The Red Bulletin FR 09/20

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FRANCE SEPTEMBRE 2020

HORS DU COMMUN

Votre magazine offert chaque mois avec

FABIO WIBMER

Comment la star de YouTube va vous rendre plus créatif



MANY PATHS. ONE TRAIL.

MQM FLEX 2 MERRELL.COM @MERRELLEU


Éditorial

C’est fou ce que l’on peut faire à vélo. Surtout quand les options sont restreintes… Le pilote VTT autrichien Fabio Wibmer imagine et crée sans cesse, transformant son environnement en un terrain d’expression et de performance illimité. Vous avez probablement déjà vu ses vidéos incroyables sur YouTube, et pour The Red Bulletin, il présente sa méthode, vous invitant à élever votre jeu, que ce soit au taf, dans votre vie perso ou vos loisirs. Que dire de nos autres guests du mois, que la passion a menés loin : Ozzy Osbourne, issu d’une Angleterre ouvrière peu fertile côté carrière, mais qui fondera le heavy metal. Jill Heinerth qui, à 55 ans, explore un monde sous-marin où la plupart d’entre nous n’oseraient pas tremper un doigt de pied. On vous parle aussi de Pablo Allison, ex-taggeur qui s’agrippe à des trains d’enfer pour documenter l’exode des migrants au Mexique – et changer notre point de vue sur ces populations. C’est le moment de passer en mode illimité. Votre Rédaction

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

JILL HEINERTH

Jill Heinerth est une exploratrice sous-marine, écrivaine, photographe, conférencière et vidéaste canadienne. Pionnière de la plongée technique en recycleur, elle a mené des expéditions dans les icebergs de l’Antarctique, les tubes de lave volcanique et les grottes submergées du monde entier. Son livre Into the planet a été ­salué par The Wall Street ­Journal et The New York Times. Reportage page 26.

DAVE HOWARD

« L’Eco-Challenge n’a pas d’équivalent, dit le journaliste américain à propos de cette émission d’aventure extrême. Quatre hélicos, des cameramen suspendus à des cordes et poursuivant des équipes à travers une jungle dense, des équipes de soutien s’étendant sur plus de 150 km de nature sauvage. C’est comme regarder Godzilla se tenir au-dessus de la ligne d’horizon de Hong Kong. En vrai. » Récit page 54.

Aux racines d’un phénomène : Fabio Wibmer prépare une petite rampe naturelle pour grimper aux arbres. 4

THE RED BULLETIN

HANNES BERGER (COUVERTURE), SUUNTO UK

FABIO EST FABULEUX


Copyright © 2020 MNA, Inc. All rights reserved.

TH E ENTI RE RI D E OUT, TH ERE WAS NEVER A S EC OND THOUG HT.

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CONTENUS septembre 2020

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8 Galerie : que vous pratiquiez

le VTT, le skateboard ou le surf, vous allez être refaits 14 Quand vos légumes poussent en tournant… dans votre salon 16 Le rappeur Lord Esperanza ne marche pas seul et s’investit 18 Si ça continue, on ira clubber dans ce genre de tenues… 20 Ólafur Elíasson nous questionne sur notre rapport au monde 21 Les îles Faroé sans y aller ! 22 Jessica Nabongo se mobilise pour un tourisme différent 24 Playlist : The 1975, en 2020

72 Le message de Pablo Allison pour sensibiliser au sort des migrants.

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THE RED BULLETIN

DUNCAN PHILPOTT, JILL HEINERTH, GEORGE MARSHALL

Une selle pour deux ambiances. On vous présente le gravel, un vélo open.


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Jill Heinerth plonge son objectif là où de rares humains évoluent.

26 L a dame du dessous

Habite un univers fait d’eau, de mystère et d’émerveillement.

38 L’ordinaire extra

Plus l’endroit est banal et limité, plus Fabio et son vélo s’éclatent.

4 6 Monde miroir

Quand l’entertainment vient s’incruster dans le gaming.

54 M ission impossible

80 Vélo : passez en catégorie pro

64 I ci c’est Ozzy

84 Course auto en simulateur :

Un défi en milieu hostile sur vos écrans : validé par Bear Grylls ! La villa du Prince des ténèbres est sympa. Comme ses toutous.

72 L e facteur humain

Enfermé ou en liberté, ce que Pablo apprend des migrants.

THE RED BULLETIN

sans vraiment toucher le sol

pour rouler à vélo, sans sa F1 86 Ce mois-ci, l’événement est aussi sur votre écran 88 On fait le point sur le gravel 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Iggy et ses amis en sueur  7



FARWELL CANYON, CANADA

On a vu bien pire STEPHEN SHANNON/RED BULL ILLUME

Une session photo dans le Farwell Canyon qu’il décrit comme « le berceau du VTT freeride » : voilà un projet longuement convoité par Steve Shannon, originaire de Colombie-Britannique. Après des tentatives infructueuses, le photographe a enfin réalisé son rêve en avril dernier, avec l’aide de Cory « Coco » Brunelle, mécano et ­virtuose du VTT. « Nous sommes arrivés au sommet juste avant l’aube et avons pu ­assister à un magnifique lever de soleil sur la rivière Chilcotin. Comme il a grandi dans le coin, Coco est familier des lignes raides de Farwell, qu’il achève toujours de dévaler avec un petit twist très stylé. » steveshannonphoto.com

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FRANCFORT, ALLEMAGNE

Le plein de vide Cette image étonnante, prise avant le confinement par Robert Garo dans les souterrains du métro de Francfort, a demandé beaucoup de patience au photographe croate et à son ­modèle, le skateur allemand Milan Hruska. « Nous nous sommes donné rendez-­vous ici un soir car mon ami Milan t­ ravaille juste à côté de la ­station, r­ aconte Garo, qui réside lui aussi à Francfort. Seulement nous avons sous-estimé le trafic en heure de pointe. Il nous a fallu attendre quelques heures jusqu’à ce que les couloirs soient déserts pour ­obtenir cette photo finale. » robertgaro.net


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ROBERT GARO/RED BULL ILLUME



BARACOA, CUBA

Où est le surfeur ?

WILL SAUNDERS/RED BULL ILLUME

Will Saunders, photographe basé en Utah, suivait un groupe de surfeurs et de skateurs à Cuba depuis une quinzaine de jours quand ils l’ont ­finalement emmené sur l’un de leurs spots favoris. « J’avais du mal à en croire mes yeux, s’exclame Saunders à propos de cette épave rouillée. On aurait dit une scène tout droit sortie du jeu vidéo Tony Hawk’s Pro Skater. Nous avons passé une matinée entière, moi à prendre des photos et eux à surfer cette vague incomparable, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de houle. Le jeu consistait à surfer sous la proue du bateau et glisser à côté en effleurant la coque de la main – tout en ­évitant de choper le tétanos. Pour Yojany ­Pérez, ça a vraiment l’air d’être un jeu d’enfant ! » willsaundersphoto.com

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Circuit très court L’horticulture high-tech durable prend racine grâce à un inventeur australien. Et ça se passe chez vous. Un anneau argenté fixé à un socle tourne sur lui-même. En son sein, une myriade de plantes pousse en silence. L’élégance de l’objet évoque une pièce sortie tout droit d’une galerie d’art. Il n’en est rien. Cet appareil moderne est un potager d’intérieur, qui se passe de terre et de soleil. Créé pour un monde au climat imprévisible et où la terre arable se raréfie, le Rotofarm 14

THE RED BULLETIN

LOU BOYD

ROTOFARM

est présenté comme une « révolution dans l’agriculture urbaine ». Grâce à la culture hydroponique, il permet de cultiver des légumes-feuilles, des herbes, des micropousses et bien d’autres choses encore. Son inventeur Toby Farmer l’a habillé d’une esthétique contemporaine. « Le concept étant inédit, cela m’a laissé une plus grande liberté créative pour ajouter une touche de magie et de poésie au produit », confie l’Australien de 23 ans. Farmer s’inspire de la méthode utilisée par les astronautes dans l’espace. « La NASA a démontré que les plantes peuvent pousser sans géotropisme, c’est-à-dire sans l’influence de la pesanteur sur les racines et les tiges. Ainsi, la culture des plantes en cercle, configuration spatiale la plus optimale, est viable. » Cette belle structure dans laquelle les légumes effectuent une rotation autour d’une lampe LED toutes les 46 minutes assure un rendement trois fois supérieur à la méthode classique en extérieur. « La source de lumière unique permet par ailleurs de profiter des angles des faisceaux lumineux et de réduire ainsi la consommation d’énergie, poursuit Farmer. L’hydratation et le drainage en rotation assurent aux racines un apport continu d’oxygène pour une meilleure santé des plantes. » Bien plus qu’une innovation chic, le Rotofarm est selon ­Farmer une première étape vers un mode de vie respectueux de l’environnement. « Chaque heure, d’énormes étendues de terres sont réaffectées à la culture biologique, explique-t-il. Beaucoup disposent déjà d’un espace de vie suffisant pour cultiver leurs propres légumes. » Ce dispositif sans effort avec son élégant dispositif aérien risque d’en inciter certains à se lancer dans la culture de salon. bace.co/rotofarm

BACE

Contempler un buffet de crudités est plus captivant que jamais.


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#EnFeatAvecLord

“In us we trust” (trad. nous croyons en nous), c’est la devise du label de vêtements écoresponsables lancé par le rappeur Lord Esperanza. Il évoque la puissance du travail collectif. the red bulletin : Quelles furent vos collaborations artistiques les plus marquantes ? lord esperanza : Je suis arrivé à la musique par l’écriture, et puis j’ai eu un groupe de rock qui s’est arrêté au bout d’un an et demi à cause des aléas de la vie, mais aussi des ego et des jalousies. Avec un ami rappeur de Lille, Pollux, j’ai ensuite monté un duo (Lord & Lux, ndlr). À ce moment, j’étais très avide de collaborations parce que pour moi, la musique est avant tout quelque chose qui se partage. Dès que je trouvais quelqu’un prêt à me suivre dans ma folie créative, je me lançais. Je voulais tout le temps être en studio, mais je n’avais pas d’argent, il fallait trouver des sessions gratuites, emprunter un micro ou un logiciel… Plus tard, j’ai monté une tournée pour créer des clips vidéo avec un réalisateur dans chaque ville, et on faisait élire le gagnant par les fans. Je donne aussi des cours d’écriture bénévoles à des enfants souvent issus de quartiers défavorisés qui ont des destins incroyables. Certains ont traversé la Méditerranée sur un bateau en plastique. J’ai envie de faire participer la communauté le plus possible. Qu’est-ce qui vous anime dans ces projets collectifs ? La notion de transmission collective. Quand j’ai commencé le rap à 14-15 ans, j’ai eu la chance de rencontrer un ami de dix ans mon aîné. Il m’a fait confiance, m’a enregistré gratuitement chez lui et m’a donné des conseils. Il m’a accueilli avec beaucoup de générosité. Et très vite, il m’a dit : « Tu sais, ce que je fais pour toi, il faudra que tu le fasses pour d’autres. » Ça m’a marqué et c’est resté ancré dans mon rapport 16

à autrui. Même si j’ai beaucoup travaillé, j’ai une chance unique par ­rapport à d’autres artistes qui ne vivent pas de leur musique. Cette reconnaissance, j’essaye de la transformer et ça passe par des projets comme ceux-là. Comment se déroule le processus d’écriture à plusieurs sur un titre ? En général, chacun écrit son couplet, puis on trouve le refrain et l’idée ensemble. Mon souvenir de collaboration le plus notable, c’était un séminaire d’écriture pour Patrick Bruel. On a écrit la chanson Le Fil, qui évoque la relation entre un père et son fils. J’ai travaillé avec un auteur de 45 ans qui avait des enfants, contrairement à moi. Je me suis donc mis à la place de mon père pour écrire. Pour d’autres chansons, je me suis mis à la place de femmes. C’était un défi assez excitant, qui cassait les codes du « moi, je ». Quand je suis revenu au rap, j’avais l’impression d’avoir un point de vue différent. En 2018, vous avez créé un label de musique, Paramour, nouvelle forme d’aventure collective. Pourquoi ? L’idée était d’officialiser des collaborations avec des gens qui étaient là depuis le début et qui donnaient

« Quand tu ­collabores avec des artistes que tu produis, tu as une partie de leur vie entre les mains. »

Au printemps dernier, le Red Bull Studios Paris a ­proposé à Lord Esperanza de se rapprocher encore plus de sa communauté en lançant le projet #EnFeatAvecLord : composer un morceau collaboratif avec des centaines de personnes. Le rappeur proposait quatre mesures et les fans pouvaient ensuite envoyer les leurs, chaque semaine, sur une plateforme digitale dédiée. ­L’artiste a sélectionné les meilleurs textes, et au bout de 6 300 sets de mesures et 80 000 visiteurs venus lire les propositions ou voter, le morceau (qui sortira bientôt) compte seize contributeurs : les trois artistes Lord Esperanza, Nelick et Fouki, ainsi que treize ­utilisateurs de la plateforme qui le rencontreront en ­septembre. Excité par l’idée de « sortir de sa zone de confort » avec ce nouveau défi créatif, Lord Esperanza a été agréablement surpris par la qualité des propositions, et notamment cette image qui l’a fait rêver : « Funambule au bord du trou noir / en blouson sombre. » Il a aussi fallu s’adapter à cette méthode de composition : « Ça représente plus de ­travail de composer avec les idées d’autrui, dit Lord. On est dans un rapport plus rationnel que quand on écrit seul. Avec ses propres mots, il y a un côté un peu magique dans l’inspiration. Là, c’était plus scientifique, parce qu’il faut trouver les bonnes formules pour que tout s’agence bien. » Pour lui, ce sera une chanson qui compte. « Ce titre a une valeur émotionnelle forte. En général, en studio, le morceau est plié en quelques heures. Ce texte a été écrit, travaillé, élaboré pendant quasiment six semaines donc j’ai eu le temps de le voir évoluer, ce qui est rare. Cela nous a permis de prendre plus de recul pour ne garder que le meilleur. C’était vraiment un exercice intéressant. » THE RED BULLETIN

SMAËL BOUAICI

Le collectif au pouvoir

JASON PIEKAR

LORD ESPERANZA


­ eaucoup pour moi. Ce label, c’était b un moyen de les remercier de manière concrète. Est-ce qu’on se sent plus fort en équipe ? Au contraire, ça me donne un sentiment de vulnérabilité, ça nécessite de prendre des décisions et d’apprendre un langage qui m’était étranger il y a un an et demi, celui des tableaux Excel et des contrats juridiques. Quand tu collabores avec des artistes que tu produis, tu as une partie de leur vie entre les mains. Le fait d’être artiste permet de mieux aborder la question. Le problème de la plupart des chefs de projets en maisons de disques, c’est qu’ils sortent d’école de commerce et que leur vision repose sur un point de vue très rationnel. Ils n’ont pas toujours cette sensibilité artistique. Qu’est-ce qui vous a motivé à ­lancer votre marque de vêtements en mai dernier, à 23 ans ? J’avais fait beaucoup de merchandising et je voulais développer des vêtements à part entière, pas juste des produits dérivés. Et aussi, je souhaitais toucher une autre clientèle que ma communauté. Ce sont des vêtements sobres, écoresponsables, sans logo. Je voulais créer des coupes et vivre l’expérience de toucher au tissu. Mon grand-père était tailleur, il y avait toujours une machine à coudre chez lui. Cette envie était donc en moi depuis longtemps. Et je l’ai concrétisée grâce à l’un de mes meilleurs amis, Léo Delolme, qui m’accompagne depuis le début sur de nombreux aspects de ma carrière, que ce soit le community management ou la direction artistique. Il est mon bras droit et un véritable couteau suisse. Cette collaboration avec Léo a-t-elle été essentielle à votre c­ arrière ? Complètement, Léo a été fondamental. Plusieurs personnes de mon entourage ont joué un rôle important dans ma carrière. Elles m’ont fait confiance à un moment où tout était flou, à une époque où il ne se passait pas grand-chose dans ma vie. Les avoir autour de moi a tout changé.

