Organismes HLM et habitat participatif - Mathilde Manière

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Séminaire « Repenser la métropolisation. Architecture, territoire, paysage »

EQUIPE PEDAGOGIQUE Xavier Guillot Delphine Willis Julie Ambal

Organismes HLM et habitat participatif Entre institutionnalisation et pacte social local ?

Mathilde Manière Juin 2018 © Janice Nadeau


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REMERCIEMENTS

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A l’issue de ce travail de recherche, je tiens à remercier tous ceux sans lesquels il ne pourrait exister. Tout d’abord Xavier Guillot, Delphine Willis et Julie Ambal, qui m’ont accompagné tout au long de cette année, qui ont su me guider dans les moments de doute, m’encourager dans mes démarches et dont les critiques, toujours justes, ont su me faire prendre le recul nécessaire pour construire mon propos. Guy Tapie qui m’a apporté son point de vue de sociologue en me montrant comment aborder le sujet avec un regard plus distancié, plus large, englobant les différentes dimensions qu’il peut contenir. Ensuite, et surtout, à toutes les personnes engagées dans l’habitat participatif, les acteurs rencontrés, les habitants ou futurs habitants, les assistants à maîtrise d’usage, les membres d’organismes HLM, les architectes, les membres d’associations, les techniciens, les élus, et tous ceux qui ont échangé avec moi très librement, sans lesquels je n’aurais pu saisir toute la subtilité du sujet, et dont l’investissement et l’enthousiasme quotidien forcent l’admiration. Mention spéciale à tous ceux qui travaillent sur le projet de la Médoquine, au groupe, aux représentants d’Axanis et à ACATryo pour m’avoir permis de les suivre, de vivre le processus de l’intérieur et qui se sont toujours montrés disponibles. Je remercie également Christophe Hutin et Arnaud Théval dont l’atelier de projet « Au même moment » m’a fait saisir toute l’importance du terrain et de l’expertise d’usage, et donné le goût de la rencontre en proposant une démarche de projet très originale mais aussi très juste. Un merci tout particulier à ma famille pour m’avoir supporté tout au long de ce travail et m’avoir accompagné jusqu’ici. A ma mère pour avoir su poser un regard pertinent sur le sujet, en y accordant tout le temps et l’attention nécessaires. A tous les amis qui ont su m’écouter, me rassurer, me conseiller, m’apporter des soupapes de décompression chaque fois salvatrices et ne pas me reprocher mon silence en respectant l’isolement que ce travail a nécessité. Enfin, à Hugo, sans qui la vie serait moins belle.


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SOMMAIRE ___________________________________

