FRANCE OCTOBRE 2019
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Aura, détermination, plaisir et interaction… Ce que la danseuse belge Mavinga doit donner dans un battle où tous les styles sont permis, et où les visages dansent aussi
RED BULL DANCE YOUR STYLE
LA FINALE MONDIALE À PARIS !
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ÉDITORIAL
L’INSPIRATION EN MOUVEMENT
On insiste ! Après l’ovni Diablo en juin, voici notre seconde une de l’année honorant un danseur. Une danseuse pour être exact, la Belge Mavinga. Qu’ils soient des B-Boys, des adeptes du voguing ou encore de la house dance (comme Mavinga), ces phénomènes sont une source d’inspiration inépuisable. Et pas seulement par les moves qu’ils maîtrisent. On se souvient du guide de voyage de B-Boy Lilou dans lequel il partageait avec vous ses tips (dont : « Que faire si l’on te braque avec un flingue ? ») après avoir visité près de 90 pays. Avec cette compétitrice de la finale mondiale du Red Bull Dance Your Style le 12 octobre à Paris, il est question de spontanéité et d’audace, de s’exprimer tel que l’on est, quel que soit son style, plus que d’un tutoriel de danse. On en est sûrs : au-delà de leurs spécialités, parfois très « core », nos invités ont la capacité de vous inspirer au quotidien.
LELO JIMMY BATISTA
Sa bio, version courte, vaut le détour : « Lelo Jimmy Batista est auteur, scénariste, traducteur et journaliste (Libération, Sofilm, Binge Audio). Il a grandi dans un département où le premier escalator a été installé en 1995, se nourrit à 70 % de piment et sait à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur Bob Dylan, Nicolas Cage et la série Seinfeld. » Pour vous, il a rencontré les graphistes très metal de Fortifem. Page 28
LITTLE SHAO
Lisez plus ! Votre Rédaction
LITTLE SHAO (COUVERTURE), ASTID KAROUAL
CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS
D’abord danseur, Little Shao a voulu documenter les péripéties de son crew, et représenter « avec justesse cette culture hip-hop » devenue sa passion première. S’ouvrant en parallèle à d’autres univers (musique, artistes, sports, haute couture, événementiel, portraits…), il s’est imposé comme le photographe référence pour la danse hip-hop. Little Shao était donc une évidence pour notre sujet de une sur Mavinga. Page 50
« Mavinga est calme, humble et discrète, mais dotée d’une énergie explosive ! Son aura est particulière », dit le photographe Little Shao à propos de la Liégeoise. THE RED BULLETIN
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SOMMAIRE octobre 2019
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84 Choper la fièvre du rallye, une
autre raison de filer en Australie
88 À l’époque de sa sortie, le jeu des
Sims a plongé la planète dans le virtuel. En quoi la dernière version bénéficie-t-elle au monde réel ? 90 Oubliez votre abonnement à la salle de fitness : c’est dehors que ça se passe, au naturel ! 92 Des surfeurs qui volent, une orgie de bosses, des B-Boys en feu et un festival de musique hors du commun : ne ratez rien ! 94 Sur Red Bull TV, les surfeurs volent aussi, et les crossmen se paient une ligne droite de l’enfer, tandis que les drifters s’en donnent à cœur joie. C’est trop !!! 98 Le pilote VTT français Kilian Bron va tellement vite dans sa vidéo Follow Me que nous avons décidé de le mettre sur « pause prolongée »
Tous ensemble ! Quand Loïc Bruni assure une descente, il emporte tous ses fans avec lui.
des heures sur ces photos d’action sports 12 La playlist d’un vieux punk de 72 ans ? On parle d’Iggy Pop, bien sûr ! 14 Face aux braconniers en Afrique du Sud, les Black Mambas sont en alerte, sans armes, entre femmes 16 Pour améliorer la circulation des grandes villes, déplaçons-nous sur l’eau 18 C’est beau, une carte orbitale ! 20 Dans ce piano à queue, se cache un véritable orchestre. Si, si !
22 M an in black
Beauden Barrett a des vérités à partager sur l’équipe de rugby la plus respectée au monde
28 M etal ardent
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L’univers visuel des Fortifem a séduit le groupe Rammstein.
Un duo français dont les œuvres régalent la scène metal internationale
36 « Je n’ai pas peur… »
Pour préserver les espèces en danger, Andrea Crosta met en action ses méthodes héritées de l’espionnage et de la sécurité
TEDDY MORELLEC, WILLIAM LACALMONTIE
6 Vous pourrez rester scotchés
50 M avinga
Comment penser d’abord à soi et pas aux autres permet de mieux s’ouvrir à eux… Pigé ?
5 8 Fans factor
Ce que ses fans apportent au pilote de VTT descente Loïc Bruni
68 C ’est du lourd
USA : l’autre pays du sumo
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THE RED BULLETIN
COL DU ROMBO, ITALIE
Gare à la marche ! Certains endroits sur la planète sont si extraordinaires qu’ils semblent avoir été créés dans le seul but d’être pris en photo. Comme cette terrasse d’observation, nichée au cœur des Alpes dans le nord de l’Italie : un site dont l’architecture épurée en fait un spot parfait pour les skateurs un peu chauds. C’est en tout cas ce que s’est dit un photographe du coin, Stefan Mahlknecht : « Je connais bien le lieu : l’idée d’y photographier un skateur en action m’est venue lors de l’une de mes visites, par une lourde soirée d’été. J’ai eu la chance, quelques mois plus tard, de trouver un mec suffisamment taré pour tenter ce gap. » Un « match » parfait pour cet instantané en apesanteur avec Simon Neulichedl. Instagram : @stefan_mahl
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ÖLÜDENIZ, TURQUIE
Plus près du soleil « Ferdi Toy et Guillaume Galvani rejoignant le soleil à travers les nuages » : voici comment Tristan Shu décrit sa photo : un cliché surréaliste que le photographe d’aventures a pris en plein vol dans le cadre d’un projet pour Elinchrom, fabricant suisse de matériel photo. « De nouvelles limites ont été franchies dans le domaine de la photographie d’aventures : pour ce projet, nous avons en effet pu r ecréer un véritable studio dans les airs en impliquant un parapente, un base jumper et un wingsuit. » Instagram : @tristanshu
ST-PÉTERSBOURG, RUSSIE
Gardez la ligne Une image que l’on croirait tirée d’une scène du film de science-fiction TRON : L’Héritage… Pourtant cette photo, présentée au concours Illume de Red Bull, est bien réelle : on y voit la grimpeuse russe Anna Zaikina en action sur le North Wall, le plus grand mur d’escalade indoor de Russie. Le photographe sportif Leo Zhukov, qui l’a immortalisée alors qu’il visitait le complexe l’année dernière, explique comment il s’y prend pour réaliser de tels clichés : « Dès le début, vous devez avoir votre plan en tête : visualiser et anticiper les mouvements de l’athlète, puis prendre la meilleure position au meilleur moment pour obtenir ce genre de prises. » Instagram : @tedescophoto
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HOKKAÏDO, JAPON
À fond de blanche Les skieurs et snowboardeurs du monde entier s’y verraient bien : les montagnes de l’île d’Hokkaïdo sont un must en termes de neige fraîche. Les stations de ski y sont connues pour la régularité de leurs chutes de neige, garantissant une poudreuse abondante tout l’hiver. Cette photo prise par Matthias Fritzenwallner à K iroro illustre ce qui attend les heureux amateurs de glisse qui débarquent sur l’île. De quoi méditer d’ici au début de votre saison de sports d’hiver. Instagram : @matthias_fritzenwallner
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IGGY POP
Punk 4.0 Le gourou bondissant nous présente quatre petites perles hurlantes qui prouvent que le punk n’est décidément pas mort.
Sleaford Mods
Death Grips
Diät
« En devenant DJ sur la BBC, je me suis intéressé à John Peel (célèbre présentateur de la radio britannique, ndlr) et à sa bio. C’était le mec que la jeunesse anglaise écoutait pour savoir ce qui se passait dans l’underground, alors je m’en suis inspiré. Je passe souvent IDLES, un groupe de Bristol, à l’antenne : ils sont cash et vraiment bons – ça me rappelle un peu mon vieux moi ! »
« Plus tout jeunes, mais à découvrir absolument si vous ne les connaissez pas encore. McFlurry parle de la folie du fast-food en Grande- Bretagne : le clip de la chanson montre une photo de 4 pom-pom girls, dont les uniformes épellent le mot c**t (vilain mot pour désigner le sexe féminin, ndlr). C’est bon, ça ! (rires) Ils ont ce côté affreux, moche et méchant que j’aime bien. »
« C’est un groupe très, très hardcore, originaire de Sacramento en Californie, qui mélange des percus hardcore et électroniques avec de la guitare, et un chanteur complètement taré. Après, si les gens n’aiment pas, vous savez… (rires), rien à foutre, je passe ce que je veux ! Mais je pense que cette musique déjantée peut beaucoup plaire à un certain public. »
« Je lis les critiques des albums et j’écoute des extraits sur le net pour m’en faire une idée. Je me fie aussi aux algorithmes au hasard de mes recherches, ce qui procure parfois de belles surprises. Concernant Diät, je les ai découverts en lisant une critique quelque part : j’ai choisi leur titre Dogshit parce que c’est drôle et complètement dans l’esprit punk. Faites-vous plaisir ! »
Mercedes Marxist (2019)
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McFlurry (2013)
Death Grips is Online (2018)
Dogshit (2019)
THE RED BULLETIN
HARMONY KORINE
IDLES
FLORIAN OBKIRCHER
À la fin des années 60, Iggy Pop entreprend avec son groupe The Stooges de désosser le rock’n’roll pour n’en garder que la substantifique rage, jetant par accident les bases d’une musique nouvelle : le punk. Considéré par beaucoup comme le parrain de ce genre musical, l’Américain, 72 ans dans les gambettes, n’a pourtant jamais cessé d’explorer, comme un gamin curieux, tous les styles et toutes les possibilités – que ce soit en musique, avec un dernier album, Free, qui flirte avec le jazz avant- gardiste, ou au cinéma, où il excelle en zombie dans le dernier Jim Jarmusch, The Dead Don’t Die. Désormais DJ sur BBC Radio 6 Music, il s’est donné pour mission de faire découvrir, chaque semaine, les jeunes artistes qui incarnent à leur façon l’esprit tempétueux de la première génération punk. Voici une sélection de ses chouchous du moment, et leurs morceaux. iggypop.com
Pacifiquement, et sans réserve En Afrique du Sud, une unité de rangers exclusivement composée de femmes fait la chasse aux braconniers et protège les animaux en danger. Sans armes.
Réserve naturelle de Balule, au cœur du grand Parc National du Kruger, en Afrique du Sud : c’est là que travaille une unité anti-braconnage un peu spéciale, uniquement constituéee de femmes : la Black Mamba Anti-Poaching Unit. Autre particularité : ces femmes, dont le travail et les patrouilles successives ont réussi à faire enfin chuter les prises de braconnage, ne sont pas armées. C’est peut-être là leur force : un engagement dévoué et pacifique au service de la nature qui leur assure une couverture médiatique valorisante depuis la création de l’unité en 2013 et une efficacité prouvée en termes de préservation de la faune sauvage, notamment celle du rhinocéros blanc. Ces femmes doivent pourtant faire face à une triste réalité : le braconnage en Afrique du Sud représente une véritable industrie, avec 769 rhinocéros tués pendant la seule année 2018, et près de 8 000 ces dix dernières années. La raison de ce massacre est l’engouement toujours plus pressant des pays
« L’objectif était de protéger la faune du parc tout en soutenant l’émancipation des femmes. » 14
asiatiques – Chine et Vietnam en tête – pour la corne de rhinocéros, prisée pour ses prétendues vertus médicinales, sans compter le fait que son prix exorbitant en fait un symbole de richesse. Collet Ngobeni est l’une de ces Black Mambas : après avoir vu des rhinocéros et des éléphants en pleine nature lors d’un projet scolaire, elle s’est prise de passion pour la défense de l’environnement et a décidé de devenir ranger. Comme ses collègues, elle œuvre également à sensibiliser sa communauté à la protection des rhinocéros. the red bulletin : L’unité anti-braconnage des Blacks Mambas est la première unité de rangers 100 % féminine au monde. Pourquoi a-t-elle été créée ? collet ngobeni : Notre équipe a vu le jour en 2013, avec six membres. L’objectif était non seulement de protéger la faune du parc mais également de soutenir l’émancipation des femmes issues des communautés alentour – en montrant que les femmes pouvaient aussi faire ce boulot. Nous voulions faire connaître aux gens vivant près du Kruger l’importance de leur environnement naturel. Comment faites-vous pour détecter les braconniers ? Nous sommes les yeux et les oreilles de la réserve : notre
travail consiste à surveiller, collecter le plus d’infos possible sur la présence des braconniers comme les traces de pas, vérifier l’état des barrières, reboucher les trous creusés par les phacochères, qui peuvent servir de passage. Une autre équipe est chargée de surveiller l’entrée et de contrôler le contenu des véhicules qui rentrent et sortent. Nous effectuons également des missions de patrouille aux quatre coins du parc, à la recherche d’éventuels pièges posés par les braconniers. Et si vous en trouvez un en train de braconner, que faites-vous ? Nous envoyons un signalement à notre équipe de contrôle, qui peut localiser directement sur un écran géant l’endroit d’où le signalement a été lancé. La Black Mamba sur place prend des photos, qui arrivent directement au bureau, pendant que nous appelons les gardes armés à la rescousse. Pourquoi faire patrouiller uniquement des femmes ? Nous sommes moins corruptibles que les hommes. Dans d’autres réserves, certains rangers n’hésitent pas à communiquer à l’extérieur de précieuses infos sur l’emplacement des proies. Les Black Mambas sont-elles exposées au danger ? Le danger ne vient pas des animaux, car nous savons exactement quel comportement adopter face aux animaux du bush pour éviter toute situation dangereuse. Quant aux braconniers, ils ne sont pas là pour nous mais pour les animaux. Êtes-vous armées ? Non, pour ne pas porter atteinte à la vie humaine. Avoir à tuer des êtres humains pour protéger la vie THE RED BULLETIN
JULIA GUNTHER
BLACK MAMBAS
Garde rapprochée pour le rhinocéros blanc : Collet Ngobeni (au milieu) et les Black Mambas en patrouille dans la réserve.
animale serait insensé. Si nous avions des armes, nous serions peut-être tentées de nous en servir contre des braconniers, mais après, comment vivre avec cette culpabilité ? Comment pourrais-je m’occuper de mes enfants en sachant que j’ai ôté la vie d’un homme qui est père ou oncle ? Nous ne voulons pas vivre dans une zone de non-droit THE RED BULLETIN
ni avoir des veuves sur la conscience, au sein de nos communautés. Le commerce illégal de corne de rhinocéros dans le Parc National du Kruger cessera-t-il un jour ? Oui, je pense que ça finira par s’arrêter. Les gens qui vivent autour du parc sont nombreux à ne rien savoir de la vie des
animaux à l’intérieur : c’est pour cela que nous consacrons du temps à les informer, surtout les enfants, qui vont à leur tour éduquer leurs parents. Les gens pensent que les animaux sauvages appartiennent aux Blancs, alors que c’est faux : ils n’appartiennent à personne.
blackmambas.org 15
Un futur au fil de l’eau D’ici 2050, le nombre de véhicules polluant les routes aura dépassé les trois milliards. Un Français compte bien y remédier… par la voie des eaux.
