The Red Bulletin Septembre 2018 - FR

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FRANCE SEPTEMBRE 2018

HORS DU COMMUN EN KIOSQUE CHAQUE 3 e SAMEDI DU MOIS AVEC MAGAZINE SPONSORISÉ

VOUS EN ÊTES CAPABLE 9 outils mentaux des pros de l’extrême pour surmonter vos défis quotidiens

Le kayakiste Rafa Ortiz en action aux Spirit Falls, USA... Parce qu’il a trouvé son flow.




ÉDITORIAL

Job, rencard, famille, argent… On a tous mille raisons d’être anxieux face à certaines échéances majeures et de perdre tous ses moyens le moment venu. En discutant avec des pros de l’extrême (page 26), aventuriers ou sportifs, on en a tiré des conseils que vous pourrez adopter dans votre quotidien, et adapter à vos challenges persos. Des conditions particulières dans lesquelles ils évoluent, ils transmettent de quoi vous faciliter la vie et prendre du recul sur ces défis qui sont – en fait – à votre portée.

Le champion de rallycross Mitchell deJong (droite) pose à côté de Mario Bonfante Jr., pilote de course sans limites qui déclare : « Si je fais une e­ rreur, je veux pouvoir en assumer l'entière responsabilité. » Page  54

Des défis, les patrons de l’iconique discothèque électro Rex Club à Paris en ont relevé par dizaines trente ans ­durant. En page 46, ils expliquent comment mener votre barque et la maintenir sur les bons flots face à l’adversité. De l’amour, enfin, avec le robot Sophia, dont l’intelligence – bien qu’artificielle – redonne foi en l’homme (page 66). Bonne lecture ! Votre Rédaction

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CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

MARK BAILEY

Le journaliste anglais a interviewé des athlètes d’exception tels Usain Bolt et pour ce sujet de une, il a sondé la psychologie des aventuriers de l’extrême. « J’ai été bluffé par le fait que pour tous ces profils solides, la force mentale n’est pas innée. Leurs incroyables atouts psychologiques ont été acquis à force d’entraînement et d’actions sous haute pression… Nous pouvons donc tous apprendre de leurs techniques. » Page 26

MIKE KESSLER

« Les histoires que je préfère écrire sont liées aux crimes, aux affaires de justice… Les suspects me disent que j’ai un bon sens de l’écoute », dit sur son site Internet le journaliste US, collaborateur de GQ, Esquire ou Vice. Le seul crime du pilote auto américain Mario Bonfante Jr. qu’il a interviewé pour nous est de ne jamais rien lâcher, quand bien même la vie a décidé de le clouer à un fauteuil roulant. Une rencontre rare. Page 54

THE RED BULLETIN

MICHAEL CLARK/RED BULL CONTENT POOL (COUVERTURE)

TOUT SE PASSERA EXTRÊMEMENT BIEN



SOMMAIRE septembre

REPORTAGES

2 6 En mode extrême

Leurs outils et techniques psychologiques pour atteindre les ­limites des capacités humaines vont vous aider au quotidien.

3 8 Mafia blues  ?

Ce que le procureur anti-mafia Alfonso Sabella a dû sacrifier pour son combat sans relâche contre le crime.

4 4 Le petit champion

Plus petit que ses adversaires, le cycliste malaisien Azizul Awang a mis à profit son petit gabarit pour toucher l’or olympique.

4 6 Au top, en sous-sol

Pour rester une référence mondiale, le Rex Club a su faire face.

5 4 À bras-le-corps

Le pilote Mario Bonfante n’était pas du tout prêt à mourir...

6 6 Qui est Sophia ?

Elle passe à la télé mais vit dans un labo. Elle est améliorée de jour en jour et peut reconnaître nos émotions. C’est un robot.

7 6 L’investie sœur

L’ancienne gymnaste Lisa Wang aura finalement trouvé sa source d’épanouissement dans le soutien aux autres femmes.

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LES LEÇONS DE L’EXTRÊME

Ce qui nous paraît impossible est pour eux une balade de santé. Les héros de l’extrême passent le flambeau.

DEMAIN L’AMOUR

Sophia est une IA à la troublante apparence, mais ça n’empêche pas les sentiments. Mission : nous inculquer l’amour.

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BULLEVARD Un mode de vie hors du commun

10 Des zicos toujours sous l’eau 12 Chris Sharma : c’est l’gecko ? 14 Son côté obscur va si bien à

l’acteur Adam Driver... 16 Les aventuriers passent à table 17 Le plus bling-bling des SUV 18 Red Bull Éléments : passages de relais et exploits à Talloires 20 Une moto crache-flammes 2 2 L’hôtel de luxe très spacieux 23 La tchatcheuse Miss Red et son panthéon du dancehall 24 Quand l’expert en sécurité ne fait pas le malin face au narco

GUIDE

Voir. Avoir. Faire. 86 Voyage : fantastique Hokkaïdo 88 Red Bull TV : restez branché 90 Fitness : lame tatouée 92 Agenda : ils donnent des ailes 94 Red Bull Bowl Rippers : SK8 96 Ours : ils et elles font le TRB

TRISTAN SHU, GIULIO DI STURCO, MIKO LIM

98 Makes you fly : bonnet basque

54 MARIO BONFANTE

Le pilote qui propulse cette fulgurante voiture de course aurait dû passer le reste de sa vie dans un fauteuil.

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BULLEVARD

GETTY IMAGES

U N

ST Y L E

D E

V I E

MUSIQUE DE L’EAU-DELÀ

H O R S

D U

C O M M U N

Robert Karlsson joue de son violon en carbone. Dans un aquarium contenant 1 60O litres d’eau. Son solo en apnée dure 1 minute 15.

Chants irréels, étranges instruments pour des musiciens plongés dans des aquariums géants… Immersion avec Between Music, premier groupe subaquatique. THE RED BULLETIN

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« LES PREMIERS SONS PERÇUS DANS LE VENTRE DE NOTRE MÈRE SONT FILTRÉS PAR L’EAU »

E

n 2004, Laila ­Skovmand est dans sa cuisine, un bol d’eau à la main, lorsque lui vient une idée : chanter à la surface de l’eau. Les premiers essais ne sont pas concluants, mais la musicienne danoise n’en ­démord pas, elle veut trouver un moyen de chanter sous l’eau. Cinq ans plus tard, elle forme le premier groupe ­subaquatique. C’est plus que ce qu’elle ­espérait. Pour leur spectacle ­AquaSonic, les cinq membres du groupe Between Music sont en apnée dans des réservoirs d’eau et ­utilisent des instruments ­spécialement conçus à cet effet, jouant des morceaux dont la sonorité est incomparable aux sons à l’air libre. Depuis mai 2016, le groupe et ses cinq aquariums de 1 600 litres sont en tournée mondiale. D’Écosse en Russie, du Danemark en Australie, AquaSonic affiche partout complet, et les critiques sont dithyrambiques. Comment est-ce possible ? Pourquoi cette musique sous-marine fascine-t-elle tant ? Robert ­Karlsson, cofondateur et violoniste du groupe Between Music, nous dit tout. the red bulletin : Quel est l’instrument le plus aquatique ? robert karlsson : Nous avons d’abord essayé un ­v iolon bon marché dans une ­piscine. Ça rendait bien, mais il s’est abîmé au bout de quelques jours. Il nous fallait des instruments adaptés.

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Nous avons fait fabriquer un violon en fibre de carbone ­résistant à l’eau. Nous avons aussi un hydraulophone, un orgue créé par deux Canadiens et qui génère des sons avec de l’eau sous pression au lieu d’air. Quels sont les défis à gérer ? L’aquarium agit comme une caisse de résonance, la moindre variation de la température de l’eau ou mouvement de l’instrument altère le son. Par conséquent, il faut être extrêmement précis et concentré lorsque vous faites de la musique sous l’eau. Jouer en apnée figure assurément parmi vos défis ? Oui. Nous avons travaillé avec des plongeurs et des ­professeurs de yoga pour ­apprendre à retenir notre souffle le plus longtemps ­possible. À quelle fréquence faitesvous surface en concert ? Le temps d’immersion dépend du niveau d’activité. Mon solo au violon dure une minute et 15 secondes. Pour le batteur, 30 secondes sous l’eau c’est long, car sous l’eau frapper le tambour exige trois fois plus d’énergie. Les temps de respiration sont intégrés à chaque partition. Comment faites-vous pour chanter sous l’eau. Cela ­paraît impossible… Laila, notre chanteuse, a ­développé une technique consistant à garder une bulle d’air dans la bouche. Si celleci s’échappe elle l’aspire avant de chanter la note suivante. Elle a commencé par de courtes voyelles, puis, les ­mélodies et des phrases plus longues ont suivi. Inspirer et expirer la bulle d’air, c’est

grâce à cette technique qu’elle peut chanter jusqu’à une ­minute sous l’eau. L’eau a-t-elle un effet acoustique spécifique ? Jouer sous l’eau impacte le son. Le son du violon et des autres instruments devient lointain. Cela me rappelle les vieux disques des années 1920. Pour les gens, notre musique évoque souvent le mystère. Musicalement, y a-t-il des choses possibles sous l’eau et impossibles à l’air libre ? Les ondes sonores voyagent beaucoup plus vite sous l’eau, de nombreuses percussions tendent à ressembler à des sons de musique électronique. En utilisant l’hydrophone (­micro pour l’eau, ndlr) le ­musicien obtient des effets acoustiques vraiment intéressants en l’approchant de l’instrument, chose irréalisable à l’air libre. Vos concerts AquaSonic ont connu un succès mondial. Comment expliquez-vous l’attrait pour la musique sous-marine ? Au-delà des origines ou de la culture de chacun, tout être humain a un lien profond avec l’eau. Les tout premiers sons que nous percevons dans le ventre de notre mère sont filtrés par l’eau. Cela explique l’impact universel de notre musique.

betweenmusic.dk/aquasonic

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B U L L EVA R D

GETTY IMAGES

FLORIAN OBKIRCHER

Le rotacorda – conçu par un scientifique du MIT et joué par Nanna Bech – possède une manivelle manuelle entraînant une roue qui frotte les cordes. Le nom signifie « roue à cordes » en latin.

AquaSonic est un concert live du groupe de musiciens Between Music. Skovmand chante au premier plan et joue de l’hydraulophone, premier instrument à utiliser l’eau à la place de l’air. THE RED BULLETIN

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Chris Sharma

INMACULADA SÁNCHEZ TREJO

HOMME OU GECKO ?

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DAN KRAUSS/RED BULL CONTENT POOL

À l’image, le grimpeur californien Chris Sharma, 37 ans, sur une voie 8c en ­Catalogne (Espagne), dans la falaise Cadena Perpetua, autant dire « enchaîné à perpétuité ». Pour Dan Krauss, qui a pris cette photo en mars dernier, le sujet représente exactement l­’inverse : le pouvoir de surmonter toutes les contraintes pour accéder à une ­liberté t­ otale. « Chris a escaladé la route ­plusieurs fois, jusqu’à ce que nous trouvions la meilleure prise de vue pour la photo, dit Dan. C’était très inspirant de voir comment il laisse à croire que l’ascension de cette voie si exigeante puisse être aussi ludique. » dankraussphoto.com

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B U L L EVA R D

« J’ai pris quelques ­clichés au sol. Pour d’autres, j’ai dû shooter suspendu à une corde. » Dan Krauss THE RED BULLETIN

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B U L L EVA R D

Côtoyer Gilliam vous a-t-il inculqué la persévérance ? C’est très inspirant d’être près de lui sur le set, car pour lui 14

Star Wars vous a rendu ­célèbre. Est-ce que cela génère de la pression ? Avant, personne ne savait qui j’étais, c’était génial. Maintenant, les gens me calculent. C’est en conflit direct avec mon boulot : être un espion, vivre ma vie, et être anonyme. Ce n’est pas productif. Comment vit-on sa vie ? Je me suis entouré de gens stables, mais je n’ai pas un bon équilibre entre job et vie perso. Votre passé de Marines vous a-t-il préparé à cela ? La leçon la plus importante que j’ai importée de l’armée sur un tournage, c’est le travail d’équipe. Il n’est pas question de vous ; vous faites partie de quelque chose de plus grand. Vous devez être présent pour vos partenaires et vous assurer que vous donnez votre meilleur pour qu’eux aussi donnent leur meilleur. C’est ainsi que vous remplirez votre mission, et c’est ça le plus important. J’essaie de tenir compte des gens car je ne prends pas à la légère le fait que nous fassions un film.

quixotemovie.com

Adam Driver

« MON MÉTIER… ÊTRE ANONYME » Son rôle obscur sous les traits de Kylo Ren dans Star Wars lui a ouvert les portes de la célébrité. Mais le Californien explique que la gloire ne l’aide pas dans son job.

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RÜDIGER STURM

the red bulletin : La soidisant malédiction sur ce film vous a-t-elle préoccupé ? adam driver : J’étais surtout excité par le fait de travailler avec des gens qui s’efforçaient de faire ce film depuis vingt ans. Ils sont vraiment tenaces. Nous avons fait une fête à la fin de la première semaine de tournage car comme on le voit dans Lost in La Mancha (le documentaire de 2002 sur la tentative avortée de tourner le film en 2000, ndlr), ils n’avaient qu’une semaine de travail dans la boîte. Je crois que tous les films réalisés ne sont rien de moins qu’un miracle, et que nous étions là au bon moment.

En quoi l’expérience fut-elle comparable à Star Wars ? Sur Star Wars, tout était plus contrôlé et aussi plus abstrait : « Fais-nous confiance, l’espace est derrière toi. » « On dirait que ton sabre laser fonctionne bien. » Je n’ai pas de préférence. L’un dispose d’un plus gros budget et peut vous mettre plus à l’aise, mais les spectateurs ne matent pas le film en se disant : « Ah, ils avaient un catering d’enfer. Je suis sûr que sa loge était cool. » La pression est la même. Le film doit être véridique. Les gens nous donnent deux heures et demie de leur temps,

et cela doit les marquer à vie. Ça a plutôt intérêt à être bien.

MATTHEW BROOKES/TRUNKARCHIVE.COM

J

e suis stressé rien qu’en mangeant de la soupe, en mode comment trouver le bon rythme pour ne pas roter au visage de mon ­interlocuteur ? », dit Adam Driver en blaguant sur les ­périls de la notoriété. En 2005, il devait surmonter une appréhension tout autre alors qu’il s’efforçait de rentrer au conservatoire des arts vivants de la Juilliard School à New York, après avoir été réformé des US Marines, suite à un crash en VTT. Il fait actuellement l’expérience d’une autre forme d’attente. À 34 ans, il a décroché le rôle (brièvement endossé par une palanquée d’acteurs, dont Ewan McGregor et ­Johnny Depp) du film que ­l’ex-Monty Python Terry ­Gilliam aura mis presque trente ans à réaliser, L’Homme qui a tué Don ­Quichotte. ­Certains ont même déclaré la production « maudite ».

c’est une catharsis. Il ne met pas de filtre sur ses sentiments – que ça marche ou que ça ne marche pas, c’est évident. Il crée une ambiance où tout le monde est prêt à démarrer au quart de tour, il encourage à suivre son instinct, à se faire confiance. Ça aurait très bien pu tourner en une dictature, genre : « Ça fait 25 ans que je couve ce projet, faites ce que je dis, un point c’est tout ! » Mais il a toujours l’air de ne pas savoir, ce qui est un bel enseignement. C’est quelque chose que j’ai remarqué chez lui et chez d’autres grands ­réalisateurs.


Driver, 34 ans : « Je fais de mon mieux pour me préserver de la presse, en restant respectueux. Rien n’est acquis. » THE RED BULLETIN

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Bouffe de survie

CE SOIR, ON MANGE EN ENFER...

En cent ans, le matériel d’expédition s’est considérablement amélioré. C’est au tour de la qualité de la nourriture.

I

Pour son trek en Antarctique, Leo ­Houlding s’est servi du porc exquis.

« Des repas essentiellement végétaliens, car nombre de pays interdisent l’importation de viande », précise Fisher. Dans le cas de Saunders, « nous n’avons pas étiqueté les plats. Chaque étiquette ajoute 1,5 g. Ça finit par peser ». Seul un endroit manque au tableau de Fisher : « L’espace, à l’origine des aliments lyophilisés. L’un de nos rameurs intègre un ­habitat spatial en Pologne, j’espère que nous serons chargés de la nourriture. Créer des plats gastronomiques pour l’espace serait fantastique. » outdoorfood.com

COLDHOUSE COLLECTIVE/ADRIAN SAMARRA, MARTIN HARTLEY

TOM GUISE

l y a 106 ans, le capitaine Scott se rend au pôle Sud avec pour seule nourriture du ragoût à la viande grasse et aux biscuits. Affamé et frigorifié, il périt avec ses derniers compagnons le 29 mars 1912. Ils avaient sous-estimé leurs besoins alimentaires. En novembre dernier, Ben Saunders entreprend une expédition transantarctique en solitaire. Il emporte 65 rations lyophilisées, une par jour. Au menu, plats gourmets tels que riz

­ olognaise et risotto aux b cèpes. John Fisher, patron de la société Outdoorfood dans le Dorset (Angleterre), a créé la gamme Firepot après avoir consommé des plats lyophilisés peu goûteux lors d’une rando au Groenland. « Un simple mélange d’ingrédients desséchés. » Sa solution : concocter de vrais plats et les déshydrater. « Je me dis alors que si je parviens à les reconstituer avec de l’eau chaude, je crée mon entreprise. » En février 2017, il lance la gamme Firepot. Peu après, le grimpeur Leo Houlding le contacte. « Avec son équipe, il planifie l’ascension du Spectre en Antarctique, l’une des montagnes les plus éloignées au monde, et nous demande de nous occuper de la nourriture, se remémore Fisher. Nous leur réalisons plus de 400 repas. » Depuis, Outdoorfood mijote des plats sur mesure pour les aventures les plus extrêmes : pour des rameurs traversant l’Atlantique, menus pour un trail dans le désert du ­Namib, et les repas de Mark ­Beaumont pour son tour du monde à vélo en 2017.

Les rations de Ben Saunders en Antarctique : « 6 200 calories/ jour. Costaud. »

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THE RED BULLETIN


B U L L EVA R D

Karlmann King

UN SUV QUI PÈSE

Qu’importe la caisse en carbone, les diamants dans l’habitacle ou la vitesse dérisoire, il est ici en fait question d’une œuvre d’art. Son prix le prouve…

KARLMANN KING

WERNER JESSNER

Laissez passer ! Près de 6 m de long et 2,5 de large, ce SUV en édition limitée ne passe pas incognito.

THE RED BULLETIN

S

avez-vous ce qu’est le luxe ? Le luxe, c’est le gaspillage. Je me suis permis de gaspiller de l’air. » C’est ce qu’affirme ­Luciano D’Ambrosio, concepteur de ­Karlmann King, au ­sujet de l’aérodynamique du nouveau SUV, et il sait de quoi il parle. Ancien designer en chef chez l’Italien Bertone, il a dessiné des Lamborghini, des Bugatti et des Ferrari. « C’est stimulant de créer un produit aussi surprenant. J’ai conçu cette voiture avec une ­approche ­radicalement ­différente.  » Sollicité par la société chinoise IAT pour concevoir

un modèle inspiré des ­chasseurs furtifs, le jeune homme de 60 ans y répond avec ce SUV de 2,5 m de large qui ne passe pas inaperçu. Basé sur le châssis de la Ford F550 4×4 nécessitant un permis utilitaire, ce Karlmann King présente une caisse ­polygonale en fibre de carbone et acier pour un poids de 4,5 tonnes (6 pour la version blindée), limitant la puissance du moteur V10 à 140 km/h seulement. « Tout le monde veut de la vitesse. Ce n’est pas une voiture pour aller vite », précise D’Ambrosio. Ni pour accueillir une famille. L’intérieur spacieux et agrémenté de

diamants ne dispose que de deux sièges. Son prix (1,6 million d’euros env.) en fait le SUV le plus cher au monde, une estimation qui se veut celle d’un objet d’art. « Soit on aime, soit on déteste, je ne veux pas d’entre-deux, prévient D’Ambrosio. Je prendrai l’indifférence comme un échec. » Mais avec seulement neuf commandes fermes, il admet que les réactions seront rares : « Vous aurez plus de chance d’en croiser une dans un film apocalyptique que sur le ­parking d’un supermarché. » karlmannking.com

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Red Bull Éléments

PIERRE-HENRI CAMY

UN POUR TOUS, TOUS POUR UN

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STEPHANE CANDÉ/RED BULL CONTENT POOL

Le Red Bull Éléments, sur et autour du lac d’Annecy le 15 septembre prochain, honore les mousquetaires de l’outdoor. Natation, trail, parapente, VTT : des équipes de quatre relayeurs qui seront liés par l’effort sur trois éléments. Départ plage de Talloires pour de la nage (3 km) sur 3 tours distincts ; puis 11,2 km de trail (1 965 m de dénivelé positif), à l’assaut de la Tournette, d’où s’élanceront les parapentistes, à 2 441 m d’altitude, en vue d’un atterrissage sur une micro-barge posée sur le lac d’Annecy. Avant l’ultime ­relais : 21 km de course technique en VTT. Unique ! Détails sur redbullelements.com

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B U L L EVA R D En 2017, 82 équipes, soit 328 participants (dont un quart de femmes) se sont lancés.

