La perception et les modes de gestion des risques liés au financement des secteurs d’activités culturelles
par
Toussaint Tiendrebeogo
Janvier 2010
Contribution au Symposium « La gestion des risques dans le financement de la culture » (UNESCO, Paris, 16 et 17 Avril 2010) tenu avec le soutien du Gouvernement d’Espagne. www.unesco.org/culture/fr/funding‐and‐risks
SOMMAIRE
I. NOTE INTRODUCTIVE...................................................................................................................................2 1. Objectifs et périmètres 2. Rappel de l’importance des secteurs d’activités culturelles dans le développement économique et social des Etats II. LES MECANISMES DE FINANCEMENT DES SECTEURS D’ACTIVITES CULTURELLES..........................................5 1. Les financements marchands 2. Les financements non marchands III. LES RISQUES INHERENTS AU FINANCEMENT DES SECTEURS D’ACTIVITES CULTURELLES..............................8 1. Caractéristiques générales 2. Les risques encourus par les investisseurs en fonds non marchands 3. Les risques encourus par les investisseurs en fonds marchands 4. Les risques encourus par les établissements de crédit IV. LES MECANISMES DE GESTION DES RISQUES INHERENTS AU FINANCEMENT DES SECTEURS D’ACTIVITES CULTURELLES................................................................................................................................................ 10 1. Le partage de risque par des organismes specialisés 2. Les concours financiers d’établissements spécialisés 3. La garantie de bonne fin V. DESCRIPTION DE QUELQUES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT ET DE GESTION DE RISQUE........................... 12 I. La Société de Développement des Entreprises Culturelles (SODEC) II. L’Institut de Financement du Cinéma et des Industries Culturelles (IFCIC) III. Le Fonds de Garantie des Industries Culturelles (FGIC) VI. QUESTIONS A EXPLORER AU NIVEAU DE LA COOPERATION INTERNATIONALE ......................................... 20 1. L’intégration des secteurs d’activités culturelles dans les politiques de coopération au développement 2. L’accès des entreprises culturelles aux financements 3. L’amélioration du cadre réglementaire des activités culturelles 4. Le renforcement des capacités managériales des entrepreneurs des secteurs de la culture
Les opinions exprimés dans le présent document, le choix des données et leur interprétation n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne reflétent pas nécessairement le point de vue de l’UNESCO. Les appelations employés dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position. Pour plus d’informations, veuillez contacter : g.alonso@unesco.org ou culturedev@unesco.org
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I. NOTE INTRODUCTIVE 1. Objectifs et périmètres L’importance des interactions entre culture et développement est de plus en plus reconnue tant par les économistes que par les organismes de coopération internationale. De nombreuses études et rencontres internationales ont mis en évidence la culture comme vecteur de développement durable. Elle représente aujourd’hui un potentiel de contribution à la croissance économique par la création de revenus et d’emplois, concourant ainsi à la réduction de la pauvreté notamment dans les pays en développement. Elle constitue également un facteur de cohésion sociale, d’affirmation et de renforcement des identités culturelles. Il demeure néanmoins que de nombreux pays, notamment ceux du Sud, ne sont pas encore en mesure d’exploiter tout le potentiel de leur culture au service de leur développement. Il subsiste en effet une grande disparité entre les pays concernant le dynamisme de leurs secteurs culturels et créatifs. Ceux des pays en développement rencontrent des difficultés pour trouver leur essor et susciter l’intérêt des décideurs. Malgré toutes les avancées effectuées sur les plans analytique et rhétorique, malgré les multiples réunions, colloques et déclarations portant sur ce sujet ces dernières années, les secteurs culturels demeurent insuffisamment considérés par les financiers et la coopération internationale. A titre d’exemple, en 2007 seulement 1,7 % des fonds de la coopération internationale (ODA) vont aux projets culturels selon l’OCDE. Ce constat paradoxal se fait de surcroît dans un contexte où les filières culturelles traversent depuis le milieu des années 1990 une phase de transition radicale : la globalisation et les nouvelles technologies transforment les modes de consommation, l’accès aux biens culturels et la nature même des entreprises culturelles ; les nouvelles approches financières (économie sociale, microcrédit, nouveaux partenariats public/privé, etc.) invitent à repenser la notion d’accès au capital dans ce secteur ; le développement de la micro‐entreprise modifie la structuration des filières culturelles. Ces différents éléments, facteurs de risques comme d’opportunités, constituent aujourd’hui des défis à relever pour les entrepreneurs et les investisseurs afin de contribuer durablement à un développement équilibré des secteurs culturels et créatifs. Au regard de ces éléments, l’UNESCO a souhaité replacer la culture au cœur des réflexions sur le développement. A l’occasion de la 35ème session de sa Conférence générale en octobre 2009, elle organisa un symposium intitulé « Culture et développement : une réponse aux défis du futur ? ». Ce dernier visait à relancer le débat sur la composante « culture » comme nouvelle clé pour un développement durable et plus équitable. La créativité des individus, des peuples et des sociétés fut réaffirmée avec force, comme étant une capacité de renouvellement permanent ainsi qu’une ressource inépuisable pour inventer des modèles alternatifs de développement intégrant les principes de la diversité culturelle. Parmi les autres idées soulevées lors de ce symposium, l’UNESCO a souhaité poursuivre la réflexion sur le financement de la culture et en particulier sur la perception qu’ont les différents acteurs du développement (investisseurs privés, agences de coopération, banques, etc.) des risques inhérents aux secteurs d’activités culturelles. Cette perception semble en effet constituer un frein majeur aux investissements dans ces secteurs, pourtant indispensables à leur croissance. Si les risques inhérents aux activités culturelles sont bien réels, ils ne sont pas pour autant plus élevés que ceux des autres secteurs de l’activité économique. En revanche, c’est l’appréciation et la gestion de ces risques qu’il convient de mettre en question, car elles requièrent une expertise spécifique et sont à l’origine des prises de décision des investisseurs. Ce rapport présente une analyse synthétique des principaux mécanismes de financement des activités et des entreprises culturelles, des risques inhérents à ces financements, ainsi que leurs modes de gestion. Il vise à contribuer à la réflexion sur les nouvelles approches à envisager pour favoriser les investissements dans les secteurs culturels des pays en développement lors d’un symposium prévu par l’UNESCO, les 16 et 17 avril 2010. Cet événement réunira des représentants de gouvernements, d’institutions financières internationales, d’agences de coopération bilatérale et multilatérale, de réseaux d’entrepreneurs culturels, etc. Dans ce document, le terme secteurs d’activités culturelles sera privilégié en lieu et place des expressions usuelles « industries culturelles » et « industries créatives » dont les définitions et les périmètres d’application sont restrictifs dans le premier cas, ou trop extensifs dans le second. Nous entendrons par activités culturelles, 2
les activités ayant comme objet principal la création, le développement, la production, la reproduction, la promotion, la diffusion ou la commercialisation de biens, de services ou de manifestations à contenu culturel et artistique. Le contenu culturel est défini comme une « création de l’esprit », une « production unique véhiculant des valeurs, des connaissances, des sensibilités artistiques, etc. ». Ces activités s’inscrivent dans des secteurs organisés d’une manière spécifique et composés d’une série d’étapes nécessaires pour permettre aux biens et services culturels d’être mis sur un marché ou bien proposés à un public. Plus spécifiquement, les secteurs d’activités concernés sont la musique, le cinéma et l’audiovisuel, l’édition et le livre, les patrimoines matériel et immatériel, les spectacles vivants, les arts visuels, les événements culturels, l’artisanat d’art, la mode et le design à contenu culturel, les nouvelles technologies appliquées à la culture, etc. 2. Rappel de l’importance des secteurs d’activités culturelles dans le développement économique et social des États ¾ Les atouts économiques des secteurs d’activités culturelles Les secteurs d’activités culturelles constituent un potentiel de développement économique équilibré. En témoigne les principales caractéristiques de leur dynamique économique : ‐ Les activités liées à la culture apportent une forte valeur ajoutée économique dans les pays développés, notamment dans les activités liées aux NTIC. ‐ Les secteurs d’activités culturelles sont intensifs en main d’œuvre. Certains, comme l’artisanat d’art et les métiers liés au tourisme culturel et à la conservation du patrimoine bâti, sont particulièrement riches en emplois pour les pays en développement. ‐ Dans les économies des pays en développement, notamment les plus pauvres d’entre eux, l’activité économique se concentre souvent dans quelques activités de production primaire (agriculture, élevage, pêche) ou d’extraction de matières premières. Les difficultés propres à ces économies font que les possibilités de diversification de l’économie sont rares. Les ressources culturelles issues du patrimoine et la créativité artistique, présentes dans toutes les sociétés, peuvent être valorisées dans ce but. ‐ La matière première des secteurs culturels est la créativité. Ce contenu, par définition, est propre à chaque communauté, à chaque peuple, à chaque Nation. Elle est de ce fait, difficilement délocalisable. Dans un contexte de concurrence économique exacerbée, au niveau international, la culture représente l’un des seuls atouts majeurs et un avantage comparatif non négligeable comme source de croissance qui ne peut être valorisée que par les créateurs et les opérateurs locaux eux‐mêmes. ‐ Les secteurs d’activités culturelles ont un fort potentiel d’exportation pour les pays en développement. Les spécificités liées aux traits culturels de chaque société peuvent en effet être capitalisées dans la production de biens et services culturels pour lesquels des marchés se développent à l’étranger. Les effets et l’impact des secteurs d’activités culturelles en termes économiques prennent plusieurs formes : ¾ Contribution économique directe en termes de valorisation des biens et services culturels Afin d’appréhender la contribution de l’économie de la culture au développement dans les pays du Nord, nous citerons, en exemple, les résultats d’une étude commandée par la Commission européenne1 . Elle porte sur la dynamique économique des secteurs dits des « industries créatives » 2 (qui ne correspondent pas tout à fait au périmètre des secteurs d’activités culturelles stricto sensu, mais les recouvrent pour l’essentiel) dans vingt‐cinq pays européens. Cette étude montre comment la culture tire le développement économique et social ainsi que 1
L’Economie de la culture en Europe, KEA European Affaires, pour la CE, janvier 2007 Arts visuels, arts du spectacle (comprenant l’opéra, les orchestres, le théâtre, la danse, le cirque), patrimoine (incluant les musées, les sites patrimoniaux et archéologiques, les bibliothèques et archives), musique, cinéma et audiovisuel, télévision et radio, édition, design, architecture, artisanat, publicité. 2
