RifRaf mai 2014 FR

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© Siliconcarne

Une marée d’ombres recouvre tout peu à peu. La nuit tombe sur l’île. Un rocher battu par l’océan. Philip Kyo revient là où, trente ans plus tôt, il s’est perdu. Il prétend recommencer à écrire après les nuits froides, les amas d’étoiles. Il est revenu pour elle, Mary Song, partie un soir de calme plat, dans une mer aussi lisse qu’un miroir. Il a une ombre sur le visage et porte en lui le soufflet de forge de la tempête. Rachel Sans Nom grandit d’un coup dans une famille d’emprunt à la façon d’une dent malade qu’on agace. Fille de personne, “enfant du démon”, c’est une femme perdue et libre qui doit connaître la débandade pour se réinventer. Les écrivains sont du côté des errants. Ces personnages qui ne manquent à personne, qui échangent des mots qui ne finiront jamais. Chez Le Clézio s’arrime une langue intacte pour dire la grève et le reflux, les embruns puissants, tenir la chronique des guerres enfouies. « J’ai été un fantôme. Quand les gens ont peur de vous, c’est qu’ils vous voient, vous existez. »

Depuis le porte-voix Facebook, le clapotis mondain glosera que les romans c’est bon pour les ploucs. Les mêmes, ivres de courir pour se mordre la queue, assèneront que les séries télévisées sont un os pour la plèbe. Ils n’existent plus désormais qu’au travers du récit feuilletonnant de leurs javanaises. « Il convient de rester modeste sur la capacité des autres à nous comprendre. » Tandis qu’ils feignent la paresse des chiens dormant le nez dans leur ventre, le regard précis des écrivains brasse les vagues lentes et puissantes. Un monde qui n’est pas dur et sec, qui n’écorche pas la peau ou les yeux, un monde où glisse les douleurs exquises qu’il faut apprendre à apprécier. Ce sont les pages griffées Modiano, Echenoz, Le Clézio. Ces marcheurs de l’ombre nous intiment un rappel à l’ordre, celui d’un appel à exister. Dans ce dernier refuge pour vieux pélicans niche l’écriture. S’ouvrir au large. On vient à peine de commencer. Beam me up, Scotty! Texte : Fabrice Delmeire

Lorsque vous vous apprêtez à quitter une maison hantée, elle vous fait savoir qu’elle a compris, qu’elle a vu clair dans votre jeu. Elle pensait gagner, rafler la mise puis réalise que vous allez changer, grince que vous êtes déjà parti, bougonne, gronde et tonne. Elle claque des portes, grésille de toutes ses ampoules, on sent la chair de poule qui court sur le crépi. Déjà vous ne prêtez plus attention aux objets qui disparaissent. Elle devra chercher quelqu’un d’autre à tourmenter. Vous êtes libre. Après les bourrasques, il nous échoit, il nous échoue, une bonne bouteille à l’amer. Griffonné sur son billet parcheminé : Je vais changer.

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J.M.G. Le Clézio, ‘Tempête, Deux novellas’, Gallimard. Tiens ! Il paraît que le RifRaf francophone fête ses vingt ans. Nous ouvrons la malle aux souvenirs au travers d’un cahier rassemblant quelques-unes des anecdotes « backstage » qui ont émaillé notre histoire, ravivant des déconvenues cocasses et des sujets de relative fierté. Une façon de partager les coulisses d’un magazine musical - toujours - gratuit, contre vents et marées, et rédigé par des passionnés bénévoles, de vrais mordus de musique et, tant qu’à faire, d’écriture. Allez, santé !

année 20 • mai’14

Colofon www.rifraf.be Année 20 nr. 200 rifraf est une édition de B.Z.&T. bvba Adegemstraat 19 2800 mechelen e.r. mieke deisz pas en janvier et août rifraf juin sort le 28 mai rédaction fabrice delmeire tél 0486/31 74 63 fabrice.rifraf@skynet.be

insertions publicitaires Mieke Deisz Tél. 015/42.38.76.-0485/802.257 advert.rifraf@skynet.be deadline reservation: 14 mai agenda tél 015/42.38.76 agenda.rifraf@skynet.be deadline: 20 mai

collaborateurs nicolas alsteen, Anys Amire, Antoine Bours, le dark chips, patrick foissac, François Georges, Laurent Grenier, Gery Lefebvre, Anne-Lise Remacle, eric therer, fabrice vanoverberg,... dessins : Issara Chitdara photo cover: holly andres

Layout peggy schillemans layout.rifraf@skynet.be Imprimerie: Corelio printing, anderlecht Abonnements 1 année (10 éditions) info: agenda.rifraf@skynet.be Belgique: 15 € / Europe: 25€ BE 85 3200 1337 9606 BIC: BBRUBEBB Communcation : nom et adresse

“Réalisé avec l’aide de la Communauté française de Belgique - Direction générale de la culture Service des Musiques”


Texte : Fabrice Vanoverberg

Texte : Eric Therer

Rubrique destinée à évoquer un lieu, une ville ou un endroit, ‘Sounds & Sites’ ne se veut pas un itinéraire descriptif exhaustif mais plutôt l’esquisse d’un lieu où la musique puise ses racines ou manifeste son émergence. ‘Sounds & Sites’ ne veut nullement dresser une

cartographie complète des lieux sonores mais répondra à des envies ou des coups de sonde.

Allo Bruxelles, ici Varsovie, tel pourrait être le message NSA-unfriendly du duo polonais T’ien Lai. Derrière ce nom aux apparences chinoises, en fait la marque de clopes d’un personnage de Philip K. Dick, se cache un univers en terrible trompe-l’oreille. Entre poils et plumes, ‘Da’at’ (Monotype) oscille entre échos radiophoniques en russe, Kosmische de bazar seventies et fausses allusions new wave, sans même parler d’étranges tentatives hippies à mi-chemin entre Cracovie et Bombay – à moins qu’un détour par le Hambourg de Felix Kubin ne soit venu volontairement foutre le boxon. Les amateurs d’étiquettes bien rangées vont s’arracher les cheveux, les collectionneurs de bizarreries insubmersibles sautent déjà tels des cabris ensorcelés. Le pire, c’est qu’on ne vous a même pas parlé du reste, tout aussi inclassable pour qui n’aura que survolé Ghédalia Tazartes, Gareth Dickson et Pharoah Chromium. ★ ★ ★ Vous vouliez un ultime souvenir de la RTT, autre défunt lieu de concert bruxellois où tant de choses underground ont eu lieu ? Ça tombe bien, ‘Entelechy’ de Jason Van Gulick (Idiosyncratics) a été enregistré en ses murs. Mieux que préservée, l’âme des lieux s’en trouve magnifiée par le jeu terriblement subtil du percussionniste français installé chez nous. Sans doute pas pour rien ancien étudiant en architecture, le musicien rémois déploie des trésors d’imagination achalandée et inspirée. Jamais en quête d’un spectacle où une pseudo-posture époustouflante ne servirait qu’à faire saliver les otaries du Cirque Bouglione, Van Gulick met toute son intransigeance au service de l’effronterie musicale. Parfois, on sent une envie pressante de déchaînement poindre, ailleurs on effleure des familiarités apaisantes avec un Yoshio Machida anno 2008. Le mieux dans l’aventure, c’est que l’extraordinaire Chris Corsano a un sacré challenger et la lutte s’annonce sans pitié. ★ ★ ★ Qui dit empreintes DIGITALes dit musique électroacoustique, et le récent ‘Au-delà’ d’Andrew Lewis en apporte une confirmation supplémentaire. Était-elle nécessaire ? Comme on disait à la boucherie Sanzot, la réponse est dans la question et elle est génialement affirmative. Avec un arc temporel qui s’étend de 1992 à 2012 et de multiples prix aux quatre coins de l’Europe, les six compositions de l’artiste anglais forment un continuum absolument saisissant de personnalité. En vrac, on y décèle des tentations sonores entre expérimentations électroniques, field recordings, voix parlées et chant minimaliste où d’aucuns verront les traces de Stockhausen, Luciano Berio et Chris Watson, mais aussi du BBC Radiophonic Workshop. Au-delà du propos, qui s’affranchit de toutes ces encombrantes références pour mieux les subjuguer, les six séquences de cet ‘Au-delà’ font tournoyer la vaisselle et il n’y a même plus besoin d’essuyer pour faire disparaître les traces du passé. ★ ★ ★ Personnages incontournables, chacun dans leur style, des musiques contemporaines, Reinhold Friedl et Franck Vigroux ont profité de leur performance commune à l’Anis Gras, le lieu de l’autre (près de Paris) pour enregistrer ‘TOBEL’ (La Muse en Circuit / D’Autres Cordes). Fidèle à ses habitudes acoustiques, le chef de l’ensemble Zeitkratzer confronte ses idées à l’électronique de son collègue français, pour un résultat sans guère de concession(s). Par instants, leur noise music manque d’entregent et de personnalité pour sortir de la masse, tant on a l’impression d’avoir entendu ça mille fois. A d’autres moments de leur unique plage de 36 minutes, notamment vers le quart de l’œuvre, un formidable orage fait vaciller les clochettes (et c’est très impressionnant), puis des séances de calme narquois viennent taquiner l’audience avant qu’un déluge électronique n’emporte tout sur son passage. ★ ★ ★ Généralement considéré comme le plus rock des minimalistes américains, Arnold Dreyblatt se voit offrir l’honneur d’une sélection de ses œuvres jouées en concert entre 1977 et 2007. Intitulé ‘Choice’ (Choose Records) et mis en œuvre par l’Allemand Jörg Hiller, le LP est tout sauf une compilation arbitraire de titres mis bout à bout. Embrassant les multiples aspects de l’artiste résident de Berlin (depuis 1984), le disque inscrit ses pas dans un monde où les noms de Moondog et Eyes Like Saucers ont encore une vraie signification. Et même si au sens stricto sensu du terme, les compositions de Dreyblatt tiennent davantage d’un folk réinventé que de la musique dite savante, sa vitalité apporte une telle bouffée d’oxygène qu’on aurait tort de se priver. ★ ★ ★ Vecteur de projets qui valent plus que le détour (Yannis Kiriakides, Anne-James Chaton / Andy Moor, Alvin Lucier), le label Unsounds fait partie des envoyeurs fétiches de votre Love On The Bits. Pourtant, et vous n’y couperez pas, la dernière sortie du label hollandais laisse perplexe. Œuvre du compositeur lituanien Arturas Bumšteinas, ‘Epiloghi’ peine à trouver un rythme de croisière entre tentation électroacoustique et déclinaison contemporaine. Quelques étranges échos du passé (un clavecin) viennent certes rythmer les séquences, c’est toutefois bien peu pour capter une attention coincée dans l’ornière. Il y a bien des échappées vocales spectrales d’une grande beauté (et que ne renierait pas Felicia Atkinson) mais cela reste bien froid, voire carrément ennuyeux. Et tant pis si ça se veut un hommage au manifeste ‘The Art Of Noises’ de Luigi Russolo, dont on a fêté le centenaire l’an dernier. ★ ★ ★ On prétend qu’Aleksandra Grünholz, alias We Will Fail, est musicien amateur en plus de ses activités de graphic designer. Nous on veut bien mais des producteurs/trices de cet acabit, on en veut tous les jours comme en témoigne son premier opus ‘Verstörung’. Collectionneuse à ses heures perdues de field recordings et de samples, l’artiste de Varsovie (oui, encore le label Monotype) explore à sa manière la techno de Detroit et c’est fichtrement passionnant. Complètement en phase avec son temps, donc à mille lieues des tentations mainstream que la ville américaine a pu avoir à son apogée, les tracks de la Polonaise (par ailleurs sosie d’Alexandra Lamy) sont le résultat de l’instinct fourmilier de son auteure. Tout en assurant des beats pas timides sur certains titres, elle va également chercher des souvenirs pop ambient chez Wolfgang Voigt (et Michaela Melian) qui démontrent, une fois de plus, qu’un passage par Cologne (et Munich) est toujours un bon placement.

Louvain-La-Neuve De Louvain-La-Neuve on avait gardé en mémoire l’image d’une mini cité centrée sur ses fonctions éducatives et scientifiques. Des assemblages d’immeubles passepartout bâtis sur des pilotis en béton abritant des parkings étagés, répertoriés en lettres et numéros. Une villette construite de briques et de mortier au milieu des champs dans la hâte. Dissimulées parmi les baraquements, quelques enseignes culturelles avaient au cours de ses quatre décennies d’existence assuré une présence, la promotion, l’organisation et parfois l’émulation d’événements musicaux, à certaines époques dans l’indifférence quasi-générale, à d’autres avec le salut de l’Université.

En y retournant à la fin du mois de février dernier, on fut surpris par l’étendue qu’avait gagné le territoire urbain mais plus encore par la propension des surfaces commerciales à le coloniser. Un peu comme si Louvain-La-Neuve se lovait dans les artères d’une grande galerie commerciale, une sorte de mall américaine aux entrées et sorties multiples. Ce soir-là, les représentants culturels de l’UCL présentaient une soirée inscrite dans le programme plus large de ‘Résonances’, un événement pluriel et pluridisciplinaire dédié aux arts sonores en Brabant Wallon. Passés les mots de bienvenue et les adresses de courtoisie, il nous fut proposé de suivre un jeune artiste français, Julien Poidevin, à travers les étapes d’une promenade dans la ville. Sans vraiment la connaître, Poidevin y résida quelques jours auparavant, le temps d’y repérer les lieux et leur environnement sonore immédiat. Il entendait constituer de la sorte une mémoire auditive du site. Pas seulement en y captant ses sons d’ambiance, mais également en y incluant des fragments de conversations et d’interviews. Autant de sources réinjectées dans l’espace public, acquérant malgré elles le statut de traces, une sorte de mémoire de notre expérience sensible du lieu. Le visiteur, équipé d’un gps sur smartphone et d’un casque d’écoute, pouvait déambuler à sa guise, déclenchant des sons au gré des diverses localisations arpentées. Le promeneur devient ainsi auditeur. Un auditeur ne se contentant pas de subir son environnement mais agissant sur ses paramètres, libre de créer son propre mélange de différentes zones d’écoute à travers un entrelacement du réel et du virtuel, d’où le nom de son projet, ‘Géosonic Mix’. Comment les sons nous orientent ou nous désorientent. Comment nous les trions ou les négligeons. Comment nous les consommons. La question est vaste et sans réponse immédiate. C’est celle que posait déjà Michel Chion dans son très bel essai ‘Le promeneur écoutant’ en y apportant de passionnantes pistes de réponse. Au cours de la même soirée, il nous fut permis d’écouter un set de Gauthier Keyaerts (aka The Aktivist) et du duo Supernova qu’il forme avec Philippe Franck, directeur de Transcultures et de City Sonic, partenaires de ‘Résonances’. A la lisière entre l’electro et la bohème, Supernova sollicite également l’auditeur à sa manière, en l’interpellant, en l’alpaguant, en titillant ses certitudes auditives. A la façon d’un Anne-James Chaton, Franck lit les titres du journal du jour pour en composer un texte fourre-tout tel un cut-up événementiel. A défaut de faire toujours sens, le mot fait son. Au dehors, dans la galerie marchande, quelques badauds regardent médusés à travers les vitres les bribes d’un spectacle dont ils ne saisissent pas la portée. Des étudiants par dizaines passent sans même se rendre compte que quelque chose se produit, là, sous leurs oreilles. Du son. Du son rétif à s’intégrer au courant des échanges économiques des biens et des services. Du son indocile refusant de s’incorporer à un quelconque chansonnier bibitif. Du son dissident. Un lien : www.resonances-arts-sonores.be Un livre : Michel Chion, ‘Le promeneur écoutant’, Editions Plume, 1993



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Texte : Le Dark Chips

Rebooté, formaté, enfermé à double tour, longtemps, voici comment l’ancienne civilisation avait décidé de soigner l’infâme, le Dark Chips. Sans relache, il avait tapé sur la porte de sa cellule, c’était sa façon d’aimer. Libéré, il avait jeté un regard sur ce nouveau monde et savait déjà que rien n’avait changé. Lui non plus . « Je n’étais qu’un gamin irritant, menteur et roux » Aphex Twin.

« Ce n’est pas un Norvégien qui va me faire des leçons sur le printemps ! ». En fait, si. Les bourgeons, les filles en jupe et le solstice observé à travers le galbe d’un verre à moitié plein : tableau parfaitement intégré par la production feutrée d’une house primesautière signée Prins Thomas qui, sur ‘Prins Thomas III’, nous balade dès les premières lueurs de l’aurore, et ce jusqu’au glas crépusculaire. On y prêtera une oreille, on y trouvera peut-être même du plaisir et puis on oubliera. Et en y repensant à l’occasion, on se dira que c’était bon, comme une belle après-midi au soleil. ★ ★ ★ Prenez la même journée ensoleillée, télétransportez-la dans un bolide décapotable et obtenez ‘Metatropics’. Reliq nous aide ainsi à avaler les kilomètres, jamais en ligne droite mais toujours avec ce sentiment de vitesse et de légèreté. Une esthétique complexe certes, mais qui démontre aussi que l’expérimentation peut être mélodieuse et facile d’accès. Celui que l’on nomme également Serph fait ici la nique au concept d’immobilité. ★ ★ ★ Les sorties mancuniennes de (Modernlove) sont peu réputées pour leur joie de vivre ou leur accessibilité. Et c’est pour aller à l’encontre de cette réputation qu’un jour Andi Stott et Miles Whittaker ont décidé de collaborer : formant Millie and Andrea et berçant leur sombre imaginaire de ponctuelles bribes d’éclaircies. ‘Drop The Vowels’ se construit alors entre différentes nuances de gris (la couleur serait quelque peu exagérée) et diverses énergies allant d’une tonitruante ritournelle jungle à une longue séance d’apnée sous tunnel électro. Loin de se fourvoyer dans cette nouvelle production pourtant plus ouverte, les deux compères n’attireront toujours pas les oreilles sensibles en attente de bons sentiments et fins heureuses. ★ ★ ★ Les vrais bons amis sont ceux qui, en toute circonstance et de manière choisie, vous parleront avec sincérité et vous signifieront que vous êtes sur la pente glissante, sur une mauvaise piste, qu’il vaudrait mieux éviter. Et à en juger par l’aspect poussif et poussiéreux de son ‘Down With The Dawn’, nous en conclurons que Howie B n’a pas de vrais bons amis. CQFD ★ ★ ★ La collaboration est souvent présage, outre les atomes crochus, de compromis et d’efforts à consentir. Et à l’abordage de ‘Puppylove’, on en pèse aisément le poids tant la version de « It’s A Sin » offerte par Sold Out donne peu d’engouement pour la suite des festivités. En acceptant pourtant de signer la bande originale du long métrage de Delphine Lehericey, le duo relevait à contrecœur le défi, imposé par la réalisatrice, de rendre hommage au tube des Pet Shop Boys. Forcés de revenir à une syntaxe musicale qui ne leur correspond plus, Sold Out y plante une bataille mais ne perd pas pour autant la guerre. D’une certaine manière, aux forceps et au fil de 8 titres, le couple retrace son parcours musical pour clôturer l’exercice sur une note plus adulte et plus complexe. C’est comme dans le film pardi! Re CQFD. ★ ★ ★ Il serait plus facile de décrire ‘Loops Haunt’ en soulignant ce qu’il n’est pas plutôt que l’inverse. Les créations de Scott Douglas Gordan ne sont pas calmes, elles ne sont pas bruyantes non plus. Elles ne sont pas plus avant-gardistes que conformistes. Exits construit son monde à partir d’événements abstraits qu’il laisse cohabiter dans un univers tendu. Ces derniers se rapprochent timidement, se méfient, se reniflent (sentent le cul) et finissent par fusionner. Détrompez-vous, Scoot Douglas Gordan n’est pas une curiosité, c’est l’avenir ! ★ ★ ★ Habitué des remixes et des productions pour d’autres artistes, Todd Terje nous pond un premier album qui, semblant de rien, force l’admiration après l’émerveillement. Tout l’intérêt, toute la science de ce ‘It’s Album Time’, c’est qu’il relie les genres et les générations et le Norvégien de s’autoriser mille aventures et un parcours érudit, ponctué d’enchaînements improbables qui font mouche à tous les coups. L’absence d’une réelle concurrence fait de l’album du Todd la sortie dancefloor de la saison, et certainement l’une des meilleures dans son genre pour l’année à venir. En dire plus serait un crime. ★ ★ ★ Leur nom pourrait faire penser à New-York, et pourtant 6th Borough Project est un binôme écossais. L’hommage pour la City est néanmoins frappant et rend justice à son style slo-mo, toute basse devant. A ce terreau fertile, la paire de Glasgow aura pris soin d’ajouter ce qu’ils auront trouvé de plus précieux au fond de sillons de récupérations, et de les faire tourner, tourner et puis tourner encore. Mélangez, et obtenez ‘Borough 2 Borough’ qui, sans rien révolutionner, devrait on l’espère éradiquer les ordureries de type BuddhaBar ou autre crasses aussi faciles à oublier qu’à entendre. ★ ★ ★ Au rayon bizarrerie immanquable, il nous faudrait remercier Liven De Ridder, disquaire passionné, boss enragé du label culte (Walhalla Records) et encyclopédie vivante de ce qui se faisait (et se fait encore) de plus obscur en synthé minimal, EBM ou autre coldwave. Fortes de 3 éditions archi-épuisées, les compilations ‘Underground Wave’ se plient d’un volume 4 recueillant une flopée de titres nouveaux et anciens restés inconnus du public jusqu’ici. Et cet élan d’intérêt prononcé pour les productions de nos frontières (et des voisins proches) fait évidemment penser, dans un tout autre registre, au succès tonitruant de TSOB. Mais pour le coup, Liven était là en premier. ★ ★ ★ Sinon, ‘Broadwalk Tales’ de Fluxion est à ranger dans les plaques qui ne servent à rien. Et comme le disque est très long, ça ne sert à rien pendant très longtemps.

Texte: Anys Amire et François Georges

Duo de sols

Questions d’un névrosé : « l’homme de quarante ans peut-il encore apprendre la diction ? A quel moment de sa vie capitalise-t-il sur son langage ? ». Clinique de la psychose : Antoine. Il est de ces hommes abîmés : il s’est tout. Il parle de tout, du rien : il s’autoproduit, il cause sur la cause. Il est fatiguant. La logorrhée est une machine industrielle, perdant l’essentiel du contenu, s’enfermant dans un contenant de paroles. Il est obligé de préciser, de préciser la précision. La logorrhée est une nouvelle poupée russe. Et en même temps, c’est du vent. Il connaît les canaux de Damme, épaulés par une brise bourgeoise qui souffle sur la plaine : il faut combler la plain(t)e. Antoine ne cause pas, il interroge sans ponctuation. Il ouvre la porte, il regarde et oublie de la fermer (la porte) ; « les courants d’air, ça fait sens » dirait-il. A partir de quelles secondes de la journée commence-t-il à causer ? C’est quoi l’espace T entre le réveil de la conscience et le réveil de la parole ? Antoine dirait : « Je dis je après moi ». Antoine parle, parle. Il parle de ce qu’il pense ; on l’a même accusé de ne pas savoir ce qu’il disait. Antoine pourrait s’approprier ce propos : « Je veux savoir ce qu’il y a au centre de ce monde…J’ai bientôt 22 ans…je dirais donc : Moi ! » (1). Alors, il a pris le moi pour le centre, le centre pour l’aire de Broca et farandole sur farandole, il a été enfermé. « L’événement ouvre un monde », écrit Henry Maldiney (2); Antoine comme bon maniaque n’a pas obéi ; il est pris par l’urgence d’indiquer une direction ; « C’est ma direction, j’ai pété les plombs »…allez, kom, section d’assaut sur le lithium, petite misère, je passe bientôt la main à Antoinette. L’événement consiste, pour ce maniaque d’Antoine, cette dilatation de l’existence, en un langage qui n’a plus de rétraction, contraction, rétorsion, répulsion, contrition… Il n’y a plus de frein ni aujourd’hui ni demain. Un silence comme traitement s’impose : à un homme, jeune, Antoine, qui parle, parle, on va lui demander de se taire, se taire, sous l’injonction de l’injection (Clopixol Accutard pour les plus attentifs). On arrive à Antoinette : elle dessine, dessine après avoir parlé, parlé. Six mois de traitement institutionnel ; ça coûte du temps, faut le savoir, la manie, c’est du long courrier. Donc, Antoinette dessine, dessine, écrit, écrit : la graphorrhée, une autre manière de voir son monde : le ciel est ouvert. Geste qui aura eu au moins le mérite que la scène continue d’exister sans son : on qualifie cela de progrès thérapeutique. Le silence, c’est aussi une bonne nouvelle. Un contre-point : « Quand on écrit, il n’y a que le mot qui le soit. Il est impossible de transcrire le ton de la voix. En fait, il n’y a que le ton qui ait de l’importance » (3) ; opposition constructive de sols thérapeutiques. Finalement, cette femme est seule mais mieux entourée par des objets qui ferment la marche. Ainsi, les maniaques, ils parlent, écrivent, dopés qu’ils sont par une profonde solitude. Si « Les délices de la Solitude » (4) est un titre accrocheur (marketing du 18ème siècle), la solitude reste d’abord un non-lieu ; la manie est un non-lieu. Ça se marie donc bien ensemble, le vide et le plein. Au Fablain, certains soirs de la semaine, des gens s’amènent pour jouer aux dés : la convivialité, ça occupe le sol. Même après 20 ans. 1. Extrait de « Gainsbourg (vie héroïque) », film de Joann Sfar, 2009 2. « Penser l’homme et la Folie », Henry Maldiney, ed.J. Million, 1991, p.352 3. « La septième face du dé », roman de Fernand Deligny, p.10 4. « Les délices de la Solitude » opus 20, Michel Corrette (1738)



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T e x t e : N i c o l a s A l s t e e n © h o l ly a n d r e s

Stupeur et tremblements au pays des mélodies fantastiques. tUne-yArDs sort ‘Nikki Nack’, un nouvel album mutant et dansant, parcouru de spasmes électroniques et de sursauts organiques.

Au contact de ce disque de pop bien cintré, on crie la soul, on se déhanche sur des percussions caribéennes et on escalade les mythes et légendes de notre enfance sans les mains. A l’heure de l’apéro, on retrouve Merril Garbus dans un estaminet bruxellois. Sagement assise, l’âme et la voix de tUnE-yArDs pose un sourire sur la table et nous gratifie d’un combo saucisson-moutarderires-réponses d’anthologie. De quoi assurer la bonne tenue de son capital sympathie. Et de croquer ‘Nikki Nack’ à pleines dents.


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Pour écrire ton nom de scène, tu utilises toujours une typographie en montagnes russes. Qu’est-ce que ça signifie ? Merril Garbus : « En règle générale, j’accorde énormément d’importance à l’aspect visuel des choses. J’ai donc toujours veillé à insuffler cette dimension dans l’univers de tUnEyArDs. Pour moi, l’aspect visuel donne déjà une idée de la musique. Dans mon esprit, c’est comme un collage. La typographie de tUnE-yArDs est variable, mais jamais linéaire. L’écriture n’est pas traditionnelle car ma musique est assez inhabituelle. Elle ne répond pas aux logiques radiophoniques en vigueur aujourd’hui. » Dans un autre style, les pochettes de tes albums se distinguent toujours par une esthétique flashy, des couleurs assez criardes. Un visuel plus sobre, ça ne te dit rien ? Merril Garbus : « Dans ma vie quotidienne, j’aime m’habiller de la sorte. Je porte toujours des vêtements colorés. Pour moi, c’est comme un drapeau ou un blason. Jusqu’ici, j’avais toujours envisagé les pochettes de mes disques comme une extension de mes goûts vestimentaires. Avec ‘Nikki Nack’, c’est différent. Il s’agit plutôt d’une œuvre d’art, une sorte de peinture contemporaine. C’est une copine, spécialisée dans les arts visuels, qui a conçu la pochette du disque. » Le nouvel album est infusé de particules électroniques. C’est une nouvelle donne dans la musique de tUnE-yArDs ? Merril Garbus : « Par le passé, je filtrais systématiquement mes instruments acoustiques via une « loop » machine. Le rendu était assez organique. Cette fois, j’ai cherché à prendre le contre-pied de cette approche. J’ai notamment utilisé une boîte-à-rythmes en essayant de l’éloigner au maximum des sonorités électroniques. Je voulais trouver le juste milieu entre les nouvelles technologies et les sonorités acoustiques. Cela découle d’une volonté d’infuser des émotions humaines dans des corps mécaniques. En tant que pionnier, Kraftwerk a montré l’exemple en poussant cette démarche très en avant. Le groupe allemand a apporté une part d’humanité aux machines. »

La tactique Nikki Nack En farfouillant sur Internet, on est tombé sur la page BandCamp de Beep, un groupe américain situé à la lisière du jazz, de la pop et des matières expérimentales. En 2011, tu t’es notamment impliquée dans les compositions de cette formation. Peuton considérer les travaux de Beep comme la version embryonnaire de ‘Nikki Nack’ ? Merril Garbus : « (Rires) C’est bien vu… En fait, il s’agit du groupe de mon compagnon, Nate. Dans Beep, il est bassiste et joue avec deux autres gars, un batteur et un claviériste. Ils sont tous les trois impliqués de près ou de loin dans la mise en œuvre de ‘Nikki Nack’. Par ailleurs, j’ai également recouru aux services du même ingénieur du son que Beep. Quand je fais des interviews, de nombreux journalistes me lancent des fleurs en m’expliquant les raisons d’un succès annoncé : ils me disent que l’album est super et que « je mérite » de jouer sur des scènes de plus en plus grandes… A chaque fois qu’on me ressort ce discours, je ne peux m’empêcher de penser à Beep qui, depuis cinq ou six ans, joue dans des bars devant vingt à trente personnes... Je trouve ça hyper frustrant. Ils sont actuellement en train de préparer un nouvel album. Il est encore plus incroyable que le précédent. J’espère sincèrement que ce disque va leur apporter l’éclairage médiatique qu’ils méritent. » Quand tu croises des gens qui ne sont pas coutumiers de l’actualité musicale et que tu évoques ton boulot, comment leur décris-tu ton travail ? Merril Garbus : « D’abord, je dis toujours que c’est assez difficile à expliquer… (Rires) Après, je raconte que c’est de la musique pop expérimentale, un truc très dansant avec des influences africaines et beaucoup de rythmiques dedans. En général, mon interlocuteur me répond que « ça a l’air très intéressant ! » (Sourire) » Contrairement à tes précédents efforts, tu t’es entourée d’autres personnes pour produire ‘Nikki Nack’. Pourquoi ? Merril Garbus : « Au point de départ, je voulais tout prendre en main et foncer tête baissée pour faire les choses à ma façon. Depuis mes débuts, j’expérimente le travail de production en autodidacte. Parfois, quand je suis en présence de techniciens chevronnés et diplômés, je suis quelque peu gênée. Mais, au fond, je sais que c’est débile… Mon grand-père était photographe. Il était très doué pour ça. Pourtant, au quotidien, il travaillait à la poste comme facteur. Jusqu’à son dernier souffle, il a regretté de ne pas s’être inscrit à l’université pour suivre des études de photographie et s’épanouir dans ce métier… C’est comme si, pendant toute sa vie, il avait attendu un « feu vert officiel » pour exprimer ses talents. Quand je « psychote » sur l’étendue de mes compétences en studio, je repense à mon grand-père. Contrairement à lui, je ne veux surtout rien regretter. J’ai parfois tendance à simplifier la donne dans mes enregistrements. Mais ce n’est pas grave. Quand je produis, je me place au-dessus des chansons. Je parviens toujours à porter un regard extérieur sur les morceaux. Que ce soient les miens ou ceux des autres. Bref, j’ai commencé à produire mes nouveaux morceaux moi-même. En cours de route, j’ai réalisé qu’un autre point de vue sur les chansons me permettrait de les éclairer autrement, de mieux les comprendre. Je me suis alors tournée vers John Hill. Il a travaillé avec Shakira, Santigold ou M.I.A. C’est un spécialiste du cross-over. Il envisage toujours ses productions au croisement de la culture occidentale et des sonorités du monde. C’est aussi un grand amateur de musique jamaïcaine. Il passe son temps à sampler de vieux vinyles qu’il dégote lors de ses voyages. C’était vraiment très enrichissant de travailler à ses côtés. » Il y a quelques mois, tu as posté un message sur Twitter pour t’insurger contre la nouvelle campagne publicitaire de la marque Chrysler. La pub est habillée par une chanson de Bob Dylan. Un des morceaux de ton nouvel album s’intitule ‘Stop That Man’. Est-ce un message à l’attention de Bob Dylan ? Merril Garbus : « C’est intéressant comme réflexion parce que, comme tout monde, j’ai un rapport personnel et particulier à la musique de Bob Dylan. J’adore sa musique. Il a ‘métamorphosé le folk-et-bla-bla-bla-et-bla-bla-bla’. Par ailleurs, Bob Dylan détient le record absolu de couvertures du magazine Rolling Stone. C’est cool. Il le mérite certainement... Depuis des années, je fantasme d’être interviewée par cette même publication pour

me retrouver en une et entamer une course poursuite avec Bob Dylan. Bon, là, je viens d’assurer mes journées promos avec la presse américaine et, honnêtement, je ne suis même pas certaine d’avoir causé avec un mec du Rolling Stone… Au final, ce n’est pas très important. (Sourire) Il ne s’agit jamais que d’un fantasme. Je trouve juste ça dommage que la plupart des magazines proposent des unes orientées. Généralement, elles soutiennent une vision masculine et parfois virile de l’humanité. ‘Stop That Man’ n’a rien à voir avec cette anecdote. (Sourire) Il s’agit des suites d’une affaire judiciaire où je m’interroge : « Qui est cet homme ? » Cette interrogation découle d’une série de meurtres sordides perpétrés à Oakland, là où je vis actuellement, en Californie. L’année dernière, la ville a été confrontée à une vague de crimes restée sans suite, car la police locale ne disposait plus des budgets nécessaires pour poursuivre l’enquête. Le climat ambiant était assez tendu. Personnellement, j’étais habitée par un sentiment ambigu : un mélange de peur et d’excitation. Je pense que, dans mon quartier, tout le monde partageait cette émotion. On était proche de la psychose. Les gens voyaient des tueurs partout. En filigrane de la chanson, il y a toute une déconstruction de la réalité. Qu’est-ce que le crime ? Où commence-t-il ? Et où s’arrête-t-il ? Et là, on retombe sur nos pattes : est-ce que Bob Dylan a commis un crime en vendant sa chanson sur l’espoir et l’émancipation à une multinationale comme Chrysler ? » Ton nouvel album s’intitule ‘Nikki Nack’. Dis, rapidement, ça ressemble au nom que l’on donne traditionnellement ici aux Nic-Nac, de petits biscuits en forme de lettres. Tu en as déjà mangé ? Merril Garbus : « Non, mais plusieurs personnes m’ont parlé de cette histoire de biscuits depuis que je suis arrivée à Bruxelles. Il paraît qu’ils sont bons, donc ça va… (Rires) J’ai bien flippé au début parce que je pensais qu’il s’agissait d’un terme raciste ou d’un truc vraiment dégoûtant que tous les enfants du coin refusent catégoriquement de mettre en bouche. Le titre de l’album est en réalité un personnage issu de la chanson ‘Left Behind’. J’ai pris énormément de plaisir en écrivant ce morceau. ‘Nikki Nack’ trouve son origine dans des comptines pour enfants. Dans mon esprit, c’est une fille un peu compliquée. Je ne la comprends pas toujours très bien. A côté de ça, j’aime prononcer son nom. C’est fun. Et c’est important parce que la sonorité des mots reste une composante essentielle dans l’univers de tUnE-yArDs. » Sur ton album, on trouve également ‘Why Do We Dine on the Tots ?’. Ce n’est pas vraiment une chanson, plutôt une histoire racontée au coin du feu, un peu comme un conte de fées. Quelle est la fonction de ce titre ? Merril Garbus : « Ça vient d’un poème que j’avais commencé à écrire il y a longtemps. Je l’ai retrouvé en farfouillant dans les pages d’un de mes vieux bouquins. Ça m’a fait songer au fait que de nombreuses idées enregistrées sur cet album font référence à d’anciennes représentations de moi-même. Quand j’avais 9, 13 ou 19 ans. J’ai grandi en jouant dans des pièces de théâtre et en actionnant des marionnettes. C’était un monde fait de rêves et de personnages imaginaires. J’étais également passionnée par les histoires de Roald Dahl avec tous ces enfants confrontés au monde cruel des adultes. Pour moi, il faut laisser grandir les petits dans un univers fantastique, ne pas les confronter trop vite à la réalité. ‘Why Do We Dine on the Tots ?’ est une critique sociale doublée d’un clin d’œil à mes albums de hip-hop préférés. Dans les disques de De La Soul ou de Tribed Called Quest, par exemple, on retrouve ce genre de saynètes où des personnages dialoguent entre eux. Cela crée un interlude, une respiration à l’intérieur de l’album. » Tu parlais de théâtre. C’est une discipline que tu apprécies ? Merril Garbus : « J’adore. Je l’ai d’ailleurs étudié à l’université. (Sourire) J’ai même écrit ma propre pièce sur des enfants disparus. Elle s’intitulait ‘Kinder Munch’. C’était l’histoire d’une mère qui vendait ses enfants au boucher du coin pour les gaver et ensuite les vendre en morceaux de viande… » Là, pour l’histoire, il faut que tu saches que cette intrigue ressemble comme deux gouttes d’eau à la légende de Saint-Nicolas. Chez nous, c’est la fête de tous les enfants. Traditionnellement, ils reçoivent un cadeau, des mandarines et, surtout, des… Nic-Nac. Merril Garbus : « C’est dingue, cette histoire. Et y a-t-il une force maléfique qui punit les méchants enfants ? » C’est un autre débat, mais oui. Saint-Nicolas est accompagné du Père Fouettard. Merril Garbus : « Cette légende ressemble vraiment à l’intrigue de ma pièce. D’autant plus qu’à la fin de la représentation, tous les enfants sages recevaient des cookies. C’est un peu comme les Nic-Nac, non ? » Ton expérience dans le monde du théâtre trouve-t-elle parfois des répercussions dans ton univers musical ? Merril Garbus : « Presque toujours. Pendant quatre ans, j’ai travaillé comme marionnettiste. J’ai appris comment créer un monde imaginaire, un lieu régi par ses propres personnages, ses propres logiques et ses propres dynamiques. Par extension, j’ai appliqué ce savoir-faire à ma musique. Sur le nouvel album, par exemple, ‘Find a New Way’ ou ‘Stop That Man' sont fortement influencés par ces techniques. Créer une atmosphère et façonner tout un univers autour, c’est quelque chose qui m’est familier. Je me suis longtemps retenue d’appliquer ces règles de composition à mes chansons parce que, pendant tout un temps, je considérais le théâtre et la musique comme deux entités antinomiques. Aujourd’hui, je ne vois plus d’inconvénient à l’idée de fusionner les deux disciplines. Quand des mots sont difficiles à exprimer dans un morceau, j’adopte une distanciation théâtrale et ça sort tout seul. Sur scène, c’est également plus facile pour moi de me projeter, de me glisser dans la peau des personnages chantés. Dans ces moments, je ne suis plus Merril Garbus. Je deviens quelqu’un d’autre. J’endosse un rôle dans l’univers magique de tUnE-yArDs. (Sourire) » Un disque : ‘Nikki nack’ (4AD/Beggars Banquet)

on stage 17/05 Nuits Botanique (Bruxelles)


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T e x t e : A n n e - L i s e R e m a c l e © miossec

Une heure s’égrène au téléphone et tu sais que tu n’oublieras pas ce phrasé-là, celui que les mots ne sauront pas offrir, que les pointillés estropieront un peu. Une conversation avec Miossec s’avère un exercice

entre rire et silence, un condensé de voies qui zigzaguent et de retours sur les rails et ‘Ici-Bas, Ici-même’, la preuve qu’en se mettant à nu depuis 20 ans, certains n’en demeurent pas moins honnêtes et pudiques, à en claquer des os. Commençons avec Perros, un poète qui t’accompagne depuis longtemps : « Je vais toujours, on dirait par vice, au mot le plus usé, le plus clochard, le plus chargé ; ce n’est pas l’amour des mots entre eux que je cherche, non mais plutôt leur aptitude à se refiler la même maladie. ». La chanson / l’écriture, épidémie ou anti-poison ? Miossec : « Ah, je crois que la poésie est écrite par des malades. Tout ce qui en relève, ce n’est pas quelque chose de naturel. Mais moi, je n’écris pas de la poésie, en fait. Les mots d’une chanson ne devraient jamais être lus, ils sont faits pour être entendus. La poésie offre toute la liberté, alors que les paroles de chansons doivent se trimballer des notes. J’ai pu mettre en musique des textes de Perros parce qu’il était pianiste, qu’il y a énormément de rythme dans ce qu’il écrit. Ce n’est pas du « délire », il n’y a pas de facilité. »

Trompe-la-mort ?

