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année 22 • avril ‘ 16
A l’exact opposé de la façon dont on aurait aimé que les choses se passent, on s’était salué un peu sèchement, on avait raccroché. A la barbe des souvenirs. C’était l’une des coutumes ancestrales de la famille, où on se parlait peu, où on ne trouvait jamais les mots pour se dire, et lorsqu’on pouvait s’enorgueillir d’un échange un peu disert, sans fausse note, aux considérations météorologiques, nichait non loin la promesse d’un prochain dérapage, le ravinement d’une ancienne discorde, de l’huile sur le feu. On avait appris à se taire, sans maudire. Alors on s’embrassait dans les courants d’air, sortant systématiquement sur le pas de porte pour saluer le départ d’un visiteur trop rare, à qui on faisait signe de la main bien après que la voiture ait tourné le coin, oublieux déjà qu’on n’avait pas eu grand chose à se raconter, et déjà on s’inquiétait - Au fait, Camélia et Francis, c’est quand la dernière fois qu’ils sont venus? Papa fait mine de ne pas avoir entendu, oublie pour cette fois de rappeler que, tu sais bien, ça fait dix ans que Camélia et Francis sont séparés. Chacun son instrument, sa partition. - Tu en as beaucoup près de chez toi? - Beaucoup de quoi, maman? - Ben, des terroristes! (le temps du soupir) - Est-ce que la question c’est : ai-je beaucoup de terroristes dans mon entourage, ma-chère-petite-maman? - Oh! Ça va hein, tu m’as comprise : est-ce qu’il y en a beaucoup dans ton quartier? (Camélia allume une cigarette) - Je sais que tu demandes ça parce que tu t’inquiètes, je voudrais quand même attirer ton attention sur l’inanité (Camélia ne faisait aucun effort) de ta question : si on connaît la possible radicalisation fanatique d’une personne, tu te doutes bien qu’on l’arrête pour l’empêcher de nuire... - Oui, oooh, tu sais très bien ce que je veux dire... - Disons que j’en ai peur... - Tu ne m’as pas répondu : y a beaucoup d’étrangers dans ton quartier; voilà t’es contente? - Non, je ne suis pas contente. Tu sais très bien que tu ne m’auras pas sur ce terrain-là. Je refuse de m’embourber dans tes amalgames. Je trouve ce genre de raccourcis nauséabonds. (Puis plus bas, mezzo piano) Menfin, maman, comment peux-tu continuer à considérer “les étrangers” comme des terroristes en puissance!? Tu ne réalises pas que c’est précisément le terreau d’un discours de la haine? - Oh, ça va! Tu sais, avec tout ce qu’on voit maintenant ma fille! Et puis... ce ne sont pas des Belges comme nous! Là, inexorable, implacable, le silence dure toujours plus longtemps. Chacun campe sur ses positions. Ailleurs, dans un univers uchronique, Camélia reprendrait la parole comme on se jette à la mer : - Mais maman! On n’arrive déjà pas à se dire qu’on s’aime alors pourquoi perdre son temps à détester les autres! A l’autre bout du fil, on se tromperait de bouteille, on en saisirait une autre, on reposerait son verre de Porto estomaquée, le verre, lui, demeurerait
stoïque, un petit verre ballon un peu étrange avec fond en trompe-l’œil. Puis ce silence. A la télévision, un homme tronc répand une rumeur tout en s’empressant d’ajouter qu’il faut prendre cette information avec la plus grande prudence. Son via-à-vis pareillement élagué répète la même “information” suivie d’une mise en garde identique. Camélia écrase une larme ou une cigarette. Francis s’obstine à lui envoyer à intervalles irréguliers des compilations qu’elle le soupçonne de confectionner avec le plus grand soin. Les choses ont pourtant suivi leur cours : après s’être promis de rester en bons termes, on a recouché deux fois par accident, on s’est donné des nouvelles, puis on n’en donna plus, on s’est croisés à l’occasion, pour irrémédiablement finir par couper les ponts. D’un commun accord, on n’a pas eu de progéniture. Puis un jour une enveloppe. Une cassette? Non mais t’es sérieux? Camélia se souvient encore de sa tête lorsqu’elle reçut la première. Et puis, un peu aussi, toutes les suivantes. Comment avait-il retrouvé sa trace, son adresse postale? Combien de fois avaitelle déménagé? A quel devoir d’enquête discret s’était livré Francis? Elle le connaît par cœur, l’imagine s’y consacrer avec une dévotion un peu bébête ou mystique. Dans ce geste, il fait persister un peu de ce quelque chose qui était advenu et qui n’est plus. Elle lui en voulait et l’avait aussi beaucoup aimé pour ça. Parfois irritée, jamais égalées, la première conserve les secondes et de toutes ces minutes mises bout à bout s’est fait une sorte de cérémonial, où l’accompagne un gros Walkman Sony vintage, aux propriétés étanches et à la robe canari, conservé précieusement depuis le lycée, ne lui demandez pas pourquoi. Camélia s’allonge sur le canapé, s’y reprend à deux reprises pour enfoncer le gros bouton play, tombe sur plusieurs chansons d’un même type. On lui aurait dit que c’était un des gars d’Été 67 qu’elle avait vu à Dour il y a longtemps, elle ne l’aurait pas cru ou se serait attendue à ce que ça ne lui fasse Michaux-mi-froid, mais là, franchement, elle ne l’a pas vu venir, “le temps que l’on passe à refaire le monde est-il du temps perdu?” Elle pense à du Kings of Convenience en français, sait déjà qu’elle l’écoutera beaucoup. Qu’elle n’aspire au fond qu’à ça, un ‘Nouveau Départ’. “Qu’emporteraistu sur une île déserte? Quelques disques, pas grand chose, rien que quelques disques. Quelques livres, trois fois rien, rien que quelques livres.” Beam me up, Scotty!
rédaction Fabrice Delmeire tél 0486/31 74 63 fabrice.rifraf@skynet.be insertions publicitaires Mieke Deisz Tél. 015/42.38.76.-0485/802.257 advert.rifraf@skynet.be deadline reservation: 13/04 agenda tél 015/42.38.76 agenda.rifraf@skynet.be deadline: 20/04 Layout Peggy Schillemans layout.rifraf@skynet.be Imprimerie Corelio printing, Erpe-Mere collaborateurs Nicolas Alsteen, Anys Amire, Antoine Bours, Le Dark Chips, Patrick Foissac, François Georges, Laurent Grenier, Gery Lefebvre, Antoine Meersseman, Anne-Lise Remacle, Eric Therer, Fabrice Vanoverberg,... dessins Issara Chitdara photo cover Lara Gasparotto Abonnements 1 année (10 éditions) info: agenda.rifraf@skynet.be Belgique: 20 € / Europe: 25€ BE 85 3200 1337 9606 BIC: BBRUBEBB
Texte : Fabrice Delmeire Un disque : Nicolas Michaux, ‘A La Vie, A La Mort’ (Tôt ou Tard/Pias)
Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée dans un système de récupération ou transmise sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit sans l’accord préalable de l’éditeur.
Une église gothique, quelque part en Suisse. Un havre d’évasion spirituelle, en marge du temps. Où au sein du tabernacle s’élève l’esprit de Stefan Rusconi & Tobias Preisig. L’un est organiste, le second violoniste. On est pourtant loin du gentillet concert du dimanche, mi-champêtre mipépère. Attendre de voir passer les trois premières minutes, donner du temps à l’instant. Se plonger dans les atmosphères ralentissimes, un voile de Ligeti transperce les travées de la nef. Touche-t-on au divin? La méditation se veut-elle spirituelle? Où s’arrête la musique dite savante? Où débute le secteur appelé non-classique? Un regain de Tuxedomoon dévoile une partie du secret, il tend à chaque seconde un peu plus vers la tonalité, il laisse au pied du bénitier une ambient paresseuse. La quête se veut profonde et intime. Elle l’est. On s’envole vers une destinée inconnue, la vie a-t-elle toujours un sens après la vie? Où sont les morts? Jonchés sur branche d’olivier, au sommet du mont, ils nous contemplent. Nous observent nous poser mille questions. Celles de ce très beau et bien nommé ‘Levitation’ (Qilin Records). ★ ★ ★ Une orgie de synthétiseurs, signée Frank Benkho. On est presque habitués, deux après son ‘The Revelation According To...’ où le Chilien se présentait au monde avec des armes du même acabit. On en avait gardé un bon (et lointain) souvenir. Bad news for him, la prolongation dans nos mémoires n’est plus garantie sur ‘A Trip To The Space [Between]’ (Clang). Quelques effets kosmische typés seventies essaient de nous faire tripper. C’est loupé, ça sonne plus ringard que vintage. Dans le genre, autant rester sur le mystère Ursula Bogner. Ou bien ça se lance en marche de Raster-Noton, ça fait sourire, c’est déjà ça. Puis, ô audace, un compteur Geiger répond à la convocation, il n’a pas lu la date de péremption, c’est ballot. Merde, on est passé à deux doigts d’un grand disque. S’il était sorti en 1976. Pas de bol, on est quarante balais plus tard. ★ ★ ★ Une métropole, au sens le plus noble et chaotique du terme. Elle est à la fois européenne, asiatique, moyen-orientale. Un carrefour, un horizon, un fantasme. Vous aurez reconnu Istanbul, elle est désormais un objet de field recordings, captée par le micro du Polonais Rafał Kołacki, sous l’étrange titre francophone ‘Aux Oreilles d’un Etranger’ (Saamleng). Oui, une appellation dans notre langue, sans qu’on sache réellement pourquoi. Ni la raison pour laquelle l’homme s’est rendu dans l’immense ville turque. Juste qu’à son oreille, et aux nôtres, il en ramène une vision plus que cliché, ciblée TripAdvisor. Bref, on n’est guère surpris, tant la vision défendue par Kołacki tend vers le pittoresque à tout prix. Quelques cris de volatiles, l’appel à la prière, de la musique populaire locale, des coups de klaxon, on aurait aimé que la promenade nous entraîne davantage du côté obscur de la force. Et qu’elle oublie les gondoles de Venise. ★ ★ ★ Néo-classique? Peutêtre, il y a de ça. Free un peu, beaucoup de choses? Aussi, mais tendance smooth. Jazz? Bien sûr, sans oublier quelques volutes orientalistes au travers de la fumée. Quelques amateurs éclairés ont allumé un bâton de chaise, trois centimètres de diamètre. Ils se laissent emporter par l’esprit frondeur et volubile de Werner Hasler / The Outer String sur ‘Out’ (Everest Records). Entre concert et exposition, le trompettiste suisse et sa suite aux violoncelles et percussions promènent l’auditeur au sein du temps, il défile allègrement au gré des interventions dynamiques de ses multiples protagonistes. Ça swingue pas mal, oui, ça rameute aussi l’inquiétude d’un soir pluvieux de novembre, passé à se rappeler les cordes étendues par Gavin Bryars. Derrière leurs fûts, les trois batteurs (à tour de rôle) réécrivent la créativité en majuscules, leurs apports sont primordiaux à la belle réussite de ce disque à la forte personnalité. Elle est aussi déchirante qu’enivrante, on imaginerait bien l’ami (lg) savourer un whisky en sa compagnie. ★ ★ ★ Il manipule des sources. Souvent uniques, qu’elles aient pour nom contrebasse ou percussions. On le sent, son ‘Roha’ (Crónica), première sous son vrai nom d’Andreas Trobollowitsch, défie les lois du temps et de la musique. Nulle caresse auditive à l’avant-plan, où la recherche des locutions grinçantes occupe l’essentiel de l’espace. Les tripes en prennent pour leur grade, mieux vaut baisser le volume pour ne point inonder d’acidité les tympans (‘Ratt’). La colère n’est pas en reste, elle gronde en sourdine, un restant d’humanité industrielle s’invite dans le magma, on traverse la chaussée sous les auspices du diable, les coulées du haut-fourneau en lointain souvenir (‘Tapco’). Tel un hommage à la main de l’homme, et de la machine en adjuvant, l’odyssée prend un embranchement vers l’artisanat, on ne sait trop si on pousse la porte du cordonnier ou du serrurier. Seule certitude, aux yeux de Trobollowitsch, jamais humain et mécanique n’auront été autant interdépendants. ★ ★ ★ Au début, on ne pige absolument rien. Trois minutes dans le vide, c’est long. Et puis, bam le miracle, signé Ytamo, nommé ‘Mi Wo’ (Someone Good / Room40)! On se laisse porter, sans trop savoir comment. Ni pourquoi. Juste par une multitude de sons que séparément, on dédaignerait d’un air blasé. L’alchimie opère, c’est magique. L’abstraction électronique plante le décor, l’électro pop de l’artiste japonaise nous ramène sur les terres de Tujiko Noriko, on sent poindre des envies de Véronique Vincent et d’Aksak Maboul. Chaque titre s’envole vers le large, un goût de saké avant de détendre les gambettes. De la légèreté avant tout, elle aurait pu être signée Felix Kubin qu’on l’aurait cru. On n’est pas à Hambourg ou à Bruxelles, c’est Osaka qui vient à nous. C’est encore mieux, c’est même sensationnel. Tiens, il parait que les billets vers le Japon sont en promo, plus une seconde à perdre. I believe she can touch the sky. t e x t e Fa b r i ce Va n ov e r b e rg
Rubrique destinée à évoquer un lieu, une ville ou un endroit, ‘Sounds & Sites’ ne se veut pas un itinéraire descriptif exhaustif mais plutôt l’esquisse d’un lieu où la musique puise ses racines ou manifeste son émergence. ‘Sounds & Sites’ ne veut nullement dresser une cartographie complète des lieux sonores mais répondra à des envies ou des coups de sonde.
Kiev En été je suis à Kiev. J’ai délaissé la chambre que j’occupais au Lybid Hotel, une tour sans charme de style soviétique dominant l’immense boulevard Tarasse Chevtchenka, pour un logement plus sobre du côté du Podil. J’ai longuement déambulé dans les rues de ce quartier en forme de damier sis en bordure du Dniepr où habitaient naguère des maraîchers et des petits artisans. A midi, j’ai trouvé une auberge, je m’y suis installé. Un peu plus tard, je me suis restauré dans un restaurant juif où j’ai goûté un plat kascher à base de canard. Alors que l’après-midi était déjà bien avancé, je me suis rendu au Musée de Tchernobyl. J’y suis resté deux longues heures. J’étais prostré, abattu par ce qu’il m’avait été donné à voir. Les visages d’enfants leucémiques ne cessaient de me hanter. Le soir, je suis passé devant la maison d’enfance de Mikhail Boulgakov sur l’Andriyvsky Uzviz. La foule des touristes se prenant en photo m’a fait fuir, j’ai poursuivi mon chemin vers les grands boulevards du centre où j’ai acheté un aimant à coller sur le frigo représentant une tranche de pain de seigle et un cornichon. Sur la place Maïdan, j’ai engagé une conversation dans un anglais vernaculaire de piètre qualité avec des gens qui brandissaient des photos de soldats partis dans le Donbass. Ils attendaient une contribution sonnante et trébuchante à leurs entreprises nationalistes. J’ai décliné, leurs envolées fascisantes anti-russes m’ont déplu. Je n’ai pas osé leur confesser que je considérais la proclamation d’indépendance de la Crimée non comme une annexion mais comme un juste retour dans le giron de sa patrie historique. La nuit était tombée, je suis retourné dans le Podil. J’ai bu un thé dans la cour de l’auberge. L’air était encore chaud, on percevait les bruits de la ville atténués par les grands murs et la végétation. J’avais envie de musique, de sortir. En consultant mon Lonely Planet à la rubrique ‘Kiev - Où sortir’, je suis tombé à la page 64 sur la mention suivante : « Xlib : vul Frunze 12 ; la plus grande scène alternative de Kiev était en reconstruction au moment de la rédaction de ce guide. A sa parution, elle devrait avoir déménagé à la même adresse mais, attention, pas forcément sous le même nom. » J’ai arpenté pendant plus d’une heure le voisinage pour enfin découvrir la vul Frunze dans la pénombre. Au n°12, je n’ai trouvé qu’un bâtiment sinistre aux portes closes. Nul son, nulle musique n’émanait de ses murs. J’ai compris que la description du Lonely Planet contenait en elle une contradiction irrémédiable : ‘avoir déménagé à la même adresse’. Je suis reparti en direction de la Place Kontraktova. En chemin, je suis tombé sur une équipe de tournage d’un film qui repliait son matériel, un petit groupe discutait autour d’un camion en le rangeant. J’ai bu un verre de vodka tiède avec un certain Serguei et d’autres personnes dont j’ai vite oublié les noms. Le groupe s’est dirigé vers une brasserie restée ouverte. Comparant nos attraits pour la musique, Serguei m’a confessé son amour pour Yes, Jethro Tull et Eric Clapton. Le patron de la brasserie s’est joint à nous. Il était de la même génération que Serguei, la mi-cinquantaine, il a surenchéri dans l’énumération de groupes progressifs des années 70. Serguei à réclamé Genesis. Le patron lui a montré un vinyle de Mike Oldfield, ‘Tubular Bells’. A deux, ils se sont remémorés l’ère communiste, une époque où les disques étaient rares, introuvables, où la musique était un refuge avant d’être un produit de consommation. Serguei avait gardé dans sa poche des tranches d’un salami rosâtre fort douteux, j’ai refusé net la rondelle qu’il me tendait. J’ai marché vers le Dniepr. Je voulais le voir de nuit, contempler les reflets de l’éclairage urbain sur sa surface. Un gigantesque conduit de deux mille kilomètres charriant des eaux dont on dit qu’elles sont toujours radioactives aujourd’hui. J’ai pensé à Delphine et au film qu’elle terminait : ‘Après nous ne restera que la terre brûlée’. Je me suis demandé ce qui pouvait bien la ramener à cette terre et à ses habitants rustres et carnivores. Un film : ‘Slava Ukraïna’, de Delphine Fedoroff, 2014
t e x t e E r i c T h e re r I p h o t o L i s le K a u f f m a n
"Je n'étais qu'un gamin irritant, menteur et roux" (Aphex Twin)
Vivien Goldman a fait de sa vie un documentaire musical. Devenue l’une des chroniqueuses les plus influentes dans l’univers du reggae, punk, hiphop et autres, elle n’en est est pas moins l’une des fourmis ouvrières, à l’origine. The Roots et Madlib font d’ailleurs partie de ces artistes qui lui ont rendu hommage de la plus belle des manières, en lui dérobant quelques échantillons évidemment. Sorti sur (Staubgold Records) ‘Resolutionary’ réunit trois années de vive poussée artistique au niveau musical. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour le ska ! De 1979 à 1982, trois formations musicales qui ont repoussé les limites de la rythmique, du timbre de la voix - qu’elle avait haute-perchée, le tout sur base de thèmes féministes. A l’image du dieu producteur Adrian Sherwood, Goldman a réuni autour d’elle toute l’avant-garde du mouvement postpunk et incarnait à elle seule cet air bienveillant que diffusait la musique jadis. Vivien Goldman est une comète qui n’a jamais arrêté de chanter, et lorsqu’elle est passée de l’autre côté du haut-parleur, ce sont ses mots qui se sont mis à fredonner. Il paraît que les chroniqueurs sont des frustrés… Difficile de nier souvent, mais Vivien Goldman fait preuve parfaite de contre-exemple ! Accomplie… ★ ★ ★ La note d’intention était pourtant louable : ‘No Fantasy Required’, ça démarrait bien. Si seulement Tiga, pionnier des raves canadiennes, s’en était tenu aux promesses. Lui qui récemment déclarait que le monde n’avait peutêtre pas besoin de plus d’albums. On confirmera que, en son chef, sa fabuleuse compilation ‘Tiga Non-Stop’ aurait fait un élégant chant du cygne. On confirmera aussi que les titres les plus retenus de ce dernier essai nous caressent presque les oreilles de leurs influences froides et minimales. Mais Tiga est une nouvelle fois gangrené par les « succès » qu’il essaie d’imposer, alors qu’on ne lui réclamerait que des faces B bien enragées. Encore loupé ! ★ ★ ★ Imaginez du Frahm, du Steve Reich ou encore du Richter servi par une figure emblématique de la scène house. Et bien sachez que le premier cru 2016 de la cuvée Late Night Tales en fait la proposition sur sa carte. Projet qui sort des clous imposés par la série, le mix nocturne préparé par le DJ gallois Sasha ne va se nourrir d’aucun univers si ce n’est le sien. Vingt et un titres sur cette compilation pour vingt et une productions personnelles qui font de ce ‘Sacha : Scene Delete’ un produit au label trompeur. S’il s’écoutera dans l’obscurité comme ses compères, cette édition relève plutôt de l’album d’ambient pointu (pas très intéressante) que de la bande-son calorifique des longues nuits d’hiver. Et maintenant, une bûche. ★ ★ ★ Sur leur premier album, le duo Africaine 808 réinvente le concept de world music au plus profond de ses origines. Bien qu’ils aillent se nourrir de styles allant du funk nigérien à la cumbia en passant par le jazz spirituel, les chansons de ‘Basar’ évoluent aussi naturellement que les mouvements d’une foule. Album de l’hybride, il fait appel aux tendances et aux sons les plus reculés qui pourtant se révèlent être des partenaires de danse idéaux. Seul ciment de ses éléments disparates, les patterns inoubliables de la boite à rythmes TR808. Le duo formé de Dirk Leyers et Dj Nomad ne limite pas son propos aux frontières du dancefloor et vogue souvent sur les rives de la (belle) chanson. Ainsi ‘Basar’ se révèle-t-il débordant d’une réelle musicalité. Pour ce faire, Africaine 808 a pu compter sur quelques percussionnistes de renom et développer un glossaire de sons nouveaux, enrichissant considérablement le langage et le processus de la musique « dite » moderne. Y a bon. ★ ★ ★ Tout aurait démarré en 2013. Sur le blog américain Dangerous Minds, un article s’illustre d’une vidéo montrant plusieurs musiciens thaïlandais, installés sur des chaises en plastique rouge, équipés d’instruments divers, parmi lequel le Phin, sorte de guitare à deux manches. Le titre de l’article est prometteur : « Mindblowing Psychedelia From Thailand ». Et la musique intégralement instrumentale livrée par cet inqualifiable document, rendue par un tout autant improbable soundsystem, est d’un fulgurant psychédélisme. Il n’en fallait pas moins aux yeux du producteur de Los Angeles, Josh Marcy, pour faire les valises, direction un village paumé loin de Bangkok. Khun Narin’s Electric Phin Band signera ainsi son premier album sur (Innovative Leisure), composé de quatre morceaux aussi lascifs qu’addictifs. A croire que la « Thaïlande, ça vous gagne », le même Josh Marcy revenait en cette fin d’été 2015 avec quelques bandes sous le bras et autant de chansons traditionnelles torturées par le grincement hypnotisant du Phin, le tout rassemblé sur un album sobrement intitulé ‘II’. Quelqu’un peut ouvrir la fenêtre ?
texte Le Dark Chips
L’Avis éternel Étienne réfléchissait encore… il aurait voulu éviter de mourir sur l’autel de la non-compréhension de son être dans le monde, in utero terrum. Il pleure sans s’écouter, il pleure sa souffrance qui l’habite depuis 3 ans. « Quand même, cela fait long, pour que ça guérisse » pense-t-il, la larme chronique. Il repense à sa rencontre de ce matin avec son analyste, Jean Dieu; il aurait pu lui dire plein de choses : qu’il avait vu, par exemple, un chien dans la rue, ou qu’il croyait au renversement de la majorité, qu’il avait essayé un nouveau savon estampillé Marseille for ever (il croyait faire plaisir à son équipe préférée) ou pire, qu’il pensait à son père; ce dernier est fondamentalement un salaud voire une ordure (1)… Nuances. Il a préféré l’embourbement… comme d’habitude… trois ans que ça dure, allongé pour dire qu’il n’était pas encore mort mais qu’il s’en approchait... lentement. L’alarme chronique. Il pensait qu’on rigolait de lui et qu’on lui souhaitait une maladie incurable. Bref, cette obsession de la vie qui finit s’imposait pour clôturer en beauté sa trente-quatrième année. Après vérifications, la prostate se tenait tranquille et les intestins donnaient régulièrement… les urines aussi, claires, non odorantes : la métaphore de son existence résumée dans le cabinet. Celui de son psychanalyste, coalescence de l’indigeste de ses pensées, tenait bon. A la question de ce dernier: « mais, que pensez-vous de la vie éternelle ? », Étienne avait répondu : « je crois que ce n’est pas possible ». Depuis, il ressasse sa réponse, encore et encore. Bien sûr, le passage à la télévision ne lui a finalement apporté que des emmerdes : il était supposé répondre aux questions des citoyens qui lui demandaient pourquoi diable, fallait-il tant d’éoliennes dans un parc (à éoliennes) ! C’est fou cette question car il fallait comprendre que son avis n’avait aucun poids puisque de toute façon, l’expert moqué vivait en ville. Parfois, les auditeurs lui demandaient de dire pourquoi on en était arrivé là. Ces auditeurs le renvoyaient à sa propre question qui était celle, je résume, qu’on ne pourrait pas garantir la vie éternelle à la terre, qu’il fallait bien pactiser avec la finitude, que l’instant, c’était l’instant, la seconde la seconde et le temps mort le temps des rêves. Merde, Étienne est mal garé. A surgi cette idée qu’il n’avait plus qu’à se jeter dans haut… pas dans bas…(on se jette d’une hauteur pour tomber). Un enfant peut se fracturer une jambe par le simple fait qu’il tombe de sa hauteur… Souvenirs, souvenirs (2); concept parental et/ou pédiatrique. Bref, on convient de pouvoir aussi ne pas se contenter de cette hauteur-là. Étienne se dit qu’il faut de l’ambition pour se jeter dans le vide et pouvoir atterrir tête la première. A condition de ne pas se prendre un camion… là, il faut avancer la capacité de vi-ser… viser sa mort, ça consent à l’épitaphe. Étienne essaye de prendre un verre de jus de fruits frais; ma santé, ma vie, mon transit. Obsédé, il l’est à 200 %. Merde. « Tant qu’on y est, restonsen là, je me casse ». Impulsion. « Pavane Les larmes » (3) tourne en boucle. Son psychiatre apprit son suicide au bout de trois séances manquées; son avis clinique est qu’Étienne lui devait donc quelque chose et aurait de là-haut ou d’icibas, l’élégance de lui rembourser un jour, après l’éternité. Ainsi, IL, le dépositaire de l’Avis, aura répondu à sa question. (1) Librement inspiré du livre de Sorj Chalandon « Profession du père », éd. Grasset, 2015 (2) Johnny Halliday « Souvenirs, souvenirs », 1960, 45 T, Label Vogue (3) John Dowland : « Lacrimae or Seven Teares », par Jordi Savall, 2013 Alia Vox
t e x t e A n y s A m i re e t Fra n ço i s G e o rg e s
Suuns
06
texte Antoine Meersseman I photo Nick Helderman
Que les habitués de La Ramée et autres aficionados des pilules blanches évitent de se plonger dans ‘Hold/Still’. Parce qu’on a rarement vu l’anxiété érigée à
chanson : Resist. Resist. Resist.
