No 10 l'Ecole primaire, 25 Décembre 1914

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sam• année

25 Décembre 1914-

96 otection: il a conjuré tout péril, il a domitoute force brutale; sa magniliquè persontlité renouvelle le mythe d'Orphée: les ~ns altérés de sang, à t-'écouter, courbent ahine et viennent lui léc!1er les pieds! Honneur et respect à qui a vaincu le vaineur! Bessières-fleury. o-o-o-o-o-o-o

SAVOIR RECOMPENSER

La correction est un art. La louange, ou lutôt ia récompense, en est un aussi, et non

compense dans une satisfaction absolument matérielle. Si vous récompensez l'obéissance en favo· risant la coquetterie; ou bien, si vous louan· gez la sincérité, en la comparant au seu1 plaisir de posséder un jouet, vous faussez totalement le jugement de l'enfant, et vous risquez même de museler, en apparence, un vice, pour aider ~e développement d'un autre.

vtmatre

00000

LA SOLIDARITE

Ra.ppeJez-vous ce petit chef-d'œuvr~ de toins difficile à. exercer; car eUe devient une rme dangereuse, si l'on ne sait pas la ma- Tolstoï : • Maître et Serviteur •. ier. • C'est la nuit, l'hiver, au milieu des stepIl y a plusieurs mauvaises manières de ré- pes; ,la neige couvre le sol et le voyageur erre ompenser. Nous en citerons deux seulement à. tâtons dans l'obscuri:té de cette nuit noire, <>ur aujourd'hui. sur cette surface blanche, sans jamais trouver une borne qui lui indique le chemin. Eh bien! 1. Récompenser à tort et à. travers. lg'ir ainsi, dest manquer la raison d·'être de il me semble que, depuis des siècles l'humanité est comme ce voyageur à. la recher1; récompense. Il ne faut récompeoser qu_'à. K>n escient, quand l'enfant a vraiment mé- che de son chemin. P.laçons donc une borne 'ité. Pas de compromis. avec ces petites na- sur 1a rouje qu'elle a parcourue, marquons lires; ce serait les tromper grandement que fortement le point où nous sommes arrivés; le leur faire croire qu'ils n'ont agi, peut-être, je crois que nous tenons un point fixe, une (ue sous l'empire de .fa peur ou de l'entrai- notion certaine: celle de la solidarité des temœt. Quand le petit mutin ou la petite hommes et de la dette sociale de chacun de nutine, après force supplications. a enfin cédé nous; si nous savons bien placer cette borne . vos ordres, ne soyez pas assez faibles, chè- le long du chemin e.t l'a laire aopercevoir à -es mamans, pour vous extasier et pour ré- nos successeurs, nous n'aurons pas perdu Jéter à. qui veut l'entendre: • Comme il est notre journée. • 00000·0 ~tii mon petit garçon! Comme elle est mi:nonne, ma petite fille! Vite une dragée. un râteau!... Que veux-tu mon chéri? Que dési- LES POMMES COMME .MEDICAMENT Au point de vue chimique, la pomme se res-tu tm fillette? .... Ce sont 1~ des malladresses plus que re- compose de fibre végétale, d'albumine, de sucre, de gomme, de chlorophylle, d'acide ma· ~rettables; elles sont souvent irréparables. Louez ce qui est touable, réoompense:r. ce qui lique, de chaux et de beaucoup d'eau. Elle !st à récompenser. Mais ne jetez pas vos Iar- contient, en outre, un 'Jour cent de phosphore beaucoup plus que n'importe quel fruit ou lé· ~esses à. tort et à. travers. gume. Ce phosphore convient admirablement 2. Récompenser au-delà du mérite. - Ne pour renouveler la matière nerveuse, la lécilonnez jamais une récompense disproportion- thine, de 1a cervelle et de la moelk épinière. née a.vec i)a valeur de ]~acte accompli. Il fauLes acides que contient la pomme sont irait même arriver à. faire pratiquer le devoir d'une grande utilité aux P\'.rsonnes d'habitu· pour le devoir, et, pM" conséquent, n'avoir des sédentaires dont le foie est paresseuJt; tlullement recours à la récompense. .Mais nos ces acides servent à éliminer du corps )es enfants n'en sont pas là; on peut donc les ai- matières nuisibles, qui, si elles y restaient, der les stimuler dans leurs efforts, par l'es- rendraient l'esprit lourd et lent ou amènepoi~ d'une marque de satisfaction. C'est alors raient la jaunisse ou des éruptions ou qudqu'il faut récompenser sobrement et avec une que autre maladie. certaine nuanœ. Enfin, ,fa ·pomme crue, bien mûre, est un Ne dites pas, chères mamans: • Si tu es des aliments les plus légers, car il ne faut que sage. Je t'achèterai un beau chapeau. Si tu quatre-vingt-cinq minutes, pour que s:t digesme dis la vérité, je te paierai un beau che· tion soit complètement temünée. vat • Cette façon de récompenser n'en est pas Qo()o()oO-O-O une; car un acte moral ne peut trouver sa ré-

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Soeiétè valai:pat)tJe

d 'édu~aticn Publication du MUSEE PEDAGOGIQUE primaire donne de 10 à 12 livraisons ne 8-16 chacune, non compris la couverture, et autant de Silppléments Je 8-16 pages pendant l'a.uoée onJinail'e (soit du ter Janvier au 31 Déce~bre). L'J<~col::l

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Souhaits de sainte et heureuse année 1915


SION, 23 D6cembre 19U.

Sommaire de cette livraison De 1914 à 1915. - Instituteurs et arents. - Précis d'instruction civique ?Uite). - Partie pratique: un brin de iorale (l'éc;onomie).- Sujets de rédacon. - n-

Sommaire du Supplément No 10 (Annexe de 1.; pages) La fin du monde. - L'observation du imanche. - Pensées sur la mort. - Los llmanachs.- N'ayez pas peur.- Adam t Eve, paysan.s cul~ivateurs. - Le ,tr~­ ail. - Les trots cro1x. - La leçon d htsoire. - La plus belle campagne de la ieille garde. - Le retour de l'hiver à a tradition. - Variétés.

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Sommaire du Supplément de Noêl (An ne xe c' e 8 pages.) N~l. -

La Vierge chantée par deux trou·ères. - Le Centenaire. (çonte de Noël.) _e Rouquin. Comment S. François d'As;ise passa le nuit de Noël en l'an de grâce 223. - Pensées {le Noël.

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Pour le Drapeau Comme i! convient, surtout à une époque mouvementée comme la nôtre, de faire vibrer 1a note Patriotique, l'Almanach du Valais de 1915 a tenu à consacrer l'une on l'autre de ses pages à des souvenirs et prc·dtlctions propres à aviver l'amour du pays natal. Il débute dans cet ordre d' idées en nous entretenant du Centenaire du V alais. - Un charmant récit: Le pain de la rnaison, montre ensuite, par une bell_e gravure, l'armée traucaise de l'.~st penétrant en Suisse par les Verneres en 1871. - Un modèle de patriote nous est encore offert en e.œmple dans la personne ·d u B. Nicolas de Flue. - Le petit pâtre de Bu!Lschieder rextrait des Chroniques valaüannes de M. A. Du-

ruz). forme ausst un touchant épiso~e de notre histoire nationale en nous presentant dans un héros de 15 ans un martyr du patriotisme. - Enfin, Le drapeau, avec une illustration bien appropriée, nous offre un groupe de braves soldats fiers d' avoir la garde de l'emblême de la patrie. l Jne fort belle poésie de M. le prof. J Carrara, le sympathique conîérencier ~wantageus~­ ment connu à Sion, rehausse ce chapitre. On nous saura certainement gré d'en citer les deux strophes suivantes : 0 drapeau, ce que tu secoues Au vent qui passe dans les cieux, Ce sont des larmes sur i10S joues, Ce sont des éclairs dans nos yeux, Ce sont les maiestées bravées, Ce ~ont les mains jadis levées Sur l'Alpe, formirlable autel, Devant Dieu. devant la nature, Pour prendre ensuite à la ceinture La Uèche de GUillaume Tell. 0 rlrapeau, témoin des vieux âges, Puisses-tu. dans les temps nouveaux, Ne voir qu'hommes simples et sages, Penchés sur de nobles tr~vaux. Et veuille Dieu que plus tt• n'ailles Flotier sur le front des batailles, Où dans le sang tu te trempais, Mais que sur nos to its tu demeures, Pour qu'iq n'y sonne que des heures D'amour, de bonheur et de paix.

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Le Jeune Caibolique en

1915. Bien QUI" la crise économique, issue de la guerre actueEcment décha\l'~e sur l'Europe, ait déj.-\ provüqué la diSparition ou la diminution du tnage de nombreux iournaux t't périodiques, nous avons le plaisir d'apprendre (]ne ~e {~u­ ne Catholique poursUivra sa pltbhcatwn e11 1915. Par suite des circcmstances difficiles de ·l'heure présente, i! ne s'attend d'ailleurs guère, pas plus que beaucoup d'autres du reste, à une augmentation du chiffre de ses abonr.és, car la

SS•• annêe

L'ECOLE PRIMAIRE ORGANE DE LA

SOCIBTB V.ALA.ISAI:II D'BDUCATIOI 02) 1914 à 1915 Si tout le monde doit faire son bilan à la fin de l'année, à plus forte raison, nous éducateurs! Avons-nous mérité l'éloge du divin Maître en éducation: « Courage, bon et fidèle serviteur! Parce que vous avez été fidèle dans ~~s petites choses, je vous établirai sur de plus grandes. » Si oui, tout est gagné, si non, tout est perdu comme mérite aux yeux de Dieu pour 1914! Nous sommes-nous rappelé cette autre parole du Maître. il me semble qu'elle nous concerne spécialement : « Ils ont déià recu leur récompense! Hommes vains, récompenses vaines! » L'éducateur aui ne travaille que po11r la satisfaction de son amour-oroore on. comme le mercenaire, pour le culte du veau d'or, celui-là est un éducateur vain et a déjà certainement reçu sa récompense! Celui qui a dit: « Laissez venir à Moi les enfants», nous a appelés à travailler à cette oarcelle de choix de sa vigne. Quelle sublime mission pour qui sait la comprendre dans le sens chrétien! Qu'avons-nous fait en vue de faire fructifier cette parole non seult>ment nn11r l~ P atrie. mais encore oour Dieu? Pro Den et Pafria, tel était l'entraînant mot n'nrrfre aui a conduit nos pères à l'inMnendance de notre chère patrie ht>lvé•i.aue. resnertée ;~u dedans et au dehors, parce que belle, grande par ses œuvres, bien que restreinte dans ses limites naturelles. Avons-nous oublié l'unique fondement et l'unique rempart de la patrie dans la

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formation des citoyens de demain? Si oui, nous avons bâti sur le sable et notre chère patrie suisse, comme tant d'autres, oublieuse de son Dieu, sera punie à son tour! Qui en aura assumé, avant tout, la lourde responsabilité sinon nous, les architectes de la patrie de demain? Cette pensée ne doit-elle oas nous engager ?:t son!ler soir et matin à Celui qui a _dit : ., Sans Moi. vous ne pouvez rien f~ire? :. Avons- nous très bien entendu le pressant appel de son auguste Vicaire sur cette terre? « Tout restaurer en JésusChrist." Si nous avons commis quelques fautes de ce côté-là, « Haut les cœurs " et rappelons-noùs qu'Il a pardonné à David, qu'Il a pardonné à l'enfant orodique. au'Il a pardonné à saint Pierre et qu'Il eût pardonné à Judas lui-même, si le malheureux s'était repenti au mnment du plus doux reorochê qu'un M~ître tel que Lui, trahi par un serviteur tel aue Tudf!s. :1cfress:1it à ce m::tlheureux d::tns un sunrême effnrt en vue de briser ce cœur enrfurci: « Mon ami, pourquoi· es-tu venu? ,. Pourauoi avons-nous embr::)ssé la noble carrière de l'éducation? Je vous entends tous me réoondre d'une voix unanime: pour former de bons chrétiens et de bons citoyens ! Les movens, nous les connaissons. Le solde actif de notre bilan vaut dans la mesure où nous les avons employés. Te n'en doute pas, la plupart d'entre vous se sont montrés hommes de bonne volonté dans l'accomplissement- de leur lourde charge. A tous ceux-là, le divin Maître fait -dire par la voie de ses an-


130 ainsi aux volontés des familles? Il est responsable de son école; une pleine liberté lui est donc nécessaire oour orqa. niser et diriD"er son enseignement sous le seul contrôle de ses chefs. « A chacun son métier », dit le proverbe, et l'ingérence des parents dans un domaine qui leur est le plus souvent étranver est presque touiours fâcheuse. QuelquesInstituteurs et Parents uns, avE'r la plus entière bonne foi du reste et le<: meilleures intentions. peuMon but n'est pas de traiteJ ici la vent dem.:~nder de~ rhoses dér;:ti<:onnaquestion au point de vue général d'exa- h1es. iniustes ou rontraires à l'intérêt miner ~ur quelles bé'~-ts, comment et par Hen en~endu de leurs enf.:mts. C'est au quels moyens ces raoports doivent être maître de résister, et ici il lui faut du ét<~blis, ni dans quelle mesure le contact et :ie la mesure. Sans heurter de :ours des familles peut être utile à un iront les parents, il leur fera comprenmaître pour accroître son action sur dre que des programmrs lui sont impoks élèves. je veux seulement, en me pla- sés et qu'il est tenu rie les suivre, qu'il çant au point de vue pratique, appeler y a un règlement d 1ns l'Ecole rt que l'attention sur -certains points Particu- tout le monde doit s'v soumettre. qu' liers et faire part de quelques observa- une exception non iustifiée en faveur tions recueillies au cours de nombreu- d'un élève peut susciter des réclamations de la part des 2-utres élèves. et, chose ses visites dans les écoles. Il m'est arrivé parfois, à propos d'u. nlus urave. hire douter de l'imoartiane observation ou d'une cri'ique adres- lité du maître et affaiblir son aûtorité. sée à un maître, d'entendre cette réDans la plupart des cas, il réussira P<'nse: « Les parents veulent ou ne veu- à convaincre les parents. Mais s'il en lent pas cela. » Tel père de famille de· était autrement, et si ces derniers perrn:mde que son fils. malgré sa faiblesse, sistaient dans leurs demandes, que soit placé en division suoérieure ou ne l'instituteur ne rède pas; qu'il n'oublie redouble pas sa classe. Telle maman ne pas du reste qu'une concession en envetrl pas que son enfant fasse de gvmnas· traîne une autre, qu'une fois engagé tique parce que «cela ne sert à rien». dans cette voie il est difficile de réagir et Dans certains cours, on ne s'occupe que de s'arrêter et que oour assurer le bon de lecture, d'écriture et de calcul, au renom et la prospérité d'une école la détriment des autres matières du pro- fermeté est préférable à .Ja faiblesse. gramme, pour se conformer au désir Il n'est pas rare non plus que l'autodes parents qui tiennent à ce que leurs rité reçoive des plaintes des familles enfants sachent lire le plus tôt possible contre la sévérité du régent; là, contre et qu'ils puissent faire des devoirs et son manque d'autorité. Ailleurs, son apprendre des leçons à la maison. impartialité est mise en doute: il a « des je· soupçonne que dans certains cas· préférences » et « il ne peut sentir » cerces allégations sont fausses ou exagé- tains élèves. Parfois son enseignement rées et ne constituent qu'une défaite de même est attaqué: les enfants ne font la part du maître. Mais admettons qu' aucun progrès, les cahiers sont mal teelles soient vraies. Comment l'instituteur nus, les devoirs non corrigés, le maître ne comprend-il pas qu'il abdique son donne trop - on trop peu - de devoirs rôle et affaiblit son autorité en cédant ou de leçons, etc., etc.

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tes: «Paix sur la terre aux hommes de >onne volonté.» Mes amis et chers colla&orateurs, perfectionnons cette bonne rolonté! Tel est le souhait que ie forme pour vous tous en priant l'Arbitre ;ouverain de nos destinées de benit pour ~hacun de vous l'année 1915 ! F. 0.

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f'.'

