Supplément, No 12 Décembre 1912

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184 donc sans joie el malheureuse. Une profession qu~ ne. • _prend • pas son homme, ou très peu· qui lut _Impose à lui-même le sentiment qu 'if ne convten~ pas à la tâche, rebute et attriste. Le cœur n y est pas. Et quels résultats attendre d'une activité pédagogique où Je ,, cœur • n'est pas?

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L'instituteu.r ne doit pas être un emballé

que l'on peut recueillir auprès des parent ~es ~nfants. D_ans les cas douteux, Je .,!.~ cu1 d tctera la regle à suivre. ..._ Il est clair que cette méthode de classe ne ~ut avoir que de bons résultats po:ent travail des enfants. La difficulté de la vi ~ le et l'eîfort de l'accommodation eugendstan promptement une fatigue fréquente qui rr;;:! tée nuit à l'attention de l'élève et pr~voqu chez lui l'apathie et la paresse. Nous devone doue chercher à éviter ce grave inconvénien: dans la mesure du possible.

Le peuple de nos campagnes, qui ne perd pas s~n temps en réflexions philosophiques, ce qut ne l'empêche nullement d'observer et -od'être psychologue à sa manière, sent très bien c~. qu:est la sérénité de soi-même et y attache Problèmes d'arithmétique subtils d mshnct le plus grand prix chez un éducaL~s problèmes d'ari;hmétique subtils, enteur. Il ne pardonne pas volontiers à l'instituchevetres :t t?talement etrangers à la vie rée). teur .. l'inégalité d'humeur, la brusquerie des le ne me sedutsent aucunement; il y a des pro. n.1ameres et du geste, Je manque de pondéracédés presque mécaniques, et par conséquent hon dans les idées, de mesure dans l'ëxpresde médiocre valeur au point de vue intellec~i?n, d~ tolérance pour les personnes. 11 ne tuel, pour savoir combien de temps un ouvrier 1~Ime 111 trop exubérant ni trop concentré. Il dans telles conditions, mettra de plus qué s etonne - et notez quel hommage cela implil'autre pour atteindre le même but et com9Ue - ~e le voir épouser les passions du mibien trois fonta ines coulant eusen{bie.... je heu, sutvre les engouements du jour et de n'insiste pas. Mais je remarque que nos élène pas le trouver plus différent des a utres et ves auront plus tard des achats à faire, des plus sage qu'eux. travaux à entreprendre dans leur maison et . • C'est un emballé, ça ne convient pas pour je pense que s'ils apprenaient à raison'ner elever les enfants•, me disait tout demièrejuste sur les chances de gain ou de perte que ment. de !:instit~teur un campagnard et on réserve telle ou telle opération agricole, comsenta1t qu Il avait conscience de formule.r le merctale, industrielle, ils acquerraient ainsi plus grave des reproches. C'est qu'il est entend'excellentes habitudes d'esprit et des notions du que l'inst~t~te~r, comm~ le prêtre, doit utiles à la vie de chaque jour. e~e~c~r u~ mtmstere de patx. C'est qu 'il est dt~hctl~. d ad'!lettre que celui qui assu111e de faire _1 e~ucahon d_es _a~ tres ne s?it pas parvenu,_a s assurer _l'e9utbbre d'espnt, la quiétuLe .Teune Catholique de 1ame, la maitnse de soi-même la tranquillité d'attitude et la mesure dans' toutes les La ,Semaine catholique" de fribourg apdémarc~e~ _de la vie privée et publiqlie, qui p~écie très favorablement notre petit périoso~t precisement les signes intérieurs et exdtque comme on en jugera par la citation téneurs de la sérénité. suivante: -oTrès digne de son litre, le , Jeune Catholique", si fentiment illustré, s'adresse aux lecComment il faut placer les élèves teurs jeunes ou qui pensent l'être encore et dans une classe surtout catholiques ou du moins capables' de . j'estime qu'à l'avenir une des préoccupa- comprendre notre littérature. A ce double tilions de nos maîtres devra être, à la rentrée tre, ils aimeront ces pages charmantes, riches ~es .classes, de réserver les places les mieux en histoires édifiantes, en sages conseils en eclatrées et les plus rapprochées des tableaux contes pittoresques et en pensées d'un 'senaux élèves dont la vue est faible. Un rapide timent élevé. examen de la classe devant un tableau ou une Ajoutons qu'après le Valais, c'est le canton de _Fribourg qui compte le plus d'abonnés, c~rte murale à caractères de grandeurs vanées permettra à chacun de reconnaître les envtron 1000 à l'heure actuelle. vues faibles, moyennes ou bonnes. Ce classement sera facilité aussi par les renseignements ----------~~.-----------

Supplément 3-/o Le Voile de Tulle

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de ,f &cole,

un instant, et rev!nt les bras chargés de toute une vaporeuse toilette blanche la toilette classique de la Première Commu~ion. La chaleur étai! étouffante: les grandes feMai~ il n'.était pas nécessaire de s'appronêtres, largement ouvertes sur l'avenue, laischer bten pres pour trouver dans cette simeaient entrer un air chargé des senteurs Jourplicité apparente, les mille ~affinements de.... des du soir; les bruits de la rue s'éteignaient: (comment faut-il appeler ça?) de la tendresse tout était silence, recueillement et mystère. ou de la petite vanité paternelle.... Autour d'une grande table Henri II, vive- Voilà les pièces à conviction dit la matnent éclairée par deux lampadaires, toute une man, en déposant le gracieux b;llot sur la table. famille est assise: à droite, l'aïeule, une manlille noire sur la tète, faisant ressortir plus Et, à la haute clarté des lampes toute la toilette parut s'embellir encore; Je ' voile en vivement la blancheur des cheveux; puis le grand-père, en veston à brandebourgs, l'air tulle de soie, semblait un de ces fils d~ la d'un vieux militaire, avec son impériale et sa Vierge qui flottent dans la campagne les beaux rosette; et, en effet, c'est un vieux colonel. matins de printemps; le corsage aux mille peTout auprès d'eux, comme un bouquet six tits plis, la robe en mousseline fine, tout accrochait la lumière, la tamisant, la rendant enfants qui causent à voix basse avec de~ inplus douce.... flexions douces, attendries, sa~s penser à jouer, et, tout au milieu, entre son père et sa Quelque chose de cette blancheur se réflé · mère, une fillette de douze ans, l'air sérieux, tait dans la pièce, comme une image de l'innocence de cette belle enfant qui rajeunissait l'expression recueillie, émue.... Et il plane sur toute cette famille comme un parfum de piété, tous les cœurs. comme une atmosphère d'église; il y a là un - Mais je ne vois pas, dit le grand-père; de ces bonheurs intimes, si grand, si beau, des pièces à conviction, ça? que l'âme humaine semble impuissante à le - Comment! tu ne vois pas, cette ceinture de faille? contenir; les yeux se mouillent à sa pensée et les larmes qu'ils versent semblent être le trop - Tu l'aurais voulue en satin, peut-être? plein du cœur. C'est plus jeune, n'est-ce pas? - Non, bon grand-papa, dit la petite Communiante, maman aurait voulu que vous fas* - Tiens! vois-tu, bichette, dit le grandsiez les choses plus simplement. Si demain je père, tu m'as fait pleurer comme une bête tout pense à toutes ces belles affaires, qui priera pour grand-père? à l'heure en me demandant pardon! Cela m'a rappelé la mienne, et ça remonte furieusement - Bah! fillette, quand Je général vient, faut loin; il y aura juste soixante ans, l'année pro. le grand unHorme! chaine! seulement, moi, j'étais un fameux dia- · - Uniforme de fantaisie ou d'ordonnance? ble! tandis que toi .... - D'ordonnanee, petite! Et le grand-père regarda longuement la pe- Eh bien! grand-papa, dit la fillette, en tite Marie, qui avait les yeux fixés sur le nouant ses deux bras autour du cou de lapis. l'aïeul, n'y a-t-il pas un peu de fantaisie dans - Oh! je sens bien, continua-t-il en riant, toutes ces histoires-là? ce qui va m'arriver demain! Quand je verrai - Hunt! hum! tu sais, fillette, moi, je suis ma petite-fille en blanc à l'église, que j'entenun vieux soldat; si tu me demandais où l'on drai mes vieux cantiques.... vlan 1 ça va y fabrique les meilleures pipes, j'irais les yeux être .... . fermés. La lingerie, c'est autre chose! Je suis - .... Eh bien! nous mettrons trois mouallé dans la première maison que j'ai trouvée choirs dans la poche à grand-papa!.. .. sur le Bottin, et j 'ai dit à la bonne femme que - .... Pour pleurer ses vieux péchés! .... j'y ai rencontrée: • Madame, voilà: j'ai une - Sans préjudice des nouveaux!.. .. petite-fille... s'appelle Maria... gentille tout - Oh! des nouveaux! s'écria le colonel, plein .... un mètre trente-deux de hauteur; faut l'air un peu anxieux.... lesquels? lui faire une toilette complète .... Première Com- Lesquels? munion.... M'y connais pas, moi! seulement, - Voulez-vous les voir? vous savez, vous, je suppose? faites Je mieux -Oui! possible; le prix? .... m'est égal! surtout que Légère comme un oiseau, la mère disparut ce soit bien, ou on vous tord le cou comme à


138 un lapin! • M'a écoulé, cette femme! et tu crois que ça t'empêchera de prier, ces manivelles-là? - Oh! cher papa, moi, non! mais les autres! qui sait? Tiens! donne-moi carte blanche! - Veux bien! pennission de minuit accordée! Et la petite Maria tendit son front p~ur la recevoir. La soirée s'écoula ainsi doucement en parlant du lendemain, du gran'd jour de 1~ viè, de cette chose infiniment douce qu'on appelle la Première Communion. Par la fenêtre entr'ouverte, on apercevait les étoiles scintiller, là-haut, dans le bleu silencieux du ciel; et, ce soir-là, les ang-es gardiens furent tout tristes de ne pas être hommes pour: pouvoir s'agenouiller à la Table Sainte, aux côtés de la petite Maria.