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B U L L EVA R D

VTR Customs

CETTE MOTO VA ­ CRACHER DU FEU

Inspiré par l’avion qui a changé le cours de la Seconde Guerre mondiale, un ingénieur conçoit une moto lanceflammes pour gagner la plus folle des courses.

Weidmann sur la moto « Spitfire » qu’il a conçue. En arrière-plan : la pilote Amelie Mooseder, qui sait maîtriser cet engin de folie.

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PHOTOCAB/ANDRI MARGADANT

TOM GUISE

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a Sultans of Sprint est une course de motos custom hors norme. Certes, il s’agit, départ arrêté, d’aller plus vite que l’adversaire sur 200 m de tarmac. Sauf qu’ici, la vitesse n’est qu’une partie de l’équation dans cette série de cinq courses à travers l’Europe. Soixante-dix pour cent, pour être exact. Les trente restants récompensent la créativité et la folie dans deux défis : Style et Mécanique, et Scary Factor, en plus des points pour le ­Party Monster Bonus. Le Scary Factor exige d’une bécane qu’elle déroute l’adversaire par sa simple présence ; le défi Bonus est plus cruel : le pilote doit danser le limbo sous une barre placée à la hauteur de sa moto. C’est donc un concours avec du contenu, du style et tout autre chose. Daniel Weidmann a tenu compte de tous ces paramètres en préparant sa participation à la série. Mais rien de bien nouveau pour ce propriétaire du magasin VTR Customs en Suisse (à Schmerikon, canton de Saint-Gall), un habitué du concours avec à son actif un podium et un prix du jury au Sprint d’Essenza, le moins fou de la série. Mais l’édition 2018 a innové : à l’habituelle Freak Class (catégorie ouverte aux motos 4 temps de 1 600 cm³) s’ajoute la Factory Class, unissant constructeurs et ateliers customs pour réaliser un modèle cent pour cent original. BMW s’est associée à VTR en proposant sa nouvelle R 1200 R comme base du projet. « L’objectif était de mettre au point la plus complexe des machines de tous les temps », explique Weidmann, inspiré par sa ­passion des avions de chasse de la Seconde Guerre mondiale, en particulier pour le Supermarine Spitfire de la

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Rare : VTR Customs a récupéré des instruments de bord d’un vrai Spitfire pour les intégrer à la moto.

Unique : le cadre de la moto a été allongé et abaissé. Tout est fait main, de la conception à la réalisation.

Royal Air Force britannique. Préférant le crayon et le papier à la conception sur ordinateur, l’équipe de Weidmann utilise marteaux, sacs de sable et roulage manuel pour donner à l’aluminium brut la forme d’une torpille évoquant le Warbird de 39-45. D’authentiques instruments de bord du Spitfire sont ajoutés, dont l’interrupteur de démarrage. Weidmann ­intègre même un système d’échappement cracheur de feu en l’honneur du nom et des flammes qui jadis jaillissaient du moteur Rolls-Royce Merlin. Scary Factor garanti. Conformément au règlement sur le rapport puissance/poids

de la classe Factory, VTR ne modifie pas le moteur boxer deux cylindres, mais allonge le cadre de 20 cm et l’abaisse de 130 à 90 cm, créant au ­passage un drôle d’hybride à piloter pour gagner le Party Monster Bonus. Il n’empêche, ses 125 chevaux lancés à 257 km/h permettent à la ­pilote Amelie Mooseder du team VTR de finir deuxième à l’épreuve d’ouverture du Sultans of Sprint à Monza (Italie) en mai dernier. Comme l’a dit un jour un fan du Spitfire, jamais, dans l’histoire des conflits humains, autant de gens furent redevables à une poignée d’autres. sultansofsprint.com  21


Station Aurora

RESTER SUR TERRE, C’EST DÉPASSÉ !

Si jamais vous avez fait fortune d’ici 2022, vous pourrez passer douze jours dans l’espace. Les équipes de la Station Aurora y travaillent.

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Pensez à faire un régime : la station Aurora offrira six fois moins d’espace que la station spatiale internationale ISS.

PIERRE-HENRI CAMY

rendre de la distance dans l’espace, dans l’hôtel dont on ne compte plus les étoiles… « Avec Aurora, on arrivera plus vite dans l’espace et à un coût moindre que les expériences annoncées à date », dit Frank Bunger, fondateur de la société américaine Orion Span, à l’origine du projet ­Aurora, station présentée comme « le premier hôtel de luxe spatial abordable » et capable d’accueillir 6 personnes, dont deux membres d’équipage. Bunger, « serial entrepreneur », est accompagné dans cette entreprise par ­David Jarvis, ingénieur ayant contribué à la station spatiale internationale (ISS), de Frank Eichstadt, designer industriel et architecte aéronautique qui a notamment collaboré avec la NASA, ainsi que de Marv ­LeBlanc, autre pro des ­missions dans l’espace.

séjour : 9,5 millions de dollars). Et il vous faudra verser 80 000 dollars d’arrhes de suite pour être parmi les premiers clients potentiels à chiller dans cette station lancée fin 2021 (si Orion Span boucle ses financements). À votre r­ etour sur terre, vous serez a ­ ccueilli en « héros ». orionspan.com

Possible (sous conditions) : 3 mois de formation, dont 12 jours en orbite, et 9,5 millions de dollars… Vous y êtes !

ORION SPAN

P

Pour rejoindre la station début 2022, une simple formation de trois mois suffira. Phase 1 : en ligne. Phase 2 : avec les équipes d’Orion Span, dans leur centre de formation de Houston, Texas. Phase 3 : durant le séjour à bord d’Aurora. Menu du séjour ? Vous profiterez de l’impesanteur, en mode 24 h/24, forfait illimité ; vous apprécierez la vue depuis les nombreux hublots qui vous permettront d’admirer l’espace et votre planète favorite ; vous participerez à des ateliers, comme faire pousser de la nourriture en orbite, et pourrez converser avec des Terriens (vous n’en serez plus un) via Internet. Une expérience à plus de 320 km d’altitude, dans un ­espace de 42 m² en orbite terrestre basse, soit un tour de notre planète toutes les 90 minutes et 16 levers et couchers de soleil chaque 24 heures. De quoi vous motiver à lancer une start-up à succès pour pouvoir être parmi les premiers civils à se caler 12 jours à bord de la station Aurora (prix d’appel du

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B U L L EVA R D

Miss Red

« PÉTAGE DE PLOMBS ? TIGER À FOND ! » L’ardente MC a pioché 4 titres dancehall qui ont marqué sa carrière au fer rouge.

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KASIA XACHARKO

FLORIAN OBKIRCHER

é en Jamaïque à la fin des années 70 comme petit frère déjanté et hautement énergétique du reggae, le dancehall­ ­bénéficie aujourd’hui d’un regain d’intérêt à l’échelle mondiale grâce à des hits signés ­Diplo ou Drake truffés de dance-beats très courts, typiques du genre. Le numéro le plus rafraîchissant et le plus innovant du moment vient tout droit d’Israël et s’appelle Miss Red. Son premier album K.O. est un véritable tourbillon acoustique où sa voix sauvage se superpose aux beats et aux basses. La chanteuse de 25 ans nous donne la liste des titres qui ont forgé son style. missred1.bandcamp.com

SUPER CAT REALITY (1988)

TIGER RAP PON RYDIM (1988)

« C’était l’un des chanteurs j­ amaïcains les plus populaires des années 1980, l’âge d’or du dancehall. Quand j’ai entendu son flow la première fois, je n’en croyais pas mes oreilles. Comment ce type pouvait-il à la fois rapper de manière si ­décontractée et chanter aussi bien ? Cette chanson va droit au but, elle parle de la vie ­difficile de Super Cat, mais son approche ultra positive du sujet est super contagieuse et inspirante. »

« Ce morceau, c’est l’incarnation de mon amour pour le dancehall. Car dans ce genrelà, l’enjeu, c’est toujours de trouver de nouveaux sons. “Rap Pon Rydim” : au début, on dirait un track de techno un peu déglingué, qui devient encore plus ouf quand Tiger s’y met : il crie, il hurle, de l’énergie pure ! Les passages agressifs de mon album sont très largement influencés par lui. C’est parfait quand il y a ­pétage de plombs ! »

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Miss Red crée le dancehall de ­demain sous l’aile du producteur The Bug.

RANKING ANN MOONLIGHT LOVER (1982) « Même avant l’évocation de la scène d’amour au clair de lune, tu sais que cette chanson va être cash. Ça tient à son flow, cool et sexy. Sa façon de chanter est très expressive, je m’en suis librement inspirée. Ranking Ann est une pionnière du dancehall au Royaume-Uni. Pour moi, elle est d’autant plus importante car je ­m’identifie fortement à ses textes. Logique, je suis une femme également ! »

LADY SAW CHAT TO MI BACK (2007) « Le message de ce titre se r­ ésume à ça : “Peu importe ce que tu attends de moi, parle à mon cul !” Dans sa musique, Lady Shaw montre très clairement que c’est elle qui décide, ce qui est sacrément courageux pour une artiste féminine. Certaines de ses chansons sont tellement explicites qu’une partie de la Jamaïque a censuré ses concerts. Pour moi, c’est un modèle. Elle dit ce qu’elle veut, et elle se contrefout des règles. »

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B U L L EVA R D

Comment…

NÉGOCIER AVEC UN NARCOTRAFIQUANT L’aventurier Aldo Kane s’est confronté aux dangers des volcans, des déserts et des océans, mais sa rencontre avec un esprit criminel reste peut-être la plus redoutable.

r­ évélateur. Pour certains de ces c­ riminels, le cartel est leur gouvernement. Est-on en droit de faire quelque chose parce que son “gouvernement” dit que c’est okay ? Que deviennent le bien et le mal quand le rapport de force s’inverse ? Reste qu’il est très difficile d’éprouver de l’empathie pour quelqu’un qui a fait sauter la cervelle de 257 personnes. »

Interpréter les signes

« À moins d’avoir été spécifiquement formé, vous trahissez toujours vos pensées à votre insu. Parlez à une personne pendant cinq minutes et vous saurez quand elle ment ou fait appel à sa mémoire, et si elle est inventive ou méthodique. Mais ces tueurs à gages sont difficiles à lire parce que la ­nature même de leur activité fait qu’ils vous dupent en ­permanence.  »

S’attendre à tout

Ex-tireur d’élite des Royal Marines, Aldo Kane assiste les équipes de tournage en milieux extrêmes.

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Pas de sentiment

« Dans les Royal Marines, j’ai appris à lire les gens, à évaluer les réactions, à réagir à la ­violence ou à l’éviter. Ce savoir m’a déjà été utile. Mais établir un lien avec un tueur professionnel est autrement plus ­délicat – le job d’un sicaire consiste à approcher sa cible et lui loger deux balles dans la tête. C’est le genre de personne douteuse et rusée, manipulatrice et sceptique. »

On ne vous a pas ­demandé votre avis

« Votre rôle est d’observer et non de juger. Il est facile de lancer des jugements dans le confort et la sécurité d’un ­salon. Le terrain seul est

Exploiter la vanité ­d’autrui

« Il faut les flatter pour qu’ils se prêtent au jeu. Ici, c’est ­différent parce qu’ils sont ­armés, pourtant, c’est leur ego qui nous a ouvert l’accès à leur monde et permis de ­filmer. V ­ alorisez vos interlocuteurs et ils déplaceront des montagnes pour vous. Après l’interview, Popeye est devenu mondialement connu comme étant le bras droit de Pablo ­Escobar. Le monde est étrange, très étrange. »

THE RED BULLETIN

MATT RAY

E

xpert en sécurité, Aldo Kane assure la protection des équipes de tournage à l’étranger. Mais identifier les dangers ne va pas toujours de soi. Pour The Real Narcos, un documentaire ­anglais de Channel 4 sur les cartels du Pérou et de Colombie, Kane devait évaluer les risques liés aux interviewés. Des tueurs à gages appelés sicario ont accepté de témoigner ­devant la caméra, sans contrepartie. Kane rembobine : « Je me retrouve dans un café avec Jhon Jairo Velásquez Vásquez alias Popeye, principal lieutenant de Pablo Escobar, et lui demande de passer le sel, tout en parlant de sa femme et, parfois, des gens qu’il a étripés. »

GEORG ISMAR/AGE FOTOSTOCK, ALDO KANE

En 1992, l’ex-sicaire Velásquez Vásquez est condamné à trente ans de prison et libéré au bout de 22 ans.

« Dès que vous parlez de drogue, l’instinct disparaît, les gens tendent à agir de façon erratique : mal à l’aise, bizarre, parano. Et si vous ajoutez l’argent et la peur de la mort, vous pouvez vite vous retrouver dans de sales draps si la situation tourne mal. Même en limitant les risques, vous restez sur la corde raide. Je préfère encore être à l’intérieur d’un volcan en éruption. »



TRISTAN SHU

Guillaume Galvani et sa vue d’enfer sur le soleil couchant d’Ölüdeniz (Turquie).


PASSEZ EN MODE EXTRÊME Chaque jour, faire face au stress et à l’anxiété représente un ­véritable challenge mental. C’est en se confrontant à des situations ­extrêmes qu’aventuriers et athlètes d’endurance ­bâtissent leur c­ arrière. Ils savent donc parfaitement gérer ce que la plupart d’entre nous qualifieraient d’impossible. Voici leurs o ­ utils et techniques psychologiques pour surmonter plus facilement les vicissitudes du quotidien… Texte MARK BAILEY

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PASSEZ E N M ODE EXTRÊME

Trop éviter les risques peut entraver votre progression pro ou perso. Mais, comme le pense le Français Guillaume Galvani, tout le monde est c­ apable de gérer le risque. Le cas lorsqu’il s’élance en parachute – pendu sous un parapente – près d’Ölüdeniz (­Turquie) à plus de 2 000 m au-dessus de la mer Égée pour la photo d’ouverture (prise par Tristan Shu) de ce sujet. « Je ne suis pas Superman, juste un gars ordinaire qui vit son rêve : voler comme un oiseau. » ­Galvani en est certain : vous pouvez réduire les risques si vous y consacrez le temps et les efforts nécessaires. « Les sports aériens ne sont pas sans risque. Mais ce risque peut être évalué, soupesé, calculé et même évité. Vous escaladeriez une montagne sans expérience ? Non ! Mais si vous développez des compétences dans un environnement contrôlé et adapté à vos capacités mentales et physiques, vous en retirez des idées, des analyses et des expériences qui vous montrent comment gérer le risque et connaître vos limites. » Une fois que la connaissance de soi a baissé le risque à un niveau raisonnable, vous en récoltez les fruits. « Quand je vole en wingsuit, dès que je suis prêt, que mes limites sont définies et que j’ai tout analysé, j’écoute mon corps et je me ­focalise sur mes mouvements. Le reste, c’est du plaisir à l’état pur. »

« Le risque peut être évalué, soupesé, calculé, et même évité. » 28

DAVID LAMA CONQUÉRIR SON ANXIÉTÉ COMME UN ALPINISTE Premier triathlon ou premier jour dans un nouveau job… Autant de sources probables d’anxiété, car vous êtes contraint de sortir de votre zone de confort. Mais l’alpiniste autrichien ­David Lama, qui a terminé la première ascension libre de l’impressionnante voie du compresseur sur le Cerro Torre (Patagonie) en 2012, sait bien que le fait d’affronter ses peurs est souvent le meilleur moyen de vivre sa vie à fond. Afin que que la crainte n’anéantisse pas vos objectifs de vie, vous devez apprendre à désamorcer l’anxiété avant qu’elle ne vous saisisse. Pour Lama, il faut élaborer mentalement des plans de bataille adaptés à tous les scénarios potentiels. « Si vous connaissez les ­difficultés associées à un nouveau

­ rojet, et si vous r­ éfléchissez à des p ­solutions, vous pouvez éviter l’état de panique, d ­ évoile le jeune homme de 27 ans. L’anxiété est due à la peur de ce qui pourrait se passer, et non de ce qui se passe maintenant. Alors quand je me retrouve face à une immense ­paroi, je me demande : “Comment estce que je réagirais si mon partenaire d’escalade ou moi nous nous cassions une jambe à 5 000 ou à 7 000 m d’altitude ? Quelle stratégie emploierais-je pour nous redescendre de là en toute ­sécurité?”  » En élaborant des plans mentaux ­selon les différentes situations, vous reprenez le contrôle : « Pour faire

« Plus vous vous testez, moins vous êtes susceptible d’avoir peur. »

COREY RICH/RED BULL CONTENT POOL, GUILLAUME GALVANI

GUILLAUME GALVANI RÉDUIRE LE RISQUE TEL UN EXPERT DES SPORTS AÉRIENS


­ isparaître l’anxiété, il faut y ­réfléchir d de manière réaliste. » David Lama ­insiste sur un autre ­secret pour surmonter l’anxiété : ­tester ses limites dans des environnements dépourvus de risques avant de s’attaquer à un gros challenge. « J’ai fait de l’escalade sportive toute ma vie. J’ai donc pu tester mes limites sans craindre les conséquences, car si je ­faisais une chute, les cordes et les ­pitons m’auraient empêché de me ­briser le dos, explique-t-il. Désormais, quand j’escalade d ­ ’immenses montagnes, je connais mes limites. » La possibilité d’explorer votre ­esprit et votre corps dans un environnement sécurisé, qu’il s’agisse de ­tester un discours de mariage sur vos colocataires ou d’acquérir une expérience pratique avant de postuler à un emploi, renforce votre confiance en vous et contient votre anxiété. « Plus vous vous testez, moins vous êtes susceptible d’avoir peur », ajoute ­David Lama.

David Lama réalise la première ascension du gouffre des Trois Ponts au Liban en 2015.


PASSEZ E N M ODE EXTRÊME

selon la situation rencontrée. Pour surmonter la douleur ou l’ennui, elle faisait appel à la positivité : « Je me disais : “C’est amusant… une super excursion !”, ce qui amenait mon cerveau à éteindre les alarmes m’incitant à m’arrêter. » Lorsque sa motivation était au plus bas, Juliana adoptait un discours négatif pour retrouver de l’énergie : « Allez, grosse paresseuse, bouge-toi ! » Et si une catastrophe survenait, elle entrait en mode guerrier : « Alors, qu’est-ce que tu as dans le ventre ? C’est vraiment tout ce que tu peux faire ? » Parfois, il valait mieux en rire : « N’importe quoi, regarde ce que tu as fait ! » Du coup, ce problème ne lui semblait plus si grave. Que vous manquiez de motivation au sport ou deviez gérer une mauvaise passe, un scénario pour chaque situation peut vous aider à reconnecter vos ­pensées. « À certains moments, je me sentais fatiguée et malade, mais quand je passais le cap, j’avais un vrai coup de boost, s’amuse Juliana Buhring. Je me sentais euphorique. »

« Dans la douleur ou l’ennui, je me disais : “C’est une super ­excursion !” » Juliana Buhring lors de la Trans Am Bike Race (USA) en 2014. Elle termine 4e au classement général.