Est-il nécessaire d'ajouter que le plus souvent ces accusations n'ont aucun fondement ou sont exagérées? Le grand tort de beaucoup de parents est de croire trop aisément tout ce que racontent leurs enfants; or, on sait combien, pour diverses raisons, le témoignage de ceuxci est suspect et sujet à caution. Le dtvoir de l'autorité est donc de n'accueillir ces réclamations qu'avec une réserve prudente et d'en vérifier ensuite l'exactitude. Si elles ne sont pas fondées, il lui sera facile de rétablir la vérité et d'innocenter aux yeu.x des parents le maître faussement accusé. Si eJJes sont justifiées, ce qui arrive paxfois, c'est alors que l'autorité doit montrer beaucoup de ~d

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D'une part, elle n'essayera pas de calmer le mécontentement ou l'irritation d'un papa ou d'une maman en renchérissant encore sur leurs accusations et en soulignant l'incapacité, la négligence du maître, l'incorrection de sa conùuite ou de son langage. Ce procédé ne serait ni loyal ni généreux. Au lieu d'accabler son subordonné pour une faute qu'une direction plus vigilante et plus actlve eût neut-être pérmis d'éviter, qu'elle soutienne auprès des familles la cause de ses collaborateurs et qu'elle plaide les cirCt)nstances atténuantes. Elle gagnera souvent sa cause et aplanira ainsi des difficultés qui sans cela pourraient tourner à l'état .aigu. D'autre part elle évitera de donner tort au maître devant ses élèves et de lu1 adresser une critique ou un reproche pouvant être entendu de ceux-ci. Agir autrement serait manquer de con~ venance envers un homme qui a droit au respect, le blesser gravement - et inutilement - dans sa dignité et lui enJever toute autorité dans sa classe. Que l'autorité reprenne le maître à part et lui fasse comprendre ses torts et comment il est possible d'E-mpêcher le renouvellement des plaintes justifiées des parents.

Les maîtres, de leur côté, n'oublieront pas que l'autorité resptmsable de la marche de l'école est tout indiquée pour servir d'intermédiaire entre eux et les familles. On a pu constater que certains maîtres montrent, par leurs agissements, qu'ils ne sont pas pénétrés de cette vérité. Ces pratiques, très regrettables, diminuent plutôt qu'elles n'accroissent le prestige moral de celui qui les emploie et sèment des germes de division. Un maître consciencieux aura soin de s'en abstenir, il ne cherchera point à se rendre indépendant dans sa classe et ne traitera pas l'autorité comme une quantité négligeable. .Il n'oubliera pas n-on pJus que la bonne marche d 'une école est intimement liée à la bonne harmonie qui règne entre le personnel enseignant et l'autorité; que cette entente nécessai~ re ne peut exister que si chacun reste à sa place. Et si malheureusement des différends existent, gardons-nous bien d'en informer les familles; évitons les col· portages, les racontars qui grossissent les incidents les plus futiles et dénaturent les faits les plus simples. Ne mêlons pas 1~ parents à toutes ces « histoires » dont !a divulgation ne peut qu' accentuer les divisions et jeter le discrédit sur l'école tout entière.

Prdcis d'Instruction civique (Stdte.)

QUESTIONNAIRE CHAPITRE XIV NOTIONS DE DROIT USUEL 1. Quel est le temps accordé par Ja bi pour les déclarations de naissances? de décès? 2. Qui nomme le"> officiera ùe l'état civil? En quoi consistent !eurs fonctions? - 3. Qui prononce Je divorce? - 4. Que pensez-vous du divorce pac rapport à la famille, à lia socilté? 5. La loi sur la poursuite pour dettes est· elle de ci:éation récente. - 6. A quels abus a-t-elle mis fin? - 7. Citez quelque!HlDS de


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132 .es avantages. -· S. Queis torts peut-on avec 1lus ou moins ùe raison lui reprocher? -1- Contre quelle catégorie de citoyens la fail!1e peut-elle être requise? - 10. Qu'entendIr, par ouvrir une action en reconnaissance le dette. - 11. Quand cette action est-elle nébsaire? - 12 Quels avantages •la loi accorle-t-elle au débiteur? - 13. Sur quels motifs ont basés ces avantages? - 14 Le créancier 'c.ut-il raisonnablement s'en plaindre? -15. ~uels sont les biens insaisissables? 16. Qu'entendez-vous par responsabilité cirile? - 17. QuPUe est la reSiponsabilité de 'e"1l'loyeur à l'égard de l'employé? - 18. Y .-t-il une loi camonale ott fédérale qui règle a question des respousabilités? - 19. L'inlemnité à payer, en cas d'accident, par une :ntreprise de transport - chemin de fer, bacau à vapeur - est-elle la même, dans un cas ,n;tlogue, que celle à payer par un patron à .on employé? - 20. Celte différence se ju.siiie-t-elle? - 21. Lorsqu'il y a faute de l'emlloyé, le patron est-il h:nu à indemniser? !2. LeSi employés d'une entr~prise de trans· )()rt peuvent-ils servir de témoins pour prourer qu'il }' eu faute de :la part de la vidime l'un accident? Puurqtwi? - 23. Dans qurl ·as le fabricant n'est-il pas responsable des lccidents survenns dan" les locaux de la ia>rique? ·- 24_ Quels étaùlissemeP.ts indu$Iiels sont soumis à la loi sur la responsabilié civile des fabricants? - 25. Les fabriques >Cclllp3.nt pl'lts de 6 ouvners sont-enes toutes :oumises à cette ioi? ,--- 26. Quel es• le maxinum ~al ~'indenmité auquel a droit un si,;:;tré ou ses héritiers? - 27. Indiquez Je naximum de dur(>t: de travail jour mlier dans es fabriques? - 28. Y ;,-t-il des tr_avaux de abri que permis !ers iours fériés? lesquels? 29. Pourquoi une loi concernant l'a;pprentis:age? - 30. Tot!S .les ~pprentis peuvent-ils :\ eur tour devenir pairons? - 31. Les ap>rentis non majeurs pC'uvent-ils impunément ·ompre w1 contrat d'apprentissage? - 32. -:Hez les principaux devoirs des patrons. ~3. Indiquez les principaux devoirs des ap>rentis.

LEGISLATION OUVRIERE

Responsabilité civile C'est un principe de droit civil que 1uiconque cause sans droit un dommare à autrui. soit à dessein, soit par l'efd'une simple imprudence ou négli~ence, est tenu de le réparer.

et

vail totale ou partielle avait causé au défunt pendant sa maladie. En cas de lésions corporelles, l'in· demnité doit comprendre les frais de guérison et le préjudice pécuniaire que l'incapacité de travail totale ou partielle, durable ou passagère, a causé à la personne blessée. . L'indemnité pour le gain futur est fi xée par le tribunal sous la forme d'un capital ou d'une rente annuelle. Le nouveau code civil fédéral prévoit une rente à l'exclusion du capital.

Un autre principe, généralement admis dans les codes modern~s, veut que celui qui occupe à son profit des employés ou ouvriers soit responsable, à moins de circonstances particulières, du dommage que ces gens peuvent causer dans l'accomplissement de leur travail. Ce sont ces principes qui ont abouti, un peu partout. à ·accorder à la classe ouvrière une protection plus ou moins étendue contre les conséquences dommageables de ce qu'on appelle communément les accidents. En Suisse, une disposition constitutionnelle a fait naître dans ce domaine une législation spéciale. Il - n'est pas sans intérêt pour le ieune citoyen de connaître quelques principaux articles et prescriptions de la loi.

Responsabilité civile des fabricants 1)

Responsabilité des entreprises de transport (loi du 1er juin 1875) Toute entreprise de chemin de fer es! responsable pour le dommage cause par les accidents survenus dans la construction du chemin et qui ont entraîné mort d'homme ou lésion corporelle, si ces dommages sont le résul~::~.t d'une faute quelconque de l'entrepnse concessionnaire. Toute entreprise de chemin de fer ou de bateaux à vapeur est respons:;ùJle pour le dommage résultant d~s accidents survenus dans l'exploitation et qui a entraîné mort d'homme ou lésion corporelle, à moins que l'entreprise ne prouve que l'accident est dû, soit à une force majeure, soit à la négligence ou à la faute des voyageurs ou d'autres personnes non employées dans le transport. L'entreprise est responsable de ses employés; toutefois elle conserve le droit d'exercer un recours contre ceux auxquels la faute commise est imputable. En cas de mort, l'indemnité doit comprendre les frais occasionnés par les tentatives de guérison, ~insi que le préjudice pécuniaire que l'incapacité de tra-

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Loi fédérale du 25 iuin 1881. Loi fédérale du 26 avril 1887. Le fabricant est légalement respons.sble du dommage causé à un employé ou à un ouvrier tué ou blessé dans les locaux de la fabrique et par son exploitation à moins qu'il ne prouve que l'accident a rour cause, ou la force majeure, ou des actes criminels ou délictueux imputables :1 d'autres personnes, ou la propre faute de celui-là même qui a été tué ou blessé. Un arrêté du Conseil fédéral du 3 juin 1891 porte qu'un établissement, employant des moteurs ou occupant des personnes âgées de r.1oins cle 18 ans ou présentaut des dangers particuliers est envisagé comme fabrique dès qu~ le nombre des ouvriers est supérieur à 5. Si, au contraire, il n'a ni moteurs ni enfants employés, ni dangers particuliers l'exploitation doit occuper plus de 1o' cuvriers pour être considérée comme fabrique. Une exception est félite toutefois pour le cas où l'exploitation présente des · dangers exceptionnels pour la santé des 1) Celui qui exploite une fabrique (fabricant) est responsable, dans les ~imites fixées .p:1r la loi, du dorrunage causé à un ouvrier tué ou blessé dans les :ocaux de la fabrique. n en est de même s'il s'agit de l'exploitation ayant trait à celle-ci lorsque l'accident a pour cause une faute imputable soit à lui-même, soit à un mandataire (représentant, directeur, surveillant, dans l'exercice de ses fonctions).

ouvriers et également pour celui où elle revêt évi~el?ment le type, soit l'apparence e~teneure d'une fahique. Dans le premter cas, la loi est applicable mêm~ s'il y a moins de 6 ouvriers, dans le second. même si le nombre est inférieur à 11. Le maximum légal d'indemnité en cas de décès d'un ouvrier est de 6000 f~. ~ pou~ le cas d'incapacité, lïndemmte est egale au salaire journalier. En cas d'invalidité totale, le capital indemnité (pour base de rente code civil fédé~al) est de 1000 fois le salaire journalier. . f

Heures de travail dans les fabriques La durée du travail d'une journée ne .doit pas dépasser Il h,; elle est réduite à 10 h. la veille des dimanches et des jours fériés. Les fabricants sonl tenus de régler leurs ouvriers tous les 15 jours, au comptant, en monnaie ayant cours légal et dans la fabrique. Le travail de nuit, entre 8 h. du soir et 5 à 6 h. du matin, n'est admissible qu'à titre d'exception. Sauf le cas d'absolue nécessité, le travail est interdit le dimanche, excep_té dans les établissements qui, par lèur nature exigent un travail continu. Même dans ces établissements, chaque ouvrier doit avoir un dimancheête libre sur deux. Les femmes ne peuvent en aucun cas être employées au travail de nuit ou du dimanche. Les enfants au-dessous de. 14 ans révolus ne peuvent être employés au travail dans ·les fabriques. Il est interdit de faire travailler la r.uit ou le dimanche, des jeunes gens âgés de moins de 18 ans. · L'APPRENTISSAGE Dans le but ële relever et développer l'apprentissage dans le commerce, l'industrie et les métiers, les hauts pouvoirs


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1R6 hauieur d'lune • vertu privée » et, par :ciœ de la charité, qu'elle favorise, à la ~ur d'une • vertu sociale •.

ECTURES. - 1. Economie et épar- Ne faites que des dépenses utiles · vous ou pour les autres, c'est-àne prodiguez rien. Pendant que êtes jeune et fort, ménagez pour la lesse et la maladie. Si nous voulons rer le succès de notre travail, il f;=mt outer l'économie. Un homme qui ne pas épargner à mesure qu'il gag ne rra sans laisser un sou, même après r p~ssé toute sa vie le nez collé sur puvrage. Prenez garde aux menues ~nses .... aissez-là toutes vos folies dispenses, et vous n 'aurez plus tard tant us plaindre de la dureté des temps, X>ids de l'impôt et des charges du age; car le vin, le jeu et la mauvaisê font petites les richesses et grands >esoins. Franklin. LES DEUX BOliGIES. -

Un fils disait

:>n père, qui était devenu fort riche :

mment, mon père, avez-vous fait pour acir une si Jirande fortune? Pour moi, j'ai ! à atteindre ie bout de l'année avec tous :evenus du bien que vous m'avez donné 1aria~. » • Rien n'est plus facile, lui rélit le père en éteignant une des deux bouqui ,es écl'airaient, c'rst de se contenter téœssaire, et de ne brûler qu'une bougie td on n'a pa:> besoin d'en brûler deux. • AXIMES. - Dépensez toujours un peu 1s que vous ue gagnez. le travail est la main droite de la fortul'économie est sa main gauche. 1 prévoyance assure 'le bien-être _des vieux

s.

xxx Rédaction

UNE BOULE DE NEIGE lées principales. - Des enfants lanœ~t boules de neige. - Un vieillard en reçott dans 'l'œil. - Gaspard n'ose pas se dé:er. - Son camarade Jules 'll'engage à r du courage. - Intervention du maître. Jarpard demande pardon au vieillard. [ée mœ-ale. - Un enfant coupable, qui a ourage de se dénoncer, est toujours e&-

Remarques - Tout le récit est écrit en we de dégager l'idée morale. Le maître devra montrer à quel degré de bassesse descend un enfant ooupable qui, n'osant pas se dénoncer, laisse punir un camarade à sa place. Eviter la délation qui n'a rien de loyal. L'élève doit, quand il a oommis une faute, se dénoncer de son plein gré. Il importe de faire comprendre que le devoir de tout enfant, et par suite de tout homme, est d"avoir le courage de dire la vérité, s'il veut mériter l'estime de ses camarades et de ses concitoyens

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SUJETS DIVERS DE REDACTION Un homme peut.il dire: ~ Je n'ai besoin de personne. • Montrez que nul homme, si riche, si puissant qu'il soit, ne peut se passer des autres hommes. L'exactitude. - Montrez !~importance de œtte qualité pour l'écolier d'abord et pour tou.te grande ·personne. La charité. - En quoi elle congjste. A qui et comment i1 faut 1a faire. · Un souvenir. - Racontez ~m des incidents de votre enfance qui vous a laissé un vif sou. V<'nir. Mon futur métier. - Quel métier apprendrez-vous lorsque vous quitterez l'école. Dites les raisons de votre choix. Ma future profession. - Vous aHez quitter l'école cette année; vous pouvez choisir votre profession. Vous hésitez encore entre deux ou trois. Dites ce que vous !Pfnsez de c-hacune d'elles. · Un conte. - Parmi les contes qui ont enchanté votre enfance, racontez celui dont vous avec gardé le plus vif souvenir. Une fable. -! Racontez à votre manière une fable de La Fontaine. Un proverbe. - Expliquez un proverbe et donnez-le comme conclusion à un récit que vous imaginerez. La cuisine. - Comment la ménagère doitelle entretenir la cuisine et les ustensiles qui s'y trouvent. La maison de ville (de commune). - Décrivez la maison de comll'Wne de votre localité. Pourquoi lui donne-t-on ce nom? Dites comment elle est ocrupée et à quoi elle sert. Une date. - Que vous rappelle une date de notre histoire, par exemple 1e ter aotlt 1291? 1) Amour du lieu natal - Dites pourquOi vous aimez votre village :aatal (v~tre ville natale). La solidarité. -

nécessité obligera sans doute uue partie de ceux-ci à se séparer momentanément de leur cher petit journal. Mais cc ne sera là qu'une interruptiOn, pénible sans doute pom ceux qu'elle affectera mais passagère cependant, le jeune Catholique n'aya11t nulle envie, quoi qu'il arrive, de terminer maintenant déjà sa carrière. Après une existence de 4 ans, pendant laq netle il a vu son intéressante clientèle s'accroître constamment, il ne perdra pas courage et fera bonne contenance jusqu'au retour ùe jours meilleurs, c'est-à-dire plus prospères que ceux où nous vivom, et qui pourraient bien se prolonger longtemps encor e. Pour autant que le Jeune Catholique maintiendra ou à peu près son effectif ordinaire, et que les abonnés future; vrenneni comhler les vides qu1 se produiraif'n( à l'échéance fatale de fin d'année, il s'efforcera, malgré la dureté des temps, de paraître dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. C'est dir e que le prix d'abonnement et les faveurs actuelles seront maintenus, mo';ennant toutefoi!? que le déchet et les éclaircies possibles viennent à êtr e compensés par un repfort réjouissant de recrues nouvelles. En attendant d'entrer dans sa Se an. née, le Jeune Catholique a le très grand plaisir de pouvoir annoncer qu'il publiera en 1915:

Les A:ventures de Jean-Paul Choppart Cet!e œuvre, plrticulièrement adaptée à la jeunesse, à qLLi éile ne sa urait manquer de plaire beaucoup, forme une sorte de cours prat ique de morale où chaque fait apporte avec lui son enseignement. Le jeune héros, fainéant, go urmand, insolent, taquin, peureux, n'est cependant pas essentiellement méchant, ma is il a besoin des leçons de l'adversité pour se corriger. A la 3'1ite d'une escapade il s"enfuit de la maison paterneHe. et cette première faute est suivie de. plusieu rs autres qui reçoivent chacune uu châtiment immédiat. . Bien que son équi~e dure quelques

jou.rs seulement, il trouve moyen d'y rencontrer, sous toutes les fomtes, la punition de sa mauvaise conduite et de son impCLidence. Le style de ce livre est dair ~t natureL En s'abonnant pour 1915 l'on -1 ura le plaisir de posséder en entier ce joli ouvrage qui corn· mencera avec la livraison de janvier prochain pour se terminer avec cel!~ · de décembre.