INTRODUCTION_______________________________________________________ P.3

PLAN ________________________________________________________________ P.11

TABLE DES FIGURES__________________________________________________ P. 175

BIBLIOGRAPHIE_____________________________________________________ P. 177


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Certains scientifiques suggèrent que nous nous trouvons aujourd’hui au commencement d’une nouvelle ère géologique, celle de l’Anthropocène, qui serait définie par le fait que la présence humaine et son activité serait capable d’influencer le milieu terrestre dans lequel l’homme évolue, et dont le commencement serait concomitant avec la révolution industrielle, a priori. Bien que cette suggestion n’ait pas été officiellement validée, elle soulève des questionnements quant à notre manière d’occuper, d’exploiter, et d’habiter la Terre, en termes d’impact environnemental. Alors que plus de la moitié de la population mondiale est déjà urbaine, l’urbanisation de la surface terrestre tend à augmenter de façon continue et de plus en plus rapide. L’un des enjeux majeurs de la production de la ville est alors, entre autres, celui du logement. Les villes, prises dans le phénomène de la mondialisation -phénomène social total touchant à tous les domaines, culturel, économique, social etc. se basant sur la transformation globale des sociétés occidentales et de leur économie qui s’étend aux pays émergents en s’imposant comme modèle directeur, avec toute l’uniformisation que cela impliquesont actuellement dans une logique de métropolisation, avec des villes de tête, présentes sur l’échiquier mondial, et des villes sous leur tutelle, qui viennent renforcer le périmètre et l’influence des premières. Ces villes polaires, influentes, développent des logiques et des stratégies d’attractivité et de compétitivité. Elles se retrouvent dans une course à grande échelle dont les tenants et les aboutissants peuvent échapper aux habitants, qui suivent des choix de sphères de décisions éloignées d’eux. Sans régulation, des choix orientés selon des logiques commerciales de profit, et sans souci du maintien de la structure sociale, la société tend vers un éclatement, lié à une perte de confiance des habitants dans des choix politiques qu’ils ne comprennent plus, qui ne correspondent pas à une société qui mute, et à un quotidien sur lequel ils n’ont pas de prise suffisante. « Quand on identifie des défis, il faut aussi mesurer le degré d’urgence d’agir. La cohésion sociale, le vivre ensemble, les assemblages qu’il faut pouvoir encourager, gérer ces différentes identités et catégories sociales… Je pense que quand on dit « la ville incertaine » … elle n’est pas si incertaine que ça. Sans un pouvoir de régulation, un accompagnement du développement de la ville, d’une série d’initiative et d’une série de dispositifs à mettre en place, la ville est certaine. Ce sera la ville de la sécession des riches, la ville de la dualité, des conflits entre les identités, la ville monofonctionnelle quelque part, où un certain nombre de territoires se verront appropriés par ceux qui investissent mais pas nécessairement dans l’intérêt général, la ville des segmentations sociales, de la fragmentation du corps social, et la ville, inévitablement amenée à connaitre des conflits de natures diverses, y compris des conflits civils. » 1

En ce qui concerne l’habitat, bien qu’il relève pour les bâtisseurs, promoteurs et décideurs de la ville d’un ‘’impératif’’ ou d’une ‘’nécessité’’, une réponse purement quantitative ou pragmatique ne saurait être valide ni effective. « Habiter » ne signifie pas seulement « loger » dans une habitation, bien que l’ « abri » constitue un invariant anthropologique 2. Cela signifie notamment créer un chez-soi, qui permet d’ « être ». Ainsi, l’un des premiers leviers de prise sur son quotidien se trouve avant tout à l’échelle de son lieu 1

Extrait retranscrit de l’Interview vidéo de Charles PIQUE lors du colloque international POPSU (Plateforme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines) Etre métropole dans un monde incertain, 14-15 septembre 2017 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine. http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/etre-metropole-dans-un-monde-incertain-interviews-a1230.html 2 PAQUOT T., LUSSAULT M., YOUNES C., Habiter, le propre de l’humain _ Villes territoires et

