SUISSE SEPT./OCT. 2022 3,80 CHF
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SIENNA MILLER DIEGO MARADONA KYLIE JENNER MATTHIAS APPENZELLER THE BEACH BOYS
LES STARS DU ROC Instants sur le vif entre adrénaline et esthétisme
RED BULL CLIFF DIVING
WORLD SERIES SUISSE 10 & 11 septembre à Sisikon
É D I TO R I A L
BIENVENUE
COUP DE FRAIS
UN HOMME, UNE MISSION
DEAN TREML (COVERTURE), WOLFGANG ZAC
Le plongeur de haut vol Catalin Preda nettoie la plateforme, afin d’éviter un saut… glissé. À l’occasion de son 25e édition, voici un florilège des plus belles envolées des Red Bull Cliff Diving World Series. Page 18
Un été vraiment chaud doit aussi pouvoir être vraiment rafraîchissant. Dans ce numéro, plongez la tête la première dans l’univers des Red Bull Cliff Diving World Series, avec les excellents clichés du photographe Dean Treml : « Derrière l’esthétique, il y a l’effort, et c’est ce que je veux montrer dans mes photos », nous dit le Néo-Zélandais à l’occasion du 25e anniversaire de la série de compétitions de plongeon de haut vol, page 18. M atthias Appenzeller partage sa vie entre le plongeoir et le barreau. Ce plongeur de 28 ans, futur procureur, nous raconte page 38 comment conjuguer des mondes différents et pourtant complémentaires, et dans lesquels il se réalise de manière étonnante. L’actrice Sienna Miller a livré une bataille d’un autre genre : à 40 ans, elle a enfin appris à dire « non ». Une étape salutaire qui lui a donné confiance et sérénité. Elle nous explique pourquoi en page 32. Bonne lecture ! La Rédaction
VRAIS FAUX JUMEAUX
Matthias Appenzeller (à droite) et son sosie le photographe Philipp Mueller se sont bien renvoyé la balle durant la session photo de notre sujet en page 38.
80
On lui a retiré 80 % d’un poumon, et malgré cela, il s’est hissé au sommet de l’élite mondiale des navigateurs. Santiago Lange se raconte. Page 66
SA GRIFFE À LUI
Tenues flashy, tatouages étranges : Thundercat, lauréat des Grammy Awards, adopte l’attitude d’un chat sémillant. Mais pas que. Il s’ouvre à nous sur ses démons. P. 58 THE RED BULLETIN
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CONTENUS The Red Bulletin septembre-octobre 2022
MUSIQUE
SUJET DE COUVERTURE
18 LES STARS DU ROC
Dean Treml nous dévoile ses meilleurs clichés pris lors des Red Bull Cliff Diving World Series.
58 THUNDERCAT
Un chat retombe toujours sur ses pattes. Le musicien nous raconte sa traversée de l’amer.
VOILE
66 SANTIAGO LANGE
32 AFFIRMÉE L’actrice Sienna Miller a appris qu’un « non » pouvait avoir des retombées positives.
L’Argentin a vaincu le cancer un an avant de décrocher sa dernière médaille d’or.
CINÉMA
32 SIENNA MILLER
PERSPECTIVES Expériences pour une vie amélorée
MODE DURABLE
34 B OBBY KOLADE
La fripe devient consciente grâce au nouveau modèle de récupération du designeur.
AVENTURE
36 H AZEN AUDEL
Ce formateur en survie américain est sur les traces du... fourmilier géant.
38 J URISTE EN VOL
Matthias Appenzeller parle de sa vie de plongeur de haut vol et de futur magistrat.
CHARME RÉTRO
48 CÉLÉBRATION D’HIER
On a tous dans le cœur une paire de baskets indémodables, aujourd’hui hors de prix.
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80 BIOHACKING. Le pouvoir du sautillement, très sérieusement. 81 P LAYLIST. Les good vibrations de Mike Love des Beach Boys. 82 G AMING. F1elly vous donne tous ses trucs pour rafler l’attention.
75 SURVOLTÉ L’expert en planche à voile Philip Köster sillonne Sylt, son île favorite, pour nous.
84 L E COIN LECTURE. Chris Landow et son action man Parceval.
CLIFF DIVING
6 GALERIE 12 L’ADDITION, S’IL VOUS PLAÎT !
75 VOYAGE. Le quintuple champion du monde de windsurf Phillip Köster nous montre son île de rêve, Sylt.
86 TENDANCE. Les vives recommandations de la rédaction. 88 A PPRENDRE. À être heureux, ce n’est pas une mince affaire... 90 AGENDA. Les rendez-vous à ne pas manquer. 92 B OULEVARD DES HÉROS. Ella Fitzgerald et Norman Granz racontés par Michael Köhlmeier.
14 OBJET TROUVÉ 16 LE MOMENT PHILO
96 MENTIONS LÉGALES 98 LE TRAIT DE LA FIN
58 APAISÉ Comment Thundercat, musicien surdoué, a décroché des Grammys et le bonheur.
THE RED BULLETIN
SHAYAN ASGHARNIA/AUGUST/PICTUREDESK.COM, KBS-PICTURE, WOLFGANG ZAC, PHILIPP MUELLER
L’actrice manifeste pour une nouvelle sérénité, et contre la domination extérieure.
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MAÎTRISE DE VOL Matthias Appenzeller, 28 ans, est passionné de saut de falaise et magistrat. Il nous raconte comment ces deux mondes se complètent.
THE RED BULLETIN
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ALMATY, KAZAKHSTAN
Ça tourne ! Une image retouchée ? En partie, pour réunir plusieurs photos en une. Mais les mouvements sont authentiques. Autant que le désert, dans le parc national kazakh AltynEmel. Mais de qui s’agit-il ? Du vététiste russe Matvey Cheboksarov, 25 ans, ici en train de réaliser une rotation à 360 °. Et de son compatriote, le photographe Sergei Martynov, qui l’immortalise. Grâce à ce montage, il s’offre une place en demi-finale du Red Bull Illume, le plus grand concours de photos d’aventure et d’action au monde. redbullillume.com
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SERGEI ALEKSANDROVICH MARTYNOV/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
TEAHUPO’O, TAHITI
Brise-lames Que se passe-t-il quand une grosse vague casse ? Rien. Que se passe-t-il si un homme franchit cette vague au moment où elle casse ? Eh bien, tout est possible. Le surfeur que le photographe Ben Thouard a visé avec son téléobjectif s’en sort bien, avec un peu de chance et beaucoup de force : il arrive à se dégager du courant a spirant généré par le mur d’eau qui s’effondre sur lui. Ben Thouard, demi-finaliste du concours de photos Red Bull Illume : « Dans un moment pareil, tu te situes entre deux mondes. » Et notre surfeur a refait surface dans le meilleur des deux. benthouard.com redbullillume.com
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BEN THOUARD/RED BULL ILLUME DAVYDD CHONG
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GERT PERAUER/RED BULL ILLUME
DAVID PESENDORFER
SALZBOURG, AUTRICHE
Aquaman La Quiksilver Space Jam Session à Prague. Les championnats de Wakeboard en Suède, à Fagersta. Les Red Bull Wake of Steel dans le port de Linz. Et six championnats à domicile, comme ça, en passant. L ’Autrichien Dominik Hernler, 30 ans, a remporté à peu près tout ce qui est possible dans sa discipline, le wakeboard. Sa vie peut pourtant aussi ressembler à un long fleuve tranquille. Ou à un paisible ruisseau. Celui-ci se nomme humblement le canal des Alpages, et coule au sud de Salzbourg. C’est dans la fraîcheur matinale que Hernler s’est jeté à l’eau pour cette photo signée de son concitoyen Gert Perauer. gertperauer.com redbullillume.com
L’A D D I T I O N , S ’ I L VO U S P L A Î T !
KYLIE JENNER
Madame Instagram Peu importe ce que Kylie Jenner touche, le monde clique en transe : la plus jeune du clan Kardashian est la femme la plus populaire d’Instagram. Elle qui fêtera ses 25 printemps le 10 août prochain n’a besoin d’aucun cadeau comme le montrent ces chiffres.
62 700
millions de followers l’ont propulsée au rang de femme la plus populaire sur Instagram. Derrière ceux de la compagnie IG itself et de Ronaldo.
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Kylie Jenner a une sœur, Kendall. Et huit demi-frères et sœurs : Casey, Burt, Brandon, Brody Jenner, Kourtney, Kim, Khloé et Rob Kardashian.
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épisodes de Keeping Up with the Kardashians donnent une idée de son mode de vie.
chevaux dans sa Bugatti Chiron, l’une des quinze voitures de luxe de sa collection.
1 426
818-437-1448
mètres carrés, c’est la s urface de sa maison à Holmby Hills, un quartier huppé de Los Angeles. Valeur : près de 35 millions de francs.
Son numéro de téléphone, imprimé en 2017 sur des tee-shirts de sa collection de mode. En l’appelant, on tombait sur une boîte vocale.
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THE RED BULLETIN
HANNES KROPIK
millions de likes s ur I nstagram récoltés avec son post montrant une photo de son nouveau-né.
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L’année où Bruce, le père de Kylie, est devenu champion olympique de décathlon.
millions de francs suisses g agnés à 22 ans en vendant 51 % de sa start-up de beauté, Kylie Cosmetics.
336
francs suisses, c’est le prix qu’elle a payé pour s’offrir un certain sac à main Hermès.
1976
580
CLAUDIA MEITERT
million de francs suisses, la somme qu’elle perçoit pour chaque post Instagram sponsorisé par une marque.
jets privés de type Bombardier Global 7500 avec une autonomie de 14 260 km existent dans le monde. Kylie en possède un. Le sien est rose.
GETTY IMAGES (3)
1,5
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DES AIIILES POUR L’ÉTÉ.
AU GOÛT D’ABRICOT-FRAISE.
U A E V U O N
STIMULE LE CORPS ET L‘ESPRIT.
O B J E T T RO U V É
Diego Armando Maradona (19602020) a baptisé son 1er but contre l’Angleterre « la main de Dieu ».
DIEGO MARADONA
Le tricot de Dieu Le maillot (non lavé) floqué du logo du Coq Sportif et de l’emblème de la fédération argentine de foot a été vendu aux enchères en mai chez Sotheby’s pour 9 millions de francs. Diego Maradona l’avait porté le 22 juin 1986 durant le match de Coupe du monde au Mexique, où l’Argentine avait battu l’Angleterre 2-1 en quart de finale : le Dieu du foot avait marqué le premier but de la main, le second après un solo à travers la moitié du terrain.
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GETTY IMAGES
Le tee-shirt de l’idole du football argentin, porté lors du match du siècle contre l’Angleterre.
Maradona après son 2:0.
THE RED BULLETIN
LE S MEILLEURS PLONGEUSE S E T PLONGEURS DE FAL AISE
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L E M OM EN T PHILO
EMMANUEL KANT A DIT :
« Cessez de vous approprier les pensées des autres »
Que nous conseilleriez-vous de faire pour affûter notre esprit critique ? the red bulletin : Il y a environ 250 ans, vous Cesser de s’approprier les idées des autres et s’exercer à penser par soi-même. Penser par soiavez exhorté les Hommes à surmonter leur même, cela signifie examiner de manière « immaturité auto-imposée » et à « faire critique les propos que l’on nous sert, usage » de leur raison. Avez-vous particulièrement lorsque l’on nous dit l’impression que l’humanité a enfin exactement ce que l’on veut entendre. répondu à votre appel ? Pour cette raison, je considère que emmanuel kant : Voilà une question bouleversante, cher monsieur, vos médias sociaux et vos services car elle me renvoie au paradoxe de de messagerie sont problématiques. l’être humain : il aspire à la liberté Ils fournissent aux utilisateurs des et l’autodétermination mais son opinions et des informations qui les comportement le condamne encore et confortent dans leurs certitudes. Celui toujours à la soumission. Cela semble qui n’entend que ce qu’il veut entendre irrémédiable. n’est plus dans une attitude de réflexion mais de soumission latente des plus préoccupantes. Mais nous vivons au XXIe siècle, « La liberté, c’est époque de la liberté d’expression, être capable de liberté de croyance, liberté de la Que faut-il donc faire pour échapchanger d’opinion. per à cette soumission ? presse. Nous jouissons du libre Tout dépend du regard que l’on marché et, pour certains pays, C’est la condition porte sur soi-même et de la question d’élections libres. Comment de notre dignité. » pouvez-vous affirmer que nous que l’on se pose : pourquoi est-ce vivons dans la soumission ? que je crois cette information et pas Votre monde est encore largement dominé par « l’imcelle-là ? Pourquoi est-ce que je bois les paroles de cet maturité auto-imposée », mon ami. Ce que j’entends influenceur ? Pourquoi est-ce que je refuse d’adhérer par là, c’est tout simplement cette tendance humaine aux opinions de tel ou tel ? Ce genre de questions à se soumettre aux jugements et aux opinions des permet de s’affranchir de l’immaturité. La liberté, c’est autres sans réfléchir. De mon temps, il s’agissait de ne pas devoir acquiescer constamment aux propos des dogmes de l’Église ou des élites dominantes ; des autorités. La liberté, c’est être capable de changer aujourd’hui, ce sont les avis de soi-disant experts ou d’opinion. Tâche souvent épuisante mais condition leaders d’opinion lors de débats télévisés. On écoute sine qua non de notre dignité. leurs paroles puis on les restitue mot pour mot. Rares sont ceux qui pensent encore à faire appel à leur EMMANUEL KANT (1724–1804) était déjà connu de son propre intelligence. vivant comme « le sage de Königsberg ». Il n’a jamais quitté Cela pourrait-il être lié au fait que, dans le monde actuel, nous sommes soumis à un tel flux d’informations que nous n’avons plus le temps de nous faire notre propre opinion ? Le monde dans lequel vous vivez est indiscutablement très complexe. Mais c’est justement la raison pour laquelle il est crucial de continuer à faire usage de son intelligence et d’affûter sa faculté de jugement.
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sa ville natale de Prusse orientale, ce qui a poussé certains à penser que cet éminent philosophe des Lumières germanique vivait retiré du monde. Mais Kant était un homme sociable qui aimait faire bonne chère avec ses amis. Il a ssociait néanmoins le savoir-vivre à la rigueur prussienne, mélange détonnant qui s’étend également à sa philosophie dominée par la rigueur. CHRISTOPH QUARCH, 57 ans, est un philosophe d’origine allemande, fondateur de la Nouvelle Académie Platonicienne (akademie-3.org) et auteur de nombreux ouvrages philosophiques.
THE RED BULLETIN
BENE ROHLMANN
Y renoncer vous conduira droit à la servitude. Les droits à la liberté que vous avez mentionnés n ’auront alors plus aucune valeur. À quoi bon la liberté d’expression si l’on est incapable de se forger sa propre opinion ?
DR. CHRISTOPH QUARCH
Noyés dans un flot de nouvelles relayées par les médias sociaux et autres services de messagerie, nous ne savons plus avec certitude ce que nous pouvons croire. Un sujet qui préoccupait déjà Emmanuel Kant à l’époque des Lumières. Il nous dévoile comment aiguiser notre esprit critique dans cet entretien fictif avec le philosophe Christoph Quarch.
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P O RT FO L IO
Belles envolées ! Ils et elles plongent, lui mitraille : depuis treize ans, Dean Treml, photographe de sport néo-zélandais, couvre les Red Bull Cliff Diving World Series. Texte DAVID PESENDORFER
L’anticyclone des Açores
Orlando Duque, Les Açores, Portugal, 2012
La falaise d’un côté, un monolithe de l’autre. Et entre les deux, un truc minuscule – mais qui a tout d’un géant : Orlando Duque, neuf fois champion du monde de plongeon de haut vol.
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P O RT FO L IO
La prière de l’aigle
Sergio Guzman, Dublin, Irlande, 2019 Le Mexicain de 21 ans se tient sur une plateforme de 27 m de haut. Il a la chair de poule. Et pas seulement à cause du froid. Un instant de recueillement avant le grand plongeon. « J’aimerais être un aigle », dit Sergio.
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THE RED BULLETIN
L’agenouillement
Oleksiy Prygorov, Dublin, Irlande, 2019 Après le saut, le plongeur artistique ukrainien s’est enroulé sur lui-même et a enchaîné deux figures de plus avant l’atterrissage. On distingue à peine les spectateurs. Il lui reste donc suffisamment de temps. THE RED BULLETIN
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P O RT FO L IO
« Ce pont réunit les gens de toutes confessions. Et les plongeurs du monde entier. » Dean Treml
Sauts dans le temps
Andy Jones, Mostar, Bosnie-Herzégovine, 2021 Les hommes de Mostar plongent dans la Neretva depuis le XVIe siècle. Pour les Red Bull Cliff Diving World Series, une tour en bois supplémentaire de 8 m a été installée sur le pont de 19 m de haut. En action : le plongeur et cascadeur américain Andy Jones.
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P O RT FO L IO
Gonflé
Jonathan Paredes, Sisikon, Suisse, 2018
Dean Treml ne pouvait pas faire autrement : « Je me suis fait hurler dessus par les gens dans les bateaux gonflables : on est ton arrière-plan ! » Au premier plan, le Mexicain Jonathan Paredes fait le show – gonflé, lui aussi.
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THE RED BULLETIN
« J’adore ces moments où l’athlète garde toute sa concentration malgré une tension palpable. » Dean Treml
Tendue (ou pas)
Jacqueline Valente, Sisikon, Suisse, 2018 La main droite touche le pied gauche et inversement. On ne peut pas faire plus tendue et plus étirée – et pourtant, la Brésilienne de 26 ans est parfaitement sereine. Quand la tension se mêle à la contemplation. Et inversement.