Est-ce que tu voulais être à nouveau « au scalpel, à l’os » par rapport à ‘Chansons Ordinaires’, plutôt rock ? Miossec : « Oui, là j’avais vraiment envie que les mots sonnent…une même phrase avec ou sans batterie en-dessous ça n’a pas le même impact, en fait! » Revenir à une essence proche de celle de ‘Boire’…est-ce que tu y vois le regard de l’homme de presque 50 ans sur celui qui avait 30 ans à l’époque ? Miossec : « Pas vraiment. Je crois qu’on n’a pas beaucoup le temps de se retourner et que ça soit très utile. Les 20 ans de carrière, pour moi c’était sortir un nouvel album, pas ressortir ‘Boire’ avec des bonus ou des conneries dans le genre. Là on fait un concert au Quartz à Brest pour les 20 ans, mais l’idée c’est de n’arriver qu’avec de nouvelles chansons. » C’est ce que dit ton morceau ‘A l’attaque !’, « moi c’est la vie pendant que je veux me taper » ? Miossec : « Oui, j’ai envie d’avoir de l’avenir ! (rire) Et s’il faut commémorer, ça leste, ça alourdit ! » Tu a tout de même rendu hommage à tes aînés. Un morceau avec les Valentins sur ‘Jacno Future’, un morceau pour ‘Tels Alain Bashung’, un morceau de Joe Dassin sur un de tes albums…si on faisait la même chose avec toi, de façon anthume ou posthume, quelle impression ça te laisserait ? Miossec : « Ben j’aimerais pas que ça se passe comme avec Denis Jacno, qui était un copain. Qui était décrit partout comme une créature de la nuit, alors que ses dernières productions, personne ne les écoutait vraiment. Une commémoration, ça n’est peut-être qu’une parodie. Chez lui, ça prenait la forme du « jeune homme moderne », du « dandy », alors que c’était l’une des personnes les plus drôles que je connaisse et qu’il adorait la campagne ! (rire) Le décalage est extrêmement profond entre l’image qu’on peut donner et la vie de tous les jours. » Tu es sensible à celle qui t’a collé à la peau, que Pascale Clark résumait par « breton, alcoolo, dépressif » ? Miossec : « Sur Brest, les gens me comprennent et quand les gens viennent de l’extérieur, ils nous prennent parfois pour des sauvages ! Je sais que mon comportement pendant 20 ans, ici il n’y a rien de plus naturel. »

France Inter a célébré ses 50 ans cette année avec un concert « intergénérationnel » où tu t’es produit avec Albin de la Simone. Dans votre cas, il n’y avait pas de creuset énorme, si ? Miossec : « Suffisamment pour que ça fasse une génération ! Musicalement j’ai plus l’impression d’avoir 60 ans que 50. J’ai un grand frère de 6 ans de plus, c’est lui qui m’a transmis toute la musique des années 60-70 puis j’ai continué mon boulot. Ce qui est bien avec Albin, c’est qu’il ne connaissait pas mes disques, et moi pas les siens. Il est arrivé à la maison, j’ai présenté mes morceaux et puis, ping, on a commencé à les habiller. Ça s’est fait vraiment en duo. Aujourd’hui on peut mettre plein de couches, avec la technologie. Là, au contraire, l’idée c’était de garder uniquement une couche d’arrangements, que ça se tienne au minimum. » Ça crée une immédiateté, comme pour ‘Boire’ : un album dont on chantonne très vite les paroles, même si ‘Ici-bas, ici-même’ semble en effet plus apaisé, moins urgent… Miossec : « Ah oui, c’est normal, je sortais d’un long périple, j’étais dans l’Océan Indien, à la Réunion, j’avais une vie pas possible, plus de voiture, plus d’appartement. Avec ‘Ici-bas, icimême’, ça y est, je vis de ma musique, j’ai une maison mais qu’est-ce qu’on a à raconter, quand d’une certaine façon, tout va bien ? » ‘Nos morts’ m’évoque cette citation de Tchekhov « d’abord enterrer les morts pour réparer les vivants ». Miossec : « Oh, c’est très joli ! Tchekhov c’était l’écrivain préféré de Carver. À la fin de sa vie quand il était malade, il a voulu aller voir sa tombe. » Dans ton cas, savoir que tu allais devoir freiner, ça t’a fait prendre conscience de ce qui était essentiel ? Miossec : « Avoir le privilège d’être toujours en vie, de faire un disque, alors qu’on a perdu pas mal de compagnons en route, c’est déjà quelque chose ! Parler de la mort, pour moi, il n’y a rien de plus positif. J’ai hâte de chanter ce morceau en public, en fait. Il ne faut pas se gâcher l’existence avec l’au-delà. C’est une prétention de l’être humain à vouloir passer le stade de la mort, qui me paraît toujours comme de la science-fiction. Je crois que les traces que je vais laisser, elles vont être très locales ou alors il y a peut-être une chanson de Johnny qui passera le cap. » On retrouve bien la patte de Sophie Calle dans ‘Répondez par oui ou par non’, sa fascination pour les questionnaires…as-tu comme elle des rituels ? Miossec : « Je crois que c’est l’endroit où j’habite : la falaise, la mer d’Iroise, l’océan. Tous les matins c’est un énorme rituel de voir ça. On a fait une autre chanson avec Sophie qui n’est pas sur le disque, et qui s’appelle ‘La vue de ma vie’. Elle a été écrite il y a trois ans, et je n’y repensais pas, mais j’ai déménagé depuis, et j’ai d’un coup l’impression de me retrouver devant. Un chanteur, où il va, quand il ne chante plus ? Une part de moi, c’est d’être ici avec ce panorama et une autre dans un fourgon, en tournée. Baigner entre ces deux positions radicales-là, c’est devenu ma vie. » Tu as joué dans ‘Les salauds’ de Claire Denis. Ça représente quoi, ce passage bref à l’écran ? Miossec : « Claire Denis est quelqu’un d’extrêmement courageux à qui on ne dit pas non, même pour un petit rôle. Mais je n’ai pas d’aspirations, je ne suis pas un performer, contrairement à Katerine : quand je suis en concert, je suis incapable d’être autre chose que moi-même : c’est terrible ! (rires) » Quand on t’emploie au cinéma, c’est une « gueule » qu’on vient chercher ? Miossec : « Peut-être ! Ça fait deux fois que je refuse des rôles de tueurs de pays de l’Est. C’est un autre métier. J’ai travaillé avec Denis Lavant sur des textes de Georges Perros et pu me rendre compte de ce que c’était, un vrai acteur. Comme moi, il aime la littérature un peu aux tripes, où il n’y a rien d’anodin, pas pour faire joli. » On vit dans une époque mièvre ? Miossec : « La complainte de l’époque, même si je suis dedans quand je gueule sur le revival des synthés 80, c’est quelque chose qui peut m’agacer. Il faut faire attention, plutôt passer à l’action ! » Ça se traduit aussi par un engagement citoyen ? Miossec : « Sur Brest, je me considère comme un chanteur local et je peux vraiment donner des coups de main. On fait partie du paysage, on croise les gens, donc c’est familier et facile à vivre. Il n’y a pas de dîners en ville ! Ça se passe au bistrot. » Tu trouves ta place dans cette sociabilité de comptoir, sans plus toucher une goutte d’alcool ? Miossec : « Ils font de la Kronembourg à 1° qui est assez étonnante ! J’suis pas avec un CocaCola et une paille, je ne fais pas dans la provocation, moi! »

Miossec ‘Ici-bas, ici-même’ Pias

On déciderait, non pas de faire table rase, mais de faire avec. Les regrets, les patatras, ceux qui nous ont bafoués et ceux qu’on chérit. On tâcherait de remettre le cœur en avant, dégraissé : « croire encore en quelque chose, croire encore en quelqu’un ». ‘Samedi soir, au Vauban’, on danserait un tango solitaire à deux temps, masqués et égarés, une oreille sur l’horloge qui sectionne les mois d’avant solde de tout compte, une pupille sur ce qu’il nous reste à capturer de regards ardents. Vous ne croyez pas que j’ai peur, moi aussi ? De tout ce qui a un goût de cendres, des vies qu’on abandonne ? « Répondez par oui ou par non », ça finirait par vous hanter : rentrer dans une case, satisfaire aux normes, justifier votre marge, vos docilités, votre trop plein de larmes, votre érosion. Tout ce que je voudrais, au juste, c’est redevenir « bête comme j’étais avant / quand j’étais ton amant », en vrille en vrac et la peau cabossée d’erreurs. « Touché n’est pas coulé », dompter la faucheuse pour juste encore quelques heures en creux doux. Comme vous, je finirai par me faire une raison. De passage, je ne serai que de furtif passage quand arriveront les chœurs. « Tout baigne, tout baigne » ? (alr) Suivez le guide : http://www.christophemiossec.com/

on stage 16/10 17/10 18/10

Eden (Charleroi) Centre Culturel (Bastogne) Théâtre 140 (Bruxelles)


T e x t e : L au r e n t G r e n i e r © K m e r o n

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On n’entend plus que lui (et Pharrell). Partout, tout le temps. Et, à l’aune d’un premier album pop quasiment parfait, cela risque de durer. Tant mieux, parce que sous ses faux airs de Julien Doré, le fils du chauve qui

dessine des chats impose une vraie patte, une griffe, une réelle singularité. La chance (hahaha), on l’a rencontré. On a surtout discuté avec un authentique passionné de musique, un dingue des Vampire Weekend, des Beatles, de James Blake. Un type qui nous avouera que son rêve serait de collaborer avec Justin Vernon de Bon Iver. Un jeune homme qui rêve si fort méritait bien qu’on lui serre la pogne.

Antoine

Chance

Dans les quelques interviews de toi que j’ai regardées avant aujourd’hui, à chaque fois qu’on te félicite pour le succès du single ‘Fou’, qui passe partout, tu t’excuses, tu dis être navré. C’est une forme de politesse, de timidité, parce que j’imagine que c’était quand même le but recherché ? Antoine Chance : « C’est vrai, je l’ai dit à chaque fois. À la base, je suis un peu timide même si je le suis de moins en moins. Je dis ça un peu à la blague parce que je suis ravi d’être programmé un peu partout mais en même temps, je ne voudrais pas lasser, je ne voudrais pas que les gens aient le temps d’en avoir marre, je ne voudrais pas trop déranger. En fait, c’est un peu bizarre ce rapport à la radio, il y a si peu d’élus. C’est un truc qui change vraiment ta vie. Je n’avais pas de concerts prévus et là, presque du jour au lendemain, j’en ai trente-cinq jusqu’en novembre. » T’es prêt à ça ? Antoine Chance : « En même temps, faudrait pas qu’elle change trop non plus ; elle est bien, ma vie pour l’instant. Mais je suis preneur. C’est un projet sur lequel je travaille depuis longtemps, que j’ai mis des années à faire aboutir, à trouver cohérent. Les plans un peu difficiles, je n’ai fait que ça jusqu’à présent. »

Get Lucky Vraiment ? Antoine Chance : « Bon, j’ai jamais dormi sous les ponts non plus, mais c’est chaud de boucler les mois en étant barman ou serveur, ce que j’ai fait pendant un certain temps. Je suis content d’être passé par là, par des concerts où il n’y a personne, où les gens ne viennent pas pour toi, etc. Mais tout le monde passe par là, même Britney Spears a fait des trucs un peu nazes, de la télé pour gosses ; même Stromae, il est passé par une période hip hop où c’était pas vraiment ça, même un Julien Doré qui sort de Nouvelle Star grattait dans son coin avant de profiter du système. J’ai pas l’impression qu’il y ait de hasard, de gens qui deviennent chanteurs comme ça, du jour au lendemain. » Tu l’évoques dans tes remerciements où tu dis avoir mis dix ans pour faire ce disque. Tu jouais déjà des morceaux comme ‘Fou’ ou ‘Elle Danse’ il y a quatre ans avec Coco Royal. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour les sortir ? Antoine Chance : « Tu peux discuter pendant des années sur la couleur à donner à un morceau. ‘Fou’, j’en ai fait des dizaines de versions différentes. Après, il y avait le groupe, les plannings, l’aspect humain, l’alchimie qui a été très forte et puis qui se désagrège parce que le temps passe et que tout le monde n’y met plus la même énergie. C’est très fragile un groupe. Ce sont des belles années mais à la fin, on n’avançait plus. Après, si j’ai gardé quelques titres de cette époque, c’est aussi pour les gens qui suivent le projet depuis le début. Pour mon éditeur, mon manager, pour moi, ce sont des chansons qui comptent. » Tu parles de dizaines de versions pour ‘Fou’, c’est aussi une forme de perfectionnisme ? Antoine Chance : « Oui, certainement. On peut toujours aller plus loin si on ne se dit pas stop à un moment donné. Il a aussi fallu me forcer un peu, m’imposer une deadline. J’ai filé une version avec 120 pistes à Renaud Letang, il en a gardé vingt. Je ne me suis plus trop posé de questions à partir de ce moment-là. » Pour un premier album, travailler avec Renaud Letang, c’est quand même sympa… Antoine Chance : « A vrai dire, je ne pensais pas que c’était possible. Pour moi, c’était un peu un rêve, surtout quand tu connais tous les gars avec qui il a bossé et qui ont vendu ensemble, je pense, presque trente millions d’albums. C’est énorme. T’imagines, quand je l’ai rencontré, rien que cette année-là, il était en train de finir de travailler sur ‘Metals’ de Feist, il venait de faire Lianne La Havas, Connan Mockasin, de travailler avec The Kills ; le jour de notre entretien, Souchon a débarqué au Studio… C’est un type fabuleux, hyper gentil. Il me faisait écouter les mix de Gonzales. Il a écouté mes démos, il aimait la voix, il trouvait qu’il y avait parfois un peu trop de bordel dans les arrangements et il a pensé à une équipe de musiciens pour enregistrer tout ça, pour épurer l’affaire. Au départ, on pensait seulement bosser sur deux titres et puis, finalement, l’équipe tournait bien et il a proposé d’embrayer et de terminer l’album. Son truc, c’est vraiment d’aller vers la simplicité. Il reste vraiment peu de choses sur le disque, parfois je me dis même que c’est un peu trop peu, qu’il pourrait peut-être y avoir plus de claviers, etc. Mais, en même temps, on a un disque cohérent, très seventies avec beaucoup d’instruments vintage et j’aime ça. » Si tu n’avais pas mis ces dix ans pour sortir ce premier album, on t’aurait sans doute beaucoup moins comparé – et c’est franchement flagrant sur certains titres – à Julien Doré. Ça aurait pu être l’inverse même. Ça te dérange ? Antoine Chance : « Non, non, pas du tout. Je suis plutôt flatté, c’est plutôt chouette. Après, je me

dis que c’est con parce que j’ai mis beaucoup d’énergie, beaucoup de temps à essayer de faire un truc hyper personnel et au final, j’ai même des potes qui m’appellent « hé, on t’a entendu à la radio, c’est super ta chanson ‘Paris Seychelles’ ». Pourtant, j’ai pas vraiment l’impression qu’on fait le même truc mais d’un autre côté, je comprends la comparaison. J’aimais vraiment bien le titre et le clip de ‘Kiss Me Forever’. J’ai un peu écouté son dernier album où je trouve des choses vraiment super et puis en tant qu’acteur et sur scène, je pense que c’est une vraie bête. » Il y reprend ‘Creep’ de Radiohead que tu cites parmi tes influences anglo-saxonnes. Antoine Chance : « Oui, mais il n’y a personne qui n’écoute pas Radiohead. » En français, tu renvoies souvent à JP Nataf ou à Souchon. Ce dernier écrit toujours ses textes et, quand il n’écrit pas les musiques, les pose sur celles de Voulzy. A l’inverse, toi tu écris les musiques mais tu fais toujours appel à des paroliers. Pourquoi ? Antoine Chance : « Je suis parti du principe que mon projet allait être en français et qu’il fallait lui adapter les musiques que je possédais déjà. J’aime bien l’idée de travailler à plusieurs. On a donc commencé avec un de mes plus vieux potes, Jonathan D’Oultremont. J’avais plus confiance en lui qu’en moi pour les paroles, peut-être parce que je ne sais pas toujours quoi raconter ou que j’ai peur de cette mise à nu, je ne sais pas. Au final, je n’ai gardé que deux morceaux travaillés avec lui mais les textes des autres chansons sont aussi écrits pas d’autres auteurs. Je n’exclus pas de m’impliquer davantage là-dedans à l’avenir mais, de manière générale, je me sens plus musicien qu’auteur. » J’imagine que tu te sens concerné par ce que tu dis. Comment, par exemple, est-ce que tu te trouves en dehors de la norme ? Dans ‘Parader En Enfer’, tu chantes « Si c’est pour suivre / Le droit chemin, la norme / Sans jamais s’écarter / Je préfère encore / Parader en enfer ». Qu’est-ce que ça évoque de ne pas vivre « de destins uniformes » ? Antoine Chance : « Ce que ça m’évoque vraiment, c’est que dans la vie, j’ai une passion qui est la musique et que je ne suis pas dans un métro, boulot, dodo trop régulier. Que c’est important que j’aie un truc qui me fasse vibrer au jour le jour. Maintenant qu’on me pose souvent la question, j’ai toujours su que je voulais être chanteur. C’est vraiment mon truc la musique, en écouter, en faire. Il y a plein de gens qui n’ont pas de passions, ce qui est un peu triste. Je pense que c’est une vraie chance d’en avoir une. » Je suppose que ça veut dire que t’écoutes pas mal de trucs. Des coups de cœur récents ? Antoine Chance : « J’adore James Blake. Au début, je trouvais ça chiant et puis je suis rentré dedans et je trouve maintenant que tout est génial chez ce gars. J’ai entendu un titre de Nicolas Michaux d’Eté 67 qui est vraiment génial. Je suis très fan de François & The Atlas Mountains. J’ai beaucoup aimé le dernier Mathieu Boogaerts. En chanson française, les deux albums solos de JP Nataf sont juste incroyables. Et puis Vampire Weekend. Rayon pop, ce sont les meilleurs chansons du moment. » JP Nataf, Souchon, mais tu ne parles jamais d’Albin de la Simone. Antoine Chance : « C’est vrai. Cet été je bossais pour bouffer. Je faisais de l’archivage dans un bureau et j’ai écouté un de ses albums en entier. Tu sens tout de suite que c’est un mec hyper doué, qui écrit et arrange super bien – je trouve ses arrangements scéniques pour Souchon et Vanessa Paradis impeccables – mais ça ne me touche pas de la même façon. Ça doit être sa voix. Quand la mélodie, le texte et la voix se combinent, c’est redoutable, c’est l’essence de la pop, il n’y a plus de barrières, de cases. Je pense à ‘La Vie Ne Vaut Rien’ de Souchon, c’est magnifique. « La vie ne vaut rien / rien ne vaut la vie », c’est une sorte de parallèle avec « all you need is love / love is all you need », il n’y en a pas une plus sonore que l’autre, c’est juste deux superbes chansons, il n’y a pas un qui fait de la variété française et l’autre de la pop anglaise. C’est ça qui est beau, l’universalité d’un morceau. » Un disque : ‘Fou’ (Mercury / Universal)

on stage 03/05 10/05 21/05 07/06 20/06 29/06 04/07 05/07 19/07

Inc'Rock (Incourt) Salon (Silly) Ferme du Biéreau (LLN) Podium de la Pentecôte (Soignies) Boussu en Fête (Boussu) Beach Days (Esneux) Unisound Festival (Court-St-Etienne) Festival au Carré (Mons) Francofolies de Spa (Spa)


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Texte : G An en ry e -L e i sfee b Rvermea c ©ld eu s d i n c o n d r e n

On portera éternellement sur la joue et dans le cœur les stigmates de la claque reçue à la sortie de ‘Tramp’ il y a deux ans. Sur ce disque impeccable et bouleversant, en apesanteur sur la corde raide des émotions, Sharon Van Etten prenait un plaisir malin à flirter avec l’inconfort et à courtiser le chaos. Pour mieux sublimer le chaud-froid et susciter le frisson. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, nous en l’occurrence, on en est venu à souhaiter que les histoires d’amour de la new-yorkaise continuent à finir mal (en général). Histoire de pouvoir tendre rapidement l’autre joue. Et d’apporter une réponse à cette question qui nous taraude : la foudre peut-elle frapper deux fois au même endroit ? A moins qu’il ne s’agisse de faire taire cette interrogation : et si Sharon Van Etten avait d’ores et déjà signé sa grand œuvre ? Sur ce nouvel album, tu sembles avoir délaissé la guitare au profit du piano. Mais j’ai cru comprendre que ce n’étaient pas n’importe quels pianos… Sharon Van Etten : « En effet. Le disque a été enregistré dans le New Jersey dans le studio de Stewart Lerman qui m’a assisté dans la finalisation du disque. Mais Stewart était d’avis que le piano disponible dans son studio n’était pas idéal pour enregistrer simultanément la voix et le piano. Il pensait à juste titre que pour mes ballades au piano, il était préférable d’isoler le chant et le piano de manière à encapsuler une certaine forme d’énergie live. Il m’a emmené à l’Electric Lady Studio (le studio new-yorkais mythique de Jimi Hendrix, ndr) où nous avons pu véritablement isoler le son du piano. Et il se fait que c’était celui utilisé par Patti Smith sur ‘Horses’ ! Dans un second temps, alors que l’enregistrement du disque touchait à sa fin, Stewart a fait venir un autre piano du Record Plant Studio et il s’est avéré que c’était celui sur lequel John Lennon a enregistré ‘Imagine’. Ce sont deux instruments qui dégagent une énergie très différente. Je pense qu’une oreille attentive mais pas spécialement experte pourra faire la différence. »

Femme Fatale

Après ta collaboration avec Aaron Dressner sur ‘Tramp’, il semble que tu aies décidé de reprendre une certaine forme de contrôle sur la réalisation de ce nouveau disque. C’est une étape logique dans ton évolution ou une réaction au fait que la présence d’Aaron avait peut-être phagocyté l’attention au détriment de l’intérêt pour ton songwriting ? Sharon Van Etten : « Un peu des deux, je dirais. J’ai vraiment apprécié le fait de travailler aux côtés d’Aaron. J’ai beaucoup appris à son contact. ‘Tramp’ n’aurait certainement pas été aussi abouti sans sa participation, c’est une évidence. Mais pendant la promo et la tournée qui a suivi la sortie du disque, les gens ne me parlaient effectivement que de lui…Et, comme tu le sous-entends, mon songwriting passait complètement au second plan ! J’avais l’impression que mon disque intéressait les gens uniquement parce qu’il était produit par un des membres de The National. Je suis d’habitude assez satisfaite de ce que j’écris mais là j’étais complètement déstabilisée. Comme si le disque m’échappait. J’ai voulu reprendre le contrôle et me prouver que je suis capable de tout gérer. C’est une progression naturelle, comme passer d’une classe à la classe supérieure ! Auparavant, j’arrivais avec mes maquettes, j’exprimais ce que je souhaitais voir dans ma chanson et quelqu’un d’autre interprétait ces idées pour moi. Ici, j’ai appris à être le boss ! » Tu te sentais suffisamment sûre de toi pour ne plus avoir besoin de regard extérieur sur le disque ? Comment as-tu vécu le fait d’avoir les deux casquettes, d’être à la fois devant et derrière la caméra si on peut dire ? Sharon Van Etten : « Avant ‘Tramp’, je n’avais pas de vrai groupe autour de moi. Mais après avoir tourné deux ans avec ce disque, il y a une vraie alchimie qui s’est produite avec les musiciens. C’est très différent de ce qui se passait avant, lorsque je devais enregistrer avec des gens que pour la plupart je ne connaissais pas du tout. C’est évidemment beaucoup plus confortable d’évoluer avec des gens qui vous connaissent au quotidien, vous comprennent et vous soutiennent dans votre démarche artistique. Bien sûr j’ai dû prendre beaucoup sur moi sur le plan de l’organisation, de la répartition des rôles. Même si Stewart n’était jamais très loin. Mais j’ai aimé jongler avec ces deux facettes, ces deux personnalités. A refaire, je le referai. Et peut-être bien un jour pour quelqu’un d’autre que moi… » Tes précédents albums étaient davantage tournés vers ton passé alors que celui-ci semble très ancré

Sharon

dans le présent. Jusqu’à quel point est-il autobiographique et le considères-tu comme une sorte de journal intime qui tendrait à l’universel ? Sharon Van Etten : « Oui, en comparaison de mes précédentes chansons, cellesci sont davantage ancrées dans le présent ou le passé très récent. Mon écriture est sans doute davantage autobiographique aussi. Quand je ressens quelque chose de vraiment intense, j’ai toujours énormément de mal à en parler autour de moi. Donc je préfère l’écrire. Je ne passe pas mon temps à bassiner mes proches avec les difficultés de ma vie amoureuse mais bizarrement, j’ai moins de problèmes à les chanter ! (rires) Je fais bien sûr attention à mettre un minimum de distance, pour éviter que ça devienne quelque chose de trop personnel qui aliène l’auditeur et qui l’empêche de se connecter à l’émotion de la chanson. Sinon il serait juste désolé pour moi et ça n’est évidemment pas mon intention quand j’écris ! Ça serait assez terrible si je constatais un jour que j’ai échoué à ce niveau-là. » Si ces chansons sont tellement autobiographiques, ça doit être assez éprouvant de les interpréter sur scène… Sharon Van Etten : « Bien sûr, c’est un exercice exigeant que, malgré l’expérience accumulée sur les tournées, je continue à trouver étrange dans l’absolu. J’écris parce que c’est thérapeutique pour moi. Mais parce que les sujets sont très intimes et très difficiles à chanter, j’arrive à en faire quelque chose de cathartique. Mais le fait que ça puisse éventuellement parler aux personnes qui viennent m’écouter m’aide à trouver cette confrontation beaucoup moins nombriliste. » ‘Your Love Is Killing’ est une chanson assez dure qui évoque presque une forme de masochisme amoureux… Sharon Van Etten : « Je surnomme cette chanson « the beast ». Chaque fois que je la réécoute, j’ai besoin de pousser sur le bouton STOP et de reprendre une respiration. C’est une chanson tellement chargée en intensité pour moi. J’espère qu’elle n’aura pas un effet trop destructeur pour l’auditeur…C’est une chanson éminemment personnelle que j’ai écrite alors que je vivais des choses très dures avec mon compagnon. Je revenais d’une longue tournée et je lui avais promis de me poser un peu. Puis on m’a proposé de participer à la tournée de Nick Cave et j’ai accepté directement cette proposition qui représentait beaucoup pour moi. Il s’est alors instauré entre nous un lourd climat de crise parce que je donnais l’impression de privilégier ma carrière à mon couple. J’ai donné à mon texte un côté plus universel en évoquant cette forme de masochisme amoureux. Tu peux être conscient de ce que tu fais lorsque tu blesses quelqu’un, même si ça n’était pas l’intention première et que ça ne remet nullement en cause l’amour que tu lui portes. Comment l’amour passionnel peut-il quelque part engendrer une forme de monstruosité ? Autant de réflexions qui symbolisent particulièrement bien ce qui constitue une des thématiques principales de l’album, à savoir le dilemme entre poursuivre une carrière et mener une vie personnelle et amoureuse équilibrée. » ‘Are We There’, le titre de l’album, semble hanté par un point d’interrogation fantomatique… Sharon Van Etten : « Oui c’est évidemment l’objectif. Le point d’interrogation est quelque chose de trop lourd, de trop connoté. A l’image du disque que j’ai voulu très ouvert, plus respirable, je voulais une fin ouverte. Un peu comme toutes les relations, même lorsqu’elles sont censées être terminées… »

Sharon Van Etten ‘Are We There’ Jagjaguwar/Konkurrent

Il fallait à la fois de l’audace, du travail et du vécu pour donner corps à un successeur digne de ce nom et qui s’avère aussi frontal et magnétique que ‘Tramp’. On a croisé les doigts pour que Sharon Van Etten n’ait pas troqué son charme vénéneux pour de vaines prétentions. Et inévitablement, dans un premier temps, c’est une légère déception qui domine. Le fan trop impatient tarde à voir sa fidélité récompensée tant la newyorkaise donne l’impression d’avoir échangé la lingerie en dentelle barbelée qui habillait ses compositions pour une combinaison en satin. Entourée par un groupe solide et bénéficiant des apports ponctuels de pointures comme Peter Broderick (Efterklang), Jonathan Meiburg (Shearwater), Dave Hartley et Adam Granduciel (The War On Drugs), Sharon Van Etten a incorporé de nouvelles textures à son songwriting au prix d’arrangements moins crus ou aiguisés. Plus sage, le jouisseur attentif saura profiter patiemment de la maturation stylistique. Beaucoup moins fourni en guitares, flirtant sans jamais y succomber avec l’ascétisme piano/voix, le disque se redécouvre progressivement plus frontal et cru à mesure que Sharon Van Etten passe à confesse et se livre à une sorte de strip-tease autobiographique pour chanter les brûlures de l’amour avec sa voix unique et une ardeur viscérale. Sans jamais faire de chantage à l’émotion. Si l’intégralité d‘Are We There’ n’est pas de la trempe de son prédécesseur, il contient son lot de frissons et rappellera que chaque chef d’œuvre est entouré de l’un ou l’autre album qui ramènent finalement Sharon Van Etten à un aspect plus humain. (gle)

Van Etten

on stage 25/05 Les Nuits Botanique (Bruxelles) 15/08 Pukkelpop (Hasselt / Kiewit)


T e x t e : Fa b r i c e V a n o v e r b e r g

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Scarlett

O’Hanna

On l’avait découverte en 2011, année de son arrivée en Belgique depuis son Sud-Ouest natal et un EP plus tard, le nom était resté scotché dans un recoin de la caboche – cette nana, elle a tout d’une grande. Aujourd’hui (enfin) au format longue durée, Scarlett O’Hanna approfondit le sillon tout en zigzag. Moins directes et plus longues en bouche, les neuf chansons de la songwriter franco-grecque évoluent entre rock, folk et faux blues à l’ombre de Loren Connors, Jesse Sykes, Tara Jane O’Neil et Julie Doiron. Mieux encore, au bout de quelques écoutes, leur évidence s’impose au-delà de tout minimalisme convenu et déplacé. Tout d’une grande, on vous disait. Scarlett O’Hanna : « Je suis arrivée en Belgique en décembre 2010, la même année que la sortie de mon premier EP ‘Cheap Bling Bling’. En débarquant ici, il a fallu que je m’adapte. » A quel niveau ? SOH : « Quand on arrive dans un endroit où on ne connaît personne et qu’on a construit quelque chose pendant sept ans, il faut tout recréer, notamment un réseau de relations comme celui que j’avais en France. » En découvrant de nouvelles personnes, quelle rencontre a été réellement déterminante ? SOH : (longue réflexion) « La rencontre avec Rudy Coclet, qui s’est faite un peu par hasard. Je devais enregistrer ‘Impostor’ et une semaine avant, la personne responsable m’a contactée pour me dire que tout était annulé et du coup, j’ai contacté les gens que j’avais dans mon carnet d’adresses. Il y avait notamment le Jet Studio que j’avais déjà contacté pour le groupe que j’avais en France (Cobson, ndr) et je suis retombée sur un mail du Jet Studio en espérant que ça marche. Je n’avais qu’une seule semaine devant moi et pas d’autre créneau. Rudy est l’ingé du studio et c’est ainsi que nous nous sommes rencontrés. »

Chacun fait ce qu’il lui plait Donc pour ton second EP… SOH : « Je ne sais pas si on dit EP, moi je dis album car il contient tout de même huit morceaux, il est vrai en à peine seize minutes... » On va donc dire qu’avec ses 32 minutes, ‘Romance Floats’ est ton premier vrai disque en format longue durée. D’ailleurs, sa longueur est parfaite pour un trajet urbain moyen… SOH : « C’est marrant, plusieurs personnes me l’ont déjà dit. Même si les morceaux sont encore assez ramassés, ils le sont beaucoup moins que sur le premier et le deuxième où ils faisaient genre deux minutes par titre. Après, l’idée de minutage est assez troublante, c’est comme si le minutage choisissait le morceau alors que normalement, c’est l’inverse. Si après une minute, j’ai dit ce que j’avais à dire, il n’y a pas de raison de prolonger le suspense. Et heureusement, il n’y a personne dans mon dos pour m’imposer ce genre de contrainte. » La pochette de ton premier EP était plus frontale, un peu à la manière du ‘Horses’ de Patti Smith alors qu’en 2014, tu regardes vers le bas, presque dans la pénombre… SOH : « En fait c’est un Polaroid fait par mon ami photographe Philippe Bourgoin alors que j’étais en studio à faire les mix. Pour la petite histoire, Philippe était le parolier de Chagrin d’Amour et on se voit régulièrement. Sinon, il est passé ce jour-là, il a pris une série de photos et je me suis dit que c’est celle que je voulais. J’ai voulu garder son côté aquatique et hormis quelques retouches mineures, c’est la couleur de départ du Polaroid que nous avons conservée. » On y ressent un double sentiment de recueillement et de concentration… SOH : « Tout en prenant la photo, Philippe me parlait et dans la série des quatre, je pensais qu’il faisait une pause alors que pas du tout. C’est un moment délicat où je suis encore dans l’album où je ne savais pas encore si j’allais aboutir à ce que j’avais dans la tête, comme un sentiment d’angoisse. » Parce que tu as mis beaucoup de temps à le réaliser et le sortir ? SOH : « Certains morceaux sont très vieux mais globalement, c’est un album que j’ai plus travaillé en termes de maturité musicale. Le premier répondait à une urgence, j’avais besoin de mettre ces morceaux ensemble même s’ils n’avaient pas tous un lien de parenté. Pour ‘Romance Floats’, je me suis posée pour réfléchir, je n’avais pas envie de me répéter et j’ai eu envie d’aller plus loin, c’est pour ça que je l’ai produit moi-même. » C’est sans doute une des raisons qui fait que tes nouvelles chansons sont moins immédiates, non ? SOH : « Je n’ai pas vraiment l’impression que mes nouveaux morceaux sont très directs, non... »

Hormis peut-être les deuxième et troisième titres ? SOH : (modeste) « C’est surtout parce qu’ils sont assez courts. » Tu évolues en tout cas entre plusieurs styles et on sent un certain lâcher-prise stylistique entre rock et folk, parfois à la frange du blues. SOH : « Autant c’est facile de parler de certains morceaux, autant c’est compliqué pour d’autres. Quand j’étais au lycée, j’ai fait une première scientifique et une terminale littéraire. Et en dernière année, on mettait parfois une année scolaire entière à analyser un poème de Rimbaud. Quand tu as beaucoup travaillé sur un titre, c’est facile à discuter, quand c’est plus spontané, ça l’est beaucoup moins. » On entend des chants d’oiseaux sur un titre. Un hasard ou une volonté ? SOH : « Le disque a été enregistré dans un superbe endroit nommé La Frette, près de Paris. C’est une vieille maison de maître avec un grand jardin et pendant les six jours de l’enregistrement, je ne suis pas sortie de là tellement c’était court et dense. J’étais dans une sorte de bulle seule en studio avec l’ingé. Le rapport était très direct avec lui et les journées longues, du genre on commence à dix heures jusqu’à deux ou trois heures du matin. » Ce qui laisse peu de temps pour le reste, sinon à écouter les oiseaux dehors. SOH : « Je voulais un morceau très simple et épuré et finalement, il a été enregistré dans le jardin, simplement guitare-voix sans métronome. Des quatre ou cinq prises, celle sur l’album est la moins bonne au niveau technique, j’ai plein de cordes qui accrochent, je ris à la fin et j’arrête le morceau. Mais d’un point de vue spontanéité, c’était la meilleure pour l’ingé-son. C’est un accident de studio comme sur ‘Roxanne’ de Police où on entend Sting rigoler parce qu’il s’est assis sur le piano. Un accident de studio comme quand mon casque a glissé de ma tête et est tombé, ce qui m’a fait arrêter le morceau. On entend même le chien arriver et renifler à côté de moi. » Tu as grandi à Toulouse, étudié à Montpellier, ta maman est grecque et tu chantes en anglais. Un choix naturel ? SOH : « Quand j’étais petite, le seul truc que j’écoutais en français était Charles Trenet, tout le reste était en anglais. Dans mon genre de musique, l’anglais s’impose comme les aubergines dans une moussaka. Après ça ne veut pas dire que la musique en français n’est pas intéressante mais mes textes ne me sont jamais sortis dans cette langue. » En prime, l’anglais sonne bien plus naturel chez toi que chez nombre de collègues francophones qui s’essaient à l’anglais. SOH : « J’écoute la radio en anglais, je lis en anglais depuis que je suis ado, j’ai vécu un peu à Dublin et à la base, je suis traducteur anglais-grec-français. Comme je suis bilingue en grec, je me suis ouverte à une série de sons et ça a été plus facile. » Et sinon, l’origine de ton nom d’artiste Scarlett O’Hanna ? SOH : « Simple, Anna est mon vrai prénom. Quant au Scarlett, un jour avec des amis alors qu’on racontait un tas de conneries, comme cela arrive souvent en fin de soirée, un ami m’a lancé “Oh Anna, arrête de faire ta scarlett”. Sa langue avait fourché sur ‘starlette’, du coup c’est resté. » Un disque : ‘Romance Floats’ (Cargo Records)

on stage 21/05 Nuit Belge, Botanique (Bruxelles) 26/05 Depot (Leuven)


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T e x t e : : DAi n mn i ter- L i iVsaenRVeomsascelle I T r a d u c t i o n e t a d a p tat i o n : Pat r i c k F o i s s a c © G u y Ko k k e n

Les vétérans Luc Dufourmont et Dick Descamps ont fait leurs preuves au sein des Ugly Papas, un groupe qui a fait fureur dans les années 90 avec un rock aussi dur que décadent puisant aux sources du psyché, du r&b, du métal et de l’expérimental.

En compagnie de Wouter Spaens (guitare) et de Tom Denolf (batterie) ils ont mis sur pied en 2012 un nouveau groupe qui fait trembler la Flandre Occidentale tout entière: ID!OTS. Si l’épicentre se situe dans les environs de Courtrai, l’onde de choc se fait ressentir en dehors de nos frontières. Luc Dufourmont (chant) : « Dans le passé, j’ai été impliqué dans une multitude de projets. Mais il y a une grande différence entre un projet et un groupe. Dans le cas présent, il est question d’un groupe avec un véritable projet d’avenir. » Wouter Spaens (guitare) : « ID!OTS n’a pas grande chose en commun avec Ugly Papas. Je reconnais qu’il y a des influences et des similitudes, puisque les textes sont écrits par Luc et Dick. Mais le nouvel album est réellement le projet d’un groupe. » Comment avez-vous été amenés à travailler ensemble? Wouter : « Je fréquentais Luc et Dick depuis des années, tandis que Tom était une connaissance. Le groupe a été formé un peu par hasard. En fait, personne n’avait à priori le temps pour se lancer dans un nouveau projet mais nous avons malgré tout décidé de travailler ensemble. » Luc : « Dans une porcherie… » Wouter : « C’est très rare de se retrouver à quatre musiciens pour une première répétition et d’avoir immédiatement

Wouter : « On a travaillé sur les morceaux jusqu’en avril 2013 avant de les tester sur scène. C’est en jouant sur scène que tu peux sentir ce qui cloche et rectifier le tir. C’est ainsi que l’on a été amené à retravailler certains textes et à modifier l’une ou l’autre structure. Ce qui nous semble essentiel en studio, c’est de réussir à reproduire le punch que l’on dégage en live. On ne voulait pas un son trop produit et on a enregistré les morceaux en jouant tous ensemble plutôt qu’en enregistrant les pistes séparément. C’est ce qui nous a permis de réaliser un album qui sonne comme un live. On a enregistré pas moins de 13 morceaux en une semaine. » Quel est le lien entre votre musique et Kylie Minogue? Luc : « Il y a une tendance actuelle à verser dans le name-dropping afin de décrire des groupes. Si tu écoutes de la musique pendant 50 ans, tu intègres une foules d’influences et Kylie Minogue en fait partie. Pendant l’enregistrement de ‘The Bill’, j’ai soudain senti l’esprit de Paul McCartney s’emparer de moi alors que pendant la première partie de ‘Mosquito’, c’est Mick Jagger qui prend le dessus. » Wouter : « On n’a clairement pas la prétention de dire qu’on ne ressemble à personne et qu’on a inventé un nouveau genre. Mais en même temps, je pense qu’on a un style, une identité. On n’est pas les Pixies, on n’est pas non plus les Queens Of The Stone Age, on est ID!OTS. Un ami avec qui j’ai grandi m’a raconté qu’on écoutant notre album, il a songé à la musique qui avait bercé son adolescence, soit Faith No More, Screaming Trees ou encore Alice In Chains. On avait des goûts similaires et il est possible que mon jeu de guitare ait été marqué par tout cela. »

Des perles parmi les pourceaux le sentiment qu’il se passe quelque chose. On n’avait rien préparé, mais on a finalement joué pendant deux heures sans la moindre interruption. » Luc : « C’était un peu comme si la foudre s’abattait sur nous. Pour ce qui est de Dick, je savais déjà que ses doigts trituraient sa guitare à la manière d’une tarentule tissant son nid. J’avais déjà vu Wouter se produire sur scène, mais il m’est soudain clairement apparu qu’il pouvait produire des sons ultra tranchants à la guitare. Pour ce qui est de Tom, il s’est révélé être un batteur plus bruyant qu’un F16 lancé à toute vitesse. » Deux vieux lions associés à deux jeunes loups. Ressentez-vous la différence d’âge ? Luc : « La différence d’âge se situe uniquement entre les oreilles. J’ai été amené à connaître pas mal de nouveaux groupes grâce à Wouter et je lui ai fait découvrir quelques-unes de mes propres influences. C’est un bel exemple de pollinisation. Nous aimons en outre tous manger. La bonne bouffe et la musique vont de pair chez nous. La première question que je pose invariablement quand j’ai l’un des membres du groupe au téléphone, c’est toujours : « Qu’est-ce que tu as mangé aujourd’hui ? » Vous vous êtes souvent produits en France, à la limite plus encore qu’en Belgique. Préférez-vous le vin à la bière ? Luc : « Quand on a senti qu’on était prêts pour nos premiers concerts, on a décidé de ne pas jouer dans la région, genre à Courtrai ou à Gand. Les gens d’ici nous connaissent et risquaient de nous dire que c’était super juste pour nous faire plaisir. Or, j’avais rencontré Ben Borneo, un guitariste rockabilly, dans le cadre d’un petit festival de blues. Grâce à lui, nous avons pu nous produire en marge du Printemps De Bourges. On a joué à différents endroits du centre de la ville où se tenait une sorte de festival bis, dans un esprit plus alternatif, plus underground. » Wouter : « On ne savait absolument pas à quoi on devait s’attendre. Cela faisait un an que l’on répétait, mais on ne s’était encore jamais produit devant un public. Notre première prestation, on l’a faite dans un petit café qui était sur le point d’exploser à la fin du set. Après celui-ci, on a été manger un morceau et on a entendu des gens parler d’un groupe belge à ne pas rater. Le concert du lendemain a été complètement dingue et la tenancière du bistrot nous a dit qu’elle n’avait encore jamais vu ça. » Luc : « La manière dont les gens ont réagi par rapport à des morceaux qu’ils n’avaient encore jamais entendu et qui étaient joués par un groupe qu’ils ne connaissaient pas a été totalement incroyable. Pour nous, cela a été un vrai défoulement après avoir répété pendant un an dans une porcherie. L’épisode de Bourges a fait effet boule de neige et on a été invité à jouer à Lille, Dunkerque et plein d’autres villes. Partout, la réaction a été identique. Pendant les deux ou trois premiers morceaux, les gens se contentent de regarder, mais après, c’est la folie furieuse. » La première mouture de la tracklist a été postée sur Facebook en décembre 2012. Les titres ont-ils beaucoup évolué depuis lors?

Idiots ‘Idiots’ Waste My Records

Le disque d’ancêtres du mois : Luc Dufourmont et Dick Descamps faisaient déjà un fameux boucan au début des années nonante. Ça s’appelait les Ugly Papas et c’est aujourd’hui décrit sur une page Wikipédia flamande comme du bluesrock psychédélique ayant évolué vers une certaine forme de dadaïsme. Réécouter un morceau comme ‘The Satelites Are Spinning’ l’illustre assez bien. Vingt-deux ans plus tard, les deux papas sont quasi papys mais, manifestement, ne sont toujours ni sourds ni arthritiques. La preuve : avec Tom Denolf et Wouter Spaens (recrutés respectivement à la batterie et à la guitare), ils envoient le bois comme au premier jour. ‘Idiots’ est hyper catchy, bourrés de riffs qui décollent le tympan et de breaks bien sentis. On est quelque part entre les Eagles Of Death Metal et les Queens Of The Stone Age. C’est primitif, brutal et jouissif mais aussi un peu lassant en fin de parcours, derrière une belle murder ballad au titre cryptique (‘C2H5OH’). A écouter à plein volume, pour une cure d’éternelle adolescence. (lg)

on stage 25/06 27/06 25/07 10/08 23/08

Rock For Specials (Doornzele) Grensrock (Menen) Backdoor Summer (Avelgem) Melkrock (Tielt) Zandrock (Zandvoorde)


T e x t e T: eGxetr ey : LEerfi c e bTvhreer © e rCar © moat lin i aes lceo sr sr i rael

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Sans Michael Gira Swans n’existerait pas tant il en est l’émanation intrinsèque et première. Mais sans Swans, Gira finirait-il peut-être de se lasser de ses soliloques et de ses errances. Entreprise collective née d’un projet individuel, Swans existe depuis le début des années 80. Le groupe a vécu de changements

continuels de personnel pour suspendre ses activités en 1997. ‘To Be kind’ est le troisième album depuis la réhabilitation du nom en 2010 et le premier pour le label Mute. Inéluctablement, Gira en a assuré l’écriture, le gros de la composition et la production.

Ne sois pas gentil !

Qu’elle s’opère par le biais d’une simple communication téléphonique ou qu’elle s’initie dans le cadre d’une entrevue, une interview avec Michael Gira n’a jamais été chose aisée. L’homme a le don de vous mettre mal à l’aise rapidement et ses réponses peuvent s’avérer d’un laconisme cinglant, au point de vous ébranler et vous faire demander s’il est encore utile de la poursuivre. Aujourd’hui, il a été convenu avec son label qu’il nous appellerait depuis New York. En cette fin d’aprèsmidi du mercredi saint pascal, j’écoute ‘A Little God In My Hands’, troisième plage de l’album, en parcourant les rues de la ville de Raguse qui sort de la torpeur de sa sieste sicilienne. Pénétrant peu après dans la Basilique de San Giorgio, je reste ébahi à la vue des parures baroques de l’édifice qu’agrément ses petites chapelles latérales, autant de lieux de retranchement pour prier seul. A chacun sa madone, à chacun son Jésus personnel. Des petit dieux à portée de main. Un petit dieu dans la main. Au téléphone avec Gira, j’évoque le rapprochement que me suggère cette image et tente une comparaison entre la musique de Swans et le baroque. Je le sens interloqué. « Baroque ? Non je pense pas que notre musique ait jamais été baroque… Dans quel sens veux tu utiliser ce terme ? » Je lui précise ma pensée : la musique de Swans a évolué pour devenir aujourd’hui ce qu’elle est, se chargeant au fil du temps de détails, de raffinements, d’ornements. S’il consent à faire un parallèle, il n’en explicitera pas les contours.

