Le Guillon N°56 - FR

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LA REVUE DU VIN VAUDOIS

REVUELEGUILLON.CH

N° 56 2020/1

WITH ENGLISH SUMMARY



Editorial

Pascal Besnard Rédacteur responsable

Patrimoine dans le classement du vignoble vaudois au patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO, nous bousculent vers cette évidence: dans ce coin de paysage, sur les contreforts du Léman, les hommes produisent du vin depuis des siècles, inlassablement, presque en dépit du bon sens, tant le terroir semble impraticable. Et néanmoins, sur ces terres, des femmes et des hommes élaborent de grands vins, aujourd'hui reconnus loin à la ronde. Le même constat s'applique évidemment aux autres terroirs vaudois, également pétris d'histoire.

Alors comment marquer sa solidarité avec les vigneronnes et les vignerons qui s'acharnent à élaborer des crus de grande qualité sur les terroirs vaudois? C'est trivial, mais tout simplement... en les consommant. En se laissant, par exemple, surprendre par leur formidable capacité à vieillir dans l'harmonie. Notre patrimoine est là, sous nos yeux, à portée de verre... Ne l'oublions pas.

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© Hans-Peter Siffert

450 kilomètres de murs, délimitant 10'000 parcelles de vignes en Lavaux... les chiffres donneraient presque le tournis, à l'instar des coûts de rénovation desdits ouvrages. Jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de francs. Et pas plus d'un tiers de la facture pris en charge par l'Etat de Vaud. Le reste pour la pomme du vigneron, qui en ce moment – ça n'est pas un scoop – a d'autres chats à fouetter: le vin, globalement, se vend mal. Et le vin vaudois n'échappe pas à la tendance. Les murs de Lavaux, les tracas liés à leur maintien et leur indéniable rôle


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Sommaire Photo de couverture: Les murs de Lavaux par Hans-Peter Siffert

3 1 Editorial 3 Patrimoine – La «grande muraille» de Lavaux en péril 15 Premiers grands crus vaudois, entre lumière et ombre 23 Cépages – Un duo bordelais: cabernet franc et sauvignon blanc 31 Economie vitivinicole – Cinq questions à Nicolas Joss, directeur de SWP 32 Produits du terroir – Le miel vaudois, cet or si convoité 39 Le servagnin a 600 ans... et se porte comme un charme! 43 L'épopée de Chabag, du Léman au Liman 49 Lauriers de Platine blanc 2019 – Villeneuve, bis! 51 Grand Prix du Vin Suisse 2019 – Le Graal pour la Cave de la Côte

49 Confrérie du Guillon 55 Message du gouverneur 56 Les Ressats des Rois 67 Propos de clavende 69 Guillonneur de Savoie 72 Soulevons le couvercle – Steve Willié, chef du restaurant La Bagatelle, Gstaad 77 Hommage à Albert Munier 79 Portraits de conseillers: Alain Barraud et Michel Gfeller 80 La colonne de Michel Logoz

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Patrimoine Texte: Eva Zwahlen Photos: Hans-Peter Siffert

La «grande muraille» de Lavaux en péril

Que seraient les vignes en terrasses de Lavaux sans leurs murs de pierres? Une hypothèse aussi invraisemblable que le canton de Vaud sans chasselas… Les murets qui quadrillent le coteau entre Lausanne et Vevey font partie intégrante de ce paysage unique, façonné par la main de l’homme. Sa consécration, en 2007, par l’Unesco au titre de patrimoine mondial devrait protéger sa physionomie. Alors, pas de problème? Eh bien si. Et de poids!

Bout à bout, les murs de pierre de Lavaux feraient 450 kilomètres de long. Ils soutiennent 10’000 terrasses

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On n’a pourtant rien besoin d’inventer, juste de se laisser inspirer par le savoirfaire de nos ancêtres.  Henri Chollet, vigneron-encaveur à Aran-Villette

Si on les mettait bout à bout, les murs de pierre de Lavaux feraient 450 kilomètres de long. Soutiens de 10’000 terrasses, ils pèsent très lourds. Littéralement. Ils résistent à la pression de la pente, retiennent la terre, du moins les sols marneux argileux, et empêchent le terrain de glisser. Mais il arrive qu’ici ou là, après de fortes précipitations, usé par la morsure du temps ou mal construit, l’un d’eux s’écroule, entraînant dans sa chute ceps, cailloux, conduites

d’eau. C’est le moment où, pour le vigneron qui doit les remonter, ces remparts indispensables deviennent une charge très lourde. Un savoir-faire qui s’oublie Celui qui arpente l’œil bien ouvert le vignoble de Lavaux découvre à chaque fois des bouts de murs abîmés, fissurés, effrités, ou alors édifiés sans âme ni conscience du lieu, faits de pierres venues d’ailleurs ou bétonnés... « C’est pourtant simple!», s’enflamme Henri Chollet, vigneron-encaveur à AranVillette. Les murs à l’ancienne, bâtis comme au temps de son grand-père, sont

The Great Wall of Lavaux at Risk The man-made, low stone walls that zigzag across the hilly slopes between Lausanne and Vevey are a characteristic feature of the unique landscape. Despite its classification as a UNESCO World Heritage Site in 2007, it is not protected from problems. Put end to end the stone walls of Lavaux would be 450 kilometers long. These heavy walls support 10,000 terraces. They resist the pressure of the slope, hold back the earth, at least the clay and marl soil, and prevent the 6

ground from sliding. However, from time to time, weather-beaten or poorly constructed walls can collapse, dragging down with them vines, pebbles and water conduits. The wine-grower then has a major problem to replace the indispensable rampart. A forgotten know-how When viewing the Lavaux vineyards one sees walls that are broken, cracked or crumbling, or carelessly constructed using non-local stone or cement. “Yet

it’s so simple!”, exclaims Henri Chollet, a wine-grower from the Aran-Villette vineyard, who is passionate about these old walls built in the days of his grandfather. “They’re our cultural heritage and it’s our job to preserve them! A winegrower who doesn’t want to maintain his walls shouldn’t be cultivating vines in the Lavaux region.” As with many traditions, the art of building stone walls is fast disappearing. How are traditional walls built? The stones must be local, puddingstone or


Patrimoine

Pour nous, c’était un trop gros morceau, on a dû charger une entreprise spécialisée de reconstruire le mur.  Jean-François Potterat à la Côte de Courseboux

son dada. «C’est notre héritage culturel, nous devons le conserver! Cela fait partie de notre métier. Celui qui ne veut pas entretenir ses murs ne devrait pas prétendre cultiver de la vigne dans une région comme Lavaux.» Comme beaucoup de traditions dans notre monde où tout va très vite, l’art de construire des murs de pierre est en voie de disparition. «On n’a pourtant rien besoin d’inventer, juste de se laisser inspirer par le savoir-faire de nos ancêtres», soupire Henri Chollet. Le mur de la Place d’A rmes à Cully, que nous désigne le vigneron, prouve en tout cas que des profanes dirigés par des artisans

sandstone; the mortar (not cement or concrete!) should be one-third chalk and two-thirds sand; the stones should be left partially visible; and the top of the wall should be rounded or covered with flat stones to prevent water seeping in. The small openings in the façade have a purpose: they allow water to drain. The price of tradition According to Jean-François Potterat, another wine-grower from Cully, tradition is a value worth defending. In 2015, at Côte de Courseboux, on one of his recently acquired plots, one of the walls

compétents sont capables de restaurer une telle architecture: «C’était mon idée, dit-il fièrement, de faire travailler des chômeurs pour rebâtir ce mur de manière traditionnelle.» Qu’entend-on par traditionnel? Voilà les principes: les pierres doivent venir de la région, soit être du poudingue, de la molasse ou du grès; le mortier (et non pas du ciment ou du béton!) sera composé pour un tiers de chaux et deux tiers de sable; le mur doit être crépi selon le procédé de pietra rasa, de sorte que les moellons restent partiellement visibles; quant au couronnement du mur, il sera arrondi, ou mieux encore, couvert de pierres plates, afin que l’eau ne s’infiltre pas dans l’édifice. Les petites ouvertures – barbacanes – dans la façade ne sont pas non plus du folklore, mais permettent à l’eau de s’écouler. «La tradition doit rester vivante, martèle Henri Chollet, sinon elle ne sert à rien. Et le but reste toujours le même: faire du bon vin!»

Le prix de la tradition Pour Jean-François Potterat aussi, vigneron-encaveur à Cully, la tradition est une valeur à défendre. Il suffit de voir son pressoir vertical en bois, datant de 1881, encore fébrilement actionné à chaque vendange: une vraie pièce de musée! En 2015, à la Côte de Courseboux, sur une parcelle que le vigneron venait d’acquérir, l’un des murs s’est écroulé. «La pente bouge, le terrain presse contre les murs», explique-t-il, et de nous indiquer le nouveau bâti de six mètres et demi de long et trois mètres de haut: «Pour nous, c’était un trop gros morceau, on a dû charger une entreprise spécialisée de le reconstruire.» Heureusement, le mur se dresse à proximité de la route, mais à certains endroits inatteignables, le matériel doit être amené à dos d’homme ou même en hélicoptère. Aux 19,5 m2 de l’édifice (6,5 x 3) s’ajoutent un soubassement en béton ainsi qu’un remplissage de graviers. Le

had collapsed. He explains that the slope was shifting and puttting pressure on the walls and points to a new wall 6.5 m long and 3 m high: “For us this was a huge challenge. We had to employ a specialist firm to rebuild it.” Fortunately, the wall stands near the road, but some parts could not be reached so that the building material had to be carried by the workmen or deposited by helicopter. For simple repairs, the Vaud canton provides financial aid of a lump sum of 75 francs per m2 (maximum 20,000 francs or 35% of the cost). For more substantial work, the subsidy rises to

350 francs per m2 (35% maximum). The subsidies are paid only when the state of the wall has been officially monitored prior to undertaking the work and on its completion. The work cannot be undertaken without prior consent from the canton, which can take some time. As a result of harsh criticism from the wine-growers, in the autumn of 2019 the canton not only promised 2 million francs in subsidies but also guaranteed to speed up and simplify the process. The wine-growers must carry out the work on the walls according to regulations and follow the guidelines of the Landscape 7


Corinne Buttet vigneronne


Patrimoine

Les vignerons sont tenus d’exécuter les travaux des murs dans toutes les règles de l’art et de suivre les indications du Guide Paysage réf. www.cil-lavaux.ch/documentation

montant de la facture laisse bouche bée: près de 26’000 francs. Le vigneron a tout de même reçu une subvention de 8’000 francs du canton. Fatigue bureaucratique Pour obtenir une aide financière de l’Etat, le chemin n’est pas franchement des plus directs. Le propriétaire d’une parcelle concernée doit, avant le démarrage des travaux, déposer une demande écrite au Département vaudois de l’économie, de l'innovation et du sport, et joindre différents documents comme un extrait du registre foncier, le plan de situation, la description détaillée des travaux à réaliser, un devis. Les subventions ne sont pas accordées pour les travaux d’entretien courant, mais pour des réfections dites simples comme un nouveau crépi, ou des réfections complètes avant ou après l’écroulement d’un mur. Pour les réfections simples, le canton prévoit une aide financière forfaitaire de 75 fr. le m2 (au maximum 20’000 fr. ou 35% des coûts). Pour des travaux plus importants, la subvention se monte à 350 fr. le m2 (35% au maximum). Les subven-

Manual. This illustrated manual, developed by the Intercommunal Commission of Lavaux, shows clearly what can be inserted into the Lavaux landscape and what would spoil it. The condition for survival The vineyard walls in the Lavaux region stem from a centuries-old tradition, from the land’s geological history, and from the ingenuity of man. Contrary to custom in Valais, the walls in Vaud are not built in dry stone the reason being that the Lavaux soil is heavy, made up largely of clay, and rainfall is more abun-

tions ne sont versées que si l’état du mur a été vérifié officiellement avant et après les travaux de réfection. Ces derniers ne peuvent être entrepris qu’après que le canton a donné sa bénédiction, ce qui peut prendre un certain temps. Suite aux âpres critiques des vignerons, le canton, en automne 2019, a non seulement promis 2 millions de francs de subventions mais garanti l’accélération et la simplification des procédures. Les vignerons sont par ailleurs tenus d’exécuter les travaux des murs dans toutes les règles de l’art et de suivre les indications du Guide Paysage. Ce guide illustré établi par la Commission intercommunale de Lavaux (CIL) montre

clairement ce qui s’insère dans le paysage de Lavaux et ce qui le dépare. On comprend bien que ces directives ne font pas que des heureux…

dant there. Moreover, the prevalent stone is puddingstone which does not lend itself to be cut evenly. In Henri Chollet’s view, the walls are a condition of the existence of the Lavaux vineyards. “Up till now, we’ve had the means to maintain our walls, but now the economic environment has changed”. In fact, the wine-grower who does not make and bottle his wine but sells his produce in bulk, has been having serious problems for the last two years. He simply cannot manage to repair his walls. So, it is now high time to concern ourselves not only with the question of

our walls, but with the region as a whole!

Condition de survie A Lavaux, on l’a compris, les murs de vignes sont bien davantage que de simples limites de propriétés, bien davantage aussi que des éléments de soutènement. Ils sont le résultat d’une tradition pluriséculaire, de l’histoire géologique du pays, du savoir-faire et de la volonté des hommes. En contraste avec leurs collègues valaisans, les Vaudois ne bâtissent pas de murs en pierres sèches. Pour quelle raison? Parce que les sols

Shortage of money for vineyards and walls The crisis that has hit sales has mean that some wine-growers have not keep their walls in good repair, and the new generation does not even know how to do it, or lack the time. A mason takes 120 francs an hour. A heavy bill for someone who sells their grapes in bulk. In today’s schools of viticulture, they are taught marketing and not how to build walls. Yet the walls could be a good marketing argument. 9


de Lavaux sont plus lourds et argileux, et les précipitations plus abondantes. Et puis la roche de Lavaux, en majorité du poudingue, ne se prête pas à une taille régulière. Pour Henri Chollet, les murs conditionnent l’existence du vignoble de Lavaux. «Jusqu’à maintenant nous avions les moyens de prendre soin de nos murs, mais le vent de l’économie a tourné», dit-il. Car, en effet, celui qui ne vinifie pas lui-même ni ne met en bouteilles, mais vend sa production en vrac au commerce, a de sérieux problèmes depuis deux ans. Il n’arrive simplement

plus à assurer la réfection de ses murs. C’est donc le dernier moment pour se préoccuper sérieusement de la question, et non seulement des murs mais de la région! Nous rencontrons Blaise Duboux, vigneron-encaveur à Epesses, juste après une séance de la Communauté de la vigne et des vins de Lavaux dont il est le président. «Oui, confirme-t-il, la situation est tendue.» Lui qui accorde une très grande valeur aux murs traditionnels et à la durabilité de la vigne ne comprend pas toutes les directives du canton. Certaines oui, d’autres non:

Pour les vignerons qui vendent toute leur production en bouteilles, ce n’est pas mauvais, mais pour les autres, oui.  Blaise Duboux, vigneron-encaveur à Epesses

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«Autrefois, des pommiers poussaient au milieu des vignes, et dans les bordures, les gens faisaient leur potager… tout ceci n’est plus autorisé.» Il explique qu’il y a constamment des conflits car des petits murets non soutenants sont enlevés pour rationaliser la culture: «Les lois existent depuis vingt ans, mais ne sont vraiment appliquées que maintenant.» Pas d’argent, ni pour le raisin ni pour les murs Les vignerons se défendent contre de telles contraintes et directives. Comme conséquence de la crise des ventes, certains n’entretiennent plus leurs murs. De nombreux jeunes ne savent même plus le faire. Ou n’ont pas le temps. Un maçon se paie 120 fr. de l’heure. C’est une note élevée pour quelqu’un qui vend son raisin en vrac. Et dans les hautes écoles du vin, on enseigne le marketing, pas à monter un mur. Et pourtant les murs seraient un bon argument de vente…


Patrimoine

«Après les très bons millésimes, aux niveaux qualité et quantité, 2016, 2017 et 2018, la situation du marché a fondamentalement changé, explique Blaise Duboux; les prix se sont effondrés.» A quel point? André Linherr, courtier en vins, nous sort des chiffres: «Pour 2018, à Lavaux, les prix conseillés ont été fixés à 4 fr. 86 par kilo de raisin, ce qui correspond à 6 fr. 40 pour un litre de vin.» Les coûts de production sont ainsi à peine couverts, détaille Blaise Duboux: «Pour les vignerons qui vendent toute leur production en bouteilles, ce n’est pas mauvais, mais pour les autres, oui.» Il estime que 60% de la vendange de Lavaux est vendue en vrac et plus tard bradée en supermarché via des actions ponctuelles. Et si le vin ne peut être vendu qu’à bas prix, les produits locaux issus des reliefs les plus escarpés n’ont aucune chance, notamment contre les vins étrangers bon marché. Sur un terrain à forte déclivité, les coûts de production

sont deux fois plus élevés que sur un relief doux. Et quand la pente dépasse les 50% (comme en Dézaley) et que la mécanisation n’y a plus accès, ils sont trois fois plus chers – sans compter l’entretien des murs. «Le fait qu’au cours de ces vingt dernières années, la valeur des parcelles viticoles a baissé grosso modo de moitié, montre bien la gravité de la situation», souligne Blaise Duboux. Le canton ne peut-il pas aider? Jacques Henchoz, chef d'état-major à la Direction générale de l'agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires, admet se faire du souci pour Lavaux. Mais: «avec l’aide forfaitaire d’un tiers des frais à la réfection ou à la reconstruction des murs, le canton soutient déjà les propriétaires privés dans la mesure du possible.» Jacques Henchoz comprend la difficulté de la situation du vigneron pris entre les directives contraignantes, les charges financières et le défi de travailler rationnellement. «La demande en

vins issus de terrains escarpés devrait largement dépasser l’offre, déclare-t-il. L’ordonnance AOP-IGP serait une chance pour Lavaux.» Car au final, seule la qualité peut amener le succès: «il ne devrait plus y avoir de vin en vrac dans une telle région.» En outre, la branche aurait, selon lui, quelque progrès à faire en matière de marketing et d’œnotourisme.

Production costs are twice as much on steep slopes. If the gradient is greater than 50% (as is the case in Dézaley) and mechanised devices have no access, the costs are three times as much – without counting wall maintenance costs. Blaise Duboux, a wine-producer in Epesses and president of the Lavaux Vine and Wine Community points out: “The fact

that over the course of the last 20 years the value of vineyard plots has more or less halved, demonstrates the gravity of the situation”. Can the canton help? Jacques Henchoz, director of the agriculture and viticulture department, admits to being very concerned about the situation in Lavaux. However, he adds, “by helping

with one third of the cost of repairing or rebuilding the walls, the canton is already providing considerable support for private owners.” Jacques Henchoz is aware of the wine-growers’ difficult situation, caught between restrictive directives, financial burdens and the challenges of working efficiently. He points out that the demand for wines

La responsabilité du consommateur Lavaux va-t-il s’écrouler avec ses murs? Le danger est réel. Peut-être le vigneron de Lavaux est-il une espèce menacée d’extinction, comme le prétend l’ex-journaliste des sports de la TSR Bertrand Duboux dans son livre Il faut sauver le vigneron de Lavaux… Il y a un énorme risque, si les gens ne prennent plus soin de leurs murs, confirme Pierre Monachon et «les lois n’y changeront rien». Le vigneron-encaveur de Rivaz et président du label Terravin

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Patrimoine

a toujours restauré ses murs lui-même, ou dans le cas de grandes constructions, aidé le maçon et apporté le matériel, histoire de faire baisser la facture. Pour le bon entretien des murs, il faut compter, dit-il, deux semaines par an, «et on s’économise le fitness»! Il est déjà en train de transmettre son savoir-faire à son fils Basile même si vraisemblablement celui-ci «n’aura plus qu’une semaine à disposition car il doit davantage investir dans la vente». Pierre Monachon insiste: «J’aime ce travail. Même s’il est dur. C’est notre héritage. Si nous voulons transmettre un domaine en bon état à nos enfants, alors nous devons soigner cet héritage culturel.» Aujourd’hui, un vigneron qui veut réussir doit avoir toutes les qualités, savoir faire du bon vin, être un bon vendeur, bon administrateur et… bon maçon! Depuis que Lavaux est inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, les visiteurs se sont multipliés. En été, on les voit marcher en bandes à travers le vignoble. A part ceux qui jettent leurs déchets dans les vignes et qui piquent les raisins mûrs, ils ont tous quelque chose en commun: ils achètent rarement une bouteille! Pierre Monachon est très clair: «Nous, les vignerons, ne survivrons à long terme que si nous pouvons vendre notre vin à un prix raisonnable. Alors seulement nous serons en mesure de prendre soin comme il faut de nos vignes et de nos murs afin de garantir l’avenir de ce paysage grandiose.» Ce n’est donc pas qu’aux vignerons ou à l’Etat de protéger ce patrimoine. Nous aussi, consommatrices et consommateurs, avons le devoir de faire en sorte que les fragiles terrasses de Lavaux perdurent. Comment donc? Simplement en buvant du vin de Lavaux, et en le payant à un prix décent.

from grapes grown on steep hillsides should be significantly greater than supply. The PDO-PGI ruling is an opportunity for Lavaux. In the long run quality alone can bring success. “In a region like ours, no more bulk wine should be produced. In addition, the wine industry needs to make some real progress in marketing and wine tourism”.