Et si le taxi du futur ne volait pas dans les airs, mais au-dessus de l’eau ? Conçues par la start-up française SeaBubbles, ces capsules hydrodynamiques pourraient bien débarquer dans les plus grandes métropoles du monde d’ici quelques années. Les ingénieurs et navigateurs Alain Thébault et Anders Bringdal, fondateurs du projet, espèrent ainsi désengorger les centres-villes en utilisant les cours d’eau qui les traversent. 16
« 92 pour cent de la population mondiale est exposée à un air pollué et le trafic dans les grandes villes est de plus en plus saturé, explique Alain, alors que des villes comme Paris pourraient exploiter davantage leurs voies fluviales. » Le Français est le concepteur de l’Hydroptère, ce trimaran à hydrofoil qui a battu le record de vitesse en mer en 2009 grâce au foil qui lui permet de s’élever au-dessus de l’eau : une techno-
Alain Thébault (à g.) et Anders Bringdal, initiateurs de SeaBubbles.
logie appliquée sur ses SeaBubbles, de petits véhicules électriques, propres, silencieux et rapides, qui frôlent l’eau et peuvent être bookés grâce à une application mobile. « J’avais 20 ans quand j’ai dessiné l’Hydroptère, raconte Thébault, et j’ai parcouru le monde sur ce bateau jusqu’en 2009 où j’ai battu le record du monde de vitesse. Alors, mes trois filles m’ont dit : “N’essaie pas seulement d’être le mec le plus rapide du monde, sois aussi celui qui va aider la prochaine génération.” Je me suis aussitôt mis à dessiner ce qui allait devenir la première Bubble. » Aujourd’hui, la start-up propose son concept à de grandes métropoles en bordure de fleuves ou de lacs : « Si cette idée convainc les populations de délaisser leurs voitures pour utiliser les cours d’eau, elles pourront changer le destin de leur ville, à chaque trajet ». seabubbles.com THE RED BULLETIN
FRANCIS DEMANGE
SEABUBBLES
LOU BOYD
Bulles citadines : les taxis fluviaux de SeaBubbles sont équipés de foils pour aller plus vite.
ATLAS DE L’ESPACE
C’est beau, la connaissance
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biologiste. « Mais cela aurait été impossible, j’ai donc dû me limiter à ceux qui font plus de 10 km de diamètre – au final, plus de 10 000 astéroïdes, sans oublier toutes les planètes et leurs lunes. » Sa matière première : la multitude de données publiques de la NASA, que Lutz a patiemment sélectionnées, filtrées et combinées pour les assembler sur une seule carte. « Rassembler tout ça sur une carte qui soit également agréable à regarder m’a pris un bon moment », explique Eleanor. Sur son site, elle dévoile d’autres œuvres, comme sa Carte topographique de Mercure, la Géologie de Mars, une Carte animée de la Terre, et ne compte pas s’arrêter là. « J’adore le fait que les données actuelles soient si précises, mais qu’il n’existe aucune norme quant à la façon de les présenter esthétiquement. Ce qui me plaît, c’est la recherche et la possibilité de partager toutes ces connaissances géniales avec les gens, grâce au design. » tabletopwhale.com
AN ORBIT MAP OF THE SOLAR SYSTEM BY ELEANOR LUTZ
Notre connaissance de l’Univers, avec tous ses astres et planètes, peut sembler déroutante. Pas une année sans que nous apprenions l’existence d’une nouvelle planète ou des détails fascinants sur une autre qui se trouve à des millions de kilomètres de la nôtre. Dur de s’y retrouver dans une telle masse exponentielle de données : c’est là qu’intervient le génie d’Eleanor Lutz. Cette jeune doctorante américaine a rassemblé des milliers de données publiques fournies par la NASA et l’Institut Américain de Géologie pour créer quelque chose d’unique, baptisé An Atlas of Space (un atlas de l’espace, ndlr) : projet colossal à mi-chemin entre œuvre d’art et infographie scientifique. En bref : la vulgarisation des sciences portée à son plus beau niveau. Parmi les nombreuses visualisations ainsi créées, l’une des plus folles est sa Carte orbitale du système solaire. « Au début, je voulais y montrer les différentes trajectoires suivies par tous les objets qui composent notre système solaire », explique la jeune
LOU BOYD
Une chercheuse en biologie américaine, Eleanor Lutz, crée de l’art en compilant les données brutes des sciences astronomiques.
THE RED BULLETIN
Cette Carte orbitale du système solaire montre la position de plus de 18 000 astéroïdes, planètes, lunes et autres au 31 décembre 1999.
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À queue… mais pas que Ce groupe indie-rock venu d’Ukraine a placé dans un piano à queue du XIXe siècle un orchestre de vingt instruments différents.
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En écoutant le groupe ukrainien Brunettes Shoot Blondes chanter leur chanson Houston, vous vous imaginerez probablement tout un orchestre présent dans le studio. En fait, derrière la voix langoureuse du chanteur Andrew Kovaliov, tous les instruments, qu’ils soient à cordes, percussions, ou à vent (vingt au total) sont logés à l’intérieur d’un vieux piano à queue traficoté à l’extrême. Pour actionner les claviers de ce synthé géant mécanique et multifonction : les deux Ukrainiens de Brunettes Shoot Blondes, c’est tout. « On s’est dit que ce serait cool d’inventer un piano qui contienne une vingtaine d’instruments de musique, raconte Andrew Kovaliov (sur la photo, à droite). L’idée était de créer un truc qui puisse être joué par deux personnes tout en donnant l’impression d’être accompagné par un véritable orchestre. » Aidé d’une équipe d’ingénieurs, les deux membres de BSB ont
commencé à décortiquer un piano au fur et à mesure, remplaçant certaines octaves par des cordes de basse, ajoutant à d’autres endroits des percussions, tous ces éléments étant reliés par des câbles aux touches du clavier afin de permettre aux musiciens de jouer l’intégralité des instruments à seulement quatre mains. Au final, ce piano hybride contient deux violons, un violoncelle, un xylophone, une grosse caisse, des percussions, un orgue… et bien d’autres surprises, pouvant toutes être activées par une des 88 touches des claviers. « Par chance, aucun de nous n’a fait des études d’ingénieur : sinon, nous ne nous serions jamais lancés dans un tel projet, plaisante Kovaliov. Le plus grand défi fut de trouver les bonnes personnes avec qui travailler, parce que tout le monde nous prenait pour des fous au début. » Houston, de Brunettes Shoot Blondes, à voir sur YouTube. THE RED BULLETIN
FESENKO MAKSYM
BRUNETTES SHOOT BLONDES
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L’orgue et le mélodica placés à l’intérieur de ce piano sont alimentés par une pompe et des soufflets, tandis que le mécanisme d’une vieille machine à coudre sert à actionner les archers sur les cordes.
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« Notre secret ? On bosse dur ! » La coupe du monde de rugby a lieu en ce moment au Japon, et les All Blacks sont évidemment pressentis pour y faire sensation. On aura tout entendu ou presque à propos des Néo-Zélandais, équipe associée à nombre de mythes et à une tonne d’idées reçues. Alors nous avons questionné l’un d’entre eux, BEAUDEN BARRETT, pour rétablir quelques vérités sur les hommes en noir. Texte HANS HAMMER
Avec plus de 70 sélections et deux titres de meilleur joueur de rugby au monde (en 2016 et 2017), l’athlète de 28 ans, fraîchement signé chez les Blues de Auckland, est une personnalité appréciée et respectée dans la sphère ovale. Nous nous sommes pointés à son contact avec une liste d’idées reçues pour les confronter à ce champion au cœur du sujet, et lui permettre de partager sa vision du rugby actuel, ainsi que sa philosophie. C’est un joueur tout en finesse et en mesure qui s’est exprimé, loin du cliché du néo-zélandais frontal auquel certains pourraient s’attendre.
Non ! Beauden Barrett en est la preuve vivante ! Il mesure 1,87 m et pèse 92 kg. « En fait, tout dépend de ton rôle au sein de l’équipe, explique-t-il. Chaque place dans l’équipe requiert un physique et des qualités différentes. Certains doivent être très forts et puissants, d’autres doivent être plus explosifs, d’autres sont plus dans les tirs, les courses… Des joueurs doivent être rapides et bien taillés. Pour ma part, je suis là pour attraper les balles, faire des passes, courir, tirer, plaquer. Chez les All Blacks, être imposant physiquement ne fait pas de 22
THE RED BULLETIN
GRAEME MURRAY/RED BULL CONTENT POOL
Les joueurs de l’équipe nationale néo-zélandaise font tous au moins 2 mètres et pèsent 150 kg…
« Chez les All Blacks, être imposant physiquement ne fait pas de toi un patron. »
Millennium Stadium de Cardiff, 6 octobre 2007 : les Français s’avancent à quelques centimètres des Blacks durant le haka. L’un des moments les plus intenses de l’histoire du rugby.
GETTY IMAGES, BRAD HANSON/RED BULL CONTENT POOL
« Dans cette attitude des Français, je vois avant tout une forme de respect. »
« Être aux côtés de mes frères durant l’hymne national, c’est un instant puissant. »
toi un patron, et chez nous, il n’y a pas vraiment de hiérarchie. Le truc, c’est de respecter les anciens, et les mecs plus expérimentés que toi. »
Cette coupe du monde est pliée d’avance : les All Blacks les ont toutes remportées ! C’est absolument faux : depuis la création de la Coupe du monde de rugby en 1987, la Nouvelle-Zélande l’a remportée trois fois, l’Australie et l’Afrique du Sud deux fois, et l’Angleterre une fois. « Une Coupe du monde, c’est plein de variables, précise Beauden. Des matches de poule jusqu’aux quarts de finale, on appréhende les matches un par un, l’un après l’autre. Il n’y aura qu’un vainqueur au final, ça c’est sûr, mais il y a beaucoup d’équipes qui se développent de manière très intéressante. Si tu prends le pays hôte, le Japon : leur équipe se développe très rapidement, et ils sont très bien coachés. Je peux te dire qu’ils vont taquiner deux ou trois équipes durant ce tournoi. N’oublions pas qu’ils ont battu l’Afrique du Sud lors de la coupe du monde 2015. » THE RED BULLETIN
Les Blacks se la pètent ! Normal, ils sont la meilleure équipe au monde ! Au contact de l’ambassadeur des montres Tudor, c’est l’esprit contraire qui se dégage. Dans une interview en 2018, il se déclarait embarrassé par le fait d’être considéré comme une superstar du rugby. Et le confirme lors de notre entretien : « Être une bonne personne avant tout, c’est très important. Si tu es une bonne personne, tu seras un bon All Black. Quand on parle de culture d’équipe, chez nous, il n’y a pas de place pour les enfoirés… Je ne sais pas si tu pourras écrire ça… (rires) En fait, ce genre de gars n’arrivent même pas aux portes de l’équipe. Un All Black n’est pas recruté que pour son talent, encore une fois, il doit être une bonne personne. »
Le jour où les Français ont défié les Néo-Zélandais durant le haka lors de la World Cup 2007, et les ont battus, le mythe des Blacks surpuissants s’est écroulé…
Côté français, on en est persuadé ! Les fans de rugby n’oublieront jamais cette scène : le XV de France venant défier les Blacks durant le haka en quart de finale, jusqu’à se retrouver à quelques centimètres de leur visage, avec Sébastien Chabal en mode baston de regard. Une archive visible sur YouTube et présentée comme « le meilleur haka de tous les temps ». « Ce moment, au fond, c’était un moment d’opposition, se souvient Barrett. C’est la façon dont les Français ont voulu signifier leur opposition aux Blacks. Je ne m’en souviens pas comme de la fin de quelque chose pour les Néo-Zélandais, ou de quelque chose d’irrespectueux, de too much. Dans cette attitude des Français, je vois avant tout une forme de respect, du challenge. Durant le haka, certaines équipes sourient, d’autres sont flippées… Et de notre côté, nous montrons à quel point nous sommes puissants à l’instant T. Tu sais, ce haka, pour ne pas oublier sa signification et son importance, on le travaille chaque semaine, voire plus pour les nouveaux arrivants dans l’équipe. Quand on le fait devant des millions de personnes, on se doit de bien le faire. » 25
GETTY IMAGES, TUDOR
« Que votre équipe perde ou qu’elle gagne, soyez présents pour elle. »
Stopper un All Black, une mission ! Même quand il ne pèse que 92 kg, comme Barrett. Pour lui, la réunion des talents fait la force du groupe.
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THE RED BULLETIN
Le maillot de la Nouvelle-Zélande a des propriétés magiques... Pour Beauden Barrett, c’est presque une conviction : quand il évoque le premier match durant lequel il a porté le jersey de son équipe nationale, il se souvient avoir ressenti quelque chose d’exceptionnel, et s’être senti comme Superman. Est-ce toujours le cas après plus de 70 sélections en équipe nationale ? « Assurément, nous dit Barrett sans hésitation. Bien sûr, ce fameux match où j’ai porté le maillot pour la première fois restera un jour particulier, avec un sentiment incomparable de puissance. Aujourd’hui, chaque fois je l’enfile, je prends un petit moment pour rassembler mes pensées, et bien prendre la mesure de ce que je m’apprête à faire. Car à chaque fois que je mets ce maillot, un moment particulier s’annonce. Quand je vois un nouvel équipier mettre ce maillot à son tour, je sais qu’il se passe quelque chose en lui, que c’est une grande occasion. De nouvelles choses s’ouvrent à lui. Ce que je peux faire à mon niveau pour accompagner ce moment, c’est lui ouvrir la voie, et l’encourager à suivre la dynamique que nous essayons de créer avec l’équipe. »
Les All Blacks, c’est l’esprit de fraternité poussé a l’extrême... La sélection néo-zélandaise est en effet réputée pour sa cohésion, et au cœur de cet effectif la fraternité est une réalité, littéralement, avec plus de quarante paires de frères recensées dans l’effectif historiquement. Plus fort encore, on compte trois Barrett au sein du groupe ! Beauden est en effet accompagné de ses frères Scott (25 ans) et Jordie (22 ans). Seront-ils tous présents sur la World Cup ? « Mon frère Scott s’est blessé récemment, indique le plus âgé des trois, mais il est de retour. J’espère que nous jouerons tous ensemble. Ça nous est déjà arrivé, mais jamais durant une Coupe du monde. Pendant un match, le fait de jouer ensemble, on n’a pas trop ça en tête, mais pendant les préparations de matchs, et surtout durant l’hymne national, c’est vraiment émouvant d’être aux côtés de ses frères dans la même équipe. C’est un instant puissant. Pendant le match, le fait de jouer avec eux n’est pas quelque chose de particulièrement palpable, on se fait confiance pour donner le meilleur de soimême, comme avec n’importe quel autre joueur de la sélection. » THE RED BULLETIN
« Si tu n’apprécies pas ce que tu fais, tu ne pourras pas te dépasser à l’entraînement ni durant un match. » C’est sûr, pour être aussi bons, les All Blacks ont un secret ! Leur préparation, leur nourriture, un truc néo-zélandais ancestral ? Pour expliquer la prédominance des Blacks sur le rugby international ces dernières décennies, les explications les plus farfelues ont été avancées. Mais Barrett garde la tête froide. « Ça n’est pas une seule chose, c’est un ensemble de choses, temporise Barrett. Tout d’abord, on bosse dur. Il y a aussi la discipline. Et on se fixe des objectifs hauts. Il faut être lucide dans
tes objectifs, ne pas t’emballer, mais tu dois surtout prendre du bon temps, apprécier les choses, pour te challenger, aller plus loin. Prendre du bon temps, c’est la clef. Si tu n’apprécies pas ce que tu fais, tu ne pourras pas te dépasser, que ce soit à l’entraînement ou durant un match. »
Une vérité que Beauden souhaite partager avec vous, les Français « Je voudrais dire aux supporteurs français que, quelle que soit l’issue d’un match, il faut soutenir votre équipe. Qu’elle perde ou qu’elle gagne, soyez présents pour elle. C’est très important. De toute façon, une seule équipe va l’emporter. (rires) J’espère que vous serez présents en nombre au Japon pour apprécier ce que nous aurons à donner durant cette compétition, et n’oubliez pas, en 2023, la Coupe du monde de rugby, c’est chez vous, en France, que ça se passe ! » Instagram : @beaudenbarrett ; Coupe du monde de rugby au Japon, du 20 septembre au 2 novembre. 27
EDITOR XX
Couple d’illustrateurs parisiens, FORTIFEM a réussi en quelques années à se faire une place dans le paysage visuel international. Leur particularité : un style unique, qui emprunte à la gravure, au tatouage et à l’imagerie metal, et une éthique de travail forte. Quel que soit le degré de notoriété de ses clients, le duo est toujours à fond sur ses projets, il s’engage pleinement et place la barre très haut.
ILLUSTRATOR
METAL ARDENT
Fortifem : sept ans d’illustrations, pied au plancher.
Texte LELO JIMMY BATISTA Photos WILLIAM LACALMONTIE
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Illustration en duo, réalisée dans le cadre de Work of Love, la première rétrospective de Fortifem, qui a eu lieu à Paris en 2018.