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- Mille bombes! murmurait tout bas le vieux colonel enfoui sur une chaise, au fond d'un confessionnal, je ne vois pas la fillelle!! .. . Pousser une reconnaissance! ... pas possible! ... bloqué par six rangées de femmes! - Voyons! orientons-nous! Voilà la petite de B., puis, à côté d'elle ... ? vois pas!... d'ailleurs, un gros voile, une toile à sac... c'est pas le sien!... la troisième, c'est la fille du docteur du premier... la quatrième? ... pas elle! Bon sang de bon sang! s 'est pas trouvée mal, je suppose? Ah! mon voile! la troisième du second! Et grand-papa, tranquillisé, mit ses lunettes, suivit pieusement sa messe, essaya même de chanter les cantiques! Mais sa basse taille émergeant du confessionnal, ayant fait retourner trois rangées de chaises, il jugea prudent de s'abstenir. Quand le moment solennel arriva, et que les enfants, une par une, s'agenouillèrent à la Sainte Table, le colonel essuya précipitamment ses verres... ... Une jeune fille, plus pieuse, plus recueillie que les autres, passait devant lui, les mains jointes, les joues enflammées, les yeux à terre. - C'est elle! murmura-t-il. Et vite, il fit sa prière: - Mon Dieu, qui êtes daus le cœur de la petite Maria! bénissez-la! bénissez-les tous!! ... et puis moi aussi avec!!!! .... Et! ce fut tout... Les yeux continuèrent ce que les lèvres avaient commencé; et grand-papa déplia ses mouchoirs.

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}'outeîois, q~and . l'émotion fut passée et qu tl releva la tete, 11 ne put pas encore dire où était sa petite-lille. franchement pour uu ancien stratégiste, c'était vexant! A la sortie de l'église, il eut l'explication de tout. Maria, dans la salle des catéchismes s'était « trompée • de voile avec la pauvre' petite fille d'un ouvrier. Mais en chemin, le colonel, qui avait pour certaines choses de la religion «la comprenoire • un peu difficile, et qui, d'ailleurs était presque vexé qu'on ptt! confondre son' Voile qui avait coûté trois louis avec de la toile de coton à trente-cinq sous, le colonel, dis-je, s'arrêta brusquement: - Bien vrai, tu t'es trompée, petite? ... Et comme l'enfant rougissait sans répondre : - Tiens! tu es lill ange! Et il l'embrassa sur le front, presque brutalement! Pierre L'ERMITE.

La Seconde Jeunesse Voici une jolie coquetterie. A quatre-vingtdouze ans, M. Ch. Lionel, qui est le doyen des avocats, vient, bravement, de ~ublier un volume de vers. C'est 2'énéralement par là que commencent les débutants en littérature. Mais le meilleur moyen de rester jeune, mal· gré les années, n'est-il pas de ne pas vouloir croire à la vieillesse? Il y .turait un curieux chapitre d'histoire littéraire à écrire sur les œuvres d'octog6 nair~s et même de nonagénaires. A toute~ les époques, il y a eu de ces exemples d'acti· vité intellectuelle se poursuivant en dépit pe l'âge, et même, sans remonter à des temps trop anciens, pour lesquels le contrôle est difficile, on pourrait former une liste, qui serait relativement longue, de travaux entrepris à un moment .de la vie ott d'autres, après de longs jours, ne songent plus qu'au repos. Je veux bien qu'Epiménide, à plus _de cent ans, ait écrit un poème en SIX mille vers, mais ce- n'est qu'une tradition. Nous sommes plus sûrs de ce qui concerne les temps modernes ou la période contemporaine. Qui ne se rappelle que ~· Legouvé, à .près de 90 ans, après avoir écnt ses « Souvemrs •, tenait encore une plume alerte, ne se confinant pas dans le passé,. et attestant son inté-

rêt aux questions qui étaient journellement soulevées? N'en fut-il pas de même pour le grand homme d'Etat anglais Gladstone, qui, oprès tant d'années ~e vie publique, ne l'ayant pas lassé, donnail encore aux revues de fortes études, oi:t son expérience n'avait rien de chagrin? Un autre homme d'Etat, M. Guizot, s'il avait moins d'optimisme, recommençait, à peu près au même âge, une série de tableaux historiques. Le compositeur Verdi, à 80 ans passés, et si glorieux qu'il fût, voulait prendre sa part dans l'évolution musicale qui s'était accomplie et renouvelait entièrement sa manière. C'était un beau spectacle, que je me rappelle non sans émotion, que celui qu'il offrait aux répétitions de son «falstaff •, au théâtre qui est devenu Je théâtre Sarah-Bernhardt, dirigeant avec vivacité les études de sa comédie lyrique, y apportant une passion singulière, se montrant exigeant à l'égard de ses interprètes, bra va nt toutes les fatigues, ne soutirant pas les égards qu'on avait instinctivement pour sa vieillesse, ayant encore de rougueux emportements d'artiste. j'ai connu, jadis, Je chanteur Duprez, qui avait été un ténor illustre, en une époque qui semblait un peu fabuleuse au jeune homme que j'étais. Certes, il était loin de la majesté d'un Verdi, mais il ne pouvait accepter l'oisiveté qui eût été pourtant une manière de droit, pour lui, après une aussi longue carrière. Je le revois, quittant sa maison de la rue Condorcet, pour laire, d'un pas très sûr, sa promenade quotidienne. Il écrivait de petits vers, comme ceux qu' il réunissait sous le titre de "Récréations de mon grand âge •, et il tenait beaucoup à ce qu'on en parlât, allant jusqu'aux sollicitations des plus pressantes, comme s'il n'eût pas eu derrière lui un passé fameux.

• Le cas le plus original est peut-être celui du baron de Waldeck, archéologue, peintre et graveur, qui, né en 1766, sous Louis X":, mourut en 1875, sous la troisième Répubh· que. ayant donc atteint l'âge de 110 ans. _Il avait pris part, avec Bonaparte, dans l'arme~ républicaine, au siège de Toulon, et il avatt suivi, jeune savant, l'expédition d'Egypte. A 101 ans, il exposait au Salon deux tableaux, et il se préoccupait fort de leu~ succès. L'a~­ née suivante - à 102 ans - tl entreprenatl une publication de longue haleine, ne devant pas avoir moins de trois gros volumes, sur les antiquités mexicaines, et il ne doutait pas

de la mener à bien, ce qui arriva, en efiet. Il était resté très ingambe et il avait gard!! une mémoire prodigieuse. Il formait encore de nombreux projets, dont il entretenait ses amis, qui étaient, forcément, ses cadets de beaucoup, et ces projets eussent occupé une nouvelle vie, tant sa curiosité s'étendait sur toutes choses. C'était lui qui disait, en souriant: - Oui, je sais bien, je devrais être mort depuis bien des années, mais, que voulezvous! j'ai tant à faire que je n'ai jamais eu le temps de mourir. Dieu sait quelle richesse de souvenirs il avait, lui qui pouvait parler en acteur de ces temps héroïques, de la Révolution. Mais c'Etait vers l'avenir qu'il se tournait, et, acceptant sans embarras toutes les innovations, c'était, tout au moins, le présent qui l'intéres· sait plus que tout.. Si son érudition évoquait des civilisations disparues, c'était avec les mé· thodes modernes. Ce qui l'amusait, toutefois, c'était de penser aux modes successives aux· quelles il avait dft se plier, lui qui, dans sa jeunesse, avait porté la perruque poudrée. Chevreul, dont on célébra le centenaire, avait 95 ans lorsqu'il publia ses • Considérations générales sur les méthodes scientifiques», où il exposait avec netteté ses théories. Ce furent les fêtes de son centenaire qui semblèrent lui être funestes, car, à partir de ce moment, il déclina rapidement. Au dix-huitième siècle, il y avait eu l'e· xemple de fontenelle, qui, lui aussi, vécut un siècle et, avec cette sorte d'insatiabilité de travail qui Je possédait, écrivit jusqu'à sa dernière heure, découvrant des horizons nouveaux et des raisons d'autres études, après toutes ceHes auxquelles il s'était plu. Et il était né si frêle qu'on ne lui donnait pas une heure à vivre. II était demeuré le plus aimable causeur et le plus galant. C'était lui qui disait à une jeune femme, ayant laissé tomber son gant, qu'il n'avait pu ramasser assez promptement pour la prévenir dans ce mouvement: - Ah! ma belle dame, que n'ai-je encore 80 ans! Académicien, il put célébrer le cinquantième anniversaire dê son entrée à l'Académie, puis le soixantième, et même le soixantedixième. Une Anglaise avait fait Je voyage de Paris tout exprès pour Je voir, et il avait alors 99 ans. Elle ne parlait qui! malaisément le français, et, trahie peut-être par son insuffisante connaissance de notre langue, elle dit, 1


140 plu~ b~utalement qu'elle n'eut voulu, qu'elle cra1gna1t de ~e pas arriver à temps pour être reçue par lu1. . - Oh~ fit gaiement le vieux philosophe, 11 ne fallait pas vous presser! Je n'aurais pas eu l'impolitesse de ne pas vous attendre!... · Les derniers travaux de Fontenelle ne sont pas ceux, précisément, où il y a le moins de lucidité. Ces renouveaux de la vie intellectuelle sont par une sorte de paradoxe réalisé réconfor~ lants au point de vue de l'extensio~ possible de la durée des facultés. Dans bien des cas, c'est avec de bonnes raisons que certains ont pu retourner la formule fameuse et dire : • Place aux vieux! • ' Jean FROLLO.