Dès ses débuts, Swans a, consciemment ou non, modelé les fondements d’une esthétique du désœuvrement que ‘Filth’, son premier album, illustrera au travers des titres éloquents relatant l’éternelle dialectique domination/soumission inhérente aux rapports humains. Le morceau ‘Raping A Slave’ caricaturera ce thème dans ses travers les plus abjects. Impossible de ne pas y repenser à l’écoute de ‘Bring the Sun/Tousaint L’Ouverture’, un interminable morceau de plus de 34 minutes qui requiert une attente avant d’apercevoir poindre sa signification exacte. « Ce morceau a été conçu comme une sorte d’hommage à Toussaint Louverture. Cet homme a joué un rôle majeur dans la révolution haïtienne et l’émancipation des esclaves des Antilles. Il a aussi donné l’impulsion pour d’autres révoltes futures, dont celle des esclaves nordaméricains » commente Gira qui y a inséré des fragments de textes historiques dont le moto ‘Liberté, égalité, fraternité’ repris à la révolution française qui deviendra la devise d’Haïti. Swans a toujours privilégié des compositions longues. ‘To Be Kind’ ne faillit pas à la règle. Que du contraire, on y retrouve des durées de dix, douze ou huit minutes quand elles ne dépassent pas le quart d’heure. Je demande à Gira s’il serait possible pour lui de concevoir un morceau de trois minutes. « Oui, pourquoi pas. Mais pourquoi le faudrait-il ? » réplique t-il compendieusement, comme si, à ses yeux, la question de la durée n’en n’était pas une. La conversation nous mène à une autre question apparentée, celle du format. Gira avait entrevu l’idée de sortir le disque sur une clé usb : « J’avais cette idée au départ car elle permettait à

l’auditeur d’écouter tout d’une traite sans passer d’un cd ou d’un vinyle à l’autre. J’y ai finalement renoncé. Là, j’ai pour l’instant sur mon bureau une édition usb d’un disque de Jack White et ma foi c’est un support très facile à emporter… »

Principalement échafaudés lors de la tournée live de Swans en 2012/2013, les morceaux repris sur ‘To Be Kind’ ont été entièrement retravaillés dans le studio de John Congleton (The Paper Chase) près d’El Paso au Texas. Gira entend mettre les choses au point : « Swans est actuellement constitué de six personnes. Outre moi, on y retrouve les guitaristes Norman Westberg et Christoph Hahn qui sont des membres anciens et aussi Phil Puleo qui a collaboré au groupe dans les années 90. On y trouve également Thor Harris à la batterie et Christopher Pravdica à la basse, deux membres actifs depuis 2010. D’autres personnes ont également collaboré en tant qu’invités comme Annie Clarck qui chante sur plusieurs chansons, Julia Kent au violoncelle, Al de Cold Specks ou Bill Rieflin, un fidèle et vieux collaborateur qui joue ici un grand nombre d’instruments. Nous avons mis environ quatre mois pour boucler le disque. Nous allons bientôt entamer une tournée qui passera en Europe au cours de l’été. Nous jouerons à six… »

Swans ‘To Be Kind’ Mute/Pias

Dix morceaux déployés sur plus de deux heures étalées sur deux cd ou trois vinyles. Faites la moyenne et vous saisirez le cours incommensurable qui imprègne les compositions de Swans. Un temps nécessaire pour que les mantras qu’elles colportent et les instructions qu’elles commandent puissent parvenir à leur paroxysme. Chez Swans, rien n’est jamais fugace, rien n’est jamais léger. La répétition a toujours été de mise et les rythmes 2/2 auquel le groupe recourt abondamment en accentuent plus encore le caractère qui frise parfois l’obsédant. Avec un titre qui sied mal à son propos et son genre – Swans n’a jamais ménagé son public – ‘To Be kind’ s’ouvre sur ‘Screen Shot’, un morceau où se déploie un jeu de percussions inhabituellement luxuriant. ‘Just A Little Boy’ qui lui succède se veut un hommage à Chester Burnett (Howlin’ Wolf), sorte de blues suffoquant, en apesanteur, là où ‘A Little God In My Hands’ est carrément corrompu et vicié dans ses inclinaisons. Mais c’est manifestement l’ahurissant ‘Bring The Sun/Toussaint L’Ouverture’ qui constitue le clou du disque. Une férule digne de l’époque de ‘Cop’ que brandit Gira avec une fureur exquise qui en dit long sur l’(in)humanité qu’il ne cesse de sonder dans ses tréfonds. Plus loin, les plages ‘Some Things We Do’ et ‘Kirsten Supine’ permettent un retour à l’accalmie. ‘Nathalie Neal’, explique Gira, a été écrit en hommage à une de ses amies, une personne qui lui est chère. C’est peut-être là qu’il faudra chercher le propos du disque et tenter de décoder cette injonction à la gentillesse de prime abord suspecte. Plus encore que dans l’éponyme ‘To Be Kind’ qui lui succède et qui clôture le disque magistralement au travers cette grâce retorse avec laquelle Michael Gira excelle une fois de plus. (et)


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T e x t e : A n n e - L i s e R e m a c l e © nic shonfield

Ces men in black, ils ont beau avoir tout compris au make-up d’Alex DeLarge (‘A Clockwork Orange’), ce ne sont pas des chauves-souris. Ils se demandent si c’est très raisonnable de boire du vin rouge (so bloody !) à 16h et s’es-

claffent quand chaque journaliste finit par mentionner ‘The Wicker Man’. Au-delà de toute mascarade et capes noires, leur son ricoche sur des parois réfléchissantes, leurs envies versatiles les emmènent à chaque album « one step beyond », et nous voilà ravis de ce tour gratuit de galaxies… Le titre de votre nouvel album, ‘Luminous’, en annonce clairement l’atmosphère. Était-ce une volonté consciente et commune de laisser les parts les plus sombres de votre musique derrière vous ? Rhys Webb (bassiste) : « Non, pas du tout ! Ce n’était pas intentionnel, ça laissait peut-être juste transparaître l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvions sur le moment. Nous n’avons jamais cherché à être particulièrement ténébreux. La musique surgit telle qu’elle est, vraiment. Nous aimions l’idée d’une musique qui induise de l’euphorie et de l’optimisme. Un album qui soit aussi confortable à écouter chez soi que sur le dance-floor, ou sur une scène de festival. Le genre de sensation que provoque un album d’electro. » Est-ce facile pour vous de traduire le résultat de vos efforts en mots après quinze mois passés en la seule compagnie des sons ? Rhys : « La plupart du temps, tu prends des décisions tout en travaillant à ta manière, juste avec ta bande d’amis. Et à vrai dire, tu t’interroges peu sur le pourquoi des choses. » Joshua Hayward (guitariste) : « Tu peux t’asseoir et discuter autour d’une table pendant deux heures, mais la meilleure manière de parvenir à circonscrire une idée, c’est de l’expérimenter. Tout le monde peut l’entendre, réagir et ça fait davantage sens. La plupart de notre communication est non-verbale. » Rhys : « Nous avons joué à pas mal de festivals pendant tout l’été dernier, nous avons dû nous interrompre entre juin et septembre, et pendant certains week-ends. C’est aussi une question de travail, de revenir à des idées, de revisiter certaines prises…ça n’est jamais un processus vraiment rapide, pour nous. »

quand tu vis dans un bled, c’est comme un microcosme qui te paraît le monde. Et puis quand tu t’en éloignes pour parcourir d’autres voies et que tu y reviens, ça te paraît tellement minuscule que tu as hâte de trouver la route pour en sortir. Tu revois dans la rue les gens que tu connais depuis que tu es gamin, ça rend claustrophobe. J’ai essayé d’expliquer ça à un ami resté là-bas, il n’a pas apprécié. » Vos lay-outs déclinent une série de réfractions lumineuses de films 35 mm, mais rien n’est modifié digitalement. Le procédé est naturel mais semble technique et illustre bien selon moi la tension dans votre musique entre l’intuition et la science. Josh : « On utilise effectivement les deux. En décidant vers où nous allons, nous travaillons vraiment de façon intuitive, mais une fois qu’on connaît la direction, un peu de science n’est pas de trop pour nous emmener jusque là. » Au moment de cette interview, nous sommes pratiquement au printemps et vous avez un morceau qui y fait référence…si vous aviez totale liberté, comment célébreriez-vous ça, même d’une façon païenne ? Rhys : « D’habitude, on ne le fait pas. Sans doute que nous irions dans un château en ruine de l’Essex, ça a un côté tortueux. » Josh : « Tu crois qu’on pourrait avoir un joli kiosque décoré ? » Rhys : « Oui, voilà, un pavillon de jardin et un barbecue ! Et une route qui descend de la colline. »

La petite boutique des haut-parleurs

Votre label vous a offert une version réelle du synthétiseur pyramide imaginé et animé par Pete Fowler pour votre clip ‘Changing The Rain’…c’était une bonne surprise ? Josh : « Je pensais que ça allait être un gâteau. Peut-être que j’aurais préféré que ça en soit un ! (rire). » Rhys : « On ne s’y attendait pas ! Elle était dissimulée sous une cloche comme pour un repas chic. C’était vraiment l’imagination de Pete devenue réalité, et en fait, la pyramide sonnait même plutôt bien ! » Vous avez emmagasiné beaucoup de nouveaux équipements pour ‘Luminous’ ? Josh : « Nous avons essayé de diffuser un peu de l’esprit de Roky Erikson grâce à la guitare de… quel était le nom complet de ce gars, déjà ? » Rhys : « Nous étions en contact avec Paul Drummond, un grand fan de 13th Floor Elevator. Le frère de Roky lui avait confié l’instrument l’année dernière au Texas et il nous l’a prêtée pour le studio. Elle était en piteux état mais nous avons pu l’utiliser pour doubler une partie avec une pédale qui rendait un très chouette son fuzz, plutôt intéressant. Et puis Josh avait cette nouvelle guitare à 12 cordes. » Josh : « Je voulais qu’elle s’apparente à la voix humaine, qu’elle sonne comme un chœur donc j’ai fait des essais avec plusieurs personnes. Et Tom avait un nouveau système de synthé suspendu. » Tu peux expliquer ce qu’est le Shepard tone ? Josh : « C’est plus une technique d’enregistrement. C’est beaucoup utilisé au cinéma pour ajouter un effet dramatique. Ça donne l’illusion sonore d’une gamme descendante ou montante à l’infini. C’est passionnant ! » Comment s’est passée votre collaboration avec Thurston Moore aux Fly Awards ? Rhys : « Oh, c’était fun ! On savait qu’aussi bien lui que nous recevrions un prix et performerions à la soirée, donc on s’est dit « pourquoi pas lui demander de nous rejoindre sur un morceau ? » et c’était pour ‘I See You’ qui a cette fin sonique étendue, c’était parfait pour qu’il y mette sa touche. » À la mort de Gary Burger (The Monks), vous déclariez avoir choppé quelques-uns de ses trucs… lesquels ? Rhys : « Je parlais surtout de nos débuts. Quand nous avons commencé, The Monks était un de nos groupes garage préférés. En terme d’énergie, de son, c’était un des touts premiers groupes à utiliser l’effet larsen. Je sais qu’on associe toujours ça au Velvet Underground, mais on était toujours en 1965-66 et eux l’utilisaient vraiment comme une particularité de leurs concerts. J’ai toujours adoré l’intensité de leur son d’orgue frénétique et puis Gary avait vraiment une voix sauvage, mais ça n’était pas juste lui, c’était le groupe au complet. » Vous êtes collectionneurs de vinyles, quelle était votre plus étonnante trouvaille ? Rhys : « C’était dans un petit magasin de Southend. J’ai eu le regard attiré par une pile de 45 tours des sixties sous le comptoir, dont des red label Parlophone qui avaient l’air classiques mais intéressants. Et dedans il y avait un premier pressage du single ‘Love Me Do’, franchement rare et il valait juste 50 pennies ! Tom est un grand collectionneur d’exotica et d’albums d’électronique bizarres. Sur une autoroute d’Albuquerque, il y avait cette série de disques juste intitulés ‘Electronic Music’ avec dessus des pièces très anciennes de Steve Reich, des choses très expérimentales. C’était un bon magasin, en plein désert. » Josh : « Ma trouvaille la plus intéressante aux USA était ce très bon disque de pop songs anglaises dans lequel des américains tentaient assez pathétiquement d’adopter l’accent cockney (rire). » Vous vous sentez parfois nostalgiques de votre ville d’origine ? Rhys : « Je ne voudrais plus jamais y vivre ! Mais ça n’est pas si loin de Londres, et ce n’est pas trop moche : il y a un front de mer, une plage. » Josh : « Moi, la mer me manque toujours énormément. » Rhys : « Tu ressens ça à propos de n’importe quelle ville à travers le monde si tu la quittes. J’ai réalisé que

Vous faites référence à Lady Gaga à SXSW où elle jouait suspendue au-dessus de steaks qui cuisaient ? Rhys : « Non, on n’est pas au courant ! » Josh : « Pour l’équinoxe, on enverrait Lady Gaga dans l’espace ! (rire) » Rhys : « Elle y est déjà ! » Josh : « Cela dit, SXSW est un des meilleurs festivals, c’est totalement fou, tu devrais y aller. » Vous avez déjà songé à faire de la musique de films ? Je vous imagine bien dans un Kenneth Anger, comme ‘Scorpio Rising’… Rhys : « On a un jour enregistré un morceau pour un des ‘Shrek’. Sans doute qu’on nous l’avait proposé à cause de notre nom. C’était une scène de convention de sorcières, où elles dansaient. Mais ça n’a pas été gardé. On s’en sortirait bien avec un film d’animation, je crois. » Josh : « S’il y avait un biopic de Nicholas Cage, je voudrais en faire absolument toute la musique ! » Tu es fan de ses drôles de coupes de cheveux ? Josh : « (faussement outré) Mais elles ne sont pas comiques ! De quoi parles-tu ? Il a juste un grand front ! »

The Horrors ‘Luminous’ XL Recordings/Beggars

« I see your future in it » : immersif et sans écailles. Ondoyant, facettieux, un grand bain où faire surnager tout un banc de claviers. Embarquons pour un ‘First Day of Spring’ leste sur le Galaxy Express 999, avec guère le temps de faire flotter un mouchoir d’adieu. Bien accroché sur la piste ? C’est qu’on va en pourchasser, des ombres et en disperser, de la poussière météorique. ‘So Now You Know’, on rétrocède du terrain, on gigote engoncés dans nos tuniques sur une ‘Falling Star’, on s’amuse de quelque chorégraphie qui fera de nous les Kings of Alpha, et on tente d’approcher toute cette faune à portée de triple-yeux, ludique et grouillante. Faudrait pas non plus croire qu’on ne pétrole plus du tout, jaloux comme des soleils bouillants, charbonneux dans les échos, lestés dans les riffs. On se prendra de plein fouet une dose massive de reverb miroitante, des fois que tu changes d’avis. Tous nos tensiomètres, ‘Mine and Yours’, grimperont alors en saturation avant ta petite balade de nuit. Un pas en avant, trois pas en arrière, tu es somnambule et tu vacilles, jusqu’à tomber dans un sommeil en orbite. (alr) Suivez le guide : http://www.thehorrors.co.uk/

on stage 11/07 Festival Les Ardentes (Liège)


Trompe Le Monde

Vingt ans de bagarre avec le français

Putain, 20 ans ! Fondée en 1989, l’édition flamande du RifRaf fait le pari d’un magazine gratuit dédié au traitement spécifique des musiques dites non classiques. Dès 1994, dotée d’une rédaction autonome, une édition francophone voit le jour. Développant une mentalité indépendante marquée, le magazine est rédigé avec l’enthousiasme propre à ceux qui ressentent et vivent la musique comme partie intégrante de leur culture. Ce faisant, nous pensons avoir, qui sait, repris le flambeau de Rock This Town, tout en se prêtant volontiers les premières années à une bataille de polochons avec les zigues du Mofo. Et nous voilà aujourd’hui avec plus de 20.000 disques chroniqués et environ 2000 interviews réalisées... Mazette ! Désireux de marquer le coup mais soucieux de ne pas tomber dans le panégyrique, nous avons choisi d’ouvrir la malle aux souvenirs au travers d’un cahier rassemblant quelquesunes des anecdotes qui ont émaillé notre histoire. Nous avons donc reparcouru « en famille » vingt années d’archives, ravivant des déconvenues cocasses et des sujets de relative fierté. Une façon de partager les coulisses d’un magazine musical - toujours - gratuit, contre vents et marées, et rédigé par des passionnés bénévoles, de vrais mordus de musique et, tant qu’à faire, d’écriture

Fin ‘94, Carlo Di Antonio (fondateur du Festival de Dour) et Pierre Adam nous présentent une version francophone du RifRaf, lequel existe depuis cinq ans en néerlandais. La sueur « perle jusque dans mes chaussures » parce que mes anciens collègues (Ina De Ridder et Carlo Wauters) parlent déjà couramment le français, ce qui est loin d’être mon cas. Pour le premier numéro, de nombreuses interviews néerlandophones sont traduites et c’est un MC Solaar rigolard qui trône en cover. Le tout est emballé avec une belle flopée d’erreurs de traduction, comme de bien entendu... Ce qui nous vaut notamment un abondant courrier et autres commentaires courroucés, à juste titre. L’équilibre à trouver entre les traductions et le ton encore balbutiant du RifRaf francophone demeure précaire; idem sur le front des annonceurs, où de nombreuses publicités en néerlandais figurent régulièrement dans le RifRaf français. Tandis que les différences entre la Wallonie et la Flandre se font plus claires de jour en jour, nous nous mettons en quête d’un véritable rédacteur en chef pour l’édition francophone. Ainsi Serge Coosemans estil intronisé. Travailler dans un bureau flamand au sein d’un gang Anversois n’est sans doute pas de tout repos... Mais Serge, qui possède fort heureusement de sérieuses notions de néerlandais, tient bon trois ans.

Confortant son regard critique et un ton dénué d’adoucissant, le RifRaf a développé et renforcé une identité singulière dans le paysage de la presse culturelle belge. Et de jouer, plus souvent qu’à son tour, un rôle de poil à gratter ; ce pas uniquement au travers de feu nos rubriques les plus gonzo (Furioso, Houellebecq de série Z, Bad Influence et autres marrons chauds). D’aucuns auraient peut-être même souhaité nous voir nous friter davantage avec un supplément sauce mafia de la Place Dailly. Pour un message touchant de Sharko ou des Hoquets, surpris et émus de se découvrir en cover du mag, on ne compte plus les réactions parfois hautes en couleurs de telle Vedett... Fort d’une longévité peut-être pas anodine (où sont donc passés les « concurrents » qui promettaient de nous enterrer?), le RifRaf souffle aujourd’hui ses bougies. À nos collaborateurs passés et présents qui mouillent la chemise chaque mois, aux annonceurs et partenaires qui nous ont encouragés et soutenus, à tous nos lecteurs, les occasionnels comme les plus fervents fidèles, à nos vibrants détracteurs, nous souhaitons un tonitruant joyeux anniversaire. Beam me up, Scotty ! Fabrice Delmeire Rédacteur en chef

Lorsque Serge décide de prendre congé, il effectue une passation de pouvoir réussie avec Fabrice Delmeire, aussi effrayé par le néerlandais que je le suis par le français. Quelques années plus tard, les circonstances me bombardent responsable de la publicité pour les des deux éditions, ainsi qu’éditrice responsable. J’ai du écrire et répondre en français au téléphone... Encore quelques moments douloureux mais « je me débrouille ». A tous les compatriotes wallons qui supportent mon français chancelant et qui, lorsque c’est possible, choisissent de parler ou d’écrire en néerlandais : Merci! Le fait de défendre deux éditions/rédactions indépendantes pour un même titre de presse nous permet constamment d’apprendre combien nos deux communautés se connaissent peu, voire mal. Il est toujours étonnant de constater combien nous en savons peu les uns sur les autres. Pour nous, Flamands, la Wallonie demeure cette grande inconnue, et vice-versa. Il nous semble que la passion pour la musique a peutêtre patiemment et progressivement contribué à réduire l’écart entre nos deux communautés, unies par le partage sur le pont que constituent les nombreuses scènes du pays. Et j’espère que nous aurons un peu contribué à cela par l’intermédiaire du/des RifRaf. Parce que nous sommes fiers de l’identité et de la singularité belge du RifRaf ! Mieke Deisz Éditrice responsable


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Année 01

1994 Interviews (1994-2000)

La meilleure, celle qui me reste, c’est Femi Kuti. Ce n’est pas du tout mon domaine musical mais là, ce n’est clairement pas un vendeur de savonnettes, c’est un type qui a beaucoup de choses à dire sur le néo-colonialisme, l’Afrique, le pouvoir corrompu de son pays chaotique, sa légende de père… C’était totalement hors de ma zone de confort mais ça donnait davantage l’impression de faire du vrai journalisme que de la branlette geek de consommateur de musique. Les pires, c’étaient celles avec les mecs qui se la ramènent grave, les gros blaireaux prétentieux genre Les Claypool et son connard de batteur dans Primus, Dominique Dalcan (surnommé Fantômas par Mofo mais il croyait que ça venait de moi, haha) et Richie Hawtin (je ne suis cela dit pas du tout certain que je l’ai rencontré pour RifRaf, celui-là). (sc)

Première chronique CD (1994)

‘Lost in The Former West’ par The Fatima Mansions. Je n’ai aucun souvenir de ce disque. Son auteur non plus, sans doute. Je l’ai écrite d’abord à la main, puis à la machine à écrire électrique, avant de faxer le résultat final de chez mon libraire. C’était ça aussi, le vingtième siècle. (sc)

Première interview marquante (1994)

Hole. Courtney Love ne parlant qu’aux “gros médias” et interdisant à quiconque, PAR CONTRAT signé, d’évoquer Kurt Cobain, les flingues et les overdoses, on me refile entre les pattes Melissa Auf der Maur, la bassiste. Elle est rousse, elle est belle, elle sent bon, elle parle français, elle est rock and roll, elle est sans doute riche. On sympathise, sans plus, je ne suis pas Philippe Manoeuvre, non plus, hé… Elle a surtout trois ans de moins que moi et est déjà star. Carlo Di Antonio, le rédacteur en chef de l’époque (officiel, dans les faits, il branlait grave le mammouth), plus tard Ministre wallon de la Ruralité, en a par contre sept de plus. Quel beau panel de représentants de la Génération X que voilà! (sc)

1995 A Gogo (1995) Premières réunions de rédaction (1994/1995)

Collaborateur au magazine dans les années nonante et ayant intégré l’équipe depuis les tout débuts de l’aventure (putain 20 ans !), plusieurs souvenirs me reviennent à l’esprit. Tout d’abord ces premières réunions dans les bureaux d’UBU (agence artistique/promoteur de concerts) où l’on retrouvait assis autour d’une même table Carlo Di Antonio (créateur de l’édition francophone du magazine), Pierre Adam (actuellement attaché au cabinet de Fadila Lanaan), Jacques De Pierpont & Patchouli (Rock A Gogo), Boods (« cheville ouvrière » du rock en Hainaut), Luc Lorfèvre (Moustique),… L’équipe des débuts ! Plus tard, avec Serge Coosemans comme rédac-chef, plusieurs belles anecdotes seront à épingler, dont la plus agréable : celle concernant Jean-Luc Fonck. L’interview a lieu à son domicile. Je sonne… La porte s’ouvre… et d’emblée je suis « flashé » par le « pola » de Jean-Luc. « Lorsque que quelqu’un que je ne connais pas pénètre chez moi, je le prends en gros plan et j’accroche sa photo au mur. Comme je ne suis pas physionomiste ça m’aidera à le reconnaître la prochaine fois » me dit-il. Le ton est donné. On commence l’interview dans son salon et là, après seulement quelques minutes, il me rétorque : « Avec ce beau temps, t’as pas envie de boire un verre en terrasse pour faire l’interview ? ». Inutile de préciser que l’interview s’est terminée assez tardivement… Le tout agrémenté de divers fromages et de vin. Je n’ai pas su tout enregistrer sur mes deux cassettes audio de 90’ recto verso (on est dans les années nonante, je précise) et j’avais assez de matière pour remplir tout le magazine ! (ms)

Les catacombes sombres / apparition de la vierge layout (septembre 1994)

Je descends dans l’abdomen bouillonnant du quartier général RifRaf pour me retrouver assignée dans un coin poussiéreux sous les escaliers de la cave, sans lumière du jour. La machine à laver turbine à tout berzingue. Bientôt, une ombre se dessine dans la fumée opaque des cigarettes, puis part d’un éclat de rire - moitié Animal du Muppetshow, moité Zappa. C’est le père fondateur lui-même, Carlo Wauters, prêt à m’initier à la magie noire de l’ordinateur. J’observe, je tousse et j’apprends. Apparemment, le parfait nécessaire du graphic designer comprend un clavier bronzé par le tabac, une souris collante, un cendrier qui ressemble au mont Pinatubo et un regard détaché sur la vie. Je tousse encore une fois. Une araignée cachée dans le coin me fait un clin d’œil de compassion. Tout début est difficile... ‘Hey ho, let’s go’! (Miss P)

C’était un brin bordélique, les débuts du RifRaf francophone ! Le pire étant de se taper parfois des articles mal traduits du néerlandais – ou des coquilles d’impression hénaurmes, comme « Vervolg van p.6 »... Dans mon souvenir, ce RifRaf sudiste se bricole en opposition au journal Mofo qui se construisait une image assez provocante, souvent basée sur l’ironie et une réjouissante mauvaise foi (perso, j’adorais leurs vannes sarcastiques, même quand Rock à Gogo en était la cible). Farouchement soucieux de son indépendance critique, Mofo n’entendait pas « jouer collectif » - entendre par là : soutenir le bouillonnement rock en Wallonie qui se faisait jour et forcément en Wallonie, il y avait le Festival de Dour, suivez mon regard... Euh... Stop ! Autre discours, autre version : Mofo n’entendait pas servir la soupe à quiconque. Bref, je fus un chroniqueur très paresseux, me contentant le plus souvent de fournir un « hit parade » alternatif nommé « Les Favoris de Rock à Gogo par Jacques de Pierpont », composé des quinze albums considérés comme les plus passionnants du mois (et vu le rythme effréné des nouveautés de qualité d’alors, aucune de ces plaques ne se retrouvait dans le classement du mois suivant). Quelques « favoris » dans le n° 1 en février 1995 : Dominic Sonic (‘Les leurres’), Offspring (‘Smash’), The Nomads (‘Powerstrip’), La Muerte (‘Raw’), Kyuss (‘Sky Valley’) mais aussi le soundtrack du film ‘The Crow’ et le coffret ‘Thirty Years of R&B’ consacré à The Who. Patchouli faisait pareil avec « Metal à Gogo ». En fait, rétrospectivement, le RifRaf francophone a repris le flambeau de l’historique Rock This Town (qui lui-même avait succédé à l’aventure More / En Attendant). Mais il y a une différence de taille : RifRaf est demeuré gratuit tout du long! Au bout du compte, à l’heure d’Internet, c’était ce qu’il fallait faire ! (Ponpon)


19 Année 02

1996

Furioso (1995)

J’ai genre 34 heures d’ancienneté dans la boîte, et voilà que peu avant le deadline mensuel, Pierre Adam annonce qu’il arrête ses éditos et on a donc dans la maquette un tout beau trou. Les Flamands, ils me disent : « vas-y, écris quelquechose, c’est pour ça qu’on te paye peu et en retard; gérer les urgences, rebondir, innover, miraculer. » Je flippe, je sue, je m’assieds sur mon sentiment d’imposture et en sort finalement un papier qui fait un peu de bruit parce qu’il chicane la stature de sauveurs du rock belge de dEUS; groupe à mon sens pas mal mais plutôt banal. Mine de rien, je viens de me trouver là une vocation : être un troll. 20 ans plus tard, c’est toujours le cas. (sc)

Ministry (1996)

Pukkelpop, Let the games begin (août 1995)

Chaque année, le RifRaf recueille des centaines de cd’s, genre schlagers chiants et autres groupes poppunk amateurs. Heureusement, chez RR, nous avons toujours été prompts au recyclage. Notamment lors du Pukkelpop où nous tenons un stand d’info et promotion. Plein de gens, plus ivres que sains, forment donc une file d’attente géante afin de glaner leur cadeau empoisonné! Mais on n’a rien pour rien ! Cette année, les groupes on stage ne sont « pas tous passionnants », la bière dans le gobelet plastique déjà chaude, les saucisses froides et nous sommes gagnés par l’ennui. Aussi, pour gagner une tranche de muzak, il faudra participer à nos jeux improvisés. Sans hésiter une seconde, la jeunesse mange de l’herbe ‘fraîchement’ récoltée derrière les toilettes du festival, boit du jus d’ananas chaud dans un préservatif ou se fait shooter le cul. Et voilà ! Après ce moment de fierté et bravoure, le cd superchiant est amplement mérité! Du jamais vu, ni entendu! (Miss P)

Björk et la groupie de Chris De Burgh (printemps 95)

Printemps 95. Je suis invité à ma première réunion de rédaction pour RifRaf. Faute de bureau, on se retrouve dans un café de la rue de Flandres, à Bruxelles. Un vieux café. Un café de vieux. Carlo Di Antonio, qui fait office de rédacteur en chef de l’édition francophone est venu avec une caisse remplie de CD et les distribue comme le Père Noël (est un rockeur). Comme j’arrive en retard, j’ai droit au fond de la caisse: un nouvel album studio de Chris De Burgh et un live d’un groupe de surf hollandais. Ça commence bien. Je propose une interview de Björk que je viens de rencontrer à Paris pour son album ‘Post’. Un mec dans l’assemblée fait la moue: « Pfff, Björk, c’est du mainstream! » Ma chronique de Chris De Burgh ne sera jamais publiée. Mon interview de Björk fera la cover... et la nique à l’ennemi juré d’alors, Mofo. Il y avait plein de thunes alors dans le secteur de la presse. Carlo m’a remis un chèque de 100.000 francs belges, il m’a donné un backstage pass à vie pour le Dour Festival et Chris De Burgh, pas fâché, m’a refilé une de ses groupies. Oui, une autre époque. (ll)

Première couverture : De Puta Madre (1995)

Dans mon souvenir, Pierre Adam et Carlo Di Antonio voulaient mettre en couverture une vieille couillonnade britpop. Cast, je crois. Les Flamands penchaient plutôt pour De Puta Madre et comme c’est la première fois où j’avais quelque-chose à dire dans cette rédaction, j’ai tranché. Le truc, c’est qu’à l’époque, je ne connaissais pas du tout le groupe et comme il n’y avait plus d’exemplaire de l’album au bureau, je n’ai pas pu l’écouter. En fait, je n’ai découvert ce disque que 10 ans plus tard. Ce n’est pas un secret : les débuts de RifRaf, c’était totalement à l’arrache, complètement brouillon. Ça avait son charme, je trouve. En plus, qui se souvient de Cast? (sc)

RifRaf... Déjà que le morceau d’AC/DC prend 2 fuckin’ f en plus... N’empêche, un anniv’, cela se fête et se salue à sa juste valeur R’N’R’, happy fückin’ birthday mötherfuckers! Tenancier fidèle du top 10 «Metal A Gogo» depuis les débuts du zine en version papier (pas glacé), gratuit (en français dans le texte), j’accepte le challenge bénévole (cc l’orbem) de scribouillarder un chti mot doux. 1000 signes max’, un majeur fièrement dressé comptant pour plus d’un signe... Faudra s’accrocher. Dour 96, RifRaf en langue de Voltaire existe «aussi». «Aussi» parce que l’édition in ‘t vlaams et que Mofo. Rifraf et Mofo, deux exemplaires exemples de la presse rock francophone que je pesais soigneusement chez mon disquaire afin de déterminer celui qui offrait le meilleur rapport qualitéprix... Merci Desproges pour le tuyau. Dour 96 donc, c’est dimanche : Bio’, Dog eat Dog, H-Blockx, Iggy, Terrorvision, DV8, Pitch Shifter, Dub War, Young Gods et beaucoup d’autres sont passés et Maître Al Jourgensen orchestre l’avalanche sonore qui démontre la franche inutilité du concert programmé le lendemain, celui d’une vedette yeah-yé sans devenir crédible. La sono se tait (ou presque), les bars se ferment, les tracteurs-cleanisateurs se ruent sur les déchets avec entrain. Pendant ce temps, la meute rejoint le dernier enclos où sont parqués les touristes d’un soir et les ivrognes heureux possesseurs de jetons-boisson-sans-faire-la-file. Beaucoup sont là pour fêter dignement la fin des hostilités potdam’ned’rock. Une véritable brocante écolo à ciel ouvert permet à tout un chacun de réaliser d’étranges trocs’n’roll : Et vas-y que je t’échange les langes usagés de mère-grand contre un reste de chili à poils de mercredi passé... Mercredi, ce jour où tout bon festivalier savait pertinemment que la prestation d’un clown triste permettrait de se soulager des détritus accumulés pour sa fête à lui, le playboy de bidet. Il est venu dans son hobbit de lumière. Il a vu. Il a vaincu une boîte de tomates pelées ouverte ou rouge, les versions divergent, il a tenu 23,5 secondes sur scène et en play-back et hé hé... Backstage, l’ambiance semble lourde (mmmh...), pesante comme l’intérieur d’un 105 bonnet E. Le manager du Juve lui dit: « Bon, Patrick, on y va, finis ton choco... » Ce qui fut fait...Encore un choco? (Patchouli)


20 Pukkelpop, The saga continues (août 1996)

Deuxième année pour notre masterplan en vue du recyclage des cd’s au Pukkelpop. Cette-fois-ci, pas d’improvisation : on s’est vachement bien préparé, le match sera joué dur ! Mais les Pukkelpoppers sont prêts à tout. Alors nous leur collons des grillons géants sur la tête (sponsored by Superglue), on leur rase le pubis pour confectionner une moustache de toute beauté, on leur fait bouffer des saucisses Zwan au chocolat... sans assiette évidemment mais bien dans le cul d’une poupée gonflable. Bon appétit! Et pour les allergiques au Nutella, il y a toujours les estomacs de poulets crus à déguster, bien marinés au jus aigre. Amusant... mais il fait plus de 30°C et on flirte quand même avec l’intoxication alimentaire. Nous assistons à des scènes de vomissements dignes de ‘The Exorcist’ et nous craignons une arrestation ! Eh bien, des abats bruts, it ain’t no kosher shit! But who cares ? La foire aux cds rencontre à nouveau un formidable succès. (Miss P)

Année 03

30 millions d’amis (1996-1997)

A Londres, je passe une trentaine d’heures avec deux célèbres journalistes de la presse quotidienne et ils ne m’adressent pour ainsi dire pas une seule fois la parole. Au resto, c’est ridicule : le type de la DH demande à l’attachée de presse de me demander de lui passer le sel alors que je suis assis juste devant lui. Je comprendrai plus tard que RifRaf gêne et suscite d’impitoyables jalousies et ressentiments. Du pet sur ma toile cirée. Le troll s’assume. (sc)

Le jardin des délices (1997-2007)

20 ans ! Sac à papier ! Ça fait déjà un sacré bail ! Ce qui est bien avec l’âge, c’est qu’on peut se mettre à radoter sous les regards bienveillants de l’assistance... (pensez aux fêtes de Noël où votre grand oncle sucre allègrement les fraises devant un parterre mi-amusé, mi-abruti par la vinasse). Quand je me remémore mes années de plumitif à RifRaf (de 1997 à 2007), je repense avant tout à la lumière, celle du soleil qui baignait le jardin du rédac’chef où, à l’ombre du lilas géant et assis sur des chaises en plastique, nous attendions impatients les piles de cédés que le maître des lieux nous avait amoureusement préparées. S’ensuivaient vannes et ricanements en découvrant les productions ineptes et saugrenues que les maisons de disque avaient eu l’idée de diffuser dans le vaste monde. Aaah, le temps béni des excursions dominicales pour assister à la distribution des galettes, toute une époque ! (jfh)

Destroy your myths by meeting them (1996)

In Bed with Magnapop (1996)

Pour l’interview de Beck, encore heureux que le rédacteur néerlandophone avait assez de matière pour qu’on puisse traduire son texte… Car avec la mienne, il y avait juste de quoi écrire deux lignes… Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé... mais avec des réponses se terminant en moyenne par trois mots à la limite du compréhensible, on ne sait guère faire plus. Faut dire que nous avions sorti le garçon de son lit, qu’il était 9h du mat, et que son concert avait eu lieu la veille. De quoi mettre l’intéressé de fort «bonne» humeur… refusant par la même occasion les clichés dans le jardin de l’hôtel, sous un soleil radieux, par le photographe de la rédaction. Une par contre qui y est restée au lit, c’est Linda Hopper du groupe US Magnapop. Lors de mon arrivée à l’hôtel, l’attachée de presse me signale que la chanteuse est alitée mais qu’elle veut bien me consacrer quelques minutes d’interview… Ce qui fut donc fait… assis à ses côtés dans son lit ! Plus cocasse : pour l’interview de James Hall au « Sud » (pour ceux qui ont connu ce lieu mythique du centre de Bruxelles), légèrement stressé, je fais tomber mon enregistreur avec ses piles par terre. Nous avons terminé à quatre pattes avec l’intéressé et des bougies, tentant sans grand succès de retrouver les batteries de l’appareil. Plus sérieusement, pour le Sud et le Magasin 4, nous avions soutenu une action dans le magazine dénonçant les fermetures arbitraires de ces lieux de diffusion alternatifs que voulait François-Xavier De Donnéa, bourgmestre de Bruxelles-Ville à l’époque… (ms)

L’une des choses les plus excitantes dans la vie de chroniqueur musical, c’est le moment où l’on a l’occasion de rencontrer LE groupe ayant bercé notre jeunesse, celui pour lequel on a une admiration certaine. C’est ce qui se passa, en 1996, lors de l’interview de Noir Désir au Radisson Hotel. C’est telle une midinette, le cœur battant, les mains moites, trop impressionnée et la voix un peu tremblante que je rencontrais donc le groupe au grand complet. Accompagnée de notre photographe maison (odb) et disposant de quarante petites minutes, la rencontre reste sans doute le plus grand souvenir de mon passage à la rédaction de RifRaf. Ce ne fut pas l’interview du siècle, mais elle permit, comme l’écrivaient Darc et Pritchard sur la pochette de leur album, de détruire le mythe en le rencontrant. (zm)

1997 Concon-Circuit (1997)

- « Et si ce gros naze a gagné, me hurle dessus un couple en fureur en me désignant Sharko, encore appelé Nose Kitchen en ce soir de palmarès du premier ConcoursCircuit, c’est parce que des mecs comme toi qui écrivent sur la techno n’y connaissent rien au rock! C’est scandaleux! C’est un concours rock, pas un spectacle pour enfants! Tu trouves sans doute ça très marrant de dénaturer le rock en votant pour un con pareil, avant de retourner écouter ton boum boum de crétins, hein. » Ils me tiennent la jambe une bonne demi-heure. Je ne leur dis pas que je suis probablement le seul du jury à ne pas avoir voté pour Nose Kitchen, que j’ai trouvé absolument abominable. Et que j’aurais personnellement bien vu glorifiés à échelle de la fédération Wallonie-Bruxelles les Purple Hands. Avant de retourner écouter Ken Ishii. (sc)

A 100 à l’heure sur les boulevards (1997)

Zézé Mago venait de sortir son premier album (‘NoSex’) et V2, sa maison de disques, conviait les journalistes à une conférence de presse et un concert privé dans ses locaux à Paris. So exciting! Aller-retour prévu dans la journée, ou plutôt dans la soirée. Le souvenir du concert et de ce qui a bien pu se passer lors de cette réception parisienne est nébuleux. Ce dont je me rappelle très bien par contre, c’est le retour: 1h34 top chrono, dans une grosse berline, soit le Paris-Bruxelles le plus rapide, mais aussi le plus stressant de toute ma vie. L’esprit sans doute embrumé par les quelques verres parisiens, j’ai en effet passé tout le trajet à me dire que j’allais mourir, et, dans un grand moment de délire paranoïaque, j’imaginais déjà les gros titres des journaux: «À cent à l’heure sur les boulevards, terrible accident de voiture: une chroniqueuse de RifRaf décède sur le coup.» Ne jamais monter avec des inconnus. (zm)


21 Année 04

Happy Birthday Guy-Man (1997)

Cafétéria du Botanique. J’ai devant moi Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, je m’apprête à leur poser ma première question quand soudainement, mon collègue flamand Bart Cabanier se met à chanter avec sa grosse voix et un accent prononcé « bon anniversaire » à Guy-Man. Sur la bio fournie par Virgin, très ‘Salut Les Copains’, sont en effet notées les dates de naissance des 2 Daft Punk et il se fait donc qu’aujourd’hui, le 8 février, Guy-Man a 23 ans. La petite chanson ne les décrispe pas du tout et comme ensuite, on se fout assez bien de leurs tronches (se prétendant pourtant fans absolus de Ween, ils sont incapables de citer un seul titre d’album, par exemple), l’entretien devient en fait assez tendu. Le clou pour la fin : ma copine me désigne Bangalter dans le couloir et me demande « C’est quand même pas ce con là, Daft Punk? On dirait mon petit frère! » assez haut pour être entendue. Au fond, peut-être que les casques, c’est de notre faute. (sc)

A pied d’œuvre et de grue (1997)

Après m’avoir testé avec quelques cds improbables (du Black Crowes et du Pete Droge And The Sinners sous haute influence Tom Petty - c’est très très dur de faire carrière dans le rock), (sc) se décide à me mandater pour une première interview. Soit les cathédrales pop-rock gothiques distillées depuis Portsmouth par The Cranes. Connaissant le dossier, je m’estime en veine bien que, faisant le pied de grue devant l’hôtel, je demeure tétanisé par un niveau d’élocution en anglais dont je connais les sommets gentiment déplorables. Aussi je m’excuse d’entrée de jeu pour faire passer une maladresse avérée. Coup de pot, Jim et Alison Shaw sont absolument charmants. Languissamment allongés sur le lit, le frère et la sœur parviennent rapidement à me mettre à l’aise et la conversation va bon train. De bons rails pour s’engager cahin-caha sur les voies expresses des interviews RifRafiennes. (fd)

1998

A few good men (1998)

Ma (première) rencontre avec Calexico reste un souvenir très sympatoche. L’interview était seulement censée durer une demi-heure mais on a finalement causé près de trois heures et de choses de moins en moins publiables. Un moment, ma copine parlait même de pulls et de tricots avec la compagne de Joey Burns! L’attaché de presse s’était barré acheter des clopes, je ne sais plus trop ce qui lui est arrivé, mais il n’est revenu que trois heures plus tard et comme il n’y avait aucun autre média prévu ce jour là pour rencontrer le groupe, cela n’a gêné personne que l’on traînasse. Sauf le serveur, qui a vu s’accumuler une note qu’aucun d’entre nous n’était censé payé. Je suppose que si l’attaché de presse était mort entre-temps, on aurait tous fini par faire la vaisselle. (sc)

It’s a mad house! (1998)

Ce qui me rassure, c’est que je n’étais pas le plus taré et ingérable du lot. Ce n’est pas moi qui ait envoyé paître les attachées de presse quand elle m’ont annoncé que je n’avais que 10 ou 20 minutes d’interview avec le Wu Tang Clan, avant de m’enfermer dans la chambre d’hôtel avec le groupe pour n’en ressortir que deux heures plus tard et… ne jamais en tirer quoi que ce soit, sinon une cassette à faire tourner parmi les potes. Ce n’est pas non plus moi qui, après une charrette d’interviews formidables avec la crème de l’indie américaine, a été démasqué par Mark Hollis comme ne comprenant pas un traître mot d’anglais. Autrement dit, on a peut-être publié une vingtaine d’interviews, certaines de premier plan, complètement bidon. Ou alors, ce rédacteur avait vraiment un ami bilingue qui traduisait et écrivait les questions à répéter phonétiquement durant l’entretien pour ensuite traduire l’enregistrement, avant l’étape de réécriture. Dans ce cas, on avait donc un collaborateur bénévole qui aurait usé d’un “nègre littéraire”. Totalement wtf ! (sc)


22

1999

Année 05 Tout avait pourtant si bien commencé (1) (printemps 99)

Tandis que je parcours la section post punk d’une boutique de vinyles de la capitale, je suis abordé par un client. Il a la trentaine et entame la conversation sur le mode du gars qui a connu tout cela ‘en vrai’. L’homme ne se la joue pas, c’est juste un passionné de musique qui a envie de partager ses souvenirs avec un petit jeune. Le courant passe bien et on se lance dans une discussion animée. Alors que je suis sur le point de partir, l’individu me dit que ce serait sympa de se revoir et me file son numéro. C’est alors que je remarque sur le comptoir une pile de RifRaf (dont j’avais déjà une copie) ainsi qu’une autre de Mofo, dont je prends un exemplaire. La scène ravit l’homme qui me lâche : « Décidément, tu as vraiment bon goût. Non seulement tu aimes le post punk, mais en plus, tu prends un Mofo plutôt que cette merde de RifRaf ! ». Je ne l’ai jamais rappelé. (pf)

Fearteam (1999)

J’ai vingt ans et plus toutes mes dents. (fd) m’engage pour participer à la rédaction des chroniques de la défunte rubrique « Fearteam » – aka everything métal et hard-rock. Ses instructions sont les suivantes : « Alors, coco, RifRaf est un journal pop-rock – c’est-à-dire qu’on n’en a rien à foutre du métal. Donc, tu comprends, tu fais cours, tu fais drôle, et, surtout, tu fais chier. Capito ? » J’ai capito, j’ai fait court et j’ai fait chier. Résultat ? Dix ans de chroniques et dix ans de lettres d’insultes de fans de métal et de distributeurs de disques – mais une déclaration d’amour signée Dominique A dans la revue de la FNAC. Allez comprendre. (lds)

Juste une mise aux poings (mars 1999)