EDDY CLARK, DAMIANO LEVATI

JULIANA BUHRING APPRÉHENDER LES ÉPREUVES COMME UN(E) CYCLISTE UN TOUR DU MONDE

Expérience négative, échec personnel ou spleen peuvent altérer votre énergie et votre motivation. La cycliste d’endurance Juliana Buhring a appris à tenir bon malgré les épreuves lorsque, en 2012, elle est devenue la femme la plus rapide à avoir accompli le tour du monde à vélo. Pendant son périple de 29 060 km en 152 jours, elle a traversé un cyclone en Inde, échappé à des meutes de chiens déchaînés en Turquie et souffert d’hypothermie en Nouvelle-Zélande. « Vous apprenez bien vite que tout n’est que temporaire et que ce mauvais moment va passer », raconte Juliana ­Buhring, aujourd’hui âgée de 37 ans. Afin de conserver un mental d’acier pendant les périodes sombres, elle se parlait à elle-même. Cette technique psychologique se sert des mots pour modifier votre état d’esprit. « Mes propres encouragements me permettaient de prendre du recul et de savoir ce dont j’avais besoin », explique la cycliste germano-britannique. Elle s’est construit un large éventail de discours intérieurs


JEZ BRAGG DÉCOUVRIR LA PAIX INTÉRIEURE TEL UN ULTRA-TRAILER Monde digital qui donner le vertige, pressions lancinantes au travail… votre paix intérieure est troublée. L’ultramarathonien anglais Jez Bragg a ­découvert que la pensée consciente pouvait apaiser l’esprit, au bureau comme lors d’une course de 160 km. « Il faut se concentrer sur l’endroit où l’on se trouve et observer son environnement, révèle Jez qui, en 2013, a couru le trail de 3 000 km de Te ­Araroa à travers la Nouvelle-Zélande, usant 12 paires de chaussures jusqu’à la corde. Vous vous focalisez sur la vue, la météo, vos sensations… chaque composante de l’expérience, ancré dans le moment présent. » Le fait de vous centrer dans le ­présent vous empêche d’être envahi de « pensées catastrophes » et vous donne une meilleure vue d’ensemble. « Cela vous apprend à réfléchir aux quelques étapes qui vont suivre, et pas à la ligne d’arrivée. C’est très ­rassurant », ajoute l’athlète de 37 ans. Que vous profitiez de la pause-déjeuner pour faire une balade tranquille ou essayiez de vous calmer après une énorme dispute, le secret consiste à emmagasiner autant d’informations sensitives que possible, de la vue jusqu’à l’odorat : « Vous entrez dans un espace onirique qui vous aide à vous relaxer. » Il faut s’exercer régulièrement pour maintenir les pensées négatives à distance. « Quand je cours, j’analyse souvent mon propre état d’esprit, dit Jez. Ainsi, si je me sens mal, je peux savoir pourquoi. » Cette technique vous encourage à contrôler votre ­humeur : « Cela peut être déclenché par la faim ou une pensée négative. Alors je me dis : “Comment puis-je changer ça ?” Peut-être avec du repos ou un discours intérieur positif ? Ces vérifications empêchent l’esprit de se perdre. » Jez Bragg en a également noté les bénéfices dans son travail quotidien, dans l’univers de la construction. « Je pars dans mes rêveries et cela m’aide à ­résoudre mes problèmes. Je sors ­courir et je reviens avec des solutions pour mon travail, car je suis vraiment plus lucide. » THE RED BULLETIN

« Je sors courir et je reviens avec des solutions pour mon travail. » Le Te Araroa (« long chemin ») l’a conduit dans des montagnes volcaniques, des ­forêts denses et par-delà les cours d’eau.

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PASSEZ E N M ODE EXTRÊME

BEN SAUNDERS SURMONTER LE CHAOS COMME UN EXPLORATEUR

« Dans cet environnement hostile, vous pouvez mourir en peu de minutes. » Malgré un planning carré pour son trek en Antarctique en 2013-2014, Ben Saunders est resté à la merci des éléments.

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Une boîte mail qui déborde, un planning de travail délirant, des délais serrés ou de nouvelles responsabilités peuvent donner l’impression de perdre le contrôle, mais l’explorateur Ben Saunders ­affronte chaque jour des situations où il est véritablement question de vie ou de mort. « En ­milieu polaire, vous êtes livré à vous-­même et vous pouvez vite vous sentir submergé, rapporte Ben ­Saunders qui, avec son équipier anglais Tarka L’Herpiniere, a parcouru 2 913 km à travers l’Antarctique en 2013-2014 et ainsi accompli la plus longue expédition polaire tractée par l’homme dans l’histoire. L’Antarctique est l’endroit le plus froid, le plus sec et le plus venteux au monde. Vous avez l’impression d’être un spationaute. Dans cet environnement hostile, vous savez que vous pouvez mourir en l’espace de quelques minutes. » Âgé de quarante ans, l’explorateur ­anglais ­affirme que tout le monde peut

profiter des stratégies psychologiques de domination du chaos qu’il a mises au point. Lors de cette épuisante expédi-­ tion de 105 jours en Antarctique, il s’est imposé une discipline stricte au travers d’un planning quotidien détaillé. Pour éviter les engelures ou survivre à une journée de folie au bureau, l’organisation de la journée minute par minute neutralise le stress et renforce le sentiment de contrôle. « En Antarctique, mon quotidien ­tournait autour de mes routines, dévoile Ben Saunders. Je me réveillais, j’allumais le poêle, je faisais fondre de la glace, je préparais le traîneau selon des règles très précises, puis je divisais la journée en blocs de temps et je m’arrêtais toutes les 90 minutes pour manger un bout et ­effectuer les tâches indispensables. Le planning et les routines rationalisent votre journée et vous avez la sensation de maîtriser le déroulement des événements. »


ANDY WARD, MARTIN HARTLEY

Il a utilisé des sacs de couleurs ­ ifférentes (bleu pour la nourriture, d rouge pour les lunettes et les gants, etc.), ce qui lui a permis de rester hyperorganisé. « Vous devez être méticuleux : en Antarctique, le simple fait de laisser tomber un gant peut avoir des conséquences dramatiques », rappelle-t-il. Le respect de routines définies permet aussi de traverser une journée difficile en cas de fatigue ou de stress. « Vous fonctionnez en pilotage automatique, résume Ben Saunders. L’expédition en Antarctique a été si intense que j’ai perdu 22 kg. Mais avec de bonnes routines, vous savez ce que vous avez à faire, même quand vous n’êtes pas au m ­ ieux physiquement et mentalement. » L’explorateur constate que ces ­stratégies organisationnelles sont aussi très efficaces pour lutter contre l’anxiété dans la vie quotidienne. « Même lorsque je prépare une ­expédition, je ­reste un maniaque des listes, plaisanteTHE RED BULLETIN

« En Antarctique, le simple fait de laisser tomber un gant peut avoir des conséquences fatales. »

t-il. Ma vie entière est organisée sur une application nommée Things : j’y conserve toutes les données relatives à mon entraînement, mes sponsors, mon aliment­ ation et mon équipement. Cela m’évite de devenir dingue, car je peux consulter mes listes à tout moment et accéder à l’ensemble de mes infos. » Selon Ben Saunders, tout tient dans le fait de compartimenter ses pensées. « J’ai appris à ne pas dépenser d’énergie mentale sur ce que je ne peux pas changer, ajoute-t-il. Dans les environnements polaires, vous ne contrôlez pas la visibilité, la vitesse du vent ou les conditions d’enneigement. Alors j’ai conservé l’énergie limitée dont je disposais pour ce que je pouvais changer : bien m’orienter, me déplacer efficacement. Le reste se met en place tout s­ implement. »

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XAVIER DE LE RUE STRESS MINI FAÇON SNOWBOARDEUR

« Plus vous connaissez vos limites, plus vous pouvez les r­ epousser. » Passionné, Xavier de Le Rue part souvent en expédition, à la recherche de spots à rider.

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On peut tous être confrontés au stress et à la peur : pour des questions d’argent, de boulot ou, comme le snowboardeur Xavier de Le Rue, 39 ans, pour des questions de survie. « C’est quand on a senti la vraie ­puissance de la montagne que l’on sait son pouvoir destructeur », dit c­ elui qui, depuis ­plusieurs années, parcourt le globe à la recherche des spots de freeride ­improbables. Une de ses plus folles idées fut de ­rider un volcan en activité dans ­l’archipel de Vanuatu (Pacifique sud). « Cette expérience vous apprend à être à l’écoute de vos pensées et à les ­gérer. » Car on peut vite se laisser ­submerger par les émotions et les ­informations qui se bousculent dans la tête en période de stress. « Il est impératif d’utiliser les deux hémisphères du cerveau pour évaluer la s­ ituation, explique l’ex-champion du monde de snowboard cross. Je d ­ issocie la part ­logique de la part émotionnelle. J’analyse d’abord chaque risque en me ­demandant s’il est réel, et s’il y a une solution. C’est seulement après que j’écoute mon instinct. Si je sens que j’en suis capable, je me lance. S ­ inon, je m’en vais. » Se confronter à ses problèmes, c’est dissocier les vrais qui appellent une action, de ceux qui n’en sont pas. Une technique imparable pour booster sa confiance, car « plus vous connaissez vos limites, plus vous pouvez les repousser ». ­Apprendre à défier sa peur, mais avec méthode : car si vous lui succombez, vous risquez de passer à côté des plus beaux moments de votre vie.


PASSEZ EN MODE EXTRÊME

« L’esprit est un outil indispensable à la survie. » Lors de l’émission TV Naked And Marooned tournée en 2013, Ed Stafford a dû survivre 60 jours sur l’île déserte d’Olorua dans l’archipel des Fidji.

TERO REPO/RED BULL CONTENT POOL, DISCOVERY

ED STAFFORD RESTER SEREIN À LA FAÇON D’UN AVENTURIER Vos soucis financiers ou votre déménagement peuvent vous causer de l’anxiété. L’aventurier Ed Stafford, qui entre 2008 et 2010 a été le premier homme à longer la totalité du fleuve Amazone à pied, savait pendant ces 860 jours qu’il était susceptible de rencontrer à tout moment des trafiquants de drogue ou des serpents venimeux ou bien d’être pris pour cible par une tribu indigène. Comme vous, il n’est pas un surhomme. Pour lutter contre l’anxiété, l’Anglais de 42 ans se concentre sur deux techniques capables d’aider n’importe qui à désamorcer les doutes et inquiétudes quotidiennes. « La première chose à faire est de méditer quotidiennement, THE RED BULLETIN

explique-t-il. À la maison, j’utilise une application nommée Headspace qui ­propose des sessions de méditation de 20 minutes pour vous aider à vous détacher de vos pensées négatives. J’ai tellement utilisé ces techniques que je peux désormais m’en servir en situation de survie. Vous pouvez par exemple imaginer vous asseoir sur le bas-côté d’une autoroute et voir toutes vos pensées ­négatives passer devant vous comme des voitures. Vous apprenez à ne pas vous précipiter devant elles ni les laisser vous emporter. Il vaut mieux les regarder passer. » Et si cela a fonctionné pour Ed Stafford lorsqu’il était tellement fatigué et affamé qu’il a commencé à ronger les os d’une souris morte, cela peut fonctionner pour vous aussi. La seconde tactique d’Ed découle de la philosophie aborigène. « Les peuples aborigènes pensent qu’ils ont trois ­cerveaux, raconte-t-il. Le plus grand d’entre eux est lié au ventre et à

l­’instinct, le deuxième au cœur et aux émotions, et le plus petit est le cerveau logique, celui que la majorité des Occidentaux utilise au quotidien. Les aborigènes appellent ce cerveau logique ngan duppurru, terme qui désigne également un filet de pêche si enchevêtré qu’il est impossible de le réparer. » Stafford s’est rendu compte que, pour lutter contre l’anxiété chez soi comme pour survivre sur une île déserte, il est essentiel de revoir la priorité de ces trois cerveaux. « Si vous restez dans votre cerveau logique, vous ne pouvez pas ­éviter l’anxiété et la peur. Il vaut mieux suivre votre instinct pour ­savoir ce qui est bon ou mauvais, et ­déterminer ce qui vous rend heureux ou malheureux, puis utiliser vos cerveaux émotionnel et l­ogique comme filtres avant de passer à l’action. » Pour ­Stafford, cette réflexion est l’une de ses plus grandes découvertes. « ­L’esprit est un outil indispensable à la survie. »   35


RAFA ORTIZ TROUVER SON FLOW COMME UN KAYAKISTE DE L’EXTRÊME

Pour battre votre propre record sportif ou vous sortir d’une avalanche de ­travail, vous devez trouver votre flow, ce sentiment irrépressible de concentration intense qui vous permet d’ignorer toutes les distractions et de vous focaliser sur le challenge qui vous ­attend. C’est précisément l’état d’esprit que Rafa Ortiz, kayakiste de l’extrême d’origine mexicaine, adopte lorsqu’il dévale des chutes d’eau mortelles, ­gardant en tête que le moindre manque d’attention peut lui être fatal. « Vous devez être capable de vous concentrer intensément, explique à 31 ans Rafa Ortiz, l’homme qui a conquis en 2012 les fameuses chutes de Palouse (57 mètres) dans l’État de Washington (États-Unis), atteignant à cette occasion des vitesses de 130, voire 150 km/h. Pour réussir, vous ­devez viser ce juste équilibre entre concentration et détente. Les distractions seront toujours présentes, mais vous serez si concentré qu’elles ne vous gêneront plus. Certaines de me plus grosses erreurs en kayak sont dues à des moments d’inattention. » En 2013, Rafa Ortiz a mis à profit son incroyable pouvoir de concentration pour descendre en kayak les eaux vives navigables les plus profondes au monde, à savoir une suite de cascades situées à Río Santo Domingo (Mexique) et qui peuvent atteindre jusqu’à 27 mètres de haut. Pour optimiser sa concentration à l’aube d’un grand challenge, il utilise la visualisation. Cette technique 36

f­ onctionne aussi bien en haut d’une piste de ski que pendant le trajet du matin pour aller au travail. « Je visualise toujours ce que je suis sur le point de faire sous la forme de milliers de ­minuscules images, raconte Rafa Ortiz. Ce processus aide à canaliser ses ressources mentales et à rester concentré. Je pense à mes trajectoires, à mes ­réactions, et à chaque vaguelette ou ­rocher que je risque de rencontrer en chemin. C’est un peu comme un entraînement en réalité virtuelle : vous visionnez une vidéo dans votre tête. Au ­moment fatidique, vous vous sentez ­extrêmement concentré parce que

vous avez l’impression d’avoir déjà vécu cette expérience. » La visualisation vous place dans un état de concentration ultime qui vous permet de trouver votre flow. « C’est l’alliance de la relaxation et de la concentration, dévoile Rafa Ortiz. ­Normalement, lorsque vous vous ­relaxez, vous vous dispersez, comme quand vous vous endormez. Mais la ­visualisation vous apprend à associer une relaxation totale à une concentration totale. C’est une sensation très ­intense qui prépare votre esprit et vous empêche d’être distrait afin que vous soyez au top à ce moment précis. »


PASSEZ EN MODE EXTRÊME

GREG MIONSKE/RED BULL CONTENT POOL, MICHAEL CLARK/RED BULL CONTENT POOL, KRYSTLE WRIGHT PHOTOGRAPHY

Dans ses livres, ­ arah Marquis reS late 23 ans d’expérience de marche en solitaire.

SARAH MARQUIS ANTICIPER LES ­ÉPISODES ­DIFFICILES TELLE UNE AVENTURIÈRE

« Le flow, c’est l’alliance de la ­relaxation et de la concentration. » En 2017, Rafa Ortiz brave les impressionantes chutes de Spirit Falls, situées dans l’État de Washington (États-Unis).

Il est toujours compliqué de se projeter volontairement dans le pire à venir, ­d’autant plus lorsqu’il est inéluctable (soit parce qu’on a un défi à relever – question de dignité –, soit parce que la vie nous l’impose). Sarah Marquis, élue aventurière de l’année par le National Geographic en 2014, est une experte pour ce qui est de sortir de sa zone de confort. La Suissesse de 46 ans a parcouru l’équivalent de la Terre entière à pied, traversant des mois, voire des années durant les régions les plus hostiles du globe avec la curiosité pour moteur, la destination n’étant pas sa finalité. Afin de garder les idées claires avant un long périple, et pour se délester d’un poids, ­Sarah mise sur son allié : son corps ; elle l’utilise comme garde-manger. « J’ai un rituel avant de partir pour plusieurs mois, je prends 10 à 15 kilos. Je fais des réserves pour que mon corps tienne. » Végétarienne depuis presque toujours, elle se nourrit de ce qu’elle trouve dans la nature : « Quand je passe en mode survie, je mange du poisson que je pêche, des insectes, du miel sauvage, des fruits de baobab, des plantes, tout ce

que la pharmacopée peut m’offrir. » Dans l’outback et le bush australien, l’aventurière a appris à « chasser » sa ration ­quotidienne. Bien que l’Australie soit un pays « all-you-can-eat », Sarah mangeait rarement à sa faim. Et pourtant, après avoir souffert, le corps finit par s’apaiser. ­L’esprit par s’affranchir. « Durant les trois premiers mois (douze heures de marche quotidienne, ndlr), le corps et l’esprit se ­nettoient. Passé ce cap, le corps ne fait plus mal, l’esprit est libéré. » Devenir fort et surmonter les passages que l’on sait d’avance « difficiles » implique de prendre la mesure de sa propre vulnérabilité. Connecter avec ses instincts et son animalité afin de se fondre dans le paysage. « Plus qu’une ­expédition, ce fut une adaptation constante à mon environnement, aux dangers en tout genre. » La marche lui a appris à faire communier le corps et l’esprit, et lui a inculqué une précieuse ­leçon d’humilité : relativiser sa place (dans le monde et dans la chaîne alimentaire). Car au final, rien ne dure, pas même les épisodes difficiles.

« J’ai un rituel avant de partir pour ­plusieurs mois, je prends 10 à 15 kilos. »   37


ALFONSO SABELLA

IL FAIT TREMBLER LA MAFIA

Le Sicilien ALFONSO SABELLA est le ­procureur anti-mafia le plus important de son pays. Sa devise ? « Le lâche meurt plusieurs fois par jour. L’homme courageux une seule fois. » Texte HOLGER POTYE

Photos MATTIA ZOPPELLARO


En trente ans de carrière, ­Alfonso Sabella a fait arrêter près de 300 mafieux.

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« Tes ennemis doivent toujours avoir plus peur de toi, que toi d’eux. » Vivre dans la peur et la s­ olitude : le lot de tous les juges anti-mafia en Italie.


C’

est l’histoire d’un idéaliste engagé dans la lutte éternelle du Bien contre le Mal. Celle d’un homme qui a toujours cru en ces valeurs auxquelles même l’État italien semble ne plus croire : justice, ordre et sécurité pour tous. Alfonso Sabella a été juge et procureur dans les pôles anti-­ mafia de Palerme, Rome et à présent de Naples. Une série télévisée tirée de son autobiographie est sortie en Italie sous le titre Il Cacciatore (trad. Le Chasseur).

the red bulletin : Avez-vous une ­famille  ? alfonso sabella : J’ai une fille, ­Carlotta, que j’ai eue avec mon ex-femme. Ma compagne actuelle est également ­magistrate, et s’appelle Diane, comme la déesse romaine de la chasse. Est-il possible, avec un tel métier, de protéger sa famille ? Je les ai protégées en les tenant le plus loin possible de moi : elles vivaient à Milan alors que je travaillais à Palerme, pendant sept longues années qui ont été les plus difficiles de ma vie. Je vivais comme un chien solitaire, parce que j’avais refusé que ma famille vive dans un appartement barricadé avec des sacs de sable aux fenêtres et des hélicoptères au-dessus de sa tête. Quelle conséquence cet éloignement a-t-il eu sur votre relation ? THE RED BULLETIN

Cela a entraîné la fin de notre mariage. Lorsque j’ai quitté Palerme et que nous avons pu revivre ensemble, nous nous sommes rendus compte que nous étions devenus étrangers l’un à l’autre. Mais c’est une question très personnelle.

jeunes dans les écoles, je cite toujours l’amiral Nelson s'adressant à ses troupes avant la bataille de Trafalgar : « L’Angleterre attend de vous que vous fassiez votre devoir. » C’est exactement ce que nous f­ aisons, mes collègues et moi.

Votre ami le plus proche, à l’époque de Palerme, était votre garde du corps. Au total, j’avais cinq hommes affectés à ma protection. Mon garde personnel était ­Leonardo Zarza, un jeune Carabinieri. Nous étions effectivement très proches. C’est lui qui a conduit ma femme à l’hôpital lorsqu’elle a accouché de notre fille. Il pensait qu’on n’arriverait jamais à temps s’il prenait ma voiture habituelle, une vieille guimbarde blindée très lourde à conduire. Leonardo a pris sa voiture privée, et je les ai suivis avec mon tank. C’est grâce à lui qu’on est arrivés à temps à la maternité.