Instagram : @lordesperanza THE RED BULLETIN

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MICRASHELL

En mode ultra-looké Si un clubbing sous protection devait s’instaurer à l’avenir, cette combi pourrait préfigurer l’accoutrement de certains fêtards de demain.

pandémie, Production Club, l’une des sociétés de Miguel Risueño, développe un équipement de protection pour fêtards. Le Micrashell confère au clubbeur l’allure d’un personnage sorti d’un film de SF, mais sa technologie intégrée est bien réelle. « Nous avons privilégié la sécurité avec un système de filtration similaire à celui des combinaisons PAPR (avec appareil respiratoire et purificateur d’air), explique Risueño. Mais les fonctionnalités et l’esthétique ne sont pas en reste. » Un dispositif pour boire et ­vapoter, des haut-parleurs et des LEDs sont aussi prévus. « Le système de boisson en canette évite les files d’attente et le risque d’être ­drogué à son insu, et les enceintes intégrées réduisent l’impact sonore. » Le Micrashell est en phase de prototype, testé par Miguel Risueño lui-même. « J’écris ces lignes en portant un casque très bruyant, très résistant et très laid », confie-t-il. La société envisage même un usage au-delà de la piste de danse. « Se rendre aux toilettes ou avoir un rapport sexuel sont des situations que nous ne pouvons négliger, ajoutet-il. Cela explique pourquoi le Micrashell ne couvre que la moitié du corps. » production.club/micrashell

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PRODUCTION CLUB

LOU BOYD

On le sait désormais, les nuits passées à danser dans des lieux bondés, enlacés les uns aux autres ou à trinquer sont des plaisirs qui peuvent être mis sur pause en un instant. Mais c’est sans compter sur la détermination d’un collectif passionné de fêtes en clubs. « Le contact humain procure une sensation que rien ne remplace, explique Miguel Risueño, directeur de création à Los Angeles. Les émotions ainsi partagées sont plus riches et plus gratifiantes. » Pour répondre au besoin d’un potentiel clubbing sous THE RED BULLETIN


L I T E N I N G C :68 X

R AC E

S O R T E Z D U P E LOTO N , PRENEZ LA TÊTE DE LA COURSE.

Comment définiriez-vous la vitesse ? Pour certain, c’est parcourir la plus grande distance, en un minimum de temps. Pour nos ingénieurs, c’est réaliser plus de 100 heures d’analyse en soufflerie, pour optimiser chaque partie du cadre de notre nouveau Litening C:68X. C’est intégrer au maximum chacun de ses éléments, de la fourche à la tige de selle, en passant par le cintre et les câbles, pour plus de performance face au vent. Et c’est flirter avec les limites des règlementations UCI, pour plus d’aérodynamisme. Le résultat, un vélo de course rapide et léger, au design exceptionnel.

CUBEBIKES.FR


Une planète multiple Rendre le monde meilleur exige sûrement un changement de perspective. La dernière création de ­Ólafur Elíasson (ici à gauche) entend faire de nous des artistes du changement. Earth Perspectives, le projet de cet artiste islando-danois de réputation mondiale, ­réunit neuf images fluorescentes de notre planète ; afin d’en saisir le sens, le spectateur est invité à les observer avec attention. En fixant par exemple le point blanc au centre de l’image ci-dessus pendant dix secondes avant de déplacer le regard sur une surface neutre. L’image produite par vos yeux devient votre propre œuvre d’art, une vision nouvelle et unique de la Terre. 20

Si l’interaction avec Earth Perspectives est aisée, la démarche de l’artiste reste complexe. Plus connu pour ses grandes installations conceptuelles, Elíasson a créé cette œuvre participative à petite échelle pour contribuer, en cette ère de crise écologique, à modifier notre vision de la planète. Les zones menacées par le changement climatique qu’il présente — la Grande Barrière de Corail, la calotte glaciaire du Groenland ou le site de la catastrophe nucléaire de 1986 à Tchernobyl, en Ukraine — appellent à rectifier notre vision du monde. « Earth Perspectives repré-

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OLAFUR ELIASSON, GETTY IMAGES

ÓLAFUR ELÍASSON

sente à travers différents points de vue la Terre où nous souhaitons vivre, explique Elíasson. La perspective des humains, mais aussi celles des plantes, des animaux, de la nature. Celle d’un glacier diffère de celle d’un humain. Cela vaut aussi pour une rivière. » Le travail d’Elíasson s’inscrit dans le cadre du programme Back To Earth initié par les galeries Serpentine. Ce projet pluriannuel réunit plus de soixante artistes, architectes, cinéastes, poètes, scientifiques, penseurs et designers mobilisés contre la crise climatique. La récente pandémie a renforcé l’urgence de l’action. « La crise sanitaire actuelle a paralysé nos sociétés, affecté nos économies, nos libertés et nos liens sociaux, poursuit Elíasson. Nous devons nous montrer solidaires de tous ceux que la crise a frappés, et saisir cette occasion pour imaginer, ensemble, un monde meilleur, soucieux de ses merveilles et de sa beauté, ainsi que des défis qui nous attendent. » Retrouvez Earth Perspectives et les œuvres des autres artistes, dont Judy Chicago et Jane Fonda, sur le site des galeries Serpentine. serpentinegalleries.org

LOU BOYD

La calotte glaciaire du Groenland (ici en noir) a enregistré une fonte record en 2019 : environ 370 milliards de tonnes.


KIRSTIN VANG/VISIT FAROE ISLANDS

LOU BOYD

Un type aux Féroé est là pour faire (presque) tout ce qui vous botte.

Pour les habitants des îles Féroé, la distanciation sociale introduite en 2020 est un épiphénomène. Cet archipel autonome de l’Atlantique Nord est l’une des sociétés humaines les plus isolées de la planète. Un éloignement géographique qui n’empêche pas les 52 110 âmes qui y vivent d’être très sociables, à commencer par leur Premier ministre dont le numéro de téléphone est connu de tous. En 2016, les îles s’ouvrent au monde en lançant Google Sheep View, des visites virtuelles avec des webcams fixées sur des moutons. En avril dernier, alors que le monde se confine, les Féroïens renouvellent leur geste d’ouverture : des visites virtuelles de leurs dix-huit îles aux paysages sauvages, grâce aux habitants équipés d’une caméra et d’un micro. « Le visiteur sélectionne les instructions sur l’écran de son appareil mobile qui les transmet à l’oreillette du guide en quelques millisecondes, THE RED BULLETIN

explique Levi Hanssen, de ­l’office du tourisme des Féroé. Nous informons nos visiteurs virtuels que nous nous plaçons sous leur contrôle total, à condition de ne pas nous mettre en danger. » Les excursions virtuelles se font à pied, à cheval et même en hélicoptère. « Certains demandent à nos guides de sauter dans l’océan, ou de pourchasser des moutons. Nous nous contentons d’en rire en expliquant que cela n’est pas possible, et proposons une alternative. » Grâce à cette initiative touristique innovante, les visiteurs sont plus nombreux qu’avant le confinement. « La rigueur des éléments qui nous entourent façonne notre peuple depuis des générations, souligne Hanssen. Nous sommes un savant mélange de solitude, de résilience, d’authenticité et de chaleur. » Avec la réouverture des frontières, les Féroïens espèrent attirer des visiteurs bien réels cette fois. remote-tourism.com

TOURISME À DISTANCE

Demandez au guide ! Alors que l’humanité s’installait dans le confinement, l’une de ses communautés parmi les plus isolées innovait afin d’accueillir des visiteurs en toute sécurité.

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Jessica Nabongo est une photographe, influenceuse et entrepreneure déterminée à secouer l’industrie du voyage. En l’humanisant.

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En octobre dernier, Jessica Nabongo devient la première femme noire à visiter tous les pays de la planète. Son arrivée aux Seychelles, sa 195e destination, achève un périple de deux ans et demi qui a mené l’Américaine d’origine ougandaise de 36 ans des villes africaines aux plages indonésiennes, des déserts du Moyen-Orient aux campagnes d’Europe. Un voyage suivi en ligne par ses quelque 180 000 abonnés. Toutefois, Nabongo ne se limite pas à promouvoir des voyages sur Instagram et son site web ; elle y ­interroge aussi les idées préconçues des Occidentaux sur les destinations touristiques et les publics cibles associés. Grâce à sa tournée historique et à sa société de voyage Jet Black, Nabongo défend la nécessité d’une représentation plus équilibrée dans une industrie qui reste majoritairement blanche. Cinq mois après la fin de son ­circuit, voyager ­librement à travers le monde devenait impossible. Pour Nabongo, un esprit vagabond et curieux reste néanmoins un bon moyen de tisser de solides liens.

Vous êtes la première femme noire à y parvenir. Pourquoi est-ce important pour vous ? L’accès des Noirs au voyage n’a pas toujours été aussi aisé que pour les Blancs. Une situation liée aux nombreuses discriminations coloniales, mais aussi à celles internes à certains pays. Brandir un passeport américain ou un passeport ougandais ne produit pas les mêmes effets. J’ai compris l’importance pour les ­titulaires d’un passeport africain, que les douaniers du monde entier comprennent qu’il peut aussi servir à faire du tourisme.

the red bulletin : D’où vous est venue l’idée de visiter tous les pays ? jessica nabongo: Je m’étais fixé ce but au début de mes vingt ans. En 2017, j’en étais à soixante pays ­visités, j’ai alors décidé de me rendre dans tous les autres avant mes 35 ans. J’ai réussi cinq mois après mon anniversaire.

Quelle est la leçon la plus importante que votre expérience vous a apprise ? Partout où j’allais, je posais cette question aux habitants : « Qu’est-ce qui vous rend heureux ? » La réponse était toujours la même : être avec ceux qu’ils aiment et voir leurs enfants heureux. Quelles que soient nos différences – ethniques, sociales, sexe, religion, nationalité – nous ­aspirons à peu près aux mêmes choses. La pandémie nous a rapprochés. Mes échanges avec des citoyens européens, a ­ fricains ou ­asiatiques

Qu’est-ce qui a motivé la création de votre agence de voyages ? L’envie de proposer une offre spécialisée dans l’Afrique, l’Amérique ­centrale, l’Amérique du Sud, et les Caraïbes. Ces régions abritent des coins exceptionnels, mais demeurent peu visitées parce que mal connues. Les touristes n’ont d’yeux que pour Paris, mais Dakar, Accra ou Lagos c’est bien aussi. L’idée est de changer le discours afin de développer ces destinations.

Comment avez-vous vécu le confinement ? J’adore voyager et cela me manque terriblement, mais nous sommes tous soumis à cette situation. J’ai connu un moment difficile. Je mangeais peu, buvais avec excès et maigrissais à vue d’œil. Mais j’ai fini par me reprendre. J’ai téléchargé Headspace (une application de méditation, ndlr). Je désirais pratiquer la méditation depuis des années, mais les déplacements fréquents et mon manque de discipline ont retardé ce moment. La méditation m’apporte calme et pleine conscience et développe ma capacité de concentration. Comment explore-t-on le monde quand on est confiné ? On l’explore localement. Des Kenyans me disaient que leur passeport ne leur servait à rien. Qu’à cela ne tienne, visitez Lamu, Mombasa, le mont Kenya, leur ai-je conseillé. Le pays natal reste à découvrir. L’interdiction de voyager vise à protéger la santé de chacun. Mais les vidéos et les livres nous font voyager sans se déplacer et nous font mieux connaître une destination avant de s’y rendre. Pourquoi les voyages sont-ils si importants ? Cela nous aide à voir l’autre avant tout comme un semblable et pas ­seulement comme un Pakistanais, un Anglais, un Français, un Sénégalais ou un Ghanéen. L’Occidental a peur des épouvantails, surtout s’ils ont les traits d’une personne noire ou typée. Avec les voyages, les gens se rencontrent, s’apprivoisent. Ainsi, les peurs ancestrales se dissipent et laissent place à plus de tolérance et d’amour. Nous nous humanisons.

thecatchmeifyoucan.com ; Instagram : @thecatchmeifyoucan

THE RED BULLETIN

JESSICA HOLLAND

Une tout autre idée du tourisme

ont montré que nous vivons partout une expérience similaire. Nos actes n’affectent pas seulement notre voisin direct, mais la ­planète entière. Nous sommes tous voisins.

ELTON ANDERSON

JESSICA NABONGO


« Les touristes n’ont d’yeux que pour Paris, mais Dakar, c’est bien aussi. » THE RED BULLETIN

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THE 1975

Message reçu 5/5 Matty Healy, le leader de l’un des groupes les plus engagés du Royaume-Uni, revient sur quatre chansons qui l’ont stimulé. Pourquoi se limiter à un seul genre musical quand on peut tous les jouer ? Avec trois albums numéro un au Royaume-Uni, The 1975 ont chaque fois étoffé leur éventail sonore, créant un mélange unique de R&B, punk, ambient et synth­pop leur assurant une base de fans tout aussi éclectique. Basé à Manchester, le quatuor est aussi connu pour son activisme politique plaidant notamment en faveur de spectacles durables, des droits des LGBTQ+ et de la parité hommesfemmes dans les festivals. Le ­morceau d’ouverture du dernier album, Notes On A Conditional Form, inclut un discours de Greta Thunberg. Vocaliste du groupe, Matty Healy nous fait part de sa playlist aux messages forts… Notes On A Conditional Form est déjà disponible ; the1975.com

Peter Tosh

James Brown

Refused

Radiohead

« J’adore ce morceau. Un ­manifeste aux paroles (Peter Tosh, artiste reggae jamaïcain, y ­défend la priorité de la justice et de l’égalité des droits sur la paix, ndlr) très justes et ­réalistes. L’esprit de la chanson constitue la matrice de tous nos textes. Voilà le genre de morceau qui change le cours d’une vie. »

« Voilà une chanson épatante dont le sujet reste d’actualité. James Brown y aborde les droits civils et la misogynie, et chante que le monde “ne serait rien, sans une femme ou une jeune fille” — une vérité imparable. Je l’écoutais encore récemment et j’en avais des frissons. »

« Ce groupe suédois hardcore exerce une influence majeure sur nous — People, notre ­récent single peut en témoigner — cela tient à son activisme politique, mais aussi à son énergie et son urgence. Ce morceau est pour moi la quintessence du punk rock. Refused, c’est le dernier groupe heavy notable. »

« Thom Yorke peut écrire des chansons d’une incroyable singularité. Celle-ci me rappelle l’Angleterre et la désillusion qui l’anime. Nous sommes ­déçus de nous-même, mais en plus nous célébrons cette déception de manière excessive et systématique. C’est une attitude bien britannique somme toute. »

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Rather Be Dead (1996)

The Daily Mail (2011)

THE RED BULLETIN

MARCEL ANDERS

It’s A Man’s Man’s Man’s World (1966)

BRETT LLOYD

Equal Rights (1977)



Jill Heinerth en train de tester un rebreather : cet appareil permet de ­recycler l’air expiré, et donc de plonger plus longtemps.

PASSION ABYSSALE

Grande dame de la plongée-spéléo, la Canadienne JILL HEINERTH ­explore les endroits les plus inaccessibles du monde sous-marin. Un métier où le risque et l’émerveillement sont toujours au rendez-vous. Texte ANDREAS WOLLINGER  Photos JILL HEINERTH 26

THE RED BULLETIN


Plongée en mer inconnue Dans ce gigantesque cénote (­appelé « The Pit »), situé sous la péninsule du Yucatán au Mexique,­ Jill Heinerth a eu un grave accident qui a bien failli mettre fin à sa ­carrière. Pourquoi n’a-t-elle jamais raccroché ? « Il n’y a pas de plus belle sensation que de pénétrer dans un endroit où aucun Homme n’a encore plongé. »



Paradis interdit Pour pouvoir admirer ces paysages sous-marins à couper le souffle, il faut une autorisation spéciale, la grotte étant fermée depuis quarante ans pour des raisons de sécurité. « Cette beauté m’a toujours fascinée, s’exclame Jill. Je crois que c’est une des plus belles choses que j’aie jamais vues. »   29



Le Sahara dans les Bahamas Plongée au fin fond de Dan’s Cave sur l’île d’Abaco, au nord des Bahamas. Cette grotte vieille de 350 000 ans est fréquentée par les plongeurs mais aussi les climatologues. Sur ses ­stalagmites, on trouve en effet du sable provenant du Sahara, ce qui permet de retracer les périodes de ­sécheresse sur Terre.   31


Pas de panique ! Dans la plongée-spéléo, mieux vaut ne pas être claustrophobe : « L’idée est toujours de garder la balance entre la peur et la confiance en soi », ­explique Jill Heinerth.

Le monde des ténèbres Même si le Crystal Palace de la Dan’s Cave est toujours plongé dans le noir, il regorge d’êtres vivants : des petits crustacés sans yeux ni pigments qui n’ont pas changé ­depuis la fin des dinosaures. 32

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Vestiges de guerre devant Terre-Neuve Ce navire français fut coulé en n ­ ovembre 1942 par un sousmarin ­allemand devant l’île de Terre-Neuve (Canada). Échouée près de Bell ­Island, l’épave sert ­aujourd’hui d’habitation à de ­nombreux animaux marins.



Jill Heinerth, 55 ans, devant le Wookey Hole, au sud-ouest de l’Angleterre. C’est ici qu’a eu lieu la première plongée-spéléo en 1935.

Un peu plus près des étoiles… de mer C’est l’histoire d’une petite fille qui rêvait de devenir une ­astronaute.

SUUNTO UK

L’indispensable fil d’Ariane Le collègue de Jill Heinerth est en train de monter le filin de sécurité à l’entrée du Devil’s Eye Spring, une grotte souterraine en Floride. Surnommé « fil d’Ariane », il est parfois le seul moyen de ­retrouver la sortie quand les particules s­ oulevées par les plongeurs ­empêchent toute visibilité.