« Qu’on travaille pour Rammstein, une marque de luxe ou pour un petit groupe qui n’a sorti qu’une démo, on y consacre la même énergie, la même exigence. »
J « On s’est donné rendez-vous à un concert de hardcore, et le lendemain, on emménageait ensemble. »
esse est penché sur sa feuille depuis pas loin d’une heure. Après avoir fini le tracé d’une série de longues lignes sinueuses, Adrien vient noircir une partie du dessin à coups de stries microscopiques. La tâche est longue, minutieuse, effectuée avec une précision quasi-maniaque. Depuis plusieurs semaines, Fortifem travaillent sur la pochette du sixième album d’Alcest, groupe de metal atmosphérique français qui compte de nombreux fans en Europe – parmi lesquels Robert Smith, le leader de The Cure. Cette pochette est l’un des nombreux projets en cours pour ce couple d’illustrateurs parisiens qui rencontre depuis quelques années un succès grandissant, grâce à un style unique, inspiré des gravures du XIXe siècle, du tatouage et de l’esthétique metal, mais aussi à une forte éthique de travail. Le duo s’impose en effet de s’impliquer avec la même rigueur et la même exigence, qu’il travaille pour une grande marque, un artiste renommé ou un groupe qui sort son premier disque. Une histoire portée par la passion et née d’une série d’accidents heureux. Adrien Havet et Jesse Daubertes se sont trouvés il y a bientôt dix ans sur Tumblr, par hasard. Chacun
ossédait une page sur la plateforme p où ils partageaient des photos et illustrations glanées sur internet. Tous deux réagissaient régulièrement sur la page de l’autre sans avoir la moindre idée de qui était en face. « Pour tout dire, raconte Adrien, au départ je pensais que Jesse était anglais et lui pensait que j’étais norvégien. Un jour, Jesse m’a laissé un message en anglais, je lui ai répondu que je parlais français. Quelques jours plus tard, on entrait en contact sur Facebook et on réalisait qu’on avait plusieurs amis communs. On s’est donné rendez-vous à un concert de hardcore, à Paris, et le lendemain, on emménageait ensemble. » À ce moment, chacun occupe encore un emploi de graphiste – freelance pour Jesse, en agence de pub pour Adrien – et il n’est pas encore question de collaboration. Mais tous deux occupent déjà leur temps libre à l’illustration, le soir, sans autre but que de se faire plaisir et de collaborer de temps à autre avec des amis musiciens ou tatoueurs. C’est l’un d’entre eux, O livier Marescaux, sérigraphe basé à Reims, qui, le premier, va leur proposer de réaliser une dizaine de dessins pour une exposition. Hasard du calendrier, l’événement a lieu le
Dessin pour la pochette intérieure d’Exile, deuxième album de Regarde Les Hommes Tomber.
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Adrien dans l’intimité de la chambre de Bret Halford, le personnage fictif que l’on retrouve au centre des derniers albums de Carpenter Brut. Comme toujours avec cet artiste français, l’illustration est truffée de détails et de références qu’il partage avec Fortifem.
21 février 2012, un an jour pour jour après la première rencontre de Jesse et Adrien. À ce stade, le duo n’est pas encore officiellement lancé et évolue encore sans nom, au gré des opportunités. « Ça restait quelque chose de très ponctuel, explique Jesse. Et quand on a fini par se donner un nom, c’était finalement plus par contrainte qu’autre chose. On avait répondu à un appel d’offre émis par une marque norvégienne qui faisait des vêtements d’inspiration metal. Elle avait diffusé une vidéo dont chaque artiste devait isoler une image et la réinterpréter. Pour y participer, il nous fallait un nom. Comme on revenait d’un séjour en Norvège et qu’on habitait au n° 45, on a opté pour førtifem, 32
qui signifie 45 en norvégien. C’était simple, facile à prononcer dans toutes les langues et sans connotation particulière. Ça nous allait parfaitement. » Mais ce qui va vraiment changer les choses, l’élément qui va asseoir l’identité du duo et faire circuler
« Emperor, l’une des plus grandes légendes de la scène black metal norvégienne, nous a demandé de revisiter leur logo. »
son travail, c’est son ancrage dans le monde de la musique et plus précisément sur la scène metal. Et là encore, les choses vont se faire toutes seules, ou presque. Adrien : « Matthias Jungbluth, le fondateur du label rennais Throatruiner avait vu passer quelques-uns de nos dessins et nous a demandé de réaliser son logo, puis de réaliser la pochette du premier album de Cowards, un jeune groupe parisien qu’il venait de signer. Cette pochette a attiré l’attention de Regarde Les Hommes Tomber, un autre groupe basé à Nantes, qui démarrait tout juste et nous a demandé de réaliser la leur. » En trois coups, la machine est lancée, doucement. Mais ne semble bientôt plus vouloir s’arrêter, chaque commande en appelant systématiquement une autre. À tel point que le couple décide d’en faire son occupation principale. « Ça n’a pas été une décision facile, continue Adrien. Travailler pour la musique rapporte peu d’argent, notre style demande beaucoup de temps et de minutie et il était hors de question pour nous de faire des compromis sur la qualité. C’est quelque chose que l’on n’a pas voulu sacrifier. Le sacrifice, il s’est plutôt fait du côté de notre niveau de vie, qui a un peu baissé au départ. Il aura fallu environ quatre ans pour qu’on trouve un équilibre, le temps de se faire une place dans d’autres créneaux, plus porteurs, chez les grandes marques, dans l’édition… » Et d’attirer l’attention de gens comme Matt Heafy, chanteur du groupe metal américain Trivium, qui va p ermettre à Fortifem d’accéder à c ertains de leurs héros musicaux. « On a fait plusieurs illustrations pour Trivium, après quoi Matt a parlé de nous à Emperor, l’une des plus grandes légendes de la scène black metal norvégienne, qui nous a demandé rien de moins que de revisiter leur logo. Pour nous, c’était inespéré… Et tout cela est arrivé parce que Matt avait découvert notre travail avec les pochettes de Regarde Les Hommes Tomber, avec qui on a continué à travailler et qui ont acquis petit à petit une certaine notoriété. » C’est là un des aspects les plus excitants et les plus gratifiants du travail du duo : accompagner des groupes dans leur ascension. Comme THE RED BULLETIN
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Carpenter Brut, aujourd’hui pilier de la scène synthwave, un courant mêlant musique électronique, bandes originales de films d’horreur et esthétique metal, avec qui Fortifem a commencé à travailler à ses débuts, il y a six ans. Jesse : « Quand Carpenter Brut sont venus nous trouver pour qu’on fasse leur logo, ils n’avaient enregistré que quatre titres. Mais on trouvait le projet passionnant et on avait envie d’en être. Ça a été super ensuite de voir le groupe grandir et de pouvoir faire partie de l’aventure. C’est pour ce type de collaborations qu’on fait ce travail. Au fil du temps, la confiance et la compréhension s’installent entre les deux partis, c’est génial. » Car une des dernières clés, et sans doute la plus importante, pour comprendre la mécanique Fortifem, c’est l’élément humain. Pour Adrien et Jesse, l’échange, la confiance et la communication sont primordiaux et passent bien avant la musique. « On 34
Deux portraits de « saints du rock » réalisés par Fortifem dans le cadre du projet The Holy loody Book, mêlant rock, design et édition. Des illustrations qui ont été imprimées en grand B format avant d’être collées sur les murs du quartier de Montmartre, à Paris. À gauche, Lou Reed. À droite, Ian Curtis, le chanteur de Joy Division.
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« On a dit non à de très gros groupes parce que le contact n’avait pas été bon. » peut tout à fait travailler pour un groupe dont on n’apprécie pas plus la musique que ça, ce n’est pas un problème. En revanche, il faut qu’il y ait une connexion avec la personne. Si ça coince, on refusera. De la même manière, on préférera décliner si on sait qu’on ne pourra pas faire notre travail correctement. On a dit non à de très gros groupes parce que le contact n’avait pas été bon, ou parce qu’on s’est rendu compte qu’on allait travailler pour un manager et pas pour un artiste. » Pour cette raison précisément, le duo démarche peu – hormis Rammstein et quelques groupes japonais dont ils sont fans, Adrien et Jesse contactent rarement les artistes. « Tout simplement parce que souvent, les choses ne fonctionnent pas aussi bien dans ce sens, continue Adrien. On n’est pas dans le même rapport. La personne en face va souvent vouloir prendre le dessus, être plus directive. Et ce qu’on cherche, c’est un échange sincère. On veut essayer de coller à l’esprit de l’artiste et de son projet. Quand une marque vient nous chercher, c’est souvent parce qu’elle a vu passer une illustration qui lui plaisait et qu’elle veut quelque chose de similaire. Ça reste intéressant, mais c’est cadré. Avec les groupes, on peut davantage expérimenter, tenter de nouvelles choses. Notre collaboration avec Carpenter Brut, par exemple, nous a permis de sortir du noir et THE RED BULLETIN
blanc pour aller vers des couleurs très vives, fluorescentes, vers lesquelles on ne serait peut-être pas allés de notre plein gré. On n’a pas envie de se poser de limites et ce type de collaboration nous aide, justement, à les dépasser. » Limites qui vont être encore repoussées en cette rentrée 2019, où les deux Fortifem vont passer du papier aux écrans géants, le temps d’un concert au Trianon (Paris). À cette occasion, ils ont invité six groupes de leur entourage proche – parmi lesquels Alcest et Regarde Les Hommes Tomber – à se produire dans le cadre de collaborations inédites et d’une scénographie qu’ils auront intégralement réalisée, inspirée des arcanes du jeu de tarot. Jesse : « On se lance encore dans quelque chose de nouveau, quelque chose qui nous excite et nous fait peur à la fois parce qu’on ne l’a jamais fait et qu’on ne sait pas trop où on va. Mais on sait qu’on a envie d’y aller. Parce que c’est le seul moyen d’avancer et de faire en sorte que ce boulot reste stimulant chaque jour. »
Major Arcana - Une cérémonie metal illustrée par Fortifem : avec Alcest & Perturbator, Nostromo & Dehn Sora, Hangman’s Chair & Regarde Les Hommes Tomber ; le 25 septembre au Trianon, dans le cadre du Red Bull Music Festival Paris, et sur Arte Concert. 35
« Je n’ai pas peur » L’homme qui infiltre des réseaux criminels pour sauver des espèces menacées d’extinction raconte son quotidien. Andrea Crosta était conseiller en sécurité pour le compte de grandes entreprises, de gouvernements et de services secrets. Aujourd’hui, l’Italien dirige l’ONG Earth League International, dédiée au sauvetage d’espèces en voie de disparition, en employant des moyens dignes des renseignements. Il lève le voile sur ses méthodes d’engagement. Propos recueillis par MANFRED KLIMEK
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Le bateau
Le Sea of Shadows met le cap sur le golfe de Californie, au Mexique, où la vaquita, une espèce de marsouins en voie d ’extinction, est en période de reproduction.
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Le sauveur
« Je n’ai pas peur. Et je m’inquiète uniquement pour mes équipes lorsqu’elles sont en mission. Nos agents opèrent généralement sous couverture. S’ils étaient démasqués, ils se retrouveraient très vite en danger de mort. » 38
Je m’appelle Andrea Crosta, j’ai 50 ans, je suis né près de Milan, j’ai étudié la zoologie, les sciences naturelles, l’économie et la psychologie. Je suis directeur exécutif de l’ONG Earth League International qui se consacre à la dénonciation des crimes perpétrés contre les espèces sauvages. Notre vocation est d’œuvrer pour la sauvegarde des espèces menacées et en voie de disparition. De nombreuses organisations poursuivent ce même objectif à travers le monde, et on ne peut que s’en réjouir. Mais nous nous distinguons des autres organisations par les méthodes que nous mettons en œuvre lors de nos opérations, des méthodes directement inspirées du domaine du renseignement. Oui, c’est très précisément ce que nous faisons : nous sommes une organisation professionnelle digne d’un service de renseignement agissant dans le monde entier, parfois clandestinement, qui met au jour des activités criminelles et livre aux autorités les résultats de ses enquêtes. Il ne s’agit pas pour nous de nous indigner, mais d’apporter la preuve d’agissements criminels permettant à la police et à la justice de sévir contre le massacre organisé et le trafic d’espèces en voie de disparition.
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La question qu’on me pose le plus souvent, c’est si j’ai peur. Ça ne m’étonne qu’à moitié. Après tout, mon métier est risqué et m’expose à de nombreux dangers. Avec mon équipe, nous menons depuis près de dix ans un combat contre les criminels qui se livrent à un commerce illégal. Dans ce genre d’activité, on se fait forcément beaucoup d’ennemis. Et on peut partir du principe qu’on continuera à s’en faire. Je n’ai pas peur. Et je m’inquiète uniquement pour mes équipes lorsqu’elles sont en mission. Nos agents opèrent généralement sous couverture. S’ils étaient démasqués, ils se retrouveraient très vite en danger de mort. Je ne me fais pas de souci pour moi-même. Je vis seul avec mon chien en Californie et suis souvent en voyage. Je m’imagine parfois qu’on me surveille et que quelqu’un m’attend au coin de la rue pour me régler mon compte. Mais je m’efforce de m’ôter rapidement cette idée de la tête.
Andrea Crosta (50 ans) vit avec son chien en Californie. La plupart du temps, il vadrouille à travers le monde. Toute compagne à ses côtés serait menacée. C’est pourquoi il préfère rester célibataire.
J’ai entendu parler de la vaquita pour la première fois il y a environ quatre ans. La vaquita, qui signifie « petite vache » en espagnol, est un marsouin mesurant environ un mètre et demi de long qui ne vit le long des côtes mexicaines qu’au cours de sa période de reproduction. Avant et après cette période, ces animaux mènent une existence plutôt solitaire. On estime que seule une trentaine de THE RED BULLETIN
La victime
Une vaquita dans les filets d’un pêcheur mexicain. Une prise accessoire : les pêcheurs ciblent en fait le totoaba, poisson dont la vessie natatoire se vend à prix d’or en Chine.
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vaquitas sont encore en vie à l’heure actuelle. Je présume malheureusement que ce nombre aura encore diminué entre-temps.
Le repérage
La nuit venue, les équipiers du Sea of Shadows scrutent les sonars de leurs instruments de surveillance des heures durant. Soudain, ils repèrent un bateau de pêcheur.
« Après avoir étudié la question plus en détail, j’ai vite réalisé à quel point la vaquita était menacée et j’ai pris conscience du rythme effréné de son extinction. » 40
La vaquita a un problème : elle partage son habitat naturel avec des bancs de totoabas. En Chine, la vessie natatoire de ce poisson est réputée pour ses vertus prétendument miraculeuses : les femmes enceintes la consomment pour prévenir les fausses couches. Le remède est en outre censé rendre la peau plus belle et, bien sûr, augmenter la puissance sexuelle de l’homme. Des effets jamais démontrés scientifiquement, mais il est difficile de lutter contre des croyances traditionnelles si profondément ancrées. Les totoabas sont capturés à l’aide de filets dits maillants posés dans les fonds marins. Les vaquitas sont prises dans les mailles du filet et meurent par asphyxie. La saison de pêche à venir, qui débutera à l’automne 2019, sera peut-être sa dernière. Ensuite, la vaquita risque de disparaître intégralement du règne animal. En 2016, nous avons donc commencé à enquêter pour localiser la zone géographique vers laquelle les vessies séchées de totoaba étaient expédiées. Des recherches qui nous ont menés tout droit en Chine. Les membres de notre équipe asiatique se sont fait passer pour de riches businessmen qui menaient leurs affaires dans la province du Guangdong, dans le sud de la Chine. Canton, la capitale du Guangdong, est une ville côtière et un haut lieu du commerce des poissons et des crustacés. Nous nous sommes d’abord présentés comme des négociants sérieux traitant avec des marchandises légales. Puis, une fois bien établis dans le monde des affaires local, nous avons commencé à nous intéresser aux vessies natatoires de totoaba. THE RED BULLETIN
Les pirates
Des pêcheurs mexicains remontent leurs filets. Ils représentent à la fois le maillon le plus important et le plus pauvre de la chaîne. On ne saurait pour autant leur accorder notre empathie.
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L’attaque
Les protecteurs d’espèces du Sea of S hadows tentent d’éloigner les pêcheurs illégaux de leurs filets.