Pour souscrire ou recevoir un N° d 'essai, s'adresser simplement .ainsi : .Jeune Catholique, Sion. -o• A curie ux, curieux et demi. Le pêcheur. - Je voudrais bien voir ce maçon mettre une brique en place. Le maçon. - Je voudrais bien voir ce pêcheur prenùre un poisson.

Prime à nos abonnés Tous les abonnés anciens ou nouveaux à t1otre joum;1l sont informé' Que l' _.jg~ndt• dr• Jla'1d11 1911$ leur est cédé, exceptionnellement pour l'année nouvelle, avec une remise du 20 % sur le prix ordinair e de vente au détail, à savoir: l'ex. cart. (au lieu de 2 fr.) 1.60 " broché (au lieu de 1.50) 1.20 Pour bénéticier Je cette réclu: ti):!, L··3 demandes devront être transmises à 1éditeur de l' Arzenda par l'entremise de 1' Administration du journal. - Les envois seront effectuès contre rembour sement ou sur envoi d'espèces en ajoutant dans ce dernier cas 5 centimes oour le port. - Compte de chèques II 56. L'Administration.

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Les acquéreurs sont rendus attentifs au fait que les 500 premiers exemplaires seulement porteront sur la couverture. en le~ tres dorées. le millésime 1915. Ceux qui tiennen t à cette mention ont donc tout intérêt à. transmettre leurs demandés sans retard.


Supplément du JVo 10 de ,l' &cole,, (1911t) La fin du monde

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Plusieurs, qui pourtant ne sont pas se moquent volontiers des terreurs que l'attente d'une prochaine fin du monde a excitées parmi les chrétiens, à certaines époques. Peu de temps après la mort du Sau\·eur, l'opinion se répandait déjà que le fils de l'homme allait repat:aître et «consommer le siècle». Saint Grégoire ie Grand, pape, déclarait qu'il lui semblait reconnaître autour de lui les signes précurseurs de la fin du monde. Plus tard, lorsque le dixième siècle était sur son déclin. on crut généralement que le monde allait finir. Eh bien! disent quelques-uns, puisqu'on s'est toujours trompé dans les supputations de ce genre, ne serait-ce pas le cas de ne plus s'occuper d'un pareil sujet? A quoi bon son!ler à la fin du monde? Le monde durera autant que nous. Nos successeurs s'en tireront comme ils pourront. L'Eglise n'est point d'avis de laisser mettre en oubli la certitude du cataclysme final. Elle a sans doute ses raisons pour cela, et ses raisons, valables à toutes les époques, le sont peut-être davantage à la nôtre. Les hommes de ce siècle sont épris d'un culte passionné pour la matière. Ce monde visible, au milieu duquel nous vivons, n'a iamais été l'objet d~ tant de curiosité, de tant de sollicitude, de tant d'admiration. On lui demande tous ses c;ecrets. on oublie Dieu pour ne s'occuper que de la terre. Combien est petit le r.ombre des savants qui interrompent de temps à autre leurs excursions à travers la nature, pour regarder le ciel, et songer qu'au-dessus de ce qui se voit, de ce qui se touche, de ce qui se sent, il est des réalités dont l'homme n'a pas le droit de se désintéresser! Comme les alchimistes du moyen âge. nos beaux esprits sont penchés sur des éprouvettes ~mpies,

et des cornues, dans lesquelles ils cherchent la pierre philosophale du bienêtre universel. Pour nos contemporains, ce monde physique est beau, il est l'lon aussi, il faut l'aimer. il faut l'embellir encore, il faut l'utiliser savamment, lui demander tous les agréments et tous les avantages qu'il cache dans son sein encore incomnlè:ement exploré. Or, l'Eglise s'en vient crier à ces hommes qu'un jour approche où tous leurs ouvrages seront détruits, et où les éléments naturels eux-mêmes, qui font le Lharme et la force de l'univers actuel, seI ont bouleversés, broyés, anéantis. « Le soleil s'obscurcira. la lune ne donnera :Jltts sa lumière. les étoiles tomberont du ciel. et les vertus des cieux seront ébranlées." .... Chose singulière! l'Eglise a annoncé la fin du monde longtemps avant que l'étude scientifique de l'univers ait permis de rien conclure sur ce point. Mais voici qu'aujourd'hui les grands mathématiciens, les grands astronomes nous déclarent que, sans préjuger des bouleversements imprévus qui peuverJ.t se produire, et à ne considérer que le seul ieu des forces naturelles continuant d'al!ir comme elles agissent. le monde aura une fin. « Il faut renoncer. dit le célèbre .1stronome fave. à ces brillantes fantaisies par lesquelles on cherche à se faire illusion. à doter l'homme d'une postérité illimitée. à conc:idérer l'univers comme un immènse tréâtre où se développe spontémément un prol!rès sans fin. Au contraire. l.q vie doit disparaître ici-bas, f't les œuvres matérielles les plus grandioses de l'hum::tnité s'effaceront peu peu sous l'action de quelques forces physiques qui lui serviront pendant un temps. Il n'en restera rien, pas même les ruines.» Il faut en prendre son parti, le monde finira. Par conséquent, si nous sentons en nous des désirs d'immortalité; s'il y

a


98 a au fond de notre âme un intime besoin de travailler à quelque chose qui dure toujours; si. comme l'artiste grec, nous voulons peindre pour l'éternité, élevons-nous au-dessus de ce qui nous entoure, vivons pour l'invisible et n'arrêtons pas nos ambitions à la possession ni même à l'amélioration des choses terrestres, montons plus haut. Excelsior! Pauvres fous que nous sommes de nous attacher si fort à un monde qui se meurt, et d'oublier si facilement le ciel qui ne meurt pas!

L'Observation du Dimanche L'observation du dima:-~che crmprend un ensemble de devoirs de natures diverses, mais tous d:une grande importance.

I. -

Devoirs de famille. -

1. Veil-

ler à ce que personne ne travaille autour de soi, le dimanche parmi ses proches. 2. Donner aux siens l'exemp!e et se monti:er rigoureux sur tout ce qui concerne les devoirs relatifs à la sanctification. · 3. Vivre en famille et faire que, pour tous les membres, le dimanche soit un jour de saintes joies et de sàtisfélctions du cœur. 4 Ménager, le dimanche, se~ Ù'mestiques; veiller à ce que les gros travaux d'! nettoyage se fassent le samedi. Leur faciliter l'assistance :mx offices. II. - Devoirs sociaux. - 1. Ne jamais faire travailler le dimanche les ouv~iers que l'on occupe d'une façon habituelle et à qui l'on paie un salaire. 2. Ne jamais donner de commande aux ouvriers et au.x o11vrières librec;, dans des conditions telles que la livraiso~ des objets dans le délai stipulé dotve entraîner presque nécessairement pour eux le travail du dimanche. 3. Introduire la clause du repos du dimanche dans ses contrats avec les en- ,

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trepreneurs. dans ses baux avec les fermiers, dans les locations de ses locaux aux industriels et aux ouvriers. 4. Ne pas mettre des lettres 3 la poste le samedi, afin que les facteurs puissent jouir de leur dimanche. 5 N'accepter le dimanche aucune livraison de linge, de vêtement ou de combustible. 6. Selon la recommandation de l'Eglise, pratiquer, le dimanche, les œuvres de miséricorde, visiter les :nalades, les pauvres~ l~s gens d~ son entourage et avec qu1 1on a affa1re, quand i!s sont dans l'affliction et dans le deuil. Ces œuvres de miséricorde sont en pratique l'accomplissement de Ja loi fondamentale du christianisme l'amour du prochain. Or, pratiquement, le procham du patron, c'est l'ouvrier; celui du marchand, c'est son client· celui du propriétaire, c'est son locataire et réciproquement, etc., etc.

Pensées sur la mort Il n'y a pas de mort, il n'y a qu'une absence qui peut finir demain. Cette absence ne peut devenir éternelle que par notre faute, et Dieu prend un soin tendre d'allumer dans nos cœurs, par cette absence elle-même, toutes les lumières qui nous rendent quasi impossible de nous perdre et de nous égarer.

>< Si. nous n'avions pas Dieu, quelle hornble chqse ce serait que la mort, quand nous voyons combien complètement elle nous tue. Mais Dieu l'a vaincue, et elle aussi mourra, et nous vivrons.

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Croyez que la mort n'est pas la nuit mais qu'au contraire elle déchire les ombres; q~'elle ne sépare pas, mais qu' au confratre elle umt dans le sein de

Dieu ceux qui se sont aimés véritablement, , c'est-à-dire aimés selon Dieu.

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.... Il faut s'incliner devant Dieu, il faut bénir sa main qui brise ces nœuds après les avoir formés. Il faut se dire même alors que Dieu fait bien ce qu'il fait et qu'il fait tout par un conseil de sa miséricorde et de son amour.

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je vous remercie de me rappeler les grandes vérités de la foi. C'est là le vrai baume de toute douleur. Par la miséricorde de Dieu, nos cœttrs n'en ont pas été privés. Nous croyons, nous aimons, nous espérons. A travers nos larmes, nous voyons que la mort n'est qu'un des mensonges de ce monde. Ecartant le fantôme avec le signe de la croix, nous n'en voyons que mieux la véritable vie et nous y aspirons davantage et plus efficacement.. ..

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je n'ai pas besoin de vous dire qu~ Dieu ne frappe jamais sans justice et sans miséricorde, et que le cœur qu'il semble écraser se relève, au contraire, sons sa main: je pleure, mais j'aime; je souffre, mais je crois. je ne suis pas écrasé, je suis à genoux.

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]'ai appris que vous avez perdu un de vos enfants. Perdu est un mot de ce monde, et il n'exprime pas les sentiments que nous devons avoir, nous qui savons que le ciel gagne ce que nous perdons ainsi.... ]'ai passé par là, je sais que mes filles et leur mère ne sont pas mortes. je ne les ai pas quittées et elles ne m'ont pas quitté; mes filles sont presque plus près de moi que leurs sœurs vivantes. La mort nous cache, ou plutôt nous voile un moment et légèrement ces êtres chers, qui bientôt redeviennent présents et d'une certaine manière visibles. Tu connaîtras et tu goûteras cette merveille de Di€'u. Tu sauras combien il est vrai que Dieu n'a

point fait la mort et ne lui a point donné cette puissance sur nous. C'est nous, au contraire, qui avons puissance sur elle. Far le nom, par l'amour et par le sang de jésus-Christ, nous la chassons; elle fuit et nous rend sa proie, n'emportant qu'un lambeau, et encore elle le devra rendre, car les morts ressusciteront. Rien de nous n'appartient à la mort que ce qui lui est livré par nous-mêmes .... Dieu nous a donné nos enfants par une grâce. Nous connaîtrons tout l'amour de Dieu, nous le bénirons éternellement. Cette douce main de nos enfants qui habitent avec Dieu nous fera doucement franchir ce reste de mauvais chE"lllin de la vie, où nous avons été engagés ....

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Les tombeaux semés sur notre route sont les marches d'un escalier qui finit au ciel. Regardons le but avec confiance, ne nous décourageons pas, et, quel que soit l'effort à faire, montons au ciel. Ces chers tombeaux sont de~ jours sur la vie éternelle; j'y sens le mensonge de la mort et je nie même la séparation. Il n'y a qu'un éloignement à portée de vue et une courte absence, avec une belle et sereine lumière sur le chemin de la réunion. Le juste mourant, c'est le voyageur au bout de sa course, qui, voyant à peu de distance la maison de sa famille, oublie le chemin, ne doute pas de l'accueil et déjà se sent tout reposé à l'aspect de son repos.

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Heureux ceux qui espèrent dans la mort et qui, entourés de toute l'estime du monde, en paix avec les hommes, en paix avec eux-mêmes, jettent Vf'rs le Maître suprême le regard confiant de l'ouvrier qui a fait son travail et du fils qui rentre à la maison.

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Il faut désirer la vie éternelle et rien de plus que ce qui peut v conduire.

Louis Veuillot.


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Pour les émotions qu'il excite. Il nous parle de la religion, de la patrie, des traditions. Pour les enseignements qu'il répand. Autrefois. ils attendaient pour paraique décembre fût tout à fait à son Conseils théoriques et pratiques pour :lin. Nous nous souvenons d'une gra- grandes et petites choses v ?bondent. Il re admirée dans l'un d'eux, sauf er- vous indiquera à la fois l.es façons 1~ plus ingénieuses de secounr le procham If et représentant le marguillier, la it' de la Saint-Sylvestre. Sa montre ou de vous débarrasser des rats et des main il guette l'instant où il va égre- souris. , L Pour les souvenirs qu'il perpetue. es r da~s les airs le Rlas de l'an qui récits des temps passés, la r~latioyt ~ur­ ~urt et le carillon de l'an qui naît. Ainsi faisaient un peu les almanachs tout des événements de l'annee qu~ vtent ils n'étaient pas un cadeau suranné de s'écouler, que de pages qm plus d'une fois attacheront nos yeux_! ur le premier ;anvier. Pour l'espoir Qu'il donne. S'il ne peul Notre amour de la vitesse a modifié a. C'est à savoir lequel sortira le plus toujours se louer de l'an qui précède, : de presse. En septembre déjà q'!el- !'almanach prêche immanquablement la .es uns de leurs éditeurs nous envotent confiance dans celui dont il porte le millésime en exergue. s faire-part de leur naissance. C'est lui qui. cet an nouveau, l'introPar là-même l'almanach perd de sa g:nification. Sa revue ne nous rensei- duit dans le monde. Le prono~cer av~t te pas ~ur tout ce q~'e!le devrait r~su­ lui, c'est vouloir voler l'aven~r qn dt~ respectueusement l'an procham, JUSqu ~r. L'impression generale elle-meme li devrait s'inspirer des grands souve- au moment où sur sa cot~vertu~e, }'alirs de l'année écoulée, peut diffé.r~r manach a imprimé 1915, et hvre au public cette date, qui doit le consoler ! celle qu'en aura ressentie l'humanite. ar rien n'est instable comme le mon- de 1914 et nous apporter plus de bon, et dans les deux derniers mois, . il heur. Par cet espoir qu'ils agitent, p~ ses ~~t se passer de tristes événements, qui prédictions dans lesquelles tou1ou~s, ~couvriront d'un voile de tristesse les romesses de leurs dix prédécesseurs. même quand l'horizon est le plus n01r, Les almanachs, pour \IU'on puisse ex- ils cherchent de glisser un rayon d'arcrimer tout le suc de leurs charp1e.~, en-ciel. les almanachs constituent en oivent être lus le 31 dé~embre ou le collections une leçon puissante. er ianvier. Mais qui attend jusqu'à Si l'almanach de l'année a son char~s dates. le ;our où. bien avant, ils sont me. la collection des vieux almanachs en a un bien plus pénétrant encore. C'est rrivés sur la table de famille. Malgré tout. les alma'lachs conse~e­ une histoire. mais une histoire vivante, ont leur importance. Chaque foyer t~en­ écrite sous le couP des événements, où • qu' ra à avoir le sien, oour les se~vtce~ t espirent encore toutes 1es passtons ratiques qu'il rend d'abord. Grace a ils ont suscitées. Histoire en même temps de détails. li nous savons quels sont les jeûnes à 1bserver. les fêtes à souhaiter, _le~ pha- Que de choses y ont été consignées, auxquelles leurs contemporains al;!achaient .es du soleil. de la lune et des et01les. Pour les distractions, qu'il procure. une rrrande importance et que deux ou 1 y en a pour tous les âges et pour tous trois ans ont suffi pour e-îfacer de toutes ~s goûts, de sérieuses et de qésopitan- les mémoires. Pourtant elles ne périron! pas tout à fait; parfois un rêveur qut es.

