L’Abbaye Royale de l’Épau

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HUIT SIÈCLES D’HISTOIRE

L’ABBAYE DE L’ÉPAU ET L’ORDRE CISTERCIEN

LA REINE BÉRENGÈRE ET LA FONDATION DE L’ÉPAU 63 LE MONUMENT FUNÉRAIRE DE LA REINE BÉRENGÈRE

L’ABBAYE DE L’ÉPAU,

UNE ŒUVRE

MÉDIÉVALE : ARCHITECTURE ET DÉCOR

105

PARC ET JARDIN

DE L’ABBAYE : UN ESPACE OÙ DIALOGUENT CULTURE ET PATRIMOINE 119 ANNEXES — BIOGRAPHIES — GLOSSAIRE — CARTE — ARBRE GÉNÉALOGIQUE — CHRONOLOGIE

L’ HISTOIRE RENOUVELÉE DE L’ABBAYE DE L’ÉPAU

Ces dernières années, des études portant sur l’histoire des textes et des formes architecturales, l’analyse des décors peints et sculptés, l’archéologie et l’expertise des charpentes, ont permis de réactualiser les connaissances sur l’abbaye.

UNE FONDATION CISTERCIENNE ET ROYALE

Si la date de 1230 comme année de naissance de l’abbaye de l’Épau ne peut être remise en cause, il est désormais acquis qu’elle correspond à la finalisation juridique d’un processus entamé par la reine Bérengère bien des années plus tôt. Ce projet est soutenu par le jeune roi de France Louis IX, lui-même fondateur de l’abbaye de Royaumont, et sa mère, Blanche de Castille, petite-cousine de Bérengère et fondatrice des abbayes cisterciennes féminines de Maubuisson et du Lys. Le choix de Bérengère de créer un monastère masculin a de quoi surprendre, d’autant qu’en ce premier tiers du xiiie siècle les fondations royales d’abbayes cisterciennes concernent très majoritairement des moniales. On aurait pu s’attendre à ce que Bérengère, en tant que femme, favorise elle aussi un monastère féminin.

Dans les faits, les bâtiments, et notamment l’église et les ailes conventuelles est et sud, étaient déjà en capacité d’accueillir une communauté en février 1230, avant que l’évêque du Mans, Geoffroy de Laval, ne consacre l’abbatiale entre 1231 et 12341 .

Toutefois, il semble qu’en cette fin du premier tiers du xiiie siècle l’ensemble des bâtiments liés à l’abbaye – sans que l’on ne puisse préciser lesquels – ne put être achevé. Les mentions de dons de pierre évoqués par les sources en 1244 et 1252 confirment que le chantier fut lent2 .

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Vue de l’intérieur de la salle capitulaire sur le cloître.
Vue aérienne de l’Abbaye Royale de l’Épau et de son environnement.

L’ ABBAYE DE L’ÉPAU ET L’ORDRE CISTERCIEN

La fondation de Cîteaux en 1098 et la constitution de l’ordre cistercien au début du xiie siècle s’inscrivaient dans un vaste mouvement de renouvellement des pratiques et des discours monastiques, dont l’Épau fut un produit tardif.

LE MONACHISME AVANT CÎTEAUX (IVE-XIE SIÈCLE)

Le phénomène monastique est une évolution de l’érémitisme qui se pratiquait au iiie siècle dans les déserts de l’Orient chrétien. Certains ermites voulurent aller plus loin sur le chemin de la perfection spirituelle chrétienne en vivant en communauté afin de bénéficier de l’émulation, de l’aide et des corrections aux comportements quotidiens suggérées à chaque membre du groupe par les autres. Le premier monastère, Tabennèse, fut fondé en Égypte par saint Pacôme vers 321. Le monachisme se répandit ensuite dans l’empire romain et atteignit l’Occident à la fin du ive siècle, avec des fondations comme celle de Marmoutier près de Tours. Aux ve et vie siècles, différents abbés mirent au point des règles de vie pour leurs moines, tel Benoît de Nursie vers 540. La règle de saint Benoît connut un grand succès au point d’être imposée à tous les monastères de l’empire carolingien par Louis le Pieux en 817. Elle servit ensuite de socle à la réforme monastique portée notamment à partir de 910 par le monastère de Cluny, qui entendait revenir à une application plus stricte de la règle de saint Benoît et constitua une grande famille d’établissements à l’échelle de l’Occident.