Une telle opération représente une somme de travail immense, financée en conséquence. Les membres de notre équipe asiatique devaient avoir l’air très fortunés : costumes haut de gamme, grosses berlines, les meilleurs hôtels et un budget généreux dédié aux invitations. Cette opération a nécessité l’engagement de sommes d’argent considérables, perdues en cas d’échec. Il a également fallu s’armer de patience pour gagner la confiance des gens et les amener à nous proposer des marchandises rares et illégales. Nous avons dû nous rendre plusieurs fois dans la région et attendre de longues semaines avant qu’on nous présente enfin une vessie séchée de totoaba. Nos agents ont filmé cette rencontre avec des caméras cachées dans les attachés-cases ou dissimulées dans les vêtements. Nous savions à présent à quoi ressemblait la marchandise – rien de très spectaculaire. Comble de l’absurdité, la vessie de totoaba n’est aujourd’hui quasiment plus vendue en Chine pour être consommée, mais fait essentiellement office de cadeau dans les milieux d’affaires afin de faciliter les relations commerciales. Cadeau qui sera par la suite offert à un autre partenaire commercial et voyagera de main en main. En raison de sa rareté, le prix au gramme de la vessie natatoire atteint aujourd’hui le double de celui de l’or. Un trafic dont on devine aisément la dimension lucrative. 42
« Les membres de notre équipe asiatique devaient avoir l’air très fortunés : costumes haut de gamme, grosses berlines, les meilleurs hôtels et un budget généreux dédié aux invitations. »
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En Chine aussi, le commerce et la consommation de la vessie de totoaba sont strictement prohibés. Les autorités chinoises respectent généralement la Convention sur la protection des espèces. Et afin d’écarter tout soupçon de complaisance, la police chinoise peut également se montrer très répressive dès lors qu’elle obtient des informations. De retour en Californie avec nos données, il s’agissait à présent d’exploiter les informations recueillies. Une tâche digne d’une investigation policière. Trois de nos collaborateurs, des spécialistes de l’analyse de données, ont visionné nos innombrables heures d’enregistrements, parfois en organisant des équipes de nuit, afin d’identifier et de synthétiser les informations pertinentes. À la maison, au cours de nos recherches, j’avais dédié un mur entier de plusieurs mètres de large à nos travaux, sur lequel nous mettions en relation les différents lieux et individus. Oui, comme dans les séries policières. Quand vous reculiez de trois pas pour contempler le mur, vous étiez capable de dresser un tableau d’ensemble et d’appréhender l’affaire dans toute son ampleur. Je me suis alors rendu à l’évidence que ce projet devait prendre une dimension supérieure. J’avais certes déjà obtenu le soutien d’un financier qui avait réglé la facture de nos voyages et opérations en Chine, mais la question des vaquitas me semblait désormais présenter davantage de substance journalistique que ce que j’imaginais au départ. 44
« Sur nos précédentes opérations, nous pouvions opérer tels des fantômes invisibles, mais la réalisa tion d’un documentaire implique le transport d’un volume conséquent de matos, ce qui signifiait la fin de notre clandestinité. » Il fallait donc lui donner une plus grande résonance. Ici, les négociants de Guandong qui vendent les vessies natatoires séchées de totoaba à une petite clientèle choisie. Là, les négociants basés au Mexique, généralement des Chinois expatriés, qui expédient les vessies à travers le monde en prenant soin d’éviter tout envoi direct vers la Chine, pour ne pas éveiller les soupçons. Ici encore, les hommes de main des cartels mexicains qui servent d’intermédiaire entre les pêcheurs et les Chinois mexicains et leur livrent les vessies. Là enfin, les pêcheurs qui capturent illégalement les totoabas et les vaquitas. J’en étais persuadé : un documentaire permettrait de lever le voile sur ce commerce criminel et d’en révéler le fonctionnement. Un trafic qui illustre dans une très large mesure les failles de la protection des espèces. J’ai donc appelé Richard Ladkani, le réalisateur autrichien avec lequel j’ai tourné le documentaire The Ivory Game en 2016 sur le trafic d’ivoire qui sévit en Chine et à Hongkong. THE RED BULLETIN
La fuite
Après une confrontation mouvementée, voire carrément violente, les pêcheurs cherchent leur salut dans la fuite.
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« À partir du mois d’octobre, les bateaux de pêche reprendront probablement leur activité illégale, la pêche au totoaba. Et il se peut qu’au cours de l’hiver, nous devions constater l’extinction des dernières vaquitas. » 46
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La libération
Les membres du Sea of Shadows parviennent à libérer un totoaba capturé illégalement et à le relâcher en mer. L’assistance vient généralement trop tard. Une fois prises au piège, les vaquitas meurent rapidement par asphyxie.
Au début, Richard était peu emballé par l’idée. J’avais moi-même mis un certain temps avant de m’intéresser au problème. L’ivoire, ça c’était un sujet, et tout le monde sait ce qu’est un éléphant. Mais un petit marsouin dont il ne reste probablement plus qu’une trentaine de spécimens ? Richard se demandait sans doute : cette thématique est-elle suffisamment dense pour en faire un long métrage, un documentaire diffusé dans les cinémas ou en streaming ? C’était sans compter sur l’intervention de Leonardo DiCaprio – qui avait déjà co-produit The Ivory Game. DiCaprio disait qu’il fallait faire ce film. Et qu’il nous soutiendrait. Après lui, Terra Mater, la société de production du documentaire The Ivory Game, a à son tour accepté de financer ce nouveau projet. L’équipe que nous avions formée par le passé était à nouveau réunie. THE RED BULLETIN
Avant de poursuivre, je tiens à raconter brièvement comment j’ai eu l’idée de créer mes petits services secrets personnels. Avant de partir m’installer en Californie, je détenais une société de services de sécurité en Afrique. Je protégeais des personnes qui vivaient et travaillaient dans différentes régions de l’Afrique, souvent au Kenya. C’est une activité qui vous confronte à des situations que l’on ne rencontre jamais en Europe et qui vous familiarise avec le sentiment de danger. Puis, des années durant, j’ai développé des technologies de sécurité et de surveillance dans le monde entier, dont certaines utilisées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. J’ai découvert lors de mon travail en Afrique que l’organisation terroriste islamiste Al-Shabaab se finançait grâce au trafic d’ivoire. J’ai effectué des recherches approfondies à ce sujet et ai publié mon travail avec l’aide de responsables politiques tels que le sénateur américain John Kerry. Mon initiative a permis par la suite d’endiguer ce trafic dans une large mesure, sauvant probablement des centaines d’éléphants. 47
Les négociants
Après l’enquête sur Al-Shabaab, je me suis mis à la recherche de thématiques similaires, impliquant également des agissements de marchands criminels qui mettaient en péril la survie d’espèces menacées. Et j’ai mis mes compétences dans le renseignement au service de l’organisation. L’Earth League International est sans doute la seule ONG qui réalise des enquêtes en s’appuyant sur des méthodes dignes des services secrets. Mais revenons aux vaquitas et au film. Lorsque Richard est arrivé au Mexique avec son équipe de tournage, il nous était difficile de passer inaperçus. Lors de nos précédentes opérations, nous pouvions opérer tels des fantômes invisibles, mais la réalisation d’un documentaire implique le transport d’un volume conséquent de matos, ce qui signifiait la fin de notre clandestinité. À Mexico, nous avons invité le journaliste d’investigation Loret Carlos de Mola à rejoindre notre équipe. Avec sa propre émission de télévision, il était l’homme idéal pour sensibiliser le grand public à des problématiques telles que celle de la vaquita. 48
Les membres des cartels mexicains ne font pas vraiment dans la dentelle. Celui ci-dessus a commis plusieurs homicides.
À Mexico, le tournage du documentaire et nos enquêtes s’avéraient sensiblement plus compliqués qu’en Chine. Nous nous y étions préparés : nous savions que les cartels ne sont pas particulièrement connus pour reculer devant la violence, bien au contraire. Malgré la présence de gardes du corps à nos côtés, nous avons rencontré une situation particulièrement périlleuse, lorsque des pêcheurs furieux se sont mis à nous jeter des pierres et autres objets. Une pierre grosse comme mon poing a manqué ma tête de deux centimètres. Lorsqu’une telle situation se présente, il s’agit de garder son calme et de foutre le camp au plus vite. THE RED BULLETIN
Le marché
Les vessies natatoires séchées de totoaba sur le marché noir chinois. Un gramme de vessies de totoaba coûte aujourd’hui deux fois plus cher qu’un gramme d’or.
Notre documentaire est aujourd’hui terminé, et il voyage désormais à travers le monde. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour sensibiliser une large partie de l’opinion publique sur la situation désastreuse des vaquitas. Mais j’avoue ne pas être très optimiste quant à la fin réelle de cette pêche illégale. En revanche, il y a une chose que nous avons réussie : les autorités chinoises ont bloqué les routes commerciales par lesquelles transitent les vessies de totoaba. D’un point de vue tactique, il peut s’avérer judicieux de faire obstacle à tout réapprovisionnement en vessies pendant un certain temps, dans l’espoir que ce produit et sa légende finissent par tomber dans l’oubli et par perdre toute valeur. Souhaitons-le. Mais à partir du mois d’octobre, les bateaux de pêche reprendront probablement leur activité illégale, la pêche au totoaba. Et il se peut qu’au cours de l’hiver, nous devions constater l’extinction des dernières vaquitas qui se reproduisent dans le Pacifique le long des côtes mexicaines. La Terre aura une perte irrémédiable de plus à déplorer. » THE RED BULLETIN
Sea of Shadows, le film Un film documentaire plusieurs fois récompensé, réalisé par Richard Ladkani, a vu le jour grâce au soutien de Leonardo DiCaprio et sous l’égide de la société de production Terra Mater. Il est actuellement à l’affiche dans les cinémas européens. Infos (en anglais) sur : terramater.at/cinema/sea-of-shadows
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« Le regard des gens,
on s’en fout ! » MAVINGA participera à la finale mondiale du Red Bull Dance Your Style à Paris (dont elle a remporté l’édition belge en 2018). Lors de ce concours de danse très particulier où le public est juge, réactivité, adaptation et personnalité sont les clefs. La danseuse n’en manque pas.
Texte PIERRE-HENRI CAMY Photos LITTLE SHAO 50
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Upside down : le 12 octobre prochain, Mavinga et une trentaine de danseurs et danseuses s’affronteront lors du Red Bull Dance Your Style à Paris. Qui s’installera au sommet ?
« Issue des clubs, la house dance est une culture différente, où les gens sont eux-mêmes. »
Venue de Liège (Belgique), Mavinga dédie sa vie à la danse et au graphisme.
the red bulletin : Mavinga, la danse et vous, ça date de quand ? mavinga : Quand j’avais neuf ans, j’avais tout le temps envie de danser. Mes parents voulaient que je sois concentrée sur mes études, mais c’était plus fort que moi, il fallait que je danse, tout le temps ! Vers l’âge de douze ans, j’ai commencé à aller dans les écoles de danse, dans les maisons de jeunes pour m’entraîner. C’est en gagnant mes premiers battles que j’ai voulu me consacrer essentiellement à la danse. Ces battles, c’était du breakdance ? J’ai démarré la danse par du breakdance, mais les premiers battles que j’ai remportés, c’était en house dance. Le côté compétition du break, en un contre un, vous a séduite ? Quand j’ai essayé le break, j’étais dedans dès le début. Les films de danse nous influençaient et nous mettaient en mode compétition. Mais j’ai évolué, et aujourd’hui, mon style de prédilection est la house dance. Que s’est-il passé entre ces premiers battles et aujourd’hui ? Je me suis lassée du côté rentre- dedans du break. Même si ça fait partie de cette culture, je n’étais pas vraiment épanouie. Alors je me suis investie dans la danse hip-hop, mais je n’avais pas encore la flamme. Quand j’ai découvert la house dance, j’ai rencontré une culture différente, née dans les clubs, là où les gens sont eux-mêmes, où ils ont juste envie de danser, de partager. Ils sont dans une bonne vibe. La THE RED BULLETIN
musique te parle, elle est redondante, elle t’emmène vers le haut. Danser pour soi vous semblait plus épanouissant que contre un autre ? À la base, la house n’est pas un mode de battle, mais d’échange : montremoi ce que tu as, et on échangera. Sa variété vous ressemblait plus ? La house est inspirée de plusieurs styles de danse : la salsa, les danses africaines… Tu peux même y mélanger du break, du hip-hop. Tu peux tout mélanger, c’est différent, plus
libre, avec plus de feeling. J’y ajoute mon parcours personnel, je suis passée par plusieurs styles, le break, le hip-hop, le dancehall, l’afro également, naturellement, car je suis d’origine congolaise. (rires) S’adapter à tous ces genres et les mixer est-il difficile ? En tant que personne, j’ai une facilité à m’adapter aux gens et à ce qui m’entoure. Même quand il m’arrive quelque chose de négatif, je m’adapte, j’essaie de trouver une solution. Il y a toujours une solution 53
à tout. C’est au niveau de l’état d’esprit que ça se passe. Si tu es ouvert d’esprit, curieux, tu as envie de t’exprimer dans plusieurs styles.
Red Bull Dance Your Style Finale mondiale à La Villette Le 12 octobre, à Paris, des danseurs et danseuses issus de qualifications dans plus de trente pays sont invités à s’affronter sur un dancefloor géant lors de la finale mondiale du Red Bull Dance Your Style. Dans ce battle de danse en un contre un, l’improvisation et l’interaction avec le public feront la différence, quels que soient leurs moves de prédilection. Champions de hip-hop, de locking ou de popping, ils devront rivaliser de style, d’inventivité et de personnalité, pour emporter les faveurs du public. Seule juge de cet événement, la foule désignera le gagnant ou la gagnante de chaque battle à l’aide d’un carton rouge ou bleu. Autre particularité du Red Bull Dance Your Style, les sons sur lesquels danseront les compétiteurs sont inattendus, de Beyoncé à Boney M en passant par Britney Spears ou Nirvana, des hits du moment ou des titres old school révélés au moment précis où le danseur entre dans son battle. La finale mondiale du samedi 12 octobre à la Grande Halle de La Villette sera précédée d’une soirée la veille, et d’une semaine d’activations autour de la danse (workshops, initiations, démos) organisées à La Villette et dans Paris. Billeterie et infos sur
redbulldanceyourstyle.com 54
C’est exactement le propos du Red Bull Dance Your Style, que vous avez emporté en Belgique l’an dernier. En quoi est-ce une compétition de danse particulière ? Déjà, les musiques sur lesquelles il faut danser sont commerciales. Dans un battle classique, tu peux tomber sur différentes variétés de musiques hip-hop, mais pas sur Beyoncé, Justin Timberlake ou Michael Jackson. Leurs chansons sont hyper connues, il doit donc être facile de s’adapter à des musiques que l’on connaît déjà quasi par cœur ? Ça parait facile, mais ça ne l’est pas du tout. Quand tu connais bien une musique, tu as envie d’être hyper musicale dans ta danse, du coup, tu peux te perdre dans ton passage. Si tu es trop en mode stratégie, en mode : « Je vais mettre ça pour impressionner », tu n’es pas bien. Au Dance Your Style, il ne faut pas trop lancer de cartouches, de tricks, il faut vraiment penser à s’amuser. Parce que quand tu t’amuses, ton corps est bien, et tu fais de bons passages. Il faut d’abord s’amuser soimême, et amuser le public. C’est ça le plus compliqué. Si l’on prend un Beyoncé, dont vous connaissez bien les parties plus instrumentales ou vocales, il faut éviter « d’organiser » sa danse sur toutes ses structures ? En fait, c’est un mix de deux choses. Dans les battles, c’est 80 % de feeling et 20 % de préparation. Quand je parle de préparation, il s’agit de séquences que tu connais par cœur, que tu vas placer sur le son. Mais si tu es trop dans un calcul, à 100 %, ça
« Si tu penses à ce que vont penser les gens, tu vas te bloquer. »
ne marchera pas. Le feeling, c’est inexplicable, et quand la musique va faire « boom ! », quelque chose va sortir à ce moment-là. En fait, la stratégie c’est de ne pas être trop dans le calcul, car tu ne sais jamais sur quelle musique tu vas tomber. Quand la musique commence, quelle qu’elle soit, qu’est-ce qui se passe dans votre tête ? Je rentre immédiatement dans un personnage. L’an passé, j’étais habillée en mode arts martiaux, ambiance asiatique, avec une tenue ample orange. Là, je joue à la fois sur ma féminité et ma masculinité. Sur un Beyoncé par exemple, je vais plus aller vers mon côté féminin, si c’est Nirvana, j’irais plus vers le masculin, mais toujours dans ce délire d’art martial. Je garde la même souche de personnage, que je diversifie. Est-ce que la danse est un bon moyen d’assumer tous les traits de notre personnalité ? Si tu es un danseur homme face à une fille, et si tu sais montrer un côté féminin fort, il n’y a pas de gêne, c’est un plus pour toi. Si tu penses à ce que vont penser les gens, tu te bloques, tu ne pourras pas te libérer. Cela fait-il encore le lien avec ces clubs où des gens de tous horizons et toutes orientations sexuelles ont trouvé un terrain d’expression en dansant sur la house ? C’est ça, il n’y a pas de jugement, juste de la bienveillance et du partage. Quand vous ne dansez pas, vous êtes une graphiste indépendante. Est-ce aussi un moyen de libérer votre créativité, et tous les aspects de votre personnalité ? C’est très important, car si tu fais de la danse tout le temps, tu es comme coincée dans une bulle. Le graphisme est aussi une forme d’art qui m’inspire. Je me sers de la danse pour inspirer mon graphisme, et du graphisme pour inspirer ma danse. C’est un plus. La danse est-elle graphique ? Durant le shooting photo d’hier avec Little Shao, certaines pauses, certains THE RED BULLETIN
« Il faut d’abord s’amuser soi-même, et amuser le public. C’est ça le plus compliqué. »
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« Si dans ton visage et dans ce que tu dégages, il n’y a rien, c’est nul. »
Dans un concours de danse, pour la Belge, le visage aussi a son rôle.
