The Red Bulletin FR 12/19

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FRANCE DÉCEMBRE 2019

HORS DU COMMUN

Votre magazine offert chaque mois avec

14 PAGES (très) spéciales

RED BULL

ILLUME Le concours photo plus puissant que votre imagination



ÉDITORIAL

TOUT LE MONDE FAIT DE LA PHOTO Avec un smartphone, semble-t-il, mais il reste des domaines délicats à documenter, auxquels nous consacrons nombre de nos pages chaque mois : ­l’aventure outdoor, les sports d’action, le monde ­aquatique… Tous les ans, ils sont des centaines de ­candidats, photographes confirmés, voire pros, ou émergents à participer au concours photo Red Bull Illume, justement dédié aux univers qui vous/nous excitent. Cette année, près de 60 000 images ont été soumises et nous avons ­disséqué l’œuvre des finalistes des onze catégories (innovation, lifestyle, best of Instagram...) pour vous proposer un portfolio de quatorze pages, où l’on se demande parfois si ce que l’on y découvre est réel. Comme ce skateur dans la neige sur notre une, Levi Glenney, shooté par l’Américain Peter Cirilli. Votre expérience Illume commence sous peu.

BEN READ

Ce photographe anglais vous décrira son travail comme du storytelling à travers les détails et les paysages. Et c’est exactement ce qu’il nous a proposé à son retour du plus lointain des tournois de foot, au Groenland. Il y a également fait le plein en souvenirs personnels. « Je me souviendrai toujours de cette mi-temps où la sono balançait du gros death metal », dit Ben. P. 44

TOM WIGGINS

Ouvrez les yeux ! Votre Rédaction

PETER CIRILLI/RED BULL ILLUME (COUVERTURE)

CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS

Basé à Londres, l’ancien rédacteur du magazine Stuff joue aux jeux vidéo depuis 1990. Les compétiteurs du tournoi F1 Esports Pro Series qu’il a rencontrés n’étaient pas nés à cette époque, mais ont assurément joué bien plus que lui. « En parlant avec eux, tu n’as pas l’impression qu’il s’agit d’un jeu, dit-il. Ils prennent ça avec le plus grand sérieux. » P. 58

Containers, grues, hangars… Pas le décor habituel d’un tournoi de foot validé par la FIFA ! Ben Reader a photographié cette compétition organisée au Groenland. P. 44 THE RED BULLETIN

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La transition énergétique vous convie à son bord.

6 Ce mois-ci, notre section galerie

est géante, avec du top niveau : des images parmi les meilleures proposées pour le concours photo photo Red Red Bull Bull Illume Illume 2019. 2019. Fort ! Fort ! 20 « Ce serait trop cool de vivre dans un van ! »… La grimpeuse Kaya Lindsay en a fait son quotidien 22 L’athlète de demain sera peutêtre dans un exosquelette 24 Quand l’astronaute italien Luca Parmitano ambiance Ibiza depuis la Station spatiale : spaaaaaace ! 26 Retour inspirant en Zambie pour la rappeuse Sampa the Great 28 De t.A.T.u à Rammstein, le Belge Todiefor se raconte en hits

30 L a perf’ sociale

Bakary Sakho se bouge pour les siens, mode donnant-donnant

36 S unni le sage

Il prône un rassemblement des générations du breakdance

4 4 L’autre football

Au Groenland, une saison de ballon qui dure une semaine

58 R êves de course

Dans les baquets de F1 virtuelles, aux frontières du vrai pilotage

66 N o future ?

À bord de l’Energy Observer, J­ érôme Delafosse livre un ­message d’espoir

82 Entre montagnes et mer, notre

guide pour skier aux Lofoten

86 Il y a toujours une partie de FIFA

en cours dans le monde. Pourquoi ce jeu intéresse le vrai foot 87 Faire du vélo d’appartement dans un sauna, c’est quoi l’intérêt ? 88 Du paddle sur la Seine, sur scène avec Gotaga, en salle avec des Jedis ou en short avec les basketteurs pros : notre agenda de folie 89 Au programme sur Red Bull TV 90 Le top matos pour se pointer en fraîcheur sur les pistes cet hiver 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Pour finir en beauté : comme Neymar, ce Brésilien sait aussi très bien se servir de ses jambes

7 4 Tabichi Code

Quand les profs changent le monde, pour le meilleur

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THE RED BULLETIN

JON GAMBRELL/AP/PICTUREDESK.COM, DAVID CLERIHEW

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Peter Tabichi : le meilleur prof de l’année 2019 a des choses à dire.


CONTENUS décembre 2019

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En galère, le B-Boy Sunni a dormi sur le sol, avant d’en faire son royaume.

THE RED BULLETIN

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Red Bull Illume

VOS YEUX SONT-ILS PRÊTS ? 59 551 images de photographes provenant de 110 pays : le plus grand concours photo de sports d’aventure et d’action au monde, c’est l’adrénaline magnifiée par la beauté de l’art. Voici une sélection des soixante finalistes de 2019. Texte ANDREAS WOLLINGER


On se tient au courant

KARIM ILIYA/RED BULL ILLUME

Pour voir le jour, cette photo a nécessité de grandes aptitudes professionnelles des deux côtés de l’objectif : le photographe américain Karim Iliya a choisi une longue d ­ urée d’exposition avec son drone afin de procurer plus d’intensité dramatique aux eaux vives du Little White Salmon River, dans l’État de ­Washington, tandis que les deux kayakistes Adrian Mattern et Knox ­Hammack ont dû rester immobiles, dans la seule section du fleuve où cela était possible.

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C’est la teuf dans le tuf Le paysage unique de tuf de la Cappadoce, en Turquie, est le résultat d’une activité ­volcanique intense créant des sculptures ­rocheuses époustouflantes. Il n’est évidemment pas aisé de traverser ce « pays des beaux chevaux », à moins d’être équipé de motos tout-terrain. Par chance, le photographe Burhan Kapar était de la partie.

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BURHAN KAPAR/RED BULL ILLUME



Cherchez l’erreur

LEO FRANCIS/RED BULL ILLUME

Le skateur allemand Jost Arens r­ éalise une figure le long d’un banc qui n’attendait que cela à Copenhague, et nous pouvons admirer son talent sous toutes les coutures : les expositions multiples sont un outil très apprécié pour capturer toute la dynamique d’un mouvement sur une image. Mais cette fois, le photographe britannique Leo Francis s’est permis une petite facétie.

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Enterré sous l’eau L­ e Français Ben Thouard, féru de photo ­depuis ses 15 ans, s’est installé en Polynésie à l’âge de 22 ans. Les vagues de Teahupo’o près de Tahiti sont vite ­devenues son sujet préféré, sous tous les angles possibles et imaginables : cette photo montre le surfeur Tahurai Henry à la lutte sous l’eau, juste après que la vague a brisé.

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BEN THOUARD/RED BULL ILLUME


L’homme élastique

JEREMIAH WATT/RED BULL ILLUME

Le Parc national des Arches dans l’Utah (USA) est célèbre pour ses formations ­rocheuses de grès bizarroïdes –un endroit rêvé pour les inconditionnels d’escalade libre. Pat Kingsbury, qui en est un, gravit une tourelle isolée de 250 mètres de haut au nom prometteur de Hellbitch, tandis que le photographe ­Jeremiah Watt capture un moment particulièrement intense.


SIMON BISCHOFF/RED BULL ILLUME

Sur un fil de lumière L’Australien Simon Bischoff est non seulement un photographe pro, mais aussi l’un des meilleurs grimpeurs de Tasmanie. Un aprèsmidi, il se rend au Gordon Dam pour aller ­regarder les highlineurs qui y défient l’impressionnant barrage. Alors qu’il s’apprête à rentrer chez lui, les lumières s’allument le long de la paroi : la chance sourit aux audacieux.

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TAL ROBERTS/RED BULL ILLUME

Un coup double Le sujet préféré du photographe américain Tal Roberts ? Ses potes, pardi ! Voici l’un d’eux, le skateur Tom Asta, en train de livrer un trick élégant sur un quaterpipe. Ce n’est qu’au moment d’enclencher qu’il s’est rendu compte de l’ombre fantastique qui confère à cette photo un charme particulier.

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NILS OHLENDORF/RED BULL ILLUME

L’homme qui tombe à pic Ce paysage enchanté de l’Utah, aussi appelé « Fruit bowl », est bien connu des amateurs de sensations fortes. Une fois par an, des basejumpeurs et highlineurs s’y retrouvent pour une fête follement aérienne. Le photographe allemand Nils Ohlendorf a immortalisé l’un des initiateurs de cet ­événement, Andy « Sketchy » Lewis. Tous les gagnants dès le 20 novembre sur ­redbullillume.com

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conversion : « J’ai rencontré une fille qui avait acheté une camionnette qu’elle venait de transformer en maison pour passer tout l’été à faire de ­l’escalade. Elle m’a bluffée. J’ai alors acheté une camionnette d’occasion pour environ 9 000 €, dans laquelle je peux m’allonger et tenir debout. Je l’ai moi-même aménagée en cinq mois avec mon ex-petit ami, et à l’aide de tutoriels sur YouTube. » Lindsay livre ici cinq ­dispositions logistiques et ­spirituelles à adopter avant d’embrasser la van life… pour quelques mois, ou pour la vie ! onechicktravels.com

Prenez bien soin de la ventilation et de l’isolation « La rouille et la moisissure sont les ennemis jurés de la ­camionnette. Veillez à concevoir et à r­ éaliser soigneusement l’étanchéité de votre véhicule et sa ventilation. »

Lisez Marie Kondo, La magie du rangement « Soyez radical pour ce que vous voulez emporter avec vous. De ma vie d’avant, je n’ai gardé que trois t­ iroirs de linge et d’accessoires de toilette. »

La liberté tient sur quatre roues Se barrer, s’évader et vivre dans un van. La grimpeuse et blogueuse américaine Kaya Lindsay livre ses astuces pour mener une vie d’aventure au gré du vent.

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Êtes-vous prêt(e) à quitter votre logement, à léguer vos biens à une association caritative et à entamer une vie itinérante ? C’est ce que l’on appelle la van life, une dynamique où l’idée est de se libérer des contraintes quotidiennes en transformant un véhicule en foyer mobile. Et ainsi rouler en quête d’aventures, hors du ­système. Ce mode de vie, la grimpeuse et blogueuse Kaya Lindsay l’a adopté depuis trois ans en quittant son appartement californien et en devenant free-lance pour se lancer à bord de son fourgon Mercedes-­Benz Dodge Sprinter de 2006. Sa chaîne YouTube fournit non seulement des conseils pour l’aménagement de sa fourgonnette — sa vidéo sur le sujet compte plus de 1,6 million de vues — mais aussi les récits d’autres femmes converties à ce mode vie. Lindsay se souvient de sa propre

Soyez flexible et tourné vers la recherche de solutions « Vous devez être capable de gérer toutes les difficultés. Être ­endurant et apte à faire face aux imprévus est une ­qualité primordiale quand on vit dans une camionnette. »

Respectez l’espace qui vous entoure « Je vois des gens jeter du marc de café sur les parkings, ou ­cracher leur dentifrice sur le sol. Faites ce genre de chose dans des lieux appropriés. »

Ce que vous aimez faire doit devenir le fil rouge de vos pérégrinations « La vie dans un van est souvent empreinte de romantisme. Mais pour être heureux en route, il faut une motivation assez forte pour ne pas s’arrêter. » THE RED BULLETIN

LOU BOYD

VIVRE DANS UN VAN


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N ’AT TE N D E Z PAS Q U E L’AVE NTU R E VI E N N E À V O U S . AL L E Z L A C H E RC H E R !

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L’athlète de demain ? Le tout premier exosquelette de course sera piloté par l’Homme. Ce monstre quadrupède de 3,5 tonnes et 4 mètres de haut pourrait s’apparenter à un ­horrible robot tout droit sorti d’un film bourrin de Michael Bay (Pearl Harbor). Mais le Pros­thesis, créature de la société d’électronique de luxe Furrion, est un exosquelette ­bionique entièrement piloté par l’Homme qui voit ainsi sa force et sa vitesse décuplées. « C’est un anti-­robot, dit son créateur, Jonathan Tippett, directeur technique de Furrion. Il convient d’y voir un uniforme, une extension du corps du pilote qui impulse tous les mouvements de la bête. » La passion de Tippett pour les sports d’action a inspiré cette machine 22

innovante, ou mecha. « En g­ randissant, la pratique du VTT, du snowboard, des arts martiaux et de la moto a été une grande source de joie, confie-t-il. À l’instar de ces sports, la conduite du mecha fait la part belle à la maîtrise physique et à l’habileté. Ici, il s’agit de contrôler un mastodonte de 200 chevaux. » L’entreprise planche déjà sur la prochaine génération de mecha et espère lancer sa propre X1-Mech Racing League pour une nouvelle dimension dans le sport, avec des courses d’athlètes qui s’affronteront dans leurs exosquelettes. « Manier un mecha reste accessible à toute personne en bonne santé, affirme Tippett. La puissance et la force requises sont fonction de la vitesse et de la force ciblées. Si vous maîtrisez les pistes bleues en ski et le ollie en skate, la bête se soumettra à votre volonté en peu de temps. » furrion.com THE RED BULLETIN

SAM CARTER, JONATHAN TIPPETT

EXTENSION CORPORELLE FURRION

LOU BOYD

Piloté par l’Homme, le Prosthesis peut se déplacer à 30 km/h.


Naturellement rafraîchissants Red Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658

N’EST PAS UNE BOISSON ÉNERGISANTE

P O UR V O T R E S A N T É , M A N GE Z A U M O IN S C IN Q F RUI T S E T L É GU M E S PA R J O UR . W W W. M A N GE R B O U GE R . F R


Cet été, à 400 km au-dessus de la Terre, la Station spatiale ­internationale a offert aux fêtards terriens un DJ set historique.

Ce soir, on se met sur orbite ! Luca Parmitano fait tanguer le ­bateau à Ibiza depuis la Station spatiale internationale.

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Quand un DJ set est qualifié d’extraterrestre, cela tient généralement à sa sélection de morceaux ou au talent de celui ou celle derrière les platines. Ce qualificatif a pris tout son sens en août dernier, lorsque l’astronaute italien Luca Parmitano est devenu le premier DJ à se produire en direct de l’espace. Âgé de 43 ans, notre homme a travaillé avec le célèbre DJ allemand Le Shuuk pour réaliser ce set historique en utilisant un logiciel spécialisé chargé sur une tablette de la Station spatiale internationale. Le jour J, Parmitano fut projeté en direct sur écran géant devant 3 000 clubbeurs à bord d’un bateau amarré dans les îles Baléares. « Bienvenue à bord du module Columbus, le laboratoire européen de la Station

THE RED BULLETIN

LOU BOYD

Carrément cosmix

spatiale internationale, lancet-il en guise d’intro à son set, la plus étonnante des coopérations entre les agences spatiales du monde. » Cet événement pionnier est le fruit de la collaboration entre l’Agence spatiale européenne et un promoteur allemand, BigCityBeats, dont le festival de musique électronique sur les flots – le World Club Dome Cruise Edition – a diffusé le set de Parmitano pour les chanceux fêtards flottants basés à Ibiza. « J’avais les larmes aux yeux en voyant Luca hisser le drapeau de notre World Club Dome à bord de la Station spatiale, a déclaré Bernd Breiter, le PDG de BigCityBeats, après la prestation. Les mots me manquent pour décrire ce que j’ai ressenti au moment où la musique a retenti en direct depuis l’espace. Je rêvais depuis de nombreuses années de créer le p ­ remier club dans les étoiles et plus largement de tisser un lien entre science et musique. J’espère sincèrement que les générations à venir s’en ­inspireront.  » bigcitybeats.tv

BIG CITY BEATS

UN DJ DANS L’ESPACE


SON PRO

ÉCOUTEURS SANS FIL JBL

JBL.COM


Le son de la diasporap Née en Zambie et installée en Australie, l’étoile montante du rap politique explique comment un retour aux sources peut façonner votre avenir.

