The Red Bulletin CF 12/19

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SUISSE DÉCEMBRE 2019, CHF 3,80

HORS DU COMMUN

«  Les dix dernières années ont été extra » Danny MacAskill : retour sur ses exploits insensés à vélo et en vidéo

NUMÉRO SPÉCIAL HIVER 40 ans de snowboard en Suisse

– Le plein d'action aux îles Lofoten

– Speedriding

dans l’Oberland bernois

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DÈS MAINTENANT !

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MISTER COOL Comment notre skieur prodige MARCO ODERMATT surmonte le trac et la pression


Elegance is an attitude Marco Odermatt


Conquest V.H.P.


ÉDITORIAL

N’EN FAIRE QU’À SA TÊTE

Le grand espoir de la nation suisse de ski est incarné par un prodige de 22 ans. « Pour moi, il n’y a pas que le ski dans la vie, je ne m’entraîne pas 365 jours par an. » Ce qui pourrait présager un manque d’ambition se révèle être une stratégie payante : c’est justement parce qu’il aborde sa ­carrière de manière détendue et qu’il se réserve des plages de temps libre que Marco Odermatt bluffe son monde à l’instant décisif. Ou, comme il le dit page 38, parce qu’il sait « se pousser au cul le moment venu ». Non moins cool sont les snowboardeurs de la première heure page 24, ­lesquels ont introduit la discipline en Suisse il y a quarante ans. Car, la passion de la glisse l’emportant, José ­Fernandes and co étaient désireux de « ­pouvoir s­ kater aussi en hiver » ! Lisez plus ! Votre Rédaction

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

STUART KENNY

Journaliste d’Édimbourg, Stuart rêvait d’interviewer le magicien sur deux pneus qu’est Danny MacAskill. « Je suis un adepte depuis 2009 et sa performance le long des balustrades de The Meadows. Dix ans plus tard, c’est à quelques centaines de mètres de là que nous avons discuté. On dit qu’on ne doit pas rencontrer ses héros, mais si ce héros est Danny, ça le fait. » P. 74

Containers, grues, hangars… Pas le décor habituel d’un tournoi de foot validé par la FIFA ! Ben Read a photographié cette compétition organisée au Groenland. P. 54 4

THE RED BULLETIN

GIAN PAUL LOZZA (COUVERTURE)

SMAËL BOUAICI

Spécialisé dans la culture, le journaliste français a démarré chez Radio Nova, avant de ­passer par les pages de Rolling Stone, L’Express, So Foot ou Trax. Ce mois-ci, il dresse le portrait de l’hyper­ activiste social et fan de basket Bakary Sakho dans son QG du 19e arrondissement de Paris. « Enfin un type qui agit au lieu de faire des grands ­discours, ça fait plaisir. » P. 68


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48 Le Groenland aussi a son t­ ournoi de foot national.

8 Ce mois-ci, notre section galerie :

des images parmi les meilleures proposées pour le concours photo Red Bull Illume 2019. Fort ! 14 « Ce serait trop cool de vivre dans un van ! »… La grimpeuse Kaya Lindsay en a fait son quotidien 16 L’athlète de demain sera peut-être dans un exosquelette 18 Retour inspirant en Zambie pour la rappeuse Sampa the Great 20 Quand l’astronaute italien Luca Parmitano ambiance Ibiza depuis la Station spatiale : spaaaaaace ! 22 De t.A.T.u à Rammstein, le Belge Todiefor se raconte en hits

24 Welcome on board

José Fernandes revient sur les début de la culture du snow en Suisse, il y a quarante ans…

38 L'as de la nation

Entretien avec l’étoile montante du ski suisse : Marco Odermatt

4 8 Tabichi Code

Quand les profs changent le monde, pour le meilleur

5 4 L’autre football

Au Groenland, une saison de ­ballon qui dure une semaine

86 Entre montagnes et mer, notre

guide pour skier aux Lofoten

90 Faire du vélo d’appartement dans

un sauna, c’est quoi l’intérêt ? 92 Des montres pour aller dans le creux de la vague 94 Notre agenda des festivals à ne pas manquer 95 Au programme sur Red Bull TV 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Pour finir en beauté : comme ­Neymar, ce Brésilien sait aussi très bien se servir de ses jambes

68 L a perf’ sociale

Bakary Sakho se bouge pour les siens, mode donnant-donnant

74 D anny brillant

L’Écossais manie le VTT trial comme personne

6

THE RED BULLETIN

BEN READ, PICTUREDESK.COM, E-STONE

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Peter Tabichi : le meilleur prof de l’année 2019 a des choses à dire.


CONTENUS décembre 2019

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40 ans de snowboard en Suisse : une rétrospective.

THE RED BULLETIN

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LITTLE WHITE SALMON RIVER, WASHINGTON

Dans le flow « Les drones ont transformé le monde de la ­ hotographie en nous permettant de créer des p images à des endroits que nous ne pouvions pas atteindre physiquement. » C’est ce q ­ u’affirme Karim Iliya, vidéaste-­droniste et photographe hawaïen à l’origine de cette prise de vue ­aérienne, réalisée avec un drone, alors que les kayakistes Knox ­Hammack et Adrian Mattern se paient un ride sur une rivière. « Nous disposons d ­ ésormais d’un ­espace tridimensionnel où les seules limites sont votre imagination et votre capacité à faire fonctionner l'engin. » Instagram : @karimiliya

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L’AIGUILLE ROUGE, LES ARCS, FRANCE

High, high, high

L’icône du BMX Matthias Dandois chausse ses skis après avoir achevé une première mondiale : une session sur une plateforme à 3 226 mètres d’altitude, sur la neige et la glace de l’Aiguille Rouge. Un spot au-dessus des nuages, où le photographe Andy Parant a suivi Dandois. « Par − 23 °C, avec 62 % de l’oxygène que vous ­obtenez au niveau de la mer, et une plateforme glissante et gelée, c’était certainement le tournage le plus difficile de ma vie », dit le champion français. Instagram : @andy_parant


GORDON DAM, TASMANIE

Pas de géant Pas facile de trouver Preston Bruce Alden sur cette photo de nuit : le slackliner n’est qu’un petit point rouge dans le vaste et sombre décor du barrage G ­ ordon en Tasmanie. Cette image de l’Américain marchant à 450 mètres au-dessus du sol a valu à Simon Bischoff, ­cinéaste et photographe d’aventure, une place en demi-finale de la compétition mensuelle Best of I­ nstagram de Red Bull Illume. Instagram : @_simonbischoff_

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TEAHUPO’O, POLYNÉSIE ­FRANÇAISE

Onde de choc

Nous avons l’habitude de voir des photos de surf où la vague est domptée, mais qu’en est-il quand ça tourne mal ? Ici, le photographe français Ben Thouard a capté un moment intense lorsque le surfeur hawaïen Ryan G a dû lutter contre les courants suite à un sérieux wipeout. « Les choses ne se passent pas toujours comme prévu », dit Thouard dans la légende de son post Instagram : « @bigizlandryan s’échappant de la machine à laver ! » Instagram : @benthouard


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conversion : « J’ai rencontré une fille qui avait acheté une camionnette qu’elle venait de transformer en maison pour passer tout l’été à faire de ­l’escalade. Elle m’a bluffée. J’ai alors acheté une camionnette d’occasion pour environ 9 000 €, dans laquelle je peux m’allonger et tenir debout. Je l’ai moi-même aménagée en cinq mois avec mon ex-petit ami, et à l’aide de tutoriels sur YouTube. » Lindsay livre ici cinq ­dispositions logistiques et ­spirituelles à adopter avant d’embrasser la van life… pour quelques mois, ou pour la vie ! onechicktravels.com

Prenez bien soin de la ventilation et de l’isolation « La rouille et la moisissure sont les ennemis jurés de la ­camionnette. Veillez à concevoir et à r­ éaliser soigneusement l’étanchéité de votre véhicule et sa ventilation. »

Lisez Marie Kondo, La magie du rangement « Soyez radical pour ce que vous voulez emporter avec vous. De ma vie d’avant, je n’ai gardé que trois t­ iroirs de linge et d’accessoires de toilette. »

La liberté tient sur quatre roues Se barrer, s’évader et vivre dans un van. La grimpeuse et blogueuse américaine Kaya Lindsay livre ses astuces pour mener une vie d’aventure au gré du vent.

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Êtes-vous prêt(e) à quitter votre logement, à léguer vos biens à une association caritative et à entamer une vie itinérante ? C’est ce que l’on appelle la van life, une dynamique où l’idée est de se libérer des contraintes quotidiennes en transformant un véhicule en foyer mobile. Et ainsi rouler en quête d’aventures, hors du ­système. Ce mode de vie, la grimpeuse et blogueuse Kaya Lindsay l’a adopté depuis trois ans en quittant son appartement californien et en devenant free-lance pour se lancer à bord de son fourgon Mercedes-­Benz Dodge Sprinter de 2006. Sa chaîne YouTube fournit non seulement des conseils pour l’aménagement de sa fourgonnette — sa vidéo sur le sujet compte plus de 1,6 million de vues — mais aussi les récits d’autres femmes converties à ce mode vie. Lindsay se souvient de sa propre

Soyez flexible et tourné vers la recherche de solutions « Vous devez être capable de gérer toutes les difficultés. Être ­endurant et apte à faire face aux imprévus est une ­qualité primordiale quand on vit dans une camionnette. »

Respectez l’espace qui vous entoure « Je vois des gens jeter du marc de café sur les parkings, ou ­cracher leur dentifrice sur le sol. Faites ce genre de chose dans des lieux appropriés. »

Ce que vous aimez faire doit devenir le fil rouge de vos pérégrinations « La vie dans un van est souvent empreinte de romantisme. Mais pour être heureux en route, il faut une motivation assez forte pour ne pas s’arrêter. » THE RED BULLETIN

LOU BOYD

VIVRE DANS UN VAN


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L’athlète de demain ? Le tout premier exosquelette de course sera piloté par l’Homme. Ce monstre quadrupède de 3,5 tonnes et 4 mètres de haut pourrait s’apparenter à un ­horrible robot tout droit sorti d’un film bourrin de Michael Bay (Pearl Harbor). Mais le Pros­thesis, créature de la société d’électronique de luxe Furrion, est un exosquelette ­bionique entièrement piloté par l’Homme qui voit ainsi sa force et sa vitesse décuplées. « C’est un anti-­robot, dit son créateur, Jonathan Tippett, directeur technique de Furrion. Il convient d’y voir un uniforme, une extension du corps du pilote qui impulse tous les mouvements de la bête. » La passion de Tippett pour les sports d’action a inspiré cette machine 16

innovante, ou mecha. « En g­ randissant, la pratique du VTT, du snowboard, des arts martiaux et de la moto a été une grande source de joie, confie-t-il. À l’instar de ces sports, la conduite du mecha fait la part belle à la maîtrise physique et à l’habileté. Ici, il s’agit de contrôler un mastodonte de 200 chevaux. » L’entreprise planche déjà sur la prochaine génération de mecha et espère lancer sa propre X1-Mech Racing League pour une nouvelle dimension dans le sport, avec des courses d’athlètes qui s’affronteront dans leurs exosquelettes. « Manier un mecha reste accessible à toute personne en bonne santé, affirme Tippett. La puissance et la force requises sont fonction de la vitesse et de la force ciblées. Si vous maîtrisez les pistes bleues en ski et le ollie en skate, la bête se soumettra à votre volonté en peu de temps. » furrion.com THE RED BULLETIN

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Le son de la diasporap Née en Zambie et installée en Australie, l’étoile montante du rap politique explique comment un retour aux sources peut façonner votre avenir.

En mars de l’année dernière, Sampa Tembo, alias Sampa The Great, ­remportait avec Birds And The BEE9 le ­Australian Music Prize. Cette distinction prestigieuse pour tout musicien australien récompense l’excellence créative et non les ventes d’albums. Pourtant, Tembo n’est pas d’origine australienne, mais zambienne. Elle a quitté son pays natal en 2014 pour étudier la production audio. Dès sa première parution, The Great Mixtape sortie en 2015, la rappeuse suscite la curiosité des ­magazines de rap australiens, qui la consacrent comme l’une des leurs. L’idée du retour au pays est le fil conducteur des 19 titres de The Return, son premier album officiel sorti chez le label britannique Ninja Tune. La jeune femme de 26 ans nous explique pourquoi elle a réalisé la vidéo du single Final Form en Zambie, et comment elle a surmonté son manque de confiance. THE RED BULLETIN : Pourquoi avoir tourné la vidéo de Final Form en ­Zambie en y incluant vos amis et vos parents ? SAMPA THE GREAT : Je vis en Australie où j’ai lancé ma carrière d’artiste sans jamais me produire dans mon pays où aucune radio ne diffusait mes morceaux. Ma carrière en Australie a décollé subitement. Passages radio et concerts se sont enchaînés, et je suis même reconnue comme Australienne. Les

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Zambiens s’étonnaient alors de ne pas me voir me produire au pays, j’ai donc décidé de faire quelque chose pour me reconnecter avec eux. Comment avez-vous vécu ce retour ? La boucle était bouclée, je retrouvais ma terre natale en tant qu’artiste. Cela ne me gêne pas qu’on dise de moi que je suis basée en Australie, c’est en partie vrai. Au pays, mes amis me rappellent qu’ils savent d’où je viens, et je réponds n’avoir aucun contrôle en la matière. Pour moi, l’important était de raconter l’histoire qui m’a façonnée et ne pas laisser d’autres le faire à ma place. Que signifie ce retour au pays pour vous ? Vous y sentez-vous plus enracinée artistiquement désormais ? En Zambie, l’éducation ne tolère pas les prétentieux. Quand ma carrière a décollé, mes parents m’ont vite recadrée. Le retour aux sources consolide la progression. Ça vous rappelle d’où vous venez, et permet de remettre les choses en perspective, de se retourner pour voir le chemin parcouru. C’est important. En quoi avez-vous progressé ces ­dernières années  ? J’ai plus d’assurance. Je fais ce pour quoi je suis née. Au début, j’étais rongée par le doute, car dans ma famille personne avant moi ne faisait de la musique en professionnel. Le fait d’y être parvenue et d’en tirer du plaisir renforce ma confiance en moi. Progressivement, l’assurance et le respect de soi se sont aussi accrus tout comme la volonté d’apprendre et de travailler sur mes ­faiblesses, afin d’éviter de tomber dans le piège de la suffisance.

Comment avez-vous surmonté vos doutes ? En échangeant avec les autres. Le sentiment de vivre les choses seul rend vulnérable. J’essaie toujours de parler de la vie avec les gens que je croise, cela aide à prendre conscience des peurs et angoisses que nous avons en commun. Comprendre que nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés aide à dédramatiser son cas personnel et incite à chercher les réponses dans ­l’acquisition du savoir. Vous avez dit un jour qu’un bon étudiant s’efforce de maîtriser ce en quoi il est doué, mais aussi ce qui lui fait défaut. Qu’avez-vous tenté de maîtriser en préparant The Return ? Tant de choses. Pour résumer, je dirais que j’ai tenté de mettre les choses en perspective. Avec The Return, l’idée d’un impossible retour au pays, quelle qu’en soit la raison, me consumait jusqu’à ce que je rencontre des gens sans aucun espoir de retour, contraints de se créer une nouvelle patrie. Cela m’a poussée à prendre du recul et à constater que mon petit malaise et l’exil que je ressentais pesaient peu comparés aux leurs. J’ai compris que j’étais privilégiée, contrairement à ce que j’imaginais. Qu’a produit en vous cette prise de conscience ? Je me suis demandé ce que j’allais faire de ce privilège. S’il m’est donné de rentrer chez moi, je partagerais tout ce que je sais. Si l’occasion se présentait, je transmettrais aux Zambiens qui n’ont pas la chance de retourner chez eux ce qu’est notre patrie et notre culture. C’est ce sentiment de posséder un savoir dont l’autre est dépourvu et dont il pourrait bénéficier. Cette transmission devient un devoir pour la diaspora.

