintage sur un lac gelé de Sibérie, à la traver traversée de l’océan Indien en radeau de manguiers. Sensations fortes garanties. « Un jour, je tombe sur un article du magazine Popular Mechanics datant des années 1920 au sujet d’un ballon monoplace gonflé à l’hydrogène et utilisé pour réparer les dirigeables avant l’ère du Hindenburg, explique Morgan

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qui y voit la pièce manquante à son projet fou de course en ballon. Ils s’élevaient en ballon, effectuaient les réparations, puis redescendaient. » Morgan est peut-être fou, mais pas téméraire. Avec son compère Buddy Munro, il teste lui-même toutes ses aventures au préalable. Pour Adventure 11 (qui s’ajoute à 10 autres), le duo s’est rendu dans le plus grand désert de sel au monde, le pan de Makgadikgadi (Botswana), muni de ballons météo, de cartouches d’hélium et de deux chaises de jardin. « L’espace est immense et ne comporte guère d’obstacles ou d’animaux dangereux, explique Morgan. La mer assez éloignée permet de dériver dans toutes les directions sans risquer de se noyer. » Cependant, si Morgan anticipe correctement le vent, il sousestime son action avant le décollage. « Après avoir mis entre six et huit heures pour gonfler les ballons, une rafale détruit la grappe en l’écrasant au sol. Au bout d’une semaine, par 40 °C, nous manquons d’eau et de nourriture, nos réserves de ballons et de gaz s’amenuisent. La fenêtre météo est restreinte au matin, nous colmatons les trous avec du gaffer et gonflons tous les ballons restants pour un ultime vol. » La course n’étant plus possible, Morgan décolle seul, attaché à une chaise, ellemême arrimée à 86 ballons. « C’est incroyable. Un silence absolu, comparable à nul

autre, y compris à celui d’une montgolfière. Et une sensation de pouvoir dériver à l’infini. J’ai la banane. » Jusqu’à ce qu’il rencontre une couche d’inversion, une barrière thermique. « Comme l’air s’est réchauffé, je prends rapidement de l’altitude. Je crève quelques ballons. À présent, je ne peux plus faire machine arrière. Le leste est assuré par des jerricanes : en vidant l’eau je prends de l’altitude et j’urine pour un contrôle plus précis, ce qui modifie ma vitesse de descente de 0,1 m par seconde. » Morgan réalise un vol de trois heures, atteint jusqu’à 2 500 m d’altitude et parcourt plus de 25 km. Équipé d’une radio (pour communiquer avec les avions alentour) et d’une balise pour que l’équipe le retrouve, il atterrit sain et sauf. « J’ai l’impression de tout maîtriser ! » Une fois la logistique mise au point, Morgan prévoit d’ouvrir la course à tous les courageux. Peut-être dès 2019. La difficulté de naviguer de manière précise avec les ballons privilégie cette règle simple : « Celui ou celle qui parcourt la plus longue distance gagne. » theadventurists.com

THE ADVENTURISTS/ RICHARD BRANDON-COX

«JE PRENAIS RAPIDEMENT DE L’ALTITUDE. J’AI CREVÉ QUELQUES BALLONS. APRÈS, JE NE POUVAIS PLUS FAIRE MACHINE ARRIÈRE.»

THE RED BULLETIN


BULLEVARD

Les ballons ont maintenu Morgan dans les airs durant trois heures. Ce doux dingue anglais y ĂŠtait reliĂŠ par une simple chaise de camping. THE RED BULLETIN

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BULLEVARD

Space10 lab

BUG BURGER

BURGER, BIEN SÛR, MAIS AUX INSECTES !

Plus de mille espèces d’insectes sont consommées à ce jour dans 80 % des pays du monde. Le préjugé social mis à part, apporter plus de protéines à notre régime alimentaire est sensé.

Non, il ne s’agit pas de nourriture avariée mais d’une approche de la nourriture qui pourrait être adaptée à une population mondiale galopante.

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DOGLESS HOTDOG La spiruline : l’ONU a déclaré l’algue saine, dont ce pain est fait « aliment idéal pour l’humanité ». Un délice aux herbes et à la salade de concombres hydroponiques.

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KASPER KRISTOFFERSEN/SPACE10

80 % des pays, ils constituent une source de protéines riche et moins grasse que la viande tout en se conservant 20 fois mieux. 80 % de la galette est, elle, composée de panais, de pomme de terre et de betterave. Le pain est agrémenté de ketchup de cassis et de légumes hydroponiques. Et si les bestioles ne vous tentent pas, il y a le dogless, un hot-dog végétarien aux carottes et aux betteraves dans un pain à la spiruline, une microalgue contenant « plus de bêta-carotène que les carottes, plus de chlorophylle que l’agropyre, 50 fois le fer des épinards et plus de protéines qu’un vrai hot-dog ». space10.io

TOM GUISE

V

ous êtes-vous déjà demandé ce que votre fast-food contenait ? Le fabricant de ce hamburger en annonce fièrement les ingrédients, et cela dépasse votre pire cauchemar. Il contient, entre autres, des vers de farine (ou larves de coléoptères), une espèce de Bombay Mix grouillant. Créée par Space10, labo de recherche d’IKEA spécialisé en nourriture durable, la recette vise à nourrir une population mondiale qui explose. Si IKEA est célèbre pour ses boulettes de viande et ses meubles, son intérêt pour l’alimentation répond à une logique. Selon l’ONU, les besoins alimentaires planétaires augmenteront de 70 % dans les 35 ans à venir. La viande in vitro est une solution, mais les insectes en sont une autre bien plus simple. Déjà consommés dans



Festivals

JONATHAN FERREIRA/RED BULL CONTENT POOL ANDREAS ROTTENSCHLAGER

UN CHOC MUSICAL Le line-up de la série Red Bull Music Festival prend vie sur des scènes proches de chez vous, mixant culture du pays hôte et artistes internationaux. En photo : la foule au concert de Skepta, superstar anglaise du grime, lors du Red Bull Music Festival organisé à Johannesbourg (Afrique du Sud). Rendez-vous à Paris du 24 au 30 septembre. redbull.com/music

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BULLEVARD Show de Skepta à Fox Junction, un ancien entrepôt utilisé durant la ruée vers l’or.

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Kjeld Nuis

L’HOMME LE PLUS RAPIDE AU MONDE n pulvérisant le record du 100 m en 2009, Usain Bolt devient, à Berlin, l’homme le plus rapide au monde avec une vitesse de pointe de 44,72 km/h. Le 28 mars 2018, le Néerlandais Kjeld Nuis atteint une vitesse plus de deux fois supérieure. Certes, en patins à glace et une voiture tracte un coupevent pour éliminer la résistance à l’air. Mais ce n’est pas sans danger. Une mer gelée près de Luleå, ville côtière en Suède, lui sert de piste. « Contrairement à une piste officielle lisse comme un miroir, la glace naturelle est parsemée de fissures et de bosses, explique l’athlète de 28 ans. Si ma lame bute sur la glace à 90 km/h, je m’arrache le pied. Pour réduire ce risque, une équipe prépare la piste à genoux, comblant les fissures avec de la neige et la lissant avec une surfaceuse Zamboni. » Les patins sont conçus pour l’occasion. « Ils sont 13 mm plus longs que la ver version de course pour un rayon de 30 m (plus le rayon est grand plus la lame est fine, ndlr). Après les essais, elle est affinée pour atteindre 36 m afin de booster l’accélération. Les pointes des lames sont supprimées pour réduire le risque de buter sur les fissures. » Trois jours avant la tentative, Nuis n’a toujours pas essayé ses patins. « J’étais aux JO. J’ai travaillé avec l’équipe

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« SI LA LAME BUTE SUR LA GLACE À 90 KM/H, ADIEU MON PIED ! »

JARNO SCHURGERS/RED BULL CONTENT POOL

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via FaceTime. » L’entraînement derrière la SEAT Ateca pilotée par Mikaela Åhlin-Kottulinsky est donc bref. « Quand la SEAT accélère, les roues patinent mais pas de quoi troubler la reine du drift qu’est Mikaela, en revanche j’ai du mal à la suivre. » La piste est allongée pour que la voiture puisse atteindre la vitesse souhaitée et le coupe-vent est lesté avec des briques pour ne pas qu’il s’envole. Nuis est satisfait au-delà de ses attentes. « Sur la piste, je me dis que si j’atteins 50 km/h, c’est génial. J’accélère sans peine jusqu’à 30 km/h, puis ça se corse pour monter à 50 parce que je dois le faire sans assistance. Arrivé à 70, le vent m’aspire vers l’écran porté par mes jambes avec la sensation de fissures sous les pieds. » Nuis est contraint de freiner avant d’atteindre 93 km/h. « J’arrivais en bout de piste, il fallait quitter le coupe-vent pour ralentir. C’était comme sortir la tête de la voiture sur l’autoroute. » Nuis devient le patineur mais aussi le bipède le plus rapide de la planète, battant l’autruche à 70 km/h. De quoi revoir ses ambitions à la hausse. « Sur une piste plus longue, il y a moyen de passer la barre des 100 km/h. » Soit en deçà des 104 km/h d’un guépard. Est-ce l’apothéose de sa carrière ? Exit ses deux médailles d’or aux Jeux de Pyeongchang ? « Devenir champion olympique était un rêve d’enfant, mais dans quatre ans, je ne le serai plus. Alors que ça, personne ne le fera. C’est une sensation unique. » redbull.tv

TOM GUISE

Chronométré à 93 km/h, le patineur de vitesse devient le bipède le plus rapide de la planète.

La piste n’était pas parfaitement lisse, les fissures la rendaient dangereuse.

THE RED BULLETIN


BULLEVARD

Kjeld Nuis, double médaille d’or olympique en 1 000 m et 1 500 m en speed skating à Pyeongchang, ici à Luleå (Suède). THE RED BULLETIN

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BULLEVARD

Mikme

Ce micro se propose d’être à la musique live ce que la caméra GoPro est aux vidéos d’action.

L’original (2 cm de moins que celui-ci) capte un son de qualité studio et se synchronise avec la vidéo du smartphone.

E

n 2013, le musicien autrichien Philipp Sonnleitner se trouve confronté à un problème alors qu’il s’apprête à enregistrer ses inspirations sur le vif. « Installer le matos pour capter un son de qualité utilisable tel quel prend du temps. J’utilisais un iPhone, mais le son était nul ». Sa solution : « Un enregistreur de très haute qualité actionnable en pressant un bouton. » Facile. « Les enregistreurs audio portables utilisent une petite capsule (la partie qui capture le son, ndlr) bon marché et à la qualité limitée. J’ai opté pour une grosse capsule plaquée or, utilisée pour les micros de studio à 1 000 €. Mais cela exige une alimentation fantôme, c’est-à-dire sous tension continue via une table de mixage. L’intégrer dans un boîtier sans fil avec une pile et une mémoire interne n’est pas une mince affaire. » Il mettra trois ans avec à la clé un nouveau défi à relever. « Les musiciens réclamaient un moyen d’enregistrer des images sur un smartphone et le son avec le micro. » Il développe donc une appli vidéo capable d’intégrer le son HD en temps réel et sans fil. Sonnleitner estime que son appareil, Mikme, pourrait révolutionner l’enregistrement audio, du podcast au docu et jusqu’aux concerts. « Avant la GoPro, réaliser des vidéos demandait un matériel onéreux. De nos jours, tout le monde y a accès pour quelques centaines d’euros. » Le prochain défi sera le streaming, déclare l’homme de 39 ans : « Partager du contenu audiovisuel en live en overlay sur plusieurs canaux, le tout en pressant un simple bouton. Ça, c’est la prochaine version. » mikme.com TOM GUISE

COMME UNE GOPRO, MAIS POUR LE SON

Philipp Sonnleitner était ingénieur son chez AKG, fabricant de matériel audio.

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THE RED BULLETIN



BULLEVARD

Janelle Monáe

« LET’S GO CRAZY PARLE DE RÉSISTANCE » La reine de l’art pop US cite 4 chansons qui ont nourri sa créativité.

D

epuis ses débuts en 2010 avec The ArchAndroid (concept album inspiré du film avant-gardiste de Fritz Lang, Metropolis) et ses interprétations saluées dans Moonlight et Les figures de l’ombre, jusqu’à son discours #MeToo aux Grammy l’an dernier, Janelle Monáe, 32 ans, est la quintessence de la star moderne. Son nouvel opus Dirty Computer (un mélange de funk futuriste et de politique) reflète l’esthétique progressiste de sa pop. Elle convoque ici quatre grands noms parmi ses influences musicales majeures. jmonae.com

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STEVIE WONDER LOVE’S IN NEED OF LOVE TODAY (1976)

LAURYN HILL THE MISEDUCATION OF LAURYN HILL (1998)

PRINCE LET’S GO CRAZY (1984)

« Bowie fut une inspiration énorme concernant la création de concept albums, de nouveaux mondes et d’alter ego. Dès la première écoute, cette chanson a redressé mes goûts musicaux. Je voulais une écriture tout aussi intéressante et intelligente. J’ai eu l’occasion de réaliser une cover avec l’un de mes groupes favoris, Of Montreal. Ce titre, c’est une source d’inspiration intarissable. »

« J’ai rencontré Stevie lors d’un concert de charité auquel il m’avait invitée, en 2011. En coulisses, j’entends une voix chanter mon titre, Tightrop ; c’était Stevie. J’étais soufflée : il a toujours été un héros pour moi. On chante sa chanson en famille, elle ne vieillit pas. Aux infos, on voit en permanence des choses qui tentent de nous éloigner. Ce morceau vous montre comment aimer et apprécier votre environnement. »

« Je l’ai chantée a capella lors d’une audition de talents, et j’ai remporté trois prix. En tant que jeune femme afro-américaine, ses paroles ont trouvé un écho en moi, car je cherchais qui j’étais, ce que je voulais dire, et comment j’allais faire de la musique. Tout ce qu’elle dit dans ce texte m’a aidée à sculpter mes pensées. Cela fait longtemps que Lauryn Hill n’a plus sorti d’album, mais je l’attends. »

« J’ai chanté ce titre lors d’un hommage à Prince (aux BET Awards en 2010, ndlr), à sa demande. Il m’a dit : “La chanson est uptempo, mais je sais que tu peux le faire, c’est ton esprit.” J’en ai eu les larmes aux yeux. Let’s Go Crazy parle de résistance, pour ceux que l’on marginalise à cause de leur couleur de peau, leur identité sexuelle ou leur genre. Toutes les occasions sont bonnes pour danser dessus sans retenue. »

THE RED BULLETIN

JUCO

DAVID BOWIE MOONAGE DAYDREAM (1972)

FLORIAN OBKIRCHER

Avant sa mort, Prince a apporté sa contribution au dernier album de Janelle Monáe.



BULLEVARD

Volkswagen I.D. R Pikes Peak

SECONDE CHANCE

VOLKSWAGEN

MATT YOUSON

Cette voiture a été conçue dans un unique but : effacer un échec vieux de trente ans à l’occasion d’un défi automobile hors norme.

La Volkswagen I.D. R Pikes Peak est volumineuse : 5,2 × 2,35 m. Et étonnamment légère : 1 100 kilos.

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ARRIVÉE 31,2 km ; 4 300 m

C

ulminant à 4 302 m d’altitude, le pic Pikes au Colorado (USA), sommet le plus élevé sur le versant est des Rocheuses méridionales, doit son nom à l’explorateur américain Zebulon Pike, qui, en 1806, tente en vain de le gravir. Depuis, d’autres s’y aventurent vaillamment, sur surtout lors de la course de côte annuelle du Pikes Peak. Du sport auto à l’état pur : arriver au sommet le plus vite possible sans essai, ni contrainte. Surnommée « la course vers les nuages », la météo souvent capricieuse en fait plutôt une course à travers les nuages, sous les bandes de précipita-

tions et le brouillard. Beaucoup s’y évertuent mais la plupart échouent. Dont VW en 1987. À l’époque, le constructeur allemand engage une étonnante Golf Mk2 bimoteurs (un pour les roues avant, l’autre pour l’arrière) développant une puissance totale de 652 chevaux, passant de 0 à 100 km/h en 3,4 secondes. La victoire semble promise à la Golf mais ses suspensions lâchent à 400 m de l’arrivée. Humilié, VW s’éclipse. Jusqu’à aujourd’hui. Trente ans de réflexion avant que Volkswagen n’accouche de l’I.D. R Pikes Peak, toujours équipée d’un bimoteur mais électrique. Ses 680 chevaux (500kW) la propulsent de 0 à 100 km/h en 2,25 sec, à côté, une F1 fait pâle figure. La silhouette de la nouvelle VW évoque un proto-

type du Mans, mais elle n’est pas conçue pour foncer à 335 km/h sur la ligne droite des Hunaudières. Ses ailes surdimensionnées révèlent sa véritable vocation : l’adhérence de la voiture, virage après virage, malgré l’air qui se raréfie. Pour augmenter ses chances de succès, Volkswagen a recruté le pilote Romain Dumas, double vainqueur du Mans et lauréat de trois des quatre dernières éditions du Pikes Peak. En passant la ligne d’arrivée le 24 juin, le Français espère pulvériser le record en voiture électrique de 8'57,118", et pourquoi pas titiller les 8'13,878" de Seb Loeb. Un objectif ultime pour l’heure hors de portée d’un véhicule électrique, mais on n’attendra pas encore 30 ans. ppihc.org

29 km ; 4 078 m

25,7 km ; 3 895 m

22,5 km ; 3 627 m

20,9 km ; 3 487 m

17,7 km ; 3 218 m

LE TRACÉ

DÉPART 11,2 km depuis le péage ; à 2 860 m d’altitude

THE RED BULLETIN

C’est celui d’une voie publique payante, dont le départ se situe à 11,2 km après le péage. Long de 19,99 km, avec un dénivelé de 1 440 m, le tracé compte 156 virages et une pente à 7,2 % en moyenne. Désormais bitumé, il était autrefois fait de gravier et d’asphalte.

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BULLEVARD

Comment…

… SURVIVRE SUR UNE PAROI DE MONTAGNE

liberté de mouvement est limitée, si une chute de pierres vous touche, vous êtes mort. Au bout de sept jours, ce stress mine le moral. Les pointes d’adrénaline du début ont cédé la place à la complaisance. On s’habitue aux chutes de pierres et à l’assurage à une corde au lieu de trois, les rochers ayant sectionné les deux autres. »

L’aventurier anglais Aldo Kane avait pour haute ambition d’escalader un sommet sud-américain vierge. Visiblement, les dieux n’étaient pas du même avis…

S’accrocher

« Un soir, une tempête électrique s’abat sur le tepuy. Un épisode infernal ! Impossible de distinguer la corde tellement la pluie est drue. Dans le noir, j’entends les rochers sif siffler près de ma tête et terminer leur chute au sol en brisant les branches des arbres. Les éclairs sont aveuglants et je ne peux rien faire. Coincé, je passe ainsi plusieurs heures suspendu à ma corde avec l’hypothermie qui guette. »

Savoir ce qu’on fait

Accepter l’échec

Envie d’imiter Kane ? Préparez-vous aux chutes de pierres, aux fourmis balle de fusil et à une mort soudaine.

L

Ex-tireur d’élite des Royal Marines, Aldo Kane assiste les équipes de tournage en milieux extrêmes.

