Examen Cours Histoire et cinéma CIN-2111
Question (70% de la note) : Comment l’écriture cinématographique de l’histoire proposée dans Les histoires qu'on raconte [Stories we Tell] de Sarah Polley (2012) a-t-elle été perçue lors de sa sortie ? Pour répondre de manière articulée (introduction, développement, conclusion) à cette question, vous vous appuierez sur les huit documents ci-dessous, ainsi que sur l’extrait du film diffusé au début de l’examen (vingt premières minutes). Vous ne manquerez pas de définir la notion d’écriture cinématographique de l’histoire. N’hésitez pas à considérer les limites induites par la sélection de documents qui vous est proposée. Vous pouvez consulter vos notes pour répondre à cette question ! Le film est accessible en ligne sur le site de l’ONF : https://www.onf.ca/film/les_histoires_quon_raconte/
Document 1 : Synopsis La réalisatrice et actrice canadienne Sarah Polley dévoile son histoire personnelle. La jeune femme s'intéresse à sa mère, Diane Polley, une actrice enjouée, et à sa personnalité. Mais comme de nombreuses familles, la sienne cache un secret. Celui-ci, elle le découvre, alors qu'elle est déjà une adulte et une cinéaste reconnue nommée aux Oscars. Pour en savoir plus, elle décide alors de rencontrer ses proches, ses frères et soeurs, ses anciens amis, et de les interroger tout en les filmant. Elle se plonge également dans les archives familiales. Sarah Polley se glisse dans la peau d'un détective pour découvrir la vérité sur ses origines... Lien vers la source, URL : http://www.telerama.fr/cinema/films/stories-we-tell,439021.php Document 2 : Une encyclopédie en ligne En utilisant des fragments de son propre récit familial, la cinéaste joue avec la perception du spectateur, tordant le cou à la forme traditionnelle du documentaire en mélangeant des images numériques contemporaines, des séquences tournées aujourd’hui avec le grain des anciens films en super 8, de véritables films familiaux d’archives et des reconstitutions jouées par des acteurs.
Ce formalisme composite remet en cause la vérité présumée du documentaire, tandis que les différentes couches superposées de la narration interrogent l’authenticité supposée du récit luimême en se demandant qui dispose de la légitimité nécessaire pour raconter une histoire, si tant est que quiconque puisse effectivement détenir une telle légitimité. Le film célèbre l’acte de raconter pour que d’autres entendent et montre que quelque chose d’intime et de personnel peut avoir une portée universelle. (…) Stories We Tell réalise à peine moins de deux millions de dollars de recettes au guichet en Amérique du Nord et se retrouve sur plus de 100 listes des « meilleurs films » établies en fin d’année, notamment sur celles du Toronto Star, du Toronto Sun, du Vancouver Sun et du Globe and Mail (Liam Lacey). Il fait également partie du palmarès annuel des dix meilleurs films canadiens constitué par le TIFF. Le film obtient de nombreux prix canadiens et internationaux, notamment le prix du meilleur long métrage documentaire 2013 à l’occasion des premiers Prix Écrans canadiens. Il fait partie de la liste restreinte pour les Oscars dans la catégorie Meilleur long métrage documentaire, de nombreux observateurs en faisant même leur favori pour l’obtention du trophée, toutefois Stories We Tell ne fera même pas partie de la sélection finale. Il a été inscrit, en 2015, dans la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps à l’occasion d’une enquête menée par le TIFF. Il s’agit du film le plus récent et du seul film réalisé par une femme à intégrer cette sélection. En octobre 2016, Stories We Tell est classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage auprès de 200 professionnels des médias mené par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinematheque de Vancouver en prévision des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada en 2017. Patrick Mullen, « Stories We Tell (Les histoires qu’on raconte) », dans L'Encyclopédie Historica Canada, 28 mai 2015. URL : http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/stories-we-tell-leshistoires-quon-raconte/ Document 3: Dans les fiches, on range Stories We Tell dans la catégorie «documentaire». Parce qu'il faut bien le ranger quelque part. Mais le nouveau film que Sarah Polley tire de sa propre histoire n'a rien du documentaire classique. La réalisatrice d'Away from Her utilise les outils du cinéma pour