LES CAHIERS DE L'INDUSTRIE ELECTRONIQUE & NUMERIQUE N° 111 MARS 2022

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Informations : SNESE - Syndicat National des Entreprises de Sous-traitance Electronique

Comme si les difficultés d’approvisionnement ne suffisaient pas... L’état de guerre qui règne actuellement en Ukraine nous interpellent forcément et ne peuvent nous laisser indifférents tant les imbrications des chaînes de valeurs sont aujourd’hui complexes, pour bien des composants électroniques. Depuis les matières premières (on a parlé du néon, matière indispensable aux fonderies de semiconducteurs, du quartz pour les oscillateurs, fortement dépendantes de production russe ou chinoise), jusqu’aux ateliers de sous-traitance dans les pays de l’est limitrophes de l’Ukraine, ce sera sans conteste une nouvelle étape dans les réflexions à mener en termes de souveraineté, et d’indépendance économique pour notre pays.

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ous avons pu voir ces dernières semaines, ici et là dans la presse, des rumeurs de détente du marché des composants. D’où viennent ces informations, sur quoi sont-elles fondées ? Opportunités marketing ou commerciales pour les uns, tentative de minimiser les problèmes pour les autres, histoire d’occuper la scène médiatique, et de faire patienter tout le monde, probablement.

Du point de vue du SNESE, et au regard des tendances mis à notre disposition par les distributeurs ou les spécialistes, quels qu’ils soient, les prévisions restent largement au rouge, tant pour les prix que pour les délais, il convient donc de rester très prudent. Ce que nous constatons du côté des sous-traitants, correspond également à ce que nos clients qui sont en liaison directe avec les fabricants nous indiquent : peu d’améliorations des approvisionnements depuis 3 mois et dans de nombreux cas, les confirmations de commandes qu’ils ont reçues ne couvrent souvent que 60 % de leur besoin 2022. S’il y a détente, ce ne peut être que, marginalement, sur quelques composants spéci-

fiques, et le résultat de la remise en route de sites « back end « d’Asie du Sud Est qui ont petit à petit repris leurs activités après les fortes perturbations dues au COVID19 durant le 2e semestre 2021. On ne reviendrait donc qu’à la situation de début 2021, à condition de bénéficier aussi d’améliorations indispensables côté transport. Or la flambée de Covid du coté de Hong-Kong perturbe à nouveau toute la chaîne maritime asiatique. Des améliorations très ciblées et profitant seulement à quelques-uns. Peut-être est-ce aussi déjà un premier résultat des alliances scellées ces derniers mois entre les fabricants de semiconducteurs, les fondeurs et certaines filières très puissantes comme l’automobile, qui se sont mobilisées face à la déferlante du PC et de la 5G. Les constructeurs automobiles, en retard de plus de 10 millions de véhicules dans leurs plans (l’électronique a bon dos pour en être incriminée en totalité), finiront donc par recevoir les microprocesseurs dont ils ont besoin, les autres composants étant en stock. Ce répit potentiel d’ici fin d’année, ne devrait pourtant être que de courte durée, tant les capacités de produc-

10 - Les Cahiers de l’Industrie Électronique et Numérique - mars 2022 - n° 111

tion restent insuffisantes à servir l’ensemble du marché. Le cabinet IHS Markit, dans son analyse du marché automobile, fait état d’un retour à une tension sérieuse, particulièrement sur les semiconducteurs analogiques, d’ici fin 2023 début 2024. Ce point est capital, car les investissements en matière de semiconducteurs sont à notre connaissance concentrés sur les microprocesseurs de futures générations (7, 5 ,2 nm) ce qui ne résout en rien les problèmes que nous connaissons actuellement dans l’industrie dont les besoins sont plutôt de type IC analogiques (180-90nm). Poussés par les mêmes raisonnements financiers véhiculés par les cabinets de consultants, les industriels du semiconducteur ont tendance à se désintéresser de cette typologie de composants en en sous-traitant la fabrication, laissant à d’autres le soin de produire ces composants qui sont pourtant le cœur de nombreuses applications essentielles à notre économie. Ce même type d’erreur a déjà été commis plusieurs fois dans le passé et se trouve à l’origine des pénuries cycliques que nous connaissons tous. Si nous n’y prenons pas garde nous serons une fois de plus dépendant de l’Asie du Sud Est.

Ce que nous souhaitons évidemment, c’est d’être assuré que tous les investissements annoncés en vue d’augmenter les capacités de production en Europe soient majoritairement dédiés à des consommations européennes. La feuille de route de l’European Chips Acts, vise bien, sur le moyen terme, le renforcement de l’activité industrielle de l’UE tout en s’attaquant à la sécurisation de l’approvisionnement de l’écosystème des semiconducteurs, induisant le rééquilibrage des partenariats avec des États tiers, comme les États-Unis, le Japon ou même Taiwan, même s’il n’est pas nommé. Parmi les textes présentés, il y a même une recommandation qui prévoit qu’en cas de pénuries significatives de semiconducteurs ou de composants essentiels, la Commission puisse déployer une palette d’outils allant de la surveillance renforcée du marché jusqu’aux achats communs. Il est aussi question pour les usines de prioriser certains contrats par rapport à d’autres, c’està-dire servir les clients européens en priorité. En d’autres termes, il s’agit d’avoir la possibilité de contrôler les exportations. Ceci occasionne déjà quelques frictions entre Etats membres, certains estimant que cela


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