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Art moderne
Michal Navrátil, Boston, USA, 2012
Un plongeon réfléchi. Avant un atterrissage qui rafraîchit. Le Tchèque Michal Navrátil plane le long de la façade de l’Institut d’art contemporain. Une photo en forme d’œuvre d’art collective.
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« Au-delà du côté esthétique, il y a l’effort sportif : cela doit aussi se voir sur mes photos. » Dean Treml
À l’aveugle
Gary Hunt, Mostar, Bosnie-Herzégovine, 2019 En voilà un qui porte bien son nom : le métier de Gary Hunt, c’est la chasse aux records. Le Britannique au passeport français a déjà remporté neuf fois les Red Bull Cliff Diving World Series. Les yeux fermés en plus. THE RED BULLETIN
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LE PHOTOGRAPHE
DEAN TREML Au départ, c’étaient les profondeurs qui attiraient le Néo-Zélandais Dean Treml, 56 ans : il voulait devenir biologiste marin. Aujourd’hui, c’est généralement tout en haut qu’il s’installe, à l’affût des sauts des meilleurs plongeurs de haut vol ; ou quelque part le long de leur trajectoire, sur une corniche ou une plateforme provisoire, dans les endroits les plus vertigineux au monde. À 14 ans, Dean a le déclic : il rafle le vieil appareil photo de sa mère et y ajoute un nouvel objectif 35 millimètres qu’il s’est acheté avec le salaire de son job d’été. Rencontres sportives locales. Clic-clac. Mariages. Clic-clic-clac. Et puis un jour, il prend de la hauteur ! Dean couvre les Red Bull Cliff Diving World Series depuis 2009, année de leur création. Les athlètes ont une totale confiance en lui et le laissent s’approcher au plus près. « J’aime ce mélange de sport et d’esthétique », précise-t-il. Aujourd’hui, Dean vit en Suisse, il travaille dans le monde entier en tant que photographe de sport pour The New York Times, National Geographic, Sports Illustrated et The Red Bulletin. Il a fait le grand saut et ça lui a réussi ! Instagram : @deantreml Notre photo de couverture : le Polonais Kris Kolanus se jette dans le vide à 27 mètres de hauteur sur la petite île portugaise des Açores, Islet Vila Franca do Campo. Il s’agit de la troisième étape des Red Bull Cliff Diving World Series 2018.
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« Ce n’était qu’un simple plongeon à l’entraînement, qui a pourtant donné ce moment unique et parfait ! » Dean Treml
Alignement de planètes
Rhiannan Iffland, Bilbao, Espagne, 2019 Un simple plongeon à l’entraînement. Mais c’est ce qui a donné cet arrêt sur image du moment parfait – celui où le corps de l’Australienne Rhiannan Iffland s’aligne à la rambarde du musée Guggenheim.
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Cinéma
était une fêtarde, admirée, convoitée, mais dirigée par d’autres. Désormais, l’actrice est seule aux commandes de sa propre vie. La source de sa force ? Un mot en trois lettres… Entretien RÜDIGER STURM
Sienna Miller, version party girl glamour, c’est fini. Grâce à des films comme American Sniper ou The Lost City of Z, elle a mûri, gagnant le respect du public et de ses pairs comme actrice « sérieuse ». Depuis peu, elle figure au casting de l’excellente série britannique Anatomie d’un scandale, diffusée sur Netflix. À 40 ans, Sienna Miller s’est enfin débarrassée des clichés qui lui collaient à la peau, et a entrepris un profond travail d’introspection. Elle nous explique dans cet entretien comment se libérer progressivement de modes de pensées archaïques, et comment elle s’y prend pour éduquer sa fille de neuf ans à devenir une femme forte et indépendante. the red bulletin : Vous avez réussi à vous imposer dans le monde du cinéma, comme l’atteste actuellement votre rôle dans la série Anatomie d’un scandale. Qu’est-ce qui a été décisif pour réaliser ce bond en avant dans votre carrière ? sienna miller : Je me suis dégagée des rôles très stéréotypés que l’on me proposait. Et j’ai concentré mon attention sur des réalisateurs avec lesquels je n’avais pas l’habitude de travailler. Il était aussi nécessaire que je cesse de penser à accepter un rôle pour rendre service ou pour faire plaisir à quelqu’un d’autre que moi. Avant, j’ai longtemps accepté de jouer pour un salaire moins élevé que celui de mon partenaire masculin
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dans un film… même quand je trouvais cela injuste ! Simplement parce que j’avais la sensation que je devais m’estimer heureuse qu’on me propose un job… Je ne ferai plus jamais cela. Je ne rendrai plus ce genre de « services » simplement pour plaire ou rester dans les petits papiers de certaines personnes. Maintenant, je dis non, sans détour. Quel fut le déclic ? Une solidarité féminine, la sororité, que je ressens de plus en plus fortement depuis quelques années. Quand je m’insurge contre quelque chose, je sens toute une armée de consœurs qui me soutiennent. Et aussi, à mon âge, j’ai une meilleure connaissance de la personne que je suis. Je suis quelqu’un de curieux, je veux être heureuse. Et cette lucidité sur mes priorités dans la vie me permet de trouver la paix intérieure et me donne de la force. Quels furent les obstacles à surmonter ? Je suis issue d’une génération de femmes qui ont accepté, du moins toléré, beaucoup d’injustices et de comportements inappropriés de la part des hommes. C’était plus simple que de protester. En outre, j’allais dans une école très conservatrice, où les idées progressistes n’avaient pas leur place. C’était le terreau idéal pour faire de nous de parfaits réacs.
Comment faites-vous pour préserver votre fille de 9 ans, M arlowe, de ces modèles cloisonnés avec lesquels vous avez été élevée ? Les conditions ont évolué, heureusement : il y a un changement de paradigme dans la société. Je me suis assurée qu’elle apprenne à penser de manière progressiste. C’est pourquoi j’ai choisi une école où les questions d’éthique et de responsabilité politique sont au centre des discussions. Nous avons déjà été ensemble manifester pour les droits des femmes. Elle a une autre conscience de la situation que moi au même âge. Elle ne cherche pas à faire plaisir. Je suis très fière de cela. Que faites-vous pour votre développement personnel ? Plus je vieillis, plus il est important pour moi de cultiver mon esprit. Je m’intéresse beaucoup à la psychologie et à la philosophie, deux matières que nous n’avions pas à l’école, et auxquelles je me suis formée par mes propres moyens. À chaque fois que je me découvre des lacunes dans un domaine, j’essaie de les combler. Et puis, je souhaite progresser dans mon métier. J’aimerais passer à la réalisation et m’impliquer davantage dans le développement créatif. Mais pas de projets à long terme. Pourquoi pas ? Parce que je vis dans l’instant présent. Instagram : @siennathing
Comment avez-vous chassé tout cela? Ce fut un long processus. Cela a commencé quand j’ai quitté l’école et THE RED BULLETIN
SHAYAN ASGHARNIA/AUGUST/PICTUREDESK.COM
Sienna Miller
que j’ai côtoyé le milieu culturel. Les gens y étaient plus ouverts, et cela a contribué à élargir mon horizon. J’ai ainsi commencé à remettre la société en question. Je me suis rebellée, j’ai viré de bord : d’une droite conservatrice, je suis passée à une gauche plus sociale.
« Je vais manifester pour les droits des femmes avec ma fille de 9 ans. » Sienna Miller, 40 ans, a enfin appris à dire non.
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Mode durable
Bobby Kolade Le styliste ougandais bouscule l’exploitation de l’industrie mondiale de la friperie, en mode retour à l’envoyeur. Une belle pièce à la fois. Texte EMINE SANER
Photo IAN NNYANZI
Ado, à Kampala, la capitale de l’Ouganda, Bobby Kolade, 32 ans, achetait des vêtements d’occasion et les faisait r efaire par un tailleur selon ses propres conceptions : ceintures cousues à même les chemises, pantalons réassemblés avec des patchs. Près de vingt ans plus tard, devenu styliste pro, Bobby Kolade le fait dorénavant lui-même, sauf que ses créations modernes sont autant une déclaration politique qu’une déclaration de mode. L’Ouganda, comme de nombreux pays d’Afrique, possède une énorme industrie de vêtements de seconde main, alimentée par la surconsommation de fast fashion jetable dans les pays à haut revenu. Les vêtements, souvent donnés à des associations caritatives, sont expédiés dans les pays africains où ils sont revendus ou balancés à la décharge. Kolade change la donne. Né au Soudan et élevé à Kampala par sa mère nigériane et son père allemand, le designeur a étudié la mode à Berlin et passé plus de dix ans à travailler pour des maisons de couture, notamment Balenciaga et Maison Margiela à Paris. En 2018, il revient à Kampala et, trois ans plus tard, lance sa marque de vêtements, Buzigahill. Pour son premier projet, Return to Sender, Kolade et son équipe transforment les vêtements jetés par les consommateurs du Nord en pièces haut de gamme qui leur seront revendues. Traces de sueur non comprises.
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the red bulletin : Quand vousêtes vous intéressé à la mode ? bobby kolade : À 14 ans, je découpais des vêtements et les faisais recoudre. Puis mon intérêt s’est développé à Berlin. Je voulais lancer une marque qui utiliserait du coton ougandais pour créer des vêtements durables, depuis un studio à Berlin. J’avais l’état d’esprit du Nord global, c’est-à-dire extractif : les emplois de haut niveau seraient en Europe pendant que les Ougandais ne seraient là que pour la production. J’ai continué mes recherches et, fin 2017, j’ai décidé de m’installer définitivement en Ouganda. Ça a été libérateur. Quand avez-vous pris conscience des problèmes liés aux vêtements de seconde main ? Vers 2015. Ado, j’allais au marché Owino à Kampala et fouillais dans les piles pour dénicher des vêtements sympas. Puis, à Berlin, je donnais des vêtements dans des bacs de charité. J’étais ainsi un acteur du circuit qui ignorait ce qui se passait. J’étais déçu de moi-même et furieux contre le système. Environ 80 % de tous les achats de textiles et de vêtements en Ouganda sont des achats d’occasion. Il est donc difficile d’être compétitif en tant que créateur et producteur. L’Ouganda produit un coton de classe mondiale mais 95 % est exporté en tant que matière première. Quel est l’impact du port de ces habits de seconde main ? Il y a beaucoup de choix et c’est abordable, mais culturellement, c’est un problème. Reste-t-il quelque
chose d’ougandais ? Le pays a été dépassé par les styles occidentaux. J’ouvre un ballot de vêtements et toutes les aisselles des chemises blanches sont tachées de sueur. Beaucoup de gens dans le Nord pensent que les Africains pauvres vivent tout nus et ont besoin de ces vêtements. Il faut que cette idée change. Les habitants des pays plus riches ne peuvent acheter des vêtements bon marché que parce qu’ils exploitent les gens au niveau de la production et de l’élimination. Ça vous fait quoi de transformer une fripe jetée en une pièce unique ? Les sentiments sont partagés. C’est très satisfaisant d’envoyer des colis aux clients des pays riches. Mais les vêtements de seconde main sont imprévisibles. Nous achetons de gros ballots et nous ne savons pas ce que nous allons recevoir. L’étiquette indique « Tee-shirts » mais nous ne savons pas de quel type, ni s’ils ont des trous ou des taches. Il est très difficile de mettre en place des processus de conception et de production. J’appelle cela le « design réactionnaire ». On ne s’ennuie jamais. Votre expérience dans la haute couture vous est-elle utile ? J’ai dû oublier presque tout ce que j’ai appris. Il y a un certain niveau de « rugosité » que nous avons dû intégrer dans nos créations. Nous n’élaborons pas de thèmes de collection. C’est le contenu du ballot qui dicte tout. Quel futur pour Buzigahill ? J’aimerais introduire l’artisanat local, créer de petites usines et développer la fierté nationale à travers les vêtements. Toutes ces questions sont politiques, environnementales, et nous sommes en pleine catastrophe vestimentaire. buzigahill.com
THE RED BULLETIN
« Ce que je fais, c’est du design réactionnaire. » Bobby Kolade, 32 ans, moteur de la mode durable.
THE RED BULLETIN
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Aventure
Cet expert en survie est devenu une star du petit écran en se rendant dans les coins les plus reculés de la planète. Le but de ses expéditions ? Trouver des instants d’humanité. Texte RÜDIGER STURM
Pour ce virtuose de la survie habitué à se tailler un chemin à coups de serpe dans les coins les plus inhospitaliers de la planète, le temps passé à réaliser une interview via Zoom dans un hôtel climatisé « est une expérience particulièrement éprouvante ». Il faut dire que Hazen Audel, 48 ans, est plus à l’aise au milieu des typhons, des fournaises, des serpents, des rats et autres fourmis de feu (quand il n’est pas occupé à traquer des œufs de crocodile en Papouasie-Nouvelle-Guinée) – pour la simple raison que ce botaniste, zoologiste et instructeur de survie américain est un spécialiste des milieux hostiles et qu’il en connaît un rayon sur les tribus isolées et les coins les plus sauvages du globe. Cette vie aux antipodes de notre civilisation, il la présente ensuite dans des émissions télévisées telles que Primal survivor, l’aventurier de l’extrême ou À l’épreuve d’une tribu. Mais le baroudeur en transit sur un canapé d’hôtel ne se considère pas comme superman, loin de là. « C’est à la portée de tout le monde ! »
Quand la nature entame le dialogue
Vraiment ? Mais comment ? « Le plus important est la soif d’apprendre », répond Audel. Une leçon tirée de son premier voyage dans la jungle équatorienne à l’âge de 19 ans : « À cette époque, mes expériences se résumaient à un peu de camping et quelques lectures sur le sujet et si j’ai fait pas mal d’erreurs, j’ai surtout appris une chose essentielle : il faut demander aux locaux. Par exemple, j’ai contracté une infection à la jambe qui aurait pu s’avérer mortelle. Heureusement, une femme m’a montré quelles plantes médicinales utiliser. Quand on est ouvert aux nouvelles expériences, la nature communique avec nous. » Une philosophie de vie qui lui a permis de réduire considérablement ses phases de préparation. Même chez lui, à Spokane, une ville de 217 000 âmes dans l’État de Washington, il prend le temps de « planter des arbres et de jardiner ». Toujours actif, il est bien conscient qu’il risque un jour de finir dans l’estomac d’un prédateur.
Un danger relatif
Mais il relativise ce risque : de retour aux États-Unis après sa première expédition, il retrouve ses amis de lycée. Parmi eux, son ex- copine et son remplaçant. Ces derniers sont victimes d’un accident de la route en se rendant en boîte avec un groupe de potes. Le nouveau petit ami perd un œil, un autre jeune homme est tué. « Le danger est partout. Et je préfère être bouffé 36
Entre chaleur intérieure et air conditionné
Les règles de bases selon Audel : « Toujours faire en sorte d’avoir chaud, pour commencer. Puis chercher de l’eau potable. Mais le plus important, c’est d’adopter la bonne attitude. Quand on est confronté à une situation de stress inédite, on s’imagine qu’on va mourir, alors que nos capacités de survie sont bien plus développées qu’on ne le pense. On peut toujours repousser les limites de nos performances. » Mais la plus grande leçon de cet aventurier de l’extrême va au-delà de la forme mentale ou physique. « J’ai appris que dans les coins les plus reculés du globe, le respect mutuel prime. Dans notre monde, on veut être le plus fort, on reste enfermé dans sa bulle en se méfiant des autres, alors que nous sommes sur terre pour vivre dans le partage et l’amour de son prochain », plaidet-il. Mais le voilà déjà sur le départ : l’hôtel climatisé est un endroit bien trop civilisé pour lui. Hazen Audel à la télé : retrouvez la nouvelle saison de la série À l’épreuve d’une tribu, produite par la chaîne National Geographic.
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NATIONAL GEOGRAPHIC/TESS BENJAMIN
Hazen Audel
par un jaguar que renversé par une voiture », explique-t-il. D’une « curiosité extrême », il veut absolument rencontrer certains animaux. Le tamanoir figure en tête de sa liste : « Je poursuis cet objectif avec une hyperconcentration absolue. Je ne pense plus aux souffrances éprouvées. Et puis j’ai un mental de battant. » Ce n’est pas le cas de tout le monde, aussi s’entend-il souvent poser la même question : « Que faire si l’on se retrouve en pleine nature sauvage, après avoir survécu à un crash en avion par exemple ? »
« Mon objectif numéro un : rencontrer un tamanoir. » L’expert en survie Hazen Audel, 48 ans, à propos de son rêve.
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FAC OU PISCINE ?
Matthias Appenzeller pose en costume sur le plongeoir de la piscine de Dübendorf lors de la séance photo pour The Red Bulletin.