LES

CISTERCIENS, UN ORDRE NOUVEAU (1098-1200)

Au milieu du xie siècle, une partie du monde monastique aspirait à rénover un modèle bénédictin qui s’essoufflait de nouveau. Furent alors fondées de nouvelles traditions monastiques qui réaffirmaient les valeurs originelles de l’érémitisme et de l’ascétisme, et rejetaient l’habit bénédictin noir pour privilégier la couleur blanche. Certains, comme les Chartreux, écartèrent même la règle de saint Benoît. La fondation dans le duché de Bourgogne de l’abbaye de Cîteaux en 1098 relevait d’une logique réformatrice modérée, une aspiration à appliquer plus strictement la règle bénédictine et l’esprit des Pères du désert. Il fallait donc limiter les contacts entre les moines et la société, et interdire à l’abbaye de se comporter comme un seigneur féodal. Cîteaux attira beaucoup de candidats à la vie monastique et suscita de nombreuses donations de bienfaiteurs laïcs, au point de pouvoir essaimer et fonder de nouvelles abbayes dans les années 1110. Au cours du xiie siècle, les fondations se multiplièrent dans tout l’Occident.

Les Cisterciens se singularisèrent par l’organisation de ce vaste ensemble. Leurs abbayes étaient des institutions indépendantes mais faisaient partie d’une fédération qui acquit progressivement une personnalité juridique et fut ainsi le premier ordre monastique*.

L’ordre cistercien disposait d’un organe de gouvernement, le chapitre général de Cîteaux, réunion annuelle de tous les abbés, dont les décisions avaient force de loi. Il disposait d’une constitution régulant son fonctionnement, la Charte de charité, dont plusieurs versions furent rédigées entre 1115 et 1151. L’assemblée était structurée par des hiérarchies établies entre les abbayes mères*, celles qui avaient essaimé, et leurs abbayes filles*, qui se trouvaient sous l’autorité des précédentes.

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Vierge protectrice des cisterciens. Huile sur bois de Jean Bellegambe, vers 1507-1508. Musée de la Chartreuse de Douai, inv. 408.9.

Page précédente Bernard de Clairvaux écrivant ses œuvres. Dessin à l’encre de la seconde moitié du xiiie siècle. Oxford, Bodleian Library, MS. Laud Misc. 385, fol. 41v.

Moines cisterciens faisant les moissons. Huile sur bois de Jörg Breu, vers 1500, autel de saint Bernard, abbatiale de Zwettl (Autriche).

LA REINE BÉRENGÈRE ET LA FONDATION DE L’ÉPAU

Reine d’Angleterre, Bérengère de Navarre fut tenue à l’écart du pouvoir7. La mort prématurée de son époux, Richard Cœur de Lion, l’amena à jouer un rôle politique au Mans.

UNE INFANTE* DE NAVARRE (V. 1160-1190)

La fille aînée du roi de Navarre, Sanche VI, fut baptisée Bérengère car elle naquit peu après la paix conclue en 1158 avec le roi d’Aragon, Raymond-Bérenger IV. Mais très vite, la Navarre dut faire à nouveau face à l’hostilité de ses deux voisins ibériques, l’Aragon et la Castille, et à la neutralité du troisième, l’Aquitaine. Faute de perspectives d’alliances, Sanche VI retarda le mariage de l’infante Bérengère. En 1185, à près de 25 ans, elle vivait au sein de sa propre cour autonome en Navarre. À partir de 1188, l’Aquitaine eut besoin de la Navarre pour lutter contre les comtes de Toulouse, et son duc, Richard, héritier de l’Angleterre, demanda la main de Bérengère. Les négociations aboutirent seulement à la fin de l’année 1190, alors que Richard Cœur de Lion, désormais roi, se trouvait en Sicile, sur le point de partir en croisade. Il chargea donc sa mère, Aliénor d’Aquitaine, de régler les derniers détails en Navarre et de lui amener sa promise.