philosophie, Editions La Découverte, Paris, 2007

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de vie. C’est l’ancrage, la base de l’élaboration de liens avec son environnement, avec ses voisins, la base d’un sentiment d’appartenance, pour ensuite seulement développer un sentiment d’appartenance plus large, à une ville, à une société. Le premier lieu de la citoyenneté. Le premier lieu de création d’un sens, d’une identité dans son espace personnel. C’est aussi le lieu de la relation à des voisins et à un quartier, par la concentration de la multitude d’inter relations qu’il représente. Le logement, marchandisé, parfois pensé comme produit, répond à une demande, nécessaire ou suscitée, qui n’intègre pas systématiquement la donnée de l’évolution des modes de vie que connait la société actuelle. Il néglige parfois la notion de l’habiter, interface sociale entre l’individu et son environnement. Une dimension sociologique devrait être intégrée à la dimension quantitative pour répondre de façon plus adaptée aux besoins et aspirations des ménages dont les modes de vie, les structures et les temporalités changent. Jacques Donzelot a souligné, en 1999, que « la ville ne fait plus société » 3, d’autant moins dans le contexte de crise économique, financière, sociale, écologique et idéologique que l’on connait aujourd’hui. L’individualisme croissant, la rapidité des flux, des transactions, des échanges, et des constructions, entrainent une fragilisation de la structure sociale, une tendance à l’anonymat et à la standardisation des productions, une spéculation conséquente, une perte de sens pour la population et une déception envers les politiques de la ville, tant la société, en mutation, développe des besoins que la production actuelle de la ville peine à satisfaire dans son format classique. Le regroupement des villes autour de centres métropolitains au rayonnement qui se veut mondial, la congestion des centres et la flambée des prix qu’elle entraine, le déclin de la classe moyenne et la dégradation de sa qualité de vie influencent les trajectoires résidentielles, les complexifient et les segmentent. La reconquête des habitants, l’intégration d’une dimension sociale et sociologique dans les politiques urbaines et de production de l’habitat, ainsi, évidemment, que l’injonction à la durabilité sont autant d’enjeux pour la production de la ville actuelle et celle de l’habitat, dans sa morphologie, sa relation à son environnement urbain et sa dimension processuelle. Pour revendiquer une présence, une voix capable d’être entendue, pour créer des leviers d’actions sur un quotidien, on voit émerger, depuis plusieurs années, des initiatives collaboratives d’organisation basées sur l’entraide et la solidarité notamment dans le domaine du logement. Une demande croissante de participation met en exergue la revendication d’une « maîtrise d’usage », en parallèle des maîtrises d’œuvre et d’ouvrage classiques. La loi ALUR promulguée en mars 2014, pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové, reconnait de nouvelles formes innovantes d’habitat, comme celle de l’habitat participatif, leur offrant ainsi plus de poids et de visibilité. Cette appellation générique regroupe en réalité une multitude d’initiatives telles que « coopérative d’habitants », « habitat groupé », « autopromotion », « co-habitat », « baugruppen », etc. 4 Cette officialisation fait suite à la mise en place des Rencontres Nationales pour l’habitat participatif (première édition en 2010), et à l’exclamation, lors de l’édition de 2012 de Cécile Duflot, alors Ministre de l’Egalité des Territoires et du Logement : « Vous n’êtes plus seuls ». 5 On réalise aujourd’hui que la production d’une ville rénovée, durable et écoresponsable passe tant par une réponse technique que par l’établissement d’un espace 3

DONZELOT J., La nouvelle question urbaine, Esprit, novembre 1999 D’ORAZIO A., « La nébuleuse de l’habitat participatif. Radiographie d’une mobilisation », Métropolitiques, 16 janvier 2012. URL : http://www.metropolitiques.eu/La-nebuleuse-de-l-habitat.html 5 Discours de Cécile Duflot, Ministre de l’Egalité des territoires et du Logement pour les rencontres nationales de l’habitat participatif de Grenoble en 2012 https://www.dailymotion.com/video/xvbfkf 4

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d’expression, d’action, de création et de liens entre et avec les usagers, comme une condition sine qua non. Des projets pilotes voient le jour en France, mais sont encore limités à des échelles assez réduites, là où la production classique de logements, souvent bicéphale entre élus et promoteurs, reste considérablement majoritaire et place le logement sur un versant davantage quantitatif, en tant que produit de consommation de masse, que sur un versant qualitatif, en termes de produit fini mais aussi par sa capacité à permettre une émancipation sociale nécessaire. L’habitat participatif, avec toutes les formes qu’il peut prendre représente désormais une « troisième voie » 6 pour la production du logement, et permet des formats particuliers d’accession collective à la propriété, « en proposant un ‘’vivre ensemble autrement’’ au travers de modes participatifs et négociés de financement, de conception et de construction, voire même de gestion du lieu de vie » 7. Cette démarche se base sur le rassemblement de ménages autour d’un socle commun de valeurs et de règles définies par eux-mêmes, pour construire -collectivement- du collectif en revendiquant leur expertise d’usage. Ce type d’opération redéfinit profondément le système d’acteurs classique de production de l’habitat, en questionnant du même coup la place de l’expert : en effet, les acteurs institutionnels ne sont plus les seuls à être capable de produire de l’habitat, les habitants ou usagers revendiquent dès lors une légitimité à intégrer le processus. Cela nécessite un engagement important de leur part, puisqu’ils deviennent alors acteurs, tant dans la conception, dans le suivi de la construction que dans la gestion après livraison. Le volet social de ce type d’opération est également central puisqu’il permet l’accession à la propriété pour des ménages dont les revenus ne leur permettraient pas une accession classique, notamment dans les zones où les projets d’habitat participatif prennent place. L’implication grandissante d’organismes HLM dans ces opérations renforce particulièrement cette orientation. Les caractères social, écologique et novateur font de l’habitat participatif un mode de production de logement très consensuel bénéficiant aujourd’hui d’une reconnaissance institutionnelle qui se construit et s’affirme petit à petit en France. Pour autant, le procédé reste anecdotique par rapport à la production totale de logement et est inégale sur le territoire. En France, l’habitat participatif reste l’une des productions d’habitat les moins courantes, par rapport à certains voisins européens ou au Québec notamment (pour lequel la production d’habitat coopératif représente 20% du marché), qui possèdent une histoire et des politiques différentes en termes de coopération. L’habitat participatif est également encore méconnu et porteur d’a priori pour une majeur partie de la population et des acteurs classiques de production du logement, même si la tendance se modifie progressivement. Ces projets sont ainsi encore considérés comme des « expérimentations » et des « innovations », porteurs de risques et d’incertitudes 8.