The Return, premier album de Sampa The Great, est disponible sur Ninja Tune ; sampathegreat.com BARUN CHATTERJEE

SAMPA THE GREAT

THE RED BULLETIN


« Pour moi, l’important était de raconter l’histoire qui m’a façonnée. »


Cet été, à 400 km au-dessus de la Terre, la Station spatiale ­internationale a offert aux fêtards terriens un DJ set historique.

Ce soir, on se met sur orbite ! Luca Parmitano fait tanguer le ­bateau à Ibiza depuis la Station spatiale internationale.

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Quand un DJ set est qualifié d’extraterrestre, cela tient généralement à sa sélection de morceaux ou au talent de celui ou celle derrière les platines. Ce qualificatif a pris tout son sens en août dernier, lorsque l’astronaute italien Luca Parmitano est devenu le premier DJ à se produire en direct de l’espace. Âgé de 43 ans, notre homme a travaillé avec le célèbre DJ allemand Le Shuuk pour réaliser ce set historique en utilisant un logiciel spécialisé chargé sur une tablette de la Station spatiale internationale. Le jour J, Parmitano fut projeté en direct sur écran géant devant 3 000 clubbeurs à bord d’un bateau amarré dans les îles Baléares. « Bienvenue à bord du module Columbus, le laboratoire européen de la Station

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LOU BOYD

Carrément cosmix

spatiale internationale, lancet-il en guise d’intro à son set, la plus étonnante des coopérations entre les agences spatiales du monde. » Cet événement pionnier est le fruit de la collaboration entre l’Agence spatiale européenne et un promoteur allemand, BigCityBeats, dont le festival de musique électronique sur les flots – le World Club Dome Cruise Edition – a diffusé le set de Parmitano pour les chanceux fêtards flottants basés à Ibiza. « J’avais les larmes aux yeux en voyant Luca hisser le drapeau de notre World Club Dome à bord de la Station spatiale, a déclaré Bernd Breiter, le PDG de BigCityBeats, après la prestation. Les mots me manquent pour décrire ce que j’ai ressenti au moment où la musique a retenti en direct depuis l’espace. Je rêvais depuis de nombreuses années de créer le p ­ remier club dans les étoiles et plus largement de tisser un lien entre science et musique. J’espère sincèrement que les générations à venir s’en ­inspireront.  » bigcitybeats.tv

BIG CITY BEATS

UN DJ DANS L’ESPACE



PLAYLIST

Quand le Belge arrive Nos voisins pèsent dans le hiphop : le DJ et producteur belge Todiefor raconte des titres qui ont marqué son existence.

Rammstein

The Subs & Party Harders

Roméo Elvis & Caballero

C’est le tout premier CD que j’ai reçu, quand j’avais 7 ou 8 ans. On m’avait offert une petite chaîne hifi pour Noël accompagnée de ce disque. Le truc, c’est qu’il n’y avait que deux morceaux dessus, la version en anglais et celle en russe, et comme je n’avais rien d’autre à écouter pendant plusieurs semaines, je l’ai saigné à fond, au point de connaître par cœur les paroles, en anglais ET en russe ! Merci Papa Maman !

Avec mon frère, on passait notre temps à télécharger des sons sur eMule ou Shareaza. Une fois, il est revenu à la maison en me disant : « J’ai trouvé un méga truc, faut que t’écoutes ! » Il avait téléchargé le nouvel album de Rammstein. On l’a écouté en boucle et ce morceau m’a particulièrement marqué, avec son mélange d’électro et de metal super énervé. C’est clairement à partir de là que j’ai commencé à apprécier les sonorités électroniques.

Ado, je n’étais pas un sorteur (sic), plutôt un petit geek qui faisait des sites Internet et qui jouait à World of Warcraft, mais mes potes m’ont traîné au Fuse, un club mythique de Bruxelles. À l’époque, on commençait à entendre ce mélange de rap/ slam en français qui racontait des trucs horribles sur un beat electro super dur. J’ai mis un an à percuter que c’était belge ! Tous les DJ jouaient ce titre, ça passait à la ­radio et c’est devenu disque d’or.

Alors que j’habitais encore chez mes parents, à Anderlecht, et que je bossais jour et nuit dans ma chambre d’ado sur des sons, j’ai rencontré mon manager, qui gère aussi des artistes comme Damso, Roméo Elvis, Caballero… Il a cru en moi et m’a accueilli dans son écurie. Quand Bruxelles Arrive est sorti, c’est devenu un hit, on l’a entendu partout en Belgique, en France et ça a profité à tout le monde. On nous prenait enfin au sérieux.

All The Things She Said (2002)

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Feuer Frei! (2002)

Pope of Dope (2010)

Bruxelles Arrive (2016)

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MARIE-VALENTINE GUILLARD

t.A.T.u

ANTOINE CARBONNAUX

Pour Todiefor, tout commence quand les serveurs du jeu en ligne World of Warcraft doivent passer en maintenance durant toute une nuit. Ce soir-là, pour passer le temps, le jeune geek télécharge le logiciel Fruity Loops et se prend de passion pour la production musicale. Il arrête l’école, passe ses soirées à composer sur son ordi, puis rencontre un certain Roméo Elvis qu’il invite à poser sur un de ses instrus. La suite ? ­Plusieurs collaborations, ­l’explosion du rap belge et de ses artistes et un single, Signals, qui s’est exporté bien au-delà des frontières du plat pays. Entre deux sessions studio, le producteur belge revient avec nous sur les m ­ orceaux décisifs qui ont tout changé pour lui.


helvetia.ch/fr/swiss-ski

Pente abrupte. Vitesse de pointe. Meilleur chrono.

Notre engagement

Marco Odermatt Ski alpin


Das Gelbe Haus à Flims célèbre 40 ANS DE CULTURE DU SNOWBOARD en Suisse – et prouve que les bonnes idées peuvent s’imposer dans un environnement hostile. Petite sélection des photos les plus impressionnantes de l’exposition. Texte WERNER JESSNER

Welcome

ON BOARD


La première star Photo : Frode Sandbech Rider : Terje Håkonsen Lieu : Unstad (Norvège) Si vous avez grandi dans les ­années 90, vous êtes de la ­génération Håkonsen : quel style ! Quelle créativité ! Quel physique ! Considéré comme l’un des grands favoris, il boycotte les Jeux olympiques de 1998, incarnant ainsi à la perfection l’attitude anticonformiste des snowboardeurs : « Le snowboard n’est pas une compétition entre les pays. »

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« Au début, on nous a attaqués. L’Homme commence par rejeter la nouveauté. » José Fernandes, pionnier du snowboard

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Urban Style Photo : E-Stone Rider : Dan Brisse Lieu : Duluth (États-Unis) Très tôt, les snowboardeurs ont ridé les villes enneigées. Avec le temps, un style à part entière a émergé, en contradiction ­totale avec le cadre idyllique des montagnes. L’Américain Dan Brisse est l’un des meilleurs riders en terrain urbain. « On n’a pas le droit à l’erreur dans cet univers bétonné ! »


Explosion en blanc Photo : Thomas Stöckli Rider : Reto Kestenholz Lieu : St. Christoph (Autriche) Cette photo emblématique a remporté le premier prix dans la catégorie Energy lors de la toute première édition du Red Bull Illume Image Quest en 2007, et aujourd’hui, elle fascine toujours autant par sa d ­ ynamique épurée. « Wouf ! On peut littéralement entendre le son produit par la neige », ­déclare Thomas Stöckli.

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En mode ski Photo : Aaron Schwartz Rider : James Niederberger Lieu : Splügen (Suisse) Une photo en forme de main tendue aux « skieurs adeptes de la godille » (José Fernandes), dont l’art suprême était de ­tracer des sillons aussi parallèles que possible dans la neige : « Nous aussi, on peut le faire en snowboard, et avec une seule trace par descente, c’est encore plus esthétique ! » 30

THE RED BULLETIN


La magie du lieu Photo : Sean K. Sullivan Rider : Bode Merrill Lieu : Utah (États-Unis)

« On voulait s’éclater, tout simplement. Le reste a suivi naturellement. »

Handplant, en plein désert, quand le temps devient fou. L’hiver dernier, il a neigé dans le sud de l’Utah, à seulement une demi-heure de Salt Lake City, lieu de résidence de Bode Merrill. « Ça faisait dix ans que j’attendais une opportunité comme celle-là », raconte le snowboardeur.

José Fernandes, pionnier du snowboard

THE RED BULLETIN

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De sang froid Photo : Andy Wright Rider : Nick Dirks Lieu : Duluth (États-Unis) « La veille, les flics nous avaient virés d’un terrain privé où l’on ridait. Alors on s’est vengés : quand ils sont allés se prendre un café, Nick a fait un slide sur leur voiture. Il avait encore sa planche aux pieds quand on s’est barrés au volant de notre van. »   33


8 heures moins 25 degrés Photo : Gian Paul Lozza Rider : Markus Keller Lieu : Laax, Suisse Une nuit de mars, par un froid glacial. Un kicker de dix mètres de haut dissimulant une rampe artificielle. Une installation énorme : pas moins de huit projecteurs pour éclairer la scène. Le shooting durera huit heures. Le tout avec une surface extrêmement plate pour l’atterrissage. Lozza : « C’est bien le seul rider qui était capable de faire ça. » Welcome on Board sera à Das Gelbe Haus, à Flims, à partir du 22 décembre. L’exposition présente une rétrospective sur l’évolution du snowboard des années 80 jusqu’à nos jours ; dasgelbehausflims.ch

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«  Le zèle, c’est un truc de fayot ! » Le Suisse JOSÉ FERNANDES a fait du skate et du surf avant de se mettre au snowboard. Enfin pour être exact, il l’a plutôt inventé, du moins en Suisse. Entretien avec un pionnier. the red bulletin : Il fallait être un peu dingue pour introduire le snowboard en Suisse dans les années 80, non ? josé fernandes : Pas du tout. On voulait simplement pouvoir skater aussi en hiver, ce qui est une envie des plus raisonnables connaissant notre climat.

Et donc ? Je l’ai recollé, j’ai garé la voiture de mon père dessus pour que la colle prenne bien et lui ai demandé d’aller au travail en train. Comme ma planche n’avait pas de carres en acier, je suis allé chez Stöckli, un ­fabricant de skis suisse, et j’ai réussi à les convaincre de me filer des carres, de ceux qu’on peut monter après coup, comme sur les skis des années 60. À partir de là, j’étais au taquet sur les pistes et je descendais mieux que tous ceux qui en étaient encore aux ailerons. En 1985, grâce à mon innovation, je suis devenu champion d’Europe malgré une chute, avec six secondes d’avance sur une descente de 20 secondes ! Comment avez-vous réussi à convaincre les perchistes des ­remontées de vous prendre ? À coups de vin rouge et de chocolat. 36

Il est considéré comme l’un des premiers pros du snowboard en ­Europe : José Fernandes, un vrai de vrai, avec sa crinière blonde .

Vous les avez soudoyés ? Il y avait un peu de ça. On était les premiers à être un peu rock’n’roll sur les pistes. Cheveux longs. Lunettes cool. On était marginaux et on n’était pas bien acceptés au début. Donc pour nous, les billets des remontées mécaniques étaient plus chers que pour les skieurs. Aujourd’hui, je pourrais ouvrir un magasin de vin avec toutes les bouteilles que j’ai offertes à l’époque !

L’hebdomadaire allemand Die Zeit avait qualifié le snowboard de mode éphémère à l’époque. Pas si éphémère que ça, au final ! La raison est simple : le snowboard est l’un des sports les plus faciles à apprendre sur la neige, n’en déplaise aux traditionalistes qui s’entêtaient à affirmer le contraire. En position l­ atérale, on est bien plus en accord avec la physiologie du corps humain que quand on a les pieds parallèles. Citez-moi un 2019 : chauve, 3 enfants, et toujours snowboardeur. seul sport de combat où l’on approche THE RED BULLETIN

MARKO SHAPIRO, FABRIZIO BARILE

À quoi ressemblait ta première planche de snow ? Ce n’en était pas une. J’ai vissé deux skis sous mon skate à la place des essieux et je me suis lancé. Mais comme le système n’était pas top, on en est venus à l’idée de la planche en elle-même. On a monté des ailerons en dessous pour un meilleur contrôle dans la neige. En guise de fixations, on utilisait des passants, comme sur une planche à voile. Mon premier vrai snowboard, je l’ai commandé aux États-Unis. Au bout de deux jours, il était déjà hors d’usage parce que la colle s’était barrée.


de face. Même debout, on a toujours une jambe d’appui et une jambe libre pour plus de stabilité. L’opposition entre skieurs et snowboardeurs était farouche. Parce qu’on s’asseyait sur les pistes, qu’on suivait des trajectoires qui leur semblaient illogiques : de grands virages larges au lieu d’essayer de faire les plus petits zigzags possible. Et on était plus cool. L’Homme commence par rejeter la nouveauté.

COVERBOY D’UNE AUTRE ÉPOQUE

Connu comme le loup blanc : rares sont les magazines à ne pas avoir mis José en couverture.

D’où vous est venue cette envie de renouveau ? On n’en pouvait plus de cet univers triste de skieurs adeptes de la godille. Le ski n’avait pas évolué depuis des décennies. Nous, les jeunes, on trouvait ça nul. Donc évoluer, c’est rompre avec les conventions ? Oui. Et quand une idée est assez bonne, l’industrie s’en empare et cela devient un phénomène de masse. Maintenant, c’est à la génération suivante de se démarquer et d’amorcer le cycle suivant. Comment faire comprendre au reste du monde que l’on a envie de se démarquer ? Les codes de ce genre, en général, ça passe par la mode. On a été les premiers à se pointer en fluo sur les pistes. C’est efficace pour ne pas passer inaperçu ! Le snowboard est devenu un moyen d’expression culturel pour les jeunes. Est-ce que cela pourrait encore se produire, dans un autre domaine ? C’est déjà le cas avec le parkour, le street workout et le trampoline qui bousculent la gymnastique classique comme nous le ski « godille » à l’époque. Aujourd’hui, dans les parcs, il y a des gamins qui surpassent de loin les gymnastes olympiques !

En plus des magazines, les films de snowboard commençaient à être très en vogue pour la VHS. Sauf qu’à l’époque, la GoPro n’existait pas. Un peu prise de tête donc, c’est le cas de le dire.

Vous étiez-vous imaginé que le snowboard ­prendrait une telle ampleur ? Pas vraiment. On voulait s’éclater, tout simplement. Le reste a suivi naturellement. Ne pas penser à ce que cela pourrait donner, mais se donner à fond pour ce que l’on aime ? Ce qui compte, c’est la passion. Quand on est passionné par quelque chose, il est facile de rester concentré. Mon fils est l’un des meilleurs skateurs d’Allemagne, il a cette étincelle dans les yeux… La même que mes deux filles avec les spectacles de danse ou les films. Avec de la passion, on peut déplacer des montagnes. Et avec du zèle ? Quand on a la passion, pas besoin de zèle. Le zèle, c’est un truc de fayot, pour ceux qui font ce que leurs parents leur demandent. Quand on fait quelque chose avec le cœur, ça se fait tout seul. THE RED BULLETIN

Au départ, pas de distinction entre les styles « alpin » et « freestyle ». On parlait juste de « snowboard ».

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MISTER Petit prodige de la saison dernière, MARCO ODERMATT nourrit les espoirs de ski de la nation suisse. Comment parvient-il à rester détendu sans perdre de vue ses objectifs ? Il sait actionner le bon levier, au bon moment. Texte LUKAS RÜTTIMANN  Photos GIAN PAUL LOZZA

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Amical, décontracté et sacrément rapide : Marco Odermatt a ­gravi les échelons du monde du ski alpin en un temps record.


Sa marque de fabrique ? Il ne tergiverse pas. Marco Odermatt est tellement détendu et authentique que vous vous sentez immédiatement à l’aise en sa présence. Mais depuis la saison dernière, le jeune homme de 22 ans s’est distingué différemment — comme une étoile filante super-compétitive qui met tout le cirque blanc sens dessus dessous.