En mars de l’année dernière, Sampa Tembo, alias Sampa The Great, ­remportait avec Birds And The BEE9 le ­Australian Music Prize. Cette distinction prestigieuse pour tout musicien australien récompense l’excellence créative et non les ventes d’albums. Pourtant, Tembo n’est pas d’origine australienne, mais zambienne. Elle a quitté son pays natal en 2014 pour étudier la production audio. Dès sa première parution, The Great Mixtape sortie en 2015, la rappeuse suscite la curiosité des ­magazines de rap australiens, qui la consacrent comme l’une des leurs. L’idée du retour au pays est le fil conducteur des 19 titres de The Return, son premier album officiel sorti chez le label britannique Ninja Tune. La jeune femme de 26 ans nous explique pourquoi elle a réalisé la vidéo du single Final Form en Zambie, et comment elle a surmonté son manque de confiance. THE RED BULLETIN : Pourquoi avoir tourné la vidéo de Final Form en ­Zambie en y incluant vos amis et vos parents ? SAMPA THE GREAT : Je vis en Australie où j’ai lancé ma carrière d’artiste sans jamais me produire dans mon pays où aucune radio ne diffusait mes morceaux. Ma carrière en Australie a décollé subitement. Passages radio et concerts se sont enchaînés, et je suis même reconnue comme Australienne. Les

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Zambiens s’étonnaient alors de ne pas me voir me produire au pays, j’ai donc décidé de faire quelque chose pour me reconnecter avec eux. Comment avez-vous vécu ce retour ? La boucle était bouclée, je retrouvais ma terre natale en tant qu’artiste. Cela ne me gêne pas qu’on dise de moi que je suis basée en Australie, c’est en partie vrai. Au pays, mes amis me rappellent qu’ils savent d’où je viens, et je réponds n’avoir aucun contrôle en la matière. Pour moi, l’important était de raconter l’histoire qui m’a façonnée et ne pas laisser d’autres le faire à ma place. Que signifie ce retour au pays pour vous ? Vous y sentez-vous plus enracinée artistiquement désormais ? En Zambie, l’éducation ne tolère pas les prétentieux. Quand ma carrière a décollé, mes parents m’ont vite recadrée. Le retour aux sources consolide la progression. Ça vous rappelle d’où vous venez, et permet de remettre les choses en perspective, de se retourner pour voir le chemin parcouru. C’est important. En quoi avez-vous progressé ces ­dernières années  ? J’ai plus d’assurance. Je fais ce pour quoi je suis née. Au début, j’étais rongée par le doute, car dans ma famille personne avant moi ne faisait de la musique en professionnel. Le fait d’y être parvenue et d’en tirer du plaisir renforce ma confiance en moi. Progressivement, l’assurance et le respect de soi se sont aussi accrus tout comme la volonté d’apprendre et de travailler sur mes ­faiblesses, afin d’éviter de tomber dans le piège de la suffisance.

Comment avez-vous surmonté vos doutes ? En échangeant avec les autres. Le sentiment de vivre les choses seul rend vulnérable. J’essaie toujours de parler de la vie avec les gens que je croise, cela aide à prendre conscience des peurs et angoisses que nous avons en commun. Comprendre que nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés aide à dédramatiser son cas personnel et incite à chercher les réponses dans ­l’acquisition du savoir. Vous avez dit un jour qu’un bon étudiant s’efforce de maîtriser ce en quoi il est doué, mais aussi ce qui lui fait défaut. Qu’avez-vous tenté de maîtriser en préparant The Return ? Tant de choses. Pour résumer, je dirais que j’ai tenté de mettre les choses en perspective. Avec The Return, l’idée d’un impossible retour au pays, quelle qu’en soit la raison, me consumait jusqu’à ce que je rencontre des gens sans aucun espoir de retour, contraints de se créer une nouvelle patrie. Cela m’a poussée à prendre du recul et à constater que mon petit malaise et l’exil que je ressentais pesaient peu comparés aux leurs. J’ai compris que j’étais privilégiée, contrairement à ce que j’imaginais. Qu’a produit en vous cette prise de conscience ? Je me suis demandé ce que j’allais faire de ce privilège. S’il m’est donné de rentrer chez moi, je partagerais tout ce que je sais. Si l’occasion se présentait, je transmettrais aux Zambiens qui n’ont pas la chance de retourner chez eux ce qu’est notre patrie et notre culture. C’est ce sentiment de posséder un savoir dont l’autre est dépourvu et dont il pourrait bénéficier. Cette transmission devient un devoir pour la diaspora.

The Return, premier album de Sampa The Great, est disponible sur Ninja Tune ; sampathegreat.com BARUN CHATTERJEE

SAMPA THE GREAT

THE RED BULLETIN


« Pour moi, l’important était de raconter l’histoire qui m’a façonnée. »


PLAYLIST

Quand le Belge arrive Nos voisins pèsent dans le hiphop : le DJ et producteur belge Todiefor raconte des titres qui ont marqué son existence.

Rammstein

The Subs & Party Harders

Roméo Elvis & Caballero

C’est le tout premier CD que j’ai reçu, quand j’avais 7 ou 8 ans. On m’avait offert une petite chaîne hifi pour Noël accompagnée de ce disque. Le truc, c’est qu’il n’y avait que deux morceaux dessus, la version en anglais et celle en russe, et comme je n’avais rien d’autre à écouter pendant plusieurs semaines, je l’ai saigné à fond, au point de connaître par cœur les paroles, en anglais ET en russe ! Merci Papa Maman !

Avec mon frère, on passait notre temps à télécharger des sons sur eMule ou Shareaza. Une fois, il est revenu à la maison en me disant : « J’ai trouvé un méga truc, faut que t’écoutes ! » Il avait téléchargé le nouvel album de Rammstein. On l’a écouté en boucle et ce morceau m’a particulièrement marqué, avec son mélange d’électro et de metal super énervé. C’est clairement à partir de là que j’ai commencé à apprécier les sonorités électroniques.

Ado, je n’étais pas un sorteur (sic), plutôt un petit geek qui faisait des sites Internet et qui jouait à World of Warcraft, mais mes potes m’ont traîné au Fuse, un club mythique de Bruxelles. À l’époque, on commençait à entendre ce mélange de rap/ slam en français qui racontait des trucs horribles sur un beat electro super dur. J’ai mis un an à percuter que c’était belge ! Tous les DJ jouaient ce titre, ça passait à la ­radio et c’est devenu disque d’or.

Alors que j’habitais encore chez mes parents, à Anderlecht, et que je bossais jour et nuit dans ma chambre d’ado sur des sons, j’ai rencontré mon manager, qui gère aussi des artistes comme Damso, Roméo Elvis, Caballero… Il a cru en moi et m’a accueilli dans son écurie. Quand Bruxelles Arrive est sorti, c’est devenu un hit, on l’a entendu partout en Belgique, en France et ça a profité à tout le monde. On nous prenait enfin au sérieux.

All The Things She Said (2002)

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Feuer Frei! (2002)

Pope of Dope (2010)

Bruxelles Arrive (2016)

THE RED BULLETIN

MARIE-VALENTINE GUILLARD

t.A.T.u

ANTOINE CARBONNAUX

Pour Todiefor, tout commence quand les serveurs du jeu en ligne World of Warcraft doivent passer en maintenance durant toute une nuit. Ce soir-là, pour passer le temps, le jeune geek télécharge le logiciel Fruity Loops et se prend de passion pour la production musicale. Il arrête l’école, passe ses soirées à composer sur son ordi, puis rencontre un certain Roméo Elvis qu’il invite à poser sur un de ses instrus. La suite ? ­Plusieurs collaborations, ­l’explosion du rap belge et de ses artistes et un single, Signals, qui s’est exporté bien au-delà des frontières du plat pays. Entre deux sessions studio, le producteur belge revient avec nous sur les m ­ orceaux décisifs qui ont tout changé pour lui.



SOCIAL ET PERFORMANCE Gardien d’immeuble, écrivain, ­militant associatif, fondateur d’une maison d’édition, organisateur du tournoi de basket le plus ambitieux de France… BAKARY SAKHO est sans aucun doute le type le plus ­hyperactif du XIXe arrondissement. Photos FELIPE BARBOSA

APOLLINE CORNUET

Texte SMAËL BOUAICI

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« À QUEL MOMENT VA-T-ON AVOIR UN VRAI DISCOURS ? »

Bakary Sakho, l’homme multiple, motivé par une réussite… sur le terrain. Ci-contre : si ces joueuses peuvent s­ ’exprimer sur le playground de Stalingrad, c’est parce que Bakary et son crew l’ont sauvé de l’abandon.


Q

uand les autres laissent leur vie se dérouler en pilotage automatique, lui n’a qu’une philosophie ; prendre le volant et se donner les moyens d’atteindre ses objectifs. Français, Noir, musulman, vivant dans un quartier populaire ? Bakary Sakho est surtout un mec qui bosse et qui ne jure que par la « performance sociale ». Sa première perf ? Elle date de 1996 : pour aider sa mère qui luttait afin d’obtenir un logement décent, après vingt ans passés dans un troispièces de 45 m² humide, « avec le plâtre qui se barrait », dans lequel se blottit sa famille de neuf personnes. Il a alors quinze ans, et il est stagiaire pour l’association Droit au logement (DAL), pour laquelle il organise des rassemblements devant les portes des bailleurs sociaux. « Ma mère était la première à se mobiliser dans le quartier, pour elle et pour des familles qui vivaient dans des conditions pires que la nôtre. Ça n’était pas une démarche politique. J’ai fait ça par amour pour ma mère, pour tout ce qu’elle avait fait pour moi », raconte-t-il assis au bureau de son QG cosy du 159 rue de Flandres, véritable petit temple dédié au basket. Il faudra quelques années pour reloger les familles, mais la machine à do-it-yourself est lancée. Elle montera en régime après un drame, la mort d’un copain de ­lycée d’une crise cardiaque. Une véritable prise de conscience pour lui et son groupe d’amis réunis sous l’alias BGA, pour Black Guerrilla Army, en référence au film Les Princes de la ville de Taylor Hackford.

« IL FAUT FAIRE EN SORTE DE NE PLUS ÊTRE EXCLUS DES CERCLES DE DÉCISION. » « Après cette mort soudaine, j’ai réalisé qu’il fallait que je laisse une trace. J’ai ­décidé de moins traîner dans la rue et de donner un sens à ma vie avec tous ceux autour de moi. On a décidé de positiver ce qu’on faisait et BGA est devenu Braves Garçons d’Afrique. » Il se met à travailler sur la question de l’identité, et avec Christiane Taubira sur la loi sur la reconnaissance de la traite négrière. Déjà, il a dans l’idée de sortir de la Françafrique et de rééquilibrer les relations entre l’Hexagone et le continent noir : « D’un côté, on envoie des fusées dans l’espace, de l’autre, il n’y a pas d’eau potable. » Pendant cinq ans, il organise des conférences et débats avec des personnalités comme Lilian ­Thuram ou Olivier Laouchez. « L’idée, c’était de dire qu’on est fiers d’être ­Français, mais qu’on a aussi cette double culture, qui est racisée : quand on va quelque part, on est vus comme Noirs. On était dans l’air du temps, avec le débat sur l’identité nationale lancé par Sarkozy. »

Un déclencheur

Jusque-là, Bakary Sakho semblait parti pour une carrière assurée dans le m ­ ilieu associatif. Mais sa conscience est bouscu32

lée en 2005, avec la mort de Zyed et ­Bouna, deux jeunes qui fuyaient la police à Clichy-sous-Bois, déclenchant trois ­semaines d’émeutes dans les cités françaises. « Pour moi, cet événement a été le tournant dans le milieu associatif. En tant qu’acteur principal, j’ai été choqué de voir que la réponse politique n’a pas été à la hauteur. Il n’y avait pas de leader, on ne parlait pas d’une même voix ! Nous vivons l’injustice de manière claire mais à quel moment va-t-on avoir un vrai discours ? » C’est lors de son séjour aux États-Unis, quelques mois plus tard, qu’il prend conscience des carences dans la « com » des quartiers populaires. Invité par l’ambassade américaine dans le cadre du ­programme des jeunes leaders internationaux, il se rend compte « qu’à part avoir fait du tort à l’intérieur des cités, on n’avait pas porté de message à l’extérieur ». Pendant trois semaines, il rencontre des maires, députés, sénateurs et apprend « le lobbying, la force de la communauté, l’indépendance financière ». « Ce que j’ai aimé, c’est que les Américains n’attendent rien des politiques. Ils se prennent en main pour initier des levées de fonds, comme ce médecin qui a lancé Youthville à Detroit, grâce à son ­association avec un cadre de Kellogg’s. Ils ont levé 24 millions de dollars pour un bâtiment immense avec terrain de sport, piscine, studio, salles de cours, centre de réinsertion… » Il en revient conforté dans l’idée que si quelque chose doit bouger dans les quartiers, il faut que ça vienne de l’intérieur. Il se met alors à arroser sa communauté de cette philosophie. Il récupère une salle dans un centre sportif du quartier, où sont dispensés des cours de CrossFit ou de basket, organise une dizaine d’événements par an, entre concerts, conférences, projections de films… « Aujourd’hui, on a un staff de 80 personnes, de 12 à 45 ans, ­explique-t-il. On partage la valeur du ­travail et de la discipline. Et on n’attend pas les autres pour faire. Si, pour un événement, on n’a que 4 000 euros sur les 10 000 nécessaires, on ne va pas aller pleurnicher aux portes. On fait avec. On n’a rien mais l’idée est bonne et elle est ­réalisable quand même ? On le fait. C’est ce qui s’est passé pour notre dernière bloc Les proches de Bakary : en bleu, Mody Niakaté, chef de projet digital. À droite, Sali Sylla, présidente de l’association Oasis Sportive. En jeans, Paul Odonnat, co-fondateur des All Parisian Games et de Faces Cachées Éditions. À vélo, Elias Konaté, animateur réseau. THE RED BULLETIN


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« TU NE SAIS PAS ÉCRIRE MAIS TU AS UNE BELLE HISTOIRE À RACONTER ? VIENS ! »


L’ÉCOSYSTÈME DE LA BALLE ORANGE Quand il n’est pas en train de monter des projets dans tous les sens, Bakary Sakho se vide la tête avec le basket. Mais là encore, il a trouvé le moyen de faire progresser tout l’écosystème de la balle orange, avec l’organisation des All Parisian Games, un tournoi calqué sur le All-American aux USA, qui rassemble les meilleurs joueurs de lycée du pays. Chaque année depuis 2013, 600 joueurs et joueuses de moins de 20 ans d’Île-deFrance participent aux sélections, d’où sortent les 48 meilleurs (24 garçons, 24 filles), qui représentent la rive droite et la rive gauche. « On ne voulait pas créer un simple tournoi, mais un événement qui ­allait donner de la force à la culture basket à Paris. » L’initiative cartonne, soutenue par des joueurs NBA de passage dans la capitale, dont Lebron James en 2018. Bakary et son compère Paul sont aussi à l’origine du sauvetage du playground historique de Stalingrad, sous le métro aérien. Devenu impraticable, il devait disparaître. « On s’est positionnés en disant que ce terrain était un héritage du quartier, et qu’il fallait le garder. On a obtenu un budget de la mairie pour proposer un nouveau projet dans cet e­ space, qui lierait sport et cultures urbaines. » Le terrain flambant neuf a été inauguré le 21 septembre dernier, et ­depuis, il accueille sans discontinuer bloc parties hip-hop et matches à haute intensité.

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« MOI-MÊME, J’AI DU MAL À COMPRENDRE MON PROPRE CHEMIN. » party. On n’avait pas un rond, un copain a ramené des platines, l’autre la sono, et on a organisé un open mic. »

Écrire son histoire

Lassé par trente années de politique de la ville sans résultats, Bakary, qui trouve vaines les manifestations, a compris que pour être efficace, il fallait viser haut : « Il faut faire en sorte de ne plus être exclus des cercles de décision. Et ne pas se contenter des conseils de quartier, où l’une s’occupe des merdes de chien et l’autre se plaint des loyers qui explosent. Il faut être présent là où l’argent est distribué. » C’est dans cet esprit qu’il a monté sa maison d’édition, Faces cachées, inaugurée par son propre livre, Je suis, en 2015, un plaidoyer pour l’énorme potentiel des quartiers populaires, qui fut parfois le premier livre lu hors programmes scolaires par des lycéens. Évidemment, pas question pour lui d’aller démarcher les grandes maisons parisiennes. « Le projet ne commence pas par l’envie de sortir un livre mais par celle de créer une maison d’édition. On a regardé comment ça fonctionnait et on s’est lancés. » Une idée cohérente avec sa démarche de faire ­s’exprimer les habitants des cités. « Il y a beaucoup de belles histoires à raconter. Au lieu de se plaindre sur le mode : “On ne parle pas de nous dans les livres”, écrivons les nôtres ! C’est important de faire connaître nos histoires, à l’extérieur, mais déjà pour nous ! » Depuis quatre ans, Faces cachées a ­édité quatre livres et vient de signer avec un distributeur pour se concentrer sur l’édition. La porte est ouverte à tous les talents : « Tu ne sais pas écrire mais tu as une belle histoire à raconter ? Viens ! Tu sais écrire mais tu avais peur de le faire ? Viens ! Tu ne sais pas écrire et tu n’as pas d’histoires à raconter ? Bon ben salut. Le social oui, mais la performance avant tout. » Performant, Bakary Sakho l’a été en 2017, lorsque le XIXe arrondissement a été secoué par une querelle entre bandes rivales qui causa un mort. Il monte au créneau et met les parents, qui « ne prennent plus leurs responsabilités », les associations « qui ne font pas leur

t­ ravail » et « les milieux politiques qui laissent faire tant que ça n’éclabousse pas les autres quartiers » devant leurs responsabilités. Il va même mettre la pression à l’imam de la mosquée du coin pour qu’il participe au retour à la paix. « J’ai allumé tout le monde politiquement ! Pour la­ ­première fois, après mes vidéos sur Facebook, on avait un car de CRS dans la cité. J’ai dit qu’on serait tous les dimanches sur le parvis de la gare Rosa-Parks tant que ça ne s’arrêterait pas. Quand on a lancé l’appel, les mamans sont sorties et tout s’est calmé tout de suite », raconte celui qui est devenu aujourd’hui bien plus qu’un gardien d’immeuble.