Le Violon Brisé ;Le pauvre aveugle, tous les jours, venait s'asseoir sur la jetée, non loin du phare, ct, posant tlevant lui, sur Je sol, la sébile oll les passants apitoyés jetaient quelques sous de temps en temps, il râclait les cordes d'un violon usé dont il tirait, durant des heures entières, des sons nasillards mais justes et bien cadencés. Il jouait ainsi quelquefois bien avant dans la nuit, jusqu'à ce qu'il n'entendît plus les pas des promeneurs et les voix fraîches et musicales des jeunes femmes qui, chaque étë, venaient égayer ce bout de jetée où la mer furieuse et déchaînée si souvent, venait briser ses vagues écumantes avec un fracas qui rendait sourd et muet le violon de l'aveugle. Pauvre vieux! Il y avait trente ans qu'il venait ainsi s'accroupir quotidiennement à la même place. Qu'était-il? Nul ne le savait. Les gens du pays prétendaient qu'il avait eu jadis son heure de célébrité: ç'avait été, paraîtil, un artiste consommé, tombé dans la misère depuis qu'un accident terrible l'avait à tout jamais privé de la lumière des yeux. Mais les gosses sont tellement inconscients! Ils font le mal sans y prendre garde, sans malice, en se jouant, comme un petit chat ·qui griffe en voulant caresser. :Ce soir-là, le vieil aveugle jouait une valse d'autrefois, parfaitement rythmée, du reste, et très enlevante. Trois jeunes garçons - des petits Parisiens que le grand souille avide de la mer enivre et rend volontiers insupportables passaient en gambadant s ur la jetée, au même

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instant. Ils venaient d'achever leur d" avaient précédé leurs parents qui s'alta::~ et autour de la table, dans une villa vo,·s· atent . . , t • • me. 0 ~· VOICI qu en rames par le son du vi lon, tls se mettent à danser, comme de f O. devant le musicien mendiant. La dans! ~u~ demment, dégénéra en • chahut • et mê~ev,. bousculade. en Cela se passait devant Je vieillard qui d'une fois, dut essuyer le contrecoup ,dp1u,s mêlée. e a Tout à coup, l'un des bambins, pour éviter ses camara_des, sauta prestement sur la balust~ade en pterre de 1~ i_etée, j.uste au-dessus du v10lonneux, et se mtt a geshculer derrière 1 · d'une façon si drôle, si grimaçante que camarades, ébahis, • ne se sentaient plus de joie.• II c?ntrefaisait, avec des mines grotesques, le~ attitudes ~u pauvre aveugle qui dut certamement devmer, au rire particulier des autres enfants, qu'on se moquait de lui car sans pour cela qu'il cessât de jouer de's Jar: mes .silencieuse~ s illonnèrent son vi~age ridi, br~n • . par le hale de la mer, creusé par les pnvahons et les souffrances. - Tiens! dit un des gosses, v'là l'vieux qui pleure! - Non? Et pour voir s'il en était ains i, vraiment. celui des trois qui dansait sur le parapet prit tout son élan pour sauter à terre en passant par-dessus la tête du vieillard. - Un, deux eL. Patatras! il vint s'étaler sur Je sol, entrai· nant avec lui le violonneux devenu son souf· Ire-douleur. En sautant, son pied s'était pris dans le capuchon du vieillard, en sorte qu'ils étaient tombés l'un s ur l'autre. En même temps, le malheureux violon, pris sous eux, fit entendre un gémissement déchi· rani et rendit un dernier soupir,

S:

·,

Un son vague et plaintif dans le vague des airs.' Nul ne riait plus. Certes, pers01me n'était sérieusement blessé, mais, pire que cela, Je violon, le gagne-pain du pauvre vieux, était brisé, éventré! ,Quand, d'une main fé brile, J'aveugle tou· cha l'instrument que les enfants, rouges, cons· ternés, pris de remords, lui avaient ramassé après l'avoir aidé à se soulever, son visage se contracta douloureusement et, se laissant tomber sur son pliant à moitié crevé lui aus· si, son désespoir éclata, lamentable et navrant.

- Mon violon! mon vieux camarade si fidèle! mon deruier soutien! Voilà que tu t'en vas! Tu me laisses! Oh! plus rien! Ils t'ont brisé, fracassé, mon pauvre violon ! mon ami! Il fallait voir l'embarras des petits gar· çons. - Ça, c'est pas malin! - M'sieu, faut pas nous en vouloir! On en est tout bête! C'est vrai, on jouait, s'pas, et pis ... voilà! - Comment faire! Y n'va plus pouvoir gagner des sous sans son violon. Peut-être ben qu'on pourrait le réparer... Oh! penses-tu! Tu ne l'as pas regardé. Faut lui en acheter un autre! Et voilà nos trois amis qui tiennent con· seil à ce sujet. Chacun vida sa bourse dans le fonds commun. Cela faisait en tout 3 fr. 50. Rien à faire avec un si maigre budget. - Y a pas, j'vas aller le dire à maman! insinua le plus âgé de la bande. ·le coupable se révolta. - Si tu fais ça, mon vieux, si tu lais ça! ... Alors le troisième eut une idée de génie: ·- J'ai un moyen: il va venir du. monde sur la jetée, voilà déjà qu'on commence à se diriger par là. Nous allons emmener avec nous le violonneux et je ferai la quête, dans le violon! Cette fois, tout le monde fut d'accord, tellement l'idée était ingénieuse. - Venez avec nous, m'sieu; on va ramasser de l'argent parmi les baigneurs pour vous payer un autre violon... Et aentiment, deux des enfants se mirent à ses ~ôtés, le prenant par la main, pour le auider tandis que le troisième allait devant, ~ompt~nt bien se servir du violon brisé comme d'une escarcelle pour y mettre les aumô· nes des promeneurs généreux. La nuit, douce, :enveloppante,. après ~ne chaude journée d'été, commençait à voiler doucement l'Orient; seuls, les nuages rouges du couchant gardaient encore les dernières lueurs d'un jour qui s'éteignait. La mer re· montait et commençait à lécher le pied. du vieux môle. Lentement, les baigneurs venaient faire leur tour de promenade accoutumé. Des cigares s'allumaient dans la pénombre et de~ écharpes légères frissonnaient au vent qm s'agitait imperceptiblement dans le calme du soir. Les enfants et le vieillard docile et déprimé s'acheminaient à pas lents vers la pointe de la jetée Otl se massaient peu à peu les prome-

neur~ qui regardaient rentrer, de très loin, les fins bateaux de pèche. :- Vas-y, Petit Pierre, dit l'un des gosses· tu ne quêtes pas?... ' Petit Pierre s'enhardit; il se dirigea vers un groupe de passants. - Pardon, m'sieurs, dames, c'est pour le vieux qui a cassé son violon .... Il disait cela si bas et si timidement qu'on ne l'écouta même pas. )1 fit encore une tentative. Mais aussitôt, il recula: c'étaient des amis de sa famille; il eut honte; tous trois éprouvèrent, d'ailleurs, le même sentiment, et les voilà qui s'arrêtent, se retournent pour qu'on ne les reconnaisse pas, et se disent, découragés: - On a l'air de mendiants; nous allons être la risée de tout le monde... \Ah! qu'ils étaient ennuyés! Leur bon petit cœur ne voulait pas abandonner le vieillard à son misérable sort et, d'autre part - ils en faisaient la douloureuse expérience - comme c'était dur de tendre la main!. .. Mais une bonne fée passa soudain. C'était une jeune et délicieuse artiste, en représentation au Casino, une de ces frêles et charmantes créatures qui passent dans la vie comme les fleurs éphémères, en semant autour d'elles des enchantements et des parfums. Elle vit l'aveugle entouré des enfants. ,Elle 1e reconnut bien; chaque jour, elle déposait discrètement une pièce blanche dans la sébile de l'inforhmé musicien qu'un destin terrible avait condanmé à ne jamais pouvoir connaître sa bienfaitrice, malgré qu'il en de· vinât instinctivement la présence autour de lui. - Que laites-vous, chers petits? El vous, monsieur, vous ne nous donnez donc pas de sérénade, ce soir? Alors, tout de suite, les enfants s'expliquè· rent: .__ Nous avons brisé son violon, s'pas, et puis, nous voulion s réparer notre mauvaise action, s'pas, et puis nous avons essayé de laire la quête, et puis ... Ils rougissaient, s'embarrassaient dans leurs • et puis . , et m~nifestaient un ennui. si sincère que la jeune hlle en fut tout de su1te émue. _ Pauvres chéris, vous n'avez pas su vous y prendre; venez avec moi. Simplement elle voulut que le violonneux s'appuyât sur 'son bras; elle le conduisit jus· qu'au pied du phare, autour duquel, sur d~s hancs, les flâneurs s'étaient assis et dev•·