À défaut de pouvoir réaliser son rêve d’enfance, Jill Heinerth découvre, en grandissant, un autre univers fascinant : celui des abysses. Avant son trentième anniversaire, elle quitte sa vie tranquille et son boulot de graphiste pour se consacrer à sa passion et devenir exploratrice de grottes sous-­ marines. Depuis, la Canadienne de 55 ans s’est aventurée dans les grottes les plus étroites, les plus profondes et les plus longues du monde aquatique, notamment dans un iceberg de l’Antarctique : un exploit qui lui a valu cette année son entrée dans le Scuba Diving Hall of Fame. Se frayer un chemin dans ces labyrinthes de calcaire, plongés dans l’eau et l’obscurité, n’est évidemment pas sans risque. La plongée-spéléo fait en moyenne une vingtaine de victimes par an. Mais pour Jill, ce risque est largement compensé par l’émerveillement que l’on ressent lorsqu’on plonge dans des lieux où personne n’est jamais allé. La peur ? « Elle est présente, avoue-t-elle, mais vous ne devez jamais la laisser vous contrôler, pour ne pas gaspiller votre oxygène. » Comment fait-elle ? « Face au danger, il faut respirer un grand coup et se concentrer sur sa survie, un pas après l’autre. » intotheplanet.com

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Cadeau du ciel Un rai de lumière transperce la pénombre d’un cénote : Jill a baptisé ce cliché, pris au Yucatán, Beam Me Up. En le regardant, on comprend mieux pourquoi les Mayas considéraient ces puits naturels comme le territoire des dieux de l’inframonde.

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La Floride en immersion totale Le Floridan Acquifer est un vaste r­ éseau de canaux souterrains qui ­alimentent en eau potable 60 % de la population de cet État. Il attire ­aussi les (intrépides) plongeurs du monde entier. Sur la photo : ­l’entrée du Orange Grove Sink, au nord-est de la Floride.


ÊTES-VOUS BIEN ÉLEVÉ ?

Le bonheur, la forme et le succès sont à portée de main. Difficile à croire ? C’est grâce à cet état d’esprit que FABIO WIBMER, un spécialiste du VTT trial, a séduit cinq millions de fans sur YouTube. Il révèle ses trucs pour voir votre quotidien différemment. Et vous élever. Texte ALEX LISETZ  Photos HANNES BERGER


LA VOIE DES AIRS Les vélos sont interdits sur le ponton du Hallstättersee en Haute-Autriche. Fabio a la solution : ne pas toucher le sol, tout simplement.

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UNE ASCENSION FULGURANTE L’accrobranche, c’est surfait : à 14 ans, Fabio est passé du motocross au VTT trial. La suite de l’histoire, on la connaît.


F

abio Wibmer a passé son enfance dans un véritable terrain de jeu. Ses parents lui ont ­offert LE cadeau parfait pour lui permettre de développer ses talents. Et aujourd’hui, quand il se filme en faisant son activité préférée, 80 millions de personnes admirent le spectacle sur YouTube… Chanceux le type. Facile... La vérité, c’est que Fabio Wibmer a beaucoup plus d’imagination que nous. « Les choses les plus banales autour de moi, je les regarde toujours sous un autre angle, explique-t-il. Je réfléchis aux idées sympa qu’il pourrait y avoir derrière. Puis je les mets en pratique. » C’est en suivant ce principe que Fabio Wibmer s’est élevé, pour devenir un ­vététiste de niveau international et le YouTubeur le plus célèbre d’Autriche. Mais cette philosophie de vie, il l’applique aussi à des idées commerciales et des projets de vie d’un autre genre. Ainsi qu’à ses sorties VTT. « Pas besoin de budget ni de spots classieux pour faire marcher sa créativité. Parfois, on a même de meilleures idées quand les possibilités sont limitées. » Fabio Wibmer a grandi dans un village de l’est du Tyrol. Pas exactement l’endroit rêvé pour devenir célèbre. « J’adore Oberpeischlach, dit-il, mais il n’y avait rien à faire là-bas. On n’avait même pas de terrain plat. Quand on jouait au foot, au bout de cinq minutes, on perdait le ballon et il fallait aller le ­récupérer en bas de la pente. » Fabio Wibmer a six ans quand il fait cet important constat : un pré peut être plus qu’un simple pré et un arbre abattu peut être plus qu’un simple arbre abattu. Eh oui, car quand on pense de manière créative, un pré peut aussi être une piste de motocross et un arbre abattu peut ­devenir un obstacle de trial. Après une sortie en famille à la Coupe du monde de motocross en Carinthie, Fabio et son frère Gabriel supplient leurs parents de faire l’acquisition de mini motos cross. C’est ainsi que le champ de leur oncle passe du statut de mauvais terrain de foot à celui de parcours de motocross idoine. Et la forêt derrière la maison devient un véritable terrain de jeu offrant mille possibilités de défis et d’acrobaties. Leçon de créativité n°1 : continuer d’avoir six ans dans la tête. Et considérer le monde comme un terrain de jeu où mettre en pratique son talent et ses idées. Fabio, qui a aujourd’hui 25 ans et vit

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à Innsbruck, est devenu une véritable star : sa chaîne YouTube compte près de cinq millions d’abonnés et ses vidéos les plus populaires font entre 80 (Wibmer’s Law) et 100 millions de vues (Urban Freeride Lives).

LE QUOTIDIEN COMME SOURCE D’INSPIRATION

Son succès, Fabio le doit – outre son talent exceptionnel en trial et en downhill – à sa créativité sans bornes. Ses ­vidéos racontent des histoires, ses tricks sont à la fois drôles et incroyables. Son secret pour arriver à un tel résultat : penser comme le gamin de six ans qu’il a été un jour. En pratique, il prend des choses du quotidien, les sort de leur contexte et en tire des idées géniales. Meilleur exemple : Fabiolous Escape, la vidéo avec laquelle il a percé, il y a main-

tenant quatre ans. « Au départ, j’ai tourné Escape pour un concours vidéo où il fallait filmer une séquence cool en une seule prise. Là, je me suis dit : pourquoi ne pas raconter une histoire – et faire p ­ articiper tout mon village ? » Dans sa « fuite » face aux policiers – un peu patauds – du village, Fabio dévale les toits des maisons et les tables à manger, enchaînant avec

« Ce qu’il me faut, c’est un trick que je retente 200 ou 300 fois avant d’y arriver. »

Fabio est un spécialiste du VTT trial et downhill de niveau international, et le YouTubeur le plus célèbre d’Autriche.

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une aisance déconcertante les frontflips, les drops, et même un numéro d’équilibriste sur le guidon de son vélo. Résultat : il a remporté le concours et sa vidéo en est aujourd’hui à 56 millions de vues. « Je prends des choses que tout le monde connaît et je les aborde d’une manière différente », explique l’ancien étudiant en marketing sportif au s­ ujet du succès de son concept, dont pourraient aussi tout à fait s’inspirer les fondateurs de startup et sportifs amateurs. « Comme dans Urban Freeride L­ ives, où je descends des escaliers – tout le monde peut se projeter là-dedans, pas comme avec une rampe dont les dimensions échappent ­totalement aux profanes. » Quand il est en vadrouille, les idées jaillissent dans sa tête les unes après les autres. « Je vois un mur et je me ­demande comment je pourrais rouler ­dessus ou sauter par-dessus. » Un jour, en cherchant un lieu sympa, il a atterri dans la vallée de la Malta en Carinthie. Là-bas, il a flashé sur un mur de barrage de 200 mètres de haut, sécurisé par une rambarde en haut. « J’ai vu la rambarde et je me suis dit : si elle n’était qu’à dix centimètres du sol, je pourrais rouler dessus sans problème. Donc je dois juste m’enlever de la tête qu’il y a 200 mètres de vide en dessous. » Et il s’est retrouvé quelques jours plus tard, assuré par une corde, à rouler sur la rambarde – de la largeur d’un pneu – du début jusqu’à la fin du barrage, faisant fi de l’immense gouffre à sa gauche. « Une sensation indescriptible, surtout après coup », raconte-t-il. Nous, rien qu’à regarder la ­vidéo Riding a Bike on a 200 m High Rail, on en a des sueurs froides.

« Parfois, on a de meilleures idées quand les possibilités sont limitées. »

LE DROIT DE SE PLANTER

Fabio nous explique qu’il a aussi pas mal d’idées qui ne mènent nulle part. « Parce que dans la réalité, elles ne fonctionnent pas comme je me l’étais imaginé. Ou bien parce qu’elles sont complètement nulles, alors que je pensais qu’elles seraient super géniales. » Pas grave : la créativité, ça ne fonctionne que si on s’accorde le droit de se tromper, d’être ridicule et de faire n’importe quoi. Leçon de créativité n°2 : n’en avoir rien à foutre. En fait, parfois, ça vaut le coup de poursuivre des idées qui semblent vouées à l’échec. « Il y en a qui lâchent l’affaire quand ils n’arrivent pas à passer un trick au bout de trente tentatives, dit Fabio. Moi, quand il ne me faut que trente fois 42

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LE JUSTE ÉQUILIBRE Dans ses vidéos YouTube, Fabio alterne tricks de dingue et ­séquences délirantes.

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5 indispensables pour une journée de VTT mémorable 1. Un VTT (forcément)

« S’il ne fonctionne pas parfaitement, un vélo n’est rien de plus qu’un tas de ferraille. Il est donc indispensable de s’assurer avant le départ que les freins marchent bien, que les roues tournent correctement et qu’il n’y a rien qui vibre ou qui frotte. »

2. Les meilleurs potes

« Le VTT, c’est encore plus cool entre potes. Mais pour que chacun puisse en profiter, il faut que tout le monde ait le même niveau. Je m’entraîne avec un crew pour la descente et un autre pour le trial et j’ai vécu des trucs i­ ncroyables avec les deux. » Pour ses tricks (ici un 180 depuis un Mercedes Marco Polo), Fabio s’inspire ­fréquemment des skateurs et athlètes de parkour.

3. De quoi manger

« Dès que j’ai la dalle, ça ne va pas. Donc je vérifie toujours avant qu’il y aura de quoi manger là où je vais rouler – et que le restaurant ou le snack en question sera bien ouvert. Quand j’ai faim, je suis insupportable. »

4. Un temps parfait

« De 20 à 25 degrés et du soleil. Simple, mais tellement important. »

pour y arriver, le trick ne m’intéresse plus. C’est qu’il n’était pas assez difficile. Ce qu’il me faut, c’est un trick que je retente 200 ou 300 fois – comme dans la vidéo Home Office où je mets un panier avec ma roue arrière. »

D’IDOLE À POTE

Comment faire pour penser de manière aussi créative que Fabio Wibmer ? « Je me suis toujours inspiré de ce que faisaient les autres pour en faire mon truc à moi. » Revenons à ce propos à un fameux jour de printemps 2009, qui fut le plus important de sa vie. C’est ce jourlà, alors âgé de 14 ans, qu’il tombe par hasard sur la vidéo Inspired Bicycles de l’Écossais Danny MacAskill, la légende du VTT trial. « J’ai de suite su que je voulais faire ça moi aussi. » Fabio abandonne le motocross pour le VTT trial et se sert des vidéos de Danny MacAskill pour apprendre des tricks. En parallèle, il poste ses propres vidéos et se constitue une communauté qui compte de plus en plus de fans. Et en 2012, il rencontre son idole en personne lors d’un atelier de la Red Bull Wings Academy. Ils ne se perdent pas de vue et Danny finit même par faire une proposi44

tion à Fabio : l’accompagner dans sa ­tournée de démonstration. Aujourd’hui, Fabio est l’un des piliers majeurs de l’équipe Drop and Roll qui fait tourner les têtes des fans en enchaînant les ­frontflips par-dessus les clôtures de ­jardin et les backflips au guidon d’anciens vélos pour dames. Leçon de créativité n°3 : commencer par regarder ce que font les autres. Et s’en inspirer pour en faire quelque chose de personnel.

VOIR PLUS LOIN

Le mieux serait peut-être de dévoiler tout de suite la leçon n°4 pour cette p ­ artie : voir plus loin que le bout de son nez. L’inspiration se trouve partout, p ­ arfois même dans les endroits les plus inattendus. « J’aime bien savoir comment les autres communautés ou disciplines gèrent tel ou tel challenge, explique Fabio. Parfois, j’observe un skateur et ­j’essaie de refaire les mêmes mouvements avec ma bécane. Dans la vidéo Home Office, je saute sur un arbre depuis le toit de la maison avant de glisser sur le côté et d’atterrir au sol – c’est une idée que j’ai eue en regardant des vidéos de parkour. »

5. Un portable éteint

« Il faut toujours avoir un portable avec soi quand on part en virée. Mais quand je ne filme pas, le mien, je préfère encore le laisser éteint. Le truc, c’est qu’on est connectés 24h/24, donc j’aime bien débrancher un peu. Au moins quand je suis sur mon VTT. »

Récapitulons : les meilleures idées se trouvent juste sous notre nez ; on peut s’inspirer de gens qui partagent nos idées, mais l’inspiration peut aussi parfois se trouver là où l’on s’y attend le moins ; et pour trouver de bonnes idées, il ne faut pas avoir peur de se tromper. Quelque chose à rajouter, Fabio ? « Oui ! Idées et stress ne font pas bon ménage. Pour développer sa créativité, il faut avoir quelque chose qui aide à r­ ester concentré. Donc il faut trouver un moyen de réussir à déconnecter et à écouter sa petite voix intérieure. » Fabio a trouvé, lui. On aurait pu continuer cette discussion éternellement, mais le rider doit y aller. Le ciel s’éclaircit au-dessus d’Innsbruck, et pour lui, cela ne signifie qu’une chose : ses potes du VTT l’attendent déjà dans la forêt. THE RED BULLETIN


À LA HAUTEUR Le fameux Handlebar Ride de Fabio offre une belle vue d’ensemble, mais réfléchissez avant de le tenter sur une piste cyclable.


EPIC GAMES

Travis Scott surplombe l’île de Fortnite Battle Royale lors de l’événement Astronomical en avril. Près de 28 millions de joueurs y ont assisté.


REJOIGNEZ

L’AUTRE UNIVERS

Alexandria Ocasio-­Cortez, Travis Scott ou encore Sting ont rejoint le MÉTAVERS, une société en parallèle au sein des jeux vidéo en ligne. Rencontrez les pionniers qui construisent une alternative numérique à notre existence analogique. Texte TOM GUISE

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T

ravis Scott est énorme. C’est l’un des rappeurs les plus chauds de la planète en ce moment. Ce Texan de 28 ans est aussi énorme, littéralement : 100 m de haut, enjambant les immeubles pendant qu’il crache les paroles de son track à succès, Sicko Mode. La foule lévite. Ici encore, littéralement : elle tourne autour de lui en apesanteur. Nous sommes le 23 avril 2020, et c’est ­l’Astronomical de Travis Scott, un concert virtuel dans le jeu vidéo en ligne Fortnite. Les spectacles de Scott dans le monde réel sont célèbres pour leur ambiance survoltée. Ses performances physiques entraînent son public dans une véritable frénésie. Il est connu pour survoler la foule à bord d’un aigle animatronique géant. Sa tournée Astroworld: Wish You Were Here de 2018-19 faisait apparaître des montagnes russes qu’il dévalait audessus du mosh pit. Mais ça, c’est d’un autre niveau. Alors que les joueurs de Fortnite se précipitent avec enthousiasme vers une île habituellement réservée aux combats entre joueurs, le titan du rap – qui surgit après qu’un astre pulsant se soit écrasé sur Terre – commence à se téléporter à travers le paysage, se transformant en un être translucide doté d’un ­système nerveux psychédélique. « OMG, il atteint les étoiles », crie Tyler « Ninja » Blevins, joueur et superstar de Fortnite, à son public sur Twitch, la plateforme de streaming en direct, alors que son propre personnage, de taille normale, cesse d’agiter un pied du micro flamboyant. Scott ­arrache deux corps célestes et les rassemble en un 48

éclair aveuglant avant que le monde ne se reforme sous l’eau. Le chanteur géant est maintenant suspendu dans l’obscurité, vêtu d’une combinaison d’astronaute. Dix minutes plus tard, l’odyssée se ­termine dans l’espace avec le début de sa nouvelle chanson, The Scotts – une collab avec son collègue Kid Cudi – alors que tout le monde est entraîné à travers une stargate pour ressortir dans le Fortnite normal. Travis a quitté la planète et les joueurs, désorientés, retournent automatiquement au mode jeu, prêts à se friter avec des pioches et des armes. « C’est tout ? », s’exclame Ninja. C’est la célébrité la plus célèbre du jeu. Correction : c’était. Plus de 12,3 millions de joueurs de Fortnite se sont connectés simultanément à Astronomical– plus que les populations de New York et Los Angeles réunies. Au cours des prochains jours, quatre autres concerts porteront ce total à 27,7 millions. Il s’agit de l’événement culturel de 2020 dont on a le plus parlé jusqu’à présent. Et il s’est déroulé dans le cadre d’un jeu.