La performance sociale

Il quittera d’ailleurs sa loge en 2020, pour se lancer dans une nouvelle aventure avec son collègue Paul, avec qui il monte tous ses projets. Leur association, Le 99, va ­devenir une agence, qui exploitera le concept de performance sociale et surtout le stakhanovisme de ses fondateurs. « Aujourd’hui, je donne 35 heures par semaine à l’association, en plus de mes 35 heures de travail. L’an prochain, je donnerai 70 heures par semaine à l’agence ! On a bien travaillé, on a un modèle économique. Gardien d’immeuble, c’était un choix, je n’ai j­ amais voulu vivre de la ­politique ou du milieu associatif. Je n’ai pas gagné un euro, mais ça m’a ouvert un réseau incroyable et offert des compétences. Je donne des cours à la fac de Lyon, l’année prochaine à HEC, je suis parfois payé pour animer des colloques, qui l’eût cru ? » Si tout se passe comme il le veut, ­Bakary se voit bien, d’ici une dizaine ­d’années, faire la navette entre France et Afrique, pour travailler à une forme de ­réconciliation identitaire, « une nouvelle Françafrique » : « Un truc intelligent, où tout le monde s’y retrouve, pour éviter que les gens ne tombent dans cette schizophrénie. » Histoire de boucler une boucle qui s’étire dans tous les sens sans jamais casser depuis plus de vingt ans : « La dernière fois, j’étais à un colloque à ­Arras avec des intellectuels, des docteurs en sociologie… J’étais non seulement ­intervenant mais aussi l’un des grands ­témoins. Et sur mon badge, il y avait écrit : “Bakary Sakho, gardien d’immeuble et écrivain.” J’ai posté la photo sur les réseaux en rigolant : “Même moi, j’ai du mal à comprendre mon propre chemin !” » Instagram : @allparisiangames   35


Sunni

le sage

C’est un enfant prodige qui passait ses nuits par terre dans un bureau. Mais désormais SUNNI BRUMMITT est devenu un expert de la danse hip-hop, célèbre dans le monde entier. Le B-Boy de 24 ans nous raconte comment il remporte ses battles de manière créative et surmonte les stéréotypes agressifs sur sa discipline. Il s’exprime également sur le potentiel olympique du break.


Texte RACHAEL SIGEE Photos DAVID CLERIHEW

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Sunni Brummitt connaît la réalité du breakdance et lorsqu’il dit : « Il y a des hauts et des bas, comme dans n’importe quel boulot », il le pense vraiment. Assis sur un siège grinçant du studio de danse Centre Stage dans le quartier de Maryland, dans l’est londonien, il souligne que notre interview a lieu « dans le beau bureau ». Alors que celui d’à côté, avec le sol en béton, fut son refuge pendant un an, il y passait ses nuits : « Je me réveillais en toussant tous les matins. » Deux ans plus tôt, Sunni, enfant prodige du breakdance, était invité à toutes les compétitions importantes aux quatre coins de la planète. Il gagnait assez d’argent pour se décider à s’installer seul à Londres. C’était avant la crise, quand le groupe de street-dance Diversity remporta Britain’s Got Talent (dont La France a un incroyable talent est l’adaptation française) et que les danseurs étaient très demandés. Puis la bulle a éclaté. « J’ai traversé plusieurs années où il a fallu que je me décide entre être fauché et m’entraîner ou bien ne pas être fauché et ne pas m’entraîner, expliquet-il. Il n’y avait pas de juste milieu, pas pour le type de danse que je voulais pratiquer. Je pouvais enseigner, mais je voulais faire de la compétition. Je voulais être sur scène. » Sunni, 24 ans, est de retour à Londres pour une visite en coup de vent seulement. Il est arrivé ce matin des Pays-Bas, où il vit en ce moment, 38

et repart demain pour une semaine en Hollande, en Autriche et en Slovaquie. Plus besoin de dormir sur des sols en béton, Sunni est aujourd’hui un B-boy à succès de renommée internationale, dont les victoires incluent celles de Notorious IBE, Unbreakable et les championnats ­britanniques de hip-hop deux années de suite. Il est également le premier membre des Red Bull BC One All Star originaire de Grande-Bretagne. Difficile de croire que Sunni – léger, plein d’énergie, et, lorsque nous nous rencontrons, en train de se délecter de Haribo – a déjà presque dix ans d’expérience à son compte. Il fut catapulté au sommet de la gloire en se qualifiant pour les finales du championnat du monde de breakdance en Angleterre en 2011, à l’âge de quinze ans. Simplement heureux d’être là et de vivre cette expérience, il finit même par battre la superstar sud-coréenne Hong 10 en quart de finale. Rétrospectivement, il compare cet événement à la sensation « Cori Gauff », cette ado qui a battu Venus Williams à Wimbledon cette année. « C’était la même situation. Cela reste probablement l’un des battles les plus célèbres auxquels j’ai participé. Dans la scène du break, c’est devenu viral. C’était un bouleversement de dingue, parce que personne n’avait représenté l’Angleterre depuis sept ou huit ans, et voilà que j’arrive et que je bats un gars qui était donné comme favori de la compétition. Et en plus, je le fais tout au début. À vrai dire, c’était presque triste, parce que c’était mon idole, l’idole de tout le monde. Tout Londres pleurait et moi j’étais sur scène genre “Nooooon, désolé, bro...” J’étais complètement dépassé. » Cela faisait beaucoup à digérer pour l’ado qu’il était, et lorsqu’on lui demande comment il s’en est sorti, il

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« Il a fallu que je me décide entre être fauché et m’entraîner ou bien ne pas être fauché et ne pas m’entraîner. »

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M

ais la scène finit par le rattraper, et Sunni rempile, avec l’appui de sa famille. « Ma mère me soutient à fond », dit-il en attrapant son téléphone pour montrer des photos où ils sont ensemble. « C’est une vrai hippie. Lorsqu’elle était jeune, elle a pris une année sabbatique, puis s’est finalement retrouvée dans un cirque pendant huit ans, et elle est revenue avec un gamin : moi. C’est ça, ma mère. Du délire. » Né en Malaisie, Sunni a quatre ans lorsque sa mère revient en Angleterre. Après s’être lassé du foot et de l’escalade, il passe son temps libre à acquérir des aptitudes différentes et plus inhabituelles, grâce à sa mère et son expérience du cirque. Sunni prend son premier cours de breakdance à l’âge de neuf ans. « Je faisais tout le temps des acrobaties avec ma mère, dit le danseur. Dès que j’étais libre, je la retrouvais au cirque et passais du temps avec ses amis – c’était normal. Rétrospectivement, c’était dingue, mais je n’y pensais jamais à l’époque. Je faisais de gros progrès en breakdance. Je savais déjà comment me servir de mon poids, parce que cela faisait cinq ans que je faisais des figures sur les mains. » Ayant dansé dans presque tous les contextes imaginables, dont deux ans dans la boîte de nuit londonienne haut de gamme Cirque le Soir, ce sont les battles qui font vraiment vibrer Sunni. Alors que certains danseurs sont célèbres pour leurs prestations expressives ou pour leur puissance, ce sont ses head spins ver40

« Je ne me mets pas souvent en colère – je suis tout le temps en train de sourire ou de me marrer. »

tigineux et sa créativité (il ne se sert d’aucun mouvement de base) qui démarquent Sunni. Ce type actionne son corps avec une aisance incroyable. « Je suis très mince et très léger. Lorsque je touche le sol, je rebondis. Grâce à mon poids, je vole. Mais je n’aime pas la muscu. Je déteste ça ! J’ai participé une fois à un camp d’entraînement physique, et il y avait deux danseurs du Japon et du Maroc super musclés. Nous tournions autour des instruments et l’un des gars m’a demandé : “Combien de répétitions arrives-tu à faire sur cette machine ?” Je ne savais pas quoi lui répondre. “Mec, je ne sais même pas à quoi sert ce truc !” » Pour Sunni, il s’agit de bien plus que de se pointer et de faire les moves. « Il y a une différence fonda-

mentale entre être un bon danseur et être un bon danseur de compétition, explique-t-il. Il existe un grand nombre de tactiques auxquelles personne ne pense vraiment. Disons qu’il y a trois tours, et ce gars est meilleur que toi, mais il débute le battle. Il fait un round de malade, mais qui dure une minute et demie, puis tu t’engages et en fais un de vingt secondes. Là tu sais que ses deux ou trois prochains rounds vont être pauvres parce que tu ne lui as pas laissé le temps de récupérer. » Désormais, Sunni se rend dans deux ou trois pays par semaine pour participer à des compétitions – en tant que juge ou participant – et organise des stages, mais il garde les battles en tête, et sait qu’il y a un million de possibilités de remporter un battle. « Il peut y avoir une personne qui passe deux minutes entières sur les mains et dont les pieds ne toucheront pas une seule fois le sol, et puis quelqu’un d’autre n’aura pas de force physique mais sera hypercréatif, innovateur et charismatique. Impossible de savoir qui gagnera avant de voir tout le battle. » Après avoir vécu sept ans à Newham, l’un des quartiers les plus défavorisés de Londres, Sunni ne se laisse pas impressionner par les faux durs, et la plupart des stéréotypes liés au fait d’être un B-Boy le laissent froid. « Les gens sont très attachés au cliché de ce à quoi un vrai B-Boy doit ressembler, et tout le monde semble vouloir y correspondre, indépendamment de qui ils étaient avant de débuter. Un peu mauvais garçon, un peu irrespectueux – quelqu’un qui se fiche de tout, qui ne sourit jamais. Ça me rend dingue. Les gens les plus sympas, des gens tellement cool, après un an de breakdance peuvent se retrouver transformés en gangster du Bronx. Là, tu te demandes : “Mais qu’est-ce qui lui arrive à celui-là ?”» Il y a six mois, Sunni a déménagé à Hilversum, une ville dans les environs d’Amsterdam, afin de mener une vie plus calme. « À Londres, je me réveillais au son des sirènes de police et j’allais me coucher au son des sirènes de police, explique-t-il. THE RED BULLETIN

TROUSERS, SANDRO; BELT, DOLCE & GABBANA; SHOES, JOSHUA; JACKET, VINTAGE

hausse les épaules : « Je n’y suis pas vraiment arrivé. » L’industrie du breakdance n’était pas faite pour quelqu’un d’aussi jeune, et Sunni s’est retrouvé sous pression, à dormir dans des chambres d’hôtel anonymes dans des pays qu’il n’avait pas le temps de visiter ; pendant ce temps, ses copains vivaient une vie d’ado, à organiser des fêtes et tenter d’entrer en boîte de nuit. Il a fini par arrêter complètement la danse pendant un an afin de se débarrasser des « trucs idiots de l’adolescence ».


Après avoir vécu dans un quartier tendu de Londres, Sunni s’est installé aux Pays-Bas. « Ici, plus de sirènes de police, mais des champs partout. »


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STYLING: ADELE CANY. STYLING ASSISTANT: MORGAN HALL. GROOMING: SUSANA MOTA

« Nous nous trouvons à un moment charnière entre deux époques, celles du B-Boying en tant que forme d’art et en tant que sport pro. »


JACKET, G STAR; T-SHIRT, JEANS & BELT, DOLCE & GABBANA; SHOES, TIMBERLAND

« Il y a une différence fondamentale entre être un bon danseur et être un bon danseur de compétition. »

Depuis que j’ai déménagé, je n’ai pas vu une seule voiture de police. Je vis au beau milieu des champs. Je sens aussi que je suis beaucoup plus calme intérieurement. » Si Sunni est détendu, le monde du breakdance est en plein mouvement, et il en vient à philosopher sur le positionnement de cette discipline, en passe d’être intégrée comme sport olympique à Paris en 2024. « C’est un moment charnière car nous nous trouvons entre deux époques. Ces vingt dernières années, le B-Boying en compétition était ­subjectif : trois juges et à la fin le jury se décide d’une manière ou d’une autre. Ça, THE RED BULLETIN

aux JO, c’est impossible : il faut un système de points et un décompte. Tout le monde doit comprendre les décisions. Il y a aussi ceux de l’ancienne génération qui disent que l’on ne peut pas quantifier l’art. Nous sommes au milieu, entre le breakdance en tant que forme d’art et en tant que sport pro. » Sunni espère que le débat autour des JO forcera les différentes générations de B-Boy, parfois divisées, à se réunir. « Le B-Boying doit être reconnu, mais nous nous mettons sans cesse des bâtons dans les roues. Nous n’avons aucune infrastructure, pas de comité. Le skate et le break

ont émergé au même moment, mais les skateurs ont avancé avec un but commun, tandis que nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord. » Sunni poursuit : « Certains disent que nous sommes en train de perdre l’essence du vrai breakdance et de notre culture, mais je ne pense pas qu’elle se perde – je pense qu’elle progresse. Si vous aimez cette culture B-Boy de manière authentique, au lieu d’essayer d’inhiber ce qu’il y a de nouveau, il vaudrait mieux travailler à préserver ce qu’il y a d’ancien aussi. »

Instagram : @sunnifourfizzy   43


La Coupe arctique


Un bien immobilier offrant des prestations rares : une vue sur les fans et le terrain de football de Sisimiut.

La saison de foot qui dure une semaine

Texte TOM WARD  Photos BEN READ

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Le Groenland a pour ambition de se hisser sur la scène ­internationale du football, mais avec seulement trois mois de jeu sans neige par an, le match semble perdu d’avance. Il y a pourtant des joueurs qui pourraient transformer ce rêve en réalité : ceux-là se retrouvent dans la ville perdue de ­Sisimiut pour le seul tournoi annuel du pays.

Ci-dessus : les joueurs de B-67 et leur rituel d’avant-match. En face : Helga, fervente supportrice des G-44, encourage son équipe favorite, qui vient de Qeqertarsuaq.

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À

quarante kilomètres au-dessus du cercle arctique se déroule un match de foot de premier plan. À Sisimiut, sur la côte ouest du Groenland, sur un terrain aux 3/4 des dimensions réglementaires, les équipes B-67 et N-48 s’affrontent pour décrocher leur sésame en vue de la finale du tournoi national du pays, le Grønlandsbanken Final 6, qui a lieu tous les ans depuis 1971, sur la maigre période sans neige (mi-juin à fin août). Situé au pied du Nasaasaaq (784 mètres), le terrain en gazon synthétique est encerclé de maisons de ville traditionnelles aux couleurs vives, perchées au petit bonheur sur des affleurements de THE RED BULLETIN

roche-mère groenlandaise. Armés de bruyantes cornes de brume, les supporteurs suivent le match depuis la falaise escarpée qui surplombe le terrain. Il y a des familles avec des chaises pliantes, des anciens passablement éméchés déclamant des chants en groenlandais ou en danois, une caméra de télévision en équilibre ­instable. Des chiens de traîneaux enchaînés à la roche devant les maisons avoisinantes joignent leurs hurlements aux cris des supporteurs. À l’ouest, on aperçoit les eaux du détroit de Davis. Par temps clair, on peut observer les parties de chasse des baleines boréales en quête de poissons. Mais aujourd’hui, toute l’attention est tournée sur le terrain. Victorieuse à treize reprises de ce championnat national d’une semaine, l’équipe de B-67 – originaire de Nuuk, la capitale – est considérée comme l’équivalent groenlandais du Real Madrid (de nombreuses équipes au Groenland sont désignées par une abréviation de leur nom complet, qui mentionne leur année de création : B-67 pour Boldklubben af 1967). Avec dix victoires, N-48 (Nagdlunguak 1948), une équipe

GROENLAND

Qeqertarsuaq

Ilulissat Sisimiut Nuuk

Qaqortoq Le Groenland est la plus grande île au monde. Avec 2 166 km², elle fait la taille des îles Britanniques, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie et de l’Autriche réunies. 80 % du pays est recouvert par l’inlandsis du Groenland et son point le plus septentrional se situe seulement à 740 km du pôle Nord.