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l’innovation et la cohésion sociale. Le secteur culturel et créatif est un secteur de croissance, qui se développe plus rapidement que le reste de l’économie. Ainsi, le secteur a contribué au PNB européen à hauteur de 2,6% en 2003. A titre comparatif, la même année les activités immobilières contribuaient pour 2,1% au PNB, le secteur manufacturier alimentaire, des boissons et du tabac enregistrait une contribution globale de 1,9% et l’industrie textile enregistrait une contribution de 0,5%. Le secteur tire aussi la croissance d’autres secteurs de l’économie européenne, en particulier celui des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). La croissance globale de la valeur ajoutée du secteur a été de 19,7% en 1999‐2003, c’est‐à‐dire, 12,3% plus élevée que la croissance du reste de l’économie. Concernant l’emploi, le secteur présente de meilleures performances que le reste de l’économie. En 2004, 5,8 millions de personnes étaient employées dans le secteur des industries créatives (requérant souvent un haut niveau de qualification), ce qui représente 3,1% des emplois totaux dans les 25 pays étudiés. Alors que l’emploi total avait décru en 2002‐2004 dans l’UE, il avait augmenté dans le secteur culturel (+1,85%). Au niveau des pays en développement, nous citerons pour exemple l’étude sur le poids économique de la culture au Mali3 . Cette étude montre que l’impact direct des secteurs d’activités culturelles est significatif en termes de valeur ajoutée dans le produit national du Mali. Le poids économique direct de ces secteurs était de 2,38% du PIB en 2006 (Il est à noter que le calcul du PIB au Mali intègre les secteurs informels de l’économie, qui représentent en 2006, 57% du produit total du pays). A titre comparatif, le secteur « banque et assurances » participait la même année à hauteur de 1,7% du PIB du pays. Au niveau de l’emploi, le nombre total de postes de travail dans les secteurs de la culture était en 2004 de 115 000 emplois, en tant qu’activité principale, soit 5,8% de la population active au Mali. Le principal secteur d’activité de ce point de vue est l’artisanat d’art, qui assure plus de 100 000 postes de travail. Ce secteur contribue également de façon très significative aux revenus des ménages les plus pauvres en tant qu’activité non principale, avec 107 000 personnes exerçant une activité secondaire dans ce domaine (généralement des travailleurs agricoles qui ont une activité secondaire ou saisonnière dans l’artisanat). La plupart des emplois dans le secteur de la culture au Mali sont des emplois à bas revenus, bénéficiant à des couches très pauvres de la population. Ces secteurs d’activité sont ainsi un facteur important dans les efforts de lutte contre la pauvreté. ¾ Un moteur et une ressource pour le développement local L’impact économique direct des activités culturelles ne se limite cependant pas à la somme de la valeur des biens et des services produits par les opérateurs de ces secteurs. D’autres impacts importants découlent des activités culturelles et artistiques, notamment en ce qui concerne le développement local. Les manifestations et événements culturels, en particulier les festivals et autres manifestations artistiques destinées au grand public, ont un impact positif sur l’activité économique locale dans tous les secteurs. Ces événements culturels sont présents tant dans les pays du Nord que du Sud et représentent une importante source de revenus pour les économies locales. Dans des régions où peu d’autres ressources sont disponibles, les activités induites par les dépenses réalisées par les participants et le public des manifestations culturelles ponctuelles représentent souvent le poumon économique local. La dynamique générée autour des activités culturelles, du patrimoine ou des événements culturels au niveau de certaines localités permet, par la valorisation de leurs spécificités culturelles, un rééquilibrage du développement économique en faveur des régions et des zones en dehors des grandes agglomérations. Le développement des activités culturelles décentralisées contribue au développement économique et social des régions périphériques, par la mise en valeur des atouts culturels spécifiques. La valorisation d’activités culturelles, de sites du patrimoine, de monuments ou des infrastructures culturelles peuvent servir de moteur pour la redynamisation et la renaissance des villes ou de communautés. A titre d’exemple, au Sénégal, l’inscription de Saint‐Louis sur la liste de l’UNESCO du patrimoine mondial a permis un regain d’intérêt pour cette ville qui a vu le nombre de ses visiteurs quintupler de 2000 à 2008. 3
L’Economie de la Culture au Mali, IBF pour la CE, janvier 2007.
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II. LES MECANISMES DE FINANCEMENT DES SECTEURS D’ACTIVITES CULTURELLES Au regard de l’importance des enjeux culturels, politiques et économiques accordés par certains pouvoirs publics et la société en général aux secteurs d’activités culturelles, leur financement est très fréquemment mixte. La plupart des entreprises et projets culturels sont financés, d’une part, par des sources de financement « marchandes », c’est‐à‐dire répondant à une logique de rentabilité et de marché et, d’autre part, par des sources de financement « non marchandes », c’est‐à‐dire sans contrepartie de rentabilité liée au marché. En fonction des types d’activités, de l’environnement économique et du pays concerné, la composition du financement entre sources marchandes et non marchandes prend toutes les combinaisons et formes possibles. Certaines activités font appel essentiellement au financement de marché et d’autres s’appuient complètement sur des ressources non marchandes. Même dans ce dernier cas, les activités comporteront toujours une composante marchande, car les entreprises chercheront à développer des sources de revenus propres, faisant appel à des techniques de marché, comme la vente de produits dérivés ou les diverses formes de publicité pour attirer le public. 1. LES FINANCEMENTS MARCHANDS Afin d’appréhender les sources de financement marchandes des différents secteurs culturels, il est nécessaire de distinguer le « financement de projets » du « financement d’entreprises ». ¾ Le financement de projets Certaines activités culturelles sont financées essentiellement sur la base de la production d’un projet spécifique, tel que la production d’un film, d’une œuvre audiovisuelle ou d’un spectacle vivant. Il convient de signaler que cette technique de financement par projet a été développée (en particulier dans le secteur cinéma/audiovisuel et des spectacles) en raison de l’importance des ressources nécessaires pour la production des œuvres et du risqué lié aux investissements. Les sources de financement dans ce cas de figure sont pour l’essentiel générées par le projet lui‐même. Afin de minimiser les risques, l’entreprise de production cherchera des sources de préfinancement certaines et connues à l’avance couvrant une partie substantielle, voire la totalité, du projet. Les financements les plus classiques en matière de projets, notamment la production d’œuvres audiovisuelles ou de spectacles sont : o les apports des distributeurs et des diffuseurs sous forme d’à‐valoir (minima garantis) en contrepartie des droits exclusifs de commercialisation et/ou de diffusion du projet financé sur une période déterminée. Ces minima garantis peuvent également concerner les droits d’exploitation dérivés de l’œuvre (vente de marchandises, de disques…) o les préventes des droits de diffusion de l’œuvre aux chaînes de télévision, aux salles de spectacle… o les apports en fonds propres des coproducteurs o les apports des partenaires en « sponsoring » o les recettes de billetterie identifiées au préalable. Ces financements sont identifiés, acquis et chiffrés avant le début de la production de l’œuvre. Cependant, bien que chiffré et connu à l’avance, le versement effectif des sommes (préventes, minima garantis…) ne se concrétisera qu’après la fin de la production et de la livraison de l’œuvre financée. L’intervention des banques dans ce type de projets devient indispensable, car les besoins financiers des producteurs de contenu se font sentir en amont de la disponibilité des financements, même quand ceux‐ci sont connus d’avance. Dans ces conditions, le banquier intervient en préfinancement de l’œuvre et son rôle peut être considéré plus comme un « relais de trésorerie » que comme un « financement » à part entière. Il escompte tout simplement des recettes futures connues qui ne seront versées à l’entreprise qu’en cas de livraison de l’œuvre. Le risque financier du projet est donc partagé entre le banquier, qui avance les fonds et qui prend le risque d’inachèvement et de non‐livraison de l’œuvre, et les pré‐acheteurs du produit (distributeurs, diffuseurs, etc.) qui assument le risque commercial lié à l’exploitation de l’œuvre. 5
Il est plutôt rare, du fait du risque commercial très élevé, de trouver des ressources bancaires dans le domaine du financement de projets qui ne soient pas appuyées sur des créances acquises. Le banquier va alors couvrir son préfinancement par le nantissement des créances (préventes, minima garantis) et le nantissement des éléments corporels et incorporels de l’œuvre à produire. ¾ Le financement d’entreprises En dehors des activités de production de contenu analysées ci‐dessus, le financement de la plupart des entreprises des secteurs culturels se rapproche du financement classique des autres secteurs de l’économie, quoique les risques inhérents à ce type d’entreprises et le manque de connaissances des banquiers sur le modèle économique de ces secteurs génèrent une méfiance de la part du système financier traditionnel. Les sources et les techniques de financement dépendent des secteurs d’activités et du type d’entreprises concernées, qu’il convient d’évoquer de façon séparée. Industries techniques du cinéma et de l’audiovisuel, de la musique, du livre et radio (prestataire de matériel technique : laboratoires, auditorium, studio…). Ce secteur est extrêmement important et demande un financement conséquent. Il s’agit ici pour l’essentiel de financement d’équipements et du matériel technique. Leur financement prend la forme de crédits d’investissement matériels classiques, de crédits‐bails, de locations financières. Ce type de financement est possible en raison de l’existence de garanties réelles sous la forme du matériel financé, pour lesquels il existe des marchés secondaires relativement développés. Le financement ici est donc assuré essentiellement par des banques et des sociétés de crédit‐bail. Le problème particulier que rencontrent les entreprises et les banquiers dans ce secteur est la rapidité de l’obsolescence du matériel financé face à l’importance des investissements nécessaires. Ceci suppose l’existence d’un marché (national et/ou international) de taille suffisamment grand pour assurer l’amortissement des investissements dans les délais requis. Salles de cinéma, salles de spectacles, théâtre, galeries d’art. Le financement de ces activités prend généralement la forme de financements immobiliers, pour la construction, l’acquisition, la réhabilitation ou l’aménagement de locaux. Le financement bancaire dans ce cas se matérialise par des crédits immobiliers classiques, systématiquement appuyés sur l’hypothèque des locaux financés. Des formes de financement du type crédit‐bail immobilier ou même de location