steps de danse qu’il a photographiés étaient clairement des formes, des choses qui peuvent m’inspirer en tant que graphiste. La silhouette d’un danseur devient un élément graphique que tu peux agrémenter d’autres formes ou de mots, comme je l’ai déjà fait pour réaliser un flyer, en me basant sur la silhouette d’une amie danseuse. Danse et graphisme se marient vraiment bien. Le graphisme est un média, un moyen de transmission, est-ce le cas également avec la danse ? Comment connectez-vous avec le public ? Est-ce que le public peut aider à remporter la compétition ? Je joue tout le temps avec le public. Quand tu danses trop pour toi-même, ton aura n’est pas libérée. L’aura, c’est super important. Tu peux faire un step de fou, mais si dans ton visage et dans
Tous styles confondus Ces participants sont particulièrement attendus sur la finale mondiale du Red Bull Dance Your Style.
ce que tu dégages, il n’y a rien, c’est nul. Que le public soit connaisseur ou non, que les gens qui te regardent soient des danseurs ou non, ça se ressent. Ce que tu vas dégager, mais aussi ressentir, accompagne le mouvement. Un danseur n’est pas là seulement pour balancer plein de trucs techniques, il doit aussi ressentir ce qu’il fait. C’est un tout. Et bien sûr, jouer avec le public, c’est aussi une stratégie pour t’assurer son adhésion car sur un format de compétition comme le Red Bull Dance Your Style, seul le public décide du gagnant.
« Respire, et imagine que la personne en face de toi est nue. »
Angyil (USA) Popping L’Américaine a débuté par la danse classique. Guerrière réputée dans les battles, elle développe une énergie sans limite.
Maika (Japon) Hip-Hop La jeune danseuse a remporté le Juste Debout 2016 à Paris, en duo avec sa camarade Kyoka. C’est cet évènement d’envergure qui l’a révélée à la planète danse.
Jaja (Tchéquie) Krump/Robot Mavinga dit d’elle que son aura est « sale », qu’elle est hyper forte. Au Red Bull Dance Your Style, saura-t-elle interagir avec le public pour emporter son adhésion ?
Salah (France) Popping « Il est dans le même délire que moi, il sait tout faire, dit Mavinga à propos de Salah (avec la danseuse sur la photo-ci contre). Il a un visage très expressif, il sait amuser le public, ça va être un adversaire chaud. »
Tebza (Afrique du Sud) Pantsula Avec le Pantsula, une danse de Johannesbourg, Tebza a été révélé sur l’édition du Red Bull Dance Your Style Afrique du Sud l’an dernier. Il est réputé pour sa dextérité et sa précision.
Blondy (France) Popping Malgré une carrière copieuse, vous trouverez encore Blondy dans les rues de Paris, réalisant des performances de danse qui mettent systématiquement le public en feu. THE RED BULLETIN
Est-ce intéressant d’être « jugé » par le public, notamment par des gens qui ne sont pas des danseurs ? C’est une toute autre ambiance. Sur l’édition belge, je n’avais pas besoin de faire trop de trucs techniques pour que le public crie. Quand il voyait que je m’amusais, il s’amusait avec moi. C’est un vrai échange. Dans les fêtes ou dans les clubs, beaucoup de gens n’osent pas danser. Pourquoi devraient-ils se lancer ? Quelle philosophie pourriez-vous leur transmettre ? Quand on me dit : « Je n’ose pas trop danser, les gens vont me regarder », je leur explique toujours qu’ils n’ont rien à perdre. Si tu kiffes la musique, danse ! Tu ne vas pas perdre mille euros, tu as tout à gagner. On ne sait pas ce qu’il va arriver demain, alors profitons du moment présent, et le regard des gens, on s’en fout ! Cette confiance en vous, développée tout au long de votre carrière, comment la transmettre aux personnes plus timides, peu sûres d’elles ? Il faut savoir qu’à la base, j’étais moimême quelqu’un de très timide, qui ne parlait pas du tout. Faire ce que nous faisons en ce moment, une interview, il y a quelques années, ça aurait été impossible. Je n’aurais pas pu parler. Avant, on disait que j’étais bizarre. (rires) En fait, j’étais trop timide. Par contre, quand je dansais c’était autre chose. Ce que je pourrais conseiller aux gens qui sont bloqués, c’est de se forcer. Respire, et imagine que la personne en face de toi est nue. Il faut imaginer une situation qui te mette à l’aise. Force-toi. Vous avez appris à vous ouvrir, à être plus à l’aise, grâce à la danse ? J’ai appris dans tout. En échangeant avec les gens, en voyageant, en prenant des cours de danse, en donnant des cours moi-même. C’est un tout. Le plus dur, c’est d’essayer, de sortir de ta situation. Et le pire, c’est de ne pas essayer. Que ça marche ou non, au moins tu l’auras fait, et tu passeras à autre chose.
Instagram : @s.mavinga 57
Aux yeux de ces kids, il est Superbruni. Aux Gets le 13 juillet dernier, le champion du monde de VTT descente Loïc Bruni dédie du temps à ses fans. Son parcours n’aurait pas été le même sans ses supporteurs.
FANS FACTOR
Texte PIERRE-HENRI CAMY Photos TEDDY MORELLEC
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Superbruni… Le Pape de la descente… Sur le circuit international du VTT DH, Loïc Bruni n’est pas réputé que pour ses surnoms, son engagement et ses titres (il est trois fois champion du monde de descente). Ses fans, nombreux, ont contribué à sa carrière et l’ont installé comme un pilote à part. Nous nous sommes jetés parmi eux sur l’épreuve de Coupe du monde UCI de descente, aux Gets, en juillet dernier, et nous avons questionné ce Français de 25 ans sur l’impact de son public sur sa performance.
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he red bulletin : Loïc, parmi les pilotes de VTT descente de haut niveau, vous drainez l’une des fanbases les plus copieuses et motivées. Comment avez-vous réussi à fédérer cette foule autour de vous ? loïc bruni : Je ne sais pas si ma base de fan est plus vaste ou plus folle que celle d’autres pilotes, mais je sais que les fans français aiment bien se démarquer, se déguiser, faire des pancartes, faire du bruit au max, ce qui donne cette impression de folie quand on roule. S’ils sont là, je pense que c’est parce que depuis le début, je suis resté assez disponible pour les gens, j’ai essayé de leur répondre sur les réseaux sociaux, de faire des photos sur les courses avec eux, de toujours être là pour eux. Rencontrer un pilote, c’est toujours une grande opportunité pour le public.
Voir très rarement vos fans, en vrai, entretiendrait leur passion pour votre performance ? Le fait de ne se voir que sur quelques rares moments de l’année préserve le côté unique de ces instants de rencontre et d’échange. Et quand on est sur la piste, on passe à 40 ou 50 km/h, donc ils nous voient trois secondes. Tout est intense, il faut en profiter à chaque moment. Comment vous comportez vous dans ces moments rares ? J’essaie toujours d’être à la hauteur de leurs attentes, dans la mesure du
Si l’on fait le compte des épreuves de descente auxquelles vous participez sur une saison, les chances de vous rencontrer physiquement sont finalement très limitées. Cela représente quoi ? Ça doit représenter à peu près un mois sur la saison, ce qui n’est vraiment pas beaucoup. Ça reste donc des moments privilégiés. Mais finalement, quand tu vois trop quelqu’un que tu suis, ou que tu le connais trop, probablement que cela te fait moins rêver. 60
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Ci-dessus : les sentiers de la gloire. Page de gauche : sur une compétition de descente, le spectacle est aussi côté public. Ci-contre : autographe dans les paddocks pour un fan heureux.
possible. Après, côté résultat, c’est parfois en dents de scie, mais en France, j’ai souvent bien roulé. Et puis, surtout, mon « histoire » est belle car les dernières années n’ont jamais été faciles : des blessures, des retours de blessure fracassants, des blessures à nouveau, des galères… Ça n’a jamais été tout beau ni tout rose. Cela a contribué à souder ce public, fidèle, autour de vous ? Je pense qu’à travers mes galères, les gens ont pu s’identifier, et quand j’arrivais à faire péter c’était encore THE RED BULLETIN
plus beau. C’est peut-être ça aussi qui a créé cette adhésion des fans. C’est comme dans un film : si tout le monde est heureux, ou si tout le monde meurt, tu te fais chier. (rires) Pour les fans, c’est bien quand il y a des rebondissements, des moments de galère où c’est la merde, et d’autres où c’est l’extase. Les gens ont aimé me suivre, et j’ai l’impression de les avoir emmenés avec moi. Quand je suis revenu de blessures et que j’ai gagné les championnats du monde en Australie, ils se sont levés à je ne sais quelle heure pour regarder cette 61
course. Et contrairement aux réseaux sociaux où c’est orienté « chasse aux followers, chasse à l’engagement », ce qui est un peu relou à mes yeux, dans ces moments de course, tu fais tout spontanément, et tu ne peux pas contrôler si le public va t’aimer ou pas. Que des fans aient accroché à mon parcours et à mon team, c’est vraiment cool. Un pilote spontané, qui rebondit, s’acharne, qui n’est pas en quête du like sur les réseaux : c’est tout ça qui attire les gens vers vous ? C’est dur à expliquer par A + B… Je ne sais pas te dire… Je n’ai jamais fait dans la langue de bois, j’ai toujours dit ce que je pensais, même si certains n’ont pas kiffé, et j’ai été apprécié pour dire le fond de ma pensée. Je suis assez simple comme gars, normal, alors quand quelqu’un vient me voir pour une photo ou autre sur une course, je tchatche avec lui et il en garde un bon souvenir. Ça le motive à me soutenir. Aussi, avec les sponsors, on fait attention à l’image que l’on transmet. On prend soin de nos tenues, de nos casques, de nos vélos… Tout cela fait rêver les gens, et contribue à entretenir une belle image de la descente, nickel. Être très soutenu peut-être néfaste pour la performance en course ? 62
Les épreuves de DH sont réputées pour leur ambiance survoltée, certains fans français s’y pointent avec des tronçonneuses customisées au bruit assourdissant.
Ça peut l’être, parfois, quand tu te laisses emporter par les compliments. Les gens te mettent un peu sur un piédestal et tu ne te sens plus. Tu pars faire un run et tu roules à fond, ton ego est boosté, au taquet, ça déborde de partout, et au premier virage, tu te la colles… Il faut donc faire gaffe ! Comment éviter de prendre trop de risques à trop vouloir satisfaire ses fans ? Aux Gets, cette année, plusieurs fois, je me suis calmé, je me suis mis à souffler, à tout relâcher. Quand les gens te sautent dessus, quand tu en
as 20, 25 sur toi en une seconde, en mode : « Allez Loïc, allez Loïc, tu vas gagner, tu roules trop bien ! », là ton ego et ta confiance prennent un coup de boost qui peut être too much. Vous avez dit avoir abordé cette descente de manière plus « intelligente ». Honorer vos fans peut aussi vouloir dire ne pas aller trop vite, trop à fond, être plus stratégique que fulgurant ? Les années précédentes, aux Gets, je me mettais un peu le feu, au bord de la piste et en course. Je roulais un poil au-dessus de mes pompes, à cause du bruit, de l’euphorie, de tous THE RED BULLETIN
Champion du monde juniors en 2012 et trois fois en élites (2015, 2017 et 2018), Loïc est l’un des boss de la planète DH.
« Pour les fans, c’est bien quand il y a des rebondissements, des moments de galère où c’est la merde, et d’autres où c’est l’extase. »
Aux Gets, après un départ à 1 719 mètres d’altitude, Loïc défie le chrono sur 2 300 mètres et un dénivelé négatif de 550.
« En Australie, en 2017, il y avait toute cette foule qui gueulait, qui gueulait, qui gueulait… alors je me suis arraché comme jamais sur le sprint final, et j’ai gagné la course ! »
les gens qui sont présents et qui te soutiennent. Il m’est arrivé de me mettre un peu la pression, sans forcément tomber. Je savais que cette année, aux Gets, ça allait être blindé, un truc de malade, du coup, j’ai essayé de gérer. C’est-à-dire ? J’ai essayé d’avoir des créneaux de disponibilité pour signer des autographes et faire des photos avec le public. Et d’autres où je restais concentré sur mon week-end de course. J’ai l’impression que je n’arrive plus trop à faire les deux : être dispo pour les fans tout le temps, toute la journée, et faire une bonne course. J’ai donc essayé de canaliser
les deux trucs, et de garder un pied dans la course. Concrètement, pendant la course, avec la foule qui vous soutient, comment faites-vous pour ne pas « déborder » ? Sur mon run final, les gens sur le bord étaient en folie, il y avait beaucoup de bruit. En tant que pilote, tu
« Rencontrer son public, ça reste des moments privilégiés. »
sentais qu’il se passait quelque chose de fort. J’en mettais, je roulais bien, mais dans un coin de ma tête, j’avais toujours la petite voix du classement général de la Coupe du monde qui me disait : « N’en met pas trop non plus… » J’ai donc essayé de ne pas partir à la faute, mais j’ai vraiment kiffé. J’étais concentré, mais j’arrivais à profiter du moment, des gens qui hurlaient. Arrivé en bas, je savais que mon run était bon, sans être fou. Je n’ai pas roulé pour gagner, mais pour marquer des points. Même si j’aurais kiffé l’emporter aux Gets avec tout ce monde qu’il y avait. Ne pas rouler trop à fond pour préserver une place en tête du classement général, ça ne doit pas être facile à assumer en tant que descendeur pro… Votre but, c’est bien d’être le plus rapide ? Je ne regrette rien, car si j’avais plus attaqué et que j’étais tombé, ça m’aurait coûté cher. C’est la première fois que j’avais une aussi bonne position au classement général, et avec mon team, on a pas mal discuté de la manière de marquer des points au général, tout en roulant bien. En plus, c’est un Français, Amaury Pierron, qui a gagné, et un autre Français, Loris Vergier, a terminé cinquième. Le public était au rendez-vous et nous aussi, je suis content. Les fans vous ont-ils déjà permis de vous dépasser, vous ont-ils fait passer dans une dimension supérieure de performance ? Oui, la première fois où j’ai roulé à Lourdes, en 2015. Il y avait un monde de fou, tout le week-end, ça nous a porté. On roulait presque sur eux, pour ainsi dire. On a toujours eu des fans, mais là, c’était la première fois de ma vie où je me sentais « connu ». Ça criait dans tous les sens, et dans les sections dans les bois, ça résonnait, c’était fou.