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d’Ilulissat, dans l’ouest du pays, est son principal adversaire. Le match du jour est donc empreint d’une certaine tension historique. Si B-67 venait à perdre, ce serait la première fois depuis 2009 qu’ils n’atteindraient pas la finale. Mais pour ce club, qui jouera à plus de 320 km de chez lui, avec un effectif composé en majorité de joueurs de l’équipe des moins de 19 ans, le match ne sera clairement pas du gâteau. Un sondage local sur Facebook évalue leurs chances de victoire à tout juste 30 %. S’ils s’inclinent, outre la petite finale, leur saison de foot d’une semaine se terminera ici et ne reprendra que dans 365 jours. Quand on vit sur le territoire le moins densément peuplé du monde – recouvert de glace sur 80 % de sa surface et où la neige tombe sept mois et demi par an –, les opportunités de jouer au football sont rares. Pour B-67, les montagnes aux sommets enneigés, les baleines en chasse dans la mer à quelques encablures de là, les chiens de traîneaux qui hurlent, tout cela n’existe pas. Rien d’autre n’existe en dehors du terrain, du ballon et des 90 prochaines minutes. Quatre jours plus tôt, Jimmy Holm Jensen, l’entraîneur de B-67, convie The Red Bulletin à une visite officielle du QG de fortune de l’équipe à Sisimiut : un club social pour personnes âgées réquisitionné pour l’occasion. « Ça sent le vieux », blague-t-il. Mais ce sera pourtant bien dans ces modestes locaux que séjourneront pour la semaine à venir vingt jeunes joueurs, accompagnés de Jensen et de David Janussen, l’entraîneur adjoint. Des corps endormis jonchent encore les matelas dans le dortoir improvisé, ­tandis que les lève-tôt font une partie d’Olsen, un jeu de cartes nordique plus connu chez nous sous le nom du Huit américain. Il y a du rap en musique de fond. Le couloir est envahi de baskets et de chaussures de foot, la cour est parcourue de fils d’où pendent des maillots en train de sécher et la cuisine a été transformée en une usine de préparation de pâtes à échelle industrielle. Ailleurs dans la ville – la deuxième plus grande du Groenland avec ses 5 524 habitants –, d’autres équipes ont élu domicile tant bien que mal dans des salles de sport dont l’aspect, si ce n’est l’ambiance, évoque plus des centres de secours aux sinistrés, avec leurs matelas et autres lits de fortune entassés contre les murs. 48

« On s’éclate, on essaie de toujours être à fond », explique Patrick Frederiksen, 25 ans, capitaine de l’équipe. Il navigue entre les joueurs de cartes et ceux qui commencent à ouvrir l’œil afin de faire le point avec chacun d’entre eux. « Il y a toujours de la musique. Les gens s’amusent beaucoup, ils chantent et ils dansent. » Supporteur d’Arsenal, Frederiksen a été promu capitaine de B-67 en 2018 et ce tournoi est sa première opportunité de faire ses preuves. « C’est vraiment important, c’est comme la Coupe du monde. Ça nous donne la chance de montrer au Groenland que notre équipe est la meilleure et que nous travaillons dur pour

Quand le numéro 3 de B-67 se blesse, son remplaçant utilise du scotch pour transformer le numéro en 31 afin de pouvoir jouer.

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« C’est important, c’est comme la Coupe du monde. »

Kop rocher : les supporteurs regardent le match, perchés sur les hauteurs de la falaise à Sisimiut.



Les joueurs de B-67 écoutent du rock groenlandais pour être gonflés à bloc avant un match. Leur QG de fortune se trouve dans les locaux d’un club social pour personnes âgées.

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Les joueurs de B-67 doivent s’accommoder des curieux et des gosses à vélo avant leur match.

« La FIFA est venue ici deux ou trois fois. » atteindre nos objectifs. » Au Groenland, le football n’est populaire que depuis peu. Avec cet hiver qui dure toute l’année ou presque, le créneau est restreint pour les matches en extérieur – pas facile en effet de jouer sur un terrain recouvert par un mètre de neige. Les sports en salle, comme le tennis de table, le badminton ou le handball, sont des alternatives populaires, le dernier ex aequo avec le football en termes d’attrait. Mais c’est le succès d’un certain voisin nordique qui a encouragé les footballeurs groenlandais à voir les choses en grand. En 2014, l’Islande atteint pour la première fois les éliminatoires de la Coupe 52

du monde (avant de perdre face à la Croatie). Deux ans plus tard, ils se qualifient pour la première fois pour une ­compétition majeure, l’Euro 2016, avant d’éliminer l’Angleterre 2-1 en huitièmes de finale, puis d’affronter la France en quarts (et de perdre sur un score honorable de 5-2). En 2018, l’Islande devient le plus petit pays du monde à se qualifier pour une Coupe du monde (même s’ils ne parviennent pas à passer le premier tour). Il est donc possible pour de petites nations insulaires comme le Groenland, assiégées par la glace, de concourir au niveau international. Mais les rêves de football international remontent à encore plus loin – au moins jusqu’en 1999, quand le sélectionneur de l’équipe nationale de l’époque et ancien membre de l’équipe d’Allemagne de l’Ouest, Josef Piontek, déclare avoir fait une demande afin d’intégrer l’UEFA (la Fédération danoise de football

conteste toutefois le caractère officiel de cette demande). L’un des obstacles à la reconnaissance internationale du Groenland est son statut de territoire autonome au sein du royaume du Danemark. Autre obstacle, l’absence de surfaces de jeu et de stades conformes aux exigences de la FIFA. Mais les choses changent : en 2010, Sepp Blatter, président de la FIFA, approuve le premier terrain en gazon artificiel du Groenland, dans la ville de Qaqortoq. Nuuk obtient le sien en 2015, et B-67 partage désormais un terrain extérieur de taille réglementaire avec trois équipes locales. Il n’y a pas de ­gradins – ici encore, les supporteurs regardent le match depuis un affleurement rocheux, et les vestiaires consistent tout au plus en de simples cabanes de bois – mais c’est déjà mieux que le terrain en terre battue sur lequel ils jouaient jusqu’à présent. Plus tard, en 2016, le stade national de Nuuk a droit à un gazon artificiel THE RED BULLETIN


Hans Brummerstedt, ancien joueur de B-67, avant de quitter la salle de sport où il aura séjourné pendant une semaine.


« 95 % de nos fonds servent aux déplacements. »


Dans le sens des aiguilles d’une montre, du haut à gauche : le mini-trophée de l’homme du match ; un maillot d’entraînement d’Ek’aluk-54 avec le logo du sponsor, une boisson très populaire au Groenland ; les poteaux de corner officiels n’étant pas arrivés, en remplacement, des chiffons jaunes ont été fixés à des manches à balai en métal ; l’entraîneur adjoint Janussen en mode tactique au QG de B-67. En face : le terrain de Sisimiut, planté dans un décor rocheux typique du coin.

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FIFA deux étoiles – le plus haut niveau de surface synthétique pour les compétitions de l’UEFA. Frederiksen est certain que le Groenland pourrait participer à la Coupe du monde un jour. « Cela pourrait nous prendre un certain nombre d’années, mais je pense qu’on pourrait y arriver. L’Islande nous a inspirés. » Mais si l’Islande peut se vanter de nouveaux terrains couverts chauffés par géothermie qui permettent aux joueurs de s’entraîner tout au long de l’année, le Groenland n’est pas très fourni en conduits de géothermie et n’a pas le budget pour se payer des terrains couverts. « C’est difficile de trouver

de l’argent. La FIFA est venue au Groenland deux ou trois fois et il y a aussi des entreprises qui nous aident. » « Il y a un problème avec le financement », admet Jensen, qui a joué pour B-67 dans sa jeunesse, avant d’intégrer la concession automobile familiale, et qui est devenu le nouvel entraîneur du club cette année, après le départ de son ­prédécesseur aux multiples succès, Tekle Ghebrelul. « 95 % de nos fonds servent à nos déplacements, déclare Jensen. C’est tellement cher de voyager au Groenland. En ce moment-même, nous avons un ­budget limité pour la nourriture. Nous ne sommes pas payés, c’est simplement pour la beauté du geste. » Ce manque de fonds handicape le ­football groenlandais sur tous les plans. Alors qu’il se rendait au tournoi depuis l’est du Groenland, l’un des joueurs star de B-67 s’est retrouvé coincé à l’aéroport car il n’avait pas son billet. N’ayant pas les moyens de lui en payer un autre – et en l’absence de routes reliant les villes isolées – le club n’a pas eu d’autre choix que de le renvoyer chez lui. Même une fois réunie, l’équipe s’est retrouvée ­coincée à l’aéroport de Kangerlussuaq, une escale perdue entre Nuuk et Sisimiut. Après avoir appelé tous ses contacts, y compris les membres de la Fédération de football du Groenland, Jensen a finalement réussi à caser l’équipe sur un bateau. Et ils sont arrivés six heures plus tard à Sisimiut – s’il avait été en service, l’avion les y aurait conduits en trente minutes. Pour éviter des vols internes à des prix exorbitants, G-44, une équipe de Qeqertarsuaq – une ville située sur une île à l’ouest du Groenland – a dû opter pour une traversée sur un bateau faisant le tour du Groenland une fois par semaine, et c’est au bout d’un éreintant voyage de 22 heures qu’ils ont débarqué à Sisimiut. Il faut dire que se rendre et participer au tournoi Grønlandsbanken Final 6 est une nécessité : il est le plus important – et le seul – évènement au calendrier de la saison de football. Ici, un joueur de B-67 a droit à une mention spéciale : petit et trapu avec la tête rasée, toujours couronnée d’un bandeau Nike, Henning Bajare, 16 ans, a reçu le surnom de « Fat Mbappé » pour sa ressemblance avec l’attaquant du Paris Saint-Germain. « C’est un vrai bulldog, déclare Jensen, l’entraîneur de l’équipe, en riant. On l’a mis sur la feuille de match pour notre première rencontre et il était   55


« Le football groenlandais est comme une communauté. » toujours à l’attaque, et puis il revenait en demandant : “De l’eau ! De l’eau !”. Il n’a pas l’habitude de jouer des matches de cette longueur, donc il était crevé. » Malgré une saison de football minuscule et leur relative jeunesse, aucun de ces joueurs n’est novice en matière de compétition : l’équipe de B-67 est réputée pour son niveau en futsal, une variante de foot à cinq qui a été popularisée en Amérique du Sud et qui est devenue l’un des jeux les plus prisés pendant l’hiver au Groenland. Joué à l’intérieur, le futsal est plus rythmé et plus dynamique que le football « outdoor » ; les passes rapides et habiles des Brésiliens et des Argentins lui doivent beaucoup. « Le futsal, ça nous aide parce que ça nous apprend à faire des passes plus rapides au lieu de dribbler, déclare Frederiksen. Beaucoup de jeunes joueurs ne sont pas assez forts – ils ne peuvent pas faire de contrôles aériens sans se faire bousculer par un adversaire – donc on essaie de garder la balle au sol. » Plan de jeu terminé, direction le terrain. Il n’y a pas de bus, c’est donc à pied que s’y rendent les joueurs de B-67. 56

­ rederiksen porte un radiocassette à F l’épaule, tandis que l’équipe passe devant l’ancienne église et les maisons de la ville, devant lesquelles des bois de rennes sont fièrement exposés – souvenirs de la saison de chasse de l’année dernière. La plupart des matches de compétition de B-67 commencent à 17 heures. En été, au Groenland, la nuit ne tombe pas avant 23 heures, mais les matches se terminent dans un étrange semi-crépuscule permanent. Alors que nous attendons le début du match, un homme âgé nous aborde avec ces mots : « Le foot groenlandais est meilleur que le foot anglais. C’est une petite communauté : tout le monde se connaît. »

Il évoque ses équipes anglaises préférées, Liverpool et Manchester United, avant de nous laisser sur la conviction que « les joueurs groenlandais pourraient venir en Europe et gagner des matches ». Les joueurs de B-67 s’échauffent à ­l’extérieur du terrain grillagé pendant qu’un autre match se déroule, puis ils se rendent aux vestiaires – deux cages de foot assemblées surmontées d’une bâche – au coup de sifflet final et attendent le coup d’envoi. « J’aime le foot, mais je le regarde ­seulement pendant le tournoi », déclare un supporteur d’une vingtaine d’années quand les joueurs entrent sur le terrain. THE RED BULLETIN


Des joueurs de N-48 se ruent sur le terrain pour célébrer leur statut de champions du Groenland 2019. À gauche : la fin pour un joueur de B-67, équipe ­éliminée au cours du tournoi.

« Le football a vraiment la cote en ce moment au Groenland. Nos équipes seront peut-être meilleures si on les encourage plus, et alors il se pourrait qu’on ait une chance de participer à une compétition internationale ou quelque chose de ce genre. » La demi-­finale, les joueurs de B-67 vont vite vouloir l’effacer de leur mémoire. Au bout de cinq minutes, le g ­ ardien arrête un coup franc, mais dans le cafouillage qui s’ensuit, N-48 marque le premier but. Plus tard en première mi-temps, le gardien doit intervenir encore une fois et bloque le tir d’un joueur de N-48 qui filait tout droit dans les filets de B-67. THE RED BULLETIN

En deuxième mi-temps, B-67 fait un triple changement. Peu après, Frederiksen se retrouve avec le bras en sang à cause d’une ancienne blessure qui s’est rouverte. Il met un pansement et revient dans le jeu. Avec moins de trente minutes à jouer, B-67 n’est clairement pas l’équipe qui domine. Un troisième but de N-48 à la 88e minute et un quatrième pendant les arrêts de jeu viennent sceller le sort de B-67. C’est la première fois en dix ans qu’ils ne se qualifient pas pour la finale. Le jour suivant, N-48 continue sur sa lancée en éliminant G-44 en finale avec l’unique but du match. Pour leur dernier match, les joueurs de B-67 affrontent

IT-79 dans le cadre de la petite finale. Mais, abattus par la défaite de la veille, ils s’inclinent sur le score terrible de 2-0. Qu’ils soient frustrés ou victorieux, pour les joueurs groenlandais, la saison est finie jusqu’à l’année prochaine. De retour à Nuuk deux jours après la finale, Jensen reçoit The Red Bulletin chez lui, dans sa maison au-dessus du fjord, où les icebergs flottent avec le ­Sermitsiaq en toile de fond, une montagne de 1 210 mètres d’altitude en forme de dent cassée. Tandis qu’il prépare un steak de renne au barbecue, Jensen nous livre une analyse pragmatique des performances de son équipe. « Ils sont doués, ces petits jeunes, mais il leur manque encore deux ou trois ans pour être au niveau, pour pouvoir jouer la finale et, avec un peu de chance, dominer de nouveau le football en extérieur. Ça prend du temps. » En attendant, la saison de chasse vient juste de commencer et l’entraîneur comme les joueurs ont hâte de se rendre en pleine nature. S’ensuivra la saison de futsal, puis les entraînements pour le football en extérieur recommenceront au printemps. Même si les joueurs inex­ périmentés de B-67 ont vu leurs espoirs déçus sur le court-terme, la qualité de jeu mise en avant lors du Grønlandsbanken Final 6 laisse à penser que le football groenlandais pourrait avoir sa place au niveau international et qu’il pourrait même égaler la réussite de l’Islande… un jour. Patrick Frederiksen a eu son lot de ­victoires et de défaites. À l’inverse des jeunes qui regrettent cette opportunité manquée, il a une vision plus optimiste des choses. Perdre dans ce tournoi, c’est peut-être dur, mais au final, le véritable vainqueur dans l’histoire, c’est le football groenlandais. Ce regain d’attention, c’est une opportunité éventuelle de décrocher de nouveaux financements et peut-être de pouvoir s’offrir ces fameux terrains couverts qui permettraient aux joueurs de jouer toute l’année et de monter une équipe qui n’aurait rien à envier à ses homologues européens. « Le football est en pleine évolution au Groenland, déclare Frederiksen. Cela rapproche tout le monde. Le public adhère et nous encourage à avancer. Nous voulons prouver que même si nous sommes un petit pays avec très peu d’habitants, nous pouvons jouer au football à un haut niveau. »   57



L’autre star de la Formule 1 : Le double champion du monde de F1 Esport, Brendon Leigh, lors de la première épreuve de l’année à Londres.