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es tepuys ou « maisons des dieux » sont ces hauts plateaux d’Amérique du Sud. Ils ont inspiré le roman Le Monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle. En 2015, l’aventurier Aldo Kane tente, en compagnie de l’animateur Steve Backshall et des vétérans grimpeurs de tepuys John Arran et Iván Calderón, de devenir le premier homme à poser le pied sur le tepuy Amurí à 2 200 m d’altitude. Mais s’inviter chez une divinité sans y être convié, c’est risquer sa colère. Foudre, éboulements et grottes infestées de scorpions en seront sa manifestation. « Les fourmis m’ont mordu à deux reprises, se souvient Kane. Les locaux

« Au pied du tepuy dans la forêt tropicale, repérez les extrémités des rochers orange foncé. Ils sont secs et en surplomb. L’escalade est rude. Vous effectuez les premiers 100 m dans la jungle, trempé jusqu’aux os. John Arran a dû gravir les 50 premiers mètres sans protection, très risqué en cas de chute car on est sans filet de sécurité. »

Rester concentré

« L’éboulement est un danger permanent, de jour comme de nuit. Accroché au mur, la

« Aux 3/4 du sommet, au bout de sept jours, à court de vivres et d’eau, nous décidons de poursuivre. Nous rencontrons une nouvelle zone de roche friable qui cède au premier contact. Ivan fait une chute de 40 m, perd sa protection aux bras et aux jambes, et plaque John contre le mur avec la corde. Nous devons notre vie à l’unique piton scellé dans la roche. On décide alors d’ar d’arrêter. Se fixer un objectif et l’atteindre est une chose, atteindre l’objectif à tout prix en est une autre. » THE RED BULLETIN

ALDO KANE

les surnomment veinticuatro, les 24, soit le nombre d’heures que dure le supplice. »

« On est sur la paroi et je suppose que tu vas bien sans te l’avoir demandé. Si je l’avais fait, tu m’aurais répondu : “J’ai la diarrhée depuis ce matin, deux fourmis balle de fusil m’ont piqué. Je me sens mal mais compte sur moi pour ton assurage !”, et là je m’évanouis au moment le plus critique de l’escalade. Ne pas se parler peut être fatal. Il faut échanger en permanence, demander à l’autre s’il est hydraté, bien attaché… etc. »

MATT RAY

Maintenir le dialogue



BULLEVARD Une architecture spectreaculaire : le 007 Elements sur le Gaislachkogl.

Forteresse

IMPRENABLE

L’agent 007 rencontre souvent ses ennemis dans leur tanière. À présent, ce sont eux qui viendront dans la sienne…

Sölden, AUTRICHE i le sommet du mont Gaislachkogl dans l’Ötztal, vallée des Alpes autrichiennes, vous rappelle un film de James Bond, c’est nor normal. Posé à 3 048 m d’altitude, le restaurant Ice Q a servi de décor à la clinique Hoffler dans Spectre sorti en 2015. Mais aujourd’hui, en sor sortant de la télécabine, on est bluffé en découvrant la forteresse de Bond. 007 Elements est un complexe de 1 300 m² taillé dans la montagne. L’entrée se fait par un tunnel simulant l’emblématique barillet préfigurant le générique des Bond. Composé de neuf pièces, l’intérieur offre aux visiteurs une expérience sensorielle riche selon les créateurs avec la salle de briefing de M, le labo de Q, abritant des gabarits du concept car Jaguar I-PACE vu dans Spectre, et un hall d’action comprenant des véhicules et des décors issus de la course-poursuite en avion sur les routes de la vallée. La grande baie offre une vue sur la fameuse route et la

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Innsbruck

C’est Daniel Craig qui incarnait le célèbre agent 007 dans Spectre.

station de ski de Sölden dans la vallée. Il y a aussi, bien sûr, la salle « The Lair » (le repaire) et une galerie d’accessoires de tournage tels que le fusilbâton de ski dans L’Espion qui m’aimait. Le lieu est l’œuvre de l’architecte autrichien Johann Obermoser, concepteur du Ice Q et de la station téléphérique, du producteur berlinois Tino Schaedler et du directeur artistique Neal Callow. Ce dernier y voit bien plus qu’un musée. « Un musée est statique ; ici, vous faites

Depuis la station de ski de Sölden dans la vallée de l’Ötztal (Tyrol), il vous faudra prendre deux télécabines pour accéder au sommet en douze minutes, soit une ascension de 1 677 m.

partie du film, explique Callow. C’est une installation cinématographique. » Si l’intérieur du bâtiment est caverneux, l’extérieur est discret car il est enfoui sous la roche et sous la glace. Seules l’entrée, deux fenêtres et une esplanade sont visibles. La température extérieure du bâtiment est maintenue à 1 °C, afin de ne pas affecter le per pergélisol environnant. Un refuge idéal pour Bond, si l’envie le prenait de fuir le boulot. soelden.com THE RED BULLETIN

007 ELEMENTS/KRISTOPHER GRUNERT, COLUMBIA PICTURES/EVERETT COLLECTION/PICTUREDESK.COM CHRISTIAN EBERLE-ABASOLO

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D’ORIGINE 100% NATURELLE


Le Grand Prix de France au Castellet sera historique, après dix ans d’absence de la F1 sur nos terres, et de par la présence de trois Français sur la grille de départ. Parmi eux, PIERRE GASLY ne croit qu’en une chose : maintenant. Texte PH CAMY

SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL

L’HOMME DU MOMENT


En 2002, Pierre Gasly monte dans un kart pour la première fois. 2018 : à 22 ans, le Français d ­ ispute sa première saison en F1 avec l’écurie Toro Rosso.

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es jeunes d’aujourd’hui sont formidables ! Surtout Pierre Gasly. À 22 ans, le natif de Rouen exerce un « métier » rare : pilote de Formule 1. On parle de l’élite du sport automobile, la discipline sportive motorisée qui excite le plus d’humains sur la planète chaque dimanche de course. Pour beaucoup de gamins, piloter une F1 est un rêve qui se dilue avec l’adolescence, et rares sont ceux qui le gardent en tête au point d’en faire une réalité. Pas le cas de ce natif de Rouen. En effet, le Français a décidé de devenir champion du monde de F1 dès ses 9 ans (!), et treize ans plus tard, il est engagé au sein de l’écurie Red Bull Toro Rosso sur l’ensemble de la saison de Formule 1 2018. De mars à novembre, il participera à vingt-et-un Grands Prix, sur tous continents. Entre « il y a treize ans » et aujourd’hui, Pierre est passé par le Mini kart (2005), le kart en Minime (2006 à 2007), en Cadet (2008), la KF3 (en 2009, avec une troisième place en Coupe du monde, et 2010, année où il sera vice-champion d’Europe), la F4 (en 2011, classé troisième), le championnat Formule Renault 2.0, les World Series Renault 3.5 (en 2014, avec un titre de vice-champion), le GP2 ou Formule 2 (en 2016, en tant que vice-champion du monde), et enfin la Super Formula en 2017, une saison achevée en tant que vice-champion. Ouf ! Une semaine après la parution de ce sujet, la Formule 1 fera enfin son retour en France, après dix ans d’absence, grâce au Grand Prix de France au Castellet (Var). Pour ajouter à la fête, trois pilotes français seront au départ. Dont Pierre, 30

the red bulletin : Pierre, l’énumération des catégories dans lesquelles vous vous êtes exprimé en compétition automobile depuis treize ans est copieuse, mais peut en fait se lire comme une trajectoire droite entamée en 2005 pour se prolonger année après année, saison après saison, vers un but que vous vous êtes fixé très jeune : la F1. pierre gasly : À la maison, j’avais une mini-Formule 1, des petites voitures comme tous les gamins, je jouais à Mario Kart. (rires) Et tout petit déjà, j’étais passionné de F1, on regardait les courses en famille, et trois de mes frères, sur quatre, pratiquaient le kart, donc je venais sur les compétitions pour les encourager. Quand j’ai essayé le kart à 6 ans, ce fut un déclic : « C’est ce que je veux faire, la course, c’est ce qui me donne le plus d’adrénaline ! » L’envie de F1 était-elle déjà concrète dans votre tête d’enfant ? C’est à 9 ans que j’ai demandé à mes parents : « Papa, Maman, qu’est-ce que je dois faire pour devenir Champion du monde de Formule 1 ? » La question n’était pas « comment devenir pilote de F1 » mais « comment devenir Champion du monde de F1 », carrément ?!

«Faire troisième de la Coupe du monde de kart à 13 ans, et être le meilleur Français, c’était juste une petite étape.»

Oui, car pour moi, c’est la gagne qui compte. Là, mes parents se sont dit qu’ils étaient un peu dans la merde. (rires) Quelle fut leur réponse ? Ils m’ont dit de travailler… À l’école ? Oui. Je voulais absolument faire du kart, et eux ont voulu me faire comprendre que pour avoir ce que je voulais, je devais faire des efforts, y mettre du mien. Depuis vos grands-parents, jusqu’à vos frères, le kart est une passion familiale, mais cela ne faisait pas automatiquement de vous un potentiel pilote de Formule 1. Alors, quel a été l’élément essentiel qui vous a permis d’accéder à ce statut rare ? J’ai toujours été hyper compétitif. Je ne vois que par le résultat. Même dans la vie, j’ai cette mentalité de compétition, c’est ce qui m’excite, les défis, les challenges, même entre potes. Mes parents savaient que j’étais motivé, mais ils savaient aussi que la pratique du kart représentait un budget conséquent, alors ils ont tout de suite essayé de trouver des sponsors… Votre mère a raconté que, très jeune, vous l’accompagniez en rendez-vous pour séduire les sponsors, que vous regardiez fixement vos interlocuteurs, des financiers potentiels, et qu’ils étaient bluffés par tant de détermination chez un gamin… C’est vrai ? Des saisons de karting, ça se finance, c’est un budget conséquent, donc logiquement, on est parti en quête de sponsors. En fait, ma mère m’a mis tout de suite devant le fait accompli : pour trouver les sponsors, il fallait que j’y mette du mien. J’étais jeune, mais je venais expliquer mon projet, montrer que j’étais déterminé à atteindre mes objectifs. Je n’avais pas le choix. De saison en saison, rien n’était acquis, je ne savais pas si j’allais pouvoir continuer, j’avais donc l’obligation d’avoir des résultats. Sans résultats, je n’aurais plus eu de sponsors, pas de bons deals avec des teams, et je n’aurais pas pu continuer. Je devais absolument être performant. Les différentes étapes pour atteindre la F1 étaient-elles déjà claires pour vous ? Ça fait partie du processus, le kart, le championnat régional, national, international… THE RED BULLETIN

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issu du programme de formation des jeunes pilotes de Red Bull Racing, dans sa Toro Rosso. À l’heure où nous bouclons ces pages, Pierre est 11e au Championnat du monde de F1 2018 (le meilleur Français). Nous avons profité de quelques minutes de disponibilité dans son agenda surchargé pour lui demander comment faire d’un rêve une réalité, et se rapprocher – sans jamais se perdre en route – du but ultime. On a vite compris que pour Pierre, le rêve était, en fait, dès le départ, un véritable objectif.


Espagne, en pré-saison, et déjà focus. Dans deux semaines, premier Grand Prix de 2018, en Australie.

On lâche la bête : au volant de sa STR13, au moteur Honda, Pierre peut dépasser les 320 km/h.


Tout cela était déjà bien ancré dans votre esprit de très jeune pilote, un menu bien assimilé ? Oui, car on peut vite s’emballer. À 13 ans, je fais troisième de la Coupe du monde de kart, j’étais le meilleur Français… C’est sûr que c’était incroyable, mais j’ai toujours regardé plus loin. Même si j’étais satisfait, j’essayais de ne pas trop m’emballer, car je savais que c’était juste une petite étape par rapport à la mission que je m’étais fixée. Je savais ce qui m’attendait, toutes ces catégories de compétition automobile. Cette troisième place était donc une étape de plus de passée, il restait tant de choses à faire avant d’arriver tout en haut.

«Je regardais les Hamilton ou Vettel à la télé… Aujourd’hui, je suis sur la grille de départ avec eux.» Barcelone, Espagne : Pierre Gasly se familiarise avec sa STR13 en essais de pré-saison, le 8 mars 2018.

À 13 ans, la liste des étapes doit paraître tellement longue, comment rester dans un mode « OK, étape cochée, passons à la suivante, et à la suivante… » ? Comment ne jamais lâcher, malgré l’envergure du projet ? Il faut se projeter, certes, mais il faut sur surtout rester dans le moment. Même si dans une partie de ton esprit, tu sais quel est l’objectif principal, il faut dédier toute ton énergie au moment présent. Dépenser de l’énergie pour quelque chose qui pourrait arriver dans quatre ans, ça ne sert à rien. Les « peut-être que…, peut-être que ci ou ça… » ne servent à rien. Ce qui compte, c’est ce que je peux faire aujourd’hui, pour donner le meilleur, dans la situation actuelle, le moment présent, pour en faire un passage vers l’étape suivante, et ainsi de suite.

Mais un jour de course, vous devez penser au potentiel podium de fin de week-end, à l’accumulation de podiums qui pourrait mener au titre mondial ? C’est sûr, j’y pense dans un coin de ma tête, car il y a des choses à honorer par rapport à tout ça, mais quand je suis en essais libres, je suis en essais libres. C’est étape par étape, il faut se concentrer sur les choses sur lesquelles tu peux avoir un impact immédiat. C’est en maîtrisant l’instant que j’ai construit mon futur. Un futur pas commun, et vous êtes très jeune… Qu’avez-vous dû sacrifier pour construire votre avenir ? 32

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C’est un état d’esprit que vous continuez d’honorer, maintenant que vous avez atteint l’élite, la Formule 1 ? C’est toujours le cas en F1. Je reste concentré sur la course du moment, et avant de me concentrer sur la course, je me concentre sur la séance d’essais libres dans laquelle je m’engage à un instant précis.



Très proche des ingénieurs de la Scuderia Toro Rosso, Pierre Gasly veut « apprendre chaque jour ».

Une écurie dévouée au p ­ ilote de 22 ans. Dans 48 heures, Pierre ­s’élancera sur ce circuit de ­Shanghaï, pour tout ­donner à son tour.


UN TALENT BOOSTÉ PAR LA RED BULL JUNIOR TEAM C’est grâce au programme jeunes pilotes de Red Bull que Pierre a accédé à la Formule 1.

Fondé en 2001, le programme de formation de jeunes pilotes de Red Bull Racing a pour mission de repérer et d’encadrer de jeunes pilotes talentueux, et de les faire progresser jusqu’à l’élite du sport automobile : la F1. Les Vettel, Ricciardo ou Verstappen sont notamment issus de ce programme. Soutenu par Red Bull dès 2012, Pierre intègre officiellement le Red Bull Junior Team en 2014 « plus motivé et déterminé que jamais », conscient de bénéficier du « meilleur programme possible ». Il a 18 ans et rejoint Carlos Sainz Jr. en Formule Renault 3.5. En 2015, Pierre devient pilote de réserve pour l’écurie britannique de F1, Red Bull Racing. Auprès de Max Verstappen et Daniel Ricciardo, il apprend énormément sur le fonctionnement d’une écurie de F1, le déroulement d’un GP, les voitures engagées dans cette catégorie et leurs spécificités techniques.

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En 2016, Pierre emmène une nouvelle écurie, Prema Powerteam, à la victoire mondiale en GP2. L’année suivante sera déterminante : en parallèle de sa saison en Super Formula au Japon (il sera vice-champion) et sous l’impulsion d’Helmut Marko (conseiller F1 de Red Bull et responsable de la filière jeunes pilotes), Pierre se voit offrir l’opportunité de participer à 5 Grands Prix de F1 au sein de la Scuderia Toro Rosso, l’écurie italienne de Red Bull. Alors, le programme de formation de jeunes pilotes de Red Bull Racing a amené sur les grilles de F1 cinq des plus jeunes pilotes des 10 dernières années. Titulaire cette saison, Gasly sera au départ de l’historique GP de France 2018, le 24 juin prochain. Un symbole. juniorteam.redbull.com ; scuderiatororosso.redbull.com

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«Pour atteindre ton but, il faut se concentrer sur les choses sur lesquelles tu peux avoir un impact immédiat.» Mon objectif a toujours été clair, j’ai toujours su où je voulais aller. Quand tu connais ton objectif, c’est à toi de mettre en place le comportement et l’hygiène de vie nécessaires, les sacrifices à faire pour atteindre tes objectifs. En fait, on ne parle même pas de sacrifices, parce que ça t’apporte tellement de choses plus incroyables à vivre que celles que tu as « sacrifiées ». Vous êtes aujourd’hui dans l’antichambre de ce titre de Champion du monde qui vous travaille depuis l’âge de 9 ans, et c’est finalement maintenant que vous devez donner plus que jamais dans votre vie, que tout « commence », finalement. Où trouvez-vous les forces supplémentaires pour être motivé comme jamais ? Je ne fais pas de la F1 pour me contenter d’une sixième place, mais pour gagner. Mon objectif à moyen terme, c’est d’être champion. C’est ma motivation, tous les jours. Je me réveille en me disant : « Qu’est-ce que je peux faire pour être meilleur qu’hier, toujours m’améliorer ? » Et que faites-vous, concrètement ? Je m’entraîne, je suis strict par rapport à mon hygiène de vie. J’essaye de faire en sorte d’apprendre des choses nouvelles, que chaque jour m’apporte quelque chose en plus par rapport à la veille. Qu’avez-vous appris récemment ? J’ai réalisé qu’il y a des points faibles qu’on ne peut pas améliorer, et qu’il vaut mieux se concentrer sur nos forces, essayer d’être encore meilleurs là où on est bons. Travailler sur le potentiel, plutôt que passer du temps sur des points où nous sommes limités, et où on ne va pas pouvoir gagner énormément.

Vos échecs ont-ils aussi été des moteurs d’amélioration ? Oui. J’ai le plus appris quand j’étais en difficulté, quand je n’obtenais pas les résultats que j’attendais pour diverses raisons… des abandons, des choses injustes qui se sont passées, ou juste moi qui veux trop en faire et qui commets des erreurs. Ces instants aussi ont fait le Pierre Gasly d’aujourd’hui ? Si je n’étais pas passé par ces expérienceslà, super dures à vivre au moment présent, je n’aurais jamais atteint le niveau que j’ai aujourd’hui. C’est dans ces moments difficiles que l’on apprend, que l’on se remet en question, que l’on essaie d’analyser. J’ai toujours réussi à transformer les expériences négatives en énergies positives et à booster encore plus ma motivation et ma détermination. Au départ d’un Grand Prix, sur la grille, au cœur d’un colloque suprême de pilotes, est-ce que le gamin Pierre Gasly est toujours là ? (Il sourit.) C’est marrant, mais oui, j’ai toujours la même envie de gagner, de battre tout le monde. Avant, c’était en kart avec de jeunes pilotes, comme moi, âgés de 12 ou 15 ans, à une époque où je regardais les Hamilton ou Vettel à la télé en me disant : « Un jour, je veux être avec eux… » Aujourd’hui, je suis sur la grille avec eux, mais j’ai toujours cette envie de tout gagner, d’obtenir le meilleur résultat possible, contre ces pilotes que j’admirais sur le petit écran à l’époque, avec des yeux énormes. Les Hamilton ou Vettel sont pareils que les gars contre lesquels vous rouliez plus jeune ? Vous gardez le même état d’esprit face à eux ? Il n’y a pas de différence. À partir du moment où l’on met le casque, on devient une bête. Il se passe quelque chose. On part pour la bagarre, il n’y a plus de Vettel, il n’y a plus de Hamilton, tout le monde est pareil. La seule chose qui importe, c’est d’être le plus rapide possible, de faire le meilleur résultat possible. On fait abstraction des Ferrari, de la F1, des 80 000 spectateurs dans les tribunes. C’est tellement intense en termes de concentration que seule la performance compte. Ce que l’on doit faire, maintenant.

instagram.com/pierregasly Grand Prix de France au Castellet, le 24 juin.

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« Ça marche sans drogue » Le cerveau de la pop, BRIAN ENO, évoque l’interrupteur dans nos têtes, et les lieux qui nous aident à l’actionner. Comment on écoute de la musique qui n’existe pas encore. Et comment on peut visualiser sa vie à la manière d'un enfant. Texte MARCEL ANDERS  Photos SHAMIL TANNA


De U2 à Coldplay, les stars s’arrachent les talents de producteur de Brian Eno.

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ans la musique pop, Brian Eno est LA référence en matière d’innovation. Pour l’expérimentation. Pour sa manière de penser out of the box. Et cela depuis les années 70. Avec ses sons décalés au synthé, l’Anglais était en avance sur son temps. On pourrait également évoquer le rock glam de son groupe Roxy Music, ou l’ambient (électro atmosphérique), qu’il invente. Aussi, Brian Eno produira la légendaire trilogie de David Bowie : Berlin. Depuis, il est devenu l’un des producteurs les plus prisés et les plus regardants du métier. Il a permis à des monstres comme U2 et Coldplay de créer des hits avec un son nouveau ; et il a déjà rembarré six fois les Red Hot Chili Peppers, d’après leur chanteur… Eno est exigeant avec ses collaborateurs, musicalement et intellectuellement. Il les encourage à penser hors du cadre, à sortir des vieux schémas et à expérimenter. « Je veux écouter de la musique qui n’existe pas encore », annonçait-il un jour. Cette condition, il se l’impose aussi : l’an dernier, son album Reflection disponible aussi comme appli, qui offre des heures de musique et change à chaque nouvelle écoute ; pour les galeries d’art, il invente des mondes de résonances atmosphériques qui hissent le visiteur au rang de compositeur. À l’occasion du vernissage de sa der dernière installation sonore à Berlin, il s’est entretenu avec The Red Bulletin.