C

inq victoires dans cinq disciplines – Marco Odermatt a connu un succès historique lors des Championnats du monde juniors de Davos en 2018. La nation suisse de ski le voyait déjà intégrer prochainement le top 30 de la Coupe du monde. Mais personne, à commencer par lui-même, n'aurait pu imaginer la vitesse à laquelle celui que l'on surnomme le Nidwaldien atteindrait le sommet. Il est non seulement monté sur le podium lors de sa première saison complète aux côtés des plus grands de sa discipline, mais il s’est également classé parmi les sept premiers du classement mondial de slalom géant, de quoi intégrer le prestigieux premier groupe de ­départ. « Il peut gagner la Coupe du monde, décrocher une médaille olympique – tout ce qu’il veut », a déclaré Marcel Hirscher. L’Autrichien récemment retraité sait de quoi il parle, lui qui a remporté la Coupe du monde et qui est considéré comme le « plus grand de tous les temps », ou du moins comme le meilleur skieur des vingt dernières années. Il est clair que ce genre de discours génère beaucoup de pression. Nombreux sont ceux qui voient en Marco Odermatt le nouveau Marcel Hirscher

– ou, en tous les cas, le successeur de Didier Cuche et Bernard Russi. D’autant plus que la Suisse a grand besoin d’une figure de proue. Les vainqueurs constants tels que Beat Feuz sont rares, et Swiss Ski peine à faire face aux blessures. Marco Odermatt a lui aussi son lot de souffrances derrière lui. Il y a deux ans, il n’a pas pu participer aux Championnats du monde à Saint-Moritz en raison d’une blessure au ménisque gauche. Une autre lésion, au genou droit cette fois-ci, a écourté la fin de la saison dernière. Mais il ne se laisse pas ­décourager par les revers. Prouesses mises à part, le Nidwaldien se distingue aussi par son optimisme. Malgré son jeune âge, il sait parfaitement évaluer les succès et les échecs. Il garde les pieds sur terre quand d’autres s’envolent ; il ne sombre pas lorsque les choses ne se passent pas comme prévu. Comment se fait-il qu’il soit déjà si mature ? Pour lui, la vie ne se résume pas au ski – et il sait se « pousser au cul » au bon moment, comme il le dit. the red bulletin : Vous avez pris un bon départ l’an dernier, mais vous vous êtes blessé à la fin de la saison. Comment se porte le nouveau « genou de la nation » ? marco odermatt : (rires) je ne sais pas s’il s’agit vraiment du genou de la nation. Par   41


forte, et nous avons les meilleurs descendeurs. Je ne vois donc pas les choses aussi radicalement.

contre, je sais que ma blessure est guérie. J’ai pu terminer ma préparation comme prévu et je me sens très bien sur les skis, absolument prêt pour la nouvelle saison. Les blessures du genou sont considérées comme délicates. Y a-t-il une barrière psychologique qui vous empêche de solliciter complètement l’articulation ? Pendant l’entraînement, j’ai remarqué que je voulais vraiment rester en bonne santé. C’est peut-être pour cela que j’y suis allé prudemment. Mais nous avons également abordé ce sujet dans le cadre de l’entraînement mental. Entraînement mental ? Comment est-ce que cela se présente exactement ? Je travaille avec mon entraîneure depuis plus de six ans. Elle a elle-même pratiqué cette discipline, et sait exactement ce qui se passe dans la tête d’un skieur. Elle connaît la sensation d’être dans le top trois après la première manche et de trembler au départ de la ­seconde. Nous parlons beaucoup, et cela me donne un sentiment de sécurité. Il y a aussi des choses qu’on ne parvient pas à obtenir tout seul. Par exemple, j’apprends à me remettre en question. Et pas seulement quand les choses ne vont pas bien, mais aussi dans le succès. J’ai ainsi appris que je pouvais parfaitement réaliser de bonnes courses même lorsque je ne me sens pas bien au départ. Avez-vous parlé des attentes qui pèsent sur vos épaules cette saison, et de la pression qu’elles génèrent ? Les espoirs du ski suisse reposent sur vous. En effet, c’est un sujet omniprésent. Mais pour être honnête : je m’en fiche. Notamment parce que j’ai pu m’améliorer chaque saison. La pression était là chaque année, les gens attendent toujours plus de moi. L’hiver dernier, j’entendais : « Tu es cinq fois champion du monde junior, maintenant tu dois montrer ce que tu peux faire en Coupe du monde. » Heureusement, j’ai assez bien réussi. Les vainqueurs suisses constants ont été plutôt rares ces dernières années. On vous attend comme le nouveau Messie du ski. Peut-être que oui. Mais ces dernières années, l’équipe de slalom géant s’est beaucoup renforcée. Certains ont pu monter sur le podium. Notre équipe de slalom est également très 42

Néanmoins, la pression est énorme. Et si d’autres jeunes talents ont l’impression que leur succès les bloque, c’est le contraire qui semble se produire chez vous : les podiums vous ont donné des ailes. Pourquoi ? Bonne question, je n’y avais encore jamais pensé. Je suis sûr que de bons résultats me donneront la paix et un sentiment de sécurité. Certains endossent peut-être trop de responsabilités après de bons résultats et se mettent ainsi sous pression. On aimerait simplement offrir quelque chose aux fans suisses. À Adelboden, vous avez terminé dixième. De toute évidence, vous allez faire face à des attentes. Adelboden est quelque chose de très spécial pour moi. Enfant, je n’ai jamais rêvé de gagner des médailles – je voulais seulement descendre le Chuenisbärgli. C’était mon rêve. Les deux premières fois, j’avais les genoux qui tremblaient. L’année dernière, ça s’est mieux passé, j’avais déjà de l’expérience et j’ai pu

« Je ne veux pas résumer le sport à un combat et à des crampes. Je veux m’amuser. » profiter de la course. C’est important pour moi. Je ne veux pas que ce sport se résume à un combat et des crampes. Je veux m’amuser en dévalant la pente. Votre flegme vous caractérise. Est-ce le résultat de votre entraînement mental, ou avez-vous toujours été ainsi ? Je me considère avant tout comme un mec authentique. Il est tout à fait possible que je sois un peu plus relax que les autres. Mais je peux aussi être sérieux et me poser beaucoup de questions. Bien sûr, cela joue un rôle dans le déroulement de la saison. Lorsque vous avez atteint ou dépassé tous vos objectifs après les premières courses, ce n’est pas ­compliqué d’être détendu. ­



En février 2019, lors du Super G d’Åre en Suède, Marco ­Odermatt a décroché la 12e place.

« Beaucoup de choses sont possibles. Mais je sais ce qui me fait encore défaut. »

Pourtant, le ski est un sport individuel. N’attisez-vous pas les jalousies ? Pas vraiment. Bien sûr, on ressent parfois une certaine tension. Elle peut venir des plus jeunes, qui ne sont pas encore prêts, ou des plus âgés, qui n’ont plus beaucoup de temps. Mais c’est tout à fait normal. 44

On vous a déjà comparé à Marcel Hirscher. Il a déclaré que « si vous le voulez », vous pourrez gagner la Coupe du monde… Ce genre de discours me dépasse complètement. Quand je lis de telles déclarations, c’est comme si elles concernaient quelqu’un d’autre. Je sais que j’ai beaucoup de réussite, je sais que beaucoup de choses sont possibles. Mais je sais aussi tout ce qui me fait encore défaut. Quelles sont vos forces et vos faiblesses ? L’une de mes forces, c’est d’être prêt quand les choses se compliquent. Je suis peut-être un gars détendu, mais je sais exactement quand je dois me pousser au cul et mettre les gaz à fond. Mes faiblesses ? J’ai encore beaucoup de progrès à faire dans presque tous les domaines : forme physique, technique, expérience.

GETTY IMAGES

Vous êtes ambitieux aussi. Comment rester détendu tout en ayant la volonté de gagner ? Il faut rester attentif – accélérez s’il le faut, ­rétrogradez si vous en avez la possibilité. Je ne suis pas tout le temps à fond, pas même pendant la saison. Je m’assure toujours d’avoir des phases, au cours de la journée et de la s­ emaine, où je peux décompresser. Par exemple, j’aime jouer au tennis, faire un stöck avec des collègues, boire une bière ou deux. C’est d’ailleurs très important d’avoir des ­collègues sympas pour pouvoir établir cet équilibre, et heureusement, nous sommes une équipe formidable.

Mais c’est aussi une bonne chose. Les ­médias vous décrivent souvent comme un pitre. Ça vous correspond vraiment? THE RED BULLETIN


Oh oui, le pitre… Il est probablement en moi quelque part. Mais ce n’est pas comme si je plaisantais tout le temps. Je suis généralement de bonne humeur et rarement embarrassé par une réflexion, mais je peux aussi être sérieux si la situation l’exige. Sur votre page d’accueil, vous écrivez des choses personnelles, il ne s’agit pas uniquement de ski. Est-il important pour vous de vous montrer comme une personne qui a de la profondeur ? Absolument. Pour moi, il n’y a pas que le ski dans la vie, je ne m’entraîne pas 365 jours par an. Je pense qu’il est important d’élargir son horizon et de sortir des sentiers battus. Cette attitude permet de prendre de la distance avec les petits désagréments du quotidien. Vous êtes particulièrement serein et résolu pour votre âge. Tout le monde vous conseillait de vous faire opérer après votre blessure au genou, mais vous avez refusé. C’est vrai, j’ai décidé de faire opérer la première blessure et de prendre des mesures thérapeutiques pour la seconde, même si le processus de guérison a été plus long. Pourquoi ? Parce que je savais que j’avais encore tout ­devant moi. Il n’y avait aucune raison de se

MARCO ODERMATT 22 ans ; 1,84 mètre ; 81 kilos

« Je ne planifie pas mon avenir sur les skis à long terme. Les choses se passent souvent différemment. » précipiter. Si la même blessure réapparaît à trente ans, je prendrai certainement une autre décision. Êtes-vous quelqu’un de patient ? Pas du tout. Mais dans ce cas précis, ma santé à long terme était plus importante que le d ­ ésir de retourner sur les lattes le plus ­rapidement possible. Avez-vous un modèle ? Didier Cuche a été mon grand modèle. Et parmi les skieurs encore sur le circuit, j’ai toujours admiré Ted Ligety et Alexis Pinturault. Mais cette admiration ne porte que sur les performances sportives – au-delà de ça, je n’ai jamais eu de modèle. On dirait que vous n’avez jamais été aveuglé par la célébrité d’une star. Il y a une anecdote selon laquelle, enfant, vous vous êtes endormi lors d’une rencontre avec ­Pirmin Zurbriggen. Inoubliable, même si c’était il y a quinze ans ! Mon père avait organisé cette rencontre à Zermatt afin de soutenir la fondation de ­l’association régionale d’Hergiswil. J’avais sept ans et j’ai trouvé la conversation tellement ennuyeuse que je me suis endormi. ­Aujourd’hui, nous pouvons tous en rire. Je connais bien Pirmin grâce à son fils Elias, qui fait partie de notre équipe.

CLUB : Hergiswil NW CADRE : Swiss Ski, équipe nationale DISCIPLINES : slalom géant, ­super-G, combiné. MEILLEURS RÉSULTATS : 2e place du slalom géant de Coupe du monde de Soldeu, 3e place du slalom géant de Kranjska Gora (Saison 2018/19), 5 victoires de Coupe du monde junior (­descente, combiné, super-G, classement par équipe et slalom géant) à Davos en 2018. THE RED BULLETIN

Quels sont vos objectifs pour la nouvelle saison ? Je n’ai jamais d’objectifs concrets en matière de classement ou de points en Coupe du monde. Je me fixe bien sûr un cadre approximatif. Mais je m’assure de rester réaliste. C’est important pour moi de pouvoir avancer à mon propre rythme. J’aborde les courses les unes après les autres et je ne planifie pas mon avenir sur les skis à long terme. De toute ­façon, les choses se passent souvent différemment.   45


Styling STYLE COUNCIL/ ARIANNA PIANCA Maquillage RACHEL SCHLEGEL Veste REPLAY BY GLOBUS Pantalon BRAX FEEL GOOD BY GLOBUS Col roulé RENT-À-PORTER Ceinture WE Chaussures RISCH SHOES


À SUIVRE

Cinq jeunes skieurs suisses qui se distingueront la saison prochaine aux côtés de Marco Odermatt. Vraiment? Ça semble un peu modeste… Évidemment, l’objectif n’est plus d’être dans le top 20. La saison dernière, j’ai eu du succès. J’ai fait deux podiums dans la neige de printemps. Mais peut-être que les choses seront différentes cette année, avec des conditions de neige différentes au début de l’hiver. Il faut prendre les choses comme elles viennent et essayer de tirer le meilleur parti de la situation. Avez-vous réfléchi à l’idée que les choses pourraient ne pas se passer comme prévu, alors que les médias, les sponsors et les fans attendent de vous des victoires ? Je ne m’inquiète pas pour ça. D’abord et avant tout, je veux me donner à fond et m’amuser en même temps. Si je me casse trop la tête, ça ne fonctionne pas bien. Et ça ne me ressemble pas. En tant qu’athlète, j’essaie de rester positif. Je ne m’occupe des revers que lorsque c’est nécessaire. Avez-vous connu de vrais moments de doute ? Et avez-vous une stratégie pour y faire face ? Jusqu’à présent, les choses ont presque ­toujours progressé pour moi, ce qui est une chance. Après ma blessure, il y a deux ans, c’était différent. J’avais un bon pressentiment, mais je n’ai pas marqué de points. C’était frustrant. Je me suis ensuite concentré sur la Coupe d’Europe, j’y ai obtenu de bons résultats et j’ai progressivement repris confiance. Je pense qu’il ne faut rien forcer. Mieux vaut parfois faire un petit détour pour prendre un nouveau départ avec motivation.

SWISS SKI/STEPHAN BOEGLI

Cela fait-il une différence pour vous que Marcel Hirscher, le meilleur skieur de ces dernières années, a pris sa retraite ? Bien sûr que oui ! D’une part, le calcul sportif est très simple : il y a maintenant une place libre sur le podium, qui lui était réservée auparavant. J’espère que je pourrai sauter dans la brèche de temps en temps. D’autre part, Marcel est absent du cirque blanc en tant que personne. C’est une personnalité monumentale qui va laisser un vide. Êtes-vous content d’avoir pu le battre une fois ? Je ne devrais peut-être pas le dire si fort : je suis hyper content ! Et j’en suis très fier !

LOÏC MEILLARD, 22 ANS Le Neuchâtelois est considéré par les ­experts comme l’une des plus grosses pointures en slalom et slalom géant. SUCCÈS Double champion du monde junior 2017, deux podiums de Coupe du monde et 4e en CM à Åre 2019. PERSPECTIVES Dans la liste de départ des 7 meilleurs dans les disciplines ­slalom et slalom géant.

MÉLANIE MEILLARD, 21 ANS La sœur cadette de Loïc Meillard était prête au décollage avant qu’une blessure au genou ne la stoppe en 2018. SUCCÈS Quatre places parmi les 5 premiers, dont un podium l’hiver dernier. PERSPECTIVES Elle s’appuiera sur ses succès d’avant blessure. La première victoire en Coupe du monde n’est qu’une question de temps.

TANGUY NEF, 21 ANS Nouveau venu genevois avec un nom ­inhabituel et un talent encore plus ­inhabituel en slalom. SUCCÈS L’hiver dernier, il était dans le top 30 aux Championnats du monde de Åre. Il figurait parmi les 15 premiers dans deux slaloms de Coupe du monde. PERSPECTIVES Top 30 ? Top 15 ? Le prochain objectif sera le top 10.

ALINE DANIOTH, 21 ANS L’Uranaise est considérée comme une technicienne hors pair et l’un des plus grands espoirs de l’équipe suisse. SUCCÈS La saison dernière, elle était dans le top 10 du slalom de Flachau, et a remporté l’or par équipe aux ­Championnats du monde de Åre. PERSPECTIVES Le classement régulier des 10 premiers cette saison.