nous dans l’autre. Il peut aller dans toutes les directions et cherche juste à trouver le bon son. » Ben : « Ce n’est pas un dictateur, il n’oblige pas à faire des choix qui vont dans le sens de ses goûts. Jusqu’à présent on avait jamais travaillé avec un producteur. C’est après ‘Images du Futur’ que John nous a contactés. Au début, ça ne nous parlait pas plus que ça, mais il a fort insisté. On était assez flattés, on s’est dit pourquoi pas ! Pour son niveau de renommée, c’est encore un mec hyper passionné, qui ne veut faire que ce qui l’intéresse. Il est ouvert à tout. Avec St. Vincent, il a travaillé sur plein de sons programmés, assez froids. Il a même fait le dernier Earl Sweatshirt ! Il nous a poussés dans une direction plus extrême. » Effectivement, on sent que ce disque est plus répétitif que jamais. Depuis le premier disque, vous allez toujours plus loin dans l’expérimentation. Ben : « Chaque album est une collection de chansons que l’on fait à un moment donné. Le fait qu’on s’avance vers quelque chose de plus profond n’a pas vraiment été intellectualisé. C’est inconscient. Cela vient juste de notre développement personnel, que ce soit en tant que personnes ou en tant que groupe. On est plus matures, expérimentés. Nous goûts changent, aussi. »
Vous sortez d’une collaboration avec Jerusalem In My Heart. A-t-elle eu une influence sur votre manière d’écrire ‘Hold/Still’, qui vous aurait conduits vers quelque chose de plus radical ? Ben Shemie : « On a une façon de travailler différente avec lui qui nous a libérés de notre manière de faire. C’est un projet d’amitié, c’est pour ça que ça nous a pris très longtemps. Le but était de capturer une vibe, un feeling, ce qui est peut-être la chose la plus dure à faire sur un enregistrement. Pour ‘Hold/Still’, on a décidé de faire autre chose que sur ‘Images du Futur’, qui est un disque agencé d’une manière très parfaite, où les guitares et la voix sont traités minutieusement, sans erreurs. Ici, on s’est dit qu’on s’en foutait, qu’on voulait juste jouer à quatre, ensemble, pour pouvoir capter la vraie bonne prise. Tous les synthétiseurs sont joués en même temps que la basse, la batterie. Généralement, on a gardé la première ou la deuxième prise commune, et c’était assez. » John Congleton, votre producteur, a travaillé beaucoup de groupes plutôt âpres, et bizarrement ce disque est peut-être plus électronique... Liam O’Neill : « C’est lié à la manière dont on a évolué. On avait envie de tester quelque chose de neuf mais on n’avait pas prévu d’avoir un son moins parfait. C’est notre collaboration avec John qui nous a menés à ça. C’est un mec qui aime travailler rapidement. Tu essayes une idée, ça ne marche pas : tu passes à autre chose. Et bizarrement, John voulait souvent aller dans un sens,
Liam : « On a écouté beaucoup de musique downtempo. Du coup, quand tu arrives dans un local de répétition, tu joues tout plus lent ! Ce disque a été enregistré sur une période très courte. Il reflète ce que l’on faisait à un moment précis. Le premier disque contient énormément d’influences, de styles différents car il a été enregistré sur une très longue période. On était jeunes, on se cherchait. Maintenant, on se limite à une seule esthétique par projet. » L’infini et la répétition font-ils partie de vos obsessions ? Ben : « C’est vrai qu’on a un aspect répétitif presque drone, qu’on pratique depuis toujours. On se sent bien quand on est aspirés dans un groove. Comme tu auras une logique pop et ses couplets/refrains, on répond à une logique qui est axée sur une sorte de « global loops ». » Liam : « Il n’y a pas autant d’événements que dans la pop. Chez nous, il y a plutôt des grooves cycliques. C’est pour ça qu’on compose des morceaux lents et répétitifs, car ça marche très bien lors des concerts. Ce sont des morceaux qu’on a répétés énormément, orientés live. » Au niveau des paroles, le champ lexical se limite, avec des mots qui reviennent souvent comme ce kneel qui aborde l’idée de soumission... Ben : « Il y a une thématique sur le disque qui n’est pas la prière à proprement parler, mais de l’ordre de la spiritualité. « Kneel » signifie une commande à quelqu’un, mais aussi une forme physique de prière, la recherche en soi. C’est un mot très simple aux significations multiples. Je n’ai pas de spiritualité religieuse, mais je m’inspire beaucoup du chant lexical de la Bible et des autres religions parce que c’est une esthétique complète, universelle. Je tente de ne pas être trop précis dans
ce point en substantifique moelle. Trip parano à s’enfermer ad vitam dans une chambre de bonne, réflexion politique et cauchemar égocentrique, le troisième album des canadiens rappelle les pages les plus sombres des romans d’anticipation, martelant un seul et même clou jusqu’à la nausée, celle de l’existentialisme crasse, du mal du siècle et des idéaux déchus. ‘Hold/Still’ vous laissera deux alternatives : le headbanging grégaire à se lobotomiser ou la ferveur bouillonnante, le poing levé. Un indice se trouve dans la quatrième
Sous les synthés, la plage
mes textes afin que chacun puisse se les approprier. Un morceau comme ‘Resist’ commence par un slogan, presque punk. Ça monte dans une ambiance presque révolutionnaire pour tomber dans des couplets plus calmes et réflexifs. Il y a souvent ces deux mondes qui se côtoient. J’adore cette confrontation ! » Vous venez de sortir le clip de ‘Paralyzer’ qui m’évoque une esthétique sci-fi à la Tron... La science-fiction influence aussi votre son ? Liam : « Quand tu joues des synthés, que tu fais de l’electronica, c’est impossible de dissocier ça de la science-fiction, berceau des synthétiseurs. Mais c’est quelque chose à quoi on a davantage pensé sur ‘Images du Futur’, parce qu’on y a incorporé beaucoup plus de synthés que précédemment. Max écoutait à fond le soundtrack de Blade Runner, et a amené ce genre de sons assez fréquemment. » Sur ‘Images du Futur’, le final ‘Music Won’t Save You’ faisait office de retour sur terre, alors qu’Infinity’ ouvre à d’autres horizons sur ‘Hold/Still’. Dans quelle mesure ces deux albums se répondent ? Liam : « C’est une lecture intéressante. On peut se poser la question de savoir pourquoi il est évident qu’une chanson plutôt qu’une autre soit la dernière. On crée parfois des réponses euphémiques. Par exemple, ‘Images du Futur’ était un album très extraverti avec des sons très rock’n’roll. On y a fait un final assez noir qui semblait faire sens. Ici, ‘Infinity’ est la seule issue car le reste du disque sonne très fermé, claustrophobe, introverti. » Ben : « D’une certaine manière ‘Hold/Still’ est, non pas vraiment l’opposé, mais plutôt un chemin inverse d’’Images du Futur’. Dans la façon dont on l’a créé, dans le contenu. On a enregistré tous ensemble au lieu de faire un enregistrement très précis. ‘Hold/Still’ est plus introspectif que porté vers l’extérieur. Sur ‘Images du Futur’, il y avait un côté psychédélique qui te protégeait en tant que personne dans le groupe. Parce qu’il y avait toujours un écran de fumée en face de toi. Or, sur ‘Hold/Still’, le son est très sec. On est beaucoup plus vulnérables. » Avant, aviez-vous peur d’être plus radicaux, de ne pas avoir recours à la « triche » ? Liam : « Quand tu n’es pas confiant, tu ajoutes des éléments dans ta musique qui vont la rendre moins personnelle, au final. Tu n’aimes pas t’entendre dans tes morceaux. On a eu beaucoup recours aux effets par le passé. Sur la voix, par exemple. Et dans un sens, John, en tant que producteur, ne nous a pas vraiment laissé ce choix. Pas d’édition, peu d’effets. » Ben : « C’est l’école de Steve Albini. Punk ! C’est comme ça qu’il sonne ton groupe, pourquoi tu changerais ça pour quelque chose qui est artificiel dans ce studio ? C’est assez old school ! » Un disque : ‘Hold/Still’ (Secretly Canadian/Konkurrent)
ON STAGE 20/05 21/05 22/05 17/07
Melkweg I Amsterdam, NL Grand Mix I Tourcoing, France Nuits Botanique I Bruxelles Dour Festival
Kevin Morby texte Nicolas Alsteen I photo Dusdin Condren
En excursion sur la carte des États-Unis, Kevin Morby esquisse de grands disques: des albums influencés et inspirés, profondément passionnés. Du Texas au Kansas, de New York à Los Angeles, la vie du blondinet traverse des décors bouleversants, des moments de doute, des instants parfaits. En va-et-vient ‘Sur la route’ de Jack
américain ira mieux demain.
Angeles. Ton premier album est venu officialiser ton départ de Big Apple. ‘Harlem River’, c’était ta façon de dire au revoir à la ville ? Kevin : « Exactement. Ce disque était un adieu à Manhattan, Brooklyn, Bushwick. ‘Harlem River’ raconte ma vie là-bas. Toutes les chansons ne parlent pas forcément de la ville. Par contre, elles ont toutes été écrites à New York. » Récemment, tu déclarais que les arrangements du nouvel album étaient inspirés par ‘The Last Waltz’, le concert d’adieu livré en 1976 par le groupe de rock canadien The Band... C’est exact ? Kevin : « J’ai participé à un remake de ce concert. Ça s’appelait ‘The Complete Last Waltz’. Le spectacle intégrait des membres de Dr. Dog, Cass McCombs ou encore Sam Cohen, le directeur des opérations. Avec lui, le courant est super bien passé. Tellement bien que je lui ai demandé de produire mon disque. C’est comme ça que Sam s’est retrouvé aux manettes de ‘Singing Saw’
Kevin Morby : « J’ai abandonné l’école à l’âge de 17 ans. Ce n’était pas pour moi. Du coup, je passais mes journées à glander. Je n’en touchais pas une. Au bout d’un an, cette situation m’a paru intenable. J’avais besoin de grandir, de me chercher une vie d’adulte quelque part, ailleurs. Comme la plupart de mes artistes préférés ont entretenu une histoire d’amour avec New York, j’ai décidé d’y aller. Je n’avais aucune perspective d’avenir là-bas. Juste l’espoir de vivre une expérience, de créer quelque chose de positif. » Comment as-tu rencontré les garçons de Woods ? Kevin : « J’ai rencontré Jeremy Earl et Jarvis Taveniere via l’ancien bassiste du groupe, Christian Deroeck. On bossait ensemble le soir dans le même restaurant. Nous nous sommes liés d’amitié. Et, à force de traîner ensemble, on a fréquenté le même cercle de personnes. À cette époque, Christian envisageait sérieusement de quitter le groupe. C’est comme ça que je l’ai remplacé au pied levé. J’étais hyper fan de Woods. J’étais enchanté de bosser avec eux. Je suis resté dans le groupe de 2008 à 2013. Soit cinq belles années. » En marge de cette aventure avec Woods, tu jouais également avec Cassie Ramone (ex-guitariste et chanteuse des Vivian Girls) au sein d’un groupe baptisé The Babies... Kevin : « C’est un peu la même histoire : un projet né sur des bases amicales. À un moment, j’ai eu l’impression de me disperser, de partager mon temps n’importe comment entre deux groupes qui me tenaient à cœur, mais qui me freinaient dans mon désir d’enregistrer en solo. J’ai donc décidé de tout arrêter pour me focaliser sur mes propres chansons. » Le début de cette échappée solitaire correspond aussi à un nouveau départ: une vie sous le soleil de Los
et que ‘The Last Waltz’ transparaît en filigrane de l’album. Mais c’est davantage le déclencheur de notre rencontre qu’une influence prégnante dans la production. Après, j’adore le documentaire filmé par Martin Scorsese sur cette ultime prestation. Et si je ne devais garder qu’un seul disque de The Band, ce serait probablement ‘Stage Fright’. » En comparaison avec tes deux précédents essais, l’arrivée du piano marque ici un tournant. De nombreux morceaux de ‘Singing Saw’ ont été composés à l’aide de cet instrument. Kevin : « Avant ‘Singing Saw’, je n’en avais jamais vraiment joué. Quand j’ai déménagé à Los Angeles, j’ai trouvé un appartement dans lequel se trouvait un vieux piano. Être en présence de cet objet au quotidien, ça m’a donné des idées… Désormais, je me sens à l’aise au piano. Pour l’instant, que ce soit dans la création ou sur scène, je suis plus excité de jouer du piano que de la guitare. Dans mes disques de rock préférés où le piano occupe une place centrale, j’adore le ‘The Boatman’s Call’ de Nick Cave. Ce disque est juste énorme. » Cela dit, tu as surnommé ta guitare ‘Dorothy’ et tu lui rends hommage sur l’album avec une chanson du même nom. Pourquoi l’appelles-tu comme ça ? Kevin : « Il s’agit d’un hommage à ma grand-mère paternelle. Elle s’appelait Dorothy. Elle est décédée en 2012, quelques jours après que je me sois procuré ma guitare. Ceci étant, la chanson parle plutôt du voyage, des concerts, de tous les gens que je croise sur la route: des instants éphémères, fragiles, inoubliables, mais presque irréels... Parfois, quand je rente chez moi, j’ai l’impression d’avoir rêvé tout ça, de ne pas vraiment avoir vécu ces moments. Le seul témoin de mes périples, l’unique objet
Kerouac, l’ancien bassiste de Woods songe toujours à Dylan et Cohen en appuyant sur l’accélérateur. Mais avec l’album ‘Singing Saw’, il va plus loin, plus vite. Entre guitare et piano, ses mots percutent l’actualité, les injustices sociales, le racisme, les dernières illusions d’un amour perdu d’avance. Les yeux au ciel, Kevin Morby contemple les étoiles en attaquant une bouteille de whisky. Il pense à Elliott Smith et se dit que le rêve
Suite et fin du rêve américain
qui m’accompagne au jour le jour, c’est ma guitare. Elle est la seule à voir ce que je vois, à partager ces moments intenses avec moi. C’est ma meilleure amie. Elle méritait bien une chanson. » Tu présentes le morceau ‘Drunk And On A Star’ comme un hommage à Elliott Smith. C’est aussi une apologie de la picole, non ? Kevin : « Apologie n’est pas le mot adéquat. C’est plutôt une célébration, une façon de fêter les vertus de l’alcool. J’adore boire. Pas autant que les Belges, j’en suis sûr... (Sourire) Mais j’adore ça. C’est un geste social, un moment de partage qui amène des discussions et, parfois, une gueule de bois… Il faut juste apprendre à connaître ses limites. Boire avec plaisir. Pour se désinhiber, toucher à l’autre part de notre personnalité. » Le titre ‘I Have Been To The Mountain’ fait allusion aux violences policières contre la population afroaméricaine. Considères-tu ce titre comme un chant engagé, dans la grande tradition des protest songs de Woody Guthrie ou Phil Ochs ? Kevin : « J’ai tendance à la voir sous cet angle. Cette chanson est engagée. Mais je ne me vois pas comme un contestataire ou un chanteur engagé. Dans mon répertoire, je possède plusieurs morceaux qui abordent, de près ou de loin, le même genre de sujet. Mais ça ne fait pas de moi le porte-drapeau d’une pensée. C’est d’autant plus vrai que je ne prémédite jamais le thème de mes chansons. J’écris toujours à l’impulsion. Sans but précis. Sans arrièrepensée. C’est une forme d’écriture en mode automatique. » Sur l’album, les chansons ‘Black Flowers’, ‘Ferris Wheel’ ou ‘Destroyer’ parlent d’amour avec la boule au ventre. À chaque fois, il est question de la difficulté de vivre pleinement une relation, de préserver la passion. C’est compliqué de s’impliquer dans son couple quand on est musicien ? Kevin : « C’est difficile parce qu’on est souvent absent. J’ai écrit ces chansons à une période où j’étais quasiment certain que mon couple fonçait droit dans le mur. Ces chansons parlent d’une rupture sentimentale imminente. Finalement, nous sommes toujours en couple... Comme quoi. J’avoue que, dans un premier temps, ma compagne n’a pas forcément bien pris les choses en écoutant ces morceaux. Aujourd’hui, elle comprend. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts... » Tes trois albums doivent quand même énormément à Bob Dylan et Leonard Cohen. Ce sont des chanteurs qui comptent pour toi ? Kevin : « Ce sont mes deux influences majeures. Il n’y a aucun doute là-dessus. On pourrait penser que ces deux références sont écrasantes, mais elles ne le sont pas. J’ai pris pour habitude de prendre ce que j’aime chez Dylan et Cohen pour en faire quelque chose de personnel. Je ne ferais jamais du copier-coller avec l’œuvre de ces deux artistes. J’ai bien trop de respect pour eux. Je me vois plutôt comme un héritier de leurs chansons. » Un disque : ‘Singing Saw’ (Dead Oceans/Konkurrent) Suivez le guide : www.kevinmorby.com
ON STAGE 07/05 Atelier 210 I Bruxelles
Nicolas Michaux
08
texte Laurent Grenier I photo Lara Gasparotto
Un type qui après l’interview t’invite à reprendre une bière pour causer de la campagne
ON STAGE
jalhaytoise et des formidables photos de
02/04 Théâtre d’Arras (Avec Bertrand Belin) 14/04 La Cave Aux Poètes I Roubaix 15/04 Botanique I Bruxelles
Raymond Depardon dans le Glasgow glauque de 1980 est forcément un type bien. Un type dont le modeste groupe précédent nous avait fait fortement sous-estimer l’énorme potentiel. Aujourd’hui, Michaux – tellement intelligent et touchant – nous colle une baffe. Une cinglante. En dix titres absolument bluffants, inspirés par le code d’honneur de Stanley Brinks, il allie la poésie de Dominique A aux échappées ténébreuses de Timber Timbre, à la pop mélancolique des Kings Of Convenience. C’est inouï.
Nostalgie de l’espèce Qu’Été 67 semble loin… Nicolas Michaux : « Été 67, c’était avant tout une aventure de potes, une école de la musique, de la vie. Ça a duré dix ans puis on a ressenti une vraie lassitude. D’un groupe qui reprenait les Stones chez Bouldou dans le Carré, on était passé à Forest National en première partie de Louise Attaque. En 2010, on voulait tous, et moi le premier, faire autre chose. J’ai quitté Liège, je suis tombé amoureux, j’ai suivi cette fille – avec qui je suis toujours – au Danemark, pendant un an. Ça m’a beaucoup nourri et libéré. Je grattais un peu mais je me promenais surtout dans les bois, je bouquinais, regardais des films. C’est seulement après deux, trois mois que j’ai commencé à chipoter sur un clavier acheté à Hambourg et à m’enregistrer avec un H4. J’ai accumulé quelques pistes comme ça pendant une grosse année mais sans avoir vraiment l’idée d’un album en tête. » Et quel a été le déclic pour le disque, alors ? Nicolas : « Le morceau ‘Nouveau Départ’. Je me suis dit que je tenais le truc qui synthétisait un peu tout ce que je venais de vivre ces deux ou trois dernières années. Du coup, tout ce que j’avais en stock a pris un autre sens et j’ai envisagé d’en faire un album. Après, malencontreusement, j’ai dévoilé ce titre sans le vouloir via SoundCloud et Facebook alors que je n’avais rien de prêt dans la foulée. » Du coup, le disque sort deux ans plus tard, c’est long… Nicolas : « Oui. Parce que si on a conservé certaines choses bancales enregistrées au Danemark, on en a testé beaucoup d’autres. Julien Rauïs, l’ingé-son de Great Mountain Fire, m’a énormément aidé pour ça, mais il a un emploi du temps chargé. De plus, on n’a pas travaillé en studio mais dans différentes maisons, souvent par cycles d’une dizaine de jours. Comme on n’avait pas tout le temps un endroit disponible et qu’il fallait aussi emporter à chaque fois tout le matériel sans avoir la certitude de l’utiliser, la logistique a pris du temps. Après, on s’est aussi retrouvé avec trop de morceaux et on a eu un peu de mal à trouver la cohérence du projet. Mais travailler de cette manière était la seule possibilité de faire ce disque : c’était mon matériel, mes prises, et avec Julien, on voulait réellement garder la mainmise sur le son. A la fin, on a tout de même envoyé les titres à des mixeurs étrangers, un Canadien et un Français notamment, mais leurs propositions ne correspondaient pas à l’idée qu’on s’était faite du truc. Du coup, c’est Remy Lebbos (Vismets, ndr) qui a assuré le mixage. »
Tu parles beaucoup en « on », tu considères ce disque davantage comme une œuvre collective que solo ? Nicolas : « C’est un disque solo dans le sens où je l’ai démarré seul au Danemark mais c’est aussi un disque de scène, conçu à plusieurs, avec des vrais musiciens amis de Bruxelles. J’ai profondément besoin d’avoir des gens autour de moi qui donnent leurs avis, de bosser dans des ambiances chaleureuses. Je suis à l’écoute des propositions que les autres font à partir de mes démos, je souhaite que chacun trouve sa place dans le morceau. » En quoi ton séjour au Danemark a-t-il influencé ce disque ? ‘Nouveau Départ’ sonne très norvégien, Kings Of Convenience… Nicolas : « Ça a surtout été inspirant en termes de ressourcement. On vivait dans une petite ville en bord de mer. Je voyais les dauphins en allant me promener sur la plage. Mais j’ai très peu écouté de musique pop scandinave. A l’époque, je venais de découvrir Stanley Brinks et tout m’a plu chez lui, ses chansons évidemment mais aussi sa démarche, le fait de tout bricoler seul, et je me suis dit que moi aussi, je pouvais le faire. Ça a été libératoire de redécouvrir cette manière de composer et de retrouver le plaisir d’écouter de la musique sans être pollué par la côté analytique que tu peux avoir en tant que musicien, à dissocier les sons, les fréquences au sein des sons, etc. Souvent, la musique m’interpelle et je me pose la question de son sens dans la société, comment elle se présente aux gens et avec quelle ambition. Et, sans forcément le vouloir, je relie ça aux détails techniques. Avec Stanley Brinks, ce qu’il y a de très intéressant, c’est qu’il y a une convergence totale dans sa démarche de production, de diffusion, de ventes, de sonorités, de faire un disque tous les six mois, de lieu d’enregistrement. C’est la sociologie de ce projet qui m’intéressait. Je ne suis pas un grand spécialiste de reggae mais si je regarde Studio One ou que je m’intéresse à la vie de Bob Marley, la sociologie du Trenchtown et de ce truc à Kingston, c’est complètement fascinant. Et c’est pareil pour la scène ghanéenne ou la rumba congolaise. Tout ça m’a amené à des réflexions par rapport à Été 67 : j’aimais beaucoup nos concerts, la vie, la collectivité du groupe mais quelques mois après qu’on ait produit quelque chose, j’en étais toujours déçu. Et j’ai compris au Danemark que c’est parce qu’on ne se crée pas les bonnes conditions pour faire éclore la musique. Si t’as un naturel un peu sensible comme moi, te taper dans un studio avec le temps et
l’argent qui tournent ne débouchera sur rien. » Outre son côté pop, ce disque comporte un versant plus sombre. ‘Avec Vous’, c’est quasiment du Timber Timbre. Nicolas : « C’est une vraie référence. Après, il y a aussi ‘I Put a Spell On You’ de Screamin’ Jay Hawkins, de la musique soul en ternaire lent, du blues mineur. » Les paroles sont à l’avenant, « j’aimerais danser avec vous sur les décombres ». Nicolas : « Pour ce morceau, j’ai surtout été inspiré par un concert qu’on avait donné avec Été 67 dans un squat de Droixhe. Cette constatation un peu désabusée, un peu triste de l’enlaidissement du monde, de la destruction du monde d’avant traverse tout le disque mais est contrebalancée par le côté un peu plus solaire, positif de la danse. C’est comme les herbes qui repoussent sur les terrils ou la nature qui reprend entre deux pavés. » Tu chantes aussi que « les îles désertes n’existent plus ». C’est de la nostalgie ? Nicolas : « Oui, certainement mais, comment dire, une sorte de nostalgie de l’espèce, cette nostalgie qu’on peut ressentir si on va ramasser du goudron sur une plage à cause d’une marée noire. Là, je reviens de Chine où on a tourné pendant dix jours. On peut retirer plein de positif de ce voyage mais il y a malgré tout pas mal d’amertume et de tristesse – qui est cette forme de nostalgie – de voir ces paysages avec des tours et des tours sur des centaines de kilomètres et la terre morte autour et les bulldozers qui en construisent d’autres plus loin. Il y a une nostalgie de l’homme dans son milieu naturel au milieu des bois ou même simplement de l’homme en train de vivre en bonne intelligence avec son environnement. Ça doit être aussi pour ça que j’aime autant Maurice Pialat. » ‘L’Amour Existe’ ? Nicolas : « Oui, évidemment. Qui est son film le plus politique. Formidablement émouvant. Tout ce qu’on voudrait dire est dit. Mais ‘La Maison des Bois’, sa série sur les gens qui vivent pendant la guerre 14-18 est magnifique aussi. Je reste toujours profondément touché par les gens endeuillés par la disparition du monde rural, de la vie en général. Dans les zones pavillonnaires, dans les HLM, la vie, elle disparaît. A notre petit niveau, c’est un peu ce qu’on a essayé de faire, recréer des moments de vie. » Un disque : ‘A La Vie, A La Mort’ (Tôt ou Tard/Pias)
Boyarin
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texte Anne-Lise Remacle I photo Julie Rochereau
Ce mois-ci, laissez-nous vous ouvrir les battants d’un singulier disque-monde ! La fantasmagorie ambiguë d’un marionnettiste pop qui tantôt ferait valser haut les voix désincarnées, tantôt remonterait à contresens les rouages de boîtes à musique baroques au rhizome plus piégé qu’il n’y paraît. Boyarin, entre artisan maniériste 2.0 et démiurge dans sa coquille de noix, oscille exquisément avec nous sur le fil frêle du convenable et de l’exaltant…
Le Maître des illusions Concernant ton album, on pourrait utiliser le terme « méticuleux » dans l’idée de l’horloger, de l’artisan qui donne vie aux automates dans ‘Coppelia’ … Bastien Boyarin : « C’est vrai que ça marche un peu comme une horlogerie ou un être vivant. Au début d’un morceau, il n’y a pas de projet préconçu. Vient une première idée, et puis à force de vivre un peu avec, les pistes viennent à tâtons. Si je construis cette harmonie-là à cet endroit, il faudra modifier ailleurs, etc. Chaque plage est un petit monde à explorer. Un organisme avec des tissus complexes qui fonctionnent ensemble, ça demande une attention aux détails. Il reste beaucoup de choses pas nettes, un peu chaotiques, de déséquilibre en fait. À chaque fois, il s’agit de trouver une énergie interne qui se crée à partir de ces micro-fractions qui se répondent. À propos de ma musique, j’ai souvent entendu parler de pop baroque ou de références à Bach. Il fonctionne un peu comme ça Bach, mais là, c’est à mon tout petit niveau. Dans les harmonies, certaines ne fonctionnent pas suivant les règles, sont dissonantes. Et il y a toutes sortes de petits bruits-mouches que je ne peux pas m’empêcher de placer. » Au moment des premières démos, tu avais confié à l’Oreille Absolue ta crainte qu’on juge ton travail « artificiel » …à présent que l’album est sorti, ça te travaille toujours ? B.B. : « C’est toujours un doute, mais moins une crainte. Je ne suis pas un super musicien professionnel. Je joue gentiment de la guitare et de la basse et un peu du clavier mais il y a eu beaucoup de programmation. Au départ, le complexe que tu as, c’est de te dire « je triche un peu, ce ne sont pas de vrais instruments». Il y a en plus beaucoup de bandes de sons, donc ça n’est pas « noble » en quelque sorte. » Parvenir à faire illusion, n’est-ce pas aussi une belle façon de construire ? Je n’avais rien lu sur ta méthode d’enregistrement avant la première écoute, et j’ai cru à de vrais clavecins ! B.B. : « En fait, c’est vrai que ça donne pas mal ! On apprend à aimer ces sons-là. On peut trouver une poésie dans un son de clavier pourri, dans une fausse clarinette un peu ringarde…pas le genre de sons qu’on met sur un disque sérieux ! Comme chaque son n’a pas en lui-même beaucoup de dynamique – une fausse trompette n’a pas le grain d’une vraie – c’est intéressant de les doubler, ou de faire rentrer en conflit telle ligne avec telle autre. Créer avec des matériaux pauvres, ça te contraint à ce que la musique tienne debout par la manière dont elle écrite. Je ne peux pas m’appuyer sur un magnifique vibrato de violon qui créerait des émotions par lui-même. Je dois tenir compte d’une certaine fragilité. »
Quand je réfléchissais au mélange du baroque avec d’autres genres, j’ai repensé – tu vas rire – à Rondo Veneziano. Le grandiloquent, voire le kitsch, c’est aussi ce que peut véhiculer le baroque, là où ta façon de te l’approprier est plus fine, non ? B.B. : « Il y a des choses de ce type qui peuvent me réjouir aussi ! Pas forcément Rondo Veneziano que je ne connais pas bien (rires) mais j’avais beaucoup aimé par exemple des disques de groupes boliviens, comme Barrocco Andino qui reprennent avec des instruments traditionnels des morceaux baroques. C’est à la fois assez kitsch – de la flûte de pan, etc. – et en même temps touchant. C’est toute l’histoire des limites du bon et du mauvais goût. Si tu ne flirtes pas avec cette frontière, c’est un peu ennuyeux en fait. Essayer de mettre un clavier avec un son de canard qui joue un contrepoint, ça peut être marrant mais pas juste pour la blague. J’assume tout, je n’ai pas de plaisirs coupables ! J’ai retrouvé des disques des années 70 où grâce aux premiers synthés avec des sons parfois un peu bizarres, des pionniers comme Isao Tomita, Wendy Carlos ou Delia Derbyshire s’amusaient à reprendre les airs classiques. Ce n’est pas toujours sortable mais c’est intéressant d’en voir les marges, et ces expériences – la confrontation d’un vieux Moog avec des mélodies réputées belles de Bach, Debussy ou de Moussorgski – font vraiment partie de l’histoire de la musique actuelle. » On aurait tort de réduire ta musique à la légèreté… Ce que tu fais m’évoque plus la féerie trouble. Un de tes morceaux s’appelle ‘Rafflesia’, en référence à une plante pas vraiment charmante…plutôt dans l’ambivalence de la monstruosité merveilleuse. B.B. : « Tout à fait…merci de l’avoir noté ! C’est la plus grosse fleur du monde et en même temps, il paraît qu’elle a une odeur épouvantable. On retrouve cette ambiguïté aussi dans ‘Fungus’ , un organisme de forêt mais aussi une moisissure. Les signes sont toujours un peu louches. Ce ne sont pas de petites comptines, ce n’est pas vers ça que ça va naturellement. Mais ça m’intéresse malgré tout d’avoir des retours de mes amis qui me disent que leurs mômes rentrent plutôt vite dans l’univers. Parmi tes premières rencontres musicales, ce qui peut te fasciner, ce n’est pas nécessairement ce qui serait « destiné » à ton âge. La première fois que tu entends une symphonie, tu ne comprends rien mais ça te paraît gigantesque, génial. » Je trouve ta musique génératrice d’images, et certains ont fait le rapprochement avec Ennio Morricone ou le film ‘Barry Lyndon’. Serais-tu familier des films tchèques des années 60-70 ?