C

e n’est pas la première fois que Fortnite secoue le monde réel. En janvier 2019, DJ Marshmello aa ­ ttiré plus de 10 millions de joueurs à son concert virtuel, et onze mois plus tard, le réalisateur d ­ ’Hollywood J. J. Abrams est venu avec le Faucon M ­ illenium avec des images du dernier épisode de Star Wars : L’ascension de Skywalker. En 1989, le sociologue urbain américain Ray Oldenburg a inventé le terme de « tiers-lieu » pour décrire nos environnements sociaux. À côté de notre demeure (le premier lieu) et de notre lieu de travail

KARA CHUNG, ONDŘEJ VACHEK, MALTEEZ/BXBW

Marc Goehring (à gauche) et Kara Chung animent leur défilé dans Animal Crossing.

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Le groupe de rock Against The Current sur la scène principale du Block by Blockwest.

« IL Y A UNE DISCUSSION EN COURS AU SUJET DU MÉTAVERS. EST-ON EN TRAIN D’Y MIGRER ? »

L’une des « photographies » d’Ondrej Vachek, prise par son perso dans Red Dead Online.

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(le deuxième lieu), il s’agit d’un lieu de sociabilité et d’échange – un rôle traditionnellement rempli par les pubs, les cafés et les cinémas. Mais, à mesure que la jeune génération se tourne vers ses écrans pour sa participation sociale, la popularité de ces endroits a diminué. Une pandémie mondiale a ensuite frappé et ils ont complètement cessé d’exister. Lorsqu’un Travis Scott de la taille d’un gratte-ciel a émergé d’un astre en chute libre dans Fortnite, ce n’était pas seulement le plus grand concert au monde, c’était aussi le seul. « On parle beaucoup en ce moment des “métavers” et de la question de savoir si nous allons de plus en plus migrer vers ces espaces en ligne, explique Gary Whitta, un scénariste et podcasteur de jeux de 48 ans basé à San Francisco. Ce processus a été accéléré par la pandémie. » En tant qu’auteur des films de science-fiction dystopiques Le Livre d’Eli (2010) et After Earth (2013), ainsi que de Rogue One de la série des Star Wars réalisé en 2016, Whitta a de solides références en matière de futurisme. Mais, plus important encore, il anime un talk-show à succès qui se déroule tard dans la nuit. Vous connaissez le format : un monologue d’ouverture, des segments musicaux et de comédie, des célébrités sur le canapé. Parmi les invités récents, les acteurs Elijah Wood et Danny Trejo et le rappeur T-Pain. La différence, c’est que tout cela est diffusé dans le cadre d’un jeu vidéo Nintendo. Dans Animal Crossing, vous créez un personnage qui commence une nouvelle vie sur une île idyllique. Au cours de vos voyages, vous trouvez des   49


Travis Scott débute sa chanson The Scotts lors de l’Astronomical. Le streaming de sa musique a bondi de 138 % juste après cette performance.

objets qui peuvent être échangés avec le commerçant local – un raton laveur vêtu d’une chemise hawaïenne – en échange de devises pour acheter une maison et des objets cool pour la meubler. Avec ses graphismes sympas, le jeu propose une simulation positive du monde du travail, de l’économie, de la construction d’une maison – et de l’importance d’être prudent lorsque l’on secoue un arbre pour y trouver des pommes, de peur de déranger un nid de guêpes. Son créateur japonais, Katsuya Eguchi, a réalisé la première version en 2001 après avoir travaillé loin de sa famille et de ses amis. Whitta a commencé à se livrer à sa propre expérience à l’intérieur même de ce jeu. « Je voulais juste voir si je pouvais faire ressembler mon sous50

sol d’Animal Crossing à un plateau de talk-show. Puis des gens sur Twitch ont commencé à me dire : “Tu devrais vraiment le faire”, explique-t-il. Au début, il n’y avait que moi et mes amis. Mais comme je travaille dans le show-business, certains d’entre eux sont bien connus. » Parmi eux, l’actrice Felicia Day, Justine Ezarik (alias Justine, la mégastar de YouTube) et le réalisateur de Jurassic World, Colin ­Trevorrow. En quatre épisodes, Twitch a mis la série de Whitta, Animal Talking, en première page, attirant 15 000 spectateurs. À l’épisode 10, près de 340 000 étaient au rendez-vous. « Maintenant, chaque fois qu’une célébrité se montre sur Twitter en jouant à Animal Crossing, je suis tagué. C’est comme ça que l’affaire AOC est arrivée. » Oui, THE RED BULLETIN

EPIC GAMES, GARY WHITTA

« LA TÉLÉ NE PEUT PAS RASSEMBLER LES GENS COMME LE MÉTAVERS. »


L’acteur Elijah Wood (2e depuis la gauche) dans le talk-show Animal Talking.

the AOC – la politicienne américaine Alexandria Ocasio-Cortez, qui tweete passionnément au sujet des réformes sociales et d’Animal Crossing, et qui ­attend son tour pour apparaître dans la série. « ­J’aimerais visiter les îles de gens au hasard… Je peux ? », a tweeté la représentante de New York le 7 mai dernier. Whitta préfère que les invités soient d’authentiques joueurs d’Animal Crossing qui peuvent amener leurs propres personnages dans la série. « Mais, pour les célébrités, nous pouvons en créer un. Quand Sting est arrivé, nous lui avons demandé “Que souhaitez-vous porter ?”, puis nous avons ­essayé de trouver quelque chose dans le rayon des costumes. Nous sommes en train de créer un avatar pour Shaggy (un musicien et DJ jamaïcain, ndlr). » Animal Talking a reçu des critiques élogieuses et The Verge, le site qui traite de l’actualité technologique, l’a proclamé « le talk-show le plus tendance de 2020 ». Les temps sont plus durs pour les homologues de Whitta à la télévision américaine : « Colbert, O’Brien, Fallon, tous ces gars sont géniaux, et je les admire de continuer à nous divertir quand nous en avons désespérément besoin, mais ils sont coincés dans leur sous-sol dans le monde réel. Je vis dans un monde virtuel : je suis assis derrière mon bureau, mon ami Adam est à la batterie. Hugh Howey (auteur, ndlr) et Jordan Mechner (concepteur de jeux vidéo, ndlr) sont assis sur le canapé. Mais dans le monde réel, je suis à San Francisco, Adam au Canada, Hugh à New York et Jordan à Montpellier. Nous sommes tout aussi légitimes que The Tonight Show. Le métavers rassemble les gens d’une manière que la télévision ne peut pas faire. » THE RED BULLETIN

E

n ce qui concerne le métavers, Red Dead Online est fin prêt. Le jeu multijoueur en ligne Wild West se déroule dans une simulation des grands espaces de l’ouest américain. Il y a des missions hors la loi et des primes à réclamer, mais l’exploration de ce monde suffit déjà. Les forums sont remplis de récits d’attaques imprévues d’ours et de loups malades après s’être abreuvés en aval des installations minières ; les chasseurs de tempêtes ont dressé la carte des conditions météorologiques ; même les testicules des chevaux se rétractent dans le froid. « Le monde est tellement bien conçu », dit Ondrej Vachek. Le terrain d’expérimentation du photographe de rue est Londres, mais lorsque la ville a été fermée, lui et son collègue Sean Tucker se sont tournés vers Red Dead Online. « Nous nous promenions à cheval ou pêchions au bord du lac, en parlant photo. Puis nous nous sommes dit : “Faisons quelque chose avec les appareils photo.” » L’avatar de chaque joueur est équipé d’une boîte photographique. « Dans la vie réelle, on peut attendre toute une journée pour dix minutes de bonne lumière, dit ­Tucker. Ici, elle change toutes les vingt minutes et elle est toujours bonne. Nous avons commencé à nous diriger les uns les autres, puis nous sommes allés à Saint Denis pour faire de la photo de rue. » Dans la reconstitution de la Nouvelle-Orléans du XVIIIe siècle, ils ont fixé des personnages non-joueurs (PNJ) en train de vivre leurs vies simulées. « Quand vous sortez l’appareil photo, le monde continue de bouger ; vous devez saisir le moment, explique Vachek, 28 ans. C’est à peu près ce à quoi ressemble ma photographie normale. » Ils ont créé une commu  51


nauté Twitch, The Red Dead Poets Society, invitant d’autres personnes à participer à des visites ­virtuelles de photographie de rue. Helen Fanthorpe est l’éditrice principale de The Rough Guide to Xbox, le premier guide de voyage pour les destinations sur jeux vidéo. Avec des conseils sur les visites touristiques, l’hébergement et même le shopping dans des jeux comme Assassin’s Creed Odyssey et Forza Horizon 4, le livre décrit un nouveau type de voyageur : « le touriste virtuel ». « Voyager, c’est l’excitation créée par la découverte de nouveaux endroits, explique Fanthorpe. C’est la même chose avec ces jeux : le but est d’explorer. » L’ebook a été publié en novembre, mais il a récemment été rendu gratuit : « L’intérêt pour les voyages virtuels s’est accru pendant le confinement. Nous voulions aider les gens à s’échapper de leur salon. » Pour Vachek, c’est ce que le jeu lui offre actuellement, peut-être davantage que la photographie. « J’aime faire du camping sauvage, prendre mon équipement et ma bâche et aller dans les bois, mais le mois dernier, j’étais coincé à la maison, dit-il. Alors je me suis mis Red Dead, je suis allé à Tall Trees, j’ai construit un campement et je me suis détendu au coin du feu. C’était ce qu’il y avait de mieux à faire. »

A

lors que Travis Scott se déplaçait à travers Fortnite le 25 avril, un autre événement ­musical métavers procédait à ses dernières balances de sono. Block by Blockwest – ou BXBW, un festival sur Minecraft – est le bébé de Courier Club, un jeune groupe de dance-punk de Philadelphie. Le chanteur-guitariste Timothy Waldron, le guitariste Ryan Conway, le bassiste Michael ­Silverglade et le batteur Jack Kessler ont formé le groupe en 2018. « Nous n’avons pas grandi en ville, nous n’étions pas au centre de la vie culturelle. Notre information nous venait des jeux vidéo. » Dont Minecraft. Lancé en 2009, c’est un jeu aux ­graphismes rétros dont les joueurs parcourent un paysage en 3D généré de façon aléatoire, en extrayant des matières premières pour fabriquer des outils et construire des structures. Alors qu’il est passé sur presque toutes les plateformes de jeu et est devenu le jeu vidéo le plus vendu de tous les temps, la version ­originale en open-source a été modifiée par les communautés en ligne pour créer d’innombrables personnalisations. Ses mécanismes sousjacents ont été appliqués à la modélisation moléculaire, à l’exploitation de Bitcoin, voire à la simulation d’ordinateurs quantiques. « Nous avons grandi avec Minecraft, dit Waldron. Mais nous l’avons choisi parce que c’est le seul jeu où nous pouvons construire des mondes. » Leur plan ? Un authentique festival de musique, d’une durée de sept heures, avec près de quarante concerts répartis sur trois scènes.

Tous construits à partir de blocs numériques. « Au début, c’était “­faisons un spectacle pour nos fans”, mais chaque jour, le projet se développait de manière exponentielle », explique Waldron. Le groupe a fait appel aux membres de la communauté Minecraft. « Tous dans des fuseaux horaires différents. Personne ne se connaissait, mais nous avons construit ensemble le monde en entier, pièce par pièce. Je me disais, “merde, si nous pouvions faire cela dans la vraie vie, nous pourrions accomplir des milliers de choses”. » Leur manager, DJ Sutera, a approché les artistes invités. « Certains ont tout de suite sauté sur l’occasion. Cowgirl Clue (la musicienne de dance-pop texane Ashley Calhoun, ndlr) a été la première, dit-il. D’autres avaient besoin d’être convaincus du sérieux de la chose. » « Je ne suis pas une gameuse, mais j’aime l’esthétique », déclare Nadya Tolokonnikova, co-fondatrice du groupe féministe punk russe Pussy Riot. En mars, le groupe devait partir en tournée lorsque la pandémie a frappé. Pour cette femme de trente ans, qui a été incarcérée pendant près de deux ans pour avoir interprété une chanson anti-Poutine dans une cathédrale de Moscou en 2012, le confinement s’est avéré particulièrement éprouvant. « Je me sens dévastée. Je crois en la théorie de la performance de l’identité : si je ne fais pas les choses qui me forment, je me perds. » BXBW lui a donné cette chance. « S’il y a une opportunité de se connecter avec les gens, il n’y a pas à hésiter : il est toujours important de promouvoir mes idéaux politiques. » Les artistes ont été invités à fournir un certain nombre de chansons pré-enregistrées et ont reçu, s’ils n’étaient pas des Minecrafters, des conseils sur l’apparence souhaitée de leur avatar. « Nous leur avons également demandé d’aller sur Discord (une plateforme pour les communautés de gamers, ndlr)

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KEVIN CONDON

« NOTRE INFORMATION NOUS VENAIT DES JEUX. »

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« LA CRÉATION DE MONDES COMBLE AUSSI LE VIDE. » pour interagir le soir du concert », dit Sutera. Puis, la veille du festival, un autre groupe s’est ajouté : Massive Attack. « La presse a explosé », dit Conway. Le soir du concert, des dizaines de milliers de joueurs ont essayé de se connecter dès la première heure. « Cela s’est propagé plus rapidement que notre capacité à trouver la quantité de serveurs nécessaires », dit Steve Silverglade, le frère âgé de 18 ans du bassiste Michael, et leur expert Minecraft maison. Avec le festival sur le point de crasher, ils ont tiré la prise. « Nous avons réalisé que nous avions besoin d’un niveau de capital intellectuel que nous n’avions pas, dit Conway, avec regret. Mais, dans ce moment de désespoir, la communauté Minecraft est venue à la rescousse, dit Waldron : « Quelqu’un a envoyé un message à Steve : “Je vous ai vu aux infos. Je travaille dans la technologie ; je peux vous aider.” » Sa société, DigitalOcean, a offert au festival tout son centre de données. « Du coup, nous pouvions nous adapter à nos besoins : si 100 000 personnes décidaient de nous rejoindre, nous pouvions le faire. » Le festival a été reprogrammé pour le 16 mai, mais les musiciens de Massive Attack se sont désistés. « Ils ne voulaient pas participer à nouveau, dit Conway. Je pense qu’ils n’ont pas bien compris ce que l’événement était censé être », dit Steve.

S « Il ne s’agit pas que de créer de la musique, mais aussi de créer des mondes. » Les membres de ­Courier Club et ­organisateurs de Block by Blockwest . THE RED BULLETIN

eize mai. Il est 19 h 40. Les joueurs se précipitent vers la deuxième scène de BXBW, située dans un chalet de ski au sommet d’une montagne géante. Il y a un téléphérique, mais la plupart d’entre eux frappent la barre d’espace de leur clavier pour sauter les marches jusqu’au sommet. À l’intérieur, les Pussy Riot jouent leur chanson Macho. L’avatar de Tolokonnikova bondit sur la scène – une interprétation pixélisée de l’image de la cagoule verte rendue célèbre lors de la manifestation du groupe sur la Place Rouge en 2012. Elle écrit des slogans comme « J’emmerde le capitalisme », qui défilent sur l’écran. « Je me suis agitée comme pour un rassemblement, dit-elle plus tard. C’est juste un festival dans un jeu, mais si ça donne un sens aux gens, c’est bien. » La scène principale est souterraine, on y entre en passant par un toboggan kaléidoscopique. C’est là que se produit le groupe californien post-hardcore Movements. Le chanteur Patrick Miranda s’écrie « Tout le monde, barre d’espace ! » et la foule se met à sauter à l’unisson ; parmi eux, un type avec un Rubik’s Cube à la place de la tête, Deadpool, un porc bipède, et Joe Mulherin, alias le rappeur américain nothing,nowhere. Son avatar ressemble à la grande faucheuse – c’est son propre logo. Alors qu’il court

devant la scène, Mulherin est rejoint par des avatars identiques – ses fans, avec lesquels il communique via le chat de son flux Twitch. Il tape Reaper cult – circle pit ! et tous se précipitent en déployant une danse en cercle synchronisée. Le jeune homme de 28 ans, originaire du Massachusetts, parle ouvertement de son combat contre l’anxiété : « Quand j’ai commencé, je me suis éloigné de mes fans parce que j’étais nerveux à l’idée d’être sous les feux de la rampe. Mais depuis que je streame sur Twitch, que je plonge dans Discord, l’univers des joueurs, je me connecte avec des jeunes qui veulent seulement avoir des amis. Beaucoup font face aux mêmes trucs que moi. » Quand on lui a p ­ roposé de jouer dans le cadre de BXBW, « cela allait de soi. S’il y a une opportunité de me connecter avec mes fans pendant cette période, je vais la saisir. Le fait que ce soit dans Minecraft est encore mieux ». Mulherin emmène son entourage se promener. Ils prennent d’assaut un escalier à l’intérieur d’un arbre géant et vont voir le « magasin » qui présente des représentations numériques de T-shirts et d’œuvres d’art que les joueurs peuvent acheter dans le jeu et se faire expédier dans la vie réelle. Puis ils sautent tous ensemble du haut de l’arbre, pendant que Mulherin rit et répond à leurs commentaires sur son flux. « Je suis allé au concert Fortnite de Travis Scott avec Pete Wentz (le bassiste des Fall Out Boy, ndlr), raconte Mulherin. C’était génial, mais c’était comme regarder un feu d’artifice au loin. Ici, il y a de l’interaction, des discussions, des mini-jeux. Les gens ont besoin d’un sens d’appartenance à une communauté en ce moment, et vous le sentez. » « C’était juste un tour d’essai pour ce que nous voulons créer : un monde qui existe en permanence, où vous pouvez traîner même entre les concerts, explique Waldron. Nous avons un serveur d’avant les festivals où la communauté a construit deux énormes villes. Il y a une économie qui fonctionne, des mini-jeux… c’est génial. Si vous ne pouvez pas vendre un spectacle chez vous parce que le créneau n’est pas assez important, vendez-le à un public mondial dans un club en ligne. C’est quelque chose qui aura de la valeur au-delà du confinement. Nous aimons faire partie d’un groupe musical, mais ce n’est pas seulement la création de musique qui comble le vide pour nous, c’est aussi la création de mondes. » L’avatar de Mulherin fait les cent pas dans la chambre verte. « L’anxiété virtuelle, ça semble si réel », dit-il. Grâce à sa vue du jeu, ses adeptes de Twitch peuvent voir la foule – et se voir eux-mêmes dans leurs skins de la grande faucheuse – devant la scène ; nothing,nowhere continue. « Minecraft, faites du bruit ! » Son appel est accueilli par un flot de cœurs et de pyrotechnie. Quelques joueurs flottent, en courant dans les airs. La forme carrée de Mulherin saute autour de la scène avant de plonger dans la foule et de commencer un circle pit. Soudain, il disparaît. « LMAO, je me suis fait virer du serveur », tape le rappeur à l’écran alors qu’il retourne sur scène.   53


COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO

Vu d’en haut, ça a l’air facile : depuis les chutes d’eau de Vuwa, Bear Grylls observe la jungle des Fidji, où va se dérouler la course.