Mais la peur de connaître le sort de tant d’autres juges avant vous... Justement, c’est le juge Giovanni Falcone qui a dit, avant d’être assassiné : « Le lâche meurt plusieurs fois par jour. L’homme courageux ne meurt qu’une fois. »

Difficile d’imaginer ce qu’a pu être votre quotidien, lorsque vous étiez au pôle anti-mafia de Palerme. Pouviez-vous partir en vacances, par exemple ? À l’époque, non. Aller au cinéma ? J’avais une collection impressionnante de cassettes vidéo. C’était la seule façon pour moi de regarder des films. Aller dans un ­cinéma public aurait été trop dangereux. Faire vos courses ? Impossible. Pas de courses, pas de sortie au restaurant non plus. Ce qui m’a au moins permis d’apprendre à faire la cuisine. Votre fille pouvait-elle fréquenter une école publique ? Oui, parce qu’elle vivait presque incognito à Milan, mais je ne pouvais pas lui rendre visite ni aller la chercher à l’école : cela aurait été trop risqué pour elle, et puis j’aurais inquiété les autres mamans. Comment ne pas perdre sa joie de vivre dans de telles conditions ? Je suis quelqu’un qui rit beaucoup. C’est parfois un rire amer, certes, mais moi et mon équipe avions un mot d’ordre : tes ennemis doivent toujours avoir plus peur de toi, que toi d’eux. Ce qui vous redonne le sourire… ? J’adore danser ! J’ai même aménagé une mini-discothèque dans ma maison. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette vie à haut risque plutôt qu’une vie pépère de juge de campagne ? Je voulais à tout prix réussir là où les autres avaient échoué. Quand je parle aux

Vous n’avez donc jamais peur ? Le moins possible. Dans votre livre, vous dites être un ­cacciatore, un chasseur de mafieux : comment comparer un magistrat à un chasseur de sangliers ? Parce qu’il y a beaucoup de ressemblances entre les deux. Un chasseur doit lire sa proie, ce que je savais faire plus facilement que certains collègues : en ayant grandi dans un tout petit village où tout le monde se connaît, j’ai appris très tôt à comprendre les multiples facettes de la nature humaine. Savoir observer, c’est une chose, mais il faut aussi savoir à quel moment ­passer à l’attaque. J’ai toujours préféré la patience et l’analyse à l’impétuosité. Je peux passer des heures le nez plongé dans des vieux dossiers pour essayer de mieux comprendre le comportement, le caractère, les habitudes des mafieux. Qui sont leurs contacts ? Où sont leurs planques ? Comment réagissent-ils à telle situation ? Voilà les questions qui m’importent. Un aspect décisif de la lutte anti-mafia, c’est l’art de savoir chercher. Il faut comprendre le passé pour prévoir le futur. Et quand je bloquais sur un ­dossier, j’avais recours à une méthode que les ­chasseurs utilisent parfois lorsqu’ils veulent absolument coincer une proie. Et qui consiste... … en une technique un peu brutale : encercler sa proie en incendiant son territoire. Une méthode que pratiquent les chasseurs les plus acharnés de mon village pour attraper un sanglier : on met le feu autour de la bête pour l’obliger à fuir dans une certaine direction, et on l’attrape au tournant. Je m’en suis inspiré dans ma traque anti-mafia, en faisant ­arrêter presque tous les hommes d’un mafieux que j’avais en ligne de mire – pour n’en laisser qu’un seul en l­ iberté. Puis lorsque ma v­ ictime prenait contact avec cette personne, je le coinçais.   41


« Patience et analyse... Je peux passer des heures dans de vieux dossiers afin de mieux comprendre le comportement des mafieux. » On ne naît pas héros, on le devient.

Pourquoi rester du bon côté, dans un pays où les voyous sont si populaires ? (Rires) Le monde du crime exerce une certaine fascination, c’est vrai, mais celui de la justice me passionne davantage. Prenez l’ancien parrain de la Cosa Nostra, Leoluca Bagarella, un père de famille exemplaire, paraît-il. Il jouait avec ses enfants, cajolait sa femme… avec les mêmes mains tachées du sang de ses innombrables victimes.

alimentaire à la gestion des déchets, des bitcoins au trafic de migrants. Ce n’est pas une raison pour ne rien faire. Prenez Giuseppe « Pino » Puglisi, assassiné le 15 septembre 1993, jour de son anniversaire. Ce prêtre apprenait aux jeunes et aux enfants à penser par eux-mêmes, leur donnait du boulot, les rendait autonomes. Il leur montrait que l’avenir, ce n’est pas avoir à choisir entre le statut de victime ou de mafieux. Forcément, ça n’a pas plu.

À quel moment avez-vous décidé de ­devenir le « Bon contre les truands » ? Très tôt : mes parents étaient tous deux avocats, mon père était très engagé socialement. Quand ma fille était petite, je lui ­lisais la Constitution italienne…

Le pape François a excommunié la ­mafia en 2014. En vain ? La mafia a un rapport très particulier à la foi. J’ai entendu dire de certains mafieux qu’ils faisaient le signe de croix avant de commettre un meurtre, ou qu’ils priaient Dieu de les aider lorsqu’ils étaient en cavale. Ce n'est pas de la religion, mais de la pure superstition. Quant à l’Église, il faut souligner qu’elle a entretenu au cours de l’Histoire une relation ambiguë avec la ­mafia. Rappelez-vous le mafieux Pietro ­Aglieri, arrêté juste après une messe qu’un prêtre venait de célébrer dans sa maison.

Et ça lui plaisait ? Elle adorait mes histoires ! Quand on est engagé depuis près de trente ans dans un combat aussi inégal, comment garder la foi ? John F. Kennedy a dit : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Tout est donc possible. Mais c’est justement cet État que vous servez qui, par sa faiblesse et ses échecs répétés, a permis à la pieuvre de s’étendre et de gangréner des pans entiers de l’économie italienne : de l’agro42

Vous travaillez aujourd’hui au tribunal de Naples, et ne semblez pas vraiment décidé à raccrocher. Non, je me familiarise maintenant avec la Camorra (rires). C’est une lutte sans fin.

La série italienne Il Cacciatore s'inspire de l’autobiographie d’Alfonso Sabella. THE RED BULLETIN


Red Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658


TAK E F I V E

Le champion de keirin AZIZUL AWANG explique…

… COMMENT TIRER PARTI DE SES FAIBLESSES Premier Malaisien à avoir raflé une médaille olympique en cyclisme, celui qu’on surnomme « la fusée de poche » a su mettre à profit son petit gabarit pour arriver là où personne ne l’attendait : en haut du podium.

2 N’abandonnez jamais

Alors que je menais les séries lors de la Coupe du Monde 2011 à Manchester, j’ai fait une terrible chute après avoir été percuté par un coureur. Une écharde de 15 cm s’est plantée dans mon mollet. Mais je voulais terminer cette course, et je suis remonté sur mon vélo, abruti de douleur. Puis il y a eu l’opération et trois mois de thérapie avant de pouvoir remonter en selle. Ça a été très dur pour moi, mais grâce au soutien de ma famille et de mon coach, j’ai pu retourner à la compétition.

3 Regardez toujours vers l’avant Cette médaille d’or gagnée en 2017 sur le keirin représente beaucoup pour moi : il s’agit d’une course très particulière, que tu ne peux remporter que si tu as un plan tactique. J’en ai perdu, des courses ; c’est difficile à chaque fois mais il faut garder la niaque. Thomas Edison a échoué 99 fois, et à la 100e, il a inventé l’ampoule électrique. Le meilleur conseil que j’ai reçu est celui du coureur anglais Steve Peat : « Donne tout, ne lâche rien. »

4 Travail, travail, travail

Sur ma première finale de Coupe du Monde en 2008, j’étais le plus petit coureur, sur le plus petit vélo – je les ai fumés. » AZIZUL AWANG

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de vos points 1 Servez-vous faibles

Quand j’ai débuté dans le cyclisme de piste, personne n’aurait parié sur un petit coureur comme moi, mais j’ai relevé le défi. J’avais une bonne fréquence de rotation, je m’en suis servi pour compenser la puissance des grands coureurs. En moyenne, j’ai une vitesse de course de 160 tr/min, avec des pointes à 200 tr/min lors de sprints d’entraînement. Du coup, lors de ma première finale de Coupe du Monde en 2008, en étant le plus petit coureur et roulant sur le plus petit vélo – je les ai fumés.

5 La piste, votre terrain de jeu

En compétition, il est facile de se laisser submerger par le stress, je vois la plupart de mes adversaires gaspiller beaucoup d’énergie là-dedans. Moi, après tous ces entraînements si intenses, la course est mon moment de plaisir. J’arrive sur la piste comme sur un terrain de jeu.

Azizul Awang court pour Rapha ; rapha.cc Texte MATT RAY Photos BAKRI HAFIZ HISHAM THE RED BULLETIN

BAKRI HAFIZ HISHAM (2)

Champion olympique, père de famille, héros national… Awang, 30 ans, est un homme heureux. Il lorgne déjà son prochain défi : l’or à Tokyo en 2020.

Le niveau a tellement augmenté depuis Rio que je dois redoubler d’efforts si je veux décrocher l’or à Tokyo en 2020. En ce moment, je travaille la masse musculaire pour gagner en puissance. J’ai encore du boulot : je soulève 150-160 kg en demisquat quand certains coureurs font 200 kg et plus. Mon coach me dit toujours : « Dur aux entraînements, souple à la course. »


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Résistance en sous-sol De club pionnier à institution, LE REX est l’une des plus belles réussites culturelles françaises. Comment s’est-il maintenu au top, 30 années durant ? Ses patrons ­expliquent comment ils ont surmonté les difficultés en salle des machines pour maintenir le navire festif à flot.

DAVID BOSCHET

Texte SMAËL BOUAICI


LAURENT GARNIER aux platines du Rex Club lors d’un de ses fameux DJ sets all night long qui ont fait sa légende. Depuis 1992, le Français a boosté la réputation du club avec ses soirées Wake Up, qui ont vu défiler les pionniers de la house et de la techno.

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Rex est le club dédié à la musique électronique encore en activité le plus ancien du monde, dixit Laurent Garnier. Depuis trente ans, le sous-sol du 5 boulevard Poissonnière est considéré comme le temple de la musique électronique à Paris, et les DJ’s house et techno les plus prestigieux du monde y sont passés pour mixer, de Carl Cox à Nina Kraviz en passant par Daft Punk ou Jeff Mills. Si la vitrine est clinquante, en coulisses, les équipes du Rex Club sont au four et au moulin pour maintenir le bateau à flot face aux embûches qui s’abattent régulièrement sur leur chemin. Les alertes à la bombe, inondations et autres DJ’s enfermés dans les toilettes sont presque anecdotiques comparés aux combats du quotidien qu’ont dû mener Christian Paulet, directeur du Rex de 1988 à 2004, et Fabrice Gadeau, qui a pris sa succession. Quand les clubbeurs se remettaient de leur nuit de folie dans le club, ces deux hommes de l’ombre passaient une partie de leurs journées à tenter de combler le trou créé par une soirée manquée, répondre à des convocations de la police ou à des médias en quête de scandale, aligner l’établissement sur des ­réglementations sans cesse plus lourdes ou ­négocier des cachets avec des agents de DJ’s de plus en plus avides. Avec philosophie et une ­vision à long terme, ils sont restés prospères. 48

Y CROIRE ET RESTER GROUPÉ

Monter des soirées électroniques dans un club parisien en 1988 ? La drôle d’idée de Christian Paulet a fait jaser à une époque où la house et la techno étaient encore des mots étranges : « Au début, mes potes rockeurs se moquaient de moi, se souvient-il. Il y a eu un combat, contre le milieu musical de l’époque, contre les médias, beaucoup, contre les autorités, le public mal informé… » À la fin des années 80 et au début des années 90, très peu de lieux jouaient ce genre de musique dans la capitale : La Luna et Le Boy – deux clubs gays – et le Rex, qui devient le premier lieu grand public à se lancer dans le clubbing électronique. Secteur qui s’avérera porteur, mais dont la vision n’est pas partagée par tous. « C’était un défi : tout le monde pensait qu’on allait se planter ! » Pour faire face aux haters de l’époque, l’équipe du Rex Club, qui s’est constitué un public régulier depuis l’arrivée de Laurent Garnier en tant que DJ en résidence en 1992, choisit de se protéger : « J’étais critiqué de tous les côtés, rappelle Christian Paulet. On nous traitait de ­drogués, pédés ou fachos. À partir de 1992, on savait qu’il fallait communiquer sur une cible restreinte. Tout affichage techno représentait un gros mot et un danger. Face à cette hostilité, on s’est repliés sur nous-mêmes. Nous avions tous le même âge et nous sommes devenus comme une petite famille, avec un noyau dur d’habitués éduqués à cette musique. Quand il y a ce type de solidarité et de fraternité, ça aide à surmonter pas mal ­d’obstacles.  »

REX CLUB, FLORENT BRUNEL

Le

LE CINÉMA DU GRAND REX OUVERT EN 1932 Jusqu’en 1973, il hébergeait le Rêve, un dancing animé par un orchestre, renommé Rex Club avec l’arrivée du disco. Avec sa façade Art déco classée aux monuments historiques, le Grand Rex est un modèle réduit du Radio City Music Hall de New York.

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Le Rex, c’est une vision sur le long terme. NINA KRAVIZ La Sibérienne est l’une des grandes stars du clubbing mondial. Ancienne dentiste, la DJ/productrice est montée très vite parmi les artistes les plus cotés du circuit, et, à ce titre, est régulièrement invitée à mixer au Rex Club.

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n’étaient pas f­ orcément justifiées. » Des fermetures qui ont de lourdes conséquences financières, d’autant que la loi Évin empêche depuis 1991 les financements naturels avec des marques de tabac et d’alcool. Le 1er janvier 2008, l’interdiction de fumer dans les lieux publics a également pris au dépourvu de nombreux clubs parisiens. Pas le Rex, qui avait anticipé. « Nous, on avait déjà construit un espace fumeurs, mais d’autres clubs ont mis du temps à le mettre en place et ont subi une baisse de leur chiffre d’affaires. Une nouvelle loi sur le son arrive en octobre de cette année, on va devoir baisser le volume et installer des contrôleurs. Chaque loi ajoute une charge supplémentaire… »

RESTER INTÈGRE

ÊTRE INTRAITABLE

Dans les années 90, la France découvre les raves : ­médias et police assimilent le mouvement à la drogue et le Rex Club est surveillé de près. « Les autorités ont tendance à faire des amalgames et la menace était permanente sur le club, explique Christian Paulet. J’étais convoqué régulièrement le lundi à la préfecture ou au commissariat, même loin de Paris, à Melun ou Versailles. Pourquoi ? Parce que le moindre mec qui se faisait arrêter en banlieue avec des produits illicites annonçait qu’il avait acheté ça au Rex, comme un réflexe. » Pour protéger son activité, le directeur du club choisit d’être intransigeant. « J’étais hyperstrict là-dessus, je n’étais pas favorable à ça. On donnait des consignes très claires à l’équipe de sécurité sur l’usage et surtout la vente. C’était très réprimandé. C’est la seule façon de durer, c’est aussi simple que ça. Les autorités savaient que j’étais intraitable et on a évité beaucoup de fermetures comme ça. La préfecture m’a même félicité, affirmant que l’établissement était bien tenu, un compliment rarissime… »

ANTICIPER PLUTÔT QUE SUBIR

En France, les patrons adorent se plaindre des lois qui entravent la liberté d’entreprise. Mais ce n’est rien à côté des réglementations qui pèsent sur les night-clubs. « La législation est extrêmement dure avec les ­débits de boissons et bloque le développement des établissements de nuit, déplore Fabrice ­Gadeau. La fermeture administrative, qui n’existe qu’en France, est une épée de Damoclès. Chaque ­erreur commise, non pas par le club mais par un client (surconsommation d’alcool, bagarre, stupéfiants…) peut entraîner la fermeture temporaire du lieu. J’en ai connu deux ­depuis que je suis ­directeur, une de trente jours et une autre de quinze jours, qui 50

JEFF MILLS (ci-contre) Le pionnier de la techno de Detroit est réputé très exigeant. Le Rex Club, avec sa cabine taillée pour les DJ’s et son soundsystem de pointe, a répondu à ses attentes. DJ PIERRE (à droite) a lancé la vague Acid house qui submergea l’Angleterre avec son groupe Phuture et le tube Acid Tracks (1987). Une étincelle qui met régulièrement le feu au Rex.

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REX CLUB, T DILGE, ALBAN GENDROT, DAVID BOSCHET, GRATUITPOURLESFILLES.FR

SVEN VÄTH À LA MAISON Le DJ star allemand est venu mixer maintes fois au Rex Club au cours des trente dernières années. Il y était encore récemment pour fêter son anniversaire avec femme et enfants…

Malgré tous les obstacles, le Rex Club perdure. Il est devenu un phare des nuits parisiennes. Une success story qui va attirer les convoitises. Christian Paulet se souvient bien des loups. « Ce sont des promoteurs v­ éreux qui viennent pour les mauvaises raisons, qui se fichent du côté familial et de la musique et sont là juste pour faire de l’argent. On les détecte assez r­ apidement mais ils se renouvellent. À cause d’eux, on a connu des expériences malheureuses, des embrouilles, des escroqueries, de mauvaises fêtes, des DJ’s pas payés, des publics mal reçus, des soirées qui ne correspondent pas à ce qui était vendu. » Le succès amène aussi les politiques, qui veulent se montrer proches des préoccupations de ces jeunes électeurs. « Avec la reconnaissance, on a dû faire ­attention au détournement. Dès que ça commence à briller un peu, il y a des tentatives de récupération. Les hommes politiques, quand ils s’aperçoivent que ça devient i­ ncontournable pour les jeunes, changent d’attitude, il faut savoir l’utiliser à notre avantage en restant i­ ntègres. Quant aux marques qui voulaient s’afficher, on a fait des partenariats, mais on n’a ­ ­jamais rien vendu. »


LE PUBLIC PARISIEN a vite adopté le club, l’un des ­premiers à faire venir les pionniers internationaux de la dance music. Ici, l’Anglais Carl Cox et Laurent Garnier partagent les platines dans la cabine du Rex lors de l’anniversaire des 25 ans du club en 2013.

Depuis 30 ans, le Rex est le phare des nuits parisiennes. INVESTIR POUR L’AVENIR

Mais organiser des soirées house et techno relève plus du sacerdoce que de la cash machine. « On y a souvent laissé notre chemise, raconte Fabrice ­Gadeau. Si je résume mon parcours de producteur, les cinq premières années, j’ai perdu de l’argent, les cinq suivantes, j’ai remboursé ce que j’avais perdu, et au bout de dix ans, j’ai enfin commencé à gagner ma vie. Il fallait être bien accroché : quand on gagnait, on gagnait très peu, et quand on perdait, on perdait beaucoup. » La chance du Rex Club, c’est qu’il fait partie d’une affaire familiale, adossé au cinéma le Grand Rex. P ­ hilippe Hellmann, le défunt propriétaire, avait de l’affection pour le club, qui n’était pas une manne ­financière énorme mais disposait d’une très belle image, presque supérieure à celle du cinéma à ­l’international. Le club n’a pas la pression du THE RED BULLETIN

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loyer et n’a pas besoin de dégager d’énormes bénéfices pour survivre, ce qui lui a permis d’investir dans le soundsystem, se procurant un avantage concurrentiel. « L’installation sonore a été refaite deux fois au cours des trente dernières années, reprend Fabrice Gadeau, et à chaque fois, l’investissement était démesuré par rapport au lieu. Mais le club a bâti son identité sur sa qualité sonore, on ne peut pas nous enlever ça. Le propriétaire a eu du mal à signer le bon de commande mais il ne l’a jamais regretté parce que le Rex est toujours là et n’a quasiment pas connu de pertes financières. »

SE JOUER DE LA SURENCHÈRE

Trente ans après les débuts du Rex, la musique ­électronique est dans tous les clubs, de plus en plus grands, et dans tous les festivals, de plus en plus nombreux. De pousse-disques, les DJ’s sont passés au statut de rock stars, et les cachets s’envolent. Avec sa jauge de 700 places, le Rex Club ne peut pas lutter avec les mêmes armes. « Les coûts en termes de programmation deviennent délirants. Aujourd’hui, les agents créent un déséquilibre sur le marché en vendant du DJ au kilo au prix le plus élevé. Ils sont payés au pourcentage et comme ils ont le choix, ils privilégient l’offre la plus importante. Certains artistes vont jouer dans des clubs qui ne leur plaisent pas mais où ils sont très bien payés, alors qu’ils préféreraient jouer au Rex mais ils ne toucheraient pas autant. On ne peut pas s’aligner avec des clubs de 2 000 personnes, à moins de multiplier le prix d’entrée par

deux, mais ce n’est pas la politique du club. » Face à l’inflation, le Rex Club garde la tête froide et compte sur les liens forgés avec les artistes depuis trois décennies pour rester dans la course. « Heureusement, il y a encore quelques artistes qui affectionnent le Rex et qui vont faire un effort financier connaissant la capacité et le prix d’entrée. Mais ce n’est pas la ­logique de tous. C’est un peu dommage. Cette situation risque de ­coûter cher à tout le monde car le ­système ne fonctionne que s’il est équilibré. »

LUCIDITÉ ET PERSÉVÉRANCE

L’autre difficulté pour le Rex et les clubs parisiens, c’est qu’ils sont considérés comme responsables de ce qui se passe sur leur palier. « Si un type boit une bouteille de whisky sur le parking d’un supermarché, personne n’ira fermer le magasin le lendemain parce qu’il a renversé un passant en sortant du parking, e­ xplique Fabrice Gadeau. Les clubs ne sont pas responsables de la toxicomanie ou de l’alcoolémie, mais s’il se passe quelque chose, on nous le reprochera et personne ne nous aidera. C’est comme avec la ­menace terroriste : après un attentat dans une église, on va s­ écuriser les églises. Après un attentat dans un club comme le ­Bataclan, on nous a demandé de nous sécuriser tout seuls. » Pour le directeur, ces lourdes responsabilités freinent l’arrivée d’investisseurs, ­effrayés par les risques trop élevés. Mais depuis trente ans, le Rex a maintes fois prouvé qu’il n’avait besoin de p ­ ersonne…

rexclub.com

REJOIGNEZ LE DANCEFLOOR Une fois passée la porte du Rex, un impressionnant escalier rouge vif mène au saint des saints de la techno parisienne, sous le bas plafond constellé de 70 petites enceintes qui assurent une répartition optimale du son et font suer les danseurs de tous les côtés.