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142 saient au milieu du grand silence de la nuit plus et je n'en ai jamais autant souffert qu'en attiédie que berçait la chanson monotone des ce moment! Maurice DUVAL flots. Elle dit aux petits: - Nous allons organiser un concert au bénéfice . de ce malheureux ; pendant que je C!hanterat, vous ferez la quête; vous voulez (Légende valaisanne.) bien, n'est-ce pas? - Oh! oui, comme cela, on aura l'air Vous savez, cher lecteur, que le diable est d'être à l'église! partout. Tel un lion rugissant, il cherche sa \Alors, exhibant le violon brisé, elle an- victime. Ce diable, dont parle l'Ecriture, c'est ·nonça tout haut, à ce public qui l'adorait, sa le mauvais esprit. Il n'apparaît généralement généreuse intention. -sous aucune forme. Dans les anciens temps, :- Pour mon vieux camarade, aveugle, Pl\r contre, et même au moyen-âge, le diable tombé dans la misère et qui vient de perdre se plaisait à se présenter en personne. Plus son dernier gagne-pain. Les conversations se turent, et soudain, prudent de nos jours, sa tactique est d'êtr• parmi la brise alanguie, la voix chaude et ve- invisible, de nous suggérer de mauvaises penloutée de la jeune artiste s'éleva, passionnêe, sées. n y a cependant des jours, où le démon émouvante, gagnant tous les cœurs et faisant désire causer avec l'honune, en se faisant son monter dans tous les yeux des larmes bien- semblable. C'est une exception à la règle. En faisantes qui ne tombent jamais qu'accompa- voici un exemple. L'histoire que je vais vous conter s'est pas~ées de pièces d'or dans l'aumônière des sée en Valais, sur le territoire de Chalais, messagers de charité. IEn effet, tandis qu'elle chantait: « Riches, paisible village, dans la plaine fertile, à queldonnez, c'est pour vous peu de chose! • et que distance de Sierre • l'agréable », Par une que l'aveugle, réhabilité par la chère bienfai- chaude journée d'été, le meunier Jean Baptrice qui n'avait pas renié son « camarade » tiste faisait travailler son moulin en utilisant les eaux du torrent de la Rèschy. Une v~eilli, sanglotait, pauvre loque humaine, amt pteds de la blanche étoile dont la jeune re- grande quantité de maïs devait être moulu. nommée brillait d'un vif éclat, le violon brisé Homme d'une taille moyenne, au regard pervibrait à nouveau sous le choc des pièces çant et volontaire, muni d'une superbe barb d'or et d'argent qui l'emplissaient... rousse, Jean-Baptiste quand il se met au traQuand l'artiste eut achevé, ce fut du dé- vail abat de la besogne. Le moulin faisait ce lire; la ioule, enthousiaste, applaudissait, je- jour-là grand bruit. On l'entendait gronder tait des fleurs, et, pris du besoin de donner, JUsque vers la petite chapelle de Reschy... de donner encore et encore, et voyant que • Jean-Baptiste est à l'ouvrage, disaient les les enfants n'accomplissaient pas leur mission habitants; le moulin chante la gloire du traassez vite, chacun s'empressa vers eux et vail en grondant de joie. • toutes les mains se tendirent à la fois vers Tandis que notre meunier cherchait du l'escarcelle improvisée ... maïs, dans le petit raccard, il .s'entend souiL'aveugle devinait cet élan magnifique et d~in appeler par sa femme, la grande Mabalbutiait, couvrant de baisers et de pleurs nanne... les mains de sa bienfaitriCe : • Viens ici, Jean-Baptiste, un monsieur en - Oh! merci, oh! merci! Vous êtes donc tube, et en habit noir, demande à visiter ton moulin.» une envoyée du ciel! ... Le meunier ne se fai t pas prier. D'un geste Mais profitant de l'émotion générale, la jeune femme, modestement, s'était échappée; significatif, il ordonne à sa fenune d'avoir à d'ailleurs, d'autres succès l'attendaient sur la se retirer. Celle-ci obéit pour la première fois, depuis Pâques, et cela dans le but de scène, où son métier la rappelait... jEt quand les enfants, réconfortés. joyeux, faire estimer son mari. liers de voir leur faute si bien réparée, reLe démon et le brave meunier se regarmirent au vieillard le miraculeux produit de dent un instant. Le vacarme du moulin plaît leur quête, ils l'entendirent qui murmurait au diable, qui s'écrie : avec une tristesse infinie: • Sachez, cher meunier, que j'adore le va- Bons petits enfants, chère bienfaitrice carme, le bruit des rouages, car le silence ne déjà disparue! Voilà trente ans que je n'y vois me convient pas. • •

Le Diable

a Chalais

• Vous êtes alors. certainement, un habitant d'une grande ville, dit Jean-Baptiste, car tous ces messieurs aiment le bruit. Mon mouJin, vous dirai-je, a une force inouïe. Il pourrait broyer le diable. • A ces mots, Jean-Baptiste s'aperçoit que son visiteur semble un peu gêné, et, le fixant fant soit peu., voit une toute petite corne sur son front. Saisi de stupeur, le Chalaisard invoque en son âme tous les saints du paradis. Sous prétexte d'aller modérer l'aiJure des eaux, notre meunier s'excuse pour un instant et s'enfuit clandestinement ver s son épouse·

xx x Quelques instants et Jean-Bapti.ste revient à son hôte. Sur ses épaules solides, le Chalaisard porte une lourde pierre. Elie est destinée à serrer le maïs dans Je couloir et à fournir un courant régulier, continu au concasseur. Le maître de céans se dispose à montrer le rouage de son moulin. Il va jeter le maïs dans le couloir, lorsque soudain Ma· rianne fait son apparition. Les maius sur les hanches, d'un sourire bonasse, l'épouse s'a· dresse au visiteur : • Voyez, monsieur, mou mari veut vous montrer le moulin en pleine activité. Monsieur voudra bien regarder au fond du couloir où se jette Je maïs. C'est là que s'effectue le travail le plus intéressant. • Dès que leur hôte examine Je couloir. Je meunier et la meunière s'empressent de le saisir et de le glisser dans cette impasse. La grande pierre y est aussitôt posée. Un rug issement épouvantable se fait entendre. C'est ensuite un silence complet. Sur le sol tombe de la farine noire. Salan est réduit en poussière.

xxx Les meuniers. heureux d'avoir réussi à ré· duire le diable à l'impuissance, décident d'attendre la nuit avant de se ùébarrasser dt! la farine diabolique. • Que Dieu nous vienne en aide, s'écrie ia meunière. Nous avons fait bonne œuvre. • Le diable a vécu à Chalais. Jean-Baptiste arrête son moulin. et cache la fa rille diabolique dans les profondeurs ù'un sac solide. Bientôt le soleil fait place à la nuit. L'ange du repos voile la contrée des ténebres les plus sombres. [)'un pas silencieux, les meuniers

po~tent la farine noire sur le grand rocher q~u. surplombe la cascade de la Reschr- Ar-

nves au sommet, ils y répandent la noue farine. De nos jours encore, vous pouvez remarquer une grande plaque où la végétaiion s'est retirée. Jean-Baptiste prétend que c'est une porte conduisant aux enfers. Quant à Marianne, elle déclare souriante: • Mon mari a raison, mais si tout le monde recevait le diable cotmne nous l'avons reçu au moulin de Reschy, il démissionnerait. • ROMULUS.

Variétés LA REFORME DU CALENDRIER En 1913 aura lieu à Genève une conférence internationale, qui s'occupera spécialement de la réforme du calendrier. Plusieurs projets seront soumis à la discussion. Un des plus intéressants est celui de Leroy-Boyd. Il comprend treize mois, au lieu de douze. Le treizième mois, appelé «Solaire •, se place entre juin et juillet. Chaque mois est exactement de quatre semaines de sept jours chacune. L'année ordinaire non bissextile est, dans ces conditions de 13 fois 28 soit de 364 plus 1 jour qui vient tout au commencement de janvier, ne compte pas dans le mois et s'appelle « Nouvel-An • . II n'est ni samedi ni dimanche ni aucun autre jour de la semaine. Strictement férié, il représente Je début du calendrier. Pour les années bissextiles, on compte à la fin de décembre un jour addi· tionnel, qui est le 366Jne, mais s'appelle c Fin de l'an bissextile », sans modifier le nombre régulier des semaines. Exemple : J . 1916 Jour de l'An Janvier, Février, Mars, Avril, Mai, Juin, Solaire, Juillet, Août, Septembre, Octobre, Novembre, Décembre. Dimanche 1 8 15 22 Lundi 2 9 16 23 Mardi 3 10 17 24 Mercredi 4 11 18 25 Jeudi 5 12 19 26 Vendredi 6 13 20 27 Samedi 7 14 21 28 « Fin de l'An bissextile. • Les avantages de ce calendrier sont évi-


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dents. Chaque mois et chaque semaine corn mencent par un dimanche et finissent par un samedi. La même date tombe chaque mois le même jour de la semaine. On sait d'avance 011 J'on est. On n'a plus besoin d'aide-mêmoi· re et il suffit, pour ne pas se tromper de can· naître Je jour de la semaine. C'est la simpli· cité idéale. M. Leroy-Boyd inaugurerait son système en 1916 par le tableau ci-dessus.

xxx LE CODE DE LA TOILETTE DES HOMMES. Le professeur d'hygiène Montegazza, de Florence, qui vivait dans un pays où les hommes autant que les femmes ont J'amour de la toilette voyante, a jugé utile de donner à ses compatriotes quelques conseils pratiques. Pour ne pas les effaroucher en prenant le ton dogmatique d'une loi somptuaire, il a ré· digé ses idées sous une forme originale et amusante. Il a fait un « code • ou, si on préfère. un • codex • de la toilette, destiné aux tailleurs et à leurs clients. Nos lectrices pourront ]es faire lire à leurs frères et à leurs maris. I. - IL vaut mieux s'habiller convenable· meut les six jours de la semaine que de faire l'élégant le dimanche et d'être .sale et miséra·. ble les autres jours. II. - Les vêtements propres donnent la santé et la dignité de l'homme. 111. - Les vêtements sont une seconde peau, à laquelle il faut autant de soins qu'à celle que la nature nous a donnée. IV. - Avant de se commander un vêtement neuf, il faut faire till tour à la cuisine et consulter l'estomac des enfants. V. - Une tache sur un vêtement est une honte que rien n'excuse. VI. - Il vaut mieux porter des vêtements R'rossiers qu'un costume élégant déjà porté par d'autres. VII. - S'habillie.r mieux que ne le per· mettent vos moyens est un menson2'e conti· nue! qui entraîne aUI vice et au crime. VIII. - L'imitation des habitudes et des modes bizarres des hommes célèbres ne nous rend pas célèbres, mais ridicules. IX. - C'est une sottise de suivre la mode en esclave, mai.s c'est une folie de ne pas en tenir compte.

xxx

QUAND ON MARCHANDAIT MICHEL-ANGE. Michel-Ange Buonarroti, qui fut peut-être avec Rembrandt la plus haute personnifica~ion du génie artistique, professait une aversion avouée pour les amateurs qui se permettaient de • marchander> le p_rix de ses œuvres. Il avait peint pour le collectionneur illustre Agnolo Doci, un R"rand tableau à huile, représentant • La Vierge à genoux offrant l'enfant Jésus à saint Joseph». L'œuvre terminée, il la fit parvenir au destinataire en lui réclamant 70 ducats. Agnolo Doci répondit en en· voyant 40 ducats. Furieux, Michel-Ange re· tourna l'arf{ent et déclara que désormais le. prix du tableau était de 100 ducats. L'amateur lui fit alors parvenir 70 ducats, montant de la somme primitivement demandée. Mais Buonarroti, qui n'aimait pas qu'on marchandât, retourna à nouveau les 70 ducats avec ces mots: c Vous n'avez voulu me payer 70 ni 100 ducats quand je vous les ai d~f!!andés . Désormais ce sera 140 ducats et si vous ne les envoyez pas intégralement demain, ce sera 200. • Agnolo Doci comprit qu'il n'aurait pas le dernier mot et préféra payer immédiatement les 140 ducats réclamés.

xxx

LES • POURQUOI • DE LA VIE. Pourquoi, dans la vie, la vue d'un accident grave est-elle un régal vers lequel nos pitiés se précipitent avec une sorte de gourmandise? Pourquoi les publicistes très pauvres ontils g-énéralement les poches bourrées de jour· naux?