faire une enquête singulière à travers les mailles d'une histoire familiale aboutissant à une révélation sur ses propres origines. Au-delà de cette quête en forme de journal intime, il y a une réflexion sur le cinéma. Et aussi, d'une certaine façon, sur les manières dont on peut s'y prendre pour «manipuler» le spectateur. Sans rien révéler, il convient de souligner qu'à la fin de Stories We Tell, le spectateur sera amené à se poser des questions. Multipliant les points de vue, mettant en lumière les perceptions différentes que des individus peuvent avoir d'une histoire qui leur est pourtant commune, Sarah Polley force le spectateur à trouver sa propre vérité, à distinguer le vrai du faux. Ainsi, Stories We Tell prend d'abord la forme d'un making of dans lequel on voit Michael Polley, le père de Sarah, s'installer devant un micro pour raconter l'histoire qu'il a vécue avec l'actrice Diane MacMillan, mère de ses trois enfants, parmi lesquels Sarah, la petite dernière. Au-delà de cette quête intime pour la réalisatrice - des rumeurs persistaient au sein de la famille selon lesquelles son père était un autre homme -, il y a surtout un magnifique portrait de femme. La mère de Sarah, morte d'un cancer en 1990 (Sarah avait 11 ans), revit en effet dans le regard de ceux qui l'ont aimée. C'est d'ailleurs à la faveur d'une pièce qu'elle jouait à Montréal au Théâtre
Centaur que Diane Polley a eu une aventure extraconjugale. Qui s'est soldée par la naissance d'une petite fille. On prendra ainsi intérêt à suivre les témoignages de tous les proches et de tous les intervenants de l'histoire. Il en ressort une authenticité tangible. Sans jamais s'épancher, sans jamais, non plus, s'appuyer sur des effets dramatiques, avec humour aussi parfois, Sarah Polley propose un film étonnant, universel en ce qu'il force le spectateur à se ramener à sa propre histoire. Elle ne pouvait faire plus beaux portraits de famille. Marc-André Lussier, « Stories We Tell : de beaux portraits », La Presse, 18 octobre 2012. URL : http://www.lapresse.ca/cinema/201208/25/49-3184-stories-we-tell.php Document 4 : Depuis quelques années, l’actrice canadienne Sarah Polley vit avec un terrible secret : elle n’est pas la fille de l’homme qu’elle appelle «papa». Décidée à explorer la manière dont cette histoire avait affecté sa famille au complet, elle a décidé d’en tirer un documentaire, Les histoires qu’on raconte. Actuellement en compétition au Festival du nouveau cinéma (FNC) de Montréal, après avoir été présenté à ceux de Venise, Telluride et Toronto un peu plus tôt cette année, Les histoires qu’on raconte examine la manière dont un secret de famille influence tous les membres. Produit par l’Office national du film (ONF), Les histoires qu’on raconte était entouré de mystère, la révélation au cœur du documentaire n’ayant pas été dévoilée par la cinéaste avant sa sortie. Dans un billet publié sur le blogue de l’ONF, Sarah Polley avait expliqué la genèse du long métrage et les raisons qui l’avaient poussée à se taire. «En 2007, j’étais à Montréal, en train de tourner une scène du film Mr. Nobody quand un ami m’a prévenue qu’un journaliste avec découvert ce secret, que je taisais depuis un an. Je suis entrée en contact avec le journaliste et l’ai supplié de ne pas publier l’histoire. En effet, je n’en avais même pas parlé à mon père. Après bien des larmes et des supplications, le journaliste a accepté de ne pas passer son article, mais j’ai réalisé que je ne pourrais pas garder ce secret bien longtemps et que, si je voulais que mes proches apprennent l’histoire de ma bouche, il faudrait que je prenne certains moyens.» D’où Les histoires qu’on raconte, qui ressemble beaucoup plus à de la fiction que de la réalité. Liaison Diane Polley, sa mère, morte quand Sarah avait 11 ans, a eu une aventure passionnée avec un producteur montréalais en 1978. De cette liaison est née Sarah, un fait gardé sous silence par Diane. Sarah avait rencontré son père biologique en 2006 et avait même effectué un test d’ADN afin d’obtenir confirmation de ce dont elle se doutait depuis quelque temps. «J’avais rencontré mon père biologique presque par accident, même si je soupçonnais, grâce à des plaisanteries et des rumeurs qui circulaient dans la famille, que ma mère avait eu une liaison», a-t-elle écrit. Après avoir dévoilé la vérité à Michael Polley, l’homme qu’elle considère comme son véritable père, il s’est mis à écrire sa version.