« Brian nous donnait une tâche à exécuter tous les jours. Après avoir fini l’exercice, on basait notre travail dessus. Et ainsi, il redéfinissait l’enregistrement en studio. Son leitmotiv : dès le matin, briser le carcan des habitudes afin de laisser la place à l’improvisation. » DAVID BOWIE 38


« Brian, c’est plus qu’un producteur. En studio, il fait partie du groupe. On prend beaucoup de plaisir à jouer ensemble, car il arrive avec des propositions et des sons assez bizarres au premier abord qui, au final, deviennent indispensables dans l’album. » CHRIS MARTIN, COLDPLAY

ALBERTO TERENGHI / PICTUREDESK.COM , PETER KRAMER/GETTY IMAGES, PIERRE VILLARD / PICTUREDESK.COM

the red bulletin : Monsieur Eno, le 15 mai dernier, vous célébriez votre 70e anniversaire. La plupart de vos confrères du même âge ne font que recycler de vieilles idées. Alors que vous, vous êtes en per permanence à la recherche de nouveauté. Qu’est-ce qui vous porte ? brian eno : Pour moi, il a toujours été question de créer quelque chose qui manquait, à un moment donné dans ma vie. La musique la plus soft que j’ai composée m’est venue lorsque j’habitais à New York, à l’un des carrefours les plus fréquentés de la ville. C’est là que j’ai enregistré Ambient 4: On Land, à la fin des années 70 et au début des années 80. C’est un album très doux, il aurait pu éclore dans la nature. Vous habitez à Londres. Que vous manque-t-il là-bas ? En principe, la même chose. C’est pour cela que ça me stimule de concevoir des installations sonores pour des lieux qui font contrepoids à l’agitation des métropoles. Nous apprécions la vie citadine et la diversité des activités qu’elle offre. Mais il y a une autre part en nous qui doit être nourrie : une part qui a besoin d’un espace pour se poser, pour réfléchir, et pour se relaxer. Ces espaces sont aujourd’hui plus précieux que jamais. N’est-ce pas cela que l’on appelle « maison » ? Pas nécessairement. Les médias sont branchés sur le mode alarme. C’est un déferlement continuel de dépêches sur les guerres et les atten-

En 1975, Eno met au point un jeu de cartes, Oblique Strategies, pour aider ses collègues à surmonter leurs blocages créatifs.

tats, sous cette injonction : « RegarRegar dez l’horreur qui vient de se passer ! » Ces informations nous assaillissent, nous nous sentons en permanence en état d’urgence. Ce sentiment d’insécurité nous poursuit via nos téléphones mobiles et jusque dans nos chambres à coucher. Alors où le citadin moderne peutil aller pour se ressourcer, où trouvera-t-il un endroit propice à la contemplation ? Avant, c’était le but des églises, elles n’étaient rien d’autre qu’un lieu de retraite qui permettait de s’évader dans un autre monde. Beaucoup de gens aujourd’hui visitent une galerie d’art comme on allait à l’église. C’est pourquoi j’aime y savoir mon art à leur disposition. En quoi vos œuvres sont-elles une invitation à l’introspection ? Il ne se passe rien lors de mes expositions. Les visiteurs le comprennent très vite, au bout de deux ou trois minutes. Pourtant, la plupart restent et prennent le temps d’apprécier. Y a-t-il un lien avec l’effet hypnotique de la répétition, un effet de style dont vous usez souvent ? Bien sûr. La répétition fascine les hommes. Quel est le secret de la répétition ? Peu importe l’objet de ce qui se répète : la boucle, la mélodie. En fait, c’est toujours vous qui changez. Un exemple : si vous écoutez en boucle une phrase enregistrée au préalable, disons something like, vous entendrez à chaque fois quelque chose de différent. Vous entendrez sunlight, I am light ou light me up. C’est-à-dire que le sens commence à changer. Car comme c’est toujours la même suite de sons que l’on entend, les changements ne peuvent venir que de celui qui écoute, pas de la bande-son. Le cerveau se reconfigure. La répétition continuelle lui est si ennuyeuse qu’il finit par en faire autre chose. Vue ainsi, la répétition représente pour nos cellules grises l’opportunité d’or d’orchestrer quelque chose de nouveau. De considérer et de percevoir la vie différemment.

Comment modifier ma perception quand je n’ai pas accès à votre matériel audio ? Quand j’étais jeune et naïf, j’ai réagi une fois de manière inhabituelle à la mescaline. C’était un jour pluvieux, à Londres, je me promenais en ville. Les rues étaient grises, humides et jonchées de feuilles mortes. D’une tristesse ! Pourtant, plus les effets hallucinatoires se faisaient ressentir, plus cette vision de la ville me plaisait. Un appel à la consommation ? Ce que je veux dire, c’est que grâce à cette expérience, j’ai compris qu’il y avait un interrupteur dans le cerveau, et que j’étais capable de l’actionner. Chacun peut l’actionner, même sans prendre de drogue. Il suffit de se recentrer et de s’autoriser à penser, à accueillir le calme.

« Ma devise : ne jamais travailler avec des fans. Brian n’était pas fan de notre groupe. Et c’est exactement pour cela que notre collaboration fut fructueuse. Il vous révèle un pan de votre personnalité. Je savais dans quel état d’esprit on était. Et Brian nous a montré ce qu’il nous manquait. » BONO, U2 Cela vous aide-t-il dans le travail ? L’essentiel de mon travail du moment est d’une certaine manière le résultat de cette expérience. Car dès lors, je suis en mesure de développer sans cesse de nouvelles associations de couleurs, des associations que je n’avais jamais vues avant (il rit). Penser et jouer comme un enfant, à 70 ans, me donne des ailes. C’est exactement cela que je suis : un enfant avec une boîte de couleurs.

Brian Eno, coffret 6 disques Music for Installations (UMC), dans les bacs. 39


TAKE FIVE

Le cycliste BEN PAGE raconte comment…

… SURVIVRE AVEC 3€ PAR JOUR À 22 ans, l’Anglais Ben Page est parti à vélo pour un périple de trois ans à travers le monde et est devenu un réalisateur acclamé. Comment s’en est-il sorti avec un budget minimal ? Le vélo de Ben était constitué de pièces d’occasion.

parti ! Pendant six jours, c’était l’enfer, le septième jour j’ai adoré. Et je me suis dit : « Si je peux traverser un pays, je peux traverser un continent. Et si je peux traverser un continent, je peux faire le tour du monde. » J’ai réalisé qu’en partant, simplement, cela arriverait vraiment.

3 Juste un peu de matériel

Ce qui ne vous sert pas pendant une semaine est superflu, débarrassez-vousen. Je n’avais qu’une seule tenue et un kit de sécurité indispensable, et sinon, une tente trois saisons, un sac de couchage et un matelas de camping étaient tout ce dont j’avais besoin, qu’il fasse 53 °C ou − 40 °C. Mon luxe ? Une enceinte Bluetooth sur mon guidon et un lecteur Kindle. Et un petit poêle à alcool.

4 Soyez prêt aux sacrifices

1 Voyagez pas cher, à vélo Me passer de douches sur les dernières semaines fut un sacrifice énorme – cela dit, ce sont les autres qui en ont souffert ! » BEN PAGE

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Hébergement et transport constituent la part la plus chère d’un voyage, donc en prenant le vélo et une tente, tout ce qu’il reste à payer, c’est la nourriture. Je mangeais deux à trois fois plus que d’habitude, mais cela correspondait à 25 centimes d’avoine tous les matins. Durant mes rares nuits en gîte, j’ai beaucoup moins bien dormi qu’en tente. À la montagne, seul, le camping est l’une des plus belles manières de passer la nuit. Une journée à pédaler est l’oreiller le plus confortable qui soit.

2 Rien ne peut vous arrêter

Je traversais un moment de crise lorsque j’ai eu l’idée de partir de chez moi dans le Yorkshire de l’Ouest, pour rejoindre les Alpes suisses en vélo – en une semaine. Ainsi, un matin, j’ai fait mon sac, l’ai fixé sur mon vélo et j’étais

Le tourisme culturel inclut l’alimentation, mais je ne mangeais jamais au restaurant, par souci d’économie. De temps en temps je dépensais un euro pour mon déjeuner, mais pas souvent. J’évitais les villes pour m’épargner les coûts d’un gîte. Me passer de douches pendant des semaines, sur la fin, a été un sacrifice énorme – cela dit ce sont les autres qui en ont le plus souffert ! Mais j’ai eu l’occasion de voir des endroits absolument incroyables et j’ai vécu une expérience en solo.

5 Appréciez les moments rares

Je n’ai jamais manqué de nourriture parce que je mangeais très simplement : porridge, riz ou pâtes avec un cube de bouillon, éventuellement du pain. Les féculents étaient si bon marché que j’en mangeais des tonnes. Mais il faut aussi se faire plaisir, et ça peut être une bière. Traverser un village pour trouver une bière puis camper pour regarder le coucher du soleil en savourant chaque gorgée restera un souvenir magique.

benpagefilms.com Interview MATT RAY Photo CASS GILBERT THE RED BULLETIN



FACE AU MUR

Les talents de SHAUNA COXSEY en bloc d’escalade ont fait d’elle la meilleure grimpeuse de compétition britannique. Pour son inauguration olympique à Tokyo en 2020, l’escalade sportive intégrera trois disciplines dont deux que Shauna ne maîtrise pas en haut niveau. La championne du monde devra reprendre le chemin de l’école. Texte MATT BLAKE Photos RICK GUEST 42


Complètement­ accro… chée : Coxsey vise l’or olympique.


hauna Coxsey n’a que faire de la gravité. La meilleure grimpeuse britannique de l’histoire a passé sa vie à défier l’attraction terrestre. En ce moment, elle se balance avec désinvolture, suspendue à une saillie en surplomb au Climbing Hangar, un nouveau centre d’escalade d’une valeur de plus de 500 000 € situé à Plymouth dans le Devon. Coxsey, en plein exercice d’assouplissement, est aussi détendue qu’une chauve-souris endormie. Elle projette son pied droit sur une prise de main au-dessus de sa tête, balance son corps à droite, puis à gauche pour prendre son élan – ajuste sa longue queue de cheval blonde qui se balance comme un pendule – et se lance dans les airs dans un mouvement dynamique qui semble aller à l’encontre des lois de la nature. Puis, en ne se servant que de trois doigts de sa main droite, elle attrape une prise de la taille d’un petit pain. Les grimpeurs appellent cela un « dyno », mais pour le quidam, elle semble voler. La jeune femme de 25 ans née à Runcorn, dans le Cheshire, est la meilleure grimpeuse de bloc. Le bloc est un type d’escalade qui demande une résolution gymnastique, sans corde, de courts parcours appelés « passages », près du sol (à moins de 4,50 m). Ce sport exigeant requiert des grimpeurs en compétition de penser rapidement afin de tracer une « méthode » jusqu’au sommet du mur, en contre la montre. C’est justement dans cette discipline que Coxsey excelle. En 2017, elle remportait l’épreuve féminine de bloc à la Coupe du monde de la Fédération internationale d’escalade (IFSC) pour la deuxième année consécutive. Elle est aussi la championne en titre de La Sportiva Legends Only (l’équivalent de la Ligue des Champions pour l’escalade) et la troisième femme de l’histoire à avoir escaladé une paroi rocheuse de difficulté V14. Oh, et elle est aussi membre de l’Ordre de l’Empire britannique pour services rendus à son sport. 44

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La championne du monde au Climbing Hangar.

« L A FORCE NE COMPTE QU’À 20 % .  »


Coxsey grimpe depuis l’âge de quatre ans.

« JE JOUE AUX ÉCHECS AVEC LE MUR, IL EST MON ADVERSAIRE. »


Mais, étonnamment, Coxsey s’apprête à reprendre le chemin de l’école pour ce qui sera sans aucun doute l’épreuve la plus difficile de sa carrière jusqu’à présent. Dans deux ans, la grimpeuse fera ses débuts aux Jeux olympiques de 2020 à Tokyo. Aujourd’hui, Coxsey est dans une situation délicate : les athlètes doivent concourir dans trois disciplines d’escalade distinctes – l’escalade de vitesse, de difficulté et le mur d’escalade – et Coxsey n’a qu’une pauvre expérience de haut niveau dans deux d’entre elles. « C’est comme si l’on demandait à Usain Bolt de courir un marathon et de faire une course à l’œuf, dit-elle en riant. Ce ne sont pas seulement des disciplines différentes, ce sont des sports entièrement différents. »

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ontrairement au bloc, l’escalade de difficulté exige des compétiteurs qu’ils soient assurés avec une corde car ils doivent monter le plus haut possible sur un mur de 30 m. Créée au milieu des années 1980 en Italie, elle se déroulait sur de vrais pics rocheux. Dans leur forme moderne, les compétitions ont lieu sur des structures imposantes et spectaculaires. Enfin, il y a l’escalade de vitesse, la plus ancienne des disciplines – ses origines compétitives remontent à la Russie des années 1940 – et la plus explosive. Elle est appelée à devenir le sport olympique le plus rapide (15 m parcourus en moins de huit secondes). Le format du triathlon s’est avéré controversé. Des puristes l’ont qualifié de « gimmick qui ridiculise l’art de chaque discipline spécialisée ». Après mûres réflexions, Coxsey a décidé de relever le défi. « Sur beaucoup de plans, c’est logique. Cela mettra notre sport en valeur. Jamais je n’aurais imaginé que l’escalade devienne un sport olympique, car c’est un sport si jeune. C’est aussi improbable que de déclarer : “Tu peux aller sur Mars si tu veux.” » Et, bien que cela corresponde à un saut dans l’inconnu, Coxsey aborde la tâche avec son enthousiasme coutumier. « Personne ne se distingue dans les trois disciplines. L’entraînement sera très difficile : pas d’historique, ni de connaissances, personne vers qui se tourner, pas de recherches consacrées à l’entraînement pour les trois disciplines. Mais une fois motivée, je me donnerai à 110 %. » Coxsey a toujours été ainsi vis-à-vis de son sport. « Me demander ce que j’aime dans l’escalade, c’est

« LA BLESSURE ? UN BIEN POUR UN MAL. » comme vous demander pourquoi vous aimez mar marcher ou respirer », articule-t-elle dans un haussement d’épaule. Son obsession commence à l’âge de quatre ans. « Elle était assise sur mes genoux devant la télé, se souvient son père Mike, consultant en informatique. On regardait un documentaire sur Catherine Destivelle (célèbre grimpeuse française, ndlr). Shauna s’est tournée vers moi : “Papa, est-ce que je peux faire cela ?” J’ai répondu : “Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas.” » Et c’est ainsi que tout a commencé. « Au départ, c’était une activité du dimanche, rembobine Mike. Elle passait la journée à grimper. Elle voulait apprendre. Elle n’en avait jamais assez. Jamais. » Le père et la fille passent les dix années suivantes à parcourir le Royaume-Uni, d’une compétition à l’autre. Alors que le bloc s’impose de plus en plus en tant que discipline d’escalade distincte grâce aux vidéos sur YouTube et aux blogues spécialisés, Coxsey contribue à l’explosion de popularité de ce sport accessible qui ne requiert qu’un équipement minimal. À 19 ans, il est manifeste qu’elle avait une capacité rare à surmonter les épreuves mentales et physiques. Elle prend une année de pause dans ses études afin de considérer une professionnalisation. Six ans plus tard, Coxsey n’a jamais mis les pieds à la fac. En plus de progresser ellemême, elle a fait progresser son sport en fondant le Women’s Climbing Symposium, un événement annuel visant à encourager un plus grand nombre de femmes à pratiquer ce sport qui attire désormais des centaines de grimpeuses chaque année. Mais en quoi Coxsey est-elle la meilleure ? « Beaucoup pensent que l’escalade est une question de force du haut du corps, alors qu’il n’est pas nécessaire de faire une traction pour escalader un mur. Le bloc ne demande que 20 % de force. Pour gagner, vous devez contrôler votre esprit bien plus que votre corps. Il s’agit d’établir des itinéraires avant de grimper, comme pour

Qu’est-ce que l’escalade de bloc ? C’est l’une des disciplines d’escalade les plus ardues et les plus excitantes, en raison de ses parcours réduits (« passages ») et ses mouvements exigeants. Les grimpeurs s’affrontent généralement en intérieur sur des murs de moins de 4,50 m de haut. Elle nécessite peu de matériel: magnésie, sac à magnésie, chaussons d’escalade et tapis de réception.

Le but est de « réaliser » (compléter en arrivant en haut) le plus de blocs avec le moins d’essais possibles. Une compétition standard compte 3 tours : qualifs (5 blocs), demi-finales (4) et finale (4). Pendant la Coupe du monde, les grimpeurs ont 5 minutes pour compléter chaque passage lors des rondes de qualification et de demifinales, et quatre lors de la finale.

De nouveaux blocs sont fixés à chaque tour et le niveau de difficulté augmente à mesure que la compétition progresse. L’escalade fera ses débuts aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020. Tous les participants s’affronteront dans ces trois disciplines : le mur d’escalade, l’escalade de difficulté et l’escalade de vitesse.

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La prise musculaire et l’agilité de Coxsey sont la clé de son succès.

POUR LE QUIDAM, ELLE SEMBLE VOLER.


un puzzle. » Est-ce en cela que Shauna se distingue des autres athlètes ? « Sa force, signale sa partenaire d’entraînement, Leah Crane, c’est la vision qu’elle a de l’ascension avant sa réalisation : la lecture du parcours, la force des doigts, la coordination. Et sa capacité à les mettre en marche sur commande, sans hésitation. » Pour Coxsey, un bloc s’apparente à un Rubik’s Cube déroulé, fait de contreplaqué et de résine. Sa capacité à résoudre rapidement des énigmes mentales se traduit par une grâce physique : elle n’escalade pas un mur, elle l’épouse en se balançant, en se contorsionnant, en se hissant. « Sur un mur, je ne pense pas à ce que je dois faire parce que je l’ai déjà fait. Je joue aux échecs avec lui. J’ai toujours deux coups d’avance. »

A

vec son mètre 63, Coxsey est petite, mais visiblement forte et tonique. C’est une qualité rare : elle a des doigts athlétiques. Ils sont la clé de son succès. Coxsey le sait mieux que quiconque pour avoir essayé de se débrouiller sans l’un d’eux. En janvier dernier, elle a subi une rupture quasi nette du tendon de l’annulaire droit. « J’étais en extérieur, en pleine escalade, je m’apprêtais à faire un mouvement et clac! Tout le monde l’a entendu. Ma poulie A2 venait de me lâcher en partie. » Un tendon déchiré ne pourrait pas être plus dévastateur qu’en escalade. Disciple passionnée, Coxsey trouve de nouvelles possibilités dans de tels échecs. « Les blessures sont toujours un bien pour un mal. Elles

HAIR AND MAKE-UP: KATIE BEVERIDGE USING CLINIQUE; PHOTOGRAPHY ASSISTANT: FRANKIE LODGE

En janvier, elle a subi une rupture du tendon de son annulaire droit.

vous donnent l’occasion de travailler quelque chose que vous n’auriez pas eu le temps de faire autrement. » Elle a donc été récemment contrainte de travailler « les muscles fessiers, les jambes et l’explosivité ». Et aussi d’escalader d’une seule main. « La restriction a intensifié ma soif de grimper encore. » Au fil des ans, la championne du monde a été plusieurs fois forcée de rester au sol. Elle s’est cassé la jambe, disloqué les épaules, a subi une série de déchirures musculaires dans le haut et le bas des bras, des doigts cassés… « En restant positif, vous pouvez mettre ce break à profit pour faire un retour en force. C’est toujours mon but. Je ne veux pas revenir à un niveau équivalent, mais à un niveau supérieur ! Et là, j’y suis ! » Coxsey devra rester en forme pour avoir des chances de médailles. La tâche semble herculéenne. Elle a peu plus de 800 jours pour passer du statut de néophyte à celui de maître de niveau olympique dans deux disciplines – un exploit que la plupart des athlètes ne réalisent même pas au cours d’une seule vie. « La seule façon de s’entraîner à l’escalade de vitesse est de grimper sur un mur qui est une réplique de celui de la compétition olympique, sans relâche, jusqu’à ce que ce soit une seconde nature. Mais comme personne ne sait à quoi ressemblera ce mur, il n’y a pas moyen de savoir qui sera au sommet de sa forme en 2020. » Elle doit donc s’entraîner. Plus de huit heures par jour, six jours par semaine, partageant son temps entre son centre d’entraînement habituel à Liverpool et Sheffield, où elle vit avec son petit ami, Ned Feehally – un alpiniste de plein air pro – et leur Border Terrier, Arthur. La moitié de ce temps est consacrée à l’escalade, le reste à la musculation du tronc ou à des séances sur une planche de bois pour les doigts, le Beastmaker, où Coxsey, parfois avec l’équivalent de la moitié de son propre poids attaché à elle, est suspendue par le bout de ses doigts pendant des heures par tranches de 30 secondes. « Shauna a la volonté d’être la meilleure, explique Adela Carter, entraîneuse spécialisée dans la force et le conditionnement. Son dynamisme est surhumain. Je ne l’ai jamais vue abandonner quoi que ce soit. » Coxsey, qui dit que ses passe-temps hormis l’escalade sont la cuisine et le sommeil, compte sur cette détermination acharnée et concentrée pour faire la transition entre aujourd’hui et le début des Jeux olympiques de Tokyo. Cela lui rapportera des dividendes, et elle le sait. Coxsey est confiante lorsqu’on lui demande si elle peut remporter une médaille d’or. « Mon doigt est en voie de guérison et je suis en meilleure forme que jamais », affirme-t-elle. L’or serait l’apogée d’une carrière qui comprend déjà d’extraordinaires réalisations, mais elle ne s’en fait pas. « Ma motivation, ce n’est pas le podium. Ma motivation, c’est d’être la meilleure grimpeuse que je puisse être. C’est mon moteur : apprendre, m’améliorer. » Et elle a peutêtre raison : dans la vie, comme dans l’escalade, on avance en se concentrant sur là où l’on va, pas sur là où on était. Coxsey a les yeux rivés sur le sommet.