J’aime ce travail. Même s’il est dur. C’est notre héritage. Si nous voulons transmettre un domaine en bon état à nos enfants, alors nous devons soigner cet héritage culturel.  Pierre Monachon, vigneron-encaveur de Rivaz et président du label Terravin

Lavaux accueille aussi un festival de musique classique... Cette année Lavaux Classic propose des concerts au rythme de la vigne, après l’épisode 1 La Taille au mois de février et avant l’épisode 3 Les Vendanges en septembre, le traditionnel Festival de juin se mue en épisode 2 La Floraison. Lavaux Classic du 18 au 25 juin à Cully, Pully et Rivaz. Le programme détaillé sur www.lavauxclassic.ch

The consumer’s responsibility Is Lavaux going to collapse together with its walls? Pierre Monachon confirms that it could well do if people do not take more care of their walls. Laws will not make any difference. The Rivaz wine-grower and president of the Terravin label has always repaired his walls himself, or in the case of major reconstructions, helped the mason with

carrying the material, thus reducing his bill. At least two weeks a year are needed to keep the walls in good condition. Pierre Monachon is already handing down his know-how to his son Basile, and convinces us: “I love the work, even though it’s hard. But it’s our heritage which we must safeguard if we want to hand down an estate in good condition to our children.” 13


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Premiers grands crus Texte: Pierre Thomas

ers

1 grands crus vaudois, entre lumière et ombre 2020 marquera le dixième millésime des 1ers grands crus, le sommet de la «pyramide» des vins vaudois. Une pointe effilée, puisqu’elle ne concerne que 250'000 bouteilles, soit moins d’un pour cent de la production vaudoise. Ces 1ers grands crus, seule dénomination du genre en Suisse – Genève a ses 1ers Crus, le Valais ses grands crus –, ont le mérite d’exister et d’être mis sous les projecteurs. A condition d’expliquer la démarche, ils sont indéniablement un atout pour l’Office des vins vaudois (OVV). Qui les promeut à Zurich, où s’est déroulé, début février, le 1er Salon des vins vaudois (s’il est le premier, c’est qu’il devrait avoir lieu chaque année…), en collaboration avec le label Terravin et ses producteurs, et au Swiss Wine Tasting, dont la plus récente édition a eu lieu en décembre dernier, à Zurich. Un poste au budget de l’OVV, de 70'000 fr., leur est dédié. Auprès du distributeur Manor comme de l’Ecole hôtelière de Lausanne – qui les sert à tour de rôle en apéritif dans son restaurant «Le Berceau des Sens» –, les 1ers grands crus tiennent leur rôle d’ambassadeurs vaudois: ça n’est pas rien! Partie prenante de l’opération, le Canton joue le jeu. Chaque hiver, le vin officiel du Conseil d’Etat

est choisi parmi cette élite – pour 2020, et pour la deuxième fois, le Château La Bâtie, à Vinzel, vinifié par la Cave de La Côte –, au côté d’un Gruyère AOP – de la «Fromagerie gourmande» de Montricher. Des rouges bien timides En 2012, quand leur premier millésime (le 2011) avait été officiellement présenté, ils étaient 11, et exclusivement du chasselas. La législation viticole vaudoise de 2009 ne prévoyait que trois cépages: le chasselas, le gamay et le pinot noir. Jusqu’à ce jour, aucun gamay, aucun pinot, pourtant les deux cépages rouges traditionnellement cultivés dans le Pays de Vaud, n’a réussi à passer la rampe de la dégustation préliminaire des 1ers grands crus. Il a fallu attendre 2013 pour que, à la faveur d’un élargissement de la liste des cépages autorisés, les premiers rouges soient adoubés. Bingo! Trois... merlots de domaines vinifiés par Hammel (domaines de Crochet, à Mont-

The Vaud Premiers Grand Crus: The Bright and Dark Side 2020 marks the tenth year of Premier Grand Crus status, a classification that is awarded to the very top Vaud wines. However, it concerns only 250,000 bottles, less than one per cent of Vaud production. These Premiers Grands Crus, the only classification of its kind in Switzerland, are to be welcomed and deserve to be promoted.

They are undeniably an asset for the Office des Vins Vaudois (OVV). Every winter the State Council’s official wine is selected from among this elite group of wines: in 2020, Château La Bâtie, Vinzel, vinified by Cave de La Côte, was chosen for the second time, along with a Gruyère AOP, from the Fromagerie Gourmande in Montricher.

Reticent reds In 2012, when the first 2011 vintages were officially presented, they comprised only 11 wines, all of which were Chasselas. The 2009 Vaud wine legislation only provided for three grape varieties: Chasselas, Gamay and Pinot Noir. To this day, not a Gamay nor a Pinot (even though these two varieties Le Guillon 56_2020/1  15


© Bertrand Rey

© Hans-Peter Siffert

Charles Rolaz, président de la commission des 1ers grands crus et directeur d'Hammel Vincent Graenicher, vigneronencaveur à Tartegnin

sur-Rolle, du Châtelard, à Villeneuve et de la George, à Yvorne). Charles Rolaz, patron de la maison rolloise, est, aussi, le président de la commission des 1ers grands crus. Forte de 11 membres, elle est formée de représentants de la vitiviniculture vaudoise, dont une minorité de producteurs de 1ers grands crus, et de représentants de l’Etat (avec voix consultative). Le deuxième arrivage de rouges est récent, puisqu’il s’agit des 2018 d’un petit domaine de La Côte, le Château Le Rosey, avec un brelan d’un garanoir en cuve, d’un garanoir en barriques et d’un gamaret en barrique. Ces cinq cépages (gamay, pinot, merlot, garanoir, gamaret) sont les seuls habilités au plus haut niveau. Au passage, Charles Rolaz s’étonne qu’en bientôt dix ans, si peu de dossiers de vins rouges vaudois aient abouti. Peut-être faut-il y trouver l’explication dans l’impossibilité de présenter des assemblages, souvent le vin rouge voulu comme le plus ambitieux par les producteurs… Intransigeant sur la forme de la bouteille Ce choix étriqué de rouges en 1ers grands crus est renforcé par le fait que Hammel ne mettra pas ses mer-

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lots 2018 sur le marché en 1ers grands crus pour une raison cocasse. La maison rolloise figure bien dans la dernière brochure de l’OVV, avec trois rouges embouteillés dans le «demi-pot vaudois». Il s’agit d’une quantité limitée d’un millésime passé. Mais Hammel n’entend pas renoncer aux bouteilles de prestige qu’elle utilise pour ses vins rouges haut de gamme, un modèle bordelais. La commission, où le président Rolaz s’est récusé sur ce point, s’est montrée inflexible sur le contenant imposé aux 1ers grands crus: une bouteille «vaudoise», de 75 cl ou de 70 cl, ou le «demi-pot» de 70 cl, sinon la mention de 1er grand cru tombe! De son côté, le Château Le Rosey a opté pour une «vaudoise» opaque à 75 cl, adaptant, du coup, ce contenant à l’ensemble de sa gamme… Démontrer la capacité de vieillissement Ça n’est là qu’un détail d’un dossier qui en fourmille. Ainsi l’obturation, où le bouchon de liège (ce qu’exige la Baronnie du Dézaley…) n’est pas imposé, à côté du composite «diam» et de la capsule à vis. Pourtant, les 1ers grands crus militent pour démontrer que les vins tiennent dans la durée – une «mas-


ter class» d’anciens millésimes s’est tenue au 1er Salon des vins vaudois à Zurich. L’idée fait écho à l’opinion du philosophe anglais Roger Scruton, récemment décédé: «Pour apprécier ce vin (réd.: le bourgogne) à sa juste valeur, il faut le laisser vieillir au moins cinq ans, après quoi une étrange transformation a lieu dans la bouteille. Le raisin se retire peu à peu, laissant d’abord au premier plan le village, puis le vignoble, et enfin le sol lui-même» («Je bois, donc je suis», chez Stock). Cette capacité de vieillissement est la pierre d’achoppement sur laquelle ont trébuché la plupart des 29 candidats recalés, ces huit dernières années. Pour être habilité à produire du 1er grand cru, ils doivent présenter à la dégustation cinq millésimes sur dix ans. A ce jour, en se basant sur les agréments obtenus à la fin de l’an passé par les 2018 actuellement mis sur le marché, 26 vins (dont 3 rouges) portent la mention 1er grand cru. La quantité de raisin récoltée pour ces vins avoisine les 200'000 litres de chasselas. Elle n’a guère évolué depuis 2011. Et une goutte de rouge, 4748 l de merlot en 2018, 4409 l en 2019, 2700 l de garanoir en 2018, la moitié moins en 2019, comme pour le gamaret, qui a passé de 1440 l à 675 l… sachant que le merlot risque fort de ne pas être commercialisé en 1er grand cru. A ce stade, et malgré la timidité des rouges vaudois, on pourrait se demander si la mention 1er grand cru n’aurait pas dû être réservée au seul chasselas. Le vigneron-encaveur de Tartegnin, Vincent

Graenicher, le pense: «C’est notre identité et notre savoir-faire de producteurs vaudois!» Le directeur des domaines et vignobles de Schenk à Rolle, Philippe Schenk, n’est pas loin de le penser aussi. Le groupe Schenk cumule des expériences différenciées en matière de chasselas. «Avec le Château de Chatagneréaz (réd.: le plus vaste domaine en 1er grand cru, avec 7 hectares inscrits en chasselas et 70'000 bouteilles sur le marché) et le Domaine de Autecour, nous avons une approche bordelaise d’une entité entièrement commercialisée en 1er grand cru. Tandis qu’avec le Château de Vinzel et le Domaine du Martheray, nous sommes plutôt dans une philosophie bourguignonne de parcellaire», explique Philippe Schenk. Et le Chablais? A Yvorne, ni le Clos du Rocher, ni le Château Maison Blanche n’en font partie. «On pourrait l’envisager», commente Philippe Schenk.

are traditionally grown in the Vaud canton) has succeeded in reaching the preliminary Premiers Grands Crus tasting. It was only in 2013, thanks to a broader list of authorised varieties, that the first reds were adopted. Three Merlots vinified by Hammel (from the Crochet estate, at Mont-sur-Rolle; Châtelard, at Villeneuve; and la George, at Yvorne). Charles Rolaz, the owner of the Rolle estate, is also the president of the Premiers Grands Crus Commission, which has 11 members made up of representatives of the Vaud wine industry, including a minority of Premiers Grands

Crus producers, and State representatives (in a solely consultative capacity). The next reds, from Château Le Rosey, a small estate in the La Côte region, appeared only recently, in 2018: a Garanoir matured in vats and a Garanoir and a Gamaret matured in barrels. The only varieties to be admitted at this highest level are Gamay, Pinot Noir, Merlot, Garanoir, Gamaret. Charles Rolaz has expressed surprise that so few red Vaud wines have passed the test over the last ten years. One explanation may be that blends, which are often the finest red wines produced, are not accepted.

La démocratisation arbitrée par la dégustation Dès le départ, la législation vaudoise, dont on dit qu’elle a été inspirée par la démarche de Clos, Domaines & Châteaux en 2004 plus sélective que l’AOC, s’est voulue démocratique, en défendant l’égalité des chances pour tous les terroirs vaudois. «Elle a réservé la mention 1er grand cru à tout domaine qui satisfait aux critères de sélection, basés sur la dégustation», rappelle Charles Rolaz. Ilfaut certes présenter un dossier historico-technique qui justifie le périmètre du domaine, sous l’angle de la loi vaudoise,

© Bertrand Rey

Premiers grands crus

Philippe Schenk, directeur des domaines et vignobles de Schenk à Rolle

Demonstrating ageing capacity In the last eight years, ageing capacity was a major problem encountered by most of the 29 unsuccessful candidates. To qualify as a producer of a Premier Grand Cru, five vintages over a ten-year period must be presented at the tasting. To date, based on the authorisations obtained at the end of last year by the 2018 wines currently on the market, 26 (of which 3 reds) carry the Premier Grand Cru label. The volume of grapes harvested for these wines was close to 200,000 litres of Chasselas, roughly the same as in 2011. And just a drop of red: 17


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© Bertrand Rey

Premiers grands crus

Pierre Bouvier, propriétaire du Château Le Rosey, à Bursins

4,748 litres of Merlot in 2018; 4,409 litres in 2019; 2,700 litres of Garanoir (half as much in 2019); and Gamaret which went from 1,440 litres in 2018 to 675 litres in 2019. Note, the Merlot was very unlikely to be marketed as a Premier Grand Cru. In view of this, and regardless of the reticence of Vaud reds, one might wonder whether the Premier Grand Cru label should not have been simply limited to Chasselas. Vincent Graenicher, the Tartegnin wine-grower agrees: “Chasselas is our identity and represents the know-how of the Vaud producers!”

mais aussi un historique de bouteilles de cinq millésimes sur dix ans. Ensuite, rien n’interdit de ne soumettre qu’une quantité limitée de vin. La législation fixe un calendrier pour chaque étape. Une fois le dossier de base accepté, la parcelle inscrite est contrôlée par des experts de la commission, sous l’angle de la viticulture, en production intégrée, et du rendement (0,8 litre au m2 pour le blanc, 0,64 litre au m2 pour les rouges). C’est la dégustation d’agrément, année après année, qui fait foi et permet de conserver son rang de 1er grand cru. Le candidat a deux chances: si son premier échantillon ne passe pas l’agrément, il peut se représenter. Avec le risque de rater un millésime et d’être bouté hors du cercle restreint. Dernier arrivé dans ce cénacle, Pierre Bouvier, dont le domaine est cultivé en biodynamie, défend le système: «Il s’agit de mettre en avant une qualité supérieure. Chaque année est différente, mais si le vin n’est pas excellent, on ne le présente pas, ou on ne le fait pas. J’aime l’idée que la mention soit remise sur le tapis! L’examen annuel crédibilise le système, plutôt que d’encourager à se reposer sur ses lauriers parce qu’on est devenu, une fois pour toutes, 1er grand cru.» Sous la houlette de Philippe Herminjard, secrétaire de la Fédération vaudoise des vignerons et gérant de la marque de qualité Terravin, secrétaire de la commission des 1ers grands crus, ce sont les dégustateurs jugés les plus «capés» du label Terravin qui apprécient

Philippe Schenk, the director of the Schenk estates and vineyards in Rolle, holds a similar opinion. In fact, the association Clos, Domaines et Châteaux, which brings together eleven estates that have premier Grand Cru recognition, do not bottle red wine. Approval tasting assures democratic procedures From the start, Vaud law has sought to be democratic and has defended equality of opportunity for all the Vaud vineyards. Charles Rolaz reminds us that it has reserved the Premier Grand

les vins, tant pour l’étape initiale de l’acceptation que pour l’agrément annuel. Et c’est le service du chimiste cantonal qui prélève les échantillons en cave, avant ou après la mise en bouteille, au choix du producteur. On voit que tout le processus est méticuleusement encadré. Des prix, reflets des régions A Yvorne, Frédéric Deladoey, du Domaine de l’Ovaille, faisait partie de la vague initiale des 1ers grands crus. Le vigneron-encaveur d’Yvorne n’a peur de rien! Il est un de ceux à soumettre son vin le plus prestigieux aux concours, avec, l’an passé, une médaille d’or au Concours Mondial de Bruxelles à Aigle pour le 2017 (à l’instar du Château de Malessert et du Clos de l’Abbaye de la Commune d’Yvorne, pour le même millésime) et une médaille d’or et une place de finaliste avec le 2018 au Grand Prix du Vin Suisse. Il vend sa bouteille (de 2018) officiellement 31 francs. Au Swiss Wine Tasting à Zurich, c’était le seul chasselas 1er grand cru à passer la barre des 30 francs, contre deux entre 25 et 30 fr., cinq entre 20 et 25 fr., cinq entre 18 et 20 fr. et deux en-dessous. Le vigneron d’Yvorne explique cette exception parce que Moevenpick, gros client, le vend au prix de certains Dézaleys. Le Vuargnéran regrette, au passage, que les vins de Lavaux, et notamment les Dézaleys et Calamins n’aient pas joué le jeu du 1er grand cru jusqu’ici, à une ou deux exceptions près. Mais à Lavaux, Jean-François NeyroudFonjallaz a tenté l’opération en faisant

Cru label for every estate that meets the selection criteria, based on the tasting. A historical and technical document must be presented to justify the boundaries of the estate, as well as a record of the five vintages over ten years. The producers are free to submit any quantity. The law provides for a timetable for each procedural step. Once the preliminary document has been accepted, the plot in question is checked by experts with regard to: viticultural aspects, integrated production, and yield (0.8 litres per m2 for whites; 0.64 litres per m2 for reds). Year after year, it is the ap19


classer son Chavonchin, vinifié en œuf de béton: après le millésime 2016, il y a renoncé. Non pas parce qu’il ne croit pas à la démarche des 1ers grands crus, mais parce qu’il était difficile de faire passer auprès de sa clientèle une différence de 10 francs par rapport à son Saint-Saphorin grand cru Le Magistrat, issu du même terroir. A Zurich, le Château de Chatagneréaz 2017 et le Domaine de Autecour 2017 étaient proposés à 16 fr. 50 et 15 fr. 50. Pour Philippe Schenk, «l’enjeu et la difficulté, pour un petit vigneron ou pour un grand domaine qui choisit de tout vendre en 1er grand cru, ne sont pas identiques.» A La Côte, les tenants des 1ers grands crus comparent le prix pratiqué pour les 1ers grands crus à la majorité des vins, vendus entre 8 et 12 francs. Malgré les frais à engager, le jeu en vaudrait la chandelle… ce que démontrent le nombre des 1ers grands crus à La Côte – plus de la moitié. Conçu comme «faisable» partout dans le vignoble vaudois, le 1er grand cru, de par son statut exceptionnel, aurait pu gommer les inégalités entre les régions. Il n’en est rien, et les prix s’étalonnent selon la réputation établie. Néanmoins, force est de constater que trois lieux de production, AOC réputées avant 2009, Mont-sur-Rolle, Féchy et Yvorne, alignent chacun quatre 1ers grands crus (soit la moitié des chasselas). Malgré l’étude des terroirs menée au début de ce siècle dans le vignoble vaudois, personne n’a pris la responsabilité de cartographier le parcellaire vaudois, même

au sens où l’entend l’Italien Alessandro Masnaghetti (qui a publié ses plans du Piémont, de la Valpolicella, du Chianti, mais aussi de Pauillac et bientôt de la Napa Valley. www.enogea.it). Liberté est laissée à qui veut produire un peu de 1er grand cru ou faire reconnaître l’entier de son domaine, quitte à ne pas utiliser ce droit immédiatement. C’est l’inverse de ce qui s’est fait à la fin du XXe siècle en Alsace, où des périmètres de grand cru ont été délimités, avec des parcelles cultivées par plusieurs propriétaires. Une philosophie qu’appliquent aussi, en Allemagne, les producteurs cooptés par l’association «VDP, die Prädikatsweingüter». Au contraire de cette dernière, les 1ers grands crus vaudois ne sont ni un «club», ni une «amicale», quitte à s’affranchir de la tutelle de l’Etat pour lever des fonds afin d’assurer par eux-mêmes leur promotion.

