Cinéma et sciences humaines CIN-‐2116 Mercredi 19h à 22h, Local B-‐4245, Pav. Jean Brillant
Chargé de cours: Rémy Besson
Retour sur le cours 2: Comment la sociologie peut-‐elle trouver une forme cinématographique?
1 Influence des travaux de Bourdieu Sur la réalisaNon du film CriNque de la noNon l’influence
3 Appropria-on des travaux de Bourdieu Par Agnès Jaoui pour le film
2
Retour sur le cours 2: le film comme révélateur de la diversité des approches de la sociologie
aux travaux sociologiques
Plan de la séance 1. ContextualisaNon -‐ Pierre Carles: réalisateur criNque des médias -‐ Pierre Bourdieu: un intellectuel 2. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la société Regarder le début du film (jusqu’à 30:40) 3. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la représentaNon de la société 4. Les paradoxes au cœur de la démarche
Une tradiNon de la criNque des médias Économie – poliNque – journalisme
Pierre Carles: Réalisateur criNque des médias
Le Magazine du fô, 5 min., 1992
Lien avec le cours 2 Agnès Jaoui: La rencontre AJ le découvre lors de son passage polémique dans Arrêt sur images en 1996 et se déclare autant séduite par ce qu’il dit que par sa prestaNon à contre-‐emploi sur le plateau télévisé. Le vocabulaire sociologique de PB commence à être mobilisé par la réalisatrice, notamment le concept d’habitus qu’elle uNlise de façon praNque (…) comme un ouNl de travail pour synthéNser un certain nombre de caractérisNques ou de propriétés qu’un personnage pourrait posséder ou non. Truong, Fabien. 2015, p. 132-‐133
Agnès Jaoui / Pierre Carles La rencontre « C’est tout naturellement qu’à un moment donné, quand j’ai eu la possibilité de le rencontrer, à la suite d’une émission de télévision qui s’était très mal passée, l’émission Arrêt Sur Images de Daniel Schneiderman. Bourdieu est sorN très frustré de ceee émission parce qu’il s’est aperçu que la télévision, à travers ceee émission, ne lui donnait pas la possibilité d’exprimer correctement ses analyses. Donc je lui ai dit, on fait un film, j’ai envie de faire un film depuis longtemps, et on prendra le temps qu’il faut, et on le fera sans la télévision si celle-‐ci n’en veut pas. » Pierre Carles, entreNen avec Gaëlle Assier, « La science dérange! », L'Homme moderne, n°65, 2001 [en ligne].
Constat partagé des limites de la télévision pour exprimer une pensée sociologique
Arrêt sur Image avec Pierre Bourdieu, 1996 Extrait 1: 26 à 3:30
La figure de l’intellectuel Pierre Bourdieu à la télévision
Arrêt sur Image avec Pierre Bourdieu, 1996 Extrait 44:50 à 47:00
Plan de la séance 1. ContextualisaNon -‐ Pierre Carles: réalisateur criNque des médias -‐ Pierre Bourdieu: un intellectuel 2. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la société Regarder le début du film (jusqu’à 30:40) 3. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la représentaNon de la société 4. Les paradoxes au cœur de la démarche
DéfiniNon de l’intellectuel universaliste
(à discuter) « Originellement, donc, l'ensemble des intellectuels apparaît comme une diversité d'hommes ayant acquis quelque notoriété par des travaux qui relèvent de l'intelligence (science exacte, science appliquée, médecine, lieérature, etc.) et qui abusent de ceee notoriété pour sorNr de leur domaine et criNquer la société et les pouvoir établis au nom d'une concepNon globale et dogmaNque (vague ou précise, moraliste ou marxiste) de l'homme. »
Jean-‐Paul Sartre, 1972, cité par M. Winock, « Les intellectuels dans le siècle », Ving>ème Siècle, 2, 1984, p. 4. .
DéfiniNon de l’intellectuel universaliste
(à discuter) « Originellement, donc, l'ensemble des intellectuels apparaît comme une diversité d'hommes ayant acquis quelque notoriété par des travaux qui relèvent de l'intelligence (science exacte, science appliquée, médecine, liNérature, etc.) et qui abusent de ceee notoriété pour sorNr de leur domaine et criNquer la société et les pouvoir établis au nom d'une concepNon globale et dogmaNque (vague ou précise, moraliste ou marxiste) de l'homme. »
Jean-‐Paul Sartre, 1972, cité par M. Winock, « Les intellectuels dans le siècle », Ving>ème Siècle, 2, 1984, p. 4. .
DéfiniNon de l’intellectuel universaliste
(à discuter) « Originellement, donc, l'ensemble des intellectuels apparaît comme une diversité d'hommes ayant acquis quelque notoriété par des travaux qui relèvent de l'intelligence (science exacte, science appliquée, médecine, lieérature, etc.) et qui abusent de ceNe notoriété pour sor-r de leur domaine et cri-quer la société et les pouvoir établis au nom d'une concep-on globale et dogma-que (vague ou précise, moraliste ou marxiste) de l'homme. »
Jean-‐Paul Sartre, 1972, cité par M. Winock, « Les intellectuels dans le siècle », Ving>ème Siècle, 2, 1984, p. 4. .
