No 08 l'Ecole primaire, 25 Juillet 1912

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72 venu un fin limier, et c'est à lui qu'on avait recours dans les affaires les plus ténébreuses, alors que tous désespéraient de trouver la piste du coupable. Mais à vrai dire, le choix de cette profession n'avait fait que contrister davantage la petite vieille, qui éprouvait à l'égard des ~ens de police l'espèce de répugnance instinctive qu'ont pour eux presque tous les paysans et les humbles. D'ailleurs, elle ue voyait que rarement son petit-fils ; et, n'ayant plus personne qui la pût consoler, elle vivait mainténant dans le deuil perpétuel de ce pauvre Pierre, qu'un sort barbare lui avait enlevé de façon si tra~ique. Quand elle eût fini sa prière, la mère Brétel, que le froid avait engourdie, se releva péniblement; el, du même pas traînant dont elle était venue, elle reprit le chemin du logis. Arrivée à proximité de sa chaumière, elle aperçut quelqu'un qui attendait devant la porte et ne iut pas peu surprise, en s'approchant, de reconnaître son petit-fils. Elle s'empressa de le faire entrer, et, tout en ranimant le feu pour lui préparer à souper, elle lui conta le petit pèlerinage qu'elle venait de faire en mémoire de son père. Puis, elle demanda ce qui l'amenait dans le pays et pourquoi il ne l'avait pas prévenue. Michel lui apprit qu'il devait s'embarquer le lendemain pour l' Angleterre, où le chef d'une bande dangereuse, et qu'on accusait de plusieurs meurtres, était soltpçonné de s'être réfugié. L'ordre lui avait été donné trop tard pour qu'il pût avertir sa grand'mère. Toutefois, avantde prendre le paquebot à Calais, il avait tenuà passer par Beau-Marais pour l'embrasser. La vieille le remercia. Mais, visiblement, elle était contrariée à la pensée que son petit-fils devait prendre la mer et aller en pays étranger, pour être aux prises avec un assassin. Une bourrasque soudaine, qui ébranla la porte, la fit tressaillir. Elle écouta la do· che du soir tinter lugubrement. Et il lui sembla que d'obscurs dangers rôdaient autour d'eux. ' ~ - Tu as choisi un drôle de métier, fit-elle tout à coup. Il répliqua d'un air indifférent: - Que veux-tu, grand-mère? Il en faut pourtant bien des gens comme moi. Lorsqu'ils eurent soupé, l'aïeule improvisa un lit; et le jeune homme, qui devait s'en al· !er de grand matin, se coucha aussitôt. Le lendemain, la mère Brétel fut levée long·

temps avant l'heure du départ. MaJrrE grand âge, elle était encore active et conservé ses habitudes de bonne Elle mit des bûches dans la cheminée luma, et prit les habits de Michel Pou, brosser pendant que chaufferait sou Iail Comme elle achevait, un portefeuille ba d'une poche, et des papiers "'"•M••~:.., Elle se baissa et fut frappée par la photographie qu'elle alla aussitôt son petit-fils en lui demandant: - Où t'es-tu donc procuré ce - Eh! dit Michel, c'est la qu'on m'a donné avec le signalement de me que je suis chlr~é de filer! - Quoi?... Cela, c'est le portrait de .., - Le portrait de l'assassin ... mais OUi. La petite vieille eut-elle une peur de la magie diabolique, de la maléf reur qulexhalent les traits .d1un rri•mi• . Toujours est-il qu'elle porta ses deux à sa poitrine, en poussant un <:ri, et s'aiiaissa sur le plancher. Michel se ta , la saisit dans ses bras robustes, lui donner des soins, l'interrogeant ment, attendri comme, peut-être, il ne jamais été. Mais elle Je re~ardait avec yeux épouvantés et agitait convulsivement mains sans pouvoir proférer un seul mol envoya chercher le médecin du villa~e. el coucha. Cette crise subite, inexplicable, frayait ; et, bien que la malade ne fût état de lui répondre. il ne cessait de tionner en la câlinant comme une Il ne parvenait néanmoins pas à la Ses yeux égarés lui firent croire qu'elle devenue brusquement folle. Enfin. elle fut couée d'une affreuse foux, et un flux de s'échappa de ses lèvres. Puis elle inerte quelques instants. Quand elle rouvrit les yeux, elle dit voix faible et mouillée de larmes: - Michel, tu n'iras pas là-bas... L que tu voulais faire arrêter... cet homme, chel, c'est ton père. Sur ces entrefaites, la porte s'ouvrit. du dehors apporta des sons de cloches nonçant la messe de l'aube. C'était le docteur qu i entrait. Il vit le cier à genoux, la tête dans les mains, comme un spectre, muet de douleur; s'approchant du lit, il constata que la vieille avait rendu l'âme. florian PARMENTIER.

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