proval tasting that has the final word, thus maintaining Premier Grand Cru rank and credibility. The candidate has two chances: if the first sample is not approved, he can apply again, but runs the risk of forfeiting a vintage and being expelled from the ‘inner circle’. Pierre Bouvier, a recent arrival in this exclusive circle, defends the system: “It’s a question of showcasing superior quality. Each year is different, but if a wine is not excellent, we don’t present it or don’t make it. I like the idea of distinction being put back on the table! An annual test makes the system credible

and discourages producers from resting on their laurels just because they have gained Premier Grand Cru status.” Under the supervision of Philippe Herminjard, the secretary of the Vaud Wine-growers Federation, manager of the Terravin quality label, and Premiers Grands Crus Commission secretary, the most competent Terravin label tasters are given the task of appreciating the wines both at the preliminary stages and at the annual approval tasting. And it is the Cantonal Chemist department that oversees sample taking in the wine cellar, before or after bottling, whichever

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L’épée de Damoclès d’une future législation Dans les ombres d’un tableau, où les 1ers grands crus émergent comme les Dents du Midi dans une toile de Gustave Courbet, on ne sait pas quel avenir la législation réserve à cette spécialité vaudoise. En 2019, pour les vins dits de la «classe 1», avec 0,77% de vendange en 1ers grands crus, 78,5% en grand cru (soit cinq degrés Oechslé plus riche que la catégorie AOC) et 20,6% en AOC, la «pyramide» vaudoise ressemble à un losange dont la fine pointe est occupée par moins d’1% de 1ers grands crus (interdits de coupage) et la partie la plus large, par

les grands crus (coupés à 10% maximum en appellation village, sauf pour les AOC grand cru Dézaley et Calamin, pures), puis par l’AOC, censée figurer le socle de la pyramide. Ce losange retrouve une forme triangulaire sur le marché, par le jeu de l’assemblage 60% – 40% (et 10% de coupage généralisé), qui permet de quasiment doubler le «potentiel liquide» des lieux de production les plus réputés des AOC régionales. Une nouvelle législation, dont la discussion a perdu de son urgence par la volonté des milieux vitivinicoles, tiendra-t-elle compte des spécificités des 1ers grands crus? Ou alors la pointe émergée de l’iceberg se fondra-t-elle dans une définition de grand cru plus étendue,

the producer chooses. The whole process is most meticulously supervised. Future legislation – the sword of Damocles We do not know what future legislation might have in store for this Vaud speciality. In 2109, so-called ‘class 1’ wines, earmarked 0.77% of their harvest in Premiers Grands Crus, 78.5% in Grand Cru, and 20.6% in AOC. Thus, less than 1% is accounted for by Premiers Grands Crus (blending is forbidden), while Grands Crus (maximum 10% blended, except for pure AOC


Premiers grands crus

Frédéric Deladoey et son fils Rémi, Domaine de l’Ovaille, à Yvorne

1ers grands crus, millésime 2018

© Philippe Dutoit

CHASSELAS

liée à des périmètres géographiques à définir? Le jeu reste ouvert. «C’est une épée de Damoclès juridique», constate Charles Rolaz, conscient que le système «doit évoluer et que nous devons nous remettre en question»: «On n’a pas encore compris comment valoriser la diversité des cépages adaptés à nos sols, à nos expositions et à nos microclimats. On n’a pas encore trouvé le bon message pour le communiquer, non plus. Pourtant, les vins vaudois ont une richesse unique, avec des influences rhodaniennes, bourguignonnes et alsaciennes.» Qui osera ouvrir la boîte de Pandore pour résoudre ce qui ressemble, depuis avant 2009 déjà, moins à une pyramide qu’à la quadrature du cercle?

La Côte (treize 1ers GC pour 20,27 ha) Les Cottes (1,7 ha), Domaine de Serreaux-Dessus, Begnins; *Au Fosseau (0,3 ha, Vinzel), Domaine de la Capitaine, Begnins; Château La Bâtie (2 ha), Vinzel; Château de Vinzel (0,6 ha, CDC); Château Saint-Vincent (0,5 ha, CDC), Gilly; *Château de Châtagneréaz (7 ha, CDC), Mont-sur-Rolle; *Es Cordelières (3,3 ha, CDC), Vincent Graenicher, Mont-sur-Rolle; *Château de Mont (0,3 ha, CDC), Mont-sur-Rolle; *Domaine de Autecour (1,4 ha, CDC), Mont-sur-Rolle; Au Brez (0,57 ha), Kursner Vins, Féchy; *Domaine de Fischer (1 ha), Féchy; Château de Malessert (2 ha), Féchy; Domaine du Martheray (1 ha, CDC), Féchy. Lavaux (quatre 1ers GC pour 3,9 ha) Château de Montagny (0,5 ha, Villette), J. et M. Dizerens, Lutry; Dézaley La Gueniettaz (0,5 ha), Christophe Chappuis, Rivaz; Les Roches Plates (1,2 ha), Domaine du Burignon (Saint-Saphorin), Ville de Lausanne; *Château de Chardonne (1,7 ha , CDC). Chablais (six 1ers GC pour 10,32 ha) *Clos du Châtelard (2 ha, Villeneuve), Hammel, Rolle; *Clos de la George (2,5 ha, Yvorne), Hammel, Rolle; Clos de L’Abbaye (1,3 ha, CDC), Commune d’Yvorne; *L’Ovaille 1584 (2 ha, Yvorne), Hammel, Rolle; *L’Ovaille (2,3 ha), Frédéric Deladoey, Yvorne; Clos Maijoz, Commune d’Aigle (0,22 ha). *Les 11 domaines présents dès le début, avec le millésime 2011. CDC: membre de l’Association Clos, Domaines et Châteaux – www.c-d-c.ch

Grand Cru Dézaley and Calamin), make up the largest volume, followed by AOC. Would new legislation consider the specificities of Premiers Grands Crus, or might these be merged into an extended definition of Grand Cru, linked to geographical boundaries yet to be defined? We shall see.

CÉPAGES ROUGES Un seul domaine pour 2018, Château Le Rosey (surface totale 4,5 ha) à Bursins, pour trois vins distincts: un garanoir, un garanoir barriques et un gamaret barriques. La brochure de l’OVV sur les caractéristiques détaillées des 1ers GC peut être téléchargée sur ce lien: www.ovv.ch/le-terroir-vaudois/premiers-grands-crus

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Cépages Texte: Alexandre Truffer

Des cépages «étrangers» bien intégrés (2)

Un duo bordelais: cabernet franc et sauvignon blanc Dans le deuxième volet de notre série sur les cépages qui ont trouvé un second foyer en Pays de Vaud, nous nous sommes intéressés à deux variétés bordelaises qui ont connu un énorme succès international ces dernières décennies: le cabernet franc et le sauvignon blanc. La tentation de lier l’arrivée des cépages dits internationaux – un terme inadéquat qui désigne des cépages français le plus souvent originaires de la Gironde – au réchauffement climatique est grande. Toutefois, comme le rappelle le Commandeur des Vins Vaudois José Vouillamoz qui cite ici un ouvrage du milieu du 19e siècle: «Dans le canton de Vaud, le malbec, le cabernet sauvignon ou encore le merlot ont été introduits dès 1837 sous le nom de Bordeaux à partir de la Savoie, ou directement de la ville de Bordeaux». Un demi-siècle plus tard, les ampélographes Burnat et Anken «précisent que les cépages appelés Plants de Bordeaux dans le canton de Vaud comprennent le cabernet Franc, le cabernet

sauvignon et le carménère». L’histoire de l’encépagement du vignoble vaudois avant le monopole du triumvirat chasselas, pinot noir et gamay est encore à écrire, mais il est certain que les vignerons vaudois ont joué un rôle de pionnier dans la culture de ces variétés bordelaises sur sol helvétique. Pour mémoire, les cabernets ne font leur apparition en Valais qu’en 1862 et les premiers plants de merlot ont été plantés au Tessin en 1906.

Cabernet franc Sans doute originaire des Pyrénées, le cabernet franc est l’aïeul d’une famille

en pleine croissance. Les analyses ADN ont démontré qu’il était le père du merlot (avec la magdeleine noire des Charentes), du carménère (avec le gros cabernet, luimême métissage de fer servadou et de txakoli) et du cabernet sauvignon (avec le sauvignon blanc). Le terme de cabernet est aussi fréquemment utilisé lors du baptême de nouveaux cépages. On peut donc désormais rencontrer dans le vignoble du cabernet dorsa, du cabernet dorio, du cabernet jura ou encore du cabernet cortis. En Suisse, les dernières statistiques font état de 74 hectares de cabernet franc (donc quinze en terres vaudoises) et de 65 hectares de cabernet sauvignon (y compris les cinq recensés dans le Pays de Vaud).

Cabernet Franc and Sauvignon Blanc One is tempted to attribute the arrival of so-called ‘international’ grape varieties – an inappropriate term as it refers only to French varieties mainly from Gironde – to global warming. However, José Vouillamoz, the Commandeur of Vaud wines, referring to a mid-19th-century text points out: “In the Vaud canton, Malbec, Cabernet Sauvignon and Merlot were introduced in 1837 under the name Bordeaux, coming from the Savoie region or directly from the city of

Bordeaux.” Half a century later, the ampelographers Burnat and Anken stated: “In the Vaud canton, the grape varieties called Plants de Bordeaux comprise Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon and Carmenere.” Cabernet Franc No doubt originating in the Pyrenees, Cabernet Franc is the ancestor of a very large family. DNA testing has shown that it is the father of Merlot

(with Magdeleine Noire des Charentes), of Carmenere (with Gros Cabernet, itself a cross between Fer Servadou and Txakoli) and Cabernet Sauvignon (with Sauvignon Blanc). The term Cabernet is often adopted when new grape varieties are baptised. Thus, in the vineyards, we can come across varieties such as Cabernet Dorsa, Cabernet Dorio, Cabernet Jura and Cabernet Corti. In Switzerland, recent statistics show 74 hectares of Cabernet Franc (of which Le Guillon 56_2020/1  23


Un rouge tardif qui aime lézarder au soleil Travaillant cinq hectares de vignes dans le Chablais, Pierre-Alain Meylan a planté ses premiers greffons de cabernet franc il y a tout juste vingt ans. «A l’époque, je cherchais à me diversifier. J’avais apprécié plusieurs cabernets nés sur des coteaux crayeux de la Vallée de la Loire. Je me suis dit que le cépage pourrait très bien s’acclimater sur le Coteau de Verschiez composé de sols assez similaires.» La première récolte se fait en 2003. Grâce à la canicule, les raisins de cette variété de troisième époque atteignent une maturité parfaite. Les choix de vinification – cuvage long et élevage d’une dizaine de mois en barrique – métamorphosent ces baies en une spécialité puissante qui plaît beaucoup à la clientèle. «Plus de deux bouteilles sur trois partent chez des restaurateurs qui associent mon cabernet franc à des viandes rouges plutôt

corsées, comme l’agneau ou la chasse», précise le vigneron d’Ollon qui ajoute que «du côté de la clientèle privée, il a beaucoup de succès auprès des femmes. Les hommes lui préfèrent en général le gamaret, plus souple.» Lorsqu’on lui demande quelles sont les conditions nécessaires à l’élaboration d’un cabernet de qualité, Pierre-Alain Meylan rappelle que c’est un cépage tardif, dit de troisième époque. Ce qui signifie qu’il arrive à maturité plus de 36 jours après le chasselas. «Il nous est arrivé plusieurs fois de terminer les vendanges et de laisser passer quatre ou cinq jours avant d’aller ramasser le cabernet franc, confie notre propriétaire-encaveur. A la vigne, il ne donne pas trop de soucis. Il faut juste régler la récolte avec grand soin. Une fois la nouaison terminée, on trouve côte à côte des très belles grappes et d’autres, au teint plutôt clairet, qu’il faut absolument enlever. En 2019, nous avons dû enlever des grappes à trois re-

prises afin d’obtenir la qualité à laquelle nous avons habitué notre clientèle.» Au pinacle des rouges vaudois Arrivé au Domaine de Chantegrive au début des années 1980 après un séjour chez un producteur renommé de Châteauneuf-du-Pape, Alain Rolaz se rappelle s’y être découvert une passion pour l’élevage des rouges en barrique. «A cette époque, le domaine familial comptait beaucoup de chasselas et un peu de rouge, que l’on livrait à un négociant. Mon père avait un esprit très ouvert, nous avons rapatrié au domaine la vinification des rouges. En parallèle, nous avons commencé à diversifier le vignoble avec du gamaret, du garanoir et du dornfelder. Le cabernet franc est arrivé en 1998, suivi par une deuxième plantation en 2001.» Diolinoir, merlot et mondeuse noire viendront compléter cette liste qui se décline essentiellement dans la gamme Crescendo, où l'on re-

A l’époque, je cherchais à me diversifier. J’avais apprécié plusieurs cabernets nés sur des coteaux crayeux de la Vallée de la Loire. Je me suis dit que le cépage pourrait très bien s’acclimater sur le Coteau de Verschiez composé de sols assez similaires.

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© Hans-Peter Siffert

Pierre-Alain Meylan, vigneron-encaveur à Ollon


Cépages

trouve les vins élevés sous bois. «Le cabernet franc est un cépage costaud, franc et racé qui a longtemps été destiné à un assemblage dans lequel il faisait la paire avec le merlot. Cependant, depuis une petite dizaine d’années, je le vinifie aussi tout seul» confie Alain Rolaz qui confirme l’intérêt de la clientèle pour les monocépages. Les professionnels ne sont pas en reste, puisque le millésime 2015 du Cabernet Franc Crescendo a remporté la catégorie «Autres cépages rouges purs» de la Sélection des Vins Vaudois 2017. Une belle récompense pour une variété qui n’était pas le premier choix d’A lain Rolaz. «En 1998, je voulais planter du cabernet sauvignon, mais mon pépiniériste me l’a déconseillé. Il estimait que cette variété donnerait peut-être de très bons résultats les années exceptionnelles, mais qu’il ne mûrirait pas dans les millésimes plus traditionnels. Aujourd’hui, je ne regrette rien. En effet, même dans une

© Bertrand Rey

Le cabernet franc est un cépage costaud, franc et racé qui a longtemps été destiné à un assemblage dans lequel il faisait la paire avec le merlot. Cependant depuis une petite dizaine d’années, je le vinifie aussi tout seul.  Alain Rolaz, domaine de Chantegrive, Gilly

15 hectares in the Vaud region) and 65 hectares of Cabernet Sauvignon (of which five in the Vaud region). Pierre-Alain Meylan, who has five hectares of vines in the Chablais region, planted his first grafts 20 years ago. The first harvest was carried out in 2013 and thanks to the heat wave that year, these third maturity period grapes had reached perfect maturity. The vinification process that was chosen – long maturation and some ten months of barrel ageing – produced a powerful speciality which is much appreciated by consumers. Pierre-Alain Meylan points out that

this late variety grape reaches maturity more than 36 days later than Chasselas. Alain Rolaz arrived at Domaine de Chantegrive at the beginning of the 1980s after spending some time working with a famous producer in Châteauneufdu-Pape where, he tells us, he had discovered a passion for maturing red wines in barrels. Cabernet Franc was introduced at Chantegrive in 1998, followed by a second planting in 2001. Diolinoir, Merlot and Mondeuse Noire were later added to the range. They are found mainly in his Crescendo line of wines, all aged in wooden barrels. His Cabernet

Franc Crescendo 2015 was awarded first prize in the Other Pure Red Varieties category at Sélection des Vins Vaudois, 2017. Sauvignon Blanc An aromatic and superbly acid grape variety, Sauvignon Blanc became popular worldwide in the second half of the 20th century. It left its traditional territory in Val de Loire and Gironde to become the flagship of New Zealand wines and secured itself a choice position on all five continents. It only appeared in Switzerland at the beginning of the 25


U N S AV O I R - FA I R E R E C O N N U A U S E R V I C E D E N O S V I G N E R O N S D E P U I S 1 9 7 9

O s e z l ’e x c e p t io n ! Donne z u n e n o u v e l l e â m e à votre vin ! Vinifier son vin dans une cuve ovoïde en bois est une excellente opportunité de donner une nouvelle lettre de noblesse à l’un de vos nectars.

Les vins ainsi élaborés sont plus aboutis et naturellement plus expressifs car cette forme développe des arômes très fins avec une structure harmonieuse.

Schéma du mouvement des lies

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Cépages

Avec presque 95% de chasselas, l’encépagement était très traditionnel. J’ai immédiatement décidé de diversifier en plantant des rouges et deux spécialités blanches: le pinot gris et le sauvignon blanc.  Thierry Maurer, Domaine de Roliebot, Mont-sur-Rolle

© Bertrand Rey

année compliquée comme 2014, nous avons réussi à obtenir un vin de qualité. Bien entendu, cela implique un contrôle strict des récoltes. Afin de ne produire que 500 grammes au mètre, il faut diviser par deux le nombre de grappes et, parfois, faire une deuxième vendange en vert.» Quant à la vinification, elle suit un protocole similaire à tous les crus de la gamme Crescendo: fermentation malolactique en barrique et élevage d’un an en fût de chêne.

Sauvignon Blanc Cépage très aromatique doté d’une belle acidité, le sauvignon blanc a connu un développement planétaire durant la deuxième moitié du 20e siècle. Ce fils du savagnin blanc a quitté ses fiefs traditionnels du Val de Loire et de Gironde pour devenir le porte-étendard du vignoble néo-zélandais et se tailler une place de choix sur les cinq continents. En Suisse, il n’apparaît qu’au début des années 1990. Encore aujourd’hui, il demeure une variété secondaire qui ne couvre que 190 hectares du vignoble helvétique, dont 17 en terre vaudoise. Une spécialité... qui le restera En 2002, Chantal et Thierry Maurer reprennent le Domaine de Roliebot après avoir travaillé dix ans en parte-

nariat avec le père de Thierry. Cette exploitation de sept hectares à Montsur-Rolle appartenait à la famille depuis quatre générations déjà. «Avec presque 95% de chasselas, l’encépagement était très traditionnel, explique notre vigneron. J’ai immédiatement décidé de diversifier en plantant des rouges et deux spécialités blanches: le pinot gris et le sauvignon blanc.» Convaincu par la qualité des premiers sauvignons suisses (le canton de Genève a été pionnier en la matière) et désireux de commercialiser une variété encore confidentielle en Suisse, Thierry Maurer plante ses premiers greffons en 1993. Ce blanc aromatique, qui ne fait jamais de fermentation malolactique et qui passe plusieurs mois en barrique de deuxième ou de troisième passage, trouve rapidement son public. Bien que ce produit de niche se vende sans difficulté, le Montois

considère que cette variété a aussi ses limites: «dans les terres très riches de la région, le sauvignon peut se montrer très vigoureux. De plus, dans les années chaudes, il donne naissance à des vins très riches.» Démonstration avec le 2018, qui arbore un petit sucre résiduel. «Cela peut plaire, poursuit Thierry Maurer, mais cela ne correspond ni à ce que je recherchais en le plantant, ni au style vif et tendu que j’aime donner à mes vins.» Si les coups de chaleur de Dame Météo modifient la silhouette du sauvignon blanc du Domaine de Roliebot, la clientèle semble évoluer en conséquence. «Ce vin est apprécié par une clientèle d’habitués qui ont adapté leur consommation depuis quelques années. Il a quelque peu perdu sa fonction première de vin de gastronomie à servir sur un poisson ou une entrée pour devenir un blanc d’apéritif très apprécié.» 27


Le tabac transforme les pensées en rêves Victor Hugo

TABAC BESSON Magasin spécialisé dans la vente de tabacs, cigares et spiritueux Rue de Bourg 22 - 1003 Lausanne Tél. 021 312 67 88 tabacbesson@bluewin.ch www.tabac-besson.ch


Cépages

où naissent les grands sauvignons de Bordeaux. Je ne le savais pas au moment de la plantation, c’est l’étude des terroirs de Lavaux qui nous l’a appris. J’ai aussi pu bénéficier de l’expérience de grands spécialistes du sauvignon qui m’ont expliqué que les thyoles, les composés

aromatiques qui font la spécificité du sauvignon, sont très sensibles et qu’ils sont très rapidement brûlés par le soleil. En clair, pour réussir un bon sauvignon et à l’inverse du chasselas, il faut vendanger des raisins verts et surtout pas des beaux grains dorés.»