Les Almanachs

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préfère vivre dans le passé que dans le présent. va les dénicher au milieu des paperasses poudreuses ei: son émotion leur prête une nouvelle vie. Que d'illusions nous y recueillons aussi, que le temps s'est chargé de faucher! De toutes les espérances auxquelles ils se sont livrés en souhaitant la bonne année à leurs lecteurs, combien peu se sont réalisées! Et pourtant ce n'est pas une besogne décourageante et déprimante, que celle de feuilleter les vieux almanachs. Au contraire, une leçon s'en dégage. Celle de la force de la tradition; celle de l'effort, si souvent déçu, mais reprennant toujours, et finissant néanmoins à atteindre, à pas lents. anrès de subiis reculs, l'effet qu'il se propose. Telle année saluera la naissance d'une œuvre de JZrande envergure, dont les t:.uteurs attendent beaucoup P"Ur la religion, pour le pays, pour l'lÏum1nité. L'année suiv'lnte nous donnera la nécroloJZie de son fondateur, Mais un peu plus tard. l'ir1ée est reprise. Elle se heurte à des Clifficultés nouvelles; un jour cependant son but est atteint. 011i_. ;o~u fond <:nrfout s'ils sont inspirés d'une ir!ée rehrrie,t~e re S"nt des le\Ons de patience et de devoir que nous fournic:sent les alman "lChs. Ils nous disent qu'ile; sont rares ceux qui ont cueilli les fruits des arbres plantés par eux. Mais ils nous disent également qu' aucune peine n'est perdue; que tout dévouement, que toute initiative généreuse laisse son germe. P9ur qu'il se développe, il faudra une température favorable. de nouveaux dévouements, de nouvelles ini 'iatives. Et c'est cette somme de labeurs gont leurs a uteurs ne voient pas l'issue qui constitue la tradition et assure le progrès.

N'ayez pas penr! N'ayez pas .peur d'être bon. C'est !à une crainte très répandue et qui donne leur audace aux mauvais. Ne criez pas votre bonté, mais ne Œa cachez pas à cause de l'exemple. N'ayez pas .peur du danger, toutes les fois que le devoir commande. Allez-y vivement, joyeusement, conune à la fête. . ' . N'ayez pas peur des échecs. Le premiér rst nécessaire, car il exerce la volonté. Le second peut être utile. Si vous vous relevez du troisième, vous êtes un homme, vous êtes comme le raisin qui n'est jamais si bon que s'il mûrit suT les cailloux. N'·ayez pas peur de la médiocrité de fortune. Soyez persuadés que la paix. la fierlé la générosité, l'honneur, la joie aussi ont été souvent pauvres chez nous. Il y a des races c. ui cherchent l'argent passionnément Il y en a qui en usent et qui croient à mieux. N'ayez. pas peur du victorieux, comme si la victoire était une raison . Ne restez pas dans L'esprit de la défaite Les vaincus s accusent trop eux-mêmes, ils perdent la moitié de leurs forces à copier leur ennemi. N ayez pas peur parce que vous vous êtes tro111pés de bonne foi . mais relevez vous de 1e-rreur. Les saints, comme ious les chefsd œ uvre, se font lentement. N'ayez pas peur de la mode; ne jugez pas d'une cause, d'une idée, d 'une vérité par le nombre des partisans. Voyez les chiens. Ils ne considèrent pas la pauvreté de leur maître, ni son isolement. Ils l'aiment. C'est un exemple. Vous aimerez Notre-Seigneur dans l'abandon où les hommes le laissent. N'ayez pas peur de l'o~scurité, de la difficulté de votre métier, car l'homme vaut non pas p'lr l'importance et Je retenti ~~etTJ ~nt de ses actes. mais par la volonté q ai l'anime. Un brin de paille ramassé avec amour par la fermière pour le nid de ses poules, méritera plus de récompense que dix actions d'éclat faites orgueilleusement Quand l'homme a cassé les mottes. semé de l'herbe raboté de, planches. conduit un tramway graisEé des roues de wagon, copié des lettres, aligné des


102 :hiffres, quoi qu'il ait fait, s'il IJ'a fait honlêtement s'il n'a point causé de tort h. son roisin ni blasphémé, ni méconnu la Bonté par :(Ui tout subsiste, Dieu lui donne son para:lis. Pour ceux qui savent voir, tous les métiers lu isent également de ce reflet d'en haut. N'ayez pas .peur de la guerre. Priez pour ~u'elle soit épargnée à votre pays, parce qu' !Ile est ·accompagnée de grands maux. Priez !>OUT qu'elle ne soit pas injuste; mais, si ~lie ~st déclarée, jetez-vous-y. Un vieux chevalier, le comte de Gruyères, .partant pour la croi· ;ade de Godefroy de Bouillon, lançait à ses compagnons ce cri de ·guerre qui doit être :elui des braves: c En avant! il s'agit d'ailer, revienne qui pourra!» N'ayez pas .peur de la mort, parce qu'elle n'est qu'un. passage, le défilé couM obscur pour nous, qui s'ouvre sur la Plaine de Lu· rnière!· René BAZIN.

Adam et Eve, Paysans cultivateurs L'agriculture produit le bon sens et un bon sens d'une nature excellente. Joubert. La! Genèse nous apprend que Dieu ayant créé Adam et Eve, les installa dans un jardin ou une campagne fertile, leur ordonnant de le cultiver avant même qu'ils eussent péché: c'est-à-dire' qu'il les créa paysans cultivateurs ou jardiniers. C'était logique. Il faut vivre avant tout, devait-on dire dès cette époque, et pour vivre avant tout, il faut ~ti~er cham~s et jardins, car l'homme, à vrat dtre, ne v~t que de son agriculture. La carotte, n'en deplaise à personne, précède la philosophie. Et les choses n'ont point changé depuis ces débuts et ne sont guère à la veille de changer. L'a~riculture a été et restera l'art p~emier, duquel dépendent tous les autres, et 1~ y a moins de paradoxe qu'il ne paraît dans 1~ boutade de Brillai-Savarin, affirmant que celul

qui découvre un plat nouveau rend un plus grand service à l'humanité que celui qui dé· couvre une étoile. L'un des malheurs de l'époque présente est précisément d'oublier beaucoup trop cette élémentaire vérité. Et .parce qu'on ne le comprend pas, le monde court à la misère et à la dépravation. On croit faire merveille en multipliant les industries et les industriels, d'où une production disproportionnée avec la consommation, le dépeuplement et l'abandon de la campagne, l'appauvrissement physique et moral, l'impossibilité de gagner son pain sur les vieux jours, etc. On s'imagine rendre service à des générations entières en les arrachant à la campagne, en leur faisant miroiter sous les yeux les illusions d'une vie supérieure, en _favorisant les rêves de la vanité et de la sotttse, en provoquant le fléau du déclassement sans motif, ni raison: on travaille 'en réalité, le plus souvent, à peupler des trottoirs, les hôpitaux, parfois les prisons, par une éducati<;>n factice, aventureuse et vide. Il faut considérer comme un fléau social un grand nombre d'institutions, dont le r~· sultat n'est pas de faire comprendre et apprecier la loi primordiale imposée par le Créateur et la nature, mais d'en dégoûter, d'en éloigner et de donner une importance privil~­ giée à ce qui n'est que secondaire, et parfois misérable. L'art des arts, j'allais dire s.inon Je plus noble, du moins. le premier à plus d'un tttre, est ~·art de l'agriculture avec les arts qui s'y rapportent. Si tous ne doivent ~e pratiquer, tous devraient du moins en avo1r l'intelligence et une notion convenable. Ce se: rait une aberration de moins. Il en est qu1 s'imaginent déchoir en lui donnant quelque attention; on va jusqu'à se vanter de cette ignorance comme d'une distinction, surtout parmi les petites campagnardes parvenues, qui naquirent un jour non loin des chèvres, et croient se grandir en méconnaissant l'humilité de leur entrée dans la vie. Tout cela est parfaitement ridicule. NulJe femme, à quelque catégorie qu'elle appartienne, ne devrait ignorer comment croissent les fruits qui ornent sa table, les légumes qui en

103 font les délices. Indépendamment des avantages prat~ques, il y aurait là des connaissances intellectuelfes du plus vif intérêt et de la plus haute portée. La vraie science est bien plus dans les choses que dans les livres: il suffit de savoir lire les choses pour le cornprendre. Pour en revenir à notre carotte de tout à l'heure, je ne crains pas d'affirmer que le plus grand génie humain serait celui qui saurait la lire à fond. B. J. (,Les Causeries", de Fribourg.)

Le travail

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Le travail, quel qu'il soit, honore l'ouvrier. Il trempe l'âme, raffermit le cœur, inspire de la générosité, de la noblesse et de l'élévation de caractère, en même temps qu'il est la plus attrayante des distractions. j'entends pa.r • travail ~ celui qui n'est point accepté comme une corvée, celui que nous aimons, que nous comprenons avec joie, qui répond à nos goQts, à nos aptitudes, pour lequel nous avons fait un apprentissage et nous sommes préparés. Il n'est pas de plus beau mot dans la langue française que celui-ci composé de deux syllabes .sonores et harmonieuses comme un tintement de .pièces d'or; il n'en est pas qui soient, comme celui-ci, synonymes de force, de bonne santé et de bonne humeur, de droi. ture et de probité. C'est au travaif que nous devons tout ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. C'est le travail qui met en nous les rayons du so.leil qui éclairent notre visage et nous font l'âme rayonnante et légère. C'est le travail qui nous donne la satisfaction d'être utiles, de laisser une trace derrière nous, d'accomplir une tâche profitable à tous nos semblables, de nous mouvoir dans le rythme universel des choses comme l'abeil1e sa nichée et se fait le puissant auxiliaire de l'agriculture. C'est le travail qui nous pennet de prolonger l'effort de nos parents, de ne pas laisser péricliter la situation qu'ils ont conquise, dE pré.parer un avenir meilleur à nos enfants.

C'est au travail que nous devons l'appétit qui nous fait trouver les mets délicieux, le besoin de repos qui nous fait apprécier la douceur du sommeil sans agitation et la douceur d'un bon ht. C'est au travaib que nous devons le contentement intérieur qui nous fait aimer nos ~emblabies et chercher à être aimés d'eux, puisque nous. sommes -leur collaborateur dan·s l'entreprise commune. C'est le travail qui double le prix de nos plaisirs, parce qu'un plaisir gagné, mérité comme une récompense, a beaucoup pllus de saveur et demeure sans amertume. Le poète devant la page blanclle qu'il va noircir de ses pensées fécondes; F'a.uguste laboureur derrière la charrue qu'il dirige en ligne droite et dont le soc creuse, dans les flancs de Ja terre, Je sillon profond d'où sur· gira la moisson prochaine ; le forgeron frappant Je fer rougi sur l'enclUme sonore, de son marteau pesant; le menuisier courbé sur !l'éiabli et poussant avec ardeur sa varlope; le maçon alignant au fil à plomb les pierr<!s qu'il entasse pour lia construction d'une maison; le wmmerçant actif dans sa boutique ; le professeur dans sa chaire; le bureaucrate à son bu· reau: tous les travailleurs de quelque catégorie qu'ils soient, éprouvent des ivresses que Je milliardaire oisif ne peut pas s'offrir A ~-rix d'or: des sensations incomparables et véhémentes, qui font sentir à un artisan qu'il est un créateur, puisque ses mains laborieu· ~es donnent cmps à ses conceptions, créent, perfectionnent Le prix du travail ne se borne pas au &<~· laire important ou maigre qui le .paie; i~ est dans l'orgueil l~itime de remplir un rôle important ou humble; dans la joie de donner un bon exemple; dan!. la satisfaction de faire un utile emploi de son énergie, de sa pensée et de sa vie; dans les satisfactions de toutes sortes complexes et élevées que Je travail seul sait offrir et qu'il donne abondamment. Le travail grandit, élève, ennoblit, comme l'ois.veté ,!iminue, ::.vzk et a\"i 1it. C'est parmi les oisifs qu'on trouve les vicieux, les mallaisants, !fs êtres iautiles, ~ ch<'J ge à la société et à eux-mêmes et telle est la puissance


105 bienfaisante du travail qu'il relève ceux qui S'l" t< rr bés, qui o:Jt •:ommt> une c!reur ou wu:. f:ll'te; qu'il rachète le., t(rr!.,. et rrhabilite l~s déchus. Il n'est pas, il me semble, de pensée plus humiliante et plus attristante pour un oisif que de se dire: autour de moi les autres s'agitent, peinent, courent, poursuivent un but, espèrent, affirment leur utilité et je me repose. l.eur vie est fructueuse et la mienne est sté1 iie; le devoir leur est facile et il m'est pesant; ils ressemblent à un champ qui ne cesse de produire de hautes moissons et je suis la friche · inculte que ronge cette lèpre : la pafesse. Mon existence est un ennui per~tuel, un malaise ininterrompu, une languissante agonie. Mes espérances ne se réalisent pas, parce que je suis mou, sans volonté, sans courage et que la Fortune ne vient au secours que de ceux qui sont courageux et entreprenmts, le Ciel n'aide que ceux qui s'aident. l. avenir ne m'apportera que des déceptions, :le~ désenchantements, des épreuves et des •1tisères, puisque je n'ai pas songé à lui dans Je passé. j'ai cherché de tous côtés un remède ~ux maux que donnent le désœuvrement: la ladeur, l'ennui, la tristesse sans songer que le travail m'eût guéri des peines réelles et Imaginaires. De quelque côté qu'on entende un homme !>C plaindre de son sort et de la vie, on peut ê•rc ce·. â:i;. que ses plai:t! ';, r.~ sont pas formulées par un travailleur. La vie n'est lourde el !ente que pour Jes oisifs et les inutiles enrombrants. Elle paraît trop courte quand on l'emploie bien, quand on la consacre au tra\ail. La vie est belle, riante, heureuse, abondante en ressources et en espoir pour tous les travailleurs et c'est pour les travailleurs seulement que le soir de la vie est calme, paisible, sans maladie, sans remords et sans regrets, empreint d 'une indestructible sérénité.

Les trois croix (Récit d'un soldat ang.Iais.) J'ai vu tomber notre officier; je l'ai conduit

:.lu front à l'hôpital; j'ai suivi heure par heu-

re sa dernière joumée. Rien n'est plus beau, rien n'est si beau. Et quand je pense qu'un tel homme est aujourd·'hui une dépouille sous la [erre, un sanglot me monte à la gorge. Je croyais le connaître, notre officier. Je l avais plus d'une foi5 conduit dans mon auto. Je l'aimais bien, mais je ne me doutais pas oue c'était un héro.;. Il était nerveux, je J'avais remarqué. Plus ù~une fois j'en avais ~ouri. Au. moindre dérapage, au moindre tournant brusque, il tressai fiait. Je me disais : Toi, mon officier, si ti:r.ide aujourd'hui, qu' est-ce que tu vaudras aa fm? Je me .le demandais, je le sais aujourd'hui; il a été brave entre les braves, et bon entre les bons. II faut que je vous raconte toute cette j<')urnée et ce qu'elle fut pour i!OUS et ce qu'elle fut pour lui - sa dern1ère journée. Il commandait notre section d'infan'erie, dans la plaine, devant les faubourgs d'Y:'res. Nous étions là dans nos tranchées, solides. mais bien éprouvés. Nous recevions 1a plü!r depuis plusieurs jours, nos vêtements, mouillés, nous colla,iènt au corps et nous glaçai~nt. Pourtant nous ltrlJions toujours, nons I.Jtftons avec énergie. Où prenions-nous notre force? Je n'en sais rien, c'est miracle. Lrs Allemands nous avaient attaqués sans répit, de l'aube au soir. Leurs attaques avaient éré violentes, comme toujours. La nuit vint, et nous sortîmes avec prudeBce de nos tranchées pour procéder à la triste besogne quotidienne: ('nsevelir les morts, ramener les blesSfs. L'ennemi veillait, tirait. U fallait se mouvoir sans bruit et sans lumii're: le feu d'une cigaretie sufiisait à bire jaillir une volée de. balles. Nous rentrâmes vite dans nos trous. Il y eut alors un instant calme, trop calme: on devinait la men:1ce et l'orage. Le3 AHemands nous chargeaient baïonnette au canon. Une charge à la baïonnette, c'est tout à fait dans le goût de nos hommes, personne ne s'y rntend mieux qu'eux. Nous n'attendîmes pas que l'ordre en fût donné : du premier au dernier, nous sautâmes hors de nos tranch~es, et, acier contre acier, nous heurtâmes les Allemands. Des Allemands vainqueurs dans un combat à ta baïonn~tte. je n'ai jamais 1111 ce.