LA REINE CONSORT* D’ANGLETERRE (1191-1199)

Les circonstances rocambolesques du mariage de Bérengère et de Richard, au printemps 1191 à Chypre, sont liées au déroulé mouvementé de la troisième croisade. Les raisons pour lesquelles Richard choisit de faire venir Bérengère auprès de lui alors qu’il hivernait en Sicile restent en partie obscures ; mais Bérengère l’accompagna ensuite pendant toute la croisade, depuis la Sicile jusqu’en Terre sainte et au siège d’Acre. C’est lors de ce voyage, à l’occasion d’un détour imprévu par Chypre, qui permit à Richard de s’emparer de l’île, qu’est célébré finalement leur mariage. Le retour en 1192 s’est effectué séparément, ce qui a évité à Bérengère les affres de la capture et de la captivité que subit Richard. La libération du roi au printemps 1194 lui permit de reprendre en main l’immense ensemble formé par les terres des Plantagenêts ; mais pendant ces opérations et jusqu’à sa mort en 1199, les deux époux ne se rencontrèrent que de loin en loin, et Bérengère est restée en marge du pouvoir, séjournant sans doute dans les châteaux angevins et manceaux de la famille. C’est d’ailleurs là qu’elle apprit la mort de Richard.

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Vue du gisant de Bérengère de Navarre face à la grande verrière du chevet de l’église abbatiale.

Richard fait ses adieux à Bérengère devant Acre avant qu’elle ne rentre en Occident. Enluminure d’un manuscrit daté de 1137, Li rommans de Godefroy de Buillon et de Salehadin… Paris, BNF, ms. fr. 22495, fol. 245v°.

UNE REINE DOUAIRIÈRE

(1199-1204)

Sans enfants, Bérengère ne pouvait espérer jouer aucun rôle dans la transmission de la couronne à son beau-frère, Jean sans Terre, qui, mobilisé par la guerre avec la France, se désintéressa du sort de la jeune veuve. Sans revenus et sans protection, Bérengère s’est alors rapprochée de sa sœur, Blanche, veuve du comte Thibaut de Champagne. Devant l’absence de soutien de la cour d’Angleterre, Bérengère choisit, comme sa sœur, de négocier un accord avec le roi de France, Philippe Auguste. Bérengère abandonna au roi ses droits sur les châteaux qu’elle détenait en Normandie et dans le Grand Anjou. En échange, elle obtint la concession viagère des droits royaux sur la ville du Mans et sa proche région. Elle exerçait ces prérogatives au nom du roi capétien et devint sa vassale, obtenant ainsi un rang, un statut et une protection. Elle s’installa alors dans la ville du Mans.

Le Colporteur ou L’Inquiétude de Bérengère pour la sécurité de son époux, Richard Cœur de Lion, éveillée par la vue de sa ceinture proposée à la vente à Rome, Charles Allston Collins, 1850. Manchester City Art Gallery.

LE MONUMENT FUNÉRAIRE DE LA REINE BÉRENGÈRE

Rares sont les tombeaux ayant traversé les siècles sans subir de dégradations. Fait exceptionnel, celui de la reine Bérengère, s’il a connu bien des vicissitudes, nous est parvenu presque complet.

Un tombeau* à effigie presque complet Le tombeau de la reine Bérengère se compose d’une cuve ou coffre aux parois ouvragées de polylobes évidés, sur un fond sculpté de roses et de rinceaux* délicats, et d’une table sur laquelle est figuré le gisant* ou effigie de la défunte.