financière sont possibles et même courantes dans ce secteur. Naturellement, ici le risque de perte pour le financier est réduit en raison de l’existence de garanties immobilières, rares dans d’autres types d’entreprises culturelles. Néanmoins, l’importance des investissements requis et la faible visibilité commerciale des projets inhibent tant les promoteurs culturels que les investisseurs du secteur, en particulier dans les pays en voie de développement. Edition de livres, de disques, etc. Les besoins de financement les plus typiques sont liés à l’accroissement des besoins de fonds de roulement associés à la production des œuvres, le cycle de production étant plus court que les délais d’écoulement des produits (livres, disques…). Quand il s’agit d’entreprises possédant déjà un catalogue ou un fonds éditorial significatif, une partie des besoins peut être financée par des ressources propres générées par l’exploitation de ceux‐ci, mais tout développement significatif du fonds éditorial ou du catalogue passe par un financement externe. Le recours au système financier est nécessaire et difficilement substituable par d’autres sources de financement marchandes. Or, le risque commercial et la fragilité des entreprises opérant dans ce créneau raréfient les ressources disponibles pour leur développement. Librairies. Ici, deux types de besoin de financement peuvent être distingués : ceux liés aux aménagements des locaux (achat, achalandage, etc.) et ceux liés au financement du stock. En l’absence de sources de financement autres que les fonds propres, les ressources bancaires sont indispensables pour le développement des librairies. L’analyse des plans d’affaires dans ce secteur est proche de toute entreprise commerciale, avec quelques nuances propres au marché du livre. Les garanties réelles sont rares. Pour terminer, il convient de souligner que chaque secteur culturel est composé de différents acteurs allant du producteur de contenu jusqu’au distributeur final. La performance d’un secteur dépend de la possibilité de chaque chaînon d’activité d’assurer son rôle de manière convenable. Le financement d’une entreprise de la chaîne de production va ainsi se traduire par des ressources accrues pour tout le secteur, car les recettes 6
provenant des « ventes » d’une œuvre culturelle seront reparties parmi tous les ayants droit des œuvres : le producteur de contenu, l’auteur, le distributeur, etc. Chaque composante du secteur recevra une partie des recettes de ventes en fonction des contrats existants entre les parties. A titre d’exemple, le financement de salles de cinéma permet aux films produits d’être mieux exposés et de générer des retombés financiers pour les producteurs, les distributeurs... (Ce phénomène a été une des raisons fondamentales de l’amélioration de la situation du cinéma dans de nombreux pays européens). 2 LES FINANCEMENTS NON MARCHANDS La particularité du financement des secteurs culturels par rapport à d’autres secteurs de l’économie est illustrée et mise en exergue par les vifs débats et négociations qui ont été menés dans les instances multilatérales, notamment à l’OMC et à l’UNESCO, en vue de l’adoption d’un cadre normatif international dit « de défense de la diversité culturelle » autorisant chaque pays à élaborer et à établir des politiques spécifiques d’appui et d’aide aux différents secteurs de la culture. La convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles a, parmi ses objectifs, celui de permettre et/ou de pérenniser des formes d’aide et de soutien qui sont peu à peu proscrites pour les autres secteurs de l’économie. Les sources de financement non marchandes sont spécifiques à chaque pays et dépendent des politiques de soutien culturel mises en place ; mais il est évident qu’elles ne sont pas nombreuses dans les pays en voie de développement. Dans la plupart des pays développés, pratiquement tous les secteurs culturels sont l’objet de politiques de soutien spécifiques. Ces politiques se déclinent sous plusieurs formes. Des appuis et des financements directs des pouvoirs publics sous forme de : o aides financières (subventions, avances remboursables, etc.) o investissements et achats publics (livres pour les bibliothèques et écoles, œuvres d’art destinées aux musées ou à l’espace public, spectacles, etc.) o politiques de prix unique pour certains biens culturels, o traitements fiscaux préférentiels (crédits d’impôt, taux de TVA réduit, etc.) Ces types d’aides sont généralement assurés par les gouvernements. Cependant, depuis plusieurs décennies, un nombre de plus en plus croissant de collectivités territoriales (provinces, régions, municipalités) mettent en œuvre des dispositifs propres d’aides aux secteurs culturels en complément de ceux des gouvernements. Dans certains pays, les financements publics passent par des entités non directement liées à l’Etat mais qui remplissent le même rôle. C’est le cas, par exemple, de la British Lottery qui finance largement les activités culturelles au Royaume Uni. Le financement du secteur privé o en contrepartie d’avantages fiscaux accordés par les pouvoirs publics, les entreprises du secteur privé interviennent dans le financement non marchand des secteurs d’activités culturelles sous différentes formes : mécénat, fondations, bourses, etc. Ces formes de financement sont fréquentes pour certaines filières, en particulier dans les pays anglo‐saxons. Ces différentes formes de financement, qu’elles soient directement accordées par les pouvoirs publics ou le secteur privé, sont souvent mises à la disposition des entreprises avec un certain décalage entre le moment où le besoin de financement se fait pressant et le moment où les fonds sont versés. L’intervention du système bancaire est nécessaire ici afin d’assurer le relais de trésorerie indispensable au fonctionnement des activités. Cette intervention sera essentiellement couverte par les financements non marchands à recevoir. Naturellement et dans tous les cas, le banquier et l’entreprise culturelle élaborent leur plan de financement en tenant compte de l’ensemble de sources de financement connues, celles provenant des sources marchandes ainsi que celles apportées à but non lucratif. Des sources de financement non marchandes confortent la viabilité d’un projet, car elles ne génèrent pas, d’une façon générale, de charges financières importantes ou d’obligations de remboursement. 7
En complément des appuis apportés par les pouvoirs publics, il convient de relever que certaines sources de financement marchandes répondent à une obligation imposée par les pouvoirs publics aux différents opérateurs privés. Par exemple, les chaînes de télévision dans la plupart de pays européens se sont vues imposer, sous diverses formes, des obligations d’achat de productions nationales ou régionales. Ces sources de financement peuvent parfois être déterminantes pour l’économie d’un secteur, comme c’est le cas de la production cinématographique et audiovisuelle en France.
III. LES RISQUES INHERENTS AU FINANCEMENT DES SECTEURS D’ACTIVITES CULTURELLES La perception des risques par les financiers non spécialisés dans les secteurs d’activités culturelles génère une forte méfiance vis‐à‐vis des entreprises de ces secteurs. Cela explique leur réticence à accorder des financements en l’absence le plus souvent de sûretés matérielles. L’analyse ci‐après ne prétend pas recenser tous les risques que présentent les activités et les entreprises culturelles, mais elle permet d’identifier les plus importants. 1. CARACTERISTIQUES GENERALES De manière générale, trois grands types de risque peuvent être décelés dans les secteurs d’activités culturelles. ¾ Le risque commercial Le principal risque associé aux activités culturelles provient de la difficulté de prévoir le succès commercial d’une œuvre. Le risque commercial est expliqué par l’impossibilité de prévoir l’accueil que le public accordera à une production culturelle. Ce risque introduit un élément aléatoire important dans l’estimation des recettes futures générées par une activité culturelle et n’est pas de nature à rassurer les financiers. Cela explique le choix opéré par les financiers spécialisés dans ces secteurs, qui privilégient certaines formes de financement spécifiques (préventes, minima garantis, subventions, etc.). Même dans ce cas, les préfinancements acquis dépendent de la capacité de paiement de l’acheteur (salles de spectacles, chaînes de télévision, distributeurs, etc.) et des bailleurs de fonds non marchands. Il existe donc un autre risque lié à la solvabilité de ces derniers qui doit être analysé par le financier. ¾ Le risque lié à la pérennité de l’entreprise Le plan d’affaires d’une entreprise culturelle en phase de démarrage est complexe à évaluer, car il est difficile de juger de la réceptivité des produits culturels auprès de la clientèle cible. Par contre, lorsqu’une entreprise est active depuis quelques années, l’analyse de sa pérennité peut s’appuyer sur les paramètres objectifs liés à sa structure financière et à ses résultats passés. Or, les entreprises culturelles, en dehors des grands groupes intégrés, sont pour la plupart et dans presque tous les secteurs et pays, des PME avec une base financière faible et une insuffisance chronique de fonds propres. L’incapacité d’attirer des fonds propres conséquents fait que les financiers sont souvent confrontés à d’importants risques de pérennité et de défaillance de ces entreprises. Au‐delà de la structure financière, la pérennité de l’entreprise culturelle peut‐être menacée par la rupture des liens d’affaires avec les principaux fournisseurs de contenus (écrivains, chanteurs, scénaristes, producteurs, etc.) et/ou l’incapacité de découvrir de nouveaux talents et de renouveler son portefeuille. Par exemple lorsque la majorité des revenus sont générés par quelques auteurs ou fournisseurs de contenu, le départ d’un seul peut entraîner une baisse importante du chiffre d’affaires et, à terme, menacer la survie de l’entreprise. ¾ Le risque lié à la gestion des droits et le piratage La plupart des œuvres culturelles sont soumises à des contrats de cession de droits entre les différents intervenants : du créateur jusqu’au diffuseur final. Ces contrats sont à la base des interventions des apporteurs de fonds qui se couvrent par le biais de nantissements, de cessions ou d’hypothèques des droits d’exploitation et/ou sur les recettes futures. 8