B.B. : « C’est marrant parce que je ne crée pas de manière très visuelle, j’ai du mal à être inspiré de films. En revanche, quand j’ai cherché après coup des images qui illustraient cette musique, ce qui fonctionnait très bien, c’était des films d’animation. Alors tchèques des années 70 oui, mais aussi plus vieux que ça, par exemple des films de Russie et d’Europe de l’Est des années 30-4050. Des poupées fabriquées avec un travail méticuleux sur des matériaux pas nécessairement nobles au départ. Ladislas Starewitch a notamment animé de véritables insectes. On trouve des moutons ou une vache de Lozère sur mes pochettes : j’aurais du mal à les illustrer par des figures humaines. Voire même à faire un film avec de vrais gens. Tel quel, ça m’évoque plus de mystère. L’animal, pour moi, c’est le mystère absolu. » L’avant-dernier morceau de ton album, ‘GrandeGarabagne’, est une référence à Henri Michaux. B.B. : « Michaux c’est vraiment un de mes fétiches. ‘Voyage en Grande-Garabagne’, c’est un voyage fictionnel d’ethnologue qui va voir plein de peuplades très étranges, avec des coutumes irrationnelles. Une des couches d’interprétation, c’est que Michaux y parle en fait de la Belgique où il est né. De l’étonnement de quelqu’un face au monde qu’il a rencontré enfant et vécu comme incompréhensible, avec a contrario des lois aux ressorts totalement sérieux. Mon morceau parle du fait de revenir sur des lieux supposément familiers et de les trouver mystérieux et impénétrables. C’est ça que je retire de la littérature du merveilleux, comme Lewis Carroll ou même d’une certaine façon Borges : le fait qu’on te parle de mondes à part, mais qu’il s’agit en fait d’un commentaire sur notre manière de vivre le quotidien. C’est quand même assez effrayant, ce que fait Michaux, son rapport à la magie. » Dans le recueil ‘Passage’, il dit : « J’écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire: me parcourir. Là est l’aventure d’être en vie ». B.B. : « Dans le même recueil, il y a plusieurs textes sur la musique qui sont géniaux, dans lesquels je me retrouve assez complètement. En ouverture de ma page Microcultures, j’avais voulu mettre des citations, parmi lesquels un extrait de l’avant-propos d’’Ailleurs’, de ‘Voyage en Grande-Garabagne’, justement. Cette espèce de tremblement des mondes qui ne sont pas complètement, qui cherchent à être, et qui sont quand même, d’une certaine façon.» Un disque : ‘s/t’ (Figurines Music/Differ-Ant) Suivez le guide : https://boyarin.bandcamp.com/
Castus t e x t e Fa b r i c e Va n o v e r b e r g I p h o t o B r u n e C a m p o s
On le côtoie depuis des années. Dans la discrétion, à l’image du personnage. Figure de la pop made in Brussels, Cédric Castus a l’élégance de la passe en retrait, celle qui fait marquer le partenaire. On se souvient avec bonheur du raffinement bossa de Raymondo, de la classe innée de V.O, deux des projets qui l’ont hébergé. Troisième essai en solitaire du Forestois, ‘Orca’ tire les bonnes cartes, de l’aboutissement post pop hérité de Tortoise à un rock carré et dense hérité de la prog’, un des dadas de son auteur. Entre autres saveurs longues en bouche.
Ce disque marque la fin d’un triptyque, il est sans doute le plus abouti des trois. Cédric : « C’est difficile à dire pour moi, j’essaie de me renouveler, sans savoir si j’y arrive... » Une chose est certaine, même s’il n’est pas immédiatement accessible et qu’il ne dévoile ses saveurs qu’après deux ou trois écoutes, il n’est pas monotone. Cédric : « Il ne fait que 28 minutes en même temps. (rires) En termes de son, j’essaie de donner une certaine densité au son. Une de mes grandes craintes est de faire de la musique chiante. » Tout dépend de ce qu’on entend par là, de l’ennui peut surgir la beauté. Cédric : « Oui, j’écoute d’ailleurs beaucoup de musiques lentes et minimalistes alors que ce n’est pas du tout ce que je fais. » Pour reprendre la formule de Jeanne Balibar, en art on fait ce qu’on est avant de faire ce qu’on aime.
Parallèlement, si tes morceaux sont denses, j’imaginerais bien les plus rocks d’entre eux s’étaler sur huit ou dix minutes, comme dans le prog. Cédric : « Oh oui, le prog est vraiment une de mes grosses références, même si j’aime faire des morceaux courts, où il y a des points de rendez-vous qu’il ne faut pas louper, sinon le morceau est par terre. Si je prenais les canevas du prog, ça prendrait sans doute du temps de les développer dans ce sens. Sur chaque disque j’ai envie de mettre un morceau hyper pêchu, comme ‘Fifa’, même si c’est compliqué à enregistrer. Mais celui-là, je le sens bien... » On trouve également un tout petit peu de voix sur quelques titres, que tu traites comme un simple instrument. Cédric : « Oui, ce sont des voix trafiquées avec des micro-pinces et d’autres machins. Parfois, les voix sont tellement traficotées qu’on ne se rend même pas compte que ce sont des voix humaines. Si j’utilisais des voix normales, j’aurais l’impression que le projet perdrait de son identité. » Pourtant, sur certains titres, on verrait très bien une ligne de chant pop s’intégrer à ta musique. Cédric : « Ah, c’est un truc auquel je pense. Vu qu’on est en fin de cycle, je vais peut-être reprendre des titres des trois albums et demander à des gens de chanter dessus. J’ai même tenté un peu de chorale récemment, mais c’était plus pour draguer ma copine. (rires) Comme ils n’avaient pas de ténor, ils m’ont pris mais je n’envisage pas de chanter sur mes propres compositions. » Et comptes-tu le proposer à ta copine ou à d’autres gens? Cédric : « C’est d’abord à elle que j’en parlerai, même si bosser avec sa copine ne doit pas être évident. Sinon, tout le monde est le bienvenu. C’est marrant parce que Greg des Elvis Ghettoblaster m’en avait parlé il y a plusieurs années mais ça ne s’est jamais concrétisé. Sinon, Dominique A dont je suis grand fan, même si entre sa musique et la mienne, les points communs ne sont pas nombreux. »
La fin du triptyque Cédric Castus : « Le disque précédent datait de 2013, j’ai commencé à bosser sur ‘Orca’ il y a deux ans, la première année en solitaire et la seconde avec les potes musiciens. » Je me souviens vous avoir vu au kiosque du parc de Bruxelles, pour la Fête de la Musique. Cédric : « Oui, nous étions en configuration full band, c’était une première et on a persévéré sur cette formule en live, mais pas pour l’album. Ça reste un peu utopique de tourner tout le temps avec une formule pareille, à six ou sept. En même temps, ce n’est pas techniquement très compliqué, vu que nous sommes très autonomes. Ce qui marche le mieux, c’est dans les bars où on arrive à trois ou quatre, qu’on pose nos affaires et qu’on se met à jouer. » L’enregistrement de l’album a-t-il été aussi simple qu’un concert dans un bar ? Cédric : « Tout le monde n’a pas participé à l’enregistrement. Il y avait Fred (Renaux, ndr) à la basse, Boris (Gronemberger - V.O., Girls in Hawaii - ndr) à la batterie, on a eu l’aide de Clément Marion de JoieJoieJoie et du Colisée qui a participé corps et âme à l’enregistrement. Alors que sur scène, nous sommes sept, en comptant la vidéo, huit même. Avec les agendas, c’est impossible d’impliquer tout le monde dans l’enregistrement. En même temps, comme c’est moi qui écris les parties de guitare, il n’y avait pas trop d’intérêt à ce que tout le monde soit là. »
Cédric : « Oui, on fantasme toujours sur des trucs qu’ on aimerait faire et à l’arrivée, on est très loin. J’essaie déjà de ne pas tomber dans l’auto-imitation mais c’est compliqué. Quelque part, il y a toujours la même base de recettes dans laquelle on puise. » En même temps, sur ce disque, on trouve des morceaux à la fois très rock et d’autres nettement plus introvertis, presque intimistes, à l’image du premier titre ‘Apéro’ qui plante le décor. Cédric : « Oui, c’est un morceau patchwork qui est un résumé de l’album à lui seul. Il y a aussi un morceau très introverti, c’est celui dont je suis le moins sûr et pourtant, c’est lui qui a donné le titre de l’album. Il est particulier, j’ai un peu de mal à l’assumer alors que, je sais que c’est paradoxal, il marche très bien seul en scène. Pour une formule à six, on n’arrive pas encore au résultat espéré parce que justement, il est très intime. On a presque 40 ans, on ne fait pas de la musique pour faire plaisir aux minettes et on assume ce qu’on fait, qui est un peu arty sur les bords. (rires) » C’est également un projet solitaire à la base. Cédric : « Bien sûr, au départ ça ne part que de moi dans une cave, c’est une impulsion hyper-solitaire. Ce qui me plaît, c’est que plus j’avance, plus il y a de gens qui viennent me rejoindre, que ce soit des amis musiciens, mais aussi techniciens. Après, tu dois le montrer au public et pour moi, il faut que ce projet vive, sinon il n’aurait pas de sens. »
Un disque : ‘Orca’ (Matamore)
ON STAGE 06/04 Les Ateliers Claus I Bruxelles 13/04 Maison des Musiques (solo) I Bruxelles 21/05 Au Bateleur (solo) I Bruxelles 01/06 Café Central I Bruxelles
Moderat
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texte Nicolas Alsteen I photo Flavien Prioreau
Salopette-casquette pour les uns, chemise en soie pour l’autre : la rencontre entre les deux cocos de Modeselektor et le stylé Apparat se joue au-delà des apparences. Réuni pour les besoins d’un troisième essai commun, le trio alimente une batterie
moderne, pacifique, toujours intègre.
un trio, nous avons trois albums. C’est l’harmonie, la symétrie parfaite. » Seriez-vous d’accord de dire que le nouvel album est votre essai le plus cohérent et abouti ? Gernot Bronsert : « Notre façon de faire de la musique et de l’enregistrer n’a pas fondamentalement changé au fil du temps. Par contre, nos prises de décisions ont évolué. Au regard de nos idées initiales, ‘III’ est notre album le plus conséquent. Il est totalement assumé. Pour ce disque, on voulait enregistrer de véritables chansons. On a respecté cet objectif à la lettre. » Sascha Ring : « On voulait également rester en phase avec l’identité sonore du projet. Depuis les débuts de
Historiquement, votre premier enregistrement commun est sorti en 2003. Mais l’album ‘I’ est sorti six ans plus tard. Quelles étaient vos motivations quand vous avez publié ce disque en 2009 ? Gernot Bronsert : « En 2003, c’était juste un délire entre nous. On a enregistré quelques morceaux entre copains, mis quatre compos sur un E.P. et ils sont sortis en tirage limité. A priori, l’histoire aurait pu s’arrêter là. Pendant six ans, on s’est concentré sur nos projets respectifs : Apparat d’un côté, Modeselektor de l’autre. Au bout du compte, nous étions tous usés, extrêmement fatigués des tournées à répétition. Nous avons ressenti le besoin de marquer une pause avec Modeselektor. Dans le même temps, Sascha était à l’arrêt avec Apparat. C’est comme ça que nous avons décidé de relancer la machine. C’était comme un challenge. » Sascha Ring : « De mon côté, je souhaitais également relever un défi, façonner les contours d’un autre contexte musical. J’avais envie de créer une matière différente, du contraste. Au début, le processus créatif de Moderat ressemblait à une partie de ping-pong : un échange au cours duquel chacun venait ajouter un détail à la création de l’autre. Notre premier album était un prolongement de ce mode opératoire. En quelque sorte, on se remixait l’un l’autre. Pour le deuxième disque, c’était déjà fort différent : nous sommes arrivés à trois en studio avec l’ambition de construire quelque chose ensemble. L’esprit d’équipe s’est installé progressivement. » Dans l’ordre chronologique, vos albums s’intitulent ‘I’, ‘II’ et ‘III’. S’agit-il d’une trilogie ? Gernot Bronsert : « En allemand, on appelle ça un triptyque. (Sourire) Oui, on peut considérer que ces trois disques forment une trilogie. Dans les faits, on n’a pas vraiment étudié la chose comme telle. Ce n’est pas un exercice théorique, juste trois disques qui se suivent. On a essayé d’être cohérent au niveau des pochettes et du graphisme. Mais ça s’arrête là. Après, nous aimons beaucoup ce chiffre trois. Nous formons
Moderat, les beats découlent d’une même esthétique. Et puis, on reste attaché au format album, à l’idée que la qualité prime sur la quantité. On n’a jamais envisagé les disques de Moderat comme des compilations de singles. En ce sens, on fonctionne plus comme un groupe que comme un collectif de DJ’s. » En 2011, votre musique est apparue au casting du film ‘Americano’ de Mathieu Demy. L’année suivante, on trouvait un de vos morceaux à l’affiche du ‘Laurence Anyways’ de Xavier Dolan. Créer la bande-son d’un film, c’est quelque chose qui peut vous motiver ? Sascha Ring : « Si on rencontre un producteur passionné qui vient nous trouver parce qu’il aime réellement la musique, c’est une entreprise dans laquelle on peut s’investir. Mais il faut que ce soit authentique, pas une commande pour un film de merde. On n’est pas prêt à accepter n’importe quoi, n’importe comment. Si on se lance là-dedans, on doit être impliqué dans le processus créatif... » Gernot Bronsert : « Pour nous, le cinéma ne sera jamais un modèle économique. Si un mec d’Hollywood débarque dans notre studio avec une mallette remplie de billets verts, ça ne va jamais fonctionner. On va le rembarrer directement. On ne veut surtout pas se prostituer comme Daft Punk dans ‘Tron: Legacy’. Quand tu participes à ce genre de projet, tu dois prendre des risques et respecter ta musique. Travailler sur un film serait un bon incitant pour donner naissance à un nouvel album de Moderat. Parce que là, nous avons peut-être fait le tour de la question. » Tous les tickets de votre date bruxelloise au Cirque Royal se sont écoulés en vingt minutes. Comment expliquez-vous cette dévotion du public ? Sascha Ring : « C’est étrange. On n’a jamais rien fait pour provoquer ce succès. On a senti un engouement progressif. Mais là, effectivement, c’est de l’ordre de l’inexplicable. Le jour où on a annoncé la tournée, la plupart des salles ont annoncé « complet » après quelques minutes. D’un point de vue artistique, c’est
mécanique et sensuelle en marge du beat qui martèle. Chez Moderat, la matière électronique se met sur son trente-et-un, au service du beau, du sensible. De l’harmonie, du social. Nouvelle mutation imaginée à l’écart du dancefloor, ‘III’ célèbre l’amitié de trois gars sur les hauteurs d’une pop
Le triangle d’or
extrêmement positif. Ça va nous permettre d’engager plus d’argent dans la production. On se doit de relever des défis techniques et visuels sur scène. » Vu l’ampleur que prend aujourd’hui Moderat, envisagez-vous encore cette expérience comme un projet parallèle? Sascha Ring : « Avec le temps, nous avons pris l’habitude de considérer Moderat comme notre groupe. Ce n’est plus une excuse pour se retrouver. C’est devenu une priorité. Comme Apparat ou Modeselektor. Il n’y a plus de projet annexe. Il y a tellement de travail derrière nos disques que ce serait réducteur de présenter Moderat comme un truc à part. On ne passe pas trois ans de sa vie sur un à-côté. Au bout d’un moment, ça devient forcément important. » Par le passé, vous invitiez des voix à chanter sur les morceaux. Cette fois, vous endossez cette responsabilité. Pourquoi ? Sascha Ring : « Avec l’expérience, tu gagnes en confiance. Je pense que ça ne tient qu’à ça. Je me rappelle qu’à nos débuts, j’étais presque gêné de chanter devant Gernot et Sebastian. Alors, sortir un semblant de chant en public, ça me semblait totalement impossible... Avec les différentes sessions, les tournées et la multiplication des concerts, tu deviens plus sûr de ta voix. Tu oses quelques sensibleries en studio et, contre toute attente, ça suscite une réaction positive des deux autres. Ça t’amène à te dépasser, à franchir des limites qui, sur le papier, semblaient insurmontables. Bien sûr, tu as toujours peur de te ridiculiser. Mais le truc est là : il faut accepter de se mettre en danger. » Des chansons comme ‘Reminder’ et ‘Running’ sont clairement des critiques sociales. En tant que musiciens, ressentez-vous une responsabilité citoyenne ? Est-ce un devoir de pointer du doigt tout ce qui foire dans notre monde ? Sascha Ring : « Pas vraiment. En réalité, tout ceci est assez personnel. Ce sont des choses avec lesquelles je vis au quotidien. Ce qui est bien, c’est que mon ressenti rencontre un écho beaucoup plus large. Ce que je vis n’existe pas en marge de la société. C’est la réalité de monsieur-et-madame-tout-le-monde. L’intérêt de porter ce genre d’idées en musique, c’est de proposer différents niveaux de lecture. Tu peux prendre ton pied sur la musique et t’arrêter à l’aspect mélodique du morceau. Ou t’impliquer dans les paroles et percevoir quelque chose de plus profond. Mais je ne montrerai jamais la voie à suivre. Je ne suis pas politicien. Juste musicien. Je n’ai pas envie d’être passif dans la société. Mais ça, c’est vraiment un ressenti personnel. Un truc que je n’ai pas envie d’imposer aux gens. » Un disque : ‘III’ (Monkeytown Records/News) Suivez le guide : www.moderat.fm
ON STAGE 08/04 Cirque Royal I Bruxelles (complet) 30/09 Forest National I Bruxelles
Facteur Cheval texte Antoine Bours
« Je suis pris dans des câbles à huit mètres du sol » : Carl Roosens délaisse les HommesBoîtes pour s’empêtrer dans les filets prog et noise du Facteur Cheval, où l’on retrouve Christophe Rault aux claviers et le duo de Zoft, soit Nicolas Gitto & Damien Magnette. Il se débat, l’animal, lutte contre cette cage molle qui l’enserre, contre les attaques de guitares qui l’épingle, les syncopes de percussions, les hurlements stridents du synthé qui singe son agonie. Et lui rend la pareille : furieux, écœurés, les textes explosent au contact du rock criard qui les accule, poussant leur auteur dans ses derniers retranchements. Telle une bête aux abois, il piaille, souffle, gronde et hurle. Prisonnier des câbles, il n’a d’autre salut que l’épuisement ou la mort, qui rôde derrière chacun de ses mots. C’est un Carl plus serein que je rencontre en compagnie de Nicolas et Damien, heureux tous les trois de tenir entre les mains le vinyle flambant neuf de Facteur Cheval, trente bonnes minutes d’art musical brut.
ment au début c’était galère de trouver sa place. » Qu’est-ce qui vient en premier ? Texte ou musique ? Nicolas : « Les deux, vraiment. Comme on travaille en résidence, on teste dans tous les sens. » Carl : « C’est souvent la musique, quand même. Puis le texte arrive et une forme d’élagage se fait. » Damien : « Carl est assez prolifique. Il vient avec des bouts de texte, anciens et nouveaux, ou bien se met dans un coin et réécrit pendant que nous trois, la base rythmique, on travaille. » Carl, on retrouve tes obsessions organiques, très Cronenberg. Tu es hypocondriaque ?
Dada sur le bidet Damien Magnette : « Franchement, on l’attendait. Ça fait deux ans qu’on l’a enregistré ! » Qu’est-ce qui a pris tant de temps ? Damien : « L’attente des dossiers, le pressage surtout : maintenant tu as les majors qui repressent du vinyle à fond. Avant, pour presser un vinyle, en deux mois tu l’avais. Maintenant avec les files d’attentes, c’est minimum le double. Tous les petits labels qui tirent à 500 exemplaires passent après les majors et les gros indépendants dans les listes de commande. » Ça fait donc plus de deux ans que vous bossez ensemble. Nicolas Gitto : « Depuis beaucoup plus longtemps. On a quoi, six morceaux sur le disque ? On a fait un morceau par an ! On a tous d’autres projets, donc on fonctionne par résidence. On se voit tous les six mois. » Damien : « Ça a commencé quand on s’est dit qu’on prendrait bien Carl en guest pour Zoft, pareil pour Tof aux claviers. On avait donc le projet de faire une petite résidence ensemble et tester des choses. Comme on a bien bu et qu’on a fait beaucoup de parties de dés de Cinq-Mille, c’est devenu un groupe un peu malgré soi. » Carl Roosens : « C’est surtout le Cinq-Mille qui a soudé le groupe. » En quoi Facteur Cheval diffère de vos autres projets ? Nicolas : « On n’avait encore jamais travaillé avec quelqu’un qui faisait du texte en français. Comme notre musique est plutôt massive, avec beaucoup de sons et de matières, le challenge était de réussir à trouver l’alchimie entre musique musclée et les textes de Carl. Et d’y intégrer les basses des claviers de Tof, aussi. » Damien : « Il fallait trouver comment créer des trous dans notre musique où laisser respirer le texte. Quand tu fais de la musique instrumentale, tu essaies de remplir tout l’espace. Et puis notre autre challenge était d’arriver à faire crier Carl. » Carl : « Ça a été assez long et assez rude. Franche-
Carl : « Non. Ça y est, ma thérapie recommence. (rires) » Damien : « On aimerait bien qu’on parle de nos problèmes, nous aussi. » Carl : « Le corps, pour l’être humain, c’est le sujet le plus direct, le plus palpable. C’est quelque chose qui me parle, que ce soit dans le cinéma ou la photo. Le dernier film à m’avoir marqué, c’est ‘Under The Skin’. » Le côté sombre de Carl ne se départit jamais d’un humour à froid. J’ai l’impression que l’humour imprègne aussi votre musique. Je me trompe ? Damien : « Ah oui, oui, tout à fait. Non mais, énormément ! D’ailleurs est-ce que tu as entendu notre première sortie, ‘La Crassette’ ? Dans Facteur Cheval, ça a toujours été un enjeu, parce qu’entre nous on enregistre autant des conneries, de la musique vraiment débile, que à côté des trucs plus ciselés, plus travaillés, qui se retrouvent sur l’album. On passe beaucoup de temps à se demander comment ramener de cet humour, de cette joie d’être ensemble – parce que la musique, c’est ça aussi – dans nos morceaux. On a donc décidé de faire coexister les deux en sortant aussi ‘La Crassette’, enregistrée sur un 4-pistes. C’est l’autre pendant de Facteur Cheval. » Zoft obéit à des structures très précises, pas loin du math-rock. Facteur Cheval me semble plus éclaté, plus progressif, mais se soumet aussi à une certaine rigueur. Comment composez-vous ? Damien : « Cela part souvent d’impros, une forme vague que l’on travaille de plus en plus. Les choses se figent vraiment à l’enregistrement. Après quoi, tout est plus fixé, plus carré. Seule la durée de certains passages n’est pas tout à fait imposée. » Nicolas : « Sortir de ce truc ultra-composé, ça nous fait du bien. D’où le plaisir de devoir travailler autour du texte. Un morceau est vraiment terminé quand on comprend ce que Carl raconte. (rires) » Carl : « C’est à l’écoute de l’enregistrement qu’ils comprennent ! »
Damien : « Un morceau n’est jamais fini. Tu peux toujours l’améliorer, le modifier en live. L’enregistrement d’un disque, c’est un instantané de ce morceau. La musique c’est un truc vivant, un disque c’est un truc figé dans le temps. Pour nous, le bon sentiment en général, c’est quand on réécoute l’enregistrement et qu’on se dit, putain, ça ressemble vraiment à rien ! » Si je vous dis qu’Albert Marcoeur est le premier nom qui m’est venu en tête ? Carl : « Ah ben ça, ça fait très plaisir ! J’aime beaucoup et Christophe le claviériste aussi ! » Damien : « Ils sont tous les deux très fans, ouais. On nous cite parfois Etron Fou Leloublan, aussi. » Pourquoi Facteur Cheval ? Vous voyez une filiation avec l’art naïf ? Nicolas : « Il y a quelque chose de très beau dans l’association de ces deux noms. On n’a jamais trouvé mieux et pourtant on a cherché ! On pensait à Plombier Poney, on a essayé plein de trucs. Donc, on s’est dit, pourquoi pas ? Pour la filiation, je sais pas. » Damien : « Pour moi, oui ! C’est une association indirecte, presque inconsciente. Moi je fais des projets avec des personnes handicapées mentales, je travaille dans l’art outsider, y a un truc qui est présent. Mais le choix du nom n’était pas une démarche intellectuelle. Nico a dit « il faudrait un truc comme Facteur Cheval, ça pète à mort ce nom ». On a failli s’appeler Comme Facteur Cheval. » Carl : « Ça provoque plein de débats. Un groupe français nous a contacté pour nous dire « voilà, Facteur Cheval, c’est nous, on existe depuis plus de dix ans et on a un projet avec le Palais Idéal. Donc, changez de nom. » Je les relance en disant : ben, trouvez-nous en un ! Finalement, leur disque ne s’est pas fait et ils ont du changer de nom pour des raisons légales ! Ils s’appellent Facteur Zèbre et nous souhaitent bonne chance. » En 1964, le Ministère de la Culture en France disait du Palais Idéal du Facteur Cheval qu’il s’agissait d’un « affligeant ramassis d’insanités qui se brouillaient dans une cervelle de rustre. » Vous trouvez que ça peut vous correspondre ? Damien : « Dans une cervelle de rustre ? Wouaw ! Faut qu’on le ressorte en concert ! » Carl : « J’aime beaucoup, ouais ! Y a de la cervelle, c’est organique, j’aime bien ! » Un disque : ‘Adieu L’Organique’ (Humpty Dumpty)
ON STAGE 15/04 22/04 23/04 01/05
Le Garage I Liège Festival RING I Nancy (France) PaCRocK I Pont-à-Celles Aralunaire I Arlon
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Alice On The Roof
Eric Bachmann
‘Higher’ Label Et Labet/Pias
Et si finalement, le problème d’Alice On The Roof n’était pas plutôt le mouvement infect qui l’entoure, genre qu’on te refourgue son single à l’achat de trois côtelettes de porc au rayon boucherie ? Parce que bon, Alice On The Roof c’est surtout Marc Pillina, le businessman musicien le plus bankable de Belgique, parfait employé du mois, marchand de tapis élevé à l’école VastiauGodeau, l’homme au larfeuille en croco de Madagascar qui flaire le pepèze comme le meilleur des chiens truffiers. Elle n’a que 21 ans, lui est plus âgé alors voilà il s’occupe d’elle et de sa carrière. Il compose ses titres, l’accueille sur son label de l’angoisse et la propulse en tête des charts. Quelle sucess story ! Elle n’est pas si loin, l’image éculée du producteur à cigares au crâne dégarni, suintant la suffisance et l’estime de soi. Toujours est-il qu’Higher’ n’est finalement pas la daube à laquelle on pouvait s’attendre : c’est même plutôt correct dans le genre pop de supermarché. Il y a un single, ‘Easy Come Easy Go’, qu’on connaît tous. Il est ici décliné de onze manières différentes. Pas de quoi lui faire un procès d’intention, pas de quoi non plus lui offrir une pièce montée à la télévision publique. (am)
Alma Encriada ‘All Right Now’ M&O Music
Actif depuis une dizaine d’années, ce groupe français affiche un bel éclectisme au niveau des influences et c’est ainsi que l’auditeur attentif percevra des références plus ou moins marquées à des formations aussi variées que Ghinzu, les Foo Fighters, les Red Hot Chili Peppers ou encore les Queens of the Stone Age. Fort logiquement, ‘All Right Now’ se révèle très varié sur le plan des sonorités, jetant des ponts entre le funk, le stoner et le rock garage, tout en flirtant à l’occasion avec le rock plus psyché, notamment sur le très enlevé ‘Razor’. Les sept titres démontrent tout le savoir-faire d’Alma Encriada qui nous séduit tout particulièrement lorsqu’il montre les crocs, comme c’est le cas sur ‘Why you keep whining’ au parfum stoner/grunge ultra puissant. (pf)