Cliff Diving
Le grand saut
MATTHIAS APPENZELLER, 28 ans, est le meilleur plongeur de haut vol de Suisse. Et un futur procureur. Lors de son premier saut, il n’avait que quatre ans, portait encore des brassards et a grimpé sur le plongeoir de dix mètres – maintenant, il plonge à 85 km/h. Texte ALEXANDER NEUMANN-DELBARRE
Photos PHILIPP MUELLER
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IL
a l’air si détendu quand on le voit là-haut. À danser sur la plateforme, 27 mètres au-dessus des eaux vert turquoise du lac d’Uri, à lever les bras au ciel. À faire taper des mains en rythme les centaines de spectateurs qui flottent en bas dans leurs bateaux pneumatiques et leurs flamants roses gonflables. À se tenir tranquillement au bord du tremplin, avec son allure de surfeur musclé et tatoué aux cheveux longs. Et à s’élancer pour enchaîner, en un seul mouvement parfaitement léché, trois saltos et une vrille et demie dans les deux secondes qui lui restent avant de fendre la surface de l’eau à 85 km/h. Quand il refait surface, il lève le bras en l’air. La foule venue assister aux Red Bull Cliff Diving World Series 2018, à Sisikon, est en délire. Pour ses débuts en compétition, le héros local Matthias Appenzeller fait une entrée aussi désinvolte qu’impressionnante. Sourires, applaudissements, ambiance festive
parmi les s pectateurs. Peu d’entre eux le savent, sans doute, mais la préparation du plongeon qu’ils viennent de voir a commencé un an auparavant. Et le jeune homme qui en est l’auteur a aussi une toute autre facette. Quatre ans après le plongeon de Sisikon, Matthias Appenzeller, 28 ans, est assis dans son appartement près de Zurich et sourit en repensant à sa performance de l’époque. « C’était presque surréaliste avec tous ces spectateurs. » Ses biceps se devinent sous sa chemise bleu clair impeccablement repassée, ses cheveux blonds sont soigneusement rassemblés en queue de cheval. À ce jour, Matthias est probablement le meilleur plongeur de haut vol de Suisse. Ces dernières années, il a représenté son pays lors de championnats du monde de plongeon de haut vol et du championnat du monde 2019 en Corée, il am ultiplié les participations aux Red Bull
« Il y a des alinéas, il y a de l’adrénaline et des émotions. Moi, la bête de scène... » Le Suisse Matthias Appenzeller sur sa vie entre sport extrême et justice.
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LA MÉTAMORPHOSE Lors de notre rencontre, Matthias nous a dévoilé ses deux facettes : discipliné d’un côté, marrant de l’autre.
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QUELLE DÉTENTE !
Muscles, crinière et tatouages, pour s’échauffer, Appenzeller effectue une série de sauts sur place.
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Le futur avocat Appenzeller saute en tenue de travail du plongeoir de dix mètres de la piscine de Dübendorf.
À l’entraînement, il divise ses sauts en figures individuelles ; en compétition, il les assemble en un tout.
« Pas le temps de penser : j’ai couru et j’ai sauté. » Matthias Appenzeller raconte le premier saut de sa carrière. THE RED BULLETIN
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Cliff DivingWorld Series, et il sera encore de la partie pour la prochaine édition à Sisikon les 10 et 11 septembre, aux côtés de l’élite mondiale de la discipline.
Les lois de la gravité
Mais quiconque aurait suivi Matthias à la trace ces cinq dernières années aurait passé du temps à se tourner les pouces pendant qu’il consultait son ordi portable et ses livres. En effet, Matthias s’est consacré à des sujets comme le droit pénal, le droit privé ou le droit commercial au moins aussi assidûment qu’à l’entraînement mental, au fitness ou au plongeon. Depuis 2016, il passe sa vie entre le plongeon de haut vol et ses études de droit, entre le calme de la bibliothèque et l’adrénaline du tremplin, une vie dans deux mondes opposés, mais qui se complètent et s’enrichissent remarquablement bien. Et c’est dès le plus jeune âge que Matthias découvre le premier de ces deux mondes. Il a quatre ans et porte encore des brassards quand il effectue son premier plongeon depuis le tremplin de dix mètres d’une piscine en plein air. « C’était totalement irréfléchi, dit-il en riant, j’ai couru droit devant moi et j’ai plongé. » Les maîtres-nageurs sont ravis que tout se soit bien passé et l’un d’eux ne tarde pas à recommander à Matthias de s’inscrire dans un club où il pourra apprendre correctement la pratique du plongeon. À dix ans, Matthias s’entraîne cinq fois par semaine. Il fréquente une
école spécialisée dans le sport, puis au lycée, en sport-études, l’entraînement se fait encore plus intensif et son objectif, de plus en plus clair : il veut aller aux JO en tant que plongeur. Première étape : il réussit à intégrer l’équipe nationale suisse de plongeon. Mais la concurrence internationale est rude, la pression énorme et son corps commence à donner des signes de fatigue. Blessures du ligament croisé, du coude, des tendons. Elles le ralentissent, le font douter de plus en plus : est-ce toujours cela que tu veux ? Vraiment ? Dans quel but ? Au final, à 19 ans, Matthias trouve la réponse à toutes ces questions et se concentre sur quelque chose de nouveau : des études de droit. « J’ai senti qu’il était temps que je me mette à autre chose. » Si Matthias opte pour cette discipline, c’est simplement par intérêt. Mais rapidement, il réalise que ce choix était vraiment le bon. « Les choses que j’avais apprises dans le plongeon m’ont énormément servi. » Comme la capacité de rester concentré à 100 % quand on a un gros objectif à atteindre, par exemple. « Quand je faisais du plongeon, je n’étais pas très bon à l’école. Je ne pensais qu’au sport et à rien d’autre. Mais dès que je me suis
mis sérieusement aux études, mes notes se sont nettement améliorées. » Deuxième compétence utile : le sérieux dans le travail. « Les deux domaines demandent tout autant de rigueur, de remise en question, d’optimisation des processus. Et de discipline. » Et puis, il y a une autre chose importante qu’il retient de ses années de sport de compétition pour ses études de droit : une montagne se gravit étape par étape. En pratique, on se fixe de petits objectifs réalisables pour ne pas se sentir dépassé par une tâche qui semble énorme, qu’il s’agisse d’un triple saut périlleux ou d’un diplôme universitaire.
D’abord le feu, puis l’eau
Deux années durant, Matthias se tient à l’écart des tremplins et se concentre uniquement sur ses études, exigeantes. Puis il recommence à s’entraîner avec des copains par-ci par-là, participe à des compétitions de temps à autre. Mais c’est seulement quand son ami Alain Kohl, spécialiste du plongeon de haut vol, lui parle d’un événement prévu en 2018 à Sisikon, qu’il retrouve son enthousiasme intact. Il te reste encore un an, lui dit Kohl, prépare-toi et nous présenterons une vidéo de toi en train de plonger – peut-être que tu pourras participer avec une wild card ? « Et tout à coup, la flamme est revenue », dit Matthias. Il s’entraîne, décroche une wild card et se présente à Sisikon. Suite à cela, il commence à se faire un nom dans le monde du plongeon de haut vol.
« Un triple saut périlleux, un diplôme universitaire : j’évolue par étapes. » Le plongeur Matthias Appenzeller sur les petits pas derrière les grands sauts.
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PHASE DE REFROIDISSEMENT
Après l’effort, le réconfort : Appenzeller récupère de l’entraînement et de la séance photo.
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« Je fragmente le saut à l’entraînement pour le recomposer en compétition. » Matthias Appenzeller sur le développement de la chorégraphie aérienne parfaite.
ROMINA AMATO/RED BULL CONTENT POOL
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Et son emploi du temps se fait encore plus chargé. Du jour au lendemain, les invitations aux événements de Cliff Diving (plongeon de haut vol, en français) se multiplient, mais les obligations universitaires ne diminuent pas pour autant. « Il m’est arrivé plus d’une fois de passer un examen à l’université avec ma valise toute prête, avant d’embarquer deux heures plus tard pour m’envoler vers ma prochaine compétition. » Comment y parvient-il ? Être un athlète de classe mondiale tout en décrochant un master en droit avec mention, comme Matthias l’a fait l’été dernier ? « Tout est une question de volonté, déclare-t-il. Je me suis vite rendu compte que l’un n’irait pas sans l’autre dans ma vie : le travail calme et réfléchi avec les textes juridiques, mais aussi les moments d’adrénaline lors des plongeons, la compétition, les émotions, le fait d’être sur le devant de la scène. » Sa méthode : de longues journées, une planification efficace, une communication transparente avec ses professeurs, collaborateurs et amis. « Et avec tout ça, je ne m’en sors pas mal. » Le quotidien de Matthias en ce moment : il travaille comme collaborateur scientifique pour un professeur de l’université de Zurich et prépare son examen pour devenir avocat. C’est la prochaine grosse étape sur le chemin qui le mènera à son objectif professionnel : devenir procureur. Et en parallèle, il s’entraîne tous les jours. Course à pied, crossfit et trois fois par semaine sur le plongeoir. Rares sont les structures d’entraînement qui permettent à Matthias d’effectuer des plongeons de 27 mètres de haut, comme pour le Red Bull Cliff Diving. Il n’a donc pas d’autre choix que de s’exercer séparément aux différentes étapes de ses plongeons (la phase de saut, les rotations et la phase d’immersion) depuis un plongeoir de 10 mètres et de les assembler plus tard pour former une composition artistique complète depuis le tremplin de THE RED BULLETIN
25 ans de Red Bull Cliff Diving Les 10 et 11 septembre, les Red Bull Cliff Diving World Series sont de retour en Suisse, là où tout a commencé. Des hauteurs vertigineuses et des chutes libres acrobatiques à des vitesses jusqu’à 85 km/h : c’est ça, les Red Bull Cliff Diving World S eries. La Suisse est intimement liée à cet événement, et pour cause : c’est suite à une première édition à Brontallo (Tessin) en 1997 que le Red Bull Cliff Diving a vu le jour. Et depuis 2009, la compétition se déroule à travers le monde entier. Après trois éditions à Sisikon en 2009, 2010 et 2018, on fête le 25e anniversaire de l’événement cette année. Rejoignez-nous les 10 et 11 septembre pour assister à la compétition qui opposera les meilleurs plongeurs de haut vol du monde à Sisikon. Infos et billetterie : redbullcliffdiving.com
27 mètres. « Il m’est déjà arrivé de m’inscrire à des compétitions pour effectuer des plongeons dont j’ignorais si j’en avais la maîtrise. Ce n’est que lors de l’entraînement final sur la scène de l’événement que j’ai pu assembler les différentes étapes travaillées en amont, et tester le plongeon complet. Dans de telles conditions, il faut être convaincu de ses capacités. »
Un cerveau derrière les muscles
Cette conviction passe par l’expérience et par la répétition. À l’entraînement, il répète sans cesse les mêmes mouvements au millimètre près et se les repasse dans sa tête. Jusqu’à ce qu’ils fassent partie de lui, de sa muscle memory, comme disent les sportifs, la mémoire musculaire. C’est lorsque son corps effectue le plongeon pratiquement de lui-même que Matthias se sent prêt à le faire. C’est grâce à ce sentiment qu’il ne ressent pas la peur quand il se tient à 27 mètres de haut, prêt à tenter un plongeon qu’il n’a que peu ou pas du tout pratiqué. « Ce n’est plus de la peur
que je ressens là-haut, c’est du respect. » Car, évidemment, on peut se blesser en cas de plongeon raté, car plus on saute de haut, plus le choc est violent. « Tous les plongeurs sont conscients du risque qu’ils encourent. C’est pour cela qu’ils se préparent avec la plus grande rigueur. Et c’est aussi pour cela que la cohésion est si forte entre eux. Personne n’irait souhaiter du mal à un autre. Bien au contraire. Nous nous entraînons, nous voyageons, nous dormons ensemble et nous nous soutenons les uns les autres. Tous autant que nous sommes. C’est aussi ça que j’aime dans ce sport. » Il pourra de nouveau en profiter dès le mois de septembre à Sisikon. Et ce ne sera certainement pas la dernière fois. « Le plongeur star Orlando Duque participait encore aux World Series après ses 40 ans, explique Matthias. Le plongeon de haut vol, ça peut se pratiquer longtemps. » Il n’est donc pas exclu que ce soit un jour en tant que magistrat qu’il se lance dans le vide. Instagram : @matt.zz
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Charme rétro
Bonheur instantané Des appareils en plastique qui crachent des polaroids, de grosses basses de synthé, des jeans qui montent jusqu’au nombril… C’est le grand boom de la nostalgie : hier nous donne envie de demain. Texte MARK BAILEY Photos PHILIPP MUELLER Stylisme KELLY-ANNE WILLS
Oui, les appareils photo actuels sont bien meilleurs que le Polaroid. En 2008, alors que la production touchait à sa fin, l’appareil a soudain pris une nouvelle dimension : l’instantané du passé. Nostalgie sur papier glacé.
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Charme rétro
Obsédé par le passé, le professeur Tim Wildschut (à gauche) a consacré sa vie à étudier la nostalgie. Un terme du XVIIe siècle lui-même désuet désignant la mélancolie des rapatriés de guerre. Des mots grecs « nóstos » (retour au pays) et « álgos » (douleur), la nostalgie souffre d’une réputation entachée : celle d’un attachement sentimental au passé. Wildschut affirme au contraire que « la nostalgie est une force de poussée créative qui nous donne espoir, confiance en soi et o ptimisme » !
V
oilà plus de vingt ans que Tim Wildschut, professeur de psychologie comportementale et sociale à l’université de Southampton (Angleterre), étudie ce sentiment souvent incompris. Contrairement aux écoles de pensée antérieures, il part d’une méthode empirique en choisissant des individus lambda. « C’est très facile de réveiller la nostalgie, a-t-il découvert, car elle sommeille juste sous la surface. » Il commence par plonger ses sujets dans une ambiance nostalgique en leur demandant s’ils possèdent des jouets, des peluches ou des souvenirs des lieux de leur enfance, joue leurs airs d’antan préférés, diffuse une odeur de barbe à papa et leur présente des emballages de confiseries disparues depuis belle lurette. Une série de tests mesurant leurs réactions montre des résultats surprenants : loin de sombrer dans la mélancolie ou la tristesse, il s’est avéré que les personnes les plus nostalgiques étaient au contraire les plus heureuses, les plus sociables et les plus ancrées dans la vie. « La plupart trouvent cette émotion agréable, positive et révélatrice, explique le professeur anglais, qui a également découvert que les générations plus âgées n’étaient pas les seules enclines à la nostalgie. Si tout le monde éprouve cette émotion, elle domine largement chez les plus jeunes. Son interprétation leur permet de traverser plus facilement les différents stades de la vie comme le départ du cocon familial ou le passage de l’adolescence à la vie adulte. » Loin de se 50
contenter d’idéaliser le passé, la nostalgie peut être source d’inspiration. « La nostalgie, c’est un sentiment qui inspire le souvenir doux-amer de temps heureux et révolus nous donne le courage d’imaginer un avenir plus radieux », selon Tim Wildschut. Mieux encore, la nostalgie est un parfait terreau relationnel. « Les points communs liés à notre année de naissance ou notre génération comblent nos besoins d’appartenance au groupe. » Pas étonnant alors que la popstar Billie Eilish soit accro à la version américaine de The Office, série diffusée pour la première fois en 2005, quand Billie n’avait que trois ans. Elle inclut des samples de la série dans ses chansons et utilise même le générique pour ouvrir ses concerts. « Une addiction extrême de la génération Z » selon le magazine de culture pop Vulture, « une thérapie » selon la chanteuse. La nostalgie, une addiction thérapeutique ? Un avis que partage l’actrice Olivia Munn, qui, ado, passait son temps à jouer à Super Mario Kart (1992) sur Super Nes. À 41 ans, elle considère cela comme « une forme de méditation ». « La nostalgie stimule notre créativité, résume Wildschut. On est plus ouvert, c’est comme un tremplin pour découvrir le monde. »
MODE
Stranger Trends Comment la série Netflix a relancé la mode vestimentaire des années 80. Stranger Things n’est pas qu’une série de science-fiction. Hommage aux années 80, elle a relancé la mode de l’époque, même si la plupart des fans sont nés bien après. La créatrice des costumes de la série, Kimberly Adams-Galligan, raconte : « Au début, en 2015, personne ne portait de jeans taille haute. Les jeunes acteurs trouvaient cela super bizarre ; pour eux, la mode, c’était les tailles basses des années 2000. Aujourd’hui, la plupart des jeunes portent des p antalons à taille haute. » Les stars de Stranger Things comme Millie Bobby Brown, 18 ans, ou Finn Wolfhard, 19 ans, font figure d’icônes du style de la génération Z. Pour Fawnia Soo Hoo, rédactrice du site Fashionista : « L’esthétique des années 80, c’est le plaisir, l’excès et les couleurs flashy. La génération Z est une génération responsable, se replonger dans les années 80 lui procure une bouffée de liberté. Parallèlement, elle est sensible à l’environnement, ce recyclage conscient de produits vintage lui plaît donc énormément. » La série a encore inspiré quelques collaborations rétro- modernes, des baskets Air Tailwind 79 Hawkins High School de Nike au tee-shirt Stranger Things. Nicolas Ghesquière, designeur pour Louis Vuitton, l’a même utilisé pour son défilé lors de la Fashion Week parisienne en 2017. La quatrième saison de Stranger Things est sur Netflix. THE RED BULLETIN
« Dans les années 80, tout tournait autour du plaisir et de l’excès : une bouffée de liberté pour la génération Z. » Fawnia Soo Hoo, créatrice de mode, à propos du charme rétro de la série fantastique Stranger Things.
« Ces paires de chaussures sont des œuvres d’art qui valent bien 48 000 CHF. » Nohman Ahmed, propriétaire du magasin de chaussures londonien Presentedby (photo), lieu de pèlerinage pour les nostalgiques de la basket.