A titre d’exemple, si le contrat de cession des droits de l’auteur au producteur est frappé de nullité, pour une raison ou une autre, c’est l’ensemble des contrats d’exploitation et de nantissement consenti par le producteur à des tiers (distributeurs, diffuseurs, financiers, etc.) qui ne pourra plus trouver d’application. Il est donc indispensable de minimiser le risque juridique lié à ces différents contrats, par le biais d’une expertise légale appropriée. Par ailleurs, les entreprises culturelles se voient souvent confrontées à une spoliation de leurs droits sur les œuvres par le biais du piratage et elles se trouvent dans l’incapacité de rentabiliser leurs investissements alors qu’il existe bel et bien un marché pour ces œuvres. Dans de nombreux pays en voie de développement, le piratage freine les investissements dans les secteurs d’activités culturelles ou confine celles‐ci à une dimension purement informelle sans perspective de développement économique. Ce risque, qui ne peut être combattu que par la volonté des pouvoirs publics avec l’appui d’organismes internationaux, est sérieusement pris en compte par les financiers qui sont d’autant plus réticents à financer des entreprises culturelles. 2. LES RISQUES ENCOURUS PAR LES INVESTISSEURS EN FONDS NON MARCHANDS Les apporteurs de fonds non marchands ‐ secteur public, mécénat, fondations, etc.‐ ne sont pas à la recherche de rentabilité pour leurs investissements. Les apports ne sont pas tributaires de la rentabilité qu’ils génèrent et sont assez couramment apportés à fonds perdu. Ce sont ces ressources à but non lucratif qui permettent d’assurer l’équilibre financier (voire la rentabilité) et la survie des différents acteurs culturels dans les secteurs d’activité où les recettes marchandes ne sont pas suffisantes. Les risques encourus sont de deux ordres : o risque sur la capacité de l’entreprise à trouver les cofinancements nécessaires lui permettant d’équilibrer le financement du projet et/ou du développement de l’entreprise ; o risque sur la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements, notamment en matière de fabrication et de livraison des biens et/ou services financés. Dans la pratique, ces risques sont évalués et pris en compte lors de la décision d’octroi de financement par les apporteurs de fonds non marchands. 3. LES RISQUES ENCOURUS PAR LES INVESTISSEURS EN FONDS MARCHANDS Les apporteurs de fonds marchands, banquiers, investisseurs professionnels, etc. sont soumis aux mêmes contraintes de rentabilité que dans les autres secteurs de l’économie. Les risques encourus prennent différentes natures selon que l’on se situe dans la production de contenus ou dans les secteurs de la commercialisation et des industries techniques. En regroupant les principaux secteurs en fonction de leur financement, on peut distinguer les risques suivants : ¾ Risques d’investissement dans les entreprises de production de contenu La caractéristique des activités des entreprises de production de contenu (producteurs cinéma et audiovisuel, producteurs de spectacles, éditeurs de livres et de musique) est qu’elles peuvent être appréhendées et analysées comme des activités de capital‐risque. Chaque produit est un prototype et le succès commercial est très difficile, voire impossible, à prévoir à l’avance, a fortiori, quand les moyens de promotion ne sont pas massifs et la taille du marché relativement modeste. Sur l’ensemble des œuvres produites, seulement un nombre réduit trouvera un marché significatif et pourra être rentabilisé. L’entreprise va donc produire des prototypes, dont un, de temps en temps, se révélera être un succès commercial qui va permettre d’assurer une rentabilité suffisante à long terme. Cette rentabilité ne peut pas être assurée, ni même espérée, pour chacun des « prototypes » produits ou commercialisés, mais elle sera recherchée plutôt à moyen et long terme. A l’instar des sociétés de capital risque, les entreprises de production de contenu ne peuvent se pérenniser que si elles sont capables de générer à terme un certain nombre de « projets à succès » permettant de rentabiliser la production de l’ensemble de projets financés. ¾ Risques d’investissement dans les entreprises du secteur des industries techniques Les entreprises du secteur des industries techniques du cinéma et de l’audiovisuel, de la musique et du livre (prestataires de matériel technique : laboratoires, auditorium, imprimerie, unité de reproduction…) se 9
caractérisent par l’importance des investissements nécessaires pour suivre l’évolution technologique du fait d’une rapide obsolescence du matériel technique. Le principal risque ici est la disponibilité d’un marché (national et/ou international), d’une taille suffisamment importante et solvable, pour assurer un retour sur investissement avant l’obsolescence du matériel financé. Cependant, le risque de perte pour le financier est réduit en raison de l’existence de garanties matérielles. ¾ Risques d’investissement dans les salles de cinéma, salles de spectacles, théâtre, galeries d’art, librairies, etc. Le risque ici porte sur la faible visibilité commerciale du secteur, car l’offre des contenus (films, spectacles, livres, objets d’art, etc.) ne dépend pas uniquement de ces exploitants et le succès de l’offre de programmation est aléatoire. Cependant, le risque de perte pour le financier est réduit en raison de l’existence de garanties immobilières. 4. LES RISQUES ENCOURUS PAR LES ETABLISSEMENTS DE CREDIT Les risques encourus par les établissements de crédit sont les mêmes que ceux décrits plus haut. Il convient en outre de souligner que quel soit le type de financement d’un projet culturel (sources marchandes ou non marchandes), l’entreprise fait systématiquement appel à des crédits bancaires afin de combler le décalage dans le temps entre les besoins et les disponibilités des ressources (même quand elles sont de provenance non marchande). Cette situation place les banquiers dans la position qui est la sienne dans tout secteur d’activité : ils sont les acteurs économiques incontournables dans la stratégie de développement de toute entreprise.
IV. LES MECANISMES DE GESTION DES RISQUES INHERENTS AU FINANCEMENT DES SECTEURS D’ACTIVITES CULTURELLES L’appréciation et la gestion des risques inhérents au financement des secteurs d’activités culturelles exigent une expertise de haut niveau sur le fonctionnement des filières culturelles, le cadre juridique et institutionnel dans lequel évoluent ses filières ainsi qu’une bonne connaissance des pratiques des différents intervenants. La méconnaissance de ces spécificités par les établissements financiers classiques et autres investisseurs non spécialisés ont conduit certains pays à mettre en œuvre, d’une part, des mécanismes de partage de risque avec les banques qui apportent un concours financier à des entreprises et activités culturelles, et d’autre part, des dispositifs d’investissement directs à travers la création d’organismes financiers spécialisés. La caractéristique commune de ces deux approches est la spécialisation qui permet d’accumuler un savoir‐faire et une expertise spécifique dans l’évaluation des risques afin d’apporter des outils de financement adaptés à la nature singulière des activités culturelles. Compte tenu de leur expertise, les organismes financiers spécialisés dans le financement des entreprises culturelles subissent moins de défaillance en termes de remboursement de crédits que ceux des autres secteurs de l’activité économique. En France par exemple, le taux de sinistralité de l’Institut de Financement du Cinéma et des Industries Culturelles (IFCIC) oscille entre 0,3% et 1,9% de ses encours 4 . En revanche, le taux de sinistralité d’Oséo Garantie (organisme qui apporte sa garantie sur les opérations de crédit des PME des autres secteurs de l’activité économique) était en 2008 de 2,7% du total des encours 5 . Au Québec, la Société de Développement des Entreprises Culturelles (SODEC) connaît un taux de mauvaises créances de moins de 4 % et cela lui a permis de maintenir intacte, depuis plus de 30 ans, sa dotation initiale de 20 M$ 6 . 1. LE PARTAGE DE RISQUE PAR DES ORGANISMES SPECIALISES Le partage du risque est généralement assuré par des organismes financiers grâce à la dotation d’un Fonds de garantie par les pouvoirs publics dont l’objectif est de promouvoir le développement des entreprises culturelles en leur facilitant l’accès au financement. 4
Rapport annuelle 2008 IFCIC Rapport annuelle 2008 Oséo 6 Note de présentation produite par la Sodec à l’occasion du Séminaire sur l’analyse économique et financière des industries culturelles (Tunisie mars 2003) 5
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Le fonds de garantie agit par le biais d’un allégement du risque supporté par un établissement de crédit, lorsque celui‐ci finance un projet en faveur d’une entreprise éligible, en prenant en charge une partie du risque de perte financière finale associé à l’opération. Le fonds de garantie a donc comme rôle d’inciter les banques à intervenir dans ces secteurs, par le biais d’escompte de recettes futures, dans le cas de financement de projets, ou par des crédits plus classiques dans le cas de financement d’entreprises. L’intervention d’un fonds de garantie s’insère dans un mécanisme de marché. Il ne supplante pas le banquier dans son rôle central d’interlocuteur des entreprises. L’établissement de crédit fait appel au fonds de garantie lorsqu’il considère que le risque inhérent à l’opération de financement dépasse sa propre capacité de prise de risque. En prenant en charge une partie du coût du risque, le fonds de garantie permet simplement aux organismes de crédit (banques, crédit‐bailleurs, organismes spécialisés) de financer des projets qui seraient autrement considérés comme trop risqués pour être financés dans le cadre d’une opération marchande. La garantie apportée bénéficie directement à l’établissement de crédit et ne se substitue pas aux sûretés habituelles couvrant l’opération (nantissements, sûretés réelles et personnelles, cessions de recettes…). Les sûretés sont prises par compte commun, c’est‐à‐dire, qu’elles bénéficient à la banque et au fonds de garantie au prorata de leurs parts respectives de risque, car ils se partagent la perte finale associée à une opération défaillante. Le partage du risque permet par ailleurs aux établissements de crédit d’accorder des conditions de financement plus intéressantes aux entreprises. Ainsi, il peut être pratiqué un taux d’intérêt inférieur qui tient compte de la réduction du coût du risque. Toutefois, il convient de souligner que le coût du risque d’une opération n’est qu’un des composants du taux d’intérêt final pratiqué par l’établissement de crédit, mais il représente néanmoins un des éléments fondamentaux pris en compte par un organisme de crédit lors de l’évaluation d’une opération de crédit. Au‐delà du partage de risque, l’intervention d’un fonds de garantie est l’assurance, pour les établissements de crédit, d’une expertise de haut niveau sur les risques de l’opération financée par les spécialistes de l’organisme gestionnaire du Fonds. 2. LES CONCOURS FINANCIERS D’ETABLISSEMENTS SPECIALISES Il s’agit d’établissements financiers qui, de par leur expertise dans l’analyse et l’évaluation des risques inhérents aux activités culturelles, sont entièrement dédiés aux entreprises culturelles avec souvent des niveaux de spécialisation uniquement sur certaines activités. Leurs interventions prennent essentiellement la forme de concours financiers sous forme de prêt aux entreprises de ces secteurs. Dans certains pays, des organismes financiers ont reçu des pouvoirs publics une mission de contribution au financement de certaines catégories d’activités (par exemple, les plus fragilisées par les mutations technologiques et économiques) ou d’entreprises présentant un intérêt stratégique. Ces interventions passent par la dotation d’un fonds d’investissement afin d’accorder des concours financiers sous forme de prêt en complémentarité avec d’autres établissements financiers classiques et/ou pour prendre des participations dans certaines catégories d’entreprises. 3. LA GARANTIE DE BONNE FIN Le système de la garantie de bonne fin est propre au secteur de la production cinématographique. Il est utilisé dans de nombreux pays, notamment les USA, le Canada, l’Angleterre, l’Allemagne… La garantie de bonne fin est un contrat aux termes duquel une société tierce (le garant de bonne fin) s’engage auprès de certains financiers du film (les bénéficiaires) pour le compte d’un producteur, à leur garantir que le film sera livré à une date donnée pour un budget déterminé à l’avance. Ce contrat vient donc se substituer à l’engagement de bonne fin que prend initialement le producteur de l’œuvre à l’égard de ses partenaires financiers. Le garant a pour objectif de prémunir les investisseurs contre tout dépassement ou livraison tardive si elle leur est préjudiciable.
