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Fissure à l’Est
À l’été 1980, dans une Pologne en faillite, des grèves massives aboutissent à la création de Solidarnosc, le premier syndicat libre du bloc soviétique. Le début d’une nouvelle ère photographiée incognito par Bruno Barbey.
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n pays bascule en un été. C’est une colère sourde. La grève a l’odeur de la viande que les ouvriers aimeraient pouvoir s’acheter. Son prix a doublé, en ce mois de juillet 1980. La Pologne communiste est rationnée. Ce n’est pas la première fois que les usines se rebellent : il y a eu Poznan en 1956, Gdansk en 1970, Radom et Ursus en 1976. À chaque fois, les ouvriers se mettent en grève contre la vie chère, les répressions font des dizaines de morts, et les Polonais grappillent de timides avancées. Cet été-là, ce sera Gdansk, encore, la ville des chantiers navals. Car le pouvoir a fait une erreur : il a congédié « Anna ».
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Fondé le 31 août 1980, le syndicat indépendant Solidarnosc publie un journal. Avant d’être interdit par les militaires, il tirait à 500 000 exemplaires par semaine.
Anna Walentynowicz est grutière, ouvrière modèle. Le licenciement de cette ancienne communiste sincère, devenue militante contestataire, très aimée de ses collègues et redoutée par les autorités, la prive de ses droits à la retraite. Tout le chantier s’arrête, 17 000 personnes. « Réintégrez Anna ! » La suite est inespérée : grèves massives, bras de fer avec le pouvoir. Au nom des valeurs ouvriéristes chantées par le régime, les Polonais obtiennent l’impensable : le droit de créer un vrai syndicat, indépendant. Solidarnosc naît le 31 août. Son leader, Lech Walesa, électromécanicien moustachu à la mine réjouie, signe les accords de Gdansk avec un énorme stylo à l’effigie du pape, symbole de l’anticommunisme. Le pouvoir autorise même la messe radiodiffusée. Dans les mois qui suivent, 10 millions de Polonais y adhèrent. Un tiers du pays.
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endant cet été rempli d’espoir, les ouvriers réclament toujours plus : élections libres, suppression des privilèges des membres du Parti. Lech Walesa et les intellectuels démocrates freinent : trop d’audace, c’est risquer les chars soviétiques, comme en Hongrie en 1956 ou en Tchécoslovaquie en 1968. Même une guerre civile, disent certains. L’armée soviétique est occupée ailleurs, enlisée en Afghanistan. Mais en poussant les Soviétiques à bout, est-ce qu’on ne va pas les réveiller ? Dans le livre Pologne [lire pp. 292293], le correspondant du Monde, Bernard Guetta, se souvient d’une conversation en pleine grève avec des ouvriers de Gdynia, torses nus sous le soleil : « Pourquoi faites-vous grève ? – Il le faut, quand ça va si mal. La viande, les queues, les syndicats qui ne nous défendent jamais, le gouvernement qui ment toujours et nous trompe, ça suffit ! On ne peut pas discuter, on n’a pas d’informations concrètes et on prend des coups si on se mêle de politique. – Qu’est-ce qui serait le plus important ? – D’abord les libertés syndicales, puis l’approvisionnement et les salaires. Il faut des syndicats qui nous défendent. Il faut que nous puissions influencer la politique du gouvernement. – Vous vous rendez compte que vos revendications pourraient ouvrir la porte à une crise de régime ? – Oui, nous nous en rendons compte et nous sommes en plein dedans.