BASKETS
Semelle au cœur Autrefois, les baskets usées atterrissaient dans la poubelle. Désormais, elles sont cotées en bourse. C’est la nostalgie qui a poussé Nohman Ahmed et ses frères Imran et Rizwan à ouvrir le magasin de baskets Presented by, à Londres en 2017. « Quand on était mômes, on adorait les baskets ; mes préférées, c’étaient les Reebok Workouts et les 52
eebok Classics », se souvient-il. R La boutique londonienne pro pose des pièces de collection, rééditions et classiques dans un décor unique qu’Ahmed qualifie de refinded regenerations : des baskets vintage trônant sur des supports artistiques, mélange
d’esthétique rétro et de décors futuristes dominés par un écran affichant les cotations des paires les plus rares en temps réel. Tout le gratin se presse dans son magasin, de Neymar, star du PSG, au chanteur anglais Liam Payne. « On sait tous combien ces modèles sont rares et qu’ils donnent à leurs propriétaires un style véritablement unique, explique Ahmed. C’est comme acquérir une précieuse œuvre d’art. » Une analogie qui s’étend THE RED BULLETIN
Charme rétro
Le Polaroid : plastique gris pour images glacées.
PHOTO
Tous les sens en éveil
ÁKOS BURG
Retour dans un monde pré-numérique avec un optimiste de l’analogique.
au prix : une paire d’Air Jordan 4 Undefeateds de 2005 coûte près de 48 000 CHF, et la Jordan 4s Eminem × Carhartt, environ 42 000 CHF. Mais on peut aussi se procurer des Air Max 90s édition limitée pour environ 230 CHF. « Chaque chaussure a son histoire, précise Ridwande Ettoubi, directeur de la boutique Presentedby. Les Nike Yeezy Red Octobers à 11 500 CHF, par exemple, ont marqué la fin des THE RED BULLETIN
relations entre Nike et Kanye West. Elles sont entrées dans la légende. » Mais selon Ahmed, la nostalgie des baskets n’est pas qu’une affaire de luxe. « On s’imagine qu’il faut posséder mille paires de baskets pour être un vrai fan, c’est faux. Il faut juste être passionné. » Et avoir un peu d’argent de poche. presentedby.com
Âgé de 53 ans, Florian Kaps (en photo) tombe amoureux de la technique analogique en prenant sa première photo avec un Polaroid en 2003. « Tout m’a plu, du clic du déclencheur à l’image qui sort », explique le propriétaire de Supersense, un concept store analogique établi à Vienne (Autriche) qui propose absolument tout, de l’appareil photo instantané aux platines vintage. « Le numérique est bidimensionnel, on peut seulement voir et entendre ; l’analogique, lui, permet aussi de toucher et de sentir. » Kaps est surpris par la jeunesse de ses clients : « Les jeunes générations en raffolent. Elles veulent des choses qui restent. Le numérique est éphémère : il n’y a pas de chansons sans iPod, alors qu’une collection de disques, de cassettes ou de photos nous appartiendra toujours. » En 2008, Kaps apprend que la dernière usine de films Polaroid va fermer ses portes. Il décide de racheter les machines et de louer les locaux pour maintenir ce support photographique culte. L orsqu’il se retire du projet en 2013 pour fonder Supersense, Polaroid est sauvé et en pleine santé. De son côté, Kaps s’est tourné vers des produits proposant une alliance subtile entre analogique et numérique. « J’ai un faible pour les convertisseurs. Pas ceux qui transfèrent de l’analogique au numérique, plutôt l’inverse. Notre labo instantané permet de transformer une photo numérique d’iPhone en une œuvre d’art sur Polaroid. Et nous faisons des mastercut de fichiers musicaux numériques avant de les presser sur vinyle. » Une galette bien faite ! the.supersense.com
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« Le son synthé des années 80 était funky et rudimentaire. On l’a adapté aux tendances actuelles. » Tyler Lyle (The Midnight) explique l’influence des films et des jeux des années 80 sur son groupe.
Charme rétro
MUSIQUE
Flash-back synthétique Si la nostalgie avait sa propre bande originale, ce serait celle de The Midnight.
SHERVIN LAINEZ
The Midnight : Tim McEwan, producteur et Tyler Lyle, compositeur.
The Midnight est tiraillé entre deux mondes. Celui du chanteur et compositeur Tyler Lyle, NewYorkais fan de Bruce Springsteen et de Paul Simon, et celui du producteur danois Tim McEwan, influencé par la pop synthé, de Toto à Phil Collins. Leur groupe est emblématique de la synth wave, courant musical qui mélange les sons électro-pop des films et des jeux vidéo des années 80 avec la pop actuelle. « Tout a commencé quand j’ai vu le film Drive, explique McEwan. Je me suis complètement immergé dans la bande-son. » Signée Cliff Martinez, la bande originale du film propose des sons rétros au synthé. « J’ai tout de suite senti une connexion émotionnelle. J’ai commencé à jouer des accords un peu nostalgiques et Tyler a écrit ces magnifiques textes pour les accompagner ». Plus tard, la synthwave est devenue mainstream avec des albums comme Blinding Lights de The Weekend (2019) ou encore Physical de DuaLipa (2020). Mais au départ, explique McEwan, « c’était très indépendant ». La devise de The Midnight ? « mono noaware », expression japonaise qu’on pourrait traduire THE RED BULLETIN
par « pleurer sur le temps qui passe ». Publiés sur vinyles ou cassettes audio aux couleurs fluos, les titres de leurs albums sont empreints de nostalgie (Endless Summer, Kids ou The Rearview Mirror) et les samples de clics de magnéto ou de sons de modems sont autant de voyages dans le temps. « La nostalgie ouvre la porte à la créativité », explique Lyle. L’année dernière, The Midnight a été streamé plus de 70 millions de fois sur Spotify dans 92 pays. « On retourne aux origines pour mieux connaître la suite », précise Tyler Lyle. C’est pour ça qu’ils ne se contentent pas d’imiter les sons des années 1980, mais qu’ils essaient de les réinterpréter. « Le son synthé des années 80 était funky et r udimentaire, on
« On retourne aux origines pour mieux connaître la suite. » Tim McEwan, The Midnight
a adapté la batterie, la basse et les chants aux tendances actuelles », nous explique-t-il. Leur inspiration ? Des films des années 80 comme Terminator ou Risky Business : « À chaque fois que je remate un de ces films, je fonce au studio, raconte McEwan. Ces bandes-sons, avec leur esthétique s i particulière, stimulent ma créativité. » themidnightofficial.com
Tee-shirt vintage retouché par Pharrell Williams.
MODE
Passe en retrait Comment Pharrell Williams a réinventé les maillots de foot vintage. Situées dans la ville allemande d’Herzogenaurach, les archives d’Adidas ressemblent à une forteresse imprenable. 40 000 produits (de plus de cent ans pour les plus anciens) y sont stockés à une température de 18 °C pour 55 % d’humidité. « Il faut enfiler des gants spéciaux avant de toucher à quoi que ce soit », prévient Inigo Turner, responsable design du département football d’Adidas. Personne d’étranger à l’entreprise ne peut y mettre les pieds, à une exception près : la star Pharrell Williams. « Nous lui avons montré la section des anciennes tenues de foot pour qu’il sélectionne des maillots à relooker. Pharrell en connaît un rayon sur la mode, les gens et la culture, mais moins sur le foot, ça rendait ses idées encore plus surprenantes. » Williams a choisi certaines pièces emblématiques tel le maillot d’Arsenal de 1991 à 1993, couleur « banane écrasée », ou le maillot bleu au motif flocons de Manchester United de 1990 à 1992, puis les a relookés dans un style graffiti, remplaçant les marques des sponsors par la sienne, Humanrace. « On l’a emmené dans notre labo et il s’est emparé d’une bombe de peinture et d’un pinceau, raconte Turner. Ces vieux maillots modernisés rappellent complètement l’esprit de la scène acid-house de l’époque. » En série limitée, ils sont vite devenus cultes et s’arrachent à prix d’or sur eBay. « Le passé construit l’avenir », conclut Turner. Charmante tournure ! adidas.ch
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Charme rétro
GAMING
Révolte rétroactive
L’auteur américain Ernest Cline devant sa DeLorean DMC-12.
CULTURE POP
Retour vers le futur bis Un auteur de science-fiction trouve la clé du monde de demain dans les années 80. Si les nostalgiques idéalisent le passé, les auteurs de science-fiction sont plutôt des « postalgiques », des fans du futur. L’américain Ernest Cline porte les deux casquettes : pour rectifier le futur, il retourne dans le passé. Ready Player One, ouvrage paru en 2011 sous le titre original Player One, et adapté au cinéma par Steven Spielberg en 2018, présente un monde dystopique bouleversé par les changements climatiques, la surpopulation et la pénurie d’énergie. Nous sommes en 2045. Pour fuir le quotidien, les gens se réfugient dans une réalité virtuelle, Oasis, fondée par un fanatique des années 80. Une fortune attend les vainqueurs de ce jeu truffé de références à des jalons de la culture pop comme Star Wars, Donjons et Dragons, Pacman et Blade Runner. L’auteur américain mise habilement sur l’attrait de la nostalgie pour accrocher ses lecteurs. Selon Allen Stroud, président de l’Association britannique de science-fiction, « la fantasy fait toujours semblant d’offrir une échappatoire vers une autre réalité mais en fait, c’est un éternel refuge vers ce qui est familier, ce qui nous parle. Un refuge dans nos souvenirs ». Ernest Cline accorde pourtant une part importante aux jeux en ligne, médias sociaux, téléréalité et autres phénomènes contemporains. « Ces deux pôles doivent se fondre l’un dans l’autre, explique Stroud. Le romancier utilise des points d’ancrage auxquels se rattacher, comme les jeux virtuels en ligne, tout en nous renvoyant à nos sentiments nostalgiques. » D’une pierre deux coups ! ernestcline.com
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L’été dernier, un exemplaire du jeu Nintendo culte The Legend of Zelda, de 1986, et dans son emballage d’origine, s’est vendu aux enchères pour l’équivalent d’environ 830 000 CHF. Record mondial pulvérisé deux jours plus tard lors de l’achat d’une cartouche neuve de Super Mario 64 (édition 1996) pour la modique somme d’1,48 million de francs. L’année même où Sony et Microsoft lançaient de nouvelles consoles de jeux ultrasophistiquées, des jeux vieux d’un quart de siècle devenaient les leaders du marché mondial. « Les gens ont la nostalgie d’une époque plus simple », explique Pippin Barr, directeur adjoint du Technoculture, Art and Games Research Center de Montréal (Canada). « Le charme de ces jeux anciens réside dans
« Pas d’effets gore. Les anciens jeux, c’était le plaisir simple avant tout. » Pippin Barr, chercheur en jeux vidéo
leur simplicité. Ils ne sont pas forcément réalistes, il n’y a pas d’effets gore comme des cervelles qui giclent sur les murs. C’est le plaisir simple avant tout. » Cette envie de jeux rétro a donné naissance à une sousculture bien particulière : les rétrogamers collectionnent des ROMs (copies numériques de jeux sur cartouches) et y jouent à l’aide d’émulateurs (des simulations numériques d’anciennes consoles). Cependant, les lois sur les droits d’auteur ne sont pas appliquées de manière très stricte dans ce domaine. Parallèlement est apparue toute une
industrie de mini-consoles rétro, reproductions à échelle réduite d’anciennes consoles Sega, Sony et Nintendo sous licence officielle avec jeux préinstallés. Une pâle copie selon les puristes : comme les émulateurs remplacent le matos d’époque, la sensation de jeu ne s’approche pas assez de l’original. C’est là qu’intervient la société américaine Analogue, fondée par Christopher Taber, un gamer occasionnel. Sa mission : reproduire le plus fidèlement possible l’expérience de nos bonnes vieilles consoles. Pour cela, Taber en a construit de nouvelles, équipées de puces sur mesure qui reproduisent exactement les circuits d’origine. Selon lui, il a fallu trois mois pour faire fonctionner Sonic the Hedgehog sur la Mega Sg (clone de la Mega Drive) et 5 000 heures supplémentaires pour concevoir les circuits de la Super Nt (réplique de la Super Nintendo). En plus de préserver les expériences de jeu traditionnelles, Analogue s’intéresse également au lien entre mémoire individuelle et esthétique moderne. Car si les consoles et leurs cartouches sont des répliques exactes de l’original, la résolution vidéo, le son et la connexion sans fil pour le mode multijoueur correspondent aux exigences techniques modernes. Comme dit Taber : « On n’a pas changé l’âme des jeux, on l’a simplement optimisée. » Une cure de jouvence pour les utilisateurs, un juteux business pour ces inventeurs ! analogue.co
THE RED BULLETIN
DAN WINTERS, STYLING ASSISTANT: LOTTIE HORNER
Des bricoleurs américains utilisent la microtechnologie pour faire revivre le gaming d’antan.
« On n’a pas changé l’âme de Super Mario, on l’a simplement optimisée. » Christopher Taber, développeur de jeux rétro, comprime des circuits originaux sur des puces.
Musique
Chat perché
Virtuose de la basse, maître du jazz-fusion à la voix de velours, THUNDERCAT ondule avec bonheur dans ses multiples terrains de chasse musicaux. Maintes fois échaudé, jamais a pprivoisé, voici l’itinéraire d’un félin qui r etombe toujours sur ses pattes. Texte WILL LAVIN
Photos WOLFGANG ZAC
Sauvage et raffiné : Thundercat, 37 ans, est célèbre pour ses goûts excentriques en matière de mode. Il a trouvé les tenues de ce shooting dans sa garde-robe. Il porte ici des lunettes de soleil Louis Vuitton Cyclone de Virgil Abloh et un pull de Pendleton. Le pantalon et les chaussures sont de la marque Adidas.
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Musique
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« Savoir rire est l’une des plus belles choses qui existent...
uelque chose d’essentiel à la vie, peut-être plus que la musique », nous confie Stephen Lee Bruner, alias Thundercat. Aveu qui peut surprendre, quand on sait l’importance que la musique occupe dans la vie de ce génie touche-à-tout au palmarès musical bluffant. Nous l’avons rencontré en novembre dernier, à Saint-Louis dans le Missouri (USA), alors qu’il s’accordait une journée de repos en pleine tournée américaine. Après plus de quinze ans d’une carrière éclectique, en solo ou dans de multiples et fructueuses collaborations, Thundercat ne s’est jamais laissé étiqueter, piochant avec bonheur dans le jazz-funk, l’électro, la soul, le hip-hop, le R&B, le jazz psychédélique et le soft rock. À l’image de sa musique, sa personnalité allumée et délicieusement burlesque séduit d’emblée. Visuellement, c’est un patchwork de styles, de clins d’œil et d’humour : haute couture et accessoires Pokémon, look de geek puceau et dreads multicolores, ce « Los Angeleno » de 37 ans a déjà fait une jam session avec le rockeur canadien Mac DeMarco… complètement à poil. Dix ans après la sortie de son premier opus solo, The Golden Age of Apocalypse, Thundercat se remémore les débuts de son voyage cosmique. « Quand je pense à tout ce que j’ai vécu psychologiquement en une décennie, ça me fait halluciner. Je me souviens du temps où il n’y avait que moi et Austin Peralta, juste son clavier et ma basse. » Depuis l’époque où Bruner traînait ses sneakers et sa basse avec ce grand pianiste de jazz – dont le décès en 2012 donnera lieu à l’album-hommage cathartique Apocalypse, accou60
ché dans les douleurs du deuil – les choses ont bien changé : Peralta disparu, son ami a connu la chute libre, le vide abyssal, puis a fini par retomber sur ses pattes… sans se calmer pour autant, semble-t-il. Pour autant, notre Thundercat est davantage Garfield que Tom O’Malley et préfère rester vautré sur son canapé à binge-watcher des cartoons plutôt que de fréquenter les pince-fesses d’Hollywood. « Je suis un vrai nerd, dit-il pour décrire l’obsession qu’il voue aux animés japonais. Ça fait un bail que ça dure et ce n’est pas près de changer. » Thundercat est un personnage qui ne se prend visiblement pas au sérieux, mais il ne faudrait pas oublier qu’il est un artiste de génie, un instrumentaliste-collaborateurproducteur hors-pair à l’origine de pépites musicales pour le compte de grands noms : Snoop Dogg, Ariana Grande, Erykah Badu, Travis Scott… Les collaborations de Thundercat visent haut : la plus fructueuse jusqu’ici fut celle avec Kendrick Lamar pour son album To Pimp a Butterfly (2016), considéré comme le meilleur des albums de Lamar. L’alliage jazz/hiphop savamment distillé par Bruner en a fait un véritable chef-d’œuvre, notamment le fameux These Walls, qui lui aura valu son premier Grammy. « La façon dont Lamar a transcendé les textes – passant de prison à pussy –, ça m’a complètement bluffé, explique-t-il à propos de la complexité du morceau. Je ne savais pas par quel bout le prendre, d’autant plus qu’on le pressentait pour un Grammy. » Thundercat est un enfant de la musique : son père Ronald a été batteur pour The Temptations, Gladys Night et Diana Ross and The Supremes. Son frère THE RED BULLETIN
Consistant : Bruner préfère mater des dessins animés chez lui que de fréquenter les soirées du showbiz. « Je suis un grand fan d’animés, dit-il. Cela ne changera jamais ! »
La musique transcende tout, et ça, je l’ai compris très tôt. » Thundercat avec un tee-shirt Dragon Ball Z, des lunettes de soleil Christian Roth et des bracelets IF & Co.