« Make dowhnill great again », indique le panneau qui attend Loïc en bas de la piste. Son run final à peine terminé, il se tourne vers les panneaux de temps pour connaître son classement. THE RED BULLETIN
À l’inverse, le bruit du public peutil perturber un pilote de descente ? Ça peut surprendre, car dans le haut du parcours, tu enchaînes des parties dans des sections calmes, et puis d’un coup, vers la fin, le bas, là où tous les gens sont concentrés, tu as toute cette foule amassée sur le bord… Baaaaah ! Ça fait un choc, ça met un coup d’adrénaline, mais si tu es bien concentré, bien dans ta course, ça va. C’est une fois arrivé en bas, quand tu 65
« Quand tout va bien et que ça soude, c’est la meilleure version de moi : c’est là que Superbruni est de sortie. » Avec Hugo, un fan acharné, et son père au short camo, Bruno. Ils ont créé ce portrait de Loïc « trumpisé » pour le soutenir. Mode second degré.
J’ai kiffé la pancarte, et je les ai kiffés aussi, parc qu’ils étaient grave sympas. Superbruni est né à ce moment-là. Quand je dis « when it goes well », c’est quand tout va bien et que ça soude. C’est la meilleure version de moi-même : c’est là que Superbruni est de sortie. D’autres jours, c’est moins le cas. (rires)
Loïc termine deuxième de l’épreuve des Gets mais se maintient en tête du classement général de la Coupe du monde. Avec deux Français sur le podium, le champagne s’impose.
te retournes que tu te dis : « Putain, à partir de là, il y avait un monde ! » À Cairns, en Australie, en 2017, il y avait toute cette foule qui gueulait, qui gueulait, qui gueulait… alors je me suis arraché comme jamais sur le sprint final, et j’ai gagné la course ! C’était fou ! À l’inverse, est-ce que vos fans vous ont déjà mis en difficulté ? Pas vraiment. Pas dans la course à proprement parler. Parfois c’est plus des à-côtés, des gens qui insistent un peu, qui te demandent de leur donner un truc, ton matos. Tu leur réponds gentiment que tu ne peux pas, alors ils te demandent un autre truc. (rires) Qu’est-ce que vos supporteurs vous demandent le plus ? Souvent, c’est le maillot. Des maillots, on en a très peu, et si on en donne, c’est aux amis, ou aux sponsors. Ou bien à des associations. Les gens ne comprennent pas forcément qu’on ne puisse pas donner nos lunettes, notre casque ou notre casquette. En soirée aussi, ça peut être chiant. (rires) Même si certains insistent parfois, est-ce que dans les moments de galère, de blessure, vos fans vous donnent de la motivation et du courage ? Quand tu es en galère côté résultat ou blessure, et que tu reçois des THE RED BULLETIN
essages sur tes photos, que les mecs m te répondent, te mettent du positif dans ton quotidien, ça fait du bien. Avec de bonnes hormones, ton cerveau marche bien, alors tout ça, c’est sûr, c’est du bon. Même si tu ne connais pas ces gens, même si tu ne les as jamais rencontrés, ils te font passer un message, ils te donnent l’impression d’être important et d’être bon, parce qu’ils te soutiennent. C’est toujours appréciable. Une nouvelle fois, cette année, aux Gets, on a pu voir des kids qui portaient des T-shirts « Superbruni » et sur votre compte Instagram, vous indiquez « Superbruni, when it goes well ». D’où est venu ce surnom et quand vous transformez-vous en Superbruni ? Superbruni, je crois que c’est parti d’un concours pour gagner une de mes tenues. Il fallait créer un visuel de pancarte stylé et la mettre sur un site Internet. Des gars qui avaient mis une création Superbruni sur le site l’ont carrément imprimée et sont venus avec sur la course de Lourdes.
L’année suivante, on aussi vu un panneau « Bruni : 1st Pope of Downhill » (Bruni 1er : le pape de la descente, ndlr), les mêmes fans étaient encore à l’origine du délire ? Oui, comme pour Superbruni, il s’agit de Bruno Vallat et de son fils, Hugo. Ils ont aussi fait un panneau parodiant une pub Kinder, et un autre où je porte une coupe nuquelongue, un mulet, comme dans les années 80. (rires) Ils s’étaient préparés pour Les Gets cette année ? Carrément ! Ils avaient fait un panneau où ils m’ont photoshopé sur la gueule de Trump, avec marqué « Make downhill great again ». (rires) À chaque fois, c’est eux. C’est un bon délire, on rigole bien ensemble. Ce côté autodérision affiché et assumé, c’est important pour vous ? C’est clair, il n’y a rien de sérieux là-dedans, c’est juste pour le kiff. Ça motive plein de gens à faire des photos, des panneaux, je trouve ça cool. Est-ce que vous êtes vous-même fan d’un sportif, d’un artiste ou d’un acteur, que vous suivez sur les réseaux, à qui vous adressez des commentaires ? Je suis beaucoup le moto GP et le motocross aux US. J’aime bien commenter quand il se passe un truc. Quand je vois que le mec galère, si je pense à quelque chose de positif à lui adresser, je le fais. Parce que je sais à quel point c’est cool de recevoir des messages de la sorte. Instagram : @loicbruni29
« Cette année, aux Gets, je savais que ça allait être blindé, un truc de malade, du coup, j’ai essayé de gérer. » 67
Apparu il y a 2 000 ans, le sumo est encore le sport national au Japon, mais sa maîtrise a dépassé ses frontières. De nouveaux concurrents planétaires font leur apparition, et forcent les Japonais à redoubler d’efforts pour rester au top. En témoigne la plus grande compétition organisée en dehors du Japon : l’US Sumo Open. Texte TOM WARD Photos JEREMY LIEBMAN
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C’est du lourd THE RED BULLETIN
Byambajav Ulambayar est un géant du sumo à plus d’un titre : l’ancien professionnel mongol a remporté l’US Sumo Open dix fois depuis 2007, dans la catégorie poids lourds.
« Le sumo, c’est un peu comme la lutte professionnelle américaine : un vrai spectacle. » Le 19e US Sumo Open, le plus grand tournoi de sumo organisé en dehors du Japon, a attiré près de 5 000 spectateurs et 64 lutteurs internationaux à la Walter Pyramid de Long Beach (Californie).
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Le Norvégien Henning Westerby tente de faire sortir du ring l’Américain Robert Fuimaono, reconnaissable à son t atouage « Bulldozer ».
Le sumo mêle héritage et réinvention pour satisfaire les attentes d’un public plus large et international.
Hiroki Sumi domine la compétition. En 2018, le lutteur de sumo japonais a été la grande surprise du WWE Greatest Royal Rumble, une compétition de catch organisée en Arabie saoudite, pendant laquelle se sont affrontés cinquante hommes.
Sumi repose ses 220 kg. Il est l’un des sumos les plus lourds de la competition.
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out en haut des gradins, les trois lutteurs de sumo qui se mettent en position sur le terrain de basket-ball ressemblent à de gros ballons de plage en cuir. C’est une comparaison assez inhabituelle. Mais après tout, on est en Californie, et plus précisément dans le stade de l’université d’État de Californie (California State University) à Long Beach. La Walter Pyramid compte 4 000 places et accueille les équipes de basket-ball et d’athlétisme des 49ers de Long Beach State. L’intérieur de la salle est tapissé de bannières noir et or sur lesquelles on peut lire : « Go Beach ». Il y a un stand de pop-corn et des vendeurs proposent des hot-dogs et des sodas XXL. Dans ce lieu aussi américain que peut l’être l’apple pie, deux lutteurs japonais et un lutteur mongol ne passent pas inaperçus lorsqu’ils s’échauffent sur le parquet lustré du terrain de basket. Les trois athlètes sont Byambajav Ulambayar, un Mongol de 1,84 mètre et ancien lutteur de sumo professionnel ; Hiroki Sumi, un Japonais de 1,92 mètre ; et, avec son modeste 1,70 mètre, Takeshi Amitani, quintuple champion japonais universitaire. En cet après-midi de la mi-mars, ils sont venus pour le 19e US Sumo Open annuel, le plus grand tournoi de sumo organisé en dehors du Japon. Tous les participants réunis ont récolté 18 titres de champion du monde de sumo et viennent de pays aussi lointains que le Japon, la Mongolie, l’Inde, l’Égypte, le T adjikistan, la Géorgie, l’Ukraine, la Norvège ou l’Allemagne. Surprenant ? Pas vraiment. Plus que tout autre sport, le sumo est l’objet d’une tradition en pleine mutation. Au Japon, les meilleurs lutteurs sont régulièrement battus par de nouveaux concurrents venus de Russie, de Mongolie et d’Ukraine. En effet, ces pays ont adopté avec enthousiasme le sport national japonais et ont entrepris de le dominer.
Cela vaut son pesant d’or e
Deux jours avant le début du 19 US Sumo Open, dans la Walter Pyramid, nous retrouvons quelques-uns des plus célèbres compétiteurs à la pesée. Byambajav Ulambayar, l’ancien lutteur de sumo professionnel de 35 ans, affiche 161 kg sur la balance. « Je n’ai que la peau sur les os », plaisante-t-il. Alors que Byambajav Ulambayar revêt son peignoir violet aux motifs floraux et déambule avec la prestance d’un roi, Hiroki Sumi, 29 ans, saisit son ventre rebondi à pleines mains et grimpe sur la balance. Avec ses 220 kg, c’est l’un des lutteurs les plus lourds de la compétition. Quant à Takeshi Amitani, 26 ans et 100 kg, il entre parfaitement dans la catégorie poids moyens. Pendant que Byambajav Ulambayar tente de marquer un panier avec une serviette roulée en boule, Takeshi Amitani et Hiroki Sumi forment un duo à la Laurel et Hardy, le premier traduisant nos questions à son collègue bien plus grand que lui. Affichant un éternel sourire, Hiroki Sumi, qui a combattu en 2018 lors de l’un des plus grands événements de la WWE, le 74
Greatest Royal Rumble, ressemble à une version japonaise de Dustin dans Stranger Things, la série Netflix. « Je m’entraîne très dur », raconte Hiroki Sumi par l’intermédiaire de Takeshi Amitani, un apollon musclé aux cheveux lissés vers l’arrière, une oreille gauche en chou-fleur et un œil en partie fermé à cause d’une blessure. « Je soulève 90 kg sur le banc, 60 kg aux épaules et 140 kg aux jambes. » Sumi reproduit les mouvements tout en parlant, et ses membres, impressionnants, se contractent. Il montre son genou droit lézardé d’une méchante cicatrice rouge et boursouflée. Le prix à payer pour ses journées passées à soulever des poids et faire des squats. La routine de Takeshi Amitani est plus ou moins la même. Lorsqu’il était à l’université, il a voulu prendre de la masse THE RED BULLETIN
Les Ukrainiens se montrent performants dans le sumo moderne. Ici, les compatriotes Demid Karachenko et le futur vainqueur Sviatoslav Semykras s’affrontent lors de la finale hommes en poids légers.
usculaire. Il a donc suivi un régime à base de sushis, de rāmen m et du plat de base des lutteurs de sumo, le chankonabe, un ragoût assez sain et bourré de protéines (poulet, tofu, boulettes de viande ou poisson), ainsi que du riz gluant ou des nouilles, et des légumes (bok choy, champignons, daikon ou radis blanc et carottes), pour se forger un corps d’athlète. Officiant à présent dans la catégorie poids moyens, il a ajouté la course à pied à son hygiène de vie. Hier soir, les trois lutteurs de sumo ont profité d’un barbecue à l’hôtel. « Nous avons mangé entre 5 et 6 kg de viande », s’amuse Byambajav Ulambayar. Pour se bâtir le corps d’un lutteur de haut niveau, les homologues de Byambajav Ulambayar doivent enfourner des quantités astronomiques de ce ragoût chaque jour. Le dîner est plus léger et peut se composer de maquereau frit, de THE RED BULLETIN
« Il est autorisé de gifler ou faire des balayettes. Pas de donner des coups ni de tirer les cheveux. »
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Les Russes, Mongols ou Ukrainiens terrassent fréquemment les top lutteurs japonais. nouilles et de salade. Et comme le sumo est un sport qui se pratique 365 jours par an, sans saisons compétitives spécifiques, le régime des lutteurs professionnels ne change jamais. Tout cela entretient l’image occidentale typique d’un lutteur de sumo obèse mais musclé. De nombreux lutteurs, et notamment les concurrents ukrainiens, sont issus d’un milieu de lutte plus traditionnelle, mais les grandes stars de la discipline se doivent de gagner le plus de masse possible, non seulement pour faire le spectacle, mais aussi pour devenir des poids inamovibles. Plus vous êtes lourd, plus votre adversaire aura du mal à vous sortir du ring. S’entraîner avec des adversaires de plus de 160 kg facilite aussi la préparation des matches : essayez d’en arrêter un et vos jambes développeront rapidement la force nécessaire pour supporter leurs assauts sur le ring. Les lutteurs peuvent prendre tellement de poids qu’en 1994, une étude réalisée par des experts en sciences du sport issus de quatre universités tokyoïtes a pu
déterminer la limite supérieure de masse corporelle non grasse chez l’être humain. D’après les résultats obtenus, le corps d’un lutteur de sumo moyen contient 26,1 % de graisse, tandis que le corps d’un bodybuilder en contient 10,9 %. Mais pour devenir lutteur de sumo professionnel, un appétit d’ogre ne suffit pas. Il faut se consacrer entièrement à son équipe de sumo au Japon et s’entraîner chaque jour pour espérer concourir au plus haut niveau. Tous les autres sont considérés comme des amateurs. Alors que Takeshi Amitani n’était encore qu’un apprenti au Japon, Hiroki Sumi et Byambajav Ulambayar luttaient déjà à un niveau professionnel. Aujourd’hui, tous trois vivent en Californie et représentent donc parfaitement leur sport en dehors du Japon. Depuis que le sumo est devenu sport olympique (bien qu’il ne soit pas au programme des JO de Tokyo 2020), ils sont de plus en plus sollicités. Lorsqu’il ne participe pas à une compétition, Takeshi Amitani enseigne dans un dohyō (ring) dans son quartier et réalise régulièrement des performances pour la télévision, contribue à des expositions et des conférences, tout comme Hiroki Sumi. Byambajav Ulambayar est lui venu aux États-Unis en 2007 pour faire une apparition dans le film Ocean’s 13, et il n’est jamais reparti. Mais l’US Sumo Open n’est pas une exposition comme les autres pour ces lutteurs. C’est aussi la compétition la plus prestigieuse en dehors du monde professionnel du sumo, et c’est un excellent moyen de garder la forme auprès des concurrents étrangers. Byambajav Ulambayar a atteint le haut du classement dans la catégorie poids lourds dix fois depuis 2007, tandis que Hiroki Sumi a remporté 234 matches pendant toute sa carrière professionnelle au Japon. « Le sumo est d’une grande simplicité, explique Hiroki Sumi au travers de Takeshi Amitani. De nombreuses personnes respectent l’art du sumo, et cela ne m’ennuie pas que des étrangers concourent. Le sumo est toujours un sport mineur, mais j’aimerais qu’il soit plus populaire. J’ai été professionnel pendant longtemps au Japon, mais je voulais montrer mes techniques à plus de gens. C’est pourquoi je suis venu en Amérique. » Le résident mongol, Byambajav Ulambayar, est un homme peu disert mais d’une grande sagesse. « J’adore mon sport, dit-il. En Amérique, c’est un sport en plein essor. Les concurrents sont de plus en plus forts et ils apprennent énormément. Je pense qu’ils respectent cette culture. Toutefois, il est difficile d’affronter des gars qui n’ont jamais été professionnels. Avec un profes-
Andrew McKnight prépare sa ceinture de sumo, mawashi, pour son premier tournoi. Sa longueur varie : de cinq à six mètres pour les amateurs, jusqu’à dix mètres pour les pros.