ia, personne ne l'a vu. Nous trouvant devant eux, ils battirent en retraite. Mais ce ne sont pas des lâches, et je leur rends justice: tout en se retirant, ils aidaient leurs blessés et fai~aient leur possible pour les entraîner avec eux. La nuit se passa, l'aube revint, et nous vîmes le terrain où nous avions lutté. Sans douk les Allemands étaient revenus à pas de :oup après le combat pour relever leurs camarades: car l'espace était vidf- devant nous. Points de morts, point de blessés. Si fait: un blessé, un seul, qui gémissait dans l'agonie. li gisait à mi-chemin entre les deux tranchées, couché sous les balles. Nos hommes tiraient toujours. Aucun d'entre eux, je suis heureux de le dire, ne visa le malheureux. Alors nous vîmes un homme qui se levait des tranchées allemandes. Que voulait..il faire? Sans doute il voulait porter aide au bles.. !!é, car il marcha vers lui. Il ne marcha pas longtemps. Une salve tirée par les nôtres le jeta bas. • Cessez le feu! • commanda sou· dain notre officier - celui-là même, ce nerveux dont je vous ai parlé. 'Nous obéîmes, et nous le vîmes avec surprise sortir de la tr~J:chée. les Alle1113nds le virent aussi. Ils avaient à venger ·leur camlrade. Ils tirèrent tous sur lui, et une balle le frappa. Il s'arrêta, i! chancela. Mais il nt: tomba pas, comme J'autre; avec un immense, un visible effort, il se reprit et marcha fermement vers la tranchée v.llemande. • Il est fou! • s'écria mon voisin de combat. L'instant d'après il regretta son mot, car il se tut, et nous fûmes ensemble tém0ins d'un si grand spectacle d'héroïime qu'une acclamation monta d~s deux tranchées, et pendant une heure, je crois, ou presque une heurt:, per$onne. ni d'u· ne part ni de ,p,autre, ne tira un coup de tus1l. Notre officier marcha JUSqu'au blessé, puis, !out bl~ssé qu'il fût lui-rnéme, il Je releva, l'aida à marcher, et, à la stupeur de tous, le conduisit droit aux tranchées allematules. Il l'assit doucement sur le talus de terrt', salua ks ennemis, puis toama les talons pour revenir vers nous, aussi tranquille. auSSI sûr de sa vie en ces très courts instants qu'il eQt pu l'être en sa main. Mais il1 ne revint pas sans

récom'(J"use, car un officier allemand sauta hors de sa tranchée, d prenant sur son habit sa Coix de fer, il l'épmgla sur la poitrine de !10tre héfos. Avez-vous jamais entendu la. f-oule crier: " But! Goal! • sur un terrain de jeu, au dernier jour d'un match? Le cri qui monta des deux tranchées était pareil, et si un soldat allemand avait tiré sur notre oificier pendaut qu'il revenait vers nous, a aurait été tué par ses camarades, j'en &uis sûr. Il revint lentement, il avançait avec peine. Nos appels, nos hourrahs, encvurageaient sa marche. Il arriva ~ntin, et il tomba, défaillit en nos bras. Les Allemands nous laissèrent le temps de l'accueillir, de prendre soin de ~ui, avant de recommencer leur attaque. Le dur combat reprit ensuite. Le soir venu, c'est me>i qui fut désigné pour le conduire à l'hôpital. Il était déjà très souffrant et faible. No· tre général le vit : l'arrêta un instant, et lui dit qu'en œ jour même ri demandait pour lui la Croix de Victoria. Nous partîmes. Hé1as, la seule croix qu'il porte aujourà hui, le dernier d'i!ntre nous l'obtiendra quelque jour: c'est une croix de bois fich6.! dana ia terre. Je ne puis 1e dire sans que mon cœur se brise. (,.J. de Déhats").

La Leçon d'Histoire Dans le matin léger d'octobre, le vent du Nord. venu à travers les plaines de la Beauce, faisait frissonner les maigres bouquets d'arbres du petit village. Au Sud, on a.percevait les murs de Châteandun, estompé par ia brume. Et toute la campagne était muette, co:nme si la venue prochaine des Prussiens avait r.rrêté la vie tout à coup. Seuls étaient restés dans le village le maire, vieillard aifaibli, quelques femmes avec leurs enfants et le maître d'école, un petit homme aux cheveux déjà blancs, au dos voûtt, aux traits creusés par l'âge, mais aux yeuK pleins d 'orgueil et de flamme. M. Simon n'était pas marié. Sa réserve d'alfection s'était report~r sur


106 enfants qu'il était chargé d'instruire. En te temps que sa seule tendresse, ils étaient unique souci. Pour eux, il avait une véJle passion, mais une passion grandiose trouche, et, se sentant près de la towbe, êvait de J.aisser derrière lui, dans son e, un souvenir à la fois utile et giorieux. !vait qu'après c;a mort un peu de son arr patriotique, de sa foi en l'immortalité la France, demeurât dans l'âme de ses es. 'our tuer le temps, M. Simon se reodatt ~ue jour à la mairie, où se trouvait )a ! d'école. Quelques enfants venaient en!. Comme si rien de tragique ne se pasautour d'eux, il leur faisait la classe. Il · par.lait surtout d'histoire, de la grande oire de la France, des campagnes d'Egypte l'Italie, des héroïques épopées qu'avaient s. les charqps de bataiLle de l'Europe d.! i à 1815, et quand, parfois, le bnut d'un p de feu claquait dans le lointain, le mais'arrêtait, puis, un tremblement dans ra c, reprenait: - Le matin de la bataille d' Austerlitz, )())éon....

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arrivant à la maison commune, M. Sice jour-là, rencontra le maire, qut semlt l'attendre. Ce dernier, tout de su1te, le au courant des mauvaises nouvelle:t q:t'il ait de recevoir, - Il paraît, dit-il, que les Prussiens ont ! de brûler Châteaudun et tous les bourgs l'environnent, surtout Varize et Civry, ils ont été reçus à coups de fusil. - Et savez-vous, Monsieur le ma1re, SI 1s sommes menacés? - C"est probable! notre village, corrune les res, a fourni des francs-tireurs. Les deux vieillards se regardèrent en si:e. Leurs visages marquaient la même a.nsse. Enfin, le maire reprit: - Qu'allons-nous faire? - Attendre. - Et si l'on tire sur nous? -Mourir. M'. Simon avait dit cela simplement, cornla suite logique des événements qui se l,

précipitaient autour d'eux. . Des cris et des rires éclatèrent derrièr~ la vitre fermée de l'école. - Voici, fit M. S.imon mes enfants qui profitent de mon absence. Je vais leur bire ma classe. - Comme d'habitude? - Comme d'habitude. Voulez-vous verur avec moi, Monsieur le maire? - Ma foi, rien ne m'a.ppelle. Autant rester près de vous! , - ~t les deux hommes, graves et silencieux, enfrerent dans la salle d'école. Les cris et les rir~.s s'lldJaisèrent aussitôt. Tandis qu_e le maire s'asseyait près de 1a fenêtre, M. Simon monta à sa chaire. Du regard, il compta ses élèves. Ils étaient une dizaine environ d;: 12 à 15 ans, tous avec des mines de bo~e santé et des yeux avides de savoir. Un silence profond et impressionnant passa. Puis le maitre ' impassible, prit la parole: - Mes enfants, dit-il, j'ai peut-être aujourd'hui; pour la dernière fois, le bonheur d'être avec vous. J'ignore œ que le destin .•tous réserve, mais je veux que. vous puissiez dire un jour, en parlant de moi: c M. Simon était un brave homme. Il aimait la France par-dessus tout. Il n'a jamais désespéré d'elle. C'est un exemple. Comme lut, aimons-la et ayons maLgré tout et toujours, confiance dans Îa pe.trie. » Le maître écrasa, au coin de l'œil, quelque chose qui ressembfait à une larme · et continua: - Vous savez tous les malheurs qui accablent en ce moment notre pays. Eh bien! pour vous prouver que nulle catastrophe ne doit jamais nous abattre, qu'un jour ou l'autre la fortune peut et doit nous redevenir fa\'Orable, il n'est pas de meiJieure 1eçon que c~lle .de l'hisioi re. Je vous ai dit la grande vtdmre d'Austerlitz. Aujourd'hui, je vais vous parler d'Iéna, Jéna qui a vu la déroute de la Prusse.... Ecrivez! Les têtes blondes se penchèrent sur :e 1)llpier. M. Simon, jetant un regard par la "fenêtre, considéra un moment le paysage d'octobre qui se déroulait, là-bas, à l'infini, ct dicta d'une voix forte, comme s'il ne rew..arquait pas l'étrange coïncidecce qui mettait

107 lace à faœ les mêmes peuples à la même époque de l'année : • Le 1er octobre 1806, Frédéric-Ouiliaume, roi de Prusse, somma Napoléon d'évacuer J'Allemagne. L'empereur s'y refusa, et aussttôt les !orees prussiennes s'ébranlèrent... • Le maire, qui, sans doute, n'avait 1ar.1ais entendu; parler ni de Frédéric-Ouillawne ni d'Iéna, écoutait avec la même attention naïve que les enfants. M. Simon continua, son livre d'histoire tremblant un peu entre ses doigts. • Napoléon accourut de Paris et .rejoignit !'.On armée en Franconie. Elle était forte de 175,000 combattants. Son plan fut arrêté sans retard. Bernadotte et Lannes commcncèr\!Ilt li! mouvement. Cependant, les forces ennemies s'étaient divisées, il fallut les attaquer separément, et c'est ainsi que, le 14 octobre 1806, deux batailles se livraient simultanément, l'une près d'Auerstaedt, et l'autre près d'léna. • Brusquement, le maire, qui s'était pencné vers la fenêtre, pâlit. Ses yeux, rivés sur la route, fixaient quelque chose que, seul, il voyait. • Au Nord, Davoust rencontra l'armée de Brunswick, près d 'Auerstaedt. Il repoLISS:I la charge de Blücher, prit à son tour l'offe.1s1ve et tourna le flanc ennemi. Brunswick est blessé à mort, et les Prussiens..... » - Les Prussiens! rugit le maire. M. Simon s'arrêta. Le vieillard, du doigt, montrait la route. Les enfants se levèrent et, pris d'une inconsciecte curiosité, coururent à la fenêtre pour voir ceux qu'on annonç.ait. ·En effet, des soldats, en uniformes sonObres et casques à pointe, s'avançaient prudemment, s'arrêtant à chaque pas, fouil!ant du regard les maisons, le fusil à la main, prêts à faire feu. M. Simon, les traits crispés par une Gecrète douleur et une volonté farouche, frappa sur sa chaire et commanda : - A vos places! Les enfants, subjugués, obéirent. - Je continue, dit-il. c Brunswick est blessé à mort, et les l'russiens s'enfuient dans la ,plus complète déroult:. Napoléon, cependant, se préparait à atta-

quer l'armée de Hohenlohe près d'Iéna. P~.n,. dant la nuit, il Iit du plateau de Landgralenberg une sorte de forteresse d'où débouchèrent à la fois dans Ja plaine Lannes, Augereau, Soult et Ney.... • Une ombre se profila sur la fenêtre, celic d'un sous-officier allemand. U considéra avec étonnement ces deux hommes et ces enfants qui semblaient ne pas se soucier du danger. Puis, pour entendre sans doute ce qu'on disait à l'intérieur, il cassa, d'un coup de crosse, les vitres. . M. Simon parut ne point Je voir et, d'une voix plus forte, plus ardente, continna: • En quelques heures, les trois lignes prussiennes furent enfoncées, et la cav.:~leric de Murat, à coups de sabre, chassa comme un troupeau affolé les soldats de FrèJéricGuillaume. » La porte, à son tour, céda sous la crosse des fusils, et i.es enfants, effarés, aperçurent toute une escouade de soldats prussien~ qui se préparaient à envahir l'école. Le maire s'était approch':! de la chaire, et M. Simon, très pâle, tenait les yeux obstiné · ment fixés sur .>on livre. Il reprit: • Ce fut pour la Prusse un désastre afireux. Elle perdit ce jour-là vingt-dnq mille tués ou blessés, quarante mille prisollfliers et !rms cents canons.... • - Taisez-vous! fit une voix avec un tori accent tudesque. Et un officier s'avança. C'était un petit blond, aux yeux pâl1!3, aa sourire mauv.:~.is. Il avait compris les dernières phrases du maître d'école, et, renùit fu · rieux par cette ~vocation de la grande défaite de son pays, à Pheure précisément où les bottes allemandes foulaient le sol françai&, aigri encore par la longue résistance qu'opposaient les francs-tireurs à l'invasion, noe lièvre de haine et de destruction l'agitait. - Taisez-vous, fit-il à nouveau, ou smon je vous fais fusiller sur place. Mais ce comm:1ndement n'émut pas M. Simon. Il leva les yeux du livre qu'il tenait, regarda les jeunes têtes qui le considéraient, ces enfants qui devaient être la France du lendemain et auxquels il voulait insuffler sa foi patriotique, son immortel espoir. Et dans ses


108 regards se lut la joie du r êve qu'il allait réa· ,iser. Il cria, debout et têtu: • Le soir de la bataille d'Iéna, quand on vint déposer aux pieds de Napoléon ies SOJ· cante drapeaux pris à l'ennemi, deux lougues tcclamations montèrent vers le ciel: • VIve 'empereur et.... ~ Un ordre sec. Frappé d'une balle en pleine ?Oitrine, M. Simon s'écroula sur sa chai,e. ;on livre lui échawa des mains. Mais ce livre, tout de suite, te maire s'é ~it penché et i'avait ramassé. II regarda un .nstant les enfants connne pour leur n10ntrer )Ue la lecture n'é!ait pas finie, et, enflant la roix, conclut: • Vive la f'rance! ~ Un second coup de feu éclata, qui renversa ~ maire à son tour. Il mit le point final à la leçon d'histoire. R. LAMOfrE.

La plus belle campagne de la vieille garde Le traité signé le 11 avril 1814 entre iles alliés et NapoJJéon trahi, aban[onné, dégoûté du pouvoir et des hommes, utorisait l'empereur, pour former la garnion de l'île d'Bibe, où il a llait vivre désornais, à recruter, .parmi sa garde, c quatre ents hommes de bonne volonté, tant officiers, .ous--oHiciers que soldats ~. C'est l'heure où Napoléon n 'attend plus ien de sa destinée lassée. Sa femme, ses frè•es n'ont point paru; ses maréchaux. ses plu3 hers compagnons de gloire l'ont quitté san~ n mot d'adieu , après lui avoir arraché son bdicahon; son médecin s'est enfui ; son valet e chambre. qui le servait depuis le Consulat, disparu; Je mameluk Roustam lui-même, ce hien CJui couchait en travers de sa porte, a éserté comme les autres. Lï.-mlement du vainII est tel qu'à l'heure de ses dernières visites, ans Fontainebleau silencieux, personne ne e trouve là pour ouvrir l"a porte du petii ppartement impérial à Caulincourt qui est •bligé de s'annoncer lui-même. ~uverains

H n'y a plus de fidèles que les grognards de la vieille garde occupant les postes du château. Ceux-là n 'ont pas été gorgés de pensions, parés de titres, honorés enrichis fêtés anoblis. Ils ont suivi leur gé~éral sur 'toute~ les routes de l' Europe, manquant souvent de pain, de chaussures, d'abris, ils n'attendent rien de lui; mais ils sont du peuple de France et Ja pensée de l'abandonner maintenant qu'il est abattu ne leur vient même pas. Apprenant qu'il est autorisé à désigner panni eux quatre cents hommes pour le suivre à 1"île d'Elbe, ils se disputent l'honneur de s'exiler avec lui. On put croire que le choix serait impossible, tant les demandes furent nombreuses. Le duc de Vicence racontait plus tard qu'un matin, comme Napoléon se promenait, solitaire et rêveur, dans le petit jardin de l'Orangerie, sur lequel s'ouvrait son appartement, un cuirassier en grande tenue sortit de la galerie des Cerfs et s'avança vers lui. • - Mon empereur, dit-il, je réclame justi· ce. J'ai vingt-deux ans de service, je suis décoré et je ne suis pas porté sur la liste do! départ. Si on me fait ce passe-droit là, il y aura du sang de répandu. - Tu as donc envie de venir avec moi? - Ce n'est pas une enviP, mon empereur; c'est mon droit; c'est mon honneur que je réclame. - As-tu bien réfléchi qu 'il faut quitter la France, ta famille, renoncer à ton avancement? Tu es maréchal des logis ... - Je leur en fais la remise de J"avancement... Quant au reste, je rn en passrrai ... et pour ce qui est de la famille, il y a vingt-deux ans que vous êtes ma famille, vous, mon général. fêtait trompette en Egypte, si vous vous rappelez. - Allons, tu viendras avec moi, mon enfant, j'arrangerai cela. - Merci, mon empereur, j'aurais fait un malheur, c'est sûr! ~ La petite armée.fut fonnée; on avait été oblligé de l'augmenter de moitié pour éviter les rixes et les coups de désespoir Elle quitta Fontainebleau le 14 avril, emmenant les équipages de l'empereur O'Ui devait se mettre en route seulement une semaine plus tard. Conduits par le j!énéral Cambronne. !es six cents grognards. anonymes et immortels, partirent au pas de parade, tambours battants, l'éten-

