L’information en bande dessinée
Printemps 2021
31
VIDÉOSURVEILLANCE
SOLDATS SAOUDIENS
GENS DU VOYAGE
partout, tout formés dans EN zones le temps la meuse TOXIQUES
GÉOPOLITIQUE
la bataille des fake news
PARTOUT,
VIDÉOSURVEILLANCE
TOUT LE TEMPS CLÉMENT LE FOLL ET CLÉMENT POURÉ JEAN-CHRISTOPHE MAZURIE
S
ur la promenade des Anglais, des haut-parleurs réglés sur 100 décibels crachent, en boucle, leurs messages : « Tous les déplacements hors du domicile sont interdits, sauf dérogation. » « Veuillez respecter une distance de sécurité d’au moins un mètre entre chaque personne. » La voix vient du ciel. Ou plutôt, du drone volant dans le ciel. Nous sommes en mars 2020, à Nice, et ces étranges volatiles rappellent aux badauds que l’époque est à la pandémie et que l’heure est au confinement.
Ô drone, suspends ton vol Traditionnellement aux avant-postes des technologies de sécurité, la ville de Nice est, en ce printemps 2020, allègrement imitée. À l’échelle du pays, entre fin mars et fin avril, la police nationale a eu recours « à des drones dans le cadre de 535 missions dont 251 de surveillance et 284 d’information de la population », selon un rapport du Sénat. Dénonçant les menaces que ces engins font planer sur les libertés, deux associations, la Ligue des droits de l’homme et la Quadrature du Net, ont déposé un recours
auprès du Conseil d’État. Ô drone, suspends ton vol, décida la haute juridiction. Pandémie ou non, le ciel devait rester dégagé jusqu’à ce que l’usage de ces appareils soit encadré par la loi. Mais les drones sont loin d’être les seuls à couver du regard nos moindres déplacements. Ainsi, au cours du premier confinement, « en complément [des drones], les équipes de contrôle se seraient également appuyées, toujours selon le rapport du Sénat, sur les dispositifs de vidéoprotection des collectivités territoriales ». Par vidéoprotection entendez vidéosurveillance. Car, qu’elles volent ou non, les caméras chargées de contrôler la population ont de longue date conquis le cœur des villes et celui des élus. Elles sont fixes, pivotantes ou multiobjectifs, capables de filmer en permanence ou à 360°, et se sont propagées dans de nombreuses communes françaises. Les derniers chiffres en date, ceux de 2012, font état de plus de 70 000 caméras sur la voie publique. À elle seule, la ville de Nice en accueille 3 800. Mais l’appétit de son maire, Christian Estrosi, pour le contrôle et la technologie, va bien au-delà des caméras. En 2018, la cinquième ville de France a signé un partenariat avec un consortium, mené par l’industriel Thales, contre la promesse d’une « safe city », une ville sûre. Boutons d’alerte pour contacter les policiers municipaux, analyse des réseaux sociaux, logiciels optimisant l’utilisation des caméras, algorithme anticipant les crimes et délits… Le géant de la défense a mis au point un arsenal d’outils numériques censés se compléter pour mieux aiguiller les forces de police. Traumatisée par les attentats qui l’ont frappée, la ville est devenue un terrain d’expérimentation pour les industriels.
Qui filme qui ? Qui surveille qui ? À l’échelle nationale aussi, la sécurité se veut globale. C’est ce dont témoigne le vote de 388 députés le 24 novembre 2020 en faveur de la proposition de loi Sécurité globale. Très controversé, entre autres du fait de son article 24 interdisant la diffusion
48
VIDÉOSURVEILLANCE
le marché de la sécurité représente 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et 300 000 emplois en France. Déjà, les géants du secteur rêvent d’un nouveau « cadre légal », cette fois pour la reconnaissance faciale. Qui est autorisé à filmer qui ? Qui surveille qui ? Telle est la question que soulève le texte de loi porté par le député Jean-Michel Fauvergue, un ancien patron du Raid. Ses défenseurs rappellent la menace terroriste. Ses opposants regardent d’un mauvais œil celui qui scrute, depuis près de trente ans, l’espace public.
INSEE, 2017.
de vidéos de policiers – article suspendu depuis –, ce texte vise à déployer les capacités de surveillance de la population. Outre le fameux « cadre légal » nécessaire au retour des drones, il prévoit la généralisation des caméras-piétons pour les policiers et l’extension de l’accès aux images de vidéosurveillance aux agents municipaux. Pourquoi un tel engouement pour ces dispositifs dont l’efficacité reste souvent à démontrer ? Aux intérêts électoraux se mêlent ceux des industriels. Selon le Comité de la filière industrielle de sécurité (Cofis),
49
50
VIDÉOSURVEILLANCE
51
52
SOURCE MÉDIACITÉS
VIDÉOSURVEILLANCE
53
54