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LA COURSE DE L’IMPOSSIBLE BEAR GRYLLS, l’aventurier spécialiste des émissions de survie en milieu (très) hostile, a poussé le concept de télé-­ réalité d’aventure au-delà de ses limites : voici l’histoire de la périlleuse genèse de sa nouvelle émission, Eco-Challenge. Texte DAVID HOWARD


Va-t-il sauter de l’hélico ? Bear Grylls, casse-cou britannique le plus célèbre des temps modernes, anime la première édition de la série Eco-Challenge.

L

es premiers doutes sont arrivés à la fin d’une journée éprouvante, passée à escalader les parois d’une énorme cascade au beau milieu d’une île de l’archipel des Fidji : Kevin Hodder, 51 ans, se demande dans quel pétrin il est venu se fourrer. Nous sommes en mars 2019, et cela fait plus d’un mois que lui et son équipe sont en reconnaissance dans la

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jungle fidjienne, essayant tant bien que mal de définir une route pour la course Eco-Challenge, qui devait avoir lieu à l’automne pour être ensuite transformée en une série d’aventures extrêmes pour la télé. Il vient juste d’assurer, avec son collègue Scott Flavelle, 61 ans, et deux autres membres de l’équipe, un mur de 200 mètres le long des chutes Vuwa, en plein cagnard. Le genre de paysages et de conditions météo absolument parfaits pour un show télévisé comme celui qu’ils préparent… Enfin, ça l’aurait été si des pluies torrentielles accompagnées de THE RED BULLETIN


« CELA POUVAIT TOURNER À LA CATASTROPHE DÈS LE DEUXIÈME JOUR. »

COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO, KRYSTLE WRIGHT/AMAZON PRIME VIDEO

Scott Flavelle, chargé du tracé de la course pour la production

vent et de brouillard ne les avaient pas accueillis au sommet de la montagne. Un phénomène certes très courant dans les îles Fidji, dont le relief montagneux refroidit brusquement les courants chauds remontant de la mer, mais qui a donné lieu à une situation incongrue au sein de l’équipe : Ryan Vrooman, le coordinateur de la course, souffre d’insolation, tandis que Hodder, au bord de l’hypothermie, tremble comme une feuille. « Il fallait que je bouge pour me réchauffer, et Ryan en était évidemment incapable. » Finalement, l’équipe décide THE RED BULLETIN

d’installer le bivouac pour la nuit, et Hodder cout se réfugier dans son sac de couchage. Le lendemain matin, au quatrième jour passé dans la jungle, l’équipe se réveille sous une pluie battante. Ils enfilent leurs affaires encore trempées et se remettent en route pour la prochaine section à tester. Hodder et Flavelle, qui ont déjà travaillé ensemble sur de nombreux projets de courses d’aventure, ont repéré un canyon long d’une dizaine de kilomètres et souhaitent l’inclure au trajet de la course : d’après les observations faites

sur des cartes et Google Earth, le courant de la rivière forme des petits bassins qui se suivent comme des perles sur un collier, avec un niveau de difficulté apparemment acceptable. Apparemment. Parce qu’une fois sur place, Hodder se souvient d’un adage bien connu dans le milieu du sport extrême : ne crois jamais ce que tu vois sur une carte. En guise de bassins, des mares remplies « d’une eau glaciale » et trop profondes pour être traversées à pied. Les passages moins profonds sont un véritable enchevêtrement de rochers glissants recouverts d’algues, à peine visibles depuis la surface : un régal pour les chevilles fragiles. Flavelle : « Il fallait avancer à tâtons sans quoi on se pétait une jambe. » Pour couronner le tout, il leur est impossible de passer par les berges, tant la végétation est dense. Au bout du compte, après neuf heures de tâtonnements, de dérapages, de chutes et de jurons, nos quatre compères arrivent au bout de la section. Eux qui sont pourtant habitués aux conditions extrêmes (tous les quatre sont originaires de ColombieBritannique) demeurent perplexes devant la difficulté de cette section : s’ils ne l’incluaient pas à la course, non seulement ils auraient fait tout ça pour rien, mais ils devraient surtout chercher un plan B pour pouvoir relier la côte est à la côte ouest de l’île. Hodder : « On aurait supprimé le cœur de la course. »   57


D’un autre côté, faire passer la course par cet endroit risqué nécessiterait toute une infrastructure pour gérer les hypothermies et les blessures – chevilles foulées, épaules déboîtées, etc. – dont le risque était bien réel. Avec 66 équipes de 4 coureurs, on imagine le carnage. Sans compter que la couche de nuages omniprésente rendrait les opérations de sauvetage très compliquées. Mais au-delà des risques de blessures qu’elle comportait, cette section de dix kilomètres était située dans le dernier tiers de la course, et les coureurs, potentiellement épuisés par une semaine de course éreintante, n’allaient pas l’aborder dans la meilleure forme. Certes, cela aurait fait un grand show télévisé, mais il y avait une ligne éthique à ne pas dépasser : « Est-ce que cela n’était pas de trop ? », voilà la question qui les taraudait.

C

réer une course de l’extrême pour la télévision requiert les mêmes ingrédients qu’un grand film d’aventures : on doit y trouver des moments de doutes et de dangers (ou du moins l’impression qu’il y en a), des moments de joie et d’intense émotion et évidemment des défis qui puissent procurer tour à tour aux participants des sentiments de triomphe ou de profond abattement. Et pour assembler tous ces éléments narratifs en un scénario qui se tienne, il faut s’y connaître : c’est pour cela que lorsque les anciens producteurs d’EcoChallenge, l’Anglais Mark Burnett et l’Américaine Lisa Hennessy, ont décidé

« EST-CE QUE CELA N’ÉTAIT PAS DE TROP ? » Kevin Hodder

en 2018 de redémarrer cette série de télé-­ réalité d’aventure après une pause de seize ans, ils ont fait appel à Hodder et Flavelle. Burnett, qui est à l’origine non seulement d’Eco-Challenge (diffusé aux États-Unis entre 1995 et 2002), mais aussi d’autres émissions d’aventure comme The Apprentice et Survivor, est considéré comme le pionnier de ce type d’émissions dans le monde. Lors de la deuxième saison d’Eco-Challenge, qui avait lieu en Colombie-Britannique, il avait fait appel à Flavelle pour le tracé de la course. À 38 ans, Flavelle était déjà un expert international de la montagne et avait travaillé à de nombreux films documentaires.

Plongée dans le dur : ne jamais exiger des autres ce que l’on ne pourrait faire soimême – Bear Grylls approuve. Le Bear reste à venir : Grylls et sa prod rejoignent l’un des spots de tournage.

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ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO, POBY/AMAZON PRIME VIDEO, WYNN RUJI/AMAZON PRIME VIDEO

« CETTE COURSE EST OFFICIELLEMENT LA PLUS EXTRÊME DE L’HISTOIRE DE L’HUMANITÉ. »

THE RED BULLETIN

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L’enfer est pour bientôt : Grylls délivre aux candidats les derniers conseils sur le déroulement de la course et les défis en vue.

VÉTÉRANS, SPORTIFS, ADOS, RETRAITÉS : LES ECO-CHALLENGERS ONT CHACUN LEUR HISTOIRE.

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Pour l’aider dans cette mission, le Canadien embaucha son compatriote Hodder, ce qui marque le début d’une longue collaboration : Hodder, originaire lui aussi de Colombie-­Britannique, a travaillé à d’autres projets de shows d’aventure comme Survivor, Big Brother et Get Out Alive with Bear Grylls. Pour ce premier opus d’Eco-Challenge « nouvelle génération », les deux acolytes ont vite fait leur choix : avec ses plages de sable fin et son arrière-pays recouvert de jungle impraticable, de cascades impressionnantes et de montagnes à escalader, l’archipel des Fidji constituait la destination idéale pour un show d’aventure. Mais cela ne suffisait pas : avec un nouveau partenariat avec Amazon Prime (et donc des ressources et des exigences

bien supérieures à celles de Discovery Channel), Burnett voulait du grand spectacle, l’édition la plus difficile de la course la plus inhumaine du monde, avec Bear Grylls en guise de présentateur. Pour Flavelle cependant, il y avait une limite : « Hors de question de faire courir aux gens des risques inconsidérés. » Il fallait donc alterner le niveau de difficulté de chaque section, histoire de permettre aux participants de souffler un peu pendant la course. Les règles stipulent que l’abandon d’un seul participant entraîne la disqualification de toute son équipe. À cela s’ajoute l’immense variété de profils des concurrents, l’une des caractéristiques majeures de l’émission : on y trouve aussi bien des athlètes accomplis que des sportifs amateurs. THE RED BULLETIN


Ne pas tomber dans la rivière. Les Canadiens de la Team Peak Pursuit sur un radeau de fortune.

COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO, ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO

E

Et parce que ça reste un show télévisé, ces derniers doivent avoir une chance de terminer la course et de se dépasser physiquement et mentalement, sans quoi toute l’émission perdrait de son intérêt. Sans compter que le résultat final devait être, à l’écran, de haute qualité – comme au cinéma – ce qui est aujourd’hui possible grâce aux dernières avancées technologiques en matière de caméras : sur place, on aurait donc une armada de 200 caméras, dont 23 VariCams et une petite armée de GoPro et de drones. Après une première phase de recherches à la maison, Hodder et Flavelle étaient arrivés en février 2019 aux Fidji pour la deuxième phase de prospection, pour une durée de deux mois, le projet final devant être ­présenté à Burnett en fin de séjour. THE RED BULLETIN

n théorie, leur mission était simple : « Une fois qu’on a défini les dix endroits que l’on veut inclure dans la course, il suffit a priori de les assembler comme un puzzle. » Sauf que terminer un puzzle, c’est parfois compliqué. Avant cette horrible journée passée dans le canyon, Hodder et Flavelle avaient eu l’idée de proposer un défi d’orientation : offrir aux équipes le choix de prendre un raccourci à travers la jungle pour éviter une longue marche le long d’un bras mort de rivière. « C’est le genre de décisions auxquelles on est parfois confronté en trek : on regarde un sentier sur la carte, puis on repère un raccourci sur Google Earth, et on se dit : “Pourquoi pas ?’’ » Mais après avoir bifurqué dans la jungle, les Canadiens se sont retrouvés pris au piège dans un mur impénétrable de végétation, se frayant péniblement un chemin à coups de machette. Quant au terrain, qui avait l’air plat sur la carte, il s’est avéré beaucoup plus escarpé et dangereux que prévu. Favelle : « À chaque fois qu’un passage dans la jungle nous paraissait relativement aisé, on s’est rendu compte, une fois sur place, qu’il ne l’était pas. » Ils ont ensuite réalisé que ce défi allait survenir dans les premiers jours de la course, dans une phase où les équipes sont encore pleines d’assurance, ce qui les aurait forcément poussées à opter pour le raccourci, les obligeant à s’orienter de nuit. Une mission impossible quand on n’a que des cartes et une boussole (le GPS étant interdit). Flavelle et

Hodder ont imaginé le tableau : des hordes entières de coureurs errant, perdus, au beau milieu d’une jungle parsemée d’embûches. « Il y avait un vrai risque que toute cette aventure tourne à la catastrophe dès le deuxième jour. » L’idée du raccourci fut donc éliminée. Un peu plus tard, ils avaient repéré une grande prairie d’herbes hautes, qui pouvait (d’après Google Earth et les observations faites en hélico) être traversée pour rejoindre deux sections de la course. Hodder : « Mais quand on est arrivés, on s’est aperçus que la zone, recouverte de buissons, était difficilement praticable. » Les deux explorateurs comprennent enfin pourquoi, dans les îles Fidji, les communications se faisaient traditionnellement par voie d’eau. À maintes reprises, après s’être rendu compte qu’un endroit était inutilisable, ils n’avaient pas d’autre choix que de le traverser, n’ayant aucun réseau pour appeler les chauffeurs qui les attendaient de l’autre côté. « C’est tellement frustrant et démoralisant. Et le lendemain, tu dois retourner au point A et trouver une autre route pour rejoindre le point B. » Pour ne rien arranger, l’équipe de repérage jouait un contre-la-montre : Hodder devait dévoiler le tracé de la course à Burnett fin mars. Sans compter que tout repérage devait se faire de jour, afin d’évaluer précisément tous les aménagements (assurer les voies, installer des cordes, etc.) qu’il faudrait faire en amont de la course. Ce qui pouvait les amener, par exemple, à se taper la même section en VTT plusieurs fois de suite pour définir la meilleure route possible ou éviter un terrain privé. Les nuits, ils les passaient tantôt en pleine nature, ­tantôt dans les villages. Ah, les villages fidjiens ! Là encore, impossible de les traverser sans prendre le temps de discuter avec les villageois et présenter leur projet : « Tu dois toujours t’arrêter pour prendre le kava (une boisson de cérémonie qui a un effet sédatif, ndlr) avant de demander la permission de traverser le village, » raconte Flavelle. En dépit des difficultés, leur périple leur a aussi réservé de belles surprises : comme ce magnifique passage par une crête qui les a conduits à un village inaccessible par la route et qui vit coupé du monde. Mais davantage que la variété des paysages, la course Eco-Challenge, nous rappelle Hodder, doit surtout offrir aux participants un large éventail de sports   61


UNE COURSE HORS NORME DE 672 KILOMÈTRES, ET 11 JOURS ET DEMI POUR LES PARCOURIR.

A

utomne 2019, au Pullman Nadi Bay Resort and Spa, à Viti Levu, l’île principale des Fidji. Depuis quelques jours, alors que le départ de la course approche, la tension est palpable : comme prévu, les équipes sont arrivées à l’avance pour participer aux briefings (sur les phases de navigation et d’escalade) et pour les séances photo. Celles et ceux qui viennent de loin en profitent pour se reposer du décalage horaire, mais l’inactivité de ces journées précédant le coup d’envoi commence à les rendre nerveux. Il y a les équipes des « vrais pros », comme celles de Nouvelle-Zélande, de Suisse ou du Brésil : celles-ci sont en 62

Un rare instant sans effort : la Team Costa Rica se laisse porter par le courant, le 6e jour de la course.

plein programme d’échauffement. Et puis il y a les autres, des équipes qui ne contiennent pas forcément des athlètes de haut niveau, mais qui ont une histoire à raconter : comme cette équipe constituée de vétérans de l’US Army – dont Gretchen Evans, une haute gradée de l’armée, devenue sourde au combat – ainsi que d’un physicien : tous participent à une course d’aventure pour la première fois de leur vie. On trouve aussi une équipe de quatre concepteurs de jeux vidéo, un père qui participe avec ses deux filles après avoir déjà fait un Eco-Challenge aux Fidji lors des premières éditions, des jumelles indiennes de 23 ans qui reviennent d’une ascension de l’Everest, deux adolescents qui vont devoir se mesurer à une autre

équipe composée uniquement de retraités sexagénaires. On a aussi des passionnés de CrossFit, un acrobate de cirque et un joueur de beach-volley. Bref, un échantillon hétéroclite d’êtres humains motivés et prêts à en découdre. Pour l’heure, impossible de prédire qui va abandonner, et qui va tenir jusqu’au bout. Se frayant un chemin au milieu de cette foule bigarrée, Mark Burnett et Bear Grylls nous parlent de leur projet fou, avec l’emphase hyperbolique qui caractérise les pros de la télé : « une expédition avec un chronomètre dans la main », résume Burnett. Grylls, quant à lui, raconte avoir souvent, au cours des quinze dernières années, entendu Mark Burnett lui confier son désir de ressusciter la course et l’émission Eco-Challenge : THE RED BULLETIN

COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO, ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO

d’aventure : outre l’escalade et le trek, les coureurs vont devoir utiliser des canots de rafting, des planches de paddle, des VTT et le fameux camakau, cette frêle embarcation traditionnelle, typique des Fidji mais très difficile à manœuvrer. Quand le tracé de la course fut terminé, Hodder exécuta chaque étape dans les mêmes conditions (moyens de transport et matériel) que celles prévues pour les participants, accompagné de Flavelle ou d’experts embauchés pour des disciplines sportives particulières. On fit également des simulations de chavirement, pour évaluer la facilité à redresser une embarcation et estimer le nombre des opérations de sauvetage nécessaires. Finalement, au bout de huit semaines intenses, le résultat était là : 672 kilomètres à parcourir en onze jours et demi, pour une course hors du commun où la performance physique compte autant que la résistance mentale. Avec 9 062 mètres de dénivelé positif (soit 214 mètres de plus que la distance entre l’Everest et le niveau de la mer), quatre sections d’escalade assurées par 9 100 mètres de cordes et 600 mètres de falaises, cascades et descentes en rappel, la course promettait d’être chaude. Après huit semaines passées sur place, le projet fut bouclé in extremis fin mars 2019, cinq mois avant l’arrivée des candidats et le début du tournage de la série.