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THE RED BULLETIN
L’Américain Jose Galindo se fait sortir en finale de la catégorie poids lourds.
sionnel, vous connaissez tous les mouvements. Eux viennent de sports différents, comme le judo, et vous ne savez pas comment ils vont bouger. » Il hausse les épaules. « Mais je m’y ferai. »
Reborn in the USA
Si les anciens pros se sentent au top, il y a toute une flopée de lutteurs américains désireux de se faire un nom. Originaire de Californie, le poids léger Andrew McKnight est un gars nerveux qui ne tient pas en place. « J’ai toujours fait de la lutte, et le sumo est venu naturellement, raconte-t-il. Je pense que beaucoup de gars espèrent devenir boxeurs professionnel ou combattants de MMA, mais une fois que vous avez accepté le fait que cela n’arrivera jamais, c’est un bon compromis. » Ayant trouvé l’inspiration il y a environ un an, McKnight a construit son propre ring dans son jardin et pratique le sumo avec ses colocataires. Ce sera sa première compétition. « J’adore le côté traditionnel de ce sport, ajoute-t-il. Le sumo, c’est un peu comme la lutte professionnelle américaine : un vrai spectacle. C’est bon de voir un endroit où les traditions sont respectées, même si elles n’ont plus tellement de sens aujourd’hui. » Luttant dans la catégorie poids lourds, Jose Galindo a découvert le sumo en regardant une vidéo YouTube de Byambajav Ulambayar qui balayait son adversaire. Né et ayant grandi dans l’Utah et à Los Angeles, Jose Galindo était joueur de football semi-pro. Il exerce à présent le métier de chiropracteur et fait son apparition pour la pesée avec des traces rouges de ventouses sur tout le corps. THE RED BULLETIN
Comme Andrew McKnight, ce sera sa première compétition. « J’ai commencé il y a un mois et demi », explique-t-il. Il a rempli le formulaire d’inscription et payé les 30 dollars de frais. Et voilà ! « C’est un baptême du feu », reconnaît Jose Galindo. Cependant, les concurrents américains ne sont pas tous des débutants. Le poids lourd Kelly Gneiting est une légende dans ce sport : il a remporté cinq fois le championnat des États-Unis. Avec ses 197 kg, il est arrivé dans cette discipline après avoir dépassé le poids de compétition maximal autorisé pour la lutte gréco-romaine. Âgé de 48 ans, il est le seul concurrent à avoir participé au tout premier US Sumo Open en 2001. « Les plus grandes vérités sont cachées, philosophe-t-il. Le sumo est le sport le plus dur au monde. C’est de la brutalité à l’état pur. » Pendant l’un de ses combats à Tokyo en 2004, il a pris une main dans l’œil. « Vous ne faites pas ça au sumo, dit-il. C’était comme si l’évier de la cuisine m’était tombé sur la tête. Des choses qu’on ne tolérerait pas aux États-Unis ou au Royaume-Uni sont parfaitement normales au Japon. » Selon lui, l’équipe japonaise adverse ne voulait pas d’un étranger dans son sport. Une attitude courante dans l’univers du sumo professionnel à cette époque, d’après lui. Il pense cependant que les Japonais ont appris à lâcher du lest au fil des ans. Andrew Freund est le fondateur et l’organisateur de l’US Sumo Open, et on voit en lui l’énergie frénétique des personnes privées de sommeil. Après avoir vécu au Japon au début des années 1990, Andrew Freund a commencé à organiser des tournois de sumo en Californie pour le fun, puis il a créé le premier 77
« Pour les Japonais, le sumo, c’est simple : peu importe la nationalité du vainqueur. » US Open en 2001. Selon lui, la moitié des concurrents sont généralement Américains. Les autres sont étrangers. Et 90 % du temps, ce sont les concurrents étrangers qui terminent sur le podium. « Les États-Unis sont un peu à la traîne dans le domaine du sumo amateur international », dit-il avec nonchalance. D’après Andrew Freund, la dichotomie entre le sumo japonais et le sumo non japonais n’est pas le plus grand élément de division dans ce sport. Le plus grand contraste se situe en effet entre le monde professionnel et le monde amateur. « Le sumo professionnel au Japon est une entité à part entière, ajoute-t-il. Lorsque vous entrez dans le monde du sumo professionnel, vous n’avez pas de métier, vous n’avez pas de vacances, et vous n’avez pas votre chez-vous. Vous voulez aller quelque part pour la journée ? Vous devez en parler à vos entraîneurs. La plupart de ces gars s’entraînent 365 jours par an. Ce n’est pas comme le football américain où vous jouez pendant trois ou quatre mois, puis profitez d’une saison de liberté. »
Il explique que Byambajav Ulambayar a été lutteur de sumo pro pendant cinq ans. Tout du long, il n’a vu sa famille qu’une seule fois. « Lorsque vous devenez pro, vous ne faites plus rien d’autre. Et quand vous prenez votre retraite, vous ne pouvez plus revenir en arrière. » Mais toutes les personnes qui pratiquent le sumo au Japon ne le font pas selon les règles strictes des temps anciens. « Des dizaines de milliers de personnes pratiquent, précise Andrew, mais entre 600 et 700 seulement sont pros. » Les autres pratiquent le sumo comme vous joueriez au foot. Il y a des équipes scolaires, régionales ou d’entreprise qui s’affrontent après les heures de cours ou de bureau. Vous pourrez par exemple voir l’équipe Nissan défier l’équipe Toyota. « Ce n’est pas une question de pratique au Japon ou en dehors du Japon», précise Andrew Freund. C’est une question de standards professionnels et amateurs au Japon et dans le reste du monde. » Concernant l’attitude des Japonais vis-à-vis de la compétition étrangère, Andrew Freund reconnaît que les réactions sont miti-
Dans la catégorie poids moyens, Takeshi Amitani expédie son adversaire.
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CEE A NC RA FR
L’Américain Kelly Gneiting (à gauche) aux prises avec son adversaire lors des premiers tours de la compétition dans la catégorie hommes poids lourds.
gées : « Certains puristes disent que nous édulcorons et corrompons leur sport, et que les étrangers ignorent les concepts d’honneur et de tradition japonaise. » Malgré cela, il existe un moratoire officiel concernant les étrangers qui rejoignent les écuries de sumo professionnelles, à savoir un par équipe. « On compte 700 lutteurs de sumo répartis dans 35 écuries. Autrement dit, 5 % d’entre eux peuvent être étrangers, tout au plus, estime Andrew Freund. Et c’est non négociable. »
Les seigneurs du sumo
C’est le jour J. Les 4 000 spectateurs s’installent avec leurs boîtes à bento et leurs canettes de Sapporo alors que les joueurs de taiko traditionnel entament leur performance. Folklore japonais mis à part, cela pourrait être le public de n’importe quel sport américain habituel : éclectique et pas timide pour deux sous. Sur le dohyō, un arbitre japonais officie calmement en chemise blanche, nœud papillon et gants. Les matches sont souvent très rapides : à peine 10 secondes avant que l’un des lutteurs ne mette son adversaire à terre ou ne l’entraîne hors du cercle. Il existe 82 techniques de combat reconnues, et la plupart d’entre elles impliquent de pousser ou projeter son adversaire. Il est autorisé de donner des gifles, de faire des balayages de jambe et de tirer sur la ceinture (mawashi) de son adversaire. Mais il est interdit d’asséner des coups de poing, de donner des coups de pied et de tirer les cheveux. En bas des gradins, les concurrents attendent leur tour. Les Ukrainiens, un groupe musclé assez atypique, s’échauffent dans leur coin. Certains athlètes alternent mouvements d’échauffement et moments de relaxation. L’équipe norvégienne, blonde comme sa tenue, a dressé le drapeau national dans un coin, comme sur un camp de base arctique de fortune. Les matches hommes poids légers sont vite expédiés : Andrew McKnight et les douze autres Américains sont éjectés du dohyō 80
et du tournoi. Point fort de la compétition : l’Ukrainien Sviatoslav Semykras s’élance contre la poitrine de son adversaire et, dans un demi-salto, envoie valser ce dernier dans la foule avant de se réceptionner à la perfection sur ses pieds, ce qui lui permet de remporter la médaille d’or. Voilà pourquoi les Ukrainiens sont idolâtrés dans ce sport. Mais la plupart des spectateurs sont là pour assister à la compétition hommes poids lourds, et c’est au tour de Byambajav Ulambayar, qui se place face à l’Égyptien Ramy Elgazar, vainqueur de l’US Sumo Open en 2015. Un match de sumo commence lorsque les deux adversaires posent leurs poings sur le sol du dohyō et lorsqu’ils finissent par s’affronter, l’Égyptien met le Mongol à terre puis le sort du ring. Il ne s’agit là que de la septième défaite de Byambajav Ulambayar en plus de dix ans de matches de sumo aux États-Unis. Le tournoi du nouveau venu Jose Galindo semble promis à une fin abrupte alors qu’il se positionne face à Kelly Gneiting, mais contre toute attente, le vétéran se retrouve soudain hors du ring. Jose Galindo savoure sa victoire. Un résultat exceptionnel pour celui qui avoue ne s’être entraîné que quelques semaines. L’adversaire suivant de Jose Galindo est Hiroki Sumi. Ils se cherchent pendant un moment, puis Sumi s’effondre. L’arbitre, persuadé que le pied gauche de l’Américain est sorti du ring en premier, déclare le lutteur japonais vainqueur. Mais la foule siffle. La vidéo est consultée et le panel de juges officiels se prononce. Galindo remporte le match : il bat ainsi son deuxième champion du monde en deux matches. Alors que Hiroki Sumi s’assied sereinement, le vainqueur soulève la foule d’un geste. « J’ai été à des Super Bowls et des finales de la NBA, mais c’est encore plus génial ! », s’écrie un spectateur. Enfin, après l’élimination de tous les favoris, Jose se retrouve face à Oleksandr Veresiuk en finale, mais il tombe sous les assauts de l’Ukrainien. « Gagner contre Hiroki Sumi, c’était fantastique. Je ne pensais pas en être capable… J’espérais juste le fatiguer un peu. » Avec une confiance boostée, Jose Galindo veut continuer la compétition de sumo. Au point de devenir le meilleur lutteur américain depuis Kelly Gneiting. Les compétitions de la journée touchent à leur fin. Les Ukrainiens ont gagné dans chaque catégorie, hommes et femmes confondus, à l’exception de la catégorie poids moyens, pour laquelle Takeshi Amitani a représenté haut les couleurs de son pays, le berceau du sumo. De tels résultats ne sont plus rares, mais Takeshi Amitani semble n’éprouver aucune rancœur visà-vis de ces usurpateurs étrangers, car selon lui, le développement de la popularité du sumo est très positif. « Je pense que c’est une bonne chose, dit-il. Le sumo est d’une grande simplicité et beaucoup de gens peuvent le pratiquer pour s’amuser. Pour les Japonais, peu importe la nationalité du vainqueur. » usasumo.com THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN Le prochain numéro le 31 octobre avec et le 7 novembre avec dans une sélection de points de vente et en abonnement PIOTR STARON / RED BULL CONTENT POOL
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guide au programme
LA CARTE SIMS
NATURELLEMENT
CLICHÉ DU MOIS
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Dans le monde virtuel de ce jeu pionnier, vous serez bien plus dans le réel que dans le réel…
Erwan est « le plus en forme du monde », et il base son fitness sur les mouvements naturels.
Quand le pilote VTT Kilian Bron, poursuivi par un drone, prend son envol à son tour.
THOMAS WIELECKI
RALLIEZ LE RALLYE
La dernière étape du WRC se déroule en Australie en novembre. Notre reporter est allé mordre le gravier et prendre des sensations « façon rallye ». À vous ? PAGE 84
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Andreas Mikkelsen a perdu du temps en Australie en 2018 après avoir évité un tracteur perdu sur la piste.
FINALE DU WRC
DEVENEZ UN MORDU DE RALLYE L’Australie est la Mecque des fans de rallye. Notre rédacteur en chef musique, Flo Obkircher, s’y est pointé, en quête de la piste off-road parfaite, et de sensations fortes.
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es oiseaux pépient, les insectes bourdonnent, le vent souffle dans les arbres. Le calme d’un matin parfait. Le long de la Rhones Creek Road, une route de gravier qui traverse des pentes verdoyantes, une douzaine de lève-tôt s’assoient dans des
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chaises de camping. Quand un grondement sourd nous parvient au loin, ils bondissent puis courent vers la piste et s’installent avec leurs caméras et leurs smartphones. Le grondement s’amplifie et devient rugissement. Une voiture file entre les arbres après le
Covoicourage : avec le pilote pro Brendan Reeves, Flo est violet.
THE RED BULLETIN
voyage
NOS RECOS VOYAGE
LE GOÛT DE LA POUSSIÈRE
Les pilotes parcourent 325 kilomètres en 25 étapes, répartis sur quatre jours : où prendre les meilleures photos et comment vibrer à l’unisson avec le rallye.
Australie Eastern Dorrigo Way : la route de gravier parfaite pour un ressenti rallye.
Coffs Harbour Canberra
Sydney
Le rallye a lieu durant le printemps australien, soit des journées chaudes et ensoleillées (autour de 25 °C) et des soirées fraîches mais agréables.
POINTS DE VUE
THOMAS WIELECKI
Trop de poussière ? Les spectateurs en mangent pour être au plus près de l’action.
v irage. 160 km/h, 380 chevaux. Les cailloux volent. La voiture dérape sur la ligne droite. De longues secondes… Ensuite, tout devient brun. De la poussière dans les yeux, dans le nez, dans la bouche. Le nuage dense que Thierry Neuville a créé avec sa Hyundai i20 Coupé WRC subsiste dix secondes. Tandis qu’il se dissipe, le pilote de rallye belge a disparu depuis longtemps vers la colline suivante. Le Rallye d’Australie disputé en novembre est un moment fort du calendrier du World Rally Championship (WRC), et le nouveau champion sera couronné ici (c’est la dernière course de la saison). Le paysage dans lequel baigne la ville portuaire de Coffs Harbour
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« Vérifiez toujours les sous-bois. Ici, les serpents ne sont jamais loin ! » sur la côte orientale australienne est à la fois grandiose et dangereux (le pilote Toyota Kris Meeke : « Pendant les pauses pipi, j’examine toujours les sous-bois, les serpents ici ne sont jamais loin »). Les pistes en gravier dans la f orêt tropicale et l’arrière-pays sont parmi les plus rapides du monde. Le spectacle des pros du rallye sur des routes non pavées vu de
Les meilleurs endroits le long du parcours, pour regarder les voitures foncer le plus près possible FLOODED GUMS Caché au fin fond de la forêt de Wedding Bells, vous pouvez faire l’expérience des voitures filant à toute vitesse. SIMPSONS RIDGE Ici, les voitures passent deux fois. Idéal pour les familles grâce aux stands restaurants et aux toilettes mobiles. BLUEBERRY POINT Deux points d’observation au même endroit : quand les bagnoles vrombissent en haut et en bas de la colline.
APERÇU Comment les fans du WRC à Coffs Harbour peuvent groover AUSTRALIAN RALLY MUSEUM Cette exposition présente des souvenirs provenant des six décennies du Rallye d’Australie, sélectionnés par le fondateur et l’encyclopédie vivante du rallye, Trevor Shelton. RALEIGH INTERNATIONAL RACEWAY Pendant le Rallye d’Australie, le parcours situé à 15 minutes au sud de Coffs Harbour est utilisé par des pros. En dehors du rallye, vous pouvez le louer pour des séances de drift.
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Faire.
voyage
BOUCLEZ-LA !
RÉVEILLEZ LE PILOTE QUI EST EN VOUS Vous avez envie de conduire votre voiture hors des sentiers battus ? Vous apprendrez ici à drifter et à la transformer en voiture de course.
LE DRIFT EN TOUTE SIMPLICITÉ PRENEZ CHAQUE VIRAGE COMME UN PRO DU RALLYE
Rapide/furieux : Hayden Paddon, de Nouvelle-Zélande, a terminé deuxième en 2018.
4 1 1 Engagez-vous en douceur dans le virage à l’aide d’un subtil coup de gaz et mettez l’arrière de la voiture en mouvement. 2 Contrebraquez rapidement. Le frein moteur a llège l’arrière au point qu’il se libère.
3 Dirigez maintenant avec l’accélérateur. Mais attention : trop d’accélérateur et l’arrière dérape trop loin. 4 Réduisez maintenant les gaz pour rattraper l’arrière à nouveau et reprenez lentement.