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Bourdieu (1993-‐2001): un intellectuel (...) si scepNque que l’on puisse être sur l’efficacité sociale du message sociologique, on ne peut tenir pour nul l’effet qu’il peut exercer en permeeant à ceux qui souffrent de découvrir la possibilité d’imputer leur souffrance à des causes sociales et de se senNr ainsi disculpés; et en faisant connaître largement l’origine sociale, collecNvement occultée, du malheur sous toutes ses formes, y compris les plus inNmes et les plus secrètes. Constat, qui, malgré les apparences, n’a rien de désespérant : ce que le monde social a fait, le monde social peut, armé de ce savoir, le défaire. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que rien n’est moins innocent que le laisser-‐faire. Bourdieu, Pierre. La misère du monde. Paris: Seuil. 1993, p. 944.
Bourdieu (1993-‐2001): un intellectuel « Je suis ici pour dire notre souNen à tous ceux qui lueent depuis trois semaines contre la destrucNon d'une "civilisaNon" associée à l'existence du service public, celle de l'égalité républicaine des droits, droits à l'éducaNon, à la santé, à la culture, à la recherche, à l'art, et, par-‐dessus tout, au travail. » Pierre Bourdieu, « Appel des intellectuels en souNen des grévistes » , Paris le 12 décembre 1995.
Plan de la séance 1. ContextualisaNon -‐ Pierre Carles: réalisateur criNque des médias -‐ Pierre Bourdieu: un intellectuel 2. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la société Regarder le début du film (jusqu’à 30:40) 3. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la représentaNon de la société 4. Les paradoxes au cœur de la démarche
Le temps long de la prise de parole comme mode d’exposiNon de la pensée de Bourdieu
Extraits vus en cours: -‐ Radio Droit de Cité (RDC) -‐ EntreNen
Le temps long de la prise de parole comme réponse cinématographique à la télévision
Autres extraits : -‐ Cours au Collège de France -‐ Cours dans une université
Le temps long de la prise de parole comme réponse cinématographique à la télévision
Autres extraits : -‐ EntreNen filmé -‐ Prise de parole dans un amphi
Le temps long de la prise de parole comme réponse cinématographique à la télévision
Autres extraits : -‐ IntervenNon à Mantes-‐la-‐Jolie -‐ ParNcipaNon à une émission télévisée
Plan de la séance 1. ContextualisaNon -‐ Pierre Carles: réalisateur criNque des médias -‐ Pierre Bourdieu: un intellectuel 2. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la société Regarder le début du film (jusqu’à 30:40) 3. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la représentaNon de la société 4. Les paradoxes au cœur de la démarche
Bourdieu (1993-‐2001): un intellectuel qui produit un discours Sur la télévision On passe du film comme mode d’exposiNon de la pensée de Bourdieu sur la société (éducaNon, culture, etc.) Au film comme réponse du cinéma au format imposé par la télévision Principe d’une adéquaNon entre le discours criNque tenu par Bourdieu sur la télévision et la forme du film lui-‐ même.
Bourdieu (1993-‐2001): un intellectuel qui produit un discours Sur la télévision CriNque les intellectuels médiaNques: « Pour certains de nos philosophes (et de nos écrivains), être, c’est être perçu à la télévision, c’est-‐à-‐dire, en définiNve, être perçu par les journalistes, être, comme on dit, bien vu des journalistes (ce qui implique bien des compromis et des compromissions) – et il est vrai que ne pouvant guère compter sur leur œuvre pour exister dans la conNnuité, ils n’ont pas d’autre recours que d’apparaître aussi fréquemment que possible à l’écran, donc d’écrire à intervalles réguliers (…) » (p. 11).
Bourdieu (1993-‐2001): un intellectuel qui produit un discours Sur la télévision Mieux on comprend comme il [le champ du journalisme de télévision] foncNonne, plus on comprend aussi que les gens [les individus qui exercent le mé>er de journalistes] qui en parNcipent sont manipulés autant que manipulateurs. Ils manipulent même d’autant mieux, bien souvent, qu’ils sont eux-‐mêmes plus manipulés et plus inconscients de l’être » (p. 15). On note un fonc>onnement sensiblement similaire de ce champ social vis-‐à-‐vis des processus présentés la semaine dernière (ce qui devrait poser ques>on).
Bourdieu (1993-‐2001): un intellectuel qui produit un discours Sur la télévision
Format PoliNque Économique Symbolique
« L’accès à la télévision a pour contreparNe une formidable censure, une perte d’autonomie liée, entre autres choses, au fait que le sujet est imposé, que les condiNons de communicaNon sont imposées et surtout, que la limitaNon du temps impose au discours des contraintes telles qu’il est peu probable que quelque chose puisse se dire. Ceee censure (…) on s’aeend à ce que je dise qu’elle est poliNque. (…) On peut penser aussi aux censures économiques. (…) Ce sont là des choses tellement grosses et grossières que la criNque la plus élémentaire les perçoit, mais qui cachent les mécanismes anonymes, invisibles, à travers lesquels s’exercent les censures des tous ordres qui font de la télévision un formidable i n s t r u m e n t d e m a i n N e n d e l ’ o r d r e symbolique. » (p. 14-‐15).