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La principale source de discussion entre le garant et le producteur est le « strike price ». Il s’agit du montant de dépenses minimum dans le film que le garant impose. Ce n’est qu’une fois le strike price atteint et financé que le garant pourra être mis en jeu. Une fois mise en jeu, la garantie peut prendre deux formes, au choix du garant : ‐ soit le garant interrompt la production et rembourse aux bénéficiaires les sommes qu’ils ont avancées ; ‐ soit le garant poursuit la production et avance les sommes éventuellement nécessaires à l’achèvement de l’œuvre. Au Canada la garantie de bonne fin est ainsi dénommée « garantie d’achèvement ». Le cas échéant, cette décision s’accompagne d’un « take over », c’est‐à‐dire d’une prise de contrôle plus ou moins importante du film par le garant.
V. DESCRIPTION DE QUELQUES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT ET DE GESTION DE RISQUE I. LA SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DES ENTREPRISES CULTURELLES (SODEC) / QUEBEC 1.1 Rappel historique Considérant le rôle stratégique que joue la culture et plus précisément les industries culturelles dans l’affirmation de sa spécificité, le Québec a très tôt déterminé comment il entendait soutenir l’action culturelle sur son territoire. Depuis le début des années 1960 et pendant longtemps, l’intervention du gouvernement relevait essentiellement d’un ministère dit des Affaires culturelles. En 1978, devant l’évolution des besoins et face à la nécessité de pourvoir au financement des entreprises culturelles, en raison notamment de leur sous‐capitalisation, de leur taille réduite, de l’exiguïté du marché québécois ainsi que du faible niveau d’exportation de leurs produits, le gouvernent créa la Société de développement des industries culturelles et des communications (SODICC), disposant au départ d’une dotation de 10 M$ CAN. Avec une vocation de « banque spécialisée », la SODICC avait pour objectif d’offrir aux entreprises culturelles des outils de financement auxquels elles ne pouvaient accéder auprès des institutions financières traditionnelles qui n’acceptaient pas de courir les risques inhérents aux secteurs de la culture. La croissance des besoins des entreprises culturelles et la réussite des outils mis en place a incité le gouvernement à augmenter le capital de la SODICC à 20 M$, en 1982. Depuis, cette dotation n’a jamais été augmentée. A la suite d’une consultation qui a porté à la fois sur le bilan des actions menées jusqu’alors et sur une hypothèse de réorganisation des structures, la SODICC est devenue la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) en 1995. 1.2 Les fonctions de la SODEC La SODEC assure la cohérence de l’action gouvernementale québécoise dans les secteurs culturels en exerçant quatre fonctions complémentaires : o Elle offre les services d’une banque d’affaires. Ces services comprennent le prêt et la garantie de prêt et, exceptionnellement, elle investit au projet et en capital‐actions. o Elle administre l’aide gouvernementale destinée aux entreprises culturelles pour soutenir la production, la diffusion et l’exportation des œuvres. Cette aide est accordée sous forme d’investissement au projet, de subvention ou d’aide remboursable. o Elle gère les mesures d’aide fiscale aux entreprises culturelles du gouvernement qui prennent la forme de crédits d’impôt remboursables sur les coûts de main d’œuvre liés à la création et à la production des œuvres. o Elle mène ou participe à des recherches et analyses sectorielles et coordonne le travail de diverses commissions consultatives. La SODEC a également contribué à la création du Fonds d’investissement de la culture et des communications (FICC) dont elle détient un tiers du capital. Il s’agit d’un fonds de capital‐risque qui prend des participations dans des entreprises. La SODEC est aussi partenaire de la Financière des entreprises culturelles (FIDEC), une société en commandite dotée d’un capital constitué de fonds publics et privés qui a pour mandat d’investir dans des projets dont la portée est internationale. 12
1.3 Les interventions de la SODEC comme banque d’affaires Les interventions de la banque d’affaires de la SODEC s’effectuent dans les différents domaines du secteur de la culture et des communications. Ses dispositifs de financement visent à répondre à l’ensemble des besoins financiers de l’entreprise. Ils utilisent les outils financiers généralement offerts par les institutions financières, soit : le prêt à terme, le crédit renouvelable, la garantie de prêt et, exceptionnellement, l’investissement au projet et le capital‐actions. La SODEC privilégie la garantie de prêt dans le cas d'un financement à terme. L’investissement au projet et le capital‐actions sont utilisés exceptionnellement et uniquement dans des projets majeurs visant une structuration industrielle. La SODEC joue alors un rôle proactif dans le développement du projet, mais constitue une source de financement de dernier recours. Elle privilégiera d'orienter les projets à la Financière des entreprises culturelles (FIDEC) et au Fonds d'investissement de la culture et des communications (FICC). La SODEC catégorise chaque dossier selon le type de financement requis par le client. Les types de financements possibles se regroupent selon les trois catégories suivantes, dont seule la dernière ne peut prendre la forme d’une garantie de prêt : Les opérations conventionnelles Dans cette catégorie, on retrouve notamment les opérations de financement comme l’escompte de billetteries, de commandites, de subventions, ou tout autre contrat et l’acquisition d’immobilisations ou de stock par l’entreprise. Les financements offerts dans cette catégorie permettent aux entreprises de bénéficier de crédit en contrepartie des sûretés généralement non reconnues ou trop spécialisées pour les institutions financières traditionnelles. Le développement Ce type de financement vise à soutenir le fonds de roulement des entreprises. Il permet de répondre à l’ensemble des besoins d’une entreprise en bonne santé financière, pour réaliser ses différents projets d’expansion. Les exemples de financement admissibles sont : la commercialisation de produits sur de nouveaux marchés, le développement de nouveaux concepts ou de nouveaux produits, les initiatives d’exportation, l’ouverture de nouveaux points de vente, l’acquisition d’entreprises étrangères (en partie ou en totalité) permettant d’améliorer le positionnement sur les marchés étrangers. Ce type de financement peut aussi être offert pour la création d’entreprises dans des créneaux nouveaux et sans concurrence, lorsque l’ensemble des composantes du projet indique que les chances de succès sont élevées. Le redressement Ce type de financement ne peut pas prendre la forme d’une garantie de prêt puisque, par définition, le demandeur devra démontrer que le financement requis n’est pas disponible ailleurs à des conditions qui permettent la viabilité de l’entreprise. Ce type de financement sert à maintenir en opération une entreprise existante qui connaît des difficultés financières temporaires, et dont la disparition entraînerait des retombées négatives sur son secteur. Tout investissement pour de nouvelles immobilisations ou visant l’expansion des opérations normales de l’entreprise, non essentiel à sa survie, ne peut faire l’objet d’un financement dans cette catégorie. Le demandeur doit par ailleurs démontrer que son entreprise est potentiellement rentable à court terme. 1.4. Le rôle de la SODEC en complémentarité avec les autres partenaires financiers Les besoins totaux de financement excèdent parfois la capacité des banques traditionnelles, à cause du manque de couverture de garanties, liée à une approche conservatrice de la valeur de liquidation des actifs pris en garantie. La SODEC peut alors intervenir en complémentarité et ainsi rassurer la banque quant à la capacité de l’entreprise à réaliser ses prévisions financières, puisqu’elle a tous les outils nécessaires. La banque a toujours une priorité de rang sur les actifs qu’elle finance (comptes à recevoir, inventaires, équipement, immeubles). La SODEC accepte un deuxième rang hypothécaire et peut accorder une valeur de liquidation aux actifs hors bilan (droits, bande maîtresse, etc.) après évaluation. La présence de la SODEC, en partenariat avec les institutions financières, incite ces dernières à consentir aux entreprises culturelles des taux d’intérêt créditeur relativement plus bas. La SODEC amène également les institutions financières à investir dans une activité économique dans laquelle elles n’étaient pas suffisamment 13
engagées, pour favoriser des activités réputées sensibles pour les institutions financières, dans des branches d’activités nouvelles ou en mutation. 1.5. La relation de la SODEC avec les autres agents économiques La relation de la SODEC avec les autres agents économiques repose sur deux dimensions de son action : l’analyse stratégique et l’analyse financière. En effet, en produisant des études qui permettent de comprendre l’environnement complexe des entreprises culturelles, la SODEC contribue à la connaissance des industries culturelles tout en déterminant leur apport à l’économie du Québec. Au premier chef, à la lecture de ces études, les acteurs du secteur d’activités prennent conscience de la réalité intrinsèque de leur champ d’action, ce qui a pour résultat de faciliter la mise en perspective des problèmes qu’ils rencontrent. D’autre part, en diffusant cette information dans les milieux culturels, économiques et politiques, la Société contribue au débat public et à une meilleure compréhension de la culture et de ses organisations. En partageant ses réflexions et ses analyses financières avec une diversité d’agents économiques, locaux, régionaux et nationaux, la SODEC permet une confrontation des points de vue et une lecture approfondie des enjeux que comporte le financement des projets et des plans d’affaires. Dans ses échanges avec les ministères, les autres sociétés d’État, les fonds spécialisés, les investisseurs, et bien entendu les banques, la SODEC véhicule une lecture qui se veut franche et lucide face aux domaines qu’elle finance. Son expérience lui permet de mettre en perspective les conjonctures et de proposer des solutions qui rassurent l’ensemble des partenaires. 1.6. Le Fonds d’investissement de la culture et des communications (FICC). Le Fonds d'investissement de la culture et des communications (FICC) est une société en commandite qui dispose d'un capital de 30 M$ CAN, dont les commanditaires sont la SODEC (un tiers du capital grâce à une avance gouvernementale remboursable) et le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ). Elle a été crée en 1996, face au constat que les besoins des entreprises en matière d’outils de financement progressaient au rythme de leur développement et de leurs réussites. Ce Fonds a pour mandat de faciliter la capitalisation des entreprises ayant atteint un certain niveau de maturité financière et démontrant une croissance significative dans les domaines porteurs. Le FICC offre des outils de capital de risque, comme le capital‐actions et la débenture convertible. 1.7. La Financière des entreprises culturelles (FIDEC) En partenariat avec des institutions financières et des entreprises du milieu, la SODEC a aussi créé la Financière des entreprises culturelles (FIDEC). Cette société en commandite vise à répondre aux besoins des entreprises culturelles dans les domaines du cinéma, de la production télévisuelle, du spectacle ou de la promotion d'artistes, en leur offrant de nouveaux outils de financement pour soutenir la production et la commercialisation des produits destinés aux marchés internationaux. Elle investit sous forme de financement tel le crédit d'anticipation, l'investissement par projet, l'acquisition de droits et l'investissement en équité, quasi‐équité ou dette. Cette filiale, dans laquelle la SODEC a engagé 20 M$ CAN, a pour mandat d’investir dans des projets de portée internationale. Elle est dotée d’un capital de 45,5 M$ CAN. 1.8. Principaux résultats 7 Les analystes de la banque d’affaires de la SODEC ont la même rigueur que ceux d’une institution financière classique. La différence, c’est qu’ils possèdent une compétence unique dans le secteur culturel et que le rôle d’institution publique de la SODEC les conduit à avoir une même intention de service envers tous les dossiers, indépendamment de leur valeur financière. Cette rigueur des analystes aura permis à la SODEC de conserver un taux de mauvaises créances de moins de 4 %, et de maintenir intacte la dotation de 20 M$ qui permet à la banque d’affaires d’être encore active après 25 ans.