K-2000 (1999)

Pour négocier la transition, j’accompagne notre chef vénéré Coosemans dans les bureaux de la rédaction anversoise, où nous réalisons ensemble le numéro 49 (avril 99, Howie B en cover, mwouais, bof). Je découvre alors que le canard possède pour tout trésor de guerre un ghetto-blaster à se partager avec Filip, rédac’ chef du RifRaf nl, lorsque celui-ci arrête d’écouter du rock qui fait pousser les cheveux et nous abandonne l’objet dix minutes, ainsi que quatre PCs à écran bleu qu’on actionne en pédalant sous le bureau. L’équipe se compose de Carlo Wauters (créateur de la maquette originale, hilare et hirsute, jouant à des jeux vidéos sommaires en fumant deux paquets de cigarette/heure), Mieke et Ina en gardiennes du temple (administration, pub, logistique,...) et last but not least Miss P (Betty Boop gothic, sexy et réservée) à la mise en page. Parmi la découverte de l’envers du décor, la surprise de voir comment sont confectionnées les piles des rédacteurs : (sc) plonge la main dans le bac à malices, examine la pochette, lâche une vanne puis dépose l’objet sur la pile de sa petite victime. Fin de journée, dans son meilleur flamand roulé à à la main sous les aisselles, le Coz’ me chambre, c’est de bonne guerre, devant la communauté. N’y entravant que dalle et aussi susceptible qu’une poupée slovaque lors de son premier gang-bang, je plante le Coz’ devant le bunker et démarre en trombe au volant de ma Subaru Impreza (en fait, c’était peutêtre une Nissan Micra). (fd)

Sous les giboulées de mars, un numéro ‘Remué’. Bien que rencontré précédemment dans le cadre d’un fanzine réalisé pour l’émission Perfecto (Radio 2) ou durant le cursus étudiant, les retrouvailles avec Dominique A, contre toute attente, dérapent rapido et tournent à l’aigre. Sorte de clash dont les médias 2.0 font aujourd’hui leur miel Dominique sert tellement fort son verre que je m’attends à le voir éclater à tout instant - cet entretien me laissera patauger durablement avec l’impression d’un profond malentendu. Je souhaitais questionner comment le Nantais avait négocié le virage d’’Avant L’enfer’, comment il avait gravi les lacets de la gravité, j’ai vu le Bruxellois d’adoption se braquer dès l’emploi du qualificatif ‘sombre’, qu’on avait du lui sortir, pour le coup, une fois de trop. A fortiori lorsque, Tintin fraîchement sorti de la fac de journalisme, je défendais mon droit de suite tel Milou son os. « JE DIS SIMPLEMENT que ton interview ne va pas être intéressante ! » Résultat des courses, je sors lessivé, ne parviens plus à écouter ‘Remué’, ce putain de disques, durant dix ans. Et Dominique de me décerner les lauriers de « pire interview de sa vie ». Hip hip hip ! Coosemans, hilare, décide d’en faire sa couv’ et me remets les clés du camion dans la foulée. Plusieurs Ané ont passé, je pousse les disques en loucedé dans un bar lorsque Dominique débarque en fin de soirée avec quelques amis pour se rincer le gosier. Il découvre au passage sa tronche en cover pour ‘La Musique’, roule son RifRaf en boule et me file des coups de matraque en rigolant. Dans le théâtre de Guignol, les coups de bâton ou de tavelle interviennent lorsque l’ironie ou l’astuce ne suffisent plus. Il semble que l’usage puisse englober une pantomime pour enterrer la hache de guerre. Remués. (fd)

Le petit oiseau va sortir (1999)

Un chevelu sorti du 75 nous propose de tirer le portrait de nos amies les vedettes en interviews comme sur scène. On le soupçonne aussi de vouloir gratter quelques places de concerts mais c’est de bon aloi. Quelques semaines et clichés plus tard, visitant son antre, on le retrouve sous haut régime d’opium (sic), vivant en peignoir avec un pigeon (re-sic) et un colocataire baptisé Biquette. D’allure plutôt affable, il nous menace tout de même de devenir méchant si on ne lui donne pas rapidement le numéro de téléphone privé de Bob Dylan (wtf). Depuis, on n’engage plus de photographe au RifRaf. Merci, vous êtes gentils. (fd)

J’ai vu Tom Jones en vrai (1999)

Londres, 1999. Dans l’Eurostar, le jeune journaliste que j’étais partage le wagon avec les quelques noms confirmés du petit monde de la presse musicale belge. EMI nous invite à la conférence de presse de Mr Jones. Celui-là même qui, non sans aplomb, vient de jouer son propre rôle dans ‘Mars Attacks’, est en train de réussir un improbable retour public. La séance est savamment orchestrée : dans la salle de presse où ont convergé une trentaine de journalistes venus de l’Europe entière, on diffuse ‘Reload’ en fond sonore, le nouvel album que personne n’a encore eu le droit d’écouter. Une secrétaire sévère vient donner les consignes: pas de photos, pas de questions sur le passé, etc. Et quelques instants plus tard, franchissant la porte, surgit Tom Jones. Bravant un interdit de pacotille, des éclats de flash en rafale consacrent l’idole. Les questions sont sans intérêt, les réponses pleines d’humour et de classe. ‘Sex Bomb’ se classe en tête des hit-parades. (sca)


2000

23 Année 06

Année 07

2001

Time Tunnel (2000)

Nos confrères espiègles et distraits du Mofo (faux frères ennemis du mensuel Rock & Rosse à la parution de plus en plus épisodique) nous demandent de vous informer que leur numéro de février de l’année dernière (avec son agenda spécial festival de 98 et résumé des épisodes précédents) sera disponible dès la fin des grandes vacances. Bon, bah, RIP Mofo et ça, c’est pas rigolo. Nous sommes en l’an 2000, nom de Zeus ! Et vous nous envoyez des cartes postales pour gagner des tshirts Junkie XL, des vidéos de Slipknot et des tire-bouchons Anthrax. Non mais, sérieux ! On croise John Cunningham à La Glacière, Venus au resto, High Llamas au bistrot et même Helmut Loti au détour d’un couloir chez Universal, qui nous claque la bise parce que c’est un garçon poli. Côté musique, on sautille au son de la pop ensoleillée des Papas Fritas (ou comment l’intelligence mène à l’idiotie et vice versa), on épile les précieux sourcils de Perry Blake, on découvre Yo La Tengo fan des Simpsons et on fait des guilis-guilis à Jim O’Rourke en déclarant ce type d’utilité publique : Eureka ! (fd)

Madeleine de prouts

Ça c’est Palace ! (début 2000)

Ce n’est pas à la musique que j’ai d’abord pensé mais à ces grands hôtels bruxellois dans lesquels je n’aurais jamais imaginé mettre un pied. Pour interviewer Moby, dans une impressionnante suite du Conrad, plantée au milieu de trois confrères à la langue pendante devant l’artiste, à un point que c’en était même indécent. Ou pour rencontrer la troupe de Maharaja qui préparait son retour au Rajhastan, en Inde, depuis l’hôtel Bedford, à côté du Botanique. On devait être quelque part au début des années 2000. C’était le souk, dans cette grande chambre qui, du coup, paraissait étroite vu le peuple qui y défilait. Il y avait des vêtements, des valises et des gens partout. Je posais mes questions à l’un des musiciens, affalé sur le lit (lui, pas moi). Les autres allaient et venaient à travers une épaisse fumée d’encens. Et dans ce bazar, un danseur, planté au pied du lit, repassait, impassible, un costume de scène cousu d’or et de paillettes. (ldi)

Jusqu’au début des années 2000, on parvenait à faire entrer jusqu’à 15 interviews par numéro ; au chaussepied, d’accord, mais tout de même ! Certes, notre imprimeur nous livrait parfois des numéros dont un bout de page avait sauté à la découpeuse pour la beauté du geste. Faut dire qu’à l’époque, tout le monde était au taquet : y avait pas internet, fallait veiller à envoyer sa disquette dans les temps, on était content de sortir de sa cambuse pour tailler le bout de gras avec Yo La Tengo, offrir des talonnettes dédicacées Rudy Leonet à Jérôme Minière, jouer à Ni oui ni non avec Clarika (qui perdait tout le temps), scruter une étincelle derrière les RayBan des Mercury Rev, rire aux blagues de Divine Comedy voire savourer une madeleine de prouts avec Lisa Gerard (Dead Can Dance) qui, venant d’accoucher et, se prenant pour la reine mère, n’entendait pas parler d’autre chose... Et puis, si on publiait le canard sur du papier journal qui tache les doigts, on avait 40 pages de moyenne... Confort non négligeable dont nous avons du apprendre à nous passer car, c’est la crise, ma bonne dame, LA CRISE ! (fd)

« T’en veux ? » (décembre 2000)

Rester vivant (2000)

« Tout arrive, tout est là et tout est phénomène ». Écrire pour RifRaf, c’est aussi épouser quelques rêves de midinette. Quand Frank Black, ex-frontman des Pixies, papotant dans sa suite entre deux croissants, fait montre d’un zèle princier et propose de jouer un ou deux titres à la guitare sèche, les minutes sont boulottées avec gourmandise. Quand il s’agit d’aborder Michel Houellebecq, Olibrius occiseur d’innocents alors en pleine bourre (il s’est exilé en Irlande après le ramdam ‘Les Particules Élémentaires’), acoquiné le temps d’un disque délectable avec Burgalat et l’AS Dragon (également remontés comme des coucous), on ne se fait pas prier pour discuter 45 minutes avec le zigue ; fûtce au téléphone. Et de volontiers jouer les groupies de cent sonnets tandis qu’un Michel peut en cacher un autre. Des années plus tard, il nous en reste des fragments de conversation funambule, un laconisme pétrifiant le réel entre deux plages de silence, où Houellebecq parle doucement en des phylactères qui emplissent l’espace avant que leur auteur ne tressaille hors du rêve de la conversation, comme épouvanté : « Houlà ! Un train !... un gros bruit de train ! » Et de raccrocher. Fin du chapitre. « Depuis presque vingt ans, dans l’ensemble, je ne suis pas au courant de ce qui se fait » (fd)

1er décembre 2000. Botanique. Black Heart Procession vient de terminer son concert à l’Orangerie. Pall A Jenkins rentre dans sa loge. S’essuie longuement le front. Boit une gorgée de bière. Et nous invite à nous asseoir, pour détailler le nouvel album de son groupe, ‘Three’. À la fois imposant et amical, l’ancien Three Mile Pilot s’interrompt alors. « Laisse-moi une minute, veux-tu », demande-t-il. Le temps de se rouler un joint, peinard. Et comme c’est un garçon poli et bien éduqué, il en a proposé. « T’en veux ? » (jg)

Le grand air de la Bretagne (décembre 2000)

Samedi 2 décembre 2000. Un distributeur bruxellois avait eu l’étonnante idée d’emmener une petite troupe de scribouillards belges à la découverte de ses poulains se produisant aux Transmusicales de Rennes. Nous voici donc boutonneux et bavant entassés dans une camionnette VW alors que le brinquebalant véhicule fend l’air en direction de la Bretagne. L’âge n’aidant pas, le brouillard des souvenirs s’épaissit : il me semble cependant avoir vu David Holmes enchaîner d’obscurs titres de Northern Soul dans une salle gigantesque devant une foule avinée et gesticulante. A la fin de la nuit et après avoir interviewé la crème de la scène hip hop de l’époque (TTC, Anti Pop Consortium et les Nextmen), il nous fallu reprendre la route. Voyant que notre chauffeur/ attaché de presse piquait du nez à l’approche du périphérique parisien, un des apprentis reporters dut reprendre le volant... Serrer la pince de Teki Latex et de Cuizinier justifiait bien le risque de terminer en bouillie sur la rambarde de la francilienne, non ? (jfh)

« On est à la radio ! » (janvier 2001) 7 janvier 2001. Cafétéria du Botanique. Rencontre avec Bauer, le duo hollandais qui vient de sortir ‘Can’t Stop Singing’, petit régal de pop sucrée. Berend Dubbe et Sonja Van Hamel assurent la promo, sur un ton sympathique, quand, soudain, ils s’interrompent tous les deux, écarquillent les yeux et s’exclament : « ils passent la chanson à la radio ! » Leur tube ‘Masterminds’ est en effet diffusé sur les haut-parleurs de la cafette, qui sont connectés à ce qui devait être à l’époque Radio 21. Le duo se tape dans la main et s’emballe, oubliant l’interview. Tout ce qui les intéresse, c’est de savoir la portée de cette chaîne. « C’est extraordinaire pour nous car, aux Pays-Bas, ce serait impossible d’avoir une de nos chansons diffusée comme ça sur une grande radio ». (jg)


24

Année 08

Une tartine avec les Kings of Convenience (janvier 2001)

Il fut un temps où le journalisme musical d’investigation était un métier risqué. Vouloir à tout prix parler des groupes intéressants (et donc pas forcément de ceux qu’ont décidé de mettre en avant les maisons de disques) relevait parfois de l’exploit. Quand l’entretien était fixé, il fallait encore que cela se fasse dans de bonnes conditions. Mais si vous aviez le culot de demander une photo de presse ou de vouloir faire une couverture, alors là ça pouvait carrément devenir périlleux. C’est dans ces circonstances que faillit mal tourner un pique-nique avec les Kings of Convenience. Avec les talentueux norvégiens, mon rédac chef (fd) et moi, nous devisions intensément de leur premier album. Les 20 minutes imparties touchant à leur fin, l’attaché de presse entre en trombe dans la pièce et s’impatiente de voir l’interview se prolonger. Nouveau délai de 5 minutes malgré l’invitation des artistes à rester partager le déjeuner. Nouvelle entrée fracassante de l’attaché de presse qui, sans autre semonce, sort du frigo les victuailles et les balance à nos têtes ébahies. Nous avons fait nos tartines et continué en mangeant. (sca)

11 septembre (2001)

Printemps 2001 : sous pseudo, parti par la porte, rentré par la fenêtre, je fais le malin, je fais l’oiseau de mauvaise augure et j’écris que ‘10 000 HZ Legend’ de Air est la bande sonore parfaite pour savourer l’Apocalypse ou un truc du genre. Le 11 septembre de la même année, le groupe joue aux Halles de Schaerbeek dans une ambiance forcément de merde. Dans la salle, on distingue très bien qui a déjà vu les images à la télé et se demande comment tout cela va tourner et qui est venu direct du bureau et lâche des vannes sur les Américains qui le méritent bien et l’amour des Arabes pour les couteaux quand il y a bagarre. On a depuis compris que ce n’était pas l’Apocalypse, juste la fin d’un monde. Celui de la musique molle des nineties, de Beck superstar et de l’adjectif “lynchéen” pour qualifier un truc à la fois stylé et glauque. (sc)

2002 Le réseautage (2002) Poubelle (2001)

La copie digitale commence à se répandre et les firmes de disques prennent peur. Du coup, elles inventent la promo collective – tous les journalistes dans une même pièce, assis à écouter une nouveauté et à prendre les notes qui serviront de base à leur papier. Cette fois-là, c’est le tour de Garbage (vous savez : la plus mauvaise James Bond song de tous les temps). Le groupe répond mollement aux questions de l’intarissable abruti envoyé par Télé-Moustique, et puis on passe la plaque. Je pars avant la fin de la première écoute, écœuré par la paranoïa des uns, l’arrivisme des autres et la nullité de la musique. Aujourd’hui, Garbage a accompli son destin : ses disques ne se trouvent plus que dans les poubelles. (lds)

En 2002, j’avais été le premier à défendre mon pote Jérôme Mardaga : son premier album sous le nom de Jeronimo, ‘Un Monde Sans Moi’, était en prise sur nos vies de tout récents trentenaires, tant pour les paroles que pour la musique, et ce disque était une bombe rock dans le paysage rock francophone. Trois ans plus tard, Jérôme perdit un peu de sa verve pour le plus réfléchi ‘12h33’, laissant la rédaction dubitative. C’est là que la maison de disques de Jeronimo l’a incité à me relancer : il est venu une heure chez moi pour défendre son disque, me mettant mal à l’aise et ne parvenant guère à me convaincre. J’avais ensuite mis son album parmi mes favoris de l’année juste pour emmerder Delmeire, mais sans nulle conviction. Depuis, Jérôme s’est un peu perdu musicalement et écrit (mal) des chroniques pour le supplément ‘Weekend’ du ‘Vif’. Je regrette l’époque où il était un outsider cherchant sa voie et sa voix, et parvenait à l’exprimer sur un des rares disques rock francophones que je peux encore écouter sans éclater de rire. (ds)

Une chorale au sauna avec Morning Star (mars 2002)

Botanique, Hotel Mercure, mars 2002. Depuis des semaines, tourne sur la platine ‘My Place In the Dust’, une perle inusable, une épure de génie. J’en étais fébrile à l’idée d’en rencontrer l’auteur. Décontracté, Jessie Vernon débarque. Après une heure d’interview, les musiciens regagnent leur chambre d’hôtel avant le concert du soir. J’ère dans les couloirs du Botanique avant de recroiser l’anglais qui, me voyant désœuvré, m’invite à rejoindre sa chambre d’hôtel avec son band. Là, c’est comme en 68 ; j’adore ça. Si bien que rapidement ils décident de descendre essayer le sauna de l’hôtel. Benoît Rault (Ben’s Symphonic Orchestra) est de la partie. A ce moment, Jessie entonne des chants et dirige sa chorale. C’était la première fois que j’entendais cela. Et je ne savais pas encore que pendant nos longues années d’amitié, j’en entendrai encore de nombreuses autres. (sca)


25 Année 10 Année 09

Brève de comptoir

La vie de chroniqueur à RifRaf, vous voulez savoir ? Accrochez-vous à l’intégrale Bernard Ménez, ça va dézinguer. Chaque début de mois, c’est parti pour un dispatch dans un bar chelou, un lieu tellement secret que même la NSA n’a pas réussi à l’identifier. Entre bière blanche frelatée, cahouètes ramollies et blagues douteuses sur la prog’ de PureFM s’échangent quelques mauvais disques que les labels n’ont bien sûr pas réussi à fourguer à Femmes d’Aujourd’hui et l’Agenda du Pêcheur. Passées les trois secondes à se demander quelle interview de Pitchfork on va entrer dans Google Traduction pour faire croire qu’on rencontre vraiment les zartiss’, chacun quitte ce lieu de perdition en jurant qu’on ne l’y rependra plus. Perso, ça fait onze ans que ça dure et je n’échangerais cette vie pour rien au monde (sauf un tête-à-tête avec Marissa Nadler). (fv)

Rock mou (2002)

La Communauté Française, toujours en mal d’idées, a lancé le Concours-Circuit. Très vite, une branche « rock dur » est créée. Quelqu’un a l’idée de me demander d’être du jury. Je fais le tour des salles de maisons de jeunesse, écoute des garage-bands sans avenir rêver de dollars et de groupies, et me prends le chou avec les autres jurés. A la fin de la saison, je rends mon rapport. Il est torché comme mes chroniques – c’est-à-dire qu’il parle de musique, hum, autrement. Cela ne plaît pas aux groupes, traités comme de la merde – ni aux organisateurs, qui aimeraient des smileys. Je reçois des lettres d’insultes, mais pas de déclaration d’amour (pourtant j’aimais bien la coordinatrice, une petite rouquine dont j’ai oublié le nom). (lds)

2004 Chochottes à lunettes (mai 2004)

2003 Notre jeunesse (2003-2006)

Ma romance dans les bras de RifRaf a débuté à l’automne 2003 par une interview des Fabulous Trobadors, elle s’est achevée trois ans plus tard par une interview de Daan. Voilà pour les balises. Je vous parle d’une époque où la présence de !!! à Dour constituait une raison suffisante pour que s’y déplacent trois rédacteurs qui avaient pourtant juré de ne plus jamais remettre les pieds dans la gadoue du Borinage. Une époque où Dominique A crachait son venin sur Jean-Louis Murat dans les colonnes du journal : « Ses chansons sont tellement surjouées qu’elles en deviennent suspectes. » Une époque où le folk boisé de Devendra Banhart faisait tourner les têtes dans la cuisine de mon rédacteur en chef, ce que je n’ai jamais bien compris. Une époque où le rock belge était Millionaire. Une époque où RifRaf passait du noir et blanc à la polychromie. Beam me up, Scotty ! (fb)

Fan patenté et complétiste de Dominique A, il y a des choses qu’on avoue moins facilement que d’autres : ça n’est pas sa présence sur un titre mais bien une chronique de RifRaf, dans le numéro 100 ou par là (circa mai 2004, donc), qui m’a fait acheter le deuxième album de Vincent Delerm, celui avec la pochette toute rouge et ‘Les Filles de 1973’. Jusque-là (c’était quatre ans avant que je ne rejoigne l’équipe), j’avais toujours pensé que chez RifRaf, il n’y avait que des mecs couillus pas branchés chochottes à lunettes (c’était l’idée que je me faisais du fils de, à cause de trop lire ailleurs) et puis, bim, deux initiales entre parenthèses – je les ai oubliées, shame on me – trouvent les mots qu’il faut pour me convaincre que ce disque n’est peut-être pas que de la branlette germanopratine. Dont acte. (lg)


26

Année 11

Un client difficile (novembre 2004)

En novembre 2004, j’avais eu au téléphone Mayo Thompson, le leader de Red Krayola, alors en résidence en Écosse, et dont le groupe venait de se faire compiler. J’avais passé la semaine précédente à réécouter toute sa discographie, plus quelquesunes de ses productions, tellement j’avais peur de rater le coche. Et ça a failli foirer en moins de deux minutes : ma première question, formulée de façon maladroite, l’a incité à demander s’il ne devrait pas raccrocher… Heureusement, j’ai pu reformuler ma question, et j’ai eu alors le plaisir de pouvoir écouter un témoignage crucial sur quarante ans de rock par un acteur de l’ombre extrêmement influent, même si par ricochets, toujours aujourd’hui. Dix ans plus tard, je n’ai plus écouté Red Krayola depuis des lunes, je suis même certain que cette musique me ferait grincer les dents – je garde par contre le souvenir d’avoir pu discuter avec un des derniers grands gentlemen du rock buissonnier. C’est ce type de rencontre qui a pu donner sens à l’écriture sur la musique avant et pendant RifRaf. (ds)

L’accolade de Devendra Banhart (avril 2004)

5 avril 2004. Café Cirio, à Bruxelles. Devendra Banhart, venu présenter ‘Rejoicing in the hands’, est charmant, affable, souriant. Et constamment occupé à chiper mon bic pour dessiner, tout en parlant. Il s’offusque de voir mon exemplaire de presse de son disque, reçu sans pochette. « C’est horrible, un CD comme ça, sans rien ! Écris moi à cette adresse et je t’enverrai un dessin pour illustrer le disque », promet-il. Une démarche que je n’ai jamais entreprise… Durant l’entretien, il se montre curieux, demandant des noms de vieux chanteurs français, comme Tino Rossi, qu’il veut découvrir. Il me parle aussi, tout excité, de Coco Rosie, le groupe de sa copine de l’époque (Bianca Casady), qui sort son premier disque, ‘La Maison de Mon Rêve’. Dont il montre, très fier, la bonne critique dans les pages d’Uncut. « Tu dois écouter, tu aimeras », prévient-il (effectivement, on aimera beaucoup !), avant de me donner, à ma grande surprise, une longue accolade pour conclure l’interview. (jg)

5 étapes pour devenir chroniqueur RifRaf

19 mai 2005: après 1567 nuits de travail acharné, JeanBaptiste a enfin terminé sa maquette au 1/20e du château de Neuschwanstein composée uniquement de canettes de CaraPils. Il décide donc de donner un nouveau sens à sa vie: il sera rédacteur pour le RifRaf. Aujourd’hui, père de famille responsable et sobre, il aide les jeunes à dire non à la drogue grâce à un programme de développement personnel en 5 étapes. 1. Surtout évitez d’écrire des chroniques musicales. Ça montrera votre amateurisme. Non, faites des chroniques bidons sur un citron et les Pages Jaunes (Authentique ! Ndrc). 2. Scannez la mise en page du canard. Faites un collage Photoshop avec vos propres articles. Envoyez le tout par la poste. 3. Pas de réponse. Trouvez alors des piges à écrire pour un magazine féminin. Premier sujet: «Wow, mon mec fait un job trop dégueu». 4. Entre l’interview du médecin légiste et de l’acteur porno bulgare, recevez un coup de fil du rédac’chef. 5. Lors de la première entrevue, ne soyez pas timide: dites-lui que vous lisez encore souvent le Mofo, alors qu’il n’est plus publié depuis des années. (jbdc)

2005

Mon pote Robert (octobre 2005)

Chez moi, octobre 2005. Je me rappelle de cette fin d’après-midi-là. Une interview téléphonique avec Robert Wyatt. Le feu de bois crépite, l’horloge piétine, l’installation d’enregistrement est rudimentaire (avec un Beta 57 sur le haut-parleur du deuxième téléphone), et quelques cigarettes préparées sur l’accoudoir du sofa. Le téléphone sonne : « Salut. Heu une petite seconde... » ; « Quoi ? » ; « Je demande à ma femme de me faire quelques cigarettes à l’avance... » On était déjà potes Robert et moi. Ce type est pour moi plus qu’une icône, et je l’interviewais au sujet de la réédition du live qui a suivi son œuvre majeure ‘Rock Bottom’. Avec une gentillesse légendaire, il m’a répondu au sujet de ces années difficiles après son accident, après Soft Machine et Matching Mole (dont il me disait « ne plus se souvenir », à cause des abus d’alcool). Un moment de sa vie qui serait bientôt suivi de décennies d’engagement politique et de créations enthousiasmantes, originales, inclassables. Une poignée de minutes inoubliables ; j’espère toujours le rencontrer un jour, en face à face. (sca)

« Je peux garder ton RifRaf ? » (2005)

On retrouve I Am Kloot pour son troisième album, ‘Gods and monsters’. Soit notre deuxième rencontre avec le groupe de Johnny Bramwell. Son rire, qui éclate au moins toutes les deux minutes, est toujours aussi communicatif. Entre deux gorgées de bière, on lui montre un exemplaire du RifRaf numéro 96, sur lequel son groupe faisait la couverture, deux ans plus tôt. « Waw », s’exclame-til, sincère, scrutant la couv. « Ça donne bien d’avoir mis le nom I Am Kloot en blanc sur nos habits noirs. Dis, je peux le garder ? » (jg)


27 Année 13

Année 12 Du second degré (été 2006)

Derrière la cloison (août 2005)

A l’été 2006, je me fends d’une chronique sur le nouvel album de LeToya qui vient de sortir. Le promotion manager d’EMI goûte fort peu le ton saumâtre de mon article. Fâché, il s’en ouvre au rédac’ chef. Pour éviter la dispute, je m’explique sur le malentendu, précisant que je n’ai voulu heurter quiconque et encore moins user de propos racistes pour commenter le disque, ayant simplement recouru à cette figure stylistique éprouvée que l’on nomme traditionnellement «second degré». J’ajoute alors que beaucoup d’artistes de l’acabit de LeToya usent abondamment d’une série impressionnante de clichés à connotation raciste et sexuelle. Je lui dis que j’ai juste voulu prendre le contre-pied en puisant dans le même fonds de commerce... Peut-être ai-je cru, naïvement, que le lecteur percevrait mes propos avec humour et décalage… Nous assistons aujourd’hui à un procédé généralisé d’aseptisation de l’écriture. Pas seulement en littérature (il n’y a plus d’écrivains comme Céline, Guyotat, Blanchot ou Bataille qui poussaient les mots au-delà) mais également dans la presse qui s’étale lisse comme une tranche de pain nappée de beurre frigotartinable Balade. (et)

Août 2005. J’ai rendez-vous avec Lhasa dans un recoin de backstage, sur la plaine cramée de Dranouter. La chanteuse américaine aux racines mexicaines s’apprête à livrer le dernier concert d’une tournée entamée dans la foulée de son second album. Je découvre une jeune femme menue et puissante. On parle de son enfance sur la route, de son besoin de liberté, de sa voix envoûtante… « Je déteste les voix où on sent de la paresse ou de l’indifférence », confie-t-elle. Le chant est sa vie. « J’ai toujours chanté. Adolescente, mon prof de chant m’a dit que, quand je venais chez lui, son colocataire s’asseyait dans sa chambre et restait là pendant une heure, à m’écouter à travers la cloison. » L’interview paraît dans le RifRaf d’octobre. Un troisième album sort en 2009. Il est suivi d’une triste nouvelle. Le 1er janvier 2010, alors qu’on barbote encore dans les remugles post-réveillon, on apprend que Lhasa est morte. Putain de cancer. Depuis lors, elle chante, toujours. Et nous, on continue de l’écouter, derrière la cloison. (fb)

2006

2007 The Shins et la peur (janvier 2007)

Mois de janvier 2007, un jour de pluie froide à Bruxelles. James Mercer, le leader de The Shins se réchauffe dans une taverne de la capitale, tout en évoquant son nouvel album, ‘Wincing The Night Away’. Mais, assez vite, quand on lui dit qu’il a l’air fatigué, l’Américain perd sa retenue et se confie. Dans un récit qui fait froid dans le dos. « Je sors d’une période très difficile : une rupture amoureuse, la perte d’amis parce que je m’investis trop dans la musique, un nouvel amour avec qui j’achète une maison à Portland. Où ce sera un vrai cauchemar : nous étions voisins de dealers, chez qui la police a débarqué. Le chef de la bande s’est échappé, et il a cru que c’était moi qui les avais dénoncés et m’a menacé de mort. Je n’en dormais plus : seule la musique m’a permis de tenir le coup.» (jg)

Les goûts et les covers (99-2014)

Mais mais mais... qu’est-ce que c’est que ça? (plus bas ou pensé très fort : ça ne va pas du tout). Je revois mes employeurs tirer de drôles de bobines face à certains choix de cover. Encore convient-il de nuancer : s’il est arrivé qu’Ina tienne les épreuves à bout de bras en se pinçant le nez, son compagnon Carlo El Majestico se montrait plus volontiers rigolard, me tirant par la manche jusqu’au cagibi pour m’encourager dans mon vice : « Tu as raison ! On est un magazine gratuit, on ne doit pas faire une couverture ‘vendeuse’ à tout prix ! » Je pense qu’il m’avait un peu à la bonne, le vieux loup de mer. Je confesse un penchant pour une réaction à l’instinct. Le premier Basement Jaxx débarque à la rédac ? Boum ! Première cover. The Avalanches ensevelissent le bureau sous leur déluge de samples ? Fais péter ! Le choix d’une cover, c’est le mélange de raison entre une réaction épidermique et une volonté de politique des auteurs (Syd Matters et Burgalat, Broadcast, le patron de Domino Records, Mendelson,...). C’est ne pas perdre de vue que nous sommes un média « starter », et que nos confrères de la presse « tradi » nous ont souvent emboîté le pas un ou deux albums plus tard. Quitte à miser sur des ovnis improbables, tombés d’on ne sait quelle galaxie, qu’ils s’appellent hier Parsley Sound, Morning Star, The Kings Of Convenience ou aujourd’hui Orval Carlos Sibelius. Mais mais mais... Les goûts et les couleuvres. (fd)


28 Année 14

2008

Vaudeville (septembre 2008)

Quitte à tourner les pages de l’album photo pour mieux replonger dans nos souvenirs, autant s’attarder sur ceux qui illuminent nos cœurs. Le propos n’est donc pas ici de revenir sur le différend qui, de numéros en numéros, m’opposa à ce label indépendant ne pouvant souffrir la moindre critique. Non, je ne suis pas machiavélique à ce point. Ce vaudeville finalement plus ridicule que rocambolesque avait pour seul mérite d’égayer un petit peu plus encore, du haut de son pourtant insoupçonné potentiel comique, nos trop courtes réunions de travail. Et c’est à la mémoire de celles-ci que je veux rendre hommage aujourd’hui. Car quoi d’autre si ce n’est notre indéfectible passion pour la musique pouvait réunir autour de la table des gens d’horizons aussi bigarrés ? Ah oui … Y avait le foot aussi. (do)

2009 Une Parisienne à Bruxelles (inclus: permis de baffer, janvier 2009)

Chaud boulet (juillet 2008)

Dimanche 13 juillet. Le soleil tape aux abords de la Place Saint-Lambert. Le foie en surchauffe, une barre dans la tête, je paie les efforts consentis pendant trois jours en bord de Meuse. Heureusement, à Liège, on peut toujours s’enfiler un boulet pour se remettre d’aplomb. Arrosée d’une bière et de sauce lapin, la boulette nous tire d’affaire. Mais pas le temps de digérer : une interview est prévue en début d’après-midi avec The Dandy Warhols. Cool as Kim Deal, Zia McCabe cause autant qu’elle fume. Elle est accompagnée du batteur Brent DeBoer, l’homme qui a inspiré le port de la moumoutte à Marouane Fellaini. Frais comme un gardon, le chanteur Courtney TaylorTaylor débarque en short et propose une partie de tennis de table. « Vous êtes chauds ? » En Belgique, il n’a pas gagné un seul match. On a dû lui expliquer qu’on était tous les fils spirituels de Jean-Michel Saive. Il n’a rien compris. Mais ça l’a bien calmé. (na)

Janvier 2009. Après le dispatch des disques, une bonne partie de la rédaction flâne à De Brouckere, débattant du prochain bar où aller. En attendant que le distributeur de billets serve tout le monde, j’aperçois la tour Rogier toute illuminée. Les couleurs pastels me font plonger dans un état de transe, à moitié révélation bouddhiste, à moitié mélancolie de midinette. Je repense à une expo de James Turrell. Je repense à la fille qui m’accompagnait ce jour-là. Je compte le nombre d’années depuis notre rupture. Quelqu’un me touche délicatement le bras et me fait sortir de ma contemplation. C’est la nouvelle rédactrice, une Parisienne vivant à Bruxelles qui a fait long feu. « Tu viens pas souvent en ville, pas vrai ? Toutes ces lumières, ça te change de là où tu vis, j’imagine. » Puis, elle me caresse le dos pour rejoindre le reste du groupe en me disant, les yeux tendres : « Je suis contente de vivre ce moment avec toi. » Ah, les Parisiens et leur condescendance... (jbdc)

Mes nuits blanches RifRaf... a) pour cause d’effet Impulse (février 2009) Vous avez déjà visité un chenil de la Croix Bleue? Les réunions RifRaf, c’est un peu pareil: sur la table, des dizaines de cds orphelins font le beau dans l’espoir que vous les rameniez à la maison. Ça jappe, ça couine, ça bave, à vrai dire c’est assez déchirant. Donc, quand je suis tombé sur cette photo d’un antique brahmane au poil dru tenant dans ses mains fripées un pauvre bouquet de fleurs, j’ai flanché: « Toi, tu viens avec moi. » La suite relève du conte des mille et une nuits blanches: à peine glissé dans le lecteur, le brahmane arthritique se muait en DJ Koze et me faisait la plus trépidante démonstration sonore de ma carrière de chroniqueur. Comme dans la pub Impulse, un inconnu venait de m’offrir des fleurs et une deuxième jeunesse. Ça ne s’oublie pas. (ag)

Cali(nu)méro (2009)

Breaking Bad (mars 2009)

Descente en duo dans les loges du Bota : la brigade des stup’ du RifRaf tombe sur les Black Lips. Le groupe d’Atlanta vient d’échapper de justesse à la peine de mort en Inde après s’être désapé et engorgé en plein concert. Après avoir couru à poil jusqu’à l’aéroport le plus proche, ils se sont sauvés à bord du premier avion venu. Cet après-midi, à Bruxelles, les mecs sont détendus. Ils évoquent leurs dernières inventions : le « flower punk » et le « D-Tune », une boisson énergisante concoctée à base d’alcool fort et d’extraits de plantes russes et brésiliennes. Problème : ils ne parviennent pas à obtenir la licence d’exploitation auprès de la commission de régulation alimentaire. Mais que fait la police ? (na)

Dimanche, le téléphone retentit de bon matin. Une pluie d’injures filtre à travers le combiné, mouillée d’un fort accent. Avant que le sieur daigne se présenter, nous avons reconnu le chanteur Cali qui, tenant une murge carabinée (il a du s’enfiler plusieurs dés à coudre), nous vole dans les plumes suite à la découverte du papier consacré à son dernier disque. Entre deux noms d’oiseaux, le Perpignanais braille « passe-moi (ds), passe-moi (ds) ! Putain! » La chronique incriminée était de fait signée Didier Smal, lequel, pourtant défenseur d’un précédent opus du zigue, s’était fendu d’un billet bien senti. Nous avons tenté de calmer les ardeurs du supporter de Ségolène Royal en lui expliquant qu’il serait peut-être plus judicieux de nous écrire dans la semaine afin que nous puissions prendre le temps de lui répondre. Le volatile est reparti comme il est venu, bruyamment. L’anecdote nous fit sourire, surpris qu’un chanteur dont les hymnes se vendaient par camions puisse à ce point chuter de son perchoir. Bref, l’amour parfait. (fd)


29 Année 15 Les rééditions (septembre 2009)

C’est vers septembre 2009 que je suis parvenu à convaincre Delmeire, et le reste de la rédaction, de l’opportunité d’une rubrique dédiée aux rééditions, qui a été redoublée de la rubrique « Back To Black » : il me semblait important d’évoquer la musique du passé autant que celle du présent. Grâce surtout à Arnaud (Universal), Geert (Konkurrent) et JeanMarie (Munich), ces rubriques ont bien vécu, et j’ai parfois l’impression qu’elles ont essaimé un peu partout, tant la musique rock-pop-soul actuelle me semble avancer surtout en marche arrière, les plus futés étant ceux qui ont le meilleur rétroviseur, celui qui permet d’aller chercher l’influence rare ou peu commune (il faudrait reparler ainsi en long et en large de Durutti Column, il est grand temps). Est-ce inaudible pour autant ? Non, mais à tout prendre, et tout en détestant la mentalité Classic 21, j’aime autant écouter l’original. A ceci près que le temps nous rattrape et que notre jeunesse est désormais du passé : The Auteurs et Oasis font ainsi l’objet de rééditions. Finalement, le monde de la réédition, ça fout un méchant coup de vieux… (ds)

Année 16 Blanc Bleu (la controverse de Valladolid)

Prescripteur culturel au sein d’une épicerie fine, (ag) est également connu de nos services pour avoir été une des chevilles ouvrières de Bang, il aurait même nourri Sharko au sein. Après quelques semaines parmi nous, le trublion s’avoue surpris de la liberté de ton qui lui est laissée. A force d’entendre ses anciens collègues seriner qu’il y aurait un prétendu mot d’ordres pour casser leurs disques, le bougre avait fini par prêter l’oreille à cette légende urbaine. Fox Mulder l’avait pourtant dit : la vérité est ailleurs. Non, il n’y a jamais eu de consigne pour descendre tel artiste ou label dans nos pages. Simplement, contrairement au marché clé-en-mains auquel souscrivit une partie de la presse nationale (c’était le début de l’opération de com’ Sacrés Belges), RifRaf n’a pas souhaité mettre systématiquement en avant les groupes issus de la Communauté WBM au seul prétexte que « le rock wallon devait rattraper son retard sur la Flandres et le milieu se professionnaliser ». Aussi avonsnous sciemment conservé le cap consistant à transmettre un avis personnel et subjectif, au cas par cas, en fonction du plaisir auriculaire et épidermique qu’il suscite. Étonnant, non ? (fd)

Maquillage, c’est camouflage ! (novembre 2009)

Pour un média indépendant comme le RifRaf, il n’est jamais évident d’obtenir un tête-à-tête à l’étranger avec un(e) artiste signé(e) sur une Major. Trop petit, pas assez vendeur – « Tu m’étonnes, John ! On se laisse encore lire gratos… » Bref, j’y crois sans y croire le jour où je demande un petit entretien avec Emilie Simon, installée depuis peu à New York. Fin 2009, j’ai un séjour prévu là-bas et je me dis que, bon, pourquoi pas? Dévouée à l’idée, son attachée de presse nous arrange finalement le coup (« Merci Valérie ! »). Rendez-vous est donc pris

Où sont les femmes ? (le choix dans la date)

2010 Fadila forever (mars 2010)

à Brooklyn sous l’enseigne de The Blackbird Parlour, un troquet coincé au cœur de la hype, sur Bedford Avenue. À New York, je loge chez un pote photographe, secrètement amoureux d’Emilie Simon et des pingouins. Enchanté à l’idée de prendre un cliché de la chanteuse, il m’accompagne. Sans service de sécurité ni maton de la communication, Emilie Simon pousse la porte du bar. Jolie, discrète, elle fait la bise et s’apprête à commander un thé quand elle s’aperçoit qu’on souhaite prendre une photo souvenir de l’interview. Grosse crise de panique. Angoisse totale. Elle n’est pas maquillée. Alors, c’est décidé : elle ne répondra de rien sans la présence de son rouge à lèvres. On a beau lui dire qu’elle est très belle comme ça et qu’on adore les pingouins, rien n’y fait… Elle veut absolument se maquiller. L’interview est à ce prix. Cinquante minutes et trois cafés plus tard, Emilie Simon revient s’asseoir à table. Sa bouche brille sur une tasse brûlante. Son mascara ne coule pas et ses cheveux noirs nous éblouissent un peu plus encore. C’est certainement mon interview la plus glamour. J’en rêve encore. (na)

En mars 2010, un débat anime la rédaction : estil opportun d’interviewer la ministre Fadila Laanan au sujet du ‘Nouveau plan d’aide à la culture, soutien au secteur des musiques non-actuelles’ ainsi que cela nous a été proposé par le cabinet ministériel ? Perso, je suis partisan du principe d’une interview avec elle. Pourquoi l’État s’intéresse t-il aux musiques pop rock et vice-versa ? Voilà une question qui mérite que l’on s’y attarde. La voix et le regard de l’institution publique nourrissent le débat. Faisons-y écho dis-je alors. Certains d’entre nous s’y opposent. Bun-Zero, alors membre de l’équipe, trouve l’effort de la Communauté Française « un rien pathétique et digne d’un combat d’arrière garde. » En tant qu’acteur de la scène dubstep belge, il s’est fait entendre dire lors d’une demande d’aide financière pour soutenir un label belge du genre que, comme il ne s’agissait pas de hip hop, cela ne les intéressaient pas... Il dit : « FUCK OFF madame la ministre ! » Rien ne sera finalement publié de nos échanges qui termineront expurgées des mémoires vives de nos ordinateurs. (et)

Serge avait rassemblé un nombre non négligeable de filles au sein de son équipe de rédaction. On ne compte plus les (cp), (ldi), (ld), (sw), (zm) qui ont trempé leur plume ; ce bien avant que les diktats de parité ne connaissent un regain certain. Or, depuis - c’est pas faute d’avoir essayé - enrichir notre équipe de collaboratrices a régulièrement relevé de la gageure. Ainsi, pour goûter aux affinités francophiles d’une (mdr), au feeling hip-hop d’une (rb), aux parchemins enluminés d’une (alr), il nous a fallu enquiller quelques épisodes croquignolesques. Pour la bonne bouche, on citera cette Parisienne qui, après avoir rencontré Blonde Redhead, consentit à nous livrer un bref papier où il n’était question ni du groupe ni de musique. Sommée de rectifier le tir, la miss nous expliqua que « c’est de l’art contemporain ». Citons encore cette péronnelle, « chroniqueuse pour la presse féminine » dont la discothèque est richement pourvue d’un disque du Grand Bleu, qui se revendique toujours d’avoir écrit chez nous alors qu’elle n’y a jamais publié un papier. De là à écrire que ‘Les filles c’est fait pour faire l’amour’ (refrain connu), il y a un pas que nous refusons de franchir. (fd)


30

2011

Année 18

Année 17

Rock, politique et publicité en 2001 (octobre 2011)

Dans le courant de l’année 2000, pris d’un attrait soudain pour l’image, j’avais commandé un encart publicitaire dans les pages du RifRaf. Un quart de page présentant sobrement ma plaquette professionnelle : Eric Therer, avocat, adresse et contact, mention des matières pratiquées. Mon intention n’était pas de m’auto-promouvoir mais de braver les interdits d’une déontologie professionnelle qui interdisait alors la publicité. A l’inverse, celle journalistique n’y voyait guère d’inconvénient. L’année d’après, en octobre 2011, je réitérai ma demande. Non plus cette fois pour faire l’article de ma petite entreprise mais pour annoncer une conviction personnelle qui me semblait urgente suite aux amalgames post 11 septembre qui allaient bon train : réaffirmer ma conviction politique à l’endroit de la Palestine. Mon message, suivi de mon nom, était succinct mais clair : « Soutenons la création immédiate d’un Etat Palestinien libre et indépendant. » Il me fut opposé une fin de nonrecevoir du bureau d’Anvers dont je n’obtins jamais les motifs. Depuis ce jour-là, je cessai de vouloir voir dans le rock l’incarnation d’une révolte et le considérai sous son angle réel, celui d’une marchandise culturelle emballée et leurrante. (et)