Audacity ‘Hyper Vessels’ Suicide Squeeze
Tacocat
‘Lost Time’ Hardly Ar t
Vision étrange de ces deux pochettes à la ressemblance troublante lors de la dernière réunion de rédac’. L’une est le négatif de l’autre, et inversement. Et puis à l’intérieur ça se ressemble aussi un peu. Ça ressemble à plein d’autres trucs, en fait. C’est biberonné au punk à roulettes, au slacker rock et tout le saint-frusquin. Tacocat, de Seattle, joue la carte de la lo-fi à voix féminine agréable. On pense à Alvvays avec des refrains plus ou moins excitants. Un super titre, ‘FDP’ (huhu), un autre, ‘I Love Seattle’, puis on commence à se perdre un peu dans ce dédale monocorde où les riff de guitares se suivent et se ressemblent. Alvvays savait sortir de son registre et te pondre un ‘Red Planet’ sorti de nulle part. Te faire chavirer dans des nappes de synthés molletonnés. Tacocat reste coincé à la case groupe de lycée. Celui avec cette petite souris au chant à qui tu n’oses pas parler. Les plus audacieux Audacity sont au-
Bleached ‘Welcome the Worms’
‘s/t’
Dead Oceans/Konkurrent
Merge Records
La musique de Bleached, c’est comme une crotte de pigeon qui s’éclate dans un bruit sourd sur le revers d’un veston. On sait que ça peut tomber du ciel à tout instant. On espère juste ne pas se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Parfois, pourtant, il faut supporter les aléas de la nature : un étron de ramier ou ‘Welcome the Worms’, le deuxième album des Californiennes. Réunies en trio, les ex-Mika Miko rêvent des Sex Pistols en posant habillées sur des riffs mal dégrossis, quelques mélodies cheap et chipies, dix refrains enfantins. Au rayon rock garage, ce disque joue des coudes avec celui des Espagnoles de Hinds pour s’imposer dans la course des moins bonnes idées de l’année. Tout ça se voudrait rock’n’roll, excitant et électrique. C’est juste rasoir, inutile et pathétique. (na)
Au mitan des nineties, les Archers of Loaf étaient montés sur ressorts, avec le même sens du loufoque que Pavement. Venaient de Chapel Hill, comme Superchunk, les têtes pensantes de Merge. Ont un jour laissé à d’autres campus bands leur part de lofi. Lui a continué, avec ses pas si Crooked Fingers, à faire frissonner la matière. Mais c’est débarrassé de toute armure et de tout alias qu’Erich Bachmann atteint le plus instantanément le siège de nos affolements. On pourrait craindre le poids des croisades de cet émotif héraut – ‘Mercy’ et son haro sur le fatalisme religieux au risque de se fâcher avec une partie de sa famille ; ‘Masters of The Deal’ et sa dénonciation de procès biaisés dans le Sud – mais ces deux parcelles de vaillance, plus sapées en doo-wop et caresses giratoires qu’en désespoir, sont précisément parmi les plus touchantes de l’album. ‘Separation Fright’ sonne comme du REM extatique des temps jadis mais son anxiété se déguise – « Oh no, I got a bad feeling » – ‘Small Talk’ a emprunté ses chœurs bien ronds à Matthew E. White et tout serein qu’il semble à écouter les oiseaux pépier dans les pins jaunes, notre homme n’en arrive pas moins à ce constat : « Straight life’s such a bore ». Il serait vain de résister lorsque le songwriting soul se fait à ce point sincère, lorsqu’il épouse nos montagnes russes. Chantons ! (alr)
The Body ‘Nobody Deserves Happiness’
trement plus vindicatifs avec ces espèces d’hymnes à tout casser, révolte tocarde distrayante qui n’a malheureusement pas semé les raisins de la colère dans nos caboches. Parce qu’en fait, ça ne casse pas grand chose. Beaucoup de bruit pour presque rien. On pense à un croisement bâtard entre les premiers Hives et Jay Reatard. Ty Segall est derrière les manettes et, au vu de son emploi du temps ces derniers mois, on peut comprendre que cet ‘Hyper Vessels’ ne suinte pas toujours le perfectionnisme. (am)
Baauer
de ‘The Apple And The Tooth’ et l’electronica plus exacerbée de ‘Mind Bokeh’. Pas grand chose de neuf sous le soleil du soir, mais tant qu’il brille, on est déjà ravis. À souligner quand même : une collaboration avec Gotye sur un demi-single guimauve manquant un peu de corps pour aller taquiner les radios. Dommage, car on aurait aimé que Bibio puisse outrepasser l’éternel cap du succès critique. ‘C’est La Vie’, et elle est parfois tristement injuste. Raison parfaite pour pleurnicher sur ‘Wren Tails’ et ‘Saint Thomas’, duo de dunes désolées qui anticipe en ce mois d’avril la douce tristesse de l’été. (am)
‘Aa’ Luck yMe/Warp
Black Mountain
‘Harlem Shake’ c’était lui. Cet énorme buzz bourrin, ouvrant la voie sacrée de la trap avec ses centaines de millions de vue sur l’enfer YouTube. Quatre ans plus tard, le producteur sort son premier album highly anticipated avec un tas d’invités, comme il est coutumier de ramener systématiquement toute sa meute de potes dans ces sphères street. Parce que les mecs galèrent souvent à passionner seuls sur un full-length. D’ailleurs, on remercie encore TNGHT de n’avoir sorti qu’un EP il y a trois ans. Car en cinq tueries, tout était dit. Et ‘Aa’ n’échappe pas vraiment à la règle. Outre la machine à $$$ ‘Kung Fu’ avec les copains Future et Pusha T, on trouvera quelques titres biatchs juste comme il faut : ‘Day Ones’ en compagnie de la couleuvre prometteuse Leikeli47, ‘Temple’ avec l’amie MIA mais aussi pas mal de remplissage usant, du bouche-trou bourre-tout infesté des tics du hip-hop de stade crade. Beaucoup de boules bougeront sur Baauer cette année. Même que s’il passe à Dour cet été, on se retournera certainement la tête sur ‘Body’. Mais pas sûr que l’entièreté de ‘Aa’ passe le cap difficile de 2017. (am)
‘IV’
Bibio ‘A Mineral Love’ Warp Records
Cela fait déjà belle lurette que Bibio trace inlassablement sa route des vacances. Reconnaissable entre mille, Stephen James Wilkinson demeure l’éternel abonné aux petites guitares sèches qui cherchent la larmichette, aux longues balades au Parc Duden et aux trente cafés du samedi après-midi. ‘A Mineral Love’ fait office de belle synthèse de ses deux pendants : la douceur acoustique
Jagjaguwar/Konkurrent
C’est un sang sacré qui irrigue les veines de Stephen McBean. En deux groupes jumeaux, Pink Mountaintops et Black Mountain, le gourou de Vancouver a offert au rock ses réincarnations les plus habitées de mémoire récente. Sur ‘IV’, il creuse plus profondément la glaise de ses griffes pour arracher aux limbes les ectoplasmes d’Amon Düül II, Black Sabbath, et Funkadelics. A grands coups de synthés blasphémateurs, l’Orphée McBean et ses disciples domptent leurs illustres lémures et ressuscitent un feu émeraude aux vertus psychotropes. D’une fracassante intemporalité, ‘IV’ échappe au Grand Sablier avec insolence, brandissant nappes et claviers comme autant de niques aux Dieux.‘Cemetery Breeding’ est une escapade nécrophile dark-folk bâtie sur un synthé dérapant à pleurer de bonheur. Du Death In June d’après le disco ! ‘Mothers Of The Sun’ et ‘Defector’ sont des fantasmes stomp et funk accouchés par Hawkwind et Pink Floyd dans des vaisseaux de granit. Ballade épique dans les landes saturniennes, ‘Line Them All Up’ est ce qu’Amber Webber a chanté de plus beau, tout simplement. Magicien de l’ombre, Randall Dunn, producteur pour Sunn O))), Akron/ Family et Marissa Nadler, transforme l’aggiornamento de Black Mountain en un miracle d’album, une constellation de pépites entre Métal Hurlant, psychédélique païen et folk sci-fi. ‘IV’ est la preuve hardie qu’un grand disque rock et prog est encore possible en 2016. (ab)
Thrill Jockey Records
Comme le titre de l’album le laisse entendre, l’ambiance n’est guère festive chez The Body. L’humeur est à la mélancolie et à la désolation, ce que l’on perçoit dès les premières notes de ‘Wanderings’, plage qui ouvre l’album telle une ballade mortuaire aux accents de jazz métal doom sur laquelle une chanteuse à la voix de pythie exprime tout ce que l’existence peut avoir de tragique. C’est baroque, intense, mais nullement pompier et cela permet de cerner l’univers de ce groupe qui est métal sans vraiment l’être. Si The Body a parfaitement intégré les codes du genre, il les pervertit avec délice, ce qui lui vaut d’être honni par certains puristes. Les autres, par contre, se réjouiront à l’écoute de cette collection de titres noirs, voire même apocalyptiques, évitant constamment les clichés. Combinant riffs métal, nappes indus et drones ambient dépressifs, ‘Nobody Deserves Happiness’ contribue à définir les bases d’une nouvelle approche, expérimentale et exigeante, du métal. Impressionnant. (pf)
Boulevards ‘Groove !’ Captured Tracks
On arpente Boulevards comme un lieu familier : ses trottoirs portent l’usure des talonnettes et des plateformes. On ne compte plus les pattes-d’eph’ qui se sont écorchés jusqu’aux nervures sur ses pavés. Funk ? Jamil Rashad vous toise de dessus ses lunettes noires et répond d’un « Groove ! » qui dit tout. Bien que précédé d’une poignée de morceaux qui donnaient le la (dont un ‘To Death’ joyeusement salace), ce premier disque sidère par la facilité avec laquelle il donne au deep funk une nouvelle jeunesse sans trahir ses idéaux. Boulevards fuit les attrape-nigauds en vigueur (pas l’ombre d’un autotune à l’horizon), flirte avec le mimétisme dans l’écriture pour mieux y échapper la minute d’après, évite le carbone technique, tutoie les rythmiques des débuts du hip-hop : si ‘Groove !’ ne peut être confondu avec les productions auxquelles il rend hommage, il n’est pas pour autant perclus des stigmates de 2016. Respectueux sans être déférant, riche en trouvailles sonores qui brouillent les pis-
SOON AT
#ABconcerts
WALK OFF THE EARTH 12-06-2016
VIANNEY 07-04-2016
WED 20.04
WED 06.04
Warhola + Glints
Havana Club Rumba Sessions present
Daymé Arocena
FRI 08.04
Charismatic Cuban singer
The Sheepdogs MARINA KAYE 08-04-2016
DAVID DUCHOVNY 08-05-2016
PUSCIFER 13-06-2016
SAT 23.04
MON 11.04
Tricky presents ‘Skilled Mechanics’
Ertebrekers + Brihang SAT 30.04
SX
COEUR DE PIRATE 12-04-2016
KORN 31-05-2016
DESTROYER 14-06-2016
TUE 12.04
WED 04.05
VANT
Tsar B
WED 13.04 SCOTT BRADLEE’S POSTMODERN JUKEBOX 16-04-2016
JURASSIC 5 18-07-2016
Admiral Freebee @ Koninklijk Circus
Coca-Cola Sessions
+ Vismets
Billie
WED 13.04
MON 09.05
Michael Gira (Swans) - solo + Christoph Hahn
Aidan Knight + Hannah Epperson WED 11.05
THU 14.04
Bent Van Looy + Eli Goffa MATT SIMONS 19-04-2016
SAT 07.05
Lady Linn Album Presentation WED 11.05
MEGADETH 16-06-2016
Compact Disk Dummies
BEIRUT 06-07-2016
SAT 14.05 Coca-Cola Sessions
Faces On TV + Teme Tan
FRI 15.04
Jef Neve & Typhoon Piano & MC
Konono N°1
FRI 15.04
WED 18.05
The Sore Losers
LA FEMME 20-04-2016
SUN 15.05
G-Eazy iLoveMakonnen WED 18.05
Jambinai + Inwolves THU 26.05 Daptone Records Presents
The Mystery Lights WILLIAM FITZSIMMONS 24-04-2016
BEN HARPER & THE INNOCENT CRIMINALS 21-10-2016
TUE 31.05
SAT 16.04
Marlon Williams SUN 17.04
www.rockhal.lu Rockhal, Esch/Alzette (LUX) // infos & tickets: (+352) 24 555 1 Rockhal recommends to use public transport: www.cfl.lu
Freddie Gibbs TUE 31.05
Marble Sounds
Loyle Carner
+ Ansatz Der Maschine
BUY YOUR TICKETS AT WWW.ABCONCERTS.BE DE BROUCKÈRE & BOURSE
BRUSSELS CENTRAL > ABCONCERTS.BE/MOBILITY
A CONCERT AT AB BEGINS WITH MIVB
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tes entre électro et analogique, c’est bien l’œuvre d’un artiste soucieux de ne se reposer sur aucun des acquis qui lui tendaient les bras. Slave to the rhythm ! (ab)
Camp Claude ‘Swimming Lessons’ Believe Recordings
Le trio Erasmus du mois : une Francoaméricaine, un Britannique, un Suédois rassemblés pour un Eurovision d’électro-pop sur un premier album fourre-tout. Ils enquillent donc les excursions du côté mainstream du beat mais manient aussi les codes de la dream pop et un certain raffinement punk. Si le bazar manque singulièrement de personnalité et d’audace, il reste parfaitement écoutable et appréciable un jour bof. Mais, à vrai dire, on préférera toujours retourner vers le premier projet des deux mecs, Tristesse Contemporaine, autrement insidieux et, in fine, addictif. (lg)
Birth Of Joy ‘Get Well’ Suburban Records
Faisant suite au très réussi ‘Prisoner’, le nouvel opus de Birth of Joy devrait lui permettre d’accroître encore davantage sa renommée en dehors des contrées bataves. Brassant influences blues, garage et psyché old school dans un moule évoquant des groupes aussi mythiques que le MC5, Pink Floyd ou les Doors, le trio livre une collection de titres plus que séduisante. Très catchy, les compos ont le mérite de sonner vintage sans être passéistes, ce qui est dû à l’inventivité du groupe donnant à ses titres une structure souvent inattendue. Mojo décrivait récemment ‘You got me howling’ comme donnant l’impression d’être du Plastic Bertrand repris par Deep Purple. C’est un peu tiré par les cheveux, mais pas totalement farfelu et cela démontre le côté original de ce disque qui touche souvent au sublime, que ce soit avec ‘Meet me at the bottom’, ‘Choose sides’, ‘Hands down’ ou encore ‘Numb’ qui sonne comme un hommage au ‘Comfortably numb’ du Floyd. Excellent. (pf)
Choke Chains ‘Choke Chains’
Johnny Cash
Black Gladiator/Slovenly Records
‘Koncert V Praze (In Prague Live)’
‘West Ones’
Sony Music
En avril 1978, en pleine guerre froide, Johnny Cash est invité par le gouvernement tchécoslovaque à se produire à Prague. Depuis Berlin, c’est en bus scolaire que le chanteur et ses musiciens traversent le Rideau de Fer. Et ce sont pas moins de quatre concerts devant plus de 50.000 personnes que les américains donneront à Prague ce printemps-là. L’époque n’est certes pas la plus intéressante de sa carrière. C’est même la moins bonne. Entre ses hits (‘Ring Of Fire’, ‘Big River’, ‘I Walk The Line’) et une plongée dans l’Americana profonde (‘The Streets Of Laredo’, ‘City Of New Orleans’), le Man In Black fait le job et distille un peu de rêve américain à un public incrédule. Sorti à l’origine en 1983 sur le label tchécoslovaque Supraphon, ce ‘Koncert V. Praze’ est ressorti récemment en vinyle pour le Disquaire Day. Un disque-document de couleur « rouge soviet » destiné surtout aux collectionneurs. Beaucoup plus austère, cette version CD s’adresse carrément aux fétichistes de l’œuvre de Cash. (gle)
Causes ‘Under Bridges That You Built For Me’ Pias
Selon le point de vue, l’histoire qui va suivre oscille entre conte de fées et tragédie grecque. La carrière du groupe Causes commence par un bel après-midi ensoleillé dans les rues d’Amsterdam. Jusque là, le récit vend du rêve au pays de la fumette. Mais le mauvais trip n’est jamais loin… Guitare à la main, l’Anglais Rupert Blackman s’égosille sur le trottoir pour quelques piécettes. Partie acheter trois croquettes, un hareng et deux céleris au Albert Heijn du coin, Anouk (la ‘Nobody’s Wife’) repère la voix du bel homme et en parle à son entourage. Bingo. Quelques mois plus tard, le brave Rupert est signé sur un gros label indépendant. Dans la foulée, il dégote des musiciens et enregistre un album produit par Ian Grimble (Travis, Bear’s Den, Matt Corby). Avec les onze morceaux rassemblés sur ‘Under Bridges That You Built For Me’, Causes rejoint le troupeau bêlant des enfants de Coldplay : Tom Odell, Justin Nozuka, Raccoon ou Passenger. Que des bâtards. Emporté par un torrent de mélodies larmoyantes, on se laisse couler à pic. (na)
Wet Ones
Black Gladiator/Slovenly Records
Au rayon rock qui dérouille la papatte arrière avec des désaccords de guitares et une sérieuse envie de tout foutre en l’air, les enragés de Wet Ones avalent le micro et crachent des mots sur treize morceaux taillés à la machette rwandaise. Un truc imprécis et salace qui laisse forcément des traces. Plus soigné, mais tout aussi fâché, l’album de Choke Chains broie du noir dans un torrent de distorsion, un tourbillon de sauvagerie qui déracinent les conifères et ravivent les plantes mortes. Vrai-faux supergroupe, Choke Chains est un quatuor infernal régulé par des repris de justice : un ex-Bantam Rooster et cheville ouvrière de The Dirtbombs (Thomas Jackson Potter), un ex-Chinese Milionnaires, un mec surnommé Chizz et une gratteuse hargneuse (Lindsey Crappor) aperçue chez No Bails. À écouter à fond la gomme, l’album ‘Choke Chains’ s’inscrit dans la lignée déboulonnée d’un Michigan aux industries agonisantes (pensez MC5, The Stooges). Claque au capitalisme, doigt tendu en direction du système, ce disque fait le bien par où il passe. (na)
Clark ‘The Last Panthers’ Warp
‘Clarence Park’, son tout premier disque, m’a mis la tête à l’envers et je n’ai jamais retrouvé la même excitation par la suite dans sa discographie, coincé en boucle sur ‘Lord Of The Dance’... jusqu’à ‘Clark’, double-album somme sorti il y a deux ans, le genre de truc dont l’électro pourrait bien ne pas se relever. Quand on balance un tel pavé, la question du retour est épineuse. Chris Clark a choisi non pas la petite porte, mais celle de côté, la porte de service : ‘The Last Panthers’ est une bande originale, composée pour une série anglaise qui gravite autour d’un gang de voleurs de diamants, et donc forcément une œuvre à part. Clark habille ses paysages désolés de pianos et cordes fantomatiques et, thriller oblige, d’une ligne de tension digitale qui propulse des mélodies souvent atonales vers un crescendo dramatique. On pressent une marge de manœuvre étroite, purement illustrative ; Clark en profite pour se pencher sur les détails et perfectionner ses talents de sound designer dans la confection d’atmosphère à la fois mystiques (les chœurs de ‘Strangled To Death’ et ‘Cryogenic’) et vénéneuses (‘Brother Killer’,
‘Actual Jewels’). Sur ‘Omni Vignette’, cela se réduit à un seul piano, avec bruit de touches et des cordes et une reverb déchirante. Le travail est discret, subtil, de la dentelle cachée dans les nappes, qui confère au résultat une ampleur anxiogène et spectrale efficace tant à l’écran qu’au casque et qui rivalise d’invisibles menaces avec le ‘Splinter Cell’ d’Amon Tobin. (ab)
The Coathangers ‘Nosebleed Weekend’ Suicide Squeeze Records
On te l’accorde, être une badass, ça ne doit pas être easy bigoudi tous les jours. Pour une fois, tu voudrais lâcher le fouet, te faire les ongles à la cool, et ya toujours une morveuse pour te regarder en biais. C’est qu’à Atlanta, toi et tes copines avez une réputation à tenir. Elle nous cherche, là, non ? Elle veut un gnon sur son groin ? Elle veut couiner de rage comme un ‘Squeeki Tiki’ ? « No more sorries » ! Faudrait surtout pas qu’on vienne penser que ton poster de ‘Death Proof’ ou ta banderole ‘Faster, Pussycat ! Kill ! Kill !’, c’est de la pisse de flûte. Que vous trois, on vous confonde avec Hinds. Reste plus alors qu’à envoyer sauvagement la sauce et éviter d’avoir des crécelles plein l’crâne. Mais pour le coup, sorry cutie pie, mais passée la première moitié de votre galette, vos chignons-bananes s’effondrent, vos (g)riff(e) s s’émoussent. On s’appelle, on s’fait un spa ? (alr)
The Comet Is Coming ‘Channel The Spirits’ The Leaf Label
Avec une telle dénomination, il est permis d’invoquer le nom des grands, le nom des dieux. Celui de Sun Ra en l’occurrence, cité ici comme source d’inspiration, laquelle s’avère également être une mine dans laquelle on puise sans vergogne. Du nom du groupe au titre de l’album en passant par celui des morceaux, tout est empreint de la patte du maître. Entre un ‘Space Carnival’, un ‘Cosmic Dust’, un ‘Star Furnace’ ou un ‘End Of Earth’ en clôture, tout semble affaire d’espace sidéral et de voyage gravitationnel. Et pourtant, vous ne trouverez ici ni déplacements astraux, ni géométries stellaires. Ramassé autour d’un trio claviers-électronique/batterie/sax, ce combo anglais assemble un proto-funk groovy parfois teinté d’accents jazz quand il ne joue pas la carte de l’electro boostée. Live, il s’est fait remarquer aux dernières Trans Musicales de Rennes et ‘The Comet Is Coming’ constitue son premier album. Si vous aimez les déambulations spacieuses des Spaceheads et
le son des sirènes qui imitent les vaisseaux spatiaux sur la foire, cette comète sera assurément votre bonne étoile. (et)
The Coral ‘Distance Inbetween’ Ignition
Qu’est-ce qui a fait de The Coral et leur album éponyme une révélation il y a quinze ans ? Leur joyeux mélange de pop psychédélique, d’harmonies portuaires et de folk bondissant s’est évaporé tout du long de leur discographie pour finalement n’intéresser plus personne. Question d’époque sans doute, la pop s’étant transformée en profondeur pendant la dernière décennie. Coup de bol, Temples & consorts ont ramené le rock kaléidoscope sur le devant de la scène ; il ne restait plus à The Coral qu’à transformer l’essai que sept albums avaient un peu émoussé. Bill RyderJones ayant quitté les troupes pour une carrière solo, Paul Molloy des Zutons monte à bord et joint sa guitare à celles de James Skelly et Lee Southall pour un son plus lourd, plus sombre, presque stoner. Finies les scansions enjouées de l’aérien ‘Butterfly House’. ‘Distance Inbetween’ s’intéresse à la face cachée du psychédélisme, celle qui se cache sous l’humus, partie interne et humide de l’écorce tombée à terre. The Coral n’est pas Black Sabbath pour autant : ici, point d’effusion de sang, ni de riffs tombés du ciel. ‘Distance Inbetween’ partage avec les Doors leur sens timide de la montée, préfère la circonvolution à l’explosion. On peut être déçu par l’attente d’un climax qui ne vient jamais, mais ‘Chasing The Tail Of A Dream’, ‘Beyond The Sun’ et les chœurs pink-floydiens de ‘She Runs The River’ habillent The Coral de sulfureux atours. Le noir leur va si bien. (ab)
Decker – MalempréS ‘Chansons pour Oreilles Averties’ Home Records
Le titre du disque à lui seul a valeur indiciaire. La photo de sa pochette exhibant le décolleté d’une poitrine amène achève de nous mettre sur la voie. Ce recueil d’une petite vingtaine de titres revisite la chanson paillarde telle qu’elle existe dans le domaine public depuis des siècles. Chansons populaires, anonymes ou traditionnelles, elles sont ici retouchées, remaniées, réhabilitées ou pastichées par un trio cocasse et coquin. Tania Malempré mène le chant qu’elle partage avec son frère Marc qui officie également au violon, cornemuse et flûte et son comparse Rémi Decker qui pince aussi les cordes (guitare, banjo). Les trois l’affirment : s’ils clament leur amour de la licence poétique et se revendiquent ouvertement d’une certaine déliquescence, c’est sans vulgarité aucune qu’ils procèdent. Ils évitent les lieux communs du genre comme l’inévitable ‘Curé de Camaret’ ou la ‘La Petite Huguette’ mais renchérissent pourtant avec ‘Le Pou et l’Araignée’ et un ‘Baise m’encor’ qui prend au corps. Sur près d’une heure, le sexe tient de manière prévisible le haut du pavé, égrillard et pendard. (et)
Deluxe ‘Strachelight’ Chinese Man
Que les fans de Selah Sue lèvent le doigt et remportent illico cet album de groove-soulraggamuffin électronique de luxe, bourré de featurings en or : M, IAM (pas confondre), NNeka. (lg)
Double Veterans
Echo Beatty
‘Space Age Voyeurism’
‘Nonetheless’
Caroline/Universal
Waste My Records
Von Pariahs ‘Guenine Feelings’ Yotanka Records
En voilà deux qui ne peuvent nier avoir une sympathie pour le devil. Adeptes du sexe sale, Double Veterans et Von Pariahs piochent dans l’inépuisable livre du rock, le vrai, celui avec ses guitares qui lèvent le doigt et ses chanteurs qui jouent sans cesse au Jacques à dit. Celui des Cramps, celui des Stones. Double Veterans s’inscrit plutôt dans la lignée des princes du psychobilly. Flegmatique à souhait, le trio se plaît à renvoyer une bonne image d’inéluctables branleurs. Et pourtant ! On est dans un pur cas d’école de perfection à la flamande : production en costume trois pièces, mise en place irréprochable et, youpie, des morceaux qui suivent, visant à propulser leurs géniteurs au rang de sex toys rock’n’roll. Surtout si le groupe choisit plus souvent de ralentir le tempo, comme sur ‘I Was Gone’, ballade perfide qui risque bien de leur ramener des tonneaux de groupies. Moins minets, les Von Pariahs savent également y faire dans le genre branleur. Les vendéens les plus anglais de l’Hexagone laissent tomber le post-punk glacial de leur ‘Hidden Tensions’ pour un petit picnic sur le sol ricain. Du coup, les mecs se prennent de sacrés coups de soleil sur leurs visages un peu palots et reviennent avec ce ‘Genuine Feelings’ sous le bras, au retour d’un séminaire sur la bande à Richards. Bourré d’hymnes aux guitares toutes voiles dehors, ce disque est celui de l’exorcisme par la communion, du pogo rédempteur, du slam thérapeutique. On regrettera juste la timidité du basse-batterie qui envenimait subtilement le débat sur ‘Hidden Tensions’. (am)
‘De bruit et de fureur’ ? Tu plaisantes ? C’est un peu mou sur l’embrayage. Faut qu’on arrête de te promettre les grandes marées quand tout ce qu’on sort de ses tripes, c’est un clapotis plus cendreux qu’hardi. Qu’on arrête de te garantir ton lot de trouble, qu’on cesse de te faire miroiter de la pop-noir quand c’est morne plaine, débâcle d’une partie des troupes, tambours en berne. Tu voudrais davantage de spasmes, mais on achève bien les chevaux, et les protagonistes sont décidément à bout de souffle. Ça fait des nœuds dans ton estomac, cet élan trop bridé. Toi, tu as faim. FAIM. Et cette Annelies qui se fantasmerait Beth Gibbons, elle te dispense juste la becquée, « toujours à contre-jour, c’est bien moins héroïque ». À peine de quoi nourrir les ailes de corbeau dont se coiffe Polly Jean. La traversée arrive quasiment à son terme, et enfin ‘The Boat’ tangue un peu, il y a quelqu’un d’incarné sous cette peau de phoque. Trop tard, toutefois. Bien trop tard. (alr)
El Yunque ‘Baskenland’ News
Originaire de Hasselt, El Yunque est un groupe expérimental faisant dans le dark rock noisy bruitiste. Actif depuis trois ans, il livre un premier album qui associe nouvelles compositions (7 au total) et anciens titres retravaillés. Bruitiste, sèche, allant à l’essentiel, la musique du groupe vous prend à la gorge, à l’instar du dissonant ‘Dredge’, du viscéral ‘Kassandra, Esq.’ ou du monumental ’Kabeldraad’ qui s’étend sur près de 20
minutes ! En même temps, le groupe se révèle souvent assez groovy, donnant à ses morceaux un côté sexy, comme en témoignent le relativement mélodique ‘Noztechtransch’ ou encore ‘Natwoord’, sorte de mantra hardcore hypnotique et flippant. Déroutant et terriblement séduisant, ‘Baskenland’ est un album novateur qui repousse les limites du genre en affichant une belle dose d’originalité et de verve. A découvrir ! (pf)
Emmy The Great ‘Second Love’ Bella Union
Après deux premiers essais inscrits dans une veine résolument folk, Emma Lee-Moss « The Great » succombe comme tant d’autres à la tentation de l’electronica. Privilégiant une approche très narrative de l’écriture, la jeune anglaise tente de conjuguer mélodies enivrantes et atmosphères désincarnées. Avec plus ou moins de réussite. D’emblée, l’envoûtant single ‘Swimming Pool’ impose un son et une ambiance empreints d’une certaine solennité. Une impression renforcée par la présence aussi discrète que terriblement imposante de Tom Fleming (Wild Beast) et de sa voix de baryton. On trouvera ensuite un peu de tout dans ce disque qui doit beaucoup à la sobriété de ses arrangements : des petits plantages (‘Less Than Three’, ‘Part Of Me’ auraient peut-être davantage brillés dans un emballage folk), de vraies réussites (‘Constantly’), de franches montées d’adrénaline (‘Social Halo’ et ‘Never Go Home’) et de troublants faux calmes (‘Lost In You’). Voilà un disque qui intrigue à défaut d’enthousiasmer ou de fatiguer. (gle)