LARS RÖSTI, 21 ANS Le Bernois est spécialiste de descente, malgré une blessure au genou. SUCCÈS Champion du monde junior de descente 2019, il a gagné ses premiers points de Coupe du Monde de descente à Soldeu (15e place). PERSPECTIVES Possible successeur du « Kugelblitz » Beat Feuz ?

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« Les vrais superhéros, ce sont les profs, ce sont eux qui changent le monde ». C’est ce que déclarait l’acteur Hugh « Wolverine » Jackman lors de la cérémonie honorant PETER TABICHI du titre de meilleur enseignant de la planète en 2019. Ce professeur kenyan nous explique comment il tire parti de sa vocation pour créer les conditions nécessaires à une (r)évolution en matière d’éducation. Texte CHRISTINE VITEL

TONY KARUMBA/AFP/PICTUREDESK.COM

L’ÉTOFFE D’UN HÉROS


« Mes collègues et moi sommes déterminés à créer une différence dans la vie de nos élèves. » Peter Tabichi, l­auréat du prix Best Global ­Teacher 2019.

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ue feriez-vous si vous gagniez une somme colossale ? Est-ce que vous aussi, comme Peter Tabichi, vous décideriez de reverser la totalité au profit de votre communauté ? Un geste altruiste qui résume bien la philosophie de ce professeur kenyan : c’est en effet à lui que vient d’être décerné le prestigieux prix de meilleur prof au monde de la Varkey Foundation, équivalent d’un prix Nobel pour l’enseignement, doté d’une récompense à hauteur d’un million de dollars. Cet enseignant de mathématiques et de physique au Kenya, à Naishi, comté de Nakuru, œuvre au sein de l’établissement secondaire Keriko pour encourager l’accès à la formation des jeunes filles, et développer le potentiel du « brillant avenir de l’Afrique » : ses élèves. Comment s’y prend-il ? Las d’attendre que les conditions soient favorables, il les a créées. Grâce à

Un Franciscain qui a foi en l’éducation.

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lui, le nombre d’élèves dans son établissement rural a doublé en trois ans, et l’implication des filles dans les succès de l’école a très fortement augmenté. Les héros sont faits de cela : une volonté d’agir là où les responsables échouent, et sans lésiner sur les moyens ni les efforts à déployer. the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir enseignant ? peter tabichi : J’ai grandi dans un village reculé du Kenya, au sein d’une famille d’enseignants. Mon père était instituteur, trois de mes oncles et quatre de mes cousins étaient profs. Petit, j’étais entouré de modèles à suivre. J’ai été le témoin de l’engagement de ma famille pour l’école et la communauté. J’ai compris très tôt que les enseignants, dont le rôle s’étend largement au-delà de la salle de classe, constituent les vrais trésors de notre société. Ils éclairent les jeunes esprits sur les meilleures voies à emprunter pour relever les défis de la vie. Enseigner est un métier noble, et c’est un honneur d’y consacrer ma vie. Quel est le plus gros défi que vous ayez eu à relever personnellement ? Ma mère est morte quand j’avais onze ans, laissant derrière elle mon père en charge de mes frères et sœurs et moi, en plus d’assumer ses responsabilités professionnelles. Son humilité, sa capacité de résilience et sa générosité m’ont sincèrement inspiré, car c’est tout cela qui nous a permis de surmonter le deuil et la douleur. Je retrouve les mêmes qualités chez mes collègues : ils se lèvent à l’aube, font la route à pied jusqu’à l’école sous une pluie ou une chaleur accablante ; restent après la fin des cours pour faire du soutien scolaire ; travaillent longtemps le soir pour corriger et noter les cahiers, et ­préparer la classe du lendemain.

Avez-vous parfois l’impression de vous substituer aux politiciens de votre pays ? Disons que mes collègues et moi voulons aider nos jeunes à exploiter leur plein potentiel. C’est peu dire que l’investissement en temps que nous leur dédions tous en vaut la peine, nous autres enseignants, parents, communautés, gouvernements et garants de la loi. Les enfants ont besoin d’apprendre les standards a ­ cadémiques, mais aussi d’acquérir l’esprit d’équipe mais

« Les enseignants constituent les vrais trésors de notre société. » THE RED BULLETIN

RII SCHROER/EYEVINE/PICTUREDESK.COM, TONY KARUMBA/AFP/PICTUREDESK.COM (2)

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Au sein de son établissement, Peter Tabichi a créé un club de développement de talents et un club de sciences, et promeut les compétitions de projets entre écoles.

aussi les qualités nécessaires pour aborder la vie en société et résoudre des problèmes, pour travailler ensemble et penser de manière innovante. Que souhaitez-vous le plus ardemment pour vos élèves ? Je suis sur la ligne de front, je vois la promesse des jeunes générations : leur curiosité, leur talent, leur intelligence, leurs croyances, ils sont déterminés à surmonter les difficultés et donner le meilleur d’eux-mêmes. Qu’ils soient capables de mettre à profit cet énorme potentiel, atteindre leurs rêves et être armés pour rendre ce monde meilleur, voilà mon ­souhait le plus vif.

Une cantine à ciel ouvert, et saine : dans la vallée du Rift, l’insécurité alimentaire menace. THE RED BULLETIN

Quels sont les plus gros challenges auxquels les enfants sont confrontés au Kenya ?   51


Comme nous manquons cruellement de ressources dans cette partie reculée de l’Afrique, il y a beaucoup de pauvreté. Même la qualité de la nourriture n’est pas garantie. La communication avec les familles des élèves est donc essentielle, afin de leur faire comprendre comment et pourquoi nous voulons aider ces enfants en les mettant sur la voie d’une vie meilleure. Les jeunes d’Afrique ne doivent plus se sentir freinés, ni s’autosaboter avec des ambitions trop modestes ou des attentes trop basses. Faire venir les enfants à l’école semble être votre mission de vie… Oui, car l’enjeu est énorme, surtout pour ce qui est des filles. Dans certaines communautés, c’est souvent l’enseignant seul qui va pouvoir persuader les parents que la place de leur fille est à l’école, et que 52

son éducation est plus importante que sa participation aux tâches ménagères. Ou qu’une année supplémentaire à l’école est une priorité avant de la marier. Si les filles jouent un rôle essentiel dans leur famille, cela ne doit pas se faire aux dépens de leur apprentissage ni de leur avenir, qui est aussi l’avenir du pays, et l’avenir de toute l’Afrique. De quoi êtes-vous le plus fier ? De mes élèves. Deux d’entre elles, Esther Amimo et Salome Njeri, ont mis au point un instrument pour aider les personnes

« Le succès m ­ otive et ­engendre d’autres succès. »

souffrant de problèmes de vue ou d’audition ; elles viennent de remporter le prix des Nations Unies des objectifs de développement durable (SDG Award) lors de l’International Science and Engineering Fair (ISEF) organisée à Phoenix, Arizona, aux États-Unis. Nous avons célébré cet événement avec toute l’école, ce qui a transporté et enthousiasmé tous les élèves : leur estime de soi a décollé. Le succès motive et engendre d’autres succès. Mes collègues et moi sommes déterminés à créer une différence dans la vie de nos enfants, car ce sont eux le brillant avenir de l’Afrique. Comment contribuez-vous à mettre de la valeur ajoutée dans la vie de vos jeunes ? Cela passe par l’éducation, car elle a un réel pouvoir de transformation. Et par THE RED BULLETIN

TONY KARUMBA/AFP/PICTUREDESK.COM

Ses élèves avant tout : c’est avec eux que Tabichi a tenu à célébrer son titre de meilleur enseignant au monde, le Global Teacher Prize.


le fait que je me suis converti à une vie religieuse (Peter Tabichi s’est formé auprès des prêtres franciscains, une organisation internationale de l’église catholique pour l’émancipation des localités rurales, qui œuvre par le biais de l’éducation et de l’agriculture durable, tout en cultivant des valeurs pacifistes, ndlr) afin de pouvoir communiquer et transmettre librement ma passion à la communauté et être ainsi capable de me dédier pleinement à l’enseignement. Grâce aux Franciscains, je fais don de 80 % de mon salaire mensuel pour aider ceux qui en ont besoin, élèves ou habitants les plus pauvres du village. Quelle est la plus grande qualité que tout enseignant devrait posséder ? Pour être un bon prof, il faut être créatif. Il faut embrasser la technologie et promouvoir des méthodes d’apprentissage modernes. Il faut faire plus et parler moins. Les profs endossent des rôles de modèles et de mentors, ils se doivent d’équiper leurs élèves avec les qualités nécessaires pour réaliser leurs rêves. Pour cela, il faut que les jeunes se familiarisent avec l’idée d’échouer, car si vous n’échouez pas, vous n’apprenez pas, et si vous n’apprenez pas, vous ne changerez jamais. Les échecs nous aident à grandir et à devenir des personnes fortes, qui se développent avec un sentiment de sécurité intérieure. Cela nous aide à prendre des risques, à sortir de notre zone de confort, et à trouver des solutions. Les générations futures pourront-elles prétendre à une vie épanouie ? Pour réussir, elles devront travailler dur, poser des questions, nourrir leur curiosité. Les connaissances acquises à l’école les aideront toute leur vie, c’est pourquoi ­j’encourage mes élèves à lever le nez de leurs manuels pour être conscients de ce qu’il se passe autour d’eux, à développer leurs intérêts et multiplier leurs passions sans lien avec les sujets abordés en classe. Nous savons tous que les générations futures du monde entier devront faire face à d’énormes défis vu l’état de la planète dont ils vont hériter : changement climatique, migrations globales, épuisement des ressources, conflits politiques, intelligence artificielle et automatisation générale qui vont rendre beaucoup de métiers ­obsolètes, etc. Il est primordial que tous sachent penser de manière globale, et ­établissent et maintiennent de bonnes relations avec les générations suivantes. Ainsi, ils sauront gérer les problèmes de THE RED BULLETIN

Easy Teacher : grâce à sa moto, Peter garde un lien fort avec sa communauté.

Esther Amimo et Salome Njeri avec leur projet gagnant : l’Essameter.

« Pour être un bon prof, il faut être créatif. Faire plus et parler moins. » manière efficace, en s’associant, en allant dans la résolution de problèmes et de conflits. C’est ce que nous pouvons espérer de mieux pour l­ ’humanité. Qu’allez-vous faire de ce million de ­dollars, que vous avez remporté grâce au Global Teacher Prize ? Il sera dédié à mon école et à la communauté qui y est rattachée. Je veux continuer à booster la curiosité, l’inventivité et l’estime de soi des élèves, par le biais du

club de développement de talents, du club de sciences et du club de paix. J’ai aussi l’idée d’investir dans un labo informatique pour garantir un meilleur accès internet à tous les acteurs de l’établissement. Enfin, une partie servira à aider financièrement les élèves doués mais désargentés, une autre à développer des cultures tolérantes à la sécheresse et à la promotion du jardinage dans la communauté. Mais surtout, gagner ce prix m’a permis d’accéder à une plateforme incroyable. J’ai rencontré de nombreuses personnes engagées elles aussi dans un changement positif. C’est un tremplin grâce auquel j’envisage d’investir dans des programmes STEM d’échange scolaire avec des institutions locales et internationales pour développer le potentiel et le talent de mes jeunes. globalteacherprize.org   53


La Coupe arctique


Un bien immobilier offrant des prestations rares : une vue sur les fans et le terrain de football de Sisimiut.

La saison de foot qui dure une semaine

Texte TOM WARD  Photos BEN READ

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Le Groenland a pour ambition de se hisser sur la scène ­internationale du football, mais avec seulement trois mois de jeu sans neige par an, le match semble perdu d’avance. Il y a pourtant des joueurs qui pourraient transformer ce rêve en réalité : ceux-là se retrouvent dans la ville perdue de ­Sisimiut pour le seul tournoi annuel du pays.

Ci-dessus : les joueurs de B-67 et leur rituel d’avant-match. En face : Helga, fervente supportrice des G-44, encourage son équipe favorite, qui vient de Qeqertarsuaq.

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THE RED BULLETIN


À

quarante kilomètres au-dessus du cercle arctique se déroule un match de foot de premier plan. À Sisimiut, sur la côte ouest du Groenland, sur un terrain aux 3/4 des dimensions réglementaires, les équipes B-67 et N-48 s’affrontent pour décrocher leur sésame en vue de la finale du tournoi national du pays, le Grønlandsbanken Final 6, qui a lieu tous les ans depuis 1971, sur la maigre période sans neige (mi-juin à fin août). Situé au pied du Nasaasaaq (784 mètres), le terrain en gazon synthétique est encerclé de maisons de ville traditionnelles aux couleurs vives, perchées au petit bonheur sur des affleurements de THE RED BULLETIN

roche-mère groenlandaise. Armés de bruyantes cornes de brume, les supporteurs suivent le match depuis la falaise escarpée qui surplombe le terrain. Il y a des familles avec des chaises pliantes, des anciens passablement éméchés déclamant des chants en groenlandais ou en danois, une caméra de télévision en équilibre ­instable. Des chiens de traîneaux enchaînés à la roche devant les maisons avoisinantes joignent leurs hurlements aux cris des supporteurs. À l’ouest, on aperçoit les eaux du détroit de Davis. Par temps clair, on peut observer les parties de chasse des baleines boréales en quête de poissons. Mais aujourd’hui, toute l’attention est tournée sur le terrain. Victorieuse à treize reprises de ce championnat national d’une semaine, l’équipe de B-67 – originaire de Nuuk, la capitale – est considérée comme l’équivalent groenlandais du Real Madrid (de nombreuses équipes au Groenland sont désignées par une abréviation de leur nom complet, qui mentionne leur année de création : B-67 pour Boldklubben af 1967). Avec dix victoires, N-48 (Nagdlunguak 1948), une équipe

GROENLAND

Qeqertarsuaq

Ilulissat Sisimiut Nuuk

Qaqortoq Le Groenland est la plus grande île au monde. Avec 2 166 km², elle fait la taille des îles Britanniques, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et de l’Autriche réunies. 80 % du pays est recouvert par l’inlandsis du Groenland et son point le plus septentrional se situe seulement à 740 km du pôle Nord.

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d’Ilulissat, dans l’ouest du pays, est son principal adversaire. Le match du jour est donc empreint d’une certaine tension historique. Si B-67 venait à perdre, ce serait la première fois depuis 2009 qu’ils n’atteindraient pas la finale. Mais pour ce club, qui jouera à plus de 320 km de chez lui, avec un effectif composé en majorité de joueurs de l’équipe des moins de 19 ans, le match ne sera clairement pas du gâteau. Un sondage local sur Facebook évalue leurs chances de victoire à tout juste 30 %. S’ils s’inclinent, outre la petite finale, leur saison de foot d’une semaine se terminera ici et ne reprendra que dans 365 jours. Quand on vit sur le territoire le moins densément peuplé du monde – recouvert de glace sur 80 % de sa surface et où la neige tombe sept mois et demi par an –, les opportunités de jouer au football sont rares. Pour B-67, les montagnes aux sommets enneigés, les baleines en chasse dans la mer à quelques encablures de là, les chiens de traîneaux qui hurlent, tout cela n’existe pas. Rien d’autre n’existe en dehors du terrain, du ballon et des 90 prochaines minutes. Quatre jours plus tôt, Jimmy Holm Jensen, l’entraîneur de B-67, convie The Red Bulletin à une visite officielle du QG de fortune de l’équipe à Sisimiut : un club social pour personnes âgées réquisitionné pour l’occasion. « Ça sent le vieux », blague-t-il. Mais ce sera pourtant bien dans ces modestes locaux que séjourneront pour la semaine à venir vingt jeunes joueurs, accompagnés de Jensen et de David Janussen, l’entraîneur adjoint. Des corps endormis jonchent encore les matelas dans le dortoir improvisé, ­tandis que les lève-tôt font une partie d’Olsen, un jeu de cartes nordique plus connu chez nous sous le nom du Huit américain. Il y a du rap en musique de fond. Le couloir est envahi de baskets et de chaussures de foot, la cour est parcourue de fils d’où pendent des maillots en train de sécher et la cuisine a été transformée en une usine de préparation de pâtes à échelle industrielle. Ailleurs dans la ville – la deuxième plus grande du Groenland avec ses 5 524 habitants –, d’autres équipes ont élu domicile tant bien que mal dans des salles de sport dont l’aspect, si ce n’est l’ambiance, évoque plus des centres de secours aux sinistrés, avec leurs matelas et autres lits de fortune entassés contre les murs. 58

« On s’éclate, on essaie de toujours être à fond », explique Patrick Frederiksen, 25 ans, capitaine de l’équipe. Il navigue entre les joueurs de cartes et ceux qui commencent à ouvrir l’œil afin de faire le point avec chacun d’entre eux. « Il y a toujours de la musique. Les gens s’amusent beaucoup, ils chantent et ils dansent. » Supporteur d’Arsenal, Frederiksen a été promu capitaine de B-67 en 2018 et ce tournoi est sa première opportunité de faire ses preuves. « C’est vraiment important, c’est comme la Coupe du monde. Ça nous donne la chance de montrer au Groenland que notre équipe est la meilleure et que nous travaillons dur pour

Quand le numéro 3 de B-67 se blesse, son remplaçant utilise du scotch pour transformer le numéro en 31 afin de pouvoir jouer.