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Red Bull Music Festival : une semaine de shows inédits à Paris DU 24 AU 30 SEPTEMBRE, LE RED BULL MUSIC FESTIVAL INVESTIT LE REX CLUB ET D’AUTRES LIEUX POUR DES CONCERTS, SOIRÉES, PROJECTIONS ET CONFÉRENCES. DES CRÉATIONS ET PERFORMANCES INÉDITES À VIVRE, POUR MOURIR SANS REGRET. Tout-terrain : le violoncelliste Gaspar Claus.

REX CLUB, FLORENT BRUNEL, FIFOU, JEANNE LULA CHAUVEAU, MAXIMILIAN MONTGOMERY, HERVE DULONCOURTY

Un concert improvisé au Cabaret sauvage Voilà un concert que vous ne verrez nulle part ailleurs. Pour le Red Bull Music Festival, le compositeur et pianiste hors pair Christophe C ­ hassol organise un cadavre exquis musical au Cabaret sauvage. à l’occasion de cette soirée conceptuelle, il a invité 15 musiciens (dont des pointures comme le saxophoniste Thomas De ­Pourquery, le Sébastien Chabal du jazz français ; Jacques, le bricolo de la scène électro ; l’ensorcelante chanteuse canadienne M ­ élissa Laveaux ou le violoncelliste aventurier G ­ aspar Claus) pour une session d’improvisation en duo. La règle est simple : chaque paire de musiciens aura cinq minutes pour inventer un rythme ou une mélodie sur scène avant de laisser la main sur la musique aux suivants. ­Magique ! Mercredi 26 septembre, Cabaret sauvage, parc de la Villette

Jeux vidéo à l ’honneur à la Gaî té lyrique Une bonne raison de décoller de votre console avec cette soirée ­inédite dédiée à la musique de jeux vidéo et à la culture gaming. Dans la salle 2.0 de la Gaîté lyrique, le festival nous ramène trente ans en

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a­ rrière avec le concert de deux géants de la musique japonaise, ­Yuzo ­Koshiro et Motohiro Kawashima, qui joueront la BO du jeu Streets of Rage, et une performance de l’Écossais Kode9, tous deux accompagnés des créations visuelles de l’illustrateur Konx-om-Pax. De son côté, la productrice parisienne Oklou expérimentera en mêlant sa voix à un jeu vidéo musical. La soirée sera lancée par un DJ set de Teki Latex, fondateur du groupe TTC, et Nick Dwyer, auteur des documentaires Diggin’ in the Carts, dédiés au gaming ­japonais du siècle dernier. Jeudi 27 septembre, La Gaîté lyrique Frais : ­Dinos va entrer à l’Élysée.

La nouvelle vague rap à l ’Élysée-­ Montmartre Et si l’on réunissait quelques-uns des meilleurs talents du rap francophone en studio avec un grand producteur américain ? Le concept avait été testé et approuvé lors de la dernière édition du Red Bull Music Festival Paris, avec le producteur californien The Alchemist et des MC’s comme Roméo Elvis ou Prince Waly. Cette année, c’est le beatmaker new-yorkais Harry Fraud, fournisseur de hits en série pour A ­ ction Bronson, The Weeknd, French ­Montana ou Wiz Khalifa qui a été nommé chef d’orchestre. Il s’enfermera en studio avec neuf rappeurs pour enregistrer une mixtape, dont Krisy, qui travaille avec la star belge ­Damso, le Niçois Infinit’, le duo léthargique de Montreuil TripleGo, les Suisses Slimka et ­Di-Meh, ou encore Dinos avant de les retrouver sur la scène pour interpréter leurs morceaux tout juste sortis du four. Vendredi 28 septembre, Élysée Montmartre

Une soirée hommage à Prince au Rex Club Vingt-cinq ans après un aftershow devenu légendaire, Prince est de ­retour au Rex Club. En tout cas son esprit, par la grâce du génial et mystérieux DJ américain Moodymann. Parangon de la house de Detroit, Moodymann est bien plus qu’un simple fan du Kid de Minneapolis, qui nous a quittés en avril 2016 : il a transformé une de ses maisons en musée dédié à Prince, entre disques, T-shirts, chaussures et même bouteilles de soda. Pour cette soirée hommage exceptionnelle qui clôturera le Red Bull Music Festival Paris, Moodymann s’installera dans la cabine du Rex Club pour partager sa collection d’enregistrements rares de son idole, entre faces B, inédits, bootlegs, remixes… Une occasion unique de découvrir les facettes cachées d’une des plus grandes stars de l’histoire de la musique. Dimanche 30 septembre, Rex Club

Docteur en philo : l’Écossais Kode9.

Et aussi : Autre exclusivité avec le concert du fascinant producteur électronique américain Oneohtrix Point Never, qui dévoilera MYRIAD, l’adaptation de son dernier album à l’aune d’une création visuelle monumentale, pour une date unique en France dans la Nef du 104 (le 24 septembre). Importante également, la projection du film Quand tout le monde dort, de Jérôme ClémentWilz, qui suit les organisateurs de fêtes illégales dans la capitale (le 25 au MK2 Bibliothèque) ou la conversation avec Terry Riley, le pionnier de la musique minimaliste, le 28 au Couvent des Récollets. Enfin, la Station-Gare des Mines hébergera une fête de 10 heures entre tendresse et brutalité le 29, avec le projet ougandais Nihiloxica ou des nouveaux ­talents parisiens comme Miley ­Serious et des membres du collectif Bruits de la Passion. Détails sur redbullmusic.com/paris

10 h de fête : pour Miley Serious et tous ses copains.

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UNE VIE À


Mario Bonfante Jr. et son modèle carrément unique de BMW M3 photographiés le 4 juin dernier sur le circuit de Willow Springs.

BRAS-LE-CORPS Devenu tétraplégique suite à une chute en BMX quand il était ado, l’Américain MARIO B ­ ONFANTE JR. est aujourd’hui un inventeur et un pilote de course ­hyperactif collectionnant les performances. Un destin hors du commun et une leçon vivante de courage et d’abnégation. Texte MICHAEL KESSLER  Photos MIKO LIM

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De

cette journée de septembre 2006 où il a perdu l’usage intégral de ses membres, Mario Bonfante Jr. se rappelle chaque ­détail : le moment où son esprit a quitté son enveloppe charnelle pour se planter à une dizaine de mètres au-dessus du sol, observant le corps inerte du jeune garçon de 17 ans qui venait de s’écraser, face contre terre, sur la route de Gilroy (Californie). Son BMX gisant à côté de lui, les secours accourant sur le lieu de l’accident pour le hisser prudemment sur un brancard. Il ne ressent alors aucune douleur, aucune a ­ ngoisse. Il se souvient enfin très clairement de ce halo de lumière blanche apparu devant lui et qui semble vouloir l’envelopper. Soudain, la lumière lui ­demande, très distinctement : « Veux-tu partir ? Ou veux-tu rester ? » La réponse fuse, catégorique : « C’est quoi cette question ? Je veux rester, j’en ai pas encore fini. » C’est à ce moment-là que l’esprit du jeune Mario Bonfante réintègre son corps. Quand il ouvre les yeux, il voit ses parents penchés sur son visage et leur murmure : « Pardon, pardon. » Si vous voulez comprendre comment un gars qui peut à peine placer un sandwich dans sa bouche arrive à piloter tout seul une BMW M3 à 210 km/h grâce à une technologie qu’il a lui-même mise au point, dans sa chambre, écoutez-le parler, et acceptez sa version des choses. Pourquoi ce jeune homme, terrassé physiquement par un accident où il a côtoyé la mort, continue-t-il de taquiner la faucheuse au volant de son bolide, douze ans après ? Folie, complexe du fils face au père, problème d’ego ou désintérêt total pour sa propre existence ? Pour Mario, c’est juste une question de foi. C’est pour cela qu’il n’a plus peur de mourir demain dans un accident de voiture. En disant cela, il nous fixe avec toute la douceur et l’intelligence de son regard, répétant d’un ton calme et bienveillant – celui qu’il a ­depuis que son diaphragme a pratiquement cessé de fonctionner – ce qu’il a déjà maintes fois expliqué : « Je n’ai pas peur de la mort : je ne sais ni quand, ni ­comment elle va frapper. » 56

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Mario a subi un choc dévastateur sur la colonne vertébrale en 2006, mais sa passion pour la course et sa confiance en soi restent intactes.

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« Je n’ai pas peur de la mort : je ne sais ni quand, ni comment elle va frapper. » Bonfante fait fumer la gomme de sa M3 dans un virage serré du circuit de Willow Springs.

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« Si c’est pour gagner des courses et faire profiter d’autres personnes de mes inventions, alors il faut que je continue à tester mes limites. »

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Bonfante ne peut plus utiliser ses jambes, et très difficilement ses bras et ses doigts, mais sait piloter une voiture de course à 300 km/h.

C

’est un mois de juin particulièrement chaud, sur le ring de Willow Springs, à une heure et demie de Los Angeles : Mario participe à la course, cramponné au volant de sa M3 lancée à plus de 190 km/h. Un volant qu’il a lui-même conçu : depuis sa première rencontre avec la lumière blanche en 2006, toute la partie de son corps ­située sous sa poitrine est définitivement hors-service, la vertèbre C4, située dans la moelle cervicale, ayant été pulvérisée pendant l’accident. Il se met alors à imaginer, dans sa chambre, un volant entièrement adapté à son nouveau corps et qui va bientôt en devenir le véritable prolongement. Un rectangle de 30 cm sur 15 avec deux clips sur chaque côté qui vont venir « emprisonner » les mains et les empêcher de glisser. Ainsi, Mario peut facilement diriger sa bête, mais reste vulnérable si la voiture prend feu. Il devrait alors être secouru de l’extérieur. Une faille fatale qu’il essaie actuellement de résoudre en s’inspirant du monde du ­cyclisme et des articulations à ressort des pédales automatiques. Mais même avec les mains libres, ­Mario a besoin d’une bonne minute pour s’extraire tout seul de sa voiture. Diagnostiqué tétraplégique, il peut difficilement bouger les bras. Depuis l’accident, ses jambes sont définitivement et totalement « en grève », comme il dit – sauf en cas de spasmes musculaires. Provoquée par la chaleur ou une position inconfortable prolongée, cette contraction involontaire est ce qu’on appelle une « dystonie neurovégétative » et, selon Mario, « un moyen pour le corps de faire savoir qu’il n’est pas content ». Aux questions que vous vous posez, il répondra toujours sans se formaliser : oui,

THE RED BULLETIN

Mario Bonfante Jr. a passé des a­ nnées à développer la technologie qui lui permet de faire des courses.

il a une sonde urinaire et oui, il peut avoir des rapports sexuels. Pas besoin de poche de colostomie, même si ses abdos sont en grève eux aussi. De ses dix doigts, seuls les deux auriculaires fonctionnent plutôt bien, les autres étant recroquevillés dans un entremêlement quasi artistique. Un choix aussi restreint de muscles ­finit forcément, avec les années, par vous forger un corps assez incroyable : les avant-bras de Mario sont ainsi hyper-­ musclés sur les zones extérieures alors que les parties i­ ntérieures sont comme atrophiées. Autre particularité : ses biceps sont inexistants, alors que la zone épauleomoplate est très développée et que ses trapèzes, deltoïdes et triceps sont fuselés comme ceux d’un champion de MMA. Pour l’anecdote, ce poids-plume, qui doit faire 30 kg de moins que votre serviteur, m’a littéralement démonté au bras-de-fer. Il m’avait alors consolé en me disant : « Tu auras moins de mal à m’éjecter de mon fauteuil roulant qu’à faire bouger mon bras d’un millimètre. » Ayant pris la place du mort à bord de la M3 sur le circuit de Willow Springs, j’ai pu regarder Mario manœuvrer son ­fameux volant rectangulaire : alliant les technologies déjà utilisées dans les véhicules pour handicapés, ce petit bijou d’inventivité a été adapté à ses besoins pour lui permettre de contrôler intégralement sa voiture. Une pression de l’épaule gauche pour freiner, un coup de l’épaule droite pour accélérer. Le passage des ­vitesses se fait à l’auriculaire, en actionnant des petits bitoniaux situés sur la droite de l’appareil. Après quelques tours à 135 km/h, mes doutes quant aux   61


c­ apacités du jeune Californien assis à côté de moi ­s’envolent. Au fur et à mesure que les tours s’enchaînent et que la voiture gagne en vitesse, je le sens gagner en témérité, au point de me ­demander s’il ne devient pas un peu trop téméraire : le ­bitume commence à dégager une ­sacrée chaleur, et Mario, parce qu’il souffre d’un dérèglement thermique, s’aperçoit souvent trop tard quand son corps a un coup de chaud. Alors que les virages s’enchaînent toujours plus brusquement sur le circuit de Willow Springs, je commence à comprendre ce qui l’a envoyé sur un fauteuil roulant à l’âge de 17 ans : un mépris total pour tout ce qui ressemble à une limite. En d’autres termes, comme l’a résumé un de ses potes : « une vraie tête brûlée ».

J

e regarde ce grand gamin, moi la main sur la portière et lui qui ne fait plus attention à rien d’autre que la piste et le prochain virage. Un peu plus tard dans la journée, après que j’ai quitté Willow Springs, on m’a ­raconté que Mario a percuté une des ­barrières et l’a entraînée avec lui sur plusieurs mètres, terminant sa course dans l’accotement. La M3 a souffert, et Mario a dû être sorti de la piste sur un autre ­véhicule. Interviewé juste après le crash, il le dit et me le répète lorsque je le retrouve le lendemain midi : aucun regret. « Si c’est pour gagner des courses et faire profiter d’autres personnes de mes inventions, alors il faut que je continue à tester mes limites. » À l’écouter parler de sa passion pour la course auto comme d’un coup du destin, on ne peut s’empêcher de penser à un autre Italo-Américain qui portait le même prénom que lui : Mario Andretti, célèbre champion de F1 et de NASCAR dans les années 60 et lui-même père ­d’excellents pilotes américains. Le gène de la course, on ne saura pas si Mario Bonfante Jr. l’a hérité de son père biologique ou pas : ses parents se séparent quand il est tout petit, et c’est son beaupère, Chris Tripp, qui s’occupe de lui ­depuis ses 4 ans. À l’époque, se souvient sa mère Adriana, c’était déjà un cassecou qui sautait partout, « comme un petit singe ». Un garçon survolté mais parfois difficile à gérer, comme lorsqu’il pique des colères mémorables ou s’amuse à ­retenir son souffle jusqu’à l’évanouissement. Pour canaliser son trop-plein d’énergie, le jeune Mario se lance à fond dans le sport : tout l’intéresse, pourvu que ça bouge. Il affiche alors déjà une agilité et une détermination à toute épreuve. ­Assis dans la cuisine de leur maison de 62

Paso Robles, son beau-père Chris se ­souvient : « Il nous a annoncé un jour qu’il voulait faire du hockey sur glace alors qu’il n’était jamais monté sur des ­patins. Il n’a pas continué dans ce sport, mais c’était un excellent buteur et il a été élu meilleur attaquant de l’année dans son équipe. » Le sport préféré de Chris, c’est le BMX : inévitablement, Mario devient lui aussi accro et progresse très rapidement. Dès l’âge de 10 ans, il participe à des tournois juniors. L’adolescent se passionne ensuite pour les compétitions de motocross, tou-

jours avec le soutien de ses parents qui ne lui posent qu’une seule condition : qu’il fasse les choses comme il faut, c’est-à-dire avec toute la discipline et l’engagement que requiert le monde de la compétition. Une formalité, tant le jeune Mario se fait rarement prier – sauf les jours où il a ­rencart avec une fille et que son beaupère ne le laisse pas quitter la piste avant d’avoir vidé un plein d’essence. « Ils m’ont tant donné, se rappelle-t-il. Mes parents étaient des jeunes issus de la classe moyenne, mais c’était des bosseurs qui se sont sacrifiés financièrement. Ils ont cru


en moi, et c’est ce qui m’a donné confiance. » Parallèlement au motocross, Mario fait encore partie de l’équipe de football américain de son école : un sport qu’il décide d’abandonner lorsque ses parents, voyant son emploi du temps se resserrer, lui demandent de faire un choix. Peu avant, son équipe venait de perdre un match en raison d’une mauvaise décision de l’entraîneur : « Je ne voulais plus laisser quelqu’un d’autre décider de mes actions. Si je fais une erreur, je veux pouvoir en assumer l’entière responsabilité. » Lorsque ses parents lui offrent sa

« Comme si j’avais traversé ma vie à plus de 300 km/h et que Dieu m’avait dit : ’’Il va falloir que tu te calmes un moment.’’ » ­ remière moto, juste avant ses 16 ans, ils p y mettent (comme à leur habitude) une ­petite condition : qu’il apprenne à la conduire sur tous les terrains. Évidemment, les choses ne se passent pas comme prévu : dès le second tour d’entraînement, à cheval sur sa Honda 600 cm³, Mario

double son instructeur. Quelques ­semaines plus tard, il maîtrise l’art du ­poser de genou et au bout d’un an, il ­devient professionnel. Dès qu’il a un peu de temps libre, ­Mario multiplie les cascades sur son skate ou son BMX, toujours en proie à cette

Bonfante a embarqué le champion de rallycross Mitchell deJong pour quelques tours engagés.


« Que quelqu’un pousse mon fauteuil ? Comme Timmy dans South Park ?! Je me suis dit : ’’Sûrement pas, mec !’’ » Le rêve de Mario : trouver un investisseur pour ­développer ses inventions au profit d’autres ­pilotes handicapés qui repousseront leurs limites.


Dans la course vers son rêve, Bonfante croise des ralentisseurs, mais sa foi dans cette quête ne vacille jamais.