109 dard tricolore déployé et commencèrent cette marche héroïque de trois cents lieues à travers le pays pavoisé de drapeaux blancs, parmi nne population pressée de manifester son royalisme de commande et Je renier avec ostentation ses enthousiasmes passés, devenus compromettants. Partout l'attitude des grognards imposa un respect proche voisin du remords. Ils allaient, par la France envahie, sans rien voir et entendre, semblables à ceux qu'a peints Chateaubriand, • sentant le feu et la poudre •. A lia traversée des villes occupéeo: par les ennemis, ils avançaient, impassibles et graves ; jamais figures huma ines n'exprimèrent « quelque chose d'aussi menaçant et d'aussi terrible ». On les sentait prêts à • manger la terre • . - • Les uns, agitant la peau de leur front, fais-aient descendre leur large bonnet à poils sur leurs yeux... Les autres abaissaient les deux coins de leur bouche, dans le mépris de la rage; les autres, à travers leurs moustaches, laissaient voir leurs dents comme des tigres. • Quand ils m'l· niaient leurs armes, c'était avec un mouvement de fureur, et le bruit de ces armes rais'lit trembler. ~

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Le passage de la formidable phalange arrachait aux paysan~ un dernier cri de • Vh·e l'empereur! ~ Dans les bourgades, on regardait avec stupeur défiler ces fantômes de la grandiose légende ; à l'étape, ies soldats étrangers, logés chez l'habitant se bâtaient de déguerpir pour laisser ·Jeurs aises à ces gail!ards déterminés. Dix lieues après Avallon, à S:llllieu, un major autrichien, dont les troupes cantonnaient dans le village, refusa de céder la place. Cambronne vint le trouver : c·~st comme ça que tu t'y prend3, dit-il; eh bien, mets tes hommes d'un côté, je mettrai les miens de l'autre, et nous verrons à qui les logements resteront. . L'Autrichien n'insistl pas. L'adjudant Laborde, avec cinq hommes, précédait, en fourrier, 'la petite troupe. Corn· me il arrive aux portes de Lyon , il se h~urte à un chef de poste qui , royaliste fanfaron, refuse tout entretien tant que les • Elbois • n 'a uront pas enlevé de leurs bonnets la co-

carde aux trois couleurs. Laborde tire son sabre; le chef du poste s'enfuit; pas un de ses soldats ne prend sa défense. Le bataillon sacré approche des barrières; vingt mille Autrichiens ont pris les armes, fusils chargés, artillerie atielée, comme à la veille d'une bataille, pour tenir en respect ces six cents braves auxquels - tant ils font peur - on ne permet pas de pénétrer dans la ville : iJs traverseront seulement BeJœecour pour gagner la Gui.llotière et la rive gauche dn Rhône. Ils avancent, en bon ordre, drapeau déployé, tou4ours impassibles, avec leurs tambours en tête, et leur musique : quatre clarinettes, une flûte et nn cor. Les Lyonnais sont accourus pour assister à ce déiilé solennel. Un cl 'eux n1ayant pu réprimer nn cri de • Vive ia garde impériale! » certain officier étranger le bouscule; l'autre lui arrache son épée, la brise et dit : " Voici mon 1dresse; je t 'attendrai chez moi pour te rendre les mo-rceaux! ... ~ Les grognards laissent derrière eux un sillage d'héroïsme. A Pont-de-Beauvoisin ils entrèrent en Sa· voie; i'ls traversèrent Chambéry, Montmélian, Saint-Jean-de-Maurienne, Lans-le-Bourg; gravirent le mont Cen is , escortant toujours 'les quatre canons, ·tes vingt-sept voitures et les chevaux de l'empereur, parmi lesquels Wagram, un arabe g>ris pommelé; l'Emil, superbe a1ezan à la crinière noire ; le Roitelet, dont le poil, aux jarrets, brûlé par l'obus d'Arcis-sur-Aube, ne repoussa jamais ; Tauris, qui avait porté Na.poléon à la Bérésina, et l'Intendant, splendide bête, réservée aux revues et aux marches triomphales. Les grognards Je connaissaient bien; ils l'appelaient familièrement c Coco »; et l'on s'imagine avec quelle vénération ils considéraient ces coursiers impériaux qu'ils avaient si souvent aperçus galopant dans la fumée des batai11es. A défaut du • Petit Caporal •, c'était quelque chose de lui ctu'ils emmenaient avec eux. Ce qu'on voudrait connaître, c'est la façon dont vé01trent ces braves sur la route; ils ignoraient vers quel point du monde on J.es conduisait, et ce qu'était cette île d'Elbe qui aiRait être leuT .patrie. • Nous ne savons pas où nous allons, disaient-ils; mais nous savons que nous retrouverons l'em-


110 :eur; cela nous suffit, nous sommes con· ts. ,. Et leurs chansons pendant la route? leurs causeries, le soâ:r, au bivouac? Que ~aient être leurs récits à la veillée? On ne l rien de ces choses, vieilles aujourd'hui cent ans, et dont la grande Histo~re tgrate! - ne s'est pas souciée.

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Ils campèrent au vieil hospice du mont Ce;, descendirent vers les .plaines d'Italie, tant· urs en tête, drapeau au vent Rien, ni per· rme ne les aurait arrêtés; ils seraient morts >qu'au dernier, plutôt que de mettre dans gaine let![' étendard aux trois couleurs et dissimuler leurs vieilles cocardes, même territoire étranger. N'étaient-ils point parlt chez eux? Ils arrivèrent, le 18 mai, à vone, dont la garnison anglo-siciHenne était m ramassis de tout œ qu'on avait trouvé plus abject dans les égouts des gens sans eu •. Ces sacripants se voyant en nombre, ·ent mine de chercher querelle aux Blbois; fte vel'léité ne dura guère. Pour amadouer ; terribles Français, dont l'allure ne sem!l.it pas conciliante, le commandant de la 1ce offrit un banquet 3JUX officiers du ~­ illlon qui burent, crânement, à ~a santé de mpereur et de la vieille garde. C'est avec rtant de déférence qu'on invita la petite arée de Naprnéon à prendre place sur les nares anglais qui devaient la transporter à le d'Elbe. Le 23 mai, les grognards. prirent mer; le 26, au matin, i1ls abordaient au quai ~ Porto-Ferrajo, et à peine à terre, formant s rangs, musique en avant, 11stiqués, guêtrés, mrbis, rasés de frais comme à une revue u Carrousel, ils entrèrent dans la ville par porte de mer, s~arrêtèrent sur la grand' ace, 1ormèrent le carré, et là, là seulement, ur triomphale impassibiJ!lité, n'y tint plus. 1empereur accouru à leur rencontre jusqu'au ~barcadère, est devant eux, le visage rayonant de joie; il leur parle, il ~es contemple us avec une sorte d'amour •; i:l embrasse ~mbronne: on l'entend dire : • J'ai passé · bien mauvais moments à vou~ attendre; 1fin nous sommes réunis; tout est oublié •· es rudes moustaches ~rémissent ; ~es grosses 1

mains tremblent sous ~ poids des fusils; les visages brunis griiTilicent; jes larmes coulent. Les vieux de ~a vieille pleurent; ils crient; ils rient· ils chantent· Hs sont fous de bonheur; ils s; racontent u~ signe qu'il fait, un regard où chacun s'est cru reconnu. Et ce mot, ce signe, ce regard les payent de toutes leurs fatigues; ils ne pens-ent plus aux parents laissés là-bas, à l'avancement dédaigné, à la misère qui les attend, à l'exil auquel ils. se condam· nent, et ils ne se !~mentent que d'une chose, c'est de ne savoir connnent témoigner leur reconnaissance à celui pour lequel iils sacrifient tout. O. LENOTRE.

Le retour de l'hiver à la tradition Est-ce que cela va recommencer? Est<e que cet hiver qui se décide à reprendre les traditions d'autrefois va nous en apporter à son tour toutes les conséquen~es? Est-ce que nous allons revoir comme jadis les loups dévorants dont on n'entendait plus parler depuis longtemps? Est-ce que nous aillons en· core être obligés de nous défendre contre eux comme du temps de la bête du Gévaudan, de tragique mémoire, pour les empêcher de manger les enfants égarés et d'attaquer 1les voyageurs dés-armés, attardés su'!' les chemins? J'espère bien que non, car ce n'est pas moderne cela, et cependant!... Mai•; je commence à écrire cette chronique au moment où les flocons tombent drù, et avant qu'elle paraisse ra température rigoureuse et la neige qui nous sont arrivés depuis lundi matin auront ~t· être été vaincues par • des cieux plus clé· ments •. Espérons, puisque nous ne .pouvons pas savoir! Jusqu'à présent, la température n'a encore rien de bien terrible et ne nous rappelle pas 1878, par exemple, où nous en avions plus d'un mètre vingt de haut, ni 1879, où el1e atteignit les genoux, et cela pend~nt deux mois consécutifs. Alors, vraiment nous souffrîmes et tes pauvres animaux aussi, je vous prie de le croire.

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111 La terre fut gelée du 4 décembre 1879 à la fin février 1880, à plus de 60 centimètres de profondeur, et pendant toute cette période les bêtes des champs et des bois ne trouvèrent à manger que des choses de surface. Lièvres, lapins, perdreaux s'en tirèrent assez bien avec les herbes sèches des revers de haie et les feuillages bas des ronces et des ég1Iantiers. Les lièvres mêmes furent particulièrement en bonne forme et dodus à plaisir cet hiverlà. Les cerfs et Jes chevreuils trouvèrent à se soutenir avec ces mêmes végétaux dont les feuilles ne tombent qu'au printemps. Mais les pauvres sangliers connurent une misère sans nom• Aucune des plantes qui forment leur nourriture ne leur était accessible, et ils ne pouvaient pas, quelque robustes qu~ls fussent, fouiller ce sol si durement gelé pour y trouver la vermine, les restes de récolte, les racines, Œes truffes, etc., qui forment le fond de leur alimentation. Ils étaient dans wt état de faiblesse à faire pitié et c'est à peine s'ils tenaient encore sur leurs jambes. Dès que la nuit tombait ils s'enhardissaient, poussés par Phorrible faim, à venir rôder autour de fermes, à pénétrer dans les cours mêmes des premières maisons des villages et à y chercher sur les fumiers et ailleurs des débris dont les porcs eux-mêmes ne voulaient pas. Ils s'attaquaient aussi et surtout aux meul'es de céréales ou de simple paille qu'on élève dans les champs. Là ils causaient des dégâts importants contre lesquels les cultivateurs se défendaient comme ils pouvaient. lis se mettaient à l'affût à portée de ces meules; on se relayait pour qu'elles fussent gar· dées toute lia nuit, et c'était jusqu'à l'aurore un feu de tirailleurs par ceux qui avaient des fusils, ou un concert de cornes, de sifflets et de cris par ceux qui étaient désarmés, pour tâcher d'eloigner .Jes pillards. Mais ceux-ci ne fuyaient jamais pour longtemps, car il fallait obéir à la toute-puissante nécessité de manger. A la fin même de cette malheureus-e ,période, les sangliers s'écartaient à peine pendant quelques minutes des gens qui criaient, ils faisaient un détour insignifiant et revenaient à la meule. Alors on tapait dessus avec des triques ou des fourches ai·

guës pour la leur faire quitter. Beauco.up furent tués ainsi tandis que d'autres tombaient sous les coups' de fusil. La destruction fut considérable et des miHiers de sangliers périrent. Pendant cinq ou six ans au moins on n'en avait presque plus à chasser, à ~a grande sa· tisfaction des laboureurs; mais nous, les chasseurs, nous n'avions le sourire que du bout des dents! Vous pensez bien que durant la période si rigoureuse de ce fameux hiver je pris ~ bonne part de la protection des intérêts agn· coles et que j'allai, le fusil en main, veiller à leur cons-ervation. Mon succès y fut aisé et banal; je n'en parlerai pas. Mais j,'eus occa· sion un jour de faire à cet affût d"intéressan· tes constatations sur le tempérament, le moral, si vous voulez, du sanglier. C'était quelques jours seulement avant_ le dégel qui devait enfin adoucir :la situat10n et remettre ~es choses dans la voie normale. La nuit venue j'aliais me poster auprès d'Une meule de b~ fort attirante, car elle avait été entamée déjà, malgré nos efforts, par les ~an­ gliers et il était plus facile alors de la piller par la brêche ouverte. A peine étais-je instalJé avec un de mes hommes, le père Cornem· pot, qu'une dizaine de pillards arrivèren.t. ~~ y en avait de toute taille: nous les lals~· mes commencer leur souper pour les avo1r plus immobiles et nous tirâmes nos quatre coups de fusil dans le tas. Trois restèrent sur le carreau, les autres fuirent aussi vite que pouvait ie leur pennet· tre leur excessive faiblesse d'animaux crevant de faim. Mais .J'un denx ne fit que quelques pas, puis s'arrêta et resta planté sur ses jambes. Nous nous précipitâmes pour l'achever au couteau sans tirer un nouveau coup de fusil inutile. II pouvait peser une soixantaine de livres. II nous laissa venir sans faire un mouvement, se contentant de grogner et de gémir. Au moment où j'allais passer ma lame au défaut de son épaule gauche, Cor· nempot m'arrêta en disant : - Ne l'achevez donc pas, il n'est peut-être guère blessé, nous le garderons en vie. }acquiesçai. Je r.angeai le couteau, nous passâmes une bretehle de fusil autour de sou


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SION, 23 Décembre 1914:

asm• ann6e

Variétés

:ou, et tirant, poussant, nous l'amenâmes à .la \ mal. son Là nous constatâmes tout de sm~e · 'il ' vatt quïl n'avait aucune blessure et que s na . A COMBIEN S'EVALUE LA POPULATION • t qu'ill étatt pu suivre ses camarad es, ces DU GLOBE? anéanti de faiblesse. Nous le l~ch_âmes dans D'après une statistique récente_, la po~­ la cuisine, il en fit le tour ausst vtte qu~ son lation du globe est évaluée à envrron 1 ~-­ état le lui permettait, cherchant une sortie ou liard 700.000,000 d'habitants. Ce_ n'e_st _evtdemment là qu'un chilfre ~proXImahf eta~~ un refuge et il alla se placer sous une table donné les procédés imparlatls _de recense~ basse dans le coin le plus obscur, en groemployés dans certaines . rég10ns. d~s b ~: gnant toujours un peu, rebelle et de méchante a s parfaitement orgamsés.. le . ~~ ! . humeur. · ~nt de la population est ~étà bten dtfftctle~ Pour l'adoucir, je lui hs _servrr ~ bonne à plus forte raison ne dOit-on accepter le · d' es· par les autres que sous casserole de ~a soupe des chtens que .J ~n posa nombres m tqu · l' · la le plus grandes réserves. St on ex~me devant lui. Mais il ne bougea pas, n avança malgré l'odeur savoureuse de ce . d:nsité de la population dans les .onq pa;; pas 1e grom, . . P plat peut-être trop nouveau pour lut; :a cratn· t .tes d u monde· on trouve 44 habttants 19 l'Akilomètre carré pour l'Europe, p~r et te sans doute et la méfiance le tenatent t~u­ sie 5 pour l'Afrique, 4 pour l' Aménque ue jours hostiles et bien en garde. Sur mo~ mO.OS pour l'Austral~e. C'est en Europe q âvitation tous ceux qui étaient venus le votr ~e la natalité est la moms ~~~e; par Cf!!lt.re, e'f à retirèrent· il ne resta ·que Cornempot et mot. ce à de meilleures condthons hygtemq~di · ' asstmes, est Nous nous nous nou s tOmes' nous une lutte plus ellicace contre les ma etc., la longévité moyenne de l'hom~ ~t:s ne fîmes plus un mouvement. Un bon moment lus grande que dans les autres conüne passa, le marcassin ce~sa. de grogner; e~core p ooooooo deux ou trois minutes et tl avança le nez, enfin, n'y tenant plus, il se jeta sur la soupe e! EPROUVEE RECETTE ECONOMIQUE l'avala en deux lampées, puis nous regard_ es de terre Soupe blanche aux pomrn avec un petit air de dire qu'il' en mangeratt 1';. 1. eau. bien encore autant: cela lui fu.t ~ccordé. La 9 cts. 600 gr. pommes de terre faim dominatrice avait vaincu la hberlé! Pen2 cts. 30 gr. farine dant cinq ans l'heureux esclave vécut à la 3 cts. 100 gr. oignons maison, nous suivant à la chas~e et prenant s cts. 40 gr. graisse part ce qui est vraiment fantashque, avec un 7 cts. 10 gr. U• cuilleriée à soupe) arome entr~in sans égal, en tête de la meute, à _l'a!laMaggi. sel, poivre et muscade. 29 cts. que de ses frères! Nous l'avions mum d·un grelot afin que les tireurs ne s'y trompa~sen; 1 assiette = :S cts. point, mais, qui peut éc~apper .à . sa deshnée Bien laver les pommes de terr\ lesn:~: Un beau jour, un invtté pansten se. tro~va et les couper en petits morceaux. ~s au poste où passa la chasse, la forte él11o_twn ur ~ feu avec ~'eau et le sel nécessatre~ Lor:· S ne lui permit ni d'entendre le grelot, nt de ue les pommes de terre sont à peu pres .eut· voir Je collier il laissa sauter les autres san. la farine avec la grusse, q . tes [a1re rousstr . gliers et tua r;ide le pauvre • Silvia • -:_c'est • laisser prendre cou1eur • .y mettre 1es 01· sans ainsi que nous appelio~s n~tre eng~e, mvoaussi rousstr pendant 9ue1gnons• qu'on fait lontaire - qui ne se vtt potnt mourJI. . , ques minutes, delayer avec 1a soupe. et busser Cette année' pareilles aventures. ne paratscuire lentement. Avant de dresser, aJouter u~e ~ ri sent pas devoir se renouveler, et Jusqu a p pincée de poivre, une idée de muscade et \a· sent du moins, ce quartier d'hiver que nous rome Maggi. t traversons n'a pas fait encore beaucoup soufCuisson: 1 heure (2 heures dans un au ofrir les .animaux sauvages. cuiseur).