Histoire à plusieurs versions Ce n’est que quand ses frères, sœurs ainsi que ses proches ont commencé à raconter cette histoire que Sarah Polley a envisagé l’idée de faire un film. «Les gens disaient que cela ferait un excellent film. Je n’étais pas d’accord. Même si cette histoire touchait énormément les gens qui en étaient proches, j’avais l’impression que c’était très commun [...] Et, au fur et à mesure que cette histoire était racontée, ou peut-être tout simplement parce qu’elle était racontée, elle changeait. C’est pourquoi j’ai décidé de faire un documentaire sur notre besoin de raconter des histoires, de prendre possession de nos propres histoires, de les comprendre et de nous faire entendre.» «Faire ce film a été la chose la plus difficile de ma vie», a-t-elle indiqué. Au vu de l’enthousiasme des critiques et festivaliers, il se pourrait bien que Sarah Polley se retrouve une fois de plus aux Oscars, cette fois-ci dans la catégorie du meilleur documentaire. Isabelle Hontebeyrie, « Les histoires qu'on raconte: Le secret de Sarah Polley », Le Journal de Montréal, 10 octobre 2012, URL: http://www.journaldemontreal.com/2012/10/10/le-secret-desarah-polley Document 5: It’s the other way around in Stories We Tell [par rapport aux autres films abordés dans ce texte], in which the Canadian actor-director Sarah Polley unpicks the matter of her own paternity. There wouldn’t be enough material here for a feature, were it not for the games Polley plays with the documentary form. We see her instructing her father in his line readings of the voiceover she has written, making him start over if he fluffs a word. And the homemovie footage, that guarantee of authenticity, strays suspiciously into places no Super 8 camera would have gone. Polley is working in the tradition of Orson Welles [qui dans La Guerres des mondes avait annoncé à la radio en 1938 l'arrivée des extraterrestres sur terre], but her trickery can be exasperating; it also neutralises many of the emotional revelations. To get the measure of the film, though, be sure to stay for the end credits and read the fine print. Ryan Gilbey, « Gangster's paradise », New Statesman, 27 juin 2013, URL: https://www.newstatesman.com/culture/2013/06/gangsters%E2%80%99-paradise Document 6 : [après une courte présentation du film] Now it's time for me to shut up. Don't let anyone spoil the surprises that unravel in this movie as Polley has her brilliant way with the elusiveness of truth. The result, with its flashing perspectives and stealthy wit, is unique and unforgettable. Peter Travers, « Stories we Tell », RollingStones, 9 mai 2013, URL:www.rollingstone.com/movies/reviews/stories-we-tell-20130509
Document 7 : The title may appear blandly noncommittal at first glance, but proves more telling as it becomes clear that Polley is less concerned with family history than with family narratives, and how oftrepeated untruths and assumptions can distort or even fabricate memories. Similarly, Polley’s own storytelling is deceptively artful in its orchestration: What seems a happy shuffle of freeform talking-head interviews is actually sequenced into a startling series of reveals. Meanwhile, through canny casting and filming, apparent homevideo footage emerges as wistful reconstruction, as the director underlines the pliability and artifice of all her contributors’ recollections — her own included. Guy Lodge, « Stories we Tell », Variety, 30 août 2012, URL : http://variety.com/2012/film/reviews/stories-we-tell-1117948130/ Document 8 : Notre avis : L’actrice Sarah Polley réalise avec Stories We Tell un documentaire d’un genre nouveau, puisqu’elle raconte une histoire personnelle sous forme de journal filmé, tout en confiant bon nombre de rôles à des comédiens chargés d’interpréter ses plus proches