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Rapport de l’exercice 2008‐2009 de la SODEC
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Le financement des entreprises Répartition des autorisations selon l'outil financier (exercice 2008‐2009) Outil Crédit renouvelable Garantie de marge Prêt à terme TOTAL
Nbre autorisations 21 8 20 49
Montants ($) 10 865 000 3 645 000 8 822 000 23 332 000
% 46,6 15,6 37,8 100
Montants ($) 4 225 000 11 362 000 3 700 000 3 475 000 570 000 23 332 000
% 18,1 48,7 15,9 14,9 2,4 100
Le financement des entreprises Répartition des autorisations selon les domaines (exercice 2008‐2009) Domaine Arts d'interprétation Cinéma et production télévisuelle Musique et variétés Livre et édition Multimédia TOTAL
Nbre autorisations 8 23 5 10 3 49
Répartition de l'ensemble des interventions financières de la SODEC selon la nature des activités et les domaines, (exercice 2008‐2009) Programme d'aide Domaine
Arts d'interprétation Arts visuels Cinéma et production télévisuelle Musique et variétés Doublage Enregistrement sonore Livre et édition Logiciel Médias écrits Métiers d'art Multimédia Production spectacles musicaux Radio Services de production cinématographique et télévisuelle Plurisectoriel TOTAL
Programme généraux ($)
Programme destiné à l'exportation et au rayonnement culturel ($)
Financement des entreprises Financement des entreprises ($)
Mesures fiscales* Décisions préalables : montant pressenti du crédit d'impôt ($)
Financement interimaire ($)
4 225 000 33 838 046 12 774 926
1 783 996 1 769 137
4 585 422
706 158
3 572 834
229 827
11 362 000 3 700 000
3 475 000
97 043 364
6 238 941
2 127 155 1 347 165 5 883 212
55 574 218 828
9 399 910
224 296
570 000
24 631 127 54 771 228
4 515 615
23 332 000
140 431 933
6 737 639
II. L’INSTITUT DE FINANCEMENT DU CINEMA ET DES INDUSTRIES CULTURELLES (IFCIC) 2.1 Rappel historique Après la seconde guerre mondiale, la production cinématographique en France s’est retrouvée sinistrée. Dès 1949, les pouvoirs publics se sont attelés à la tâche de reconstruire cette industrie stratégique en s’attachant, d’abord, au problème de son financement. En effet, les producteurs éprouvaient de grandes difficultés à trouver des financiers acceptant de couvrir le risque juridique et le risque de bonne fin de la production d’un film, sans même parler du risque d’échec commercial. Une des premières mesures prises par les autorités a donc consisté à mettre en place des prêts bonifiés du Crédit National. Puis, dans les années 60, les pouvoirs publics ont simultanément mis en place un fonds de soutien à l’industrie cinématographique et un système de la garantie bancaire. Créé en 1968, le système de garantie est d’abord confié à un pool bancaire spécialisé ; la garantie (à 80%) était alors gérée par les banquiers eux‐mêmes et accompagnée d’une bonification des taux. Pour des raisons de neutralité et afin de favoriser le développement de la concurrence entre banques dans ce secteur, les fonds de garantie ont été confiés à partir de 1983 à un organisme spécialisé, n’exerçant aucune autre activité bancaire et à majorité de capital public : l’IFCIC. A la même date, ses missions ont été élargies à l’ensemble des industries culturelles : édition, production musicale, spectacle vivant… 15
L’IFCIC est donc un organisme de place neutre et indépendant : neutre, car ouvert à la plupart des établissements prêteurs, indépendant, car responsable financièrement de toutes ses décisions. Ses principaux actionnaires publics sont, avec l’Etat, le groupe OSEO et la Caisse des Dépôts et Consignations, qui détiennent ensemble environ 49% du capital. Le solde est réparti entre une quinzaine de banques et établissements de crédit privés. La plupart des grands réseaux bancaires et les principaux établissements de crédit sont présents ou représentés au capital par leur maison‐mère ou par une structure fédérative. 2.2 Les missions Société anonyme de droit privé, remplissant une mission d’intérêt général, l’IFCIC est un établissement de crédit qui a reçu mission du ministère de la Culture et du ministère de l’Economie et des Finances de contribuer au développement, en France, des industries culturelles, en facilitant pour ces entreprises l’accès au financement bancaire. Ses missions spécifiques sont de deux natures : o Faciliter l'accès des entreprises culturelles au financement bancaire grâce à la garantie, en général à hauteur de 50%. Les prêts garantis par l’IFCIC sont destinés au financement de la plupart des besoins des entreprises culturelles, à tous les stades de leur développement. En revanche, l'IFCIC n'accorde ni prêts (sauf dans le cadre de ses fonds d’avances remboursables) ni de subventions. o Fournir une expertise de haut niveau aux banquiers et aux entrepreneurs. Par sa connaissance des secteurs concernés et grâce à ses comités et réseaux d’experts professionnels, l’Institut dispose d’informations permettant une analyse approfondie du risque présenté par les entreprises sollicitant un financement et peut accompagner celle‐ci dans le montage de leur projet de demande de crédit. 2.3 Les instruments d’intervention Les Fonds de garantie L’IFCIC dispose d’environ 13 millions d’euros de capitaux propres, et surtout de deux fonds de garantie actifs d’un montant net global supérieur à 66 millions d’euros : o le fonds de garantie Cinéma et Audiovisuel, doté par le Centre National de la Cinématographie (CNC), o le fonds de garantie des Industries Culturelles Ces fonds permettent, en application de coefficients de risque régulièrement vérifiés, de garantir un encours de risque (part IFCIC) de l’ordre de 250 millions d’euros correspondant à environ 540 millions d’euros de crédits, tout en ménageant une capacité suffisante de prise de risques nouveaux. Le montant des dotations publiques aux fonds gérés par l’IFCIC est déterminé en fonction d’objectifs de nouveaux crédits à garantir pour chaque secteur d’intervention. Ce principe de dotation a priori s’exerce dans un cadre contractuel entre l’IFCIC, le CNC, le ministère de l’Economie et des Finances et le ministère de la Culture. Ce cadre fixe le cas échéant certaines priorités annuelles pour les interventions de l’Institut. Grâce aux dotations publiques dont bénéficient ses fonds de garantie, et à l’important effet de levier qu’ils permettent, l’IFCIC affirme son rôle de partenaire privilégié des entreprises culturelles, au moindre coût pour l’Etat comme pour les bénéficiaires de la garantie. Le Fonds d’avance L’IFCIC est également autorisé par la Banque de France à gérer des fonds d’avances remboursables destinés à des entreprises des secteurs culturels. En 2006, l’IFCIC a ainsi créé un Fonds d'avance aux Industries Musicales (FAIM), doté de 2,9 millions d’euros, et destiné à soutenir les investissements de développement ou d’adaptation aux évolutions du marché des entreprises indépendantes de la filière musicale. La dotation du FAIM devrait prochainement être considérablement augmentée par un apport de la Caisse de Dépôt et de Consignation. Sont éligibles aux avances octroyées par le fonds : les investissements éditoriaux, les investissements matériels et immatériels, les besoins financiers liés à la croissance de la structure, les opérations de transmission et les plans de redressement. Les avances, consenties dans la limite d’un encours maximum de l’ordre de 150.000 euros par entreprise ou groupe d’entreprises, portent intérêt au taux de 4% l’an et sont remboursables sur une durée de 12 à 48 mois, incluant éventuellement une brève période de franchise. 16
II.3 Les dispositifs d’intervention La garantie des crédits au secteur de la production et de la distribution cinématographique et audiovisuelle Cette activité est historiquement à l’origine de la création de l’IFCIC. Elle permet aux producteurs et aux distributeurs indépendants de recourir au crédit pour assurer la trésorerie nécessaire à la production ou à la distribution de leurs œuvres, malgré des structures financières souvent très légères. Le risque particulier de ces crédits, qui mobilisent les contrats de financement de l’œuvre, repose sur la qualité de ce financement ainsi que sur la bonne fin du processus de fabrication de l’œuvre (non‐dépassement du budget, livraison aux différents partenaires). Les opérations éligibles à cette garantie sont : Crédits à la production : ces crédits peuvent être destinés au financement de dépenses liées à l’acquisition de droits incorporels d’une ou plusieurs œuvres ou de dépenses liées aux stades ultérieurs de développement des projets correspondants ; ils peuvent être garantis jusqu’à 70%. Ces crédits sont également destinés au financement des dépenses de préproduction, lorsque la décision de production est prise et que les frais directement liés à la fabrication de l’œuvre sont engagés, puis des dépenses de fabrication (tournage et postproduction) jusqu’à la livraison de l’œuvre : ces crédits sont en général garantis à hauteur de 55%. Crédits à la distribution : ces crédits sont destinés au financement des dépenses liées au versement d’un minimum garanti de recettes accordé par le distributeur, ou des frais de promotion et de lancement publicitaire, ainsi que des frais de tirage de copies pour l’exploitation des films en salles. Crédits à l’entreprise : ces crédits sont destinés au financement à moyen terme des entreprises de production et distribution. Ils doivent être appuyés sur un “portefeuille” significatif de films existants. Ces deux derniers types de crédit peuvent être garantis jusqu’à hauteur de 50%. La garantie des crédits aux industries culturelles L’activité historique de garantie des crédits de production cinématographique et audiovisuelle a été élargie à l’ensemble des industries culturelles, afin d’apporter un soutien particulier aux petites et moyennes entreprises d’un secteur jugé économiquement à haut risque. Sont susceptibles de bénéficier de la garantie les entreprises des pays membres de l’Union européenne appartenant au secteur des industries culturelles : le livre (édition, diffusion, librairie), la musique (édition, production phonographique, production de spectacles), le spectacle vivant (production, acquisition et équipement de salles), les arts plastiques (galeries et studios), les métiers d’art (production et vente), le patrimoine (mise en valeur et restauration), l’architecture (agences d’architectes), le multimédia (producteurs, éditeurs, prestataires techniques), la presse (presse d’information politique et générale, presse culturelle), l’exploitation cinématographique et les industries techniques de l’image et du son. Les crédits garantis sont destinés au financement de la plupart des besoins des entreprises culturelles, à tous les stades de leur développement : investissements éditoriaux, immobiliers, en équipement et matériels, acquisition de droits et licences, crédits de campagne, crédits de fonds de roulement rendus nécessaires par l’évolution de l’activité, rachat ou création d’entreprises… Il peut s’agir de crédits à moyen et long terme, de crédits‐bails, de cautions bancaires ou encore de certains crédits à court terme. La garantie s’élève généralement à 50% du crédit dans la limite d’un plafond de risque fixé par l’IFCIC (1.000.000 euros au 31.12.2008). Le taux de garantie peut être porté à 70% sur les concours d’un montant inférieur à 100.000 euros, ce montant pouvant même atteindre 140.000 euros dans le cas de projets de numérisation de fonds éditoriaux. La garantie des crédits à l’exploitation cinématographique L’IFCIC offre sa garantie financière et son expertise aux banques des exploitants de salles de cinéma indépendant des grands groupes de distribution. Cette garantie s’élève au maximum à 50% du crédit dans la limite d’un plafond de 2.150.000 euros. Tous les besoins des exploitants peuvent être financés avec le concours de l’IFCIC : création, acquisition, modernisation et aménagement, renouvellement du matériel d’exploitation, renforcement du fonds de roulement. 17