Présentée couchée, Bérengère est étendue sur un lit de parade. Des détails vestimentaires attestent son rang de reine. Elle est vêtue d’une robe longue, dont le col est fermé par une broche sertie de pierreries, et d’un manteaucape, retenu par un cordon. Sa robe est serrée à la taille par une ceinture à motifs. La façon dont les plis sont matérialisés traduit l’emploi d’une étoffe fine, donc précieuse. L’ensemble était peint et doré, ajoutant à l’œuvre une magnificence supplémentaire.

La tête du gisant de Bérengère, sertie d’une imposante couronne, est posée sur un coussin, tandis que ses pieds sont en contact avec deux animaux, un lion protégeant ou attaquant un chien, dont la symbolique est encore discutée. Pour certains, ces animaux aux pieds des gisants expriment le courage (lion) et la fidélité (chien), mais pour d’autres, ils matérialisent les passions vaincues par l’âme vertueuse du défunt. Car la dame est dotée de bien des qualités. À sa ceinture pend une aumônière*, symbole de sa générosité, tandis qu’elle tient un livre entre ses mains. Contrairement au gisant de sa belle-mère, Aliénor d’Aquitaine, qui est présentée lisant, Bérengère offre le volume relié qu’elle tient avec précaution. Sur la couverture du livre, une reine miniaturisée est sculptée entre deux grands cierges. C’est l’âme de la défunte recommandée à la prière. Ainsi, le moment que le sculpteur a figé est celui du trépas, où la reine rend son dernier souffle et confie le salut de son âme aux moines de l’Épau qui devront célébrer sa mémoire pour les siècles à venir.

Une commande royale

Le tombeau de Bérengère propose une formule très différente de ceux des rois plantagenêts de Fontevraud8. Sa composition le rapproche des tombeaux de la famille royale capétienne et notamment de celui de Philippe-Dagobert, fils de Blanche de Castille et de Louis VIII, mort en 12349. Dans la présentation d’origine, la tête du gisant de l’Épau était complétée de reliefs sculptés, et la dalle était trapézoïdale. Ces marqueurs qui le rapprochaient du gisant de sa sœur, Blanche de Navarre, comtesse de Champagne, furent gommés avant la fin du Moyen Âge10 . Le mausolée* de Bérengère présente déjà les codes qui s’imposeront dans les années 1260 aux tombeaux de la nécropole de Saint-Denis : cuve en position isolée, aux parois décorées, gisant sculpté en relief, en prière, avec la tête reposant sur un coussin et les pieds sur des animaux. Le rendu du plissé de la robe de Bérengère s’inscrit dans le courant formel des années 1230, proposant des comparaisons avec les statues-colonnes des façades des cathédrales d’Amiens et Reims, et de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois à Paris. Le décor de la cuve fait écho à celui de la tombe de Gautier de Pontoise, ville relevant du douaire* de Blanche de Castille, et les roses sculptées rappellent celles de la porte et de la chaire du réfectoire de Saint-Martin-des-Champs à Paris. Ces références parisiennes s’expliquent par l’histoire familiale et la trajectoire de la reine. Lorsque Bérengère décède fin décembre 1230, elle ne résidait plus au Mans, mais à Melun, depuis déjà plusieurs semaines, voire plusieurs mois. C’est à la cour de France qu’elle passe ses derniers moments, auprès de sa petitecousine Blanche de Castille et du fils de cette dernière, le jeune roi Louis IX, très impliqué dans la fondation de l’Épau. Cette information est importante, car les études conduites en 2018 en prévision de la restauration du tombeau ont montré que la cuve et le gisant avaient été sculptés dans une pierre du bassin parisien, et non dans un calcaire du Maine. Bérengère, qui n’avait pas eu d’enfants, avait trouvé en sa parente un soutien réel sans doute parce que les deux femmes partageaient une histoire commune. Elles étaient toutes deux d’origine

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Vue du chevet de l’abbatiale avec sa grande verrière.

Les deux animaux, un lion et un chien, aux pieds du gisant.