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Op. Cit. Discours de Cécile Duflot DARROMAN M., Renaissance de l’habitat participatif en France : vers de nouvelles formes négociées de fabrication de la ville ? _ Deux études de cas dans l’agglomération bordelaise : le projet HNord (Bordeaux) et La Ruche (Bègles), thèse pour doctorat en sociologie, Bordeaux, 2014. 8 DEVAUX, C., Habitat participatif et acteurs institutionnels de la production de l’habitat : quels effets ?, communication à la deuxième journée doctorale sur la participation du public et la démocratie participative, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris, 18 octobre 2011. 7

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Plutôt à l’origine une démarche « bottom-up », alternative, initiée par les habitants souhaitant produire leur habitat sans passer par des acteurs classiques du logement, l’habitat participatif connaît depuis quelques années une dynamique de démarches « top-down », portées par des instances politico-institutionnelles et par une reconnaissance législative et réglementaire plus affirmée qui se veut facilitatrice. Bien qu’ils soient à présent rangés sous une même bannière officielle, cela ne signifie pas une quelconque uniformisation des projets, puisqu’ils s’adaptent à chaque fois au site et aux acteurs, à leurs personnalités, leurs envies, leurs valeurs, leurs moyens et la configuration des ménages. Le rôle et l’implication des acteurs institutionnels varient et s’adaptent à chaque projet, selon leurs caractéristiques et leurs instigateurs. Par exemple, on peut relever des projets initiés par les habitants qui recherchent un partenariat avec une collectivité et/ou un bailleur social pour différents aspects du projet ou bien des projets initiés par des collectivités en partenariat avec un bailleur social qui assure la maîtrise d’ouvrage totale ou partielle. Les expériences d’habitat participatifs en cours ou abouties mettent en évidence plusieurs figures d’acteurs dont celle de l’accompagnateur ou assistant à la maîtrise d’usage (AMU) qui forme, accompagne et conseille les habitants/acteurs/usagers pour qu’ils soient en mesure de s’exprimer et de s’organiser face à des acteurs institutionnels de la production de logement, mais aussi celles des architectes et de l’organisme HLM. Acteur souvent présent dès l’origine de démarches « top-down », ce dernier tend à s’intégrer à des démarches de type « bottom-up ». Cela s’explique notamment par des raisons d’ordre foncier, temporel, financier, juridique et/ou par une recherche de mixité. L’encadrement de l’opération par ce promoteur en termes fonciers et financiers sont autant de garanties pour les banques et les collectivités que pour les ménages qui se lancent dans l’aventure. Cela permet souvent une réalisation effective et plus rapide que dans le cas d’autres projets d’habitat participatifs qui n’ont pas bénéficié de ce type d’encadrement. Tendant à devenir un acteur de poids dans ces projets, l’organisme HLM est caractérisé par son engagement et les valeurs qu’il défend et qui teintent son action. Souvent des sociétés coopératives qui se différencient des promoteurs immobiliers classiques -il peut parfois aussi s’agir de bailleurs sociaux- les organismes HLM défendent entre autre des valeurs de démocratie, de transparence et de solidarité, qui marquent leur lien avec l’économie sociale et solidaire et leur mission d’intérêt général. L’organisme HLM peut intervenir de 3 manières différentes, en partenariat avec un groupe d’habitants déjà constitué, suite à une sollicitation, auquel cas il s’engage dans le projet sur la base d’un cahier des charges établi par la collectivité, ou bien de sa propre initiative. 9 Pour autant, le projet se fait également avec la collectivité à laquelle le bailleur se rattache, qui s’inscrit dans un projet urbain dont elle a défini les lignes directrices. Il doit ainsi naviguer entre les orientations et les impératifs du groupe d’habitants, ceux de la ville et les siens, et adapter son niveau de gouvernance. Le positionnement du bailleur social et sa participation dans les projets dépend des valeurs qu’il défend, de sa composition et de la sensibilisation des collaborateurs à ces types de projets. 10 L’intégration de cet acteur dans les projets d’habitat participatif se fait selon des modes et des contrats variés, d’autant de façons qu’il y a de projets, dans une démarche itérative qui se renouvelle ou se complète chaque fois, même si des éléments méthodologiques généraux commencent à émerger au travers des réseaux d’acteurs, qui se mettent en place par le biais desquels ils partagent leurs expériences. Progressivement, les opérations d’habitat participatif se multiplient, modifient ou teintent les pratiques des différents acteurs impliqués, imprègnent petit à petit les esprits mais 9