Explosions In The Sky ‘The Wilderness’ Bella Union/Pias
A l’endroit d’Explosions In The Sky, il est aisé
de convoquer des métaphores et des images pour tenter de décrire et de dire. Cette propension à picturaliser la musique du groupe texan est d’autant plus répandue qu’un lien fort l’unit au monde de l’image. Ce nouvel album est d’ailleurs le premier depuis cinq ans (depuis ‘Take Care, Take Care, Take Care’ en 2011) à ne pas être lié à une bande son. Fondamentalement, la formule demeure identique, celle d’un rock post-progressif qui revendique et clame son étiquette instrumentaliste. Quelque part entre un Godspeed You! Black Emperor assagi, débarrassé de son abrasivité et un Mogwai qui aurait dompté son électricité, EITS a trouvé ses repères et installé ses marques. ‘The Wilderness’ se veut fidèle au sens premier de son titre et poursuit une quête intense en défrichant les frontières de l’espace communément admis, un espace pensé ici à la fois comme géographique, sonore et mental. Beau retour en apesanteur. (et)
Few Bits ’Big Sparks’ Morso Caché/Pias
C’est gentil tout plein, ça ne mord pas, c’est rassurant. Pour la surprise, on repassera. Que la pop bien torchée de Few Bits se glisse toute seule dans l’oreille, amateur d’easy listening te voilà rafraîchi pour les beaux jours. Surtout si tu avais adhéré, en 2013, au premier opus de Karolien Van Ransbeeck & co. Car, avoue-le, tu es tombé amoureux de son joli brin de voix. Il t’avait fait penser à une Hope Sandoval du plat pays, l’envoûtement damné en moins. On ne voudrait pas te choquer, trop de choses demeurent au ras de l’Escaut, pour les envolées lyriques et les rêves mélodramatiques, inutile de se faire de grandes illusions. On préférera toujours Beach House aux multiples moines copistes déguisés en Alex Scully et Victoria Legrand. (fv)
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18
The Field
Circle Bros
’The Follower’
’Rust’
Kompak t/News
Quatre disques au compteur d’Axel Willner, dites The Field pour ne pas confondre avec le footeux belge. Ils ont tous eu leur grande importance - à l’exception du dernier ‘Cupid’s Head’, dont la recette était tellement éprouvée qu’elle avait fini par lasser. Restons dans les cuisines et dépendances du maître suédois, dont on reconnaît la patte dès les premières secondes. Tout en se renouvelant un poil. C’est bienvenu. Éternel adepte des boucles qui ne cessent de tournoyer, le gars de Stockholm accélère le tempo et passe la cinquième. Dans sa réserve de clins d’œil, le bonjour à Jeff Mills crève les yeux, heureusement pas les tympans. Ça s’appelle ‘The Follower’, ça met tellement l’album sur les rails qu’il lui donne son titre. Balaise, qu’en pense Gui Boratto? Qu’un détour par les backrooms s’impose, pour une danse du cortex fébrile (‘Pink Sun’). Une voix féminine samplée met le cap, suave et vertigineux, sur le milieu de l’affaire, ça vrille, c’est sexy (‘Monte Verita’). Un moment d’introspection passe, il termine sa journée avant l’heure, le vilain (‘Soft Streams’). C’est ballot, la rupture de stock dévoile deux ultimes titres à tomber par terre, l’hypnotique répétitisme de ‘Raise The Dead’ et l’incroyable ‘Reflecting Lights’, héritage en diagonale de l’insurpassable ‘Zauberberg’ de M. Wolfgang Voigt. (fv)
Flox ‘Homegrown’ Underdog Records
Sous l’appellation nu-reggae, l’anglo-français Flox dénote sur la scène actuelle. ‘Homegrown’ bouscule l’amateur par un mélange très personnel d’électro, de dub et de reggae et est bien parti pour faire date par son sens de la mélodie qui ferait taper du pied les plus récalcitrants au genre. ‘So Many Blisters’ ouvre les hostilités avec brio, prenant l’auditeur à contre-pied, celui-ci cherchant les skanks d’usage dans ces big-beats aux confins du hip-hop, alors que le déhanchement rasta est bien là, sous son nez, déguisé en pare-chocs tunés par les Beastie Boys. S’ensuit une galerie de tubes se jouant tout autant des règles en vigueur, pour mieux déclarer leur dévotion à la Jamaïque (‘Find Some Joy’ et ‘The Color’, hymnes solaires qui flirtent avec le ska). Le summum est atteint sur ‘Cut It’, instru de clôture qui déconstruit le reggae électronique : ni dub, ni jungle, Flox l’ouvre en deux, le met à nu, le remonte à sa façon et le pare d’un son flambant neuf, évolution de pistes abandonnées par The Orb, propulsé par les basses phénoménales de JP Moget. Une reefer-ence ! (ab)
General Elektriks ‘To Be A Stranger’ The Audio Kitchen
Quinze ans plus tôt, une autre vie ! Money Mark me faisait l’effet d’un petit bricoleur de génie quand il sortait son funk de carton pour trois cuillers avec ‘Push The Button’ et ses suites. Aurais-je encore des cheveux et la cuite facile, le quatrième General Elektriks aurait pu me séduire de la même façon : inconditionnellement. Mais le temps a passé et les regrets ont construits des murs avec l’amertume pour ciment. Et la musique a défilé, a charrié d’incessants alluvi-
Three:Four Records
From Ghent with love. D’une ville où le gars Wim Lecluyse explore les ramifications de la folk de traviole. Sur son label Morc Records, hébergeur de l’irremplaçable Jessica Bailiff (un disque fabuleux, ‘Old Things’). Aux côtés des inattendus Boduf Songs ou Edgar Wappenthaler, sans compter la compagne de toujours Annelies Monseré. Planqué derrière son pseudo Circle Bros, le sieur Wim est de retour. Pour un disque qui compte, en marge de tout. On y trouve des drones en forme de boucle, à la Eyes Like Saucers tu vois (‘Insurance Policies’), où se noie une voix spectrale et apeurée. Avant une folk music de fin des temps, nocturne et rebelle, fâchée sur le temps qui s’écoule, faussement apaisante, à la droite de l’anxiété (‘Detroit’). Un regard sur la vie où la noyade dans le bourbon tourne les yeux vers Matt Elliott, sans cri de désespoir intense. Une introspection du bout de la nuit, la guitare malade, la tête dans les profondeurs, de vagues échos industriels où la Lys se jetterait dans la Spree. Une friche industrielle de la Stralauer Allee, ouverte à tous vents (‘Breadcrums’), un triangle aux angles coupants. Attaché aux expériences solitaires, vers trois heures du matin, l’auditeur ne se pose plus la question, il adore. Plaisir partagé? (fv)
ce dans l’oreille – un comble quand on pratique la power pop électronique cherchant l’immédiateté tubesque à tout prix, quitte à foutre en l’air certaines idées pas dégueulasses : un ‘Why Wait’, par exemple, aurait pu virer à l’Aufgang après son introduction délicate mais choisit d’emprunter une voie nettement plus tape à l’œil à base de synthés assez bateaux. Mais, et ça n’est pas rien, le morceau éponyme est une énorme tuerie, un truc entre Hauschka et Trentemoller. Qu’on pourrait écouter des heures, la nuit, dans les plus longs tunnels autoroutiers. (lg)
Orson Hentschel ’Feed The Tape’ Denovali
ons. Hervé Salters, lui, n’est pas resté en place : auteur des petits tubes French Touch ‘Tu M’Intrigues’ et ‘Raid The Radio’, il lorgne cette fois vers une soul sautillante et électronique, mâtinée d’incursions orchestrales au parfum de pop intimiste. C’est charmant et redondant, comme pouvaient l’être Self, pour les trois trentenaires qui s’en souviennent. Plus proche, giflez Kevin Barnes, confisquez-lui ses costumes, ses musiciens et son pognon, enfermez-le dans une chambre d’étudiants avec des Choco Pops et voilà ‘To Be A Stranger’, douce sucrerie acidulée un peu tardive, incongrue comme une giboulée d’avril : des titres comme ‘New Day Breaking’, ‘You Really Let Me Down’ et ‘Whisper To Me’ charrient l’odeur du gazon après une pluie déjà oubliée. Seul reste son souvenir évanescent, ce spleen anachronique, ce déjà-vu désarmant. (ab)
fracas, certainement, dans la mesure où ces luttes internes transparaissent dans les nuances inédites dont elle s’emmaillote avec aisance. Si ‘Two Kids’ transbahute encore sa steel guitar, si ‘Louis’ a la douceur classique des soirs sous le porche ou si ‘The Last One’ cultive une certaine langueur, ‘The Cause’ ne choisit pas entre symphonie et sursauts saillants, ‘Damn Sure’ affiche une assurance quasi-nue et ‘Not Harmless’ a capté en échos le concassage des villes. « Hurry up and loose me / Hurry up and find me again » susurre ‘Empire Builder’. Comme si la maturité venait d’une prise de conscience de nos couches sédimentées, de tous nos êtres-en-un. Comme si grandir passait par la certitude qu’une fois qu’on s’est trouvés, on peut soit revenir au port, soit choisir de prendre la tangente, pour de bon. (alr)
Düsseldorf, on t’adore. Tu as enfanté Kraftwerk ou Mouse On Mars, tu as inspiré un des plus grands projets krautrock (LA Düsseldorf), tu héberges aujourd’hui le génialissime Hauschka. L’histoire le dira, peutêtre un jour Orson Hentschel figurera au panthéon des artistes de la ville rhénane. Très fortement inspiré des minimalistes américains, Steve Reich en premier, le style du compositeur allemand inscrit également ses pas, aussi répétitifs qu’hypnotiques, dans la foulée de The Field. C’est criant sur le morceau inaugural ‘16 mm’, prodigieux. La suite ne se calme guère, et demeure à très haut niveau. Souvent, aussi, à très haut débit. Les pulsations de ‘Harmonica’ rapprochent Henschel d’une fausse techno - jouée sur une vraie batterie - à la sensualité revêche, les ombres portées de Terry Riley dévoilent leurs contours furieux sur des percussions pratiquement vaudou (‘Feed The Tape’), ça rameute les sangs et rend maboul. Morceau de bravoure, ‘Slow-Moving’ convoque ses infernales boucles à la table de Philip Glass, on l’imagine trinquer avec Ligeti sur un fond de Jeff Mills. (fv)
Giant Tiger Hooch
Grandgeorge ‘So Logical’
Hooverphonic
‘Panda! Panda ! Panda !’ Sounds Haarlem Like Vinyl/Suburban
Depuis la sortie de son premier opus voici deux ans, ce groupe hollandais a livré pas moins de 250 concerts durant desquels son rock garage a déchaîné le public et séduit Mr Joe Bonammasa lui-même, excusez du peu ! Giant Tiger Hooch balance un rock garage/ blues/ boogie vachement bien foutu. Perpétuant l’héritage de légendes comme John Lee Hooker et Howlin’ Wolf tout en ajoutant une touche plus contemporaine au niveau de certains arrangements (on pense parfois à Jon Spencer ou Guided by Voices), le quintet n’invente peut-être rien mais brille par contre dans la composition de titres ultra groovy et accrocheurs, comme en attestent les irrésistibles ‘Come on’, ‘Ho ho ho’ ou encore ‘Down’. Diablement efficace ! (pf)
Laura Gibson ‘Empire Builder’ Cit y Slang
Bien entourée sur son précédent cocon, Laura Gibson avait glané de quoi se rêver ‘Grande’, de quoi songer qu’elle était davantage qu’une ixième apprentie en frette et daim. Au point de vouloir hâter son émancipation par un déracinement. Faire ce pas qui vous emmène depuis l’Oregon jusqu’à Big Apple, est-ce que ça vous forge la voix / la voie ? Dans ce cas, après dramatiques pertes et
Pias
Quand t’étais qu’un mioche, on t’a seriné ça, peut-être. « Ne traverse pas la rue / Sinon panpan tutu ». Ne colorie pas au-delà des lignes. Et tu opinais sans broncher. C’était pas grave : toi tu avais ton ami imaginaire Kouky le Castor, et comme lui, tu ne te départais jamais de ce sourire si grand et ton côté du trottoir était toujours aveuglant de lumière. Tu apportais immanquablement une pomme bien rouge à la maîtresse. Il se peut bien qu’ensuite, tu sois devenu chef scout, avec la main sur ton cœur en mousse et l’entièreté du chansonnier en tête. Qui suis-je pour piétiner le fait qu’aujourd’hui, de ton point de vue béat, la vie puisse être soit ‘So Fine’ comme dans une pub Sironimo soit moche comme la guerre dans les journaux ? Que tes rêves soient ceux de l’oiseau qui pépie posé sur l’épaule de Jack Johnson ? Qui suis-je au juste pour ne pas être touchée par le fait que tu partages ton goûter ? (alr)
Griefjoy ‘Godspeed’ Sony
On est gâté, on a reçu un album sampler. Huit titres. Sur les treize que comptera l’album définitif le jour de sa sortie, le 22 avril, sur toutes les bonnes plate-formes de streaming. On ose à peine imaginer les longueurs de l’affaire vu que d’ici, c’est déjà souvent la morne plaine. Même si, au bout de trois écoutes, quelques titres finissent bien par tout doucement se faire une pla-
‘In Wonderland’ Sony
Cela fait déjà plus de vingt ans qu’Alex Callier a démarré l’aventure Hooverphonic et s’il est vrai que les chanteuses se sont succédé (5 au total, quand même), l’univers dessiné par Alex et ses comparses est par contre resté constant. Entre pop song ultime et fantasmes cinématographiques, la musique du groupe flamand est associée à une certaine idée noble de la chanson, laquelle se conçoit somptueuse et glamour, populaire et élégante. Le nouvel album reste dans la lignée de ses prédécesseurs, puisqu’on y retrouve le tube parfait - ‘Badaboum’, scie délicieusement séduisante/irritante, la ballade qui donne des frissons (‘Deep forest’), des pièces orchestrales majestueuses comme la plage éponyme ou encore ‘God’s gift’, morceau laidbach et classe que l’on pourrait retrouver sur la B.O. d’un James Bond. Hooverphonic se laisse même aller à quelques expérimentations surprenantes, notamment avec un ‘Cocaine kids’ qui fait dans le punk psyché. Un très bon cru, donc. (pf)
Idiots ‘II’ WasteMyRecords
Si les Idiots n’en sont qu’à leur deuxième album, il apparaîtra évident à l’écoute de ‘II’ que le groupe a de la bouteille. Pas vraiment étonnant d’ailleurs, puisqu’on retrouve ici Dirk Descamps et Luc Dufourmont, deux vétérans de la scène rock alternative belge ayant sévi dans les années 90 au sein des ex-
cellents Ugly Papas. Avec cet opus, nos hommes livrent un excellent exercice de rock garage et punk qui a le mérite d’opérer la jonction entre les grands classiques faisant figure de références absolues (Mc 5, Stooges, Stranglers) et la scène plus contemporaine (Hives). C’est direct, brut et abrasif tout en étant très mélodique et groovy. Entre le brûlot punk de ‘Backk’, le lascif ‘Overrated’ que ne renierait pas Iggy Pop et le viscéral ‘Bricks to dust’, les Idiots balancent du bon son. (pf)
James ‘Girl At The End Of The World’ BMG Recordings/Pias
Qui se soucie encore de James en 2016 ? Entre fulgurances géniales et dérapages esthétiques mal contrôlés, le parcours chaotique de Tim Booth et sa bande n’intéresse plus guère qu’une poignée de nostalgiques accros aux classiques intouchables (‘Stutter’, ‘Laid’). Par fidélité à ces bons souvenirs, on aura vraiment tenté l’impossible et déployé des trésors de bonne volonté et d’indulgence. Las, ce nouvel avatar discographique d’une formation en mal d’inspiration et en quête de reconnaissance tardive tient surtout de l’accident industriel. Certes, au détour de certains refrains, la voix et le souffle épique de Tim Booth font toujours mouche. Une impression fugace que les gros doigts de Max Dingel (The Killers, Muse, White Lies) et de Brian Eno s’acharnent alors à torpiller en goinfrant ces chansons de sons et d’effets pyrotechniques qui tiennent lieu de production. En lorgnant toujours davantage vers les dancefloors, James se rêve en haut de l’affiche et se fâche définitivement avec la subtilité et avec nos souvenirs. (gle)
The Japanese Girl ‘Sonic-Shaped Life’ Munster Records
Trio portugais aux envies psychés, The
Japanese Girl aime les orgues hantés, les sons réverbérés et le tic-tac obsédant des morts-vivants. Hypnotique et trippant, le rock garage du groupe de Porto fait plaisir aux vampires et à tous les suceurs de sang. Une voix d’outre-tombe, des guitares tranchantes comme la lame d’une grande faucheuse et un petit air de Cramps sous cortisone : la musique enfermée dans le sarcophage de ‘Sonic-Shaped Life’ a du sang de Dracula sur les doigts. En dix chansons psychotiques qui se consument comme des bougies dans une crypte, The Japanese Girl rend un hommage (involontaire ?) à la mémoire de Béla Lugosi. Un disque à écouter à la nuit tombée. Pour plus d’effets spéciaux. (na)
Joeystarr & Nathy ‘Caribbean Dandee’ Naïve Urban
« À 50 ans ? Je vois pas trop […] Avec ce qu’on est en train de faire, on est peut-être déjà en train de s’assurer une petite retraite. » En coton gris chiné face à Michel Denisot, c’est leur première télé. Lui, il n’a pas le seum une seconde – est-ce qu’on dit déjà ça, en 1991 ? – mais sous la patte blanche, l’œil est fauve. 25 ans après, à côté de la rousse incendiaire et du pianiste-la-philo, il distribue les sésames tel un employé d’administration. Il est Jack-in-the-box mais affable. Ailleurs, tu as surpris Grace Jones en train d’ouvrir des huîtres : combien nous reste-t-il d’authentiques créatures non digérées ? Sur ‘Caribbean Dandee’, tu te gausses un peu d’entendre un gars de SaintDenis devenu Papa Legba, s’en prendre aux ‘Rebelles Conformistes’, lui qui est de « la génération Trust, Coluche, Balavoine ». Désormais, il se fait plus croque-mots que croque-mitaine. Nathy cherche comme il peut à se tailler un siège de Robin dans la batmobile, Piaf et sa ‘Foule’ jouent les hologrammes. Joey, lui, s’octroie des combats qui paient aussi les factures. Ajoute une pelure à ses couches d’oignon ou de tigre à
dents de sabre. Tu ne sais plus bien quoi en penser. (alr)
Glenn Jones ‘Fleeting’ Thrill Jockey
Se revendiquant de l’héritage de John Fahey et du courant American Primitive Guitar, Glenn Jones (ne pas confondre avec son homonyme soul) s’est d’abord fait connaître au sein du combo bostonien post-rock Cul de Sac où il pinçait toutes sortes de cordes dont celles d’un Contraption, instrument hybride de sa fabrication. En solo, il a édité dès le milieu des années 2000 une série d’albums sous son nom. ‘Fleeting’ est son troisième pour Thrill Jockey. Il aligne une dizaine de compositions pour guitare et banjo. Comme sur les précédents, Jones accorde ses instruments à sa manière, délaissant volontairement pour la guitare l’accordage standard et recourant systématiquement au capo. Sur ‘Portrait of Basho as a Young Dragon’, Jones rend hommage au guitariste Robbie Basho qui fut aussi son ami tandis que sur ‘Close to the Ground’ , c’est Michael Chapman qu’il salue. Enregistré au bord d’une rivière dans la campagne du New Jersey, le disque laisse transparaître ci et là quelques sons extérieurs naturels. Mais sa force est ailleurs, elle tient dans l’essence d’une musique profondément honnête, qui s’affirme dans la simplicité riche de son dénuement, rétive à toute manipulation. (et)
Damien Jurado ‘Visions of Us on the Land’ Secretly Canadian/Konkurrent
Nous voilà bien marris. Il y a deux ans, on s’était laissés embarquer dans le grand trip perché de ‘Brothers and Sisters of the Eternal Son’ sans résistance, enthousiastes
à l’idée de faire connaissance avec ‘Silver Timothy’ ou ‘Silver Donna’, qu’importe qu’ils ne soient ni chair ni poisson. Aurait-on à ce point changé ou serait-ce dû au manque de surprise véritable de la troisième (plutôt longue) partie de cette trilogie psychédélique conceptuelle ? On continue à suivre cet alter-ego crapahutant à travers des ÉtatsUnis fantasmés et se prenant de plein fouet autant l’amplitude des reverbs que celle de ses questions spirituelles, sans oublier quelques cheyennes narquois et noise sur ‘TAQOMA’. Il y a bien pire sherpa que Jurado mais à mesure que la sensation de déjà-entendu se fait persistante – avec ce motif « Go back down, don’t touch the ground » en écho spectral – notre soif devient inextinguible. Mais arrive ‘And Loraine’ et sa patte de crooner, et à sa suite le romantico-presque-kitsch ‘A.M.-AM’ qui prend enfin l’escampette. Le très beau ‘Kola’, en clôture, signe un retour à la sérénité. Une preuve que cette voie à la production très marquée amenée par Richard Swift peut connaître une issue. (alr)
Knifeworld ‘Bottled Out Of Eden’ Inside Out
Et bam, huit musicos aux tronches de métalleux bios emmenés par un certain Kavus Torabi, croisement hasardeux entre Omar Rodríguez-López et Wayne Coyne. Le résultat est à l’avenant du frontman : un mélange des genres souvent indigeste renvoyant à cette fusion nineties incarnée par les Rage Against, Red Hot et autres guignols du funk metal. On s’enfile donc l’interminable troisième album d’un groupe dont on ignorait jusqu’à l’existence. A la quatrième écoute (étonnamment, on est allé jusque-là, c’est dingo), on sauve tout de même deux très longs morceaux pachydermiques (au-delà des six minutes) qui, plein pot, peuvent décoller quelques plèvres (‘I’Am Lost’, ‘I Must Set Fire To Your Portrait’). (lg)
JAH CURE (JAM)
AVR JUIN
TRICKY (UK) presents « Skilled Mechanics »
ENSIFERUM (FI) MAR 05 AVR 16
VEN 20 MAI 16 Reggae Support: Mathieu Ruben (FR)
TURBONEGRO (NO) SAM 18 JUiN 16 Punk rock
MER 13 AVR 16 Trip Hop / Experimental
Melodic / Folk / Metal Supports: Fleshgod Apocalypse (IT) + Heidra (DK)
LA SMALA (BE) sam 21 MAI 16 Rap / Hip-Hop
OUT OF THE CROWD FESTIVAL XIII DOPE D.O.D. (NL) VEN 08 AVR 16 kulturfabrik.lu
Hardcore rap / Dubstep / Hip-Hop
SAM 30 AVR 16 Rock / Alternative / Indie / Math-rock Feat.: Ought (CA), Quadrupede (FR), Ak/ Dk (UK), Mouse on the Keys(JP), Girls Names (IE), Sun Glitters(LU),Tuys (LU)
BOMBINO (NIGER) SHELLAC (USA) MER 8 JUiN 16 Noise Rock Minimalist Hard Rock
MAR 28 JUiN 16 Blues rock / Desert rock
20
The KVB
Matt Elliott
‘Of Desire’
‘The Calm Before’
Invada Records/Pias
Les chiens ne font pas des chats. On ne s’étonnera donc pas de voir les KVB figurer sur le catalogue du label Invada, pépinière classieuse de l’intarissable Geoff Barrow, l’architecte fou du kraut de Beak>, entre 1001 projets. Même que grâce à ça, ils ont pu bénéficier de la vaste collec’ de synthés du patron, et force est de constater que cette science appliquée du modulaire a façonné l’image de ce ‘Of Desire’ à la tonalité très eighties. On baigne dans la new wave sensuelle à souhait, pas loin des virées les plus dancefloor de New Order, ‘Crystal’ et d’autres brols qui agitent encore des corps liquéfiés lors des temps libres. Deux singles lumineux dominent l’ensemble : l’inaugural ‘White Walls’ et ‘Never Enough’ qui appellent à l’idylle mancunienne, la rencontre des corps dans les bas-fonds du prolétariat. Les dix sucreries restantes collent aux dents dans un mode dark eighties meets le shoegaze : c’est la chaleur moite des soirées en sous-sol, la fumée blanche et l’odeur de fauve. De la musique de drogués diront certains. Et c’est pas faux. Personne ne refusera cette petite dose de romantisme trash sous ecstasy, illustré à merveille par ‘Second Encounter’, final rococo aux reflux délicieux de clope et de parfum cheap. (am)
Leeroy ‘Noir Fluo’ Sony
Ouille, ça fait mal par où ça passe : Leeroy, activiste en son temps dans les fumeux du Saïan Supa Crew, revient aux affaires avec un septième album solo affolant de bêtise et d’humour beauf. Tout cela culmine sur certains titres particulièrement navrants, comme cette description pathétique du ‘Rasta Blanc’, confondante, qui arrache des rictus de compassion plutôt que des sourires, genre Kana et ses petits problèmes de plantation ne sont pas loin; ou l’espèce de tube choucroute / fête du houblon ‘Cougars’, menu « HappyMilf et cou-gare aux gorilles », hahaha, sur fond de rap chansonnette qui ferait trouver des vertus à Maître Gims, voire l’in-cro-yable ‘Quand Chrai Ptit’, « parc’qu’avant j’étais grand », ben merde alors. Tété, Féfé, et Camémé(lia Jordana) assurent les featurings minimaux des mauvais disques Sony. (lg)
Lontalius ‘I’ll forget 17’ Par tisan/Pias
Combien sont-ils au juste, de digital natives ou plus minots encore, à s’emparer des morceaux qui les attendrissent – de Beyoncé à Coldplay, de Frank Ocean à Radiohead – à en faire leur refuge, leur espace show-off, leur vulnérable carte de visite ? « It’s been awhile but I found myself » constate gracilement Eddie Johnston, qui n’a pas pour lui le timbre rugueux et typé d’un King Krule. À l’heure des accélérations fulgurantes de carrière, on peut cependant lui donner raison : parvenir à passer des vidéos d’a(d)m(ir) ateur à un premier disque qui embrasse à la fois la candeur, les maladresses et le papillonnage entre influences et premières fois de l’adolescence sans sonner fabriqué tenait d’une certaine gageure. Bien sûr on perçoit bien que le néo-zélandais, entre poptronica et vocalisettes r’n’b, n’en est encore
Ici d’Ailleurs
Même lorsqu’il reprend ‘Bang Bang’, Matt Elliott fait toujours un peu la même chose, soit ce dark folk lent, étiré à outrance (sa version du classique de Nancy Sinatra fait presque neuf minutes) vers un climax où la tension se décharge parfois soudainement dans un déluge bruitiste, mais parfois plus sournoisement, sans véritable explosion. En réalité donc, tous ses disques – avec Third Eye Foundation ou en solo – auraient pu porter ce titre, ‘The Calm Before’, tant Elliott joue depuis longtemps avec la même formule. Ce qui ne surprend plus mais séduit toujours autant. Parce que contrairement à d’autres types se recyclant à l’envi (coucou Animal Collective), ce mec semble à chaque fois remettre sa vie entière sur le tapis, parce que ses titres viennent des viscères et que, rayon intégrité, on en voit peu des comme lui, creusant leurs sillons singuliers depuis plus de vingt ans sans jamais accorder la moindre concession. Michael Gira, peutêtre. Des types parfois austères qu’on doit pouvoir compter sur les doigts d’une main. Des types précieux. Avec des morceaux comme ‘I Only Wanted To Give You Everything’ ou ‘The Allegory Of The Cave’, Elliott nous replace dans l’œil de son cyclone. Juste avant le déluge. Et c’est absolument superbe. (lg)
qu’au début de sa mue. Mais au-delà d’une conscience des frontières de son pré carré – « all I have to give is my love » – il y a chez lui un sens mélancolique en germe qui nous fait dire qu’on aurait tort de ne pas lui donner un bout de chance. (alr)
Jeremy Loops ‘Trading Change – Deluxe Ed.’ Jeremy Loops/Kar tel
Trimballant tout l’attirail du folkeux benêt de jamborée – guitare sèche, harmonica, box drum, pédale, manbun et poitrail velu – Jeremy Loops est tout de suite agaçant. Comme un joueur de djembé. Comme un Erasmus cracheur de feu. Ce mec suinte l’alter-enthousiasme par tous les pores. Et s’il cite Dylan et Woody Guthrie comme influences majeures, faut bien avouer que ‘Trading Change’ et sa production extatique se situe plus aux confluents de Jack Johnson et du Roi Lion. Jeune blanc-bec Sud-Africain, Jeremy Loops a commencé comme oneman band acoustique et a drainé fans et collaborateur en chemin au point de devenir la référence actuelle du côté de Cape Town, étoffant ses compos pas dégueu en joyeuses boursouflures. D’un optimisme béat, ‘Trading Change’ mêle folk, pub rock, hiphop, ragga et chœurs africains pour bénédiction de lionceaux à bout de bras. Mais le bonheur inconditionnel, c’est à double-tranchant : dès que le moral retombera chez l’auditeur, le premier à s’en manger une, ce sera Loops. Je file volontiers un coup de main. (ab)