Merci au Climbing Hangar ; theclimbinghangar.com L’élite du bloc vous donne rendez-vous pour la finale du Red Bull Font&Bleau, le 23 juin, en forêt de Fontainebleau ; redbull.com/font&bleau THE RED BULLETIN

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30 JOURS D’ENFER EN ATLANTIQUE 5 500 kilomètres en haute mer, entre vagues titanesques, tempêtes, soleil de plomb et crises de panique. Comment se prépare-t-on à ça ? Et que retire-t-on d’une telle aventure ? The Red Bulletin a interrogé trois équipes du TALISKER WHISKY ATLANTIC CHALLENGE. Texte MAX SPRICK

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BEN DUFFY

La traversée de l’Atlantique en solitaire ou en équipe (ici : le Team Antigua), c’est le Talisker Whisky Atlantic Challenge, course à la rame la plus difficile au monde.

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J

usqu’à présent, on compte plus d’êtres humains à avoir voyagé dans l’espace qu’à avoir traversé l’Atlantique à la rame. Le Talisker Whisky Atlantic Challenge, qui relie l’île de La Gomera (Canaries) à l’île d’Antigua (Caraïbes), livre une explication : ce n’est pas tant la distance – 3 000 milles marins, pratiquement au mille près (5 500 km) – qui fait de cette course à la rame la plus difficile au monde, mais aussi les tempêtes, les vagues, l’exposition et une fatigue physique et psychologique extrême. Tous les ans, en décembre, depuis 1997, une trentaine d’équipes d’un, deux, trois ou quatre membres s’élancent dans des bateaux de sept mètres de long valant au moins 60 000 €. Trois participants racontent ici leur exploit : le Néerlandais Mark Slats, 41 ans, a remporté la course en solitaire en 30 jours et 7 h 49 (et a, par la même occasion, battu le record du monde de traversée de l’Atlantique en solitaire respectivement de 5 et 19 jours, selon le type d’embarcation) ; Luca Baltensperger, 26 ans, a rallié Antigua avec ses trois coéquipiers suisses grâce à un coupeongles ; et Dianne Carrington, une Anglaise de 62 ans, accompagnée de ses deux « Atlantic Ladies », est la femme la plus âgée à avoir traversé l’Atlantique à la rame.

Les bateaux d’une valeur minimale de 60 000 euros (même d’occasion) avant la traversée de l’Atlantique.

Départ Arrivée

LA GOMERA

ANTIGUA

LE PARCOURS Il y a 3 000 milles marins (environ 5 500 km) entre le point de départ à San Sebastián de La Gomera et le port d’arrivée d’English Harbour sur l’île d’Antigua dans les Caraïbes. 52

Les flambeaux après la tempête : le rameur solitaire Mark Slats lors de son arrivée à Antigua.

THE RED BULLETIN


TEAM ROW4CANCER

MARK SLATS C’est pour sa mère malade qu’il a ramé et signé un record.

the red bulletin : Comment en vient-on à traverser l’Atlantique à la rame en solitaire ? mark slats : J’avais déjà fait trois fois le tour du monde à la voile, je me cherchais un nouveau défi (rires). Est-il vrai que vous n’aviez que peu d’expérience en aviron ? Je n’en avais absolument aucune ! Je n’avais jamais fait d’aviron avant. Il y a quelques années, j’ai rencontré deux mecs qui venaient de faire le tour des Caraïbes à la rame. Je me suis dit : « Cool, je veux faire ça moi aussi ! » En 2016, un de mes amis m’a dit qu’il faudrait que je m’y mette tout doucement. De retour aux Pays-Bas, je suis allé dans le premier club d’aviron trouvé sur Google. Quel entraînement vous a fait passer en douze mois du néant à un record du monde ? D’abord, j’ai passé des examens médicaux pour savoir ce que mon corps pouvait endurer. Je mesure deux mètres et je pèse 100 kg, donc je ne crains pas grand-chose. Ensuite, j’ai suivi un entraînement à la militaire, plus de 40 heures par semaine. Tous les dimanches, je ramais 50 km, je faisais 120 à 150 km de vélo et je nageais 10 km.

BEN DUFFY

D’où venait votre motivation ? Je voulais le faire pour ma mère. Elle a un cancer du poumon. J’ai toujours gardé cette pensée à l’esprit : aussi difficile que cela sera pour moi, ce sera sans commune mesure avec ce qu’endure ma mère. Et puis, il y a aussi mon histoire avec ma copine, bien sûr. Les derniers mois avant la course, on ne s’est pas parlé une seule fois, et puis, un jour, elle s’est pointée THE RED BULLETIN

De rameur débutant à recordman du monde en 12 mois, 14 000 calories par jour : Mark Slats.

à La Gomera. Elle avait tout simplement pris l’avion pour me dire au revoir avant le départ. On s’est remis ensemble – ça m’a donné l’énergie de dix hommes. Et c’est cette énergie qui vous a permis de terminer la traversée en solitaire avec seulement 17 heures de retard sur l’équipe de quatre victorieuse ? J’adore la compétition. Il suffit que quelqu’un se prépare un œuf au plat sur la cuisinière à côté de moi pour que je veuille faire cuire le mien plus vite. À côté de mon siège, j’avais un écran qui me per permettait de contrôler mes données, et de voir la position des autres. Quand j’avais du mal à me motiver, je regardais cet écran. Votre tactique ? Trois heures de rame, une heure pour dormir et manger. Je ramais

16 à 18 heures par jour. Jusqu’à ce que les hallucinations deviennent trop fortes. Alors, je ramais seulement deux heures avant de faire une pause. Il m’est arrivé de croire que j’étais en train de ramer dans une rue commerçante ou en pleine forêt. J’ai fait deux crises de nerfs et aussi des crises de panique parce que j’avais peur d’oublier de m’attacher en m’endormant et de passer par-dessus bord. Comment avez-vous réussi à surmonter ces épreuves ? Une fois, j’ai dormi huit heures d’affilée. Quand je me suis réveillé, j’ai avalé un repas à 8 000 calories – et après, ça allait beaucoup mieux. Manger, c’est la clé. Il faut ingurgiter des milliers de calories. Les bons jours, je pouvais engloutir 14 000 calories. Était-ce une bonne idée de traverser l’Atlantique à la rame ? Absolument – même si je ne peux pas m’empêcher de chialer quand je regarde des vidéos de mon aventure, tant ça me rappelle de souffrances ! 53


TEAM ATLANTIC LADIES

DIANNE CARRINGTON

The Red Bulletin : Dianne, est-ce que l’âge entre en ligne de compte quand on a un objectif à atteindre ? dianne carrington : Si on a participé à cette course, c’est justement pour prouver le contraire. Ni l’âge ni le genre ne sont un obstacle. J’entends tellement de gens plus jeunes que moi me dire qu’ils ne pourraient par traver traverser l’Atlantique à la rame parce qu’ils sont trop vieux. Quant aux femmes, elles se disent trop faibles. C’est des conneries ! J’ai 62 ans et je me suis mise à l’aviron spécialement pour cette course ! Qu’est-ce qui fait que vous y êtes arrivée ? Il faut poursuivre son objectif au lieu d’en rêver ! Et en haute mer, ce qui m’a aidée par-dessus tout, ce sont les visualisations. Déjà quand je m’entraînais, je me voyais en plein milieu de l’Atlantique, bien loin de mon canal anglais. Et une fois dans l’océan, je m’imaginais sans cesse comment ce serait d’ar d’arriver à Antigua. Il faut toujours garder à l’esprit ce que l’on ressentira une fois l’objectif atteint. Vos deux coéquipières ont 55 ans. Avez-vous été confrontées à des préjugés quand vous avez décidé de participer à la course ? Absolument pas. Ma famille et mes amis le savent : quand j’ai une idée en tête, je vais jusqu’au bout. Et c’est aussi un peu pour eux que je l’ai fait : il n’y a pas longtemps, dans ma famille, deux de mes proches ont appris qu’ils étaient atteints d’un cancer, et un bon ami à moi n’a plus beaucoup de temps à vivre. Je voulais leur montrer que l’on peut se battre face à l’adversité. Et je parle aussi pour moi. Comment cela ? J’ai souffert de dépressions 54

anxieuses. Avec cette course, je voulais retrouver la confiance que j’avais perdue avec ma maladie. Ce périple devait me donner plus d’énergie et me rendre plus forte en tant que personne. Et ça a marché ? Oh que oui. À aucun moment, je n’ai pensé à abandonner. Même dans le moment le plus dur de la course : 50 milles avant l’arrivée. Les 18 dernières heures ont été les plus compliquées parce que l’une d’entre nous avait très mal à la jambe. On a appelé l’hélicoptère des secours, ils nous ont dit qu’ils viendraient nous récupérer, mais quand j’ai vu les vagues immenses autour de nous, c’était évident : personne ne pourrait nous sortir de là. Ce problème, on allait devoir le résoudre par nous-mêmes. Si on a tenu bon les dernières heures, c’est parce qu’on était totalement sous adrénaline. La seule manière d’atteindre notre objectif, c’était d’y arriver seules.

Si vous vous imaginiez une mer tranquille, détrompezvous. Les équipes ont affronté des vagues de plusieurs mètres de haut du premier au dernier jour.

La meilleure tenue, c’est la plus légère. De toute manière, on baigne tout le temps dans l’humidité.

Dianne Carrington, 62 ans : la plus âgée des conquérantes de l’Atlantique a atteint l’arrivée en 60 jours. Toujours en plein soleil : interdit d’accrocher un tissu pour se protéger – il pourrait servir de voile. THE RED BULLETIN

BEN DUFFY(2), ATLANTIC CAMPAIGNS, SWISS MOCEAN(2)

Traverser l’Atlantique à la rame en guise d’antidépresseur.


Du lac de Zurich à l’océan Atlantique : Luca Baltensperger.

TEAM SWISS MOCEAN

LUCA BALTENSPERGER CE QU’IL FAUT SAVOIR DU QUOTIDIEN À BORD Les repas

Chaque équipe doit avoir des provisions pour au moins 60 jours, la règle étant : 60 calories par kg de poids corporel par jour. Autrement dit, une personne de 100 kg devra avoir à sa disposition au moins 6 000 calories par jour. L’eau potable est obtenue grâce à une machine de dessalement de l’eau de mer.

Les blessures

Pour éviter les ampoules aux mains, on verse de l’alcool désinfectant dessus. Ça brûle hor horriblement pendant trois jours, mais après, il se forme des callosités très épaisses. Ce qu’on ne maîtrise pas : les blessures et les éruptions cutanées sur les fesses, car elles sont très peu ventilées, toujours humides, et elles frottent sur le siège.

Des rencontres extraordinaires

Les poissons volants, c’est sympa en journée, quand ils font des sauts allant jusqu’à 60 mètres. La nuit, c’est une vraie plaie, parce qu’ils ne voient pas le bateau – et il arrive qu’on s’en prenne un en pleine tête.

Les besoins naturels

La cabine est mal ventilée et la température peut grimper jusqu’à 50 degrés. Dans ces cas-là, impossible de dormir. La honte ? Il n’y a pas d’endroit séparé pour les toilettes, donc au bout de quelques jours, on finit par se regarder dans les yeux quand on y va.

THE RED BULLETIN

Un coupe-ongles a sauvé l’équipe suisse en détresse. the red bulletin : Luca, à peine vous étiez-vous éloigné du côté abrité du vent des îles Canaries qu’une vague a balayé votre bateau et a bien failli vous faire passer par-dessus bord avec Laurenz, l’un de vos coéquipiers. luca baltensperger : Nous, on vient de la Suisse et on n’avait jamais ramé que sur les eaux bien tranquilles du lac de Zurich, donc c’était un vrai baptême du feu. La vague a détruit notre gouvernail. Vous vous êtes donc retrouvés en détresse en pleine mer. On a commencé par jeter l’ancre pour garder notre position. Et puis, on a passé l’après-midi à discuter de ce qu’on allait faire. On avait bien un gouvernail de rechange, mais pour le fixer, il fallait que deux d’entre nous plongent sous le bateau et fassent passer un tuyau dans un trou étroit – qu’il fallait commencer par percer, le tout sur fond de vagues de cinq mètres de haut. On a discuté avec la direction de course, et ils nous ont tous déconseillé de prendre ce risque. Mais abandonner, ce n’était pas envisageable, la course venait à peine de commencer !

Comment avez-vous résolu ce problème sous pression ? On a percé le trou, mais le nouveau gouvernail ne rentrait pas, des copeaux bloquaient le tuyau. Dieu merci, Marvin, l’un de mes coéquipiers, avait embarqué un coupe-ongles. Et dire qu’on n’avait pas arrêté de le charrier avec ça avant la course : « Le revoilà encore, l’autre avec son coupeongles ! » Mais en haute mer, ça nous a bien sauvé la mise : on a pu couper les copeaux et donc insérer le nouveau gouvernail. Comment se motive-t-on à continuer en tant qu’équipe quand la situation semble désespérée ? En parlant ! On a parlé de l’incident en soi pour évacuer nos peurs et pour nous rassurer. Et le reste du temps, on parlait pendant des heures et des heures pour ne pas penser à la fatigue. À propos de tout. Peu importe le sujet, ça finissait toujours sur la bouffe. On imaginait ce qu’on commanderait une fois rentrés au bercail, escalopes, steaks et spätzle au fromage, ça nous faisait trop envie. Malgré le temps perdu à cause de la casse du gouvernail, votre bateau est le troisième à avoir rallié Antigua, en 30 jours et 4 h 59. Vous avez été devancés de seulement 2 heures par le deuxième et de 14 par le vainqueur. Qu’est-ce qui se serait passé si le gouvernail n’avait pas cassé ? On aurait pu gagner la course ! Mais même comme ça, on bat quand même le précédent record du monde. Et je crois qu’on en a appris plus avec cette casse du gouvernail qu’on aurait pu le faire avec une victoire de bout en bout. Et qu’avez-vous appris ? Que des choses qu’on ne maîtrise pas ont un impact sur notre vie. À rester dans l’instant et continuer à avancer parce que personne ne viendra nous aider.

taliskerwhiskyatlantic challenge.com 55


TAKE FIVE

JEREMY BURGE vous dit comment…

… LES ÉMOJIS ONT CHANGÉ SA VIE L’Australien de 34 ans, créateur d’Emojipedia, nous explique comment ces incontournables petits pictogrammes aident à mieux communiquer, et en quoi ils ont bouleversé son existence.

J’ai découvert les émojis en 2012, quand je travaillais en Australie comme consultant web pour les facultés. Apple les avait lancés au Japon, mais ailleurs, on ne pouvait se les procurer qu’en téléchargeant des applis plus ou moins douteuses. Quand leur utilisation sur ordis et smartphones s’est généralisée, je me suis dit que ce serait utile de créer un site de référencement standard sur les émojis, ainsi est née Emojipedia en 2013. Je ne savais pas qu’il y aurait encore plus d’émojis – ça m’a littéralement scié ! Et que ces émojis auraient un look différent selon les smartphones. Ce qui était au départ un site web basique, un projet pas très sérieux, est devenu le centre de ma vie : aujourd’hui, je continue à l’agrandir et à l’actualiser régulièrement. Nous avons 25 millions de visites par mois.

Exprimer ses humeurs ou ses sentiments devient un jeu d’enfant

Vos émojis préférés en disent long sur votre personnalité : moi par exemple, j’utilise très souvent le smiley renversé. J’adore son côté ambigu, genre : « Tu n’essaies pas de me dire qu’en fait tu ne penses pas ce que tu viens de dire ? » J’aime les doigts croisés aussi – je suppose que c’est mon côté plein d’espoir. Faire part de ses sentisenti ments devient beaucoup plus facile et spontané : plus besoin de blabla ou de formule pompeuse

Tony Hawk trouvait que notre skate faisait trop “années années 80”… 80 on avait bossé des mois dessus ! » JEREMY BURGE 56

– envoyer un petit cœur à la fin d’un message par exemple suffit à exprimer ce que l’on ressent.

Il y a un comité de validation des émojis

Le Unicode Consortium est une sorte d’institution académique, à but non lucratif (fondée en 1991 en Californie, USA), qui définit les standards de traduction des caractères typographiques en code. Ce qui est intéressant, c’est que les émojis étant considérés comme des caractères, ils sont automatiquement soumis à l’approbation du Consortium. Il y a des gens là-dedans qui estiment que « oui, on a besoin d’un émoji qui ait l’air d’avoir fait la fête toute la nuit ». Je suis membre du sous-comité préposé aux émojis, qui reçoit et étudie toutes les propositions (certains dossiers font plus de 20 pages !), envoyées par Apple ou par des gens comme vous et moi – car tout le monde peut en proposer. On vérifie d’abord la conformité à des critères standards avant de faire part de nos choix.

Burge : happy comme un smiley.

Tout est dans le détail

Il y a un an, nous avons créé un émoji skateboard. C’était une proposition du public, mais comme le Consortium ne crée pas lui-même les émojis, j’en ai proposé un sur mon site. Cette année, Tony Hawk a dit sur Instagram que notre skate faisait vraiment trop « années 80 » – alors qu’on avait bossé des mois sur son look ! Je l’ai contacté, et il m’a montré une photo de son skate à lui. Du coup, nous l’avons re-dessiné ensemble. L’an dernier, nous avons eu quelques problèmes avec l’émoji du grimpeur, et avons fait appel à la championne d’escalade, l’Américaine Sasha DiGiulian, pour nous aider sur le design, la posture du grimpeur ou même la position de la corde qui est différente selon qu’on soit pro ou amateur… des détails qui ont toute leur importance.

Émoji qui rit, succès garanti

J’ai créé la Journée mondiale des émojis en 2014, suivie peu après des World Emoji Awards, pendant lesquels le public peut voter pour ses émojis préférés. Je pensais que le prix d’excellence allait être rempor remporté par l’émoji-caca, mais le public a voté pour l’émoji-qui-rit-aux-larmes : c’est aujourd’hui celui qui est le plus utilisé sur les réseaux sociaux. Cela dit, les statistiques montrent que c’est en train de changer, les paris sont donc ouverts pour cette année !