Mes nuits blanches RifRaf... b) pour cause d’investigation (avril 2011)

Il faut bien avouer que le périmètre d’action d’un journaliste musical se limite la plupart du temps aux quelques mètres carrés entourant son pc (la formule exacte étant pi*r au carré, où r égale la longueur du cordon de vos écouteurs). Il importe donc parfois de retrouver la sensation du travail de terrain. Mission ce soir: assister à un concert de Whomadewho au K-nal, puis enchaîner sans faiblir avec Jamie Jones et dOP au Fuse. Rue Blaes, découvrir un peu déconfit que ces derniers ne jouent pas avant 5 heures du mat. Être stoïque. Rester stohic. A 9 heures, de retour sous un ciel bleu, conclure qu’il n’y a pas de mots suffisamment insensés pour décrire ce que vous venez de vivre. Jeter vos notes dans le caniveau. (ag)

Mes nuits blanches RifRaf... c) pour cause d’évangélisation des masses (novembre 2011)

Ma Gueule (septembre 2011)

Malgré nos efforts considérables, tout le monde ne lit pas RifRaf: d’où l’importance de propager la bonne parole sur d’autres fronts. Mission ce soir: infiltrer la party d’anniversaire de mon aimable voisin, où bien sûr personne n’a jamais entendu parler de Matias Aguayo, DJ Koze, Die Vögel, Rebolledo, Pachanga Boys... Squatter résolument la sono. Monter résolument le volume. Noter les sourires ravis des participants. Tomber la veste, goûter résolument la vodka. A 6 heures du matin, réaliser qu’il est 6 heures du matin. Ah. Moins résolument, rentrer, s’allonger quelques minutes, prendre une douche, partir au travail. (ag)

Cela fait cinq mois que Xavier Dupont de Ligonnès s’est fait la malle, tiré une balle, balancé d’une falaise, après avoir enterré sa famille entière dans son jardin nantais. On en discute à la terrasse d’un troquet bruxellois avec Christophe Miossec – qui s’en est inspiré pour sa ‘Chanson D’un Fait Divers’ et, surprise, l’homme qui intitulait son premier album ‘Boire’ en 1995 ne peut plus toucher à une goutte d’alcool, au risque de tomber raide mort. Déception. Mais le désormais abstème fume encore, ouf. D’ailleurs, un passant nous interrompt pour lui taxer une clope, ignorant à qui il s’adresse. Grosse déception pour notre ego, nous qui pensions tailler une bavette avec une quart de dieu et rendre jalouse la place tout entière. (lg)

2012 Retour perdant (fin 2011/début 2012)

Chroniquer des disques, c’est aussi s’exposer à des retours abracadabrantesques. Le plus souvent, c’est quand tu ne portes pas au pinacle un album somme toute moyen que ça part en sucette. Deux exemples quasi simultanés me reviennent. D’abord, ces gars qui avaient sorti un disque même pas mauvais avec des paroles hilarantes genre « la nuit, je pense encore à Rachida Dati… » ; ces gars dont on supposait un certain sens de l’humour mais qui, une fois comparés à un ou deux autres artistes qui nous paraissaient pertinents, crièrent carrément à la « diffamation ». Mais le plus drôle, c’est encore ce chanteur américain d’un excellent groupe bruxellois qui chante les boulets et les couques de Dinant. Face à notre manque d’emportement pour son projet parallèle (enfin principal d’après lui, mais nettement moins populaire), il nous a explicitement sommés de lui renvoyer le disque. Ce que nous n’avons pas fait, évidemment. (lg)

Au poil (février 2012)

Un jour où l’on doit parler à un type qui, avec un violon devient christique, on n’en mène pas large. Un jour où l’on doit discuter métier avec un type qui, muni du vrai Nick Cave, se roule rageusement sur une scène devenue arène, on en vient à croire aux ogres aux poings qui craquent et on espère ne pas finir en boulette de réjection dans la neige devant l’Ancienne Belgique. La porte coulisse sur le salon, là-haut, et Warren Ellis ne mesure pas 3 mètres 20, il a des épaules mais pas les yeux jaunes. Quand tu lui avoues à quel point tu es nerveuse, parce que bon, ton anglais, c’est en gentleman qu’il te propose de faire l’interview dans ta langue. Tu aurais tort d’accepter. Après quarante minutes avec l’immense forêt de barbe, tu sais désormais pourquoi tu es là, dans cette équipe, à vouloir écrire d’autres gens. (alr)


31 Année 19 Faire chier les jeunes (1994-2012, part 1)

1994. C’est la peau huileuse et le sexe en bourgeon (ou l’inverse?) que je traîne mes oreilles juvéniles d’albums en albums, toujours curieux et souvent bouffi d’a priori – on ne se refait pas. L’année est plutôt faste : ‘Mellow Gold’, ‘Selected Ambient Works Volume II’, ‘The Downward Spiral’, ‘Devil Hopping’ (pas terrible, mais on ne crachait pas sur un Inspiral Carpets, surtout le dernier), ‘Now I’m A Cowboy’, ‘Weezer’, ‘One Step Ahead Of The Spider’, ‘Dos Dedos Mis Amigos’ (PWEI forever !), ‘Music For The Jilted Generation’, ‘Chocolate And Cheese’, ‘Ruby Vroom’, ‘Worst Case Scenario’, ‘Welcome To Sky Valley’ and so on. A la même période, je dévore chaque mois l’actualité rock & rosse du Mofo, mensuel gratuit qui m’apprend à me forger une opinion : de fait, je pique fréquemment de vraies colères contre les proses abrasives et m’as-tu-vu de deux chroniqueurs, B. Lu et Mr Pink. Vingt ans plus tard, le premier est une connaissance et le second rédacteur en chef du RifRaf. Et c’est à mon tour de faire chier les jeunes. (ab)

Toi l’Auvergnat (mai 2013)

Cold cause (novembre 2012)

Trois mille kilomètres. C’est la distance qui sépare Liège de Rostov-sur-le-Don, dans le Caucase russe. Un peu moins d’une génération, c’est ce qui nous séparait de Vladimir Parshin, le leader de Motorama. Une liaison Skype un peu bancale, un accent anglais digne d’un apparatchik du Parti fraîchement éveillé aux délices du capitalisme, l’interview semblait promise au fiasco. Et pourtant, la communication n’a jamais été aussi évidente que ce matin-là. Une passion commune pour Manchester, ses Smiths et sa cold-wave, que Vlad découvrait avec 30 ans de décalage, brisa très vite la glace. Le rideau de cordes avait remplacé le rideau de fer. En s’engouffrant dans la brèche, Vladimir voulait combler son retard. A travers les tuyaux du web, une contrebande de compiles pirates de Pulp, de bootlegs de Joy Division, de raretés des Stone Roses s’organisa alors rapidement. Sous l’effet Kiss Cool du RifRaf, les cold war kids d’hier parlaient la langue universelle des cold wave kids. (gle)

Murat. Un nom, une réputation, une bête médiatique. Et une forme de schizophrénie entretenue soigneusement par l’Auvergnat qui donnait un piment particulier à cette interview strictement limitée aux vingt minutes syndicales. A qui allait-on avoir affaire ? Le provocateur cynique ou l’artisan éclairé ? Par précaution, on s’était muni d’une seringue hypodermique de gros calibre. Après nous avoir reniflé quelques minutes, la Bête se laissa emmener dans des chemins de traverse. Elle commença même à nous tutoyer. Une ruse ? Que nenni, trop heureux de s’échapper de la cage de la promo (« C’est la promo ou le RSA, ou le suicide »), Jean-Louis Murat avait cédé la parole à un Jean-Louis Bergheaud intarissable sur l’homme et le père qu’il est devenu. Dans son rôle de gardienne du Temps, l’attachée de presse dû rapidement se résigner aux coups de griffes de ce Murat sorti de sa tanière. Un peu moins d’une heure plus tard, ça n’est qu’en le caressant délicatement dans le sens du poil qu’elle parviendra péniblement à l’y ramener. (gle)

Lost Highway (1994-2012, part 2)

Troquons le t-shirt X-L et le baggy à carreaux contre une vie à Ixelles et des bongos en cadeaux. Les goûts s’affinent, les cheveux se clairsèment et le monde part en couille. Mofo meurt à petit feu et un autre mensuel gratuit se taille une place au soleil, des deux côtés de la barrière linguistique. Ce qui n’arrange en rien mon portefeuille. Heureusement, il y a la Médiathèque et Naspter. Oh, wait... (Juin 2012) – À l’issue d’un sit-in de deux semaines sous tente Quechua, la charmante (alr) craque et me prie de replier bagage ; elle ne sait plus sortir ses poubelles. Escorté de deux agents, je finis par lui arracher la promesse suivante : glisser un mot à mon sujet à Fabrice Delmeire, créature farouche et métamorphe à la tête de l’Empire RifRaf. (19 juillet 2012) – Première rencontre lynchienne autour d’un verre avec le mystérieux (fd). Au terme de dix minutes de discussion avec un homme timide et réservé, il s’avère que je converse avec un alias. Quipro-coup monté : l’homme en question est une estafette de la boutade, envoyé au casse-pipe par le véritable Fabrice, qui tirait les ficelles depuis son belvédère, goguenard ! Sont ainsi posés les jalons d’une relation sado-masochiste très cuir et pleine de non-dits, sinon dans les yeux. Beat me up, Sweetie ! (ab)

The Sound of Silence (août 2013)

2013 Stabat Mater (janvier 2013)

Parce qu’elle nous avait posé un lapin à notre premier rendez-vous, An Pierlé tenait absolument à se faire pardonner. Elle nous convia donc à passer une matinée en sa compagnie en son domicile gantois. Une proposition qui ne se refuse pas. Même si nous avions de la Gantoise l’image contrastée qu’elle s’est construite à travers sa musique et sa mise en scène. Souvent froide, parfois hautaine. L’apanage des timides, peut-être. C’est pourtant un bouquet garni de simplicité et d’humilité qui se dégage de l’antre de la Belle. Tout en préparant le repas familial, qu’elle nous proposera de partager, An Pierlé nous livre alors son portrait d’une jeune femme en artiste et en mère de famille, obligée de concilier au quotidien obligations maternelles et pulsions créatives. Dans le salon, le piano sur lequel le nouvel album avait été composé se mêlait au subtil chaos des jouets d’enfant et des piles de linge à repasser. Une esthétique à mille lieues de l’aura mystérieuse et glamour dégagée par l’artiste et son dernier opus. (gle)

C’est bientôt l’heure des sandwichs, sauf qu’avant, traversée du Mojave. Une expérience de oui-ja avec deux fantômes qui n’en sont pas. Le vrai son du baxter, l’écho en clepsydre qui distille à n’en plus finir l’ordalie de ceux qui, malgré tous les précédents, sont assez butés pour se risquer à entrer en communication. J’ai le temps de détailler chaque insecte qui traverse leurs deux cuisines. De l’imaginer, elle, faisant mijoter une ratatouille et lui, peinant sur une grille retorse de sudoku. L’occasion longue de me demander s’ils distinguent vraiment leur reflet dans le miroir. Pendant trente minutes, à travers les ondes de Skype, j’ai cru entendre les voix de Dave Roback et Hope Sandoval. (alr)


32

Année 20

2014 Quatre mariages et un Allemand (janvier 2014)

Mes nuits blanches RifRaf... d) consécutive à une absence totale d’inspiration (mai 2013)

Une nuit blanche de type d) est inévitablement précédée d’une journée entièrement consacrée à fixer un écran vide. Vers 1 heure du matin, petit miracle: deux phrases complètes ET consécutives s’affichent enfin (faire une copie au cas où). Résister à la tentation de chipoter aux virgules. Ensuite, broder, jusqu’à l’épuisement. *** Variante exotique: en voyage en Palestine, se caler sur le tempo du muezzin. Ne pas paniquer dès la première prière, il n’est pas plus de quatre heures. Au deuxième chant, penser à commencer à sérieusement terminer. Se préparer un autre café en recalculant une dernière fois le décalage horaire. Penser à visiter la Nouvelle-Zélande. (ag)

Avec son look d’étudiant Erasmus attardé, Markus Acher, la tête pensante et chercheuse de The Notwist, entamait ce matin-là une longue journée de promo. Un enchaînement de speed-datings avec des scribouillards plus ou moins bien renseignés sur la discographie de The Notwist et avides d’en savoir plus sur leur nouvel opus. Mais, au cours d’un échange rapidement délesté de cette langue taillée dans le bois dont on fait le meilleur storytelling, Markus eut soudain envie de tomber le masque. Une pulsion aussi brutale qu’inattendue s’empara de lui. Lui, le doctorant en indietronica quantique, le chercheur en électronique métaphysique, nous avoua alors tout de go qu’il lui arrivait encore régulièrement d’animer les mariages, les apéritifs musicaux ou les fancy-fairs au sein des New Orleans Dixie Stompers, le groupe de dixieland de son paternel. On tenait notre scoop et peut-être bien la seule bonne raison qui nous donnerait l’envie d’un jour nous remarier. (gle)

Merci Jacquie et Michel !

Pour la bonne bouche (janvier 2014)

Janvier 2014 – Après plus d’un an passé au sein de l’écurie RR (et nombre de rencontres, découvertes et entretiens plaisants) je passe enfin l’ultime épreuve, celle qui m’ouvrira les portes du cénacle. Sous les assauts répétés de mes aînés - à commencer par (lg), féroce prosélyte nourri au whisky et camouflé sous des dehors innocents - je m’ouvre à la poésie urbaine et nue de Mendelson. Et doit bien reconnaître que je suis entouré de gens de goût. Puissent-ils déteindre sur moi encore longtemps. (ab)

Arrivé sur Terre en l’an 1994, l’étrange RifRaf (confié pour maltraitance au contorsionniste-voyant Fabrice Delmeire depuis 99) est de retour, mois après mois. Sans surprise, l’attente vaut son pesant de bruits qui font crac, boum, tchac et qui font peur à Tatie Jacquie (sans Michel). Composé de multiples personnages aux CV martiens (un fan de new wave adepte de l’U.R. Namur, un coureur de fond à la crinière Doré ou une Lectrice échappée de chez Michel Deville), la formation bruxelloise sonde chaque mois les échos sonores du monde. Parfois sortis tout droit d’une chambre de torture clandestine, quelquefois totalement à l’ouest et c’est ce qu’on aime chez elle, l’équipe rassemblée autour de son gourou chevelu développe en 32 pages mensuelles un regard plein de malice, tels des field recordings à la Chris Watson captés sur le parvis saintgillois. Merci qui ? (fv)

Tout avait pourtant si bien commencé (2) (décembre 2013)

J’étais au Point Culture de Namur et farfouillais dans les bacs, parcourant l’œuvre – copieuse – de Zappa. C’est alors que surgit de nulle part un homme d’âge certain qui me dit tout de go qu’il est un grand fan de Zappa, ce qu’il confirme par l’évocation de moult anecdotes avisées. Devant partir, il me file son numéro et m’invite à le contacter, histoire de causer musique en buvant le coup. Alors que nous nous rendons vers la sortie, je prends un exemplaire du dernier RifRaf, ce qui suscite l’ire de notre ami qui se lance dans une diatribe enflammée contre notre gazette : « Comment peux-tu lire ce truc ? C’est de la branlette intellectuelle ! De toute façon, un magazine musical, ça n’a pas de sens. Comme disait Zappa, écrire sur la musique, c’est comme danser sur l’architecture. ». Je ne lui ai jamais envoyé d’email. (pf)

Ont collaboré à ce cahier anniversaire : Nicolas Alsteen, Antoine Bours, Ludovic Bouteligier, François Brabant, Sébastien Carbonnelle, Issara Chitdara, Serge Coosemans, Jean-Baptiste De Clerfayt, Mieke Deisz, Fabrice Delmeire, Jacques De Pierpont, Laurence Dierickx, Patrick Foissac, Alain Georges, Julien Gillebert, Laurent Grenier, Jean-François Henrion, Gery Lefebvre, Luc Lorfèvre, Zoé Maus, Patchouli, Anne-Lise Remacle, Peggy Schillemans, Didier Smal, Marc Smeesters, Domenico Solazzo, Eric Therer, Fabrice Vanoverberg.


Earteam The Afghan Whigs ‘Do To The Beast’

Carla Bozulich

Sub Pop/Konkurrent

On le sentait venir depuis la reformation pour une tournée en 2012, l’Afghan Whigs nouveau est arrivé. Il aura pris son temps, le coquin, c’est même le premier album du groupe depuis… 1998. Heureusement pour nous, l’attente n’est nullement veine et les trouvailles encore nombreuses. Toujours d’une classe folle, celle qui manquera éternellement aux immondes Muse, ‘Do To The Beast’ multiplie les pistes et les points d’accroche. Ça va des géniaux échos arabisants de ‘Matamoros’ (et sa basse qui groove de chez groove) à la ligne de piano de ‘It Kills’ (le titre qui montre tout ce que The National doit à la formation de Greg Dullis) en passant par le plus folk ‘Algiers’ (tel un rappel de Foreigner). Au sein de ce tableau idyllique, quelques titres impriment moins toutefois, en dépit des efforts des musiciens américains (‘Lost In The Woods’ où la ligne de violoncelle vient se noyer dans un rock passéiste), il ne s’agit là que de récriminations mineures face à un retour très vivement conseillé. (fv)

The Amazing Snakeheads ‘Amphetamine Ballads’ Domino/V2

Le titre de cet album est plutôt trompeur, car s’il est bel et bien bourré d’amphétamines, il n’y est cependant pas vraiment - ou si peu - question de ballades. Le rock de ce trio originaire de Glasgow est on ne peut plus tendu, brut et viscéral, comme hanté par une tension constante. On pourrait parler de blues punk des bayous, traversé par des effluves de film noir et des touches de sax fin de siècle. ‘Amphetamine Ballads’ est à appréhender comme une virée nocturne qui tournerait mal, entre overdose de clopes et gueule de bois. The Amazing Snakeheads, c’est un peu comme le Nick Cave période Birthday Party qui ferait la bringue dans un sale quartier de Glasgow en compagnie de Jon Spencer et de Morphine. Brillant, passionnant de bout en bout, interlope et envoûtant, ce disque est une décharge de brutalité étrangement élégante. On restera longtemps sous l’emprise des éruptions de ‘I’m a vampire’ et de ‘Swamp song’, de la complainte dépressive ‘Every guy wants to be her baby’, ou encore du trippant et rythmique ‘Flatlining’. Et puis, précisons le, il y a quand même une ballade sur cet album, ‘Tiger by the tail’ qui clôt cet excellent disque sur une note plus apaisée. (pf)

Dick Annegarn ‘Vélo Va’ Tôt Ou Tard

En 2007, Benedictus Albertus Annergarn, dit Dick, a sorti un livre-disque pour la jeunesse, ‘Soleilman’. On n’était pas au courant mais à l’écoute de ‘Vélo Va’ aujourd’hui, on n’est pas vraiment surpris de l’apprendre. De fait, ce nième disque du Batave honoris causa de l’ULg, fait directement penser à un album pour mioches avec côté pédagogique et paroles pas bien méchantes, entre Prokofiev et Henri Dès : « tu n’as pas l’allure d’un baba, tu n’es pas si cool », « Bonjour je m’appelle Jean / On s’est connus il y a deux mille ans » sur fond de marimba, banjo, vibraphone et quatuor à cordes. Question accent, c’est moins pire que d’hab. Deux morceaux sont arrangés par Albin de la Simone dont le très beau ‘Un Enfant’, c’est déjà ça. (lg)

Arsenal ‘Furu’ Playout !/Sony

Hendrik Willemyns et John Roan mettent leur arsenal world de côté sur ‘Furu’, cinquième al-

‘Boy’ Constellation/Konkurrent

Sans domicile fixe, chapardeuse à ses heures, escamoteuse à d’autres, Carla Bozulich a vécu son adolescence telle une écorchée revendiquant très tôt son détachement de tout confort matériel et de sa famille. Après avoir forgé ses armes au sein des combos The Geraldine Fibbers et d’Ethyl Meatplow au milieu des années 90, c’est sous la bannière Evangelista qu’elle se fit davantage connaître une décennie plus tard. ‘Boy’, premier album édité sous son nom civil pour Constellation, s’aborde sans détour et sans recours. Carla a pris en main les choses en jouant la plupart des instruments mais également en supervisant le disque dans tous ses aspects en ce compris sa production et sa couverture. En ouverture, ‘Aint’ No Grave’ et ‘One Hard Man’ affichent leurs racines blues en les épurant comme Nick Cave sut si bien le faire naguère. Plus loin, ‘Drowned To The Light’ puise sa force dans une pose rimbaldienne assumée alors que ‘Don’t Follow Me’ qui lui succède se comprend d’abord comme une injonction caustique sans casuistique. ‘Gonna Stop Killing’ et ‘Deeper Than The Well’ sont deux morceaux à la fois charnière et phares de l’album où Bozulich se met à nu sans retenue. Sur ‘Danceland’, elle vous fait errer dans un hall de danse où se reflètent des corps disgracieux pour revenir à une sorte de rémission feinte à la Lydia Lunch sur ‘What Is It Baby ?’ et, enfin, à l’apaisement avec ‘Number X’ en clôture. ‘Boy’ est un disque empreint d’une grande noirceur, à un point tel qu’il en devient un disque lumineux, un disque lumière, une œuvre éclairée. (et)

bum du groupe belge, pour se consacrer à une pop forcément synthétique et néanmoins abordée avec ce style un peu lounge approfondi depuis ‘Outside’. On retrouve donc sans grande surprise ce panaché de pop enlevée mais inoffensive, les inévitables carillons pour la touche exotique, ça sent l’été, l’anti-moustique, les amours juvéniles et la crème solaire. A ce niveau, Arsenal met la dose, protection 80. S’agit de bronzer sans brûler, de se dorer sans prendre de risque, de se laisser envahir par le dépaysement sans risquer les déconvenues. Ne pas quitter le sentier balisé, mais charger ses luxuriants abords. Arsenal est à la musique ce que Tony Scott était au cinoche : léché, esthétisant à outrance, saturé et traversé d’effets que d’aucuns se plaisent à justifier, c’est leur droit. Mais à l’instar du cinéaste, ‘Furu’ choisit d’exploiter les clichés au maximum plutôt que de les contourner. Cacheraient-ils également un mal de vivre, comme ‘Sharp Teeth’ le laisse entrevoir ? On espérait passer plus de temps avec eux sous la vase qu’en surface du lagon où les reflets sont trop chatoyants. (ab)

A. Spell ‘Where The Strange Creatures Live’ Everestrecords / Broken Silence

Trio helvético-sud-africain, il doit bien être le seul au monde, A. Spell évolue dans un drôle de monde que domine la voix expressive de Nadja Stoller. Aux frontières d’un jazz mutant, d’une electronica timide et d’une folk music recomposée, la musique des trois loustics (une fille, deux gars) manque pourtant d’un je ne sais quoi pour franchir le cap. Les douze morceaux sont très bien chantés, les arrangements évitent la surenchère et l’entente entre les membres est sans nuage, pourtant la soupe conserve un goût étrange d’inachevé. Comme si les morceaux avaient résisté au mixeur, on aperçoit tous les ingrédients au fond de la casserole et si la dégustation n’est pas désagréable, un soupçon de crème fraîche aurait été des plus bienvenus pour assurer plus de liant et de volupté. (fv)

Benny Zen The Recording Artist ft. The Syphilis Madmen ‘Go Out And Love The People’ Fons Records/Pias

Probablement les Flamands du mois. Parmi les frappadingues que le Nord envoie régulièrement au front des plus grands festivals (Sukilove, les fabuleux Hong Kong Dong), Benny Zen et son featuring de bon goût risquent de cartonner cet été. Parce que ‘Go Out And Love The People’ n’est pas qu’un appel au pacifisme hippie et port de tongs mais aussi, et avant tout, un très bon disque. Un skeud qui ramène sur le tapis,

entre autres déconnes et grooves garages, la déglingue de Pavement (‘Drunk At Home’) et le soleil des Beach Boys (‘I Like Airports’). Parfaitement crétin. Hautement jouissif. L’artwork est à l’avenant et garantit des ventes colossales une fois dans les bacs à soldes, là où l’achat à la pochette est compulsif : elle expose un sein énorme et presque difforme en plan rapproché. Aucune raison valable de sortir couvert, donc ; il faut absolument choper cette saloperie-là. (lg)

Black Lips ‘Underneath the Rainbow’ Vice

Depuis quelques années, les Black Lips sont amenés à dépasser les clichés qu’ils ont euxmêmes ravivés à grands renforts de textes décérébrés, de shows pétaradants et d’hymnes rockgarage tonitruants. Pour se réinventer sans se fouler, les quatre garnements se coltinent des producteurs improbables. Après Mark Ronson, les gaillards rendent aujourd’hui visite à Patrick Carney. Aux manettes d’une grosse moitié d’‘Underneath the Rainbow’, le batteur des Black Keys tape juste et bien, sans forcer le trait ni pousser les Black Lips vers des contrées qui ne leur ressemblent pas. L’album s’ouvre ainsi sur une cavalcade de riffs sixties chippés aux Stones de la première heure (‘Drive By Buddy’) avant de s’élancer pieds nus et floche à l’air sur des cuivres chauds comme la braise (‘Boys In The Wood’). Pour le meilleur comme pour éviter le pire, les quatre trublions d’Atlanta ne dévient pas de leur trajectoire: une route jonchée de crachats et bordée par les souvenirs d’un rock crétin et passablement allumé. Champions de la mélodie accrocheuse, les Black Lips gravent des chansons à siffler sous la douche (‘I Don’t Wanna Go Home’) ou à dérouler à 200 km/heure sur une ligne droite goudronnée (‘Waiting’, ‘Dandelion Dust’). En fin de parcours, on aperçoit la carcasse longiligne de Bradford Cox (Deerhunter) derrière les paroles de ‘Dog Years’, ultime morceau de cette virée sur les chapeaux de roue. (na)

Building Instrument ‘Building Instrument’ Hubro

Hubro est un nouveau label norvégien spécialisé dans la sortie d’obscurs groupes de néo-jazz progressistes, amateurs d’improvisations, aux noms aussi exotiques que Splashgirl, Jessica Sligter, 1982, Moskus, Erland Dahlen, Mats Eilertsen, Scent of Soil, Huntsville, Moon Relay, Cakewalk, Ballrogg, Ivar Grydeland, Møster !, ou encore Bly de Blyant (mince, quoi). Des combos qui ont au moins deux choses en commun. Un:

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personne ne les écoutera jamais. Deux – et c’est plutôt cool : leurs pochettes sont toutes signées par le groupe de design Yokoland (dont le travail le plus connu est sans doute l’artwork de ‘The Devil, You + Me’ de Notwist, pas rien, tout de même). Quid de Building Instrument dans tout ça ? La vérité : un truc tout branlant, plein de charme, written, improvised and arranged par le groupe himself. C’est assez peu descriptible mais, au final, c’est drôlement envoûtant. Une sorte de Chapi Chapo et les Petites Musiques de Pluie qui revisiterait le répertoire de Dead Can Dance ? Ou l’inverse ? On ne sait pas bien. Une Bjork qui partirait en tournée avec Boy & The Echo Choir, melodica et zither en bandoulière ? Les deux morceaux phares s’appellent ‘Kanskje’ et ‘Bli Med’, étirent leurs loufoqueries mélancoliques et éthérées au-delà des sept minutes. On y pige que pouic. Normal : la fille chante en norvégien. Beau, presque bizarre mais vraiment accessible. (lg)

S. Carey ‘Range of Light’ Jagjaguwar/Konkurrent

Il y avait ce petit d’homme qui n’arrêtait pas de me poser des questions. Combien d’années mettent les montagnes à s’ériger ? Combien de minutes prend l’écume avant de s’évanouir ? Combien d’images complètes pourrais-je distinguer dans ton œil si je t’observe assez longtemps ? Combien de temps met l’immuable pour varier ? Avant de rencontrer S. Carey, sensible batteur, je haussais toujours les épaules piteusement, désolée de n’avoir rien de poétique à lui répliquer. Sous son aile protectrice, j’ai vu rougeoyer fiévreusement les sommets, trembloter les herbes, décroître la lune, la rivière s’embourber puis reprendre son cours. Il a déplié devant mes yeux un grand calque où, à travers les esquisses de Steve Reich, j’ai pu contempler à loisir chaque élément du décor comme si je l’avais toujours connu. Dissimulés dans une futaie, Justin Vernon et JBM faisaient une réussite sur une table en rondins, à peine distraits par les mésanges posées sur leurs épaules. Il les a salués du bout des doigts, brassant à peine l’air, ne créant un écho infinitésimal que pour lui et moi. À peine un crépitement. La prochaine fois que le môme m’interrogerait, c’est certain, je répondrais « béatitude ». (alr)

Cloud Nothings ‘Here and Nowhere Else’ Wichita

On cite l’auteur principal du bazar, le toujours vert Dylan Baldi : « it’s not just an in-your-face rock record, it’s more subtle ». Bien sûr que c’est direct dans ta gueule ce disque mais, pour qui aurait suivi Cloud Nothings depuis les débuts prometteurs de ‘Turning On’ en 2009, c’est une évidence. A l’époque, sur la pochette, on voyait la jambe d’un mec émerger d’une machine à laver et on avait été véritablement lessivé par un rock puceau, gueulard, punk, noise mais, surtout, encore fort brouillon. Les choses le sont un peu moins aujourd’hui et, d’ailleurs, après un troisième album qui avait été produit par le quasi sénile Steve Albini, c’est vers son disciple John Congleton, connu pour ses collaborations avec des gens de grande classe (St Vincent, Bill Callahan et même Angel Olsen), que se sont tournés les grunges de l’Ohio. Très bonne chose : ce mec exploite à merveille la fureur, la rage, les cris et les saturations d’un groupe qui doit prier tous les jours que Dieu fait la Sainte-Trinité Fucked Up – Fidlar – Jay Reatard. Le morceau épique du disque, ‘Pattern Walks’, explose à mi-chemin en un brûlot que n’aurait pas renié les Strokes de 2006. Fort. (lg)

Dez Mona ‘X (Live)’ Majestic/62T Vrecords/Pias

Entre le jazz, le classique, l’opéra baroque, le gospel, le rock alternatif et plus récemment la pop, Dez Mona n’a cessé depuis ses débuts en 2005 d’élargir sa palette musicale et de se construire


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Earteam

un univers musical aussi inclassable que sophistiqué. Mais aussi et surtout une solide réputation de groupe précieux ne dédaignant pas la théâtralité. Car la formation a toujours attaché beaucoup (trop ?) d’importance à la mise en scène de son travail en studio. Bilan provisoire, clôture d’un chapitre, ce live en forme de best-of ne recèlera guère de surprises pour les aficionados du groupe. Il est en revanche une porte d’entrée idéale pour tous les autres. Tous les ingrédients qui constituent le son et l’image de la formation y sont en effet réunis de manière à créer une tension progressive qui culmine sur le superbe ‘Get Out of Here’. Outre ce goût du spectacle et de la théâtralisation des émotions, c’est sans conteste l’alchimie entre la voix virtuose de Gregory Frateur et la contrebasse de Nicolas Rombouts qui reste l’essence de ce collectif à géométrie variable. Autres moments forts du disque, le très jazzy ‘She Says It’s Not For Long’ et l’impressionnant ‘Apart From Us All’ témoignent du chemin accompli par les deux complices depuis leurs débuts. (gle)

Mac DeMarco ‘Salad Days’ Captured Tracks Records/Konkurrent

Entre songwriting mélancolique et college pop, Mac DeMarco refuse de choisir, oui monsieur. Tout en imprimant une fausse béatitude, déjà marque de fabrique de son premier opus (bizarrement) intitulé ‘2’, le songwriter canadien tisse morceau après morceau un collier de perles mélodiques down/midtempo de très haute volée. En prince de la concision, nombre de chansons ne dépassent pas le cap des 3’30, DeMarco enchaîne les ballades pop folk tel un maestro des temps modernes qui connaît ses grands classiques. Parfois croisement improbable d’un Kurt Vile qui aurait partagé le barbecue avec Leonard Cohen et Harald Nilsson, Vernor Winfield McBriare Smith IV (de son vrai nom très ouf) déploie ses ailes dans un lagon où le ciel bleu et les cocotiers sont remplacés par une rangée de hêtres sur fond de nuages inoffensifs. Bien sûr romantique, au sens où les Beatles l’entendaient sur ‘Eleanor Rigby’, la démarche de l’homme de la Colombie Britannique est également très à l’écart de toute tentation guimauve – et pour le slow bien crapuleux, il faudra carrément repasser. Autant de bonnes nouvelles en un seul disque, ça n’arrive pas tous les jours et le gars n’a que 23 ans. (fv)

Elephant

Simone Felice

‘Sky Swimming’

‘Strangers’

‘English Oceans’

Memphis Industries/V2

Team Love Records/Shellshock

ATO Records

Elle aimerait tant faire partie de cette ‘Assembly’, impressionner cette cohorte de garçons au regard vague, de filles aux cheveux cendrés effet tombé-du-lit. Ne pas céder à la mode des selfies. Plutôt aller observer les altostratus depuis un ‘Skyscraper’, investir de sa silhouette une maisonnette dans une calanque abandonnée, et laisser le courant pop la faire dériver distraitement sur un radeau de porcelaine, jouer les naufragées évanescentes vêtue seulement d’une micro-robe cotonneuse vert d’eau. Échapper à la foule anonyme quelques heures par semaine et de l’index, prendre le temps de réviser les zones sensibles de ses avant-bras en compagnie des fourmis. Arborer un prénom plus alluré, des syllabes plus attractives. Ah, si seulement elle pouvait annoncer Victoria ou Cynthia, quand on lui proposerait du feu… Paraître insaisissable, collapser en ne laissant derrière elle que la réminiscence d’un parfum musqué, quelques gouttes de violette. La moue morose devant son ‘TV Dinner’, noyée au milieu d’étoffes iridescentes, elle réviserait quelques envoûtants jeux de langue, pour le jour où elle serait entièrement, somptueusement métamorphe. (alr)

Jean Genet avait coutume de dire qu’on ne devient pas artiste sans qu’un grand malheur s’en soit mêlé. Vu sous cet angle, Simone Felice n’a rien d’un imposteur. Rupture d’anévrisme à l’âge de douze ans, perte d’un enfant, opération à cœurouvert en 2010, il ne faut pas avoir fait une Maîtrise en Psychologie de Comptoir pour comprendre que notre homme ait rapidement considéré le songwriting comme l’exercice cathartique idéal. Tout d’abord au sein des Felice Brothers et ensuite sous le nom de The Duke And The King, avec pour point commun une americana habitée, sans surprise, par chaque parcelle de son existence. Entre folk, country et softpop vintage, en solo encore davantage qu’en groupe, Simon Felice n’a rien à prouver, tout au plus quelques chansons à partager dans lesquelles il conte ou se raconte avec élégance et pudeur. Car l’américain est avant tout un conteur incarnant d’une voix à la gravité lasse, sans pathos ni apitoiement, ses compositions aussi touchantes que très abouties musicalement. Un disque à la lumière et à l’humeur changeantes qui contient aussi sa petite pelletée de chansons à fredonner allègrement, particulièrement efficaces quand le tempo s’accélère. On est par exemple saisi par l’évidence et les chœurs d’un titre comme ‘Molly-O !’. Ou par le plus luxuriant ‘Running Through My Head’ qui ponctue l’album. Une très jolie pochette pour un très joli disque, les choses n’ont pas toujours été aussi simples dans la vie de Simone Felice. (gle)

Drive-By Truckers En deux décennies de carrière, les Drive-By Truckers n’ont cessé de sortir des albums de rock indie d’influence sudiste de fort belle qualité. Ayant survécu en 2006 au départ de Jason Isbell dont le rôle était pourtant vital au sein du groupe, ce quintet originaire d’Athens (Géorgie) nous revient avec un douzième album particulièrement inspiré. Le fait que Mike Cooley, davantage en retrait par le passé, se soit décidé à composer et chanter plusieurs compos n’y est certainement pas étranger. Si le frontman attitré, Patterson Hood, n’a pas son pareil pour délivrer des titres rock qui bougent bien, Colley, quant à lui, apporte un nouveau souffle à la musique du groupe, insufflant un côté pop ou blues bienvenu. Il en résulte une collection de 13 titres particulièrement variée et riche en réussites. Le Byrdsien ‘Primer coat’, le blues dépouillé de ‘Natural light’, l’irrésistiblement sudiste ‘Hearing Jimmy loud’, le très REM ‘When he’s gone’ ou encore la superbe ballade élégiaque qu’est ‘Grand Canyon’ figurent parmi les plus belles compositions du groupe. (pf)

Eels ‘The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett’ E Works/Pias

Quiconque a un jour écouté un album de Eels sait bien que Mark Oliver Everett n’a rien d’un joyeux drille. Ses sujets de prédilection sont les vicissitudes de la vie, la mort ou encore le regret de ne pas avoir fait ce que l’on aurait dû faire ou d’avoir fait ce que l’on n’aurait pas dû. Il n’en va pas autrement sur ce nouvel album qui voit Mark s’épancher sur le fait d’avoir pris la décision de s’éloigner d’une personne pour finalement réaliser qu’il tenait à elle. Tout cela peut sembler misérabiliste à première vue, mais l’album ne l’est pas. Certes, l’ambiance générale est à l’introspection sombre, mais Everett nous parle de ses démons personnels sans complaisance et avec tellement de brio et de poésie que l’on n’a pas envie de se pendre après cinq minutes. Et puis il y a les compositions, comme toujours délicates, accrocheuses et prenantes, évoluant dans un registre pop/folk dark convenant parfaitement à l’écriture de Mark (mieux, selon moi, que l’approche plus rock du précédent album). Accompagné d’un orchestre qui donne du souffle à l’approche intimistes voix/piano, Eels signe une fois de plus une superbe collection de morceaux, parmi lesquels on retiendra tout particulièrement ‘Parallels’, ‘Lockdown hurricane’, ‘Where I’m from’ ou encore ‘Where I’m going’. (pf)

Eno – Hyde ‘Someday World’ Warp/V2

En revenant aux côtés de David Byrne pour une collaboration qu’on n’imaginait plus se renouer pour ensuite sceller et fouiller son alliance avec le poète Rick Holland, Eno montrait par là que toutes les pistes d’exploration restaient possibles. ‘Someday World’ le voit s’engager auprès de Karl Hyde d’Underworld. Si leur rencontre remonte à un voyage commun en Bosnie en 1995, elle ne se concrétisa que bien des années plus tard lors d’un projet présenté à l’opéra de Sydney en 2009. Au départ, ce disque naît d’ébauches qu’Eno a amassées au cours des ans, des structures polyrythmiques complexes influencées à la fois par Steve Reich et Fela Kuti. Hyde a entrepris de les transformer en véritables chansons, sous la supervision d’un jeune producteur doué qui n’avait jusque là jamais travaillé avec Eno, Fred Gibson. Ensemble, ils ont travaillé en temps réel dans un vrai studio, créant l’assise d’une interaction physique et complice. Celle-ci ne transparaît pas seulement dans la façon dont la paire Eno/Hyde se partage le magnifique travail vocal mais également dans l’inflexion mélodique qu’elle imprime à la dizaine de morceaux repris ici. Ce disque est à la fois un des plus abordables et un des plus pop qu’Eno nous ait donné à entendre. Il est aussi le gage du talent de Hyde qui nous assure qu’il existe une vie après Underworld. (et)

tu les emmènes d’abord au stade, avec un détour par le Ghana. Et ça pourrait franchement s’arrêter là, un tour un peu grossier mais qui fonctionne du tonnerre. « Is this the life that you’ve been waiting for » ? Allons Foster, on sait que tu as mieux à offrir, dans ton ventre pop chamarré. « It feels like coming of age », regarde-les tous claquer des doigts, ceux que tu as transbahutés en Delorean, ils en redemandent, et du bien plus tortueux. ‘Never Mind’, tu finiras par léviter mieux, leur mettre une de ces bananes lumineuses, un grand tour d’essorage psychotrope, apprendre aux néophytes à atomiser la lune sur des chariots en flamme. Shabam, pop, wizz! « I can see, I can see the beauty in the mess », c’est le décollage insolent. De quoi te faire plein de nouveaux amis, de ceux qui te tendront la main le jour où tu seras bien inspiré par de curieuses ‘Goats In Trees’ très haut perchées sur le folk. De ceux qui t’aideront à trouver ta vérité de ‘Supermodel’, par-delà les plans de management. « Save yourself, yourself », mais moi, je ne vais pas chercher tout de suite la ‘Fire Escape’ de ton disque. Laisse-moi danser d’abord ! (alr)

Fujiya & Miyagi ‘Artificial Sweeteners’ Yep Roc/V2

Mine de rien, ça fait pas loin de quinze ans (formation en 2000) que le duo angliche Fujiya & Miyagi balance à la face du monde son krautrock mâtiné d’italo disco, à moins que ce ne soit l’inverse. Au fil du temps, ça nous a valu une sacrée flopée de disques largement écoutables, voire carrément enthousiasmants (les ‘Lightbulbs’ de 2008, incontournables). Si pour leur sixième fournée, le groupe de Brighton reste fidèle à une esthétique qui renvoie autant à Neu! qu’à Valérie Dore – tout en passant par l’inévitable et excellente case Turzi – ses neuf titres se laissent glisser dans le pavillon sans le moindre effort. Toujours sans le moindre complexe, mais avec une réelle maîtrise des tempos qui doit réjouir à la fois Klaus Dinger et Tim Gane (le carrément überkraut ‘Rayleigh Scattering’), Steve Lewis/Fujiya et David Best/Miyagi dézinguent les époques avec un réjouissant et fun laisser-aller. Et s’il n’exclut nul coup d’œil dans le rétro, on se croirait par instants en plein revival La Düsseldorf (le morceautitre ‘Artificial Sweeteners’), le cru F&M 2014 n’a nul besoin de gluten et autres exhausteurs de goût pour s’en mettre plein la panse. Ah, les petits gourmands. (fv)

God Loves Fags ‘Are We Took A Power Nap’

Fitz And The Tantrums

Spezialmateriel Records

‘More than Just A Dream’

On poserait la scène de cette manière : loin, très loin de Westboro Church, à un jet sonore de Zürich, quatre enfants de chœur brouilleraient les ‘Frequencies’ avec leurs ongles, éplucheraient le cuivre des orgues d’’Aksak’, feraient tournoyer minutieusement leurs convictions avant le sermon. Soudainement grisés par l’atmosphère spatiale, « Revolution, it’s just in your head » deviendrait leur motto. Obstinés, ils métamorphoseraient l’office du jour en un rite kraut, un brouillard parsemé de palpitations à la gloire de ‘Glen Wild’ et la petite chapelle votive prendrait des allures de nef ample où ruisselleraient leurs cantiques ombrageux avant de s’évanouir. D’un ‘Vulture’, ils feraient un chétif oiseau de foi, voletant à basse altitude, mangeant dans leurs mains à peine ouvertes. Il s’agirait, en guise de cérémonie finale, de tenir une seule note, vraie sieste toute-puissante, pendant 7 minutes 35. Un recueillement à sidérer morts et fervents… (alr)

Dangerbird/Elek tra

Ceux qui s’étaient délectés de la pop soul d’inspiration Motown sur le premier opus de ce sextet californien risquent fort de faire la fine bouche à l’écoute de ‘More than Just A Dream’. Ce n’est pas que le groupe aurait soudainement perdu le don pour composer une mélodie accrocheuse, non. C’est plutôt qu’alléchés par le joli succès rencontré par ‘Pickin’ up the pieces’, Fitz et ses amis se sont mis en tête qu’ils pourraient cartonner encore plus en intégrant des sonorités hype et en cherchant le tube à tout prix. Le résultat, c’est qu’en intégrant des beats électro, des ‘oh oh’ et des effets sensés plaire à tous sur chaque morceau ou presque, le combo perd ce qui faisait son charme et sa singularité et verse trop souvent dans la facilité putassière au point qu’on a l’impression d’être à l’Eurovision. Dommage, car des très bonnes compos comme ‘Out of my league’ ou ‘The walker’ auraient mérité meilleure compagnie. (pf)

Foster The People

Great Ytene ‘Great Ytene’

‘Supermodel’

Bella Union/Pias

Columbia Records/Sony

Apparu en bord de mer, sous les vols planés des mouettes de Brighton, Great Ytene crée sous substances et recycle avec soin les motifs déformés de ses ancêtres psychés. Nouvelle recrue

Ce n’est pas donné à tout le monde de faire danser tous les kids – pan dans la fourmilière indie – sur une histoire de fusillade. Alors la fois d’après,