Love Buzzard ‘Antifistamines’ 1-2-3- 4 records/News
Lorsqu’un groupe décide d’associer garage, punk et psyché en jouant à fond la caisse, cela nous donne ‘Antifistamines’, soit un album des plus réjouissants pour les fans de rock crade, conçu pour vous faire avaler des litres de bière en pogotant comme un dément. Kevin Lennon et Al Brown ont beau n’être que deux, ils dégagent une énergie incroyable et font du boucan pour dix. Tout est ici ultra violent et lo-fi, DIY et donc terriblement punk. Bref, tout ce qu’on adore ! Démarrant avec le sublime ‘Cash’ qui semble être une réponse contemporaine au mythique ‘Holiday in Cambodia’ des Dead Kennedys, l’album offre plus loin l’excellent garage psyché de
‘Origins’, le plus métal ‘Creep and crawl’, le gothique ‘Passion’ aux petits airs de Cramps moderne, avant de terminer en beauté avec l’intense ‘Tower’, titre infusé d’influences desert rock/stoner façon Kyuss. Du lourd et du bon ! (pf)
M83 ‘Junk’ Mute
Après ‘Hurry Up’, Anthony Gonzales et Justin Meldai-Johnsen nous reviennent auréolés d’un succès planétaire, sans Morgan Kibby. Délaissant les hymnes éthérés au profit d’une pop immédiate et surannée, ils fantasment les ordures culturelles en orbites d’une humanité dévastée et tutoient les limites – les nôtres et les leurs – pour le meilleur et pour le pire. ‘Junk’, donc. Dénoncer la médiocrité d’aujourd’hui grâce aux déchets d’hier, parfumés d’odeur de sainteté. La nostalgie kitsch de M83 pastiche ici l’esthétique TVshow des années 80, saxophones et dégoulinades à l’appui, sans le génie de ‘Too Many Cooks’. Et pose la question du second degré, décidément absent d’une French Touch beaucoup trop indulgente envers ses modèles. Il y a sur ‘Junk’ une certaine complaisance qui frise le génie (‘Bibi The Dog’, ‘Road Blaster’, ‘Walkway Blues’) mais qui s’arrête en chemin, comme paralysée, respectueuse d’embarrassantes figures qui mériteraient qu’on les torde jusqu’à la lie. Échouant à transcender la laideur des modèles, M83 se persuade que la merde d’antan a meilleur goût. Charognards, ils entraînent avec eux un Beck méconnaissable (‘Time Wind’), Susan Sundfør en mode ringardissime (‘For The Kids’), Steve Vai (‘Go!’) et un harmonica strident (‘Sunday Night 1987’) dans les pires morceaux de leur discographie. Déterrer le mauvais goût pour le célébrer, oui, trois fois oui. Pour l’anoblir, il n’y a rien de plus morbide. (ab)
Mauvais ‘Pour Toi Je Peux Devenir Gérard Depardieu’ Anorak Superspor t/Wet Beat
Pas besoin d’attendre décembre, on connaît déjà le meilleur titre d’album de l’année. ‘Pour Toi Je Peux Devenir Gérard Depardieu’. Vraiment ? Le plus dingue dans ce disque, c’est qu’outre son nom absolu-
ment génial, tout dépasse le simple capital sympathie dont bénéficient souvent ces petits albums à maigre ambition : l’humour est parfait, l’autodérision est parfaite, les paroles sont parfaites, la musique de variète lo-fi (mixette de relents eighties, de Bertrand Belin qui aurait retrouvé le sens de l’orientation, de Katerine des ‘Mauvaises Fréquentations’, de Carl lisible) est parfaitement adaptée à ces textes parfaits (redite), la pochette faussement enfantine d’Aurélie William Levaux est parfaite, le choix de l’adaptation française est parfaite (‘Les Mots’, ‘Words’ de FR David, scie de 1982 aux dix millions de ventes). On adopte vite ce disque parfait, sa singularité, sa liberté de ton salutaire : « puis surtout montrer les dents à tous ces cons qui sont devenus tout ce que je déteste / Des blaireaux en 4 fois 4, des parvenus, des flics, des politiques ou des patrons connards / Des gens qui ont compris que le pouvoir c’est d’avoir, de prendre sans jamais rendre ». Fuck. Parce qu’après, c’est « Vieux Farka Touré qui fera danser ma tristesse ». Indispensable. (lg)
Anna Meredith ’Varmints’ Moshi Moshi
C’est son premier album. On dit même qu’en 2012 et 13, elle avait produit deux EP, même qu’elle a composé de la musique pour… les bancs d’un parc de Hong Kong. Aussi compositrice en résidence du BBC Scottish Symphony Orchestra, et le ‘Nautilus’ d’entrée montre qu’elle ne craint pas l’emphase d’après Rachmaninoff et d’avant Glass, Anna Meredith voltige entre les genres certes, (hélas) moins entre les conventions, contrairement à une autre Anna (von Hausswolff). Elle nous vaut des hymnes pop total chouettos, dans un style bifurquant vers les Polyphonic Spree (‘Taken’), mais aussi des échappées vaguement romantiques, elles lorgnent à gros traits vers le Cinematic Orchestra (‘Scrimshaw’). On ne parlera même pas de la justesse, relative, de son chant (‘Something Helpful’, du mauvais Au Revoir Simone), c’est bientôt Pâques, saison de la charité. Et puis, où veut-elle en venir, au fond? (fv)
Mogwai ‘Atomic’ Rock Action Records
Quelques mois après la publication d’un vaste best of, Mogwai rallume la chaudière pour la sortie d’Atomic’, BO initiale d’un documentaire réalisé par Mark Cousin. L’objet cinématographique s’attarde sur la question du nucléaire, abordé sous ses aspects les plus vils - Hiro-Fukishima et consorts - comme les plus fascinants et porteurs d’espoir. Le score de Mogwai semble faire écho à cette dichotomie, s’organiser de manière parallèle. Certains morceaux évoquent clairement la menace, la démesure. Ça donne des ‘Bitterness Centrifuge’ aux guitares un peu Andenne dont le premier degré pataud fait bailler instantanément. Le post-rock à papa, quoi. Par contre, certains tracks à l’instar de ‘SCRAM’ et ‘U-235’ évoluent dans un registre radicalement différent : synthétiques et atmosphériques, ils symboliseraient l’avancée scientifique, le sauvetage de milliers de petites vies. Ça sonne un peu Thalassa mais c’est bigrement maîtrisé et, on ne va pas se le cacher, ça représente une superbe bouffée d’air frais dans l’univers des écossais. Un peu comme si Boards Of Canada jammait du kraut à Edimbourg : c’est le Mogwai postpost-rock qui échappe à l’écueil de la facilité, et après 20 ans de carrière, on salue. (am)
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Mont-Doré
Kiran Leonard
‘Fractures’ Black Basset Records/Sonic Rendez-Vous
L’excellent ‘Escalades’, premier EP de ce combo sorti en 2013, envoyait le bois dans un registre furieusement hardcore. Avec l’album que voici, Mont-Doré affiche clairement un souci d’évoluer puisqu’il dompte un (tout petit) peu la virulence du premier effort pour intégrer des éléments plus mélodiques, limite post-rock, comme sur le très beau ‘Before we go’ et le touchant ‘The longest silence ever heard’ dégageant une forte mélancolie. On aurait cependant tort de croire que le groupe bruxellois se la joue désormais laidback vu qu’il continue de pondre des titres qui font mal dans un registre post-hardcore/screamo bien rentre-dedans (‘Don’t go wasting your devotion’ et le désespéré ‘What you gave me is not a gift’). Brutal, à fleur de peau, ‘Fractures’ sonne tout simplement juste. (pf)
MOTHXR ‘Centerfold’ Kitsuné
« Notre son se situe entre Arthur Russel et D’Angelo écoutant Joy Division avec un teeshirt Thriller ». Voilà pour le pitch. Et force est de constater que cette punchline biographique n’est pas foncièrement caricaturale. Car ces influences, on les retrouve aujourd’hui disséminées, de façon plus ou moins évidentes, sur ce premier album de MOTHXR. En mêlant à ses compositions synthétiques, des sonorités pop comme des fantômes des 80’s et des ambiances empruntées au R’n’B, la formation emmenée par Penn Badgley (oui oui la tête à claque de Gossip Girl) accouche d’une musique aussi suave qu’entêtante. Entre ambient-pop et post-new soul, les onze titres savent ainsi faire remuer les bassins et les cerveaux reptiliens en finesse, à l’aune d’une basse synthétique bien balancée ou d’un chant sensuel et éthéré. Des titres comme ‘Underground’ ou ‘She Can’t Tell’ illustrent parfaitement la façon dont MOTHXR réussit à expérimenter et à puiser dans les arrangements sans tomber dans le superflu, la démonstration ou le putassier. (gle)
Bob Mould ‘Patch The Sky’ Merge Records/Konkurrent
Conforme à son rang, Bob Mould tire de sa gaine ses aubaines. Bob rengaine. Bob moud et moule ses chansons à la façon d’un torréfacteur. Façon corsé, façon de ne pas perdre l’arôme, intense en poussant les curseurs vers le haut mais doux quand il faut, juste ce qu’il faut. S’il aime se donner des airs d’ours, c’est pour mieux donner la patte, tapoter sans papoter. Sa discographie ? On s’en fout, elle se répète, elle récidive, elle se mire sur la surface des décennies qui passent. ‘Patch The Sky’ s’ajoute à une liste déjà longue sans la bousculer le moins du monde. Ses chansons ? Des couplets brûlants tournant autour des trois minutes, pas plus, pas moins. C’est chaud et sans chichi. Et c’est déjà beaucoup. (et)
Multicast Dynamics ’Outer Envelopes’ Denovali
C’est la lutte finale pour Samuel van Dijk. La boucle qui clôture sa tétralogie,
Cullen Omori ‘New Misery’
‘Grapefruit’
Sub Pop/Konkurrent
Moshi Moshi
Posons d’entrée de jeu qu’à l’époque – pas si lointaine – on a fort peu écouté Smith Westerns mais qu’à cause des Pif&Gadget Gallagher, on sait que les histoires de frangins finissent mal, en général. Que reste-t-il à Cullen Omori, le dissident glam, une fois Mark Kanacek parti faire profiter Whitney de ses poussées guitaristiques ? Une nuée d’affects vocaux dont Marc Bolan ferait son quatre-heures et qui suivant les cas peuvent se révéler tout autant exquisément poudrés (‘Hey Girl’ aux lèvres cerise) que crispants (‘Two Kinds’). Une vision adolescente et à sequins de la ‘Synthetic Romance’, de celles qui mettent un bref nuage d’extase et de ‘Cinnamon’ – single tellement boursouflé qu’on finit par lui trouver un charme – sur votre chocolat chaud moelleux. Quelque chose comme le toucher fugace d’une chemisedragon en pure soie de Chine dans une fumerie d’opium rose bonbon. Il est des disques qu’on déteste à hauts cris : tout en équilibre instable sur la limite du goût et de la pose qu’il soit, ce n’est pas le genre de ‘Poison Dart’ qu’on jettera à celui-ci. (alr)
Il suffit parfois d’une pochette pour avoir envie de plonger dans un album. C’est le cas avec celle de ce ‘Grapefruit’ dont le ramage est indéniablement à la hauteur du plumage. Voilà pourtant un disque qui ne rentre dans aucune case. Avec ce mélange magistral de fantaisie, de collages, de couleurs et d’influences, Kiran Leonard n’en fait qu’à sa tête. Car le jeune prodige mancunien se veut résolument réfractaire aux clichés et aux dogmes. Et ça lui réussit plutôt bien. Même si ses intentions ne sont pas toujours évidentes dans cette prose musicale libertine et biscornue, et si ses idées ont la bizarrerie des grands loufoques. Sans que l’on sache exactement, comme chez Zappa, quelle est la part de second degré dans ces élucubrations. Il n’y a qu’à voir avec quelle jouissance il se joue des codes utilisés, avec quelle aisance il mélange le tout, avec quel malin génie il improvise ses compositions. Un génie qu’il sabote allègrement en proposant des OVNI comme les seize (!) minutes de ‘Pink Fruit’, audacieux mélange de pop, de noise, de math-rock voire de progressif. Bien sûr c’est un gros foutoir. Et c’est tant mieux. Dans ce cabaret aléatoire où Sufjan Stevens se serait senti comme chez lui, on croise aussi Pavement, Daniel Johnston, Rufus Wainwright et Captain Beefheart. Certes, Kiran Leonard donne par moments du grain à moudre à ses détracteurs, plongeant soit dans une précieuse excentricité, soit dans une sophistication ennuyeuse. Mais pas de quoi gâcher la fête. ‘Grapefruit’ est le grand disque excentrique de ce début d’année, le plus casse-gueule aussi. (gle)
quelques mois après le troisième volet ‘Scandinavia’, il projetait sur l’inquiétude des fonds marins son ambient assourdie. Voici la dernière étape ‘Outer Envelopes’, direction l’espace interstellaire. Le temps y prend une autre dimension, parsemée de quelques pulsations cosmiques. Les rivages interplanétaires défilent en toute lenteur, tout est pareil, tout est différent. Le noir et le blanc se confondent, au loin scintillent des galaxies infranchissables. Porté par l’absence de pesanteur, plus rien ne rattache l’artiste néerlandais à l’orbite terrestre. Il laisse libre cours à son laptop, l’inspiration lui vient à manquer. Rien ne change, tout se transforme, rien ne crée. Et si on restait là? (fv)
Jean-Louis Murat ‘Morituri’ Pias
Et si Jean-Louis Murat était en passe de devenir le Mark E Smith auvergnat ? A force de sortir un disque tous les douze mois, on finit par trouver normal que cette forme d’inspiration priapique connaisse quelques défaillances. Et cette nouvelle cuvée n’échappe pas à la lassitude qu’implique souvent la surabondance. Infusé dans l’atmosphère mortifère de 2015, ce Murat nouveau ne déçoit donc pas plus qu’il ne surprend par son enfilement de perles noires (‘Tous Mourus’, ‘Morituri’, ‘Le Cafard’). Musicalement, pas de grand bouleversement, juste quelques inflexions ou digressions ponctuelles prétextes à une voix et un propos toujours aussi désenchantés et graves. De l’avis même de Murat, chaque artiste ne porte d’ailleurs en lui que trois ou quatre grandes chansons au maximum, les autres n’étant que des redites. Il n’est pourtant pas question de surplace. Comme à l’accoutumée avec le chanteur-topographe, on voyage beaucoup : entre Tarn et Garonne, la Corée du Nord, l’île de Bréhat, la HauteSavoie, le Danemark, Yvetot, et l’Himalya. Animal, on est mâle, le bestiaire muratien s’enrichit également d’un lynx, d’une jument, d’un coucou et d’un Cafard. « C’est quoi le cafard ? Difficile à dire. C’est comme un buvard. Qui te boit la joie. Te prépare au pire. C’est un animal qui fait un carnage chez les colibris ». S’il y en a une qui
peut prétendre faire partie des grandes chansons, ça sera celle-là… (gle)
Needle and The Pain Reaction ‘Porcupine’ NATPR
Cela fait maintenant une quinzaine d’années que ce trio gantois existe et s’il a gagné en maturité et en expérience, il demeure toutefois fidèle à ses racines, continuant de proposer un power rock qui tient tant du grunge que du noise rock. A l’écoute de ‘Porcupine’, on songera volontiers à Afghan Wigs, Jesus Lizard et Dinosaur Jr au niveau de de l’esthétique générale. Particulièrement en verve, Needle and The Pain Reaction livre ici son disque le plus abouti et le plus cohérent. Parmi les moments les plus marquants, on mettra en avant des titres directs et immédiats comme ‘Caught in a trap’ et ‘Wasted’ ou encore des compos à la structure plus élaborée comme ‘Alone’. Recherché tout en affichant une énergie venant des tripes, ‘Porcupine’ se révèle très convaincant. (pf)
Oaktree ‘Dust’ Pias
Sur la photo de sa bio, Adriaan de Roover donne l’impression d’incarner un garçon mélancolique assis dans la lumière diaphane tamisée de sa chambre, perdu parmi ses instruments, un être qui peinerait à quitter ses quatre murs. Sa musique semble y trouver si pas ses racines, ses assises. Elle s’appuie à la fois sur une structure électronique et des éléments acoustiques tels des cordes, une harpe, un piano ou, plus incidemment, un trombone. Si l’Anversois agence, compose et produit le tout, il a pris soin de s’entourer de musiciens invités adroits. Il s’est également acoquiné au claviériste néerlandais Pieter Nooten (du groupe des années 80 Clan of Xymox). Après deux singles, cet ep – qui ressemble davantage à un véritable album de sept compositions – atteste de qualités qui devraient logiquement encore se développer dans le futur. Si vous êtes en phase avec le catalogue Denovali ou avec des musiciens comme Max Richter ou Ólafur Arnalds, ce disque devrait vous plaire. (et)
Owl Rave ‘Owl Rave’ Interstellar Records
En 2014, Gregor Uber, frisant le burnout, a mis sur pied Owl Rave, histoire de se calmer les nerfs. Ce qui n’était au départ qu’une entreprise cathartique s’est mué en véritable projet musical puisque notre ami a entretemps été rejoint par Markus Dolp et Antonia Steiner qui chantent tous les deux. L’univers du trio est sombre, mélancolique, introspectif et étrange, un peu comme dans l’univers de David Lynch. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard puisque Huber est un fan absolu de ‘Twin Peaks’ et de Badalamenti, compositeur de la dite série. 1ssez intense, l’album brille tout particulièrement dans la façon qu’il a de mêler le beau et le malsain, l’esthétique et l’inquiétant. Entre jazz doom, ambient dépressif et drone gothique, Owl Rave définit des paysages aux contours fascinants d’étrangeté. (pf)
Pony Pony Run Run ‘Voyage Voyage’ Pias Le Label
Le gros lol du mois. Dieu que c’est mauvais. ‘Voyage Voyage’, large bouse dancefloor, arpente le Tartare et nous rapporte les visions de son périlleux périple périple sur la planète Terre : un fantôme moche de Mika chantant Whigfield à la locale Télévie de Quaregnon, un Nicola Testa en bord de scène, les lèvres couvertes de bave opportuniste, un Loïc Nottet hurlant son Rapapap’ Tonight quelques mètres plus loin, entre un foodtruck à pains saucisses et un stand Randstand interim. En bons profanateurs de sépultures, les Pony Pony Run Run pratiquent abusivement le vol à la sauvette : un petit synthé à Daft Punk par ci, une guitare à Phoenix par là... Pour les coller sur des dam dam di dam dam (‘Dum Dum’, savent même pas l’écrire !) trouvés dans une fosse septique. On a déjà mis des mecs en cabane pour moins que ça. (am)
Primal Scream ‘Chaosmosis’ First International
Peu de groupes peuvent se targuer d’être encore plus audacieux et intéressants après
trente ans de carrière qu’à leurs débuts. Malgré quelques rides et passages à vide, Primal Scream fait assurément partie des ces formations qui n’ont pas l’âge de leurs artères. Avec ce nouvel essai, le collectif de Manchester pousse encore un peu plus loin l’indéfinition de sa musique. Apposer à la va-vite un sticker « electropop légère » sur ce disque reviendrait en effet à sauter à pieds joints dans le piège tendu par Bobby Gillespie. Disque flambeur et flamboyant, ‘Chaosmosis’ brûle l’histoire de la pop par tous les bouts. Et enchaîne comme à l’entraînement les compositions et les collisions esthétiques à haute teneur hédoniste. Chaque titre sonne comme un tube potentiel à l’image du très lascif et catchy ‘Where The Light Gets In’ en duo avec Sky Ferreira. D’une dérive baggy un peu old school (‘Trippin’ On Your Love’) à une invitation au déhanchement que ne renierait pas Barney Sumner (‘(Feeling Like a) Demon Again’), d’une ballade langoureuse (‘I Can Change’) à une chanson étonnamment folk (‘Private Wars’), cette mosaïque de moments musicaux révèle des combinaisons d’une imparable évidence, où rien n’est superflu ni cédé aux caprices de l’époque. Le génie lumineux de Bobby Gillespie, s’il ne brille que par intermittence, ne mérite pas de s’éteindre dans un recoin sombre de la pop anglosaxonne. (gle)
Masha Qrella ’Keys’ Morr Music
Cap vers le début des années 2000. Se rappeler nos marottes de l’époque, beaucoup venaient déjà de Berlin, ou d’ailleurs en Allemagne. Les compilations ‘No Woman No Cry’ du label Monika Enterprise, l’immense ‘Neon Golden’ de the Notwist, les disques de Tarwater, l’avènement de Barbara Morgenstern, celui de Masha Qrella aussi. Quelques titres en sont restés, on les réécoute toujours avec plaisir. Puis, comme dans les vieux couples, les rapports se sont noyés dans le quotidien. La découverte d’autres artistes, il y a eu Shannon Wright, notre maîtresse à tous, on ne parle même pas de Soap&Skin ou de Die Heiterkeit. Et bim badaboum, passé le cap de la quarantaine, qui revoilà, notre Masha. Très en forme, faut dire qu’on s’était inquiété. Avec toujours cette fausse candeur pop, ces mélodies à priori inoffensives qu’on ne fredonne jamais dans le métro. Qu’on retrouve pourtant avec grand bonheur. Même que derrière, un fantasme barbu à lunettes se jette en ombre portée sur les chansons de la Berlinoise. Par instants, il y vraiment de son génie dans le cru 2016 de la Qrella, même si c’est à temps partiel. (fv)
Radio Elvis ‘Les Conquêtes’ Pias
Et hop, le disque du mois à écouter en pull marinière : pour s’élancer dans ‘Les Conquêtes’ de la hype, le look, c’est mieux. Voici donc Radio Elvis, trois jeunes gars moulinés en rayures qui sont probablement tombés dans Bashung quand il commençait à devenir culte à la fin de son vivant, relancé par le chauve de Louise Attaque, désormais en panne d’inspiration. Comme tous ces groupes fraîcheur arctique du moment, des surfaits Feu ! Chatterton aux primaires intellos de Grand Blanc, on entend la référence à des kilomètres à la ronde, malgré le tapage et les tentatives de bluff : oh, un morceau
à la François et les montagnes de l’Atlas, oh, un morceau à la Mustang, oh, putain, ce vieux Dominique Ané, encore. Et des titres qui ne jurent que par l’aventure : ‘La Route’, ‘Caravansérail’, ‘Passé le Fleuve’, ‘Au Loin les Pyramides’, ‘Au Large du Brésil, le Continent’. Avec des vers qu’on ne pige pas parce que forcément c’est la mode : « C’est le jour des noces / je reviens par les ruines », ce genre. Mais le plus dingue, à vrai dire, c’est qu’au final, on en reprendrait bien un peu. (lg)
The Range ‘Potential’ Domino/V2
Producteur new-yorkais, James Hinton révise ses instrumentaux hip-hop et manipule des semences électro-pop dans sa piaule de Brooklyn. Obsédé par le grime anglais, l’electronica et le dubstep, l’artiste a eu une idée géniale en s’égarant intellectuellement sur la toile : donner une seconde vie à des voix restées sur le carreau des réseaux sociaux. Soit des chants crédités de quarante-cinq vues sur YouTube. Ou, encore, un flow laissé-pour-compte, lâchement abandonné dans les limbes du monde virtuel au bout de quelques clics. Planqué derrière le nom de scène The Range, Hinton confronte ainsi ses passions musicales à une tripotée de samples dégotés sur internet. Ça va du rasta jamaïcain au MC londonien, en passant par une diva de salle de bain. A l’écoute des onze morceaux de ‘Potential’, il semble impossible de géolocaliser l’origine de cette entreprise musicale. A déguster entre le thé et la pause fish and chips, les mélodies synthétiques enfermées sur ce disque ne laissent transparaître aucune trace d’Amérique. Pas vraiment étudiées pour s’ajuster aux logiques du dancefloor, les productions signées par The Range sont plutôt profilées pour tracer le bitume de nuit, suivre l’hypnose imposée par les lignes blanches et poursuivre l’éclairage public sur des kilomètres d’autoroute. Une certaine conception du bonheur. (na)
Recorders ‘Coast To Coast’ Noisesome Recordings/Caroline Benelux
Voici deux ans, Recorders avait sorti un premier album plus que convaincant dans un registre pop indie. Depuis lors, le groupe a changé de line up, intégrant notamment un pianiste de jazz, et affiche désormais un son plus adulte, plus sophistiqué au niveau des structures et des sonorités. Si l’on devait affubler ‘Coast To Coast’ d’un qualificatif, ce serait assurément celui d’élégant, tant les compositions affichent un sens du bon goût indéniable sur un disque qui se montre tour à tour épique - le majestueux ‘A church of dust and rubble’, introspectif (‘Time is a flat circle’, le très new wave ‘Shoot shoot’) ou dansant (‘Geometric peaks’). Un bel album de pop classieuse. (pf)
Rev Galen ‘Rev Galen’ Okraïna Records
On vous mentionnera d’abord ce format singulier (25 cm ou 10 inches) qui, à notre sens, tisse le cocon temporel idéal
ELEFANT
31.03 Trix Café - Anvers 30.04 Volta @ Vooruit - Gand
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05.04 Muziekodroom - Hasselt 14.05 Jakhals - Desselgem
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4 R 13/0 + OLIVIE ER IC L S OM AT SHRO + BE U M TED HIN NFEC HASHAS I 4 0 15/ IFEEL + C NS Y + SE OCATICA NATHT T & O P R +I TAR UES
S G JOEY TORM + 4 0 / S 16 + LA NCAN UM U D C COST U 04 BO VEA CIÉTÉ TÊTE DE O S 4 ET 22/0 DOUBLE S 18/
A E AR + GR ELUX FT. RACEC D 4 E 23/0 MACHIN
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XICO RENO E L A MO 4 C 24/0 + GABY T BRUI UECH BIEN E D O 4
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WILLIS EARL BEAL
09.04 More Music @ Concertgebouw - Bruges
GLINTS
09.04 Little Waves @ C-Mine - Genk 09.04 Instant Karma - Oostende 03.06 Volta @ Beursschouwburg - Bruxelles
SCOUT NIBLETT
10.04 Arenbergschouwburg - Anvers 12.04 Beursschouwburg - Bruxelles
THE KVB
12.04 Beursschouwburg - Bruxelles
K-X-P
13.04 Nijdrop - Opwijk 13.08 Yellowstock - Geel
KIMYA DAWSON + LITTLE WINGS
13.04 Maison des Musiques - Bruxelles 23.04 Arenbergschouwburg - Anvers
DOPE DOD
15.04 Vk*- Bruxelles 16.04 Reflektor - Liège
CHANTAL ACDA
16.04 UFO 5/7 - Menen 13.05 Ha’Fest - Gand
NONKEEN
22.04 Muziekodroom - Hasselt 23.04 KERK - Gand
BRIQUEVILLE
23.04 Pacrock - Pont-A-Celles
THE AGGROLITES
29.04 Groezrock - Meerhout
SX
30.04 AB - Bruxelles 03.07 Rock Werchter - Werchter 10.07 Cactus Festival - Bruges
OAKTREE
30.04 Downtown Festival - Ieper 07.05 Electric Blue - Sint-Niklaas 25.06 Paradise City - Steenokkerzeel
STADT + RAKETKANON
30.04 Volta @ Vooruit - Gand
GREAT LAKE SWIMMERS + MARY LATTIMORE
04.05 Minard - Gand 05.05 De Roma - Anvers
NILS GRÖNDAHL
05.05 Dunk! Festival - Zottegem 09.05 Cactus @ Magdalenakerk - Bruges
ZUCO 103
06.05 De Roma - Anvers 12.08 Afro Caribbean Festival - Bredene
KISS THE ANUS OF A BLACK CAT
06.05 De Studio - Anvers 28.05 Kuroneko Tattoo Party - Gand 13.08 Yellowstock - Geel
KEVIN MORBY
07.05 Atelier 210 - Bruxelles
ANDREW BIRD
08.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles
ANNA VON HAUSSWOLFF
13.05 Ha’Fest - Gand
BEVERLY
14.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles
STEVE GUNN + XIXA
19.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles
IMARHAN
19.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles 31.05 Het Bos - Anvers
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24
avec un goût de reviens-y. 22 minutes, quand on vous a rendus captifs d’un sortilège si pérenne, c’est la promesse de ce que vous recueillerez d’autre à la septième, treizième écoute. Et tout frugal que paraîtrait le prisme de ce disque aux premières notes il est pourtant manne céleste. De quel bois friable sont faits les songes d’un pasteur, à Pontiac (Michigan) à la moitié du XXème siècle ? De quels oracles se fait-il le messager habité, tandis que le vent ne cesse de bruisser dans les saules ? Ya-t-il en lui poison, eau claire ou trouble alliance ? Il nous est donné la fortune de discerner quelques réponses – de celles qui vous poinçonnent et de celles qui s’évaporent dans l’éther insondable – par l’entremise bénie de Catherine Hershey (sa petite-fille) et de son acolyte Gilles Poizat. La fluette enfant-pythie et l’orfèvre-trompettiste qui frôle Robert Wyatt. Si évocateurs et puissants dans leur doux compagnonnage qu’ils grignotent dans nos têtes la silhouette effarante de la femme dans le radiateur d’’Eraserhead’. « Someone to sing a soft low song / that bids me not to weep » et je ne veux plus jamais, jamais voir le jour autrement. (alr)