L’ABBAYE DE L’ÉPAU, UNE ŒUVRE

MÉDIÉVALE : ARCHITECTURE ET DÉCOR

La mise en chantier de l’abbaye correspond à l’apogée du mouvement de construction monastique, ce qui explique son ampleur et des qualités esthétiques reposant sur la maîtrise des arts de la pierre.

Un monastère médiéval était obligatoirement composé de bâtiments tournant le dos au monde, adaptés à des coutumes et usages communs. Mais l’image que nous offre chacun d’eux reste unique, selon le relief, l’accès à l’eau, les moyens financiers disponibles, le rang et l’ambition des abbés, et enfin un état de ruine variable.

À l’Épau, l’absence de galeries ou promenoirs autour de l’aire du cloître est frappante, et plus encore celle d’une aile occidentale que son emplacement avait dû rendre vulnérable. Il faut ajouter au moins une infirmerie séparée, une porterie, un périmètre extérieur à fonction économique et une enceinte. Toutefois, le paysage monumental est moins incomplet que bien d’autres ; il mérite l’admiration, tant pour son aspect général que pour ses détails.

L’ÉGLISE ABBATIALE, CONCEPTION ET EMBELLISSEMENTS

Chacune des composantes d’une abbaye était considérée comme une officina ou « atelier » ; la plus orgueilleuse était l’officine pour la prière, c’est-à-dire l’église.

Son édification constituait généralement la première étape de l’entreprise, un processus respecté ici : chevet* et bras de transept ont été implantés pour abriter les autels liés à l’obligation des moines-prêtres de célébrer des messes, puis solennellement consacrés (1234 ?). Le degré d’avancement de ce chantier vers l’ouest et son élévation sont difficiles à déterminer, car architecte et tailleurs de pierre se sont interrompus, sans doute à peu près au milieu de la surface prévue, pour se porter au-delà du transept, jusqu’au réfectoire. Cette progression n’est pas rare chez les Cisterciens ; elle était liée aux besoins les plus urgents, et supposait de faire revenir des équipes pour terminer l’abbatiale.

Si on ajoute à cette histoire particulière les restaurations anciennes ou récentes, on comprend que la lecture des formes soit difficile. Toutefois, il ne faudrait pas imaginer une exécution au rabais.

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Vue de l’intérieur de la salle capitulaire sur le cloître.

Page précédente Vue des voûtes de l’église abbatiale. Plan au sol de l’abbatiale, de la sacristie et de la salle capitulaire.

Détail des peintures murales dans la sacristie.

Peinture murale représentant saint Jean-Baptiste et le baptême du Christ sur un mur du logis de l’abbé.

Ci-contre

Peinture murale du dortoir des moines.

Doubles pages suivantes

Détail des chapiteaux sculptés sur la porte des moines de l’église abbatiale.

Vue de la salle capitulaire depuis le cloître.

Bas-relief représentant un agneau mystique au-dessus de la porte des moines de l’église abbatiale.

Détail des décors peints sur la voûte de la sacristie.

PARC ET JARDIN DE L’ABBAYE : UN ESPACE

OÙ DIALOGUENT CULTURE ET PATRIMOINE

Depuis 2018, un jardin permacole a été aménagé au sein des 13 hectares de parc entourant l’abbaye de l’Épau. Désormais, le Centre Culturel de la Sarthe poursuit son développement et sa mise en valeur dans ce magnifique écrin de verdure.

Le jardin et le parc accueillent les promenades des visiteurs et de nombreuses animations au fil de l’année.

Ces dix dernières années, le jardin d’agrément a été complété par le développement d’un jardin en permaculture et d’un verger qui s’inscrivent dans la continuité de la vocation vivrière du site au Moyen Âge. Installé à l’orée de la ville, dans la vallée de l’Huisne, à proximité immédiate de la forêt, le parc de l’abbaye joue également un rôle de zone de transition qui abrite et protège une grande biodiversité. Enfin, cet espace accueille un nombre important d’événements culturels tout au long de l’année, et le parc lui-même contribue au rayonnement de l’abbaye et au projet culturel qui y est associé.