aîné, Ronald Jr., fut le batteur du groupe metal Suicidal Tendencies, et a reçu en 2011 le Grammy du meilleur album de jazz contemporain avec The Stanley Clarke Band. Idem pour la maman et le petit frère, Jameel « Kintaro » Bruner, respectivement flûtiste et musicien. C’est aussi un gosse des années 90 : même lorsque les frangins se battaient pour la télécommande, il y avait toujours du jazz en bruit de fond. Le petit Stephen écoutait, discrètement. « Mes frères pensaient que je n’écoutais pas, que j’étais juste un petit merdeux, mais la musique transcende tout, et ça, je l’ai compris très tôt. Il y a toujours eu quelque chose dans la musique qui m’a touché psychologiquement, émotionnellement, spirituellement. » À quatre ans, il découvre son instrument fétiche : la basse. Son 62
premier modèle fut une Harmony toute noire, sur laquelle il jouait les accords du générique du film Les Tortues Ninja 2, sorti en 1991. En bon geek fou de dessins-animés, Bruner a choisi l’une de ses séries préférées pour son nom de scène : ThunderCats – les francophones qui ont grandi dans les années 80 se souviendront de ces Cosmocats, des superhéros à tête de chat qui se battent contre de diaboliques mutants. Sa carrière de bassiste débute aux côtés du groupe international No Curfew, puis il rejoint son frère Ronald pour jouer du thrash avec Suicidal Tendencies. Progressivement, Thundercat devient indissociable de la scène musicale de Los Angeles, grâce notamment à des amitiés (tenaces), notamment avec son ami d’enfance Kamasi THE RED BULLETIN
Musique
ashington, grand saxophoniste qui a joué pour des W stars comme Herbie Hancock : ensemble, les deux potes écument les scènes de Los Angeles au volant de la vieille Ford Mustang de Kamasi. « C’est comme si on n’avait pas cessé d’être des gamins, se souvient-il. Comme si on avait encore quinze ans. On s’est toujours bien marrés ensemble, et quand on se voit, on rigole, on a toujours un truc à se raconter. » Une rencontre décisive va le faire décoller à un niveau supérieur : celle avec le rappeur et producteur Steven Ellison alias Flying Lotus, au festival South by Southwest d’Austin (Texas). La magie opère et les deux deviennent inséparables. Désormais sous le label indépendant de son acolyte, Thundercat sort ses premiers albums solo : « On est comme Batman et Robin : pendant que je peux partir dans mes différents délires, lui fait tout le reste dans l’ombre. » C’est à ce génie de l’ombre que l’on doit donc la naissance du chanteur Thundercat, Ellison ayant un jour
« C’est comme si on n’avait pas cessé d’être des gamins, d’avoir quinze ans. » conseillé au bassiste de chanter. « Il a vu quelque chose que je ne voyais pas. » Jusqu’alors si réticent à pousser la chansonnette, Stephen décide de suivre ce conseil. « J’ai discuté récemment avec J. Cole (le rappeur US, ndlr) : il essayait de me sonder et c’est là que j’ai réalisé à quel point je faisais confiance à Lotus. Quand je repense à ce jour-là, c’est exactement ça : j’ai fait confiance à mon pote. Et il avait raison. »
Un album comme une lettre d’amour sans fin
Blindé : le sac à dos et le tee-shirt sont ici fabriqués sur mesure, les lunettes sont signées Christian Roth, la montre Rolex, les bracelets IF & Co, et les broches de Gucci. THE RED BULLETIN
Des récompenses, de l’argent, un cercle d’amis rempli d’artistes célèbres, des projets partout et un caractère qui n’a rien perdu de son espièglerie : bref, la vie semble sourire à Thundercat. Pourtant, il a dû, ces dernières années, encaisser quelques revers : la fin d’une longue relation, la sortie d’un album en pleine pandémie mais surtout la disparition d’un de ses plus proches amis – Mac Miller, rappeur et producteur de Pittsburgh, mort d’une overdose en 2018. Bruner perd non seulement un pote mais aussi l’un de ses plus proches collaborateurs. Leur plus belle session fut celle enregistrée en août 2018, un mois avant la mort de Miller, lors d’un Tiny Desk Concert pour une radio. La genèse de ce concert est d’ailleurs tout aussi légendaire : alors que Bruner se trouvait en pleine tournée européenne, il reçoit un message de Miller lui demandant de traverser l’Atlantique pour venir jouer avec lui. Pour cette micro-session de 30 minutes, Bruner devait annuler quelques dates et rejoindre Washington DC depuis l’Europe de l’Est… ce qu’il a fait. « Mac voulait se sentir à l’aise au milieu des autres. C’est pour ça qu’il m’a demandé de venir à ses côtés. » Il suffit de les voir jouer ensemble pour en être convaincu : les deux s’adoraient, l’harmonie est palpable musicalement et humainement. Mac Miller et sa gueule d’ange timide déclamant ses textes les yeux en l’air, oscillant entre le crooner à la Sinatra et l’artiste torturé, et derrière, comme un génie protecteur, comme le chat du Cheshire d’Alice, un Thundercat jovial qui balance ces dreads roses au rythme de sa basse Ibanez. « Ce fut un moment très spécial. Je n’ai jamais manqué une occasion de lui dire que je l’aimais. Parce que je le pensais vraiment. » Aujourd’hui, il a du mal à regarder cette session mais il se réjouit de voir l’accueil positif de cet événement. « Ce concert, c’est comme un album-photo, un moment que j’ai pu partager avec mon pote et que le
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Chouchou : les talents de bassiste et de producteur de Bruner sont très recherchés par d’autres artistes. Son travail avec Kendrick Lamar lui a valu un Grammy.
« Ce que j’ai vécu psychologiquement en une décennie, c’est hallucinant. » 64
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Musique
« J’allais disparaître moi aussi. J’ai décidé de me reprendre en main. » monde entier peut voir aujourd’hui. » La douleur de la perte, Bruner a voulu la transcender en écrivant son quatrième album, It Is What It Is, un bijou suave et cosmique mêlant les sonorités jazz, funk, hip-hop et pop, produit par Flying Lotus et qui se conçoit comme une « lettre d’amour sans fin » à son défunt ami Mac Miller. « Sortir un album est toujours une expérience intense et douloureuse, mais celui-là a véritablement changé ma vie. » Loin d’y puiser l’énergie nécessaire pour repartir de plus belle, Bruner l’orphelin ressort littéralement vidé – physiquement et mentalement – de la production de l’album. Il perd pied, se nourrit mal, manque de sommeil et tente de noyer sa tristesse dans l’alcool. Lui, le soleil en personne, le chat au sourire de clown devient alors méconnaissable. Or, la musique ne lui apparaît plus comme un refuge. « C’était comme s’il y avait eu un fantôme dans la machine, comme une mémoire musculaire. Je ne sais pas comment j’ai réussi à faire de la musique pendant cette période. » Le musicien se voit alors contraint de remettre en question son mode de vie : « Je m’étais raccroché à la bouteille pendant toutes ces années, je buvais souvent pour oublier, dans une proportion qui faisait parfois peur. J’ai vu de nombreux amis mourir sous mes yeux, s’envoler d’un coup. Il fallait que je regarde la réalité en face, parce que je savais très bien ce qui allait arriver si je continuais comme ça : j’allais disparaître, moi aussi. J’ai donc décidé de me reprendre en main. »
Une prise de conscience forte et salvatrice
Bruner commence alors à s’occuper un peu mieux de lui-même. Première étape : arrêter de boire. « J’avais deux options : boire, ou ne pas boire, résume-t-il. Et le choix que je devais faire était devenu évident. » Il devient ensuite végan, entame une thérapie et se met au sport : boxe et de kickboxing. « Je n’avais jamais été sportif, mais c’est sans doute l’une des activités que j’ai prises le plus au sérieux, après les BD et la basse, bien sûr. » La musique vient enfin lui apporter le réconfort tant attendu, sous la forme d’un album : celui de Drake, Certified Lover Boy (2021). Si la musique du rappeur de Toronto a souvent été jugée trop « soft » par les puristes du hip-hop et les amateurs d’un rap plus viril, Thundercat, lui, se retrouve parfaitement dans cette vulnérabilité. « Drake te rappellera toujours THE RED BULLETIN
que tu n’es pas seul… Il déverse tout son cœur et toute son âme dans sa musique, et ça s’entend. C’est pour ça qu’on se moque de lui. » En écoutant Certified Lover Boy, Thundercat reprend goût à la vie. « Cet album m’a sorti de la torpeur dans laquelle je me trouvais. C’est comme si j’entendais Drake me dire : “Je sais ce que tu ressens.” Ça m’a rappelé que je n’étais pas seul. » Cela fait maintenant trois ans qu’il est sobre : à le regarder préparer activement sa tournée européenne, on sent que le musicien déluré n’a rien perdu de sa verve. Mais sous ses faux airs de fanfaron, Thundercat a changé. Reprendra-t-il l’alcool ? Il répond qu’il n’en sait rien. « Je ne suis plus le même qu’à l’époque. Si le traumatisme est encore là, j’ai aussi appris à relativiser et à prendre les choses comme elles viennent. » Après avoir soigné ses blessures, le félin a donc repris son activité préférée : explorer de nouveaux terrains de chasse musicaux. Et c’est justement quelques jours après la sortie du premier album de Silk Sonic – groupe formé par Bruno Mars et Anderson .Paak – que nous le retrouvons. An Evening with Silk Sonic marque certes la première collaboration entre Bruno Mars et Thundercat – notamment sur After Last Night, superbe morceau funk dans lequel on peut aussi entendre la basse d’une légende du funk, Bootsy Collins – mais ce n’est pas la première fois qu’il travaille avec .Paak : les deux se connaissent depuis plus de dix ans et ont déjà bossé ensemble sur d’autres projets comme le trio néo-funk de The Sa-Ra Creative Partners. Quant au fait de partager le studio avec Bootsy Collins, l’un des pionniers de la basse funk dans les années 70 et qui a joué aux côtés de James Brown et de George Clinton, Bruner qualifie l’expérience de « véritable retour aux sources. » Il se souvient avec émotion du moment où il a pu tenir les fameuses lunettes étoilées que « Bootzilla » Collins portait sur la pochette de son album Bootsy? Player Of the Year (1978). « Elles sont iconiques dans l’histoire du funk. Ça m’a fait un bien fou de les tenir un instant dans mes mains, elles m’ont donné envie d’assumer davantage ce que je suis vraiment, de ne pas me cacher. » Il paraît qu’un chat a neuf vies. Autant de vies, autant de résurrections pour notre matou : revoilà Thundercat maintenant, bien campé sur ses pattes, les oreilles dressées vers de nouvelles aventures. Il a enterré plus d’amis chers que la plupart des gens peuvent espérer trouver d’amitiés dans une vie. Il a posé sa patte et sa voix de velours dans le monde de la musique sans jamais perdre son âme de joueur. Aujourd’hui, pas question de se reposer sur un canapé au coin du feu : « Je suis encore en train de me découvrir, et je vais continuer à travailler sur moi pour devenir meilleur. » Décidément, ce chat du tonnerre a toujours le feu sacré. theamazingthundercat.com Instagram : @thundercatmusic
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Voile
Loup de mer Le navigateur argentin SANTIAGO LANGE, 60 ans, est un exemple en matière de combativité : non content d’avoir remporté quatre titres de champion du monde et trois médailles olympiques en cinq décennies sur les mers, il a aussi vaincu le cancer un an avant sa dernière médaille d’or. Texte ALEXANDER NEUMANN-DELBARRE
Photos GIANFRANCO TRIPODO
TOUTES VOILES DEHORS
Santiago et sa co-navigatrice Cecilia Carranza (derrière lui) à l’entraînement sur leur catamaran en Méditerranée, au large de Barcelone.
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VENT PORTANT
Comme la plupart de leurs adversaires, notre photographe a dû se contenter d’une vue de dos sur le catamaran de Santi et Cecilia.
Voile
« C’est ce qui se passe quand je monte sur un bateau. J’oublie tout le reste. Je vis le moment présent. »
Le
plus impressionnant, ce n’est pas la vitesse folle à laquelle Santiago Lange et sa co-navigatrice, Cecilia Carranza, naviguent au large de Barcelone. Ils filent à une bonne vingtaine de nœuds, soit près de 40 km/h, et ce n’est qu’en les suivant en bateau à moteur que l’on peut se faire une idée de ce que cela veut dire. Le plus impressionnant, ce n’est pas non plus ce bruit qui enfle, entre vibrations, fouettements et claquements, quand le catamaran, tel un étalon sauvage, prend de la vitesse et s’élance à travers les vagues et les embruns. Le plus impressionnant, ce n’est pas non plus Santiago, suspendu au trapèze au-dessus de l’eau, et dirigeant mille choses à la fois tout en lisant le vent. Le plus impressionnant, c’est son air parfaitement serein en toutes circonstances. Il semble totalement concentré sur lui-même et profondément absorbé par ce qu’il fait. Ça doit être cela, le flow dont parlent les psychologues. Logique : qui ne serait pas dans le flow sur un catamaran à pleine vitesse après sept participations aux Jeux olympiques et trois médailles, d’innombrables championnats du monde et quatre titres de champion du monde, des expériences extrêmes pendant la Coupe de l’America et l’Ocean Race et plus de cinq décennies passées en mer ? À ceci près que les choses ne se sont pas forcément passées dans cet 69
Voile
ordre pour Santiago Lange. Ça a commencé par le flow et ensuite sont venus l’expérience et le succès. Quelques heures avant la séance d’entraînement en mer, Santiago – en jeans, baskets et casquette – est assis dans un café de la petite marina près du Barcelona International Sailing Center. Son âge se devine tout au plus aux quelques rides sur son visage. À voir sa musculature et son énergie, il semble bien plus jeune.
Quand Santiago était enfant, à la maison l’ambiance était stricte, mais en mer, il était libre
À la table d’à côté, des pêcheurs boivent la bière de midi qui conclut leur journée de travail. Santiago commande un cappuccino, puis commence à parler. D’une vie faite de hauts, comme l’or à Rio en 2016, de bas, comme son cancer l’année d’avant, et d’expériences qui lui ont beaucoup appris. Comme le fait que pour apprendre, il faut avant tout être libre. Que c’est une chance énorme d’avoir une passion dans la vie. Et qu’une table n’a pas forcément besoin d’avoir quatre pieds. Cela fait déjà quelques années que Santiago passe la moitié de l’année à Cabrera de Mar, une ville près de Barcelone. Mais c’est à San Isidro qu’il a grandi, une charmante ville de la province de Buenos Aires, située sur la gigantesque baie qui porte le nom de Río de la Plata. Et qui est très vite devenue le terrain de jeu de Santiago. À la maison, l’ambiance était stricte, mais en mer, il était libre. « Le vendredi après l’école, j’allais au club de voile et je rentrais le dimanche soir, raconte-t-il. J’ai toujours aimé être en mer. En ce moment, on entend beaucoup parler de l’importance de vivre ici et maintenant. C’est exactement ce qui se passe quand je monte sur un bateau. J’oublie tout le reste. Je vis le moment présent. Et ça a toujours été comme ça. » Avec son acolyte, Martin, il passait tout son temps libre à parcourir la baie de Río de la Plata à la voile. C’était encore des enfants, ils faisaient des erreurs et se mettaient en danger, mais vivaient la belle vie. Une vie d’aventuriers qui leur en apprenait un peu plus à chaque expédition. « Nous avons eu le privilège d’être livrés à nous-mêmes. Pour moi, c’est la meilleure manière d’apprendre : on se lance, on fait ses propres expériences et erreurs. On pourra toujours apprendre des autres par la suite. Et je ne parle pas 70
OHÉ, CAPITAINE ! À bord, Santiago impressionne par sa capacité à anticiper. Ici, il pose pour nous au Parc del Fòrum de Barcelone.
forcément de la navigation. » Son ami Martin était encore plus doué que lui. Cela aussi, ce fut une énorme chance. Martin était à la fois son compagnon de route et son concurrent. Il lui a appris à mieux naviguer – et à travailler plus dur. Lors des championnats des jeunes de 1976, Santiago a remporté son premier titre national en Argentine – sur un Optimist, un voilier une place. À ce jour, c’est l’une de ses plus belles victoires. Santiago, 15 ans à l’époque, en a retiré deux leçons : on peut accomplir beaucoup de choses
avec de la volonté et un peu de jugeote. Et la satisfaction d’avoir atteint un objectif – une sensation géniale.
Les années sauvages en Angleterre
Santiago a découvert très tôt ce qui le passionnait : naviguer, participer à des compétitions, progresser. Mais une question le préoccupait : quelle place donner à sa passion dans sa vie ? Au départ, il fait un compromis. Comme son père insistait pour qu’il fasse des études, il a déménagé en Angleterre au début des années 1980
« Après ma séparation, à l’époque, j’ai compris une chose, raconte Santiago, c’est que si j’abandonne mes rêves pour une vie “normale”, je ne serai pas heureux. » THE RED BULLETIN
L’odyssée d’une légende
Les années 80 sont une période bénie pour lui. Santiago vit dans un squat à Southampton. L’été, malgré des poches presque vides, il se rend à des compétitions de voile en Europe. pour étudier la construction navale à Southampton. Ce fut une période bénie pour lui, il vivait dans un squat. L’été, malgré des poches presque vides, il se rendait à des compétitions de voile en Europe, tandis que l’hiver, il s’enfermait pour étudier. Un exercice d’équilibre qu’il a poursuivi après avoir terminé ses études : le jour, il travaillait dans un atelier de construction navale à Buenos Aires et le soir, il s’entraînait pour le championnat du monde de 1985 en Argentine en classe Snipe. C’est ainsi qu’il a remporté son premier titre de champion du monde. Puis, un nouvel élément est venu s’ajouter au sport et au travail : la famille. Santiago s’est marié, est devenu père et assumait alors trois rôles dans sa vie : il tentait de concilier sa carrière pro, sa vie de famille avec ses quatre enfants, et sa participation aux Jeux olympiques en 1988 à Séoul (« c’est après ces Jeux que j’ai su que j’avais le potentiel pour gagner une médaille ») et en 1996 à Atlanta (où il est déçu après sa neuvième place en Laser). Cela faisait beaucoup.