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Pourquoi dit-on ·qu'on applaudit • des deux mains •, comme s'il y avait une autre manière d'applaudir que celle-là?

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Pourquoi est-on tout fier d'am1cncer le premier le décès d'une personne connue?

:tt:t sem bient -1'1 s epron· Pourquoi les fumeurs ver plus de plaisir à cueillir un cigare dans • sa . boîte qu'à la prendre sur une assiette? :tU

Pourquoi, quand elles télégraphient, les personnes les plus riches, les plus généreu· 5es, croient-elles devoir parler • petit nègre ~ afin de gagner deux sous?

Supplément spécial de Noël Pensées :t Ceux qui se plaignent de la fortune, n'ont souvent à se plaindre que d'eux-mêmes. :t Nulle adversité ne saurait nous nuire, si nulle iniquité ne dominait en nous. :Ç La sagesse humaine nous apprend à c~­ cher notre orgueil; la religion seule le de· truit. . · 1 t Le malheur s'amoindrit, se d!ss1pe en e divisant, le bonheur se double, se triple en le partageant.

'f Souvent les grands hommes meurent trop tard pour leur gloire. t Nous nous faisons honneur des défauts opposés à ceux que nous a vons; qu~~d nou_s sommes bibles, nous nous vantons d eire opiniâtres. • :t Nous sommes si accoutumés à nous dé· guiser aux autres qu'à la fin nous nous dé· guisons à nous-mêmes. :t L'amour-propre es! le plus grand de tous les flatteurs; il est en même temps plus habile que le plus habile homme du monde.

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Les hommes, arrivés à l'automne des jours Sont, même en chE'veux gris, petits enfants touojours. . {née, Quand de nouveaux Noëls, au déclin de l'an· R-ayonnent en douceur sur leur tête fanée, Qui sail si Je désir naïf ne leur vient pas D'aller la veille au soir, en cachette, tout bas, Comm~ jadis, en leur enfance illuminée, . . Placer leurs gros souliers. devant la che~mee? La veille de Noël, les bébés, anxieux Mais une telle idée est b1en hors de sa1son .. D'avoir le beau cadeau qui leur viendra des Us l'écartent très vite ... et comme ils ont rai· 1tournées . cieux, son! (tine, Metteut - talons en ligne et pointes b1en Pour ne poi nt décevoir le~r croyance e1~fan· Leurs bons petits souliers devant les chemi· nées. [nus, Jésus. certainement, mettra1t dans la bo~tme. Quelque cadeau très cher, pour gens tre~ se· · Puis dès le matin clair, en chemise et pieds rieux... {CICUX, Vite,' vite, ils vont voir si le divin Jésus Est venu , dans la nuit, leur apporter les chos~s Mais il ne saurait point, au magasin des Décrocher « celui-là !out juste qu'on désire • ... Qui, depuis quelques jours. hantent leurs reves roses. [en eux! · Car les mamans ne sont plus là pour le lui dire! Ah! comme leur cœur bat!. .. Et quelle fièvre jacques NORMAND. De leurs doigts maladroits ils s 'attaquent aux nœuds [rite, _ ficelles ou rubans - dont leur désir s'irEt qui s'embrouillent tant, dès que l'on va fête aimée, .fête populaire entre toutrop vite! tes où la terre et les cieux s'unissent

xxx

Enfin, hors des papiers froissés, des durs carl tons, tons, Voici rouges, bleus, verts, jaunes, de tous les _ Tels que des papillons sortant des chrysa· lides, Voici les beaux joujoux étincelants, splendides, Et tout juste, - oh! qu'il est malin, le bon Jésus! Oui, tout juste ceux-là qu'on désirait le ~lus.. : • Comme c'est curieux... Maman a du llll dire... » Et la maman leur répond non, dans un sourire.

po~r commémorer par la pri~re ct les chants les plus doux la visite que Dieu fit il v a vingt siècles, à l'humanité. 'Nous sommes à la veille de la grande fête. 11 faut la préparer. Il n'v a que les choses préparées qui réussissent. Jésus nous v attend; il n{)US attend pour nous combler de faveurs ; mais il veut notre concours . Ce concours sera la prière, la pénitence, et surtout une sincère confession


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suivie d 'une ferv~J~te communion . jésus est . v~nu, nou~ VISiter le soir de Noël, m,a.1s JI n a fa1t Que passer quelques anfeesd avec nous. Etait-ce là toute la vis.ie u 5. a~v~ur d~ h'ommes? Non, so·n ~our mfm1, fertile en invention a trolL. ve le moyen de rester au mÙieu de nous. Comment? oar l'Eucharistie Il ~fté~'est o.as. contenté de visiter l'hu~a­ visiteenhgener~; par la Communion~ il c aque ame en particuHer à ie~hl~ an~live~s~lire de sa na.issa nce .. . rn, d desire ardemment nous ~lstter a la Table Sa inte. Ali d a 'sa ren con tre, et QU'Il. soit le ons one bienvenu d ans OQS cœuTs! • Ecoutons les lecons que lés donne us nous p d u f on d d e son humble. crèche. tur n().us les rendre plus sensibles, ces eçons, dans presque toutes tes églis~s du monde catholique, des ma ins Ple_U5es et habiles dressent ces crèches QUl n~us mette?.t sous les yewx les choses QUI se passerent à Bethléem Appor tons un saint empressement à 'tes .. ter. Frè~es et sœur~, amenez-y les P~~~f~ enfa~ts., . cett~ representation leur offre unh a rrut QUJ frappera leur esprit tou c era tleur · verront ' l'enf J• cœur, ~arce Qu'Ils . .an . esus representé dans un â ge vtotsm du leur. Tous à cette vue · • ons .1a par ' reoe. o1e d e S. •Berna rd : « Plus il se fait peht, et olus .ie l'aime »

xxx D~gue , digue, digue, D1gue, digue don Sonne, sonne', son~e Joyeux carillon!

Sonnez, cloches de Noël!... Chantez con-

cer~ de b~o~tze dans l'espace étoilé. C'est' l'heu·

;~~:~~~~~~~-~~!~tc~:~a~!t àlec~~~~~~e~e:~yds~~q~~~ milial.

oel, la nUit de fête et le souper fa-

vie~~es~i~·~efecdtion.. qui] pétille autant que le ernere es fagots. mo~~~~ ~~s 1enfants_ reste~tt éveillés jusqu'au vant l'• t u eur peht _souher a été déposé dea re encore clair de flammes qui vont