La garantie des crédits aux industries techniques du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia L’IFCIC offre sa garantie financière et son expertise aux banques qui apportent leur concours au financement des industries techniques du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia. Les opérations éligibles sont des crédits à moyen terme destinés aux financements suivants : ‐ Croissance externe ‐ Investissements immobiliers (acquisition, constructions, travaux) ‐ Investissements en équipement ‐ Restructuration et renforcement du fonds de roulement Ces opérations sont généralement garanties à un taux de 50% jusqu’à un plafond de 2.150.000 euros. La garantie des crédits de mobilisation L’IFCIC offre sa garantie financière et son expertise aux banques et établissements financiers qui apportent leur concours au financement du poste client des industries techniques du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia. Les établissements de crédit sont en effet réservés sur la mise à disposition de lignes de mobilisation de créances lorsque celles‐ci sont détenues sur des entreprises dont ils apprécient difficilement la solvabilité (manque d’informations pertinentes, inadéquation des ratios financiers habituellement retenus…) Afin de faciliter le financement des besoins en fonds de roulement des prestataires, l’IFCIC intervient sous la forme d’une participation en risque aux côtés des établissements qui a pour effet de limiter leur risque de pertes lié à l’incapacité du prestataire de rembourser les créances mobilisées et demeurées impayées. Les financements éligibles sont des affacturages, des cessions « Dailly » et des escomptes. Le taux de garantie est en général de 50 % dans la limite d’un plafond d’indemnisation déterminé en fonction des modalités de financement (10 % à 20 % de la ligne garantie). II.5 Principaux résultats8 Au 31 décembre 2008, l'encours total des engagements garantis par l'IFCIC s'élevait à 564,6 millions d'euros soit 273 millions d'euros en encours de risque IFCIC, les crédits à court terme pour la production cinématographique et audiovisuelle représentant plus de 80% de cet encours. ‐ Les garanties accordées en 2008 pour des crédits finançant la fabrication des films (crédits de production) représentant la quasi‐totalité (presque 90%) de la production cinématographique totale française. L’encours de risque IFCIC (hors contentieux) pour la production cinéma s’élevait à 172,1 millions d’euros au 31/12/2008, correspondant à 325,3 millions d’euros de crédits. L’encours contentieux au 31/12/2008 était de 3,2 millions d’euros. ‐ L’encours de risque (hors contentieux) pour la production audiovisuelle s’élevait à 44,9 millions d’euros au 31/12/2008, correspondant à 85,7 millions d’euros de crédits. L’encours contentieux au 31/12/2008 était de 1,1 million d’euros. ‐ L’encours de risque (hors contentieux) pour les industries culturelles s’élevait à 15,8 millions d’euros, correspondant à 40,2 millions d’euros de crédits. L’encours contentieux au 31/12/2008 était de 1 million d’euros. ‐ L’encours de risque (hors contentieux) pour les industries techniques s’élevait à 10,3 millions d’euros au 31/12/2008, correspondant à 30,3 millions d’euros de crédits L’encours contentieux au 31/12/2008 était de 0,6 million d’euros. ‐ L’encours de risque IFCIC (hors contentieux) pour les exploitants de salles s’élevait à 24,2 millions d’euros, correspondant à 71,6 millions d’euros de crédits. L’encours contentieux au 31/12/2008 était de 0,04 million d’euros.
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Rapport annuelle 2008 de l’IFCIC
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III. LE FONDS DE GARANTIE DES INDUSTRIES CULTURELLES (FGIC) / ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE 3.1 Présentation La démarche de dotation d’un fonds de garantie s’inscrit dans la volonté de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) de promouvoir le développement des entreprises culturelles dans les pays du Sud. Les secteurs d’activités culturelles sont perçus par les acteurs traditionnels du système financier comme étant des secteurs particulièrement risqués. De ce fait, il a semblé nécessaire à l’OIF d’accompagner les établissements de crédit dans leur démarche de financement de ces secteurs qui sont aujourd’hui souvent exclus du financement bancaire traditionnel. Le mécanisme de garantie proposé par le Fonds de Garantie des Industries Culturelles (FGIC) a pour objet d’alléger le risque final supporté par un établissement de crédit lorsque celui‐ci apporte son concours financier à un projet et/ou une entreprise éligible dans des conditions déterminées. L’OIF a doté trois fonds de garantie distincts (pour un montant cumulé de 1.185.000 € à la date du 31/08/2009) qui sont opérationnels depuis 2004 dans les pays suivants : o Maroc (montant de la dotation : 290.000 €) o Tunisie (montant de la dotation : 280.000 €) o Afrique de l’Ouest : Bénin, Burkina Faso, Cote d’Ivoire, Mali, Sénégal et Togo (montant de la dotation : 615.000 €) L’OIF a établi des partenariats avec des établissements financiers spécialisés des pays bénéficiaires afin de leur déléguer la gestion des fonds ainsi que l’analyse et l’évaluation du risque des dossiers présentés à sa garantie. Pour le Maroc, l’OIF à conclu le partenariat avec la Caisse Centrale de Garantie (basée à Rabat) qui est une institution financière spécialisée dans la gestion de fonds de garantie. Pour la Tunisie, le partenaire de l’OIF est le Ministère tunisien des Finances qui a délégué la gestion du fonds à la société tunisienne d’assurances et de réassurance (Tunis Ré), société d’Etat basée à Tunis. Pour l’Afrique de l’Ouest, l’OIF a conclu le partenariat avec la Banque de Développement et d’Investissement de la CEDEAO ‐ BIDC, institution financière régionale, basée à Lomé, avec un actionnariat composé des 15 Etats membres de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le fonds de garantie doté par l’OIF est ouvert à tous les organismes de crédit des pays bénéficiaires. La garantie concerne toute opération de crédit à court ou à moyen terme dans les secteurs d’activités suivants : production et distribution cinématographique et audiovisuelle ; industries techniques du cinéma, de l’audiovisuel et de la musique; radios et télévision ; presse écrite; musique et production de phonogrammes ; édition, production et distribution de livres et travaux d’imprimerie ; édition et production de contenu multimédia culturel ou éducatif; théâtre et spectacles vivants ; exploitation de salles de cinéma, de théâtre et de spectacles ; métiers d’arts, arts visuels et plastiques ; mode, artisanat et design à connotation artistique ou culturelle. Les opérations éligibles sont les opérations de crédit, de crédit‐bail ou de caution bancaire en faveur des entreprises éligibles. Les crédits par découvert bancaire sont exclus. Les financements garantis sont des projets d’investissement matériel ou immatériel, de production ou d’acquisition d’entreprises. Les opérations de renforcement du fonds de roulement sont éligibles quand elles accompagnent un projet d’investissement ou de développement. L’OIF a accompagné la mise en place des Fonds de garantie dans les pays ciblés, par des actions complémentaires visant à en assurer la réussite. Il s’agit principalement de : ‐ l’organisation de séminaires de formation de cadres de banque en matière de financement et d’analyse économique et financière des risques inhérents aux entreprises et projets culturels. L’objectif étant de renforcer les capacités des banquiers en analyse des projets culturels présentés pour financement. ‐ l’organisation de séminaires de formation de promoteurs et chefs d’entreprises des secteurs culturels en matière de formulation de projets et en gestion d’entreprises culturelles. En effet, l’un des obstacles majeurs 19
pour l’accès au financement bancaire et pour le développement des entreprises culturelles dans les pays concernés réside dans la difficulté qu’éprouvent les chefs d’entreprise à formaliser, à présenter et à défendre leurs projets auprès des interlocuteurs financiers. ‐ la réalisation d’études socio‐économiques sur la situation des entreprises et des secteurs culturels dans les pays concernés. Ces études ont pour objet de dessiner un portrait des différents secteurs culturels dans les pays concernés, afin de permettre aux différents acteurs économiques (banquiers, gestionnaires du fonds, promoteurs culturels, fonctionnaires et autorités, organismes internationaux…) de connaître le contexte dans lequel se développent ces activités, le potentiel du secteur, les principaux atouts et problèmes et, d’une façon générale, la situation des entreprises qui opèrent dans ces secteurs. 3.2 Principaux résultats9 FGIC Maroc au 02 /10/2009 Nombre d’opérations de crédit contre garanties : 19 Encours de risque : 678.791,29 € correspondant à environ 4.639.325,40 € de crédit. Les opérations contre garanties portent essentiellement sur, d’une part, le financement d’équipement et de matériel technique et, d’autre part, le financement immobilier pour l’aménagement de locaux. Elles ont concerné trois secteurs d’activités : l’imprimerie, la diffusion radiophonique et la production cinématographique. FGIC Tunisie au 31 /08/2009 Nombre d’opérations de crédit garanties : 7 Encours net de risque : 173.318 € correspondant à 350.196,59 € de crédit Les opérations garanties sont des crédits à moyen terme et portent sur des investissements matériels (acquisition d’équipement et aménagement de locaux). L’encours de risque est reparti entre quatre secteurs d’activités : la production cinématographique et audiovisuelle, la presse, le développement informatique et les salles de spectacles. FGIC Afrique de l’Ouest AU 31 /08/2009 Dotation OIF : 615.000 € Nombre d’opérations de crédit garanties : 7 Encours de risque : 485.231,50 € correspondant à 880.166,29 € de crédit Les opérations garanties sont des crédits à moyen terme et portent sur des investissements matériels et concernent les secteurs d’activités suivants : cinéma/audiovisuel, diffusion télévisuelle, imprimerie, musique et mode. Depuis la mise en place des 3 fonds de garantie, 213 cadres de banques dans les pays concernés ont été formés en analyse des risques sur projets et entreprises culturels, d’une part, et sensibilisés sur le potentiel et les spécificités des industries culturelles, d’autre part. Pour les entrepreneurs culturels, ils sont 516 à avoir été formés à l’élaboration d’un dossier complet de demande de financement à l’intention d’interlocuteurs financiers et sur les outils essentiels de gestion (formulation et suivi de projets, formalisation de la gestion financière, comptabilité, plan d’affaires, formalisation de contrats, etc.).
