Bevis Martin & Charlie Youle Instantanés Frac extrait

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Frac des Pays de la Loire

Exposition du 31.01.2015 au 12.04.2015

Bevis Martin & Charlie Youle

2500 PENSテ右S PAR SECONDE


Le Cerveau (emma), 2015 Faïence, acier, plâtre / Earthenware, steel, plaster, 143 x 125 x 10 cm Vue de l’exposition Frac des Pays de la Loire, Carquefou


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Le Cerveau (NiNe), 2015 Faïence, acier, plâtre / Earthenware, steel, plaster, 200 x 220 x 9 cm Vue de l’exposition Frac des Pays de la Loire, Carquefou


Le Cerveau (YaNN), 2014 Faïence, acier, plâtre / Earthenware, steel, plaster, 110 x 100 x 12 cm Vue de l’exposition Frac des Pays de la Loire, Carquefou Collection du Frac des Pays de la Loire


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« Souvent aussi les mains comprennent plus vite que la tête. Parfois nous apprenons à “comprendre” mieux en suivant le mouvement d’une feuille, l’évolution d’une ligne, une parole dans une poésie, le cri d’un animal, ou en créant une sculpture ». Hans Arp, Les Jours effeuillés, 1966

“The hands also often understand faster than the head. Sometimes we learn how to ‘understand’ better by following the movement of a leaf, the way a line evolves, a word in a poem, an animal’s cry, or by creating a sculpture.”– Hans Arp, Les Jours effeuillés, 1966

2500 pensées par seconde et d’autres tabous levés

2500 Thoughts Per Second and Other Taboos Lifted

Un phénomène s’est produit que ni la science ni la raison ne sauraient expliquer : une interversion spectaculaire du cours des choses, une mutation de la matière géologique, un looping dans la courbe du temps. En somme, il a quelque chose de louche dans ce parement en demi-bosse sur les murs vert lichen de la salle Mario Toran. Il pourrait faire croire à une restauration des ornements d’origine oubliés derrière les plâtres lisses auxquels on reconnaît souvent les lieux dédiés aux expositions d’art. Jadis, il faisait partie du décor, commandé aux artistes les plus en vue pour, par exemple, faire d’une pièce à vivre un morceau de patrimoine transfiguré par une allégorie morale ou la mémoire d’une grande conquête. Souvent, elles portaient le nom de leur parabole, ce qui en rendait la visite plus édifiante et écartait tout risque de confusion dans l’interprétation des images peintes sur l’oculus du plafond (évitant de prendre une représentation de Bacchus pour le portrait d’un prince aux larges vertus morales). Dans l’hypothèse qu’un hôtel particulier fut construit dans la zone d’activités de la Fleuriaye, aux environs de la période baroque et dans les environs du bowling, cette chambre fantôme, sortie de l’invisible, aurait donc été baptisée 2500 pensées par seconde, en hommage au vainqueur d’une joute de brainstorming, imaginons. Mais

A phenomenon has occurred that neither science nor reason can apparently explain: a spectacular inversion of the course of things, a change of geological matter, a loop in time’s curve. All in all, there is something suspicious about this arrangement of mid-relief pieces on the lichengreen walls of the Mario Toran room. It might suggest a restoration of the original ornaments forgotten behind the smooth plaster by which we often recognise places dedicated to art exhibitions. In the old days it used to be part of the decor, commissioned from high-profile artists to, for example, turn a living room into a piece of heritage transfigured by a moral allegory or the memory of a great conquest. They often bore the name of their parable, which made the visit more edifying and eluded any risk of confusion in the interpretation of the images painted on the oculus in the ceiling (avoiding taking a representation of Bacchus for the portrait of a prince with loose morals). On the hypothesis that a private mansion was built in La Fleuriaye business park, around the Baroque period, and in the vicinity of the bowling alley, this ghost chamber, rising out of the invisible, was thus called ’2500 Thoughts Per Second’ in homage to the winner of a brainstorming duel, let us imagine. But it is still possible to rack one’s brains—appropriately enough as it