PERSONNELLE
Après son divorce, il s’est juré de suivre sa vocation
Par amour pour sa femme et sa famille, il a abandonné la voile, pris un emploi dans la distribution de surgelés et passé son temps scotché derrière un bureau, loin de son bateau. Mais il n’a pas tenu longtemps. Le couple s’est séparé, Santiago a eu le cœur brisé de devoir s’éloigner de ses enfants. Mais ce fut aussi un nouveau départ pour lui. Il s’est alors juré que plus rien ne se mettrait désormais en travers de sa vocation de navigateur. « À ce moment-là, j’ai compris une chose, raconte Santiago dans le port de Barcelone : si je renonce à mes rêves pour une vie “normale”, je ne serai pas heureux, et les gens qui m’entourent ne le seront pas non plus. Aujourd’hui, je pense que c’est la plus grande leçon que je THE RED BULLETIN
puisse transmettre à mes fils : “Soyez libres, trouvez votre passion et suivez-la.” Mais il faut être conscient d’une chose : quand on suit sa passion, la vie est comme une table avec seulement trois pieds – elle n’est pas parfaitement équilibrée. C’est le prix à payer. Il faut l’accepter. »
Au sommet de sa carrière : en route pour de nouvelles aventures !
Aux Jeux olympiques de Sydney en 2000, Santiago Lange concourait dans une catégorie plus rapide, la classe Tornado. S’il a raté le bronze aux côtés de son co-équipier, il savait qu’il avait trouvé le catamaran qu’il lui fallait. Et en effet : à Athènes en 2004, il a remporté le bronze, sa première médaille olympique. Un exploit qu’il a réitéré quatre ans plus tard, à Pékin, en 2008. Âgé de 46 ans, pensant avoir atteint l’apogée de sa carrière olympique, il décida de se retirer des Jeux. Après tout, le monde de la voile ne manquait pas de défis passionnants. En 2005, il collabora pour la première fois avec une équipe qui participe à la célèbre Coupe de l’America, la Formule 1 des navigateurs pros. En 2008, peu après les Jeux de Pékin, il participa également – pour la deuxième fois depuis 2001 – à sa troisième grande compétition de voile : l’Ocean Race, une course d’un mois autour du monde. Peu de sommeil, des tempêtes, des dangers mortels en permanence. « L’Ocean Race représente avant tout le côté aventureux de notre sport, déclare Santiago. C’est un formidable défi. Tout comme la Coupe de l’America, qui est surtout une question de technologie et de gestion. Mais pour moi, l’essence du sport, ce sont les Jeux olympiques. » Cependant, il ne s’imaginait pas y participer de nouveau un jour. Jusqu’à ce mail reçu en 2012 : « Salut Santi, j’espère que tu vas bien. Est-ce que tu viens à Buenos Aires dans les mois qui viennent ? », lui écrit à l’époque la navigatrice argentine
Retour sur les plus grands succès de Santiago Lange
1976
Le vent en poupe pour la première fois : il gagne les championnats des jeunes en Argentine en solitaire.
1983
Bon en théorie : il est diplômé en construction navale (Angleterre).
1985
Meilleur en pratique : il décroche son premier titre de champion du monde en classe Snipe (Argentine).
1986
Le bonheur : Santi épouse S ilvina. Ensemble, ils ont 4 fils. Yago et Klaus deviendront navigateurs et participeront aux JO.
Tous à bord : à Athènes en 2004 avec ses enfants Yago, Klaus, et les jumeaux Theo et Borja (de gauche à droite).
2004
Métal précieux : à Athènes, il remporte sa première médaille olympique (bronze) en classe Tornado.
ESCALE
Près de deux heures d’entraînement plus tard, Santiago et Cecilia sortent le catamaran de l’eau.
TEMPS D’ÉCHANGE Santiago (à g.), Cecilia et leur coach, Juan de la Fuente, discutent du prochain entraînement.
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THE RED BULLETIN
Voile
Cecilia Carranza, alors âgée de 25 ans. Aux Jeux de Rio en 2016 allait avoir lieu, pour la première fois, une compétition dans la classe Nacra 17, un catamaran rapide, avec un homme et une femme par équipe. Cecilia souhaitait concourir dans cette classe et demander des conseils à Santiago concernant la préparation. Ils se rencontrèrent peu après et à sa grande surprise, il lui demanda : « Et si on participait ensemble ? »
PERSONNELLE
Au départ, il n’arrivait pas à croire qu’il avait un cancer
Santiago savait qu’à son âge, il avait un énorme défi à relever. Mais il ne s’imaginait pas à quel point. Il avait déjà commencé à s’entraîner avec Cecilia pour les Jeux olympiques quand les médecins lui découvrirent un nodule dans le poumon en 2015. Il avait du mal à le croire et mit beaucoup de temps à l’accepter. Lui qui avait fait du sport toute sa vie, toujours vécu au grand air près de la mer, voilà qu’on lui annonçait, comble du sort, qu’il avait un cancer du poumon ! Mais les médecins étaient formels : il devait se faire opérer. En septembre 2015, ils lui enlevèrent 80 % du poumon gauche lors d’une opération de sept heures. Les médecins lui promirent qu’il retrouverait toute sa capacité pulmonaire. Mais Santiago, allongé sur son lit d’hôpital, occupé à souffler dans un appareil d’exercice respiratoire afin de maintenir trois petites balles en l’air, était sceptique. Il pensait aux Jeux olympiques qui allaient commencer moins d’un an plus tard. « Le fait d’être un athlète et un navigateur m’a énormément aidé pendant cette période, raconte Santiago. Déjà, en tant qu’athlète, on s’entraîne toute sa vie à surmonter les obstacles. Et puis, en tant que navigateur, on apprend à accepter la nature – on sait qu’il y a certaines choses que l’on ne peut pas contrôler. Enfin, l’envie d’aller aux Jeux de Rio a été une énorme motivation. » Neuf mois après son opération, Santiago remporta la médaille d’or à Rio avec Cecilia. Ce fut le plus grand exploit sportif de sa carrière. « Je me suis souvent demandé comment on avait réussi à remporter l’or à Rio. La réponse qui m’est venue, c’est que nous avions cette volonté et cette foi particulière en nous. Nous avons traversé des moments très difficiles ensemble, cela nous a donné de la force et a fait de nous THE RED BULLETIN
Il n’arrive pas à croire qu’il a un cancer. Lui qui a fait du sport toute sa vie, qui a toujours vécu au grand air, près de la mer. Mais les médecins lui enlèvent 80 % du poumon gauche. 2008
Second podium : à Pékin, Santiago concourt de nouveau en classe Tornado, et remporte une deuxième médaille de bronze.
2013
Grande aventure : il p articipe à la Coupe de l’America en tant que membre de l’équipe Artemis.
2016
Come-back : après avoir vaincu le cancer, il remporte l’or olympique à Rio avec Cecilia Carranza.
En 2018 aux JO de la Jeunesse à Buenos Aires, avec la judokate Paula Pareto.
2021
Tous les honneurs : il est nommé porte-drapeau de l’équipe argentine, avec Cecilia C arranza, aux JO de Tokyo.
une équipe plus soudée. Nous savions que nous pouvions relever n’importe quel défi. » Leur septième place aux Jeux de Tokyo a été « douloureuse », selon ses termes. Il trouvait malgré tout un certain réconfort dans le fait d’avoir remporté la dernière course aux côtés de Cecilia. Même si cette victoire ne leur a pas permis de décrocher une place sur le podium au classement général, ce n’était « pas une mince affaire ».
Des JO pour la huitième fois ? Pourquoi pas…
Et la suite du programme ? Santiago n’en sait encore rien. Maintenant, à soixante et un ans, il y a beaucoup de choses qu’il peut se permettre d’envisager. Se construire une vie plus équilibrée, « mettre un peu plus la table sur quatre pieds », comme il dit. Mais aussi participer encore une fois aux Jeux olympiques. La motivation est toujours là. « J’adore la compétition, explique-t-il, et j’aime me lancer des défis pour m’améliorer. D’abord parce que cela me donnera l’opportunité d’être encore plus heureux si je réussis. Et toutes ces émotions intenses que me procure le sport – la joie, l’adrénaline, mais aussi la frustration – sont une part essentielle de ma motivation. » Sans oublier une chose, bien sûr : « Aujourd’hui, quand je suis en mer, je ressens la même chose que lorsque j’étais enfant, confie Santiago. Je suis totalement concentré sur moi-même et je profite du moment présent. » Dans son livre, Wind: The Journey of My Life, Santiago Lange raconte les histoires inspirantes qui ont marqué sa vie. Éditions Pantauro, en anglais, 24 €. Écoutez Santiago Lange en entretien à Barcelone en scannant le QR code.
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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée
GEORG SUPANZ/RED BULL CONTENT POOL
SURFER SUR LES MOUTONS
Philip Köster, quintuple champion du monde de planche à voile, nous emmène à Sylt, l’île chérie des Allemands
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PERSPECTIVES voyage
« Pas de vent pour windsurfer ? Alors je fais du vélo. Sylt a tellement à offrir. » Le véliplanchiste allemand Philip Köster, quintuple champion du monde
S
ylt est pour moi un lieu très particulier et unique. Car c’est là que se déroule chaque année la Coupe du monde de windsurf, qui m’a fait vivre des moments extraordinaires. En 2012, j’ai réussi une figure que je n’avais encore jamais réalisée auparavant, un loop à 360 degrés dans les airs, suivi d’une rotation supplémentaire sur l’eau. Et pour couronner le tout, j’ai remporté la compétition. C’est un moment que je n’oublierai jamais ! Gagner la Coupe du monde à domicile devant des milliers de fans allemands sur la plage est quelque chose d’unique.
Avis de tempête sur le littoral
Un paysage typique de Sylt : le célèbre phare de List-Ost, au nord de l’île.
La Coupe du monde se tient toujours en septembre pour une raison évidente. C’est la période où les tempêtes automnales balayent l’île, offrant aux professionnels les conditions optimales à la pratique de la planche à voile. Si vous êtes à l’aise sur une planche et que vous aspirez à un peu plus d’action, venez à Sylt entre septembre et novembre : sur place, n’oubliez pas de consulter régulièrement les horaires des marées, car les vagues sont toujours plus fortes à marée haute.
Le rendez-vous des véliplanchistes pros Westerland est la principale station balnéaire de toute l’île. C’est là que se pressent la plupart des touristes pour 76
Des vagues, du bonheur, du soleil, et un Philip Köster aux anges : il vient de terminer son entraînement sur la plage de Brandenburg. THE RED BULLETIN
Ellenbogen List
Plage de Branden burg Westerland
Königs hafen
SYLT
S’y rendre En voiture : Depuis Genève direction iebüll, compter environ 14 heures N de route. Au terminal, la voiture est chargée sur le DB Sylt Shuttle. Le train auto (Autozug) atteint Sylt en 35 minutes via la digue Hindenburg. L’aller-retour en navette coûte environ 100 CHF. En avion : à partir de 197 CHF, vol Helvetic Airways de Zurich à Westerland. Durée : 1 h 50.
Allemagne
En train : de Genève, il faut compter 13 h et 20 minutes environ pour se rendre à Westerland, avec des changements à Bienne, Bâle et Hambourg.
Bon à savoir
PICTUREDESK.COM, GEORG SUPANZ/RED BULL CONTENT POOL, ALAMY, SUNSETBEACH.DE, ADOBE STOCK MAXIMILIAN REICH
Où dormir ? Où manger ? Où aller et que faire sur l’île quand il n’y a pas de vent ?
profiter de la promenade aménagée, le long de laquelle se succèdent les magasins proposant les spécialités et souvenirs du coin, et les restaurants. Le groupe de rock allemand Die Ärzte a même consacré une chanson à cette petite ville sobrement intitulée Westerland. La plage de Brandenburg, où se déroule la Coupe du monde, est mon point de chute lorsque je séjourne à Sylt. L’île se situe au nord et à l’extrême ouest de l’Allemagne, et la plage sur la côte ouest de l’île. Et comme le vent vient généralement de cette direction, la plage attire tous les véliplanchistes comme moi. Les vagues y sont idéales pour effectuer des sauts d’enfer. THE RED BULLETIN
HÔTEL Les adeptes du luxe apprécieront le Miramar. L’hôtel 5 étoiles (à partir de 230 CHF env. la nuit) propose de nombreux traitements spa. Idéal lorsque la pluie s’invite et que l’on préfère rester au chaud. hotel-miramar.de RESTAURANT Point de chute des surfeurs quand la faim les sort de l’eau, le Sunset Beach fait face à la plage de Brandenburg. Des planches de surf ornent le plafond et des photos en noir et blanc de compétitions de surf légendaires ornent les murs des lieux. On y déguste de délicieux burgers, pâtes ou poissons avec une vue imprenable sur la mer. sunsetbeach.de
La plage la plus au nord de l’Allemagne : Ellenbogen. Par temps clair, on peut y voir jusqu’au Danemark.
LOCATION DE VÉLOS À partir de 10 CHF par jour chez M+M Fahrradverleih Sylt notamment. Partez explorer les dunes pittoresques de l’île à bicyclette et laissez-vous enchanter. sylt.de
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PERSPECTIVES voyage
Philip Köster est champion de Wave, discipline où le planchiste utilise la vague pour faire des sauts grandioses.
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200 kilomètres de pistes cyclables
« Le temps à Sylt est imprévisible. C’est pourquoi on ne s’y ennuie jamais. » Philip Köster, 28 ans
La marée basse permet de laisser sa planche sur la plage et d’enfourcher un vélo pour explorer l’île. Les magasins de location sont présents à chaque coin de rue et avec 200 kilomètres de pistes cyclables, Sylt est un paradis pour les cyclistes. D’autant plus que l’île est relativement plate. Seul le vent contraire titille parfois les mollets. Qu’à cela ne tienne, il y a les vélos électriques. Le trajet de Westerland à List est un classique : une promenade d’environ 2,5 heures en suivant l’ancienne voie ferrée à travers un paysage de dunes pittoresque et de paisibles villages comme Kampen. Et si vous vous égarez, pas de panique : sur une île, tous les chemins mènent à la côte. Et une fois au bord de l’eau, le bon chemin n’est jamais très loin. philipkoester.com Instagram : @philip_koster THE RED BULLETIN
MAXIMILIAN REICH
La baie de Königshafen offre un peu plus de calme. Cela vaut autant pour le vent que pour la foule, la baignade y étant interdite. La baie se trouve au nord de l’île, entre List et la langue de terre Ellenbogen, et fait partie du parc national de la mer des Wadden. Pour moi, c’est le joyau de l’île. Entre les dunes, des phoques somnolent, des moutons paissent et des espèces d’oiseaux rares y nichent. Le windsurf reste toutefois autorisé, même si l’on y croise plutôt des touristes en goguette. Les dunes protègent la mer du vent. L’eau est généralement calme et peu profonde même à marée haute où elle dépasse rarement les hanches. Des conditions idéales pour se familiariser en toute sécurité avec les sports nautiques. Pour info, la localité est une propriété privée. Les visiteurs en voiture doivent s’acquitter d’un droit d’entrée, contrairement à ceux qui s’y rendent à vélo ou à pied.
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Surfer et observer
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PERSPECTIVES biohacking PLUS D’ÉNERGIE
Et que ça saute ! Tous les mois, le biohackeur professionnel Andreas Breitfeld nous donne ses conseils pour vivre mieux. Aujourd’hui : sauter pour activer sa centrale énergétique intérieure.
En apesanteur l’espace d’un instant, le corps s’étire avant de se contracter à l’atterrissage, ce qui a pour effet d’activer l’ensemble des cellules.
Q
ui n’a pas connu ces matins douloureux où sortir du lit pour aller se brosser les dents a tout d’une épreuve herculéenne et où les pensées et les gestes fonctionnent au ralenti, comme englués dans un marasme intérieur ? Pas d’inquiétude, sortir du trou n’est l’affaire que de quelques instants, ou plutôt que de quelques bonds. Et même si vous ne possédez pas de trampoline, trois petites minutes de sauts sur place suffisent pour refaire le plein d’énergie.
Nos micro-locataires
Turbo pour les cellules Sauter active la pompe à protons dans la mitochondrie (centrale énergétique cellulaire), ce qui crée un apport d’énergie sous forme d’ATP.
ANDREAS BREITFELD, 49 ans, est un biohackeur réputé en Europe, et le plus connu d’Allemgne. Il est chercheur à Munich. En termes simples, le BIOHACKING englobe tout ce que les gens peuvent faire eux-mêmes pour améliorer leur santé, leur q ualité de vie et leur longévité.
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THE RED BULLETIN
SASCHA BIERL
ATP
ANDREAS BREITFELD
Mitochondrie
PERSONNELLE
Cellule
Pour mieux cerner le processus, retournons sur les bancs du collège et plus précisément en cours de biologie (j’invite ceux qui bâillent déjà à aller sautiller un peu avant de poursuivre cet article). À l’époque, nous avons appris que nos cellules étaient peuplées de micro- organismes appelés mitochondries ; véritables usines électriques, ces dernières fournissent l’énergie nécessaire à notre tonus grâce à l’action déterminante d’une pompe à protons qui provoque une réaction en chaîne produisant de l’adénosine triphosphate, ou ATP, le carburant de la cellule. Faire des sauts ou des mouvements de haut en bas agit comme un réacteur : chaque cellule est activée et alimentée en eau, oxygène et nutriments.