VI. QUESTIONS A EXPLORER AU NIVEAU DE LA COOPERATION INTERNATIONALE Il est de plus en plus admis dans les instances internationales que les secteurs d’activités culturelles constituent des vecteurs dynamiques de la nouvelle économie et contribuent, tout comme les industries manufacturières, à l’économie d’un Etat ou d’une région. En la matière, les pays du Sud ont incontestablement un désavantage comparatif par rapport à ceux du Nord, ce qui ne les met pas en situation de pouvoir exploiter tout le potentiel qu’apporte leur culture à leur développement. Les difficultés sont nombreuses et prennent plusieurs formes : des politiques publiques inexistantes, un cadre réglementaire inadapté, des difficultés d’accès aux financements
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Bilan interne d’activités du FGIC produit par l’OIF. Janvier 2010
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(marchands et non marchands), la faible structuration des activités et des filières, le manque d’infrastructures, l’insuffisance de la formation professionnelle, etc. Tout comme les entreprises des autres secteurs industriels, les entreprises culturelles des pays du Sud ont besoin de recourir à des outils diversifiés pour soutenir et appuyer leur développement. A cet effet, il apparaît nécessaire qu’elles puissent compter sur des politiques publiques et des instruments financiers adaptés qui tiennent compte de leur singularité. Dans cette optique, la coopération internationale à un rôle majeur à jouer. Ce rôle pourrait a minima s’exercer sur quatre axes complémentaires : 1. L’intégration des secteurs d’activités culturelles dans les politiques de coopération au développement Malgré son rôle fondamental pour la construction d'une entité socioéconomique, la culture n'est pas toujours considérée comme une priorité dans les politiques et les stratégies de développement. Les secteurs d’activités culturelles souffrent, dans la grande majorité des pays, d’une négligence chronique de la part des décideurs économiques et politiques nationaux. Au‐delà de ces décideurs, les différents instruments de la coopération internationale n’ont pas encore suffisamment intégré la dimension culturelle dans leurs politiques et stratégies d’aide au développement. La non prise en compte des secteurs culturels dans les stratégies de développement explique en partie que ces secteurs ne bénéficient d’aucun environnement réglementaire approprié et que les entreprises culturelles ne disposent que de très peu, voire aucun soutien institutionnel destiné à promouvoir leur existence et à accompagner leur développement. Il conviendra dès lors d’approfondir la réflexion sur la manière dont les différents acteurs de la coopération internationale (agences de coopération, partenaires au développement, institutions financières internationales, etc.) peuvent efficacement intégrer la composante culturelle dans l’élaboration et la négociation de leurs politiques d’aide au développement avec les pays du Sud. 2. L’accès des Etats et des entreprises culturelles aux financements internationaux L’accès aux financements constitue une condition essentielle à l’essor des activités culturelles dans les pays en développement. Les financements sont indispensables aux Etats afin de réaliser les investissements de base (infrastructures, centres de formation professionnelle, etc.) nécessaires pour créer les conditions propices au bon fonctionnement des activités culturelles. En outre, les entreprises doivent pouvoir compter sur différents outils de financement afin d’appuyer leur croissance. Pour ces dernières, plusieurs pistes de réflexion sont envisageables : ‐ Des lignes de crédit spécifiques Quelques partenaires au développement mettent déjà à disposition de systèmes financiers de pays du Sud des lignes de crédit (ou de refinancement) à coût bas afin que les banques commerciales distribuent des prêts au niveau national (à l’instar de ce que fait la BEI en Europe), afin de promouvoir le financement de certaines catégories de projets ou d’entreprises. La réflexion pourrait s’organiser autour de l’idée de réserver une partie de ces ressources spécifiquement à des entreprises culturelles. Ces lignes de crédit proviendraient de la réorientation d’un faible pourcentage des lignes existantes ou de ressources nouvelles eu égard aux montants relativement modestes comparés à d’autres secteurs de l’activité économique. Ces lignes de crédit pourraient être gérées par les institutions financières régionales de développement. Les banques commerciales bénéficiaires s’engageraient à constituer une unité, au sein de leur banque, chargée des secteurs de la culture afin de susciter une accumulation de savoir‐faire dans le domaine du financement des entreprises culturelles qui fait défaut aujourd’hui. ‐ La dotation de Fonds de garantie L’accès des entreprises culturelles au financement bancaire pourrait également être facilité par la dotation de Fonds de garantie dédiés spécifiquement aux opérations de crédits liées aux activités et entreprises culturelles dans les pays où un mécanisme similaire n’existe pas. Pour les pays qui en disposent déjà (cas des pays couverts par le Fonds de Garantie des Industries Culturelles de l’OIF) il peut être envisagé des dotations complémentaires afin de renforcer leurs capacités d’engagement. La création d’un fonds de garantie consacré aux entreprises opérant dans les secteurs culturels apporte une réponse au problème du risque élevé perçu par les financiers. Au‐delà de constituer un outil financier à la 21
disposition des établissements de crédit et afin d’inciter ceux‐ci à financer ces secteurs d’activités, un fonds de garantie peut contribuer de façon déterminante à déclencher une dynamique de prise de conscience et de sensibilisation des opérateurs économiques en faveur des entreprises culturelles. ‐ La facilitation de l’accès aux financements pour les entreprises culturelles dans les pays ciblés devra s’accompagner de mesures visant à permettre, d’une part, l’amélioration de la visibilité des filières culturelles dans les pays concernés à travers la collecte, l’actualisation et la diffusion de données, et d’autre part, l’accumulation d’une expertise sur les filières par les organismes financiers. ‐ Par ailleurs, les sources de financement, les programmes d’aide et d’appui aux secteurs culturels mis en place par des organismes internationaux sont multiples et difficiles à identifier pour les opérateurs économiques. La réflexion devrait également concerner la création d’une base de données en ligne concernant les différents programmes d’aide, de subvention, d’appui ou de financement consacré aux entreprises des secteurs de la culture. Cette base de données permettra également à tous ceux qui œuvrent pour le développement des secteurs culturels (institutions internationales, gouvernements, organisations régionales, etc.) d’appréhender l’état des lieux en matière de financement afin d’entreprendre, en toute connaissance de cause, l’élaboration de politiques culturelles exhaustives. 3. L’amélioration du cadre réglementaire des activités culturelles Le financement est nécessaire, mais pas suffisant pour permettre le développement des activités culturelles si l’environnement réglementaire est inadéquat. Il est indispensable que les pays s’engagent dans l’élaboration et la mise en œuvre de véritables politiques publiques de structuration des secteurs culturels. Par exemple, la piraterie de la production culturelle qui sévit dans de nombreux pays constitue un frein majeur à la structuration de ces secteurs. Celle‐ci représente un risque très élevé sur lequel l’entrepreneur culturel peut difficilement rassurer ses interlocuteurs financiers en l’absence d’une véritable stratégie nationale et/ou régionale de lutte contre ce fléau. Par ailleurs, le financement bancaire nécessite, dans bien des secteurs d’activités culturelles, d’être articulé à d’autres formes de financement qui n’existent pas pour le moment. En effet, certaines activités ne peuvent trouver un équilibre financier, et a fortiori une rentabilité, que dans la mise en œuvre de politiques de soutien financier (avances remboursables, subventions, faveurs fiscales, mécénat, etc.) de la part des pouvoirs publics et/ou de l’amélioration du pouvoir d’achat des populations. L’amélioration du cadre réglementaire des activités culturelles est une responsabilité majeure des pays, mais la coopération internationale peut et doit accompagner les Etats qui le souhaitent dans ce sens. 4. Le renforcement des capacités managériales des entrepreneurs des secteurs d’activités culturelles Les difficultés qu’éprouvent les entrepreneurs culturels à formaliser, à présenter et à défendre leurs projets auprès des interlocuteurs financiers représentent l’un des obstacles à leur accès au financement bancaire et, de manière plus générale, au développement de leurs entreprises. La mise en place souhaitée d’instruments de financement spécifiques aux secteurs d’activités culturelles devrait s’accompagner d’une réflexion sur comment aider les entrepreneurs culturels des pays du Sud à renforcer leurs capacités managériales.
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