Renversement de la forme et conNnuité dans les propos de Carles
D’une criNque radicale de la télévision qui respecte ses formats
À la créaNon d’un film qui s’émancipe du format télévisuel
Bourdieu (1993-‐2001): un intellectuel
2001
1993
Grève de 1995
1996
1998
Plan de la séance 1. ContextualisaNon -‐ Pierre Carles: réalisateur criNque des médias -‐ Pierre Bourdieu: un intellectuel 2. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la société Regarder le début du film (jusqu’à 30:40) 3. Le film comme agent au service d’une transformaNon de la représentaNon de la société 4. Les paradoxes au cœur de la démarche
Est-‐ce que vous arrivez à idenNfier le premier paradoxe?
DéfiniNon de l’intellectuel universaliste
(à discuter) « Originellement, donc, l'ensemble des intellectuels apparaît comme une diversité d'hommes ayant acquis quelque notoriété par des travaux qui relèvent de l'intelligence (science exacte, science appliquée, médecine, lieérature, etc.) et qui abusent de ceNe notoriété pour sor-r de leur domaine et cri-quer la société et les pouvoir établis au nom d'une concep-on globale et dogma-que (vague ou précise, moraliste ou marxiste) de l'homme. »
Jean-‐Paul Sartre, 1972, cité par M. Winock, « Les intellectuels dans le siècle », Ving>ème Siècle, 2, 1984, p. 4. .
Pour le dire autrement… « Ce que montre Sur la télévision, jusque dans sa brièveté, est que Bourdieu n’a pas considéré la télé comme un objet de curiosité légiNme, ce qui semble bien être une parNcularité spécifique à ce média. Aujourd’hui encore, on peut dans certains milieux s’enorgueillir de ne pas avoir ou de ne pas regarder la télé – ce qu’on aurait plus de mal à revendiquer pour aucun autre média. Comprendre notre percepNon de la télévision passe par la reconsNtuNon de l’histoire de sa récepNon: l’histoire de l’échec de la qualificaNon d’une praNque comme praNque culturelle. » André Gunthert, « Téléphobie », Culture Visuelle, 2010 [en ligne]
Pour le dire autrement… Ce livre est « la traducNon « à chaud » de la fureur, fort compréhensible, de l’auteur issue d’une émission de télévision où il n’avait pu s’exprimer dans de bonnes condiNons ».
Jean-‐Louis Fabiani, cité par Truc, Gérôme. 2002. « La sociologie est-‐elle un sport de combat ? L'image du sociologue en Pierre Bourdieu (note criNque) ». Terrains & travaux, vol. 1, n° 3, p. 75.
Le deuxième paradoxe (vis-‐à-‐vis du Ntre du film tout du moins) c’est que Pierre Carles nous donne à voir un intellectuel et non pas un sociologue
« Ce film présente une image bien parNculière de l’œuvre de Pierre Bourdieu, qui occulte des dimensions importantes de son travail sociologique, en parNculier celles qui sont le plus symboliques et représentaNves du travail sociologique en général: la construcNon d’un objet d’étude par un travail théorique, le travail d’enquête sur le terrain, l’administraNon de quesNonnaires, l’analyse des résultats, la réalisaNon d’entreNens… Autant de tâches dans lesquelles Pierre Bourdieu a excellé, mais qui ne consNtuent plus son quoNdien (…) » Truc, Gérôme. 2002. « La sociologie est-‐elle un sport de combat ? L'image du sociologue en Pierre Bourdieu (note criNque) ». Terrains & travaux, vol. 1, n° 3, p. 73.
Le second paradoxe (vis-‐à-‐vis du Ntre du film tout du moins) c’est que Pierre Carles nous donne à voir un intellectuel et non pas un sociologue Cela risque de « créer » des spectateurs… « s’illusionnant sur la véritable nature de l’entreprise sociologique, car n’ayant pas soupçonné le travail empirique, long et rigoureux, que présuppose leur « combat », travail d’une vie pour Pierre Bourdieu, et que le film ne montre jamais. » Truc, Gérôme. 2002, p. 86.
Une dernière série de paradoxes…
La personnalisaNon du propos et l’extrême révérence envers l’autorité de l’intellectuel Bourdieu dans le film n’est-‐elle pas, en parNe, en contradicNon avec la pensée du sociologue? Le film ne devient-‐il pas, au final, aussi le vecteur d’une forme de reproducNon d’un courant sociologique (celui défendu par Bourdieu) qui est plus dominant que dominé dans la France des années 2000? « Le film eût mérité, à cet égard, d’être un peu plus bourdieusien » J. M., « Pierre Bourdieu, madarin du kung-‐fu », Le Monde, 3 mai 2001.