1990s. Still today, it remains a secondary variety covering no more than 190 hectares of Swiss vineyards, of which 17 hectares in the Vaud region. In 2002, Chantal and Thierry Maurer took over the Domaine de Roliebo after working for 10 years in partnership with Thierry’s father. The seven hectares of vineyards in Montsur-Rolle had belonged to the family for four generations. Inspired by the quality of the first Swiss Sauvignon wines, pioneered in the canton of Geneva, and keen to produce a variety that was relatively unknown in Switzerland, Thierry

Maurer planted his first grafts in 1993. This aromatic white variety, which never undergoes malolactic fermentation and is put in second or third passage barrels for several months, rapidly found appreciative consumers. In the last few years, Thierry Maurer’s Sauvignon has become less of a gastronomic wine and more often enjoyed at aperitif time. The Sauvignon Buxus from Domaine Bovard, Cully, is exported to London, Japan, USA and Russia. Stephan Reinhardt, from Rober Parker Wine Advocate, gave the 2017 vintage 92 points. This recognition certainly re-

warded the sound choices made in the wine-making process. Louis-Philippe Bovard adds: “There was also an element of luck. The first parcel where I grafted some Sauvignon was one of the rare spots in Lavaux where the soil is made up of gravel and pebbles mixed with sand, which is very much like the soil composition which produces the great Sauvignons of Bordeaux. I wasn’t aware of that when I did the planting!”

© Philippe Dutoit

92 points Parker «Lorsque j’ai décidé d’introduire du sauvignon à Lavaux, je me suis tourné vers Jean Hutin qui avait fait des essais à Genève avec une dizaine de clones. En 1993, j’ai pu choisir celui qui me plaisait le plus afin de le planter sur une parcelle derrière l’hôpital de Lavaux. Afin de mieux comprendre ce cépage, je suis allé visiter des domaines – les Châteaux Malartic-Lagravière et Carbonnieux dans les Graves et Didier Dagueneau dans la Loire – reconnus pour leur savoir-faire. Au fil des ans, des surgreffages ont été faits à Saint-Saphorin, à Epesses, à Villette. Chaque vigne donnant des vins assez différents, je vinifie deux vins différents: le Buxus, la quintessence du sauvignon de Lavaux, et le Ribex, que l’on peut considérer comme un deuxième vin», explique LouisPhilippe Bovard qui a ajouté l’an passé à sa gamme le Hip et Hop, un mousseux réalisé avec les bourbes de sauvignon. Exporté à Londres, au Japon, aux EtatsUnis et désormais en Russie, le Buxus du Domaine Bovard a également été «parkerisé». Début 2019, Stephan Reinhardt a donné 92 points au millésime 2017. Cette reconnaissance récompense des choix viticoles et œnologiques judicieux. «Il y a aussi eu une part de chance, reconnaît Louis-Philippe Bovard. La première parcelle sur laquelle j’ai surgreffé du sauvignon était l’un des rares endroits de Lavaux à se composer de graves – ces graviers et galets mélangés à du sable – qui ressemblent énormément aux sols

Pour réussir un bon sauvignon et à l’inverse du chasselas, il faut vendanger des raisins verts et surtout pas des beaux grains dorés.  Louis-Philippe Bovard, Cully

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Economie vitivinicole

Cinq questions à Nicolas Joss, directeur de SWP © Ueli Steingruber Fotografie

Comment relancer les vins suisses?

Entré en fonction comme directeur de Swiss Wine Promotion (SWP) à Berne, il y a moins d’un an (juillet 2019), le Vaudois Nicolas Joss s’attelle à relancer la vente des vins suisses par un programme exceptionnel, subventionné par la Confédération. - Quels moyens l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a-t-il dégagés pour ce programme exceptionnel? A fin 2019, nous avions engagé 300'000  francs, dont 70'000  fr. de l’OFAG, et pour 2020, on devrait pouvoir lever 1 million de francs, avec un co-financement proche des 40%. Sur le modèle de ce qui se fait dans le monde agricole, l’Office fédéral de l’agriculture couvre une partie des dépenses, le solde est à charge des partenaires ciblés, en l’occurrence la grande distribution et l’hôtellerie et la gastronomie. Ce programme spécial devrait se poursuivre jusqu’en automne 2021. Nommé «vins suisses sans hésiter», il s’ajoute à la subvention fédérale octroyée au budget annuel de SWP, de 2,9 millions de francs pour 2020, et renégociée chaque année. - Quels sont les exemples concrets que le consommateur peut voir? On a choisi le moyen le plus adéquat avec chaque partenaire de la grande distribution. Par exemple, chez Coop, les vins suisses sont mieux balisés dans les rayons, afin de les distinguer de l’offre étrangère, pour guider le consommateur dans ses choix. Chez Denner, le référencement national des vins suisses a été étendu et on peut mieux les identifier dans les rayons. Chez Spar et Top CC, on a créé un lien entre les vins suisses

et des recettes de cuisiniers locaux (tel celui de l’Auberge de Rivaz). On propose aussi un concours qui emmènera les gagnants, professionnels de la restauration et clients lambdas, sur place, à Lavaux. - Comment visez-vous les milieux de l’hôtellerie et de la restauration? On travaille en partenariat avec GastroSuisse et ses 20'0000 établissements dans tout le pays. Dès Pâques, on va davantage communiquer sur les vins suisses. On favorisera, par des promotions, les liens entre distributeurs et l’HoReCa. On incitera les restaurateurs à mieux identifier les crus suisses sur les cartes des vins par des pictogrammes. On valorisera les restaurateurs qui vendent déjà des vins suisses, notamment par le biais du programme Swiss Wine Gourmet. Ce dernier, en collaboration avec la Semaine suisse du goût, référence déjà 1400 établissements, dont 15, grands ou petits, sont distingués chaque année depuis deux ans pour leurs efforts en faveur des vins suisses. Nous devons partir à la reconquête des établissements populaires, là où les vins suisses ont perdu le plus de parts de marché ces dernières années. - N’y a-t-il pas un risque de n’encourager que le vin local, par exemple, à Zurich, le vin zurichois, alors que

les deux tiers des producteurs sont en Suisse romande et les deux tiers des consommateurs outre-Sarine? SWP fait la promotion de l’identité du vin suisse, sous le slogan «ce qui nous ressemble nous rassemble». Pour les vins suisses, on laisse au consommateur la liberté de choix dans la diversité de ce qui lui est proposé. Ensuite, c’est aux six régions viticoles d’agir. Une commission de coordination, qui réunit la direction de SWP et les offices cantonaux de promotion, favorise les échanges entre les régions pour éviter les collisions dans le message. - Dans les rayons, une bouteille de Suisse est-elle suffisamment visible? En novembre, nous avons relancé le logo dessiné par le fameux graphiste Tyler Brûlé, de l’agence zurichoise Winkreative en 2014. Tous les vignerons du pays peuvent l’utiliser gratuitement, selon une charte graphique, sur la capsule à vis, sur le côté du bouchon, sur l’étiquette ou la contre-étiquette des bouteilles et sur les emballages. Fait encourageant, déjà, des distributeurs exigent des producteurs qu’ils fassent figurer ce logo sur leurs bouteilles! Propos recueillis par Pierre Thomas

Le Guillon 56_2020/1  31


32  Le Guillon 56_2020/1


Produits du terroir Texte: Pierre-Etienne Joye Photos: Sandra Culand

Le miel vaudois, cet or si convoité Les dernières années ont été délicates en matière de récolte de miel en Suisse. Le canton de Vaud n’est pas épargné. Mais la fascination pour les abeilles demeure intacte. Mieux, l’apiculture suscite de plus en plus de vocations. Pour des raisons gourmandes et aussi écologiques. Mais attention, élever des abeilles n’est de loin pas une sinécure.

«Espérons qu’on puisse bénéficier d’une belle floraison pour des miels parfumés qui garantissent notre réputation!» Ce souhait, énoncé calmement avec un brin d’amertume, c’est André Pasche qui l’exprime. Président sortant de la Fédération vaudoises des sociétés d’apiculture (FVA), ce passionné a passé 10 ans au comité de l’organisation faîtière. Celui qui se dit fier de ses miels clairs et crémeux de fleurs de printemps «le miel préféré des femmes et des enfants», revient brièvement sur une année 2019 qu’il qualifie de catastrophique. Surtout au niveau du climat: «Il a fait trop froid quand les fleurs étaient là. La production de miel de printemps en a lourdement pâti et on n’a pas pu faire de miel de forêt. Une des pires saisons de ces 10 dernières années, avec d’autres très médiocres.» Apiculteurs en herbe Il n’empêche, l’apiculteur aux 50 colonies dispersées sur un vaste territoire compris entre Vinzel et Châteaux-d’Oex se veut confiant. Si tout se passe bien, le nouveau miel est attendu pour juin. «Ça reste un produit très recherché et on est actuellement en pénurie de miel autochtone» note André Pasche, qui se réjouit de l’engouement à la fois chez le consommateur et les apiculteurs en herbe. Mais c’est là qu’il relève le paradoxe: les nouveaux éleveurs d’abeilles sont en expansion, mais pour certains, le miel devient secondaire. Leur but est

de garder des abeilles pour assurer la pollinisation, préserver la biodiversité avec un souci de garantir l’avenir de la planète. Une conscience écologique totalement louable qui comporte toutefois un risque et pas des moindres: l’effet inverse! A savoir que les abeilles ellesmêmes peuvent souffrir du manque d’expérience des novices en la matière. Notamment la propagation de maladies ou de parasites – varroa, frelon asiatique –. De sous-nutrition aussi.

Si tout se passe bien, le nouveau miel est attendu pour juin. Ça reste un produit très recherché et on est actuellement en pénurie de miel autochtone  André Pasche, Président sortant de la Fédération vaudoises des sociétés d’apiculture (FVA)

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Le miel en chiffres En Suisse, comme dans le canton de Vaud, les producteurs de miel sont surtout des artisans qui possèdent en moyenne 5 à 15 ruches. Le pourcentage d’apiculteurs professionnels ou semi-pro est très faible (2%). Au niveau national, environ 20’000 personnes pratiquent l’apiculture et s’occupent de 180’000 colonies d’abeilles. Le canton de Vaud compte 18 sociétés régionales d’apiculture. Près de 1200 apiculteurs possèdent des ruches réparties sur tout le territoire vaudois. En haute saison, c’est-à-dire pendant la récolte, une colonie compte 50’000 abeilles en moyenne. Côté quantité, la récolte de miel suisse est de 3’600 tonnes par an, selon les conditions. Pour Vaud, la quantité totale de miel labellisé est estimée à 25 tonnes. Un cours cantonal d’apiculture de base est organisé par la FVA. Cette formation se déroule sur une période de 2 ans et est reconnue par la Société romande d’apiculture (SAR). Informations et inscriptions sur www.apiculture.ch PEJ

En haute saison, une colonie compte 50’000 abeilles en moyenne

Vaud Honey – a highly prized product These last few years have been particularly challenging for beekeepers in Switzerland. The canton of Vaud has not been spared. Yet the fascination with bees has remained intact and more and more people are entering the profession, focusing either on the gastronomic or ecological aspects. However, beekeeping is no easy matter. André Pasche, the outgoing president of the Vaud Federation of Beekeepers’ Associations (FVA), who spent ten years on the organisation’s 34

committee says, not without a touch of bitterness: “Let’s hope for a beautiful flowering season, that will give us the perfumed honey to which we owe our reputation!” Enthusiastic, and proud of the clear and creamed spring-flower honey he produces – which according to him is a favourite with women and children – he goes back briefly to the year 2019 which he describes as catastrophic, especially with regard to climate: “It was too cold when the flowers came out. The

production of spring honey was very badly affected, and we couldn’t make any forest honey. It was one of the worst seasons of the last ten years – and others had been very mediocre.” Budding beekeepers Nonetheless, with his 50 colonies dispersed across a vast territory from Vinzel to Châteaux-d’Oex, André Pasche remains upbeat. If all goes well, the new honey should be out by June. “It’s a very


Produits du terroir

Le métier nécessite un apprentissage compris entre 3 et 5 ans pour acquérir le minimum de bagage nécessaire pour s’occuper de colonies d’abeilles de manière correcte.  Quentin Voellinger, nouveau président de la Fédération vaudoises des sociétés d’apiculture (FVA)

Se former pour faire juste A ce propos, le nouveau président de la FVA, Quentin Voellinger, est très clair: «Depuis quelques années, le spectre de la disparition des abeilles émeut. D’où le regain d’intérêt pour l’apiculture. Loin de moi l’idée de vouloir freiner cet élan, mais cette nouvelle sensibilisation à l’apiculture doit parfois être recadrée. Les gens flashent sans savoir qu’il y a énormément de boulot derrière. Pas mal de personnes se lancent comme s’ils adoptaient un animal de compagnie. Ce n’est pas du tout le cas, avertit cet

exploitant d’une vingtaine de ruches à Puidoux et au Mont-sur-Lausanne.» D’où la nécessité de continuer à offrir des cours de formation. Responsable de la vulgarisation depuis trois ans au sein de la Fédération, Quentin Voellinger insiste sur un point: «il faut beaucoup informer, c’est notre rôle. Notamment sur le fait que le domaine de l’apiculture est vaste et complexe et que le métier nécessite un apprentissage compris entre 3 et 5 ans afin d’acquérir le minimum de bagage nécessaire pour s’occuper de colonies d’abeilles de manière correcte.

Et l’investissement est conséquent: surtout en temps, mais également en argent, en motivation. Plus de la moitié des débutants qui décident de se lancer abandonnent après 2 ans», poursuit le président de la FVA.

sought-after product and there is currently a shortage of local honey”. He is delighted by the enthusiasm of both consumers and budding beekeepers. However, he points out a paradox: there are certainly increasing numbers of new beekeepers but, for some of them, honey is a secondary consideration. Their objective is to keep bees to ensure pollination and preserve biodiversity with a view to saving the future of the planet. An ecological concern that is completely praiseworthy, but which risks producing the opposite effect! The inexperience of novice beekeepers could hurt the bees

by causing the spread of diseases and parasites, such as Varroa and Asian hornets, as well as undernourishment.

often get excited about something and rush into it without realising that there’s a huge amount of work involved, rather like taking a new pet.” That is why it is essential to offer training courses. Quentin Voellinger, who has been information manager at the Federation for the last three years, insists that “information is vital and that’s our role. We need to inform people that beekeeping is a vast and complex field and to enter the profession an apprenticeship of three to five years is necessary to acquire the knowledge to look after bee colonies correctly. It also requires substantial investment

Training courses for novices Quentin Voellinger, the new FVA president, who has some 20 hives in Puidoux and Le Mont-sur-Lausanne, is very clear about this: “For some years now, we have been worried by the threat of the disappearance of bees. Hence the renewed interest in beekeeping. I wouldn’t dream of slowing down this enthusiasm, but this new awareness needs to be put into perspective. People

Du label vers le bio Car c’est finalement bien de miel dont il est question. Dans le canton de Vaud, nombre de producteurs bénéficient du label «Miel du Pays de Vaud», enregistré depuis une vingtaine d’années et qui valorise le produit, mais dont

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il a fallu revoir le cahier des charges pour le maintenir au goût du jour. Avec désormais une reconnaissance au niveau régional, le label étant enregistré comme marque de garantie depuis juin 2019. L’an passé, une septantaine de personnes produisaient du miel labellisé vaudois. Et le bio ? Si au niveau agricole environ 10% des structures produisent du bio, pour le miel à peine 2% des exploitations travaillent en bio. «Question de coût avant tout, en plus des contrôles supplémentaires pour la certification, explique Quentin Voellinger. Nous organisons également un cours sur ce sujet pour expliquer comment faire la conversion. Et je suis prêt à parier que d’ici une vingtaine d’années, les exigences pour la production biologique deviendront la norme. C’est finalement le consommateur qui va décider.»

in terms of time, money and motivation. More than half of the beginners give up after two years.” From quality label to organic In the Vaud canton, about 70 producers have been awarded the Miel du Pays de Vaud (Honey from the Vaud Region) label. What about organic honey? In agriculture in general about 10% of farms produce organic crops, in the case of honey, barely 2% of beekeeping is organic. Quentin Voellinger goes on to explain: “It’s above all a question of money, 36

Cuisiner le miel Il serait dommage d’utiliser un bon miel local, labellisé à tout va, qui, de surcroît, est estampillé «Miel du Pays de Vaud», pour faire la cuisine. Son degré de qualité est tel qu’un miel de fleurs, de printemps, de forêts, d’été, de montagne vaudois se déguste à sa juste valeur sans chichi. Carrément seul à la cuillère, sur une tartine légèrement beurrée ou alors en touche discrète sur un fromage de chèvre frais. Cependant, s’il vous reste des fonds de pots, râclez-les pour confectionner le fameux jambon au miel: on badigeonne le morceau choisi – précuit à l’eau ­– d’un mélange de miel, de vin blanc, de moutarde et de thym émietté. On le fait tourner à la broche une bonne heure et le tour est joué. Craquant et aromatisé à souhait, notre jambonneau. Et pourquoi pas le déguster en jouant la carte de la redondance, en savourant un verre d’hydromel – mélange d’eau et de miel fermenté ­– ou d’hypocras – vin rouge, miel, cannelle et gingembre ­–? En dessert, enfonçons le clou avec une part de nougat ou une tranche de pain d’épice. Royal et sacrément moyenâgeux. PEJ

on top of the additional certification controls. We also organise a course to explain how to convert to organic farming. I’m convinced that 20 years from now the requirements applicable to organic production will become the norm. In the end, it’s the consumer who’ll decide.” Honey in numbers In Switzerland as a whole, and likewise in the Vaud canton, honey producers are mainly artisans with five to 15 hives. Only 2% of beekeepers are professional or semi-professional. It is

estimated that at national level some 20,000 people are engaged in beekeeping, taking care of 180,000 bee colonies. There are 18 regional beekeeping associations. Approximately 1,200 beekeepers have hives spread across the entire Vaud region. In the high season, that is at the time of the honey harvest, an average colony comprises 50,000 bees. Swiss honey production is 3,600 tonnes per year. The total volume of branded honey produced in the Vaud region is estimated at 25 tonnes.


Produits du terroir

Cathy Fournier, Anita Daout et Marie-Lucie Bonvin

Interviews Cathy Fournier, Anita Daout et Marie-Lucie Bonvin possèdent un rucher commun à Servion. Elles ont uni leurs forces voici 5 ans pour se donner le maximum de chances d’assouvir leur passion des abeilles. Toutes trois ont été coachées et ont suivi des cours. Leur récompense: du miel. Mais pas seulement. Réponses chorales ci-dessous. - Comment vous sont venue l’idée et l’envie d’accueillir des abeilles? En fait, c’est venu d’un film suisse «More than Honey», qui a connu un grand succès (ndlr: le documentaire de Markus Imhoof est sorti en 2012. Il suit des personnes qui vivent avec, pour et grâce aux abeilles, dans le contexte de leur possible extinction). Ça a été le déclic. On a eu envie de faire comme eux, dans une philosophie de respect mutuel entre l’insecte et l’humain. On s’est dit: on va le faire. Nous avons donc suivi les cours proposés par la FVA (Fédération vaudoise d’apiculture). L’aventure a réellement commencé au printemps 2015. Le président d’alors, André Pasche, nous a pris sous son aile pour nous dispenser les conseils nécessaires et son savoir-faire. Nous sommes aujourd’hui membre de la société d’apiculture du Jorat. - Former une équipe, ça a été une évidence? Complètement. A plusieurs on est plus fortes. Car il faut se rendre à l’évidence, c’est lourd d’avoir des ruches (3 au débuts, 5 actuellement). On est

contentes de pouvoir s’entraider. Et il y a toujours au moins une de nous qui est présente s’il y a un pépin ou dans les moments chauds. Par exemple en période d’essaimage au printemps – lorsqu’un groupe d’abeilles s’échappe de la ruche pour former une nouvelle colonie –, lors des miellées – récoltes de miel –, ou le contrôle du varroa et les traitements nécessaires. Il y a tout un procédé à respecter dans chaque cas. L’union fait la force. - Le bien-être de vos abeilles passe avant l’intérêt pour leur miel? C’est lié. Mais le miel, il est d’abord à elles plus qu’à nous. Notre philosophie commune, c’est le respect de l’abeille avant tout. On n’est pas dans une optique de production. S’il n’y a pas assez de nourriture, donc de miel, on laisse cette alimentation aux abeilles. C’est un peu ce qui nous distingue de l’ancienne génération d’apiculteurs, plutôt un monde d’hommes, qui affirme volontiers qu’il faut considérer les abeilles comme du bétail. Nous, on se laisse guider par leur monde fascinant. Les abeilles nous enseignent énormément de choses sur la vie, la nature.