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« C’est important, c’est comme la Coupe du monde. »

Kop rocher : les supporteurs regardent le match, perchés sur les hauteurs de la falaise à Sisimiut.



Les joueurs de B-67 écoutent du rock groenlandais pour être gonflés à bloc avant un match. Leur QG de fortune se trouve dans les locaux d’un club social pour personnes âgées.

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Les joueurs de B-67 doivent s’accommoder des curieux et des gosses à vélo avant leur match.

« La FIFA est venue ici deux ou trois fois. » atteindre nos objectifs. » Au Groenland, le football n’est populaire que depuis peu. Avec cet hiver qui dure toute l’année ou presque, le créneau est restreint pour les matches en extérieur – pas facile en effet de jouer sur un terrain recouvert par un mètre de neige. Les sports en salle, comme le tennis de table, le badminton ou le handball, sont des alternatives populaires, le dernier ex aequo avec le football en termes d’attrait. Mais c’est le succès d’un certain voisin nordique qui a encouragé les footballeurs groenlandais à voir les choses en grand. En 2014, l’Islande atteint pour la première fois les éliminatoires de la Coupe 62

du monde (avant de perdre face à la Croatie). Deux ans plus tard, ils se qualifient pour la première fois pour une ­compétition majeure, l’Euro 2016, avant d’éliminer l’Angleterre 2-1 en huitièmes de finale, puis d’affronter la France en quarts (et de perdre sur un score honorable de 5-2). En 2018, l’Islande devient le plus petit pays du monde à se qualifier pour une Coupe du monde (même s’ils ne parviennent pas à passer le premier tour). Il est donc possible pour de petites nations insulaires comme le Groenland, assiégées par la glace, de concourir au niveau international. Mais les rêves de football international remontent à encore plus loin – au moins jusqu’en 1999, quand le sélectionneur de l’équipe nationale de l’époque et ancien membre de l’équipe d’Allemagne de l’Ouest, Josef Piontek, déclare avoir fait une demande afin d’intégrer l’UEFA (la Fédération danoise de football

conteste toutefois le caractère officiel de cette demande). L’un des obstacles à la reconnaissance internationale du Groenland est son statut de territoire autonome au sein du royaume du Danemark. Autre obstacle, l’absence de surfaces de jeu et de stades conformes aux exigences de la FIFA. Mais les choses changent : en 2010, Sepp Blatter, président de la FIFA, approuve le premier terrain en gazon artificiel du Groenland, dans la ville de Qaqortoq. Nuuk obtient le sien en 2015, et B-67 partage désormais un terrain extérieur de taille réglementaire avec trois équipes locales. Il n’y a pas de ­gradins – ici encore, les supporteurs regardent le match depuis un affleurement rocheux, et les vestiaires consistent tout au plus en de simples cabanes de bois – mais c’est déjà mieux que le terrain en terre battue sur lequel ils jouaient jusqu’à présent. Plus tard, en 2016, le stade national de Nuuk a droit à un gazon artificiel THE RED BULLETIN


Hans Brummerstedt, ancien joueur de B-67, avant de quitter la salle de sport où il aura séjourné pendant une semaine.


« 95 % de nos fonds servent aux déplacements. »


Dans le sens des aiguilles d’une montre, du haut à gauche : le mini-trophée de l’homme du match ; un maillot d’entraînement d’Ek’aluk-54 avec le logo du sponsor, une boisson très populaire au Groenland ; les poteaux de corner officiels n’étant pas arrivés, en remplacement, des chiffons jaunes ont été fixés à des manches à balai en métal ; l’entraîneur adjoint Janussen en mode tactique au QG de B-67. En face : le terrain de Sisimiut, planté dans un décor rocheux typique du coin.

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FIFA deux étoiles – le plus haut niveau de surface synthétique pour les compétitions de l’UEFA. Frederiksen est certain que le Groenland pourrait participer à la Coupe du monde un jour. « Cela pourrait nous prendre un certain nombre d’années, mais je pense qu’on pourrait y arriver. L’Islande nous a inspirés. » Mais si l’Islande peut se vanter de nouveaux terrains couverts chauffés par géothermie qui permettent aux joueurs de s’entraîner tout au long de l’année, le Groenland n’est pas très fourni en conduits de géothermie et n’a pas le budget pour se payer des terrains couverts. « C’est difficile de trouver

de l’argent. La FIFA est venue au Groenland deux ou trois fois et il y a aussi des entreprises qui nous aident. » « Il y a un problème avec le financement », admet Jensen, qui a joué pour B-67 dans sa jeunesse, avant d’intégrer la concession automobile familiale, et qui est devenu le nouvel entraîneur du club cette année, après le départ de son ­prédécesseur aux multiples succès, Tekle Ghebrelul. « 95 % de nos fonds servent à nos déplacements, déclare Jensen. C’est tellement cher de voyager au Groenland. En ce moment-même, nous avons un ­budget limité pour la nourriture. Nous ne sommes pas payés, c’est simplement pour la beauté du geste. » Ce manque de fonds handicape le ­football groenlandais sur tous les plans. Alors qu’il se rendait au tournoi depuis l’est du Groenland, l’un des joueurs star de B-67 s’est retrouvé coincé à l’aéroport car il n’avait pas son billet. N’ayant pas les moyens de lui en payer un autre – et en l’absence de routes reliant les villes isolées – le club n’a pas eu d’autre choix que de le renvoyer chez lui. Même une fois réunie, l’équipe s’est retrouvée ­coincée à l’aéroport de Kangerlussuaq, une escale perdue entre Nuuk et Sisimiut. Après avoir appelé tous ses contacts, y compris les membres de la Fédération de football du Groenland, Jensen a finalement réussi à caser l’équipe sur un bateau. Et ils sont arrivés six heures plus tard à Sisimiut – s’il avait été en service, l’avion les y aurait conduits en trente minutes. Pour éviter des vols internes à des prix exorbitants, G-44, une équipe de Qeqertarsuaq – une ville située sur une île à l’ouest du Groenland – a dû opter pour une traversée sur un bateau faisant le tour du Groenland une fois par semaine, et c’est au bout d’un éreintant voyage de 22 heures qu’ils ont débarqué à Sisimiut. Il faut dire que se rendre et participer au tournoi Grønlandsbanken Final 6 est une nécessité : il est le plus important – et le seul – évènement au calendrier de la saison de football. Ici, un joueur de B-67 a droit à une mention spéciale : petit et trapu avec la tête rasée, toujours couronnée d’un bandeau Nike, Henning Bajare, 16 ans, a reçu le surnom de « Fat Mbappé » pour sa ressemblance avec l’attaquant du Paris Saint-Germain. « C’est un vrai bulldog, déclare Jensen, l’entraîneur de l’équipe, en riant. On l’a mis sur la feuille de match pour notre première rencontre et il était   65


« Le football groenlandais est comme une communauté. » toujours à l’attaque, et puis il revenait en demandant : “De l’eau ! De l’eau !”. Il n’a pas l’habitude de jouer des matches de cette longueur, donc il était crevé. » Malgré une saison de football minuscule et leur relative jeunesse, aucun de ces joueurs n’est novice en matière de compétition : l’équipe de B-67 est réputée pour son niveau en futsal, une variante de foot à cinq qui a été popularisée en Amérique du Sud et qui est devenue l’un des jeux les plus prisés pendant l’hiver au Groenland. Joué à l’intérieur, le futsal est plus rythmé et plus dynamique que le football « outdoor » ; les passes rapides et habiles des Brésiliens et des Argentins lui doivent beaucoup. « Le futsal, ça nous aide parce que ça nous apprend à faire des passes plus rapides au lieu de dribbler, déclare Frederiksen. Beaucoup de jeunes joueurs ne sont pas assez forts – ils ne peuvent pas faire de contrôles aériens sans se faire bousculer par un adversaire – donc on essaie de garder la balle au sol. » Plan de jeu terminé, direction le terrain. Il n’y a pas de bus, c’est donc à pied que s’y rendent les joueurs de B-67. 66

­ rederiksen porte un radiocassette à F l’épaule, tandis que l’équipe passe devant l’ancienne église et les maisons de la ville, devant lesquelles des bois de rennes sont fièrement exposés – souvenirs de la saison de chasse de l’année dernière. La plupart des matches de compétition de B-67 commencent à 17 heures. En été, au Groenland, la nuit ne tombe pas avant 23 heures, mais les matches se terminent dans un étrange semi-crépuscule permanent. Alors que nous attendons le début du match, un homme âgé nous aborde avec ces mots : « Le foot groenlandais est meilleur que le foot anglais. C’est une petite communauté : tout le monde se connaît. »

Il évoque ses équipes anglaises préférées, Liverpool et Manchester United, avant de nous laisser sur la conviction que « les joueurs groenlandais pourraient venir en Europe et gagner des matches ». Les joueurs de B-67 s’échauffent à ­l’extérieur du terrain grillagé pendant qu’un autre match se déroule, puis ils se rendent aux vestiaires – deux cages de foot assemblées surmontées d’une bâche – au coup de sifflet final et attendent le coup d’envoi. « J’aime le foot, mais je le regarde ­seulement pendant le tournoi », déclare un supporteur d’une vingtaine d’années quand les joueurs entrent sur le terrain. THE RED BULLETIN


Des joueurs de N-48 se ruent sur le terrain pour célébrer leur statut de champions du Groenland 2019. À gauche : la fin pour un joueur de B-67, équipe ­éliminée au cours du tournoi.

« Le football a vraiment la cote en ce moment au Groenland. Nos équipes seront peut-être meilleures si on les encourage plus, et alors il se pourrait qu’on ait une chance de participer à une compétition internationale ou quelque chose de ce genre. » La demi-­finale, les joueurs de B-67 vont vite vouloir l’effacer de leur mémoire. Au bout de cinq minutes, le g ­ ardien arrête un coup franc, mais dans le cafouillage qui s’ensuit, N-48 marque le premier but. Plus tard en première mi-temps, le gardien doit intervenir encore une fois et bloque le tir d’un joueur de N-48 qui filait tout droit dans les filets de B-67. THE RED BULLETIN

En deuxième mi-temps, B-67 fait un triple changement. Peu après, Frederiksen se retrouve avec le bras en sang à cause d’une ancienne blessure qui s’est rouverte. Il met un pansement et revient dans le jeu. Avec moins de trente minutes à jouer, B-67 n’est clairement pas l’équipe qui domine. Un troisième but de N-48 à la 88e minute et un quatrième pendant les arrêts de jeu viennent sceller le sort de B-67. C’est la première fois en dix ans qu’ils ne se qualifient pas pour la finale. Le jour suivant, N-48 continue sur sa lancée en éliminant G-44 en finale avec l’unique but du match. Pour leur dernier match, les joueurs de B-67 affrontent

IT-79 dans le cadre de la petite finale. Mais, abattus par la défaite de la veille, ils s’inclinent sur le score terrible de 2-0. Qu’ils soient frustrés ou victorieux, pour les joueurs groenlandais, la saison est finie jusqu’à l’année prochaine. De retour à Nuuk deux jours après la finale, Jensen reçoit The Red Bulletin chez lui, dans sa maison au-dessus du fjord, où les icebergs flottent avec le ­Sermitsiaq en toile de fond, une montagne de 1 210 mètres d’altitude en forme de dent cassée. Tandis qu’il prépare un steak de renne au barbecue, Jensen nous livre une analyse pragmatique des performances de son équipe. « Ils sont doués, ces petits jeunes, mais il leur manque encore deux ou trois ans pour être au niveau, pour pouvoir jouer la finale et, avec un peu de chance, dominer de nouveau le football en extérieur. Ça prend du temps. » En attendant, la saison de chasse vient juste de commencer et l’entraîneur comme les joueurs ont hâte de se rendre en pleine nature. S’ensuivra la saison de futsal, puis les entraînements pour le football en extérieur recommenceront au printemps. Même si les joueurs inex­ périmentés de B-67 ont vu leurs espoirs déçus sur le court-terme, la qualité de jeu mise en avant lors du Grønlandsbanken Final 6 laisse à penser que le football groenlandais pourrait avoir sa place au niveau international et qu’il pourrait même égaler la réussite de l’Islande… un jour. Patrick Frederiksen a eu son lot de ­victoires et de défaites. À l’inverse des jeunes qui regrettent cette opportunité manquée, il a une vision plus optimiste des choses. Perdre dans ce tournoi, c’est peut-être dur, mais au final, le véritable vainqueur dans l’histoire, c’est le football groenlandais. Ce regain d’attention, c’est une opportunité éventuelle de décrocher de nouveaux financements et peut-être de pouvoir s’offrir ces fameux terrains couverts qui permettraient aux joueurs de jouer toute l’année et de monter une équipe qui n’aurait rien à envier à ses homologues européens. « Le football est en pleine évolution au Groenland, déclare Frederiksen. Cela rapproche tout le monde. Le public adhère et nous encourage à avancer. Nous voulons prouver que même si nous sommes un petit pays avec très peu d’habitants, nous pouvons jouer au football à un haut niveau. »   67


SOCIAL ET PERFORMANCE Gardien d’immeuble, écrivain, ­militant associatif, fondateur d’une maison d’édition, organisateur du tournoi de basket le plus ambitieux de France… BAKARY SAKHO est sans aucun doute le type le plus ­hyperactif du XIXe arrondissement. Photos FELIPE BARBOSA

APOLLINE CORNUET

Texte SMAËL BOUAICI

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« À QUEL MOMENT VA-T-ON AVOIR UN VRAI DISCOURS ? »

Bakary Sakho, l’homme multiple, motivé par une réussite… sur le terrain. Ci-contre : si ces joueuses peuvent s­ ’exprimer sur le playground de Stalingrad, c’est parce que Bakary et son crew l’ont sauvé de l’abandon.


Q

uand les autres laissent leur vie se dérouler en pilotage automatique, lui n’a qu’une philosophie ; prendre le volant et se donner les moyens d’atteindre ses objectifs. Français, Noir, musulman, vivant dans un quartier populaire ? Bakary Sakho est surtout un mec qui bosse et qui ne jure que par la « performance sociale ». Sa première perf ? Elle date de 1996 : pour aider sa mère qui luttait afin d’obtenir un logement décent, après vingt ans passés dans un troispièces de 45 m² humide, « avec le plâtre qui se barrait », dans lequel se blottit sa famille de neuf personnes. Il a alors quinze ans, et il est stagiaire pour l’association Droit au logement (DAL), pour laquelle il organise des rassemblements devant les portes des bailleurs sociaux. « Ma mère était la première à se mobiliser dans le quartier, pour elle et pour des familles qui vivaient dans des conditions pires que la nôtre. Ça n’était pas une démarche politique. J’ai fait ça par amour pour ma mère, pour tout ce qu’elle avait fait pour moi », raconte-t-il assis au bureau de son QG cosy du 159 rue de Flandres, véritable petit temple dédié au basket. Il faudra quelques années pour reloger les familles, mais la machine à do-it-yourself est lancée. Elle montera en régime après un drame, la mort d’un copain de ­lycée d’une crise cardiaque. Une véritable prise de conscience pour lui et son groupe d’amis réunis sous l’alias BGA, pour Black Guerrilla Army, en référence au film Les Princes de la ville de Taylor Hackford.