parents. Sans doute afin de se mettre à distance vis-à-vis d’une douleur intime, la cinéaste met ainsi en scène sa propre existence et en recompose même certains éléments à travers des entretiens, dont certains sont donc fictifs, sans que cela soit pourtant indiqué au spectateur. Ainsi, les moins attentifs ne devraient même pas remarquer que les différents intervenants ne sont, pour certains, que des acteurs. Ce mélange entre fiction et réalité est à la fois totalement enthousiasmant, tout en ne laissant pas d’interroger sur la puissance d’évocation de la fiction. Ainsi, le spectateur se prend souvent à préférer les fausses interviews, plus drôles ou plus émouvantes, aux autres. Par la même occasion, la cinéaste se met en scène en train de tourner son documenteur et pose ainsi un regard distancé sur son propre travail de réalisatrice. Autant de questions passionnantes qui n’empêchent nullement le film de décoller à de nombreuses reprises grâce à l’histoire étonnante qu’il raconte. En scrutant à la loupe l’histoire apparemment très simple de sa famille, Sarah Polley tente de toucher à l’universel. Elle sonde les recoins les plus secrets de ses proches et finit par découvrir l’existence parallèle menée par sa mère. Dès lors, des doutes commencent à l’assaillir. Et si sa mère avait été infidèle à son père ? Et si celui qui l’a élevé n’était pas son véritable géniteur ? Autant de questions qui sont au cœur d’un long-métrage intrigant intégralement construit comme une enquête. Le spectateur est ainsi trimbalé sur des fausses pistes avant de découvrir une réalité finalement bouleversante. Dès lors, la dernière demi-heure fait place à une émotion pure et intense qui aurait pu élever le documentaire au rang de petit classique si le tout n’était pas joué par des acteurs rompus à l’exercice. L’ultime sensation qui se dégage de Stories We Tell est finalement celle d’avoir été quelque peu manipulé par une cinéaste un brin sadique. Si le procédé n’est pas forcément le plus honnête qui soit, il faut bien reconnaître que l’on a aimé se faire avoir de la sorte. Virgile Dumez, « La Vérité avance masquée », À voir à lire, 26 mars 2013, URL: https://www.avoir-alire.com/stories-we-tell-l-etonnant-documentaire-de-sarah-polley-critique
Questions courtes (30% de la note) Question 1. En vous basant sur l'extrait que vous venez de voir et sur le synopsis du film (cf. p. 1), l'histoire racontée est-elle plus proche de la microhistoire ou du récit de vie (et de l'histoire locale)? Définissez, dans vos mots, le premier terme pour expliquer votre choix. .…………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………… Question 2. Après avoir regardé les deux images à l’écran (A et B), expliquez laquelle vise à la transparence et laquelle est plus opaque? Vous définirez, dans vos mots, ces deux notions et expliquerez pourquoi elles s’appliquent aux images A et B. ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………
Questions 3. Dans quelle mesure le fait de savoir que l’image B est un plan de fiction tourné pour le film et non une image amateur change votre réponse à la question 2. Dans vos mots, expliquez ce que cette information change (ou pas) au rapport du film avec le passé. Pour cette question vous devez alterner entre un point de vue compréhensif et critique. ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… Question 4. Nous avons vu trois notions durant les premières séances du cours - immersion, imagination et écriture - de votre point de vue qu’elle est la notion la plus utile pour analyser ce film. Au moins deux réponses sont possibles, mais je vous demande de choisir un seul terme. Il vous faut surtout expliquer votre choix. ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………
Annexe Image A (time code : 3 min 55).
Image B (time code : 0 min. 41)