- Votre miel, vous l’appréciez alors comme un cadeau… C’est ça. Même pas 10 kg par ruche l’année passée à cause de la météo. Mais appréciable. Notre miel de printemps est d’une couleur jaune pâle. Il est compact, assez crémeux avec un caractère discret. Le colza domine. En revanche, celui de l’été est clairement plus puissant. On sent le mélange des fleurs, des arbres de la forêt et des pollens des champs. C’est ce miel d’été qui varie le plus d’année en année. On le sent: il y a un retour des abeilles par rapport à ce qu’on leur apporte. Le respect va dans les deux sens… Propos recueillis par PEJ

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Le servagnin a 600 ans... et se porte comme un charme! Six siècles? Bigre... il ne date pas d'hier le servagnin de Morges! Son histoire nous renvoie à celle de la maison de Savoie, et à Marie, sixième des dix enfants de Philippe le Hardi et de Marguerite de Flandre. Marie de Bourgogne épouse, à l'âge de 21 ans, en 1401, Amédée Vlll, d’abord Comte puis Duc de Savoie. A cette époque, la majeure partie de l'actuel canton de Vaud est savoyarde, et la région en profite: c'est une période de prospérité, l'agriculture et la viticulture sont en plein essor. Au début de l'an 1420, Marie attend son neuvième enfant. La Duchesse de Bourgogne redoute pour lui un destin funeste: elle a perdu cinq de ses huit premiers enfants et la peste sévit du côté de Chambéry. Elle se réfugie dans le bourg de Saint-Prex où naîtra le 7 août une petite Marguerite de Savoie, en parfaite santé. C’est pour les remercier que Marie de Bourgogne aurait offert aux gens de Saint-Prex, à l'automne 1420, quelques pieds de son cépage préféré. Il s'agit sans doute de la plus ancienne plantation de pinot noir de Suisse...

Au début, le nom salvagnin s'impose Salvagnin, servagnin ou sauvagnin, le cépage d'origine bourguignonne est mentionné sous ces différentes orthographes dans les archives du 15e siècle. Mais après, le nom salvagnin s'impose en De g. à dr. Raoul Cruchon, promoteur infatigable du servagnin, Félix Pernet, président sortant des Vins de Morges et Pierre-Alain Tardy, découvreur des derniers ceps du cépage bourguignon à Saint-Prex, dans les années 60

Servagnin‘s 600th Birthday The story of Servagnin wine takes us back to the House of Savoy, and to Marie, the sixth of ten children born to Philippe le Hardi and Marguerite de Flandre. In 1401, at the age of twenty-one, Marie de Bourgogne married Amédée Vlll, who was first Count, and later Duke of Savoy. At that time, most of what today constitutes the canton of Vaud belonged to Savoy. At the beginning of 1420, Marie was pregnant with her ninth child. The Duchess of

Bourgogne was anxious: she had lost five of her eight children and the plague had reached Chambéry. She therefore took refuge in the village of Saint-Prex and there, on August 7th, a perfectly healthy little Marguerite de Savoie was born. In the autumn of 1420, as a token of gratitude, Marie de Bourgogne presented the village with some vines of her favourite grape variety. That must have been the earliest planting of Pinot Noir in Switzerland. At first it was called Salvagnin. It was mainly grown

in the Morges region, very much a minority grape as Chasselas reigned supreme. The twentieth century was almost fatal for Salvagnin. After the two World Wars, there followed a period of over productivity. Since Salvagnin was a fragile and not very productive variety it was gradually replaced by other red varieties, especially Gamay. In 1963, Pierre-Alain Tardy, a young winegrower from Saint-Prex, decided to try and recover some Salvagnin plants. His 39


Cru du pays de Vaud coteau de Reverolle

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Anniversaire

terre vaudoise, surtout dans la région de Morges. Il n'occupera dans le vignoble qu'une place minoritaire: le chasselas règne en maître. Le 20e siècle sera presque fatal au salvagnin. Aux deux guerres mondiales succède une période marquée par un productivisme à outrance. Le salvagnin fragile et peu productif est peu à peu remplacé par d'autres cépages rouges, surtout par du gamay, costaud et généreux en termes de rendement. En 1963, un jeune vigneron de SaintPrex, Pierre-Alain Tardy, se met en tête de retrouver quelques plants de salvagnin, rescapés des arrachages massifs. Ses premières prospections ne donnent rien. Mais quelques années plus tard, un certain Werner Kaiser, contremaître dans une entreprise de génie civil, lui explique qu'il a arraché une vigne avec son trax pour permettre l'exploitation d'une gravière à Saint-Prex. Il a récupéré trois pieds de vigne pour les replanter devant son poulailler! Deux sont morts, le troisième a résisté. Sur cette souche-mère Pierre-Alain Tardy va patiemment prélever de petits greffons et constituer peu à peu une modeste vigne de quelques centaines de pieds. L'expertise des anciens du village à qui le vigneron présente ses premiers raisins est formelle: oui, c'est bien le fameux salvagnin de Saint-Prex! L'engouement est rapide. Sous l'impulsion de quelques professionnels passionnés, dont le charismatique Raoul Cruchon, le salvagnin gagne du terrain.

28'000 bouteilles de servagnin Aujourd'hui, vingt vignerons produisent annuellement quelque 28'000 bouteilles de ce pinot noir historique, cultivé sur 37 parcelles représentant une surface un peu supérieure à cinq hectares. Le nom salvagnin, terme générique vaudois désignant l'assemblage de pinot et de gamay, a été abandonné au profit de servagnin. La marque est protégée par les Vins de Morges et un rigoureux cahier des charges. Raoul Cruchon, qui préside le 6ooe du servagnin, explique que «pour avoir le droit d’utiliser la marque Servagnin, le vin ne peut être issu que de raisins de salvagnin de Saint Prex de la sélection Tardy, cultivée dans le périmètre du lieu de production de Morges. Les rendements sont plafonnés à 50 hl/ha. Les moûts doivent titrer au minimum 82°  Oechslé. La vinification doit se faire nécessairement dans des fûts en bois d’une contenance de 600 litres au maximum durant un minimum de neuf mois. L’ensemble de l’affinage doit durer au moins quatorze mois et la commercialisation ne peut intervenir qu’à partir du premier avril de l’année suivante.» Et pas question de jouer les francstireurs lors de la commercialisation: la forme de la bouteille, le contenu de l'étiquette et la capsule d'authentification sont imposés aux producteurs!

first efforts were fruitless. A few years later, however, Werner Kaiser, the foreman of a company starting operations on a gravel pit in Saint-Prex, informed him that his bulldozer had dug up three vine stocks which he had replanted in front of his chicken house! Two of them had died, one had survived. So, from that parent strain Pierre-Alain Tardy patiently harvested small grafts and built up a small vineyard of a few hundred grapevines. When he presented his first grapes to the elders of the village, they were adamant: these were definitely the famous Salvagnin grapes of Saint-Prex!

Interest spread fast and driven by the enthusiasm of a number of wine-growers, Salvagnin gained momentum. 28,000 bottles of Servagnin Today, twenty winemakers produce approximately 28,000 bottles a year of this historic Pinot Noir, grown on 37 parcels (5 hectares). Salvagnin, the name given to a blend of Pinot and Gamay in the Vaud region, was changed to Servagnin. Raoul Cruchon, who presides over the 600th anniversary celebrations of Servagnin, explains that “in order to

Rendez-vous 20 juin Odyssée du Servagnin en Savoie 6 novembre Nuit du Servagnin au Château de Morges Tous les détails sur www.vinsdemorges.ch

have the right to use the brand name Servagnin, the wine must be produced exclusively from the Tardy selection of Saint-Prex Salvagnin grapes and grown within the production area of Morges. The yields are limited to 50 hl/ha. The density of the grape-must must be at least 82° Oechsle. The vinification must be carried out for at least nine months in no larger than 600-litre wooden casks. The maturing process must take at least 14 months and the wine cannot be put on sale before April 1st of the following year.” 41



L'épopée de Chabag Texte: Alexandre Truffer

1820: début d'une épopée vaudoise

Chabag, du Léman au Liman Il y a deux siècles, débutait la plus incroyable des aventures du vignoble suisse. A l’invitation du tsar de toutes les Russies, Alexandre Ier, des vignerons de Lavaux vont fonder une colonie sur les bords de la Mer Noire. Pendant 120 ans, ères de prospérité et périodes de développement alternent avec épidémies de peste et soubresauts géopolitiques. Chabag en tant que colonie viticole helvétique disparaîtra en 1944, mais cette épopée sans équivalent aura des conséquences perceptibles aujourd’hui encore dans les vignobles ukrainiens et vaudois. Chasselas blanc, chasselas hâtif, chasselas de Provence, chasselas rouge, chasselas rose, chasselas royal et blanquette: voici les six premiers cépages décrits dans «Viticulture et vinification». Cet ouvrage en cyrillique publié à Odessa en 1854 fera autorité dans les vignobles russes pendant près d’un demi-siècle. Selon l’auteur, Karl Tardent, la blanquette, un clone de chasselas que l’on connaît en Suisse sous la dénomination de blanchette, est aussi appelé telti-kuruk, un terme turcophone signifiant «queue de renard». Lorsque le Mondial du Chasselas a appris que l’entreprise ukrainienne Shabo commercialisait un Telti-Kuruk Réserve, une certaine excitation s’est emparée des organisateurs de ce concours aiglon. L’héritage de ceux que le journaliste Olivier Grivat a baptisé «les vignerons suisses du tsar» aurait-il survécu pen-

dant plus d’un demi-siècle au sud-est de l’Europe? Le docteur José Vouillamoz, spécialiste de l’ADN des cépages et Commandeur des Vins Vaudois, répondra hélas par la négative. Il n’y aucun lien de parenté entre le telti-kuruk, variété autochtone, et le grand cépage blanc lémanique.

Le parcours effectué par le premier convoi en 1822. (Musée Shabo, concept et réalisation Hugo Schaer)

Shabag – The Saga of Settlers from Vaud Two centuries ago, Alexander 1, the Emperor of All Russia, invited wine-growers from the Lavaux region to settle on the shores of the Black Sea. For 120 years, periods of prosperity and development alternated with periods of plague and geopolitical upheavals. The wine-making settlement known as Shabag disappeared in 1944, but its extraordinary story has left traces that are still visible today in the vineyards of Ukraine and the region of Vaud.

White Chasselas, Early Chasselas, Provence Chasselas, Red Chasselas, Rosé Chasselas, Royal and Blanquette Chasselas: these are the first grape varieties described in Viticulture and Wine-Making, a book by Karl Tardent, published in Russian, in Odessa in 1854, and long recognised by Russian wine producers as an authoritative guide. Chasselas prospered in Shabag for over a century.

A rural commune situated in the Odessa Oblast, in Ukraine, Aşa-abag, which means ‘lower gardens’ (as vineyards were called in those days), was founded in the sixteenth century by the Tatars. Following the 1812 Treaty of Bucharest, the Budjak region, which was part of the Ottoman Empire, came under Russian control and was renamed Bessarabia. The czar Alexander l, who had just defeated Napoleon, had maintained close ties with his former priLe Guillon 56_2020/1  43


De g. à dr. Partie de chasse en plein hiver russe. Les colons prévoyants n'oublient pas d'emporter un petit tonneau de vin Des colons devant une de leurs maisons dans les années 1920

vate tutor from Vaud, Frédéric César de Laharpe, who became one of his leading political advisors. The czar therefore granted significant privileges to the Swiss who came to settle in Shabag: religious freedom, a ten-year exemption from all forms of tax and exemption from military service (which at the time lasted for 25 years!). Above all, each family of settlers received just over 65 hectares of agricultural land. With Europe in ruins after the Napoleonic Wars, this was a tempting offer. On August 13th, 1820, the Lavaux wine-growers entrusted Louis-Vincent Tardent, a notable citi44

Du Léman au Liman Pendant plus d’un siècle, le chasselas a pourtant prospéré à Chabag. Commune rurale de l’oblast d’Odessa, en Ukraine, Acha-Abag, qui signifie «les vignes d’en bas», est fondée au 16e siècle par les Tatars. Suite au traité de Bucarest, signé en 1812, la région du Boudjak, une province de l’empire ottoman, passe sous contrôle russe qui la rebaptise Bessarabie. Comme souvent, à cette époque, les perdants sont priés de déguerpir tandis que l’on repeuple les zones nouvellement conquises par des habitants plus en adéquation avec le nouveau régime. Alexandre Ier, vainqueur de Napoléon, entretient des liens étroit avec le Vaudois Frédéric-César de Laharpe, qui fut son précepteur et qui reste l’un de ses principaux conseillers politiques. Le tsar accorde donc aux Suisses qui viendraient s’établir à Chabag des avantages importants: liberté de religion, exemption de

tout impôt pendant dix ans et dispense du service militaire (qui dure à l’époque 25 ans!). Surtout, chaque famille de colon reçoit 60 déciatines de terres cultivables, soit un peu plus de 65 hectares. Dans une Europe ruinée par les guerres napoléoniennes, l’offre se révèle tentante. Le 13 août 1820, des vignerons de Lavaux chargent une personnalité de Vevey, Louis-Vincent Tardent, d’aller reconnaître le terrain. Vigneron, aventurier, érudit – il tissera des liens d’amitié avec Pestalozzi comme avec Pouchkine – ce personnage revient enthousiasmé des bords du Liman (une lagune spécifique au bas-Danube) du Dniestr.

zen of Vevey, a wine-grower, an adventurer and a scholar, with the mission of carrying out a survey of the land. He came back full of enthusiasm for that area situated around the Liman Lagoon of Dniestr (Lower Danube).

ty-three. It stipulated that every family must bring a Bible and a rifle! Swiss domestic servants, who had served satisfactorily for six years, could become full members of the colony, if they married. Finally, future settlers would include only “Swiss nationals who were recognised as being honest people and good farmers and possessed some skill that could be useful to the community”. One month later, a group of some 30 people, half of whom were children, left Vevey on a 2,500-kilometre voyage. The first few years were not easy: communication routes were impracticable and ad-

The Russian century On June 18th, 1822, six household heads signed an agreement that would govern the functioning of the future settlement. This document provided for the formation of a municipal authority and a general council made up of all members of the colony over the age of twen-

Le siècle russe Le 18 juin 1822, à Vevey, six «chefs de famille» signent une convention qui règle le fonctionnement de la future colonie. Ce document prévoit la création d’une municipalité et d’un conseil géné-


ral, composé de tous les membres de la colonie de plus de 23 ans, dès l’arrivée à Chabag. Il stipule que chaque famille doit emporter une bible et une carabine! Il précise que les domestiques suisses qui auront servi à satisfaction pendant six ans pourront devenir, s’il se marient, membres de plein droit de la colonie. Enfin, ne sera accepté comme futur colon que «tout Suisse reconnu honnête et bon agriculteur ou pouvant être utile par quelque art à la communauté». Un mois plus tard, un cortège d’une trentaine de personnes – dont la moitié se compose d’enfants – quitte Vevey pour un périple de quelque 2'500 kilomètres. Les premières années se révèlent assez difficiles: les voies de communication sont peu praticables, l’administration tsariste se montre aussi tatillonne qu’ubuesque. Et lorsque les embûches initiales semblent surmontées, la petite communauté vaudoise doit faire face à la peste, ramenée

par les armées russes logées dans le village lors de la guerre de 1828-1829 contre les Ottomans. Fidèle à leur devise «Ora et labora», les colons vaudois prient et travaillent. Selon des documents ukrainiens les 52 Suisses de Chabag possédaient

ministrative red tape was a burden. No sooner had the initial difficulties been overcome, the little community from Vaud was faced with the plague brought by Russian soldiers who were staying in the village at the time of the 1828-1829 Russo-Turkish war. Faithful to their motto Ora et labora, the settlers prayed and worked. According to a Ukrainian document, in 1825 the fifty-two Swiss inhabitants of Shabag owned 104,000 vines. One generation later the number rose to 200,000 and the founders’ grandchildren had as many as three million. One wine-grower, Charles, or

Karl, Tardent, made a name for himself: he created different new grape varieties and was recognised as one of the leading Russian experts in viticulture and wine-making. With the abolition of serfdom (1861) and the withdrawal of the privileges granted by Alexander I (1871), the Swiss wine-making colony became a Russian commune inhabited by Swiss people. Shabag continued to prosper for half a century despite the upheavals caused by the death throes of the tsarist empire. Some settlers left Russia in search of more welcoming lands. Some twenty Shabag settlers arrived in Sydney

Ci-dessus photo et dessin: vigne grande échalassée, production jusqu'à 100 litres de vin par cep (Tardent, 1854)

in 1885, while others tried their luck on the American continent. Among these exiles, Henry Tardent was undoubtedly the most famous. Born in Ormonts in 1853, he arrived in Shabag in 1872, disembarked in Brisbane in 1887 and went on to become the director of the first state farm in Queensland. Closely connected to the first Labour prime minister, he had a considerable influence on drafting the Australian Constitution. The Romanian interlude According to the Treaty of Versailles of June 28th, 1919, Bessarabia was ceded 45


Verre vaudois et foudres de vinification: les classiques de Lavaux ont pris racine dans les caves de Bessarabie

Les photos sont tirées du livre «Les vignerons du Tsar» d'Olivier Grivat

104'000 ceps de vigne en 1825. Ils en cultivaient 200'000 une génération plus tard et les petits-enfants des fondateurs soignaient près de trois millions de plants. Des vignerons se distinguent à l’instar de Charles, ou Karl, Tardent. Ce dernier crée divers nouveaux cépages et est reconnu comme l’une des autorités russes en matière de viticulture et de vinification. On peut aussi citer Daniel Dogny, spécialiste de l’élaboration de vins effervescents, dont la réputation dépasse largement les frontières de l’Empire russe. L’abolition du servage (1861) et la suppression des avantages accordés par Alexandre Ier (1871) transforment la colonie viticole helvétique en une commune russe peuplée de Suisses. Pendant un demi-siècle, Chabag prospère malgré les soubresauts de la lente agonie de l’Empire tsariste. Certains colons décident d’ailleurs de quitter la Russie pour trouver une terre plus accueillante. En 1885, une vingtaine de colons de Chabag débarquent à Sydney.

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Die Heldensaga von Chabag

officialisée par Molotov et Ribbentrop est rompue en 1941 et la Roumanie, alliée de l’A xe, reconquiert la Bessarabie. En janvier 1942, le gouvernement du roi Michel annonce que «les réfugiés suisses de Bessarabie peuvent rejoindre librement leurs foyers». Une année plus tard, on recense à nouveau 140 habitants dans un village qui a énormément souffert des combats et des pillages.