RÊVES DE COURSES

La Formule 1, version esport : les écuries officielles s’y affrontent dans des simulations à la pointe de la technologie, et les concurrents ont la possibilité de façonner le sport automobile lui-même. Jusqu’à devenir d’authentiques pilotes ? Texte TOM WIGGINS  Photos JANE STOCKDALE

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L

e circuit urbain de Formule 1 de Bakou est l’un des plus rapides et des plus chaotiques au monde. Il faut environ une minute et 41 secondes à une voiture pour y compléter un tour de piste, soit une boucle de 6 km autour des sites les plus célèbres de la capitale de l’Azerbaïdjan, à une vitesse de pointe de 360 km/h. C’est ici, en 2017, que Sebastian Vettel, chez Ferrari, est rentré dans la Mercedes de Hamilton quand ce dernier a eu la mauvaise idée de freiner un peu trop brutalement. L’année suivante, Daniel Ricciardo et Max Verstappen, coéquipiers chez Red Bull Racing, sont entrés en collision et ont dû abandonner. Cette année, c’est Floris Wijers, pilote du Haas F1 Team, qui a bloqué ses freins au virage 15, perdu son train arrière, est monté sur une bordure et a quitté le sol pour s’écraser contre un mur. La petite différence avec les accidents de Vettel et de ses homologues, c’est que la mésaventure de Wijers ne s’est pas ­passée sur le vrai circuit de Bakou, mais 60

« La théâtralité et les exploits d’une véritable course de F1. »

sur sa version simulée, lors d’un GP virtuel diffusé à travers le monde. Hormis ce détail, le jeune Néerlandais est un vrai pilote de l’écurie Haas, qui se mesure à d’autres pilotes en chair et en os, dans des simulations de courses automobile. Dans son simulateur, il lutte pour un pactole à partager de 450 000 euros lors de qualifications dans le cadre de la F1 Esports Pro Series – le sport auto recréé numériquement avec toute la théâtralité, les déchirements et les exploits de l’original. Le tout organisé au Fulham Broadway Retail Centre, sud-ouest de Londres. Nous retrouvons ces jeunes coureurs de sim racing (les courses en simulation) dans le premier endroit en Angleterre entièrement dédié aux sports électroniques. En ce mois de juillet, Lucas Blakeley, jeune Écossais de 18 ans, y lutte pour ­retenir ses larmes alors que son rêve de piloter pour une équipe de F1 (virtuelle) devient réalité. Ce soir, c’est le Pro Draft du championnat, et d’ici la fin de la jourTHE RED BULLETIN


Sens des aiguilles d’une montre, partant du haut : le volant et les pédales ­utilisés – le Fanatec CSL Elite F1 Set – permettent d’ajuster la conduite de la voiture au centimètre près ; Floris Wijers du Haas F1 Team ; l’esthétique du Gfinity Arena est un mix entre le plateau de The Voice et un film de SF.

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née, les trente finalistes ne seront plus que dix. Chacun représentera une véritable écurie de Formule 1. La sélection est ouverte à tous : il vous suffit d’avoir F1 2018, le jeu vidéo conçu par Codemasters, et une PlayStation 4, une Xbox One ou un PC. Plus de 100 000 participants ont tenté de se qualifier en ligne pour l’édition 2019 de cette compétition en jouant à domicile et en conduisant sur les circuits désignés. Deux mois plus tard, les plus rapides ont été conviés dans un studio digne des meilleurs plateaux TV : vitres de plexiglas illuminées, écrans tactiles géants et un trio d’experts incluant Lando Norris, l’actuel pilote McLaren et fan d’esport, installé derrière un bureau, prêt à annoncer la bonne nouvelle aux rares chanceux.

L’effet domino

La tentative de sélection de Blakeley cette année ne constituait pas sa première pour accéder à la F1 Esports Pro Series – il 62

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Pour rejoindre l’élite, il suffit d’avoir le jeu F1, une console ou un PC. première à accueillir les dix écuries de Formule 1 – la Ferrari Driver Academy, débutante, a été la dernière à se joindre au groupe – mais toutes n’ont pas logé leurs pilotes à la même enseigne ; certains restent chez eux et s’entraînent en ligne avec leurs coéquipiers, ne se réunissant au quartier général que quelques jours avant chaque épreuve de la Pro Series. Tous se voient offrir un kit par Fanatec, le fournisseur officiel de matériel F1 Esports : un volant avec une rétroaction réaliste qui permet aux pilotes de sentir les réactions de la voiture et des pédales avec un frein doté d’un capteur de force sensible à la pression. Si précis que les pilotes concourent en chaussettes. Comme dans la véritable Formule 1, Mercedes a dominé l’Esports Pro Series ces dernières années (son pilote britannique de vingt ans, Brendon Leigh, a remporté les championnats de 2017 et 2018) mais cela n’a rien à voir avec une quelconque supériorité technique : les équipes peuvent modifier des éléments tels que le s’était également qualifié en 2018 mais ses espoirs avaient été déçus. « Le fait d’avoir participé au repêchage de l’an dernier a été le tremplin qui m’a mené ici, ­explique-t-il alors qu’il se prépare pour la Pro Series 1, la première épreuve du ­calendrier F1 Esports quelques semaines plus tard. Je considère l’esport comme un vrai boulot, en pratiquant sans relâche et en faisant des courses au sein de ligues du meilleur niveau possible. » La vie du jeune Écossais a changé ­depuis sa sélection par l’équipe SportPesa Racing Point. Blakeley a notamment quitté le foyer familial : plutôt que de passer cinq heures à jouer tous les soirs après l’école, ses journées sont désormais ­dédiées à l’entraînement avec ses deux coéquipiers. « Tu te réveilles et tu vas ­direct sur la simulation. Tout ce qui compte, c’est de s’améliorer. Chacun galvanise l’autre, comme un effet domino, comme une émulation. » L’édition de cette année de la F1 Esports Pro Series est la THE RED BULLETIN

réglage de la suspension, la répartition des freins et les réglages aérodynamiques, mais les voitures sont identiques en termes de performances. Tout ce qui les distingue, ce sont les livrées. « Les passionnés de Formule 1 réclament quelque chose d’un peu plus équilibré, et c’est là que F1 Esports intervient, explique Paul Jeal, directeur de franchise F1 pour Codemasters. On s’assure que tout le monde ait le même équipement et les mêmes machines : au final, on a une compétition où c’est véritablement le meilleur pilote qui gagne la course. » Une caractéristique qui distingue la compétition F1 Esports Pro (et l’esport de course en général) de celles liées à Fortnite ou FIFA. Bien qu’ils mettent en jeu des récompenses plus élevées et attirent des foules plus importantes – tant dans les événements qu’en ligne – une compétition FIFA ne vous offrira pas les mêmes déploiements ni le même rythme qu’un match de Ligue . De la même manière, seul un esprit sous l’emprise de substances chimiques croira que le monde en technicolor de Fortnite s’approche de la réalité. Alors qu’avec F1 2018, on a droit, grâce aux simulateurs actuels ultra-performants, à un spectacle remarquablement proche de l’expérience véritable de la course automobile, et ce malgré le fait que les compètes virtuelles soient plus courtes (de 25 pour cent) que les vrais GP et qu’elles ne comportent évidemment aucun danger réel.

Page opposée, en bas : les coureurs de Williams Esports ; au-dessus : dans la Gfinity Arena, les moteurs tournent ; ci-dessous : Isaac Pride (Williams Esports) en compétition.

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« On ne peut pas comparer MsDossary, le meilleur joueur de FIFA au monde, à Lionel Messi, admet Matt Huxley, ancien joueur professionnel de Counter-Strike et manager esport de Gfinity, aujourd’hui chargé de cours au Digital Institute de l’Université du Staffordshire à Londres. L’un utilise une manette, l’autre donne des coups de pied dans le ballon. L’avantage des championnats de course, c’est qu’ils simulent le comportement d’un ­pilote professionnel.  » C’est pourquoi une grande partie des pilotes du monde virtuel s’adonnent aussi au karting. Même si Blakeley a dû abandonner cette discipline en raison de l’escalade incontrôlable de ses coûts, il attribue son succès dans l’esport à son expérience sur piste. « Cela m’a indéniablement aidé », dit-il, évoquant deux de ses avantages par rapport à ceux qui n’ont pas l’expérience du terrain, et ne connaissent ni les engins de course en ­général ni la façon de conduire sur piste humide. « Le lien entre les courses sim et la réalité est incontestable. D’ailleurs, c’est bien simple : toutes les écuries de F1 utilisent des simulateurs. »

Le succès chevillé

Isaac Price avait quinze ans quand il a subi son accident. Coureur de kart de niveau national, le Britannique passait ses vacances d’été à parcourir le pays pour participer à des compétitions. Puis, un jour, au cours d’un tour d’essai, la colonne de direction de son kart s’est brisée, l’accélérateur s’est bloqué et Isaac s’est retrouvé catapulté contre un mur. « Il m’a fallu dix à quinze minutes pour me dépêtrer, parce que ma cheville s’était enroulée sur le ressort du frein, se souvient-il. J’ai été transporté à l’hôpital en hélico et ils ont mis quelques heures à me remettre sur pied. » Pendant sa convalescence (cheville cassée), Price a occupé son temps libre en participant à des courses en ligne sur le jeu Live for Speed sur PC. C’était il y a dix ans, et après avoir participé à des compétitions de haut niveau en simulation de sport automobile iRacing et remporté le championnat du monde virtuel de GT en 2017, Price est passé à temps complet, subsistant grâce à un emploi dans la saisie de données et aux gains qu’il pouvait tirer de ses victoires en ligne. La F1 Esports Pro Series a été lancée la même année : un moment décisif pour Price. Après avoir atteint la finale de la compétition World’s Fastest Gamer de 64

Pour l’Écossais Lucas Blakeley, 18 ans, la F1 Esports Pro Series a transformé un passe-temps après l’école en une véritable carrière.

« Toutes les ­écuries de F1 ­utilisent un ­simulateur.  » McLaren en 2017, puis une participation manquée au Pro Draft l’année suivante, Price a participé à d’autres épreuves pour Williams Esports, et s’est mérité une place dans la formation F1 Esports. « J’ai montré ce que je pouvais faire et je m’inscrivais dans la dynamique qu’ils avaient déjà, de sorte que c’était tout à fait logique, dit-il après avoir été sélectionné. En tant qu’équipe, je pense que nous pou-

vons être confiants, nous avons le potentiel pour réussir. »

Une amitié rapide

Floris Wijers, des Pays-Bas, n’a aucune ­expérience dans le sport automobile, mais il a commencé à jouer aux jeux de course dès l’âge de quatre ans. Wijers a acheté son premier volant en 2017 et, comme Blakeley, il n’est pas parvenu à être repêché par une équipe de F1 Esports l’année suivante, mais les deux sont rapidement devenus amis et ont passé les douze mois suivants à courir ensemble en guise de préparation pour le Pro Draft qui a eu lieu en juillet 2018. Parvenant à un équilibre entre l’esport et l’université ainsi qu’un stage dans la diffusion de contenus vidéo, Wijers, vingt THE RED BULLETIN


ans, consacre entre quatre et huit heures par jour à la simulation de course chez lui, à Soest, près d’Utrecht. « Je n’ai pas besoin de beaucoup de sommeil, alors je m’entraîne jusqu’à minuit ou une heure du matin », dit-il. Après avoir bien assuré dans les épreuves de qualifications, battant le premier choix au repêchage, David « Tonzilla » Tonizza, dans sa ronde de qualification, Wijers a été repêché par Haas. Au début de la saison, Blakeley et lui seront rivaux et non pas coéquipiers.

Conduire, un jour

Le jour des Pro Series 1, Blakeley ne se trouve pas là où vous l’attendez. Chaque épreuve se compose de trois courses et il n’a été retenu pour aucune d’entre elles par son équipe. « On me l’a dit il y a quelques jours, révèle-t-il en regardant ses coéquipiers s’entraîner depuis les fauteuils de cinéma du Gfinity Arena. Évidemment, en tant que pilote, c’est un coup dur : si tu n’es pas déçu à l’idée de ne pas courir, c’est que tu ne le fais pas bien. Mais j’accepte la décision, et je sais que je conduirai un jour. J’aurai ma chance. » Chez Williams Esports, Price reçoit le feu vert pour les deux premières courses, mais son coéquipier, le Finlandais Tino Naukkarinen, 19 ans, prendra la relève pour l’épreuve retransmise ce soir-là : treize tours du circuit urbain de Bakou. Cela permet à Naukkarinen de se concentrer sur un seul circuit. Price n’arrive qu’en 17e position sur le circuit de Bahreïn et 14e en Chine, attribuant son

Pierre Gasly, ­pilote de F1 dans la vraie vie, participe ce jour-là à la course virtuelle. manque de points à une mauvaise performance lors des qualifications, un manque de confiance en son simulateur et à la malchance – mais il ne se sent pas loin derrière. « Il y a des pilotes qui ne sont pas présents parce qu’ils n’ont pas été meilleurs que les autres pilotes de leur équipe, donc en ce sens, c’est un exploit, explique-t-il. La saison dernière, je participais à des championnats en ligne et j’étais en compétition avec les gars qui gagnent des courses ici, donc il n’y a aucune raison que je ne puisse pas gagner à mon tour. » Contrairement à Price et à Blakeley, Wijers participe aux trois courses de la Pro Series 1. Mais après de solides performances à Bahreïn et en Chine, où il a respectivement terminé neuvième et septième, le Néerlandais déçoit à Bakou. Alors que Naukkarinen et Frederik Rasmussen de Red Bull Racing tentent d’empêcher l’Italien Tonzilla de remporter sa troisième course de la journée, Wijers lutte pour se familiariser avec ses pneus medium et se bat en queue du peloton avec le coéquipier de Blakeley chez

Vue en plongée sur les pilotes virtuels dans leur cockpit, en chaussettes. Max Verstappen ne se laisserait pas surprendre dans pareille tenue.

SportPesa Racing Point, Daniele Haddad. C’est au sixième tour que Wijers juge mal le virage 15, sa collision avec le mur l’obligeant à faire un arrêt imprévu au stand qui lui coûte cher : il finit finalement 18e. Une fin décevante pour le pilote hollandais de la Pro Series 1. « J’étais satisfait de mes résultats antérieurs, mais j’aurais pu terminer sixième, voire cinquième en Chine, dit-il. Espérons que c’est la seule mauvaise course que nous aurons. » À Bakou, Rasmussen s’empare du drapeau à damier pour Red Bull Racing, avec Naukkarinen à trois secondes derrière lui. La Ferrari de Tonizza croise la ligne d’arrivée au coude à coude avec Álvaro ­Carretón de Williams Esports, avant de se voir attribuer la troisième place après que le pilote espagnol a reçu une pénalité de cinq secondes pour excès de vitesse dans le couloir de changement.

Le rêve… de la réalité

À neuf courses de la fin, dont la grande ­finale du 4 décembre, Blakeley, Price et Wijers auront tous de nombreuses occasions d’oublier leur déception (sans oublier la première édition chinoise de la F1 ­Esports Pro Series qui aura lieu l’année prochaine). Pour certains de ces pilotes, il s’agit peut-être du premier pas vers une carrière dans le sport automobile. Trois membres de l’alignement actuel – Brendon Leigh, Enzo Bonito de McLaren Shadow et Cem Bölükbaşi de Toro Rosso – se sont vu remettre les clés de véritables voitures de course à la suite de leurs exploits esport. L’actuel pilote de Formule 1 de Toro Rosso, Pierre Gasly, qui participe à la course virtuelle ce jour-là, admet qu’il joue à des jeux de F1 entre les courses pour se mettre au rythme du circuit suivant inscrit au calendrier. « L’un de mes amis, Jann Mardenborough, qui a participé au programme Gran Turismo (GT Academy) avec Nissan, a participé au Mans, raconte le Français. Il est manifestement possible de passer du jeu à la réalité, mais il faut beaucoup d’entraînement pour maîtriser la conduite d’une véritable voiture. » Passer du virtuel au monde réel des courses auto, cela reste un rêve concret pour nombre de pilotes. « Les courses sim sont fantastiques, ne vous méprenez pas, dit Blakeley. Mais si la possibilité de passer du sport à la réalité s’offrait à moi, je ­n’hésiterais pas une seconde. »

La finale de la F1 Esports Pro Series le 4 décembre en direct sur Facebook, YouTube et Twitch ; f1esports.com THE RED BULLETIN

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PIONNIER Jérôme Delafosse, ­explorateur et auteur de best-sellers, par­court le monde à bord du ­premier cata­maran équipé d’un moteur ­autonome en énergie.

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L’EXPLORATEUR DU FUTUR Il possède un puissant pouvoir de persuasion et navigue à bord d’un bateau qui promet de relever les défis énergétiques et écologiques de demain. Si nous avions tous quelque chose de JÉRÔME DELAFOSSE, changer le monde serait un jeu d’enfants. Texte ALEX LISETZ  Photos KONSTANTIN REYER


AUTONOME L’Energy Observer ­génère ses propres ressources énergétiques pour les moteurs et l’électronique.