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il est encore possible de se tortiller les méninges – et ce, fort à propos – pour concevoir une autre version de l’histoire, quand le Frac des Pays de la Loire serait devenu un musée d’archéologie, dont la salle Mario Toran, dans cette ambiance tamisée, emprunte les effets de mise en scène. Les spots intensifient la présence de ces artefacts en terre et en quasi suspension dans l’espace, façonnés semble-t-il par des mains dévouées à l’on ne sait quel rituel, en vue de produire, peut-être, un flash de clairvoyance, ou de provoquer une transmission de pensée à toute une tribu. Alors ces armoiries primitives figureraient-elles un territoire physique, au croisement de chemins sinueux, tel un proto-échangeur routier, un lieu stratégique en tout cas ? Ou serait-ce là autant de représentations d’une puissance supérieure, une entité gouvernante protéiforme, ou encore une panoplie de pièges à l’intention de ce grand décideur occulte, où l’on reconnaîtrait vaguement le prototype antédiluvien du dream-catcher et de la lampe à huile ? Ce phénomène est le passage d’une dimension à l’autre, arrêtée à mi-chemin. Et tout se passe comme si la mutation incomplète du dessin en sculpture faisait à elle seule émerger un doute profond, dans son épaisseur indéterminée. De la matière blanche émane l’intuition d’écarter l’hypothèse la plus évidente aux vues du contexte qui invite à apprécier ces formes aimables pour ce à quoi elles ressemblent : des abstractions aux courbes biomorphiques, transmises sans médiation de l’imaginaire à la main (plus ou moins adroite), comme un hommage en acte à la force créatrice de la nature dont la sculpture traduirait instinctivement la dynamique des fluides ou les principes de croissance. Pourtant quelque chose résiste dans ces images en relief, et leur éclairage ciblé comme sur un chapiteau roman illustrant un épisode clé de l’histoire sainte semble bien indiquer leur volonté de nous dire quelque chose. Voici l’œil retenu par ce qui constitue l’argument ordinaire du spectateur rétif : l’incompréhension. Le message est resté bloqué dans les transmetteurs, les signifiants se sont évaporés comme des phéromones et la tension monte : le mystère coincé dans ces entrelacs boursouflés est à ce jour le plus vaste que la science et la psychanalyse n’aient jamais connu. Pour Bevis Martin et Charlie Youle, l’image est toujours une question. Elle n’est pas l’illustration

happens—to come up with another version of the story, in which the FRAC des Pays de la Loire would have become an archaeological museum, conferring on the Mario Toran room, with its subdued atmosphere, the effects of its scenography. The spotlights intensify the presence of these clay artefacts, apparently suspended in space, and fashioned, or so it would seem, by hands devoted to who knows what ritual, with a view to producing, perhaps, a flash of clairvoyance, or transmitting a thought to a whole tribe. Might these primitive coats of arms depict a physical territory, at the crossroads of winding paths, like a primitive motorway interchange, or, in any event, a place of strategic importance? Or might these be so many representations of a higher power, a proteiform governing entity, or a panoply of traps intended for that great occult decision-maker, where we would vaguely recognise the antediluvian prototype of the dream-catcher and the oil lamp? This phenomenon is the shift from one dimension to the next, halted halfway. And it seems as if the incomplete transformation of drawing into sculpture alone instills a deep-seated doubt through its indeterminate thickness. Something about the white matter intuitively makes us set aside the most obvious hypothesis in view of the context, which invites us to appreciate these pleasing forms for what they resemble: abstractions with biomorphic curves, transmitted, without any go-between, from the imagination to the (more or less deft) hand, like an active tribute to the creative power of nature, whose sculpture instinctively conveys fluid dynamics and the principles of growth. Yet something resists in these relief images, and their targeted lighting, as if on a Romanesque capital illustrating a key episode in the Old Testament, does indeed seem to indicate their desire to tell us something. Here we find the eye held by that which constitutes the ordinary argument of the unwilling spectator: incomprehension. The message has remained blocked in the transmitters, the signifiers have evaporated like pheromones, and the tension mounts: the mystery trapped in these swollen traceries is, to date, the greatest that science and psychoanalysis have ever known. For Bevis Martin and Charlie Youle, the image is always a question. It is not an illustration, but a solid manifestation. Whether they are enigmatic associations of shapes or dubious


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