PLEINS GAZ Préparer sa voiture pour la course : trois conseils de l’équipe de développement australienne de Hyundai 1. PNEUS Andrew Tuitahi : « Aux amateurs, je recommande les pneus R-Compound ou les Semi-Slicks. Malaisés sur route mouillée, ils offrent des performances optimales dans des conditions sèches et durent sans surchauffe. » 2. PLAQUETTES DE FREIN Jeff Fear : « Misez sur de meilleures plaquettes de frein au lieu d’investir dans de nouveaux freins. Je recommande le fabricant japonais Winmax. Avec ce modèle, plus la température est élevée, mieux c’est. » 3. FORMATION CONTINUE Tim Rodgers : « Vous voulez de nouvelles suspensions ? Les bons modèles coûtent très cher… Ne jetez pas votre argent par la fenêtre pour des améliorations bon marché. Poursuivez votre formation, soyez copilote d’un pro. »
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près est spectaculaire : le picotement des nerfs quand les voitures foncent vers vous ; l’onde de choc quand elles passent à deux mètres ; les éclaboussures de boue à hauteur d’homme quand elles passent en trombe dans les flaques. Il est facile de trouver des emplacements tout près de l’action (voir page précédente), même si tous ne sont pas faciles d’accès. Par conséquent, si vous voulez être vraiment bien placé, vous pourrez réservez un Spectator-Tour (par exemple via rallysportmag.com), ou demander aux gars du coin. Quels sont les effets après trois jours de spectacle ? Vous êtes bien sûr accro, et vous voulez faire du rallye vous-même. Bonne nouvelle : à trois quarts d’heure à l’ouest de Coffs Harbour se trouve une route de gravier de douze kilo mètres sur laquelle vous pouvez tester vos aptitudes automobiles. En 2011, la piste montagneuse de la forêt tropicale entre Eastern Dorrigo Way et Coramba Road faisait partie de la quatrième étape du Rallye d’Australie que le Norvégien Petter Solberg avait alors remporté dans sa Citroën. Le bon tuyau vient d’un type plutôt crédible : Philip Rodgers,
ncien participant au Rallye Asie- a Pacifique et désormais expert en réglages de suspension avec l’équipe Hyundai. « En Australie, la conduite sur gravier fait partie de la vie quotidienne, 58 % de nos routes ne sont pas pavées, dit-il. C’est comme le ski : ça ne devient vraiment amusant que lorsque vous dérapez un peu et que vous êtes emporté, sans toutefois perdre le contrôle. » Avant de se lancer, il est essentiel d’évaluer la surface (la terre rouge est extrêmement glissante) et d’avoir une vision suffisamment globale (les plus grands dangers : les nids-de-poule, les grosses pierres et les kangourous). Et le truc avec lequel les pros rattrapent le temps perdu sur ces pistes, c’est quoi ? Ils déstabilisent leur voiture et font déraper l’arrière afin que l’avant pointe vers la ligne droite avant même que le virage ne soit terminé. Ils peuvent donc accélérer plus rapidement. Pilotes amateurs, soyez prudents, prévient Rodgers. « Ne faites pas les fous sur cette route publique, mais vous pourrez ressentir des sensations proches de celles des pros du rallye sur gravier. » Rallye d’Australie, 14-17 novembre, Coffs Harbour, Nouvelle-Galles du Sud. Tickets : rallyaustralia.com.au
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FLORIAN OBKIRCHER
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LES SIMS
SAIN ET SIM Pour ses adeptes, Les Sims est plus qu’un jeu vidéo, c’est un e space de libération mentale qui apporte du réconfort IRL.
A
vec Les Sims 4, vous pouvez essayer toutes les vies que vous voulez en attribuant à votre personnage des traits et des singularités qui n’existent dans aucun autre jeu. Pour ce jeu, Will Wright, le concepteur des Sims et co-fondateur de la société de jeux Maxis, s’est basé sur la hiérarchie des besoins établie par le psychologue Abraham Maslow. À savoir qu’emmener votre personnage dans une galerie d’art ne le rendra pas heureux s’il n’a pas mangé depuis deux jours. Qui plus est, Wright s’est aperçu que les gens utilisaient son jeu comme un espace sécurisant pour rejouer des expériences passées ou explorer des scénarios de la vie réelle qui semblent tabous ou irréalisables. Le quotient émotionnel de Wright s’avère plus élevé que celui de la plupart des tech bros, ce qui a permis aux Sims de se bâtir une réputation de lieu inclusif où les joueurs entrent dans la peau de différents personnages, sans être confrontés à des commentaires humiliants ni dépréciatifs.
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FICHE E XPERT WILL RIGHT LE CRÉATEUR Le succès remporté par la série des Sims a donné raison à Wright face à ses détracteurs qui se moquaient de son jeu en le qualifiant de « maison de poupées interactive ». La dernière version, Les Sims 4, a été le jeu PC le plus vendu au monde en 2014 et 2015.
DE A À B Les personnages des Sims vivent ou meurent selon les décisions des joueurs mais, parce que l’on ne « perd » pas vraiment, ils sont plus enclins à essayer de nouvelles approches, à procéder à une sorte de test A/B tout au long du jeu. Comme Les Sims est codé en fonction des connaissances psychologiques du monde réel, le jeu peut aussi donner confiance à ses joueurs dans la vraie vie. Prenons l’expérience de Bianca, @BeeSimsFanatic : « Les Sims est un réconfort
ÉVASION CRÉATIVE Les joueurs des Sims créent des personnages et construisent des lieux de vie pour eux, ce qui a favorisé l’éclosion de diverses communautés, dont une sur l’architecture d’intérieur. @NelsBuilds affirme que le jeu l’a même aidée à approfondir les liens avec sa famille. « Les Sims a été mon exutoire créatif pendant presque vingt ans. Ça m’a aidée à me rapprocher de mon père architecte, et à partager mes histoires avec ma mère avant sa mort. Le jeu m’inspire et m’aide à repousser les limites de ma créativité. C’est ma maison. » LIBÉRATION ÉMOTIONNELLE Le monde virtuel des Sims offre un espace où l’on se sent en sécurité, où l’on n’a pas peur d’être jugé, à l’instar de @enza_ fiorentino : « Mes parents m’ont rejetée quand je leur ai annoncé que j’étais transsexuelle ; alors je me suis créé un avatar dans le jeu, en espérant qu’un jour, je me sentirais aussi à l’aise et bien dans ma peau IRL que dans mon personnage. Aujourd’hui, c’est le cas. »
IMAGINATION FERTILE La vie peut à tout moment vous prendre au dépourvu et des personnes en bonne santé peuvent se retrouver aux prises avec des maladies et des handicaps. Les Sims ne se soucie pas de savoir si vous êtes capable de courir un cent mètres en dix secondes ou si vous êtes en fauteuil roulant. Seule votre imagination compte et offre de l’espoir à ceux qui souffrent. Comme @Pamtastic721 qui, après deux ans de lutte contre le cancer et une chimiothérapie, a commencé à jouer aux Sims à 47 ans. « J’avais enfin le contrôle de quelque chose. J’étais dans un monde sans cancer, un monde qui fonctionnait comme je le voulais, et c’était m erveilleux. Encore aujourd’hui, c’est mon meilleur remède contre l’anxiété. » Elle est maintenant une adepte convaincue du jeu, et célébrait cinq ans de rémission en mars dernier.
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MATT RAY
Les joueurs peuvent explorer leur propre identité grâce aux Sims.
UNIVERS DIVERSIFIÉ Les jeux vidéo sont souvent normatifs : les seules options sont celles prédéfinies par les concepteurs. Mais Les Sims permet aux joueurs de s’exprimer librement. @blazdndc0nfusd : « Quand Les Sims ont offert l’option de choisir ses tenues, je p ortais des vêtements androgynes IRL. Je suis une femme et je suis queer, et la possibilité de créer un avatar qui me ressemblait était très valorisant. »
ESPACE MENTAL VIRTUEL Le jeu permet de reconfigurer des schémas de pensée négatifs et d’améliorer la santé mentale. @LucyBGaming a des antécédents de dépression épisodiques. « Je n’aime pas qu’on me touche ou qu’on me parle dans ces moments-là. Je n’arrive pas à me concentrer, je suis épuisée. Des tâches simples comme prendre une douche, m’habiller et sortir deviennent alors très difficiles. Avec Les Sims, je peux m’évader mentalement en me concentrant sur la vie pixelisée d’une autre personne. Je bâtis des maisons, je fonde une famille, je deviens un méchant… J’épuise mon cerveau et j’augmente les chances de me sentir bien au lieu de traîner et de retomber dans de mauvaises habitudes. »
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pour moi. Chaque fois que je me sens triste, je joue un peu aux Sims. Je crée une Sim qui me ressemble, je m’occupe d’elle et mène une vie qui me rend heureuse. Ça m’aide beaucoup. »
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fitness
Erwan Le Corre enseigne le fitness universel sans attirail complexe.
EN FORME
C’EST TOUT NATUREL Devenez un pro du MovNat grâce à ces trois exercice.
TRACTION AVEC AVANT-BRAS S’accrocher à la barre non pas avec les mains, mais en posant les avant-bras parallèle à celleci. Cela limite l’amplitude de mouvement et rend l’exercice plus efficace. POP UP Le mouvement débute comme pour la traction avec les avantbras. Mais au lieu de l’arrêter lorsque le menton atteint le niveau de la barre, continuer jusqu’à ce que le haut du corps dépasse complètement la barre de façon à pouvoir s’y appuyer.
La vie moderne a annihilé notre capacité à nous mouvoir naturellement. Le MovNat nous aidera-t-il à la recouvrer ?
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a façon dont nous nous déplaçons au quotidien est contre nature, voire inhumaine, affirme Erwan Le Corre : « Nous passons des heures assis à un bureau, et notre pratique du sport est insuffisante. Pourtant, la structure de l’appareil locomoteur humain nécessite une activité physique variée et régulière sans quoi il devient malade. » Le Français a mis au point une méthode de remise en forme basée sur des mouvements qu’enfants nous répétions inlassablement : nous tenir en équilibre, sauter, grimper, ramper, courir, nager ou encore faire de l’apnée. Ces mouvements sont regroupés en fonction de leur pratique
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en extérieur ou en intérieur et sont combinés afin d’améliorer de manière ludique l’équilibre, la coordination, la vitesse, la puissance et la précision. Son concept MovNat prend racine dans la « Méthode Naturelle » développée par l’officier de marine français Georges Hébert autour de 1900, qui a également inspiré le Parkour. « L’objectif premier de MovNat n’est pas de booster votre vitesse ou votre forme mais de redécouvrir la structure originale des mouvements humains », explique cet innovateur de 47 ans. De là découlera ensuite tout le reste, y compris la confiance en soi. movnat.com
Erwan Le Corre, fondateur du mouvement MovNat
Démonstration : youtube.com/user/MovNat Le dernier livre de Le Corre : The Practice of Natural Movement: Reclaim Power, Health and Freedom
FLORIAN STURM
RETOUR AUX FONDAMENTAUX
« La pratique abondante de mouvements naturels au quotidien rend plus fort, plus sain et plus heureux. »
Men’s-Health a élu Le Corre « homme le plus en forme au monde ».
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JESSIKA LE CORRE
MOUVEMENT NATUREL
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septembre Red Bull Pumptrack World Championship
Créé par Velosolutions et Red Bull en 2018, le championnat du monde de Pumptrack revient cette année avec vingt étapes mondiales, de la Nouvelle-Zélande aux USA, en passant par le Japon, le Chili… et la France, où l’événement pose ses bosses sur le tracé de Carpentras. Et c’est l’ensemble de la communauté cycliste qui est concerné, puisque la compétition est ouverte à tout type de vélo ! En 2017, ce sont 19 pays qui ont été visités, et 67 riders ont participé, culminant dans une finale mondiale où des champions olympiques de BMX race et des champions du monde de VTT se sont affrontés. Qui sera LE Français élu ? Piste de Carpentras ; redbull.com
Le surf décolle à Hossegor.
au 9 octobre
Amateurs de surf aérien, le Red Bull Airborne va vous gâter ! Fort du succès de la première édition disputée l’an passé à Hossegor, ce rendez-vous spectaculaire dédié aux aerials est devenu, en 2019, un circuit à part entière avec trois étapes autour du monde : la première en Australie, la seconde à Bali et cette étape finale à Hossegor/Seignosse/Capbreton, en marge du Quiksilver Pro France. Cette année, parmi les 18 surfeurs internationaux attendus, deux Français sont conviés en mode wild card : un sortant du Red Bull Airborne qualifié, et l’autre issu d’une sélection vidéo en ligne. Décollage imminent !
Des bosses pour les boss.
Hossegor, Seignosse, Capbreton ; redbull.com/airborne
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octobre Snipes Battle of The Year International Le Snipes Battle of The Year International, c’est une vingtaine de qualifications dans le monde, et plus de 400 crews et 4 000 danseuses et danseurs. Pour son trentième anniversaire et sa finale mondiale à Montpellier, ce battle promet un niveau de breakdance élevé. La saveur a rtistique de l'événement en fera une date incontournable de la culture hip-hop. Montpellier ; battleoftheyearfrance.com
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au 13 octobre Music Producer Convention La Music Producer Convention est le rassemblement européen des producteurs de musique urbaine et électronique, professionnels de l’industrie, DJ et beat makers, organisé dans les locaux de l’Abbey Road Institute France. Au menu : ateliers en studio, modules business, conférences, networking… Un must pour les acteurs installés ou en devenir de la musique. Paris, Suresnes ; musicproducerconvention
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au 29 septembre Red Bull Music Festival Paris Plusieurs jours, plusieurs lieux, plusieurs genres et expériences musicaux proposés : le Red Bull Music Festival Paris excite les foules avec une prog’ unique alliant la hit makeuse Wondagurl (en live avec une dream team de MCs francophones), des artistes metal, une nuit de live techno, ou encore James Murphy (de LCD Soundsystem) aux platines sur une sono d’exception. Très fort ! Paris ; redbull.com
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DAMIEN POULLENOT/WSL/ RED BULL CONTENT POOL, MARKO MAGISTER/RED BULL CONTENT POOL
RED BULL AIRBORNE
ATTITUDE & SIX STEP présentent
BATTLE OF THE YEAR BOTYOFFICIAL
26 OCT. 2019 MONTPELLIER BREAKING WORLD FINALS BATTLES 1VS1 BBOYS & BGIRLS / BATTLE BOTY KIDS WORKSHOPS + LABORATOIRES DE CRÉATION / SOIRÉES HIP HOP EN CRÉATION RENCONTRES PROFESSIONNELLES RÉSEAU HIP HOP BOTY INTERNATIONAL / FESTIVAL RAP ÉMERGENCY
WWW.BATTLEOFTHEYEAR.NET
GUI D E
Voir.
septembre/octobre Shane McElrath (g.) a remporté la compétition en 2018.
Une bonne vieille ligne droite en motocross aux USA, du surf aérien au- dessus des vagues du SudOuest et la fièvre du drift qui s’empare de l’Irlande… Juste un aperçu de ce qui vous attend ce mois-ci.
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octobre LIVE
RED BULL STRAIGHT RHYTHM
La sixième édition de cette course d’inspiration rétro revient sur la piste de Fairplex à Pomona, en Californie. Deux pilotes en parallèle sur des motos deux temps old-school se défient sur une piste d’un demi mile, en mode « meilleur des trois runs », tout droit, avec des enchaînements type supercross. Le premier au bout l’emporte. Un must annuel !
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octobre LIVE
RED BULL AIRBORNE FRANCE
REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT
Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c réatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv
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Le Red Bull Airborne se voit clôturé sur les vagues d’Hossegor : il conviendra de ne pas louper ses grands moments de surf aérien, ni le couronnement du boss de cette série mondiale en trois étapes.
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au 22 septembre LIVE
DRIFT MASTERS IRELAND
Le plus grand site de sports mécaniques d’Irlande reçoit la finale du Drift Masters European Championship 2019. Avec les Irlandais en patron du drift pro ces dernières années, est-ce qu’un autre pays sera capable de mettre un terme à leur seize ans de règne ?
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VITESSE, ENVOL ET DEXTÉRITÉ
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The Red Bulletin est actuellement distribué dans sept pays. Vous voyez ici la couverture de l’édition américaine, dédiée au basketteur des Lakers, Anthony Davis. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com
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11 12 OCT 2019 ROUBAIX - LILLE
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Pour finir en beauté
À La Clusaz, Kilian Bron est chez lui, et sa piste de décollage est nommée « La Trace ». C’est ici qu’a été réalisée sa vidéo Follow Me, filmée au plus près de ce rider VTT par le drone d’un autre Français, TomZ. Kilian y assure un road gap de toute beauté, saisi pour vous par le photographe Dom Daher. À voir sur Instagram : @redbullfrance
Le prochain THE RED BULLETIN n° 93 disponible dès le 31 octobre 2019 98
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