L’intermède roumain Le traité de Versailles du 28 juin 1919 rétrocède la Bessarabie à la Roumanie. Chabag devient Şaba. Si la colonie helvétique échappe aux atrocités de la guerre civile et de l’Holodomor (l’extermination par la faim orchestrée par le régime soviétique qui fera plusieurs millions de victimes en Ukraine), la fermeture du marché russe signifie la fin de la prospérité. Vingt et un ans plus tard, jour pour jour, l’Armée Rouge entre dans Chabag. Les Suisses ont reçu un télégramme lapidaire des autorités consulaires helvétiques la veille en fin de soirée: «Faites vos valises!» Certains partent pour Bucarest, d’autres ont suivi les colons allemands de Bessarabie (autorisés à rentrer dans le Reich suite à la signature du Pacte germano-soviétique de 1939), les plus avisés rentrent en Suisse. Toutefois, la guerre est loin d’être terminée. La belle amitié

Un vignoble ukrainien L’épopée vaudoise connaît son point final en août 1944 lorsque les troupes soviétiques font leur retour sur les rives du Dniestr. La plupart des ressortissants helvétiques reviennent en Suisse «plus pauvres que leurs aïeux n’étaient partis jadis», tandis que beaucoup de ceux qui n’ont pas pu ou pas choisi de faire leurs valises connaîtront la déportation. Le rideau de fer s’entrouvre en 1988 lorsque qu’un groupe d’anciens habitants de Chabag revient à la «cave départ», pour citer les mots d’Olivier Grivat, le journaliste de 24 Heures qui les accompagne. Celui-ci termine son ouvrage «Les vignerons suisses du tsar» qui a largement inspiré cet article par ces mots: «Le nouveau Chabag? Il appartient aux seuls Ukrainiens de l’entretenir ou de le reconstruire. D’y créer peut-être un musée à l’intention des anciens colons suisses et allemands et de leur descendants…» Mais ça, c’est une autre histoire que nous vous conterons dans un prochain article de cette série sur la plus grande épopée du vignoble vaudois.

to Romania. Shabag became Şaba. Even though the Swiss settlement escaped the atrocities of the civil war and the Famine-Genocide (the famine orchestrated by the Soviet regime that killed millions of Ukrainians), the closure of the Russian market marked the end of prosperity. Twenty-one years later to the day, the Red Army entered Shabag. The evening before, the Swiss received a curt telegram from the Swiss consular authority: “Pack your bags!” Some left for Bucharest, others followed the German settlers from Bessarabia, who were authorised to return to the Reich after

the signing of the Nazi-Soviet Pact in 1939, while those who were most aware of the political situation went back to Switzerland. But the war was far from ended. Romania, a member of the Axis, took over Bessarabia. In January 1942, king Michael’s government declared that “the Swiss refugees from Bessarabia can return freely to their homes”. So, a year later, after enduring fighting and pillage, the village once again had a population of 140 inhabitants. The final act of the saga of the settlers from Vaud took place in August 1944 when Soviet troops returned to the

© Pascal Besnard

D’autres préfèrent tenter leur chance sur le continent américain. Le plus célèbre de ces exilés est sans doute Henry Tardent. Né aux Ormonts en 1853, arrivé à Chabag en 1872, il accoste à Brisbane en 1887 et devient directeur de la première ferme d’Etat du Queensland dix ans plus tard. Proche du premier travailliste à devenir premier ministre, ce correspondant de la Gazette de Lausanne et de plusieurs journaux australiens décédé en 1929 aura une influence non négligeable sur la rédaction de la constitution australienne. Plusieurs rues à Canberra et dans le Queensland portent aujourd’hui son nom.

Chariot Tardent à Chexbres, à la mémoire des vignerons suisses fondateurs de Chabag. Œuvre réalisée par l'artiste Hugo Schaer

shores of the Dniester river. Most of the Swiss left for Switzerland “poorer than their ancestors had been when they departed”, while many of those who were unable or chose not to pack their bags were deported. In 1988, when cracks appeared in the Iron Curtain, a group of former inhabitants of Shabag made the journey home, accompanied by the 24 Heures journalist Olivier Grivat. This article was largely inspired by his book, The Tsar’s Swiss Winemakers.

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Texte: Eva Zwahlen Photos: Pascal Besnard

Villeneuve, bis! Pour la troisième fois consécutive, les Lauriers de Platine de Terravin consacrent un vin du Chablais! Le Villeneuve grand cru du Domaine des Hospices cantonaux a décroché le titre, soit la plus haute distinction qui récompense un chasselas vaudois. L’humain derrière le produit? Une femme! C’est une première. «Nom de bleu, on a gagné?!» Abasourdie, elle répète plusieurs fois cette phrase. Elle, c’est Marjorie Bonvin, qui, à l’annonce que «son» chasselas a remporté les 12e Lauriers de Platine, regarde avec de grands yeux incrédules Philippe Meyer, le directeur des domaines cantonaux. Il confirme. Elle laisse éclater sa joie. Un chouïa meilleure «Ça a duré quelques jours avant que j’y croie vraiment», raconte, beaucoup plus tard, Marjorie. Depuis 2014, la Valaisanne travaille comme maître caviste chez Badoux à Aigle, où, au début, elle ne s’occupait «que» de vinifier les vins des Hospices cantonaux de Villeneuve. Depuis, elle est également en charge de la vinification des prestigieux vins du Clos de Chillon et de 48  Le Guillon 56_2020/1

toute la gamme Badoux. Deuxième (eh oui, seulement…) femme à avoir achevé la formation de maître caviste, elle a attrapé le virus dans les vignes de son grand-père: «Pour moi, il était totalement inimaginable de ne pas travailler dans la branche!» Même si, comme jeune femme, il faut encore savoir s’imposer pour être respectée… Marjorie se souvient trop bien des stupides commentaires entendus à Bordeaux du style «une femme n’a rien à faire dans une cave»: «Cela m’a seulement stimulée et démontré qu’en tant que femme il fallait être un chouïa meilleure que les hommes.» Aujourd’hui elle jouit pleinement de la confiance de ses supérieurs: «Je discute naturellement beaucoup avec Philippe Meyer et Daniel Dufaux, le directeur de Badoux, mais tous les deux me laissent parfaitement libre.»

Philippe Meyer, Alsacien d’origine, formé comme œnologue à Reims et ancien œnologue cantonal vaudois, vinifie les vins du Domaine de Marcelin, où il est aussi chargé d’enseignement. Responsable des domaines cantonaux, à Villeneuve, il a un rôle de superviseur. «Marjorie et moi avons toute confiance l’un en l’autre, nous nous comprenons complètement, affirme-t-il. Il n’y a que pour les rouges, où nous avons chacun un style différent.» Et en quoi consiste cette différence? Il explique en riant: «Marjorie préfère des vins très extraits, masculins, tandis que moi, je les aime plus ronds, plus féminins.» Pour ce qui est des blancs, ils partagent la même vision. «Nous laissons beaucoup de temps à notre chasselas, détaille la maître caviste, d’abord le moût est débourbé durant quatre à cinq jours, soit plus longtemps que d’habitude, puis la fermentation alcoolique se fait par 16 à 18 degrés, extrêmement lentement. Le vin est élevé sur lies fines dans des foudres de bois de


Lauriers de Platine blanc 2019

Nouveau triomphe pour Villeneuve En présence du conseiller d’Etat Philippe Leuba et du parrain de la manifestation, le chef étoilé Frank Giovannini, un jury composé d’une trentaine de professionnels du vin, sommeliers et journalistes spécialisés, a désigné, le 21 novembre 2019 à Crissier, les vainqueurs de la 12e édition des Lauriers de Platine de Terravin. Les 16 finalistes du millésime 2018 (6 Lavaux, plus 3 Calamin, 5 du Chablais, 1 de La Côte, 1 des Côtes de l’Orbe) restés en lice sur les 409 «coqs» (qui avaient obtenu le Label d’Or Terravin durant l’année) ont été dégustés et notés par séries de quatre, selon un système de coupe. Comme l’an dernier, le vainqueur est un Villeneuve, mais cette fois-ci, il ne s’agit pas du chasselas de l’ex-coopérative. (de g à d): Les vainqueurs, Marjorie Bonvin et Philippe Meyer et leur Villeneuve grand cru, Chablais AOC, des Hospices Cantonaux Louis et Jean-Luc Blondel, 3e 2e et 4e places pour la Commune de Bourg-en-Lavaux, représentée par Daniel Lambelet, Nicole Gross (municipale), Christophe Lehmann et Gaël Cantoro

6’300 litres. «C’est un produit vivant et cela ne lui fait aucun bien d’être stressé – comme à nous non plus – c’est pour cela que nous ne mettons jamais notre vin en bouteilles avant le mois d’avril», explique Marjorie. Double victoire Le vainqueur (6’000 bouteilles à 14 fr. 30) est un vif chasselas plein d’éclat, porté par une fine acidité et une légère note structurante d’amertume en finale. Ses raisins ont poussé à Villeneuve sur des sols caillouteux; 5 hectares en tout. Les vignes sont cultivées par des vignerons-tâcherons dont l’un, Adrien Gosteli, s’avère le mari de Marjorie. Au temps où le futur lauréat sommeillait encore dans son fût (vase N° 26), il plaisait déjà beaucoup à Marjorie. «Elle me disait: tu vas voir, celui-là, il ira loin, raconte Philippe Meyer, et elle avait raison!» Après le palmarès, le téléphone s’est déchaîné. De futurs nouveaux clients voulaient déguster le

vin, et puis beaucoup en ont immédiatement recommandé. Mais le meilleur client reste le propriétaire des vignes, le CHUV à Lausanne, qui achète en gros 40% de la production. Pas tant pour les patients que pour agrémenter certains banquets… Philippe Meyer a eu presque mauvaise conscience de voler la victoire à la commune de Bourg-en-Lavaux – qui effectivement a deux vins (vinifiés par les Frères Dubois à Cully) classés parmi les quatre premiers. Mais pour Marjorie comme pour Philippe, les Lauriers de Platine sont le nec plus ultra, la plus prestigieuse des distinctions pour un chasselas. Et encore plus dans ce magnifique millésime 2018, alors qu’il était «impossible de faire un mauvais vin», comme le souligne Marjorie, et oui, la concurrence était rude. «Et en plus, c’est le premier vainqueur à être vinifié par une femme!», dit-elle doublement heureuse.

1er Villeneuve Grand Cru Domaine des Hospices cantonaux, Villeneuve (Chablais AOC) 2e Calamin Grand Cru Commune de Bourg-en-Lavuax, Cully (Calamin AOC) 3e Pré-Lyre Jean-Luc Blondel, Cully (Lavaux AOC) 4e Villette Grand Cru Commune de Bourg-en-Lavaux, Cully (Lavaux AOC)

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CAVE DE LA CÔTE | société coopérative | Chemin du Saux 5 | CH-1131 Tolochenaz (VD) T +41 21 804 54 54 | F +41 21 804 54 55 | E-mail : info@cavedelacote.ch | www.cavedelacote.ch


Grand Prix du Vin Suisse 2019 Texte: Alexandre Truffer

Le Graal pour la Cave de la Côte Après avoir remporté tous les autres titres, la Cave de La Côte devient Cave Suisse de l’année lors d’une treizième édition du Grand Prix du Vin Suisse de tous les records. Si le canton de Vaud remporte pour la troisième fois le titre suprême, il réussit aussi une remarquable performance d’ensemble dans les rouges. passer de 2715 vins (en 2010) à 3259. A l’inverse, la proportion de distinctions décernées n’a pas varié. Ce qui signifie que 2300 concurrents sont repartis sans la moindre médaille, que 3219 vins n’ont pas reçu de trophée lors du gala de Berne et que près de 500 producteurs auraient aimé être à la place de Julien Hoefliger et de son équipe le 24 octobre. Des chasselas triomphants 2018 avait déjà été une bonne année en termes de résultats dans les grands concours pour la Cave de la Côte. Dans notre édition de printemps, Rodrigo Banto, l’œnologue en chef et son adjoint, Fabien Coucet, posaient fièrement avec le Prix Vinissimo Rouge reçu au GPVS 2018. Ce coup de cœur du jury a été attribué au Gamaret Inspiration 2015,

© VINEA by Olivier Maire

En 2019, la Cave de la Côte fêtait ses nonante ans. Cette coopérative, regroupant 1800 parcelles appartenant à 300 producteurs, a fêté son anniversaire de belle manière en s’adjugeant, fin octobre 2019, le titre le plus convoité du Grand Prix du Vin Suisse, celui de Cave de l’Année. Après le Domaine de la Ville de Morges en 2015 et les Frères Dutruy en 2017, la «vieille dame» de Tolochenaz a confirmé le potentiel de la plus grande des AOC vaudoises. En préambule, il semble intéressant de rappeler quelques chiffres, surtout à ceux qui aiment susurrer au Café du Commerce que «les médailles tuent les médailles» et qu’il y a «trop de concours». En dix ans, cette compétition organisée par le magazine VINUM et l’association VINEA a vu le nombre de crus inscrits

Près de 3'500 bouteilles ont été ouvertes lors du Grand Prix du Vin Suisse 2019

Top Awards for Cave de La Côte In 2019, the Cave de La Côte cooperative that brings together 300 producers and their combined 1,800 parcels, celebrated its 90th anniversary in style. At the end of October, at the Grand Prix du Vin Suisse (GPVS), they were awarded the most coveted distinction of Cellar of the Year. In the footsteps of Domaine de la Ville de Morges in 2015 and Frères Dutruy in 2017, the Tolochenaz cooperative confirmed the potential of the largest AOC in Vaud. Some figures are

worth mentioning here, especially for people who like to complain that there are too many competitions. In the ten years since 2010, the GPVS which is organised by the VINUM magazine and the VINEA Association, saw the number of entrants rise from 2,715 wines to 3,259, while the proportion of distinctions awarded remained unchanged. That means that in 2019, 2,300 competitors left the competition without a medal, that 3,219 wines did not receive

a trophy at the gala in Bern, and that on 24th October about 500 producers would have liked to be in the place of the winner, Julien Hoefliger and his team. Two Cooperative wines, Coteau d’Aubonne Esprit Terroir 2018 and Luins Bravade Esprit Terroir 2018 beat the other 436 Chasselas contestants to win first and second prize. In addition, together with 19 other wines that were awarded both gold and silver at the competition, they obtained a national disLe Guillon 56_2020/1  51


© VINEA

L'équipe de la Cave de La Côte (Gilles Cornut, Michael Widmer, Julien Hoefliger, Sylvie Camandona, Fabien Coucet et Rodrigo Banto), célèbre le titre suprême, celui de Cave Suisse de l’année

vainqueur de la catégorie «Gamaret, Garanoir et Mara purs». En automne, Julien Hoefliger et Sylvie Camandona (responsable des ventes) dévoilaient le trophée de «champion du monde» du Mondial du Chasselas 2018 qui couronnait le Mont-sur-Rolle La Montoise Esprit Terroir 2017. A l’occasion, le directeur expliquait que «ce magnifique résultat démontre notre savoir-faire dans ces vins symboliques qui il-

lustrent la diversité de la région». Julien Hoefliger rappelait aussi que: «ce Montsur-Rolle côtoie dans la gamme Esprit Terroir six autres chasselas, donc le Morges Vieilles Vignes. Celui-là même qui a remporté le Mondial du Chasselas 2016». Ce qu’il ne savait pas encore, c’est que deux des quatre autres crus estampillés Esprit Terroir allaient s’imposer dans la catégorie Chasselas du Grand Prix du Vin Suisse 2019. Devançant 436

autres chasselas, fendant ou Gutedel, le Coteau d’Aubonne Esprit Terroir 2018 et le Luins Bravade Esprit Terroir 2018 ont offert à la Cave de la Côte un magnifique doublé. Ils ont également – associés en cela aux 19 autres vins qui ont glané une médaille d’or et d’argent lors du GPVS 2019 – offert à la coopérative le titre national qui dépend de trois critères: le rapport entre vins présentés et vins médaillés (or et argent), le

tinction which is based on three criteria: the ratio between the number of wines presented and gold and silver medals obtained; the number of wines nominated; and the number of wines taking first to third place.

some years now by Rodrigo Banto, the talented Swiss-Chilean oenologist who has been overseeing vinification since 2003. He has the support of a dozen or so collaborators, Fabien Coucet his assistant explains: “The winemaking is headed by Rodrigo Banto, with Giles Cornut as technical director. Each cellar has a master. At Nyon, Pierre Framorando has two employees to help him. At Tolochenaz, the cellar master is Marc-Henri Demont, who has four qualified assistants and three apprentices”. These individuals are all involved in the winemaking process, from the arrival of

the harvested grapes, through fermentation and ageing, right up to the bottling. They vinify Premiers Grand Crus as well as vin du pays. The grapes come from an area of 450 hectares, that is almost a quarter of the La Côte vineyards. Cave de la Côte markets almost three million bottles of Chasselas, a variety that only represents half the grapes vinified by the cooperative. That goes to prove that, in the world of wine, quantity and quality and are not necessarily incompatible.

A collective triumph By definition, a cooperative is an association that is owned and democratically governed by its members. That implies that the triumph of Cave de La Côte is based on the talents of the cellar and vineyard workers. This quality message has been communicated for 52

www.cavedelacote.ch


Grand Prix du Vin Suisse 2019

Les lauréats vaudois L’édition 2019 du Grand Prix du Vin Suisse a vu s’affronter 3259 vins venus de 21 cantons viticoles parmi lesquels Jura, Glaris, Uri et Bâle-Ville. Avec 778 crus en compétition, Vaud tenait largement son rang de deuxième région viticole du pays. Outre le titre suprême et la victoire dans la catégorie gamay, les vignerons vaudois sont montés sept fois sur le podium, et ce, dans cinq des treize catégories du concours national. Contrat parfaitement réussi dans les chasselas puisque le Champ-Noé du Domaine Blondel rejoint le duo de la Cave de la Côte. Belle satisfaction aussi du côté des gamay puisque le Combaz-Vy 2017 du Domaine des Afforêts monte sur la deuxième marche du podium. Doublé aussi, mais à la deuxième et troisième place, dans la catégorie «Gamaret, Garanoir et Mara purs» grâce au Gamaret Soliste 2017 des Artisans Vignerons d’Ollon et au Gamaret de Novembre de Bolle et Cie. Autre preuve de la qualité des rouges lémaniques: la troisième place de l’Excellence 2017 de la Cave de la Rose d’Or dans les assemblages rouges. Et pour fêter tout ça? Pourquoi ne pas choisir un La Capitaine Biodynamie 2017 du domaine éponyme qui s’est emparé de la médaille de bronze chez les vins effervescents. L’intégralité des résultats et des médailles sont consultables sur le site: www.grandprixduvinsuisse.ch

nombre de vins nominés et le nombre de vins lauréats (1ère à 3e place du podium). Une victoire collective Par définition, une coopérative est une association où la propriété est collective et le pouvoir est exercé démocratiquement. Ce qui implique que la victoire de la Cave de la Côte repose sur les talents de nombreux acteurs à la cave comme à la vigne. Pour des raisons de communication, ce message de qualité est incarné depuis plusieurs années par Rodrigo Banto, le talentueux œnologue helvético-chilien qui a pris la direction de la vinification en 2003. Il peut s’appuyer sur une douzaine de collaborateurs que nous présente son adjoint. «Dans le pôle œnologique proprement dit, qui dépend du directeur technique Gilles Cornut, on trouve au sommet Rodrigo Banto secondé par son bras droit, ou parfois gauche, moi-même, rigole Fabien Coucet. Ensuite, il y a un responsable par cave. A Nyon, Pierre Framorando dispose de deux employés pour l’aider. A Tolochenaz, le chef de cave s’appelle Marc-Henri Demont. Il peut compter sur le soutien de quatre

cavistes qualifiés et de trois apprentis.» Cette douzaine de personnes s’occupe de la vinification – de la réception de la vendange jusqu’à la mise en bouteilles, en passant par la gestion des fermentations et l’élevage – de quelque 450 hectares, soit près d’un quart du vignoble de La Côte. Vinifiant aussi bien des Premiers grand crus que du vin de pays, La Cave de la Côte met sur le marché près de trois millions de cols de chasselas, un cépage qui représente encore la moitié des raisins encavés par la coopérative. Ce qui prouve que, parfois, dans le monde du vin quantité et qualité peuvent cohabiter. www.cavedelacote.ch

Gamay: autre classique, autre victoire «Parler de situation difficile pour le gamay n’est pas tout à fait exact, nuance Charles Rolaz, l’administrateur de la maison Hammel. Il y a en effet surabondance de gamay lambda. Cependant, lorsque le vigneron, le terroir et la qualité de la vinification apportent une réelle plus-value, ces «gamay plus» trouvent leur public.» Et ce sont bien deux «gamay plus» qui ont séduit le

jury du GPVS 2019. Arrivé deuxième, le gamay Combaz-Vy 2017 du Domaine des Afforêts a été élevé en barrique. Quant au vainqueur, Les Ecots Clos de la George 2018, c’est, comme l’explique Charles Rolaz: «un gamay planté en gobelet à haute densité, 12'000 pieds à l’hectare, sur des terrasses du Clos de la George à Yvorne. Les fermentations, relativement longues, ont lieu dans des cuves tronconiques en chêne. Le vin est ensuite élevé en partie en cuve et en partie en barriques de chêne français pendant douze mois.» Si la précision apportée par l’entreprise de Rolle dans la vinification de ses rouges est largement reconnue, Charles Rolaz précise que: «ce vin naît d’un terroir particulier. Les terrasses du Clos de la George sont construites sur de la moraine rhodanienne très calcaire. Elles bénéficient d’une excellente exposition. Il faut aussi insister sur le côté très artisanal de notre travail à la vigne et à la cave. Les vendanges, bien entendu manuelles, se font dans des petites caisses pour préserver l’intégrité du fruit. Au final, la vinification ne fait que traduire la qualité du fruit et du terroir.» www.hammel.ch 53


The Grand and Small Councils ambassadors to the other Swiss cantons and neighbouring Savoie. All these activities are organised by the Small Council made up of eight executive members. They include the Governor of the Confraternity, accompanied by two Lieutenants, one of whom bears the title of Constable (a sort of prime minister in charge of the overall organisation); a Legate, the head of the Prefects; a Chancellor, in charge of external communication; a Notary, our secretary; a Treasury Advisor, who manages the finances; and finally, a Provost who is in charge of the welcoming and thanking protocols.

