L’horizon perdu des Sioux
Il s’est débattu pour quitter la réserve. Sa terre l’a rattrapé. Black Wolf, «!Loup noir!», raconte un bout de tiers-monde aux États-Unis. Par Camille Laffont D A KO TA D U S U D
I L L U S T R AT I O N S : S I M O N P R A D E S
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l paraît que tu es un genre de prophète. Que tu prêches Jung dans le désert. On peut rouler des heures sans croiser quiconque dans cette steppe glacée, et ton apparition confine au mirage. Un géant en t-shirt et bermuda par -15 °C, maculé de taches de peinture, tignasse noire en bataille, collier de griffes d’ours pendu au cou, d’obscurs symboles tatoués sur les bras et les jambes. Tu as tout l’air d’un zozo, pourtant tu as les idées claires et le verbe sage. L’on s’étonne même de croiser un philosophe dans ce néant. À l’horizon, un château d’eau comme un sémaphore où s’étalent de grandes lettres noires sur bleu turquoise": «"White River"». Havre de solitude qui ressemble à tous les autres dans les plaines du Dakota du Sud, État rural qui compte parmi les plus faibles densités de population des États-Unis.
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