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L'ECOLE PRIMAIRE ORGANE DE LA

SOCIETE VA.LAISABD D'EDUCA.TIOII

Supplément spécial de Noël Sommaire : Noël. - La Vierge chantée par deux trouvères. - Le centenaire (conte de Noël). - Le Rouquin. - Comment S. François d'Assise passa la nuit de Noël en l'an de grâce 1223. - Pensées de Noël.

Noël

devant lui. Il r.'a trouvé, pour naître, qu'une misérable étable, sise en plein champ et ouverte à tous les vents d'hiver. C'est le chemineau divin, jetant à tous les sans-gîte et à tous les sanspain ce victorieux défi « Mon frère, estu plus pauvre que moi?,. Bienheureux les doux! dira-t-il ensuite. Et il est là, sous les traits d'un nouveau-né, cette chose rose et blonde, où deux yeux s'entr'ouvrent, doux et rê. veurs, pour chercher ceux de la mère et y boire un premier sourire. Bienheureux ceux qui pleurent! dira encore jésus. Et il pleure, l'Enfant-Dieu, sous la morsure de la bise. Et ses larmes se confondent avec celles de la jeune rnère, dont les joues virginales ru~el­ lcnt, parce qu'elle voit son Dieu réduit à tant de détresse, et parce que aussi son cœur maternel est gro~ d'uu trop plein de tendresse, d'adoration et de joie.

No~l! C'est fête pour tous les hommes, mais principalement pour les petits eL les humbles. Ceux-là sont les premiers invités, qui peinent en leur dur labeur. Les puissants et les riches ne viendront qu'après. Pour ces derniers, une simple étoile sera la silencieuse messagère de la Bon. ne Nouvelle. Aux premiers, le ciel enverra de rutilants ambassadeurs, escortés de cohortes angéliques, dont les mélodies s'élèveront jusqu'aux cieux. Pourquoi? Parce que Noël, c'est tout l'idéal évangélique, mis en scène et en action dans une sublime leçon de choses. Cet idéal, Jésus le décrira plus tard sur la mo!ltagne, qui sera le Sinaï de la Loi nouvelle. Il le présentera en une Bienheureux ceux qui ont faim et soif incomparable auréole de Béatitudes de la justice/ continuera jésus. Et c'est écrasant, par leur éclat, tous les men- un besoin infini de justice qui, dans l'Insonges égoïstes, tous les préjugés gros- carnation, lui a fait franchir l'abîme siers et matérialistes de l'idéal païen. qui sépare la créature du Créateur. C'est Bienheureux les pauvres! dira-t-il d'a- le désir de réparer les crimes de l'humabord. Et il vient pauvre, dans la pau- nité, qui a jeté jésus <!ans une crèche, vreté la plus complète qui se pui_sse rê. d'où il cheminera jusqu:à la croix. Bienheureux les miséricordieux! Et la ver. Toutes les portes se sont fermées


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'itié de jésus le rend sans pitié pour ui-même. Du fond de re'te ,.~èche. il em~rasse toute l 'hum ::~n i.~é s'Ju' frPnte. Plus :c.rd, il brisen les cha înes de l'esclaV"ag-e, ennoblira le travail hurr ::-in, relèl'era l'enfant et la femme. Mais. déià. 'le ses netiff'<; m '~in s il cème les vennes le 1;:~ rivili.,ation chré~ienne qui sera "'""nPp ,q tous les OPPrimés et à tous les léhissés. p ;pnhplfrP{t X (f' flX OUi on/ l~ CŒTl,.

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.,,., (),1 ~ nnr l'irlP.!Il 1.:~ nnrf't~ a-Lit r"""p. <:~ nh1 s r;>rtiense rP. ~ Jis-,til'ln sirf;:ms rpf<p rrP.~hp md ser.:l . i11SO•T'~ <> ftn ne<; <:tfo.rlp<; _ l' ~j,., ~hl p renr'JP~ .V"IIS

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:les enfants joyeux et purs, et où tant

l 'hommes hits, conduits par une gràcr .nvisible, iront réveiller les souvenirs ~ndormis de leur chrétienne enfqnce. Bienheureux les pacifiques! ]ésus ;'appellera lui-même te Prince de la 0 aix. C'est la grande Trève de Dieu qui :ommence. C'est la réconciliation des 10mmes avec la vie, des désespérés avec l'esoérance, du ciel avec la terre. Bienheureux, enfin, ceux qui souffrent 'Jersécution pour la justice. Ici encore, 'idé:ü évangélique se réalise A la lettre. Jésus est à peine né que la persécution 1 e guette. Sa première moisson d'élus $t une effroyable fauchée de petits in~ocents. Et lui-même, toute sa . vie, il ;ouffrira: puis il mourra; parce qu'il ~st le Juste. Et il sera ainsi le modèle !t la consolation, à travers les siècles, :le mitlions de martyrs, d'expulsés, de :-uinés ef de spoliés pour ta foi chr~ :ienne. Et voilà pourquoi la Noël est votre fête, à vous tous les pauvres, les doux, ,es attristés, les épris de justice, les pitoyables, les purs, les pacifiques et les >ersécutés. De son gracieux geste d'en:ant, à travers la trouée lumineuse que l'envoi des anges a percée dans la nuit, Jésus vous montre le ciel entr'ouvert, où outes vos bonnes volontés trouveront en:in la paix.

Moult as de noms en prophétie, Et n'y a nom qui n'ait mystère.

Nol:H Noël! Mais c'est la fleur de givre Etincelant sous le ciel bleu. Noëll Mais c'est la Ueur de givre Que l'on feuillette au coin du feu. Noël! Ce sont les nuits sereines Que traversent les vols joyeux: Cloches priant des monts aux plaines, Anges jouant du luth aux deux. C'est le berceau du petit Frère, C est l'enfant pâle et miséreux; Ce sont des yeux de jeune mère, C'est le secret qui rend heureux. Que ~e Noëls en ce bas monde! Que de Noëls, tout en est plein! Si l'ouragan mugit et gronde Noël, c'est l'espoir de demain. T. ROUCAU.

La Vierge chantée par deux Trouvères (XIIIe ET XIXe SIECLES) Noël, c'est la Fête de la Nativité. Si l'hommage universel va au Sauveur du monde, né ce jour-Il, dans une humble étable, on ne re. trouve pas moins dans cet hommage une pensée, toute d'effusion et de reconnaissance pour Ia Vierge, mère du d ivin Enfant. Nous repro. duisons ces deux poésies, qui sont parmi les plus charmantes de notre littérature. La première, peu connue, est de Rutebeuf, et l'autre de Verlaine. Les deux trouvères semblent s'e.. fre rejoints dans le même culte à travers les six siècles qui les séparent. Olez Rutebeuf, œ sont de véritables litanies où sont eXaltées les qualités mystiques de la Vierge. 0 reine de pitié, Marie, En qui déité pure et claire A mortalité se marie, Tu es et vierge et fille et mère, Vierge enfantas le fruit de vie, Fille ton fils, mère ton père;

Tu es sœur, épouse et amie Du Roi qui fut, sera toujours; Tu es Vierge sèche et fleurie, Dous remède de mort amère; Tu es Esther qui s'humilie, Tu es Judith qui bien se ~: Aman en perd sa seigneune, Et Holbpheme est châtié... Dame, c'est toi qu'on doit prier En tempête et en g:rand orage : Tu es étoile de la mer Tu es ancre, nef et rivage, C'est toi qu'on doit servir, aimer, Tu es fleur de l'humain lignage, Tu es J,a colombe sans tache, Qui porte aus captifs leur message! ... Tu es château, roche hautaine Qui ne craint assaut ni surprise, Tu es le puits et la fontaine Dont notre vie est soutenue, Et l'haleine des cieus par qui, Verdure est en terre répandue, Aube qui le jour nous amène, Tourlerefle aus amours fidèles... Tu as des vertus les prémisses, C'est ton droit, c'est ta propre rente. Tu es l'aigle et le phénix Qui du soleil reprend jeunesse, Olambre de fleurs et champ d'épices, Baume, cannelle, encens et menthe, Notre paradis de délices, Notre espérance, notre attente!... RUTEBEUF.

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Et voici, Paw Verlaine, dont on a pu dire qu 'il avait le charme, m fraîcheur de sentiment, l'adorable simplicité d'expression et le parfum de naïveté d'un primitif. Nulle Mu~e n'ini.pira le dolent et doux poète, à t'égal de l'ineffable Consolatrice des affJtigés, Marie, saJJctuaire de révélation, de grâce et de pul't'té. Je ne veux plus aimer que ma mère Marie Tous les autres amours sont de commandement. Nécessaires qu'ils sont, ma mère seulement Pourra les al:lumer aux cœurs qui l'ont chérie.

C'est pour Elle qu'il faut chérir mes ennemis. C'est par EUe que j ai voué ce sacrifice Et tla douceur de cœur et le zèle au se~iœ Comme je Ja priais, Elle les a permis. ' Et comme j'était faible et bien méchant encore Aux mains lâches, les yeux éblouis des chemin; Elle baissa mes yeux et me joignit les mains' Et m'enseigna les mots par lesquels on adore:

C'est par Elle que j'ai vowu de ces chagrins. C'est pour BUe que j'ai mon cœur dans les Cinq Plaies, [claies, Et tous ces bons efforts vers les croix et les Conune je l'invoquais, Elle en ceignit mes r~ins. Je ne veux plus penser qu'à mère Marie, Siège de la 5ai"esse et source des pardons, Mère de France aussi, de qui nous attendons Inébranlablement l'honneur de la patrie. 1\-iaris Immacu:Jk!e, amour essentiel, Logique de la foi cordiale et vivace. En vous aimant qu'est-il de bon que je ne fasse, En vous aimant du seul amour, Porte du ciel? . Paul VERLAINE. Est-il accent plus émouvant, simplicité plus fraîche, parfum plus candide? La pièce a la suavité d'une prière. Pierre NORIS.

Le Centenaire CONTE DE NOEL Sur la vieille terre bretonne, sur la terre au dur granit, décembre pleurait ses larmes de glace, et si pâles étaient les étoiles, si noire la nuit, que, comme un abîme sans fond, la lande s'enfonçait, ténébreuse, vers la mer. Dans cette ombre noyée de brume, troJs fennnes, revenant de la messe de minuit, cheminaient Jentement, à la lueur vacillante de torches de paille et de résine, torches en usage de temps immémorial dans le Morbihan, pour s'éclairer durant la grande nuit, ainsi que les Armoricains nomment la nuit de NoëL L'aînée de ces fenunes, le chef brarùant, les mains tremblantes, marchait à petits pas, courbée sur un baton de cornouiller, eUe comptait, la bonne vieille, en ce bea·U soir de naissance du Sauveur, ses cent ans accomplis.


IV

Les deux autres, ses nièces, filles de son rère mort à la mer, n'étaient plus jeunes depuis :mgtemps; leur tante les avait élevées avec la endresse d:Une mère, en leur transmettant ses oelles vertus; aussi toutes trois, portant en ~ur cœur la vivace fleur de charité, consacrèent-elles leur vie et les ressources de leur oodeste aisance aux plus pauvres de ce paure pays: elles en firent leur famille, le souci onstant de leurs âmes pitoyables. On les vit sans cesse sur la brèche, soit our wigner les souffrants, soit pour recueilr les abandonnés ou consoler les désespérés, 1ettant leurs délices à répandre autour d elles 1 plus grande somme de bonheur possible. • Voilà les saintes :o , disait-on en les voant passer. . Lorsqu'on leur demandait où elles puisaient 1 force nécessaire à cette vie de fatigue, de ontinuel sacrifice, elles répondaient avec ~ur tendre sourire : • Ar Feïs, ar Esperanç, r Oarantez . (dans la Foi, l'Espérance, la harité); si bien qu'on s'habitua peu à peu ne plus les nommer que de ces trois noms ~ois.

Hélas! en ce rude soir glacé, le pas de eïs, l'aînée, se faisait bien traînant sur la nde durcie, et bien cruellement la Ju~ère rutale de sa torche éclairait les miUe ndes ~chevètrées de son bon visage hâlé, ravagé ar tous les soleils et toutes les brises. Tris•s, avec une inquiétude dans le regard, Espétnç et Garantez contemplaient leur très a;tée et semblaient dire: c Aujourd'hui ne seraii pas ton dernier Noël! • . Elles approchaient de leur demeure. Il était mps, le pas de Feïs faiblissait; tout à coup, 1 détour du chemin, quelle épouvante. La aison, la chère maison léguée par les ancêes semblait flamber: c·ëtait dans les ténéres un éblouissement de feu.... Mais non, en; nu~ malheur à redouter évidemment, ca_r -bas Je son du biniou frappait, mélancolite et doux, les échos de la nuit sonore, et, tre et vibrante, la voix d'une pennerez s'éait en un chant improvisé: • Voilà que sous le ciel, sans June et prond, vient à nous celle-là qui est notre mère, mère de tous ici.