© Edouard Curchod

The Confrérie de Guillon, with its membership of over 4,000 men and women, is governed by a Grand and a Small Council. The fifty-strong Grand Council has clearly defined objectives. Its members include Chantres and Clavendiers who are in charge of presenting the wines and the meals, and introducing notable personalities; Commissioners who are in charge of event timing; a Maisonneur in charge of selecting the caterers; a Columnist in charge of informing the Guillon’s wine review of our activities; Chief Heralds, who are the masters of ceremony of our banquets; a Cellar Master who is in charge of wine procurement; and Prefects who act as the Confraternity’s

Claude Piubellini, Provost

TM Grand Cru – AOC Lavaux / Vin du château château de de Chillon Chillon TM Chasselas et assemblage de trois cépages cépages:: Gamaret, Gamaret, Garanoir et Merlot.

Vinifi Vinifiéé par par Badoux-Vins Badoux-Vins dans dans la la cave cave de de la la forteresse, forteresse, ce vin est à déguster à l’espace « La Verrée ce vin est à déguster à l’espace « La Verrée Vaudoise Vaudoise»» dans dans la la salle salle du du Châtelain. Châtelain. En En exclusivité exclusivité àà la la boutique boutique et et au au bazar bazar du du château château ou ou sur: sur: www.chillon.ch/Z5042 www.chillon.ch/Z5042

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Message du gouverneur Jean-Claude Vaucher

Soyons chauvins... L’économie vitivinicole suisse et vaudoise vit des temps difficiles et la crise que subit le secteur a déjà été abondamment relayée par les médias. La situation n’est en fait pas exceptionnelle car malheureusement, et de manière cyclique, des dépressions économiques touchent le monde du vin. Pour rappel: notre Confrérie a été fondée en 1954 lors d’une des pires crises viticoles vaudoises, afin de sortir la profession du marasme. Aujourd’hui, son action promotionnelle est donc, plus que jamais, d’actualité. Ces dépressions économiques trouvent principalement leur origine dans un déséquilibre entre offre et demande imputable aux importantes fluctuations de récolte influencées par les caprices de Dame Nature. Nous pourrions en conclure qu’une simple gestion de l’offre avec l’introduction d’un système permettant de lisser les productions, comme «la réserve climatique» ou «le plafond limite de classement», permettrait de résoudre l’équation. A ce sujet, les milieux viticoles vaudois attendent toujours avec impatience la base légale fédérale nécessaire à l’introduction d’un tel instrument de gestion. Malheureusement, dans cette analyse – et c’est là que réside certainement la plus grande préoccupation – c’est bien la diminution constante de la consommation de vin qui est déstabilisante. Cette tendance semble dif-

ficile à inverser, malgré l’augmentation de la population. La baisse a surtout affecté la consommation de vins indigènes même si, selon les dernières statistiques fédérales, l’érosion est aujourd’hui plus forte pour les vins importés. Quoi qu’il en soit, la proportion de vin du pays bue en Suisse est trop faible en regard de son potentiel de production et de la qualité de ses crus. Il s’agit d’inverser cette tendance sans attendre. De nouvelles campagnes promotionnelles sur le plan national ont été annoncées en collaboration avec la grande distribution. C’est de bon augure. En plus, il est permis d’espérer que la tendance verte qui souffle sur les citoyens-électeurs, et la promotion de valeurs d’authenticité, de durabilité, de proximité et d’écologie qui lui sont liées, va jouer en faveur des produits de nos terroirs. Car si tous les consommateurs suisses se montraient davantage chauvins pour les vins de leur pays et de leur canton, à l’image de ce que savent faire nos amis valaisans chez eux, la crise viticole ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Alors encourageons-nous, montrons-nous solidaires de nos vignerons. Pensons chasselas et buvons vaudois. Vous qui êtes des prescripteurs d’opinion et qui lisez ce message, montrez l’exemple: soyez les meilleurs ambassadeurs des grands crus de nos coteaux!

Le Guillon 56_2020/1 55


56  Le Guillon 56_2020/1


Texte: Pascal Besnard, échotier Photos: Edouard Curchod, Phillipe Dutoit et Déclic

Des ressats d'automne en guise de prolongations de la Fête des Vignerons, le temps d'honorer la reine et les rois de la grande célébration veveysanne de l'été 2019. Un moment d'émotion particulier pour la confrérie du Guillon puisque parmi les vignerons-tâcherons récompensés figuraient le conseiller Jean-Daniel Suardet et le caviste Antonio (dit Toni) Figliola. En salle, la FEVI était aussi bien présente, physiquement, avec de solides escouades de CentSuisses et d'Hommes du Premier Printemps, pour ne citer que deux troupes; et verbalement, dans les présentations des chantres et clavendiers. Qui dit ressats des Rois pense aussitôt repas royaux, concoctés, d'abord, par Steve Willié du restaurant La Bagatelle à Gstaad, puis par l'impressionnante brigade de cuisine de l'Ecole Hôtelière de Lausanne, placée sous la haute autorité de Philippe Gobet. De l'aspic de foie gras de canard au saumon Swiss Alpine confit, du vol-au-vent de homard sauce Newburg au filet de chevreuil fumé au genièvre et bois de hêtre: les papilles exigeantes des hôtes de Chillon ont été récompensées, d'autant mieux que des crus vaudois de belles origines accompagnaient ces plats raffinés. Bref, des ressats dignes... de rois!

Les cinq rois et la reine de la Fête des Vignerons: Jean-Noël Favre, JeanDaniel Berthet (1er roi), Corinne Buttet, Antonio Figliola, Jean-Daniel Suardet (conseiller de la Confrérie du Guillon) et Jean François Franceschini

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Vendredi 25 octobre

Compagnon majoral Natacha Litzistorf conseillère municipale, Lausanne Compagnon juré Sylvia Berger acheteuse de vins et vins mousseux, Coop Compagnon Karin Bovet Pailly Loïc Brawand Vevey Deborah Dufaux Chernex Frédéric Gilliand Combremont-le-Grand Stéphane Krebs Blonay Benjamin Morel Valeyres-sous-Rances Steeve Pasche Colombier VD Pierre-Yves Poget Agiez Pascal Rais Blonay Jean-Michel Rapin Châbles FR Nicolas Rouge Giez Aurélien Vez Givrins Emmanuel von Graffenried Brent

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1) La reine Corinne Buttet s’applique: le tirer au guillon est parfaitement réussi 2) L’humour du tabellion Claude-Alain Mayor fait mouche, la rectrice Nouria Hernandez rit de bon coeur 3), 4) et 5) Quatre couronnés d’or pour un livre d’or: Antonio Figliola, JeanDaniel Berthet, Jean-Noël Favre et Jean-François Franceschini 58

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Ressats

Samedi 26 octobre

Compagnon d’honneur Nouria Hernandez rectrice de l’Université de Lausanne Compagnon juré Jean-Daniel Berthet vigneron-tâcheron, 1er roi FEVI 2019, Epesses Corinne Buttet vigneronne-tâcheronne, reine FEVI 2019, Chardonne Jean-Noël Favre vigneron-tâcheron, roi FEVI 2019, Aigle Antonio Figliola vigneron-tâcheron, roi FEVI 2019, Chexbres Jean-François Franceschini vigneron-tâcheron, roi FEVI 2019, Yvorne Compagnon Didier Ambeau Saint-Légier Jean-Marc Chollet Saint-Prex Marc Dupertuis Saint-Légier Nicolas Matthey-Doret Pully Eric Vergne Audincourt

4

5 59


Vendredi 1er novembre

Compagnon d’honneur Jacques Bourgeois directeur de l’Union Suisse des Paysans Compagnon ministérial Isabelle Joliquin présidente APS du Haut-Lac Compagnon Lionel Haas-Borer Sion Christian Oppliger Epalinges Stéphane Paschoud Forel (Lavaux) Arnaud Pollien Romanel-sur-Lausanne Arnaud Rey Lescure Veytaux Christian Secretan Rivaz

Samedi 2 novembre

Conseiller Michel Gfeller hôte du château de Rochefort, Allaman Compagnon Laurent Auchlin Montherod Jérôme Bernard Cully Edgar Brandt Chavannes-des-Bois Jean-Daniel Carrard Yverdon-les-Bains Nicolas Croci Torti Ollon VD Patrick Huber Lutry Henric Immink Nyon Vanina Nicolier Chevroux Thierry Pont Vessy Thomas Ramseier Thoune Pierre-Henri Revelly Crissier Markus Suter Schönenbuch Claude-Alain Turel Huémoz Marc Veraguth Epalinges

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Ressats

Vendredi 8 novembre

Conseiller Alain Barraud administrateur, associé DHR, Saint-Saphorin (Lavaux) Compagnon d’honneur Olivier Français Conseiller aux Etats (VD) Compagnon majoral Steve Willié chef du restaurant La Bagatelle, Gstaad Compagnon Christophe Andreae Lausanne Christian Borloz Val-d’Illiez Florian Burdet Ferreyres Gilles de Pari Cully Grégoire Galland Assens Joël Margueron Vuadens Yannick Ponnaz Lausanne Nils Rentsch Daillens Laurent Savoy Attalens

6) et 7) La relève est assurée: Michel Gfeller (robe brune) et Alain Barraud (robe rouge) sont ordonnés conseillers de la Confrérie du Guillon

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8) Le Conseiller aux Etats Olivier Français, pas encore réélu en ce 8 novembre, mais déjà souriant! 61


Samedi 9 novembre

Conseiller Matteo Huber architecte, urbaniste, encaveur, Sorengo Compagnon d’honneur Marco Romano président de l’Interprofession de la vigne et des vins suisses, Conseiller National (TI) Compagnon majoral Sophie Michaud Gigon secrétaire générale de la FRC, Conseillère Nationale (VD) Compagnon Gaspard Couchepin Martigny Christian Dupuis Féchy Laeticia Dutoit Chavannes-sur-Moudon Dieter Eberle Meggen Francis Guillaume Vauderens Sébastien Kulling Lausanne Marc Levivier Saint-Saphorin-sur-Morges Charly Monnard Rennaz Cédric Moret Perroy Markus Rogger Lucerne Gianfranco Rotta Torricella Pascal Savary Payerne Steve Schorderet Vulliens

9

Vendredi 15 novembre

Compagnon juré Louis Villeneuve directeur de salle du restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier Compagnon ministérial Roger Barindelli vigneron, Gai Compagnon Compagnon Stéphane Coendoz Martigny Stéphane Gass Mathod Olivier Jaquier Yverond-les-Bains François Lederrey Grandvaux Elena Lederrey Grandvaux Nicolas Suter Aubonne 62

11


Ressats

9) Le tirer au guillon? Un jeu d’enfant pour le néo-préfet tessinois, Matteo Huber. Alain Parisod apprécie 10) Le ruban de conseiller majoral pour le cuisinier Steve Willié (voir Soulevons le couvercle, page 72) 11) L’avocate des consommateurs reçue à Chillon par les promoteurs de la consommation (de vin vaudois). Sophie Michaud Gigon devient Dame compagnon majoral 12) Le Conseiller fédéral Ignazio Cassis, hôte fidèle des ressats, aux côtés de Marco Romano, néo-compagnon d’honneur. Les deux préfets du Tessin, le sortant Pierre Schulthess et son successeur, Matteo Huber les entourent 10

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Samedi 16 novembre

Compagnon d’honneur André Witschi président du Conseil de Fondation de l’EHL Compagnon majoral Virginie Faivre triple championne du monde de ski freestyle et présidente des JOJ 2020 Compagnon ministérial Salvatore Figliola vigneron, caviste de la Confrérie du Guillon Compagnon Errol Barclay Ollon VD Alexandra Calcagno La Tour-de-Peilz Romano Darni Gland Sébastien Durussel Yverdon-les-Bains Khany Hamdaoui Vevey Georges Magnin Chêne-Bougeries Nicolas Passaplan Fribourg Pierre Passaplan Fribourg Stéphane Perroud Mont-sur-Rolle Jean-Marc Seydoux Lausanne Thierry Steiner Yvonand Felix Werder Esslingen

13

13) Compétitrice talentueuse, triple championne du monde, Virginie Faivre réussit brillamment l’épreuve du tirer au guillon 14) et 15) Souriants et inspirés Mario Irminger et David Lappartient signent le livre d’or 16) Les prestations de serment, il connaît... Grégoire Junod, syndic de Lausanne, rejoint la Confrérie du Guillon 64

15

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Ressats

Vendredi 22 novembre Compagnon d’honneur Mario Irminger CEO de Denner SA David Lappartient président de l’Union Cycliste Internationale Compagnon ministérial Thimothée Dromelet trompes de chasse, champion suisse de basse Compagnon Pascal Dance Aran Philippe Ecoffey Lausanne Patrice Iseli Echallens Nicolas Imhof Vevey Grégoire Junod Lausanne Oscar Tosato Lausanne

Samedi 23 novembre 14

Compagnon d’honneur Claudine Wyssa présidente de l’Union des Communes Vaudoises Compagnon majoral Jérôme Zbinden chef des cuisines de l’EHL Claude-Alain Margelisch CEO de Swissbanking Tristian Gratier directeur de Pro Senectute Vaud Compagnon ministérial Natasha Fasquel responsable du caveau de la Confrérie du Guillon Compagnon Isabelle Amschwand-Pilloud Steffisburg Patrick Botteron Saint-Légier Stéphane David Prilly Vincent Hort Le Mont-sur-Lausanne François Küssenberger Cham Lionel Vaucher Londres

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Domaine de Sarraux-Dessous Photo: Régis Colombo/www.diapo.ch

W W W . B O L L E . C H OENOTHÈQUE LA LICORNE Rue Louis-de-Savoie 79, 1110 Morges - Tél. 021 801 27 74 - bolle@bolle.ch - www.bolle.ch


Propos de clavende

FEVI Blues © Edouard Curchod

Pascal Besnard, prévôt et chantre

Pire que le Baby Blues... voici le FEVI Blues... Ca me ronge depuis le 12 août... J’ai commencé comme choriste... Répétitions avec un chœur symphonique – bibi identifié et classé: basse 2... Ca veut dire tout au fond de la salle de répète, pas loin du radiateur... planqué à faire le bourdon... La planque n’a pas tenu longtemps: on m’a trouvé un autre rôle... Je suis passé de piètre choriste à pseudo docteur... Et docteur, ça voulait dire quoi? De Good Doctor au Dr Schweizer, du docteur Petiot au Dr Mengele... y’a de la marge...! Mais pas dou tout, a esspliqué Daniele Finzi Pasca, les tre dottore c’est comé danne Pinocchio... Bref, un trio de charlatans...Jérôme Aké Béda, Christophe Monney et votre serviteur... On nous a demandé de jouer «comique»... C’était pas toujours flagrant... Par exemple dans la «Taille»... Quelques centaines de figurants drapés dans des peignoirs de bain en lamé et coiffés de bonnets verts ressemblant à ceux des techniciens de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Et les trois docteurs sur la scène supérieure sud... solennels, portant des

capes de chevaliers teutoniques...

«Non, je les sens...!»

Comme les dignitaires de l’Ordre du Temple Solaire...

Le rôle de Docteur présentait des avantages: En tant que personnages du spectacle, on avait droit à une loge, comme au théâtre...

Pour faire rire on était chaussés de godasses de clown... Pour descendre un escalier, ça pouvait aller... Mais pour monter, ça se corsait... Vous savez ce qu’on dit: homme à grands pieds... homme à grande... Mais, pour les intéressés... l’avant de la chaussure est vide... c’est décevant... J’ambitionnais d’être Cent-Suisse... Pas l’ersatz... pas Cent pour Cent... Cent-Suisse historique... avec une pique ou une hallebarde... Au recrutement, j’ai plaidé l’élégance de la barbe... On m’a répondu: t’as pas la taille minimale, tu ne mesures pas 1 mètre 80... J’ai fait valoir la circonférence...pas valable, ont-ils rétorqué... de toute façon, t’es trop vieux... Ca m’aurait tellement plu, CentSuisse... Les Cent-Suisses, tellement fiers de leurs uniformes, qu’ils les portaient en permanence... Ca a duré trois semaines... Dialogue entendu début août à Vevey: «Ah, les Cent-Suisses arrivent...» «Moi je les vois pas... tu les entends...?»