pas tout à tait réelle. Vous ne l'avez pas lait sourire à son iilsMarthe avait répondu ces mots : - Monseigneur, toutes les mères ont dans le cœur une angoisse prolonde en tenant leur CONTE DE NOEL enlant. Elles ne peuvent pas laire autre chose Dans une des plus anciennes rues de Bru· que de pleurer... ges-la-Morte vivait, depuis plus d'un demiEt le prélat, devinant sous cette réponse une douleur immense et muette avait emporté siècle Martha la Modeleuse. . 0~ eût dit qu'elle avait J'âge de son logt~, les bibelots de cire et béni l'ouvrière. tant elle avait l'air vieille. On ne l'entendait l..e lendemain, il ~ui avait envoyé des es· jamais rire ni même se parler à elle-même tampes et des reproductions des mnitres de tout haut, ~omme les gens qui vivent seuls en l'Ecole llamande, alin qu'elle pût s'inspirer ont souvent J'habitude. Mais on la voyait toud'eux. Peu à peu son travail machinal était jours penchée sur son modeste établi, façon· devenu vraiment un travail d'art. nant de ses mains restées souples de char· Elle s'était essayée à donner aux personna· ges de cire qu'elle modelait les gestes et les mants bibelots de cire. La chambre où l'ouvrière travaillait était attitudes de leur époque respective. Pour un grand béguinage, elle avait ainsi bien humble, bien étroite, presque pauvre. Ce· composé plusieurs scènes bibliques, dans les· pendant, toute la lun:'ière. d~t jour semblait quelles elle avait représenté les _plus douces s'y répandre. Dès qu'1l fatsatt beau, des darfigures de l' Histoire sainte; Esther, Rébecca, tés multicolores ruisselaient dans l.a pièce, Ruth et Noémi... et surtout la mère héroïque grâce à la vaste ogive, lermée seulement les des frères Macchabées, entourée de ses en· jours de mauvais temps par un très curieux iants et marchant avec eux au supplice. vitrail. Un détail particulier se remarquait pour· Sur une petite étagère accrochée au mur, tant dans chacune de ses œuvres. Toutes ses êtaient ran~és tous les bibelots au lur et à figurines d'enfants étaient blondes l:l bou· mesure qu'ils étaient achevés. clées. Elle se servait pour leur chevelure de Auprès des saints Michel domptant de for· très tins débris de chanvre travaillé:; et peintsl midables dragons, se dressaient de minces hqu'elle assouplissait et irisait avec de mince gurines drapées de mousseline et de tulle. ·E lles servaient à décorer les gâteaux et les outils imaginés par elle. Comme elle était très connue jans la viii~ pièces montées servis aux repas de première les églises de Bruges lui commandaient cha Communion, ainsi qu'aux dîners de noces du que année plusieurs sujets pour les (rèchel pays, et représentaient, tantôt des communiantes, tantôt de trêles petites mariées. de Noël. Il y avait aussi sur l'étagère des chemins Elle se mettait au travail quelques semaj de croix minuscules et naïls, qui servaient à nes avant le premier dimanche de i'Avenl garnir les reposoirs des jours de Fête-Dieu. C'était le seul moment de l'année où l'on e~ Enfin, quelques poupées de cire soutenues pu l'entendre murmurer en sourdine des car par un pied de bois se tenaient souriantes et tiques composés par son cœur naïf et rel gieux sur c Marie attendant Jésus •, et Sll droites en attendant les acheteurs. Martha la Modeleuse n'était :;ans doute l'espoir des bergers et des rois mage~ . qu'une simple ouvrière, sans préten1ion et Elle semblait, elle ·aussi, attendre vraime sans culture. Mais ses bibelots avaient un ca· la venue du Messie. Ses doigts impatients che! primitif et sincère qui révélait vraiment cop1mençaient vingt lois à modeler la ci~ La Vierge de la crèche n'était jamais, à sl un sentiment naturel, inné, d'artiste. avis, assez douloureuse, assez pâle, ass On sentait que cette lemme avait beaucoup tourmentée par le pressentiment du Calvail souitert, car elle réussissait davantage les li· L'entant divin, au contraire, n'était jamais ; gures touchantes des saintes douloureuses, et donnait au visage de ses Vierges toujours le sez souriant, assez beau. Une année· surtout, elle travailla huit jOl même air éploré. de ·suite au visage du Bambino. Elle levaij Un prélat qui était venu, une lois, admirer tout instant les yeux et semblait chercher dl son travail et lui laire une commande pour son souvenir des traits bien-aimés afin de une nouvelle chapelle qu'il venait d'inaugurer, donner à l'angélique ligure. lui en avait lait doucement l'observation ; Elle réussit à laire un véritable che(-d'~ - Même au point de vue de la réalité , votre petite statue de Marie tenant jésus n'est

Le Petit Jésus de Cire

b~i ssa nt

ct ... i}s s'endorment bercés par des

reves constelles des plus beaux 1.ouets d monde. u Oh! Je lendemain, quels cris de ·oie et quels chants d'allégresse! . Noël' Noëi'J Poupées! chemi!l~ de fer, poiichineÙes, se~n.t peut-etre brrses demain. Peu importe , UJ ° 1l~d'hui c'est l'exaltation du 1riomphe. c es apothéose! • · -t1 en est un autre Hélas , ·• à côté . du. N oe.. , ga t, do~t\:st . celut qut ~subit • l'enlant orphelin pere ou la mere sont morts. celui des . é mis retux:.. , ceux-là délaissés hélas'• malheureu x ouj ours. ' ·

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Que je les plains Les Orphelins ? Le sort aventureux égrèn~ Les misères sur leur chemin Pour eux tout est cruelle pe'inc Un nouveau deuil au deuil s'e~chaine, Et, quand leur iront se rassérène Sans effroi pour les lendemains' ' C'est qu 'ils sent~nt leur mort prochaine. Que Je les plains Les Orphelins! me CeH~ sh·?p~e d~ Mme Amélie Mesureur, d revJetli a 1espnt quand je pense au N "1 pauv.res, au Noël de l'enfant, de la 1e e restee seule au logis devant un feu res.. dont regarde attristée, a ~~mere spirale de tumée em[>ortant premtere espérance enfantine. sa _Allons! q~e les i_ouets des enfants r iches qut ~tt c~sse de platre aillent directement ou par es mtermédiaires dévoués aux enf~nts pauvres, et que le sapin de Noëi, aussi grand 9ue vert,- se charge pour eux, en ce rand Jour de fete de la famille, d'utiles et gafs ca • d eaux. sul~~~ ~s ~ég~rds _d'envie ~t les soupirs réstrs massouvls; que les ran' e_ cœur s n aient pas le temps d'éclore ch enf_antelets qui ne comprennent à la ces la vie rien d'autre qu'ils son ma1heureux, tandis que d'autres en an t s ont · ts, de nches . fments et sodet .beaux JOUe vête·n JOyeux. t C~nserver les illusions de l'enfance en rans ormant ses désirs en réalités est une des formes multiples de la solidarité sociale. SYLVAIN NOEL.

~~ ~ue~nort

~~le d~

~lie

~­ s'en~oler

~~

n'~n/ ~~~~


4:04 vre- de ce petit Jésus, mais quand il lui fallut poser sur son front les cheveux de chanvre qu'elle employait habituellement pour ses autres personnages, elle les trouva si disparates, si grossiers, qu'elle en pleura de chagrin. Alors, elle essaya de poser sur sa tête une petite auréole de carton doré, pour remplacer les cheveux de chanvre qui ne lui seyaient pas. Mais tout cet artifice gâchait l'œuvre charmante. II eût fallu un véritable ravon de soleil, un or lumineux pour encadrer la beauté du front qui semblait véritablement resplendir de vie et de pensée. Pendant trois jours, Martha chercha comment elle pourrait donner à la douce image ce dernier, cet indispensable achèvement. le troisième jour, comme l'ombre commeuüait à tomber derrière le vitrail, Martha s 'en fut vers un bahut étroii qui lui servait d'armoire. · Activement, sa main souleva les chiffons de soie el de lin qui lui servaient pour Yêtir ses personnages, et retira une boîte allongée qui semblait close depuis longtemps. Ell~ l'<;»uvrit de ses mains tremblantes, et, soudam, tl sembla qu'un rayon d'aube fût entré dans la pièce. Une belle boucle d 'or soyeuse et légère reposait sur la feuille d'ouate qui tapissait le coffret. Cette pauvre petite chose, si claire et si joyeuse, qui évoquait tout un passé de jeunesse et d'affection, fit sangloter la modeleuse. Elle baisa doucement la boucle de cheveux qui avait appartenu à son fils mort si tôt, et qui lui rappelait tant de choses graves et bonnes. Et ses années d'isolement et de malheur, le rappel de tous ses autres chagrins, de toutes ses autres tendresses défuntes, lui fut si poiguant, qu'elle se mit à sangloter tout haut tandis que les carillons de Bruges sonnaient éperdument neuf heures. le lendemain, Martha fixa sur la tête du petit jésus de cire la belle boucle de cheveux adroitement arrangée. Avec des gestes tendres et pieux, elle lit ·ce sacrifice à l'Enfant divin, el son âme sur laquelle pesait un demi-siècle de tristesse en fut soudain toute allégée. Lorsque Martha porta son œuvre à la paroisse qui la lui avait commandée, tous ceux qui la croisèrent dans la rue s'étonnèrent de la voir pour la première fois vêtue avec une certaine recherche. Il semblait que c'était un jour de fête pour elle, et lorsque, à l'heure de minuit, l'image de cire apparut rayonnante en-

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Ire les cierges, plus d'un assistant remarqua 'l'expression de bonheur répandue sur la face de l'ouvrière. Pendant tout le service religieux elle se tînt au premier rang, les yeux fixé~ sur In crèche, mêlée à l'adoration muette des autres personnages, bergers et rois mages. Cette trinité sacrée de la chrétienne, de la mère et de l'artiste était résumée en elle. El rien n'était plus touchant que de voir ce triple rayon plein de grâce rayonner sur son front. A_ttentive, elle regarda le défilé de ceux qui venaient apporter leur humble aumône à la sainte effigie. C'étaient de riches et de pauvres choses. Une petite fille misérablement vêtue d~posa naïvement au pied du petit roi sa poupee; une autre, un bâton de sucre d'orge. Deg pièces de monnaie. pleuvaient dans les troncs, des fleurs rares s'effeuillaient devant la Saint~ F~mil.le, des cie~ges ornés d'ingénieux mohfs J'etaient leurs flammes ferventes devant l'autel. Et ceux qui n'avaient rien à donner chantaient et priaient. Alors, Martha la modeleuse sentit affluer dans son âme une divine joie. II lui sembla que son sacrifice était infiniment plus doux à Jésus que tout l'encens, la myrrhe el l'or des rois mages, et que sa douleur avait été deux fois bénie, puisqu'elle en avait fait une œuvre d'art et une offrande. S. M.