La Journée mondiale des émojis est le 17 juillet; emojipedia. org

Entretien RUTH MORGAN THE RED BULLETIN

GETTY IMAGES

On peut (presque) tout dire avec


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«L’INNOVATION, L’INNOVATION, CE N’EST PAS DE LA TECHNOLOGIE, MAIS DES GENS » Il a longtemps œuvré au top de l’innovation, mais reste persuadé que l’homme, grâce à sa capacité à « redémarrer », sera le seul à même de se construire un avenir meilleur. MO GAWDAT partage avec nous sa dynamique pour rendre (à nouveau) un milliard de personnes heureuses. Texte PH CAMY Photos PORTRET IN BEDRIJF

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THE RED BULLETIN


Il fut Mr. Innovation pour Google X, dix ans durant : Mo Gawdat devient Mr. Happiness, pour le bien de tous.


En

2014, Mo Gawdat a perdu son fils lors d’une banale opération chirurgicale. « C’est indescriptible. Certaines personnes réagiraient en voulant se venger, en voulant prendre la vie de quelqu’un d’autre », déclarait l’Égyptien de 50 ans. Mais c’est aux autres qu’il a voulu « rendre la vie ». Pour lui, si un milliard de personnes peuvent avoir une vie meilleure, être plus heureux, en échange de la vie d’Ali, c’est « juste ». Quand il fut Chief business officer de Google X pendant dix ans, soit le Mr. Innovation de la firme, le but de Mo Gawdat était de rendre les utilisateurs de Google heureux. Dans ce « laboratoire secret », il construisait les « réponses à de futurs problèmes ». Alors qu’il vient de lancer la version française de son livre La formule du bonheur aux éditions Larousse, Gawdat a quitté Google pour se dédier à 100 % à sa fondation, One Billion Happy. Son nouveau but ? Rendre un milliard de personnes heureuses. Comment ? Nous lui avons posé la question, et une autre, fondamentale : est-ce que l’innovation peut vraiment nous rendre plus heureux ?

The Red BulleTin : L’idée au cœur de votre livre, c’est que pour être heureux, il faut vraiment savoir ce qui nous rendra heureux, n’est-ce pas ? Mo Gawda GawdaT : C’est bien cela, c’est une équation que j’ai nommée « l’équation du bonheur ». Avec elle, je détermine ce qu’est être heureux, ou être malheureux. Tout ce que j’apporte dans ce livre est présenté à la manière d’un ingénieur. J’ai utilisé des données, le plus possible, afin d’analyser les moments de ma vie où j’étais heureux, et ceux où je ne l’étais pas. Puis je les ai tracés sur des diagrammes, afin de déterminer la courbe de tendance qui pouvait devenir l’équation du bonheur. Quels furent vos résultats ? J’ai constaté que j’étais malheureux quand la vie ne m’apportait pas ce que j’attendais d’elle ; que chaque instant de bonheur était lié à un moment où ma vie répondait à mes attentes et à la façon dont je pensais que ma vie devait se dérouler. L’équation est donc simple : le bonheur est égal ou supérieur à la différence entre les événements de notre vie et nos attentes envers la vie.

Dans La formule du bonheur, Mo ne vous explique pas comment devenir heureux, mais comment le redevenir.

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En d’autres termes, ça veut dire quoi ? Que le bonheur est ce contentement basique que l’on ressent quand la vie est bien telle qu’elle est. Nous discutons actuellement, et nous avions établi avant l’interview qu’elle durerait 45 minutes, plutôt qu’une heure. Si vous êtes okay avec ça, alors vous êtes heureux. Si vous me dites : « Non, non, non ! Je veux une heure d’entretien ! », alors vous êtes malheureux. Ces 45 minutes sont peut-être trop longues finalement,

UN MONDE D’HEUREUX, ET MEILLEUR

Mo Gawdat a transcendé la pire tragédie de son existence en formulant une équation et un vœu : un milliard d’êtres humains sereins.

«SI CELA NE FAIT PAS VOTRE BONHEUR, NE L’ACHETEZ PAS» L’une des références mondiales en high-tech n’est pas un homme entouré de technologie. Moins il en utilise, mieux il se porte. «Le mythologue Joseph Campbell a dit: “On passe sa vie à gravir une échelle pour se rendre compte arrivé en haut que ce n’était pas la bonne échelle.” Nous sommes si nombreux à consacrer notre vie entière à accéder au succès, à l’argent, à fréquenter une superbe nana, que quand nous y arrivons, nous réalisons que ce n’est pas ça qu’il nous faut. Alors on en veut plus, encore plus, toujours plus. J’ai eu ce sentiment d’insatisfaction quand j’avais 29 ans. J’étais riche, j’avais tout ce que l’on peut souhaiter, mais j’étais profondément malheureux, j’ai commencé à me poser des questions. Fallait-il rester dans ce cercle, ou bien le briser ? Je suis fan de technologie, pourtant tous ces nouveaux gadgets que je me procurais étaient foireux, pas au point, ils m’emmerdaient plus qu’autre chose… J’ai aussi eu des Ferrari, des Bentley… Mais derrière le volant, tout ce que vous voyez, c’est la même route qu’un mec dans une Fiat 500… C’est du vent, je le jure ! Vous devez entretenir la Ferrari, et vous flippez de l’abîmer, ne savez pas où la garer… Moins vous posséderez de choses inutiles, achetées pour d’autres raisons que votre bonheur réel, plus vous serez heureux. » THE RED BULLETIN


«ÉLEVEZ VOS MACHINES COMME SI ELLES ÉTAIENT VOS ENFANTS» Pourquoi devrions-nous bien nous comporter en présence des machines ? Car selon Mo, elles dirigeront le monde d’ici quelques décennies. « Jusqu’ici, nous avons été en charge de la planète, mais dans vingt ans, les machines prendront le relais. L’intelligence artificielle est réelle, et va en grandissant. Ces machines apprennent l’intelligence, et aussi les valeurs, car les valeurs sont une forme d’intelligence. Aujourd’hui, elles sont confinées dans ce que nous appelons special intelligence (SI). Mais d’ici dix ans, elles vont accéder à l’intelligence générale : elles vont fouiller le Net, et apprendre… de qui ? De vous, de moi, comme si nous étions leurs parents. Si nous leur montrons que leurs parents préfèrent la haine, l’agressivité, la compétition, la cupidité et toutes ces autres valeurs qui nous définissent actuellement, elles vont devenir comme nous. Si nous leur montrons que nous sommes totalement motivés par des valeurs de bonheur et de compassion – être heureux et rendre les autres heureux – ces machines vont devenir des ados, puis des adultes comme nous. Si nous y parvenons, alors nous honorerons la promesse d’une technologie qui rend nos vies meilleures. La seule manière d’apprendre à nos enfants à devenir quelqu’un, c’est d’en être soi-même le modèle. Si vous leur dites de ne pas mentir et que vous mentez devant eux, ils vont apprendre comment on ment. Si nous parvenons à nous améliorer, nous ne serons pas simplement capables d’être plus heureux, mais nous rendrons les gens autour de nous heureux, et nous dessinerons un futur qui nous rendra tous heureux. »

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«POUR ÊTRE HEUREUX, DÉGAGEONS LES APPLIS!» Dans l’esprit de Mo Gawdat, l’homme est comme un smartphone : nous sommes nés intelligents, et puis les applications ont rappliqué… « Le sujet de mon livre n’est pas de devenir heureux, mais bien de comprendre que l’on sera heureux en cessant d’être malheureux, et en s’activant pour ça. Ne plus être malheureux vous permettra de revenir à votre configuration par défaut, et cette configuration, c’est le bonheur. J’utilise cette analogie : votre téléphone Android tout juste sorti de sa boîte marche parfaitement bien, et puis vous installez des applications. Et ces applis vont commencer à foutre en l’air votre téléphone. Nous sommes nés heureux, et puis on nous a dit : “La forme de votre corps compte, vous devez gagner plein d’argent, si vous réussissez moins bien que votre frère, alors vous êtes mauvais, etc.” Et alors, vous commencez à croire ces applications qui déglinguent votre système d’exploitation. Donc, je vous propose de dégager les applis, redémarrez ! »

« Le bonheur, c’est ça : votre configuration par défaut. Redémarrez, et dégagez les applications du malheur ! »

et vous allez alors me dire : « J’en veux 30 ! », et être malheureux. Ce 45 ne veut rien dire, la durée de l’interview en tant qu’événement ne veut rien dire, c’est la comparaison entre ce qui se passe et vos attentes qui est à prendre en compte. Donc, ne pas être heureux, c’est la pure interprétation d’un événement, pas l’événement en lui-même ? Quand tout se passe comme vous l’aviez prévu, votre cerveau fait quelque chose d’extraordinaire : il vous laisse totalement tranquille. Il se la ferme. Et parce qu’il se la ferme, vous ne pensez pas à toutes ces choses qui vous rendent malheureux. C’est quand votre cerveau estime que ce qui se passe ne répond pas à vos attentes, ne rentre plus dans votre « cadre de sécurité » que votre cerveau va vous dire : « Non, non, non ! Ça ne doit pas se passer comme ça ! » Votre cerveau vous alerte avec des émotions négatives : inquiétude, peur, anxiété, tristesse. C’est un mécanisme de survie. Votre cerveau veut être en sécurité, dans les meilleures conditions qui soient. Il vous alerte car il veut que vous changiez la donne. Quelle est la place de la technologie dans votre équation ? Nous permetelle de garder notre cerveau en mode « muet » ? La technologie en soi, en tant qu’événement – nous rendre heureux ou l’inverse – n’a aucun effet. C’est un outil à double tranchant. Vous pouvez utiliser un stylo pour prendre des notes, ou me le planter dans l’œil. Mais le stylo en soi n’a aucun pouvoir sur votre bien-être, absolument aucun… C’est la façon dont on l’utilise… Exactement, c’est la façon dont vous l’utilisez qui compte. La technologie est conçue pour deux choses. La première : faire croître notre productivité, augmenter nos capacités humaines. Vous et moi pouvons courir à 10 km/h, mais si nous montons dans une voiture, nous pouvons alors aller à 200 km/h ; la technologie augmente donc nos capacités. De même, si je peux parler à distance avec ma fille qui est à Montréal, c’est que cela exagère, amplifie mes capacités. La technologie peut le faire, et le fera toujours très bien. La seconde chose, bien sûr, c’est le bénéfice personnel du fournisseur de 61


Mo Gawdat a analysé sa capacité à être ­heureux en se basant sur des données, celles liées à sa propre existence.


«NOUS AVONS TOUS UNE AUTRE CHANCE» Mo Gawdat a été confronté à la mort de son fils, Ali, qui est décédé suite à une erreur banale lors d’une opération chirurgicale. Il a accepté sa mort, mais a décidé d’en faire quelque chose de positif. « Quand j’ai perdu Ali… Ali était un être humain incroyable, sensationnel. Je l’ai eu très jeune, il était très proche de moi. Il était si avisé, il était comme mon coach. Le perdre fut un choc extrême. Tout le monde pense que quand on perd son enfant, on n’a plus d’autre choix que de pleurer jusqu’à la fin de ses jours. Oui, perdre un enfant, ça fait mal chaque jour, mais pleurer tout le reste de sa vie ne sert à rien. Ça ne me ramènera pas mon fils. Sur mon lit de mort, il ne sera pas là. J’ai eu un autre choix, celui d’être heureux et de faire ce qu’il faut pour y arriver. J’appelle cela de l’acceptation engagée. J’ai accepté qu’Ali meurt, car je savais qu’il ne reviendrait jamais. L’engagement dans cette acceptation vient du fait que je me dis : “Ce n’est pas assez, je ne vais pas rester dans ce statut le reste de ma vie, je vais faire en sorte que demain soit un peu meilleur qu’aujourd’hui, et que le jour suivant soit un peu meilleur que demain.” C’est ce que font les innovateurs et les entrepreneurs. Quand ça va mal, ils disent : “Que puis-je faire pour arranger les choses, les rendre meilleures ? Je ne pourrai peut-être pas réparer ce qui est cassé, mais au moins l’améliorer…” Je suis littéralement allé au contact de mon cerveau quand il a commencé à me dire que ma vie était foutue… et je lui ai fait : “Cerveau, donne-moi une pensée à partir de laquelle je puisse travailler quelque chose.” »

« On vous dit que le succès mène au bonheur, mais c’est un mensonge. Soyez heureux pour avoir du succès, motivez ce bonheur. »

«ÊTRE HEUREUX, C’EST COMME LE SPORT» L’ex-boss de Google X explique pourquoi nous devrions motiver notre esprit, comme nous savons le faire avec notre corps, pour être heureux. « Vous et moi pouvons toujours nous plaindre ainsi : “Je suis génétiquement disposé à prendre du poids.” C’est faux ! Si on s’applique à manger sainement et à faire du sport plusieurs fois par semaine, on perdra du poids. Pour ça, il faut faire de la gym une priorité, et aller au cours de sport. C’est pareil avec le bonheur. Si le bonheur devient votre priorité, que vous basez vos décisions sur le bonheur, et y travaillez, en le cultivant, en fréquentant des gens heureux, en regardant des vidéos, ou je ne sais quoi d’autre, vous y arriverez. Le problème est que nous ne faisons pas ce choix. Quand on passe un entretien pour un job, on pense argent, meilleur poste. On ne postule pas pour un job qui nous rendra heureux. Au final, on obtient plus d’argent et un meilleur poste, mais on est malheureux. »

THE RED BULLETIN

technologie. Google veut faire de l’argent, tout comme Facebook et d’autres. Mais le choix d’être heureux ou malheureux grâce ou à cause des technologies n’appartient qu’à nous. Le problème, c’est que cette technologie est conçue pour nous rendre accro, nous donner envie d’y rester, dans cette technologie. C’est là que les fournisseurs de technologie font de l’argent, et que ça travaille contre nous. Finalement, est-ce que c’est au fournisseur de technologie de s’en soucier ? Non, honnêtement, c’est notre challenge. Car tant que nous continuerons à acheter un iPhone X parce qu’on le croit plus classe que le 8, Apple continuera à faire des iPhone XII plus classes que le précédent. Quel est votre plan, concrètement, pour mener un maximum de gens vers plus de bonheur ? C’est un plan en trois points. Le premier : je veux que les gens prennent conscience que le bonheur est un droit naturel, et que comme, le fitness, si j’y travaille, je peux y arriver. Le deuxième : je veux leur donner les ressources, dans leur langue locale, dans un format qui peut être une vidéo ou un livre, via lesquels je leur transmets l’envie d’investir une heure par jour dans leur bonheur, comme on irait à la gym, et ce quatre à cinq fois par semaine. Le troisième et le plus essentiel : en trouvant votre vrai bonheur, vous serez enclin à vouloir rendre les autres heureux autour de vous. Je demande aux gens de parler au moins à deux autres personnes, et de les motiver à investir dans leur bonheur ; ces deux personnes vont faire de même avec deux autres personnes, et ainsi de suite. Se dessinerait alors une courbe exponentielle qui nous mènerait à un milliard de gens d’ici cinq ans. Il est intéressant de discuter avec une autorité de l’innovation et des technologies, un ex-ponte de Google, et de l’écouter parler d’innovation en termes de partage d’idées, d’état d’esprit, et non d’applications technologiques. Quand on parle d’innovation, la plupart des gens pensent que c’est de la technologie… mais non. Tout ce que j’ai inventé chez Google et Google X était intimement lié aux gens. Je n’ai jamais vraiment inventé quelque chose moi-même. Je me suis tenu à motiver des gens à aller dans le bon sens, afin que, ensemble, nous écrivions le code, et qu’ensemble, nous atteignons l’utilisateur, et qu’ensemble, nous lancions le produit. Il s’agit des gens, vraiment.

onebillionhappy.org 63


RAY DE LUMIÈRE Karin Dreijer – nom officiel de l’auteure-compositrice-

chanteuse FEVER RAY – a toujours su faire planer le mystère autour d’elle. Mais pour son équipe, que nous avons rencontrée dans les coulisses de sa tournée mondiale 2018, l’artiste suédoise est avant tout un être de lumière, de fièvre (créatrice) et de chaleur (humaine). Texte LAURA SNAPES


JULIE GLASSBERG

D’entité vêtue de noir à zombie néon rasé : le personnage de scène de Karin Dreijer a changé de façon spectaculaire depuis 2010.

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L’ingénieure son Laura Davis adore voir l’air ahuri des gens lorsque l’équipe arrive sur les lieux du concert.

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Dans une industrie paralysée par les stéréotypes sexuels, Fever Ray fait sauter les barrières et brise les carcans de la binarité en inventant un projet mené par des femmes ou des personnes intersexuées. Les membres de son équipe que nous croisons à Londres sont unanimes quant au résultat : « Je me sens vraiment bien dans ma peau, nous confirme Diva Cruz, batteuse du groupe. Avec des mecs, tu dois toujours prouver ce dont tu es capable, alors qu’ici, c’est génial de jouer avec des femmes fortes qui te donnent la liberté de t’exprimer et de ressentir ce que tu veux. Et quand je vois ces artistes incroyables, avec les lumières, le son… il y a tellement de bonté et de puissance dans tout ça. »

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e Troxy Theater, en banlieue est du centre londonien, est un de ces endroits qui vous font voyager dans le temps : son intérieur art déco et les petites tables disposées autour de la scène rappellent la folle époque des années 30. Dans les coulisses, l’une des performeuses, Helena Gutarra, est en pleine discussion FaceTime avec ses enfants, tandis que l’équipe technique effectue les derniers checks de l’orchestration lumière. Le Plunge Tour, qui se déroulera sur toute l’année 2018, est sans doute plus conceptuel que promotionnel, tant Karin Dreijer y a investi d’énergie et de convictions personnelles. Son équipe d’artistes et de techniciens est ainsi presque uniquement composée de femmes ou de personnes « non-binaires », comme elle le dit : quatre hommes et neuf femmes (dont la conductrice du bus, Jessica Thorzén) – une exception dans le monde très masculin de l’industrie musicale. Parmi les danseusesperformeuses, des amies de longue date (comme Maryam Nikandish, qui était déjà là lors du Shaking the Habitual Tour), ou la batteuse Lili Zavala, embauchée en 2009 par Karin à la suite d’une annonce sur un site suédois dédié aux musiciennes. Helena Gutarra, danseuse-chanteuse-performeuse captivante, à la voix et au visage de madone, est rentrée dans le projet Fever Ray grâce à Nikandish. « Elle m’a expliqué que Karin cherchait une nana avec une voix puissante, qui aime la scène et le spectacle », nous dit l’intéressée d’un ton amusé. « On peut dire qu’elle ne s’est pas trompée ! », lance Miko Hansson, claviériste du groupe, qui a rejoint l’équipe via Lili Zavala, tout comme Diva Cruz, avec qui elle jouait dans un groupe de salsa. Lors de la dernière tournée de 2009, Zavala était la seule musicienne à jouer live. Lorsque Dreijer lui propose de participer au Plunge Tour, celle-ci accepte, à une condition : que toute la musique soit jouée live, pas seulement la batterie. « Karin a fait : “Hein ? Mais comment ?”, raconte Zavala, en faisant une grimace. J’ai répondu qu’on pouvait le faire », et la batteuse nous mime la réaction enthousiaste de son amie.