Kaitlyn Aurelia Smith ‘Ears’ Western Vinyl
Arrêtez les machines, posez les instruments. Silence. Recueillement. Toto, on n’est plus au Texas. Fille de Miyazaki et Moebius, notre Dorothy furette dans les débris, parcoure les biotopes, tend l’oreille en recherche de nouveaux sons. C’est qu’il réclame pitance, son Buchla 100, insatiable créature qui régurgite au monde les premiers soubresauts d’une digestion digitale. Le Moog était une évolution du clavier. Don Buchla, lui, se rêve Victor Frankenstein et accouche en 1963 d’un hybride flambant neuf, un spécimen rare, arraché au futur, qu’il faut apprivoiser à coups de tâtonnements dans l’indicible. Coup de foudre pour Kaitlyn Aurelia Smith qui, cinquante ans plus tard, amadoue la bête de mélopées hypnotiques, entamées sur le bien-nommé ‘Euclid’ (2015). Cobras érectiles, nous nous taisons de concert, déployons nos ouïes, aérons nos écailles. L’électronique feutrée de Mrs. Smith est une communion qui abolit les frontières : entre nature et machine, construction et instinct, vivant et inanimé. Animal Collective ne s’y sont pas trompés, l’invitant en ouverture de leur tournée. Bijou de racines et d’émail, ‘Ears’ est le trait d’union qui relie Terry Riley à Holly Herndon. C’est une bénédiction de câbles, de potards en plastique bleus, jaunes et rouges et de surfaces métallisées où grésillent des esprits bienveillants et où s’invitent flûtes et cuivres facétieux. C’est la beauté terrible qui rend si fragile une pousse naissante, cet état où la vie à venir doit encore s’arracher à la mort. Kaitlyn Aurelia Smith puise jusqu’au cœur caché de son ami de fer blanc la pulsation primale origine de toutes choses. Suivons-la sans hésiter : sa route est pavée d’or. (ab)
Rince-Doigt ‘Plinth’ Autoproduction
On a tous un mauvais de souvenir de plinth, une cabriole dans les gencives au cours de gym, une réception hasardeuse dans l’entrejambe. En jouant sur l’esthétique de l’objet, Rince-Doigt, trio bruxellois, nous rappelle aussi qu’on n’a jamais non plus capté l’intérêt de l’espalier, cette espèce d’échelle collée au mur avec un espace immense entre l’antépénultième et l’avant-dernier barreau. Le temps de ramener ces quelques considérations sur le tapis de gym, et ce premier galop six-titres au cheval d’arçons est déjà fini. C’est un bel exercice de style, et la figure imposée par les diktats du post-rock et du math-rock est réussie avec les félicitations du jury, syncopes fulgurantes à l’appui. (lg)
Gaspard Royant ‘Have You Met Gaspard Royant’ Sony
Sur la pochette de son nouveau disque, Gaspard Royant se présente tiré à quatre épingles mais ça n’est plus vraiment une surprise depuis que le jeune homme a définitivement viré sa cuti – barbe, bouclettes, chemises à carreaux et folk à l’avenant – pour se lancer dans la carrière de, c’est drôle et c’est lui qui l’écrit, RoyOrbisonish, Spectorian, Doo-wopist and rocknroller. Sur ‘10 Hits Wonder’, en 2013, c’était totalement bluffant : on tenait là un album ultra rétro, outrancièrement référencé (à la coule, avec l’humour et le second degré indispensables), inattendu et, pour tout dire, absolument irrésistible. Une véritable avalanche de classiques instantanés. On cite, en les fredonnant l’air béat, ‘Marty McFly’, ‘Europe’, ‘The Woods’. L’ennui avec cette nouvelle escapade dans l’espace-temps, c’est qu’elle reste un cran en-dessous, à tous les niveaux, de ‘10 Hits’ : moins de tubes évidents, moins d’humour (sauf cette gueule de Psy maigrelet sur la pochette), moins de surprise. Cela dit, ce truc reste ultra jouissif d’un bout à l’autre. C’est la grande classe ! (lg)
Sage ‘Sage’ Labelgum
Après avoir flingué leur pop de chambre, c’est une balle dans le pied que les parisiens
de Revolver semblent s’être tiré. Ambroise Willaume, ex-fine gâchette du groupe parisien, avait sans doute fait le tour de cette pop fédératrice et virtuose. Sous le masque de Sage, il tente en solitaire de redéfinir les relations entre la pop et l’électronique. Et cette escapade lui permet d’emblée de trouver un son et d’identifier des compositions aussi éclectiques qu’hypnotiques dans lesquelles guitares, claviers, machines et une voix de tête se fondent par la grâce d’arrangements racés. C’est une musique de laborantin, d’alchimiste des sons nouveaux qu’il distille pour synthétiser une pop plus élégante que réellement expérimentale. Privilégiant les digressions oniriques aux agressions rythmiques, l’album a le bon goût de ne pas forcément se donner à la première écoute. Avec son falsetto rappelant ses années d’enfant de chœur, le gandin ajoute une touche mélancolique et aérienne à cette ligne esthétique à la production prophylactique. Au rayon des vraies réussites, on trouvera notamment ‘One Last Star’, composition la plus intense articulée entre une batterie lancinante et des envolées vocales. Mais, une fois l’effet de surprise dissipé, sera-ce suffisant pour justifier tous les tapis rouges qu’on ne va pas manquer de dérouler à ce disque ? (gle)
Sharko ‘You Don’t Have To Worry’ Pias
Sharko marque pour ceux qui ont grandi avec le rock nineties la fin de celui-ci. Radiohead se réinvente, Beck se rêve dans l’‘Histoire de Melody Nelson’, les Pixies ne se sont pas encore reformés mais David Bartholomé, lui, tient bon et propose avec ‘I Went Down’, sur l’album ‘Meeuws 2’ un des derniers grands hits du genre, en rotation lourde sur les chaînes musicales avec un clip en lévitation dans les plumes. En Belgique, il devient énorme. Et marche un peu aussi à l’étranger. Mais, avec le passage à l’âge adulte, la découverte de trucs plus essentiels, on lâche doucement l’affaire et, malgré l’excellent single ‘Sweet Protection’, on finit par ne plus suivre du tout ses décolorations capillaires. Cycle de la vie faisant, on retrouve Sharko en 2016 et, surprise, dès la première écoute, on se trouve attendri par cet album, parce qu’il nous renvoie à ce qu’on a
été, à ce qu’on aurait pu être. Parce que les chansons sont là. Parce que la nostalgie. Parce que le rock basique existe encore. Et la pop baltringue avec. Un simple exemple, ‘Happy Ending’, plein de lalala crétins dans sa première partie avant de virer machine à danser robotique. Retour gagnant. (lg)
Soon ‘Vol.1’ Temple Of Tor turous/M-System
Nouveau venu, Soon propose du métal sans appartenir réellement à la scène en tant que tel. Issus de formations davantage orientées indie, les membres du groupe apportent chacun leur héritage propre, lequel va du classic rock 70s façon Led Zep à la scène alternative 90s U.S., sans négliger l’héritage psyché. Cela nous vaut un disque varié et étonnamment frais, car libéré du carcan associé à ce type de production. Certains diront que ce disque n’est pas purement métal et ils auront raison. Ce qui compte, c’est la qualité des compositions proposées : ‘See you soon’ et son côté grunge, le psychédélisme de ‘Burning wood’ ou encore le déjanté ‘Datura stramonium’ sont autant de raisons d’aimer cet album dont le seul défaut est peut-être de se répéter par moments. (pf)
Sophia ‘As We Make Our Way (Unknown Harbours)’ Pias
La dernière fois qu’on a vu Robin ProperSheppard, c’était dans un appartement, rue de Campine, à Liège. A l’écouter blablater comment un tel et puis un autre étaient morts dix ans plus tôt, entre des morceaux acoustiques qui se ressemblaient tous un peu, dépareillés de leurs ornements électriques, à le voir montrer le gros doigt et s’arrêter dès qu’un invité sortait un smartphone, on était arrivé à la conclusion qu’on n’avait jamais vraiment écouté ce type et qu’il devait avoir une fameuse carrière derrière lui, du genre qui construit des égos surdimensionnés. Mais il était arrivé à nous faire creuser sa discographie, au point mort depuis 2009. Avec ce nouveau disque, rien de vraiment neuf. Du Sophia classique mais de fort, fort belle facture – toujours majoritairement cette base acoustique et toutes ces couches qui
se greffent autour. Sur ‘California’, on croirait même entendre un inédit des Girls in Hawaii, tandis que les énervés ‘St Tropez/The Hustle’ et ‘You Say It’s Alright’ font le boulot dans l’autoradio avant le traditionnel morceau de bravoure final, ‘It’s Easy To Be Lonely’, qui monte en puissance sur la corde sensible sans jamais virer au mélodrame, en soi un petit exploit. (lg)
Soulwax ‘Belgica OS’ Pias
Van Groeningen lui-même n’en espérait pas tant : quand Stephen and David Dewaele ont dit oui pour la B.O. de ‘Belgica’, la superstar des réals flamands n’imaginait pas que Soulwax monterait de toutes pièces quinze groupes différents pour seize morceaux, chacun embrassant un style musical propre aux trente dernières années. Un retour déguisé pour le duo, donc, plus de dix ans après leur ‘Nite Versions’, mais tout sauf un retour de feignants. A juger sur pièce, le travail est colossal. R’n’b et trip-hop ragga avec Charlotte et Light Bulb Matrix ; garage à la production très 90s avec The Shitz (on retrouve le Soulwax des débuts, ainsi qu’un côté Presidents Of The United States dans sa construction binaire entre calme et refrain headbanger) ; Kursat 9000 est l’équivalent turc d’un Omar Souleyman avec son acidhouse loukoumisée ; invité surprise en la personne d’Igor Cavalera sur le metal de Burning Phlegm ; blues et psychobilly survitaminés chez Roland McBeth et They Live ; Aquazul et Diploma tapent tous deux dans le post-funk de !!! et, sans surprise, c’est dans l’électro que les Dewaele excellent encore : les ersatz Danyel Galaxy, Erasmus, White Virgins, Noah’s Dark et surtout Rubber Band, dont le ‘Caoutchouc’ ressuscite le funk digital de Liquid Liquid et ESG, offre à ‘Belgica’ ses meilleurs moments. L’exercice a beau impressionner, il ne s’affranchit pas du son Soulwax. Incapacité de se débarrasser de leur pedigree ou signature volontaire ? Eux seuls le savent. Reste que la patte monochrome des frères Dewaele empêche parfois la performance de prendre un envol définitif. 2ManyBands ? (ab)
Guillaume Stankiewicz ‘Sans cesse et sans bruit’ Differ-ant
Que ‘Magnolia For Ever’ de l’autre empaffé puisse être, une fois dépiauté du fallacieux de ses strings clinquants et autres tocs disco, un morceau en mesure de nous chambouler, on ne s’attendait pas à en faire le constat. Il aura fallu que la Souterraine déniche pour sa compilation de reprises un véritable amoureux de la ligne claire pour rendre à cette bluette toute son assise tragique. Autant dire qu’apprendre que le garçon officiait également pour son propre compte nous a réjouis. En six titres, vous pourrez déjà reconnaître en lui un collectionneur de flacons d’états (d’esprit) autant que d’éclats – le genre de marotte que ne renierait pas la plupart des anciens Melon Galia. Apprendre la nuance exacte de son timbre – nous, on jurerait que c’est entre ocre chaud et doré fluide. Vous enthousiasmer sur un sens aiguisé et jamais excessif des arrangements : ça tintinnabule en pointillés sur ‘L’obscurité’, ça clarinette moderato sur ‘Le Temps que J’avais’. Bon sang, ce qu’on l’aime, la chanson française quand elle se
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mâtine d’autres rives. Quand elle nous ouvre une lagune aussi vaste que ‘San Francesco Del Deserto’. « C’était bien vous que j’attendais. C’était vous, familier[s]. C’était vous qui veniez sur mon sommeil, veiller. » (alr)
Allen Stone ‘Radius – Deluxe Ed.’ ATO Records
Violent Femmes ‘We Can Do Anything’ Add It Up/Pias
C’est bien connu, les femmes violentes ne courent pas les rues, elles demeurent l’exception aux statistiques des genres et des styles. Et peut-être n’est-il pas anodin de relever que ces femmes-ci doivent leur salut à la rue, une rue de Milwaukee dans laquelle jouant par une journée venteuse de 1981, elles finirent par se faire remarquer par la ténébreuse Chrissie Hynde des Pretenders qui les invita à venir se joindre à eux sur scène pour un bref set acoustique. L’histoire s’emballa assez vite, le premier album éponyme fit un tabac et le groupe ne cessa de gagner en succès et en renommée. Malgré quelques périodes de suspension, hiatus dus aux vicissitudes de la vie, il résiste à l’usure et à la corrosion avec à son bord deux de ses membres d’origine : le chanteur/guitariste Gardon Gano et le bassiste Brian Ritchie. Souvent catalogué un peu vite sous l’étiquette folk punk, Violent Femmes constitue avant tout le terreau d’un sol creux et sacré duquel a jailli de fabuleuses chansons qui ont rejoint depuis longtemps les cadastres de l’americana. Après une reprise d’activités en 2013, ‘We Can Do Anything’ est le premier album studio à voir le jour depuis seize ans et constitue l’incarnation d’un retour en confiance comme son titre l’annonce à demi-mot. Ramassé sur une demi-heure à peine, il aligne une dizaine de chansons qui titillent le blues, le folk et le rock’n roll eternal school. (et)
« Oh, it doesn’t seem right/ that I was born white ». Derrière les premières strophes de ‘American Privilege’ apparaît une vérité parallèle : la soul de Stevie Wonder, Al Green et Bill Withers est devenue la musique des blancs. Allen Stone, fils de pasteur, prolonge cette translation bichromatique avec ‘Radius’, en compagnie du Suédois Magnus Tingsek. Vecteur de valeurs, Allen assume autant l’héritage wasp et paternel que celui, culturel et idéologique, de ses idoles afro-américaines. Grandir dans la foi, ça vous trace les contours : ceux d’Allen Stone sont pétris de culpabilités. Celles de la couleur, du sol, de la génération. Elles imprègnent ‘Radius’ au point de lui faire dire quelques conneries, comme sur ‘Fake Future’ où il chante « What good is my microphone if I don’t really sing?/ What good is my music if it ain’t really me? » et brocarde laptops et technologies récentes quand bien même les producteurs Benny Cassette (Kanye West) et Malay (Frank Ocean) en truffent son album. Qu’importe, je soupçonne le jeune et naïf Allen Stone d’être sincère dans sa démarche au point de ne pas voir plus loin que le bout de son micro. Voire de foirer à dessein ses pistes les plus modes (‘Freedom’, horripilant) histoire d’avoir raison. Cette édition deluxe prolonge ‘Radius’ de sept morceaux sous forte influence Wonder (dont le réjouissant ‘Pressure’ et une version plus Motown de ‘Freedom’) qui prouvent qu’Allen Stone reste plus efficace quand il assume l’héritage de Little Stevie. (ab)
re d’Hossegor, en France, a scellé une rencontre improbable entre musiciens australiens et anglais. Le cheveu long, la chemise à fleurs, les garçons se sont faits les dents (de la mer) dans les cafés du coin, aiguisant des riffs de gratte sous le couvert de Sunset Sons. Exhibant tatouages et minois de playboys aux touristes venus siroter un blanccassis dans les Landes, le groupe s’est surpris à plaire sur des airs ordinaires. A force de faire les kékés, les mecs se sont portés au chevet d’un rock crâneur et pompier, vaguement sudiste et franchement ampoulé. ‘Very Rarely Say Die’ est le premier album de Sunset Sons. Mais il pourrait tout aussi bien être le dernier disque de Kings Of Leon. Produit par Jacquire King (le type qui tourne les boutons derrière les Rois de Leon), cette affaire frime sans rémission. Tête à claques de chez tête à claques. (na)
Sunflower Bean
Teleman
‘Human Ceremony’
‘Brilliant Sanity’
Fat Possum Records
Moshi Moshi
Ces jeunes gens – dont une gamine blondasse au physique proto punk classieux entre Soko et Scarlett Johansson – ont sorti en 2014 un morceau appelé ‘Tame Impala’, ode au groupe australien trop bien connu, un truc assez dégueulasse, psyché sauvage, vulgaire, avec des chœurs bien moches. Rien qui laissait envisager cet excellent album. Parce que l’on retrouve désormais cette petite peste de Julia Cumming avec délectation. La pop a gagné du terrain sur les débordements punks et plusieurs morceaux sont même de très jolis moments apaisés, cotonneux, à la Washed Out / Beach House (‘Easier Said’, ‘I Want You To Give Me Enough Time’) quand d’autres restent traversés de fulgurances et d’approches quasiment motorik ou velvetiennes du rythme (l’énorme final ‘Space Exploration Disaster’, ‘This Kind Of Feeling’). Une vague remontée d’adolescence mal digérée (la lourdeur de ‘Creation Myth’) ne ternit même pas un disque dont le charme de l’amateurisme lo-fi et de l’ambition de loser rappelle les débuts fébriles des merveilleux Fresh & Onlys, groupe essentiel des dix dernières années. (lg)
À la fête foraine de ‘Dusseldorf’ elle avait remporté un ballon jaune, un tour de manège spatial et une entêtante ligne pop avec laquelle saisir les plus jolis canards. Franz et Ferdinand lui avaient ensuite fait le coup de la glissade en tunnel sombre et fermement agrippée à la main du diable, elle s’en était sortie avec l’un ou l’autre entrechat, un ‘Glory Halleluiah’ jouette. Trépignant d’entrer dans la ‘Superglue’ du palais des glaces, elle se serait scotchée en postures posh face à un reflet qu’elle aurait laissé se distordre, se serait drapée de ‘Tangerine’ pour mieux p(ét) arader, insolente, à pieds nus. Depuis le promontoire kaléidoscopique de ‘Melrose’, elle aurait laissé filer quelques années à travers les tuyaux de l’orgue. Aurait constaté, lucide, que face à toute ‘English Architecture’, dans toute pop anglaise qui se respecte, vient un basculement, un moment d’analyse où le gloom vous étreint de nouveau, sous le vernis enchanté. Aurait réemprunté en solitaire le chemin des au-revoir, avec le diable dans sa chaussure, le doux-amer laissant comme des creux sur sa langue. (alr)
Sunset Sons ‘Very Rarely Say Die’
Thao & The Get Down Stay Down ’A Man Alive’
Kobalt/V2
Ribbon Music/V2
Point de chute annuel pour surfeurs en manque de vaguelettes, la petite station balnéai-
On en a toujours pincé pour Thao Nguyen. Qu’elle soit en duo avec Mirah Zeitlyn sur
leur éponyme (et unique) ‘Thao & Mirah’, c’était en 2011 sur Kill Rock Stars, ou qu’elle soit aux commandes de son groupe Thao & The Get Down Stay Down, l’artiste californienne capte toujours l’attention. Oh joie, il n’en va pas autrement sur ‘A Man Alive’, quatrième jet de la miss et de ses boys. Sans en donner l’impression à première vue, les chansons du combo américain sont rudement bien troussées. D’une fausse nonchalance, elle dissimule un vrai talent de composition (seule explication plausible du génial ‘The Evening’), le trio de San Francisco fait irrémédiablement penser à un autre groupe du Sunshine State, les terribles Deerhoof. Sans en être une pâle copie, loin de là, Thao & TGDSD entretiennent l’art de la pépite pop bordélique et/ou borderline. A la fois punk et ligne claire, aussi raffiné que cracra, leur homme vivant joue à saute-mouton avec les normes. S’il traverse dans les clous, il le fait sur les mains. Quand il se jette sous le train, il en ressort indemne, agile comme un serpent, malin comme un singe. C’est pas donné à tout le monde. (fv)
The Last Shadow Puppets ‘Everything You’ve Come To Expect’ Domino/V2
En formant The Last Shadow Puppets, Alex Turner et Mils Kane s’étaient détournés de quelques projets en manque d’inspiration. Pour l’un, après avoir incendié la planète, The Arctic Monkeys enchaînaient les titres fadasses. Pour l’autre, malgré une énergie sans borne, The Rascals peinaient à gravir les marches des affiches. ‘The Age Of The Understatement’ tombait donc à pic pour offrir à ces deux artistes un nouveau souffle et au public, une gigantesque gifle venue de ce que l’Angleterre sait faire de mieux : la pop. Classe, urgence et héritage, tout y était. Huit ans plus tard, le schéma semble se renouveler en tout point, la fin heureuse en moins. La recette artistique est certes la même, pourtant ‘Everything You’ve Come To Expect’ fait office de soufflé qui n’aurait jamais pris. Si le single ‘Bad Habits’ achalandera les voyageurs imprudents, l’ensemble de l’album devrait très vite leur donner l’envie de replier baluchon. Les voix s’accordent et les guitares continuent de grincer pendant que les
cordes s’en mêlent et s’emmêlent, mais les oreilles s’emmerdent. On ne pourrait expliquer ce fiasco que par une faiblesse des chansons ou un manque criant de surprise tant cet essai manqué marche sur les pas de son aîné. (dark)
The Third Eye Foundation ’Semtex’ Ici D’Ailleurs
Une belle histoire, démarrée en 1996. Du genre que les moins de vingt ans ne peuvent connaître, sauf contrordre, du genre la découverte de son maestro Matt Elliott, au gré de ses aventures folk ivre en solo. Bam, en 2016, ils peuvent redécouvrir The Third Eye Foundation, autre versant de l’homme de Bristol, drum & bass. Grâce aux agitateurs d’Ici D’Ailleurs, qui ont l’excellente idée de rééditer son tout premier essai. Ça s’appelle ‘Semtex’, ça fête ses vingt printemps, ça a carrément rebattu les codes du genre à sa sortie, prélude à une longue collaboration avec le label Domino. Ça démarrait avec les sept minutes de ‘Sleep’, un déluge de guitares et de breakbeat dans la face, si tu t’endors avec ça, faut consulter. Ce n’était rien en regard de ‘Still Life’, en fausse bande-son qui revisiterait le film de Jia Zhangke. Tu voulais du repos, fais-toi secouer le prunier, il va en tomber un fameux coup de bambou. Ça faisait semblant de se calmer sur ‘Dreams On His Fingers’, vision spectrale qui anticipait Aidan Baker sous les auspices de My Bloody Valentine. On avait presque eu envie de danser sur ‘Kin’, comme du Faithless sorti des catacombes, échappé de la messe noire. Quatre albums allaient suivre, aucun n’allait dépasser le péché originel (aujourd’hui augmenté de vingt-trois, oui 23, titres rares ou inédits). Play them very loud, Sam. (fv)
Three Trapped Tigers ‘Silent Earthling’ Superball Music
De prime abord, ces trois tigres pris au piège ne semblent pas bien féroces. S’ils aiment booster et vitaminer leur musique jusqu’à l’envi, ce n’est pas pour la violenter mais pour la lubrifier, la motoriser. Ce trio londonien formé il y a en peu moins de dix ans pratique un électro-rock clinquant et blinquant. S’il cite Underworld à titre de référence, il n’en a ni l’intelligence, ni la subtilité. Il lorgne en fait du côté de Battles sans vouloir le dire mais là aussi il ne parvient malheureusement pas à être crédible. (et)
Various ‘Aloha Got Soul’ Strut/V2
A la charnière des années 70 et 80, le disco déferle sur New York, il se propulse par ondes de choc et irruptions de paillettes au reste de la planète. Hawaï n’est pas en reste. Américanisée jusqu’au trognon, l’île n’a pas seulement perdu sa souveraineté mais plus encore une grande partie de sa culture originelle. Waikiki regorge de clubs qui entretiennent une scène musicale vivace mais fatalement occidentalisée. A l’instar de la chanteuse Nohelani Cypriano, du chanteur Marvin Franklin ou du duo Steve Maii & Teresa Bright, des artistes locaux tentent un mélange entre une vague tradition lyrique du Pacifique et les sonorités alors en vo-
gue. D’autres comme Aura ou Tender Leaf se vautrent allégrement dans le genre pour en faire jaillir tantôt un ersatz des Doobie Brothers, tantôt un r&b inoffensif aux allures paradisiaques tropicales débonnaires qui fera mouche à Honolulu. ‘Aloha Got Soul’ recense en une grosse quinzaine de titres représentatifs un aperçu de ce qu’il se faisait à cette époque, notes et photos d’archives à l’appui, et se hasarde à vouloir y déceler une âme insulaire miraculeuse. (et)
Various ‘Czech Up! Vol1 : Chain of Fools’ Vampisoul
Totalement improbable, mais bien réelle, une compilation retrace une histoire funky de la Tchécoslovaquie. Ça se passe entre 1966 et 1978. Rien que d’y songer, on empile des clichés dans un coin de notre cervelet : coupes mulet, vodka, Lada et perestroïka. En vingt-cinq morceaux infusés de fuzz, de soul, de rock garage, de jazz et d’autres fourrages psychédéliques, le mur des stéréotypes s’effondre, laissant entrevoir des collectivités d’allumés : des bouffeurs de pilules, des filles en minishorts à fleurs, des rockeurs chauffés à l’acide, des âmes suspendues aux lèvres sensuelles des chanteuses afro-américaines. Le parti communiste a donc laissé courir des mecs qui se prenaient pour Chuck Berry (Framus Five) ou Stevie Wonder (Karel Cernoch), des fans d’Aretha Franklin (Kometry), des fumeurs de gazon (Golden Kids) et autres jazzmen en fusion (Jazz Cellula). Avec l’art de détendre l’atmosphère, la compile ‘Czech Up! Vol1’ explique comment un gant de paillettes peut tordre les doigts d’une main de fer. (na)
Vessels ‘Dilate (Special Edition)’ Different Recordings/Pias
Sorti l’année dernière, l’album ‘Dilate’ a catapulté les rockeurs de Vessels sous les stroboscopes. En plein trip électro, les cinq garçons de Leeds ont laissé courir leurs guitares sur le dancefloor et imaginé d’autres façons d’imprimer le rythme. Avec deux batteries en pleine montée de MDMA, les sens en alerte et un instinct naturel pour lever des mélodies au ciel, le groupe anglais s’est imposé comme une valeur incontournable du monde de la nuit. Un bien nécessaire pour défier les lois de l’attraction jusqu’au petit matin. De climax post-rock en explosions de joie discohouse, ce disque a tiré des lignes (de coco) entre Mogwai et Jon Hopkins, coupé les fantasmes du label Constellation (Do Make Say Think, Godspeed You! Black Emperor) à l’acide et organisé une partouze entre les beats de Four Tet et les déhanchés répétitifs de Trans Am. Alibi tout trouvé pour rééditer l’album dans une version luxueuse, la sortie du single ‘4AM’ confirme tout le bien qu’on pense du projet. (na)
Vita Bergen ‘Disconnection’ Glit terhouse Records
Quand toute la profession s’accorde sur un point et qu’on se retrouve à penser la même chose que Thierry Coljon, c’est un signe inquiétant. De quoi, j’en sais rien, je préfère même pas y penser. J’hésite entre la douche, le cyanure ou la position in-
verse, tiens, par pur esprit de contradiction. Donc, voilà, l’avocat du Diable : non, non, non, la critique a tout faux, Vita Bergen et Arcade Fire, ça a rien à voir, c’est comme comparer Manuel Valls et Donald Trump, l’antisémitisme et l’islamophobie, la situation actuelle aux années 30, on peut pas. D’ailleurs Vita Bergen, c’est des suédois, alors que les autres, et bien ils sont montréalais, alors bon, si ça c’est pas une preuve. En plus, William Hellström sonne pas du tout comme le clone vocal de Win Butler. Déjà l’accent est pas le bon, et en plus sur ‘Alexia’, il chante plus aigu et y a des effets. Et ‘Curtains’, décalque de ‘Wake Up’ ? Mon cul ! A la fin, quand le morceau passe aussi en mode upbeat au piano, c’est pas des chœurs qui font « ah aah aaah aaaah », c’est des clochettes. Arcade Fire aussi, ils ont utilisé pas mal de clochettes ; qui copie qui, au final, putain ? Comme quoi, critique c’est vraiment un boulot de feignasses. Bon, allez, j’abandonne, j’y crois même pas : ‘Disconnection’, c’est bien simple, c’est le nouvel album d’Arcade Fire, et c’est peut-être le meilleur depuis ‘Funeral’. Y a juste un autre nom de groupe sur la pochette. (ab)
Woodie Smalls
Charles Plymell / Bill Nace ‘Apocalypse Rose’ Editions Lenka lente, 44p + cd.