« IL FAUT FAIRE EN SORTE DE NE PLUS ÊTRE EXCLUS DES CERCLES DE DÉCISION. » « Après cette mort soudaine, j’ai réalisé qu’il fallait que je laisse une trace. J’ai ­décidé de moins traîner dans la rue et de donner un sens à ma vie avec tous ceux autour de moi. On a décidé de positiver ce qu’on faisait et BGA est devenu Braves Garçons d’Afrique. » Il se met à travailler sur la question de l’identité, et avec Christiane Taubira sur la loi sur la reconnaissance de la traite négrière. Déjà, il a dans l’idée de sortir de la Françafrique et de rééquilibrer les relations entre l’Hexagone et le continent noir : « D’un côté, on envoie des fusées dans l’espace, de l’autre, il n’y a pas d’eau potable. » Pendant cinq ans, il organise des conférences et débats avec des personnalités comme Lilian ­Thuram ou Olivier Laouchez. « L’idée, c’était de dire qu’on est fiers d’être ­Français, mais qu’on a aussi cette double culture, qui est racisée : quand on va quelque part, on est vus comme Noirs. On était dans l’air du temps, avec le débat sur l’identité nationale lancé par Sarkozy. »

Un déclencheur

Jusque-là, Bakary Sakho semblait parti pour une carrière assurée dans le m ­ ilieu associatif. Mais sa conscience est bouscu70

lée en 2005, avec la mort de Zyed et ­Bouna, deux jeunes qui fuyaient la police à Clichy-sous-Bois, déclenchant trois ­semaines d’émeutes dans les cités françaises. « Pour moi, cet événement a été le tournant dans le milieu associatif. En tant qu’acteur principal, j’ai été choqué de voir que la réponse politique n’a pas été à la hauteur. Il n’y avait pas de leader, on ne parlait pas d’une même voix ! Nous vivons l’injustice de manière claire mais à quel moment va-t-on avoir un vrai discours ? » C’est lors de son séjour aux États-Unis, quelques mois plus tard, qu’il prend conscience des carences dans la « com » des quartiers populaires. Invité par l’ambassade américaine dans le cadre du ­programme des jeunes leaders internationaux, il se rend compte « qu’à part avoir fait du tort à l’intérieur des cités, on n’avait pas porté de message à l’extérieur ». Pendant trois semaines, il rencontre des maires, députés, sénateurs et apprend « le lobbying, la force de la communauté, l’indépendance financière ». « Ce que j’ai aimé, c’est que les Américains n’attendent rien des politiques. Ils se prennent en main pour initier des levées de fonds, comme ce médecin qui a lancé Youthville à Detroit, grâce à son ­association avec un cadre de Kellogg’s. Ils ont levé 24 millions de dollars pour un bâtiment immense avec terrain de sport, piscine, studio, salles de cours, centre de réinsertion… » Il en revient conforté dans l’idée que si quelque chose doit bouger dans les quartiers, il faut que ça vienne de l’intérieur. Il se met alors à arroser sa communauté de cette philosophie. Il récupère une salle dans un centre sportif du quartier, où sont dispensés des cours de CrossFit ou de basket, organise une dizaine d’événements par an, entre concerts, conférences, projections de films… « Aujourd’hui, on a un staff de 80 personnes, de 12 à 45 ans, ­explique-t-il. On partage la valeur du ­travail et de la discipline. Et on n’attend pas les autres pour faire. Si, pour un événement, on n’a que 4 000 euros sur les 10 000 nécessaires, on ne va pas aller pleurnicher aux portes. On fait avec. On n’a rien mais l’idée est bonne et elle est ­réalisable quand même ? On le fait. C’est ce qui s’est passé pour notre dernière bloc Les proches de Bakary : en bleu, Mody Niakaté, chef de projet digital. À droite, Sali Sylla, présidente de l’association Oasis Sportive. En jeans, Paul Odonnat, co-fondateur des All Parisian Games et de Faces Cachées Éditions. À vélo, Elias Konaté, animateur réseau. THE RED BULLETIN


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« TU NE SAIS PAS ÉCRIRE MAIS TU AS UNE BELLE HISTOIRE À RACONTER ? VIENS ! »


L’ÉCOSYSTÈME DE LA BALLE ORANGE Quand il n’est pas en train de monter des projets dans tous les sens, Bakary Sakho se vide la tête avec le basket. Mais là encore, il a trouvé le moyen de faire progresser tout l’écosystème de la balle orange, avec l’organisation des All Parisian Games, un tournoi calqué sur le All-American aux USA, qui rassemble les meilleurs joueurs de lycée du pays. Chaque année depuis 2013, 600 joueurs et joueuses de moins de 20 ans d’Île-deFrance participent aux sélections, d’où sortent les 48 meilleurs (24 garçons, 24 filles), qui représentent la rive droite et la rive gauche. « On ne voulait pas créer un simple tournoi, mais un événement qui ­allait donner de la force à la culture basket à Paris. » L’initiative cartonne, soutenue par des joueurs NBA de passage dans la capitale, dont Lebron James en 2018. Bakary et son compère Paul sont aussi à l’origine du sauvetage du playground historique de Stalingrad, sous le métro aérien. Devenu impraticable, il devait disparaître. « On s’est positionnés en disant que ce terrain était un héritage du quartier, et qu’il fallait le garder. On a obtenu un budget de la mairie pour proposer un nouveau projet dans cet e­ space, qui lierait sport et cultures urbaines. » Le terrain flambant neuf a été inauguré le 21 septembre dernier, et ­depuis, il accueille sans discontinuer bloc parties hip-hop et matches à haute intensité.

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« MOI-MÊME, J’AI DU MAL À COMPRENDRE MON PROPRE CHEMIN. » party. On n’avait pas un rond, un copain a ramené des platines, l’autre la sono, et on a organisé un open mic. »

Écrire son histoire

Lassé par trente années de politique de la ville sans résultats, Bakary, qui trouve vaines les manifestations, a compris que pour être efficace, il fallait viser haut : « Il faut faire en sorte de ne plus être exclus des cercles de décision. Et ne pas se contenter des conseils de quartier, où l’une s’occupe des merdes de chien et l’autre se plaint des loyers qui explosent. Il faut être présent là où l’argent est distribué. » C’est dans cet esprit qu’il a monté sa maison d’édition, Faces cachées, inaugurée par son propre livre, Je suis, en 2015, un plaidoyer pour l’énorme potentiel des quartiers populaires, qui fut parfois le premier livre lu hors programmes scolaires par des lycéens. Évidemment, pas question pour lui d’aller démarcher les grandes maisons parisiennes. « Le projet ne commence pas par l’envie de sortir un livre mais par celle de créer une maison d’édition. On a regardé comment ça fonctionnait et on s’est lancés. » Une idée cohérente avec sa démarche de faire ­s’exprimer les habitants des cités. « Il y a beaucoup de belles histoires à raconter. Au lieu de se plaindre sur le mode : “On ne parle pas de nous dans les livres”, écrivons les nôtres ! C’est important de faire connaître nos histoires, à l’extérieur, mais déjà pour nous ! » Depuis quatre ans, Faces cachées a ­édité quatre livres et vient de signer avec un distributeur pour se concentrer sur l’édition. La porte est ouverte à tous les talents : « Tu ne sais pas écrire mais tu as une belle histoire à raconter ? Viens ! Tu sais écrire mais tu avais peur de le faire ? Viens ! Tu ne sais pas écrire et tu n’as pas d’histoires à raconter ? Bon ben salut. Le social oui, mais la performance avant tout. » Performant, Bakary Sakho l’a été en 2017, lorsque le XIXe arrondissement a été secoué par une querelle entre bandes rivales qui causa un mort. Il monte au créneau et met les parents, qui « ne prennent plus leurs responsabilités », les associations « qui ne font pas leur

t­ ravail » et « les milieux politiques qui laissent faire tant que ça n’éclabousse pas les autres quartiers » devant leurs responsabilités. Il va même mettre la pression à l’imam de la mosquée du coin pour qu’il participe au retour à la paix. « J’ai allumé tout le monde politiquement ! Pour la­ ­première fois, après mes vidéos sur Facebook, on avait un car de CRS dans la cité. J’ai dit qu’on serait tous les dimanches sur le parvis de la gare Rosa-Parks tant que ça ne s’arrêterait pas. Quand on a lancé l’appel, les mamans sont sorties et tout s’est calmé tout de suite », raconte celui qui est devenu aujourd’hui bien plus qu’un gardien d’immeuble.

La performance sociale

Il quittera d’ailleurs sa loge en 2020, pour se lancer dans une nouvelle aventure avec son collègue Paul, avec qui il monte tous ses projets. Leur association, Le 99, va ­devenir une agence, qui exploitera le concept de performance sociale et surtout le stakhanovisme de ses fondateurs. « Aujourd’hui, je donne 35 heures par semaine à l’association, en plus de mes 35 heures de travail. L’an prochain, je donnerai 70 heures par semaine à l’agence ! On a bien travaillé, on a un modèle économique. Gardien d’immeuble, c’était un choix, je n’ai j­ amais voulu vivre de la ­politique ou du milieu associatif. Je n’ai pas gagné un euro, mais ça m’a ouvert un réseau incroyable et offert des compétences. Je donne des cours à la fac de Lyon, l’année prochaine à HEC, je suis parfois payé pour animer des colloques, qui l’eût cru ? » Si tout se passe comme il le veut, ­Bakary se voit bien, d’ici une dizaine ­d’années, faire la navette entre France et Afrique, pour travailler à une forme de ­réconciliation identitaire, « une nouvelle Françafrique » : « Un truc intelligent, où tout le monde s’y retrouve, pour éviter que les gens ne tombent dans cette schizophrénie. » Histoire de boucler une boucle qui s’étire dans tous les sens sans jamais casser depuis plus de vingt ans : « La dernière fois, j’étais à un colloque à ­Arras avec des intellectuels, des docteurs en sociologie… J’étais non seulement ­intervenant mais aussi l’un des grands ­témoins. Et sur mon badge, il y avait écrit : “Bakary Sakho, gardien d’immeuble et écrivain.” J’ai posté la photo sur les réseaux en rigolant : “Même moi, j’ai du mal à comprendre mon propre chemin !” » Instagram : @allparisiangames   73


En 2009, l’Écossais DANNY MACASKILL, alors âgé de 23 ans, sortait Inspired ­Bicycles. Cette vidéo de cinq minutes contient « probablement la meilleure compilation de rides de street trial (une discipline du VTT consistant à manœuvrer son vélo à travers des obstacles sans que les pieds du rider ne touchent terre, ndlr) qu’on ait jamais vue ». Ce clip aux 39 millions de vues a fait de MacAskill une superstar mondiale. Il revient ici sur les moments les plus marquants des dix années qui ont suivi sa sortie… Entretien STU KENNY 74

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DAVE SOWERBY, PA, FRED MURRAY/RED BULL CONTENT POOL

Danny le brillant


Imaginate (2013) Pour cette vidéo, je voulais recréer l’univers de ma chambre d’enfant et rider sur des jouets géants. On avait dégoté une F1 à 4,5 millions d’euros, et un véritable char d’assaut. Le looping était digne de Hot Wheels ! Je n’en avais jamais tenté jusque-là car ils font perdre le sens de l’orientation ; à chaque fois que quelqu’un en essaie un, ça finit mal. Et comme j’avais été opéré du dos un an plus tôt, je n’étais plus au niveau. Tous les matins, j’allais à l’entrepôt pour faire huit flip step downs sur un numéro de la BD The Dandy version géante et me préparer à affronter le looping. Et j’ai fini par gagner mon pari.


« Réussir ce saut entre deux toits fut tellement gratifiant. »


Inspired Bicycles (2009) On me voit (page de gauche) me lancer depuis le toit de Macdonald Cycles à Édimbourg, où j’ai travaillé de 2006 à 2009. Chaque jour, c’est là que je cassais la croûte, et je jaugeais le gap séparant le magasin de vélos et le copy shop. Quand on a commencé à tourner Inspired Bicycles avec Dave Sowerby (le réalisateur, ndlr), je me suis mis à la recherche de défis toujours plus ambitieux, comme celui-ci. Avant de le tenter, j’ai sauté la distance équivalente sur le trottoir d’en bas. Lors de ma première tentative, je suis parti trop vite et suis tombé sur le dos en atterrissant sur le toit. C’était tellement gratifiant quand j’ai réussi ; c’est l’un des temps forts du film. Dave est un mec bourré de talent, je ­sentais donc que ce film allait m’offrir une belle opportunité. On a tout donné : mes rides étaient inédits et la manière dont il les a filmés et montés sur la musique de Band of Horses, The ­Funeral, est sublime… Et puis cet arbre dans le parc du Meadows à Édimbourg est très réputé chez les BMXers ; je rêvais de m’en servir pour plaquer un flair dans une vidéo. Sur cette photo, je fais un tap, un trick assez facile. J’avais l’habitude de le faire en rentrant chez moi, dans l’obscurité.

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J’ai signé avec Red Bull fin 2009. L’idée de ce film m’est venue dès nos premières réunions. Je suis originaire de l’île de Skye, en Écosse. J’adore explorer ma région natale pour dénicher des sites bétonnés. Dans cette prise de vue (ci-dessus), je manœuvre sur les ­fondations d’une voie ferrée sur l’île de Raasay. Je me souviens avoir été un peu déçu par Way Back Home au final car j’avais des ambitions ridiculement élevées après mes exploits dans Inspired Bicycles ; j’envisageais même de faire un saut de 43 m dans la mer depuis le pont de Skye. Avec Dave, on a travaillé très dur pour filmer nos idées les plus folles, on a parcouru 29 000 km en six mois pour se rendre sur les spots au moment où le soleil avait la bonne luminosité. Avec le recul, je me sens très satisfait du résultat. Cette photo (ci-dessous) résume parfaitement cette époque, avec notre brouette et nos dîners au micro-ondes.

La flamme olympique (2012) Ce fut une année difficile. On m’a opéré du dos au niveau d’un disque que je m’étais déchiré en 2009. C’est pourtant ce pépin physique m’a permis de participer au relais de la flamme olympique. J’avais l’intention de préparer un grand show à vélo avec Danny Boyle lors de la cérémonie d’ouverture, mais le projet est tombé à l’eau à cause de mes problèmes de santé. Cela dit, c’était cool de pouvoir sortir du Kelvingrove Art Gallery & Museum en brandissant cette flamme. On était trois à se relayer, avec l’acteur James McAvoy et la championne de curling Rhona Martin. Avant le grand jour, je m’étais entraîné avec une pompe à vélo en guise de torche pour essayer de placer des tricks. Finalement, je me suis contenté de quelques manuals. 78

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STU THOMSON & CHRIS PRESCOTT/CUT MEDIA, DAVE MACKISON/GOPRO

Way Back Home (2010)


Epecuén (2014) Ce film s’inspire d’une histoire triste. La ville d’Epecuén, en Argentine, située au bord d’un lac, a traversé une longue période de sécheresse au cours des années 70. Comme l’économie de la ville dépendait du tourisme autour du lac, un canal fut construit pour le relier à d’autres lacs plus en altitude. Des années plus tard, quand la pluie est revenue, la ville fut inondée. Je voulais raconter l’histoire de ce lieu et de ses habitants. Les murs des bâtiments, tous recouverts d’une couche de sel, rendaient le paysage uniforme. On ignorait si les structures allaient tenir ou pas, et il arrivait que des blocs de béton se scindent en deux. C’est l’un des films les plus risqués que j’ai faits.