Un autre avantage à partir en tournée avec des femmes : « Dans le bus, ça pue moins. » THE RED BULLETIN

JULIE GLASSBERG, ALEXA VACHON (2)

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arin Dreijer alias Fever Ray est ce qu’on appelle une artiste aussi inclassable qu’insondable. Prêtresse-chaman gothique au visage strié dans les débuts de sa carrière solo en 2009, elle remporte un an plus tard, dans sa Suède natale, le prix de la meilleure danseuse pour une perfor performance qu’elle joue maquillée comme un personnage de cire un peu trop exposé au soleil et qui dégouline en lambeaux de chair. Insaisissable tant dans sa musique que dans ses (rares) apparitions publiques, cette reine de la métamorphose trash vit son art comme un joyeux combat politique, une exhortation rageuse à briser les chaînes de la normativité, un cri libertin et libérateur. Et des choses à dire, elle en a : sur le féminisme, la sexualité transgenre, la violence du patriarcat… Puissant, jouissif et sexy, son deuxième album solo, Plunge, sorti fin 2017, s’écoute comme une ode (électrique) à la joie, et se lit comme un pamphlet dédié à toutes les victimes de répressions sexuelles. « Je veux plonger mes doigts dans ta chatte », hurle-t-elle de sa belle voix chaude et cassée dans le titre To The Moon And Back. Cette liberté de ton et de style, la même qui avait déjà fait le succès de The Knife – le duo branché qu’elle formait avec son frère Olof – est en partie conditionnée par une farouche, voire maladive discrétion sur tout ce qui touche à la sphère privée : visages masqués, photoshopés, interviews données au comptegoutte, le duo Dreijer cultivait l’art du foutage de gueule et s’était d’ailleurs attiré (intentionnellement ?) les foudres de certains fans lors de leur dernière tour tournée, Shaking the Habitual Tour, en 2013. Cinq ans plus tard, alors que la sœur Dreijer sillonne sans frangin les routes d’Europe pour régaler son public des dernières créations du projet solo Fever Ray, on est d’autant plus frappé par la transparence, l’esprit de coopération et de communion qui règnent au sein de sa troupe… presque exclusivement féminine.


­Nikandish en ­costume, ­sublimée par les lumières de Sarah Landau.

La danseuse Maryam ­Nikandish (à g.) et la batteuse Diva Cruz se détendent avant d’entrer sur scène.


Miko Hansson renchérit : « On était toutes du même avis : quitte à monter une soixantaine de fois sur scène, autant jouer pour de vrai, sinon ça risque vite de devenir fade. Évidemment, cela veut dire plus de boulot en amont, mais au final, le résultat est bien meilleur, on peut interagir avec le public, capter son énergie. » Cette symbiose avec le public, Dreijer la cherche aussi avec son équipe : la conceptualisation du spectacle s’est donc faite, tout naturellement, en groupe avec les cinq autres nanas qui partagent la scène avec elle. Zavala et Nikandish, qui la connaissent depuis longtemps, nous le rappellent : pour Karin, Fever Ray est bien plus une aventure collective qu’un projet solo. « On s’est réunies, on a écouté la musique, toutes ensemble, et puis on a beaucoup discuté : des chansons, de la dramaturgie du spectacle, de comment on l’imaginait, de ce que l’on voulait faire ressentir au public. Comme dans la tour tournée Shaking the Habitual, on a fonctionné selon nos envies, en essayant avant tout de s’éclater sur scène. » « Même pour la musique, on a eu notre espace de liberté et notre mot à dire, rajoute Hansson. Karin a une idée très précise de ce qu’elle aime ou pas, mais avec elle, on est toujours libre d’essayer, de proposer des trucs, d’y ajouter notre touche perso. Que ce soit pour la musique, les lumières, la technique : on nous fait confiance. » Cette liberté de créer traduit en fait le véritable leitmotiv de la tournée : liberté de créer son propre genre, d’inventer sa propre sexualité. Comme le confirme Nikandish, « se libérer du regard masculin, patriarcal et oppresseur de notre société est une des idées les plus importantes du projet ». Rien de plus logique, donc, pour livrer bataille, que de se déguiser en super-guerrières Avengers. Conçues spécialement par Karin et son directeur artistique Martin Falck (qui réalise aussi ses clips) : l’écoloamazone, la scientifique anarcho, la folle de mode, la fouineuse de poubelles, et la body-buildeuse – une armée de barbouzes au féminin, complètement bar barrées et bien décidées, surtout, à s’éclater sur scène. « C’est ce qui se passe à chaque fois, pendant et après le spectacle », lance Zavala. Hors-cadre et hors-normes, sur scène comme dans la vie : il faut dire qu’à l’exception de Hansson, l’âge des performeuses tourne autour de 40 ans, et que la plupart d’entre elles ont des gosses. Gutarra le sait : « C’est complètement atypique, ça ! C’est comme si quelque chose de nouveau était en train de se produire : d’où l’importance de faire cette tournée. »

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videmment, lorsque des femmes (qui plus est, mères de famille !) montent sur scène pour parler cul et transsexualité, ça ne plaît pas à tout le monde : les filles me citent alors l’exemple d’un journaliste d’un magazine suédois, qui se demandait s’il était légitime, pour une femme de 42 ans (l’âge de Karin aka Fever Ray) vivant en banlieue de Stockholm d’exprimer ses désirs sexuels. « Quand l’album est sorti, on en a vu de toutes les couleurs, nous raconte Zavala. Mais j’étais tellement contente d’être là, justement parce que moi aussi, j’ai plus de 40 ans, j’ai des gosses, je vis en banlieue, et que je m’identifie complètement au projet. Pourquoi n’aurais-je pas le droit de parler de ma sexualité ? » 68

Le véritable leitmotiv de la tournée ? La liberté de créer son propre genre, d’inventer sa propre sexualité.


ALEXA VACHON

Helena Gutarra en bodybuildeuse de choc (à gauche) et Karin Dreijer s’éclatent sur scène.


Le projet Fever Ray de Karin Dreijer prône la libération sexuelle, l’énergie positive et la coopération.

Chaque performeuse joue un personnage. Ici, Lili Zavala en écolo-amazone.

Dans une industrie paralysée par les stéréotypes sexuels, Fever Ray fait sauter les barrières.


« Cette vieille peau qui veut encore baiser ! », se marre Nikandish avec une mine faussement dégoûtée. L’ingénieure lumière, Sarah Landau, est elle aussi sous le charme. « En tant que queer qui assume ses lubies sexuelles, oui, je me retrouve complètement dans la philosophie du projet. » Elle qui a déjà travaillé avec des groupes comme M83, Tegan and Sara et A Perfect Circle se dit ravie d’être entourée presque exclusivement de filles. «Je me sens plus en phase avec moi-même que lorsque je bosse sur des gros concerts de rock dans des stades, avec une quarantaine de mecs. Ce que j’adore aussi, c’est la tête des gens quand on arrive sur les lieux du concert. Sans oublier un détail de taille lorsqu’on accompagne une tournée féminine : dans le bus, ça pue nettement moins ! » Et ce n’est pas tout : Dreijer, afin de coller complètement à ses principes, ne peut s’empêcher de chouchouter ses ouailles. Séances de hammam, de yoga ou de méditation, excursions, soirée kizomba, restos végétariens, réunions quotidiennes avec le staff et avant chaque concert, et même (cerise sur le gâteau) une semaine de congés pendant la tournée « pour aller embrasser ses enfants et ses proches », dixit Karin. Budget serré oblige, l’équipe est réduite au minimum, ce qui suppose une grande flexibilité et beaucoup, beaucoup de boulot pour tout le monde : Sarah Landau est seule aux commandes pendant toute la durée du spectacle. Mais Dreijer, qui reste parfaite-

ALEXA VACHON

Diva Cruz : une guerrière à la batterie.

ment consciente de la pression qu’elle met sur ses collaborateurs et collaboratrices, sait aussi leur dire merci quand il le faut. « Elle vient nous voir, nous bichonne, nous fait un thé… », raconte Davis, et Landau d’ajouter : « On vient toujours nous dire merci, ce qui, dans ce monde-là, est finalement assez rare. » Bizarrement, alors que rien n’est vraiment pensé en termes de rentabilité, le projet Plunge Tour fonctionne : et même si cette semaine de congés en pleine tournée est « une folie financière », comme le dit la manager de la tournée Lotje Horvers qui a déjà bossé avec The Knife, hors de question pour Miss Ray de faire l’impasse sur ce point.

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orvers raconte alors comment, lors d’un premier entretien avec Karin, celle-ci l’avait inter interrogée sur ses idées politiques. Une question certes atypique pour un entretien d’embauche, mais qui reflète bien la nature profonde du projet et de la fille qui le porte à bout de bras. Cette politique de l’empowerment empowerment et du respect semble d’ailleurs bénéfique : Miko Hansson s’est rendue compte qu’elle jouait différemment, qu’elle osait prendre plus d’espace sur scène que lorsqu’elle ne joue qu’avec des hommes. « J’adore être là, cette expérience m’apprend plein de choses et a bouleversé toutes mes conceptions, notamment sur la sexualité. » Zavala rajoute que cette tournée a une énergie incroyable. « Les hommes pensent souvent que la batterie, c’est masculin, et que je n’en suis pas capable. Mais bon, cette tournée, ce n’est quand même pas six nanas sur scène qui poussent un coup de gueule ! On danse, on est là pour vous donner une bonne énergie. » Alors que l’heure d’entrer sur scène approche, la tension devient électrique, palpable, mais toujours très positive : longues séances de maquillage, costumes, mousseux et déhanchements sur de la salsa, on peut dire que ces préparatifs ne ressemblent pas à ceux des concerts de rock. De l’autre côté de la scène, la salle est pleine à craquer ; des écrans enjoignent les spectateurs (encore une idée de Fever Ray) à garder leurs portables et caméras dans leurs poches, « pour partager ce moment avec nous », et à « laisser les plus petits devant, merci ». Un dernier message diffuse ce que Horvers appelle la devise de la tournée : « Les femmes au front. » Sur scène, la symbiose est totale, et la sauce prend très vite. D’ailleurs, chose inhabituelle pour un concert en plein milieu de semaine, le public se met très vite à danser, en complète harmonie avec les rythmes salsa et jungle qui parsèment les créations de Plunge, alors que Cruz et Zavala balancent des décharges de percus comme un appel au combat. À la lumière, Landau réussit à donner à chaque personnage une aura surréaliste, transformant Gutarra, Nikandish et Dreijer en super-héroïnes prêtes à faire imploser les carcans de la normativité : « On est pleines de vie, on est là, on danse, on est avec vous – qu’est-ce qui, dans cet instant-là, n’est pas complètement authentique ? », nous demandait Nikandish avant le show. À voir les mines ravies du public, on se dit que l’authenticité, ça a du bon.

feverray.com THE RED BULLETIN

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L’AVENTURIER


IMPROBABLE Quand ASH DYKES décide de devenir un explorateur, il a peu d’expérience et les sceptiques sont légion. Aujourd’hui, le Gallois de 26 ans a deux premières mondiales à son palmarès. Comment est-il passé de zéro à superhéros ? Texte MATT RAY Photos DAVID GOLDMAN

Dykes s’entraîne dans sa ville d’Old Colwyn, avec du ­matos qu’il stocke dans son jardin et son garage.

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Explorateur de province

Une promenade balayée par les vents, un marché de plein air, un ponton à l’abandon et une population vieillissante : la cité balnéaire d’Old Colwyn, au Pays de Galles, est du genre quelconque. Un gars comme Ash Dykes – aventurier des temps modernes avec deux premières mondiales à son palmarès, et plusieurs responsables de chaînes de télévision dans ses contacts –, on l’imagine vivre dans un cadre plus exotique ou du moins plus cosmopolite. Mais peu lui importe, cette ville si tranquille, c’est son spot. Dykes vit avec ses parents et, pour préparer ses expéditions, il s’entraîne dans son garage, dans son jardin ou en ville. Basta. Après un trek en solo sans assistance à travers la Mongolie et la traversée de Madagascar dans la longueur en passant par ses plus hauts sommets, Old Colwyn semble être l’endroit parfait pour faire profil bas quand on est un aventurier. « Moi, je l’appelle Oldsville !, dit Dykes en riant. C’est super parce qu’il n’y a rien à faire – je peux me concentrer à fond sur mon entraînement et organiser tranquillement ma prochaine expédition. » La plupart des explorateurs sont d’anciens militaires ou héritiers de familles fortunées, Dykes est une joyeuse anomalie. Avec son survêt et ses baskets, il se fond parfaitement dans le paysage d’Old Colwyn. Mais ce provincial s’est mué en un aventurier de classe internationale. Dykes a toujours eu de l’énergie à revendre. Longtemps, il pratique la gym et à l’adolescence, il court en crosscountry pour le Pays de Galles du Nord. Puis, il quitte l’école et se lance dans un diplôme national en éducation physique, et c’est là qu’il commence à envisager sérieusement de réorienter ses compétences dans le domaine de l’aventure. Tandis que ses camarades se lancent sur un chemin déjà tout tracé, Dykes sait

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SUR LE TERRAIN Comment améliorer sa condition physique sans payer d’abonnement à la salle de sport.

qu’il lui faut son propre plan d’action (action étant ici le mot-clé). « L’aventure, ça m’attirait irrésistiblement, explique-t-il. J’étais fasciné par les techniques que de petites communautés utilisaient pour survivre dans des environnements rudes et loin de tout. J’entendais des gens raconter leurs histoires de voyage, je voyais des images incroyables dans les documentaires, mais je ne voulais pas me contenter de regarder et d’écouter, je voulais aller là-bas pour faire tout ça moi aussi. » Mais Dykes doit d’abord acquérir certaines compétences par lui-même. Il évoque en riant la fois où il s’était embarqué dans une formation en compétences hivernales dans les montagnes d’Écosse. « Je me suis pointé avec ma combinaison adidas et mes gants à 1 euro, j’étais ridicule ! Ils m’ont dit : « Mais, Ash, qu’est-ce que tu fous ? Tu vas te geler là-bas ! » Je crois que ça m’a gonflé à bloc. Pendant l’ascension, je suis passé en tête du groupe et je motivais les autres : “Allez les gars, on grimpe, on grimpe !” Cela ne leur a pas plu… »

Des vélos à 10 euros

C’est à cet enthousiasme sans bornes allié à une insouciance presque d’un autre temps que Dykes doit sa réussite. « J’emportais le moins de matos possible. C’est super arrogant de faire ça, mais j’étais jeune, tout simplement. J’étais prétentieux, sûr de moi, du genre, “OK, on y va !” » Heureusement, ce côté fonceur complète bien sa manière d’apprendre, et il progresse rapidement. « Je me suis rendu compte que j’étais

1. Mettez le paquet

Dykes adore courir, parfois avec un gilet lesté – le truc, c’est de varier les plaisirs. « Ça peut être des sprints en côtes ou dans les escaliers ; ça peut être un kilomètre, deux, trois, dix… Peu importe. Une bonne session de running, ça libère les endorphines et ça fait travailler le cardio. »

plus du genre kinesthésique d’un point de vue apprentissage. J’en ai appris bien plus par l’expérience, la pratique, en mettant la main à la pâte, à force de faire des erreurs et d’essayer de ne jamais refaire les mêmes. » Pour joindre les deux bouts, il lave des patates dans une friterie, puis il bosse en tant que maître-nageur, tout en économisant compulsivement pour partir en voyage avec ses amis. Ces économies partiront presque en fumée en quelques mois frustrants au cours d’un trek en Asie du Sud-Est. Lassés des sentiers en terre battue, ils achètent des vélos à 10 euros (avec des paniers roses à l’avant), quittent le Cambodge et parcourent près de 1 800 km jusqu’au sud du Vietnam. Ensuite, ils roulent jusqu’en Thaïlande, avant de se faufiler en THE RED BULLETIN


«J’ai plus appris avec la pratique.» Dykes utilise des cordes ondulatoires pour travailler ses abdos et le haut du corps.


«Old Colwyn, c’est super… Il n’y a rien à faire.» Les exercices pliométriques de ce type sont essentiels au training de Dykes.


Birmanie à la faveur de la jungle : « On n’avait pas assez d’argent pour se payer des visas. » Heureusement pour le trio de novices, ils tombent sur une tribu de montagnards qui leur apprend ses trucs, à base de signaux manuels pour survivre dans la jungle. Ash l’aventurier est né.

Une liste de dangers

Les expéditions de Dykes sont bien planifiées, mais plutôt qu’un gros budget et une équipe d’assistance prête à réagir au pied levé, c’est sur une détermination sans concession qu’elles reposent. Sa première mondiale lors de son trek en Mongolie en est une parfaite illustration : aussi déterminé qu’il soit, c’est seulement deux semaines avant de prendre l’avion que Dykes s’occupe du financement. Et son attirail est rudimentaire : un petit chariot bas de gamme en acier à tirer à la seule force des bras, un téléphone satellite pour SMS uniquement, et aucune possibilité de se faire évacuer en hélicoptère. Ce trek en solo, de la ville la plus à l’ouest à la ville la plus à l’est, avait déjà été tenté par un explorateur issu de la Marine. Bien plus qualifié – sur le papier – que Dykes, il avait dû toutefois abandonner à mi-parcours. « Il m’a fait une liste de dangers : vagabonds bourrés, puits secs, eau stagnante, loups, blizzard, tempêtes de sable, ravins escarpés… ». Et, selon des cavaliers participant à une course à cheval annuelle de 1 600 km dans la steppe mongole, le terrain n’était déjà pas facile pour des étalons de la région, alors pour un mec sans expérience venu d’Old Colwyn, n’en parlons pas. Ash Dykes engage un responsable logistique qui l’aide à décomposer son défi en étapes quotidiennes. « Il m’a expliqué que le plus grand défi aurait lieu dans ma tête, car c’est un endroit désertique – le deuxième pays le moins peuplé au monde. Il a ajouté que je devrais me motiver et prendre mes propres décisions. »

Entrailles asséchées

Ce trek de 2 400 km durera 78 jours. Pour Dykes, 78 jours à traîner les 120 kilos de nourriture, d’eau et de matériel nécessaires à sa survie : THE RED BULLETIN

La méthode Dykes : tout explorateur et aventurier qui se respecte devrait avoir un énorme pneu de tracteur au fond de son jardin.