Les Suédois de l’équipe Swedeforce en action : faute de vent, il faudra jouer de la pagaie ! THE RED BULLETIN

« Il me disait : “Je vais te le donner, et tu vas en faire ton projet, tu vas en faire quelque chose d’encore plus grand et d’encore plus fou.’’ » Un pari tenu, selon Grylls : « Eco-Challenge est officiellement la course d’aventure la plus extrême de l’Histoire de l’humanité. » Et même s’il pense que toutes les équipes ont le potentiel pour y participer, il se peut aussi qu’aucune ne parvienne jusqu’au bout : « On a mis la barre vraiment très haut. » Un peu plus loin, Hodder, accroché à son talkie-walkie, est sur les dents. Cette aventure, qui a commencé avec Flavelle lors d’une rencontre dans un coffee shop aux États-Unis, est devenue au fil des mois une énorme entreprise qui a déjà englouti des dizaines de millions de dollars. Flavelle : « On aimerait éviter un trop grand nombre d’abandons… en même temps, on a peur que personne ne puisse terminer. Imaginez que l’on se dise le premier jour : “En fait, la course est trop difficile !’’ » Jour J, c’est le départ : tassées sur leurs camakaus, les 66 équipes s’élancent dans un brouhaha assourdissant, pagayant avec force pour rejoindre la mer et dresser les voiles. Tous se dirigent vers l’embouchure d’une rivière, qui va les amener au cœur de l’île. Certaines équipes, impatientes, ont déjà chaviré. Car évidemment, cette première journée ne se passe pas sans heurts : une des équipes a endommagé son embarcation après avoir percuté un pont, obligeant Hodder à intervenir sur place en hélicoptère. De même, l’absence totale de vent, cas pourtant extraordinaire aux Fidji, a rendu l’épreuve de navigation très compliquée, forçant les participants à effectuer tout le trajet à la rame. La première équipe à finir l’épreuve doit finalement arrêter après qu’un de ses membres a succombé à une insolation, et lorsque les vents décident de se lever, la dernière équipe de la journée se retrouve prise au milieu de rafales violentes. Et chavire. Tous ces incidents n’empêchent pas Kevin Hodder, le jour suivant, de pousser un gros soupir de soulagement : « Le test est passé », dit-il. Les jours suivants, certaines équipes abandonneront ou seront éliminées. D’autres poursuivront leur route vers ce terrible canyon aux eaux glaciales qui sera pour beaucoup l’heure de vérité : « l’épreuve du feu ». Passera, passera pas ? À vous de voir sur Amazon Prime, avec la diffusion de la série Eco-Challenge.   63


L E V U O N N O M   « A ’ M M U B L A »   É V SAU ée étaient n n ’a d t u b é e de la stics en d Les diagno ZY OSBOURNE souffr e s Z terribles : O arkinson et est en pha le P hé maladie de is cela n’a pas empêc a n terminale. M énèbres » de sortir so sion t us « prince des depuis dix ans. Disc ccident a um premier alb traterrestres, de son k. ex itive du roc s o autour des p e c r o f de la de quad et RS Photos ELLIOTT MORGAN/KINTZING Tex te MAR

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ai rendez-vous dans l’énorme villa des Osbourne à Hancock Park, une ­enclave de célébrités dans le West ­Hollywood. Le chanteur d’origine ­britannique vit ici dans une imposante baraque de treize millions de dollars, avec sept chambres à coucher, six salles de bains, douze chiens, un assistant personnel, une gouvernante et un écriteau à la porte qui ­affiche : « Attention au propriétaire ». Le dangereux propriétaire porte des lunettes de ­soleil, marche avec une canne, baille – encore somnolent peu après 13 heures – et se met parfois à bégayer au point qu’il en devient incompréhensible. Pour échapper à l’agitation des chiens, il suggère que nous passions au soussol, dans son cinéma privé, meublé de fauteuils rembourrés. Sur les murs de l’escalier : ses disques d’or et de ­platine – ils brillent comme si l’on venait de les astiquer. Celui qui a fondé le heavy metal dans les années 70 avec son groupe Black Sabbath prend une gorgée d’eau Fiji, se penche en avant dans son fauteuil et s’enquiert avec sollicitude de l’heure d’arrivée de mon vol, d’où je suis parti et de mon état général. « Tu souffres du putain de décalage horaire ? Je connais ça… » the red bulletin: Pour quelqu’un qui était sur le point de mourir il y a quelque temps, vous avez l’air incroyablement joyeux. ozzy osbourne : Oh oui... C’était sérieux à ce point ? L’année dernière a été un cauchemar. Avant cela aussi. Ça a vraiment été un truc après l’autre. Pourtant, j’ai arrêté de fumer et de boire il y a longtemps. Et je ne prends plus aucune drogue, rien du tout. Mais il y a toujours cette merde qui me tombe dessus. En gros, ce sont encore les conséquences de l’accident de quad en 2003 quand je me suis cassé le cou, la clavicule et plusieurs côtes. Se pourrait-il qu’avec l’âge, vous soyez devenu plus sensible à ces blessures ? Il semblerait. Parfois, c’est de ma faute. Par exemple, une fois, je me suis réveillé la nuit parce que j’avais envie de pisser. Je suis allé aux toilettes et en revenant, il faisait si sombre que j’ai trébuché et je me suis étalé de tout mon long. Je suis tombé, le dos contre le sol. Il y a eu un bruit horrible et j’ai vu des éclairs. Ma première pensée a été : « Espèce d’idiot ! » J’ai passé les trois mois suivants à l’hôpital.

THE RED BULLETIN

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Le grand Ozzy Osbourne se soucie-t-il de la mort comme le suggèrent certaines de ses chansons, telles que Under The ­Graveyard (trad. sous le ­c imetière) ? Qui ne le fait pas ? Après tout, la mort est inévitable… Nous allons tous y passer un jour ou l’autre. Et puis, on ne peut rien emporter avec nous. L’enregistrement d’Ordinary Man, votre nouvel album, avait-il quelque chose de thérapeutique, comme un défi, un coup de pied au cul ? Absolument ! Je me sentais prisonnier dans ma propre maison. Quand tu restes allongé sur ton canapé toute la journée, et que tu fais toujours la même chose – et en plus, vraiment pas grand-chose –, tu deviens fou, lentement mais sûrement. Tu perds complètement la boule et tu te dis sans cesse : « Voilà. T’es fini. » Mais quand on a fait l’album, ça s’est brusquement arrêté. Ordinary Man m’a sauvé. Pourquoi n’avez-vous pas sorti d’album depuis si longtemps ? Cela fait dix ans depuis Scream. Parce que l’industrie a complètement changé. Il y a des trucs comme Spotify ou je ne sais quoi. Je n’ai aucune idée de ce que c’est ni de comment cela fonctionne. Je ne sais pas non plus ce que l’on reçoit pour sa musique. C’est un mystère pour moi. Tant de choses ont changé au cours des dix dernières années que je suis complètement dépassé. Vous ne pourriez donc pas imaginer commencer aujourd’hui une carrière comme celle que vous avez eue ? Je ne saurais pas quoi faire – je n’en ai vraiment pas la moindre idée.   67


Vous devriez probablement passer une audition... Ouais, tout est basé sur des putains de ­séries télé comme America’s Got Talent. C’est vraiment triste.

Après cinquante ans de métier, vous avez encore beaucoup de succès. Une explication à ce sujet ? Je ne peux pas répondre à cette question – parce que j’ignore la réponse, tout simplement.

Ozzygraphie

Une carrière en montagnes russes Abandon précoce de l’école, marginalité, petite délinquance : la vie de John ­Michael Osbourne, 71 ans, commence mal mais se poursuit mieux : il devient une star en tant que chanteur de Black Sabbath, groupe pionnier du heavy metal. À partir de 1979, il parcourt le monde et réalise onze albums qui se vendent à plus de cent millions d’exemplaires. Ozzy ­arrache la tête des chauvessouris avec ses dents, urine sur les monuments, et brille dans la série Les Osbournes. Il a 5 enfants, 15 tatouages et est sobre depuis 7 ans.

L’un des moments forts de vos années folles a été une réunion de votre label à Francfort au milieu des années 80. La légende veut que vous ayez dansé à poil sur une table de conférence et pissé dans les verres de bon vin des patrons. (rires) Oh, mec ! Avez-vous vraiment fait cela ? Pourquoi penses-tu qu’il m’a fallu tant de temps pour avoir du succès en Europe ? Ma maison de disques m’a mis sur la voie de l’évitement. Il a fallu presque vingt ans pour me faire pardonner. J’étais incorrigible – je suis allé jusqu’à l’extrême. Et vous n’avez rien ménagé : l’alcool, la drogue, les fourmis…

ues q s i d e ison d a m a de e i « M o v a l sur s i m is a ’ u s m e J . . ent. m e t i v ême. » é r l’ t x e ’ l qu’à s u j é l l a 68

À 71 ans et avec cinquante ans d’expérience dans le monde de la musique : qu’est-ce qui vous met encore en c­ olère aujourd’hui ? Les enfoirés comme Donald Trump. Il me rend furieux. Je sais bien que tous les politiciens mentent comme des malades. Chacun d’eux, quel que soit leur camp. Ils ne disent que ce qu’ils croient être approprié au moment présent – ce que les gens veulent entendre. Mais Trump n’attend même pas que tu digères le premier tas de merde qu’il te donne à manger, il te livre le suivant tout de suite.

Que ferait le président Osbourne pour sauver le monde ? Oh, il y aurait un grand concert de rock’n’roll. Je m’assurerais certainement que l’ambiance ici soit meilleure. Et quand je regarde ce type en Angleterre – quel est son nom ? Boris Johnson ? Quel putain d’idiot ! Tout ce que je peux dire, c’est que je ne comprends pas. Les gens n’apprennent donc pas du passé ? Parlons de l’avenir. Que pensez-vous du mouvement Fridays For Future ? Du quoi ? Le mouvement de jeunes qui marchent tous les vendredis pour protester contre le réchauffement climatique. Quel intérêt ? Tout d’abord, il est censé attirer l’attention. Et qu’est-ce que cela donne ? Je veux dire, comment penses-tu qu’ils réagiront quand ils manqueront d’électricité ? Qui, comme nous le savons tous, provient en grande partie des combustibles fossiles ou de l’énergie nucléaire. Quand ils devront se passer complètement de ces commodités ? Nous nous plaignons tous constamment de choses qui nous manqueraient grandement si elles n’étaient plus là. À part cela, à quoi bon si quelque chose se passe dans un pays mais pas ailleurs ? Le monde devrait s’entendre sur ce point – et le plus rapidement possible. Sinon, nous sommes condamnés. Parlant de l’avenir… Dans la chanson Scary Little Green Men de votre nouvel album, vous affirmez THE RED BULLETIN

GETTY IMAGES

Le rock’n’roll est-il mort ? Je ne sais pas, mais je pense qu’il y aura toujours un public pour la musique live – même si les albums se vendent de moins en moins. Maintenant, les gens dansent sur de la musique contenue sur des ordinateurs. (rires) Mais ce que je n’aime vraiment pas, c’est que certains artistes font aussi cela sur scène. Tout ce que je peux dire c’est putain de merde, il y a des trucs vraiment moches dans le monde de la musique aujourd’hui. Mon producteur, Andrew Watt, m’a dit que la plupart des jeunes avec lesquels il travaille ne savent pas chanter ou faire quoi que ce soit. Et c’est pourquoi ils disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus.

Tout à fait. Mais le plus important c’est que je ne sois pas encore fini ! Je veux dire que je ne suis qu’au stade 2 de la maladie de Parkinson – qui n’est en aucun cas une condamnation à mort, ce n’est qu’une étape préliminaire. Mais quand j’ai eu cet accident de quad, j’ai vraiment réfléchi : est-ce la fin ? Quelle fin de course pathétique ! Et j’espère que c’est loin d’être la fin, que je peux encore faire de la musique.


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du À L’EAU  parrain METAL dernier album, le «des nuances n dre Dans so it aussi enten ues. liq fa metal » es et mélanco lm a c s lu p

Mais, vu la situation actuelle, il n’est pas encore ­certain que vous pourrez faire cette tournée. Bon, c’est sûr, si je ne me mets pas en forme à temps, je devrais tout remettre à plus tard. Tout simplement parce que je ne veux montrer aucune défaillance, monter sur scène et me casser la gueule. Autant que possible, je veux éviter un truc aussi gênant. Après tout, je ne veux pas m’autodétruire. Je ne veux pas m’effondrer sur scène, faire une sortie brutale ou devenir la risée du monde. Mais vous ne prévoyez pas de prendre votre ­retraite  ? Pas encore. Je vais continuer à faire de la musique jusqu’à ce que je sois complètement paralysé.

que nous sommes infiltrés par des extraterrestres depuis longtemps. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Parce que c’est tout ce que l’on voit à la télévision : des extraterrestres. Et peux-tu imaginer ce que ce serait si des petits hommes verts venaient réellement sur Terre ? La première chose qui intéresserait tout le monde serait de savoir de quelles armes ils disposent et comment y avoir accès. Ensuite, ce serait : désolé, nous n’aimons pas la couleur de votre peau, alors cassez-vous. Si nous ne pouvons pas nous entendre entre nous, quelles sont les chances que nous nous entendions mieux avec les extraterrestres ? À moins qu’on ne leur prépare un f­ estin... Votre prochaine tournée mondiale No More Tours 2 est prévue pour l’automne. Est-ce vraiment la dernière cette fois-ci ou risquez-vous encore une rechute ? C’est vraiment ma dernière tournée mondiale. Tout simplement parce que je ne suis plus capable de faire quelque chose d’aussi long. Mais je continuerai à donner des concerts, ici et là. Je pense que je serai meilleur à long terme, surtout en ce qui concerne la qualité des spectacles.

rà e u n i t n is co a v e  J ue « q i s u m la faire de que je sois . » ce jusqu’à ment paralysé te complè 70

Le titre de la chanson Ordinary Man – un duo avec votre vieil ami Elton John – parle du fait que l’une de vos plus grandes craintes est de mourir comme une personne normale et d’être rapidement oublié. C’est vrai ? Disons que lorsque j’ai commencé dans la musique, j’étais un type normal. J’étais le prototype d’un type normal. Et la musique était tout pour moi, elle m’a tout donné. Mais je n’avais pas de talent particulier. Je ne sais donc pas comment tout cela est arrivé. C’était probablement mon destin, et j’ai juste eu de la chance. Si les gens se souviennent de moi, c’est génial. Sinon, ce n’est pas grave. Mais je n’ai jamais fait cela pour devenir célèbre. Je voulais seulement que les gens s’amusent – et moi aussi. Est-il vrai que votre femme Sharon envisage de faire un film sur votre relation ? Oui, cela devrait raconter comment Sharon et moi nous sommes rencontrés, comment nous sommes tombés amoureux et quel genre de relation folle nous avons eu au fil des ans. Parce que c’était vraiment ça. J’ai déjà été marié avant elle, mais ça n’a pas marché. J’étais tout le temps maboule. Tandis que Sharon était de plus en plus stable ? Tu veux que je te dise ? Je pense que l’on ne rencontre l’âme sœur qu’une seule fois dans sa vie. Et c’est ce qu’elle est pour moi. Nous aimons les mêmes choses et nous détestons les mêmes choses. Je l’aime, et nous sommes ensemble depuis quarante ans, dont 38 ans de mariage. Bien sûr, nous avons eu des hauts et des bas. Et il est arrivé plus d’une fois que je ne rentre pas à la maison ou quelque chose comme ça. Mais elle m’a toujours repris, elle a même réussi à me faire lâcher l’alcool pour de bon. Dernière question, parce que vous êtes un fan avoué des géniaux comiques anglais Monty Python : quel est le sens de la vie pour Ozzy Osbourne ? Le sens de la vie est de regarder en a ­ rrière à la fin et de pouvoir dire : je l’ai fait à ma façon.