L

e port d’Amsterdam, le cinquième plus grand d’Europe, n’a jamais accueilli de bateau comme celui-ci auparavant : chaque surface lisse y est recouverte de capteurs solaires, il dispose d’éoliennes mobiles de 12 mètres de portée sur les côtés et de huit réservoirs pour un total de 62 kilos d’hydrogène pur dans la salle des machines. Voici l’Energy Observer, le premier navire autonome en énergie au monde, 30 mètres de long et 12 de large. Sur le pont se tient Jérôme ­Delafosse, 48 ans, explorateur et auteur à succès. Avec le capitaine ­Victorien ­Erussard, 40 ans, ils ont mis au point un projet fou : pour convaincre le monde qu’une transition énergétique grâce à des solutions durables est possible, les Malouins veulent faire le tour du monde avec leur bateau pendant six ans. the red bulletin : Jérôme, vous êtes ­plongeur, réalisateur de films ­documentaires et auteur de romans. Est-ce que vous vous réveillez tous les matins avec une nouvelle idée ? jérôme delafosse : Mes métiers ne semblent différents que lorsqu’on les considère de l’extérieur. En fait, j’ai toujours été intéressé par les deux mêmes choses : vivre l’aventure et raconter des histoires. Que cherchez-vous à faire avec ­l’Energy Observer ? Prouver que nous pouvons répondre à nos besoins énergétiques avec des ressources renouvelables qui respectent l’environnement si nous les utilisons intelligemment. Notre équipe le démontre dans les c­ onditions les THE RED BULLETIN

CAPITAINES Le chef d’expédition ­Jérôme Delafosse (à droite) et le second ­capitaine Jean-Baptiste Sanchez au poste de pilotage.

NIVEAU D’ÉNERGIE Un ordinateur de bord à côté de la barre indique le niveau de production des panneaux solaires (rouge) et le niveau de charge des bouteilles d’hydrogène (vert).

plus difficiles avec le tout premier catamaran autonome aux énergies renouvelables et à ­l’hydrogène. Mais cela s’applique aussi bien à la voiture qu’à la maison, dans les industries et partout où l’énergie est nécessaire. Et les 11 000 milles nautiques que nous avons déjà parcourus depuis deux ans prouvent que l’avenir, c’est l’énergie renouvelable. Que fait l’Energy Observer différemment des autres ? Lorsque les conditions le permettent, quand le soleil brille ou que le vent souffle assez fort, nous naviguons grâce aux énergies renouvelables. Avec le surplus d’énergie, nous produisons de l’hydrogène par électrolyse de l’eau de mer grâce aux énergies

« 11 000 milles nautiques déjà parcourus : voilà la preuve que l’avenir, c’est l’énergie renouvelable. »

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« Il ne faut pas avoir peur de se jeter dans l’inconnu et prouver à quel point on croit en ses rêves. »

renouvelables. C’est notre moyen de stockage. Ensuite, lorsque nous n’avons plus de soleil ni de vent, nous envoyons l’hydrogène stocké sous pression dans une pile à combustible qui va le transformer en électricité. C’est cela qui nous favorisera la navigation de nuit par exemple.

Vous devez être sacrément motivé, et trouver des alliés plus i­ ntelligents et plus puissants qu’eux.

Une bonne idée ne suffit pas. Il faut aussi convaincre les gens… Il faut les convaincre qu’on peut transformer le monde !

En prenant des risques financiers personnels, par exemple ? Lorsqu’on se lance dans un projet comme ça, il y a toujours un facteur de risque. Il y a les succès et il y a les échecs qui font peur et douter, mais à un moment donné, on arrive à un point de non-retour. Peu importe ce qu’il se passe, vous ne pouvez plus revenir en arrière, vous devez réussir.

Alors supposons que je veuille créer une start-up ou révolutionner ­l’approvisionnement énergétique mondial contre les intérêts ­d’opposants qui valent des ­milliards...

Et ensuite ? Il ne faut pas avoir peur de se jeter dans l’inconnu et prouver à quel point on croit en ses rêves.

Comment vous est venue cette idée ? Victorien Erussard, mon ami et partenaire de projet, qui en a développé l’aspect technique, a remporté de nombreuses régates et championnats, mais il a perdu la Transat Jacques Vabre parce que ses batteries l’ont lâché. Nous avons donc eu l’idée de construire un bateau qui pourrait s’auto-alimenter en énergie. Où en êtes-vous dans votre ­odyssée  ? Nous avons déjà visité dix-sept pays. La première année, nous n’avons amarré que dans les ports français ; l’année dernière, nous avons navigué sur toute la Méditerranée. En 2019, nous nous concentrons sur l’Europe du Nord. Puis viendront l’Asie, le ­Pacifique et la côte ouest des ÉtatsUnis et, en 2022, l’Amérique centrale et la côte est des États-Unis.

ANALYSE Jérôme Delafosse ­inspecte la pile à ­combustible qui con­ vertit l’hydrogène en électricité (en haut).

SALLE DES MACHINES Ici, l’eau de mer est transformée en hydro­ gène pour l’alimentation du moteur électrique (visible à droite).

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Cette entreprise est-elle particulièrement risquée ? Nous avons déjà été pris dans des vents très violents et parfois « casse bateau » quand la houle est très serrée, comme en Méditerranée entre Barcelone et Marseille. Le plus inquiétant, c’est quand les vagues viennent se fracasser sous la nacelle, ça grince, ça craque, mais ça tient. Nous sommes fiers car, si nous prouvons que notre concept fonctionne en milieu extrême, nous pourrons l’adapter partout à terre, dès demain, dans une maison, dans les villes et THE RED BULLETIN


LA RÉVOLUTION ­HYDROGÈNE L’Energy Observer pourrait révolutionner nos méthodes de production et de stockage d’énergie.

OCEAN WINGS

Ces ailes propulsives se mettent automatiquement dans la position la plus ­efficace pour donner de la ­vitesse au bateau et produire de l’énergie éolienne.

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ORDI DE BORD

Dans la salle de commandement sous le pont, les stocks et les flux énergétiques sont surveillés en permanence. Un deuxième écran est situé sur le pont.

MOTEURS électriques qui se transforment en hydro-générateurs.

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STOCK D’HYDROGÈNE

RÉSERVOIRS

L’hydrogène obtenu par électrolyse à partir de l’eau de mer est emmagasiné (pression de 350 bars) dans des réservoirs de part et d’autre de la proue.

PANNEAUX SOLAIRES

1 400 KILOS DE ­BATTERIE

stockent l’énergie utile à court terme dans des batteries Li-ion de 400 V.

ARMOIRE ÉLECTRIQUE CENTRALE

C’est le cœur de l’Energy Observer : un automate assure l’équilibre entre les énergies.

168 mètres carrés de panneaux solaires praticables recouvrent le pont. Ils sont recouverts d’un revêtement caoutchouté antidérapant.

Leurs 332 litres de capacité ­permettent de ­stocker 62 kilos d’hydrogène, ­équivalent à deux mégawatts d’énergie.


HORIZON : 2022 Quand nous rencontrons Jérôme Delafosse dans le port d’Amsterdam, l’Energy Observer n’en est qu’à sa 35e étape. Arrivée prévue en 2022.

«  Nous ­proposons une ­alternative optimiste et ­fédératrice, et ça parle aux gens. » pourquoi pas à l’échelle d’un pays… Car notre voyage a aussi ses avantages : nous faisons des escales dans plus de cinquante pays, nous créons du lien ! Nous nous entretenons avec des journalistes, des scientifiques, des classes scolaires et des décideurs pour convaincre le monde qu’une révolution énergétique est possible. Et quelles sont leurs réactions ? Ils apprécient le fait que nous arrivions avec un discours différent des slogans apocalyptiques à propos de la catas72

trophe climatique. Nous proposons une alternative optimiste et fédératrice, qui irait même jusqu’à stimuler l’économie mondiale. Cela fascine les gens, en particulier là où l’on croit qu’ils ont d’autres soucis. La Tunisie, par exemple, s’enthousiasme pour notre projet et est très intéressée par les énergies renouvelables. Quelles leçons tirez-vous de cette expédition ? La navigation en mer dans des conditions extrêmes est un enseignement riche et surtout inestimable. Nous observons, testons, varions les systèmes chaque jour. Nous avons déjà changé les éoliennes parce qu’elles n’étaient pas efficaces. Nous naviguons désormais avec les nouvelles voiles Ocean Wings. C’est une technologie de l’America’s Cup, le bateau luimême était auparavant u ­ tilisé comme catamaran de course par d ­ ifférentes équipes avant sa conversion. Quel fut le moment le plus excitant jusqu’à présent ? C’est toujours le point de non-retour.

Quand on a poussé une idée si loin qu’on se rend compte qu’on ne peut plus revenir en arrière, comme il y a deux ans, lorsque nous avons pris la mer à Saint-Malo. Alors, ce premier jour en mer ? Inoubliable. Parce que c’est à ce moment-là que nous avons réalisé que le cycle de l’énergie fonctionnait exactement comme nous l’avions imaginé. Je veux dire que nous savions que cela marcherait ; après tout, c’est de la science. Mais tant que la démonstration n’a pas été faite, le doute plane. Travailler des mois dans un espace confiné doit être rude. Comment rechargez-vous vos batteries ? Seul sur le pont la nuit, sous un ciel étoilé, en compagnie des dauphins qui suivent le bateau : voilà ma récompense pour chaque effort. Et en journée, il n’est pas interdit de piquer une tête et d’aller explorer les profondeurs. Après tout, je suis aussi plongeur pro !

energy-observer.org THE RED BULLETIN


HORS DU COMMUN Le prochain numéro le 23 janvier avec    et le 6 février avec  dans une sélection de points de vente et en abonnement AARON BLATT / RED BULL CONTENT POOL


« Les vrais superhéros, ce sont les profs, ce sont eux qui changent le monde ». C’est ce que déclarait l’acteur Hugh « Wolverine » Jackman lors de la cérémonie honorant PETER TABICHI du titre de meilleur enseignant de la planète en 2019. Ce professeur kenyan nous explique comment il tire parti de sa vocation pour créer les conditions nécessaires à une (r)évolution en matière d’éducation. Texte CHRISTINE VITEL

TONY KARUMBA/AFP/PICTUREDESK.COM

L’ÉTOFFE D’UN HÉROS


« Mes collègues et moi sommes déterminés à créer une différence dans la vie de nos élèves. » Peter Tabichi, l­auréat du prix Best Global ­Teacher 2019.

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ue feriez-vous si vous gagniez une somme colossale ? Est-ce que vous aussi, comme Peter Tabichi, vous décideriez de reverser la totalité au profit de votre communauté ? Un geste altruiste qui résume bien la philosophie de ce professeur kenyan : c’est en effet à lui que vient d’être décerné le prestigieux prix de meilleur prof au monde de la Varkey Foundation, équivalent d’un prix Nobel pour l’enseignement, doté d’une récompense à hauteur d’un million de dollars. Cet enseignant de mathématiques et de physique au Kenya, à Naishi, comté de Nakuru, œuvre au sein de l’établissement secondaire Keriko pour encourager l’accès à la formation des jeunes filles, et développer le potentiel du « brillant avenir de l’Afrique » : ses élèves. Comment s’y prend-il ? Las d’attendre que les conditions soient favorables, il les a créées. Grâce à

Un Franciscain qui a foi en l’éducation.

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lui, le nombre d’élèves dans son établissement rural a doublé en trois ans, et l’implication des filles dans les succès de l’école a très fortement augmenté. Les héros sont faits de cela : une volonté d’agir là où les responsables échouent, et sans lésiner sur les moyens ni les efforts à déployer. the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir enseignant ? peter tabichi : J’ai grandi dans un village reculé du Kenya, au sein d’une famille d’enseignants. Mon père était instituteur, trois de mes oncles et quatre de mes cousins étaient profs. Petit, j’étais entouré de modèles à suivre. J’ai été le témoin de l’engagement de ma famille pour l’école et la communauté. J’ai compris très tôt que les enseignants, dont le rôle s’étend largement au-delà de la salle de classe, constituent les vrais trésors de notre société. Ils éclairent les jeunes esprits sur les meilleures voies à emprunter pour relever les défis de la vie. Enseigner est un métier noble, et c’est un honneur d’y consacrer ma vie. Quel est le plus gros défi que vous ayez eu à relever personnellement ? Ma mère est morte quand j’avais onze ans, laissant derrière elle mon père en charge de mes frères et sœurs et moi, en plus d’assumer ses responsabilités professionnelles. Son humilité, sa capacité de résilience et sa générosité m’ont sincèrement inspiré, car c’est tout cela qui nous a permis de surmonter le deuil et la douleur. Je retrouve les mêmes qualités chez mes collègues : ils se lèvent à l’aube, font la route à pied jusqu’à l’école sous une pluie ou une chaleur accablante ; restent après la fin des cours pour faire du soutien scolaire ; travaillent longtemps le soir pour corriger et noter les cahiers, et ­préparer la classe du lendemain.

Avez-vous parfois l’impression de vous substituer aux politiciens de votre pays ? Disons que mes collègues et moi voulons aider nos jeunes à exploiter leur plein potentiel. C’est peu dire que l’investissement en temps que nous leur dédions tous en vaut la peine, nous autres enseignants, parents, communautés, gouvernements et garants de la loi. Les enfants ont besoin d’apprendre les standards a ­ cadémiques, mais aussi d’acquérir l’esprit d’équipe mais

« Les enseignants constituent les vrais trésors de notre société. » THE RED BULLETIN

RII SCHROER/EYEVINE/PICTUREDESK.COM, TONY KARUMBA/AFP/PICTUREDESK.COM (2)

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Au sein de son établissement, Peter Tabichi a créé un club de développement de talents et un club de sciences, et promeut les compétitions de projets entre écoles.

aussi les qualités nécessaires pour aborder la vie en société et résoudre des problèmes, pour travailler ensemble et penser de manière innovante. Que souhaitez-vous le plus ardemment pour vos élèves ? Je suis sur la ligne de front, je vois la promesse des jeunes générations : leur curiosité, leur talent, leur intelligence, leurs croyances, ils sont déterminés à surmonter les difficultés et donner le meilleur d’eux-mêmes. Qu’ils soient capables de mettre à profit cet énorme potentiel, atteindre leurs rêves et être armés pour rendre ce monde meilleur, voilà mon ­souhait le plus vif.