2. Soyez explosif !

Pas beaucoup de temps ? Combinez différents exercices dans de grosses séries en continu pour augmenter l’intensité et raccourcir les séances. « 13 tractions prise large, 25 pompes et 15 dips. C’est une série, et j’en ferais 10 comme ça. »

3. Pensez petits objectifs

Les classiques peuvent ennuyer, voyez plus loin. « Fixez-vous l’objectif de bien maîtriser les pompes classiques pour réussir les pompes à une main ou les pompes claquées. Cela pimentera votre séance. »

« C’est le poids d’un bébé éléphant. Il m’a fallu trois semaines pour franchir l’Altaï, cinq pour le désert de Gobi et trois pour la steppe mongole. » Dans le désert de Gobi, par une température de 45 °C et sans aucune ombre naturelle, il souffre de déshydratation sévère, s’enlise dans le sable et frôle la mort. « Je me penchais en avant à près de 90 degrés dans mon harnais à quatre points, à essayer de tirer ce qui semblait être un bloc de béton à travers l’enfer, raconte-t-il. Je délirais, j’avais des hallucinations. Je pouvais presque sentir mes entrailles en train de s’assécher. Tout était au ralenti. C’était horrible. » S’arrêtant pour se reposer dans l’ombre suffocante en dessous de son chariot, Dykes réalise que sans un plan, il ne s’en sortira pas – s’il appelle à l’aide, les secours mettront au moins quatre jours à arriver. Ses réserves en eau se sont dangereusement taries. Et il sait qu’une meute de loups chasse dans les environs. « C’était le moment de faire ce que j’avais visualisé pendant l’entraînement : me fixer de petits objectifs, explique Dykes. Je souffrais trop pour m’imaginer marcher quatre jours dans cette chaleur jusqu’au prochain village et au prochain point 77


«S’abonner à la salle? Pas une option.» des loups, je m’attends à me faire attaquer. S’il doit y avoir des tempêtes de neige ou de sable, je m’attends à ce qu’elles soient énormes. Si une catastrophe se présente, on ne panique pas, ce qui peut être fatal. On reste en mode attaque. On s’y attendait, on a visualisé la façon de s’en sortir et on continue à avancer comme si de rien n’était. »

Un trek de 2 600 km

Dykes se sert de chaque petit matériel de gym en plein air chez lui. Ces bancs en bois à haut dossier se prêtent parfaitement au travail des abdos.

d’eau, mais parcourir 100 mètres, c’était faisable. Alors je me suis dit ne pas me reposer plus de cinq minutes sous le chariot et de marcher 100 ou 200 mètres avant de me reposer cinq minutes de plus. Ainsi, aussi dur que ce soit, j’avancerais lentement mais sûrement. Ces quatre jours furent très longs, mais j’ai survécu. »

S’attendre au pire

Si Dykes est fou, il y a de la méthode dans sa folie. « J’avais 100 euros sur mon compte quand je suis rentré de Thaïlande, donc l’abonnement en salle de sport n’était pas une option, explique-t-il. De par l’expérience que j’avais acquise pendant mes voyages, je savais qu’il était tout à fait possible de s’entraîner dans sa chambre d’hôtel – en faisant des pompes avec un sac à dos, par exemple – donc je n’avais pas de doute sur l’efficacité d’un entraînement maison. » Et ses préparations deviennent tellement copieuses qu’elles peuvent durer trois heures : « On se sculpte physiquement, mais aussi mentalement. On met encore plus d’énergie dans sa prépa quand on sait que ce qui nous attend sera bien pire. » L’optimisme n’a pas sa place chez Dykes. Non pas qu’il soit défaitiste, mais il est préparé. « S’il doit y avoir 78

4. Ciblez vos abdos

Une bonne vieille planche pour travailler ses abdos, c’est top. « Les crunchs, ça peut voûter encore plus le dos, mais avec la planche, on garde une posture stable avec le regard légèrement tourné vers le haut. C’est bon pour les abdos et les muscles profonds. »

5. Placez la barre plus haut

Installez une barre de traction chez vous. « Les tractions prise large, c’est un must : bon pour la posture, les dorsaux, les bras et les muscles profonds parce qu’il faut empêcher les jambes de se balancer. »

Sa deuxième première mondiale, Ash Dykes la décroche dans la jungle et les montagnes reculées de Madagascar, lors d’un trek de 2 600 km sur toute la longueur de l’intérieur de l’île, en passant par un plateau et les huit plus hauts sommets sur le par parcours. Celle-là, personne ne l’avait encore tentée, et pour cause. Comme Dykes le fait remarquer, le parcours fait seulement 200 km de plus qu’en Mongolie, mais ce trek de 155 jours lui aura pris deux fois plus de temps. « La jungle, c’était hard. Et quand elle devient montagneuse, alors là… » Il se plonge dans une rêverie silencieuse pendant un instant avant de revenir à la réalité, à nouveau débordant d’énergie. « Les gens m’interrogent sur ma technique… J’ai utilisé une machette pour me tailler un chemin dans le bush parce qu’il n’y avait pas de sentier ! Cela fait par partie des montagnes les plus difficiles que j’aie jamais eues à gravir. » À certains endroits, la jungle de bambous est tellement épaisse que lui et son photographe couvrent seulement 2,5 km en douze heures. « On avait des ampoules aux mains à force de tailler, raconte Dykes. On mettait cinq coups de hache par bambou pour en venir à bout, puis on regar regardait vers le haut et on en voyait des milliers d’autres devant nous. Une fois, sur la quatrième plus haute montagne, on a dû faire demi-tour et revenir sur nos pas pendant trois jours pour trouver un autre itinéraire vers le sommet. Dur. »

Pluie de sangsues

L’expédition se poursuit pendant la saison cyclonique, ce qui n’était pas prévu au programme. Dans le sud, il attrape la souche la plus mortelle du paludisme – un dîner « à base THE RED BULLETIN


FESTIVAL DES CULTURES ÉLECTRONIQUES

PARC FLORAL DE PARIS | 20h > 07h

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JUILLET 2018

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«C’est comment là-bas? On ne sait pas.» Ça lui prendra au moins un an, et c’est encore une expédition sans précédent. « J’ai commencé à m’intéresser au Yang-Tsé et j’ai vu que c’était le plus long fleuve à traverser un seul pays, développe-t-il. Parmi tous les grands fleuves, sa source est la plus élevée – sur le plateau tibétain, à plus de 5 100 m d’altitude – que seule une poignée de personnes ont visitée. Toutes ces informations, c’était fascinant et ça a commencé à éveiller ma motivation et mon intérêt. » Le terrain aura son lot de défis. « Ce n’est pas comme l’Amazone où la jungle est omniprésente ou bien le Nil, où il fait toujours chaud, pour poursuit-il. À l’extrême ouest de la Chine, les températures sont négatives et il y a des glaciers, et en altitude, il y a du blizzard, l’isolation, les ours et les loups. En redescendant du glacier, on atterrit dans une zone tropicale plus boisée. »

Soif d’aventure À court d’argent, Dykes a conçu un entraînement de haute intensité mais low cost, en utilisant des éléments de la callisthénie et du parkour.

d’anguilles un peu pourries » lui ayant filé la dysenterie, ses comprimés contre le paludisme ressortent directement de l’autre côté – et il doit se rendre d’urgence en ville pour voir un médecin. À ce stade, n’importe qui aurait abandonné, et un concert de voix inquiètes au pays exhorte Dykes à rentrer. Mais c’est là qu’il a recours à l’autre grande qualité de l’explorateur qui veut s’en sortir tout seul : l’entêtement pur et dur. Un trek pendant la saison la plus humide, c’était aussi des rivières déchaînées et infestées de crocodiles – dont l’un a bien failli tuer son photographe – et une fournée quotidienne de sangsues : « Elles se laissaient tomber des arbres dans notre tee-shirt et quand on rentrait dans la tente, prêts à profiter d’une bonne nuit de sommeil, on en retrouvait cinq ou six gorgées de sang sur notre corps. Je me suis fait piquer par une 80

araignée en deux endroits différents, elle aussi était tombée dans mon tee-shirt. » Il s’est aussi donné du mal pour respecter les traditions locales : « On me disait : “Tu dois emmener cette poule blanche avec toi sur la montagne, sinon les mauvais esprits de la forêt te tueront.” Alors j’ai pris la poule, que j’ai appelée Gertrude, et je l’ai emmenée jusqu’au sommet. » Les esprits s’apaisent et Dykes atteint l’arrivée sans une égratignure, remportant ainsi sa deuxième première mondiale en autant d’années.

Le prochain défi

Dykes a été sacrément gâté question adversité, mais sa soif d’aventure reste en alerte, et il planifie sa prochaine expédition. Il prévoit de suivre le Yang-Tsé, le fleuve chinois de plus de 6 300 km, le troisième plus long au monde.

Si Dykes est enthousiaste, c’est sur surtout parce que ce coin est tellement perdu que rares sont ceux à s’y être aventurés. « Je vais rencontrer de petites communautés locales jusque dans les profondeurs de la Chine, où ils utilisent des tyroliennes pour traverser les rivières et où ils marchent pendant plusieurs jours simplement pour se rendre au marché du coin. Les gens peuvent me dire comment aller là-bas, mais pas comment c’est, parce qu’ils n’en savent rien. Je n’ai pas beaucoup d’infos – et c’est ça qui est excitant. » Un défi extrêmement ambitieux, mais même si les enjeux semblent s’intensifier à chaque projet, il ne s’agit pas de premières mondiales, de célébrité ou de fortune, mais tout simplement de satisfaire cette soif d’aventure qui le tenaillait enfant. « Aujourd’hui encore, je pourrais tout à fait parcourir le Royaume-Uni sur un VTT avec un panier rose et une petite sonnette à l’avant, déclare Dykes le plus honnêtement du monde. Et pourquoi pas ? C’est aussi une véritable aventure, non ? »

Son dernier trek sur ashdykes.com Instagram : @ash_dykes Twitter : @Ash_Dykes THE RED BULLETIN


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guide Voir. Avoir. Faire.

ERIC PARKER/RED BULL CONTENT POOL

BAPTÊME DE FEU ET DE GLACE

L’Islande a accueilli l’an dernier six fois plus de touristes qu’elle ne compte d’habitants. Pour chercher les raisons de cette popularité, un coup d’œil sur Instagram suffit : insolite et sauvage, cette île volcanique de 330 000 âmes ne laisse personne indifférent, que l’on y reste 24 heures, un long week-end ou une semaine. Voici quelques idées pour profiter au max de cette terre de feu et de glace. Texte EVELYN SPENCE

THE RED BULLETIN

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GUIDE

Faire. Bien que située juste en-dessous du cercle polaire, l’Islande bénéficie d’un climat plutôt tempéré.

DORMIR Le Ion City Hotel, sur Laugavegur, allie design futuriste et motifs islandais. Le Kex Hostel logé dans une ancienne biscuiterie fait aussi bar, brasserie et même salle de concert.

« C’est l’endroit idéal pour communier avec la nature et se sentir tout petit face à elle. »

Du SUP entre les glaciers de Jökulsárlón (parc national Vatnajökull).

L’ambiance joyeusement disco-kitsch du Pablo Discobar.

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L’ISLANDE EN

24 HEURES

Volcans à ses portes, gastronomie atypique (mmmhhh, les fameux testicules de mouton bouillis !) et une nightlife digne de ce nom : bienvenue à Reykjavík, capitale islandaise ! C’est là que vous passez les prochaines 24 heures, alors pas de temps à perdre: après un atterrissage aux aurores (boréales), foncez faire le plein de pâtisseries islandaises à la Sandholt Bakery, une institution depuis 1920, et procurez-vous un exemplaire de l’excellent guide local Reykjavík Grapevine. Prenez des forces avant d’affronter votre premier volcan : le circuit Inside the Volcano (en anglais) vous emmène en effet dans les entrailles du Thrihnukagigur, endormi depuis plus de 4 000 ans. Vous remontez ensuite vers Reykjavík pour une petite rando dans le massif de l’Esja aux portes de la ville, où vous aurez une vue magnifique sur la capitale et la baie de Faxaflói. En ville, vous trouverez de quoi vous remplir le ventre dans la Hlemmur Mathöll, une galerie pleine de restaurants et de cafés (essayez Skál et ses spécialités islandaises à base de poissons). Le soir, faites un tour à la salle de concert Harpa, à moins que vous ne préfériez entamer la soirée par une tournée des bars dans la rue Laugavegur. Pour terminer en beauté, deux bonnes adresses : Húrra, pour ses concerts alternatifs, et Pablo Discobar pour sa déco kitsch.

MANGER Selon le chroniqueur radio local, Gulli Helgason, la meilleure adresse pour déguster du poisson est le 3 Frakkar qui sert notamment le fameux hákarl (du requin faisandé…). Situé dans une ancienne écurie, Dill est réputé pour être l’un des meilleurs restos de la capitale, et son chef a l’habitude de pêcher son poisson lui-même. BOIRE Tristan Gribbin, un expat américain proprio d’un studio de méditation, ne jure que par le café de Reykjavík Roasters, qui a deux magasins dans la capitale. Goûtez aussi la bière de Bryggjan Brugghús, première micro-brasserie d’Islande. Et toutes les autres boissons à Kaffibarinn, lieu de fête incontournable de Reykjavík. SE BAIGNER Dans les eaux turquoise du magnifique Blue Lagoon, haut-lieu touristique (et donc très fréquenté). Plan B : les eaux chaudes de la plage géothermique de Nauthólsvík, à deux pas des côtes de l’océan Arctique.

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BEN HORTON(2), SR-PHOTOS.COM, GETTY IMAGES, RAGNAR TH. SIGURDSSON/ARCTIC IMAGES

La beauté brute des environs de Vík est emblématique de la côte sud.


Islande

Plus grand glacier d’Islande, le Vatnajökull : crevasses et grottes à explorer.

Une heure à peine de Reykjavík et un autre monde : le Ion Adventure Hotel.

L’ISLANDE SUR UN

LONG WEEK-END

Votre mission: profiter au mieux de cette nature unique au monde. «Avec ses paysages lunaires, ses vallées luxuriantes inondées de cascades, ses volcans en activité cachés sous d’énormes glaciers, l’Islande est vraiment l’île de tous les extrêmes», résume Scott Drummond, directeur d’une agence sur place. Devant une telle offre, faire appel aux locaux peut s’avérer judicieux: le circuit Glacier Lagoon de Hidden Iceland, par exemple, vous montrera les plus beaux spots de la mythique côte sud de l’île: Reynisfjara, sa plage de sable noir et ses colonnes de basalte, les cascades géantes de Seljalandsfoss, sans oublier Vatnajökull, la plus grande calotte glaciaire d’Europe (le circuit comprend les crampons et les piolets). Les amateurs de sensations fortes (et glaciales) pour pourront visiter les icebergs géants du lagon Jökulsárlón… en paddle board. De retour à Reykjavík, louez une voiture pour faire ce que les locaux appellent le « Cercle d’Or », un trajet de 300 kilomètres qui vous fera découvrir les merveilles du sud de l’île : les chutes de Gullfoss, impressionnantes chutes d’eau qui donnent l’impression d’être englouties par la terre, l’incontournable Geysir à l’origine du mot geyser, et (encore un conseil de Drummond) la vallée de Reykjadalur, avec sa rivière d’eau chaude (jusqu’à 33 °C). À ne pas manquer : un plongeon dans les eaux transparentes et glacées de la faille de Silfra, là où se rencontrent les plaques eurasienne et nord-américaine, dérivant l’une de l’autre à un rythme de 2 centimètres par an.

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L’ISLANDE EN

UNE SEMAINE DORMIR Une architecture brute, un emplacement de rêve (un champ de lave), le Ion Adventure Hotel est situé à deux pas du parc national de Thingvellir, site du premier parlement islandais, il y a mille ans. MANGER L’hôtel-ferme Efstidalur II produit sa viande sur place (hamburgers originaux et délicieux) et les glaces sont aussi faites maison. Quant aux belles tomates servies chez Friðheimar, elles sont aussi produites dans les propres serres du restaurant. SE BAIGNER À Laugarvatn Fontana, vous pouvez sauter d’une source chaude à un lac glacé (et inversement), tout en dégustant le fameux Rúgbrauð, le pain traditionnel islandais cuit dans du sable chaud.

Isolée, escarpée et à peine peuplée, la péninsule des fjords de l’Ouest Vestfirðir a des allures de bout du monde : d’ailleurs, rares sont les touristes qui poussent jusque-là (seulement 10 % d’entre eux), alors qu’elle est un paradis pour les renards polaires et les oiseaux (Látrabjarg est la plus grande falaise d’oiseaux d’Europe). On y croise aussi des ours polaires : « Le lieu est incroyablement serein. C’est l’endroit idéal pour communier avec la nature et se sentir tout petit face à elle », nous assure Guðrún Stefánsdóttir, une scientifique qui travaille à l’Agence des médecines islandaises et qui a grandi à Reykjavík. Même les Islandais ont eu du mal à s’adapter aux conditions climatiques : à la pointe nord de l’île, la route qui mène à la péninsule Hornstrandir, est parsemée de fermes et de maisons abandonnées, de collines d’un vert irréel et de somptueuses falaises. Avis aux féru(e)s d’aventures et de treks extrêmes (seul ou en circuit, avec par exemple Trek Iceland) : suivez les sentiers le long de ces falaises qui plongent à plus de 500 mètres dans l’océan Arctique, passez la nuit dans le phare de Hornbjargsviti, (ouvert chaque été) ou partez découvrir les côtes en bateau depuis Ísafjörður (le circuit dure six jours avec Trek Iceland).

DORMIR Ancienne ferme transformée en guesthouse Kirkjuból í Bjarnarddal est située à Önundarfjördur et offre une vue à couper le souffle sur le fjord voisin. Il y a trois Kirkjuból dans le coin, pensez-y en réservant! MANGER/ BOIRE Un menu qui change tous les jours selon les arrivages de la mer, c’est la spécialité du resto Tjöruhúsið, à Ísafjörður: « Des ingrédients frais et du bon sens », comme dirait le patron Stefánsdóttir. Le soir, touristes et locaux se pressent sur les grandes tables au son de groupes du coin. SE BAIGNER Entre Djúpavík et Krossneslaug, où l’on peut se baigner dans des sources chaudes face à la mer, la route vaut à elle seule le détour. Terminer par les sources de Pollurinn près de Tálknafjörður avec ses eaux qui montent jusqu’à 46 °C.

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GUIDE

Voir.

RIDERS ON THE STORM

Surfeurs hawaïens contre le phénomène El Niño, VTT à sensations, et les héros du skate à l’image vous attendent ce mois-ci sur Red Bull TV…

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en direct ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et créatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

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9 juillet

À LA DEMANDE

NERVOUS LAUGHTER

Connue sous le nom de Jaws, la vague de l’île de Maui, à Hawaï, atteint 18 m. Elle attire les meilleurs surfeurs de la planète. Et comme souvent, les enfants du pays, une bande de copains d’enfance, font le show. Pression des pairs et rivalité poussent ce groupe à réaliser des perfs sans précédent. Ce docu nous fait vivre à travers les yeux des surfeurs la saison 2015/16 durant l’épisode climatique El Niño. Une histoire de nerfs, de blessures, de triomphe et d’amitié.

THE RED BULLETIN


juin/juillet La vague Jaws d’Hawaï est l’une des plus redoutables de la planète.

Musique de très haute qualité et interviews d’artistes influents. Restez à l’écoute…

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juin

LIVE

CRANKWORX LES GETS

Après que la pluie a gâché la fête en 2016, l’édition 2017 a offert 5 jours de compète VTT à couper le souffle. On n’en attend pas moins ce mois-ci avec des riders qui visent tous le Graal: une triple couronne en slopestyle.

Joao Marco Maffini et Tyler Larronde : les deux amis guettent le bon moment.

THE RED BULLETIN

TAKE SHELTER PRODUCTIONS, BARTEK WOLINSKI/RED BULL CONTENT POOL, ISAAC BOXALL

BIEN BUENA

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juillet

LIVE

UCI DH & XCO, VAL DI SOLE

À l’occasion du 7e round de la saison 2018, la Coupe du monde de VTT revient dans le nord de l’Italie. Au menu : dérapages, habiletés et sensations fortes sur le parcours de descente raide, et un cross-country très physique.

juin

À LA DEMANDE

ROLLING: WITHOUT FOOTAGE IT’S FICTION

Ce docu suit des réalisateurs de film de skateboard tels que Ty Evans (LA) et Henry Edwards-Wood (Londres) et révèle les secrets de leurs incroyables vidéos.

20 juin

À L’ANTENNE

L’une des nouvelles émissions de Red Bull Radio explore les liens musicaux entre New York, l’Amérique latine et les Caraïbes. Tous les troisième mercredis du mois (de 22 heures à minuit), Uproot Andy et Riobamba diffusent les nouveautés reggaeton, cumbia, latin trap et champeta les plus populaires et évoquent anecdotes, contextes et sujets passionnants du moment au sein des communautés latinos.

À ÉCOUTER SUR REDBULLRADIO.COM

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GUIDE

Faire. UNE FORME DE CHAMPIONNE DU MONDE

« NE RIEN NÉGLIGER »

Après un premier titre de championne du monde Ironman junior, Lucy Charles, ex-nageuse reconvertie en triathlète, sait comment atteindre la forme au pas de course. Cette Anglaise phénoménale livre ici la méthode qui l’a menée au sommet.

Lucy Charles

Lucy a remporté les championnats du monde de triathlon longue distance.

GRAEME MURRAY/RED BULL CONTENT POOL, JAMES MITCHELL(2), GETTY IMAGES

BRAD CULP

Un an après avoir intégré l’Ironman, la nageuse de longue distance remporte le Championnat du monde, catégorie 18-24 ans. L’an dernier, elle finit 2e derrière la légende du triathlon, Daniela Ryf, à Kona (Hawaï) où elle espère gagner en 2018.

Avant d’être un as du triathlon, Charles faisait partie de l’élite en natation.