L’album Ordinary Man est déjà disponible. ozzy.com THE RED BULLETIN


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Sur le dos de la Bête Au cours de son travail sur la piste des migrants mexicains, le photographe et graffeur anglais PABLO A ­ LLISON a été emprisonné, dévalisé et tenu en joue. Mais il n’a jamais songé à renoncer. Texte RUTH McLEOD

Photos PABLO ALLISON

La poursuite d’un rêve (de haut en bas, de g. à dr.) : des migrants sur le toit d’un camion (Mexique) ; une peinture murale d’Allison à Shoreditch (Londres) ; après 15 jours de voyage à travers le sud du Mexique, la foule grimpe dans un train de marchandises ; hommage aux « braves migrants » ; au sommet de « la Bête » après plus de quatre semaines à travers l’Amérique centrale ; pneus, plastique, bois et tout autre matériau inflammable sont brûlés pour se réchauffer ; un message d’espoir ; David du Guatemala, échoué dans l’État de Sonora dans le but d’atteindre la frontière américaine.


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« Nous devrions tirer des enseignements de l’expérience des migrants plutôt que de les ­diaboliser. »


En long et en large : le message des graffitis d’Allison est limpide. L’amour est plus fort que la peur.

GEORGE MARSHALL

I

l est minuit et Pablo Allison s’accroche au sommet d’un train de marchandises lancé à toute vitesse vers le sud à travers le désert mexicain. Une pluie intense meurtrit son corps, il fait un froid glacial. Le train tremble. Il roule bruyamment à 100 km/h et Allison se cramponne à grand peine, de crainte de tomber dans l’obscurité pendant ce périple de dix heures. Voyager dans l’illégalité sur ce réseau industriel comporte de nombreux risques – il n’est pas rare non plus que ces longs trains déraillent. Il n’en reste pas moins que des rares possibilités de voyage offertes aux migrants qui traversent le Mexique, celle-ci est la plus sûre. Le photographe et graffeur Pablo ­Allison effectue ces voyages avec eux depuis plus de trois ans afin de documenter et de mieux comprendre les expériences de quelques-uns parmi les dizaines de milliers de migrants qui ­traversent le pays chaque année en

THE RED BULLETIN

­direction des États-Unis. Allison a commencé à circuler dans ces trains en 2016, dans le but de photographier les paysages inaccessibles le long des lignes de chemin de fer privées du Mexique. « Sauf que j’ai réalisé que je ne pouvais pas détourner mon objectif des migrants que je rencontrais. Je suis fasciné par la persévérance, la force, la façon dont les gens effectuent ces voyages extraordinairement difficiles. Leur détermination pour s’échapper, pour chercher une vie meilleure, est stupéfiante. » La plupart des migrants qu’Allison rencontre fuient la pauvreté, la violence, voire les deux. Il y a des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes et des moins jeunes issus de tous les milieux et toutes les situations, venus du monde entier, qui luttent contre les difficultés et des conditions souvent hostiles pour commencer une nouvelle vie. « Certains viennent d’aussi loin que l’Irak, la Syrie, l’Iran, le Bangladesh et

se retrouvent en Amérique du Sud. Ils se lancent ensuite dans un périple à travers différents pays, traversent la célèbre jungle sans foi ni loi du sud de la Colombie, la région du Darién, puis arrivent de peine et de misère au Panama. Une fois au Mexique, ils sont loin d’être “arrivés”… Ce sont des gens dont nous, qui menons une vie passablement confortable, devrions tirer des enseignements, plutôt que de les diaboliser ou de les traiter comme des criminels. »

Q

uand Allison rencontre The Red Bulletin en février 2020, il est loin du Mexique, dans la ville côtière de Hastings, en Angleterre. Allison est au Royaume-Uni pour animer un atelier sur la migration lors d’un événement de street art : peindre à la bombe un mur de la ville et y écrire le poème d’un migrant guatémaltèque avec lequel il a voyagé. Ces dernières années, Allison a animé des ateliers dans plusieurs pays,   75


dans des galeries d’art et des centres de réfugiés, utilisant à la fois ses talents de photographe et de graffeur pour rejoindre un large public. Il a publié un livre consacré à certains de ses travaux photographiques qui sortira dans le courant du mois. Cependant, Allison n’a pas de visées politiques. « Je fais toujours attention à ne pas prêcher au sujet des questions sociales et politiques, dit-il. On a tous notre opinion sur ce qu’est la migration et je ne suis pas là pour dire quoi penser. Je présente mon expérience telle que je l’ai documentée et nous discutons. Ce projet vise avant tout à m’aider à comprendre la réalité complexe des personnes qui doivent fuir des situations très difficiles. Le véritable objectif a toujours été pour moi de devenir une meilleure personne. » La passion d’Allison remonte à sa jeunesse. Né à Manchester, il a déménagé avec sa famille au Mexique, d’où sa mère est originaire, lorsqu’il avait trois ans. Le gamin avait un esprit curieux et ses parents étaient libéraux. « Les seules règles de ma mère: pas de drogue et pas d’amitié avec des partisans nazis », explique-t-il. Il a donc commencé à explorer le Mexique des années 90. « Vers mes seize ans, je prenais l’appareil photo de

mes parents et je photographiais des graffitis. J’allais dans les gares de la banlieue pour taguer des trains, raconte Allison, aujourd’hui âgé de 38 ans. J’ai constaté que des gens voyageaient sur le toit de ces trains qui circulent entre le Mexique, les États-Unis et le Canada. » Le parcours d’Allison a été tumultueux. Il a été emprisonné au RoyaumeUni et aux États-Unis, et détenu sous la menace d’une arme à feu au Mexique, des épisodes qui ont façonné son travail actuel. « Le fait qu’on m’ait privé de liberté m’a fait réaliser à quel point il est important d’être créatif. L’art, c’est la liberté. Même dans ces moments, j’étais toujours libre car je pouvais me servir de ma tête. » Allison a été envoyé en prison pour la première fois en 2012, dix ans après un retour au Royaume-Uni pour découvrir la scène du graffiti et étudier la photographie documentaire. « L’énergie de Londres était très inspirante. Le graffiti appartient aux environnements urbains et j’étais profondément intéressé. C’est l’adrénaline, la rébellion, la créativité, la curiosité. Le graffiti a joué un rôle important dans mon éducation. Je n’ai jamais considéré cela comme quelque chose de destructeur. »

M

ais à l’approche des Jeux olympiques, la police londonienne a fait le ménage. Allison a été condamné à 19 mois de prison, dont six à la prison de Wormwood Scrubs (Londres), pour avoir tagué des trains. « Je ne considère pas les graffitis comme un acte criminel, se défend-il. Mais j’ai toujours été conscient des risques de me faire arrêter. Il s’agissait de compléter ma peine afin que je puisse partir et c­ ommencer une nouvelle vie. » Pendant son incarcération, Allison a collaboré avec sa sœur Roxana, photographe elle aussi, sur un projet créatif consacré à cette expérience. Il a lu, écrit et dessiné. « Tout ce que je voulais, c’était rester enfermé dans ma cellule. J’avais tellement de choses à faire. Je ne voulais pas perdre de temps. » Il en sort plus sérieux, plus solitaire et moins agité. Il arrête le graffiti. Mais il continue à travailler sur des projets liés à la migration et à l’identité tout en exerçant plusieurs emplois à Londres, notamment au sein d’organisations caritatives comme Amnesty International et Action Aid. Son idée pour le projet consacré au Mexique commence à prendre forme. « J’ai réalisé que je voulais y retourner pour appliquer les connaissances que

« L’idée de Trump que les migrants seraient tous des criminels, c’est de la foutaise. Il y aura toujours des exceptions, mais les gens avec lesquels je suis devenu ami travaillent dur. »

L’hommage aux Migrantes Valientes. Les pierres tombales portent les noms de certains des pays de naissance des migrants.

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véritable thérapie. J’ai réalisé que je n’avais pas besoin d’aller au Canada. J’avais besoin d’être dans cette prison. C’est là que le travail que je fais avec passion depuis quelques années devait me conduire: au centre de détention dont j’avais entendu parler par les migrants. Lorsque j’étais enfermé dans cette prison, j’étais traité comme n’importe quel autre prisonnier. C’était la première fois que je me sentais comme une personne non privilégiée travaillant sur ce sujet. » Après qu’Allison ait été autorisé à partir, il a attendu dans une cellule de détention. « La plupart des gens qui étaient là avec moi étaient en train d’être expulsés et perdaient tout ce qu’ils avaient, mais c’était une fête. Nous étions toujours enfermés, mais c’était une célébration de la liberté. »

GEORGE MARSHALL

« Ces gens qui s’embarquent dans des voyages à l’issue incertaine sont plutôt optimistes et enthousiastes. » j’avais acquises au sein de ces organisations. J’étais très motivé pour repartir de zéro là-bas. » En 2016, il retourne à Mexico pour commencer à photographier les paysages que voient les migrants lorsqu’ils voyagent en train, un projet qu’il pensait pouvoir réaliser en un an mais qui s’est transformé en deux projets dans trois pays, qui sont toujours en cours près de quatre ans plus tard. Allison a rapidement fait l’expérience directe de la vulnérabilité des personnes qui empruntent ces trajets. « Pour aller du sud au nord, un seul train ne suffit pas. Il faut comprendre la route que l’on emprunte ; il faut monter et descendre. Ces trains de marchandises transportent des milliers et des milliers de dollars de marchandises vers les États-Unis ou le Canada. Des banditos volent régulièrement des céréales, des téléviseurs, etc. Il est donc très risqué de voyager de cette façon. » Allison a été témoin de violences, a été dévalisé et a failli être tué, il y a deux ans, par un gang de criminels alors qu’il voyageait avec deux amis. « Nous avons été détenus dans un train sous la menace d’une arme, dit Allison. J’ai prié pour avoir la vie sauve. Nous avons eu de la THE RED BULLETIN

chance de nous en sortir vivants. » Et pourtant, Allison était de retour au travail le mois suivant, armé de son appareil photo, voyageant à pied et en train avec un convoi d’environ 7 000 personnes. « Il faut parfois arriver à oublier certaines choses pour pouvoir continuer. C’est ce que j’ai choisi de faire. » Puis l’année dernière, la détermination d’Allison a été une nouvelle fois mise à l’épreuve. Après s’être vu refuser l’entrée au Canada, des agents américains ont découvert qu’Allison avait dépassé la durée de validité du visa qui lui avait été délivré après avoir assisté à une exposition à New York quelques mois plus tôt. Il a été détenu par le département de l’immigration et des douanes et emprisonné à Tacoma, dans l’État de Washington. Une erreur administrative selon Allison, qui passera près d’un mois en prison. Enfermé à nouveau, il se plonge dans l’écriture et le dessin. Il fait poser ses codétenus pour des portraits et réussi à dégager pour chacun d’entre eux des aspects positifs, palliant ainsi à l’angoisse de ces immigrants illégaux en attente d’être expulsés. « Nous plaisantions sur la situation. J’ai tellement ri. Ce fut une

A

llison est de nouveau sur la piste des migrants au Mexique. « Les gens essaient toujours d’échapper aux mauvaises conditions, dit-il, la migration ne s’arrête pas. » Comment envisage-t-il la fin de ses projets ? « Lorsque cela cesse de me stimuler, je m’arrête, déclare-t-il. Mais malgré les dangers, je me sens toujours vivre. J’ai vu des gens trouver la force d’aller de l’avant. Ces gens qui s’embarquent dans des voyages à l’issue incertaine pour essayer de survivre et de vivre – et peut-être un peu plus que cela – apprécient la vie. Ils sont plutôt optimistes, résistants et enthousiastes. Ils rigolent. Cela me fascine. Nous devrions célébrer la migration et la considérer non pas comme un problème mais comme un phénomène. L’idée de Trump qu’ils seraient tous des criminels, c’est de la foutaise. Il y aura toujours des exceptions, mais tous les gens avec lesquels je suis devenu ami sont des gens qui travaillent dur. » C’est ce concept d’optimisme dans la difficulté qui a inspiré le titre du prochain livre d’Allison, The Light of the Beast (trad. La lumière de la Bête). « La Bête est le nom que les migrants ont donné au train, explique-t-il. C’est dangereux, il y a le grondement du moteur. C’est comme un énorme monstre sur le dos duquel les gens doivent grimper. La lumière, c’est aussi l’espoir qu’il représente. »

The Light of the Beast aux éditions ­ avement (en anglais). La galerie Make P Your Mark à Helsinki consacre une expo au travail d’Allison (2-30 septembre). pabloallison.co.uk   77


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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

L’AVENTURE INTÉRIEURE

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THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES fitness

« Sur la ligne de départ, j’étais avec des champions et championnes olympiques, des athlètes Ironman et des stars du cyclisme que je n’aurais jamais pu côtoyer IRL. » Ruth Astle

oilà l’aube. Je suis sur mon vélo, le cœur battant à l’idée de me retrouver côte à côte avec des cyclistes du monde entier. C’est la toute première fois que je participe à un critérium : un circuit en ville comprenant quatorze tours intenses de 1,9 km chacun. Dans quelques instants, tout le monde partira en flèche avec le coup de pistolet – j’aurai les poumons et les jambes en feu car je pédalerai à fond pour rester calée sur le peloton de tête. Après 38 minutes à tout donner et un sprint au mauvais moment, je passe la ligne d’arrivée, épuisée, mais cinquième derrière les championnes de triathlon Lucy Charles-Barclay et Sophie Coldwell. Ce ne sont pas des participantes typiques à un critérium, mais ce n’est pas non plus ma course standard. D’abord, je suis moi-même une triathlète Ironman plutôt habituée à des courses de vélo de 180 km après avoir nagé 3,9 km. Et je suis installée sur un home trainer… Nous sommes toutes en train de faire la course via Zwift, une plateforme virtuelle de cyclisme permettant d’entrer en compétition, lors de courses en temps réel, avec d’autres cyclistes du monde entier. Il y a quatre ans, je commençais juste avec Zwift, et m’entraînais tous les matins à 4 h 30 avant d’aller au ­travail. Depuis, cette plateforme de cyclisme a cartonné et fait partie intégrante de mon entraînement Ironman – tout particulièrement depuis ma fracture de la clavicule douze semaines seulement avant le championnat du monde à Kona, Hawaï, l’an dernier. Zwift répond aux besoins des cyclistes de tous niveaux. Tout ce qu’il vous faut est un vélo, un home trainer sur lequel vous le fixez (personnelle80

ment, j’utilise un Wahoo KICKR) et un ordinateur, Mac ou PC, une tablette, un smartphone, ou bien Apple TV. La plateforme convertit la puissance et la cadence produites sur le home trainer pour la transmettre à votre avatar qui avancera sur l’écran en fonction de ­vos performances sur votre vélo – ­imaginez un jeu vidéo où vous faites la course, mais ce sont vos propres muscles qui alimentent votre personnage. Il existe même des bonus pour profiter de l’aspiration, améliorer l’aérodynamique ou bien être invisible pendant dix secondes. Vous pouvez vous en servir de façon tactique tout en ayant d’éventuelles échappées sur le radar. Si vous lâchez le peloton de tête, c’est très dur de rattraper le coup. J’ai beau être seule sur mon vélo, il y a toujours des sportifs des quatre coins de la planète, et donc toujours quelqu’un avec qui s’entraîner ou pour

JEFF THOREN

V

Le même vélo sert à Astle en réel et sur Zwift. À droite : circuit Critérium Crit City Course. THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES fitness

Une pro en herbe Ruth Astle est une triathlète Ironman de 31 ans ayant gagné une place à la Zwift Tri Academy en 2019. L’année dernière, lors du championnat du monde d’Ironman à Kona, elle a réalisé le meilleur temps parmi les sportifs amateurs. Cette année, elle ­débute comme athlète professionnelle.

Instagram : @rastle50

La maison Zwift pour les athlètes, à Kona, Hawaï, en octobre 2019. Astle s’entraîne pour le championnat du monde Ironman.

faire la course. Nous sommes parfois près de 10 000. J’aime tout particulièrement mélanger différents « mondes », dont certains reconstituent des villes comme Londres, ou bien les circuits de course des championnats du monde de l’UCI comme Innsbruck. L’île virtuelle de Zwift, Watopia, est mon monde préféré car on y trouve un peu de tout : du plat, des collines, des segments KOM (King of the Mountain) et même un volcan. J’aime faire mes séances courtes de vélo sur Zwift parce que je n’ai pas à me préoccuper des voitures ou des feux rouges – je fonce tête baissée. Mais il m’arrive également d’effectuer des courses de quatre ou cinq heures. THE RED BULLETIN

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PERSPECTIVES fitness

De l’un à l’autre Vos essentiels pour séances d’entraînement virtuel et réel.