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! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! – Et vous croyez possible des changements de régime dans ! un pays socialiste allié de l’Union soviétique ? ! – C’est difficile à imaginer, mais il faut bien essayer une fois. ! Ça doit bien finir par finir. Trente-cinq ans, c’est déjà trop. » ! Un silence, et c’est maintenant l’ouvrier qui pose ! la question au journaliste : ! « Et vous, qu’est-ce que vous pensez de tout cela ? ! – Ça pourrait devenir dangereux. » ! L’ouvrier, étonné : ! « Mais non, soyez tranquille ! » ! !L’année suivante, la loi martiale s’abat sur la Pologne. Les communications téléphoniques sont coupées autour ! de Gdansk. Le syndicat est contraint à la clandestinité, ses ! chefs jetés en prison. C’est l’« état de guerre » de Jaruzelski, ! le général impassible derrière ses lunettes noires, ! nouveau Premier secrétaire du Parti. ! !Le 13 décembre 1981, vers minuit, un journaliste polonais vient chercher Bernard Guetta à son hôtel de Gdansk. ! « Viens vite, ils sont tous en train de se faire embarquer ! » ! Le correspondant du Monde s’engouffre dans la vieille ! Fiat de son ami. Ils roulent à toute vitesse jusqu’à Sopot, ! la station balnéaire voisine. La plupart des dirigeants ! de Solidarnosc sont là, piégés dans le Grand Hôtel, ! un palace vétuste face à la Baltique. La rafle, des cris. ! Derrière « un océan de camions militaires » qui encerclent ! l’établissement, des centaines de syndicalistes sont ! matraqués et poussés dans les véhicules. Dans l’antique ! Fiat, les journalistes impuissants sont « en larmes ». ! ! ! ls y avaient cru, autant que les Polonais. On respirait ! à Varsovie un air plus libre qu’ailleurs à l’Est, depuis ! que l’Église avait négocié dès la fin des années 1950 ! des espaces de discussion. Des intellectuels avaient osé fonder un Comité d’autodéfense social (KOR) après les ! grèves de 1976, obtenu l’amnistie des émeutiers et créé une ! presse clandestine libre. Quand un ancien archevêque ! de Cracovie, Karol Wojtyla, était devenu pape deux ans plus ! tard, la Pologne était soûle de joie. Jean-Paul II incarnait ! le refus du communisme. « Sa grande victoire, c’était d’avoir ! fait prendre conscience aux Polonais qu’ils étaient si nombreux, ! presque unanimes, à refuser le régime ou à le critiquer », ! dit dans un film Bernard Guetta, qui a reçu le prix Albert ! Londres, la plus prestigieuse récompense pour un ! journaliste, pour sa couverture des événements en Pologne. !
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! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! uand le pape revient dans sa patrie pour ! un premier voyage officiel, en juin 1979, ! le photographe de l’agence Magnum ! Bruno Barbey le suit. Depuis son combi ! Volkswagen, avec femme et enfant, il ne se doute ! pas que ce petit pays communiste sera bientôt ! au centre des regards du monde. Pendant deux ans, ! il sillonne la Pologne profonde, photographie ! l’actualité, et plus encore : la vie des Polonais. Les ! paysans misérables, dignes du xix siècle avec leurs ! parcelles minuscules et leurs grossières carrioles ! à cheval. Les épuisantes queues quotidiennes devant ! les magasins. La foule, à perte de vue, des fidèles ! catholiques sous la neige pendant la Semaine sainte, ! la messe dans la cour des usines en grève. ! ! ! ! Les ouvriers réclament ! ! toujours plus. Lech Walesa ! et les intellectuels démocrates ! ! freinent : trop d’audace, c’est ! ! risquer les chars soviétiques. ! ! ! « Il serait ridicule de parler d’arrêter le mouvement ! syndical libre, prédisait Lech Walesa à la naissance ! officielle du syndicat en 1980. C’est comme si on sifflait ! contre le vent. Il est possible que nous ne puissions réaliser ! ce dont nous avons rêvé, mais ce que je sais, c’est que dans ! dix ans, la situation ne sera plus comme aujourd’hui. » ! Le mur est encore debout à l’Est, mais déjà fissuré ! en Pologne. Solidarnosc conclut en février 1989 ! des accords avec un pouvoir abandonné par l’Union ! soviétique. Le syndicat obtient la tenue d’élections ! en partie libres, et les gagne. Neuf mois plus tard, ! à Berlin, le mur tombe • ! ! Haydée Sabéran ! 1. Pologne, espoir de l’impossible, film de Caroline ! Thienot-Barbey, 2015. !