c Celle-ci nous a consacré sa vie et son cœur et aussi les longues heures de ses jours et les heures plus longues encore de ses nuits sans sommeil. Béni soit Celui qui lui a donné tant de belles et fécondes années à passer parmi nous. c Gardez-nous, Seigneur de bonté, gardez· nous de longtemps notre Feïs, notre mère de tout amour. Et les belles pennerez, ses compagnes, ré. pétaient en chœur: • Gardez-nous, Seigneur, notre Feïs, notre mère de tout amour. • La bonne vieille avait compris; des larmes de joie mou.illèrent délicieusement ses paupières ... Son cher village, c'est-à-dire tous les adoptés de son cœur maternel, faisait fête à son siècle accotppli ; le bâton de cornouiller échappa à sa main émue, et vaciiDa... Es~ ranç et Garantez se précipitèrent, la soutinrent avec une sollicitude efirayée; mais ranimée déjà, Feïs se redressait. Ah! les braves, les braves enfants! munnura-t-elle. Elle passa, ravie, le seuil de la grande salle enfumée par le temps, qu'entouraHmt des niches de bois durci et luisant, renfermant les lits de la famille. Dans :J'âtre au fond velouté, sur l'énorme bûche réservée pour la veillée de Noël, les flammes bleuissantes sautillaient comme des follets; la nudité des murs se cachait sous les branches d'ajoncs, et du plafond tombaient, semblables à des lustres d 'émail vert, semés de perles transparentes, de lourdes touffes de gui. La table étroite et longue, soutenue par 'd'énormes pieds tors, resplendissait des feux des « chandelles de cire •, et, dans les faïences éclatantes, rouges et jaunes, fumaient la dinde dorée, les galettes grises de sarrasin, -les • fouaces • sortant du four. Dans un élan joyeux, tous se précipitèrent au devant de « l'aïeule •, ainsi que ses ms bretons nQmmaient parfois Feïs, tous voulant baiser ses charitables mains. On la conduisit enfin en triomphe jusqu'à son vénérable fauteuil sculpté, espèce de • cathèdre • antique, au doss~er immense, qui, dominant la table

v du festin, prenait vaguement une apparence de trône. Maintenant, entourée de tout ce qu 'elle aitr.ait, l'aïeule revenait à la vie; elle ne tremblait plus et dans ses yeux, ses bons yeux encore vifs et brillants, elle mettait pour chacun la douceur d'un sourire. Gaîment le repas s'achevait; d'un geste large, Feïs demanda le silence... On etH entendu bruire les ailes impalpables d'un moucheron. - Enfants dH-elle, et vous mes sœurs, qu~, ce soir, me donnez si belle fête et me souhai. tez si jo1iment prolongation d'existence, malgré mes cents ans qui viennent de sonner, est-ce ainsi que vous avez compassion de vo.. tre vieille Feïs! Ne voulez-vous donc pas qu' elle s'en aill'e enfin reposer de la longue journée qu'est la vie, au sein des joies ineffables promises aux êtres de bonne volonté? Elle sourit, les regarda longuement: - Si vous saviez comme il serait bon, après le .labeur, de m'endormir en cette benoî: te nuit de Noë~ là, au milieu de vous qu1 m'aimez? Ne serait-ce _pas la récompense du peu de bien que j'ai pu faire ici-bas? c Olers enfants, je voudrais vous bénir tous, tous, l'un après l'autre ... Mes gars, traînez nïs et son vieux fauteuil, là, sous les bras ~tendus de son grand Olrist, il vous bénira avec elle. • On obeit, et tous, émus, recueillis, passèrent un à un, s'inclinant respectueusement sous les mains ridées qui s'étendaient sur leurs fronts, Ies baisant ensuite avec. un indi. cible amour. - Dieu vous garde, mes aimés, dit-elne encore lorsque le dernier se fut :relevé; quand je m'en irai vers la patrie, ne plelllfez ni sur moi ni sur vous: • Je ne vous laisse pas orphelins • . Je vous lègue mieux que moi-rn~ me: mes sœurs. c Esperanç, Garantez, venez auprès de moi. • Elle les pressa sur son cœur, leva les yeux vers le ciel, sou!l'it, entra radieuse dans le grand repo~ . Nul ne pleura... pleure-t-on quand on voit partir .une sainte pour le paradis? Et il y eut sur Je visage rajeuni de la tendre vieille un

tel épanouissement de lumière et de paix, qu' on la devinait rayonnante, dans l'au-delà, de toutes ses vertus de la terre. A. de GERIOLLES.

Le Rouquin La lourde ,porte de l'atelier se fenna sur eux et ils se trouvèrent dans la rue. II était alors 10 heures du soir. Qu'est-ce que nous allons faire jusqu'à de. '). ... mam - Ce que tu voudras. - Dis toujours! - Eh bien!... voilà,, cette nuit, c'est NoN; nous sommes garçons, faut réveillonner corn• rr.e les bourgeois qui ont UI} ~ez soi; qu'estce que tu en penses?... -Cela me va! - Cela te va? -Oui. - Alors! par Hie à droite... droite! Et ils partirent, seuls dans la nuit, entre les grands murs d'usine, où leurs pas éveillaient dans Je lointain des échos retentissants. Brusquement, le Rouquin s'arrête, et regardant Thiriot en face : - As-tu de la braise? - Dix francs ... une demi-blafarde. - Et moi, huit... Maintenant, mon cher, nous allons nous offrir un réveillon, je ne te dis que ça!... Justement, j'ai un pays qu 'est plon· geur dans un restaur ant à côté de la gare Saint-Lazare; on vous y sert du. boudin ... majs tu sais, Jà... du boudin... c'est quelque chose! .... -Du vrai? - Ah! mon cher!... à en faire pleurer! ... - Seulement, ça doit être salé dans ces parages-là? - ... Salé... Pas tant que ça... Et puis quoi ... ? c'est-y Noël... ou ce l'est-y pas ? - Ça ... c'~st vrai. - Moi, je connais que ~a... d'ailleurs, je demanderai mon pays... - Ce1ui qui ... ? comment déjà que tu as dit qu'il était.. .. ? - ... Plongeur.


VI

vn - ... ???? - T'es de la Province, ça ce voit... c'est-àre qu'il lave la vaisselle, et comme les tx>urois en salissent pas mal, alors, ils ont des ssines plus grandes que nature... comme ti dirait des gazomètres... et quand il faut pêcher un cunt-dent là-dedans, tu RfllSes s'il Jf ouvrir l'œil!... - ... Et le bon! .. - Parfaitement. - ... Et, si tu le faisais appeler, ton pays .... ut-être que le patron de son usine nous feit des concessions? - Peut-être bien 1 Puis, des voitures de maraîchers passent, dirigeant vers les Halles, el les sabots de urs lOUJI'ds percherons font un tel fracas sur pavé, que les ouvriers se taisent, da!lls l'im•ssibilité de s'entendre. La nuit est froide et humide. Un brouillard pénétrant et amer, ferme ut horizon autour des deux hommes. Au. ~1, pas une étoile; par-ci, par-là, quelques .56ants, quelques couples qui marchent, friusement serrés, puis un ména2'e, le mari, la nrne et deux garçonnets. - Ça doit aller à la messe de minuit, tout ? dit le Rouquin. - Probable... et même que ·la bourgeoise en face de toi a un bouquin doré sous l'ai:on. - Es-tu déjà allé à la Messe de minuit? - Oui ... au pays, je ne ratais jamais le rup. - ... Et à .Paris ... ? - Pas encore. - Eh bien! mQn cher, faut voir ça .. ah! 1i... c'est à voir!... D'ailleurs, c'est faci:le... iens!... mais i•D doit y avoir une église par i. -Où ça ...? - Mais là, tout près ... en face le fiacre .... lui à lanternes rouges. Et en effet sur les marches de Notre-Dame ~ Lorette, 1~ foule monte, élégante ct sHen~use. li n'est pas encore 11 heures et on dene l'église déjà pleine, et chaque battement : 1la porte de velours jette un éclair sur les

marches humides, quelque chose de la bonne chaleur, de la grande lumière de l'intérieur qui appelle tout le monde, depuis la 2rande dame jusqu'au miséreux auprès du Christ• Enfant: • Venite, adoremusl » - Dis dont:, fait le Rouquin, si nous entrions? - C'est que je suis d'un noir! - Ça peut faire! ... On restera wr les côtés... Un instant... te temps dt- s'imbiber de la chose... avant ·le boudin... Et tous deux, se mélangeant à la foule, prennent queue et montent 'lentement les marches... Pas mois vrai que si ma. vieille bonne femme de mère me voyait maintenant, elle n'en cr oirait pas ses cristallins... observe le Rouquin. - Elle y est .peut-être, à la Messe de minuit? - Si elle y est! Pour sil.r qu'elle y est!

*

Dans la foule immense, le Rouquin a perdu Thiriot. L'église est claire, et chaude, et parfumée. Là-haut, à la tribune, pour occuper le temps jusqu'l minuit, l'orgue laisse descendre sur la foule une mélodie Jointaine, très douce. Le Rouquin, gêné dans ses habits grais· seux, au milieu des messiems corrects, des dames élégantes, de bonnes ayant grand air sous leur bonnet blanc. le Rouquin commence à regretter son aventure. Seulem~~ pas possible de faire machine arrière pouJ" l'instant, car la foule entre, entre toujours. Pour ne pas aggraver Ja situation, !"ouvrier veut au moins s'arrêter. Juste à côt~ de lui se trouve une chaise bordant l'allée, une chaise pleine de chapeaux, manchons, fourrures, mignons petits parapluies.... S'il osait, Ge Rouquin, il prierait, mais là, bien poliment, les petites fillettes d'à côté de remiser leur paquetage.... Seulement, ces gamines de douze ans, avec leurs cheveux flottants et leurs jaquettes, ça vous a déjà des airs de nom de nom d'archiduchesse.... Enfin, ·il restera sur son trai-n onze!. .. Après tout, ir aime mieux ça... plutôt que de s'humilier! ... Mais le papa a fait un signe, et une fil-

lette. avec ses deux petites menottes gantées, es&aye d'enlever les affaires de la chaise ... Un manchon roule, il le ramasse ; l'enfant le remercie très gentiment, avec ce sourire un peu mélancolique de certaines petites tilles riches.... - Mettez-vous donc là, mon brave! fait le père. Et le Rouquin, n'oMnt pas refuser, s'assied, de ph.ts en plus gêné. L'orgue, là-haut, continue sa mélodie. mais peu à peu, le jeu s'anime; sur la trame très lente de l'harmonie éclatent de loin en loin, d~ motifs plus chantants des Noëls populaires .. et rouvrier relève la tête.. .. Tiens !. .. mais il connaît ça! ... Seulement voHà!... l'organiste joue del1X. trois mesures, d puis il papillonne sur autre chose, prenant A chaque chant son cachet particulier, le mettant en valeur rapidement, en passant à un autre. Alors le Rouquin s'intéresse, s'énerve un peu, se pique au jeu.... Oui, H a entendu ça ... quelque part, et, dans sa pauvre tête d''ouvrier, il recherche laborieusement son air, cet air dont les premières notes viennent d'être réveil1ées en lui.... Pour sÛT, il a entendu ça.... Parfaitement... c'était au village... là-bas, à côté de Toulouse.... Il voit encore l'église d'ici, une vieille église, avec des contreforts et un cimetière autour... l'instituteur accompagnait... et la demoiselle du, château chantait, et tout le monde reprenait ensemble.... Au fait... 1'organiste est peut-être un pays ... aussi, comme 'le plongeur... ? Sans quoi, comment connaîtrait-i] cet air-là ... ?

..

Et voilà que, tout à coup, minuit sonne. Alors, délaissant toutes les fioritures, tous Ies hors-d'œuvre, l'orgue attaque, les grands jeux dehors, l'air du pays, son air à lui, le Rou· quin!... son vieil air qu'il sifflait 1~-bas, dans le pré, en gardant les bœufs... et qu'il avait appris dans la pauvre église où sa mère prie encore cette nuit! ... oh!... comme c'était bien ça... tout y était.... S'il pouvait seulement lui serrer la main, à cet organiste-là! ... Sapristi de nom de nom! ce que ça le retournait! ...

Lest curieux comme le pays ... ça vous tient au ventre! ... L'orgue s'est tu ... et dans le sirence absolu de l'église monte délicieuse comme une fumée d'encens, douce comme un rêve d'amour, une petite voix d'enfant.... Alors le Rouquin met Ela tête dans ses mains, et ~a petite fille se penche brusG_uement vers son père : - Papa! ... le monsieur qui est à côté de moi... on dirait qu'il pleure.... PIERRE L'ERMITE.

Variétés Comment 11aint François passa la nuit de Noël en l'an de grAce j2~3

(Nos Jecteurs savent que c'est saint françois d'Assise qui a établi dans les égt'isas ca. tholiques le cher usage des crèches de Noël. Voici, à ce propos, un délicieux récit em· prunté au chef-d'œuvre de J. Jœrgensen, ce converti qui s'est fait Ie biographe du c Séraphique Père ».) Depuis son voyage en Terre Sainte et sa visite à Bethléem, françois avait toujours eu un amour particulier pour la fête de Noël. Une certaine année, cette fête était tombée un vendredi, et :Je frère Morice avait proposé aux frères que, pour ce motif, on s'abstint de viande au repas de Noël. Mai~ françois s'ét.IÏt écrié: «Lorsque c'est Noël, il n'y a point de vendredi!. .. • Et souvent iL disait à ce propos: « Si je connaissais l'empereur, je lui demanderais que, ce jowr-là, il fut enjoint à tous de répandn: du grain pour les oiseaux, et notamment pour nos sœurs les hirondeLles; et que chacun qui a des bêtes dans son étable, pour amour pour l'Enfant-Jésus né dans une crêche, eO.t à Jeur donner, ce jour-là, une nmmrituré exceptionnellement abondante et bonne! Et je voudrais que ce jour~là, les riches reçussent à ieur table tous les pauvres! »


Or, ·l'année 1223, il fut donné à François e fêter la NoëD d'une façon dont jamais enore, le monde n'avait connu l'éçuivalent. li vait, à Greccio, un ami et bienfaiteur, mes ire Jean Vellita, qui lui avait fait cadeau, insi qu'A ses frères, d'un rocher planté 'arbres, en face de la ville, pour qu'i~s pusent s'y établlir. François fit donc venir cet C>l1UI1e à Fonte-Colombo, et lui dit: • Je déire célébrer avec toi la sainte nuit de Noël; t écoute un peu l'idée qui m'est venue! Dans : bois, auprès de notre ermitage, tu trouvets une grotte panni les rochers; 1~ tu instaJ. :ras une crèche remplie de foin. Et il faudra u'un bœuf et un âne se trouvent là, tout à if comme à Bethléem. Car je veux. au moins e fois, fêter pour de bon l'arrivée du Fils ~ Dieu sur la terre et voir de mes propres ~ux combien il a voulu être pauvre et miséble, .Jorsqu''il est né par amour pour nous! • Jean Vellita prépara toutes choses d'après désir de saint François et, dans la nuit suilnte, vers minuit, les frères arrivèrent de >nte-Colombo, et tous les habitants de la gion accoururent en foule, pour assister à tte fête de Noël. Tous portaient des torches lurnées, et autour de ·l a grotte, se tenaient ; frères avec leurs cierges; de telle sorte 1e le bois était tout éclairé, comme en plein ur, sous la voO.te sombre des sapins. La :sse fut dite au-dessus de la crèche qui serit d'autel, afin que ·l"Enfant céleste, sous les rmes du pain et du vin, fO.t présent en per. nne .là, comme il avait été présent en perme dans h crèche de Bethléem. Et voici !, tout à coup, Jean Vel'!lita eut l'impression, •s nettement, qu'il voyait un véritable enfant :ndu dans la crèche, mais comme endormi mort! Et voici que le frère Framçois s'ap:x:ha de .]'enfant, et le prit tendrement dans bras, et que ~'enfant s'éveilla, sourit au re François et, de ses petites mains, casa ses joues semées de barbe, et le bord sa grosse robe grise! Apparition qui, d'ailrs, n'étonna nullement messire Vellita. Car us avait semblé mort, ou, tout au moins, it dormi dans bien des cœurs, où le frère nçois l'avait réveillé, aussi bien par ses oies que paŒ" ses exemples.

Et, après. qu'bn eut chanté l'Evangile. le frère P'rançois s'avança en robe de diacre. Soupirant profondément, accablé sous la pléni· tude de sa piété, et débordant aussi d'une joie merveüleuse, le saint de Dieu vint se placer auprès de la crèche, suivant J'expression de Thomas de Cel.w.o. Et sa voix, forte et douce, sa voix claire et mélodieuse exhorta tous les assistants à chercher le souverain bien. Le frère François prêche sur Jésus-Enfant, avec des mots d'où jaillit la suavité. Il parle du pauvre roi qui a daigné naître en cette nuit, du Seigneur Jésus dans !a ville de Da· vid. Et ce n'est que trs tard que s'acheva cette veillée sainte, et que chacun s'en retourna: chez lui, le cœur rempli de joie. Et plus tard, ce lieu, où avait été installée la crêche, fut consacré au Seigneur et devint une église; et au-dessus de la grotte fut placé un autel en l'honneur de notre bienheureux père François; de telle sorte qu~, dans cet endroit où naguère deux bêtes sans :raison ont mangé le foin de la crèche, désormais les hommes viennent pour lê salut de leur âme ct de lew-s corps, recevoir )'Agneau immaculé, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, dans son amour ineffable, a donné son sang· pour la vie du monde, et qui vit et trône, avec le Père et .Je Saint-Esprit. dans la puissance éternelle, à travers 1!es siècles des siècles. Amen.

Pensées de No~l t Déjà le miel coule à flots de la pierre; déjà l'yeuse de son tronc aride, distille les larmes odorantes de l'aumône; déjà le baume naît sur les bruyères. Qu'elle est sainte, ô Roi de l'EternitE, cette crèche qW. te sert de berceau, que les peuples et les siècles vénèrent, que même les ani· maux muets entourent avec sollicitude!

x Gloire à Dieu mille fois, sans cesse et en tous (lieux! Comme au plus haut des cieux! Et sur la terre, ainsi que t'ange l'a chanté, Courage et paix aux cœurs de bonne volonté!


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