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4/22/14

9:05 PM

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THIRTY SECONDS TO MARS SPORTFREUNDE STILLER . TRIGGERFINGER BOMBAY BICYCLE CLUB

JOE SATRIANI 20-06-2014

ALTER BRIDGE . MARTERIA

ANGEL TABLE . DEAP VALLY . SUB CULTURE . FRESHDAX S A T U R D AY 2 8 t h J U N E

SKRILLEX . ALICE IN CHAINS FOALS . ELLIE GOULDING

WHITE LIES . SHAKA PONK FOSTER THE PEOPLE . GOLD PANDA THEES UHLMANN . NATAS LOVES YOU

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GRAMATIK 05-05-2014

SOUNDGARDEN 24-06-2014

CAMO & KROOKED PRESENT ZEITGEIST CLAIRE VERSUS YOU . DREAM CATCHER . LOST IN PAIN

S U N D AY 2 9 t h J U N E

KINGS OF LEON INTERPOL . THE HIVES

WIZ KHALIFA . GENTLEMAN EVOLUTION HAIM . CHVRCHES . GRANDMASTER FLASH CLUTCH . PRINZ PI

SUB FOCUS . JUNGLE . ARTABAN . ALL THE WAY DOWN THE MAJESTIC UNICORNS FROM HELL

THE SUBS 17-05-2014

DUM DUM GIRLS 25-05-2014

CHET FAKER 07-05-2014

CAT POWER SOLO 01-06-2014

STEVIE WONDER 03-07-2014

AWOLNATION 05-06-2014

GIORGIO MORODER DJ SET 10-07-2014

GIRLS IN HAWAII 30-05-2014

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BLONDIE 19-06-2014

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www.rockhal.lu Rockhal, Esch/Alzette (LUX) // infos & tickets: (+352) 24 555 1 Rockhal recommends to use public transport: www.cfl.lu


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Earteam

d’un rock anglais passéiste et aventureux (Temples, Wytches), la formation laisse entrevoir ses premiers signaux de fumées via six titres hautement corrosifs, exclusivement disponibles sur un vinyle éponyme. ‘Great Ytene’ tourne ainsi autour d’une hype vintage sensiblement rétro, mais jamais trop. Toujours sur le fil, le groupe britannique joue les équilibristes et esquisse un disque à cheval entre références historiques (The Byrds, Pink Floyd, Montage) et rêves américains (Women, Deerhunter). Excitant et sans faille, ce premier E.P. tisse sa toile d’araignée psychédélique à l’aide de guitares électriques nourries au krautrock et à la pop shoegaze. Reste maintenant à voir si Great Ytene est capable d’élargir les plans de ce fascinant microcosme sur la longueur d’un album. En attendant, ces six morceaux avant-coureurs ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd. (na)

Liz Green ‘Haul Away!’ Pias

Le choc Liz Green date de 2007 à la faveur d’une vidéo tournée en marge de Glastonbury – année où elle a remporté le concours de talents émergeants du grand festival anglais. Seule avec sa guitare et sa superbe voix, elle avait réussi en un seul titre à me renverser. Trois secondes plus tard, je commandais son premier 7’’ ‘Bad Medicine’ et sept ans après, le choc thermique est toujours aussi soufflant. Alors, imaginez ma joie en recevant ‘Haul Away!’, second essai longue durée de la chanteuse de Manchester et il se révèle passionnant de bout en bout. Évidemment, si l’organe vocal de Liz Green demeure son atout principal entre chaleur incandescente et retenue british, le choix de ses arrangements se révèle des plus pertinents. Tout en quittant à foison la case folk music où elle aurait pu rester confinée, Green tente – et réussit, admirablement – des débordements jazz qui épicent diablement le propos, à tel point qu’on se croirait parfois dans un cabaret berlinois entre Kurt Weill et Ute Lemper. Les grincheux jugeront la démarche en retrait de la modernité d’une Marissa Nadler ou d’une Emily Jane White, nous les laisserons à leur jugement approximatif, car à l’écoute de Liz Green, un seul nom – immense – soutient la comparaison : Karen Dalton herself. (fv)

Gumbo Gumbo ‘Charger’ Fandango Music

On ne sait si le nom du label qui a accueilli ce groupe néerlandophone est un hommage à l’album de ZZ Top du même nom, mais si c’est le cas, nul doute que Gumbo Gumbo était fait pour rejoindre la fratrie. ‘Charger’ est en effet un excellent album de rock infusé d’influences blues et sudistes, ce qui frappe dès l’écoute de ‘Farewell’ qui ouvre l’album. En même temps, Gumbo Gumbo ne se contente pas de rendre un hommage aux légendes classique rock d’il y a 40 ans et sonne résolument moderne au niveau des compositions. Outre le fait que l’album est très bien enregistré car mettant en avant un son puissant et très live, on est aussi impressionné par la variété des inflexions affichées. Entre le très groovy ‘Waste my time’, le plus downtempo ‘Try to keep her’ et le bien bluesy ‘Must have been’, l’auditeur aura de quoi trouver son bonheur! (pf)

Gush ‘Mira’ Siblings/Wagram

Avec ‘Mira’, les français de Gush espèrent cartonner outre-Quiévrain et pourquoi pas réussir à per-

Future Islands ‘Singles’ 4AD

Il suffit d’y croire. Quiconque aura été témoin de l’implication émotionnelle de Samuel T. Herring sur scène ne pourra nier qu’une foi profonde en son medium anime le gaillard. Des pieds à la tête, du ventre à la gorge, Herring est à la fois source et vecteur de sa musique. Il la concentre et la propulse, la rattrape, l’intègre, la rumine, la recrache - nue et fébrile - et la scarifie enfin à grands coups repentants sur le torse. Coutumier du fait dès les premières heures de Future Islands, Herring justifie à lui seul une fan-base fidèle qui a explosé lors de son incroyable performance au David Letterman Show avec ‘Seasons’. C’est dire si le quatrième album du groupe, accueilli sur 4AD et frondeusement baptisé ‘Singles’, était attendu au tournant. L’aveu est clair : sans rien renier de leur style, encadrés par le prolifique Chris Coady (Smith Westerns, Beach House, Wavves, We Are Scientists), le groupe de Baltimore polisse sa new wave clinique et habitée avec le souci d’un album immédiat, une perle pop instantanée à la transparence effrayante. Il suffit d’y croire. Évidente vacuité ou fenêtre grande ouverte sur émotion primale ? Herring ne laisse pas le choix et incarne le moindre mot avec une affectation qui puise sa force aux sources où burent jadis Ian Curtis, Joe Cocker ou encore Mike Patten. Oui, oui. À ce titre, ‘Fall From Grace’ parvient à conjuguer la force brute et grondante des albums précédents et l’accessibilité totale à laquelle aspire ‘Singles’ pour atteindre des sommets d’émotion improbable. Soutenu par la fausse simplicité cristalline des compositions, déferlante nostalgia-wave au ressac doux-amer, permanent oxymore musical, ce n’est pas Future Islands qui s’abandonne à la synth-pop, c’est la synth-pop qui s’abandonne au groupe. Il suffit d’y croire. (ab)

cer sur la scène internationale. On ne sait pas s’ils y parviendront, mais ce qui est certain, c’est que le quatuor dispose d’atouts indéniables pour séduire les masses. Tout d’abord, on trouve sur cet album plusieurs tubes en puissance, comme par exemple ‘Dirty attitude’ et ‘Siblings’. Ensuite, le cocktail disco/électro/funk/ French touch qu’il propose est dans l’air du temps et attirera les comparaisons avec Daft Punk, ce qui peut être porteur. Ceci dit, il faut quand même reconnaître que l’album est un peu répétitif sur la longueur au niveau du style et que l’on a le droit de se lasser de la voix suraiguë du chanteur qui évoque les Bee Gees période ‘Saturday Night Fever.’ (pf)

Horse Thief ‘Fear In Bliss’ Bella Union/Pias

Ça ne me dérange pas qu’en Oklahoma on cherche envers et contre tout à projeter sa voix aussi haut qu’un songe de mercure, aussi posh que Brett Anderson, ça ne me dérange pas vraiment que les voleurs de chevaux révisent un brin leurs positions géographiques avec Vampire Weekend. Qu’à vouloir apprivoiser ce sacré ‘Devil’ par la queue en scandant son nom, ils ne parviennent jamais tout à fait à le maîtriser. Que la valse d’éther les rende un peu malhabiles. Si l’un d’entre eux, ‘Already Dead’, revêt parfois le bleu de travail trop grand de Lennie Small, le tremblement de Daniel Johnston. Si leur poussière du sud camoufle à peine quelques paillettes, quelques escarres. Il s’agirait juste de ne pas de trop tirer sur la corde des vulnérables lonesome ranchers, sans espoir ni repos en route vers la West Coast, sous le soleil et le métronome crus d’un ‘Dead Drum’. Lâchons-prise, laissons couler, ‘Come On’. Cherchent-ils à être pèlerins ou maniéristes ? Sur ce fil infime, l’équilibre se fait en creux. (alr)

HTRK ‘Psychic 9-5 Club’ Ghostly International

No Future. Le Hate Rock Trio, plus connu sous le pseudo HTRK (d’autant que le trio n’en est plus un depuis le suicide du bassiste Sean Stewart en 2010), charrie un sérieux mal de vivre. Sous des rythmiques d’abord kraut (l’excellent EP ‘Nostalgia’, 2005), puis une esthétique new wave et post-punk de plus en plus minimaliste sous l’influence de la chanteuse Jonnine D, HTRK pue la morbidité adolescente, la misère et la mort. Chants éthérés dont le voile pourrait être percé à tout instant par une lame de rasoir, mécanique froide et stérile sous feedback anxiogène, pulsations creuses et sans fond, ‘Psychic 9-5 Club’ est un désert aride où rampent des embryons avortés, les traits couverts de mascara. Quand y résonnent des

rires désespérés (‘Feels Like Love’), perce soudain la fragilité d’un groupe à la recherche constante d’une humanité lovée, quelque part, sous un caillou, un sourire, un replis (‘Wet Dream’). « I’m in love with myself » chante Jonnine, comme pour conjurer le sort. On doute pouvoir la consoler et, la main posée sur son épaule, on laisse son lent poison nous envahir et couler dans nos veines. Douce et terrible langueur de la cryogénie. Abandon de soi. Keep ‘The Body You Deserve’, mais laissez votre âme à l’entrée. (ab)

Hurray For The Riff Raff ‘Small Town Heroes’ ATO/Pias

Au-delà d’un patronyme parfait en cette année jubilaire pour votre musiczine favori, ce groupe louisianais évolue à première oreille dans la plus pure tradition de l’americana à équidistance entre le folk et le blues. Si on règle plus finement le Sonotone, c’est plus précisément entre Alabama Shakes, Valerie June et Neko Case que le combo trouve sa place. Peut-être parce qu’il est emmené par Alynda Lee Segarra, new-yorkaise de 26 ans émigrée dans le bayou, et dont la personnalité autant que les cordes vocales pourraient réveiller notre intérêt pour une Amérique peuplée de cow-girls qui jouent aux cow-boys. Pas seulement parce que le groupe s’affiche ouvertement queer. Car loin d’une country rock épaisse et de la démesure vocale de certaines congénères, Alynda et ses gars ont le chic pour trousser des chansons qui jonglent avec les stéréotypes du genre, en les renouvelant ou se les appropriant. A l’image de cette murder ballad (‘The Body Electric’) que n’aurait pas renié Johnny Cash. A l’autopsie, ‘Small Town Heroes’ est un disque complètement hors du temps mais qui regorge d’histoires et de thèmes très contemporains. Parvenir à rendre le bluegrass moderne, vivant et engagé, voilà qui n’est pas le moindre des qualités d’Alynda Lee Segarra et ses acolytes. (gle)

Joan As Policewoman ‘The Classic’ Pias

J’ai juste envie que tu sois le ‘Witness’ privilégié d’une mue épatante, d’un désenvoûtement. Envie de te dire comme ça peut être beau, combien ça rend intrépide, une fille autrefois chagrine qui prend feu quand elle s’éloigne des alluvions maudits du Mississipi. « Let’s get direct ». Juste envie de te demander d’écouter à quel point elle vibre quand elle prend corps avec l’’Holy City’. ‘The Classic’, ça pourrait paraître

prétentieux (souviens-toi de Chan et de ‘The Greatest’, confrontation mi-figue mi-raison avec la légende de Memphis) mais imprègne-toi de la sobriété de ce titre, des doo wap parfaitement taillés, de cette assurance dorée à souhait. « Don’t wanna be nostalgic » : il en faut sacrément, de ce cran d’amazone, pour se projeter contre les cordes, pour rendre la soul d’ici et maintenant aussi percutante qu’un flow né du quartier, pour démêler ses propres fils autrement sans perdre pied, pour que ça ne soit pas que d’la gueule falsifiée à tout va mais un vrai parquet de velours qu’on emprunterait pour les grands jours. Qu’est-ce que tu ferais, toi, si tu te sentais tiré par le fond, étiqueté, qu’il te fallait évacuer ce trop plein de ‘Bonheur des tristes’ ? Joan Wasser a choisi de laisser la honte à la rivière, opté pour le craquèlement de l’œuf neuf, la toute-puissance solaire. « Could it be that [she’s] the one »? (alr)

Kaiser Chiefs ‘Education, Education, Education & War’ Fiction/Caroline

Près de dix ans après les premières fulgurances de ‘Employment’, les Kaiser Chiefs restent confrontés à la même interrogation problématique: quelle suite donner à ce premier album dont le succès tenait essentiellement à l’impression de fraîcheur juvénile qui s’en dégageait ? Après plusieurs sorties de route et le départ du batteur et compositeur Nick Hodgson, le quintette de Leeds essaye de se relancer avec ce cinquième album dont le titre paraphrase une célèbre formule de Tony Blair. Mais en dénonçant un climat de crise et d’exploitation, les Kaiser Chiefs tentent surtout de persuader de leur capacité à évoluer vers l’âge adulte tout en renouant avec le souci des classes populaires. Ce nouvel opus serait donc une sorte de pamphlet qui, dixit Ricky Wilson, « parle autant d’espoir que de la futilité de nos existences et de celle du monde politique ». Mouais. On y entend surtout une kyrielle de titres qui semblent tourner à vide à la recherche d’un nouveau ‘Ruby’. Une véritable machine de guerre prête à en découdre dans les stades et les festivals de l’été. En première ligne, c’est l’arsenal complet de l’arena rock qui est disposé. Les guitares faussement tonitruantes, les rythmiques putassières et les chœurs grandiloquents de ‘The Factory Gates’, ‘Misery Company’, ou ‘Cannons’ constituent l’artillerie lourde d’un lyrisme sans camouflage. (gle)

Kemialliset Ystävät ‘Alas Rattoisaa Virtaa’ Dekorder/Dense

Datashock ‘Keine Oase in Sicht Dekorder/Dense

Etabli à Hambourg d’où il commande ses opérations nationales et transfrontières, le label Dekorder a construit son catalogue avec des artistes tels que Stephan Mathieu, Felix Kubin ou Xela. Ces deux nouvelles parutions attestent de son bon état de santé. On ne présente plus vraiment Kemialliset Ystävät, le projet en perpétuelle évolution du Finlandais Jan Anderzén. Avec les amis chimiques de passage qu’il convie épisodiquement à ses sagas artificielles, il goupille d’insolites appareillages. Les aubades kaléidoscopiques qui en jaillissent s’avèrent tour à tour balivernes, bafouillages ou bacchanales. Les quelques rares paroles qui s’y glissent en ressortent en lambeaux, insensées, schizophrènes. Ce nouvel album, après quatre ans d’absence, offre l’avantage d’une certaine concision mais maintient intact l’iconoclasme qui imprègne à la fois la démarche et l’art de Kemialliset Ystävät. Chez Datashock, le personnel n’est pas non plus établi, changeant au gré des aventures et des épisodes. Ce combo allemand aime à se perdre dans les méandres d’un folk cosmique. Il se plaît à tirer en longueur ses cantiques caustiques aux relents de houblon et d’acide. S’il est ici question de savoir si un oasis est en vue après une telle traversée, ce n’est pas son apparition qui importe


Laibach ‘Spectre’ Mute/Pais

Laibach a suscité autant de méfiance que de vénération de par son attitude volontiers ambiguë et sujette à de multiples interprétations. Sur ‘Spectre’, les slovènes ont décidé de se révéler enfin et font un coming out politique où il apparaît que le groupe est fondamentalement progressiste et défenseur des libertés. Dénonçant pêle-mêle les injustices sociales, le machisme et l’évolution de plus en plus marquée vers une société liberticide, Laibach livre un album très convaincant. Si on a le droit de ne pas les suivre lorsqu’ils se lancent dans un délire indus/gothique baroque aux confins du métal, on ne peut que s’incliner devant la pop indus ultra accrocheuse de ‘Eat liver’, l’électro dure, limite EBM, d’‘Eurovision’ ou encore le mantra répétitif et hypnotique d’‘Americana’. On saluera aussi le très beau et apaisé ‘Koran’ dominé par des touches de piano élégantes, une reprise de ‘Love on the beat’ de Gainsbourg qui réussit l’exploit d’être encore plus glauque que l’original pour terminer avec la pièce de résistance, l’incroyable ‘The whistleblowers’, déclaration d’amour à ces symboles de la liberté que sont aux yeux de Laibach des gens comme Bradley Manning ou Edward Snowden. Cette composition ultra immédiate, symphonique et optimiste, sonne un peu comme la rencontre entre Kraftwerk et Wagner tentant de proposer une version chantée de l’hymne soviétique en y ajoutant une mélodie sifflée façon ‘Le pont de la rivière Kwai’. Assez unique, non ? (pf)

Lake Street Dive

décalé de cette copieuse compile de 19 titres, Lavvi Ebbel ne se prenait pas au sérieux et songeait avant tout à s’éclater avec sa musique tout en maniant un humour absurde on ne peut plus belge. Impressionnant sur scène puisque comptant pas moins de dix membres dont une très belle section de cuivres, ce combo dégageait une énergie folle, ce dont rend compte la poignée de titres live proposés ici (dont le très culte ‘Give me a gun’). Sur disque aussi, Lavvi Ebbel a signé quelques joyaux comme ‘Victoria’, le tendu ‘No place to go’ au son funk blanc post punk ultra puissant, sans oublier le mythique ‘Le cafard’ aux sonorités plus coldwave. Se situant quelque part entre TC Matic, les B52s et les Talking Heads, Lavvi Ebbel est un groupe dont le talent mérite d’être (re)découvert et l’on ne peut que se réjouir d’apprendre qu’il a retrouvé le chemin de la scène après 30 ans d’absence ! (pf)

MAI

Multi-instrumentiste acharné à la discographie longue comme le bras, Shawn Lee brasse world, musique orchestrale et funk depuis une quinzaine d’années sans interruption, avec quelques vraies réussites. ‘Golden Age Against The Machine’ est l’occasion de verser par-dessus son cocktail éprouvé une bonne rasade de sonorités hiphop et de guests complices (dont les excellents Busdriver). Vignettes colorées et pulp, les 17 morceaux de ‘Golden Age’ font ressembler l’album à un rutilant distributeur de bubble-gum, un de ces jolis collectors vintage qui s’arrache à prix d’or sur les puces. L’ensemble pète la classe, mais son utilité est au final plutôt réduite. Quelle que soit sa couleur, chaque boule de gomme goûte pareil. Et toutes perdent rapidement de leur saveur. Décoratif, en somme. (ab)

‘Best Of’

L’histoire de Lake Street Dive commence sur les bancs de l’université, à Boston. Deux nanas profitent de l’inter-cours pour taper la discussion avec les élèves du premier rang : deux gars passionnés d’histoire et amoureux des grandes frasques de la musique américaine. À côté de cette passion commune, les gaillards partagent également un prénom : Mike. Pour se différencier, l’un (Calabrese) apprend à jouer de la batterie et l’autre (Olson) saute sur tout qui bouge : guitare, piano, trompette ou trombone. Séduites, les filles leur proposent de monter un groupe. Pendant des années, Lake Street Dive se fait les dents à l’arrière des restaurants sur des relectures soul, country, blues ou funky. A force de reprendre le ‘I Want You Back’ des Jackson 5, la blanche Rachael Price pose sa voix sur les bijoux de la musique afro-américaine. Pour enregistrer, le quatuor s’est réfugié dans une vieille ferme implantée au cœur du Maine, pour un disque vibrant et sophistiqué, conçu selon les règles prescrites par Stax et Motown. Soutenue par les chœurs enflammés de la bassiste Bridget Kearney, Price harponne l’héritage d’Etta James et s’en va chanter sur les terres récemment labourées par Alabama Shakes. L’album n’apporte rien de neuf sur nos platines, mais distille ses codes vintage avec un redoutable savoir-faire. Réjouissant à défaut d’être véritablement passionant. (na)

Peacefrog

Étonnamment, bien qu’étant féru de post punk et de new wave, je n’avais jamais entendu parler de ce groupe belge originaire d’Alost qui a connu son petit succès entre 1977 et 1983. Comme l’indiquent le nom du groupe ainsi que le titre

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2014

BBE Records

Little Dragon

Starman Records

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‘Golden Age Against The Machine’

Signature Sounds/V2

‘Guns And Crêpe Flambée : 19772014’

web

Shawn Lee

‘Bad Self Portraits’

Lavvi Ebbel

L'AÉRONEF

Actif depuis 18 ans, ce groupe suédois n’a jamais véritablement réussi à percer en dépit du soutien de la presse spécialisée, de la reconnaissance de ses pairs - le groupe a fait un featuring sur ‘Plastic beach’ de Gorillaz - et bien qu’ayant vu l’un de ses titres être repris au générique de Grey’s Anatomy. Au vu de son potentiel, on se dit que Litle Dragon est en droit de nourrir quelques regrets, dans la mesure où sa musique affiche un véritable cachet. Proposant une pop électro d’inspiration R&B et funky avec une petite touche de trip hop, le quatuor pouvait en outre compter sur les talents vocaux de sa chanteuse japonaise Yukimi Nagano insufflant des morceaux brillants dans l’art d’être catchy mais pas trop. A l’écoute de cette compilation de 14 titres, on se dit qu’il aura sans doute manqué au groupe un véritable tube, ce qui n’enlève rien à la qualité indéniable de morceaux aussi chaloupés et élégants que ‘Sunshine’, ‘Twice’, ‘Test’ ou ‘Ritual Union’. (pf)

© Brest Brest Brest

au final mais bien la possibilité de son existence dans l’anti-désert de cette luxuriante musique. (et)

Ramona Lisa ‘Arcadia’ Pannonica

Alias de Caroline Polachek, qu’on a connue l’an dernier aux côtés du parfois douteux Sébastien Tellier sur le morceau ‘In The Crew Of Tea Time’, Ramona Lisa abandonne l’espace de son premier essai son projet Chairlift – pour un résultat à la fois léger et inconsistant. Tout en essayant d’imprimer des teintes à la Broadcast sur son électro-pop 100% laptop, ce qui nous vaut parfois des sonorités horriblement cheap (l’intro de ‘Getaway Ride’), la chanteuse de Brooklyn, NYC n’atteint à aucun moment la magie du défunt duo de Birmingham. Pire encore, alors que nombre d’ingrédients sont réunis pour donner un virage impressionniste aux tentations primesautières à la Au Revoir Simone, les très vilaines harmonies de son ‘Arcadia’ nous tendent un piège pas drôle dont on rêve de s’extraire séance tenante. (fv)

les spectacles sans gravité - licences entrepreneur de spectacles


38

Earteam

Lisa And The Lips

Kelis

‘Lisa And The Lips’

‘Food’

Vicious Circle

Oubliez le côté punkish des premiers Bellrays, dont on retrouve chez Lisa And The Lips la quasitotalité des membres. Ici tout est ronflant et convenu au possible, à commencer par la grande promesse du projet, à savoir les cuivres. Lisa Kekaula donne pourtant toujours de sa personne, Bob Venumm triture sa gratte avec l’énergie qu’on lui connaît, et cependant cette escapade ne décolle jamais, du moins sur galette. Le résultat occulte la dynamique - exit l’énergie brute de musiciens complices - au profit d’un mixage très studio, trop 80’s (en particulier, donc, sur les trompettes et autres saxophones). L’aspect lissé et froid révèle les défauts de compositions très classiques plutôt que sublimer l’instantanéité primale qui donne son origine à la formation. Un coup dans l’eau, qui devrait trouver sa forme définitive sur scène. (ab)

Mad About Mountains ‘Harlaz’ Zeal Records/Konkurrent

C’est un concentré d’Amérique du Nord qui semble avoir été relocalisé à Herk-de-Stad par la grâce du songwriting de Piet De Pessemier (Krakow, ex-Monza) dont le chant illumine la délicate torpeur de ce deuxième opus. Alternant la simplicité boisée des instruments traditionnels et les touches de modernité électrique, oscillant sans cesse entre mélancolie rustique et les atours mélodiques d’une pop plus lumineuse, le limbourgeois fait l’étalage de sa capacité à conférer une ampleur expressive remarquable à ses états d’âme en projetant ses émotions sur fond de décors naturels. Et en invoquant plus souvent qu’à son tour, mais sans jamais se camoufler, l’âme tutélaire de Neil Young. Épaulé par un vrai groupe, Piet De Pessemier propose une musique à la ferveur impressionnante magnifiée par une orchestration légère liant harmonica, percussions et guitares et qui a surtout le bon goût de relayer à l’arrière-plan la pedalsteel, cet effet de manche qui a déjà gâché des pans entiers de l’americana. Au-delà des errances et des ballades aussi forestières que déchirantes (‘You Know’, ‘Hurts’), on trouve ainsi des chansons plus enlevées à la séduction immédiate : ‘Where The Man Waits’ et surtout ‘If You See Her’ qui déroule son refrain hypnotique sur un tapis de guitares épineuses. Un disque charmant et très réussi à défaut d’être bouleversant. (gle)

Manchester Orchestra ‘Cope’ Seven Four Enter tainment/UMG Recordings/ Caroline

Avec son quatrième album en dix ans de carrière, ce groupe américain a décidé de durcir le ton et de mettre des riffs tranchants en avant, ce qui est immédiatement clair à l’écoute de ‘Top notch’ qui ouvre l’album de façon assez tonitruante. Visiblement, Andy Hull et ses acolytes aspirent à trôner au sommet de la scène rock alternative contemporaine. Si le savoir-faire du groupe est indéniable et si plusieurs compos sont réussies (‘Top notch’, ‘Choose you’, ‘The ocean’, ‘All that I really wanted’), on ne parvient cependant jamais vraiment à adhérer à l’ensemble, sans doute parce que cet album a un côté un peu artificiel dans la façon dont les titres sont bourrés aux hormones à grands coups d’effets too much. Trop produit, trop gonflé, le son qui se veut énorme et lyrique ne passe pas, d’autant qu’il ne se marie pas trop bien à la voix plutôt aiguë du chanteur. En conclusion, ‘Cope’ n’est pas un mauvais album, mais il n’est ni naturel, ni spontané, deux aspects à mes yeux essentiels. (pf)

Ziggy Marley ‘Fly Rasta’ Ishti Music/Tuff Gong

Devenu sur le long terme l’héritier méritant et respecté d’une figure paternelle imposante, par-

Ninja Tune/Pias

Kelis refait surface avec ‘Food’, sixième album étonnant et souvent délicieux. Pour comprendre ce retour en forme, un coup d’œil dans le rétro s’impose. Après avoir largué Nas et excité les charts avec ses recettes R’n’B kaléidoscopiques, la furie s’embrouille avec sa maison de disques... En plein conflit contractuel, l’Américaine décide de se replier dans son arrière-cuisine, entre le fouet et les casseroles. De frites en anguilles, cette nouvelle passion culinaire l’amène aux portes d’un restaurant où elle peaufine ses talents de cordon bleu et son goût affiché pour les sauces épicées – elle s’apprête d’ailleurs à lancer « Feast », sa propre marque de produits alimentaires. Un soir, après le service, elle croise les lunettes de Dave Sitek, guitariste et maître à penser des œuvres de TV On The Radio. Les deux artistes se découvrent des points communs : un quartier, un amour partagé de la musique et de la bonne bouffe. Dès le lendemain, Kelis s’affaire dans la cuisine de son voisin. Pendant qu’elle découpe les carottes, Dave pianote en sirotant un soda. La recette prend forme. Du petit déjeuner au dîner, les ingrédients virevoltent et les mélodies s’envolent. À l’heure du thé, des musiciens passent prendre le goûter. Certains avalent des morceaux de tarte, d’autres soufflent dans des cuivres. Kelis déballe alors un nouveau menu, un truc totalement inattendu où l’on chante le gospel et le blues (‘Friday Fish Fry’), le funk et la soul (‘Jerk Ribs’) avec la banane et une décontraction naturelle. Saupoudrés de particules électroniques et de détails autobiographiques, les treize morceaux concoctés pour les besoins de ‘Food’ se dégustent avec bonheur – à l’exception d’un ‘Change’ à laisser sur le coin de l’assiette. Un régal, donc. (na)

ticulièrement grâce aux albums des Melody Makers, Ziggy Marley peut désormais s’autoriser à déborder avec ses crayons de couleurs rasta, comme il le fit sur leur critiqué premier album ‘Hey World !’. Pastel avant tout, ‘Fly Rasta’ est donc un album résolument pop mâtiné de reggae, une ode sablonneuse et légère aux racines des Marley d’une part et à ce qui fait courir le rock baba depuis toujours de l’autre : l’amour, le soleil, la nature. Changer le monde. Vaste et naïf programme, mais par endroit désarmant, presque folk (‘Lighthouse’, ‘So Many Rising’), et fréquemment dédié aux jours de plage où la mer rythme les balancements du hamac tandis que les files indiennes des pélicans épousent la silhouette des vagues (‘Sunshine’, ‘Fly Rasta’). Rêves d’un monde devenu parfait, débarrassé de turpitudes humaines grâce à la force de l’amour et du reggae, ‘Fly Rasta’ ressasse les éternels et vains espoirs des militants increvables, belles et dérisoires figures à jamais stables dans la tempête. Ziggy ne changera pas le monde. Il l’ensoleille pour un temps, sous couvert d’esprit léger. Ou de trois feuille chargé. (ab)

Mdm Experience ‘Wake Up’ Big Wave

Pianiste talentueux et prometteur, Martin de Marneffe a suivi les cours du célèbre Berklee College of Music de Boston. Il a peaufiné son apprentissage avec des pointures comme Ivan Paduart et Eric Legnini. Son Mdm Experience, un combo qu’il chapeaute et dirige depuis plusieurs années déjà, rassemble sept autres musiciens dont un guitariste, une violoncelliste, deux bassistes (électrique et contrebasse), deux percussionnistes et un saxophoniste. Mdm Experience pratique un jazz mâtiné de musiques latino et funk, teinté de bossa nova mais aussi parfois d’accents blues. Aucune composition déplaisante, aucun faux pas dans les arrangements, Martin de Marneffe joue la carte d’une musique qui s’interdit de brusquer, au risque finalement de ne jamais surprendre. Et même quand il esquisse, avec le style qui est le sien, une reprise de Chopin pour un bref opus, il le fait poliment sans remous et sans fredaine. (et)

MØ ‘No Mythologies To Follow’ Sony

Révélation de l’année – ou pas – d’une électro pop au fort goût de dubstep, MØ alias Karen Marie Ørsted est partie pour conquérir le monde (pour son Danemark natal où son album est numéro deux des charts, c’est déjà fait). Contrairement au second essai de Katy B, ‘No Mythologies To Follow’ a la très bonne idée

de cumuler l’évidence pop à des arrangements fort bien sentis, qui ne se contentent pas de recycler à tout va les vieilles recettes. Tout en allant chercher dans plusieurs directions des ingrédients multiples, en plus de ceux déjà évoqués en intro, la jeune femme d’Odense (25 ans au compteur) trouve en la rumba congolaise (si, si – le single ‘Maiden’), la girly pop genre Shirelles (‘Never Wanna Know’) et le R&B (‘Waste Of Time’) des éléments mutins et facétieux totalement irrésistibles. Telle une craquante mutante qui serait passée du corps de Grimes à Lykke Li, elle nous fait même le coup sautillant d’une Robyn, notamment grâce au camarade Diplo en renfort sur ‘XXX 88’. Et si tout est taillé pour les passages en radio, nul doute qu’on allumerait plus souvent le poste si des tracks de cet acabit nous étaient proposés. (fv)

Monophona ‘The Spy’ Rough Trade

Si la musique de Monophona ne nous vient pas de bien loin (le Grand-Duché de Luxembourg), elle aura mis plus d’une année avant de nous parvenir. Sorti à l’origine en 2012, ‘The Spy’ a déjà valu à la paire Claudine et Chook de jouer à Eurosonic et au Sziget, tout en ouvrant pour Ponica et Fink. Toutefois, malgré quelques bonnes idées ça et là, notamment une belle sensibilité musicale où chaque élément est à sa place, la mayonnaise a du mal à prendre. Deux points font pencher la balance du mauvais côté. En premier, des effets surproduits qui, s’ils témoignent d’une réelle ambition, viennent tellement plomber les morceaux qu’on en oublie leurs vraies qualités. En second, la voix de la chanteuse n’est pas toujours en harmonie avec les arrangements et, surtout, elle fait penser (à son corps défendant) à l’infâme Cœur de Pirate. (fv)

Ennio Morricone ‘The Essential’ Deutsche Grammophon/Universal

On a tous eu un père ou un oncle qui jadis nous vanta les mérites d’Ennio Morricone en regardant à la télévision un bon vieux western. Morricone reste et restera pour des générations entières indéfectiblement lié à l’icône du cow-boy solitaire déambulant sous un soleil implacable dans une plaine d’un Ouest idéalisé. Et pourtant, les innombrables musiques qu’il a écrites pour le cinéma sa vie durant ne se résument pas au genre du western, elles embrassent un tas d’autres films pour des réalisateurs très différents. Alors que beaucoup de compositeurs hollywoodiens recoururent abondamment à la classique bande sonore orchestrée, Morricone privilégia dès le départ des éléments exogènes comme l’harmonica,

les cloches, les synthétiseurs du début mais aussi les guitares électriques. On lui doit des arrangements inventifs mais davantage encore des mélodies mémorables, inaltérables au temps. Ainsi, 45 ans après sa création, le thème principal du ‘Clan des Siciliens’ n’a pas pris une ride et quand John Zorn le reprit à son compte avec Naked City, on mesura à quel point il pouvait s’incarner dans des sonorités très éloignées de celles ses origines. A 85 ans, l’homme est toujours actif, compose encore et continue d’influencer foule de musiciens de tous bords. Parue sur le très classique Deutsche Grammophon, cette compilation déclinée en deux cd constitue une adéquate rétrospective de l’essentiel de son œuvre. (et)

Motorpsycho ‘Behind The Sun‘ Stickman Records

L’effarante productivité de certains groupes laisse parfois perplexe quant au temps qu’ils consacrent à leurs disques. Pas d’angoisse de ce genre avec Motorpsycho dont la discographie est toujours apparue comme une tentative aussi crédible que déjantée de réconcilier qualité et quantité. Telle une ruée vers l’or, le plaisir de l’écoute consiste alors à tenter de repêcher les pépites flottant immanquablement à la surface du torrent. Avec cette nouvelle livraison annuelle, l’exercice s’avère peut-être plus facile qu’à l’accoutumée. Certes, la belle machine à débiter des chansons au kilomètre rutile plus que jamais de son psychédélisme le plus échevelé. Mais fidèle à son imprévisibilité, le combo norvégien ne s’est pas contenté de décliner ses gammes. Conçu comme un labyrinthe, ‘Behind The Sun’ alterne les dédales tortueux, les virages au cordeau, les embardées stylistiques et les vols supersoniques de fantaisie. Sans jamais perdre de sa cohérence ni donner l’impression de devoir faire le moindre effort pour fondre différents styles dans la coulée continue de ses compositions. Illustration notamment avec les douze minutes de ‘Hell, Part 4-6’ qui emmènent l’auditeur dans une aventure sonore entre psychédélisme onirique, prog pastorale et hard rock urgent. Ou davantage encore avec ‘Kvaestor’, mash-up effervescent où l’exubérance se fait ludique et voit les Vikings massacrer amoureusement Iron Maiden après les avoir tirés par les cheveux. Il semble que Motorpsycho ait encore énormément de choses à dire. (gle)

Mount Carmel ‘Get Pure’ Alive Naturalsound

Trois rednecks en chaleur abandonnent la traque aux alligators pour se siffler un pack de Budweiser au fond du garage. Entre le compresseur et les pneus d’hiver, les mecs tombent par hasard sur de vieux instruments, des rudiments : guitare, basse, batterie. Pour tuer le temps et terminer les bières, ils décident alors d’improviser sous le nom de Mount Carmel. James McCain et les frères Patrick et Matthew Reed tricotent du blues marécageux et s’acharnent sur quelques riffs de rock sudiste bien crasseux. Graisseuse et mal dégrossie, la musique du trio ressemble à une mise à jour de Ram Jam à l’arrière d’un pickup piloté par des Kings of Leon remontés à la mescaline. Arrivés à Detroit à l’aube, les trois renégats de Mount Carmel prennent alors la direction du Ghetto Recorders, le studio dirigé par le brillant Jim Diamond qui, pour le mythe, restera à jamais le producteur des premières plaques des White Stripes. Quatre jours plus tard, Mount Carmel ressort avec ‘Get Pure’, un album sous haute tension. À consommer d’une traite. Sans glaçon. (na)

Novastar ‘Inside Outside’ Warner

Pour son retour après six ans de silence, Joost Zweegers a privilégié la sécurité à l’audace en s’offrant un metteur en son haut de gamme en


Earteam la personne de John Leckie (Radiohead, Muse, Stone Roses). Mais aussi une escouade de musiciens comme Charlie Jones et Skin Tyson (fidèles compagnons de route de Robert Plant) ainsi que Steve Berlin (saxophoniste de Los Lobos) qu’on ne qualifiera pas davantage de perdreaux de l’année. Techniquement, le résultat est sans conteste à la hauteur des ambitions et des moyens investis. ‘Inside Outside’ joue sur du velours et allie un folk pop aux mélodies caramélisées à la blancheur amidonnée d’une écriture sage et bien repassée. Débordantes de bons sentiments, les compositions s’avèrent surtout désespérément encombrées de progressions mille fois entendues et d’arrangements surannés. Noyés dans une production envahissante, tous les titres finissent par se ressembler peu ou prou, utilisant les mêmes ficelles, les mêmes tics pendant quarante minutes blanches et blêmes qu’une écoute distraite ne saurait permettre de distinguer. Seuls ‘Closer to You’, l’imparable single, et ‘Silvery Rain’, ballade archaïque aux couleurs vaguement reggae, peuvent éventuellement sortir du lot. Le reste s’écoute sans réel enthousiasme. (gle)

Justin Nozuka ‘Ulysees’ Caroline/Universal

Justin Nozuka, c’est le gars qu’on a tous croisé un jour ou l’autre. Le genre de type (un peu) beau avec un pantalon en lin (un peu) vilain qui ne peut s’empêcher d’emporter sa guitare acoustique partout où il va pour la dégainer dès que l’occasion se présente – dans une fête étudiante, le camping d’un festival d’été, un parc public. A chaque fois, le schéma se reproduit : il repère sa proie, se pose dans un coin, adopte la pose du poète maudit, gratouille sa six cordes et chante

Orcas ‘Yearling’ Morr Music

La rencontre entre deux musiciens de dream-pop-shoegaze-expérimentale-et-noyée-d’électronique peut rapidement tourner à l’exercice de style vain, maniéré et prétentieux. Faiseurs d’ambiances et trousseurs de mélodies éthérées, Benoît Pioulard et Rafael Anton Irisarri sont heureusement davantage des artisans que des laborantins et possèdent une qualité rare dans la profession, à savoir l’éloquence dans la sobriété. Au sein d’Orcas, leurs univers respectifs respirent à l’unisson pour tendre à un équilibre aussi fragile que presque parfait. Surtout lorsqu’il s’agit de manier les oxymores musicaux : voix et machines, sérénité et chaos, sensualité et glace. Parce qu’elles visent l’extase des cimes en tutoyant les abysses, les compositions invitent à une plongée en apnée dans les nappes phréatiques de la psyché. À partir à la recherche de son Atlantide personnel avec David Lynch plutôt qu’avec le Commandant Cousteau ou Luc Besson. Avec pour fil d’Ariane la voix blanche de Benoît Pioulard et son chant de sirène évanescent qui habite et renforce la trame mélancolique. Enrichi par les apports de Martyn Heyne (Efterklang) à la guitare et au piano et de Michael Lerner (Telekinesis) à la batterie, le binôme a structuré son écriture et gagné en ampleur sonore. Entre vagues rythmiques laconiques (‘An Absolute’), houle tranquille d’arpèges de guitares électriques ou acoustiques (‘Infinite Stillness’ et ‘Half Light’) et piano limpide, il n’est dès lors jamais question d’apnée du sommeil, même lorsque les mélodies sont à marée basse. Un excellent disque à écouter à l’horizontale sur un divan, le regard perdu dans le vague à l’âme. (gle) des mots d’amour avec les yeux fermés et un air de souffrance clairement surjoué. Généralement – et ça se vérifie depuis des siècles –, la sérénade fonctionne à merveille. Le mec emballe et tous les témoins masculins s’offusquent de la performance. Plus conceptuel que ses précédents essais, le nouvel album de Justin Nozuka navigue sur les flots empruntés par Ulysse pour la légende. Sur ‘Ulysees’, Justin caresse des mélodies soporifiques et conte des frasques romantiques (‘Sweet Lover’, ‘Right By You’), mythiques (‘Hera’) et éternelles. Ouvrage d’un ennui gênant, ‘Ulysees’ est un héros mercantile des temps modernes: aseptisé et inoffensif. (na)

Orchestra Vivo! ‘Orchestra Vivo!’ Igloo Records

Projet crossover entre classique, pop, jazz et folk(lore), Orchestra Vivo! rassemble sous la houlette de Garrett List du Conservatoire de Liège une trentaine de musiciens. Si la volonté de faire une musique accessible et populaire (au sens le plus noble du terme) est indéniable, on se demande bien quels autres ressorts sous-tendent la démarche. Non que ça soit désagréable à l’oreille, juste que l’absence de cohésion et de lien entre les morceaux nuit considérablement au succès de

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la démarche. Au-delà de ces considérations vient se greffer un second problème, la relative faiblesse des compositions, notamment ‘The Heart’ et ‘Military Intelligence’, qui sonnent – et ça nous fait de la peine – comme du The Divine Comedy de niveau Jeunesses Musicales. Pour le reste, on sent un plaisir évident à l’aventure, qui évoque par certains aspects un Prokofiev recyclé en master class de jazz façon ‘Gentleman In New York’ de Sting. Est-ce suffisant ? A vous de juger. (fv)

Oscar And The Wolf ‘Entity’ Debonair/Pias

Oscar And The Wolf a beau avoir une discographie limitée en dépit de ses quatre ans d’existence (‘Entity’ est son premier vrai album), le groupe flamand remplit déjà l’ABBox (sold out bien avant le concert) avant de débouler sur la scène du prochain Rock Werchter. Pourtant, sa soul numérique – dixit la feuille de presse – nous en remue une sans toucher l’autre. Les morceaux se traînent sur la voix complaisante de Max Colombie et quand le combo se risque à une dream pop dévalée, ça donne franchement envie de bailler. En prime, les arrangements sont du genre paresseux, entre guitare qui tourne en rond sur quelques arpèges, fond de sauce dubstep pour bonnes familles et échos electronica sans consistance. Il parait que c’est censé représenter la soul music du nouveau siècle ? Rendez nous fissa Sharon Jones et les DAP Kings, alors. (fv)

Ought ‘More Than Any Other Day’ Constellation/Konkurrent

On aurait tendance à l’oublier mais il n’y a pas chez Constellation que des disques pour intellos


40

Earteam

avec morceaux de vingt minutes pleins de violons et de saxophones expérimentaux, il y a aussi de vrais albums de rock, des trucs à l’ancienne qui ne se posent pas trop de questions, des barnums qui dépotent au premier riff, qui dépotent dès que le type a ouvert la bouche et éructé comme s’il allait passer à l’échafaud dans les trente secondes qui suivent. Cet album, c’est ‘More Than Any Other Day’, une immense tuerie qu’on pourra scinder en deux parties. Face A, d’abord, avec l’énorme ‘Pleasant Heart’ qui assène d’emblée des uppercuts colossaux avec des guitares corrosives et une voix d’écorché vif qui rappellera les manières de Cantat quand il s’éraillait à l’arrière des taxis. ‘Today, More Than Any Other Day’, ensuite, enfonce le clou d’un authentique rock’n’roll sous la ceinture, mâtiné d’un post punk à la Minutemen. C’est d’ailleurs l’influence majeure de cette première partie. Face B, les choses se complexifient avec des violons traumatisés, des saturations splendides et toute cette limpidité trouble qu’on retrouvait chez le Sonic Youth du début des nineties (‘Dirty’,…). Au final, ‘More Than Any Other Day’ est un album dont la brièveté et l’intensité n’ont d’égales que l’envie d’y revenir et d’en découdre. (lg)