« Epecuén est l’un des films les plus risqués que j’ai faits. »


The Ridge (2014) Mon pote Stu Thomson et moi-même avons décidé de réaliser un petit film de VTT dans les montagnes Cuillin, sur l’île de Skye. Je ne connaissais pas bien l’endroit, si difficile d’accès qu’il faut y aller avec un guide. Le premier jour, on a enchaîné 23 heures de tournage. Mises à part les millions de calories brûlées, ce film fut l’un des plus faciles à tourner de ma vie. Pour les rides de trial technique, j’étais largement dans ma zone de confort. Ce projet se résume à un gros kiff : j’ai fait de la rame, j’ai côtoyé des phoques, et j’ai placé quelques tricks techniques comme le front flip au-­ dessus d’un grillage. Le succès rencontré par The Ridge m’a aussi surpris que celui d’Inspired Bicycles ; il a récolté 20 millions de vues en un mois, alors que je passe la moitié du film à me taper une traversée à la rame !

ADIDAS OUTDOOR/DAVE MACKISON ADIDAS,FRED MURRAY/RED BULL CONTENT POOL

« Je sentais que j’allais vraiment frôler les rochers d’un ­cheveu.  »

Cascadia (2015) Je plaque ici un front flip depuis un échafaudage qu’on a construit à El Roque, sur l’île de Grande Canarie. Ça faisait longtemps que je voulais faire une vidéo sur des rooftops. On a frappé à toutes les portes de Las Palmas et d’El Roque pour demander aux gens si on pouvait jeter un œil à leur toit. Ils étaient tous partants. Pour cette scène finale, j’étais excessivement confiant. Comparée aux risques que je prends sur le béton, l’eau ne me fait pas peur. Et il ne s’agissait que d’un saut de 18 m, même si ça finissait en plat, ça n’allait pas me tuer. Ce n’est qu’au moment de me lancer que j’ai réalisé que la prise d’élan n’était pas longue et que sous l’eau, les rochers avançaient dans la mer. Je sentais que j’allais les frôler d’un cheveu. C’était un coup de flip monstrueux, mais j’ai envoyé du lourd, et c’était sans doute l’un de mes moments de gloire les plus kiffants que j’aie jamais vécus. Au moment de décoller de la plateforme, j’ai ressenti un profond soulagement. 80

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Wee Day Out (2016)

FRED MURRAY/RED BULL CONTENT POOL

Le film The Ridge m’a ouvert de nouveaux horizons en matière de VTT, mais cette fois, plutôt que de me concentrer sur le décor, mon ambition était d’élever la difficulté technique. L’avantage avec un VTT, c’est que les gens s’imaginent qu’on peut faire nettement moins de choses qu’avec un vélo de trial. Mon intention était de me servir de mes skills de trial pour les transposer au VTT, comme l’avait déjà fait l’un de mes modèles, Chris Akrigg. Quand je travaillais chez Bothy Bikes, il y avait un train à vapeur qui passait tous les jours à côté de chez moi. J’ai mis au point un trick (ci-dessous) qui consistait à me lancer du quai de la gare pour atterrir sur les rails. Les chances que cela fonctionne étaient très minces, mais après une heure et demie et environ cent tentatives, j’ai réussi à le poser. Le premier jour, j’ai aussi tenté plus de 150 fois de poser un grind sur un tronc (photo de droite), sans jamais réussir à m’en approcher. Il a fallu continuer trois jours.

Mon pote a fini par avoir l’idée d’enduire le tronc de Vaseline, parce qu’il commençait à devenir trop adhérant. Et puis mes pédales, mes chaussures, mes grips, mes gants… tout y est passé. On y est retourné le quatrième jour et au dernier rayon de soleil du dernier jour de tournage, j’ai réussi à poser le trick… quatre fois d’affilée ! Sauter sur une botte de foin en train de dévaler un champ est une autre chouette idée que j’ai eue – mais encore une qui a mis quatre jours à se concrétiser. L’idée était que la botte soit suffisamment lourde pour qu’elle continue à rouler pendant que je ridais dessus. J’ai eu besoin de 400 tentatives sur ce couplà avant de réussir. Deux de mes amis devaient pousser la botte de foin de 450 kg de manière à la faire rouler avant que je saute dessus, puis trois autres potes – à qui je dois beaucoup – étaient chargés de l’intercepter à mi-chemin alors que je dévalais la colline. C’était de la folie pure.

« Le premier jour, j’ai tenté plus de 150 fois de poser un grind sur un tronc, sans y parvenir. »


Kilimanjaro: Mountain of Greatness (2018) Hans Rey est presque un mentor pour moi, il est allé partout et a tout fait en VTT. Alors quand il m’a invité à l’accompagner gravir le Kilimandjaro et le mont Kenya, je n’ai pas hésité. J’avais fait beaucoup de vélo cet été-là, je n’étais pas vraiment en forme. Mais je m’apprêtais à gravir le Kilimandjaro avec un gars de 51 ans qui entretenait une passion pour le whisky et la bière. Physiquement, je pensais que ça le ferait. En réalité, ce voyage fut un enfer. On a bouclé l’ascension du mont Kenya très vite. Je venais du niveau de la mer et il s’agissait de ma toute première

expérience en altitude. Résultat : j’ai eu le mal des montagnes et ai dû être héliporté. Le lendemain, on a traversé la Tanzanie jusqu’au pied du Kilimandjaro, et le jour suivant, on entamait l’ascension. Mon corps s’est beaucoup mieux porté sur ce sommet-là. L’ascension finale avec le vélo sur le dos est l’une des pires choses que j’aie jamais faites. ­Personne ne trimballe un tel poids à cette altitude. Mais il y a une certaine beauté à hisser son vélo tout en haut des cimes, pour dévaler les 5 000 m de la montagne jusqu’au camp de base. C’est un autre type de fun.

« Je réalise ici un 180° entre les ­rambardes du Pont vers nulle part. »

Seaside Trials (2019)

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MARTIN BISSIG, ADIDAS OUTDOOR, DAVE MACKISON

J’ai réalisé ce film pour adidas. Les délais de tournage étant très serrés, je me suis rendu au Pont vers nulle part que j’avais repéré lors du tournage de Way Back Home, près de Dunbar, en Écosse. Il enjambe une rivière et mène vers une plage (à marée haute, l­’accès au pont est coupé des deux côtés, ndlr). J’ai rejoint le pont pieds nus dans l’eau, vélo sur le dos, dans le but de shooter quelques prises de vue sympa. On a filmé entre le port de Dunbar et Glencoe afin d’insister sur le contraste entre les scènes de VTT et de trial. Il s’agissait de rides très faciles, malgré les vents forts, mais ça nous a permis de réaliser une vidéo à la fois cool et originale. Ma manière de procéder n’a pas beaucoup changé ces dix dernières années. Le repérage représente une partie essentielle sur un tournage, il s’agit de ne pas perdre de temps avec des spots qui n’en valent pas la peine. Je persévère et je poursuis toujours la même ambition : inventer sans cesse des tricks que personne n’a encore jamais réalisés. On prend vraiment beaucoup de plaisir à les réaliser comme on se l’imagine. Les dix ­dernières années ont été extra, et j’ai noté suffisamment d’idées dans mes carnets pour tenir encore un demi-siècle. THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

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DES AIIILES POUR L’HIVER. AU GOÛT DE CERISE-CANNELLE.

U A E V U O N

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.


guide au programme

CHAUD DEVANT

SUR LA VAGUE

AGENDA

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Pour un marathon par 60 °C, autant pédaler dans un sauna.

Que porter au poignet pour rester ponctuel même sur son surf ?

Les festivals et forums incontournables du moment .

OBJECTIF MER

LUKAS PILZ

Aux Lofoten, le bout de la piste, c’est de l’eau, et l’apéro d’après-ski se passe dans un bateau. Gilet de sauvetage inclus. PAGE 86

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GUI D E

Faire.

Pas le temps de s’attarder avant la descente : aux Lofoten, le temps change toutes les dix minutes.

HAUTE ROUTE ARCTIQUE

TOUT SCHUSS JUSQU’À L’OCÉAN Un séjour de ski avec gilet de sauvetage : le journaliste de voyage Simon Schöpf embarque à bord d’un vieux bateau à vapeur norvégien pour aller skier une poudreuse de rêve.

L

e rituel de vérification du matériel précède chaque ­sortie : bip, pelle, sonde, gilet de sauvetage, tout y est. Mais pourquoi un gilet de sauvetage ? C’est que la notion de sécurité tout comme celle du décor alpin sont tout autre lorsque vous skiez la

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Haute Route de l’Arctique. Et si la montagne reste bien sûr accessible en voiture, s’y rendre à bord d’un bateau à vapeur de 80 mètres de long est bien plus élégant. Arrivé aux îles Lofoten sur le 68e parallèle nord, au-dessus du cercle arctique, le MS Nordstjernen jette

L’auteur, Simon Schöpf, bravant le froid norvégien.

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voyage

CE QUI VOUS ATTEND

LA NATURE NORDIQUE

Un voyage aux îles Lofoten exige de la p ­ atience mais sait la récompenser : le séjour se fait sur un navire marchand et les départs se font en fonction de la météo.

Svolvær LOFOTEN

Autrefois navire postal, le MS Nordstjernen achemine désormais les skieurs curieux.

Norvège Oslo

DONNÉES CLÉS

Du plaisir de skier au festin de merluche ou morue séchée, retrouvez ici toutes les infos sur votre voyage aux ­Lofoten.

LUKAS PILZ

SIMON SCHÖPF

On a le temps : le merluche, poisson réputé ici, sèche pendant deux à trois mois.

l’ancre dans le fjord d’Austnes, bien à l’abri. Cet ancien navire postal est notre camp de base ­f lottant durant nos trois jours ­d’escapade. Dès cet instant, nous nous abandonnons à la nature. Nous rejoignons le rivage sur un canot avec masques de ski au visage pour nous protéger des embruns. Le rêve qui guide nos pas jusqu’aux confins du Grand Nord est la « summit-to-sea-ride », une descente unique qui commence au sommet de la montagne pour finir sur la plage. À peine débarqués sur la plage enneigée de Laupstad, nous chaussons nos skis, direction Sautinden à 596 mètres d’altitude. Une descente destinée aux

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« Nous rejoignons le rivage sur un canot, avec nos masques de ski sur le nez. » débutants, dirait le skieur des Alpes, mais ici au nord de la ­Norvège, c’est déjà une descente d’envergure. La plage est le point de départ pour rejoindre le sommet, par conséquent l’altitude à gravir correspond à celle du sommet choisi. Rapidement, nous dépassons la limite de pousse des arbres pour nous retrouver sur une magnifique étendue dégagée.

ARRIVÉE Un vol jusqu’à Svolvær (Lofoten) ou Tromsø avec e­ scale à Oslo puis un ferry via Bodø. PÉRIODE PROPICE Privilégier mars et avril, les meilleurs mois pour y skier avec un bon niveau d’enneigement y compris sur la plage. Avec de la chance, le névé vous permettra de descendre jusqu’à la mer. DÉGUSTER La Haute Route de l’Arctique ne manque pas de s­ pécialités : caviar de flétan fumé, confiture de plaquebière ou encore la morue séchée, le plus ancien produit d’exportation de la Norvège et qui fait partie du patrimoine c­ ulturel du pays, en particulier dans cette région. LOGEMENT Sorti du chantier naval de Hambourg en 1956, le MS Nordstjernen a servi de navire postal jusqu’en 2012. Rénové depuis, il peut accueillir 70 passagers en cabine double avec douche. L’ORGANISATEUR Norwegian Adventure Company propose ce voyage d’une durée de trois jours et demi avec la garantie de skier trois journées complètes. Prix : 2 040 € / personne. Le MS Nordstjernen rejoint les Lofoten (puis pousse vers le nord), ou Tromsø (dans ce cas, cap vers le sud).

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GUI D E

Faire.

voyage

LA SÉCURITÉ AVANT TOUT

SE PRÉMUNIR DES AVALANCHES

Les avalanches sont l’ennemi naturel des skieurs. La seule règle d’or pour ne pas en être victime est de les éviter.

ÉQUIPEMENT Si toutefois l’une d’elles vous surprend par malchance, ce type de matériel pourra vous sauver la vie.

2. DVA (DÉTECTEUR DE VICTIMES D’AVALANCHE) Cet émetteur de signal radio permettra aux sauveteurs de vous localiser rapidement si vous vous retrouvez ­bloqué(e) sous une avalanche.

3. SAC À DOS AIRBAG Déclenché manuellement, l’airbag du sac à dos se gonfle en quelques secondes. Le principe repose sur « l’effet Noix du Brésil » selon lequel lorsqu’on mélange et secoue des objets de différentes tailles, les plus gros émergeant à la surface, très pratique donc en cas d’avalanche.

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quer : « Il ne va pas tarder à réapparaître. » Et de fait, après quelques virages, le MS Nordstjernen ressurgit grandeur nature dans l’horizon dégagé. La perspective d’une douche chaude et d’un dîner nous réjouit. Au menu : stockfish (filet de morue séchée) des Lofoten et steak de renne. Une fois à bord, le MS Nordstjernen démarre son moteur de 3 600 chevaux et gagne le large où la houle devient de plus en plus forte. Mieux vaut bien tenir son dessert si l’on veut encore y goûter. Nous mettons le cap au nord en direction de Kvaløya en passant par Vesterålen, où nous nous réveillons paisiblement le lendemain. Aujourd’hui, la météo semble nous sourire et annonce une embellie. Le temps de la traversée en canot et le ciel s’est déjà levé : à l’arrivée, c’est un soleil radieux qui nous accueille au sommet du Gråtiden (871 mètres). Nous exultons un instant à l’idée de ce qui nous attend : une descente continue jusqu’à la plage durant laquelle la mer reste en ligne de mire. Chaque virage devient alors un pur moment de bonheur. Découvrez les îles Lofoten à bord du MS Nordstjernen : norwegianadventurecompany.com

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1. UN AVALUNG Cette sorte de tuba améliore l’apport d’air frais si vous êtes prisonnier sous la neige. L’air chargé de CO2 est évacué, tandis qu’une valve filtre l’oxygène extrait de la neige.

Bientôt, le MS Nordstjernen ressemble à un jouet tant il paraît petit avec la distance. Derrière lui, le Higravtinden, plus haut sommet de l’archipel des Lofoten avec 1 147 mètres, perce à travers le brouillard. Ces montagnes constituent une miniature des Alpes occidentales. Abruptes et inaccessibles, elles émergent du fjord et s’élèvent vers le ciel. Sans la présence de la mer, un pic de 800 mètres ressemblerait à s’y méprendre à un 4 000 mètres suisse. Dès le premier col, l’océan surgit devant nous. Eau et îlots s’étendent à perte de vue partout où le regard se pose. Le Gulf Stream maintient des températures clémentes même au cœur de l’hiver. En revanche, la proximité de la mer rend la météo très instable. Ainsi, tempêtes de neige et éclaircies se succèdent toutes les dix minutes. « Aux Lofoten, nous pouvons vivre les quatre saisons en une heure », explique notre guide Isaak. Soudain, le vent se rafraîchit, tourne rapidement à la tempête et nous oblige à redescendre. Tels des renards aux aguets, nous guettons le moindre rayon de soleil soutenus par l’optimisme d’Isaak, en attendant de pouvoir réembar-

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Le circuit de la Norwegian Adventure Company promet trois jours de poudreuse.