PERSPECTIVES playlist
MIKE LOVE
Ses good vibrations
Mike Love, fondateur des Beach Boys, révèle les chansons qui le font vibrer. Et pourquoi il aurait pu donner sa dernière chemise hawaïenne à Chuck Berry. Pour la playlist du Red Bulletin, Mike Love, 81 ans, a ressorti ses tubes préférés. Dans un podcast à écouter sur Spotify, il nous dévoile les secrets de sa sélection. Avec des classiques comme California Girls, I Get Around, Do It Again et Good Vibrations, les Beach Boys ont vendu plus de 100 millions de disques, enregistré 29 albums studio et décroché d’innombrables succès dans le Top 50. Leur carrière s’étend sur plus de six décennies. Les frères Brian, Carl et Dennis Wilson, leur cousin Mike Love et leur ami d’école Al Jardine ont commencé leur carrière en 1961. Aujourd’hui, Mike Love est le seul membre fondateur restant des Beach Boys. Il part cette année en tournée d ’anniversaire avec de nouveaux musiciens. Soixante ans plus tôt, les Beach Boys enregistraient leur premier album, Surfin’ Safari.
UDO SPREITZENBARTH
MARCEL ANDERS
Scannez ce QR Code et écoutez la playlist Spotify de Mike Love. thebeachboys.com
THE FIVE SATINS
IN THE STILL OF THE NIGHT (1956) « Nous nous sommes largement inspirés du doo-wop des années 50, un sous-genre du rythm’n blues. Le groupe The Five Satins a produit des chansons sublimes, telles que In the Still of the Night. On n’arrêtait pas de la chanter. Je jouais de la basse et mon cousin Brian jouait les passages aigus. In the Still of the Night était un hit à cette époque ! » THE RED BULLETIN
THE REGENTS
CHUCK BERRY
THE EVERLY BROTHERS
BARBARA-ANN (1961)
SWEET LITTLE SIXTEEN (1958)
DEVOTED TO YOU (1959)
« Notre chanson Barbara Ann était en fait une reprise. À l’origine, c’est un titre des Regents, un groupe de la côte Est des USA. Leur arrangement musical était super. Brian s’en est inspiré et on l’a utilisé sur notre album Beach Boys’ Party!. Nous n’avions pas du tout imaginé qu’il deviendrait ce hit phénoménal, en tête des hits-parades, même avant Pet Sounds. »
« C’est ce titre qui nous a inspiré la chanson Surfin’ USA. Un jour, j’étais assis à côté de Chuck Berry dans un avion, et il m’a dit : “Ça me plaît beaucoup ce que vous avez fait avec ma chanson Sweet Sixteen.” On recevait la bénédiction du maestro ! D’ailleurs, les ayant-droits sont Chuck Berry et Brian Wilson. On m’a oublié, alors que les paroles sont de moi. »
« Ados, les Everly Brothers étaient nos modèles à Brian et moi. Le mercredi soir, on se rendait aux soirées que notre paroisse organisait pour les jeunes du coin en fredonnant leurs chansons. Avec ma soeur, on a travaillé sur l’arrangement pour élargir la gamme. Les Everly B rothers ont écrit de nombreuses chansons plus belles les unes que les autres, et celle-ci est ma préférée. »
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PERSPECTIVES gaming Jeune influenceuse sur TikTok et Twitch, F1elly est tombée dans la F1 un peu par hasard… et cela lui a p lutôt bien réussi.
mais pas sûr que ce soit la réponse la plus efficace. » Encourager davantage de femmes à pratiquer le sim racing l’intéresse plus. « Sans vouloir offenser Women’s Wildcard de F1 Esports, les femmes peuvent gagner une place dans une course d’exhibition, je pense avoir de meilleures idées pour inciter le sim à plus s’ouvrir aux filles. »
Faire preuve d’humour
Comment intégrer une écurie F1 esports et s’y faire entendre ? L’improbable nouvelle star du sim racing vous dit comment.
« En pleine pandémie, j’ai créé quelques vidéos TikTok sur Among Us (jeu d’ambiance multijoueurs populaire se déroulant dans un univers de science-fiction, ndlr) et ça a cartonné. » Désormais, elle a 230 000 abonnés, et crée des contenus pour Red Bull Racing. Comment a-t-elle fait pour devenir influenceuse de jeux vidéo ? « Au départ, je n’utilisais ni I nstagram ni Twitter, et ignorais l’existence de Twitch. Mais je m’intéressais à la F1 et surtout aux radios des pilotes, qui diffusaient leur vécu au volant. » Elle crée alors des vidéos humoristiques sur la F1. La réaction sur TikTok est immédiate. Aujourd’hui, Elly s’initie au sim racing avec Sebastian Job, pro de Red Bull Racing 82
Esports. « Le sim racing m’a ouvert les portes de Twitch », explique-t-elle à propos de sa chaîne où elle diffuse aussi ses tests de jeux nouveaux comme F1 22 (photo). Voici les conseils détaillés d’Elly pour réussir dans ce milieu…
User de son influence
« Je suis une femme et j’ai un public, déclare Elly en direction d’une minorité en ligne à qui cela déplaît. C’est curieux de voir comment certain.e.s rapportent tout au genre. J’adore les troller en retour,
Trouver sa formule
« Beaucoup de jeunes aspirent à devenir influenceur sans montrer leur visage. » Elly recommande au contraire de se créer une image et de ne jamais stagner. « Au départ, la F1 n’était qu’un jeu. Désormais, je m’intéresse à sa réalité, à la Moto GP, aux courses d’endurance et à la Formule Drift. » Une fois votre formule trouvée, assumez-la. « Soyez constant tout en vous renouvelant. Ainsi vous grandirez. »
« Je veux inciter le sim racing à plus s’ouvrir aux filles. » F1elly
Cultiver tous ses talents
« Je m’amuse à réaliser des streamings de cuisine pour HelloFresh, explique Elly au sujet de la diversification de ses contenus. Me voir évoluer dans d’autres contextes amuse mes abonnés. Je m’efforce d’être une automobiliste irréprochable dans la vraie vie. » Ses streamings de cuisine rencontrent un franc succès, mais sont loin d’égaler ceux de la F1. « La piètre cuisinière que je suis a encore beaucoup de progrès à faire. » F1elly sur TikTok, Twitch, YouTube et Instagram : @F1elly. F1 22 sur PlayStation, Xbox et Windows ; ea.com THE RED BULLETIN
TOM GUISE
Permis de conduire
@F1ELLY
RÉUSSITE
En ce moment, Elly se prépare pour la Porsche Esports Supercup (PESC) All-Stars, une course réservée aux influenceurs. « J’ai sous-estimé le niveau. Ces gars-là vont vite. » L’expérience lui a appris qu’il ne faut pas prendre la chose trop au sérieux. « Si vous leur dites que ce n’est qu’un jeu, ils se fâchent. Mais cela n’en est pas moins du sim. Je les taquine quand même un peu. »
PERSPECTIVES gaming
L’idée est pour le moins originale : voici une console de jeu moderne munie d’une manivelle oldschool qui s’actionne dans certains jeux.
JOUER
Coup de pouce
AARON LEE
L’histoire longue et sinueuse d’une machine de jeux née par amour et qui renverse l’art du gaming.
« Et si on ajoutait une manivelle ? » C’est l’une des nombreuses idées à l’origine de Playdate, nouvelle console de jeux au look atypique. Tout a commencé en 2011 avec une idée de Steven Frank et Cabel Sasser de Panic Inc., une société américaine de logiciels qui fabrique des applis de transfert de fichiers et de lecteurs MP3. Pour leur quinzième anniversaire, ils voulaient offrir à leurs clients les plus fidèles un cadeau spécial. Malgré leur manque d’expérience en informatique, ils ont décidé de construire une console portable. La rencontre avec l’agence chargée de la THE RED BULLETIN
conception a viré au fiasco. L’anniversaire est passé, puis onze années... Finalement, la console a vu le jour en avril dernier. Dotée d’un écran en noir et blanc, la Playdate reçoit par Wi-Fi deux nouveaux jeux par semaine pendant douze semaines. Et la manivelle est utilisée pour jouer à nombre d’entre eux, notamment Crankin’s Time Travel Adventure (photo), qui permet aux joueurs d’avancer et de reculer dans le temps. Playdate est si populaire que les commandes passées aujourd’hui ne seront pas expédiées avant 2023. Mais la patience sera récompensée. play.date
Construite par les designeurs de Teenage E ngineering, la console Playdate sera bientôt déclinée en enceinte-porte-stylo Bluetooth.
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PERSPECTIVES le coin lecture
« Yippee ki-yay, pauvre con ! » Avec sa série de romans Parceval, Chris Landow s’est fait un nom dans le panthéon de la littérature d’action US tout en s’aventurant en terre inconnue. Texte JAKOB HÜBNER
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e vous fiez pas aux sonorités très british de l’auteur et de son célèbre protagoniste Parceval. En effet, derrière le pseudonyme de Chris L andow se cache l’un des auteurs allemands les plus vendus de l’espace germanophone, avec des best-sellers traduits dans une douzaine de langues. Il a manifestement l’intention d’explorer, afin de le conquérir, le territoire anglo-américain de la littérature à suspense,
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concrètement celui du thriller d’action classique mené par un personnage comme une « armée à lui tout seul ». Ce Parceval n’a donc pas grandchose à voir avec un chevalier sans peur et sans reproche. Ici, il ne s’agit pas d’« un pour tous », mais plutôt d’« un contre tous ». Ralf Parceval, 36 ans, est un ex-agent de la police fédérale. Il est en Afghanistan dans le cadre du German Police Project Team en tant que formateur de la police
nationale locale. Lorsque ses recrues sont massacrées comme des bêtes et que sa sœur et sa nièce sont enlevées pendant l’attaque d’une milice terroriste sur le camp d’entraînement, Parceval disjoncte. Le policier d’élite passe en mode Rambo, traque les tueurs dans leur repaire et provoque à lui seul un bain de sang dans lequel on patauge. Depuis, Parceval, auteur de quinze meurtres, est incarcéré dans une prison fédérale allemande, rongé par le remord. Non pas à cause des quinze morts, mais à cause des deux membres de sa famille qui manquent toujours à l’appel. Jusqu’au jour THE RED BULLETIN
VINZ SCHWARZBAUER
ACTION THRILLER
Parceval ‒ Entre deux fronts, Chapitre 1, 1er paragraphe (librement adapté) Les dealers avaient mis au point un système de vente intelligent. À condition de se placer à leur niveau d’intelligence. Mais comparé à celui de Parceval, on n’était guère loin de l’amateurisme complet. Non pas que Parceval s’en plaignait. Cela lui facilitait la tâche de dévaliser les dealers. Tout au plus ressentait-il un léger agacement à l’idée que de tels contorsionnistes de l’esprit arrivaient à gagner de l’argent avec leurs projets.
où il parvient à s’évader... C’est à ce moment-là que nous, lecteurs, entrons dans le récit. Le premier tome de cette série en quatre parties est paru en 2019. Et il commence de manière un peu chaotique. Chris Landow impressionne par son rythme mais dans le feu de l’action, il n’arrive pas à faire ressortir son personnage. Il ne maîtrise pas tout à fait le caractère de celui-ci : il a certes la peau dure, mais guère de cœur. Malgré tout, cela vaut la peine de s’accrocher. Car dès le second tome, les choses sont nettement différentes. Landow s’est acclimaté au genre. Et l’on peut affirmer sans crainte qu’il s’est, dans l’intervalle, particulièrement bien documenté auprès de Ralf Seeger (mâle alpha du groupe allemand des Harte Hunde) avant d’envoyer Parceval au cœur d’une guerre sans merci entre deux bandes mafieuses rivales. Soudain, ce type a, en plus du relief physique, le relief psychique qui lui permet de se contenter d’un rictus lorsqu’on lui brandit un 357 magnum sous le nez. Dans le troisième tome, Ralf Parceval résout une prise d’otages à grande échelle dans la P hilharmonie de l’Elbe à Hambourg en semblant suivre la réplique culte de John McClane (Die Hard) : « Yippee ki-yay, pauvre con ! » Le terme « résout » n’est THE RED BULLETIN
peut-être pas tout à fait approprié étant donné que la moitié de la célèbre salle de concert sera complètement détruite dans ce troisième tome paru en 2021. Nous ne révélerons pas si le dernier tome, Zwischen den Fronten (trad. Entre deux fronts, paru en 2022 en allemand), se conclut par un happy end. Ce que nous pouvons dire en revanche, c’est que Landow puise une fois de plus sans complexe dans les trésors du genre et sa grande épreuve de force, sous la forme d’une mission impossible, est menée sur les chapeaux de roue... Bien sûr, on peut dire que tout cela a déjà été fait. C’est vrai. Mais pas en plein cœur de l’Allemagne. Et c’est justement ce qui donne à cette série de thrillers une saveur nouvelle et tout à fait séduisante.
CHRIS LANDOW Parceval – Zwischen den Fronten En allemand chez Blanvalet
SUGGESTION DE LIVRES
Littérature légale Quatre auteurs de best-sellers qui transforment les textes de loi en littérature à suspense.
JOHN GRISHAM Après plus de trente best- sellers tirés à près de 300 millions d’exemplaires, le roi incontesté du thriller judiciaire ne montre aucun signe de f atigue. Dans son dernier coup d’éclat dans ce genre, John Grisham, 67 ans, attaque les piliers du système judiciaire américain en faisant entrer le loup dans la bergerie, c’est-à-dire, ici, un juge meurtrier. The Judge’s List (en anglais ; pas encore traduit en français)
STEVE CAVANAGH Dans son quatrième roman mettant en scène l’avocat peu conventionnel Eddie Flynn, le célèbre auteur irlandais Steve Cavanagh, 46 ans, met en place le jeu perfide du chat et de la souris dont le rythme, paradoxalement, s’accélère à mesure que le labyrinthe dans lequel il précipite ses lecteurs se resserre. Le point de départ : Cavanagh ne met pas le tueur sur le banc des accusés, mais dans le jury... Treize (Bragelonne)
GIANRICO CAROFIGLIO Avant de se consacrer à la fiction, Gianrico Carofiglio, né à Bari sur la côte adriatique en 1961, s’est rendu célèbre en tant qu’avocat anti-mafia. Il sait donc parfaitement que chaque mot compte dans la salle d’audience. Et c’est ainsi qu’il écrit. Jusqu’à présent, l’avvocato Guerrieri a livré six plaidoiries dans des polars judiciaires qui résistent, d’un point de vue littéraire, à tout contre-interrogatoire. Témoin involontaire (Rivages)
MICHAEL CONNELLY L’auteur américain Michael Connelly, 65 ans, plusieurs fois récompensé, est surtout connu pour ses thrillers psychologiques autour du personnage de « Hieronymus Bosch » et ses récits true crime. Avec le personnage de Mickey Haller, il a en outre réussi le tour de force de rendre sympathique un avocat véreux dont le bureau se trouve à l’arrière d’une Lincoln Town Car. La défense Lincoln (Calmann-Lévy)
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TU ME LIS UNE HISTOIRE ? CALM Comme son nom l’indique, Calm est une application qui vous aide à dormir et à vous détendre. Il vous s uffit de l’installer dans une langue choisie puis de sélectionner une histoire ou une méditation qui vous guideront en douceur dans les bras de Morphée... peut-être même au son d’une voix connue. calm.com
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Ceci n’est pas une voiture de sport classique. Mais ce n’est pas non plus une berline familiale électrique typique. La Porsche Taycan Sport Turismo comble l’écart entre les deux, avec ses 326 chevaux et son autonomie de presque 500 kilomètres. porsche.ch
THE RED BULLETIN
PERSPECTIVES tendance VERRE ÉCLAIR LUNETTES DE SOLEIL BOT PAR OUT OF Une merveille étanche de 32 grammes ! En passant du plein soleil à l’obscurité d’un tunnel, les verres s’adaptent instantanément. C’est la première paire de lunettes dotée d’un verre en instance de brevet : il adapte sa teinte en 0,09 seconde (!) aux conditions de luminosité. out-of.com
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Que du bon !
Une Porsche pour toute la famille, des lunette à énergie solaire, et un marqueur de temps haute fréquence.