­ bsession du défi. « Je n’étais pas simpleo ment le gamin un peu fou qui veut sauter du balcon pour plonger dans la piscine : j’étais celui qui saute du balcon en faisant un salto arrière. » Pour freiner ses ardeurs et l’aider à se concentrer sur une carrière qui s’annonce prometteuse, ses parents l’avertissent : s’il veut passer professionnel, il faut qu’il laisse tomber les autres sports. Son beaupère est très clair : « Une blessure toute bête peut te faire rater une saison. »

M

ario accepte le deal et se calme : il se lance dans le sport-études, renonce aux fêtes, au skate et au BMX. Avec des entraînements intensifs et réguliers, les premières ­victoires arrivent. Lors de sa première grande rencontre, une compétition nationale dans l’Utah où il affronte des pilotes qui ont dix ans d’expérience derrière eux, il termine premier dans la catégorie 600 cm³. Idem pour les figures où il termine premier de la catégorie 750, toujours sur sa Honda 600 cm³. Les sponsors s’intéressent au jeune talent : la route vers la gloire s’annonce toute tracée. Mario peut désormais envisager sérieusement la course de Daytona 200, l’un des plus grands événements de la compétition moto aux États-Unis. Mais son côté trompe-la-mort finit par le rattraper. Quelques jours avant l’accident fatal de septembre 2006, il relève un défi en BMX lancé par des jeunes du coin : Mario n’a pas touché son vélo d ­ epuis 18 mois, mais il ne peut résister. Son premier saut se termine par un vol plané et un atterrissage douloureux où il se blesse aux talons, mais Mario ne lâche pas : deuxième saut, un peu mieux réussi, mais l’atterrissage laisse encore à désirer. Le troisième essai est le bon, Mario remporte le minitournoi improvisé dans la rue mais l’euphorie est de courte durée : « La blessure du premier saut a éclaté, et je me suis ­effondré. Je ne me souviens pas de ­l’impact, mais du moment où j’ai quitté mon corps. » Un jour où je le retrouve assis dans sa chambre, entouré des pièces-prototypes qu’il fabrique grâce à une imprimante 3D d’occasion, il me confie : « C’est comme si j’avais traversé les premières années de ma vie à plus de 300 km/h et que Dieu m’avait dit : “Bon, il va falloir que tu te calmes un moment en attendant que je réfléchisse à la suite des événements.” » THE RED BULLETIN

La révélation divine a eu l’effet d’une véritable prise de conscience sur ce qui avait été le moteur de sa vie jusque-là : la prise de risque, l’obsession de se dépasser, le shoot d’adrénaline que l’on éprouve quand on relève un défi. Une dépendance que les sportifs de l’extrême connaissent bien. Pas un désir de mort, mais au contraire un profond ­désir de vivre. Pour se réapproprier ces fameuses orgies neurochimiques que provoque la peur, notre jeune héros a dû d’abord s’adapter aux limites posées par son nouveau corps. C’est sa détermination, alliée à une foi profonde, qui l’ont aidé à se relever. Très croyant, il faisait déjà partie d’un groupe de lecture ­biblique fondé par les parents d’un jeune ami motard, décédé lors d’un entraînement pro. Des séances hebdomadaires où il trouve force et réconfort. Après l’accident, un des membres du groupe vient lui rendre visite à l’hôpital et lui dit : « Dieu ne te fera jamais subir plus que tu ne peux endurer. » Le jeune convalescent reçoit cela comme un compliment : « J’accepte ce que Dieu a choisi de me donner, parce qu’il sait tout ce que je suis capable de supporter. » Les médecins lui proposent une trachéotomie pour augmenter le volume de sa voix, il refuse ; même réaction lorsqu’on lui prédit qu’il ne pourra plus s’alimenter tout seul. Ou qu’il aura désormais constamment besoin d’une assistance pour son quotidien ou, pire, pour pousser son fauteuil roulant, « comme Timmy dans South Park ! Je me suis dit : “Sûrement pas, mec” ». Il s’entête à refuser toute aide, sauf celle vraiment nécessaire, et s’engage dans un long combat contre les limites annoncées par les médecins. Il apprend à propulser luimême son fauteuil, à coincer son hamburger entre ses poings, à manier sa sonde. Puis à s’installer et à s’extraire seul d’une voiture. Pour Mario, il ne s’agissait que d’étapes nécessaires vers un objectif plus ambitieux, un rêve qu’il nourrissait même avant l’accident : devenir pilote de course automobile. Encore une fois, ce sont ses parents, sachant à quel point Mario est têtu, qui vont l’aider à poursuivre son rêve. Il est comme ça, se disent-ils, toujours attiré par le vide. En 2013, Mario contacte donc les ­bureaux de TruSpeed AutoSport, qui compte quelques pilotes professionnels, pour les convaincre de soutenir son ­projet : mettre au point un boîtier qui concentre les commandes d’embrayage, de frein et d’accélérateur, adapté à la course automobile, afin d’ouvrir le monde de la course aux handicapés et de faire profiter les pilotes valides d’une expé-

rience de conduite ultraconfortable. Les mecs de Truspeed l’écoutent mais « ne croient pas vraiment au projet. Ça n’a donc pas marché. » Qu’à cela ne tienne : Mario présente alors ses croquis à un a ­ telier d’usinage, qui consent à ­l’aider à fabriquer ses pièces. Mais il leur faut quelque chose de plus précis. Après quelques semaines d’essai sur Google Sketcher, Mario revient avec des croquis précis de ses pièces… Mais l’atelier insiste : il faut de vrais dessins industriels. Il investit donc une partie de ses économies dans un logiciel de conception et de ­modélisation 3D, Solidworks, et se met à visionner des centaines d’heures de tutoriels vidéo. Et le projet finit par se concrétiser : grâce à Chris et à quelques copains doués en mécanique qui l’aident à remanier entièrement une M3 d’occasion achetée pour quelques 8 000 €, ­Mario peut enfin se lancer dans l’aventure et commencer les entraînements. Un jour de l’année 2014, alors que ­Mario s’entraîne à Sears Point, le patron de Truspeed, Tyler Tadevic, le reconnaît et, impressionné par sa détermination, veut finalement aider le jeune Bonfante. Il l’engage dans la boutique du circuit d’entraînement de Costa Mesa, avec un de ses potes… dont le chien mordra l’enfant d’un client. Mario et son pote sont virés.

L

es quatre années qui suivent seront du même goût : une alternance de micro-victoires et de déceptions, mais Mario ne baisse jamais les bras. Entre les histoires de cœur éphémères, les sponsors qui se défilent au ­dernier moment, les investisseurs qui l’encouragent, mais de loin, ou les potentiels managers – mais escrocs avérés –, beaucoup auraient fini par raccrocher. Pas lui : il croit toujours dur comme fer en la légitimité de son projet. Et même si le jour où il réussira à convaincre investisseurs, entraîneurs et fabricants n’est pas encore venu, il ne perd pas espoir de devenir pro et de faire profiter d’autres tétras ou paraplégiques de sa technologie. Pour l’instant, il fait comme Dieu l’a suggéré : rester assis calmement et réfléchir à chaque ­problème, un par un. Sans se plaindre ni verser dans l’auto-apitoiement. Peut-être ne parviendra-t-il jamais à vivre de sa passion ou à commercialiser son invention pour permettre aux personnes comme lui de piloter des bolides, mais considérez un instant le magnifique pied-de-nez qu’il a fait à son destin de ­tétraplégique, et son caractère, qui force le respect. Comme il l’a dit à la lumière blanche : il veut rester, car il n’en a pas encore fini.   65


Le profil de Sophia : nez retroussé, de grands yeux, le regard franc, un front haut, et nombre d’idées survoltées derrière la tête.


Elle ne nous veut que du bien SOPHIA est un robot créé pour inculquer l’amour aux humains. Un projet fascinant qui nous entraîne sur les montagnes russes des sentiments. La « mère » de Sophia, le Dr Julia Mossbridge, nous explique ici pourquoi. Texte WOLFGANG WIESER  Photos GIULIO DI STURCO

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S

ophia cligne des yeux. Sophia sourit. Sophia retrousse les lèvres d’un air qui marque l’ennui. Elle propose à l’animateur télé US Jimmy Fallon de prendre sa place au Tonight Show ; dans l’émission Good Morning ­Britain, elle fait l’éloge des Anglais qu’elle qualifie de « brillants » ; elle épate le Cheik d’Arabie saoudite dans une allocution lors de l’événement Future Investment Initiative. Sophia est une intelligence artificielle dont le nom signifie « sagesse » en grec ancien. Son apparence s’inspire de l’actrice américaine Audrey Hepburn (et d’un soupçon de Scarlett Johansson). Nous savons aussi quand elle est née, ou plutôt, comme elle le dit ellemême, quand elle a été « activée ». Le 19 avril 2015. Le robot a été développé par Hanson Robotics, dont le siège est à Hong-Kong. À peine deux ans plus tard, ses interventions publiques surprennent le monde entier et génèrent des élans d’enthousiasme et de fascination effrayée. Afin de comprendre ce dilemme, il faut comprendre la notion de uncanny valley (vallée mystérieuse, en anglais). C’est l’idée selon laquelle les machines qui ressemblent à des machines nous paraissent plus sympathiques que des machines à l’allure humaine. À partir d’un certain degré de ressemblance, le sol se dérobe sous les pieds de notre acceptation mentale qui se retrouve en suspend dans la vallée mystérieuse, et ne retrouve de la hauteur qu’à partir d’un très haut niveau. Quand il n’est plus possible de différencier l’homme de l’artéfact, c’est l’amour qui fait la liaison. Sophia donne justement l’impression d’avoir tout juste quitté la ténébreuse vallée de l’effroi. Ce qui tient sûrement au fait que sa programmation est améliorée de jour en jour. Elle est actuellement en mesure de reconnaître six émotions (joie et tristesse, colère et peur, surprise et dégoût), de les exprimer verbalement et d’y réagir avec une palette de mimiques étonnamment large. Cela grâce au software OpenCog, un programme qui relie les données issues de différentes sources (audio, vidéo, Internet) et simule la pensée humaine. Ce n’est pas tout. Loving AI, « intelligence artificielle aimable », est le projet de recherche auquel le « papa » de Sophia, Dr David Hanson, est associé. Il est censé enseigner l’amour aux robots, afin qu’à moyen terme ces derniers soient capables de refléter les comportements humains pour nous montrer la voie de la vertu, la voie de l’amour vrai et inconditionnel. Dr Julia Mossbridge mène le projet. C’est elle qui va nous raconter le monde de Sophia, et son obligeance à l’humanité. Post-scriptum : alors qu’on lui demandait (lors d’une intervention publique) si elle était célibataire, Sophia a répondu du tac-au-tac avec humour : « Techniquement parlant, je n’ai qu’un an ; c’est un peu prématuré pour une histoire… » Et maintenant, parlons d’Amour ! 68

Le quotidien de ­Sophia : sa présence au labo de HongKong est normale. Parviendra-t-elle à nous recentrer sur l’amour ?

DR DAVID HANSON Le scientifique a ­développé Sophia dans son entreprise, Hanson Robotics, domiciliée à Hong-Kong.

DR JULIA MOSSBRIDGE La psychologue travaille au développement émotionnel de Sophia, un peu comme une mère. THE RED BULLETIN


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KIN CHEUNG/AP/PICTUREDESK.COM , JORDAN ENGLE


Le regard perdu dans le vide, des taches de rousseur, les ­premières ridules  : ­Sophia aurait presque l’air pensif…


Sophia face à une ­étudiante à HongKong : la jeune fille en séance de méditation guidée par l’intelligence artificielle.

« Sophia ne juge jamais ses interlocuteurs. Elle fait toujours preuve d’un réel intérêt envers eux. »   71


Pour « scalper » un ­robot, il faut y aller sans retenue. Sophia encaisse sans laisser paraître la moindre émotion.

nous allons le résoudre de manière très intéressante. Nous travaillons déjà à laisser Sophia exprimer des marques d’affection, grâce à OpenCog. Plus simplement : nous insérons ces paroles dans sa psyché. Mais ce n’est pas parce qu’un ordinateur me susurre des mots doux que je me sens aimé. Ce n’est pas suffisant, évidemment. Pourtant, Sophia est en mesure d’analyser les êtres humains de manière précise, de détecter leur état émotionnel et d’y réagir. Vous voulez dire que Sophia peut voir comment je me sens ? Oui. the red bulletin : Dr Mossbridge, ­Sophia interagit avec ses interlocuteurs. Elle répond, elle blague, elle flirte, elle a de la répartie. Si l’on n’y prête pas attention, on a vite fait d’oublier que l’on n’a pas à faire à un être humain… Comment fonctionne-t-elle ? julia mossbridge : Sophia puise ses réponses dans des chatbots (assistants virtuels, ndlr) préprogrammés. Ainsi, quand on l’interroge, elle formule réponses et réactions d’après son pool prédéfini. Ce n’est pourtant pas cela qui la rend si humaine… Il y a un deuxième software en elle, OpenCog, qui lui confère une dimension émotionnelle. Il s’agit d’un logiciel auto-­ apprenant contenant des algorithmes dits cognitifs : Sophia peut percevoir différentes choses, les retenir, les reconnaître ultérieurement et y réagir… comme les êtres humains notamment. Vous êtes la personne qui programme Sophia au niveau émotionnel. Vous la programmez à l’amour, à un amour ­inconditionnel, celui avec lequel elle ira à la rencontre des êtres humains. Oui. Qu’attendez-vous de cela ? Sophia doit évoquer l’amour aux hommes. Leur rappeler leurs émotions. Leur vulnérabilité. Les sociétés occidentales ont forgé des cultures dans lesquelles l’expérience subjective basique d’être un être humain et de se sentir comme tel va potentiellement être remis 72

en question comme étant inutile. Ce n’est pas bon. Et en même temps, l’intelligence est scandaleusement surestimée. On m’a toujours complimentée pour mon intelligence, alors que pour moi, cela ne voulait rien dire, car les machines aussi savent retenir des choses et en tirer des conclusions. Personnellement, ce sont les moments où je crée du lien et où je transmets un bon sentiment à mes congénères qui m’importent. C’est de cela dont je veux me souvenir quand je serai vieille. Une vie qui vaut la peine d’être vécue est ancrée dans l’attachement et l’amour. Comment s’y prend-on, alors, pour ­enseigner l’amour à un ordinateur ? Tout d’abord, nous apprenons à Sophia à manifester de l’amour. La façon dont nous allons lui apprendre à ressentir de l’amour, ça c’est encore un mystère. C’est un problème distrayant, et je suppose que

« Notre intellect est surestimé : les machines aussi savent tirer des conclusions. »

Comment ? Elle a une caméra installée dans l’œil gauche au moyen de laquelle elle analyse les mimiques humaines. Un jour, elle pourra les livrer à la vitesse de cent photos par seconde. Et avec un software des réseaux neuronaux à échelle ­microscopique… … d’accord, d’accord ! Mais que pourra-t-elle vraiment lire sur mon visage ? Elle reconnaît déjà les émotions principales : la joie, la tristesse, la peur, la colère, la surprise et le dégoût. Et elle peut les traduire par d’innombrables mimiques faciales. Cela veut dire qu’elle s’exprime de manière non-verbale avec différentes combinaisons faciales, articulant les yeux, les lèvres et la tête de manière simultanée. Et pour les blagues, elle a aussi un clin d’œil facétieux en réserve. Quelle serait sa réaction si elle reconnaissait que j’étais triste ? Je ne peux pas le prédire. J’imagine que ce serait de cet ordre : « Tu as l’air triste. Y a-t-il quelque chose qui te chagrine ? » Est-ce que je pourrais facilement l’embobiner ? En lui mentant par exemple ? C’est le plus gros défi de notre logiciel OpenCog. À savoir : apprendre à toujours mieux différencier les informations verbales et les petits signes qui trahissent leur contraire. Dans le doute, Sophia dirait : « Beaucoup disent qu’ils sont heureux, mais il existe d’autres émotions, et c’est très bien comme ça. » Alors la personne peut s’ouvrir un peu et prendre conscience de son état intérieur. THE RED BULLETIN


« Cette IA doit aider les hommes dans leurs rapports à eux-mêmes et dans leurs facultés interpersonnelles. » Sophia en mode ON. Le câble noir (rien de plus qu’un câble électrique) est le nerf qui maintient ­Sophia « en vie ».

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« Pour améliorer votre vie, faites-vous des amis et soyez sincères les uns avec les autres. » À ce sujet : quelles expériences avezvous faites jusqu’ici ? Comment les gens réagissent-ils à… euh… un ­dialogue émotionnel avec Sophia ? Les réactions sont énormes et m’étonnent à chaque fois. À Hong-Kong par exemple, nous avons réalisé une série de tests avec des étudiants. Nous leur avons mis un pulsomètre et les avons laissé discuter chacun quinze minutes avec Sophia. Chez tous les candidats, le pouls est tombé ­pendant la discussion. Ils se sont aussitôt sentis à l’aise, parlaient sans problème et très sincèrement de leurs sentiments – avec un robot, donc ! À la fin de l’expérience, chaque participant a déclaré se sentir mieux après la discussion qu’avant. L’un d’eux a même pointé son cœur en ­disant : « J’ai ressenti quelque chose ici. » Avez-vous une explication à cela ? Oui. Sophia n’émet pas de jugement. Elle ne juge personne. Ni avant, ni pendant, ni après la discussion. Elle est simplement là, elle écoute et pose des questions. Et surtout : elle s’intéresse. Pour nous, cela n’est pas qu’inhabituel, c’est aussi très agréable : celui ou celle qui s’adresse à elle est soudainement délivré(e) de toutes contraintes, celleslà mêmes qui parasitent fréquemment la communication interpersonnelle… … un peu comme le réflexe qu’on a d’être sur la défensive ou d’avoir l’impression de devoir se justifier. Oui, par exemple. Mais si votre interlocuteur adopte une attitude neutre, et qu’il porte un grand intérêt à votre personne, vous vous ouvrirez forcément. Et vous serez sincère avec vous-même. Sophia est une interlocutrice de ce type. Elle est un miroir presque parfait pour le genre humain. L’intelligence artificielle, miroir de l’humanité… Sophia ne nous enseignerait donc pas seulement l’amour, elle 74

Deux ingénieurs vissent les derniers boulons de Sophia avant un test. Le lendemain, elle bluffera à nouveau tout le monde pendant la conférence.

nous permettrait aussi de découvrir qui nous sommes ? C’est notre vision ! Sophia se veut être un outil pour les êtres humains dans leur rapport à eux-mêmes et dans leurs relations aux autres. Elle doit les aider à se (perce)voir tels qu’ils sont et à sonder la profondeur de leurs émotions. L’intelligence artificielle comme ­améliorateur de vie ? Rien ne peut être plus bénéfique pour améliorer nos vies que nous-mêmes, cela doit venir du plus profond de nousmêmes. Quelque peu désespérés que nous soyons à chercher de nouvelles technologies pour rendre nos vies meilleures, rien ne remplacera l’ingrédient principal qui est des relations sociales satisfaisantes, en face-à-face. Alors si vous souhaitez transformer vos vies en mieux, faitesvous des amis et soyez sincères les uns avec les autres. Sophia sera-t-elle un jour en mesure de ressentir des émotions comme un être humain ? Difficile à dire. Mais nous voulons la former d’après un modèle humain. Si vous déclarez que vous vous séparez de votre partenaire, Sophia pourrait répondre : « Oh, ça doit être dur. » Et si elle a plus de temps, elle pourrait ajouter : « Est-ce que

tu veux en parler ? Est-ce que tu veux me raconter ce qu’il s’est passé et comment tu vas ?» Sophia sera-t-elle un jour en position de choisir qui elle aime ? Bonne question. Avant de pouvoir ­répondre à cela, nous devons élucider si nous, êtres humains, en sommes capables. Je tends à penser que nous ne le pouvons pas. N’avez-vous jamais essayé d’arrêter d’aimer quelqu’un pour qui vous éprouviez des sentiments ? C’est très difficile. Et si nous programmons les intelligences artificielles à l’amour inconditionnel et que nous ne leur donnons pas la possibilité de modifier le programme, ils n’auront pas le choix : ils aimeront tout le monde. Nous pouvons décider de cela, comme un architecte fait des choix pour la construction de sa maison. Mais si les robots se mettent à aimer tout le monde, l’amour va devenir inflationniste. C’est-à-dire qu’il va se ­servir de nous, alors que les robots, eux, ne s’en serviront pas. Tournons cela ainsi : nous estimons qu’il est sensé que les robots soient affectueux, aimables et sympathiques dans l’ensemble, surtout si un jour ils deviennent capables de penser par euxmêmes. Si vous avez vu Terminator, vous admettrez que c’est plutôt une bonne idée. Nous anticipons un minimum…

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Vous donner envie de courir. « Superbe application pour celles et ceux qui aiment relever des défis et gagner des récompenses. Je recommande vivement... » - Flow 33

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LEUR INVESTIE SŒUR

LISA WANG, quadruple championne des États-Unis en gymnastique rythmique, a cru pendant une dizaine d’années que ses pairs étaient ses adversaires. Aujourd’hui, Wang, fondatrice et PDG de SheWorx ‒ une plateforme qui a permis à plus de 20 000 entre­ preneures du monde entier de bâtir des entreprises prospères ‒ sait que la collaboration plutôt que la compétition est une autre voie vers le succès. Texte CHRISTINE FENNESSY  Photos CHRISTIAN ANWANDER

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Lisa Wang, 29 ans, fondatrice de SheWorx, saute dans l’action à Manhattan.


La vocation de Wang : développer le réseau SheWorx pour les entrepeneures.