HISTOIRE ET ÉVOLUTION DU JARDIN

Établi à Yvré-l’Evêque, dans la vallée de l’Huisne, et adossé aux bois de Changé, le parc de l’abbaye de l’Épau s’articule autour des bâtiments de l’abbaye cistercienne du xiiie siècle. S’étendant sur 12,5 hectares, il est enclos dans les murs d’enceinte, avec une zone boisée en limite est.

Il y a malheureusement peu d’informations concernant l’assolement16 des terres de l’Épau à l’époque médiévale, mais il est clair que la communauté cistercienne devait cultiver de quoi se nourrir et se soigner, dans l’enceinte comme aux alentours de l’abbaye. Après la Révolution et l’abolition des communautés religieuses, l’abbaye devient une propriété privée. Les premiers documents qui représentent explicitement l’ensemble du site sont deux plans de 1793 élaborés pour le nouveau propriétaire, M. Thoré. Ces plans, l’un du domaine de l’Épau, l’autre du parc, portent des indications quant à l’usage général des parcelles.

Au xviiie siècle, un jardin à la française s’étendait à l’est des bâtiments, probablement établi lors des travaux réalisés vers 1740 par Jacques-Érasme du Hardas de Hauteville, abbé commendataire de l’Épau de 1733 à 1781. Au bout de ce jardin, quelques massifs en rectangles parallèles pourraient avoir constitué un potager. Sur le plan du parc de l’Épau, la mention « légumes » apparaît pour la parcelle numérotée 12, située le long du mur d’enceinte à l’ouest des bâtiments. Cette parcelle pourrait donc avoir servi pour la culture de plantes comestibles.

La présence d’arbres à cette époque était concentrée autour de quelques allées principales ainsi que sur le coteau boisé au sudest du site. Un dessin de Louis Boudan datant de 1695, appartenant à la collection FrançoisRoger de Gaignières et cité dans le rapport des fouilles de 2019, montre ce qui semblerait être des arbres en espalier le long du mur d’enceinte.

Le nom du site est tiré de palus signifiant « marais, » illustrant l’état des lieux au xviiie siècle. Le terrain devait être assez humide et les traces d’un système de drainage ont été trouvées lors de fouilles. Ce drainage avait vraisemblablement pour but d’améliorer la fertilité des terres et pouvait alimenter l’eau de la douve qui apparaît sur les plans. Ce n’est qu’en 1835 que le petit canal reliant la douve à l’Huisne a été creusé dans l’angle nord-ouest de la propriété. À cette époque, l’abbaye devenue une ferme a encore été remaniée, et les terres servirent de prairies et pâturages jusqu’à la revente de la propriété en 1924.

Les terres restèrent ensuite à l’abandon jusqu’au rachat par le Département de la Sarthe en 1959. Le site a depuis fait l’objet d’un important programme de restauration avec l’objectif de s’inscrire dans les traces du jardin historique en s’inspirant du plan de 1793, de développer des activités en lien avec la permaculture, innovantes et durables, et de redonner une vocation agricole au site en prenant en compte le respect de l’environnement et donc de la biodiversité.

La permaculture reproduit ce que fait la nature : les êtres vivants, animaux et végétaux, y vivent en équilibre ; le sol est nourri par les plantes qui y poussent puis y meurent ; les végétaux de grande taille protègent les plus fragiles du vent et du soleil ; les plantes sont adaptées au sol et au climat.

Page précédente Vue de l’Abbaye Royale de l’Épau depuis le jardin permacole.

Le jardin permacole.

En mémoire du père Michel Niaussat (1942-2018), prêtre, moine cistercien et écrivain français qui a œuvré pour la restauration et la valorisation de l’Abbaye Royale de l’Épau.