Papercuts ‘Life Among The Savages’ Memphis Industries/V2

Planqué dans sa cabane du côté de San Francisco, Jason Quever est un solitaire, un ermite romantique et exemplaire. Orphelin, le garçon s’est vite retrouvé confronté à la solitude et au monde impitoyable des adultes: une réalité étouffante et bien trop grande pour lui. Pour échapper aux affres de cette existence contraignante, l’enfant s’est réfugié sous la couverture soyeuse de Papercuts. Caché sous ce pseudo, Quever débite du rêve éveillé depuis 2004 dans une indifférence quasi généralisée. Pourtant, c’est bien chez lui qu’on a entendu pour la première fois la guitare astrale d’Alex Scally et la voix hantée de Victoria Legrand, l’homme et la femme des comptines diaphanes de Beach House. Après quatre albums enregistrés entre ciel et terre, Papercuts s’offre un voyage dans les étoiles le temps de ‘Life Among The Savages’, disque de pop onirique et baroque, bordé d’arrangements délicats et de mélodies sophistiquées. Guitare atmosphérique, voix éthérée, envolées de cordes et looping au piano viennent ici border neuf chansons faussement légères. Car, sous les mélodies célestes, les textes de Papercuts s’écrasent lourdement au sol (‘Family Portrait’, ‘After Life Blues’, ‘Life Among The Savages’). Le choc est violent, l’explosion multicolore. Entrecoupé de sourires et de montées lacrymales, ce disque dévoile la mélancolie sous son meilleur jour. (na)

Linda Perhacs ‘The Soul Of All Natural Things’ Asthmatic Kit t y

Jusqu’en 2014, un seul album (‘Parallelograms’) ornait la carrière de Linda Perhacs, mais lequel. Enregistré en 1970, cet immense disque de la folk music au féminin n’est sorti que bien plus tard (vers 2005) de l’oubli immédiat dans lequel il était tombé. Entre-temps, son auteure était retournée à ses activités de technicienne dentaire et l’histoire a réparé la cruelle injustice en le promouvant au rang d’incontournable classique. Il est à craindre que son petit frère de 2014 n’atteindra jamais ce même statut culte. Non que les chansons de la musicienne américaine soient subitement devenues médiocres mais le traitement que Perhacs inflige à ses titres est à maints égards troublant. On passera rapidement sur les indigestes espagnolades du morceau d’ouverture ‘The Soul Of

Timber Timbre ‘Hot Dreams’ Full Time Hobby

C’est déjà le cinquième album de la bande à Taylor Kirk, le troisième depuis l’éponyme et inusable ‘Timber Timbre’ en 2009, le disque qui a tout changé pour les Canadiens, le premier à être distribué à l’internationale avec le succès que l’on sait (du moins d’estime, couverture chez nous en 2011 pour ‘Creep On Creepin’On’). Logique, les chansons étaient immenses et tellement évidentes : ‘Magic Arrow’, ‘Demon Host’, ‘I Get Low’, ‘We’ll Find Out’, ‘No Bold Vilain’ ou l’œuvre au noir d’un démiurge qu’on pensait parti vers des sommets vertigineux. Hélas, le ‘Creep On Creepin’On’, pourtant encensé dans ces pages, était trop impénétrable, parfois à la limite de l’expérimental, manquait de mélodies flagrantes et ne contenait plus qu’une seule chanson vraiment colossale, la démentielle ‘Black Water’ avec le plus dingues des saxophonistes de ces dernières années, Colin Stetson. D’ailleurs, sur scène, Taylor Kirk se planquait sous sa capuche pendant tout le concert et décevait. Aujourd’hui, les choses ont changé et ‘Hot Dreams’ est peutêtre tout simplement le meilleur album du groupe. Carrément. Pourtant le single éponyme qui l’annonçait faisait peur. Enfin, surtout le clip. Et aussi ce saxophone cliché à l’ambiance ‘Division Bell’ de Pink Floyd. Mais non, c’est finalement un des plus beaux morceaux du groupe, un truc qu’on ne pouvait espérer que de la bouche de Richard Hawley. Et que dire de ‘Curtains ?!’, de ses percussions primaires et krautrock, des incroyablement oppressantes et sublimes ‘This Low Commotion’ et ‘The New Tomorrow’, de cette façon de crooner sur ‘Run From Me’ avec son piano et ses chœurs féminins en apesanteur ? Rien, la perfection est indicible. (lg)

All Natural Things’, ridicule. Hélas, et ça n’arrange rien, le reste n’est pas d’un meilleur acabit. Alors que la volonté de sonner moderne est manifeste sur la quasi-totalité du disque, on sent d’ailleurs la marque de Julia Holter là-derrière, on sent un immense hiatus entre les intentions et la réalisation. A force de vouloir fréquenter un terrain aujourd’hui balisé par Marissa Nadler ou Josephine Foster, le risque était couru d’avance, il s’est hélas réalisé. (fv)

Gabriele Poso ‘Invocation’ Agogo

Imagine une tapisserie réalisée uniquement à partir de mantras, de prières organiques. Un terrain de jeu hypnotique où les percussions constitueraient la trame, l’exotisme les tonalités, la répétition le motif, le chant autant de broderies. Fais abstraction de ce joueur d’hang drum à dreadlocks colorées, croisé sous une arche du Barrio Gótico. Ne songe pas trop que les notes ludiques d’’Invocation 002’ pourraient accueillir l’arrivée froufroutante de nouveaux toucans à Pairi Daiza. Oublie aussitôt le col-roulé de Claude Vorilhon. Claque des doigts si ça peut t’aider, mais de façon arythmique. Décale tes idées d’un cran vers la gauche. Tu en es à l’étape 006, tu progresses, ta tension fluctue. Pour un peu, tu verrais débarquer une escouade de Dothrakis. Au Brésil, tu es sûr ?! Bon, refais-toi une ‘Invocation 009’. Après tout, ce n’est pas de ta faute si tu t’égares : toi, tu cherchais juste la route la plus courte vers Cagliari. (alr)

The Quasi Dub Development ‘Little-Twister vs. Stiff-Neck’ Pingipung

Brosser le milieu dub et reggae dans le sens inverse du poil. Bousculer les conventions les plus rigides, avec humour, avec bonne humeur. Initiateurs berlinois d’un réjouissant dub électro-acoustique où s’activent cuivres, accordéons et autres métissages plus plaisants les uns que les autres, Luca Fadda et F.S. Blumm brouillent les frontières qui séparent immédiateté musicale et expérimentations bricolos à la Money Mark à grands coups de variations minimalistes. Leur musique mutante rappellera aussi à certains irréductibles les débuts d’Ultramarine, ‘Folk’ en tête, mais également ‘Rastakraut Pasta’ des mythiques Moebius & Plank, autres savoureux Teutons (génial ‘Yak Attack’). Le premier album du QDD, ‘Limousine To The Guillotine’, avait attiré l’attention de Lee Scratch Perry, non moins. Invité

sur ce ‘Little-Twister vs. Stiff-Neck’, le Papy Jamaïcain est trop heureux de ruer dans les brancards d’un genre qu’il a contribué à définir. En résulte l’hilarant ‘Let’s Communicate’, bravoure déconnante qui donne le ton à un album jamais à court d’idée. Vagabond va-nu-pieds à la bonhomie désarmante, le Quasi Dub Development est une créature hybride mais heureuse, de celles capables de se sentir bien en tous lieux. Être libre et contagieux, il vous collera un sourire complice sur le visage, à condition d’avoir l’esprit ludique. (ab)

Qui ‘Life, Water, Living…’ Cobraside

Qui, prononcez Kwee en anglais, est un duo réunissant un batteur et un guitariste, tous deux chanteurs et bassistes par ailleurs. Fondé à Los Angeles en 2001, Qui fonctionne par intermittence tandis que la parution de ses disques est entrecoupée de large périodes de jachère. Cet album, qui n’est que son troisième, voit le duo se recentrer sur lui-même après le départ de David Yow, l’ex-chanteur de Jesus Lizard, connu pour ses outrages scéniques. Yow y contribue toutefois de manière significative puisqu’il est l’auteur talentueux des dessins qui composent la pochette. Musicalement, cette formule minimale s’avère maximale en effets. Des morceaux aux textes parfois biscornus ou découpés s’appuient sur des chants expressifs quelquefois exubérants sans être grandiloquents. La rythmique est toujours au taquet, la basse en avant, ronde et charnue, les guitares chatoyantes. On pense parfois aux Sparks de la vieille époque, à XTC ou encore à Freddy Mercury quand le maniérisme vocal se fait trop sentir. Le disque est coproduit par Dale Crover, le batteur des Melvins, ce qui est évidemment un gage d’excentricité de bon aloi. (et)

Samaris ‘Silkidrangar’ Indian/Konkurrent

Comme une promenade malade au pays des volcans, l’album ‘Silkidrangar’ marque une nouvelle étape dans la mutation de Samaris, chanteuse au teint pâle et au timbre fragile. Obsédée par la figure sacrée de Björk, l’Islandaise abandonne ici sa langue natale sur les récifs d’une musique électronique froide et fantomatique. Là où Fever Ray gravait d’inoubliables mélodies dans la glace, Samaris glisse sur une patinoire post-moderne : un espace translucide dépourvu d’âme et de charmes. Soupirés dans la langue des elfes, les mots traversent des paysages oubliés par le soleil, avant de se perdre dans un va-et-vient synthétique sans queue ni tête. Dans le genre, la mu-

sique de Zola Jesus nous donnerait presque envie de croire au bon dieu. C’est dire… (na)

School is Cool ‘Nature Fear’ Wilderness/Sony

Mon petit biscuit, aujourd’hui, on va leur donner une leçon buissonnière, brailler à pleins poumons comme si on était les derniers survivants de l’espèce Dodos, yeux grand ouverts. On a beau être étudiants en pop très appliquée, il ne s’agirait pas de passer pour des avortons qui ont peur du moindre cours de biologie. Oui t’as le droit de parler d’un chien qui halète en y plaçant le juste beat. De te montrer bien plus co(s)mique que Fanfarlo en mangeant des Pez. On sait tous que l’orchestrale reviendra bien t’envelopper, t’es pas premier de classe pour rien. Mais c’est pas parce que t’as un ‘Tryst’ avec la maîtresse que tu dois laisser pétarader ton pouls à plein régime comme ça. Enlève-moi ce bandana, ‘Your Body and Me’, ça n’arrive que dans ‘Fame’. T’as révisé par cœur ‘The Rains of Castamere’, mais te réjouir si lyriquement d’entendre les os craquer, franchement ?! Allez, hop, récréation longue durée pour tout le monde, en ‘Blues Jeans’ taillés pour les huis-clos. (alr)

School Of Language ‘Old Fears’ Memphis Industries

A l’écoute du second School Of Language (après ‘Sea From Shore’ in 2008), on pense sans cesse au funk distancié et discursif des Talking Heads, post’Speaking In Tongues’. Il y a chez David Brewis, ex-Field Music, une filiation directe avec David Byrne, tant dans la façon de poser sa voix que dans des compositions pop complexes au feeling immédiat, une orchestration à la fois dense et minimaliste et ce sentiment rare qu’un sens à peine caché traverse leur musique sans toutefois se révéler pleinement. Grizzly Bear aussi vient en tête, à l’occasion (‘Moment Of Doubts’, l’excellent ‘Suits Us Better’, échappé, dirait-on, de ‘Veckatimest’). Est-ce à dire que la musique de Brewis manque de personnalité ? Au contraire, School Of Language déroute, particulièrement comme successeur à la (courte) carrière de Field Music. Inclassable, ‘Old Fears’ nous promène dans les faux-semblants d’allées aux allures familières pour mieux nous désorienter au carrefour suivant. Les architectures dénotent sans jurer, les rues jouent l’asymétrie sous un seul axe du regard et la carte qui vous fut donnée raconte une autre ville. En géographe improvisé, Brewis expérimente à partir de matériaux donnés, manipulant le Nombre d’Or à sa guise, multipliant des vitraux abstraits aux couleurs primaires, malmenant Le Corbusier qu’il fusionne avec Gaudi. La Cité dont il trace les ruelles a priori bancales invite rapidement au sédentarisme, tant il fait bon s’y perdre sans boussole. (ab)

Scott & Charlene’s Wedding ‘Any Port In A Storm’ + ‘Singles & Rarities’ Fire Records

Sorti l’année passée, ‘Any Port In A Storm’ a glané succès critique et d’estime, portant l’attention du milieu alternatif sur ce natif de Melbourne qu’est Craig Dermody et sur son groupe formé à Brooklyn, Scott & Charlene’s Wedding. Le label Fire profite de ses 30 ans pour ressortir l’album accompagné d’une seconde galette constituée de reprises (très bon ‘Karen’ des Go Betweens), de l’EP ‘Two Weeks’ (parfait d’un bout à l’autre) et de quelques autres surprises studio


Out Loud! concerts fr

06.06

MERIDIAN BROTHERS + PHÈDRE

sa

07.06

CHROME BRULÉE + SAGAT + BLACK CASSETTE

fr

13.06

TOKIMONSTA

sa

14.06

HOW TO DRESS WELL

fr

21.06

ALPAGE NIGHT: ANTOINE PESLE + TAMARA GOUKASSOVA + PRIEUR DE LA MARNE + YOU MAN + DDDXIE + MARKLION + ACID FOUNTAIN

sa

22.06

REPTILE YOUTH

fr

27.06

ROBBING MILLIONS

sa

28.06

NIXIE’S: VISION FORTUNE + HAZY HAND$

beursschouwburg.be

Rue A. Ortsstraat 20-28, Bruxelles 1000 Brussel

Free concerts, music films, picnics and apéroconcerts, high up on Beursschouwburg’s Rooftop terrace, 4 — 28/6.


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Earteam

ou live. Et selon votre humeur, il est probable que ce disque bonus tourne plus encore que ‘Any Port In A Storm’. Sur ces 11 morceaux, Craig Dermody convoque les mêmes références (Modern Lovers, Velvet Underground, Runaways, Television, Pavement, etc.), mais s’y applique avec une palette plus large encore. Post-punk en diable, le son un peu plus garage façon Brian Jonestown, ces ‘Singles & Rarities’ parlent direct au bide et aux pieds. On est loin de l’objet promotionnel constitué de fonds de tiroirs : pas un morceau n’est à jeter. Cru, simple, fondamental. Guitares en gyrophares, phrasé débonnaire mais jamais à la traîne, sophistiqué sans être hautain, c’est du rock à l’état brut, à la fois introspectif et spontané, nostalgique et profondément actuel. Que demander de plus ? (ab)

The Shovels ‘Pop Secret’ Fons Records

Tiny Ruins ‘Brightly Painted One’ Bella Union/Pias

Peut-être. Peut-être que ce jour-là, je boirai du café, en silence, dans cette tasse si minuscule chinée un jour de pavés avec toi, entre musée et jardin d’hiver. Je pique-niquerai, en me laissant flotter d’un banc à l’autre dans l’allée principale du parc, celui où les ormes découpent les plus jolies ombres. Peut-être que je dénicherai une perruche verte qui mérite récompense. Je regarderai un vieux dessin animé aux personnages presque flous en me demandant si tes doigts se superposeraient par mégarde aux miens, « Reasonable Man ». Peut-être. Peut-être qu’à cette heure-là, en entrouvrant les rideaux, en secouant les draps en coton blanc, je m’efforcerai d’encore transformer un peu de paille en or, à laisser la brise desceller quelques plaques de nos armures. Dans la bibliothèque, je choisirai quelques chapitres dont je goûte plus les esperluettes que les parenthèses. Peut-être qu’allongée sur le toit, j’irai faire la lecture aux chouettes. De là-haut, j’entendrai ‘The Ballad of the Hanging Parcel’, le vélo rouillé du facteur qui s’arrêtera - comme toujours - juste à côté. Peut-être que rire me donnera un peu froid au ventre. Ça sera sans doute une belle journée, une de celles où de petites ruines si merveilleusement familières, une confiance affectueuse à fleur de voix reconstruisent un peu ma sérénité. « I gotta keep on, keep on ». (alr)

La moustache gaillarde tout droit sortie d’’Almost Famous’ et le cerveau en pétillante ébullition, Erik Debny est un frontman singulier, exalté et parfois à bout de souffle – veste du Sergent Pepper folâtrement boutonnée – qui, pour la quatrième fois, emmène ses pelleteuses (Niels Hendrix ouvrier qualifié dans Fence, Bart Vandebroeck et Dave Schroyen en section rythmique d’Evil Superstars) dans le terrain certes familier mais fertile des golden sixties. Entre deux mesures d’harmonica ou des envolées épiques, on entend l’animal rugir « Grrroovy », chercher hardiment l’amour (surtout qu’il s’appelle Suzanne et pas Lola) et s’interroger sur le temps qui passe. En voilà un qu’on n’aura guère besoin de supplier, ‘Please’, de sortir les grandes orgues, de jouer le jeu jusqu’au bout. ‘In [His] Own World’, le bal est toujours peuplé de mômes à frange, les chœurs sont polis au pepsodent, et on raconte ses historiettes pour la gloriole d’un soir. Maîtriser le ‘Pop Secret’ vous prendra peut-être un peu trop de leçons, mais ça ne manquera jamais d’entrain. « Tell me that it swings »! (alr)

setto et son electronica downtempo de ses prédécesseurs ? Il y a chez Sohn un soin fragile porté à la symbiose entre sa voix de tête et ses boucles froides, usant fréquemment de la première pour construire les secondes. Ainsi, une note chantée, isolée, devient le support à de minutieuses sonorités percussives et des envolées house entêtantes (‘Artifice’, ‘Lessons’, parfaites ballades modernes, sorte d’indie électrosoul). Profondément hivernal mais toujours lumineux, Sohn ponctue la soul de ‘Tremors’ de tourbillons piquants que l’on s’éprend à attraper de la bouche (‘Ransom Notes’) et de légers grêlons que l’on observe fondre entre deux poils hérissés (‘Lights’). Une magie blanche grisante qui doit beaucoup à la scène electro pure et dure : d’un bout à l’autre, ‘Tremors’ pulse, vibre et frissonne par la seule force de ses beats. Le chant fantomatique de Taylor saupoudre et hante ses mélopées avec la légèreté du sucre glace. (ab)

Emilie Simon

Solids

‘Mue’

‘Blame Confusion’

Barclay/Universal

Fat Possum/Pias

Emilie Simon fait partie de ces filles – à l’instar d’une Camille – qui ont des univers bien à elles. A priori éloignées des diktats de la variété, elles parviennent néanmoins à toucher et à séduire un grand nombre, plèbe comme spécialistes. Trois Victoires de la musique pour Simon, tout de même, contre quatre pour la chanteuse du ‘Fil’. Mais, à vrai dire, on avait un peu lâché l’affaire depuis les bandes sons pour pingouins et le fameux ‘Vegetal’ de 2006, déjà. Aujourd’hui, il n’est plus vraiment question de la comparer à Kate Bush ou Bjork mais plutôt – c’est vache – à Cœur de Pirate ou Olivia Ruiz. Sérieux ? Non, on déconne un peu mais on en n’est pas si loin. Rien de très grave toutefois : ‘Mue’ reste un beau disque, un poil trop apprêté (ces cordes, ces manières) qui évoquera dans ses instants les plus tenaces, les plus édéniques, Emily Loizeau (‘Le Diamant’). Le mixage, le mixage seulement, a été par Chris Coady (Beach House, Smith Westerns). On aurait bien aimé le voir à la production. En bonus, une jolie reprise minimaliste de ‘Wicked Game’, l’insupportable scie de Chris Isaak. (lg)

Composer en duo, faire beaucoup avec presque rien et repousser les limites d’une formule ultra limitée. Appliquée à merveille chez No Age ou Japandroids, cette recette tombe aujourd’hui entre la guitare et la batterie de Solids, duo canadien formé à Montréal par Xavier GermainPoitras et son associé, le métronome Louis Guillemette. En cavale sur un premier album baptisé ‘Blame Confusion’, ces jeunes passionnés des nineties profitent du soleil printanier pour se baigner dans une mer d’effets et jouer dans des vagues de distorsion. La clope au bec, la rage au ventre, les deux gaillards crachent dix morceaux pollués dans le sable fin. Sans réinventer la crasse enivrante d’un genre codifié par quelques glorieux aînés (Sonic Youth, Dinosaur Jr, Superchunk), Solids mouille le maillot et transpire d’une saine authenticité. Chez eux, le rock demeure une éternelle affaire d’adolescent : un truc simple et énervé, façonné autour d’un escadron de boutons d’acné et de quelques révoltes à percer les poings serrés. Duo primaire perdu dans un océan de clichés, Solids ne lâche jamais le morceau et se montre même plutôt costaud sur ce disque assoiffé d’électricité. (na)

Sohn ‘Tremors’ 4AD

Encore une nu-soul cybernétique et cotonneuse tricotée par un minet barbu neurasthénique, me direz-vous ? La réponse est oui. Toph Taylor, alias Sohn, également producteur de Banks et Kwabs, arpente un jardin secret aux plantes couvertes de givres, pétales figés, pâles étamines, où se seraient déjà perdus les états d’âme de James Blake, Jamie Woon, Deptford Goth, Chet Faker et Lo-Fang. Que différencie alors son fal-

Son Palenque ‘Afro-Colombian Sound Modernizers’ Vampisoul

La scène se déroule en Colombie, à Carthagène, ville portuaire avec vue imprenable sur la mer des Antilles. Entre plage et bitume, des gamins du coin s’improvisent musiciens

avec trois fois rien : des bâtonnets, quelques cannettes de bière éventrées, une voix chaude et chaloupée. Sans le savoir, Justo Valdez et ses potes viennent d’écrire l’histoire en inventant une passerelle sensorielle reliant l’Afrique à la Colombie. Regroupés sous l’enseigne de Son Palenque, les neuf garçons imaginent une musique hybride et torride : un condensé dansant et jouissif de rythmes africains et d’hymnes traditionnels colombiens (chalupa, bullerengue, lumlalu). Contre-plaqué sur des cuivres brûlants, des lignes de basse sous haute tension et autres accords de guitare incandescents, ce choc des cultures offre deux décennies de gloire à l’orchestre local. Aux débuts des années 1990, après quelques bamboulas survoltées et plusieurs disques gravés sur microsillons, Son Palenque connaît un coup d’arrêt. Le monde moderne est passé au digital et Son Palenque tourne toujours en 33 tours. Dépassé, le collectif disparaît comme il était apparu : au coin de la rue. En vingt morceaux chauds-chauds-chauds, la compilation ‘Afro-Colombian Sound Modernizers’ retrace l’épopée et rend gloire à ces héros oubliés de l’histoire. Récemment reformé, Son Palenque défie l’usure du temps et imprime ses rythmes effrénés en bord de mer. Quarante ans plus tard, le feu brûle encore. Très fort. (na)

Håkon Stene ‘Lush Laments for Lazy Mammal’ Hubro/Dense

La Norvège continue à nous étonner en nous envoyant régulièrement des disques éclectiques de ses artistes nationaux. Dernier en date, le percussionniste Håkon Stene qui justifie à son actif d’un nombre important de collaborations, notamment avec le violoniste Nils Økland et l’ensemble Asamisimasa. Maniant aussi bien le vibraphone que son instrument cousin le marimba, Stene revient également au piano et à la guitare, un instrument qu’il n’avait plus touché depuis vingt ans. C’est sur les compositions de Gavin Bryars et de Laurence Crane qu’il a jeté ici son dévolu mais aussi, plus accessoirement, sur une pièce de son compatriote Christian Wallumrød. Le disque revendique sans ambages son ‘ascétisme méditatif’. Il ne faut pas s’arrêter au terme qui pourrait paraître un rien présomptueux ou, pire, totalement en phase avec les kitcheries new age encore fort en vogue. Il faut tendre l’oreille à la musique qu’il distille, aussi pâle qu’une aube septentrionale mais tellement prégnante dans la façon dont elle se saisit. (et)

Will Straton ‘Gray Lodge Wisdom’ Talitres

Aujourd’hui, à l’heure où la débilité adulescente est érigée en art de vivre (Cyril Hanouna,

ce genre), on imagine peu derrière des disques de cette ampleur, de cette quasi austérité, des types d’à peine 26 ans, soit un âge où il est toujours plus fréquent de préférer les potes rustauds et déconneurs amateurs de punk crétin que de fréquenter les folkeux aigris empatouillés dans leurs mid-life crisis. C’est, de fait, cette voix encore trop jeune qui trahit Straton, déjà à son cinquième album anxiogène depuis ‘What The Night Said’ en 2007, l’année de ses vingt ans. Pour le reste, on demeure sidérés par le classicisme et la maturité d’un songwriting (guitares acoustiques, violoncelle, chœurs féminins rachitiques) qui fait des étincelles et renvoie, encore une fois, passé un morceau d’ouverture trop carillonnant (featuring The Weather Station), à celui de son maître, de son idole, Nick Drake. Une certaine forme de dépouillement qui fait aussi penser au génial Josh T Pearson. En 2012, Straton a survécu à un cancer des testicules. Chouette, il en aura encore des pas drôles à nous raconter. A moins qu’il ne se mette subitement à remporter sept Tours de France. (lg)

Sweet Little Mojo ‘Sweet Little Mojo’ Zeal

Gaëtan Vandewoude est un habitué des faits : il soigne l’emballage de ses disques avec une politique d’austérité absolue : le nom du groupe, les titres des chansons et c’est tout. Pas un crédit, pas une date, pas une photo, rien, nada. Mais les ouïes fines le reconnaîtront directement car la voix est bien là, la même que celle qui a porté Isbells pendant ces deux albums de folk cotonneux et dépouillés qu’on n’a pas encore fini d’écouter. Aujourd’hui, Vandewoude se rebaptise Sweet Little Mojo le temps d’un mini album – 9 morceaux, une demi-heure – qui n’est en réalité qu’une collection de vieux titres (sauf un) écrits au début du siècle, dans sa chambre, avec un simple synthétiseur, une guitare et cette voix, donc. Les morceaux seraient à peine retravaillés. Et on le croit volontiers. Ils portent en eux cette délicatesse, cette mélancolie, cette féminité que Vandewoude s’était retenu d’exprimer dans des premiers groupes plutôt bourrins (Soon, Ellroy) pour mieux les faire exploser dans Isbells. Pour Vandewoude, ces morceaux sont influencés par Hood et l’album ‘Cold House’ en particulier, un catalyseur : « depuis ce disque, je sais qu’il n’y a pas besoin d’être un chanteur exceptionnel pour écrire de grandes chansons ». Vrai. Et ce petit recueil, entre bricoles presque guillerettes et mélancolie à la Notwist, est une nouvelle preuve que lo-fi et joliesse riment souvent l’un avec l’autre. (lg)

Teebs ‘E s t a r a’ Brainfeeder/Pias

Malgré quelques noms en appui, et ils ne sont pas des moindres (Prefuse 73, Populous, Lars Horntveth de Jaga Jazzist), ‘E s t a r a’ a bien du mal à prendre un quelconque décollage, hormis quelques exceptions. Parmi celles-ci, l’ultime morceau ‘Wavxxes’ donne carrément envie d’aller au fond des choses, tant le clarinettiste norvégien et le producteur californien font œuvre de vraie créativité. Comme si The Field dominait au ralenti un monde où justement les Jaga Jazzist trôneraient sur la scène abstract hip hop – ben oui, on n’est pas pour rien sur le label Brainfeeder de Flying Lotus – le titre n’est hélas pas représentatif de la majorité de ses voisins de palier. Plus souvent, les atmosphères sont brumeuses et alambiquées, et on recherche en vain les points d’accroche, il arrive même qu’un certain stade dépassé, on ressent un tel sentiment d’abandon qu’on appellerait bien le 112 à la rescousse. (fv)


Earteam Triggerfinger

Wovenhand

‘By Absence Of The Sun’ Excelsior Recordings/V2

Enregistré à Los Angeles au mythique Sunset Sound Studio, ‘By Absence Of The Sun’ est sans doute l’album le plus accessible que le groupe ait jamais enregistré. Irait-on jusqu’à dire que nos amis sont devenus pop ? Pas totalement, encore que le son soit nettement moins brut que par le passé. Le groupe ne cache d’ailleurs pas son jeu, car si Ruben parle d’une connexion avec ZZ Top, Mario évoque Roxy Music, tandis que Mr Paul avance même le nom de Robert Palmer. Cette évolution, un morceau comme ‘Perfect Match’ l’illustre parfaitement, puisqu’il est à la fois rock et bluesy, mais en même temps très mélodique et glamour. Si le côté plus pop est perceptible sur plusieurs morceaux comme le titre éponyme, l’étrange et entêtante berceuse qu’est ‘Halfway there’ et ‘Off the rock’ qui rappelle les productions plus tardives des Stranglers, Triggerfinger continue de produire des morceaux bruts fidèles à sa marque de fabrique, à l’instar de ‘There isn’t time’ ou ‘Black Panic’ . Finalement, cet album à la fois rock et caressant pour l’oreille est à l’image du look du groupe, soit trois rockers portant des costards à la coupe impeccable. (pf)

Tycho ‘Awake’ Ghostly International

Scott Hansen se définit volontiers comme un musicien et producteur ambient. Pour galvaudée qu’elle soit, l’étiquette n’en est par pour autant inexacte. A la fois photographe, designer et musicien, il touche un peu à tout en restant à la lisière de l’ambiance, sans vraiment exceller dans un domaine. Tycho, son alias musical, le voit figurer aux côtés d’un bassiste et d’un batteur pour échafauder une musique instrumentale très lisse et sans réel relief. Tellement lisse que l’on se demande parfois comme elle va pouvoir accrocher un tant soit peu l’auditeur attentif. Toutes coulées dans le même moule et formatées dans une durée quasiment identique, les huit compositions de ce nouvel album, son quatrième, s’avèrent interchangeables. C’est la pochette magnifique, signée par Hansen lui-même, qui se décline comme un nuancier précieux aux couleurs pourpres et oranges, qui sauve ce disque de l’indifférence. (et)

Vaitea ‘Word Citizen’ BBE/V2

Née en Nouvelle-Zélande d’un père français et d’une mère italienne, Vaitea porte un nom polynésien et laisse voyager ses idées globales au carrefour d’un hip-hop sans frontière. Influencée par le jazz, la house, le funk et les rappeurs de la première heure, l’artiste développe un style hybride et fourre-tout où le sample est le roi de la transe. Produit par Gyver Hypman (Saian Supa Crew) et affiné par l’expert Eddie Sancho (Guru, Nas, Krs-One & Mobb Deep), l’album ‘Word Citizen’ bouffe un peu à tous les râteliers sans jamais apposer sa marque. Petit caméléon en mouvement sur les branches d’une forêt bigarrée, Vaitea laisse fluctuer son flow au gré des morceaux : un exercice de style honorable, plombé par l’absence d’un véritable fil conducteur. (na)

Various ‘Axels & Sockets - The Jeffrey Lee Pierce Sessions Project vol. 3’ Glit terhouse Records

Troisième et pénultième volet pour cet hommage extra-large à Jeffrey Lee Pierce et son Gun Club. Disparu à 37 ans en 1996, Pierce a laissé derrière lui quelques démos en vue d’un futur album aux tendances bluesy. A l’initiative de son collaborateur Cypress Grove, des grands noms

‘Refractory Obdurate’ Deathwish/Glit terhouse Records

David Eugene Edwards est un artiste à la signature immédiatement reconnaissable. Que l’on écoute un album de 16 Horsepower ou de Wovenhand, on sait immédiatement que c’est lui. Question de ton. Question de son. Et quel son ! Puissant, intense, il vous prend aux tripes tout en parlant à l’âme. C’est forcément le cas sur le nouvel opus de Wovenhand, le septième depuis que le projet a été initié voici douze ans. On pourrait gloser des heures afin de savoir s’il est ici question de country gothique, de néo folk dark, d’américana punk, de post punk doom, mais cela serait réducteur car Wovenhand ne ressemble en réalité à personne d’autre. Ce qui est clair, c’est que ‘Refractory Obdurate’ est particulièrement obsédant dans la façon dont il parvient à transcender les genres et les attentes. Il est également plus brut, plus désespéré au niveau des ambiances que ne l’ont été les précédentes sorties du groupe. Comme à son habitude, Edwards se révèle sur le plan personnel, se livre à une introspection violente, à une exploration sans complaisance de ses doutes, de ses obsessions, de ses démons. Le mieux pour saisir l’excellence de Wovenhand est sans doute de se plonger dans cet album et d’en savourer toute la richesse. La puissance évocatrice de ‘Corsicana clip’, le lyrisme désespéré de ‘The refractory’, l’énergie stoner de ‘Good shepherd’, le souffle brûlant de ‘Kind David’, la salve épique de ‘Salome’ ou encore l’éruption de riffs de ‘Field of Hedon’ ne sont que quelques exemples du savoir-faire génial d’Edwards qui parvient une fois encore à nous épater avec un album qui est bien parti pour trôner très haut dans mon top 10 de 2014. (pf)

tels que Mark Lanegan, Nick Cave ou Debbie Harry ont rendu hommage au singer-songwriter torturé, d’abord en reprenant ces quelques chansons dont la qualité d’enregistrement ne justifiait pas une sortie sans travail supplémentaire, ensuite en transformant l’essai en un gigantesque tribute étalé sur quatre disques tandis que d’autres excavations soniques révélaient de nouveaux matériaux oubliés (au point d’intégrer la voix de Pierce lui-même à certains morceaux). On retrouve ici les fidèles déjà sus-cités, ainsi que d’autres grands noms : Iggy Pop se joint à Nick Cave et Thurston Moore (‘Nobody’s City’), Slim Cessna vient pousser sa gouaille inimitable, Bertrand Cantat et Mark Lanegan font la paire (épique ‘Constant Limbo’ ; ‘Desire By Blue River’, désolation country à tomber où palpitent les âmes des trois artistes) et Primal Scream ajoute un soupçon de dub alcoolisé à l’ensemble (‘Goodbye Johnny’, titubant à souhait). Si ‘Axel & Sockets’ n’évite pas tous les écueils, il recèle suffisamment de surprises et de diversité pour vous cueillir à un moment ou un autre (dont le très bon ‘Break’Em Down’ par Hugo Race et sa session rythmique affolante). Et rappeler combien Jeffrey Lee Pïerce mérite qu’on le re-découvre. (ab)

We Have Band ‘Movements’ Naïve/Pias

Composé d’un couple, Thomas et Dede, et d’un ami proche, Darren, We Have Band nous livre avec ‘Movements’ le meilleur album d’électro pop orienté dance floor qu’il nous ait été donné d’entendre cette année. Affichant un quotient qualitatif remarquable, ce disque fait mouche avec chaque titre sans jamais se répéter ou se complaire dans la facilité. Il faut dire que le trio a des goûts impeccables, associant des éléments post punk, new wave, électro, disco et funk sur des compos classieuses et groovy dont les textes sont en outre très bons. Grâce à We Have band, on prend conscience qu’il est possible de faire danser les gens de façon intelligente, ce dont feraient bien de s’inspirer pas mal de tâcherons. Enregistré sous la houlette de Tim Goldsworthy (DFA, LCD Soundsystem) avec pour critère que chaque titre doive obligatoirement faire se remuer chacun des membres du groupe, ‘Movements’ regorge de perles dansantes (‘Modulate’, ‘Someone’, ‘Save myself’, ‘Heart jump’). Et si le groupe ralentit à l’occasion le tempo, c’est pour mieux nous toucher avec l’introspectif ‘You only’ en forme de mantra hypnotique. Du grand art ! (pf)

Wreckless Eric ‘The Donovan Of Trash’ Fire Records

Le prestigieux label Fire poursuit ses festivités de trentenaire avec la réédition de ce ‘The Donovan Of Trash’ initialement sorti en 1993 chez Hangman. Le british Wreckless Eric (de son vrai nom Eric Goulden) fut révélé fin des années 70 grâce à des ballades punk-folk et suscita l’engouement pendant une dizaine d’années. Depuis, malgré une traversée du désert fortement arrosée, l’homme n’a jamais arrêté la musique, sortant toujours des disques en compagnie de son épouse Amy Rigby. Proclamé Donovan trash, il y a du Dylan aussi, du Dr. Feelgood et du Lennon chez ce clébard enroué des ruelles. Tantôt parlées, tantôt chantées ou beuglées, ses chansons tordent le folk et ses tics en une constante et touchante distorsion garage a priori foireuse et pourtant si explicite. Abrasive, bancale et saturée, la musique de Wreckless Eric est avant tout vivante et profondément immortelle. Elle est l’essence même du folk-song, qui se serait adapté aux caniveaux, à la bière tiède, aux années de galère et de chômage. On retrouve chez Wreckless Eric la figure évoluée du loser éternel sublimé par les Coen dans ‘Inside Llewyn Davies’ et, à vrai dire, il n’est pas interdit de penser à Dave Van Ronk qui cultivait une sensibilité rugueuse similaire. ‘The Donovan Of Trash’ multiplie les bravades musclées (‘The Nerd/Turkey Song’, ‘If It Makes You Happy’, très Stone), les ballades désabusées (‘The Consolation Prize’, ‘School’), balance un génial hommage (‘Joe Meek’) et culmine par un formidable ‘Paris In June’ à rendre jaloux Jonathan Richman. Un très grand disque. (ab)

Wye Oak ‘Shriek’ Cit y Slang

Quatrième étape du parcours de Wye Oak, ‘Shriek’ confirme les qualités gentillettes du duo de Baltmimore, mais aussi sa totale inoffensivité. En dépit de quelques bonnes chansons, celles qui ne se perdent pas dans les méandres d’une pseudo dream pop pour handicapés émotionnels (dont le très réussi single ‘The Tower’ ou l’entêtant ‘Sick Talk’), Jenn Wasner et Andy Stack ont bien du mal à garder un cap consistant sur la longueur d’un album. Un des défauts majeurs du projet réside en la voix très neutre de la chanteuse, sorte de Dido d’outre-Atlantique qui se réveillerait dans une tenue trop grande pour elle. L’autre écueil de ‘Shriek’, et ça ne le différencie

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pas de ses prédécesseurs, tient en la tenue des arrangements, parfois tellement neutres et inodores qu’on en oublie leur présence. Heureuse exception à la règle, les dissonances noise de ‘Paradise’, hélas bien seules. (fv)

Ycare ‘La Somone’ Sony

Comme tous les mois ou presque, Sony nous balance un album d’ex-candidat de la Nouvelle Star. Au pire, c’est-à-dire souvent, c’est tout à fait ridicule (le cloacal Soan) ou risible (la grosse Luce) ; au mieux, c’est-à-dire exceptionnellement, c’est excellent (le christique Julien Doré) ; mais parfois, c’est entre les deux, pas vraiment nul, pas forcément bon. Camélia Jordana ou Gaël Faure, chroniqué le mois dernier, rentrent dans cette demi-catégorie. Ycare aussi. Question pop à guitare acoustique, le candidat 2008, de son vrai nom d’origine libanaise Assane Attyé, sait envoyer du bois. Enfin, sur trois morceaux. Après ça lasse. Mais sinon, c’est frais, léger, fruité. Par rapport à la majorité des autres candidats, Ycare a le mérite d’écrire toutes ses chansons et paroles lui-même. C’est assez rare pour être souligné. (lg)

You Raskal You ‘It Takes A Whole Lot of Fools To Build a Pyramid But Love Just Takes Two’ Clown Shoes Music/Pias

Du côté d’Anvers, les embrasseurs d’Eldorado se meuvent désormais tels d’hasardeux cupidons, décocheurs de flêches-de-si-jamais. Tambour-machine-battant, ils se sentent appelés par la nuée de trompettes du jugement premier et partent en pèlerinage canaille, dans le sillon pastoral des Alpes bleues, se contentant de sourires aux anges, de leurs barbes qu’ils voient pousser. Ne manquent que des escarpolettes à leurs mariages dénudés, à leurs ‘Leaves of Love’ solennelles. Sous le labeur, leurs mains sont calleuses et ils aspirent juste à un peu de bon temps, quelque embellie où, le temps d’un ragtime, dissimuler les traces de toutes celles qui sont parties, les visages durs des mères qui ne les ont pas bercés. Épris transis, troubadours suaves, apiculteurs-de-tout-miel, pourraient-ils se nicher dans cet endroit à mille angles? « I’m taken by surprise / every time I look into my baby’s eyes / the love just pours » : ô combien fortunés les receleurs d’affection candide qui ne voient guère les à-pics… (alr)

The 1984 ‘Self Made’ Formé voici cinq ans, ce quatuor bruxellois propose un rock lourd qu’il ambitionne de rendre aussi groovy que possible. Sur ce mini album de 5 titres, on peut dire que c’est mission accomplie et que le groupe a un talent réel pour proposer un son puissant et personnel. D’essence métal, avec une petite touche de stoner, les compos sont intenses, tendues et évitent les clichés, ce qui n’est pas toujours le cas dans le rock plus dur. Si tous les titres sont convaincants, on mettra en avant l’ultra catchy et bien rugueux ‘The key’, le lancinant et mélodique ‘Compromises’ ainsi que le très bon ‘Lovely bones’ qui associe métal et grunge de bien belle façon. Visiblement, ‘Self Made’ est le premier volet d’une trilogie, ce qui aiguise notre appétit. Pour plus d’infos et pour vous procurer ce disque, n’hésitez pas à consulter le site du groupe (www.the-1984. com). (pf)


44 Nuits Botanique

Du 16 au 27 mai Botanique & Cirque Royal, Bruxelles

The Flaming Lips Cette année encore, la programmation ressemble fortement aux sommaires du RifRaf et on ne va pas s’en plaindre, c’est sans doute aussi pour ça qu’on s’y sent chez nous ! La distribution de friandises débutera dès l’entame où les enfants sages recevront leur ‘Nikki Nack’, nouvel album mutant de pop cintrée, lors de la venue de tUnE-yArDs (avec Benjamin Clementine le16/05 au Cirque Royal). Pour vivre heureux, vivons casqués. Pour Cascadeur, la fascination réside dans le dédoublement, la démultiplication. Space Odyssey en cinémascope, entre dream-pop luxuriante et glam-rock spatial sous Chapiteau le 16/05. A l’Orangerie, ce sera électro progressive et bidouilles avec James Holden et Luke Abbott. Et Costello ? En tête d’affiche à la Rotonde, les intrépides BRNS qui n’ont de cesse de monter en flèche. Viva ! *** Il y a ces personnalités rares qui ont joué leurs jokers vitaux dès la première partie, Chan Marshall, quintessence du rêche, fut longtemps de ces voltigeuses qui entraînent dans leur descente lo-fi les exaltés de la varappe. En 2012, le mix de Zdar et la voix sous l’autotune devaient prétendument lui/nous faire voir le soleil. Le propos, lui, reste saillant, on jugera donc sur ce concert solo de Cat Power (le 17/05 au Cirque). Le duo australien Jagwar Ma, routard dans l’âme, se nourrit de la culture club de chaque point de chute pour étoffer ses platines et propose une alchimie agréable qui rappelle les débuts de Primal Scream (17/05, Chapiteau). *** On n’avait pas conscience que le chaâbi pourrait nous envahir comme le ferait la soul ou le blues. Si l’on pouvait mesurer la valeur d’un homme à sa capacité à habiter sa langue, l’emmener ailleurs, nul doute que Jahwar, prophète hédoniste, se verrait couvert de décorations (18/05, Grand Salon). Rien à jeter ce dimanche au Chapiteau : la voix fêlée du chanteur de Cloud Nothings se traîne sous un crachin distordu et culbute les mélodies comme on saute dans les flaques. Derrière lui, ça bastonne sec, c’est tout bon. Allons-y gaiement, à fond la pop et suive qui veut, Mountain Bike saccage la bible du parfait petit garagiste, se détend de la réverbe et ne pédale pas dans la choucroute. Entre songwriting mélancolique et college pop, le canadien Mac DeMarco tisse morceau après morceau un collier de perles mélodiques down/midtempo de très haute volée. Force obscure d’une pop éminemment lumineuse, Juana Molina découpe de jolis motifs électroniques dans un tissu de mélodies folk. L’Argentine partagera l’affiche avec Le Colisée, un des types de chez nous qu’il faut suivre (18/05, Rotonde). *** Le quatrième album de Florent Marchet est bien la tuerie qu’on attendait de lui depuis l’increvable ‘Rio Baril’ en 2007. ‘Bambi Galaxy’, synthétique en diable, est d’abord un vrai bel album de pop avec de vraies grandes chansons à l’intérieur (19/05, Orangerie). *** François & The Atlas Mountains n’a eu de cesse d’évoluer, sans jamais se départir d’une mélancolie lumineuse, vers une pop de moins en moins bricolée, de plus en plus maousse (avec Hercules & Love Affair le 20/05 au Chapiteau). Dans le genre dream pop trop rabâché depuis un lustre, ne manquez pas Hospitality (le 20 à l’Orangerie), c’est tout simplement à tomber. *** Qu’il exaspère ou qu’il séduise, la lucidité de son regard et l’utilisation des codes d’une génération ne dédaignant pas la mélancolie ont en tout cas permis à Vincent Delerm d’installer dans la chanson française une forme de poésie autant personnelle qu’universelle (le 21/05 au Cirque). Dans les autres salles, la traditionnelle Nuit Belge battra son plein avec, entre autres, Amatorski, Robbing Millions, Carl et les Hommes-Boîtes, Madensuyu, Scarlett O’Hanna et les impayables The Experimental Tropic Blues Band. *** Mais déjà la place nous manque... Épinglons encore la date pleine comme un œuf du 23 avec Mulatu Astatke (Cirque), Orval Carlos Sibelius (Grand Salon), l’anniversaire d’Arno au Chapiteau et la lumière noire de Michel Cloup Duo (Rotonde). Rien que ça ! *** Le 24, il faudra se couper en deux pour applaudir The Flaming Lips au Cirque et se recueillir avec Son Lux à l’Orangerie. *** En fin de parcours, le 25, encore du panache avec Sharon Van Etten (Grand Salon), Emilie Simon pour une création au Cirque et The War On Drugs à la Rotonde. Mamma Mia !