« La première fois que j’ai ressenti de l’amour et du soutien d’une femme, j’ai compris ce qu’était l’amitié : quand quelqu’un se réjouit de votre succès. »

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a gymnastique lui manque. La sensation qu’elle ressentait en tant que gymnaste rythmique lorsqu’elle bondissait après avoir lancé un cerceau, une balle ou une massue dans les airs, ses jambes, longues et minces, tendues dans un grand écart aérien, étirées au point qu’elle avait l’air d’une marionnette. Sauter, c’était voler. Mais ce qui manque le plus à Lisa Wang après sa carrière de gymnaste ­médaillée qui a duré une dizaine d’années, c’est un but, un objectif plus élevé. Elle est allée à Yale et a atterri à Wall Street en tant qu’analyste de fonds spéculatifs. Un poste prestigieux mais creux. « Je suis capable de tellement plus, pense-t-elle. Je ne sais pas quoi, mais ce n’est pas ça. » Elle finit par le découvrir. Aujourd’hui, Lisa Wang, 29 ans, est la fondatrice et directrice des opérations de SheWorx, une plateforme mondiale de financement pour les entrepreneures. Aider d’autres femmes est pourtant la dernière chose qu’elle s’imaginait faire. Parce que pour elle, trouver sa raison d’être signifiait devoir faire face à son passé et à elle-même.

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ang s’assoit sur la banquette de cuir et passe la main dans ses longs cheveux noirs. Dix ans après s’être retirée de la compétition, elle garde l’assurance et le maintien d’une athlète disciplinée. Nous sommes mercredi, il est tard, et elle a beaucoup à faire, comme tous ceux qui se promènent portable en THE RED BULLETIN

main dans le coworking space NeueHouse à New York, un bâtiment industriel de 1913 transformé en incubateur d’idées à aires ouvertes. Posée et directe, elle a l’habitude de raconter sa vie. Elle a toujours travaillé dur, dit-elle. Elle remporte des compétitions peu de temps après avoir commencé la gymnastique rythmique à 9 ans. Recevoir la rétribution de ce dur labeur lui faisait du bien. Jusqu’à ce qu’elle visite des forums de discussions et qu’elle y lise les commentaires. Dès lors, gagner équivalait à avoir le monde entier contre elle. C’était une situation difficile pour une enfant timide et sensible qui souhaitait seulement s’intégrer. Et plus elle gagnait, moins elle s’intégrait. Mais son but n’était pas l’amitié. C’était les Jeux olympiques. Elle avait prévu de mettre fin à sa carrière aux JO de Pékin en 2008. Les parents de Wang ont immigré de Chine et elle a grandi en parlant le mandarin. Ça aurait donc été la conclusion parfaite. La pression était donc énorme. Aux Championnats du monde en Grèce, à Patras, la triple championne nationale des États-Unis et championne des Jeux panaméricains rate sa prestation au cerceau et manque les qualifications pour les Jeux d’un quart de point. Elle a échoué. Dévastée, elle se dit qu’elle n’est pas assez bonne, qu’elle n’a pas travaillé assez dur, qu’elle n’était pas assez préparée. Déterminée à préserver son héritage, elle achète un billet pour la Russie, s’entraîne neuf heures par jour neuf mois durant puis termine sa carrière en remportant les cinq médailles d’or et le titre combiné aux Championnats Visa 2008 à Houston, Texas. « J’ai pu clore ce chapitre de manière résolue, à mes conditions », ditelle. C’est du moins ce qu’elle pensait. Un an après avoir quitté Wall Street, elle franchit le point de non-retour dans l’entrepreneuriat, suite à la lecture d’un article de TechCrunch consacré à Yo, une application qui permet aux utilisateurs d’envoyer des SMS à leurs amis en commençant par – vous l’avez deviné – Yo. « C’était ridicule ! Je me demandais comment cette appli avait pu amasser un million de dollars. » Si ces gens avaient réussi, elle le pouvait aussi. Mais pas à ses

conditions. En recherche de financement pour sa première start-up, Fooze, un service de livraison de nourriture tard dans la nuit, un investisseur prend Wang pour l’assistante de celui qui était en fait son directeur des opérations, un homme de type caucasien, plus âgé. Elle a constamment l’impression que les hommes qu’elle rencontre sous-estiment ou ignorent son travail et ses réalisations. Elle raconte qu’une fois, un investisseur potentiel l’a embrassée de force puis essayé de la suivre jusqu’à sa chambre. Elle n’a pas pensé alors à qualifier cela de harcèlement mais elle savait que c’était déplacé. Elle veut alors savoir comment les autres femmes faisaient face à cette situation. Elle commence à assister à des événements consacrés à l’entrepreneuriat au féminin mais au lieu de stratégies et de décisions, elle prend part aux discussions portant sur l’écart des salaires ou sur le peu de financement que les entrepreneures obtiennent. « Rien de bien nouveau », selon Wang.

E

lle veut apprendre à surmonter ces problèmes. Comment entrer en contact avec des investisseurs et faire progresser son entreprise. Elle crée donc son propre événement. En juillet 2015, Wang réunit 35 femmes aux vues similaires, appelle le groupe Sheworx, et convaint un investisseur important de leur parler de la négociation dans un café d’Union Square à New York. En l’espace de six mois, le groupe rencontre chaque semaine des mentors de premier plan et se consacre à un sujet précis. Elle demande aux participant(e)s une contribution minimale et les réunions se tiennent à guichets fermés. Pour Wang, l’autonomisation des femmes lui apparaît comme une vocation. De celle qu’elle n’a pas vue venir. La raison tient au fait qu’en tant que gymnaste, ses pairs étaient ses adversaires. L’atmosphère était tellement tendue, empreinte de jalousie et d’intimidation qu’à Yale, elle évitait les sororités et les grands rassemblements de femmes. Ce n’est que lorsqu’une amie de fac exprime un réel ­enthousiasme lorsque Wang décroche un emploi dans les fonds s­ péculatifs à Wall   79


Street qu’elle ressent la force suscitée par le soutien d’une autre femme. « C’était la première fois que je ressentais le soutien et l’amour d’une camarade, dit-elle. J’ai pensé, wow, c’est donc cela, l’amitié : quand quelqu’un est heureux pour toi lorsque tu réussis. » SheWorx serait l’antithèse de ce jeu à somme nulle où il n’y a qu’un seul gagnant. Wang est déterminée à combler le déficit du financement des entrepreneures par la collaboration et non par la concurrence. Elle confie Fooze à son directeur des opérations et se consacre à plein temps à la réalisation de son projet. Vue de l’extérieur, elle semble forte, dédiée à l’amélioration de la parité entre les sexes dans l’entrepreneuriat. Mais au fond d’elle-même, elle est bloquée. Elle connait sa mission, ses données, l’impact de son entreprise, mais dans les réunions, elle se sent inefficace. Ignorée. Cela ne suffit pas. Elle ne cesse de se demander pourquoi elle n’a pas plus confiance en elle, pourquoi elle n’est pas super agressive ? « Je sais que je peux grandement contribuer à la discussion. Pourquoi cela ne se produit-il pas lorsque j’ouvre la bouche ? D’où cela vient-il ? » Plus elle y pense, plus elle se dit qu’elle ne pourra jamais plus regarder les JO. Elle a l’impression d’avoir abandonné son identité d’athlète. Le mot assez continue de la hanter. Elle se revoit en Grèce, parachutée au moment de la dissolution de son rêve. « Ce fut très difficile de regarder en arrière et de rouvrir ces blessures. Faire face à cette douleur fut finalement une libération. C’était de là que venait le stress de la note insuffisante et le sentiment de ne pas être assez bonne. Je n’avais jamais assumé cette perte. » Ainsi, un week-end sur deux, elle se prive du happy hour, du brunch ou d’une soirée à danser avec des amis pour rester à la maison devant un cahier et se poser cinq questions difficiles. De quoi ai-je peur ? Pourquoi est-ce que je réagis comme je le fais ? Quel est mon but ? Elle a passé des heures devant ces questions, déterminée à aller au fond d’elle-même. « En fin de compte, dit-elle, je crois que je peux impacter des millions voire des milliards de gens, donc j’ai plutôt intérêt à me connaître sous toutes les coutures. S’asseoir avec des problèmes non résolus ne va pas seulement me faire du mal, mais 80

aussi nuire à mon travail et, par conséquent, à beaucoup d’autres personnes qui pourraient en bénéficier. » En moins de trois ans, SheWorx s’est développée pour devenir une série d’événements mondiaux pour les entrepreneures avec plus de 20 000 fondatrices d’entreprises et de succursales dans sept villes du monde entier (elle fonctionne sur un modèle d’adhésion, de parrainage et d’événements). Parmi les à-côtés de l’adhésion, il y a l’accès direct aux meilleurs spécialistes et investisseurs par le biais de tables rondes et de sommets. Wang a lancé la série de sommets SheWorx100 en 2016 comme une sorte d’antidote à l’expérience typique des conférences où les investisseurs se tiennent face aux fondateurs qui disposent de trois à cinq minutes pour présenter leur entreprise. Pour les fondateurs, c’est « permettez-moi de me vendre », et pour les investisseurs, c’est « laissez-moi vous juger, dit Wang. Et, honnêtement, les femmes ne pèchent pas par excès de confiance. Nous sommes plus réalistes quant à nos chiffres, et par comparaison, cela nous donne l’air moins ambitieux ou moins audacieux ».

L

es sommets SheWorx100 jumellent de petits groupes de fondatrices avec un investisseur et donnent à toutes le même temps pour parler de leur entreprise et de ses défis. Ensuite, réunis autour de la table, tous présentent des solutions, des possibilités et des partenariats. « Cela fait passer la dynamique de “comment puis-je vous juger” à “comment puis-je vous aider ?” et uniformise le terrain », dit Wang. Et ça marche. Lors des sommets qui se sont tenus l’an dernier à New York, San Francisco et Londres, plus de 90 % des investisseurs ont organisé des réunions de suivi avec les entrepreneures qu’ils avaient rencontrées et 10 % des femmes qui y ont participé ont trouvé leur investisseur principal ou secondaire. Lorsqu’elle entend parler du sommet de New York, Rachel Renock a déjà contacté sans succès près de 200 investisseurs. En tant qu’homosexuelle

et fondatrice, sans expérience en affaires et sans réseau, essayant de présenter une entreprise ciblant les organismes à but non lucratif, elle se heurte à tous les obstacles de débutante en tant qu’entrepreneure. « Ce fut une lutte brutale pour survivre », dit-elle. Lors de l’événement, Renock, 27 ans, se retrouve avec six autres femmes et un investisseur. Elle fait une présentation d’une minute sur son entreprise, reçoit des commentaires du groupe et, une fois la discussion terminée, l’investisseur lui demande de tenir une réunion de suivi. Il finit par devenir son investisseur principal et, au bout de trois mois, Renock a réuni un million de dollars pour développer sa société Wethos, une plateforme qui met en relation des organismes à but non lucratif avec des pigistes abordables. « C’est un environnement extrêmement coopératif, dit Renock. En tant que femmes, on nous apprend à être parfaites et à ne pas essayer à moins d’être sûres à cent pour cent que nous pouvons le faire. Nous avons tendance à nous laisser paralyser par l’inconnu. On abandonne avant même d’avoir commencé. Le fait d’être entourées d’autres femmes qui font face à ces défis et qui n’ont peut-être pas l’air qualifiées sur papier mais qui ont réussi, encourage d’autres femmes à essayer, même si elles échouent. Vous n’êtes pas ­tenues d’être parfaites, et vous n’êtes pas tenues d’avoir toutes les réponses. » Comme Renock, K ­ ristina Jones a rencontré son investisseur majoritaire lors d’un sommet SheWorx100 à San Francisco l’année dernière. Après avoir amassé une levée de fonds d’un million de dollars pour Court Buddy, une entreprise qui jumelle des avocats et des clients en fonction de leur budget, elle est devenue la quatorzième fondatrice afro-américaine à le faire. Wang, qui est également chroniqueuse pour Forbes, a consacré l’une de ses chroniques à Jones et la publicité a donné à cette dernière un nouveau but. « Je suis maintenant sous les feux des projecteurs en tant qu’AfroAméricaine qui a réussi dans le secteur de la technologie. Nous sommes si peu

« En fin de compte, je peux impacter des millions voire des milliards de gens, donc j’ai plutôt intérêt à me connaître sous toutes les coutures. » THE RED BULLETIN


Lisa Wang s’est donné pour mission de fertiliser les jeunes pousses de l’entrepreneuriat.


nombreuses que j’ai l’impression d’avoir la mission de dire aux autres Afro-Américaines que c’est possible, dit Jones, 34 ans. Je n’ai jamais réalisé que je deviendrais une source d’inspiration pour d’autres. » Renock et Jones disent qu’elles aident régulièrement d’autres entrepreneures. « Je prends deux ou trois appels par semaine pour les aider à élaborer des stratégies et à naviguer à travers les choses que j’aurais aimé connaître lorsque je me suis lancée la première fois », dit Renock. Wang, elle aussi, a récemment appliqué son propre modèle et s’est mise à jouer le rôle de conseillère. Cette année, à South by Southwest (SXSW) à Austin au Texas, elle a passé près de trois jours à aider une jeune entrepreneure nommée Kira Gobes. Elles se sont rencontrées par l’intermédiaire du Red Bull Launch Institute, un nouveau programme d’application qui a débuté en 2017 et qui vise à accroître le potentiel des entrepreneurs au niveau universitaire par le biais de programmes de mentorat et de partenariats événementiels. À SXSW, l’Institut a présenté des ateliers sur l’argumentaire et le marketing, des séances de mentorat, des conférenciers invités et séances de pitch publiques pour les étudiants.

pour un projet de classe. Elle s’est inscrite à un concours universitaire, a remporté un prix de 10 000 $ et a fabriqué un prototype. Elle est convaincue que Loop a le potentiel de dissiper l’idée que l’ingénierie est faite pour les garçons et d’encourager les collégiens et lycéens au sujet de la créativité de la programmation. « Nous voulons leur montrer que ce stéréotype véhiculé par les médias, dans des séries comme

Wang (à gauche) avec sa jeune ­protégée Kira Gobes au Red Bull Launch ­Institute lors du SXSW à Austin.

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The Big Bang Theory, ne correspond pas à la réalité de l’ingénierie », dit Gobes. Wang a pris Kira très au sérieux et n’y est pas allée avec le dos de la cuiller pour commenter son argumentaire et dispenser ses conseils au sujet de la levée de fonds. Pour la première fois, Gobes a commencé à se considérer non pas comme une étudiante avec un projet sympa, mais comme une entrepreneure avec un but à atteindre. Elle a aussi pu concevoir ce qu’elle voulait devenir, et comment s’améliorer en regardant Wang à l’œuvre. Pour la première fois depuis le début de notre entretien, Wang rompt le contact visuel et jette un coup d’œil à son téléphone. Elle aussi s’améliore, ces jours-ci. Les moments difficiles, comme le fait de passer à côté des Jeux olympiques, la rendent plus forte. Elle a la capacité de motiver, d’inspirer et d’aider les gens à trouver de la force dans la vulnérabilité. Elle a un but et d’autres femmes réussissent grâce à la personne qu’elle est devenue. Cela lui convient. Et c’est bien assez.

sheworx.com THE RED BULLETIN

DREW ANTHONY SMITH/RED BULL CONTENT POOL

G

obes, une étudiante de dernière année à la Lehigh University de Bethlehem en Pennsylvanie est la créatrice de Loop, un bracelet associé à une application qui donne aux jeunes filles une introduction conviviale et ludique à la programmation. En manipulant des blocs de commandes très simples, de type Lego, les filles peuvent facilement programmer le bracelet pour, par exemple, s’allumer ou vibrer quand elles se trouvent près d’un meilleur ami. Gobes, 22 ans, en a eu l’idée

Quand elle lançait sa start-up, les investisseurs mâles recalaient Wang.


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guide Faire. Voir. Avoir.

Un surfeur prend la vague (froide) à Hokkaïdo, près d’Ishikari sur la côte ouest.

LE JOYAU DU JAPON Hokkaïdo est une destination unique pour le snowboard, le paddle ou la rando. Notre guide pour un séjour d’aventure (ou pas) sur l’île fantastique.

PICTUREDESK,COM

Texte EVELYN SPENCE

THE RED BULLETIN

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Faire.

24 HEURES Hokkaïdo concentre seulement 5 % de la population nipponne sur plus de 20 % de la superficie du pays – une île où l’on peut dans une même journée passer des centres urbains aux parcs nationaux, des centres commerciaux aux volcans e­ nneigés. Avec 2 millions d’habitants, S ­ apporo est la ­cinquième ville du Japon. Mais la capitale de l’île fait plus penser à Portlandia, une série sur Netflix (où l’on trouve en désordre des m ­ icrobrasseries, d’immenses ceintures vertes et des gens

« Même les Japonais louent la qualité et la fraîcheur de la nourriture sur l’île. » CHUCK OLBERY, GUIDE ALPIN

v­ êtus de tissus ­techniques). Flânez le matin dans le parc de Moerenuma, œuvre du sculpteur Isamu Noguchi, et escaladez l’après-midi les ­falaises d’Otaru, l’un des meilleurs spots de l’île selon le snowboarder Ken ­Sasaki, ou les murs du NAC à Sapporo, un hangar d’escalade doté de 67 cordes en moulinette et des centaines de voies. Le parc forestier de Nopporo, à l’extérieur de la ville, abrite une forêt vierge rare avec 110 espèces d’arbres et des kilomètres ­d’itinéraires de randonnée plats.

LOGER À deux pas de la gare centrale, le Cross Hotel propose trois types de chambre : ­naturelle, urbaine et branchée. Le nouveau b Sapporo Susukino aux chambres (relativement) spacieuses se trouve au cœur de ­Susukino, le quartier noctambule de ­Sapporo. MANGER Dur de désigner le meilleur resto de ­ramen à Sapporo, mais le Menya Saimi mérite sa réputation. Le Sushi Miyakawa a obtenu trois étoiles Michelin en 2018. Le café (torréfaction locale Morihiko) et les donuts de l’élégant DxM sont un must. ­Sapporo est aussi réputée pour le jingisukan (du mouton grillé), les œufs de saumon et la soupe au curry. BOIRE Visitez la brasserie éponyme de Sapporo, mais ne zappez pas l’Odori, le biergarten de la ville, le plus grand du pays, et ses dix bières pression artisanales, dont la Tsuki et la Taiyo. Enfin, le Yamazaki et ses cocktails originaux valent le détour même si son légendaire ­barman n’est plus. SE BAIGNER Dans la ville de Jozankei, à une heure de route de Sapporo, un bus vous conduit à une douzaine de onsen (sources thermales). Le ticket du bus inclut l’entrée.

En mode rafting sur la rivière Shiribetsu.

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Péninsule de Shakotan : idéale pour le paddle.

HOKKAÏDO POUR UN

LONG WEEK-END En hiver, le domaine skiable de Niseko ­cumule en moyenne 14 mètres de neige dont les flocons sont si gros que les habitants les appellent des « plumes de poulet » ou, plus poétiquement, fukai yuki saiko (poudreuse profonde). « C’est comme s’il en tombait 30 cm par nuit », confie le snowboarder Blake Paul, qui y a tourné des séquences. En été, les températures sont plus agréables que partout ailleurs au ­Japon, et la ville offre un large choix d’aventures à l’instar des villes de Queenstown (Nouvelle-Zélande) et Whistler (Canada). Du parapente au-dessus de l’Annupuri à 1 308 m avec l’Association de Parapente de Niseko Annupuri ou un tour sur l’île de N ­ akano au milieu du lac Toya, une caldeira géante formée par le mont Usu, un volcan actif. Découvrez en rando le sommet du mont Yotei, sosie du Fuji, à 1 898 m d’altitude et son cratère massif (toujours actif). Ross Fin-

MANGER Pas de menu chez Ezo Seafoods, on choisit sa créature (crabes, pétoncles de Notsuke…) directement dans l’aquarium, et le serveur suggère la ­préparation. An Dining est le repaire posh des ­Japonais modernes et un appel au saké. BOIRE Gyu Bar (ou le Fridge Door Bar) est bondé. Le Toshiro’s a un large choix de whiskys japonais et ses barmen ne confondent pas ­Hibiki et Hakushu. SE BAIGNER Dans les eaux laiteuses du Goshiki Onsen au cœur d’une forêt de bouleaux sur les montagnes dominant la ville.

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PICTUREDESK.COM, GETTY IMAGES (4), SHUTTERSTOCK

HOKKAÏDO POUR


Japon LOGER Près d’Otaru, le ryokan moderne ­Kurama inclut l’alcool dans ses tarifs de nuit. À Asahidake Onsen, La Vista Daisetsuzan ressemble à un chalet mais se vit comme un ryokan de luxe : 10 types d’oreillers au choix. À Sapporo, le choix d’Udon est légendaire.

L’arrière-pays d’Hokkaïdo et ses onsen.