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L’épreuve de cyclisme du championnat du monde d’Ironman se déroule sur autoroute, donc Astle s’est préparée en terrain similaire sur Zwift. Cela l’a aidée lors de son passage en statut pro cette année.

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Parcours en ville Le segment critérium Bell Lap Distance : 1,9 km Dénivelé : 8 m Lead-in : 0,1 km « Voici un critérium bref et difficile de 14 tours, et 27 kilomètres au total, dit Astle. Mis à part quelques petites pentes de sept à dix pour cent qui vous coupent les jambes avant de récupérer en faisant l’aspi derrière le peloton, le terrain est plat. L’effort à fournir est bref et intense, donc restez avec le groupe en tête et surveillez ce que font les autres cyclistes. Chaque Zwifter a un PowerUp – un bonus – par tour, et pour faire un sprint, un Draft Boost permet d’augmenter l’aspi derrière les cyclistes de 50 % pendant 30 secondes.»

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JEFF THOREN

C’était notamment le cas l’année dernière, après mon opération de la clavicule, et j’ai eu la chance de gagner une place au sein de l’équipe mixte Zwift Tri Academy. Après être arrivés au championnat du monde de l’Ironman à Kona, nous étions dans une maison Zwift avec des écrans et des home trainers. Mes entraîneurs étaient des légendes de l’Ironman : Tim Don et Sarah True. Je pense que nous étions mieux accompagnés que 95 % des pros. Comme la course Ironman se déroule sur une autoroute, nous avons fait ­plusieurs séances Zwift pour nous entraîner en toute sécurité. Cela m’a beaucoup aidée pour passer du statut d’amateur à celui de pro au début de l’année. Avec ce concept, sur une ligne de départ, je me suis déjà retrouvée côte à côte avec des champions et championnes olympiques, des athlètes Ironman et des superstars du cyclisme sur piste – des personnes avec qui je n’aurais jamais eu l’occasion de faire la course dans la vraie vie. Ce n’est pas comparable à une rencontre dans le monde réel, mais c’est tout de même très motivant. Lorsque Lucy Charles-Barclay s’active devant moi, cela me donne envie de faire la course et de tout donner. zwift.com



PERSPECTIVES gaming

ESPORT

Tous des pilotes ! Les GP virtuels de Formule 1 ont généré un nouveau type de pilote. Voici comment en devenir un à votre tour.

Décrochez la pole

Le départ est crucial. « Soyez à l’avant et évitez l’air sale », dit Marcel à propos des turbulences qui entraînent une réduction de la traînée dans le sillage des voitures. Pour cela, assurez vos qualifs. « Observez les pilotes les plus rapides, la ligne idéale ; et les phases de freinage pour des courses à faible consommation en carburant. »

Démarrez en douceur « N’écrasez pas le champignon dès que les feux 84

Le pilote Red Bull Racing Alex Albon dans son simu personnel.

passent au vert, dit Kiefer. Le patinage fait relâcher la traction. Visez plutôt entre 10 700 et 12 200 tr/min. »

Maîtrisez vos virages

La plupart des engagés ont tendance à survirer, Agüero inclus. « Si vous braquez trop, vous vous retrouverez en sous-virage, avec des températures de pneus plus élevées, et ça vous freine. »

« N’écrasez pas le champignon dès que ça passe au vert ! »

En F1, cela revient à utiliser le DRS – le système de réduction de la traînée monté sur l’aileron arrière – lorsque vous êtes à moins d’une seconde de la voiture vous précédant. « Sur la ligne droite de Baku (2,22 km, ndlr) vous pouvez doubler, créer un espace et détruire le DRS de l’autre voiture », dit Kiefer.

Faites simple

Restez vigilants

Un tour parfait nécessite une certaine dextérité, mais la répétition nécessite de l’adrénaline. « C’est cela qui permet aux pilotes comme Alex Albon de rester concentrés pendant toute la course. De votre côté, développez une routine. Mémorisez et fixezvous des phases de freinage, de virage et d’accélération. »

Dépassez-les tous !

Marcel Kiefer Le pilote esport allemand pratique le sim-racing depuis 2017 et a remporté le GP de Grande-Bretagne lors des F1 Esports Pro Series en 2019.

Pour votre simulateur à la maison, Kiefer recommande un support avec bon retour d’effort et un bon pédalier, le volant étant secondaire. « Pas besoin de cockpit. J’ai commencé sur une chaise, le volant fixé à un bureau. L’important, c’est de s’éclater. »

F1 2020 by Codemasters disponible sur PS4, Xbox One, PC et Stadia ; codemasters.com THE RED BULLETIN

ALEX ALBON, BRYN LENNON/RED BULL CONTENT POOL

La saison 2020 de F1 a décollé en juillet. Mais pendant son interruption de quatre mois, les fans ont été gâtés avec des compétitions de sim-racing avec les pilotes de F1 Alex Albon pour Red Bull Racing et Charles Leclerc pour Ferrari, qui ont rendu la vie dure à des adversaires novices, comme le footballeur Sergio Agüero de Manchester City. Ces participants exceptionnels ont eu droit à une préparation intensive pour apprendre à se servir d’un simulateur et du logiciel de simulation Codemasters F1 2019. Marcel Kiefer, 21 ans, pro du sim-­racing appartenant à l’équipe Red Bull Racing Esports a ainsi été surnommé « Le Technicien » par Albon, devenu son élève, qu’il a accompagné dans sa pratique du pilotage virtuel. Avec la dernière version du jeu F1 2020, devenons des pros de la course en simu grâce aux tuyaux de Kiefer...



PERSPECTIVES calendrier

et 4 octobre RED BULL BOWL RIPPERS : SEA, SKATE AND SUN Le skate de bowl à son top ! Le Red Bull Bowl Rippers revient avec ses riders internationaux et un concept qui a fait ses preuves : des jam sessions, un contest amateur avec deux places à gagner dans la compétition pro, des qualifs pros et une grande finale pro retransmise en live, notamment sur Twitch. Le tout ­hosté par le local Vincent Matheron. Comme le bowl de Marseille version Red Bull Bowl Rippers apparaîtra dans Tony Hawk’s Pro Skater 1+2, la nouvelle version du fameux jeu vidéo de skate, l’événement ne manquera pas d’activations digitales (Tony sera-t-il présent ?). Du soleil, la mer et du skate sur l’un des plus prestigieux bowls au monde : le bonheur ! Marseille, bowl du Prado ; redbull.fr

déjà dispo THE LAST ASCENT Le grimpeur sur glace Red Bull, Will Gadd, s’est lancé dans une mission pour avoir une dernière chance d’escalader les glaciers du mont Kilimandjaro. Il y a cinq ans, Will a fait plusieurs premières ascensions des tours de glace du Kilimandjaro. Aujourd’hui, alors que l’emblématique calotte glaciaire de la montagne disparaît rapidement, il revient pour faire une dernière ascension. L’investissement personnel de Will dans la cause conduit à un récit chargé d’émotion, tandis que les défis de la glace instable et fondante et de la haute altitude font de son voyage historique une montre qui ronge les ongles. redbull.tv 86

déjà dispo AROUND THE WORLD L’histoire inédite de l’un des nouveaux sports les plus passionnants au monde, le football freestyle. Le documentaire suit les voyages de dix freestylers de cultures et d’horizons très différents. Leur destination ? Le Red Bull Freestyle Football, la Coupe du monde de la discipline. Si les chemins qui les ont menés là où ils sont aujourd’hui sont uniques, ils partagent un objectif commun : devenir le numéro un mondial du football freestyle. Réalisé et tourné par les Français Tom Chevé, David Amouzegh et Clément Reubrecht et décliné en long métrage documentaire et en série en six épisodes, Around the World a été filmé dans neuf pays, et présente notamment les participants d’un village du Kenya, d’autres venus de Tokyo, du Chili et des États-Unis. redbull.tv THE RED BULLETIN

NICOLAS JACQUEMIN/RED BULL CONTENT POOL, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL, DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL

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PERSPECTIVES spécial vélo

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GRAVEL Plus rapide que le VTT, plus coriace que le vélo de route : le gravel a tout pour plaire ! Texte CHARLIE ALLENBY


Esprit libre : elle se fait plaisir sur le Cannondale Topstone Carbon Lefty 3.

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PERSPECTIVES spécial vélo

Le gravel, c’est quoi en fait ? Depuis l’invention de la petite reine, le monde du cyclisme a connu peu de bouleversements majeurs : le dernier en date étant l’arrivée du Vélo Tous Terrains dans les années 70, événement qui a eu pour conséquence de scinder la communauté cycliste en deux. D’un côté, les aficionados de la route et de la vitesse, avec leurs maillots Lycra et leurs segments Strava, et de l’autre, une communauté de bikers ­davantage en recherche de sensations fortes et de nature. Bref, il fallait choisir son camp. Mais ça, c’était avant le gravel. Nés au milieu des années 2000 sur les chemins coupe-feux (les gravel roads, en gravier donc) et autres sentiers plus ou moins aménagés des forêts américaines, les vélos gravel sont en quelque sorte la symbiose de ces deux univers. Ces nouveaux-­venus polyvalents apportent un regain de fraîcheur et de jeunesse que le monde du cyclisme classique, dominé jusque-là par les MAMILS (pour Middle-Aged Men In Lycra, les quadras en Lycra !), semble accueillir avec bonheur. En gros, le gravel est fait pour pouvoir rouler avec un guidon de route sur tous les types de terrain, que ce soit en ville ou dans les sous-bois. Les amateurs de gravel vont donc pouvoir quitter le bitume à tout moment pour s’aventurer facilement sur les chemins forestiers ou les sentiers de rando, combinant à loisir les possibilités pour un maximum de plaisir et de sensations. Si pratiques qu’ils soient, les premiers vélos gravel ont été « improvisés » par des cyclistes passionnés de bricolage et en quête de polyvalence, empruntant les avancées technologiques des VTT (transmission mono plateau, freins à disque...) pour les transposer sur des vélos de route, histoire de les rendre plus robustes et plus confortables. Entretemps, toutes les grandes marques proposent maintenant leurs gammes de vélos et d’accessoires gravel, mais cet engouement pour le ­gravel va au-delà d’une simple mode. Si une gravel attitude existait, elle serait d’abord un état d’esprit : celui d’un retour aux sources. La sortie du

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Virée dans le Snowdonia (Pays de Galles) sur le Marin Nicasio + et le Gestalt X11.

week-end que l’on fait pour le plaisir d’explorer des nouveaux coins, pour la joie de pédaler sans rechercher forcément la performance, la vitesse, le danger ou le besoin de se dépasser physiquement. C’est ce côté « back to the roots » que l’on retrouve au sein de la communauté gravel, un univers décontracté où le snobisme et la vantardise n’ont pas leur place. Bref, des gens qui préfèreront certainement embarquer un pack de bières ou une thermos de café avec eux plutôt qu’un stock de gels énergétiques ou de barres hyper-protéinées. Si l’on ajoute le fait que les sorties en gravel permettent de réduire les distances parcourues sur les routes asphaltées (et donc potentiellement dangereuses en raison du trafic), on comprend mieux pourquoi de plus en plus de cyclistes optent pour un vélo de gravel : tant les vététistes et les cyclistes de route en quête de nouvelles sensations que les débutants, pour qui le vélo représentait jusque-là un sport trop risqué, réservé (au choix) à des cassecous ou à des obsédés du chronomètre. Et c’est bien là que se trouve l’atout principal du gravel : il suffit de savoir tenir sur un vélo et d’avoir envie d’aventure pour se lancer. Mais avant de tailler la route sur votre monture, il va vous falloir quelques bases… THE RED BULLETIN


Qu’il vous guide vers les sentiers ou en dehors, ce CUBE Nuroad WS garantit un combo performance/ style permanent.

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PERSPECTIVES spécial vélo

Plus gros que ceux de route, les pneus sont sculptés pour les tracés difficiles.

Les cintres sont similaires à des guidons de route, avec une forme plus évasée en bas, plus confort.

Comme sur les VTT, le boîtier de pédalier est bas, pour davantage de maniabilité.

Le gravel : portrait-vélo Avec sa géométrie de cadre à deux triangles, son cintre de route et son absence de suspensions, le gravel ne se distingue pas forcément (à première vue) d’un vélo de route classique. Mais à y regarder de plus près, les différences sont bien là. La première : les pneus. Exit les fines roues qui adorent la vitesse mais crèvent au premier caillou rencontré, place aux gros pneus bien solides, taillés pour résister au gravier, aux bosses et aux racines. Évidemment, il ne suffit pas de les monter sur un vélo de route pour le transformer en gravel : car le gravel, à la base, est conçu pour pouvoir accueillir une pneumatique plus large, ce qui est tout simplement impossible pour les vélos de route. De même, on va trouver des bases plus longues sur un gravel – pour plus de contrôle dès que le terrain devient difficile – ainsi qu’un angle moins agressif pour le tube de direction, ce qui garantit davantage de confort et de stabilité sur des virées un peu plus longues. Enfin, le dernier (gros) atout d’un gravel est sa transmission, conçue pour assurer sur les pentes raides et dans les descentes. Une caractéristique qui le démarque encore de son cousin de route, beaucoup plus rapide sur l’asphalte, mais qui le place à égalité avec un VTT sur la plupart des trails, sauf les plus techniques. 92

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Page opposée, ­ partant du haut : vélo CANNONDALE Topstone Carbon ­Lefty 3, cannondale.com ; vélo CANYON Grail CF SL 8.0, canyon.com ; vélo RONDO Ruut CFO, rondo.cc

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Sur cette page (dans le sens des aiguilles d’une montre, du bas) : vélo CUBE Nuroad WS, cube.eu ; vélo PIVOT Vault, store.pivotcycles.com ; vélo MARIN Headlands, marinbikes.com ; vélo en carbone SPECIALIZED Diverge Expert, specialized.com

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PERSPECTIVES spécial vélo

Sur soi Le gravel étant synonyme de polyvalence, il n’y a pas de règles pré-établies concernant la tenue du cycliste, chacun s’habillera donc comme il veut : maillot Lycra, combinaison short et

T-shirt ou équipement VTT, peu importe (même si un gros casque VTT ne vous sera pas forcément utile). Cela dit, il faut bien avouer qu’un bon cuissard rembourré (porté par exemple sous un short classique) vous évitera bien des désagréments. De même,

des chaussures gravel avec cales encastrées offrent une bien meilleure adhérence au pédalage tout en restant très confortables dès qu’on doit mettre pied à terre : pratique lorsqu’on doit passer des obstacles ou traverser des rivières.

JOE MCGORTY

À gauche (du haut, de g. à dr.) : ­lunettes OAKLEY Split Time, oakley.com ; casque MET Allroad, methelmets.com ; veste à capuche CHROME Merino Cobra 2.0, chromeindustries. com ; pompe LEZYNE Micro Floor Drive ­Digital HVG, ride.­ lezyne.com ; maillot vélo manches courtes en jersey GIRO New Road, giro.com ; maillot de corps HOWIES Classic Merino, howies.co.uk ; short CHROME Anza, chromeindustries. com ; gants GIRO D’Wool, giro.com ; sonnette LEZYNE Classic Brass bell, ride.lezyne. com ; veste isotherme ­FINISTERRE Cirrus, ­finisterre.com ; chaussures FI’ZI:K Terra X5 Volume Control, fizik. com ; chaussettes STANCE Belfort Feel360, stance.eu. com ; sacoche guidon TOPEAK Frontloader, topeak.com À droite : casque KASK Mojito X Peak, kask. com ; lunettes de soleil OAKLEY Sutro, oakley. com ; casquette CHAPEAU! Lightweight, chapeau.cc ; maillot vélo manches courtes en jersey GIRO New Road, giro.com ; veste coupe-vent CHAPEAU! Mens Club, chapeau. cc ; chaussures GIRO ­Privateer Lace, giro. com ; gilet sans manches CHAPEAU! Club, chapeau.cc THE RED BULLETIN

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MENTIONS LÉGALES Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteur en chef adjoint Andreas Rottenschlager Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson

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The Red ­Bulletin est ­actuellement distribué dans six pays. Vous voyez ici la une de l’édition UK, dédiée au fameux carnaval de Notting Hill. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

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On remet ça quand ? Une relique du rock pour certains, une icône immortelle pour la plupart. Iggy Pop et ses fans le 17 avril 2019 sur la scène du Sydney Opera House (Australie). Le Pape du punk et ses fidèles prêts à tout pour le toucher. Au moment où nous bouclons ce numéro, nous n’avons aucune idée de la potentielle reprise des concerts dans des conditions décentes. Alors si vous avez l’opportunité de voir un artiste sur scène, montrez-lui de l’amour !

Le prochain THE RED BULLETIN sera ­disponible dès le 1er octobre 2020

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