Nous vous avions déjà présenté Lenka Lente, jeune maison d’édition nantaise favorisant le petit format, le plus souvent accompagné d’un mini cd. ‘Apocalypse Rose’ est un poème initialement paru dans le City Lights Journal en 1966, la revue éditée par Lawrence Ferlinghetti à San Francisco qui se fit l’écho de la culture beat et publia le célèbre ‘Howl’ d’Allen Ginsberg. Quoique moins connu en Europe, Charles Plymell n’en fut pas moins protagoniste de ce mouvement et partagea avec lui et Neal Cassady une maison dans la ville californienne. Poète, écrivain et éditeur (un des premiers à publier les dessins de Robert Crumb) né au Kansas en 1935, il fut surnommé ‘The original hipster’ avant de partir faire le tour du monde. Cette édition française est due à la traduction fidèle de Jean-Marie Flémal et reprend aussi le texte orignal. Le cd qui l’accompagne est signé Bill Nace, le guitariste de Body/Head aux côtés de Kim Gordon qui est par ailleurs le créateur du label Open Mouth établi au Massachusetts. Une seule et unique plage d’une quinzaine de minutes directement inspirée par le poème électrique de Plymell, complément sonore aux images de rues plongées dans le brouillard où passent de belles américaines carrossés et où déambulent des âmes en recherche d’une fuite sublimée. Satori in Frisco. (et)
‘Soft Parade’ Sony Music
Petit gars de Saint-Nicolas qui manipule le flow comme un gredin de Compton, Woodie Smalls promène depuis quelques mois une grappe de ballons multicolores sur la pochette d’un premier album à consommer d’urgence et sans hélium. Sorti fin de l’année dernière, ‘Soft Parade’ bénéficie d’un nouvel éclairage à la veille d’une tournée estivale aux allures de tsunami festivalier (Nuits Botanique, Couleur Café, Dour, Les Ardentes). En équilibre sur la ligne du temps, Woodie Smalls ravive les bons coups du passé et fume le même calumet que ses bros américains. Ici, il y a du Tyler, The Creator (‘Work It Thru’), des spliffs roulés avec les longues feuilles d’A Tribe Called Quest (‘About The Dutch’), du single (‘Champion Sound’) et un goût immodéré pour les bons sons. Cultivé, le garçon empile les références old school sans jamais se retourner. À l’heure où l’on écrit ses quelques lignes, Woodie Smalls tient toutes ses promesses du côté de South by Southwest. Soit un début de reconnaissance pour un artiste au potentiel illimité. A suivre de près. (na)
You Rascal You ‘Helm’ News
Fanatiques de The Band, ces jeunes flamands dédient leur troisième plaque à son batteur mythique, Levon Helm. Une filiation évidente à l’écoute du disque où se pratique la même fusion rock et country, transformant une matière rurale en dérive urbaine pour vrais crooners qui file une seule envie : tout raccrocher pour se barrer à Nashville ou Chicago, peu importe tant qu’il y a du zinc, du swing et du bourbon. C’est une appropriation tout en douceur à laquelle nous convient les Anversois : coups de balais sur charleston, chœurs aux racines gospel et mélodieux tangages sur flots d’orgues et de cuivres, enregistrés en prises uniques au Toe Rag Studio à Londres, réputé pour son matériel exclusivement analogique. You Raskal You a trouvé dans la bande magnétique le support idéal à ses rêveries americana. (ab)
Moondog ‘50 Couplets’ Editions Lenka lente, 44p
A l’endroit de Louis Thomas Hardin, on ne peut s’empêcher de revenir sans cesse à cette image fabuleuse, celle d’un viking poétique arpentant les rues de New York envers et contre tout, pèlerin post-moderne perdu au milieu du trafic. Davantage connu pour son travail de compositeur et de musicien précurseur du minimalisme, Hardin fut aussi un poète même si ses écrits demeurent à ce jour fragmentaires et largement inédits. ‘50 Couplets’ aligne une cinquantaine de distiques qui revêtent à la fois une valeur poétique intrinsèque mais qui possèdent aussi pour certains d’entre eux une dimension philosophique incontestable. La traduction française qui accompagne la version originale est volontairement créative puisqu’elle tend à recréer si pas la même cadence en rimes, le même élan en rythmes. Le travail est ingénieux et le résultat surprenant. Comme le résume la traductrice Marie-Hélène Estève dans une formule fort à propos, « il s’agit d’une poésie orale qui, par fragments jaculatoires, proclame une philosophie ». Chez Moondog, l’ombre est fertile et la cécité se révèle parfois source d’émerveillement intérieur. (et)
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vendredi 08 avril Durbuy Rock: LE BAL DES ENRAGES, DO OR DIE, MASS HYSTERIA, ITHILIEN, KORPIKLAANI, THE ARRS, MOONSORROW, SILENCE IS THE ENEMY, LADY CARNAGE, COSMOGON @ Le Sassin, Bomal-sur-Ourthe, Durbuy Insert Name Festival: MNHM, ED WOOD JR, OUI MAIS NON, DUANE SERAH @ La Zone, Liège Jazzeux: LEFTO & LANDER GYSELINCK & DORIAN CONCEPT, AU SONS OF KEMET, … @ +9/04 - Beursschouwburg, Bxl IBRAHIM MAALOUF; THE SHEEPDOGS @ AB, Bruxelles THE SORE LOSERS @ Alter Slachthof, Eupen DERVISCH, BLOOM @ l’An Vert, Liège JEREMY WALCH, S-HASCH, THORAX, DC SALAS @ Atelier 210, Bruxelles GAVIN JAMES, FARAO - DRALMS @ Botanique, Bruxelles SATAN @ Magasin4, Bruxelles MODERAT @ Cirque Royal, Bruxelles VOLTA FINALE: RUN SOFA @ Rockerill, Marchienne LAKE STREET DIVE @ Trix, Antwerpen CHVE, projection de ‘BACKSTAGE’ @ Vecteur, Marcinelle MARINA KAYE @ Rockhal, Esch sur Alzette, Lux DOPE D.O.D. @ Kulturfabrik, Luxembourg
samedi 09 avril Durbuy Rock: PRIMORDIAL, ELUVEITIE, ENTHRONED, POWERWOLF, PENTAGRAM, EQUILIBRIUM, LEPROUS, BATTLE BEAST, VOYAGER, KOMAH, HANGMAN’S CHAIR, EXUVIATED, MONDO DRAG, SERENITY, TEMNEIN @ Le Sassin, Bomal-sur-Ourthe, Durbuy Rock’n’Trolls: SKARBONE 14, ATOMIC SPLIFF, THE ZIPHEADS, WONDER MONSTER, CORBILLARD, … @ +10/4 - Leuze-en-Hainaut Insert Name Festival: ALUK TODOLO, MATT ELLIOTT & THE THIRD EYE FOUNDATION, KOKOMO, PLATONICK DIVE, VANDAL X, 30,000 MONKIES, OLDD WVRMS, … @ Caserne Fonck, Liège ISOLA, BEAUTIFUL BADNESS @ Atelier Rock, Huy GIANT SAND & JASON LYTLE; SHARKO; CHOIR OF YOUNG BELIEVERS @ Botanique, Bruxelles KENNEDY’S BRIDGE, SONNFJORD @ Reflektor, Liège FROM KISSING @ Rock Station, Morlanwelz ROOTS RAID meets VIBRONICS ft MADU MESSENGER & PARVEZ @ Aéronef, Lille, Fr MELODY GARDOT @ Den Atelier, Esch/Alzette, Lux DIIV @ Rotondes, Esch/Alzette, Lux Moofest: KEVIN HEINEN, FALLEN LIES, DEVNULL, MOOF, CORONA DARK, SCARLET ANGER, THE BANGIN MEN
@ Kulturfabrik, Luxembourg
dimanche 10 avril GATHERING OF TRANSMEDIAL PUBLISHERS, GRAHAM LAMBKIN, … @ Q-O2, Bruxelles DAMIEN JURADO, ASTRONAUTE @ Botanique, Bruxelles QUINTRON & MISS PUSSYCAT, SPAGGUETTA ORGHASMMOND, … @ Magasin4, Bruxelles TRICKY @ Grand Mix, Tourcoing, Fr MEATBODIES @ Rotondes, Esch/Alzette, Lux
lundi 11 avril TRICKY @ AB, Bruxelles MYSTERY JETS, SOLKINS @ Botanique, Bruxelles SOUL’ARTS @ Rits Café, Bruxelles
mardi 12 avril BRIAN FALLON & THE CROWES; VANT @ AB, Bruxelles SCOUTT NIBLETT; THE KVB, DEAR DEER @ Beursschouwburg, Bruxelles GET WELL SOON; BASIA BULAT @ Botanique, Bruxelles JACQUES STOTZEM @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve BEHOLD! THE MONOLITH, CHRCH, GRIMMSONS @ Magasin4, Bruxelles CŒUR DE PIRATE @ Rockhal, Esch sur Alzette, Lux NADA SURF @ Grand Mix, Tourcoing, Fr
mercredi 13 avril HOLLYWOOD UNDEAD, ATTILA; MICHAEL GIRA, CHRISTOPH HAHN @ AB, Bruxelles BLACK MOUNTAIN; STEREO TOTAL,… @ Botanique, Bruxelles ADMIRAL FREEBEE, VISMETS @ Cirque Royal, Bruxelles THE BONY KING @ Candelaershuys, Uccle KIMYA DAWSON, LITTLE WINGS @ Maison des Musiques, Bruxelles JACK & JACK @ Trix, Antwerpen KIMIYA DWASON, LITTLE WINGS, CASTUS @ Vk, Bruxelles LUBOMYR MELNYK, OLIVIER DUBOIS, BEAT SLICER @ Aéronef, Lille, Fr CULT OF LUNA, SINISTRO, MOLOKEN @ Grand Mix, Tourcoing, Fr TRICKY @ Kulturfabrik, Luxembourg
jeudi 14 avril Listen!: GIGI MASIN, SUSO SAIZ; TAKO, SIXSIXSIXTIES & CAPTAIN STARLIGHT, … @ Lumen Theater; secret location, Bxl Balkan Traffic: Master Class: EMIR KUSTURICA; BOJAN KRSTIC BRASS BAND, VIKENA KAMENICA - ALI PASHA & KELI BAND @ Bozar, Bruxelles BENT VAN LOOY, ELI GOFFA; SUNSET SONS @ AB, Bruxelles PERTTI KURIKAN NIMIPÄIVÄT @ Les Ateliers Claus, Bruxelles
MURA MASA @ Botanique, Bruxelles MERZHIN, THE BUKOWSKIES @ Escalier, Liège NEW YORK CITY JAZZ @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve HYPOCHRISTMUTREEFUZZ, BLIND IDIOT GOD @ Magasin4, Bruxelles l THE BENZINE PROJECT @ Merlo, Bruxelles CHARLES X, J-YES & SHANA RIDDIM @ Reflektor, Liège TY DOLLA $IGN, KREPT & KONAN @ Trix, Antwerpen GUTS @ Vk, Bruxelles
vendredi 15 avril Listen!: TOLOUSE LOW TRAX, LAWRENCE LE DOUX,; DJ KWAK & THE SOUL INN BROTHERS; BOOCHIE, VIOLA CONTI, MILES WHITTAKER & FRED NASEN, … @ Epicerie Moderne; Soul Inn; Beursschouwburg; Bonnefooi, Bxl Balkan Traffic: BASARABIA, BERNARD ORCHESTAR, GLASS HOUSE ORCHESTRA, KOCANI, MARIA SIMOGLOU ENSEMBLE, … @ Bozar, Bruxelles THE SORE LOSERS; JEF NEVE & TYPHOON @ AB, Bruxelles PAUW @ Beursschouwburg, Bruxelles NICOLAS MICHAUX; AREZZO WAVE ‘30’: JOYCUT - WRONG ON YOU @ Botanique, Bruxelles WORAKLS, N’TO & JOACHIM PASTOR @ Le Cadran, Liège LITTLE ROMAN & THE DIRTY CATS, THE BLUES AGAINST YOUTH @ L’Entrepôt, Arlon THOMAS BRINKMANN @ Huis23, Bruxelles EXPERIMENTAL TROPIC BLUES BAND DJ’S @ Mad Café, Liège USNEA, INVERLOCH, THE POISONED GLASS @ Magasin4, Bruxelles MERZHIN, THE BLACK TARTAN CLAN @ L’Os à Moelle, Bruxelles LES FATALS PICARD @ Salon, Silly FROM KISSING @ Taverne du Théâtre, La Louvière DOPE D.O.D. @ Vk, B Bruxelles GET WELL SOON, DOOMHOUND @ Grand Mix, Tourcoing, Fr INFECTED MUSHROOM, SENSIFEEL, HASHASHIN, IPOTOCATICAC @ Aéronef, Lille, Fr MANU DIBANGO & SOUL MAKOSSA GANG @ Den Atelier, Esch/Alzette, Lux
samedi 16 avril Balkan Traffic: BOLLYWOOD MASALA ORCHESTRA, JAWHAR vs MITSOU, DREN ABAZI & ZIG ZAG ORCHESTRA, … @ Bozar, Bruxelles Rockerill Festival IV: THE INTELLIGENCE, MALE GAZE, MONDKOPF, COCKPIT, AN-I, MOYO, DJ ELZO, LONELY WALK @ Rockerill, Marchienne Listen!: RECORD FAIR, E2-E4 RICK SHIVER, AKASE, MIDLAND; OMAR S,
PaCRock Festival
22-23 avril Place Communale, Pont-à-Celles
Great Mountain Fire © Keorges Gaplan Une mise en bouche electro plantureuse le vendredi avec une escouade de DJS sélectionnée par le Rockerill et c’est parti pour un aérodynamique samedi, mon kiki ! De l’ère glaciaire pop de Motorama au palais psyché de Great Mountain Fire, de la constellation rock sincère de Laetitia Sheriff à la précision sauvage de Rolo Tomassi, de la discofunk en contagion et déviances de Facteur Cheval à la transe épidermique d’Electric Electric, de l’instinct primal-pas-primaire de The K aux secousses ultrasoniques de Mutiny on The Bounty, de la chape de ciment de Briqueville à l’’Hurricane’ post-hardcore de Wolves Scream, on en connaît bien peu parmi vous dont les guibolles et les écoutilles sortiront indemnes. Respirez un bon coup, trinquez avec des gobelets réutilisables, et remettez-vous donc de vos émotions avec Funky Bompa, pétulant archiviste de good vibrations ! Plus d’infos : http://www.pacrock.be/
KONG; BAFANA, SIXSIXSIXTIES, … @ Square Brussels, Bruxelles No Sleep Festival: IAMPIGEON, MUSTI, LILI GRACE, LADYLO, BATHERNAY @ Quai de l’Entrepot, Ath Wolfrock: ACTA, PAIRE D’AS, WE ARE WAVE, FROM KISSING, JOKER’S CLUB @ CC, Dour Festival Lezarts Urbains: R.A.THE RUGGED MAN, AFRO & MR GREEN, CONVOK, JONES CRUIPY, SEVEN, STIKSTOF, … @ Botanique, Bruxelles ARNO; MARLON WILLIAMS @ AB, B Bruxelles ROBERTO BELLAROSA @ Atelier Rock, Huy MOLLY NILSSON, YOUR GOVERNMENT, RODOLPHE COSTER; LUCIUS @ Botanique, Bruxelles, VANWYCK @ Huis23, Bruxelles DIXIE CHICKS @ Lotto Arena, Antwerpen LEGOWELT, TAMI TAMAKI, BORA BORA, BRUCE BOTNIK @ Recyclart, Bruxelles DOPE D.O.D., BENONESHOT @ Reflektor, Liège LES FATALS PICARD, CEDRIC GERVY @ Salon, Silly SCOTT BRADLEE’S POSTMODERN JUKEBOX @ Rockhal, Esch sur Alzette, Lux JOEYSTARR & NATHY, LA STORM @ Aéronef, Lille, Fr SUBLIND, DREADNOUGHT, COSMOGON, ABSTRACT, RAPTURE @ Kulturfabrik, Luxembourg Balkans Festival: EMIR KUSTURICA & THE NO SMOKING ORCHESTRA, GORAN BREGOVIC & THE WEDDING & FUNERAL ORCHESTRA, RADIO ZASTAVA, … @ Den Atelier, Esch sur Alzette, Lux
dimanche 17 avril Balkan Traffic: DILLERE DESTAN, FLOARE DE COLT, VATRA, … @ Bozar, Bruxelles LOYLE CARNER; LOUISE ATTAQUE @ AB, Bruxelles WILLIAM FITZSIMMONS, CIARAN LAVERY; TELEMAN @ Botanique, Bruxelles MITSKI @ Huis23, Bruxelles SONIC BOOM SIX, MISE ‘EN’ SCENE @ Magasin4, Bruxelles NOEL GALLAGHER’S HIGH FLYING BIRDS @ Forest National, Bruxelles BLOC PARTY @ Den Atelier, Esch/Alzette, Lux
lundi 18 avril Rock’n Trolls Festival: SKARBONE 14, ATOMIC SPLIFF, CORBILLARD, FIEU SOUND SYSTEM, KAMINI, … @ Leuze en Hainaut BIRDY @ AB, Bruxelles ACIDEZ, STRUGGLING FOR REASON, MAD FARMERS @ Magasin4, Bruxelles C DUNCAN
@ Aéronef, Lille, Fr
mardi 19 avril XAVIER RUDD @ AB, B Bruxelles ABUDHABI VZW @ Le Coq, Bruxelles RMS @ Reflektor, Liège Les Paradis Artificiels: ALICE ON THE ROOF, KAZY LAMBIST; BIGFLO & OLI, LA VEGROS; TELEMAN, MAILYR JONES @ Grand Mix, Tourcoing; Aéronef; Péniche, Lille, Fr MATT SIMONS, JAMES MORRISON @ Rockhal, Esch sur Alzette, Lux
mercredi 20 avril Welcome Spring! Festival: DEMIPORTION, AEROPLANE, PAON, YOUSSEF SWATT’S, LE COLISÉE, BEFFROI, THYSELF, … @ Louvain-La-Neuve THE VAMPS; DAYME AROCENA @ AB, Bruxelles C DUNCAN @ Botanique, Bruxelles TIN FINGERS @ Kafka, Bruxelles MARKA @ Reflektor, Liège LA FEMME @ Rockhal, Esch sur Alzette, Lux Les Paradis Artificiels: MATT SIMONS, CHRIS AYER; JAIN, SHAKE SHAKE GO, CAMP CLAUDE; THE BIG MOON @ Grand Mix, Tourcoing; Splendid; Péniche, Lille, Fr
jeudi 21 avril LUISA @ AB, Bruxelles ITALIAN BOYFRIEND @ Atelier 210, Bruxelles THE CHAMELEONS VOX, SPIRIT OF DOLE @ L’Entrepôt, Arlon THE INSPECTOR CLUZO, A SUPERNAUT @ Magasin4, Bruxelles JETT REBEL @ Trix, Antwerpen YUNG LEAN @ Vk, Bruxelles POP 1280 @ Water Moulin, Tournai ANASTACIA @ Den Atelier, Esch/Alzette, Lux Les Paradis Artificiels: VALD, GEORGIO, CHARLY NINE; LOYLE CARNER @ Grand Mix, Tourcoing; La Peniche, Lille, Fr
vendredi 22 avril Pacrock: RAW DISTRICT, BETWEEN THE LINES, GLOBUL, DKA, VLADIMIR PLATINE, COVE, NOA CAILS, PROZE @ Parc du Prieuré, Pont-à-Celles GOOSE; RADICAL FACE, LAURA GIBSON @ AB, Bruxelles LIEUTENANT @ Atelier Rock, Huy HANGMAN’S CHAIR, HEMELBESTORMER @ Beursschouwburg, Bruxelles WILD SHELTER @ Botanique, Bruxelles MAID OF ACE, SMASH MY RADIO, FORGET YOUR PRIDE
@ L’Entrepôt, Arlon HOOVERPHONIC @ Le Forum, Liège LAURA GIBSON @ Huis23, Bruxelles POP.1280, COCAINE PISS, ORGANIC, MARTIN BISI @ Magasin4, Bruxelles FROM KISSING @ Le Prisme, Braine l’Alleud LOXY, PRESHA, RESOUND, SPIRIT @ Recyclart, Bruxelles DEEN BURBIGO @ Reflektor, Liège SOCIETE BOCOSTUM, GRAS DOUBLE ET TETE DE VEAU @ Aéronef, Lille, Fr Les Paradis Artificiels: PERTURBATOR, CARPENTER BRUT; YANIS, TIMM DUP @ Grand Mix, Tourcoing; La Peniche, Lille, Fr
Les Aralunaires
27 avril au 1er mai Arlon, Entrepôt + 30 lieux du patrimoine public et privé arlonnais
samedi 23 avril Pacrock: MOTORAMA, SHARKO, GREAT MOUNTAIN FIRE, LAETITIA SHERIFF, ELECTRIC ELECTRIC, ROLO TOMASSI, MUTINY ON THE BOUNTY, LA JUNGLE, … @ Parc du Prieuré, Pont-à-Celles Convention Prog Résiste: LE ORME, GENS DE LA LUNE, MOANING CITIES, … @ Espace Victor Jara, Soignies RONE; ERTEBREKERS, BRIHANG @ AB, Bruxelles MY DILIGENCE, KARMA NOVA @ Atelier Rock, Huy DAVID THOMAERE TRIO @ Kulturzentrum Jünglingshaus, Eupen THE CROOKES, DORIAN AND THE GRAYS @ Trix, Antwerpen DELUXE, SAX MACHINE ft RACECAR @ Aéronef, Lille, Fr Les Paradis Artificiels: GRAMATIK, METHOD MAN & REDMAN, N’TO; FISHBACH @ Le Zénith; La Peniche, Lille, Fr
dimanche 24 avril Convention Prog Resiste: CARAVAN, SEVEN IMPALE, FLOYD CHAMBER CONCERTO, ABELIANS, … @ Espace Victor Jara, Soignies ANASTACIA @ AB, Bruxelles YUNA @ Botanique, Bruxelles ETHS, TESS @ L’Entrepôt, Arlon Screening, Q&A, acoustic concert: ‘SOUND & CHAOS: THE STORY OF BC STUDIO’ @ Huis23, Bruxelles TV SMITH & THE BORED TEENAGERS, DUCKING PUNCHES, EMPTY LUNGS @ Magasin4, Bruxelles WILLIAM FITZSIMMONS @ Rockhal, Esch sur Alzette, Lux CALEXICO, GABY MORENO @ Aéronef, Lille, Fr
lundi 25 avril KARMA TO BURN, SONS OF MORPHEUS @ Magasin4, Bruxelles
mardi 26 avril NAS, ILLMATIC @ Atelier 210, Bruxelles KINK, ATTARI; SOPHIA
STUFF. © Alexander Populier / Rinus Van de Velde Pour cette huitième édition, Arlon continue de semer à tous vents de bien bonnes graines…ya plus qu’à vous pencher pour les glaner ! Mercredi, on nous annonce la pop choubidou d’Italian Boyfriend, une échappée griffue pour Ropoporose, une apocalypse sonique de la Jungle et un mesclun maîtrisé de jazz, hip hop et expérimentations chez STUFF. Jeudi, entre la grâce hypnotique des comptines voluptueuses d’Ala. ni dans une église et les belles heures rock de Girls Names, Ulrika Spacek et Telegram, où battra votre pouls ? Vendredi, cap sur l’intime doux et dur avec Benoît Lizen et Mansfield Tya. Samedi, pourquoi pas une plongée dans l’âpreté des lettres avec une interprétation du ‘Condor’ de Caryl Ferey par l’intense Bertrand Cantat ? Dimanche, aspersion tropicale et fluo pour la soirée Fortune Collective avec Le Colisée, Lomboy, Tape Tum et Marc Melià. Plus d’infos et de tbc : http://www.aralunaires.be/
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@ Botanique, Bruxelles MUTUAL BENEFIT @ Trix, Antwerpen
mercredi 27 avril Les Aralunaires: STUFF., LA JUNGLE; SHARKO, ITALIAN BOYFRIEND @ Entrepôt, Arlon WOLFMOTHER @ AB, Bruxelles OUGHT, WYNN; LET’S EAT GRANDMA @ Botanique, Bruxelles GNOD, BLOWN OUT, APPALOOSA @ Magasin4, Bruxelles ELI GRASS @ Recyclart, Bruxelles REIJE SNOW @ Vk, Bruxelles
jeudi 28 avril Les Aralunaires: GIRLS NAMES; ALA.NI @ Eglise Saint Donat; Entrepôt, Arlon THE LUMINEERS, ANDY SHAUF; EYEMER @ AB, Bruxelles STRAND @ De Buren, Bruxelles DE HELD, ESTHER & FATOU @ Candelaershuys, Uccle URA @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve CLEO, SPAGGUETTA ORGHASMMOND @ Recyclart, Bruxelles KING CHARLES @ Reflektor, Liège OUGHT, FAKE INDIANS, CROWS @ Trix, Antwerpen DEBRUIT, POLYNATION, OUECH BIEN, LA FLAMA BLANCA @ Aéronef, Lille, Fr UNNO @ Grand Mix, Tourcoing, Fr
vendredi 29 avril Les Aralunaires: BOB LOG III, MOANING CITIES, HOBOKEN DIVISION; MANSFIELD.TYA, BENOÎT LIZEN @ Ancien Café Le Nord ; Entrepôt, Arlon Festival Lezarts Urbains: JJ BOLA, FUK’N’KUK ET LE DOU, GIOVANNI CENTOLA, GOSLAM, JOY, … @ Botanique, Bruxelles Inc’rock: CABALLERO & JEANJASS, SNIPER, VALD, KAARIS, NISKA, … @ Site de la Carriere d’Opprebais, Incourt XAVIER RUDD; SOLDIER’S HEART @ AB, Bruxelles LILLY JOEL, ERNO LE MENTHOLE @ l’An Vert, Liège PAPOOZ, PAON, ROPOPOROSE @ Atelier 210, Bruxelles RADIATION CITY, IN LAKESH @ Belvédère, Namur WOLVENNEST @ Beursschouwburg, Bruxelles RADIATION CITY @ Botanique, Bruxelles SAULE @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve THE SIDEWINDERS @ The Music Village, Bruxelles POPKATARI, DEBRUIT, HOLY STRAYS @ Reflektor, Liège JF FOLIE & QUARTET, STEVE HOUBEN, GARRETT LIST, JP PEUVION @ Théâtre de Liège, Liège RED SNAPPER @ Trix, Antwerpen BIRDY @ Den Atelier, Esch/Alzette, Lux
samedi 30 avril Les Aralunaires: CONDOR ft BERTRAND CANTAT, MARC SENS & MANUSOUND; YELLOWSTRAPS X LE MOTEL + GUESTS, … @ Le Palais; Entrepôt, Arlon Inc’rock: HOLLYWOOD PORN STARS, HOOVERPHONIC, SHARKO, VICTORIA & JEAN, GREAT MOUNTAIN FIRE, PAON, … @ Site de la Carriere d’Opprebais, Incourt SX @ AB, Bruxelles RUDY TROUVE, MONSTER, M[[O]]ON @ l’An Vert, Liège MANSFIELD.TYA, PATTON @ Atelier 210, Bruxelles STEAK NUMBER EIGHT @ Eden, Charleroi THE WATCH @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve FRESH, HAMZA @ Reflektor, Liège LE PRINCE HARRY, SECTS TAPE, DEADLINE @ Rockerill, Marchienne LES R’TARDATAIRES, G.A.N. @ Salon, Silly MELANIE MARTINEZ @ Trix, Antwerpen MONOLORD, WE HUNT BUFFALO @ Vk, Bruxelles Out Of The Crowd Festival: OUGHT, GIRLS NAMES, MOUSE ON THE KEYS, SUN GLITTERS, AK/DK, QUADRUPEDE, TUYS @ Kulturfabrik, Luxembourg GENERAL LEE, RADICAL SUCKERS @ Aéronef, Lille, Fr KONONO N°1 meet BATIDA @ Grand Mix, Tourcoing, Fr
dimanche 01 mai Les Aralunaires: ADELINE PLUME ET SON ORCHESTRE; FORTUNE COLLECTIVE ft LE COLISÉE, LOMBOY, TAPE TUM, … @ ISMA; Ancien Café Le Nord; Eglise, Arlon Roots & Roses Festival: HEAVY TRASH, SOUTHERN CULTURE ON THE SKIDS, KING KHAN & THE BBQ SHOW, THE LAURA GIBSON, BOB LOG III, … @ Terrain de festival, Lessines Inc’rock: CHICO Y MENDEZ, MARKA, GIEDRE, TYPH BARROW, … @ Site de la Carriere d’Opprebais, Incourt MANIC STREET PREACHERS @ AB, Bruxelles SINDICATO SONICO @ Fort en Fête Festival, Bruxelles LOGIC @ Vk, Bruxelles MARY LATTIMORE, GREAT LAKE SWIMMERS @ Aéronef, Lille, Fr
lundi 02 mai BRUTAL BLUES, ART OF BURNING WATER @ Magasin4, Bruxelles IS TROPICAL @ Trix, Antwerpen
mardi 03 mai LEGENDARY SHACK SHAKERS, CUT @ Magasin4, Bruxelles BLOW, STIKSTOF & ODISEE DJ’S Odisee & Kul Campus, Bruxelles HEAVY TRASH, BOB LOG III
@ Aéronef, Lille, Fr TRIXIE WHITLEY @ Grand Mix, Tourcoing, Fr
mercredi 04 mai MAC MILLER; TSAR B @ AB, Bruxelles TOMMIGUN, WARHOLA @ Arsvitha, Sankt-Vith HEIN COOPER @ Huis23, Bruxelles DAN SARTAIN @ Mad Café, Liège GRANDMASTER FLASH @ La Madeleine, Bruxelles FAKEAR, DOUCHKA, CLEMENT BAZIN @ Aéronef, Lille, Fr PELICAN @ Grand Mix, Tourcoing, Fr
Roots & Roses Festival 1er mai Ancien Chemin d’Ollignies 10, Lessines
Heavy Trash © Danielle St Laurent
jeudi 05 mai Dunk! Festival: 65DAYSOFSTATIC, TIDES FROM NEBULA, OBSCURE SPHINX, NILS GRÖNDAHL, SPOIWO, MUTINY ON THE BOUNTY, ENVIRONMENTS, SLOWRUN, … @ Jeugdheem De Populier, Zottegem Les Nuits Botaniques: YANN TIERSEN @ Cirque Royal, Bruxelles GENTLEMEN OF VERONA @ Café Central, Bruxelles LOUISAHHH III, CAMBOMATIX, JEAN VANESSE, C-DRIK, GLOBUL, DUKE vs DANDY @ Rockerill, Marchienne SONS OF KEMET @ Aéronef, Lille, Fr
vendredi 06 mai Dunk! Festival: THIS WILL DESTROY YOU, PELICAN, MY SLEEPING KARMA, CHVE, IIVII, HER NAME IS CALLA, KOKOMO, YODOK III, BAIKONUR, ILLUMININE, … @ Jeugdheem De Populier, Zottegem Les Nuits: THE AVENER, GREG JUNE @ Cirque Royal, Bruxelles LOST FREQUENCIES; JETT REBEL @ AB, Bruxelles PEPE @ Trix, Antwerpen CANTENAC DAGAR, SOUMONCES @ Vecteur, Marcinelle
samedi 07 mai Dunk! Festival: RUSSIAN CIRCLES, ARMS AND SLEEPERS, NORDIC GIANTS, I AM WAITING FOR YOU LAST SUMMER, FLIES ARE SPIES FROM HELL, WYATT E. , … @ Jeugdheem De Populier, Zottegem BILLIE @ AB, Bruxelles KEVIN MORBY @ Atelier 210, Bruxelles BUBBA’S GUN, ILYDAEN, DEEPSHOW @ Atelier Rock, Huy GUY GERBER, THE BABEL ORCHESTRA, … @ Rockerill, Marchienne REGGAEBUS SOUNDSYSTEM ft THE MIGHTY JAH OBSERVER @ Vk, Bruxelles 24 HEURES ELECTRONIQUE @ Rockhal, Esch/Alzette, Lux MARDUK, IMMOLATION, BIO CANCER @ Aéronef, Lille, Fr
Au rendez-vous des ‘Usual Suspects’ à ceinturons qui préfèrent d’autres rengaines à ‘L’Internationale’, allez donc cueillir Laura Gibson, fine fleur folk au vagabondage pointu ou chatouiller Bob Log III sous son casque sonique. Accordez-vous une leçon de sitar avec Moaning Cities ou graissez la patte glam de Giuda. Si vous rêvez de grande jam brin d’herbe à la lippe, jetez une esgourde à Phil Cook & The Guitar Heels ou cherchez des poux dans la barbe des Give ‘Em Hell Boys. Surf-fuzz à hauts talons pour The Love Me Nots ou timbre crêpelé de riffs pour Bellrays, pas question que les filles restent en arrièreplan ! Sans oublier le grand retour branque de cet ‘Animal Party’ de King Khan, cette fois avec son BBQ Show. Roulez, jeunesse ! Scène ‘Roots’: The Holmes, Laura Gibson, The Give ‘Em Hell Boys, Phil Cooke & The Guitar Heels, Bellrays, Southern Kulture on the Skids. Scène ‘Roses ‘: Scrappy Tapes, Moaning Cities, Giuda, Bob Log III, The Love Me Nots, Kibg Khan & BBQ Show, Heavy Thrash. Infos : http://www.rootsandroses.be
Dunk ! Festival
5-7 mai Letterkouter 8, Zottegem Dix ans que le Dunk ! et sa poignée de mordus de la niche montent le son, mettant un coup de projecteur sur les scènes post rock, metal, sludge, ambient, drone et néo-classique. Le genre de programmation où les nostalgiques du Rhaaa Lovely trouvent leur compte. Le vendredi, ils aligneront les amples reliefs de 65daysofstatic et les estafilades noise au violon de Nils Gröndahl, ou les accès de solitude glacés de Spoiwo. Le samedi This Will Destroy You tissera sa toile sombre tandis qu’Illuminine perlera l’atmosphère de givre. Kokomo prétendra ‘I’m Bill Murray’, mais on ne sera pas dupes. De sa vielle et de sa voix, CHVE (Amen Ra) fera table rase des importuns. Le dimanche, une sieste trip hop ambient dans les bras d’Arms and Sleepers, ça vous dit ? Ou bien ceux de Dirk Serries ? Pour les indécis, restent aussi la flexibilité math-rock de Hirsch Effekt ou les curieuses performances des Nordic Giants, et une bonne lampée d’Yndi Halda du label Constellation. Plus d’infos : http://www.dunkfestival.be/
LES NUITS 2016
WWW.BOTANIQUE.BE 13.05.2016 FIELD MUSIC GB
KENNEDY’S BRIDGE BE ALASKA GOLD RUSH BE
08.05.2016 ANDREW BIRD US
DAN SAN & MONS ORCHESTRA
13.05.2016 DIONYSOS FR
BE
CARNIVAL YOUTH LV
© Reuben Cox
© Gilles Dewalque
FRANÇOIZ BREUT FR
© Roberto Frankenberg
© Andy Martin
16.05.2016
NUIT BELGE LA MUERTE • BALOJI • POMRAD ROBBING MILLIONS • OATHBREAKER ILLUMININE & MONS ORCHESTRA SOLDIER’S HEART • LE COLISÉE STEREO GRAND • VICTORIA+JEAN BOTS CONSPIRACY “SCARABÉE”
19.05.2016 TSR CREW FR
JAZZY BAZZ & LIVE BAND FR CABALLERO & JEANJASS BE
17.05.2016 GEORGIO FR
18.05.2016 SALUT C’EST COOL FR
ALPHA WANN ROMÉO ELVIS & LE MOTEL BE FR
KENJI MINOGUE BE - JACQUES FR
19.05.2016 STEVE GUNN US
22.05.2016 ACID ARAB FR
IMARHAN DZ XIXA US
BALKAN BEAT BOX US FLEXFAB CH © Andy Martin
© Flavien Prioreau