jeudi 01 mai Roots & Roses Festival: Driving Dead Girl, Little X Monkeys, The Henhouse Prowlers, White Cowbell Oklahoma, Big Sugar, Dom Flemons, The Dream Syndicate, King Khan & The Shrines, The Excitements, Pokey LaFarge, Fred & The Healers, The Sonics @ CC René Magritte, Lessines, rootsandroses.be Balkan Traffic: Horo Géant, George Dalaras @ Bozar, Bruxelles Kid Noize, Aeroplane, Castles, Globul vs Barako Bahamas @ Rockerill, Marchienne, rockeril.com Narcotic Daffodils @ Pianofabriek, Sint-Gillis Sourvein, Graves At Sea, Deuil @ Magasin4, Bruxelles Seilman Bellinsky, L.T.D.M.S. @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Orval Carlos Sibelius, Robbing Millions @ Entrepot, Arlon Brutal Truth, Deceased, Marginal @ Trix, Antwerpen, heartbreaktunes.com Ben Harper @ Cirque Royal, Bruxelles, livenation.be Ava Luna @ MOD, Hasselt, muziekodroom.be Chet Faker; Luz Casal @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Dragster, Dead Cat Stimpy, Raunchy Rumours @ Nijdrop, Opwijk, maketrouble.net

vendredi 02 mai Inc’Rock: My Brother and I, Solkins, Gaëtan Roussel, Babylon Circus, Soldout; The Strzebonsky Noizescene, Jacle Bow, Vegas, Vismets, Les Fatals Picards, The Toxic Avenger, The Oddword, Surkin; Burn Your TV Zentralheizung Of Death Des Todes, No Ceremony, Die! Die! Die!, Black Strobe, … @ Incourt, incrockfestival.be Century Festival: Panpan Master, Dat Politics, Turtoize, Elände @ Plaine de Neckere, Mouscron, centuryfestival.be Balkan Traffic: Selda Bagcan, Mahala Rai Band & Jony Iliev, Grogore Lese, Caci Vorba, Antwerp Gipsy-Ska Orkestra, Blakan Trafik Orkestra, KAL, Ambrassband, Fanouris Trikilis, DJ Click, Kolo, Ensemble of Folk Songs & Dance of Albania, Kolektif Istanbul @ Bozar, Bruxelles, bozar.be Groezrock: NoFx, Quicksand, Taking Back Sunday, H2o, Madball, BoySetsFire, Ignite, Descendents, Alkaline Trio, Brand New, Everlast, Paint It Black, I Am The Avalanche, Terror, Saves The Day, The Menzingers, Bodyjar, La Dispute, The Lawrence Arms, INVSN, Red City Radio, PUP, Chunk! No, Captain Chunk!, Larry And His Flask, Iron Chic, Astpai, Devil in Me, Atlas Losing Grip, Wisdom in Chains, Bayside, The Wonder Years, Restorations, Deez Nuts, Tim Barry, Gameface, My Extraordinary, Still Bust, The Tramps, Fathoms, Kids Insane @ Meerhout, groezrock.be Nutbush ft Mona Murray @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Richard Dawson, Ignatz & De Stervende Honden @ Les Ateliers Claus, Bruxelles, lesateliersclaus.com Madensuyu, Rape Blossoms @ Entrepot, Arlon, entrepotarlon.be The Subs, B @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Triggerfinger; Cris Cab @ AB, Bruxelles, livenation.be We Insist, Mambo, Bunny Black Bones @ Atelier Rock, Huy The Residents @ Vooruit, Gent, vooruit.be Romano Nervoso, Big Moustache Bandits @ Alhambra, Mons, alhambramons.com Khohd, Angakok @ Os à Moelle, Bruxelles, loudbycourtcircuit.be Barzin, Mad About Mountains @ 4AD, Diksmuide, 4ad.be Dragged Into Sunlight, Hessian @ DNA, Bruxelles, buzzonyourlips.be FKA Twigs @ Botanique, Bruxelles, botanique.be Hans Theessink @ Toogenblik, Haren The Feeling Of Love, Crevasse @ La Cave Aux Poètes, Roubaix, Fr, caveauxpoetes.com

samedi 03 mai Inc’Rock: Noa Moon, Sttellla, Michel Fugain & Pluribus, Suarez, Bastian Baker; Holy Street, Chicos y Mendez, Saint André, Déportivo, André Borbe, Chilly Pom Pom Pee, Antoine Chance, Dalton Telegramme, …@ Incourt, incrockfestival.be Century Festival: Cotton Claw, Gablé, Ventura, Jean Jean, Castles, Zerolex, Les Petits Fils De Jack, LTDMS, Sport, Henry Cat @ Plaine de Neckere, Mouscron, centuryfestival.be Groezrock: The Offspring, The Hives, New Found Glory, Falling In Reverse, Caliban, Screeching Weasel, The Devil Wears Prada, Judge, Snuff, Modern Life Is War, Cro-Mags, All, Norma Jean, The Setup, The Charm The Fury, Crazy Arm, Bim Skala Bim, The Casualties, Drug Church, Blitz Kids, Touché Amoré, Apologies, I Have None, The Priceduifkes, The Toasters, Doomriders, Funeral Dress, Fabulous Disaster, Done Dying, Get Dead, Bury Tomorrow, The Ghost Inside, I Killed The Prom Queen, The Smith Street Band, Elway, Moments, River Jumpers, Shell Beach, Edward in Venice, The Ignored @ Meerhout, groezrock.be Balkan Traffic: Amira, Bilja Krstic & Tamara Obrovac ft. Boyan Z, Esma & Amazing Roma, KOLO, Bistritsa Babi, Jonianet & Saze, Balarom Trio ft. Pantelis Stoikos, Shutka Roma Rap, …@ Bozar, Bruxelles, bozar.be Pas de Quartiers @ MCN, Namur, province.namur.be Verdun, Morse @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Laurent Garnier, Fabrice Lig, Globul, Dirty Monitor @ Rockerill, Marchienne, rockeril.com The Beatbox @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Te Feeling Of Love, Moaning Cities @ Belvédère, Namur Arno, Dop Massacre aka DJ Saucisse @ Entrepot, Arlon Jon Hopkins, Oaktree; Aluk Todolo, Nihill, Alkerdeel, Gnaw Their Tongues @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Intergalactic Lovers, The Spectors @ Cercle, Ferrières, bucolique.be Gorguts, Misery Index, Resistance, Omerta @ Magasin4, Bxl 24 Heures Electronique: Laptop Battle, Binary & Dyslexic, Robotic 808, Dorian Concept, Twisted Frequencies @ Rockhal, Esch/Alzette, Lux, rockhal.lu

gigs& parties mai 14

dimanche 04 mai Inc’Rock: L’Or Du Commun, Fixpen Singe, Hippocampe Fou, Lino & Arsenik, Kaaris, Raggasonic, Disiz; Fakir, Unidad Soundsystem, Les R’Tardataires, Akua Naru, Scylla, L’Entourage; Dope And, Aral et Sauze, San’Jyla, Gandhi, Scred Connexion, … @ Incourt, incrockfestival.be Balkan Traffic: Romanian Film Day @ Bozar, Bruxelles, balkantrafik.com Living Room Music Festival: Ana K. Garcia & Gaddafi Nunez, Laura Mollica & Giuseppe Greco, Les violons de Bruxelles, Talike Gelle, Aurélie Dorzée & Tom Theuns, Hua Xia & Li-Ling, Sophie Cavez & Julien Padovani, Trash à cordes, Telamure, Emre Gültekin & Vardan Hovanissian @ Scepter-Wijk, Ixelles, muziekpublique.be Miley Cyrus @ Sportpaleis, Antwerpen, livenation.be Amos Lee, Mutlu; Revere, Moss @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Jesca Hoop, Shearwater @ DOK, Gent, democrazy.be The Feeling Of Love, The Scrap Dealers @ Entrepot, Arlon Jean De Lacoste, Monte Isola, Sandrine Verstraete, Sarah Foulquier, Empty Taxi @ Merge, Bruxelles Susie Asado @ L’An Vert, Liège, lanvert.over-blog.com Schoolboy Q; Death Vessel, My Sad Captains, Barzin, Inwolves, And They Spoke In Anthems @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Arno @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Horses, I Am Oak @ Kultuurkaffee, Bruxelles, kultuurkaffee.be

lundi 05 mai Saga @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be The Last Killers @ Cantina del Rock, Opwijk, maketrouble.net Raising Holy Sparks, Innercity @ Huis23, Bruxelles, abconcerts.be Eagle Twin, My Diligence @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Camilla Sparksss @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Diane Cluck with Isabel Castelvi, Pak Yan Lau @ CC Jacques Franck, Uccle, lejacquesfranck.be Gramatik @ Rockhal, Esch/Alzette, Lux, rockhal.lu Cisco Herzaft @ 4 Ecluses, Dunkerque, Fr, 4ecluses.com

mardi 06 mai Vatican Shadow, Orphan Swords @ Het Stuk, Leuven, stuk.be Z’ev, Thenoiser, Jason Van Gulick, Shetahr @ Magasin4, Bxl Skraeckoedlan @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be The Guilt @ Cantina del Rock, Opwijk, maketrouble.net Scrappy Tapes @ Merlo, Bruxelles, stoemplive.be Nits; Novastar @ AB, Bruxelles, abconcerts.be

mercredi 07 mai Echo & The Bunnymen; Spaceghostpurrp, Yung Simmie @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Paint Fumes, Los Vigilantes @ Madame Moustache, Bruxelles Umor, Goddog @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be The Temperance Movement @ AB, Bruxelles, abconcerts.be The Bug, Teebs, Jeremiah Jae @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be Moodprint, Yellow Straps, Toolbox & Pukaz @ Het Stuk, Leuven Joëlle Saint-Pierre, Simon Kingsbury @ Atelier210, Bruxelles Bunzero, Sepia @ Kultuurkaffee, Bruxelles, kultuurkaffee.be Fills Monkey @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronef-sprectacles.com Philippe Ménard, Cisco Herzaft & Friend @ 4 Ecluses, Dunkerque, Fr, 4ecluses.com Cult Of Luna, God Seed @ den Atelier, Esch/Alzette Lux, atelier.lu Chet Faker @ Rockhal, Esch/Alzette, Lux, rockhal.lu

jeudi 08 mai Sleaford Mods & Radical Satan @ Les Ateliers Claus, Bruxelles Lebanon Hanover, Low Factor @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Oscar & The Wolf, Cathedral 77; My TV Is Dead, Cecilia::Eyes, David Lund @ AB, Bruxelles, abconcerts.be The Jon Spencer Blues Explosion @ De Kreun, Kortrijk, dekreun.be Israel Nash, Mad About Mountains @ Trix, Antwerpen,trixonline.be The Ultra Electric Mega Galactic, Sasquatch, U-boat @ Sojo, Leuven, orangefactory.be Delrue @ Candelaershuys, Uccle Stikstof @ Kultuurkaffee, Bruxelles, stoemplive.be Snooba @ Alhambra, Mons, alhambramons.com Bai Kamara Jr & Madé J @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve, fermedubiereau.be Hard Ton, DJ Rock Shiver, Dorian, Globule @ Rockerill, Charleroi, rockerill.com Mîkmâäk @ Recyclart, Bruxelles, recyclart.be Double Veterans, Yawns @ Nijdrop, Opwijk, nijdrop.be Fanny Bériaux @ Salon, Silly, sillyconcerts.be Fiona Boys Band @ MOD, Hasselt, move2blues.be Ezza, Kermesz à l’Est @ Water Moulin, Tournai, watermoulin. bandcamp.com Dropdead, Ruidosa Inmundicia, Cease Fire @ Magasin4, Bxl

vendredi 09 mai Pilod @ Le Bateau Ivre, Mons, pilodband.com PSYK, Markus Suckut, A.Brehme, Pilose @ De Kreun, Kortrijk Orbillard, Corbillard, Overweight, Jet8 @ CC René Magritte, Lessines, ccrenemagritte.be When Icarus Falls, Khohd @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be


Worship, Loss, Funeralium @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Micah Blue Smaldone, Tom Kovacevich @ L’An Vert, Liège, lanvert.over-blog.com Champion, The Busy Twist, DJ Mellow, Max Le Daronn, Excyta @ Recyclart, Bruxelles, recyclart.be Grems: Le Jouage & Blackkenpouperz, DJ Odilon, Farm Prod @ Atelier210, Bruxelles, atelier210.be Diablo Fest I: Diablo Blvd, The Setup, King Hiss, Vanderbuyst, Your Highness @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Ezza, Aldi Méola @ Rockerill, Charleroi, rockerill.com Acid Arab, ... @ Bazaar, Bruxelles, actionnaires.be/ BKO Quintet @ Molière, Ixelles, muziekpublique.be Kevin Saunderson, Trish van Eynde, Fabrice Lig, Sunderland @ Studio22, Liège, lestudio22.be Lori Goldstone, Guy Van Nueten @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Joëlle Saint-Pierre, Céléna & Sophia @ Cupper Café, Liège, cabalance.be John Butler Trio @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronef-spectacles.com Ialma @ Centre Culturel, Differdange, Lux

samedi 10 mai Woodywoodstock: L’Opium du Peuple, MHD, Def Monk, Velvet Avenue, The Citadines, Melchior @ Parking du Mont Saint Rock, Nivelles, woodywoodstock.be Saz Festival: Perikles Papapetropoulos, Engin Arslan, Ozan Meftuni, Ertan Tekin, Talipler Ensemble, Vardan Hovanissian, Elias Bachoura, Lütfü Gültekin, ... @ Molière, Ixelles, muziekpublique.be Smash Hit Combo, Kontrecarcer, Beneath The Seas, Sipping @ Entrepot, Arlon, entrepotarlon.be Whocat, Impenetrable Trio @ Coliseum, Charleroi, facebook.com/ femalesrock Zachary Cale, Lylou @ L’An Vert, Liège, lanvert.over-blog.com The Subs @ Eden, Charleroi, eden-charleroi.be The Bygones, Evening Call, The Citadines @ Atelier Rock, Huy Simon Kingsbury, Nicolas Michaux @ Cupper Café, Liège, cabalance.be Claptone, Rick Shiver, Pleasure Machines, Jack Le Coiffeur @ Studio22, Liège, lestudio22.be Antoine Chance, Gilles et ça Dépend @ Salon, Silly, sillyconcerts.be Narcotic Daffodils @ London Calling, Bruxelles Electric Chateau, Noisy Way @ Belvédère, Namur, belvederenamur.be Douglas Greed, Get Mad Crew @ Alhambra, Mons, alhambramons.com Jackhammers, Atomic Suplex @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Jinjer, Sekhmet, Sapiency, Beneath The Wake, Sleeping Death, Knives to A Gunfight @ Mad Café, Liège, madcafe.be Sean Paul @ Rockhal, Esch/Alzette Lux, atelier.lu Deen Durbigo, Pink Tee @ L’Aéronef, Lille, Fr

dimanche 11 mai Neil Finn @ Cirque Royal, Bruxelles, livenation.be Teho Teardo & Blixa Bargeld @ Stadsschouwburg, Brugge Pestilence, Massacre, Ancient Ascendant, Sekhmet @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Brussels Concertband @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Animen, PAON @ Atelier210, Bruxelles, atelier210.be Cloe Du Trefle @ La Tricoterie, Bruxelles Napalm Death, W.I.L.D. @ 4 Ecluses, Dunkerque, Fr, 4ecluses.com

lundi 12 mai Les Nuits Botaniques: BadBadNotGood, Lefto; The Neighbourhood @ Botanique, Bruxelles, botanique.be The Chameleons Vox, An Orange Car, Crashed... @ Entrepot, Arlon, entrepotarlon.be Grupo Compay Segundo @ Cirque Royal, Bruxelle Birth Of Joy, Milky Chance, Natas Loves You @ Le Grand Mix, Tourcoing, Fr, legrandmix.com

mardi 13 mai Snailking, Goddog, Big Fat Lukum @ Magasin4, Bruxelles Ratking @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be Warhola @ Roskam, Bruxelles, stoemplive.be Lake Street Drive, Jake Isaac @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Here’s To The Lion, DJ Marklion @ L’Aéronef, Lille, Fr

mercredi 14 mai Tonstartssbandht, Jerry Paper, Shoeshine @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Detroit @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronef-spectacles.com

jeudi 15 mai Lexx Ondexx @ Alhambra, Mons, alhambramons.com The Darlingtons @ De Kreun, Kortrijk, dekreun.be Cloe Du Trefle @ Les Récollets, Verviers Détroit; Clean Pete @ AB, Bruxelles abconcerts.be Dream Affair, Unidentified Man, Analogic Cold Afterparty @ Café Central, Bruxelles, lefantastique.net Compuphonic, Fabrice Lig, Globul @ Rockerill, Charleroi La Rue Ketanou @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronef-spectacles.com

Echobowie, Supreme RW, Lady Cover, Daft As Punk, … @ + 17/05: Place et Salle Penne d’Agenais, Seneffe, thecoverfestival.com Steve Hackett @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Quimby @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be Beoneshot, Nanaka, Nesia, Bibz, Asmik, Mego, Steel Warriors, Veda @ Recyclart, Bruxelles, recyclart.be Trio Grande @ Kulturzentrum Jünglingshaus, Eupen, eupen.be The Subs, B @ MOD, Hasselt, muziekodroom.be Drive-By Truckers, Heartless Bastards @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Madensuyu, Swingers @ Alhambra, Mons, alhambramons.com Glü, Blind Thorns, Quark, Nah @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Dune Rats @ Madame Moustache, Bruxelles, madamemoustache.be Li-Lo* @ Belvédère, Namur, belvedere-namur.be La Rue Ketanou @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve, fermedubiereau.be In Arkadia @ MJC, Ciney Nine Inch Nails @ Rockhal, Esch/Alzette Lux, atelier.lu Rich Robin, Deluxe Renegades @ Bar Live, Roubaix, Fr, facebook. com/pages/Bar-Live/409017022454352 The Lanskies, The Darlingtons @ 4 Ecluses, Dunkerque, Fr, 4ecluses.com

samedi 17 mai Les Nuits Botaniques: Cat Power, Appaloosa; George Ezra; Jagwar Ma, Jamaica, Yellowstraps; White Denim, Vohn Pariahs, Fastlane Candies; Arc Iris, Nick Mulvey, The Trouble With Templeton @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be LL Métal: Lenght Of Time, Loudblast, Surge Of Fury, Resistance, Zuul FX, Mystica, Arkham Disease, Age Of Torment, In Arkadia, Feed Them Lies, Black Harmonia, Ashes Into Blood @ Le Palace, La Louvière, centerock.be Wolfrock: Jéronimo, MHD, Larko, Catatonic Trip, Jessie’s Dead, Piano Club @ CC, Dour, centrecultureldedour.be 6K Fest: Born Of Osiris, After The Burial, Betraying The Martyrs, Monuments, Novelits, Crimson Falls, Planey, Buried In Verona, Rise Of The North Star, Acrania, Black Tongue, Chainsaw Distaster, Carcer City, Novel Of Sin, .... @ Caserne Fonck, Liège, facebook.com/events/656751784386777/?fref=ts Raketkanon, Coubiac, Mont Doé, Stephen O’Maltine, Paul Pasture @ Rockerill, Charleroi, rockerill.com Over Me @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve, fermedubiereau.be Melt-Banana, Gruppo Di Pawlowski @ 4AD, Diksmuide, 4ad.be Sergey Starostin & Marian Kaldararu, Balkan Khans @ Molière, Ixelles, muziekpublique.be Moonchild, Ardenne Heavy @ Entrepot, Arlon, entrepotarlon.be Zaz @ Forest National, Bruxelles The Mixfitz, Branko, Yadi, FS Green, TLP aka Troubleman, Atamontt @ Madame Moustache, Bruxelles, madamemoustache.be Algorave @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Influences Litigieuses @ Belvédère, Namur, belvedere-namur.be La Rumeur, Rocé, Makyzard, Aea @ Magasin4, Bruxelles Gus G, Marty Friedman @ MOD, Hasselt, muziekodroom.be Fixpen Singe ft Fixpen Sill, Lomepal, Caballero, Meyso @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be DMX, M.O.P. @ AB, Bruxelles, abconcerts.be The Subs @ Rockhal, Esch/Alzette, Lux, rockhal.lu The Rhinogrades, Scathodick Surfers, The Irradiates, Mujeres @ l’Ara, Roubaix, Fr ara-asso.fr

dimanche 18 mai Les Nuits Botaniques: Wax Tailor & The Phonovisions Symphonic Orchestra; Jawhar, Li-Lo;We Have Band, Say Lou Lou, Thomas Azier, Samaris; Mac Demarco, Cloud Nothings, Mountain Bike; Juana Molina, Le Colisée @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be Sects Tape @ Le Britsh, Tournai Sharon Jones & The Dap-Kings @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Ben Frost, House Of Cosy Cushions @ Het Stuk, Leuven, stuk.be Fenster @ CarréRotondes, Luxembourg, Lux, rotondes.lu Melt Banana, Petula Clarck, H.O.Z. @ 4 Ecluses, Dunkerque, Fr

lundi 19 mai Les Nuits Botaniques: Piers Faccini, Sean Nicholas Savage; Florent Marchet, Blondy Brownie; ZZZ’s, It It Anita, Frank Shinobi @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be Merauder, Beautiful Hatred @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Phantogram, Kins @ Het Stuk, Leuven, stuk.be

mardi 20 mai Les Nuits Botaniques: Scylla, La Smala; Emily Loizeau, Broken Twin; Hercules & Love Affair, François & The Atlas Mountains, Moodoïd; The Julie Ruin, Traams, Hospitality; Arthur Beatrice, Soldier’s Heart @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be Mayhem @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Zealrecords night: Sweet Little Mojo, Sunday Bell Ringers @ Rits Café, Bruxelles, stoemplive.be Fishbone @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Sects Tape @ Place St Pierre, Tournai Com Truise @ MOD, Hasselt, muziekodroom.be Brian Jonestown Massacre @ L’Aéronef, Lille, Fr

vendredi 16 mai

mercredi 21 mai

Les Nuits Botaniques: tUnE-yArDs, Benjamin Clementine; Long Distance Operators, Gambles; Cascadeur, Cats On Trees, Mark Daumail, ALB; James Holden, Luke Abott; BRNS, Etches, Italian Boyfriend; After Party: Salut C’est Cool, Sylvan Esso, Mr Nö, Comausaure, Freek, Asmar, Marc Pim @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be LL Rock: Melchior, Inc.Ognito, The Holmes, Coastline Sons, Sourblast @ Le Palace, La Louvière, centerock.be Cover Festival: Radio Negra, Panache Culture, Coverplay, Mister Cover, Rock En Stock, Goonsquad, Space Cowboys, Stockholm Syndro, Machine Gun, Curiosity, Be You To,

Les Nuits Botaniques: Vincent Delerm; Nuit Belge: Vismets, School Is Cool, Coely, Amatorski, MLCD, Robbing Millions, Carl Et Les Homme-Boîtes, Madensuyu, Scarlett O’Hanna, The Experimental Tropic Blues Band ‘The Belgians’, Astronaute, Alaska Gold Rush @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles Soviet Soviet @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Yes; Dolphins Into The Future, Dr.Godfried-Willem Raes @ AB, Bxl Arno @ Kursaal, Oostende, livenation.be La Sera, The Spectors @ Kultuurkaffee, Bruxelles, kultuurkaffee.be Da Wang Gang @ Molière, Ixelles, muziekpublique.be Jasper Steverlinck @ Sauvenière, Liège, lesardentes.be

SOLDIER’S HEART

01.05 Schoolrock - Kontich 10.05 De Kunstbende - Turnhout 13.09 Urban Hymns - Bree

MADENSUYU

02.05 10.05 16.05 21.05

Les Aralunaires - Arlon Putrock - Beringen Alhambra - Mons Les Nuits Botanique - Bruxelles

ZENTRALHEIZUNGOFDEATHDESTODES

02.05 Inc’Rock - Incourt

DIE! DIE! DIE!

02.05 Inc’Rock - Incourt

RAPE BLOSSOMS

02.05 21.05 23.05 31.05 01.06 23.08

Les Aralunaires - Arlon Vooruit - Gand MOD - Hasselt DNA - Bruxelles De Kreun - Kortrijk Synergie Meeting - Zwevegem

MY SAD CAPTAINS + DEATH VESSEL

04.05 Trix - Anvers

SHEARWATER + JESCA HOOP

04.05 DOKBox - Gand

TEHO TEARDO & BLIXA BARGELD

11.05 Stadsschouwburg - Bruges

RAKETKANON

16.05 17.05 13.07 22.07 23.08 30.08

Cirque Mystique - Aalst Rockerill - Charleroi Sjockfestival - Gierle Boomtown - Gand Synergie Meeting - Zwevegem Eigen Teelt Festival - Maasmechelen

LA TERRE TREMBLE!!! plays ‘Tom & Jerry’

16.05 CC De Spil - Roeselare 17.05 CC De Spil - Roeselare

XIU XIU + WHITE HINTERLAND

17.05 DOKBox - Gand

JUANA MOLINA

18.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles

THE JULIE RUIN + HOSPITALITY + TRAAMS

20.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles

SCARLETT O’HANNA

21.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles 26.05 Het Depot - Louvain

DUCHESS SAYS + YAMANTAKA // SONIC TITAN

22.05 Mad Café - Liège

DAAU

23.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles

KREIDLER

23.05 KC België - Hasselt

DOUGLAS DARE

24.05 Les Nuits Botanique - Bruxelles

A WINGED VICTORY FOR THE SULLEN

24.05 Festival van Vlaanderen - Kortrijk

MICAH P. HINSON

30.05 De Roma - Anvers 31.05 Nijdrop - Opwijk

MARCO Z

31.05 Nijdrop - Opwijk

EMA

01.06 DOKBox - Gand

SLINT

04.06 Trix - Anvers

TERAKAFT

06.06 Cactus Club @ MaZ - Bruges

PORTUGAL. THE MAN

11.06 Vooruit - Gand

TRUST

21.06 DNA - Bruxelles more concer ts : www.toutpartout.be Independent since 1994 Toutpartout agency Labelman Nieuwpoort 18 9000 Gand - Belgium Phone: +32 (0)9 233 06 02 infoNL@toutpartout.be www.toutpartout.be


46 Micah Paul Hinson

25 mai, L’Aéronef, Lille 30 mai, De Roma, Antwerpen 31 mai, Nijdrop, Opwijk En 2010 : on avait été bluffé par ‘Micah P. Hinson and the Pioneer Saboteurs’, ses sales manières d’americana pas nette, ses ambiances un peu torves. Belle surprise de voir aujourd’hui débarquer le myope à casquette chez Talitres. Son nouveau disque semble revenir à des choses plus essentielles, en tout cas, moins torturées : rock’n’roll pure souche, murder ballads à la Cave, folk swinguant à la M Ward, country baltringue au banjo. (lg)

Nine Inch Nails

16 mai, Rockhal, Luxembourg 28 mai, Sportpaleis, Antwerpen

KRS @ Alhambra, Mons, alhambramons.com Peace & Lobe @ 4 Ecluses, Dunkerque, Fr, 4ecluses.com

jeudi 22 mai Les Nuits Botaniques: Fauve, Nicholas Michaux; Tom The Lion, Jeremy Messersmith; Clean Bandit, Ella Eyre, Kadebostany, St.Lô; Royal Blood, The Amazing Snakeheads, Solids; Blaudzun, Champs @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be The Sisters Of Mercy @ AB, Bruxelles, abconcerts.be The Woolen Men, Vickers, Dirk Da Davo, Ralph Storm, Globul @ Rockerill, Charleroi, rockerill.com Duchess Says; Yamantaka, Sonic Titan @ Mad, Liège, madcafe.be Ldbk Radio 12th anniversary: Quantic, Debruit, DJ Kwak @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be Arno @ Kursaal, Oostende, livenation.be Mörg @ Music Village, Bruxelles, abconcerts.be Duchess Says @ Mad Café, Liège, toutpartout.be Hugo, Neo Venturi @ Entrepot, Arlon, entrepotarlon.be Jamal Thomas Band @ Bar Du Matin, Bruxelles Zarz Wam Zagram, Carragenean @ Recyclart, Bruxelles, recyclart.be Rodriguo Amarante, Vilain @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronefspectacles.com

vendredi 23 mai

À près de cinquante ans, Trent Reznor n’éprouve plus le besoin d’agresser avec une débauche de décibels pour clamer sa rage. Il s’exprime désormais plus en nuance, en subtilité, ce qui ne réduit en rien l’aspect doom de sa musique. Que du contraire même, le NIN nouvelle mouture vous prend aux tripes lentement mais sûrement, de façon insidieuse. Brillant de bout en bout, ‘Hesitation Marks’ est le meilleur album de Reznor depuis très longtemps. Intense et inspiré, il expérimente à tout va et nous vaut une pluie de joyaux. (pf)

Liz Green

2 juin AB, Bruxelles Le second essai longue durée de la chanteuse de Manchester se révèle passionnant de bout en bout. Évidemment, si l’organe vocal de Liz Green demeure son atout principal entre chaleur incandescente et retenue british, le choix de ses arrangements se révèle des plus pertinents. Tout en quittant à foison la case folk music où elle aurait pu rester confinée, Green réussit admirablement des débordements jazz qui épicent diablement le propos, à tel point qu’on se croirait parfois dans un cabaret berlinois entre Kurt Weill et Ute Lemper. (fv)

Motorpsycho 29 mai VK, Bruxelles

La belle machine à débiter des chansons au kilomètre rutile plus que jamais de son psychédélisme le plus échevelé. Mais fidèle à son habituelle imprévisibilité, le combo norvégien ne s’est pas contenté de décliner ses gammes. Conçu comme un labyrinthe, ‘Behind The Sun’ alterne les dédales tortueux, les virages au cordeau, les embardées stylistiques et les vols supersoniques de fantaisie. Il semble que Motorpsycho ait encore énormément de choses à dire. (gle)

Les Nuits Botaniques: Mulatu Astatke, Rodrigo Amarante, Sumie; Orval Carlos Sibelius, S. Carey; Arno ‘65’; Young The Giant, Leaf House, Hjaltalin, Vundabar; DAAU, Michel Cloup Duo, Xavier Dubois @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be Soledad @ Petit Théâtre Mercelis, Bruxelles, kultuurkaffee.be Snarky Puppy, Sam Vloemans @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Speedball Jr, Keeper Volante Bxhell, DJ Yeti Popostar & a vanden hoven @ DNA, Bruxelles Samir Barris @ Ferme du Biéreau, Louvain-La-Neuve, fermedubiereau.be Wild Classical Music Ensemble @ Les Ateliers Claus, Bruxelles, lesateliersclaus.com The Woolen Men @ Madame Moustache, Bruxelles, madamemoustache.be Flying Donuts, The Rebel Assholes, Not Scientists @ Entrepot, Arlon, entrepotarlon.be Conan, Hemelbestormer @ 4AD, Diksmuide, 4ad.be PoW, komplikations @ Water Moulin, Tournai, watermoulin. bandcamp.com Rape Blossoms, Big Ups @ MOD, Hasselt, muziekodroom.be Jawhar @ L’An Vert, Liège, lanvert.over-blog.com His Golden Messenger, Hydrogen Sea @ Het Stuk, Leuven, stuk.be The Watchmen, Tang, Margaret Catcher @ La Cave Aux Poètes, Roubaix, Fr, ara-asso.fr Duchess Says, No Metal in This Battle, DJ’s Suske & Wiske @ CarréRotondes, Luxembourg, Lux, rotondes.lu

samedi 24 mai Les Nuits Botaniques: The Flaming Lips, Young Knives; Douglas Dare, He Died While Hunting; Superdiscount 3, Etienne De Crécy (dj-set), Aeroplane (dj-set) Compuphonic (dj-set); Son Lux; Dominique Dalcan, La//Plage @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be La Vie en Rock: Aqme, Vegas, Komah, Marka, Antoine Henaut, Bagdad Rodeo, Ozvald, Lys, Nicolas Testa, Inc.ognito, Transcoder, Over Me, Super Like You, The Tangerines, Paire D’as, From Kising, DJ Boods, Ballistics, Radio Fake @ Dour Sport, Dour, la-vie-en-rock.be Pow! @ Madame Moustache, Bruxelles, madamemoustache.be Zygomatic, The Wofo Sextette @ Petit Théâtre Mercelis, Bruxelles, kultuurkaffee.be The Imaginary Suitcase, La Vierge du Chancelier Rolin, Seesayle @ The Flanagan’s, La Louvière, facebook.com/ flanagansconcerts Soft Metals, Sally Dige, Pure Ground, Luminance, DJ’s Hatecraft, Weyrd Son, X-Pulsiv @ T.A.G., Bruxelles, lefantastique.net Smooth and The Bully Boys, Crystal And Runnin’ Wild @ Belvédère, Namur, belvedere-namur.be Cheveu, ... @ Alhambra, Mons, alhambramons.com Conan, Mos Generator, Belzebong @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Billy Hart Quartet @ AB, Bruxelles, abconcerts.be A Winged Victory For The Sullen @ De Kreun, Kortrijk, dekreun.be Gansan ft. Foulane Bouhssine @ Daarkom, Bruxelles, homerecords.be Hugo @ Atelier Rock, Huy, atelierrock.be High Voltage @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be L’Orchestre International du Vetex, Tropical Flow, Le 109, SP Muzik, L’Hapax @ Bois Blancs, Lille, Fr, aeronef-spectacles.com Farid Bang @ den Atelier, Esch/Alzette Lux, atelier.lu Les Dj’s de l’Ara, The Cheecks, Ploys, Lena Deluxe, Trois Quarts D’Heure Americain, Rafee McCamery And The Bloody Dancing Piranhas, ... @ L’Ara, Roubaix, Fr, ara-asso.fr Pilod @ Café Diskaire, Lille, Fr, pilodband.com

dimanche 25 mai Les Nuits Botaniques: Emilie Simon, The Feather; Sharon Van Etten, Lyla Foy; Ásgeir, Only Real, Denai Moore; Jungle, Fùgù Mango, Tulegur Gangzi; The War On Drugs @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be Lee Ranaldo & The Dust @ De Kreun, Kortrijk, dekreun.be Ryley Walker, Kitty Mahaalbaf @ L’An Vert, Liège, lanvert.overblog.com

The Eagles @ Sportpaleis, Antwerpen, livenation.be Laraaji, Sun Araw @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Mutual Benefit, Yuko @ 4AD, Diksmuide, 4ad.be King Dude, Scout Pare-Philips, Luna Violenta @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be La Mao & Guest, La Ch’tite Batucada, Mio Koo Booko, Play Back, Las Pains Perdus, Kami Guys, Les Steaks Bulgares, Sapritch @ l’Ara, Roubaix, Fr, ara-asso.fr Dum Dum Girls @ Rockhal, Esch/Alzette, Lux, rockhal.lu Jagwar Ma @ Grand Mix, Tourcoing, Fr, legrandmix.com Micah P. Hanson, Tadi Circus @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronefspectacles.com

lundi 26 mai Les Nuits Botaniques: Catherine Ringer chante Makaroff & Muller; Stephane Ginsburgh & Kurt Ralske; Joseph Arthur, Joy @ Botanique, Bruxelles, botanique.be Ryley Walker; Jeff Beck @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Lee Ranaldo & The Dust, Golden Animals @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Plaza Francia @ Cirque Royal, Bruxelles, livenation.be

mardi 27 mai Les Nuits Botaniques: Sonic Cathedral #3 : Ensemble Musiques Nouvelles olv Jean-Paul Dessy, met Mélanie De Biasio, Sigtryggur Baldursson, Kippi Kaninus, Xavier Deprez en Tulegur Gangzi @ Botanique & Cirque Royal, Bruxelles, botanique.be Manic Street Preachers, Public Servie Broadcasting @ AB, Bruxelles, abconcerts.be The Glitch Mob, Opiuo @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be Alien Whale, Koonda Holaa, Übermensch @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Billy Cobham Band @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Beau Catcheur @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronef-spectacles.com

mercredi 28 mai Nine Inch Nails @ Sportpaleis, Antwerpen, livenation.be Nimmo Brothers @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Radio Moscow, Moaning Cities @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be The Lurkers @ Café Exelsior, Jette, rootsrockcardinal.com Tori Amos @ Cirque Royal, Bruxelles, livenation.be Rodrigo y Gabriela; Jambinai, Inwolves @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Luke Sital-Singh @ Huis23, Bruxelles, abconcerts.be King Hiss, Grizzlyncher, Sons Of Disaster @ De Kreun, Kortrijk, dekreun.be Soom T & Jstar, J.Robinson @ Recyclart, Bruxelles, recyclart.be Altrego, Red D, Lighty Mike, Mr.Bongo & Klepto, … @ Het Stuk, Leuven, stuk.be Jungle, Isaac Delusion @ Grand Mix, Tourcoing, Fr, legrandmix.com

jeudi 29 mai City Parade @ Charleroi, facebook.com/pages/City-Parade Motorpsycho @ Vk, Bruxelles, vkconcerts.be The 1984 @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Regal, Outlander, Olivier Pieters, Eric Beysens @ Rockerill, Charleroi, rockerill.com Milow @ De Kreun, Kortrijk, dekreun.be Blacklisters, Cocaine Piss, Mindrays @ Magasin4, Bruxelles, magasin4.be Gregoir Tirtiaux & Friends @ Recyclart, Bruxelles, recyclart.be Ana Popovic @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Dawn Landes @ Huis23, Bruxelles, abconcerts.be Amen Dunes, Echo Beatty @ Trix, Antwerpen, trixonline.be Lais plays ‘Lais’ @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Nisennenmondai, Disappears @ CarréRotondes, Luxembourg, Lux, rotondes.lu Manic Street Preachers @ den Atelier, Esch/Alzette Lux, atelier.lu

vendredi 30 mai Perc, Crocodiles, Amen Dunes, Qoso, Elzo @ T.A.G., Bruxelles, buzzonyourlips.be Kerri Chandler, Voyeur, Fabrice Lig, Massimo Da Costa, Globul @ Rockerill, Charleroi, rockerill.com Micah P. Hinson, And They Spoke In Anthems @ De Roma, Antwerpen, deroma.be The Pressure Tenants @ Café Excelsior, Jette, rootsrockcardinal.com Bikes, Regal @ DNA, Bruxelles, dnabxl.be Double Veterans, The Prospects, The Tubs; Gary Clark Jr @ @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Angakok @ Taverne du Théâtre, La Louvière, loudbycourtcircuit.be Elliott Murphy & The Normandy Allstars @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Girls In Hawaii @ Rockhal, Esch/Alzette, Lux, rockhal.lu Zenzile ciné concert @ L’Aéronef, Lille, Fr, aeronef-spectacles.com

samedi 31 mai John Coghlan’s Quo @ Spirit Of 66, Verviers, spiritof66.be Holograms, Rape Blossoms @ DNA, Bruxelles, buzzonyourlips.be Marco Z, Micah P.Hinson @ Nijdrop, Opwijk, nijdrop.be Bad Religion; The Monotrol Kid @ AB, Bruxelles, abconcerts.be Spark Gap, Full Throttle Baby, The Butcher’s Rodeo, Unswabbed @ Salon, Silly, sillyconcerts.be Daedelus, Qoso, Nitro, ... @ T.A.G., Bruxelles, buzzonyourlips.be Dark Fest IX @ Atelier Rock, Huy, atelierrock.be

plus des concerts sur: rifraf.be/concerts-gigs


LES NUITS BOTANIQUE

16-27 MAI 2014

18.05 16.05

WAX TAILOR & THE PHONOVISIONS SYMPHONIC ORCHESTRA

tUnE-yArDs Benjamin Clementine © Holly Andres

© Hadrien Denoyelle

01.06 20.05

SCYLLA création

21.05

La Smala release party

03.05 | BM [INSPIRED BY BLACK METAL] PRESENTS ALUK TODOLO + NIHILL + ALKERDEEL & GNAW THEIR TONGUES 03.05 | BM [INSPIRED BY BLACK METAL] PRESENTS LORD OF THE LOGOS EXPO-LECTURE ARTWORK BY CHRISTOPHE SZPAJDEL @AB RESTO 03.05 | JON HOPKINS + OAKTREE 04.05 | REVERE + MOSS 04.05 | AMOS LEE + MUTLU 05.05 | RAISING HOLY SPARKS + INNERCITY @ HUIS 23 FREE 07.05 | THE TEMPERANCE MOVEMENT 08.05 | OSCAR & THE WOLF + CATHEDRAL77 08.05 | MY TV is DEAD RELEASECONCERT ‘GRAVITY’ + CECILIA::EYES + DAVID LUND 09.05 | SILENCE IS SEXY: LORI GOLDSTON + GUY VAN NUETEN 13.05 | LAKE STREET DIVE + JAKE ISAAC 18.05 | SHARON JONES & THE DAP-KINGS 20.05 | BM [INSPIRED BY BLACK METAL] PRESENTS MAYHEM 30TH ANNIVERSARY TOUR 20.05 | BM [INSPIRED BY BLACK METAL] PRESENTS SCREENING OF UNTIL THE LIGHT TAKES US @ HUIS 23 FREE 21.05 | ALL CONNECTED #4: DOLPHINS INTO THE FUTURE - DR. GODFRIEDWILLEM RAES 25.05 | LARAAJI & SUN ARAW : ‘THE PLAY ZONE’ 26.05 | RYLEY WALKER @ HUIS 23 FREE 27.05 | MANIC STREET PREACHERS + PUBLIC SERVICE BROADCASTING 28.05 | JAMBINAI + INWOLVES 28.05 | LUKE SITAL-SINGH @ HUIS 23 FREE 29.05 | REWIND: LAIS PLAYS ‘LAIS’ (1998) 29.05 | DAWN LANDES @ HUIS 23 FREE 30.05 | GARY CLARK JR 30.05 | COCA-COLA SESSIONS: THE PROSPECTS + DOUBLE VETERANS + THE TUBS 31.05 | BAD RELIGION 02.06 | PLAID 03.06 | DAMIEN JURADO 06.06 | WOVENHAND + FLYING HORSEMAN 08.06 | GOGOL BORDELLO 09.06 | PAUL WELLER 11.06 | THE KOOKS

VINCENT DELERM

NUIT BELGE 2014

21.05

VISMETS • SCHOOL IS COOL • COELY • AMATORSKI • MLCD ROBBING MILLIONS • SCARLETT O’HANNA • ASTRONAUTE CARL ET LES HOMMES-BOÎTES • MADENSUYU • ALASKA GOLD RUSH THE EXPERIMENTAL TROPIC BLUES BAND PRESENTS «THE BELGIANS»

23.05

MULATU ASTATKE Rodrigo Amarante Sumie © Alexis Maryon

24.05

SUPER DISCOUNT 3 LIVE

23.05

ARNO «65» © DAnny Willems

Etienne de Crécy DJ Set Aeroplane DJ Set Compuphonic DJ Set

24.05

THE FLAMING LIPS Young Knives

25.05

EMILIE SIMON The Feather - création

© George Salisbury

www.botanique.be

Rue Royale 236 | 1210 Bruxelles - Infos | Tickets : 02 218 37 32



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