Remerciements

L’Abbaye Royale de l’Épau – Sarthe Culture remercie le Conseil départemental de la Sarthe, le président du Conseil départemental, Dominique Le Mèner, ainsi que la présidente de la commission vie associative, culture, sport, tourisme et patrimoine, Véronique Rivron, pour leur soutien à cet ouvrage.

Crédits photographiques

© Air2D3 : p. 2-3, p. 13, p. 16-17, p. 86-87.

© CD72 : p. 4-5, p. 23 (bas).

© Sarthe Culture : p. 23 (haut), p. 24-25, p. 30, p. 48, p. 62, p. 65, p. 67, p. 68-69, p. 70-71, p. 72-73, p. 75-77, p. 78-79, p. 82, p. 83, p. 84-85, p. 91, p. 92 (haut et bas), p. 93, p. 94-95, p. 98-99, p. 100-101, p. 102103, p. 104, p. 107, p. 108, p. 109, p. 110 (haut et bas), p. 113 (haut et bas), p. 114-115, p. 116-117.

© Région Pays de la Loire – Inventaire Général :

Bruno Rousseau, 2020 : p. 6-7, p. 14, p. 80, p. 96, p. 97.

Patrice Giraud, 1991 : p. 54-55.

Théo Ben Makhad, 2021 : p. 123 (carte).

© Créaphis/SDAVO, 2001 : p. 19 (carte).

© Jean-Yves Langlois : p. 19 (plan), p. 22.

© BnF : p. 21, p. 51.

© DLM : p. 26-27.

© Archives départementales de la Sarthe : p. 29, p. 57.

© Ville de Douai, Musée de la Chartreuse. Photographie Dominique Coulier : p. 30.

© Bodleian Libraries, University of Oxford : p. 34.

© Peter Böttcher –Institute for Material Culture – University of Salzburg  : p. 35.

© Abbaye de Bellefontaine : p. 36.

© Musée Archéologique de Dijon / François Jay : p. 37.

© BM Dijon : p. 38, p. 41, p. 42-43.

© GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly) / René-Gabriel Ojeda : p. 45.

© From the British Library archive / Bridgeman Images : p. 46.

© Musée de Condé, Chantilly / Bridgeman Images : p. 47.

© Manchester Art Gallery / Bridgeman Images : p. 58-59.

© Photo Ghislain Baury : p. 53.

© Photo Alamy : p. 61.

© Bildarchiv Foto Marburg : p. 89.

Abbaye Royale de l’Épau – Sarthe Culture

Présidente de Sarthe Culture

Dominique Aubin

Direction de Sarthe Culture

Bruno Caro

Coordination éditoriale

Virginie Evrard

Hélène Koneczny

Lucy Guerreiro

Communication

Caroline Meneyrol

Mylène Maignan

Textes

Claude Andrault-Schmitt, Ghislain

Baury, Vincent Corriol, Léa Deltreuil, Pauline Ducom, Clara Feldmanstern,

Bénédicte Fillion-Braguet, Emmanuelle

Foucher-Lefebvre, Lucy Guerreiro, Hélène Koneczny, Jean-Yves Langlois, Typhaine Perio, Marine Ruaux

Éditions 303 contact@editions303.com www.editions303.com

Direction

Aurélie Guitton

Coordination éditoriale

Emmanuelle Ripoche

Édition

Carine Sellin

Alexandra Spahn

Correction

Juliette Paquereau

Diffusion

Élise Gruselle

Conception graphique

BURO-GDS / Elamine Maecha

assisté de Clémentine Fleck

Photogravure

Pascal Jollivet

Impression

Edicolor Print

Papier

Materica kraft

Arctic volume white

Typographie

Maipo Sans Stencil

SangBleu Sunrise

Les Éditions 303 bénéficient du soutien de la Région Pays de la Loire.

Cet ouvrage est réalisé avec le soutien de l’État – Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire

Dépôt légal : septembre 2024

ISBN : 978-24-87296-05-3

© Éditions 303 et Abbaye Royale de l’Épau –

Sarthe Culture, 2024.

Tous droits réservés.

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