INTERVIEW MARCO ODERMATT : CHER MARCO, QU‘EST-CE QUI TE VIENT SPONTANÉMENT À L‘ESPRIT QUAND TU PENSES À UN BON SNACK ? L‘important, c‘est que le snack soit bon. Je ne mange que ce qui me plaît et que j‘apprécie. Un délicieux snack entre les repas est pour moi un élément important de mon alimentation. AS-TU DES ATTENTES PARTICULIÈRES PAR RAPPORT À UNE BARRE DE CÉRÉALES ? SI OUI, QUELLES SONT-ELLES ? Je suis et reste un épicurien. Je trouve, en premier lieu, que les barres Nature Valley ont un goût délicieux mais j’apprécie aussi beaucoup retrouver le vrai goût de l’avoine complète. DANS QUELLE SITUATION EMPORTES-TU UN SNACK ? J‘ai toujours des réserves dans ma veste de ski, aussi bien lors de l‘entraînement, que pendant la compétition ou encore entre les courses. Et j‘ai aussi une petite réserve d‘urgence dans la voiture, que mes passagers utilisent parfois sans vergogne. Oui, j‘apprécie beaucoup les barres Nature Valley™ et elles sont devenues mes fidèles compagnes. QU‘ASSOCIES-TU À LA MARQUE NATURE VALLEY TM ? Je suis fier d‘être ambassadeur de la marque Nature Valley™, car c‘est une marque que je peux soutenir pleinement. Je ne fais de la publicité que pour des choses que j‘utilise moi-même ou, dans ce cas, que je mange moi-même. La marque Nature Valley™ me correspond parfaitement. Y A-T-IL QUELQUE CHOSE QUE TU AIMES PARTICULIÈREMENT DANS LES BARRES NATURE VALLEY TM ? SI OUI, QUOI ? Bonne question. Tout, en fait. Si, un truc est particulièrement bien, ça peut paraître banal, mais les barres ont une taille idéale pour des snacks. Après les avoir mangées, on n‘a pas l‘impression d‘avoir trop mangé, on ne se sent pas lourd. Parfait pour les petits breaks! QUELLE VARIÉTÉ DE NATURE VALLEY TM PRÉFÈRES-TU ? ET POURQUOI ? Un proverbe dit que la variété adoucit la vie. Si je devais choisir : un peu de miel l‘adoucit encore plus. MERCI BEAUCOUP D‘AVOIR PRIS LE TEMPS DE NOUS RÉPONDRE


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Faire.

fitness

CONSEILS

PUREMENT MENTAL Rien de tel que la tête pour pousser le corps à aller plus haut, plus vite et plus loin.

LA VOIX INTÉRIEURE Maîtrisez et orientez vos ­pensées avant et pendant la course en utilisant votre voix i­ntérieure de manière ­ciblée, par exemple en ­répétant des messages ­positifs qui vous aideront à tirer le meilleur de vous.

FORGER LE MENTAL

COURSE À HAUT DEGRÉ

Ses perfs dans le désert propulsent Christian Schiester au sein de l’élite de l’ultrafond. Retour sur un parcours gagnant.

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ne séance de sauna après un entraînement est une excellente manière de détendre les muscles, d’améliorer la circulation sanguine et de se vider la tête. Mais de là à transformer le sauna en salle de gym… Christian Schiester a osé, afin de préparer son trail dans le désert. Pour ce faire, l’athlète a installé un tapis roulant et un vélo ergomètre dans la cabine de bois chauffée à 60 °C, pour enchaîner ensuite trois heures de pédalage intensif. « J’ai bu jusqu’à quinze litres d’eau tout en veillant à n’être jamais seul au cas où », confie le sportif de 52 ans qui, à l’époque, tenait déjà la forme grâce à ses entraînements

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disciplinés. « La p ­ réparation dans le sauna vise à recréer les conditions de course », explique l’Autrichien. Une méthode qui porte ses fruits. Lors de l’ultra-marathon en Égypte, il accuse le coup sur une dune, le thermomètre de sa montre indique 60 degrés. « J’étais très mal-en-point », se souvient-il. C’est alors que sa voix intérieure se manifeste : « Christian, ce n’est pas le moment de lâcher! Tu peux le faire. Après tout, il ne fait pas plus chaud que dans le sauna. » L’effet sur sa motivation est immédiat. Il repart et finit deuxième après 250 kilomètres de course dans le désert. christian-schiester.com

« J’ai bu jusqu’à quinze litres d’eau tout en veillant à n’être jamais seul. »

REPRÉSENTATION MENTALE Visualisez aussi clairement que possible la façon dont vous accomplissez chaque étape du défi. Plus cette ­visualisation est précise, mieux vous serez préparé à sa difficulté.

Christian Schiester, ultra-marathonien Red Bull

La devise de Schiester : « Torture ton corps avant qu’il ne te torture ! »

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PHILIP PLATZER/RED BULL CONTENT POOL, HARALD TAUDERER/RED BULL CONTENT POOL

À 20 ans, Schiester fume et boit trop. Son médecin lui conseille de changer d’hygiène de vie : il s’exécute. Un an et demi plus tard, il court le marathon de New York.

FLORIAN STURM

OBJECTIFS Mettez de côté la perspective d’ensemble et focalisezvous sur les éléments clés que vous maîtrisez déjà. Ça ­renforcera votre confiance en vous.


HORS DU COMMUN theredbulletin.com

AARON BLATT / RED BULL CONTENT POOL


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Avoir.

montres

SPORT D’EAU

LA ­NOUVELLE VAGUE L’horlogerie suisse fait une ­incursion remarquée dans ­l’univers du surf. Présentation de trois alliées des mers, pour garder la mesure du temps et ­rester en haut de la vague.

Le point d’impact Ulysse Nardin

Ulysse Nardin a imaginé la Dive Deep en partenariat avec l’association américaine One More Wave qui aide d’anciens combattants à travers des thérapies par le surf. Limité à 100 unités, le garde-temps est doté d’un boîtier de 46 mm en titane DLC noir étanche jusqu’à 1 000 m, d’une couronne vissée, d’une valve à hélium et d’un mouvement interne à remontage automatique (Cal. UN-320).

L’Homme

Vague claire

Le surfeur polyvalent Kai Lenny (un as du big wave, du stand-up paddle et du kitesurf) se fie aux montres TAG Heuer depuis des années déjà. L’Aquaracer est étanche à 300 m et embarque dans son ­boîtier en acier inoxydable de 43 mm un mouvement mécanique à remontage automatique (Cal. 5). Sa lunette tournante unidirectionnelle est très utile sous l’eau. Le m ­ odèle ci-contre ­arbore une lunette en céramique ­antirayure, et un boîtier et un bracelet en acier inoxydable.

Dernier né de la collaboration entre Breitling et Kelly Slater, la Superocean Automatic 44 ­Outerknown se distingue par son cadran vert et son bracelet NATO à base de fil ECONYL®, issu de résidus de nylon récupérés des océans, des filets de pêche ­notamment. La montre est étanche à 1 000 m et son boîtier en acier inoxydable cache un ­mouvement mécanique à ­ remontage automatique (Breitling Cal. 17).

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Breitling Superocean

RICHARD HALLMAN, TAG HEUER, ULYSSE NARDIN

TAG Heuer Aquaracer

ROGER RUEGGER

La pratique actuelle du surf remonte aux années 50 et à son adoption par l’Amérique. Depuis, ce sport a séduit l’Europe et bien d’autres régions de la planète, tant et si bien que la ­discipline figurera au programme des Jeux olympiques de Tokyo 2020, une première.

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BESOIN D’UNE BONNE REMISE EN TRAIN POUR CETTE SEMAINE ?


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Faire.

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octobre au 5 avril Le paradis des sacs à main Chéri et désiré tel un objet ­précieux, le sac à main a désormais son expo attitrée. Près de 400 pièces y seront présentées, dont des modèles de ­Prada, Chanel et Louis Vuitton. Sachez, pour la petite histoire, que le sac à main à poignée date de 1875. Musée de la maison de poupée, Bâle ; spiezeugwelten-museum-basel.ch

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nov. au 1er déc. En piste ! Perché à 2 200 m d’altitude, avec les Alpes pour toile de fond et le meilleur des rythmes musicaux pour ambiance ­sonore, le Red Bull Gaming bénéficie d’un décor somptueux. Pas moins de trente concerts feront danser sur les pistes de Verbier le temps du Festival ­Polaris. Le programme annonce un cru d’exception avec Omar S, Boo Williams et Wajeed, les géants de la techno Seth Trokler, Craig ­Richards et Mirko Loko et les experts du frisson Paquita, Willow et Audrey Danza. Le froid en devient réjouissant ! Verbier ; polarisfestival.ch

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octobre - avril décembre À vos manettes ! Le Red Bull Gaming World sera le théâtre de la très attendue ­finale Itemania (du 21 au 24 novembre : Qualifier Offline à SwitzerLan) avec une entame passionnante où les joueurs doivent faire preuve de talent de négociateur lors de la vente aux enchères des objets ­disponibles. Musée suisse des transports, Lucerne ; redbull.com

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au 16 novembre Zurich danse

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et 17 janvier Leaders d’avenir 2020 L’effondrement des structures hiérarchiques dans ­l’entreprise, telle est la thématique de la 8e édition du World Web Forum. Des intervenants de haut niveau dont Victor Luo, dirigeant d’Amazon Suisse, Valentin Spiess PDG de iArt, Amar Hanspal (photo) PDG de Bright ­Machines s’associeront à des pionniers, geeks, libres penseurs, leaders d’opinion, entrepreneurs et marginaux pour d ­ éfinir le nouveau leader capable de mener sa tâche avec assurance en période de changements. StageOne, Zurich ; worldwebforum.com

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MATTHIAS HESCHL/RED BULL CONTENT POOL, WWF

Floating Points y inaugure son nouveau spectacle, Kitsch-Krieg y effectue l’une de ses rares apparitions. Également présent, La Fleur, Lefto et bien sûr le grand Carl Craig ici en photo – tous se produiront au Red Bull Music Festival, à différents endroits de la ville. Au programme, une expo sur l’histoire de la Street Parade, sur les instruments de musique électroniques et un atelier avec le p ­ roducteur Feldermelder. Zurich ; redbull.com/zurich


Voir.

novembre / décembre Le freestyle du Finlandais Antti Ollila.

COLLECTIF, EXTRÊME, BAGARRE

STEPHAN SUTTO, LUKAS PILZ/RED BULL CONTENT POOL, FUTURE7MEDIA/RED BULL CONTENT POOL

Ce mois-ci sur Red Bull TV, différentes approches du sport et du dépassement : le ski en mode plaisir et ­collectif, le VTT en mode ­extrême, et la moto en mode baston.

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novembre   FILM

THE COLLECTIVE

Tourné à travers le monde, ce film emmène le spectateur des sommets des Alpes bernoises aux neiges profondes d’Hakuba, au Japon, en passant par la poudreuse sinueuse de Colombie-Britannique, au Canada. Cinéastes et skieurs de renom, dont Will Berman, Cody Cirillo, Caroline Claire, Mac Forehand, Mathilde Gremaud, Alex Hall et Sarah Höfflin unissent leurs objectifs individuels pour livrer un message commun : le ski est une aventure collective.

12

novembre   À

LA DEMANDE

ROB WARNER’S WILD RIDES

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

THE RED BULLETIN

Rob Warner, ex-vainqueur de la Coupe du monde de VTT et commentateur, rejoint la crème des ­riders pour une échappée sur des terrains où nul n’a encore osé s’aventurer.

4

décembre   À

LA DEMANDE

WESS : LA FINALE

La World Enduro Super Series 2019 a trouvé son épilogue dans l’enfer du Getzenrodeo. Pénétrez dans les coulisses de la compétition à ­Drebach en Allemagne, à la rencontre des top pilotes, les héros d’une saison déjà culte.

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MENTIONS LÉGALES

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

The Red ­Bulletin est ­actuellement distribué dans six pays. Vous voyez ici la une de l’édition allemande, qui honore la star locale du rap, le dénommé Bausa. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

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Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Andreas Rottenschlager, Nina Treml Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson Directrice photos Eva Kerschbaum Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable des infos et du texte Andreas Wollinger Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann Managing Editor Ulrich Corazza Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza Directeur commercial & Publishing Management Stefan Ebner Publishing Management Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger Marketing B2B & Communication Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif Directeur créatif global Markus Kietreiber Co- Publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth Staber (Dir.), Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer, Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber, Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier, Florian Solly Emplacements publicitaires Manuela Brandstätter, Monika Spitaler Production Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder Opérations Michael Thaler (MIT), Alexander Peham, Yvonne Tremmel (Office Management) Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeur de la publication Andreas Kornhofer Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country Editors Pierre-Henri Camy, Nina Treml Country Coordinator Christine Vitel Country Channel Management Meike Koch Publicité Marcel Bannwart (D-CH), marcel.bannwart@redbull.com Christian Bürgi (W-CH), christian.buergi@redbull.com Contributions, traductions, révision Lucie Donzé, Frédéric & Susanne ­Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Claire S ­ chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Service des lecteurs, 6002 Lucerne getredbulletin.com, abo@ch.redbulletin.com

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country Editor David Mayer Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Natascha Djodat Publicité Matej Anusic, matej.anusic@redbull.com Thomas Keihl, thomas.keihl@redbull.com

THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 Country Editor Christian Eberle-Abasolo Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Publishing Management Bernhard Schmied Sales Management The Red Bulletin Alfred Vrej Minassian (Dir.), Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger Publicité anzeigen@at.redbulletin.com

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alessandra Ballabeni, alessandra.ballabeni@redbull.com Contributions, traductions, révision Étienne Bonamy, Frédéric & Susanne Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Claire ­Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries

THE RED BULLETIN Royaume-Uni, ISSN 2308-5894 Country Editor Tom Guise Rédacteur associé Lou Boyd Directeur Secrétariat de rédaction Davydd Chong Secrétaire de rédaction Nick Mee Publishing Manager Ollie Stretton Publicité Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com Fabienne Peters, fabienne.peters@redbull.com

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X Rédacteur en chef Peter Flax Rédactrice adjointe Nora O’Donnell Éditeur en chef David Caplan Directrice de publication Cheryl Angelheart Country Project Management Laureen O’Brien Publicité Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com

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P RO M OT I O N

must-haves

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1  GOBELET ISOTHERME EN ACIER INOXYDABLE

Le gobelet isotherme Travel présente quelques avantages en plus d’un look épuré : grâce à sa fermeture à deux niveaux, il est facile à nettoyer, on peut l’utiliser comme un verre, et il est étanche. Son contenu reste chaud ou froid pendant 6 heures. Contenance : 350 ml ; dimensions : 7 × 17 cm. norkind.ch

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2  DE L’ART SUR SON ÉCRAN

De la galerie d'art à votre salon, en un clin d'œil : ces installations ­numériques arrivent directement chez vous via une connexion avec la TV Swisscom. Avec NOOW, vous faites l’acquisition d’une œuvre d’art numérique choisie par un curateur et signée par un artiste contemporain. noow.art

3 CULTISSIME

Qui ne connaît pas les fameux sticks Malbuner ? Les snacks cultes se retrouvent aussi bien dans les cartables d’école qu’au bureau, et ne font jamais défaut à l’apéritif. Les délicieux sticks de salami à base de viande suisse conviennent toutes les occasions, à partager ou à savourer tout seul. malbuner.ch

4  ICÔNE DU TEMPS

Ce modèle classique avec boîtier en acier inoxydable poli est un ­éclatant hommage au légendaire G-SHOCK DW-5000 de 1983. Équipée de la technologie Bluetooth, la GMW-B5000 est intégralement ­alimentée par énergie solaire. Une icône du temps résolument ­moderne. watchzone.ch

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Pour finir en beauté

Comme Pelé et Neymar avant lui, ses héros d’enfance, Felipe Gustavo voulait devenir footballeur. En cours de route, il a fini par troquer le ballon pour une planche – le reste fait partie de l’histoire du skate. Dans la vidéo All on Me, le Brésilien établi aux USA revient sur les raisons et les choix qui l’ont poussé au sommet de son sport. La vidéo est à voir sur redbull.com

Le prochain THE RED BULLETIN disponible le 8 décembre 2019 98

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JONATHAN MEHRING/RED BULL CONTENT POOL

L’arche de Felipe


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Rrrrrrrr8 #OwnEverySecond

audi.ch Audi R8 Coupé V10 performance quattro 5.2 FSI S tronic, 620 ch (456 kW). Consommation (en l/100 km): 13.1. Émissions de CO₂ en (g/km): 298 (moyenne de tous les véhicules neufs vendus: 137 g/km), mise à disposition d’énergie: 69 g CO₂/km. Catégorie de rendement énergétique: G.


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