-----------Mau1•icette 1

J'avais treize ans quand je devins l'ami de Mauricette. J'habitais chez ma grand'mère, dans une modeste maison voisine du village, à laquelle les gens du pays ne marchandaient pas le nom de château. Tous les jours j'allais au presbytère de Sainte-Radegonde prendre une leçon de latin de l'abbé Péchaubès. l'abbé était un doux professeur; Catissou, sa gouvernante, était pour moi pleine de faiblesses. Quant au presbytère, c'était un séjour agréable, frais l'été. chaud l'hiver, comme une cave. .Aux approches des grandes fêtes, vers la Samt-Jean, vers Pâques, vers Noël, Mauricelte y apparaissait. C'était la nièce de l'abbé la fille. de l'autre Péchaubès, celui d'Agen, qui tenatt sous les Cornières un gros commerce de con.serves. Elle avait quelques mois et quelques lignes de plus que moi, le visage doré comme une bohémienne, les lèvres brunes,

des yeux dont le blanc était un peu bleu. Elle roulait ses cheveux noirs dans un foulard noué à bout retombant, une mode qu'ont délaissée, depuis, la plupart de mes jolies compatriotes. . Ah! les jours inoubliables que ces vetlles de fêtes religieuses, oi:t j'avais congé, Ott Ma.uricette et moi affairés et riants, nous travaillions à orne; l'autel, à faire belle la claire église aux piliers trapus! Les mains agi.les de MauriceHe s'agitaient à côté de mes mams de garçonnet, moins lestes. Quand je commettais quelque maladresse, quand je laissais choir une guirlande ou s'éteindre un cierge, la mtcrnonne Agenaise ne se gênait pas pour me ..donner une ch iquenaude ou une gifle. j'étajs parfaitement heureux. Plus tard, j'ai lu ce mot dans Henri Heine: « Madame, pour se faire aimer de moi , il faut me traiter comme un chien. • II

... Or, une certaine vigile de Noël, l'abbé, Catissou, Mauricette et moi, nous attendions ensemble l'heure des messes nocturnes dans la salle à manger du presbytère. Vers dix heures, on vint mander l'abbé auprès d'un malade du hameau. Il revêtit à l'instant sa houppelande, prit son chapeau et son bâton et sortit en me recommandant d'être prêt pour la messe de minuit. Catissou le précédait, tenant une lanterne. Je demeurai seul avec Mauricette. C'était, je crois, la première fois que pareille chose nous arrivait, à pareille heure. j'avoue que la soiitude dans le presbytère vide, près de l'église encore obscure, ne me plaisait qu'à demi. Je fis part de ces impressions à mon amie, qui se moqua de moi et continua de me détailler, en la pure lan!!ue du poète Jasmin, les cadeaux qu'elle avait déjà reçus pour ses étrennes, ce que lui avait donné son parrain Daldou, sa tante Combes et Mme de Ramagnas, dont la fille suivait avec elle le catéchisme de persévérance. Chaque fois que j'étais distrait par quelque craquement de boiserie, par quelque mystérieux écho parti de l'église, Mauricette me pinçait le bras pour rappeler mon attention. A la fin, le sujet des étrennes iut épuisé. Alors, Mlle Péchaubès, qui n'était jamais à court d'idées, se leva sur la pointe des pieds, alla ouvrir le buffet et en tira une boîte en bois blanc qu'elle posa sur la table. C'était le cadeau de Noël du Péchaubès d'Agen au curé Péchaubès: un demi-cent de prunes four-

rées, de ces prunes de choix qu'on fend par moitié et qu'on referme sur un noyau de crême. Elles étaient là, côte à côte dans le col· fret ouvert, disposées par couches sur des lits de papier à dentelles. Ah! mes amis! qui n'a pas vu ces pruneslà n'a rien vu. Grasses, charnues, crevant de suc... et luisantes! et parfumees! Ma uricette avait bien raison de me montrer avec orgueil ce spécimen de l'art paternel. Il eût même élt! souhaitable de comparer leur goût à leur aspt>ct. Mais, hélas! le moindre larcin eQt été manifeste: les prunes s'agençaient les unes contre les autres comme les pierres d'une mo· saïque. Mauricette me dit, après un silence: - Si je t'en faisais l!Oûter, pas moins, que dirais-tu? Je ne fis aucune difficulté d'avouer que l'épreuve me serait plutôt agréable. la fillette esquissa ce signe du doigt et de la bouche qui veut dire dans tous les dialectes: - Attends!. .. ne bouge pas!... •Elle souleva hors de la boîte la première couche, puis la seconde, chacune sur son lit de papier, prit une prune dans la troisième, remit soigneusement en place les deux couches enlevées, ferma le couvercle et réintégra la boîte dans le buffet.

III Cette opération fut exécutée avec une ai· sance qui me plongea dans l'admiration. Mauricette revint auprès de moi , tenant la prune volée. D'un coup de dent, elle s'en adjugea la moitié, puis elle me tendit l'autre moitié au bout de ses doigts menus, s'amusant à la retirer quand j'approchais ma bouche, comme on fait aux petits chiens avec un morceau de sucre. Mes lèvres attrapaient au vol tantôt les doi2'fs bruns, tantôt les ongles, tantôt le poignet de ma mignonne amie, et... comment dire cela? ... j'y pris tout de su ite plus de plasir qu'à goûter l'autre fruit. Pourtant, à la fin, ce jeu m'énerva. Je saisis le bras de Mauricette, je happai la prune ; mais celle-ci mangée. je gardai la petite main prisonnière et mes lèvres dessus. Mauricette était plus forte que moi: pourtant elle ne re· tira pas sa main. Elle détourna seulement so11 visage, devenu rose. Oh! le moment exqui ~ oit, de l'innocence des jeux, naît la caressel Ceux qui ont connu cette émotion-là, saven je crois, plus délicatement aimer. Je murmurai, tout alangui : - • 0 Mauricetto, t'aïmi bien, moun côl


406

407 Soudain, elle me repoussa et se cacha la ligure avec son bras. En relevant les y~ux, j'aperçus l'abbé Péchaubès, que nous n'av10ns pas entendu rentrer. Il était très rouge, et la scène dont il venait d'être témoin l'avait sans doute fort ému, car son bréviaire pendait au bout du petit vêtement de drap oü il l'enfer· mait d'ordinaire, et les images pieuses, glissées hors des paies, couraient en rond sur le plancher, comme des enfants de chœnr échappés d'une sacristie. - Ramasse cela! lit-il. Je ramassai, tout penaud, les Sacrés-Cœurs, les Saintes Vierges, les Saints Joseph en rup· ture de bréviaire. L'abbé ne me gronda pas. Il se contenta de me dire: - Va vite passer ta soutane et lon rochet; il est l'heure de la messe. ... Depuis cette nuit mémorable, on ne me laissa plus jouer avec Mauricette. Aux époques de fête, j'apercevais encore, dans la sa· cristie, son joli profil de bohémienne, sa tail· le souple, son foulard noué. Mais plus jamais, hélas! elle ne me donna de gilles ni de chiquen:~udes, plus jamais mes lèvres ne tou· chèrent ses mains brunes!

IV

Tout cela est loin, bien loin. Aujourd'hui je ne vais en Gascogne que comme un pas· sant, quand, Jas de Paris, je sens le beso_i_n de heurter du pied la terre sacrée. La dermere lois, au retour d'un pèlerinage iJ l'ancien_ne demeure patrimoniale, au presbytère de Sam· te-Radegonde; frais et riant comme jadis et dont l'abbé Péchaubès est toujours l'hôte, quelqu'un, dans les rues d'Agen, m'a montré ma petite amie d'autrefois. devenue lemme. Mais Mauricette a épousé un notaire, Mau· ricette porte un chapeau... et ce n'est plus Mauricette. Marcel PREVOST.

Lee Sabote du Petit Wolff Il était une lois, - il y a si Jongtem~s que tout le monde a oublié la date, - dans une ville du nord de l'Europe, dont le nom est si difficile à prononcer que personne ne s'en souvient, - il était une fois un petit garçon de sept ans, nonuné Wolff, orphelin de père et de mère, et resté à la ch_a~ge 1'un~ vieille tante, personne dure et avanc1euse, qu1 n'embrassait son neveu qu'au jour de l'An et qui poussait un grand soupir de regret chaque lois qu'eUe lui servait une écuelle de soupe.

Mais le pauvre petit était d'un si bon naturel qu'il aimait tout de même la vieille iem· me, bien qu'elle lui fît grand peur et qu'il ne pût regarder sans trembler la grosse verrue, omée de quatre poils gris, qu'elle avait au bout du nez. Comme la tante de Wo!H était connue de toute la ville pour avoir pignon sur rue et de l'or plein un vieux bas de laine, elle n'avai t pas osé envoyer son neveu à l'école des pauvres: mais elle avait tellement chicané, pour obtenir un rabais, avec le magister chez qui le petit Wolff allait en classe, que ce mauvais pédant, vexé d'avoir un élève si mal vêtu et payant si mal, lui infligeait très souvent, et sans justice aucune, l'écriteau dans le dos et le bonnet d'âne, et excitait même contre lui ses camarades, tous fils de bourgeois cossus, qui faisaient de l'orphelin leur souffre-douleur. Le pauvre mii'non était donc malheureux comme les pierres du chemin et se cachait dans tous les coins pour pleurer, quand arrivèrent les fêtes de Noël. La veille du grand jour, le maître d'école devait conduire tous ses élèves à la messe de minuit et les ramener chez leurs parents. Or, comme l'hiver était très rigoureux, cette année-là, comme, depuis plusieurs jours, il était tombé une grande quantité de neige, les écoliers vinrent tous au rendez-vous chaudement empaquetés et emmitoufflés, avec bonnets de fourrures enfoncés sur les oreilles, doubles et triples vestes, gants et mitaines de tricot et bonnes grosses bottines à clous et à fortes semelles. Seul le petit Wolff se pré· senta grelottant sous ses habits de tous les jours et des dimanches, et n'ayant aux pieds que des chaussons de Strasbourg dans de lourds sabots. Ses méchants camarades, devant sa triste mine et sa dégaine de paysan, firent sur son compte mille risées; mais l'orphelin était tel· lement occupé à souiller sur ses doi2'fs et souffrait tant de ses enirelures, qu'il n'y prit pas garde. Et la bande de gamins, marchant deux par deux, magister en tête, se mit en route pour la paroisse. Il faisait bon dans l'église, qui était toute resplendissante de cierges allumés; et les écoliers, excités par la douce chaleur, profitèrent du tapage de l'orgue et des chants pour bavarder à demi-voix. Ils vantaient les réveillons qui les attendaient dans leurs familles. le fils du bourgmestre avait vu, avant de par· tir, une oie monstrueuse, que les truffes tachetaient de points noirs comme un léopard.