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fitness

C O N C E NTR ATI O N

« Je me focalise sur ma compétition lors de mes passages à vide. » « En natation, l’entraînement est peu propice aux échanges surtout en longue distance. Pendant des années, j’avais pour principal compagnon d’entraînement le carrelage de la piscine. Cela a forgé mon mental. Les nageurs de longue distance sont à l’aise dans l’effort solitaire, un avantage en Ironman. Parfois la fatigue m’incite à l’abandon, je pense alors à la compétition et ce que mes concurrents font au même moment. Je les imagine me poursuivant pendant une course clé, et je reprends du poil de la bête. Daniela (Ryf) ne flanche jamais, je dois soigner tous les aspects de l’entraînement. Une telle rivale m’a fait progresser. Sans cette pression qu’elle exerce sur moi, je n’aurais pas le niveau que j’ai aujourd’hui. »

R ÉC U PÉ R ATI O N

« Pas évident d’arrêter de s’entraîner surtout quand on vadrouille. » « En cycles longs d’entraînement, j’utilise un rouleau de massage avant et après la séance. Je l’applique aux jambes brièvement avant la séance et plus longuement après la séance pour lancer la phase de récupération. Ma famille possède plusieurs chiens, j’aime partir en balade avec eux après une session intense, ils sont un tendre réconfort. Et c’est une manière active de récupérer. »

DÉTENTE ET RELAXATION « Je prends un bain chaud au sel de magnésium après une séance. Puis, je chausse des bottes de compression remplies d’eau froide. Le contraste chaud/froid favorise la récupération des jambes. »

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N UTR ITI O N

« Je consomme beaucoup d’avocats pour leur haute teneur en gras sain. » « Les athlètes d’Ironman brûlent beaucoup de graisses à l’entraînement. L’avocat me rassasie vite sans avoir à manger en grandes quantités. J’en consomme généralement après la natation, le plus souvent découpés en petits morceaux avec des toasts et des œufs pochés. La veille de compétition, je prends un repas riche en glucides, des pâtes à la carbonara ou une pizza. Au réveil, je prends un bol de porridge, et des toasts au beurre de cacahuète trois heures avant le coup d’envoi. Lorsqu’une compétition approche, j’essaie de manger simple en favorisant les glucides pour éviter les maux d’estomac pendant la course. »

DES ÉCARTS SANS EXCÈS « J’adore les sucreries. Le chocolat est ma grande faiblesse. J’en mange tous les jours. C’est important de pouvoir se permettre un petit écart au quotidien et de se faire plaisir. »

TEC H N O LOG I E

« Apprendre à utiliser toute donnée applicable au sport me fascine et accentue le plaisir de la pratique. » « La technologie est peu présente en natation. Lors de mon premier Ironman, j’ignorais tout de la puissance. De nos jours, il existe même des capteurs de puissance pour la course à pied, ce qui m’intéresse. Pour l’heure, je commence tout juste à maîtriser le capteur de puissance pour vélo. Tout mon travail est basé sur le logiciel TrainingPeaks. Mon compagnon, Reece, est aussi mon coach, et il rentre toutes mes données dans ce logiciel pour analyser mes séances au quotidien. Il y a des jours où je préfère être coachée par l’ordinateur que par lui. Cependant, l’avantage d’avoir sa moitié comme entraîneur, c’est qu’il est toujours présent et peut ajuster rapidement l’entraînement selon mon état et ma forme du moment. »

UN ASSISTANT COACH DIGITAL Triathlètes et coureurs pros utilisent TrainingPeaks pour un suivi de séances, analyser puissance, données GPS ou interagir avec un coach.

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GUIDE

Faire.

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juillet 400 mètres de folie Un tremplin, ça sert à s’envoler mais cette fois, pour aller plus haut, on grimpe. En s’élançant du pied de celui de Courchevel, où ont eu lieu les JO en 1992 et les Coupes du monde chaque été, il faut beaucoup d’énergie pour s’élever sur la pente et enchaîner la montée de la piste (inclinée à 35° !) en courant jusqu’au sommet. La deuxième édition du Red Bull 400 attend quelques mille doux dingues participants ultramotivés. Courchevel, tremplin olympique ; redbull.fr/400

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au 8 juillet

RED BULL BC ONE CAMP

Le break s’installe à la Villette avec battles et workshops sur 5 jours. Pour la première fois, un battle 1vs1 opposera les B-Girls les plus en vue du circuit. Le 8 juillet, le Red Bull BC One France Cypher mettra aux prises 16 danseurs dans l’étape de qualification nationale pour le championnat international Red Bull BC One.

1 90

er

au 31 juillet Le dernier mot Après une première finale en 2017 au Bataclan complet qui a vu couronner Res Turner, Red Bull Dernier Mot, le battle d’impro de MC sur instrumentale, revient cette année. Vous avez un mois pour vous inscrire aux 4 qualifs régionales, ouvertes au public, et tenter de participer en vue de la finale nationale (fin novembre, à Paris). Rendezvous vite sur le site ou l’application mobile Red Bull Dernier Mot. redbullderniermot.com

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au 8 juillet Hello Birds Festival « Music, Food, Nature », telle est la proposition du festival Hello Birds à Étretat, en Normandie. Pour le plaisir des sens, on viendra s’y aérer, s’y régaler de son et de nourriture (que du local !) et, qui sait ?, s’y baigner (rando et vélo sont aussi au programme). Entre galets, verdure et falaises, le line-up accueillera, entre autres, Témé Tan, Uto, Macadam Crocodile ou Johan Papaconstantino. Au fait, c’est gratos ! Étretat ; hellobirdsfestival.fr

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au 8 juillet Astropolis Le festival fait résonner ses musiques électroniques dans les divers sites du Pays de Brest qui l’accueille pendant trois jours. Avec une programmation toujours aussi éclectique (Laurent Garnier, Nina Kraviz, Agoria, etc.), les nuits bretonnes s’annoncent chaudes. Un rendez-vous qui s’augmente du Red Bull Boom Bus, présent à Brest. Brest, bois de Keroual ; astropolis.org

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VINCENT CURUTCHET/RED BULL CONTENT POOL, LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL, BARTEK WOLINSKI/RED BULL CONTENT POOL, ALEXIS BERG/RED BULL CONTENT POOL

Paris, WIP Villette ; redbullbcone.com


juin/juillet

20 au 24 juin Crankworx

Les pentes des Gets vont donner le frisson aux milliers de spectateurs de cette étape du Tour Crankworx 2018, car les meilleurs riders internationaux freestyle et freeride VTT seront dans la place. Slopestyle, pumptrack, dual slalom et bien sûr la descente sur la piste noire du mont Chéry, il y en a pour tous. Et même les amateurs les plus téméraires issus des qualifs qui oseront les défier. Les Gets ; crankworx.com

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juin Red Bull Font&Bleau Au terme des 7 qualifs régionales disputées en France depuis le 11 avril, les 40 équipes de 3 grimpeurs sélectionnées se retrouvent en forêt de Fontainebleau pour la finale. Au pied de 30 blocs sélectionnés, parmi les dizaines qui font du célèbre site d’escalade l’un des plus exigeants au monde, pas d’échappatoire. Il faut aller vite et haut. Le chrono tourne et la victoire s’accroche au bout des doigts, prise après prise. Forêt de Fontainebleau ; redbull.com/font&bleau

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À PORTÉE DE MAIN Dix couteaux et multi-outils pour tout type d’aventure. Texte SHANNON DAVIS

L’ESCALADE Pour les tâches dans le vide

Le trou du Spatha en fait un couteau mousquetonmousqueton nable.

PETZL SPATHA

Ce couteau n’est pas prévu pour un usage quotidien, sauf si votre quotidien implique le port d’un harnais et de crapahuter sur la paroi d'une montagne. L’articulation lame/ manche dispose d’un trou qui permet de mousquetonner le Spatha au harnais. Grâce à sa molette dont le cadran pivote autour du trou, la lame se déploie aisément même en portant des gants. La lame lisse et crantée permet de sectionner facilement cordes et cordelettes et de construire des ancres de rappel. Son poids plume de 43 g convaincra la plupart des grimpeurs de l’adopter. 20 € ; petzl.com

VICTORINOX HUNTSMAN WOOD Si l’escalade est une rude discipline et potentiellement terrifiante, la vie dans la vallée (surtout après avoir gravi un pic des environs) peut être grandiose.

Imaginez un bassin suisse verdoyant près d’une cabane nichée au creux d’une montagne avec une assiette de fromage et une bouteille de vin. Vous réalisez avec satisfaction que vous possédez l’objet adapté à la situation. Le Huntsman Wood fait partie des couteaux de poche dont l’ADN alpin jouit de 130 ans d’évolution. Et ça se voit. Aussi fonctionnel qu’élégant, son manche en noyer le gratifie d’une touche naturelle. 53 € ; swissarmy.com

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VÉLO

Le Crank­ brothers F15 : l’outil malin pour de rudes virées à vélo.

Tout pour le vélo TOPEAK HEXUS X

Ce multi-outil combine 21 instruments. En termes de poids, il se situe dans la moyenne mais en termes de valeur et d’utilité il est en tête de peloton. Il intègre les démonte­pneus démonte pneus – toujours ça en moins à emballer – et les outils de base, le best of de l’atelier. Avec l’Hexus X, vous pouvez retirer une valve Presta pour injecter du produit d’étand’étan chéité dans les pneus sans chambre à air. L’outil de valve n’est pas cher en soi (moins de 10 €), mais ça réduit les choses à trimbaler. Il ne paie pas de mine, pourtant ce Topeak fait le job, et bien plus encore, sans coûter un bras. 23 € ; topeak.com

CRANKBROTHERS F15

Lors des longs trajets ou sur les rampes techniques, vélo et rider flirtent parfois avec le point de rupture. Soyez malin, ayez cet outil complet au cas où. C’est par ailleurs le plus élégant du marché. Ses 15 outils, des clés Allen à la clé de chaîne, s’insèrent dans un étui magnétique comprenant aussi un ouvre-bouteille. Pas révolutionnaire, mais l’un des meilleurs que nous ayons utilisés, sa prise en main est sûre, l’effet de levier parfait, et son aimant empêche le bouchon de s'envoler. Env. 40 € ; crankbrothers.com

PORT QUOTIDIEN Pour les missions courantes

Le Chapter de James Brand : sa qualité jus­ tifie son prix.

SOG-TAC --TAC CALIFORNIA SPECIAL

Si sa lame était une voiture, ce serait une Porsche 911. Légère, compacte, rapide et tactique, ici rien de superflu. La poignée en aluminium dur anodisé de 10 cm est conçue pour durer toute une vie. Les rainures de doigt intégrées assurent une prise en main ferme pour manier sa petite lame ultra-tranchante de 48 mm. Également munie d’un système d’ouverture automatique (à cran d’arrêt), la lame d’acier AUS-8 se déploie en un éclair. Env. 130 € ; sogknives.com

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THE JAMES BRAND CHAPTER

Parfois, la fabrication de couteaux se mue en art. Il ne s’agit pas ici de gravure d’aigle en plein vol, mais de design pointu authentique prisé par les amateurs de lignes épurées en quête de qualité originale et durable. Cet élégant objet offre une solide prise en main et se porte facilement à la hanche grâce à son clip. Un ergot de pouce permet une ouverture à une main, et le manche en titane préserve sa légèreté, 75 g. Son prix élevé ne l’a pas empêché de devenir l’un des plus populaires. Env. 300 € ; thejamesbrand.com

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MULTI-OUTILS Les bêtes à tout faire

SOG POWER ACCESS DELUXE

Remisez votre boîte à outils. L’Access Deluxe réunit un best of de 21 outils, incluant un ensemble de 12 culots hexagonaux. Fixé à la ceinture, il fait de vous le roi du bricolage. Dotée d’une force de préhension à effet de levier, la pince est le point fort de cet impresimpres sionnant design (le recours à des engrenages dentés rend la capacicapaci té de pincement comparable à un coupe-boulon). Les scies, les lames, le poinçon et les ouvre-bouteilles ont prouvé leur utilité dans la nature, le rapporteur, les ciseaux, la pince coupante et le tournevis bijoutier moins. Mais… on ne sait jamais. Env. 75 € ; sogknives.com

LEATHERMAN CHARGE TTI

Tim Leatherman, ingénieur mécanicien de l’Oregon, crée la catégorie multioutils au début des années 1980. En voyage avec sa femme en Europe dans les années 70, il regrette de ne pas disposer d’un outil à tout faire pour bricobrico ler sa Fiat branlante ou les fuites d’eau dans les auberges. De retour chez lui, il décide de l’inventer. Avec ses 13 outils, ce Pocket Survival Tool (PST) reste le modèle Leatherman de référence. Vous découvrez ici un Charge TTI en version modernisée avec manche en titane pour l’alléger. Env. 170 € ; leatherman.com

Le Charge TTI, un des modèles phares de Leatherman.

CAMP DE BASE De robustes couteaux pour des tâches d’envergure Maîtrisez le feu comme vos ancêtres.

LIGHT MY FIRE SWEDISH FIREKNIFE Cette lame fixe adhérente d’un prix abordable intègre un allume-feu dans le manche. Fruit de la collaboration entre deux fabricants suédois renommés, Mora et Light My Fire, le couteau propose une lame classique en acier résistant, souple et durable, parfaite pour travailler le bois, nettoyer un poisson ou tailler du bois d’allumage. À travers des brindilles, enfoncez la lame dans une bûche, puis retirez la pierre à feu logée à l’arrière du manche et raclez-la sur le dos de la lame pour créer l’étincelle. Une façon très pratique d'allumer un réchaud ou un feu de camp. Env. 30 € ; lightmyfire.com

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GERBER 06 AUTO 10TH ANNIVERSARY

Mensurations : près de 23 cm de longueur pour 200 g, du sérieux. Il célèbre l’emblématique modèle utilisé par les Marines. Couteau à ouverture automatique : il suffit de pouspous ser le bouton avec le pouce droit. Le manche en aluminium est large, avec une bonne garde pour protéger l’index. Le tout est une bête robuste adaptée à l’usage de force de torsion. Son clip permet de le fixer à la poche, mais l’étui à la ceinture est préférable. Un couteau idéal pour la chasse et la survie en milieu sauvage. Env. 180 € ; gerbergear.com

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GUIDE

Autour du monde.

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SUISSE ANNA BADER

La Coupe du monde des contenus hors du commun, c’est dans The Red Bulletin, Bulletin, chaque mois. Des studios de musique aux circuits en passant par le plongeon de falaise, ils ont la détermination pour maillot.

La septuple championne d’Europe de cliff diving nous explique la diffédiffé rence entre courage et témérité.

The Red Bulletin en e-paper sur redbulletin.com

”I TRY TO MAKE WHAT’S MISSING IN MY LIFE” Brian Eno’s name is synonymous with innovation. Since the early ’70s, when his out-there synthesizer sounds were an integral part of glam-rock band Roxy Music’s success, the Suffolk-born musician has been ahead of his time. Eno is credited as the inventor of the ‘ambient music’ genre, and has shared his talents as a producer, most notably on David Bowie’s late-’70s ‘Berlin Trilogy’: the albums Low, Heroes and Lodger. He’s also a successful audio-visual artist with numerous exhibitions to his name. The 70-year-old is still a highly sought-after – and selective – producer: he has helped U2 and Coldplay reinvent themselves, but turned down the Red Hot Chili Peppers eight times, according to the band’s singer, Anthony Kiedis. The reason for Eno’s popularity among his peers? He challenges them, musically as well as intellectually. He encourages them to overcome habitual thinking patterns and to try something new. “I wanted to hear music that had not yet happened,” Eno once said of his own creative process. With this in mind, the release of his 2017 album, Reflection, 52

SHAMIL TANNA

He launched Roxy Music, inspired Bowie, reinvented Coldplay, and invented a music genre. He’s a successful visual artist, too. Affable overachiever Brian Eno on the power of play, the myth of repetition, and finding contemplation in the modern world Words MARCEL ANDERS

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ROYAUME-UNI LE OFF DES FESTIVALS Il a lancé Roxy Music, inspiré Bowie et réinventé Coldplay. Brian Eno se livre sur l’art de la répétition et la contemplation.

Agarrada: Coxsey tiene la mirada en el oro olímpico.

SÓLO EXISTE UN CAMINO

Las habilidades de SHAUNA COXSEY en el bouldering la han convertido en una de las escaladoras de competencia más exitosas en Gran Bretaña. Pero cuando la escalada haga su debut en Tokio 2020, comprenderá tres disciplinas y en dos de ellas no tiene experiencia. La campeona mundial tendrá que ser estudiante una vez más Texto MATT BLAKE Fotografía RICK GUEST 50

MEXIQUE SHAUNA COXSEY Si Shauna remporte l’Or aux JO du Japon, vous saurez combien elle le mérite.

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« J'AI LE PLUS APPRIS QUAND J'ÉTAIS EN DIFFICULTÉ. » FRANCE PIERRE GASLY À 9 ans, que souhaitiez-vous faire de votre futur ? Pierre Gasly avait déjà une chose en tête : la Formule 1.

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juillet

MENTIONS LÉGALES DER E-SPORTLER Name:

DER PROFI-KICKER

Cihan Yasarlar

Name:

Alter: 25

Alter: 22 Sportart: Fußball

Sportart: „FIFA 18“ Größter Erfolg: Europameister 2017

Größter Erfolg: Confederations-Cup-Sieg 2017 Markenzeichen: sprintet jedem Verteidiger davon (auf 30 Metern fast so schnell wie Usain Bolt)

Markenzeichen: verschleißt die Vorwärts-Taste als Erstes (aus Liebe zum Offensivspiel)

Wenige schießen präziser aufs Tor als sie: Nationalstürmer TIMO WERNER mit dem Fuß, Red Bull-E-Sportler CIHAN YASARLAR mit dem Controller. Beide wollen in ihren Disziplinen Weltmeister werden – und haben auch sonst mehr gemeinsam, als du denkst.

Bullen unter sich: Timo und Cihan spielen beide für RB Leipzig – in der Fußball-Bundesliga bzw. auf E-Sport-Turnieren.

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FRANCE

Timo Werner

Text DAVID MAYER Fotos CHRISTOPH NEUMANN

GIPFEL DER ENDGEGNER ALLEMAGNE MATCH AU SOMMET

Le footballeur Timo Werner et l’e-athlète Cihan Yasarlar parlent de focus mental, d’adrénaline et d’amitié dans une interview croisée.

AUTRICHE MAX VERSTAPPEN À 20 ans, il est le plus jeune vainqueur de F1 jusqu’ici. Le talentueux Monsieur Verstappen a une formule pour atteindre le sommet : il cultive son ego.

CARISSA MOORE’S BALANCING ACT As the three-time world champion surfer has discovered, the quest for real greatness sometimes begins with a journey to figure out who you really are. Words JEN SEE

Photography TREVOR PIKHART

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ÉTATS-UNIS CARISSA MOORE L’Américaine est une force de la nature. Elle a déjà révolutionné le surf féminin. Pour les JO de 2020, elle devra se redéfinir elle-même.

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“It’s just so hard on the body,” says Moore, describing what it’s like to surf the pool at Surf Ranch, where she was photographed for The Red Bulletin on April 27.

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project Management Alessandra Ballabeni : alessandra.ballabeni@redbull.com Contributions, traductions, révision Étienne Bonamy, Frédéric & Susanne Fortas, Suzanne Kříženecký, Audrey Plaza, Kříženecký Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Prix : 18 €, 12 numéros/an getredbulletin.com Siège de la rédaction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Prinovis Ltd. & Co. KG, 90471 Nuremberg Publicité PROFIL 134 bis rue du Point du jour 92100 Boulogne +33 (0)1 46 94 84 24 Thierry Rémond : tremond@profil-1830.com Elisabeth Sirand-Girouard : egirouard@profil-1830.com Arnaud Lietveaux : alietveaux@profil-1830.com Les journalistes de la SAS L’Équipe n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. La SAS L’Équipe n’est pas responsable des textes, photos, illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Waltraud Hable, Andreas Rottenschlager Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English Directeur photos Fritz Schuster Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza Rédaction Stefan Wagner (Chef de service), Christian Eberle-Abasolo, Arek Piatek Maquette Marco Arcangeli, Marion BernertThomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Eva Kerschbaum, Tahira Mirza Directeur global Media Sales Gerhard Riedler Directeur Media Sales International Peter Strutz Directeur Publishing Development & Product Management Stefan Ebner Directrice Commercial Publishing Birgit Gasser Directeur créatif global Markus Kietreiber Solutions créatives Eva Locker (Dir.), Verena Schörkhuber, Edith Zöchling-Marchart Management par pays & Marketing Sara Varming (Dir.), Magdalena Bonecker, Julia Gerber, Kristina Hummel, Melissa Stutz Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier Emplacements publicitaires Andrea Tamás-Loprais Production Wolfgang Stecher (Dir.), Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Michael Menitz (Digital) Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Maximilian Kment, Josef Mühlbacher Office Management Kristina Krizmanic, Yvonne Tremmel Informatique Michael Thaler Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, A-1140 Wien Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web www.redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, A-5071 Wals bei Salzburg, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

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Le plein d’action.

makes you fly

Pour la première édition en France de la course aérienne Red Bull Air Race organisée à Cannes en avril dernier, Nicolas Ivanoff, le Corse de l’épreuve, fut le premier pilote de l’histoire à survoler la French Riviera la tête à l’envers.

THE RED BULLETIN n° 78 sortira le 21 juillet 2018 98

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PREDRAG VUCKOVIC/RED BULL CONTENT POOL

La Croisette voit double


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