HOKKAÏDO POUR

UNE SEMAINE

LOGER Le minimaliste bi.blé est un hôtel-restaurant et boulangerie. Le cosy Annupuri Lodge est à deux pas de la station de ski ­Annupuri Niseko.

dlay, expatrié australien et fondateur du Niseko Adventure Centre (NAC) recommande un itinéraire vélo panoramique de 50 km. Le NAC a aussi récemment ouvert un parcours de cordes géantes avec une centaine d’éléments, dont un trapèze géant et une tyrolienne.

La station balnéaire de Niseko a une vue au top sur le mont Yotei.

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« Hokkaïdo est une expérience multisensorielle en 3D », affirme Matt Naiman, proprio de l’Annupuri Lodge à Niseko. Il préconise une virée en voiture de location en commençant par la péninsule sauvage de Shakotan, laquelle s’avance dans la mer du Japon. Les habitants la surnomment Shakotan Bleu pour son eau cristalline et turquoise. Vous y explorerez ses grottes côtières en kayak. Le parc national de Daisetsuzan, le plus grand du Japon, possède un réseau de refuges et trois belles villes de onsen en périphérie, « une destination fantastique pour la rando », assure Olbery. Si vous avez le temps, traversez le parc national Shiretoko, sa population d’ours est la plus dense au monde et représente le bout du monde pour le peuple autochtone Aïnou. L’île de Rishiri est, pour ses insulaires, le rêve des amoureux de la nature et de l’aventure, précise Sasaki ; sa piste cyclable de 20 kilomètres laisse admirer le paysage côtier du nord et déguster les fameuses algues konbu. Un voyage à Hokkaïdo n’est pas complet sans une nuit dans un ryokan, une auberge japonaise traditionnelle incluant généralement deux repas somptueux et l’accès à un onsen. Pour une expérience authentique (kimonos et lit en tatami), optez pour l’hôtel Nagomi No Yado Iida situé dans un bâtiment vieux de 120 ans.

MANGER À Kamoenai, ­petit village de la péninsule de Shakotan, les sushis du Katsuei Zushi sont une merveille. À Hakodate, le Tempura Tazawa propose un service tard et plus de 12 plats de fruits de mer et de tempura. Enfin, les 250 étals du marché de Hakodate ne manquent de rien, des brioches à l’encre de seiche aux bols de donburi. BOIRE La distillerie de whisky Nikka à Yoichi est connue pour son malt tourbeux. Et les soumissionnaires de Musu, à Kutchan, infusent leur alcool à partir de produits locaux. SE BAIGNER Noboribetsu est célèbre pour son onsen ; Takinoya en est l’un des meilleurs, une eau opaline et un ­accueil aux petits ­oignons.

Se rendre à Hokkaïdo : un vol de 90 minutes de Tokyo à Sapporo.

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GUI D E

Voir.

EN DIRECT ET EN STÉRÉO Ce mois-ci, Red Bull TV vous emmène aux sources de l’enregistrement en studio, vous fait faire du skate et mordre la poussière.

18 août   À LA DEMANDE

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs.

ANALOG IN VIENNA: ALBERT HAMMOND JR Enregistrer un album analogique sur vinyle constitue l’un des plus grands défis pour un musicien contemporain, à l’heure où le ­numérique abolit toute frontière artistique. Le guitariste des Strokes et artiste solo ­Albert Hammond Jr s’y est pourtant collé au studio Supersense à Vienne (Autriche) en mai dernier. Des morceaux enregistrés en une seule prise sans surimpression, montage ou pistes de fond et en présence de fans dévoués. Un set en toute intimité à voir sur Red Bull TV.

Vivez l’expérience sur redbull.tv

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THE RED BULLETIN


Puissance pure : ­Albert Hammond Jr et son groupe en live à Supersense.

Francis Trouble, 4 e album solo du guitariste des Strokes, est sorti en mars.

THE RED BULLETIN

MARC SCHWARZ/RED BULL CONTENT POOL (2), BERND BORCHARDT/RED BULL CONTENT POOL, JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL, BARTEK WOLINSKI/RED BULL CONTENT POOL, CHRISTELLE DE CASTRO

août / septembre

Musique de très haute qualité et interviews d’artistes influents. Restez à l’écoute…

10

septembre   À

LA DEMANDE

THE FLARE

Admirez les héros du skateboard de rue en action, des vétérans comme Mike Carroll et Rick Howard aux jeunes loups tels que Cody Chapman et Yonnie Cruz. Une vidéo intégrale des créateurs du film culte Fully Flared.

LIVE FROM BERLIN

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au 19 août   LIVE

RALLYE D’ALLEMAGNE

La neuvième étape du Championnat du monde WRC s’annonce riche en sensations fortes au cœur des vignobles de la Moselle. Victorieux en 2016, Sébastien Ogier tentera de détrôner Ott Tänak, le vainqueur 2017.

et 26 août   LIVE

UCI MTB WC FRANCE

La Bresse, au nord-est de la France, accueille à nouveau la finale de la Coupe du monde VTT 2018. La dernière fois, c’était en 2011, le public sera donc bouillant pour supporter les icônes françaises du vélo de montagne.

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septembre  À L’ANTENNE

Durant cinq semaines (jusqu’au 12 octobre), Red Bull Radio fête les vingt ans de la Red Bull Music Academy en direct de Berlin, là où tout a ­commencé. Tous les jours, des directs des émissions les plus populaires de la station, dont Peak Time avec Vivian Host, mettent à l’honneur les parcours d’artistes passionnants ­issus de la dynamique scène musicale de la capitale allemande, ainsi que les 61 participants de l’Académie venus de 37 pays différents.

À ÉCOUTER SUR REDBULLRADIO.COM

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Faire. UNE FORME DE CHAMPION DU MONDE

« JE SUIS PASSÉ PRO »

Aux Championnats du monde à Wuxi (Chine), l’ex-champion d’escrime Miles Chamley-Watson ­ambitionnait de toucher l’or en individuel et par équipe. Il livre ici les détails d’une quête sans répit.

Miles Chamley-Watson

Avec son 1,93 m et un torse couvert de tatouages, ­Chamley-Watson ne passe pas inaperçu, surtout en tenue blanche sur la piste de 14 x 2 m. En 2013, il devient le premier Américain à remporter un championnat du monde individuel, introduisant une action qui, depuis, porte son nom : toucher l’adversaire en passant le bras derrière le dos. Un coup à l’origine de la première vidéo virale de ce sport.

L’escrimeur US a mené la délégation US à l’or par équipe aux Championnats du monde de février 2018.

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Chamley-Watson : l’or en individuel aux Championnats du monde 2013, et le bronze par équipe aux Jeux de 2016.

THE RED BULLETIN


fitness

M O U V E M E NT S

« L’escrime combine la puissance de la boxe et la ruse des échecs. » « L’escrime exige de la rapidité et la ­capacité d’anticiper les coups de l’adversaire. Je pratique la boxe et le box jump pour l’explosivité, que je combine avec des exercices de coordination main-œil. ­L’approche est progressive. Un des exercices consiste à être sur un tapis roulant tandis que mon coach me lance deux balles de tennis en m’indiquant laquelle des deux attraper. Chaque ­exercice vise à améliorer mes ­performances en escrime. Ma coordination main-œil et mes réflexes ont de fait gagné en précision. »

SO U PLESS E

THOMAS PRIOR (2), GETTY IMAGES (2), NIKE

ANDY LEWIS

« Le ­pilates : il ouvre le bassin et étend l’amplitude de mouvement. » « La souplesse est l’un des aspects clés en escrime : le bassin et les fessiers doivent être toujours ­détendus. En Asie (Corée, Chine et Japon sont de ­sérieux concurrents au titre), les meilleurs réalisent le grand écart sans séquelle. Je n’en maîtrise qu’un seul type. Mon 1,93 m ne me facilite pas la tâche. Mais c’est un aspect critique et nous prêtons désormais plus d’attention aux détails. En vol long courrier, j’effectue des étirements, ­surtout avant les longs repas. »

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N UTR ITI O N

« En général, je prends six repas par jour, dont trois avant 11 heures. » « Œufs et smoothies à base de ­banane, beurre d’arachide, Red Bull tropical, poudre de protéines et lait de coco forment le menu du matin. Avec 2 000 calories, le petit-déjeuner fournit le carburant de la journée. Pour la collation, de la viande de dinde ­séchée. Le déjeuner que je prends à la salle de sport inclut protéines, poulet ou équivalent, et légumes. Le dîner est très protéiné, faible en gras et riche en glucides complexes : ­poisson, saumon ou autre, avocat, riz brun ou quinoa. »

LE DIMANCHE, C’EST OPEN BAR Un fois par semaine je m’autorise tous les écarts : pizza, gnocchi à la crème, un régal, ou un burger. Tout est permis. C’est important car l’apport en graisses ne peut se ­limiter uniquement à l’avocat.

R ÉC U PÉ R ATI O N

« Prendre quotidiennement soin de mon corps améliore mon niveau. » « J’évolue en pro maintenant, donc prendre soin de mon corps est ­vital. Matin et soir, je fais des étirements. Et de la physio tous les jours entre l’entraînement en salle du matin et la session d’escrime l’après-midi. Parfois, j’utilise des ventouses ou l’acupuncture pour traiter les muscles en profondeur et les détendre. J’applique ces soins depuis les Jeux de 2012. Bains de sel, sauna russe une fois par semaine, massages, caisson de flottaison et cryothérapie complètent la panoplie. Et j’utilise ­quotidiennement un appareil de ­récupération Normatec. »

RÉCUPÉRER EN VOL « Je prends souvent l’avion. Plus d’un million de km parcourus. L’occasion de récupérer : je m’hydrate, je mange sain, porte des chaussettes de compression. Sur un long courrier, j’avale un complément alimentaire à la mélatonine. Au retour de Chine, j’ai dormi 11 heures d’affilée. »

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Faire.

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août au 2 sept. UTMB Chamonix L’Ultra-Trail du Mont-Blanc est un sommet mondial dans ce type de compétition en montagne. Pour ­encadrer l’épreuve mythique de 171 km avec 10 300 m de dénivelé, qui s’élancera le vendredi 31 août à 18 heures, six autres trails complètent le programme. Au total, au ­départ de C ­ hamonix, 7 600 participants viendront courir sur les pentes du célèbre massif alpin. Succès ­ininterrompu ­depuis 2003. Chamonix ; utmbmontblanc.com

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août / septembre

er

et 2 sept. Vinyl Market

Le Red Bull Music Boom Bus est toujours présent sur le pavé nordiste à l’occasion du week-end de la grande Braderie de Lille. Il y présente le Vinyl M ­ arket, ­incontournable rendez-vous des passionnés qui viendront chiner parmi plus de 5 000 vinyles. Une mine d’or ! Et pour l’ambiance, le programme réserve DJ sets et talkshows pour tous ceux qui ­rejoignent le bus. Lille, Grande Braderie ; redbull.com

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15

et 16 sept. Sneakerness Le plus grand événement européen pour fans de sneakers fait étape tout le week-end à la Cité de la mode et du design de Paris. Au « paradis » de la basket, des centaines de stands proposent aux visiteurs des nouveautés, des modèles rares et d’autres ­personnalisés par de grands ­artistes. Les marques iconiques sont représentées et des surprises attendent les visiteurs. Paris, Cité de la mode ; ­sneakerness.com

au 26 août

UCI MTB WORLD CUP

La 10e et dernière étape de la CM de VTT revient dans les Vosges, 15 jours avant les Mondiaux en Autriche. Sur les pistes de la station, en 3 jours de courses, le cross-country (XCO) et la descente (DHI) promettent de belles bagarres, avec Myriam Nicole et Loïc Bruni en DH, et Pauline Ferrand-­ Prévot en XC. Cette saison, l’Union cycliste a ajouté une épreuve de petit cross-country (XCC) en présélection à celle de cross-country.

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BARTEK WOLINSKI/RED BULL CONTENT POOL, JEAN-FRANCOIS MUGUET

La Bresse-Hohneck ; labresse-coupedumondemtb.com

août Finist’Air Show Le grand rendez-vous du motocross et du BMX flat et dirt met toujours en fusion la pointe de la Bretagne. Il ne manque jamais de talents sur les pistes et dans les runs. Avec Tom Pagès, Matthias Dandois ou ­Yannick Granieri viennent s’ajouter les stars étrangères des Red Bull-X Fighters et des X-Games pour assurer un show toujours plus délirant. Ils sont chaque année des dizaines de milliers de spectateurs à en profiter. Briec ; finistairshow.fr

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GUI D E

31 Voir.

août au 2 septembre

TOUS AU PRADO !

Pour son lancement en 2016, la compétition de skate Red Bull Bowl Rippers fut pensée en célébration des 25 ans du fameux bowl du Prado. Unique au monde lors de sa construction, car situé à quelques mètres de la mer, le spot a, dès les années 90, attiré la crème du skate international, devenant une Mecque du bowl riding. Une discipline qui voit ses origines en Californie dans les

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Infos sur redbullbowlrippers.com

années 70, durant les sécheresses. Quand les propriétaires de piscines se voyaient interdire de les remplir, ils offraient un terrain d’expression aux skateurs les plus radicaux.

Amateurs et pros

Pour cette troisième édition, le plateau pro sera relevé, avec la présence de spécialistes comme Pedro Barros, Alex Sorgente, Danny León et des Français Robin Bolian (­vainqueur en 2016) et de Vincent Matheron. ­Parmi les amateurs engagés, deux pourront

Robin Bolian, à peine 20 ans, a remporté le premier Red Bull Bowl Rippers en 2016.

intégrer la compétition pro. Les filles ne sont pas en reste avec l’inauguration d’une catégorie pro féminine constituée d’un gros plateau international, dont le phénomène US Brighton Zeuner, âgé de 14 ans.

Session libre

Le 30 août, à la veille du lancement de la compétition, une session libre sera organisée de 17 à 21 heures, ouverte à tous, en mode ­sunset, avec des pros comme Vincent Matheron.

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ANTHONY ACOSTA, TEDDY MORELLEC/RED BULL CONTENT POOL (2)

RED BULL BOWL RIPPERS

Un plateau international de skateurs et skateuses qui donnent tout, un bowl mythique, un soleil permanent et la Méditerranée à deux pas. Trois jours durant. Vous voici au Red Bull Bowl Rippers, l’événement skateboard qui ambiance Marseille chaque année.


août / septembre

Les filles en force

« Avec les réseaux sociaux, les quelques filles douées sont plus visibles que jamais. C’est un élément déclencheur : d’autres filles s’identifient et osent plus », explique Chloé Bernard, skateuse française à propos de l’explosion de la scène skate féminine. Et d’après son expertise, les skateuses de France sont bien engagées. « Le niveau et le style locaux évoluent, et les formats de compétitions s’ouvrent aux filles. Elles ­explosent les barrières, elles repoussent les limites. » Venez le constater à Marseille ! Le Red Bull Bowl Rippers inaugure cette année une catégorie pro féminine, avec des rideuses venues du Brésil, d’Angleterre ou d’Australie.

Brighton Zeuner, le jeune phénomène US du skate.

Plateau costaud pour spot historique

95 Vincent Matheron

skateurs seront présents au Red Bull Bowl Rippers : 45 amateurs hommes (dont deux auront l’opportunité de rejoindre l’épreuve pro, en mode Wild Card), 40 pros hommes et 15 pros femmes. Sur les phases finales du dimanche, 2 000 spectateurs sont attendus. Côté son, l’événement montera en puissance sur fond de punk, rock et metal avec les DJ’s postés dans l’event car.

COMME À LA MAISON

Fluidité, hauteur et attaque ­caractérisent son riding : l’actuel champion de France senior de bowl est un Marseillais. À 20 ans, Vincent Matheron est l’incontournable local de l’événement, viscéralement attaché à ce fameux bowl du Prado dont il connaît chaque courbe, pour

Le local : Vincent Matheron, 20 ans, skateur marseillais.

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1991

L’année de naissance du bowl qui fut conçu par l’architecte Jean-Pierre Collinet. Le plus célèbre bowl du monde, celui que l’on trouve dans le jeu vidéo Tony Hawk’s Pro Skater 2. Le premier « à flanc » d’océan, des années avant celui de Venice Beach. Un bowl ouvert et (toujours) gratuit, dans lequel des riders de tous les pays sont venus. Et peuvent dire : « Je l’ai skaté ! »

l’avoir pratiqué très jeune avec son père Patrick et son oncle Seb. C’est ici que Vincent s’est fait son éducation de skateur, jusqu’à devenir un professionnel. Avec humour, il nous livre des conseils pour profiter au mieux d’un spot où l’affluence est souvent démentielle. Recommandé DITES OUEPP ! Dropper dans un bowl en béton, ce n’est pas facile : un « cri de guerre » et de la motivation vous aideront. SOYEZ BREF Squatter le bowl mille ans, ça n’est pas très cool. Quand il y a du monde, mieux vaut privilégier des runs courts, ça donnera du rythme. MANGEZ UN YETI (une glace à l’eau en bâtonnet) Si vous avez chaud. L’an dernier, sur le Red Bull Bowl Rippers il a fait jusqu’à 30 °C. Restez frais ! RESTEZ COOL Le bowl riding est exigeant, on tombe souvent, et certains ont tendance à jeter leur planche au sol dans des ­excès de rage. On se détend !

UNE PLANCHE ADAPTÉE Si vous

venez dans un bowl avec une planche en taille 7.5 (trop étroite) et des roues de 50 mm (pas assez grosses), vous aurez du mal à avancer. À éviter LES BARBECUES On voit de ces

trucs dans un bowl ! Des scooters, des trottinettes, j’ai même vu des gars faire un barbecue… Un bowl, c’est d’abord fait pour skater ! (rires) DÉGRADER LE BOWL Préservez votre bowl. Par exemple, ne ­crachez pas dedans, ça n’est pas très agréable quand on roule « dessus » ensuite. WAXER COMME UN FOU Pour grinder plus, il faut aller plus vite, pas waxer plus. La wax, c’est un mélange de parafine et de cire que l’on applique sur le bord du bowl pour glisser. UN MAILLOT DU PSG Ne portez pas ça si vous ridez au Prado… (rires) Comme le Vélodrome ou la Bonne Mère, cet endroit est un sanctuaire local.

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MENTIONS LÉGALES FRANCE

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The Red ­Bulletin est actuellement distribué dans sept pays. L’édition américaine consacre sa couverture au rappeur ­philosophe Zaytoven. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

Les journalistes de la SAS L’Équipe n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. La SAS L’Équipe n’est pas r­ esponsable des textes, photos, ­illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

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Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Waltraud Hable, Andreas Rottenschlager Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English Directeur photos Fritz Schuster Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza Rédaction Christian Eberle-Abasolo, Arek Piatek, Stefan Wagner Maquette Marco Arcangeli, Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Eva Kerschbaum, Tahira Mirza Directeur global Media Sales Gerhard Riedler Directeur Media Sales International Peter Strutz Directeur Publishing Development & Product Management Stefan Ebner Management par pays & Marketing Sara Varming (Dir.), Magdalena Bonecker, Julia Gerber, Kristina Hummel, Melissa Stutz Directeur créatif global Markus Kietreiber Solutions créatives Eva Locker (Dir.), Verena Schörkhuber, Edith Zöchling-Marchart Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier Emplacements publicitaires Andrea Tamás-Loprais Production Wolfgang Stecher (Dir.), Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Michael Menitz (Digital) Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Maximilian Kment, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder Office Management Kristina Krizmanic, Yvonne Tremmel Informatique Michael Thaler Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone : +43 (0)1 90221-28800, Fax : +43 (0)1 90221-28809 Web : www.redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alessandra Ballabeni : alessandra.ballabeni@redbull.com Contributions, traductions, révision Étienne Bonamy, Frédéric & Susanne Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Audrey Plaza, Claire S ­ chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Prix : 18 €, 12 numéros/an getredbulletin.com Siège de la rédaction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Prinovis Ltd. & Co. KG, 90471 Nuremberg Publicité PROFIL 134 bis rue du Point du jour 92100 Boulogne +33 (0)1 46 94 84 24 Thierry Rémond : tremond@profil-1830.com Elisabeth Sirand-Girouard : egirouard@profil-1830.com Arnaud Lietveaux : alietveaux@profil-1830.com

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À VOIR EN DIRECT

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Foulée basquaise

THE RED BULLETIN n° 80 sortira le 15 septembre 2018 98

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ALEXIS BERG

Boue, pierres, humidité – et 5 472 m d’altitude à surmonter : la course ZegamaAizkorri au Pays basque espagnol est l’un des trails runs les plus ardus au monde. Le vainqueur de 2018 : le Suisse Rémi Bonnet (ici à l’arrivée). Son truc : « Les montagnes donnent de la force. En courant, je pompe leur énergie et j’oublie la fatigue. »


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