Itinéraire des perceptions métropolitaines / Fabrice Millet

Page 1

Séminaire de Mésologie -2016- La perception ITINERAIRES DES PERCEPTIONS METROPOLITAINES La perception par essence multiple permet divers itinéraires

La Perception En tant qu’architecte la question de la perception ou des perceptions m’intéresse. Un thème peu développé dans les écrits, les traités et les manifestes sur l’architecture. Quand il l’est c’est essentiellement à partir de la vision. L’œil domine la conception architecturale contemporaine, même si de Alvar Alto à Peter Zumthor, une conception plus tactile de l’espace est présente. Cette question de la perception a surtout été développée par les philosophes. Le fait métropolitain est un processus global qui étend des réseaux de toute nature et réplique des objets construits standards ou spectaculaires à travers la planète. Mais ce processus ne se fait pas sur le modèle de la table rase moderne. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas destructeur de l’environnement. Ce qui fait la différence et qualifie ce processus de métropolisation c’est la manière dont il se contextualise dans un territoire et une culture ou comment une culture et un territoire l’absorbent. Ce mélange, urbanité et phénomènes métropolitains, transforme le vécu des habitants dans le temps et l’espace. Ce qui induit des modes de vie itinérant et déplace la perception. Les temps changent. La cité historique nous apparait un idéal de composition harmonieuse d’époques successives. Les citadins y habitent un temps sculpté par l’histoire dont l’étendue dépasse en durée la vie humaine. Dans les métropoles contemporaines, on observe une inversion de cette relation tempsespace. L’espace qui s’étend sans limite apparente réduit le temps à une réactualisation permanente et paradoxe, réduit aussi l’espace qui se resserre et se referme. Le fait métropolitain enclenche un double processus : d’extension vers d’autres territoires et de densification de son propre territoire. Ainsi plus la métropole s’étend plus l’espace se resserre. Cet itinéraire des perceptions métropolitaines reprend et développe ce qui a été pressentie dans une précédente étude sur les pratiques itinérantes à Tokyo (Bourse d’études : Envers des Villes AFAA Caisse des Dépôts) : TOKYO ITINERAIRE MODE DE VIE, 1998 La notion d’itinéraire est considérée ici comme une pratique qui englobe l’ensemble des déplacements dans une ville de grande dimension : (circuits, trajets, trajectoire, cheminements, passages, traversée déambulations détours …).C’est aussi une notion qui renvoie à une très ancienne expérience de l’espace dans la culture japonaise : l’Art du détour où l’espace se révèle au cours d’un parcours. Ces itinéraires sont infinis car la métropole contemporaine est si vaste qu’un seul regard ne peut en percevoir l’étendue, ni en déceler tous les détails sous l’accumulation des phénomènes de masse qu’elle engendre. L’expérience sensible Réalisée à Tokyo en 1998 cette exploration des pratiques des habitants et de leurs habitudes est une interrogation sur le sens d’une ville comme Tokyo dont la forme procède d’une croissance spontanée sans planification apparente et échappe à toutes représentations classiques. Tokyo est souvent décrite comme la figure du chaos, une figure ambivalente à la fois fascinante et maléfique. Cette figure indéchiffrable est à parcourir, elle est perçue ici de l’intérieur à partir des déplacements de ses habitants pour saisir les relations entre les activités quotidiennes et la figure éclatée de Tokyo. Comment le corps perçoit-il l’étendue métropolitaine? Pour étudier la perception au quotidien, il faut la localiser. Les lieux et les évènements de la vie métropolitaine seront perçus à partir de trois manières d’habiter la ville. Deux sont réelles : celles d’un habitant résident et d’un habitant touriste, la troisième est fictive, celle du flâneur de Baudelaire: Mais y at-il encore une place pour la figure du flâneur dans les métropoles contemporaines? Habitant : résident, touriste ou flâneur, l’intuition de cette exploration urbaine est d’avoir révélé l’importance du facteur temps. Trois temporalités sont retenues, elles accompagnent les trajets du résident, les circuits du touriste, la marche du flâneur. Le temps du touriste est un temps programmé par les circuits des guides, le temps du résident est un temps répétitif avec les trajets quotidiens, le temps du flâneur est rapporté au temps étiré de la marche. On le verra c’est le passage d’une temporalité à une autre dans le vécu quotidien de l’habitant qui transforme à Tokyo la contrainte des déplacements en mode de vie itinérant. L’hypothèse formulée par Diderot dans « La lettre sur les aveugles » est que chaque sens organise et déploie son champ d’activités à l’intérieur d’une spatialité

1 Fabrice Millet architecte d.p.l.g.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
Itinéraire des perceptions métropolitaines / Fabrice Millet by Romaric J - Issuu