Et on se met à imaginer... un canapé Chesterfield... un miroir encadré d’ampoules électriques... un frigo plein de bouteilles de chasselas... La réalité?... Une demi-douzaine de bonshommes cougnés dans un local borgne d’une dizaine de mètres carrés... et pas une goutte de chasselas! Le niveau de confort? Moins bien qu’un vestiaire de foot de ligue inférieure... Equivalent à celui d’un parloir de prison provinciale en Ouzbékistan... Au bout de quelques jours on avait été surclassés au niveau du vestiaire de foot... en termes olfactifs, j’entends... Le renouvellement de l’air était lié aux fuites d’eau... Lors des gros orages la loge était inondée... ce qui présentait l’avantage de coller la poussière au sol... Il fallait d’abord écoper... puis notre costumière séchait au foehn nos costumes détrempés durant toute la nuit... Mais finalement, vivre de l’intérieur la Fête des Vignerons 2019... c’était... fabuleux! Le Guillon 56_2020/1 67


1er Grand Cru

97.2/100

Coffret unique

6 millésimes 1er grand cru www.chatagnereaz.ch

Membre de l’Association Clos, Domaines & Châteaux LA NOBLESSE DES VINS SUISSES


Texte: Claude Piubellini, prévôt Photos: Edouard Curchod

Guillonneur de Savoie

Un feu d’artifice estival L'esplanade à l'heure de l'apéritif La bienvenue du préfet Bernard Vioud Le toujours délicat «tirer au guillon»

La Savoie dans ses plus beaux atours Convoqués trois jours avant l’équinoxe d’automne, c’est-à-dire encore en plein été, les participants au Cotterd de Savoie se sont retrouvés dans le cadre enchanteur et accueillant de l’hôtel-restaurant de la Verniaz (et ses chalets) sur la commune de Neuvecelle, soit à un jet de pierre de la commune acratopège d’Evian. Le premier test étant de trouver l’endroit, car, du fait de travaux à l’entrée d’Evian, les GPS helvétiques envoyaient valdinguer les véhicules sur d’improbables chemins de montagne ou ramenaient leurs propriétaires invariablement sur les routes coupées par un sens interdit lié au chantier. Mais une fois parvenus dans ce sanctuaire de verdure, déjà empreint du bon air savoyard, tout se présentait sous les meilleurs auspices. Un temps radieux, un ciel d’un bleu immaculé et une terrasse des plus accueillantes. L’établissement racheté par un fonds qatari à une famille d’hôteliers se trou-

vait sous la saine gestion d’un jeune directeur dynamique épaulé d’un chef talentueux. C’est donc assoiffés que quelques Conseillers arrivés en avance ont dégusté leur première bouteille apéritive de Mont-sur-Rolle, amenée fort à propos par l’amphitryon de la soirée, le conseiller Thierry Maurer. Un cotterd friand de vins vaudois Petit à petit sont arrivés les quelques cinquante convives qui participaient à cette manifestation gastronomique et bachique. Parmi les invités, on pouvait croiser Mme Josiane Lei, maire d’Evian et dame compagnon majoral de notre Confrérie ainsi que d’autres personnalités régionales. Et à l’heure dite, le préfet Bernard Vioud a lancé les festivités de ce septième cotterd de Savoie avec une rigueur et une bonhomie dignes d’un syndic de chez nous. En apéritif, nous avons dégusté le fameux la Côte AOC Mont-sur-Rolle 2018, domaine de Roliebot, vin qui fera ensuite partie des cinq chasselas à découvrir au concours Jean-Louis. Un Le Guillon 56_2020/1 69


QUALITÉ, ÉMOTIONS & PLAISIR

ARTISANS VIGNERONS D'Y VORNE SOCIÉTÉ COOPERATIVE

AVY.CH


Guillonneur de Savoie

A g. Le compagnon Bernard Fumex (futur vainqueur) en pleine dégustation Le conseiller Sandy Beetschen au service du Jean-Louis

Le conseiller vigneron Thierry Maurer, amphitryon de la soirée

mini tonneau amené sur place a même permis aux participants de s’entraîner au difficile (mais toujours amusant) exercice du tirer au guillon. Après ces moments empreints d’une grande convivialité, nous étions priés de passer à table dans une magnifique salle toute proche. Un Jean-Louis pas si facile La soirée a donc débuté avec le concours de dégustation présentant cinq vins des cinq régions viticoles vaudoises. Dégustés et commentés dans l’ordre par notre légat adjoint Michel Gfeller et notre conseiller Thierry Maurer, ils ont ensuite été resservis dans un ordre différent et dans des carafes; charge aux meilleurs dégustateurs de retrouver l’ordre exact des cinq verres présentés. Nous avions donc, hormis le Mont-sur-Rolle déjà indiqué, un Clos des Moines 2018 pour le Dézaley, un Saint-Saphorin la Redoute 2018 de la maison Obrist pour le Lavaux, un Yvorne Près-Roc 2018 pour le Chablais et un chasselas Cave de la Combe de la famille Marendaz pour le Nord Vaudois. Autant dire que bien des certitudes ont vacillé au moment de remplir la fiche de concours, certains copiant (à tort) sur d’autres de mauvais résultats, tant les vins présentés étaient de qualité

remarquable et difficiles à différencier. Au final, après dépouillement des bulletins, seules deux personnes ont trouvé la clé de répartition exacte, soit Bernard Fumex qui gagne ainsi deux places à un ressat au château de Chillon offert par la Confrérie du Guillon et Sylvie Niklaus, secrétaire de la Confrérie qui s’est vu offrir le même cadeau par le Cotterd de Savoie. Un repas digne d’étoiles C’est un festival pour les yeux et le palais qui va suivre avec un repas alliant à la gastronomie française les meilleurs crus vaudois présentés par Thierry Maurer, pas peu fier des produits de son domaine. Le nom du domaine de Roliebot (on prononce Roille-Bot) vient d’une légende locale qui raconte que les seigneurs du coin, agacés par les coassements des crapauds du voisinage envoyaient leurs gens taper sur l’eau des marais avec des bâtons pour faire cesser le tintamarre (de roiller = taper et bot = crapaud, en patois vaudois). Au menu se succéderont foie gras, puis maigre (c’est un poisson) et enfin caille désossée, avant d’attaquer fromages et dessert dont le simple souvenir ferait saliver d’envie les gourmands dans mon genre. Le tout accompagné des crus prestigieux

dont voici le catalogue: pinot gris grand cru 2018, chasselas 2017 Lauriers d’Or Terravin, l’Enjôleur Gamay 2018 (vainqueur de la catégorie Gamay à la sélection des vins vaudois), chasselas 2015, médaille d’argent au Mondial du chasselas 2016 et finalement un pinot gris 2017, vendanges tardives. Tous ces vins offerts avec générosité par notre conseiller vigneron, pour le plus grand bonheur des fins connaisseurs présents. Une fin de soirée tout en douceur Après ce repas magnifique, notre robuste préfet a adressé quelques mots pour remercier tous les participants à cette splendide soirée avant de passer la parole à votre serviteur pour le salut officiel de la Confrérie et la mise en exergue de l’excellence de l’accueil et de la qualité des mets et des vins proposés. Il n’en fallait pas plus pour donner tranquillement le départ aux imprévoyants forcés de rejoindre leur domicile par la route alors que les plus sages profitaient du gîte sur place en partageant un dernier flacon… pour la route! Voilà qui a clôturé en beauté la saison des cotterds 2019 de notre Confrérie. Nul doute que celui de Savoie en est devenu l’un des incontournables. 71


Texte: Claude-Alain Mayor, tabellion Photos: Edouard Curchod

Steve Willié, chef du restaurant La Bagatelle, Gstaad

Strasbourg – Gstaad, aller simple Tombé un peu fortuitement dans la marmite de la gastronomie, Steve Willié, natif de Strasbourg, accomplira toute sa formation dans la capitale alsacienne. A l’Ecole Hôtelière, pour être précis, où il décrochera un baccalauréat professionnel de cuisinier. Dès lors, sa trajectoire sera aussi rectiligne qu’ascendante.

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Soulevons le couvercle

Après quelques stages dans des établissements de renom (Château d’Isenbourg à Rouffach et Château Gütsch à Lucerne) et l’accomplissement de ses obligations militaires en Allemagne, il va mettre en 1994 le cap sur Gstaad, et à l’instar des jeunes filles au pair au sortir du tunnel de Chexbres, définitivement jeter son billet de retour. Il a par le passé effectué un passage à l’Olden – chez Jacques Bovier, frère d’Edgard –, mais va cette fois jeter son dévolu sur le Grand Chalet et son restaurant La Bagatelle, qu’il ne quittera plus. Chef de partie, sous-chef de cuisine, il est aux commandes de la brigade dès 2001. En 2008, il a l’occasion de reprendre l’établissement avec son compère Pedro Ferreira. Les deux codirecteurs se partagent désormais les responsabilités: à Pedro la salle et la cave (patronyme oblige), à Steve la cuisine. La Bagatelle, paradoxalement, n’a rien d’une sinécure: le restaurant est référencé au Guide Bleu suisse, au Michelin et au Gault & Millau depuis 1989 (16 points actuellement) et le nouveau chef exécutif entend bien le maintenir sur des sommets gastronomiques.

Dans sa mission, il s’appuie sur des valeurs simples et fortes: une cuisine classique, inspirée par la tradition, mais revisitée (et allégée) par touches et le respect du beau produit, qu’il faut éviter de dissimuler derrière des apprêts sophistiqués. Sa préférence va dès lors aux pièces de viande entières et aux poissons, relevés d’une sauce et accompagnés d’un minimum de garniture. Pour son bonheur, Gstaad est, sur le plan de l’approvisionnement, une véritable caverne d’A li-Baba, le potentiel gastronomique de la station étant connu loin à la ronde. Les convives des ressats de la Confrérie du Guillon le savent bien, puisqu’ils ont déjà pu apprécier la cuisine de Robert Speth du Chésery et de Franz Faeh du Gstaad Palace. Cuisinier hôtelier de l’année 2011 (Bilanz), Steve Willié, contrairement à nombre de ses confrères, n’a pas connu les cuisines asiatiques ou proche-orientales ni les fourneaux d’un transatlantique. A ce cumul d’expériences exotiques, il a préféré la continuité dans le cadre d’une structure plus intime, chaleureuse et presque familiale, où le côté international est amené par des

Steve Willié et Pedro Ferreira, codirecteurs du restaurant La Bagatelle. A Steve, la cuisine. A Pedro, la salle et la cave Le Guillon 56_2020/1 73


clients dont beaucoup sont des habitués et quelques-uns devenus des amis. Il cite entre autres Novak Djokovic, désarmant de gentillesse, et Johnny Halliday, qui s’attablait jusqu’à cinq fois par semaine à La Bagatelle. Au chapitre des anecdotes, il aime à évoquer tel client qui ne commandait que de très grands crus – dont il ne goûtait souvent qu’une ou deux gorgées –, mais auquel il a fallu expliquer que le Château Cheval Blanc était... un vin rouge. Ou tel autre qui s’attablait en bermudas pour manger une salade de pommes de terre avec une saucisse grillée, accompagnées d’une bouteille de Pétrus!

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Le passage par les cuisines de Chillon, réputé redoutable, ne lui a pas posé de problème particulier. Il y a trouvé un équipement tout à fait adéquat et des Fanchettes d’une redoutable efficacité. «J’y cuisinerais tous les week-ends», ajoute-t-il malicieusement. Il a particulièrement goûté la formidable ambiance qui préside aux ressats et y a constaté avec une réelle émotion que – comme le proclament les textes fondateurs de la Confrérie –, le vin rassemblait et parlait à l’homme. Autant dire que nous pourrions bien l’y retrouver dans un avenir pas si lointain.


Soulevons le couvercle

Saumon Swiss Alpine, sauce yuzu et citron vert

Pour quatre personnes (en entrée) Ingrédients:

un cœur de filet de saumon Swiss Alpine (Lostallo GR) de 400 g une carotte jaune et une carotte orange un poireau 2,5 dl de crème entière, réduite 0,5 dl de jus de yuzu le jus et le zeste d’un citron vert

• Tailler les légumes en fine julienne et les suer légèrement. • Cuire le saumon 5 minutes au four vapeur (80°) ou au cuiseur à vapeur, saler légèrement. • Ajouter à la crème juste chauffée un peu de jus de yuzu et de citron vert. • Goûter, rectifier l’assaissonement si nécessaire et bien émulsionner avant de servir • Garnir les assiettes de julienne de légumes, y déposer un morceau de saumon et napper de la crème au yuzu et citron vert. Décorer l’assiette avec du zeste de citron vert

La Bagatelle a obtenu en 2017 la distinction de Meilleure carte des vins suisses décernée par Vinum et l’Association suisse des sommeliers. Steve Willié est depuis longtemps un fervent défenseur des crus vaudois. Il apprécie particulièrement les vins blancs de caractère. Pour accompagner le médaillon de saumon au yuzu, il a choisi un Dézaley puissant, gras, parfaite expression de son terroir, un Chemin de Fer 2016 de Luc Massy à Epesses, par ailleurs conseiller de la Confrérie du Guillon. Sa richesse rencontre le crémeux de la sauce et offre un contrepoint à la vivacité des agrumes.

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CAVES BLAVIGNAC

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Texte: Michel Logoz, chancelier honoraire Photos: Edouard Curchod

Hommage

Albert Munier, le munificent, le magnifique ! Décédé le 3 mars 2020, Albert Munier avait tissé son ascension dans la vie au gré d’un idéal empreint de bon sens terrien, de sagesse vigneronne et d’attachement fidèle à son village de Tartegnin, baptisé par lui «Le Pays du Bon Vin». A ces constituants de son ADN, ajoutez un esprit toujours orienté vers le positif, le solide, le concret, une grosse louche de gentillesse naturelle, quelques pincées de malice et de roublardise, une bouille invariablement radieuse et vous avez le portrait express de notre personnage. A lui seul, le faire-part de décès d’A lbert Munier a valeur patrimoniale. Il atteste les prodiges de sa descendance: quatre enfants, dix-neufs petits enfants, huit arrière-petits enfants. Et pour consacrer sa paternité dans les siècles des siècles, la parabole biblique lui donne tout son sens: «Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruit.» Parole de foi d’un vigneron, d’un syndic, d’un député, d’un préfet, d’un homme qui croit en son destin et qui prophétise gloire et prospérité à ses ouailles si elles lui demeurent loyales et constantes dans l’application de son credo.

A chacune de ses apparitions à nos ressats de Chillon, les visages de nos hôtes s’illuminaient. Devenu superstar, sa bonhomie, sa jovialité proverbiale et contagieuse avaient le pouvoir d’enflammer l’atmosphère. Avec des histoires inspirées du quotidien, comme celle du débiteur récalcitrant qui avait écrit à ses créanciers: «Dans l’incapacité de payer toutes mes factures, j’ai décidé de procéder à un tirage au sort. Navré de vous informer que votre numéro n’est pas sorti gagnant!» Albert, tu as ta place parmi les héros de notre Olympe bachique aux côtés de Silène, que tu as dévotement incarné lors de la Fête des Vignerons de 1999.

Albert Munier, dans le rôle de Silène, lors de la Fête des Vignerons de 1999, en compagnie de la Présidente de la Confédération, Ruth Dreyfuss

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Nous sommes heureux

de vous accueillir dans notre cave pour une visite ou une dégustation.

Les vins du Vieux Coteau

sont maintenant aussi disponibles à la Cave de la Crausaz !

H orair e s d’ o u v e rtur e

Lundi à vendredi : 7h à 12h - 13h à 18h Samedi : 8h à 12h - 14h à 17h

CAVE DE LA CRAUSAZ – BETTEMS FRÈRES SA Chemin de la Crausaz 3 – 1173 Féchy

Tél. 021 808 53 54 – www.cavedelacrausaz.ch


Portraits de conseillers

Né à Lausanne en 1971, Alain a toujours manifesté un esprit indépendant: ce fort caractère partait à trois ans de l’appartement familial, jurant à sa mère ne plus vouloir y revenir, pour aller chez sa grand-mère, parce qu’elle, elle ne disait pas toujours non! Faut dire que, comme il mettait sa culotte à l’envers, il a rapidement reçu le surnom de Dagobert, qui lui est resté jusqu’à ce que je le désigne Bourgeois d’Ouchy (Il est aussi Pirate d’Ouchy). Après un diplôme de l’Ecole de com, et parallèlement à une école de fourrier à l’armée, il commence sa carrière professionnelle dans des entreprises, dont une, où il reviendra pour en devenir le patron, «Bioley Isolations».

Il aligne un nombre impressionnant de comités, de présidences ou vice-présidences, si nombreuses que ça donne soif. Fou de vin, il ne lui manque que le Jean-Louis… Barraud! Depuis 2012, Alain s’occupe, en plus de son entreprise, de la promotion des vins et des salles du Domaine du Château de Glérolles et des Frères Dubois, grâce à l’entregent de notre frère de robe Daniel-Henry Rey. Voici pourquoi il habite, avec son épouse Corinne et leurs trois enfants, justement au Château de Glérolles, au-dessus des lieux qui ont vu naître notre Confrérie en 1954. Et maintenant qu’on a parlé d’en bas, sachez qu’il a ins-

© Edouard Curchod

Alain Barraud, fou de vin!

tallé le bar haut. Et pour cet avocat du bar haut de Glérolles, c’est normal que sa maxime soit qu’à vaincre sans baril, on triomphe sans boire! Fabien Loi Zedda, conseiller

© Déclic

Michel Gfeller, l’hôte de Rochefort Michel Gfeller a vu le jour le 2 février 1980. Il a développé les caractéristiques d’un véritable Mike Horn en arpentant le Jura bernois. Jusqu’à 4 ans dans la Vallée de la Sagne, puis La Ferrière pour les écoles primaires et secondaires, à Aarberg, avec un CFC en agriculture, Belp et Kappelen pour des stages et école d’agriculture à Cernier et enfin retour à la Ferrière comme constructeur métallique. La Ferrière, c’est un peu 50 nuances de gris. Ça n’empêche pas Michel Gfeller d’ouvrir une menuiserie, de se marier et d’accueillir ses enfants Jimmy et Luca. Il suit ensuite son épouse à Lamboing, là où, pour cause de brouillard, même les moineaux se déplacent à pied. Trop c’est trop! Michel Gfeller divorce et travaille dans une scierie, puis

dans une entreprise de rénovation. Il rencontre ensuite son épouse actuelle et se lance, durant deux ans, dans la vente de diamants industriels. Enfin, la lumière se fait. Michel Gfeller découvre Allaman et s’installe au Château de Rochefort où, depuis 2016, la famille développe l’œnotourisme. Si Dieu vous dit que vous n’êtes pas bien reçu à Rochefort, c’est qu’A llaman. Cerise sur le gâteau, la naissance de son fils Pablo. Peut-être prendra-t-il l’exploitation? Il serait parfait à la vigne, à l’accueil et à la table d’hôte, mais est-ce qu’au bar Pablo s’en sortira? Quoi qu’il en soit, le château est un paradis! Luc del Rizzo, héraut

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La colonne de Michel Logoz

Impressum – Le Guillon 56_2020/1 Editeur: Revue Le Guillon Sàrl Ch. de la Côte-à-Deux-Sous 6 1052 Le Mont-sur-Lausanne, Suisse

Sortons de notre bulle! Dans le sillage de la vague verte, Swiss Wine a pris la tête de l’offensive «Boire Suisse – Boire Local». Souhaitons que cet appel à acheter et consommer les produits de nos régions soit largement plébiscité. Déjà le Valais a pris l’initiative de créer un logotype emblématique «VV», marque territoriale et label de qualité pour des vins certifiés sur la base de treize critères de qualité, dont le respect de l’environnement et des méthodes de culture. Dans notre canton de Vaud, motus! Or, il suffit de constater que la très grande majorité de nos étiquettes n’affichent même pas leur origine vaudoise, pour s’inquiéter légitimement de leur identification dans les assortiments des supermarchés. En effet, si notre réglementation autorise la référence au canton, c’est toutefois le nom officialisé d’une de nos six régions viticoles qui prédomine largement. Comment les Hans Müller ou les Frida Schmidt pourront-ils distinguer nos vins vaudois dans le patchwork helvétique? Gardons l’espoir que, dans un proche avenir, l’adhésion au passage des AOC aux AOP/IGP européennes garantira au consommateur des indications qui attestent clairement des conditions de production et d’origine de nos produits. Dans cette attente, continuons de noyer nos appellations de village (Epesses, Saint-Saphorin, Luins, Vinzel, Yvorne) dans les frontières de circonscriptions régionales! Il est vrai que des boissons aussi respectables que le Coca Cola Zéro nous guident dans la voie de l’A igle O%… A part ça, les chercheurs «Addiction Suisse» nous révèlent que la vente de cannabis est en constante augmentation dans le canton de Vaud. A l’inverse de la consommation du chasselas vaudois dont la courbe fléchit inexorablement. A quand une dégustation du fameux «Best Mix – cannabis / chasselas vaudois» pour nous livrer tous les secrets de ce mariage fusionnel? Le XXIe siècle sera vert ou ne sera pas!

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Abonnements revue@guillon.ch www.revueleguillon.ch ISSNN 0434-9296 Gérants Dr Jean-François Anken (président), Luc Del Rizzo, Daniel H. Rey Partenaires Confrérie du Guillon, Office des Vins Vaudois, Label de qualité Terravin, Fédération des caves viticoles vaudoises, Section vaudoise de l'Association suisse des vignerons encaveurs, Service de l'agriculture et de la viticulture (SAVI), Service de la promotion de l'économie et de l'innovation (SPEI) Rédacteur responsable Pascal Besnard Ont collaboré à ce numéro Luc del Rizzo, Pierre-Etienne Joye, Michel Logoz, Fabien Loi Zedda, Claude-Alain Mayor, Claude Piubellini, Pierre Thomas, Alexandre Truffer, Jean-Claude Vaucher, Eva Zwahlen Traductions Evelyn Kobelt, Eva Zwahlen, Loyse Pahud, IP Communication in English Graphisme et mise en page stl design, Estelle Hofer Piguet Photographes Sandra Culand, Edouard Curchod, Déclic, Philippe Dutoit, Bertrand Rey, Hans-Peter Siffert Photolitho l'atelier prémédia Sàrl Impression PCL Presses Centrales SA Régie des annonces Advantage SA, Isabelle Berney regie@advantagesa.ch +41 21 800 44 37

Le Guillon, la revue du vin vaudois paraît deux fois par an en langues française et allemande; résumés en langue anglaise.


La Côte Vully Chablais Lavaux Calamin Dézaley Bonvillars Côtes de l’Orbe Caves Ouvertes Vaudoises

A déguster avec modération

myvaud.ch

30 – 31 mai 2020


L’Oenothèque du Petit Versailles est ouverte Du mardi au vendredi 10h00 – 12h30 15h00 – 18h30 Le samedi 10h00 – 16h00

Venez déguster Lavaux tout entier dans votre verre !

Les Frères Dubois SA – Ch. de Versailles 1 – 1096 Cully – 021 799 22 22 – www.lfd.ch

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Des vins élevés dans le respect de leurs terroirs et caractères.


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