AU PIED DE LA LETTRE LONGINES ULTRA-CHRON La « précision suisse » n’est pas qu’une formule toute faite. La marque horlogère Longines le prouve depuis 190 ans. Dernier jalon en date : la montre Longines Ultra-Chron. Son mécanisme de haute précision mesure le temps en dix pulsations… par seconde ! longines.com
THE RED BULLETIN
NOS VILLES, CES TERRAINS DE JEUX UN OUVRAGE DÉDIÉ AUX SPORTS URBAINS Du nightriding à Lisbonne, du freerunning à Venise, du ballet sur un BMX… L’album Urban Sports rassemble des photos exceptionnelles ainsi que des histoires fascinantes pour en faire un livre, accessible à tous, sur ces sports modernes. En allemand. Éditions Pantauro
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PERSPECTIVES apprendre
doivent pas forcément être exceptionnelles. Cela peut être aussi simple que : “Un collègue de travail a remarqué que je traversais une période difficile et m’a envoyé un message sympa.” » Vous avez du mal à trouver un moment positif ? « Pensez au moins pire. À la longue, même dans les journées les plus difficiles, vous chercherez les bonnes choses et les savourerez. »
Partagez l’amour
Vous trouvez qu’il y a trop de négativité dans ce monde ? Peut-être que vous ne voyez pas les choses du bon côté…
“A
lways look on the b right side of life…” chantait Eric Idle des Monty Python. Difficile à faire dans un monde qui semble de plus en plus fou et incertain. « Qui ne souhaite pas être heureux ou plus heureux ? », interroge la psychologue anglaise Vanessa King, qui défend ce qu’on appelle la théorie de l’élargissement et de la construction des émotions positives développée par la psychologue méricaine Barbara Fredrickson, qui suggère qu’une attitude positive peut générer un engagement plus fort, davantage d’action et une spirale ascendante de positivité partagée. Mais comment faire pour que cette bonne énergie circule ? Voici les étapes du bonheur selon King. 88
Mesurez votre plaisir
La philosophie grecque identifie deux types de bonheur : hédoné (le plaisir) et eudaimonia (l’épanouissement dans la vie). Le défi consiste à équilibrer ces aspects à court et à long termes. « Lorsque l’on travaille à quelque chose d’épanouissant, comme un nouveau projet ou une nouvelle relation, il arrive que l’on ne se sente pas bien sur le moment. Ainsi, de petits moments d’hédonisme, comme le plaisir instantané d’un bon petit plat ou d’un beau paysage, peuvent aider en cours de route. »
Reconfigurez-vous
Êtes-vous du genre à voir le verre à moitié vide ? C’est normal, c’est un instinct de
survie. « Notre cerveau a évolué avec une tendance à la négativité, car il est programmé pour détecter les dangers. » Ce que nous devons faire, dit-elle, est de recalibrer cette tendance naturelle en utilisant les méthodes suivantes...
Focus sur le positif
Une des pratiques suggérées par King est de réfléchir à trois bonnes choses de votre journée et de les noter. « Elles ne
« Les émotions désagréables ne sont pas mauvaises. » Vanessa King, psychologue
Persévérez
Maintenant que vous avez puisé dans votre positivité intérieure, entretenez-la. Pour cela, dit King, il faut adopter une nouvelle perspective sur ce que vous ressentez. « Parler d’émotions “positives” et “négatives” est trop simpliste. Si nous parlons de “plaisant” et de “désagréable”, ou de “plus heureux” plutôt que de “bonheur”, c’est plus réaliste et donc plus durable. » 10 Keys to Happier Living de Vanessa King, disponible sur actionforhappiness.org THE RED BULLETIN
RACHAEL SIGEE
Ondes positives
JOHN EMMERSON
LES CLÉS DU BONHEUR
Lorsque nous échangeons des moments agréables avec d’autres, notre cerveau produit une substance chimique de bien-être appelée ocytocine, « hormone de l’amour » : elle est aussi libérée pendant les rapports sexuels, l’accouchement (pour l’accélérer) et facilite l’attachement mèreenfant. « Elle nous rapproche des autres. Vous pouvez la stimuler. Si quelqu’un vous fait part de quelque chose de bien qui lui est arrivé, engagez le dialogue, posez des questions. Ce sera bon pour vous aussi. »
PERSPECTIVES agenda
EVOLUTION OF CLIFF DIVING
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et 20 août 3X3 BASKETBALL AU LAC LÉMAN Les meilleurs joueurs du monde de basketball et des dunkers professionnels feront le show lors du Fiba 3x3 World Tour Lausanne Masters presented by Yuh dans une arène spécialement bâtie au bord du Lac Léman. Quatre sessions sont prévues, à partir de 13 h 30 le vendredi et 16 h le samedi. Tarif : dès 5 CHF… Infos : fiba3x3.com
21 13 août RED BULL DANCE YOUR STYLE
août STREET PARADE
Lorsque les meilleurs danseurs du pays se livrent à des battles de street dance sur la place de la Navigation à Lausanne et que les DJ donnent le ton, cela ne peut signifier qu’une chose : Red Bull Dance Your Style Switzerland est de retour ! Vous voulez faire partie du jury ? Alors participez, car c’est le public qui choisira le vainqueur sur place. Infos : redbull.com/danceyourstyle
La parade house & techno la plus colorée du genre aura lieu cette année encore à Zurich. Le 13 août, des centaines de milliers de fêtards feront le voyage pour danser au son d’une trentaine de Love Mobiles multicolores. Après le défilé, la fête se poursuivra jusqu’à minuit sur de nombreuses scènes, comme ici la Zurich Sound Stage by Rakete. streetparade.com
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FIBA 3X3, ROMINA AMATO/RED BULL CONTENT POOL, JEAN-CHRISTOPHE DUPASQUIER/RED BULL CONTENT POOL
Les Red Bull Cliff Diving World Series font avancer l’évolution du plus vieux sport extrême au monde. Dans le documentaire de 26 minutes intitulé Evolution of Cliff Diving, les meilleurs plongeurs de haut vol de la planète nous font part de leurs réflexions et de leur passion audacieuse. Du pionnier Orlando Duque, présent depuis vingt ans sur la scène, à Gary Hunt, nommé neuf fois champion du monde, ce documentaire montre à quel point cette discipline sportive et sa réputation ont évolué au cours du dernier quart de siècle. À voir sur Red Bull TV.
B O U L E VARD DES HÉRO S
ELLA FITZGERALD & NORMAN GRANZ
LA CHANCE D’UNE VIE
L’auteur MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins de personnages inspirants dans le respect des faits et de sa liberté d’écrivain. Ce mois-ci, comment la First Lady du jazz a conquis les plus grandes salles des États-Unis.
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BELICTA CASTELBARCO, CLAUDIA MEITERT MICHAEL KÖHLMEIER
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GETTY IMAGES (3), PICTUREDESK.COM
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esdames, mesdemoiselles, mescompris, quelques années après, ce qui avait sieurs. » Une pause. Dans la salle, tant choqué le public blanc ce soir-là. Mais on entend quelques toussotealors, pourquoi ce concert d’Ella Fitzgerald ments, des sièges qui grincent, fit-il scandale ? des murmures. Nouvelle tentative : Pour quatre raisons. « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, D’abord, parce qu’une grande salle de c’est dimanche aujourd’hui. » Une autre pause, spectacle accueillait un concert de jazz, MICHAEL KÖHLMEIER une musique habituellement jouée dans plus longue cette fois. Dans la salle, plus L’écrivain autrichien d’un millier de spectateurs. Tous des Blancs des petits clubs souterrains. Deuxièmement, est considéré comme – l’entrée est interdite aux Noirs. Regards parce que le présentateur avait comparé l’un des meilleurs conteurs du monde gercette soirée-là au jour du Seigneur. Troisièéchangés, perplexes : mais enfin, on n’est pas manophone. Dernière mement, parce qu’il avait donné à une chandimanche, c’est vendredi aujourd’hui ! Une parution en français : teuse noire le titre de « First Lady », l’épouse erreur du présentateur ? Peut-être une faute La petite fille au dé à du président. Enfin – et ce fut sans doute ce intentionnelle, mais pourquoi ? Le présentacoudre, 2017. teur reprend : « Mesdames, mesdemoiselles, qui scandalisa le plus : le présentateur avait messieurs, c’est dimanche aujourd’hui et je utilisé « madame » en parlant d’une femme suis fier… » – Ah, c’était donc bien intentionnel ! « Je suis noire, a fortiori devant un millier de Blancs. fier d’avoir l’honneur d’accueillir ici… notre First Lady. » Le présentateur était à la fois l’organisateur de la Qui ça ? La First Lady ? Mamie Eisenhower ? L’épouse soirée, le producteur d’Ella Fitzgerald et l’un de ses plus du président des États-Unis est dans cette salle ? Elle fidèles amis. Son nom : Norman Granz. s’intéresse donc au jazz ? Peut-être même que Dwight Gagner de l’argent, soutenir les meilleurs artistes D. Eisenhower est là aussi, alors ? Mais pourquoi ne de jazz et combattre le racisme – un tel projet pourrait nous a-t-on rien dit, on aurait mis d’autres vêtements, suffire pour toute une vie. Ce fut la mission et l’accomplissement de Norman Granz. Très tôt, il avait compris un peu plus chics que pour un concert de jazz ! L’excitation monte, on se retourne, on scrute la salle du regard : que pour réussir les deux premiers volets de son projet, où se cache donc le couple présidentiel ? « Mesdames, il fallait s’attaquer au troisième. mesdemoiselles, messieurs, c’est dimanche aujourd’hui our une simple raison : c’était dans les prestigieuses et je vous demande d’accueillir avec moi… madame Ella salles de concert que l’on faisait de l’argent, pas Fitzgerald, la First Lady du jazz ! » Silence. Pas un mot. dans ces clubs miteux et enfumés qui avaient fait Les sourcils se lèvent, les bouches s’entrouvrent… la gloire du jazz des premières heures. Pour que les Visages indignés, offusqués. Oui : cette phrase fit scandale à l’époque, ce fut même un triple, que dis-je, artistes noirs puissent espérer faire carrière dans le un quadruple scandale. jazz, il fallait qu’ils sortent de la scène underground, Et comme tous ces scandales qui ont réussi à faire à l’atmosphère si particulière mais qui ne permettait bouger les lignes, à changer les mentalités, celui-là a pas aux musiciens d’être payés comme leurs collègues vite été oublié, à tel point que plus personne n’aurait blancs. Or, à l’époque, les grandes salles de concert
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B OUL EVAR D DES HÉ RO S
ne s’intéressaient pas (encore) au jazz, encore moins quand il s’agissait de musiciens noirs. Né en 1918, Norman Granz a grandi à Los Angeles dans une famille d’immigrés juifs ukrainiens. Il racontera plus tard que son enfance avait été bercée par le brassage des langues et des cultures. Dans son quartier, il entendait parler douze langues différentes et personne ne savait vraiment définir ce qu’était un étranger. Mais c’était l’époque honteuse de la ségrégation et lorsque le jeune homme se rendait à un événement public, il devait choisir le secteur des Blancs, séparé de celui des Noirs par de grosses cordes rouges dont la peinture collait aux mains, histoire de stigmatiser l’audacieux qui avait tenté de franchir les lignes. Un système pervers et cruel. Ce racisme structurel, Norman Granz l’avait toujours eu en horreur. L’un des bons amis de son père était noir, un mécanicien du nom de Joe Bettis. Quand les deux hommes se retrouvaient pour une partie d’échecs, ils se cachaient à l’intérieur – hors de question d’utiliser la terrasse. Un jour où il faisait trop chaud, Joe Bettis retira sa chemise, et le petit Norman, qui avait huit ans, découvrit, sidéré, les longues cicatrices qui zébraient le dos de leur invité. Quand il fut parti, Norman interrogea son père… et son père lui raconta. Dès son plus jeune âge, Norman s’était pris de passion pour la musique noire. Mais c’était une musique cantonnée aux sous-sols enfumés des clubs, hors de portée des grandes salles et de la manne financière qu’elles représentaient. Et pourtant : quels trésors elle décelait, cette musique ! Dizzy Gillespie, Oscar Peterson, Charlie Parker, Coleman Hawkins, pour ne citer que quelques noms, et puis bien sûr… Ella Fitzgerald. Une voix unique au monde qui mêlait virtuosité et nonchalance dans une pureté qui n’avait jusqu’alors jamais été entendue – et qui resterait d’ailleurs un cas unique dans l’histoire du jazz. Ella Fitzgerald savait gazouiller comme un oiseau puis faire chuter son timbre dans un grondement sourd avant d’exploser à nouveau en un éclair de lumière. Elle savait faire vibrer ses longues plaintes lascives en les émaillant de cris de joie, ou briser le vibrato d’une chanteuse d’opéra en éclatant d’un gros rire franc et sonore – sans jamais dévier de sa tonalité. Décrivant la tessiture de sa voix, qui couvrait sans aucun effort plus de trois octaves, un critique écrivit : « C’est comme si Dieu et le Diable s’étaient unis pour bâtir une cathédrale. Telles des pierres, les notesfendent l’air pour s’unir en un édifice qui surpasse notre monde, la seule œuvre que Dieu et le Diable aient créée à l’unisson. »
Que l’on donne le titre de « First Lady » à une chanteuse noire, voilà ce qui avait choqué le public ce soir-là.
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lla Fitzgerald était un miracle. Mais le public blanc devait souvent se contenter, dans les débuts, de sa voix gravée dans les sillons d’un disque : les salles des Blancs étaient interdites aux Noirs, et rares étaient les Blancs qui s’aventuraient seuls dans les jazz-clubs des Noirs. La ségrégation ne pesait pas seulement sur les communautés noires, et tous les Blancs n’étaient pas des racistes…. Prenez par exemple Marilyn Monroe : une grande admiratrice d’Ella Fitzgerald qui, comme Norman Granz, abhorrait le racisme de cette époque. Et qui considérait comme une honte injustifiable le fait que cette immense artiste ne reçoive ni le respect ni la notoriété qui lui étaient dus. Marilyn avait de puissants amis et sut les utiliser, ainsi que sa propre notoriété, pour faire avancer la carrière de son amie – avec l’indéfectible soutien de Norman Granz. Marilyn Monroe était elle-même une chanteuse reconnue et une amitié solide se noua entre les deux femmes. Norman Granz avait lancé un nouveau projet, « Jazz At The Philharmonic », qui prévoyait d’organiser de grands concerts de jazz dans les salles normalement réservées à la musique classique. Marilyn et Norman avaient vu grand, bien plus grand que le Carnegie Hall, qui était certes le bastion d’un public exclusif – et exclusivement blanc – mais qui se trouvait à New York, une ville déjà acquise aux idées antiségrégationnistes. Ce qu’il fallait viser, c’était le Sud, celui où l’on hissait encore, devant chaque maison le dimanche, le drapeau des Confédérés. C’était ça, le territoire à conquérir : ces États où dans les bus, une femme noire devait laisser sa place à un passager blanc. Première salle de cette tournée légendaire : l’Orpheum Theater à Memphis, dans le Tennessee. Chuck Berry raconta un jour une anecdote au sujet de cette prestigieuse adresse : quand il était gamin, lui et ses copains s’étaient amusés à grimper les marches du théâtre en pariant sur celui qui parviendrait à se rapprocher le plus près de l’entrée avant de se faire chasser par le concierge. À cette époque, les Noirs n’avaient même pas le droit d’emprunter les marches devant le bâtiment – et Ella Fitzgerald se tenait, ce soir-là, à l’intérieur, dans la grande salle : « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, je vous prie d’accueillir avec moi… madame Ella Fitzgerald, la First Lady du jazz ! » Le concert terminé, ce fut un tonnerre d’applaudisse ments, une standing ovation qui dura plus d’une demieheure. Jamais on n’avait entendu une voix d’une telle pureté. La chanteuse se tenait droite au milieu de la scène en écoutant les applaudissements. Elle ne salua pas mais resta debout, en regardant la salle d’un air solennel. Après un court instant, elle se dirigea vers la rampe pour aller chercher Norman Granz et l’amena sur scène, sans lui lâcher la main. Puis ce fut au tour de Marilyn d’être priée à ses côtés : quand tous les trois furent réunis sur la scène, ils saluèrent ensemble le public. Peut-être que ce soir-là, quelque chose a changé dans l’esprit de certains spectateurs. Peut-être que ce concert
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Ce concert a peut-être ébranlé, même imperceptiblement, l’immonde masse du racisme ambiant. a provoqué, même imperceptiblement, une fissure dans la masse immonde du racisme ambiant. Car il n’y eut aucun véritable bouleversement, et Ella Fitzgerald ne fut pas autorisée à utiliser les toilettes du théâtre : un lieu d’aisance avait été improvisé « spécialement » pour elle, dans une cour derrière le bâtiment.
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orman Granz avait organisé, pour sa protégée, une tournée mondiale dont le coup d’envoi avait été donné ce soir-là à Memphis, et qui devait se poursuivre en Australie. Lors d’une correspondance sur l’île d’Hawaï, Ella Fitzgerald fut arrêtée et quitta l’avion encadrée par deux policiers. La raison ? Norman Granz avait « oublié » de mentionner, en achetant les billets,
que l’une des passagères était noire. Or, il ne s’agissait pas d’un oubli de sa part : il estimait que mentionner une telle information ne faisait honneur ni à l’artiste, ni à lui-même, ni au reste de l’humanité. Finalement, ils durent attendre deux jours avant de repartir, et le concert de Sydney dut être reporté. Avant le début du concert, Norman insista auprès d’Ella pour qu’elle raconte au public australien ce qui venait de se passer à Hawaï… mais l’artiste préféra ne rien dire. La « First Lady of Song » mourut le 15 juin 1996. Frank Rich, l’un des grands journalistes du New York Times, écrivit alors, en parlant de son chant si particulier : « C’est un chant qui nous transporte dans un univers r empli de joie, qui transcende les cultures, les couleurs de peau, les générations, les genres musicaux, les clivages entre les musiques dites nobles ou populaires. » Dizzy Gillespie aurait décrit la voix d’Ella Fitzgerad en ces termes : « C’est une voix hors du temps, dans le sens où c’est la première à avoir été créée par notre Seigneur. » Cinq ans après sa mort, Norman Granz décéda à son tour. Il avait déclaré un jour qu’Ella Fitzgerald « était son amie et la chance de sa vie ». Quant à la chanteuse, elle avait dit en parlant de son manager préféré : « Il est mon ami et la chance de ma vie. »
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MENTIONS LÉGALES
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LE SAUT VERS L‘INDÉPENDANCE ? FREE
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