Une cantine à ciel ouvert, et saine : dans la vallée du Rift, l’insécurité alimentaire menace. THE RED BULLETIN

Quels sont les plus gros challenges auxquels les enfants sont confrontés au Kenya ?   77


Comme nous manquons cruellement de ressources dans cette partie reculée de l’Afrique, il y a beaucoup de pauvreté. Même la qualité de la nourriture n’est pas garantie. La communication avec les familles des élèves est donc essentielle, afin de leur faire comprendre comment et pourquoi nous voulons aider ces enfants en les mettant sur la voie d’une vie meilleure. Les jeunes d’Afrique ne doivent plus se sentir freinés, ni s’autosaboter avec des ambitions trop modestes ou des attentes trop basses. Faire venir les enfants à l’école semble être votre mission de vie… Oui, car l’enjeu est énorme, surtout pour ce qui est des filles. Dans certaines communautés, c’est souvent l’enseignant seul qui va pouvoir persuader les parents que la place de leur fille est à l’école, et que 78

son éducation est plus importante que sa participation aux tâches ménagères. Ou qu’une année supplémentaire à l’école est une priorité avant de la marier. Si les filles jouent un rôle essentiel dans leur famille, cela ne doit pas se faire aux dépens de leur apprentissage ni de leur avenir, qui est aussi l’avenir du pays, et l’avenir de toute l’Afrique. De quoi êtes-vous le plus fier ? De mes élèves. Deux d’entre elles, Esther Amimo et Salome Njeri, ont mis au point un instrument pour aider les personnes

« Le succès m ­ otive et ­engendre d’autres succès. »

souffrant de problèmes de vue ou d’audition ; elles viennent de remporter le prix des Nations Unies des objectifs de développement durable (SDG Award) lors de l’International Science and Engineering Fair (ISEF) organisée à Phoenix, Arizona, aux États-Unis. Nous avons célébré cet événement avec toute l’école, ce qui a transporté et enthousiasmé tous les élèves : leur estime de soi a décollé. Le succès motive et engendre d’autres succès. Mes collègues et moi sommes déterminés à créer une différence dans la vie de nos enfants, car ce sont eux le brillant avenir de l’Afrique. Comment contribuez-vous à mettre de la valeur ajoutée dans la vie de vos jeunes ? Cela passe par l’éducation, car elle a un réel pouvoir de transformation. Et par THE RED BULLETIN

TONY KARUMBA/AFP/PICTUREDESK.COM

Ses élèves avant tout : c’est avec eux que Tabichi a tenu à célébrer son titre de meilleur enseignant au monde, le Global Teacher Prize.


le fait que je me suis converti à une vie religieuse (Peter Tabichi s’est formé auprès des prêtres franciscains, une organisation internationale de l’église catholique pour l’émancipation des localités rurales, qui œuvre par le biais de l’éducation et de l’agriculture durable, tout en cultivant des valeurs pacifistes, ndlr) afin de pouvoir communiquer et transmettre librement ma passion à la communauté et être ainsi capable de me dédier pleinement à l’enseignement. Grâce aux Franciscains, je fais don de 80 % de mon salaire mensuel pour aider ceux qui en ont besoin, élèves ou habitants les plus pauvres du village. Quelle est la plus grande qualité que tout enseignant devrait posséder ? Pour être un bon prof, il faut être créatif. Il faut embrasser la technologie et promouvoir des méthodes d’apprentissage modernes. Il faut faire plus et parler moins. Les profs endossent des rôles de modèles et de mentors, ils se doivent d’équiper leurs élèves avec les qualités nécessaires pour réaliser leurs rêves. Pour cela, il faut que les jeunes se familiarisent avec l’idée d’échouer, car si vous n’échouez pas, vous n’apprenez pas, et si vous n’apprenez pas, vous ne changerez jamais. Les échecs nous aident à grandir et à devenir des personnes fortes, qui se développent avec un sentiment de sécurité intérieure. Cela nous aide à prendre des risques, à sortir de notre zone de confort, et à trouver des solutions. Les générations futures pourront-elles prétendre à une vie épanouie ? Pour réussir, elles devront travailler dur, poser des questions, nourrir leur curiosité. Les connaissances acquises à l’école les aideront toute leur vie, c’est pourquoi ­j’encourage mes élèves à lever le nez de leurs manuels pour être conscients de ce qu’il se passe autour d’eux, à développer leurs intérêts et multiplier leurs passions sans lien avec les sujets abordés en classe. Nous savons tous que les générations futures du monde entier devront faire face à d’énormes défis vu l’état de la planète dont ils vont hériter : changement climatique, migrations globales, épuisement des ressources, conflits politiques, intelligence artificielle et automatisation générale qui vont rendre beaucoup de métiers ­obsolètes, etc. Il est primordial que tous sachent penser de manière globale, et ­établissent et maintiennent de bonnes relations avec les générations suivantes. Ainsi, ils sauront gérer les problèmes de THE RED BULLETIN

Easy Teacher : grâce à sa moto, Peter garde un lien fort avec sa communauté.

Esther Amimo et Salome Njeri avec leur projet gagnant : l’Essameter.

« Pour être un bon prof, il faut être créatif. Faire plus et parler moins. » manière efficace, en s’associant, en allant dans la résolution de problèmes et de conflits. C’est ce que nous pouvons espérer de mieux pour l­ ’humanité. Qu’allez-vous faire de ce million de ­dollars, que vous avez remporté grâce au Global Teacher Prize ? Il sera dédié à mon école et à la communauté qui y est rattachée. Je veux continuer à booster la curiosité, l’inventivité et l’estime de soi des élèves, par le biais du

club de développement de talents, du club de sciences et du club de paix. J’ai aussi l’idée d’investir dans un labo informatique pour garantir un meilleur accès internet à tous les acteurs de l’établissement. Enfin, une partie servira à aider financièrement les élèves doués mais désargentés, une autre à développer des cultures tolérantes à la sécheresse et à la promotion du jardinage dans la communauté. Mais surtout, gagner ce prix m’a permis d’accéder à une plateforme incroyable. J’ai rencontré de nombreuses personnes engagées elles aussi dans un changement positif. C’est un tremplin grâce auquel j’envisage d’investir dans des programmes STEM d’échange scolaire avec des institutions locales et internationales pour développer le potentiel et le talent de mes jeunes. globalteacherprize.org   79


ALPHATAURI.COM


guide au programme

LA FIFA MANIA

CHAUD DEVANT

SORTEZ LE MATOS

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Ce jeu de foot rend fou, mais il intéresse aussi les vrais pros du ballon.

Pour un marathon par 60 °C, autant pédaler dans un sauna.

Sur quoi glisser et quoi porter lors de vos plans neige cet hiver.

OBJECTIF MER

LUKAS PILZ

Aux Lofoten, le bout de la piste, c’est de l’eau, et l’apéro d’après-ski se passe dans un bateau. Gilet de sauvetage inclus. PAGE 82

THE RED BULLETIN

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GUI D E

Faire.

Pas le temps de s’attarder avant la descente : aux Lofoten, le temps change toutes les dix minutes.

HAUTE ROUTE ARCTIQUE

TOUT SCHUSS JUSQU’À L’OCÉAN Un séjour de ski avec gilet de sauvetage : le journaliste de voyage Simon Schöpf embarque à bord d’un vieux bateau à vapeur norvégien pour aller skier une poudreuse de rêve.

L

e rituel de vérification du matériel précède chaque ­sortie : bip, pelle, sonde, gilet de sauvetage, tout y est. Mais pourquoi un gilet de sauvetage ? C’est que la notion de sécurité tout comme celle du décor alpin sont tout autre lorsque vous skiez la

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Haute Route de l’Arctique. Et si la montagne reste bien sûr accessible en voiture, s’y rendre à bord d’un bateau à vapeur de 80 mètres de long est bien plus élégant. Arrivé aux îles Lofoten sur le 68e parallèle nord, au-dessus du cercle arctique, le MS Nordstjernen jette

L’auteur, Simon Schöpf, bravant le froid norvégien.

THE RED BULLETIN


voyage

CE QUI VOUS ATTEND

LA NATURE NORDIQUE

Un voyage aux îles Lofoten exige de la p ­ atience mais sait la récompenser : le séjour se fait sur un navire marchand et les départs se font en fonction de la météo.

Svolvær LOFOTEN

Autrefois navire postal, le MS Nordstjernen achemine désormais les skieurs curieux.

Norvège Oslo

DONNÉES CLÉS

Du plaisir de skier au festin de merluche ou morue séchée, retrouvez ici toutes les infos sur votre voyage aux ­Lofoten.

LUKAS PILZ

SIMON SCHÖPF

On a le temps : le merluche, poisson réputé ici, sèche pendant deux à trois mois.

l’ancre dans le fjord d’Austnes, bien à l’abri. Cet ancien navire postal est notre camp de base ­f lottant durant nos trois jours ­d’escapade. Dès cet instant, nous nous abandonnons à la nature. Nous rejoignons le rivage sur un canot avec masques de ski au visage pour nous protéger des embruns. Le rêve qui guide nos pas jusqu’aux confins du Grand Nord est la « summit-to-sea-ride », une descente unique qui commence au sommet de la montagne pour finir sur la plage. À peine débarqués sur la plage enneigée de Laupstad, nous chaussons nos skis, direction Sautinden à 596 mètres d’altitude. Une descente destinée aux

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« Nous rejoignons le rivage sur un canot, avec nos masques de ski sur le nez. » débutants, dirait le skieur des Alpes, mais ici au nord de la ­Norvège, c’est déjà une descente d’envergure. La plage est le point de départ pour rejoindre le sommet, par conséquent l’altitude à gravir correspond à celle du sommet choisi. Rapidement, nous dépassons la limite de pousse des arbres pour nous retrouver sur une magnifique étendue dégagée.

ARRIVÉE Un vol jusqu’à Svolvær (Lofoten) ou Tromsø avec e­ scale à Oslo puis un ferry via Bodø. PÉRIODE PROPICE Privilégier mars et avril, les meilleurs mois pour y skier avec un bon niveau d’enneigement y compris sur la plage. Avec de la chance, le névé vous permettra de descendre jusqu’à la mer. DÉGUSTER La Haute Route de l’Arctique ne manque pas de s­ pécialités : caviar de flétan fumé, confiture de plaquebière ou encore la morue séchée, le plus ancien produit d’exportation de la Norvège et qui fait partie du patrimoine c­ ulturel du pays, en particulier dans cette région. LOGEMENT Sorti du chantier naval de Hambourg en 1956, le MS Nordstjernen a servi de navire postal jusqu’en 2012. Rénové depuis, il peut accueillir 70 passagers en cabine double avec douche. L’ORGANISATEUR Norwegian Adventure Company propose ce voyage d’une durée de trois jours et demi avec la garantie de skier trois journées complètes. Prix : 2 040 € / personne. Le MS Nordstjernen rejoint les Lofoten (puis pousse vers le nord), ou Tromsø (dans ce cas, cap vers le sud).

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Faire.

voyage

LA SÉCURITÉ AVANT TOUT

SE PRÉMUNIR DES AVALANCHES

Les avalanches sont l’ennemi naturel des skieurs. La seule règle d’or pour ne pas en être victime est de les éviter.

ÉQUIPEMENT Si toutefois l’une d’elles vous surprend par malchance, ce type de matériel pourra vous sauver la vie.

2. DVA (DÉTECTEUR DE VICTIMES D’AVALANCHE) Cet émetteur de signal radio permettra aux sauveteurs de vous localiser rapidement si vous vous retrouvez ­bloqué(e) sous une avalanche.

3. SAC À DOS AIRBAG Déclenché manuellement, l’airbag du sac à dos se gonfle en quelques secondes. Le principe repose sur « l’effet Noix du Brésil » selon lequel lorsqu’on mélange et secoue des objets de différentes tailles, les plus gros émergeant à la surface, très pratique donc en cas d’avalanche.

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quer : « Il ne va pas tarder à réapparaître. » Et de fait, après quelques virages, le MS Nordstjernen ressurgit grandeur nature dans l’horizon dégagé. La perspective d’une douche chaude et d’un dîner nous réjouit. Au menu : stockfish (filet de morue séchée) des Lofoten et steak de renne. Une fois à bord, le MS Nordstjernen démarre son moteur de 3 600 chevaux et gagne le large où la houle devient de plus en plus forte. Mieux vaut bien tenir son dessert si l’on veut encore y goûter. Nous mettons le cap au nord en direction de Kvaløya en passant par Vesterålen, où nous nous réveillons paisiblement le lendemain. Aujourd’hui, la météo semble nous sourire et annonce une embellie. Le temps de la traversée en canot et le ciel s’est déjà levé : à l’arrivée, c’est un soleil radieux qui nous accueille au sommet du Gråtiden (871 mètres). Nous exultons un instant à l’idée de ce qui nous attend : une descente continue jusqu’à la plage durant laquelle la mer reste en ligne de mire. Chaque virage devient alors un pur moment de bonheur. Découvrez les îles Lofoten à bord du MS Nordstjernen : norwegianadventurecompany.com

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LUKAS PILZ

1. UN AVALUNG Cette sorte de tuba améliore l’apport d’air frais si vous êtes prisonnier sous la neige. L’air chargé de CO2 est évacué, tandis qu’une valve filtre l’oxygène extrait de la neige.

Bientôt, le MS Nordstjernen ressemble à un jouet tant il paraît petit avec la distance. Derrière lui, le Higravtinden, plus haut sommet de l’archipel des Lofoten avec 1 147 mètres, perce à travers le brouillard. Ces montagnes constituent une miniature des Alpes occidentales. Abruptes et inaccessibles, elles émergent du fjord et s’élèvent vers le ciel. Sans la présence de la mer, un pic de 800 mètres ressemblerait à s’y méprendre à un 4 000 mètres suisse. Dès le premier col, l’océan surgit devant nous. Eau et îlots s’étendent à perte de vue partout où le regard se pose. Le Gulf Stream maintient des températures clémentes même au cœur de l’hiver. En revanche, la proximité de la mer rend la météo très instable. Ainsi, tempêtes de neige et éclaircies se succèdent toutes les dix minutes. « Aux Lofoten, nous pouvons vivre les quatre saisons en une heure », explique notre guide Isaak. Soudain, le vent se rafraîchit, tourne rapidement à la tempête et nous oblige à redescendre. Tels des renards aux aguets, nous guettons le moindre rayon de soleil soutenus par l’optimisme d’Isaak, en attendant de pouvoir réembar-

SIMON SCHÖPF

Le circuit de la Norwegian Adventure Company promet trois jours de poudreuse.


PHOTOS : T. HYTTE – KLIP PRODUCTION + MIRJA GEH PHOTOGRAPHY

METHOD Un casque conçu pour résister aux impacts grâce à sa construction spéciale ABS tri zone (mélangeant ABS, EPS et EPP pour faire face à plusieurs types d’impacts), METHOD propose aussi des inserts en mousse EVA sur les zones où les impacts se produisent le plus souvent pour une sécurité améliorée.

cebe.com


GUI D E

Faire.

gaming

LE VECTEUR FIFA

UN FOOTBALL AMÉLIORÉ

PROFIL DE L’EXPERT

Conçu pour devenir LE jeu de foot, FIFA influence désormais le sport lui-même.

L

ancé en 1993, il est devenu le jeu sportif le plus populaire au monde, avec plus de 280 millions de copies vendues. Très proche du football réel, son succès a fini par influencer la ­réalité même de ce sport. À présent, les clubs y prospectent des recrues, les marques s’y bousculent à coups de contrats juteux et les footballeurs pros y découvrent – pour leur plus grand plaisir ou déplaisir – leur classement au palmarès. Avant de « goumer » vos potes ou collègues de bureau lors d’une partie endiablée, prenez quelques minutes pour lire l’analyse de ­Simon Parkin, expert de ce jeu incontournable.

SON CLASSEMENT A DE L’­IMPACT Avant le lancement annuel de FIFA, EA, l’éditeur du jeu, publie une liste des cent meilleurs joueurs établie par 9 000 analystes de datas (recruteurs, coachs, abonnés) qui distillent les performances de 18 000 pros en 34 attributs personnels. Une liste tellement influente que les recruteurs l’utilisent dans leurs recherches de talents. Sur FIFA 20, Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Neymar Jr et Eden Hazard occupent les premières places avec ces notes respectives : 94, 93, 92 et 91. Pour d’autres, le résultat peut être ­sévère : Rio Ferdinand a déclaré en plaisantant qu’il démolirait les bureaux d’EA suite à un mauvais classement.

UNE IMPORTANTE VITRINE L’éditeur du jeu se démène pour obtenir les droits des clubs, des joueurs, des stades et des voix off de commentateurs, mais reste très discret sur le coût financier que tout cela représente pour ce best-seller du gaming (certains avancent des sommes à neuf chiffres). Mais parfois l’argent ne suffit pas. Cette année notamment, EA a perdu les droits de la Juventus et a dû rebaptiser l’équipe « Piemonte Calcio » même si les ressemblances avec les joueurs ­demeurent. ­Apparaître dans FIFA , n’est pas qu’une question d’argent pour un footballeur, c’est aussi un statut. Pour FIFA 98 : En route pour la Coupe du monde, la couverture avec David Beckham « a contribué à faire de lui le sportif le plus lucratif de la planète », déclarait en 2015 Andy Bell, fondateur de l’agence Soap Box London.

SIMON PARKIN SPECIALISTE FIFA Journaliste pour The Observer, l’Anglais explore la culture gaming depuis quinze ans. Son livre A Game of Birds and Wolves raconte l’histoire d’un groupe de femmes ayant développé un jeu de stratégie pendant la Seconde Guerre mondiale qui aidera les Alliés à déjouer la menace des sous-marins ­allemands.

UN JEU MOTEUR POUR LE FOOTBALL La popularité de FIFA dispense l’éditeur EA de chercher le soutien actif de grands noms. Ils s’en chargent naturellement ! La star de la NBA ­LeBron James a posté sur Instagram une photo de ses fils y jouant, avec en légende : « Ce jeu est une tuerie ! » Et Justin Bieber de chauffer le rappeur Drake sur Twitter : « Je deviens bon à FIFA. Fais gaffe. » De plus, le jeu accroît l’intérêt pour le sport réel dans des pays comme les USA. « Désormais, explique Matt Prior, le directeur créatif de FIFA, les gens viennent au foot par le biais de notre jeu. » LE MEILLEUR RESTE À VENIR « Notre travail s’achèvera lorsque la franchise EA Sports FIFA ne se distinguera plus du football réel », déclare Prior. Une quête qui suscite sur Reddit des débats animés à chaque lancement. « Certains aiment la version ­simulation, d’autres des scoresfleuves », ajoute-t-il. FIFA 20 met ­l’accent sur l’intelligence du football en améliorant l’IA du comportement naturel et la dynamique de balle, et ajoute Volta, un mode foot de rue. En bref : l’avenir du foot numérique a encore de belles années devant lui.