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Un camping-car pour couverture Comment passer inaperçu quand on est photographe dans la Pologne des années 1980 ? En voyageant avec sa famille, au volant d’un camping-car. « Je jouais au touriste. J’échappais aux hôtels, trop fliqués », raconte Bruno Barbey, 78 ans, photographe chez Magnum depuis 1964. Le combi tient lieu d’outil de travail, pour lui et son épouse, qui tourne un film. Il sert d’abri pour le hamster de leur fille de 6 ans, de minibus pour les copains journalistes polonais dont l’essence est rationnée, et bien sûr de garde-manger : la famille s’approvisionne à Berlin-Ouest. « Quand les douaniers polonais découvraient nos bouteilles, notre charcuterie, ils se cachaient les yeux en rigolant : “Passez ! Passez vite !” » Pendant huit mois de terrain étalés sur les années 1979 et 1981, le photojournaliste résiste à la tentation : il ne publie rien. Les usines occupées, la visite du pape, Solidarnosc, le tournage de L’homme de fer d’Andrzej Wajda, rien ne sort. « Les magazines de type Newsweek étaient demandeurs, on se demandait si les troupes du pacte de Varsovie, l’alliance militaire à l’Est, allaient intervenir. Les enjeux étaient considérables. Mais si j’avais publié la moindre photo de Lech Walesa, je me serais fait repérer et je n’aurais pas eu mes visas renouvelés tous les 15 jours. » Dès son retour à Paris, les commandes affluent. Life lui offre 24 pages « et un aller-retour aux États-Unis en Concorde pour superviser la mise en page ! ». Le livre Pologne, préfacé par le journaliste Bernard Guetta, sort en 1982, en plein état de guerre. Et aujourd’hui ? « Mes amis polonais sont démoralisés, soupire Bruno Barbey. Les catholiques libéraux se sentent trahis par une Église de plus en plus réactionnaire. » Solidarnosc est du côté de la droite conservatrice au pouvoir. Walesa ne reconnaît plus son syndicat et l’a quitté. Et le maire de Gdansk, ancien de Solidarnosc, soutien des migrants, a été assassiné. H. S.
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Fissure à l’Est
À Nowy Targ, dans le sud du pays, des montagnards de la minorité gorale vendent leurs produits au marché. 1er mai 1981, à Varsovie. Sept mois plus tard, pour donner un coup d’arrêt à Solidarnosc, le pouvoir décrète l’état de guerre et des milliers de Polonais sont jetés en prison. ▲ Premières communiantes sur le chemin de l’église, dans un village du sud-ouest.
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Mémoire
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Fissure à l’Est
Les maisons traditionnelles en bois peint du village de Zalipie, près de Cracovie. À Bodzentyn, la queue pour le pain. ▲ En 1981, 80 % des Polonais se disent catholiques. L’État communiste a consenti à respecter la liberté religieuse en 1956, sous la pression populaire.
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Fissure à l’Est
▲ Propagande pour l’amitié soviéto-polonaise dans la ville minière de Bytom-Katowice. Famille tzigane à Debno. Les Tziganes et les Juifs ont été presque tous exterminés par les nazis pendant la guerre. Le 14 mai 1981, lendemain de la tentative d’assassinat contre Jean-Paul II, des centaines de milliers de Polonais prient sur la grande place de Cracovie.
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Mémoire
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Fissure à l’Est
▲ À Varsovie, devant le monument à la gloire des armées polonaise et soviétique. À la frontière slovaque, un évêque va porter le sacrement de confirmation dans un village. Mémorial non autorisé, en souvenir des 22 000 officiers polonais tués par l’Armée rouge en 1940. Jusqu’en 1989, les Soviétiques ont nié leur responsabilité et attribué le massacre aux nazis.
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Fissure à l’Est
Cours de danse dans une ancienne maison bourgeoise de Cracovie. Congrès de Solidarnosc à Gdansk, en septembre 1981, pendant la messe du matin. Le 13 décembre, quand l’État décrète la loi martiale, Lech Walesa (au centre), leader du syndicat, est placé en résidence surveillée. ▲ Sopot, station balnéaire près de Gdansk.
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Fissure à l’Est