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Chez le premier échevin , il y avait un petit sapin dans une caisse, aux branch_es duquel pendaient des oranges, des sucrenes et ~es polichinelles. Et la cuisinière du tabelh?n avait attaché derrière son dos, avec une épm· gle, les deux brides de so~ bonne,~, ce. qu:elle ne faisait que dans ses JOUrs d msp1rahon, quand elle était sûre de réussir son fameux plat sucré. Et puis, les écoliers parlaient aussi de ce que leur apporterait le petit Noël, de ce qu'il déposerait dans leurs souliers, que tous auraient soin, bien entendu, de laisser dans la cheminée avant d'aller se mettre au lit; et dans les yeux de ces galopins, éveillés comme une poignée de souris, étincelait, par avance, la joie d'apercevoir, à leur réveil, le papier rose des sacs de pralines, les soldats de plomb rangés en bataillon dans leur boîte, les mEnageries sentant le bois verni et les magniii· ques pantins habillés de pourpre et de clinquant. Le petit Wolil, lui, savait bien, par expérience, que sa vieille avare de _tante ..J'enver· rait se coucher sans souper; ma1s, na1vement, et certain d'avoir été, toute l'année, aussi sage et aussi laborieux que possible, il espérait que le petit Noël ne l'oublierait pas, et il comptait bien, tout à l'heure, placer sa paire de sabots dans les cendres du loyer. La messe de minuit terminée, les fidèles s'en allèrent, impatients du réveillon, et la bande des écoliers, toujours deux par deux et sui· vaut le pédagogue, sortit de l'église. Or, sous le porche, assis sur un banc de pierre surmonté d'une niche ogivale, un enfant était endormi, un enfant couvert d'une robe de laine blanche et pied~ nus, malgré la froidure. Ce n'était point un mendiant, car sa robe était propre et neuve, et, près de lui, sur le sol, on voyait, liés dans une serge, une équerre, une hache, une bisaiguë et les autres outils de l'apprenti charpentier. Eclairé par la lueur des étoiles, son visage, aux yeux clos, avait une expression de douceur divine, et ses longs cheveux bouclés, d'un blond roux, semblaient allumer une auréole autour de son Iront. Mais ses pieds d'enfant, bleuis par le froid de cette nuit cruelle de décembre, faisaient mal à voir. Les écoliers, si bien vêtus et chaussés pour l'hiver, passèrent indifférents devant l'enfant inconnu; quelques-uns même, fils des plus gros notables de la ville, jetèrent sur ce vagabond un regard où se disait tout le mépris des riches pour les pauvres, des gras pour les maigres.

Mais le petit WoiH, sortant de l'église le demier, s'arrêta tout ému devant le bel enfant qui dormait. - Hélas! dit l'orphelin, c'est affreux! ·~e pauvre petit va sans chaussures par un temps si rude... Mais, ce qui est encore pis, il n'a même pas. ce soir, un soulier ou un sabot à laisser devant lui, pendant son sommeil, alin que le petit Noël y dépose de quoi soulager sa misère. Et, emporté par son bon cœur, Wolil retira le sabot de son pied droit, le posa devant l'enfant endormi, et, comme il put, tantôt à cloche-pied, tantôt boitillant et mouillant son chausson dans la neige, il retourna chez sa tante. - Voyez le vaurien! s'écria la vieille pleine de lureur au retour du déchaussé. Qu'as-tu lait de ton sabot, petit misérable? Le petit Wolff ne savait pas mentir, el. bitn qu'il grelottait de terreur en voyant se hérisser les poils gris sur le nez de la mégère, il essaya, tout en balbutiant, de conter son aventure. Mais la vieille avare partit d'un effrayant éclat de rire. - Ah! monsieur se déchausse pour les mendiants! Ah! mou sieur dépareille sa paire de sabots pour un va-nu-pieds!... Voilà du nouveau, par exemple!. .. Eh bien, puisqu'il en est ainsi, je vais laisser dans la cheminée le sabot qui te reste, et le petit Noël y mettra cette nuit, je t'en réponds, de quoi te fouetter à ton réveil... Et tu passeras la journée de demain à l'eau et au pain sec... Et nous ver· rons bien si la prochaine lois, tu donneras encore tes chaussures au premier vagabond venu! Et la méchante femme, apr~s ;~.voir donné au pauvre petit une paire de soufflets, le li' grimper dans la soupente où ~e trouvait son galetas. Désespéré, l'enfant se coucha dans l'obscurité et s'endormit bientôt sur son oreil. !er trempé de larmes. Mais le lendemain matin, quaud la vieille réveillé par le froid et secouée par son c~ tarrhe, descendit dans sa .salle basse, - i merveille! - elle vit la grande cheminée pleinJ de jouets étincelants, de sacs de bonbon_, ~ gniliques, de richesses de toutes sortes; t.l devant ce trésor, le sabot dro1t, que son ne veu avait donné au petit vagabond, se tro~ vait à côté du sabot gauche, ;ou'elle avait mi là, cette nuit même, et où elle se disposait planter une poignée de verges. Et, comme le petit Wolff, accouru aux cri de sa tante, s'extasiait ingénument devant il


408 5pleuuides présents de Noël , voilà que de 1 niques alsac ieunes; on en trouva les premières traces en 1737 et 1750 à Zittau et à Nasgrands rires éclatèrent au dehors. La lemme ct l'enfant sortirent pour savoir ce que ceia ~>au. Mais Gœthe, dans • Werther • . déCI il l'arbre de Noël tel que nous le voyons • orné signifiait et virent toutes les commères réude lumières, de pommes et de jouets en sucre nies autour de la fontaine publique. Que se qui excitent une joie paradisiaque». passait-il donc? Oh! une chose bien plaisante Toujours d'après les ,Münchn~", cet ar· et bien extraordinaire! Les eniants d~ tous bre, essentiellement chrétien , serail d'origine les richards de la ville, ceux <!UC leurs pabouddhique. Un auteur italien, qu i voyagea rents voulaient surprendre par ks plus beaux dans l'Inde en 1503, raconte q ue près de Calcadeaux, n'avaient trouvé que des verges dans cutta. dans un lieu de pèlerinage, le peuple leurs souliers. ~e réunit le 25 décembre autour d'un arbre Alors , l'orphelin et la vieille lem111c, son· tout illuminé de flambeau x et de lampes. Ce geant à toutes les richesses qui élairnt dans 60nt les missionnaires qui auraient importé leur cheminée, sc sentirent pleins ù'épouvan· cet usage en Europe. Sa popularité ne dale à te. Mais tout à coup, on vit uriv~r M . Je Berlin que de 1780, à Hambourg de 1796, à curé, la ligure bouleversée. Au-dess11S du Dresde de 1807, à Vienne de 1817, à Londres banc placé près de la porte de l'église, à l'en· ct à Paris de 1840., droit même où, la veille, un enfant, vêtu G.'une robe blanche et pieds nus, malgré le grand ~~ froid, avait posé sa tête ensoleillée, le prêtre Le salut avant tout! Chrétiens, sur sum cord A, venait de voir un cercle d'or, incrusté dans Vers la terre et ses biens incessamment cour B, les vieilles pierres. Pour un bonheur qui passe allons-nous Et tous se signèrent dévotement, comprerenon C, nant que ce bel enfant endormi, qui avait auAu Ciel que nous devons à jamais possé D? près de lui des outils de charpentier, était C'est le Ciel - ou l'enfer - pour une Jésus de Nazareth en personne, redevenu, E. éternit pour une heure, tel qu'il était quand il Ira· Après ce temps d'épreuve - un temps vaillait dans la maison de ses parents, et ils f, toujours fort br s'inclinèrent devant ce miracle que le bon -- Songeons donc qu 'à la mort chacun Dieu avait voulu faire pour récompenser la G sera ju confiance et la charité d'un enfant. Que pour entrer au Ciel il fa ut être sans t H, françois COPPEE. Que le temps du pardon sera alors fin l, Quand, sur notre tombeau, sera gravé si- J. Marie, auprès de Dieu tout-puissant avo K, Obtiens-nous Je repentir à tous les crimin L, Si populaire que soit l'arbre de Noël, la Obtiens-nous d'être en grâce à notre heu· 1radition n'en est pas très ancienne. Quand M re supr N Et fais au Purgatoire agréger notre p !Ocheffel, dans son • Ekkehard ·• qui se passe au dixième siècle, en allume un au haut du Pour que bientôt ton fils nous joigne o. Hohentwil, quand les peintres allemands réuaux Saints lànissent autour d'un autre toute la famille de De ses dernières fins qui vit préoccu Ne sera pas damné. Soyons-en couvain Luther, ils commettent un anachonisme. Ils y songeaient trop peu ceux qui sont S'il faut en croire les ,Münchener Nachen en[ Rl richten", les premiers arbres de Noël qu'on En bon Père indulgent pour l'humaine faibl S, lit vus en Europe parurent en Alsace, à Dieu, qui promet son Ciel aux bonnes ~trasbourg, en 1604, peut-être à Schlettstadt, T, volont vers 1546. La mode s'en répandit lentement N'exige pas de tous de sublimes vert en Allemagne, et au plus tôt vers la fin du V· Le héros n'est pas seul à pouvoir se sau dix-septième siècle. Mais, dans le siècle sui' Ni le savant non plus; loin d'être des vant, elle y était si générale qu'en 1775, lorsx, phén que Gœthe arriva à Weimar, le duc fut obligé De grands saints n'ont jamais su ni de sévir contre l'abus; sous prétexte de lêter Y. latin n' la naissance du Christ, on déboisait ses forêts. Songeons donc au salut: prions que La coutume d'allumer des bougies dans z. Dieu nous les arbres de Noël est encore plus récente. Il P. GUILLAUD. n'en est pas question dans les vieilles chro·

All'Jh&be\

Salw'

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___......_...,.~---- --

Le hemier Arbre d!e loil

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