FIFA 20 est disponible sur PS4, Xbox One, Nintendo Switch et PC ; ea.com

Injouable et jouable : le Borussia Dortmund et l’Anglais Jadon Sancho sont au top dans FIFA 20.

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ELECTRONIC ARTS

SIMON PARKIN

IL AMÉLIORE LES JOUEURS PROS Les joueurs pros jouent à FIFA pour préparer leurs matches. L’attaquant d’Everton, Alex Iwobi, déclarait qu’à ses débuts, si un joueur d’une équipe adverse lui était inconnu, il cherchait son nom et son classement sur FIFA. Après avoir arrêté un penalty de ­Ronaldinho contre l’AC Milan en 2008, le gardien de but italien Marco Amelia a dit qu’il s’était familiarisé avec les tirs de l’attaquant sur FIFA. « C’était comme jouer contre lui à la PS, se souvient Amelia. C’était très étrange. »

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Faire.

fitness

CONSEILS

PUREMENT MENTAL Rien de tel que la tête pour pousser le corps à aller plus haut, plus vite et plus loin.

LA VOIX INTÉRIEURE Maîtrisez et orientez vos ­pensées avant et pendant la course en utilisant votre voix i­ntérieure de manière ­ciblée, par exemple en ­répétant des messages ­positifs qui vous aideront à tirer le meilleur de vous. OBJECTIFS Mettez de côté la perspective d’ensemble et focalisezvous sur les éléments clés que vous maîtrisez déjà. Ça ­renforcera votre confiance en vous.

À 20 ans, Schiester fume et boit trop. Son médecin lui conseille de changer d’hygiène de vie : il s’exécute. Un an et demi plus tard, il court le marathon de New York.

PHILIP PLATZER/RED BULL CONTENT POOL, HARALD TAUDERER/RED BULL CONTENT POOL

FLORIAN STURM

FORGER LE MENTAL

COURSE À HAUT DEGRÉ Ses perfs dans le désert propulsent Christian Schiester au sein de l’élite de l’ultrafond. Retour sur un parcours gagnant.

U

ne séance de sauna après un entraînement est une excellente manière de détendre les muscles, d’améliorer la circulation sanguine et de se vider la tête. Mais de là à transformer le sauna en salle de gym… Christian Schiester a osé, afin de préparer son trail dans le désert. Pour ce faire, l’athlète a installé un tapis roulant et un vélo ergomètre dans la cabine de bois chauffée à 60 °C, pour enchaîner ensuite trois heures de pédalage intensif. « J’ai bu jusqu’à quinze litres d’eau tout en veillant à n’être jamais seul au cas où », confie le sportif de 52 ans qui, à l’époque, tenait déjà la forme grâce à ses entraînements

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disciplinés. « La ­préparation dans le sauna vise à recréer les conditions de course », explique l’Autrichien. Une méthode qui porte ses fruits. Lors de l’ultra-marathon en Égypte, il accuse le coup sur une dune, le thermomètre de sa montre indique 60 degrés. « J’étais très mal-en-point », se souvient-il. C’est alors que sa voix intérieure se manifeste : « Christian, ce n’est pas le moment de lâcher! Tu peux le faire. Après tout, il ne fait pas plus chaud que dans le sauna. » L’effet sur sa motivation est immédiat. Il repart et finit deuxième après 250 kilomètres de course dans le désert. christian-schiester.com

« J’ai bu jusqu’à quinze litres d’eau tout en veillant à n’être jamais seul. »

REPRÉSENTATION MENTALE Visualisez aussi clairement que possible la façon dont vous accomplissez chaque étape du défi. Plus cette ­visualisation est précise, mieux vous serez préparé à sa difficulté.

Christian Schiester, ultra-marathonien Red Bull

La devise de Schiester : « Torture ton corps avant qu’il ne te torture ! »

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Faire.

décembre

13 1er au

décembre Gotaga on Tour

Après la Rochelle et Marseille, Gotaga revient à la rencontre de ses fans à Lille (Nouveau Siècle) et Paris (Grand Rex). Pour eux, la chance d’approcher celui qu’ils suivent assidûment dans le monde digital, et d’assister en direct à des parties endiablées de Fortnite où « Gota », des gamers pro et ses potes vont pouvoir exposer leurs skills. « Ses potes », ça peut être vous, puisque certains membres du public seront conviés à rejoindre le premier streamer français sur scène et jouer à ses côtés. Pour assister à ces soirées rares, il faut t­ ester en ligne vos connaissances sur le Français, et mettre la main (chez Monoprix) sur les canettes collector à l’effigie de la super star du gaming. À vous de jouer ! Lille et Paris ; redbull.com/gotaga

LA SEINE EST À VOUS !

Qui affrontera Gotaga ?

Du 7 au 15 décembre, le Salon nautique transforme le Parc des expos de la Porte de Versailles en plus grand port indoor de France. En 2018, 200 000 visiteurs s’y sont pressés, sur 130 000 m² d’exposition (cinq halls) et ont eu la possibilité de voir et visiter plus de 1 000 embarcations, à voile et à moteur, faisant de 2 à 18 mètres de longueur. Cette année encore, le Nautic (aussi dédié aux sports de glisse) propose une très belle activation hors ses murs avec une session paddle sur la Seine, le 8 décembre : la Nautic Paddle. Pour cette dixième édition, le waterman français de renom Arthur Arutkin sera présent, parmi les centaines d’amoureux de l’eau venus savourer ce moment parisien d’exception. Paris ; salonnautiqueparis.com/fr

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Le rire du méchant suprême Palpatine (alias Dark Sidious, alias l’Empereur) à la fin du premier trailer de ce Star Wars épisode 9 a fait sensation et ­excité les fans de la saga de l’espace la plus populaire de tous les temps. L’insoutenable attente touche à sa fin et cet Ascension de Skywalker se pointe comme il se doit à quelques heures des fêtes de fin d’année. Si vous ne le saviez pas encore (estce possible ?), vous voilà informés. Que la Force soit avec vous ! Actuellement en salle ; starwars.com

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au 7 décembre Coupe du monde de ski cross Des skieurs, par quatre, dévalent une piste composée d’éléments naturels ou artificiels (bosses, courbes relevées ou tremplins) le plus vite possible. Les Coupes du monde de ski cross, femmes et hommes, reprennent avec une première étape à Val Thorens. ­Notez la participation de Jean-Frédéric Chapuis, champion du monde 2013, champion olympique de skicross à Sotchi en 2014, Vice-Champion du Monde 2015 et vainqueur du Globe de Cristal 2015. Costaud ! Val Thorens ; valthorens.com

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décembre All Star Game La recette du All Star Game du ­basket français est garantie 100 % show et toujours à guichets fermés, d ­ epuis dix-sept ans, dans l’AccorHotels Arena. Le match ­exhibition de la Pro A entre la ­sélection française et celle des ­meilleurs étrangers est le summum d’une soirée où les concours de dunks, de tirs et autres animations font grimper l’ambiance. En attendant la venue de deux équipes NBA, Hornet et Bucks, dans cette même enceinte en janvier. Paris ; accorhotelsarena.com

THE RED BULLETIN

TEDDY MORELLEC/ RED BULL CONTENT POOL

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décembre Les Jedis de retour


Voir.

novembre / décembre Le freestyle du Finlandais Antti Ollila.

COLLECTIF, EXTRÊME, BAGARRE

STEPHAN SUTTO, LUKAS PILZ/RED BULL CONTENT POOL, FUTURE7MEDIA/RED BULL CONTENT POOL

Ce mois-ci sur Red Bull TV, différentes approches du sport et du dépassement : le ski en mode plaisir et ­collectif, le VTT en mode ­extrême, et la moto en mode baston.

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novembre   FILM

THE COLLECTIVE

Tourné à travers le monde, ce film emmène le spectateur des sommets des Alpes bernoises aux neiges profondes d’Hakuba, au Japon, en passant par la poudreuse sinueuse de Colombie-Britannique, au Canada. Cinéastes et skieurs de renom, dont Will Berman, Cody Cirillo, Caroline Claire, Mac Forehand, Mathilde Gremaud, Alex Hall et Sarah Höfflin unissent leurs objectifs individuels pour livrer un message commun : le ski est une aventure collective.

12

novembre   À

LA DEMANDE

ROB WARNER’S WILD RIDES

REGARDEZ RED BULL TV PARTOUT

Red Bull TV est une chaîne de télévision connectée : où que vous soyez dans le monde, vous pouvez avoir accès aux programmes, en d ­ irect ou en différé. Le plein de contenus originaux, forts et c­ réatifs. Vivez l’expérience sur redbull.tv

THE RED BULLETIN

Rob Warner, ex-vainqueur de la Coupe du monde de VTT et commentateur, rejoint la crème des ­riders pour une échappée sur des terrains où nul n’a encore osé s’aventurer.

4

décembre   À

LA DEMANDE

WESS : LA FINALE

La World Enduro Super Series 2019 a trouvé son épilogue dans l’enfer du Getzenrodeo. Pénétrez dans les coulisses de la compétition à ­Drebach en Allemagne, à la rencontre des top pilotes, les héros d’une saison déjà culte.

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Classe de neige Quelle que soit votre neige de prédilection ‒ trafollée, ­profonde, damée ou poudreuse ­intacte ‒ avec ce matos, vous glisserez avec style et affronterez l’hiver en toute sérénité.

Photos DAVID CLERIHEW


Bonnet HELLY HANSEN North Sea Ridgeline, h ­ ellyhansen.com ; lunettes de soleil OAKLEY Clifden, oakley.com ; veste BURTON Frostner et gants Backtrack, burton. com ; pantalon goretex OAKLEY Alpine Shell 3L, oakley.com ; sac à dos HAGLÖFS Skrå 27, haglofs.com ; planche RIDE Warpig et fixations Revolt, ridesnowboards.com

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Page opposée : casque MARKER Convoy+, marker.net ; masque de ski OAKLEY Fall Line XM Factory Pilot Whiteout, oakley.com ; veste VOLCOM Fern ­insulated goretex, volcom.fr ; sac à dos 20L DAKINE Jamie Anderson Women’s Team Heli Pro, dakine.com Ci-contre : bonnet HELLY HANSEN Ridgeline, hellyhansen.com ; masque ZEAL OPTICS Portal XL, ­zealoptics.com ; ­hoodie technique FRISKI The Flo 2.0, friskiwear.com ; veste THE NORTH FACE Purist Futurelight, ­thenorthface.fr ; pantalon JACK WOLFSKIN Exolight Mountain, jack-wolfskin.com ; chaussures SCOTT Celeste III, scottsports.com ; gants Free Range B ­ URTON, burton.com ; skis VÖLKL Secret Flat, voelkl.com THE RED BULLETIN

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Ci-contre : Casque OAKLEY MOD1 et masque Fall Line XL, oakley.com ; écouteurs SKULLCANDY vert sans fil à accrocher partout, skullcandy.co.uk ; veste PROTEST Gutter Camo, protest.eu ; ­pantalon goretex VOLCOM Guch Stretch, volcom.fr ; gants THE NORTH FACE Patrol Steep Series, thenorthface. fr ; skis SCOTT ­Scrapper 105, ­scott-sports.com Page opposée : casque MARKER Convoy+, marker.net ; masque SWEET PROTECTION Interstellar, sweetprotection.com ; anorak unisexe HAGLÖFS Edge Evo Kurbits, haglofs.com ; pantalon SCOTT ­Explorair 3L, ­scott-sports.com ; moufles THE NORTH FACE Thermoball, ­thenorthface.fr ; sac à dos OSPREY Kamber 16, ospreyeurope.com ; bâtons de ski LINE Pin, lineskis.com ; skis K2 Mindbender 88 Ti Alliance, k2snow.com Coiffure et maquillage : SUSANA MOTA Mannequins : CONNAGH HOWARD, ANNA SALOMAA @ W Model Management Assistants photo : CHRIS PARSONS, LISA BENNETT

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MENTIONS LÉGALES Rédacteur en chef Alexander Macheck Rédacteurs en chef adjoints Andreas Rottenschlager, Nina Treml Directeur créatif Erik Turek Directeurs artistiques Kasimir Reimann (DC adjoint), Miles English, Tara Thompson Directrice photos Eva Kerschbaum Directeurs photos adjoints Marion Batty, Rudi Übelhör Responsable des infos et du texte Andreas Wollinger Responsable de la production Marion Lukas-Wildmann

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Managing Editor Ulrich Corazza Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz Booking photos Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza Directeur commercial & Publishing Management Stefan Ebner Publishing Management Sara Varming (Dir.), Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz, Mia Wienerberger Marketing B2B & Communication Katrin Sigl (Dir.), Agnes Hager, Teresa Kronreif Directeur créatif global Markus Kietreiber Co- Publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth Staber (Dir.), Mathias Blaha, Vanessa Elwitschger, Raffael Fritz, Marlene Hinterleitner, Valentina Pierer, ­Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber, Julia Zmek, Edith Zöchling-Marchart Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.), Sasha Bunch, Simone Fischer, Martina Maier, Florian Solly Emplacements publicitaires Manuela Brandstätter, Monika Spitaler

The Red ­Bulletin est ­actuellement distribué dans six pays. Vous voyez ici la une de l’édition allemande, qui honore la star locale du rap, le dénommé Bausa. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

Production Walter O. Sádaba, Friedrich Indich, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.), Claudia Heis, Nenad Isailovi c,̀ Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher Fabrication Veronika Felder Opérations Michael Thaler (MIT), Alexander Peham, Yvonne Tremmel (Office Management) Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.), Klaus Pleninger (Distribution), Nicole Glaser (Distribution), Yoldaş Yarar (Abonnements) Siège de la rédaction Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche Téléphone +43 (0)1 90221-28800, Fax +43 (0)1 90221-28809 Web redbulletin.com Direction générale Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris part à la réalisation de The Red Bulletin. SO PRESS n’est pas r­ esponsable des textes, photos, ­illustrations et dessins qui engagent la seule responsabilité des auteurs.

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Directeur de la publication Andreas Kornhofer

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alessandra Ballabeni, alessandra.ballabeni@redbull.com Contributions, traductions, révision Lucie Donzé, Frédéric & Susanne ­Fortas, Suzanne K ­ říženecký, Claire S ­ chieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries Abonnements Prix : 18 €, 12 numéros/an getredbulletin.com Siège de la rédaction 29 rue Cardinet, 75017 Paris +33 (0)1 40 13 57 00 Impression Prinovis Ltd. & Co. KG, 90471 Nuremberg Publicité PROFIL 134 bis rue du Point du jour 92100 Boulogne +33 (0)1 46 94 84 24 Thierry Rémond, tremond@profil-1830.com Elisabeth Sirand-Girouard, egirouard@profil-1830.com Edouard Fourès efoures@profil-1830.com

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country Editor David Mayer Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Natascha Djodat Publicité Matej Anusic, matej.anusic@redbull.com Thomas Keihl, thomas.keihl@redbull.com

THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 Country Editor Christian Eberle-Abasolo Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Publishing Management Bernhard Schmied Sales Management The Red Bulletin Alfred Vrej Minassian (Dir.), Thomas Hutterer, Stefanie Krallinger Publicité anzeigen@at.redbulletin.com

THE RED BULLETIN Royaume-Uni, ISSN 2308-5894 Country Editor Tom Guise Rédacteur associé Lou Boyd Rédacteur musical Florian Obkircher Directeur Secrétariat de rédaction Davydd Chong Secrétaire de rédaction Nick Mee Publishing Manager Ollie Stretton Publicité Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com Fabienne Peters, fabienne.peters@redbull.com

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country Editor Nina Treml Révision Hans Fleißner (Dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Meike Koch Publicité Marcel Bannwart (D-CH), marcel.bannwart@redbull.com Christian Bürgi (W-CH), christian.buergi@redbull.com

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X Rédacteur en chef Peter Flax Rédactrice adjointe Nora O’Donnell Éditeur en chef David Caplan Directrice de publication Cheryl Angelheart Country Project Management Laureen O’Brien Publicité Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com

Directeurs généraux Dietrich Mateschitz, Gerrit Meier, Dietmar Otti, Christopher Reindl

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Pour finir en beauté

Comme Pelé et Neymar avant lui, ses héros d’enfance, Felipe Gustavo voulait devenir footballeur. En cours de route, il a fini par troquer le ballon pour une planche – le reste fait partie de l’histoire du skate. Dans la vidéo All on Me, le Brésilien établi aux USA revient sur les raisons et les choix qui l’ont poussé au sommet de son sport. La vidéo est à voir sur redbull.com

Le prochain THE RED BULLETIN n° 95 disponible dès le 19 décembre 2019 98

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JONATHAN MEHRING/RED BULL CONTENT POOL

L’arche de Felipe




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