www.hab-fab.com DEVAUX C., L’habitat participatif : de l’émergence de l’initiative habitante à son intégration dans l’action publique, thèse pour le doctorat en urbanisme, aménagement et politiques urbaines, Paris, 2013, p.487.

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aussi des opérations de construction ou de rénovation qui ne correspondent pourtant pas nécessairement à la définition stricte de l’habitat participatif, en insufflant principes et façons de faire de manière sporadique mais néanmoins certaine.

Comment, ainsi, l’organisme HLM impacte-t-il la production d’habitat participatif en France et participe-t-il à sa démocratisation ? Nous nous intéressons ici à l’action du bailleur social dans des opérations d’habitat participatif, pourquoi faire appel à cette entité et quelles en sont les modalités et les perspectives. Pour cela il sera nécessaire de comparer des interventions dans le cadre de démarches « top-down » mais aussi de démarches « bottom-up », d’initiative habitante. Notre proximité avec le terrain bordelais en fera notre terrain d’étude. Nous l’avons également choisi du fait du caractère récent de l’apparition de plusieurs projets d’habitat participatif dans un territoire devenu métropole en 2015. Cela se produit en parallèle de transformations multiples du fait du renouvellement de nombreux quartiers de la ville et de l’aménagement de grandes zones, en cours ou à venir, suivant les orientations du projet urbain « Bordeaux 2030 », et bientôt « Bordeaux 2050 ». Nous nous appuierons donc sur des études de cas et exemples locaux, comme La Ruche, à Bègles, en tant qu’opération achevée, ainsi que sur l’opération en cours dans le quartier de la Médoquine à Talence, pour les démarches top-down. Dans le cas de démarches bottom-up, nous nous intéresserons au projet de H Nord, aujourd’hui monté en coopérative d’habitants, dont l’association a été créée en 2006 et qui a finalement fait appel à un bailleur social pour épauler sa démarche. Le projet est toujours en cours et rien n’est pour le moment construit bien que le Permis de Construire soit aujourd’hui déposé. Quelques exemples parallèles prenant place dans la métropole bordelaise viendront compléter ces cas d’étude. La Ruche constitue un projet pilote sur l’agglomération bordelaise, le premier à être réalisé selon ce procédé, dans le cadre de l’Opération d’Intérêt National (OIN) Bordeaux Euratlantique. Les parties prenantes de ce projet sont l’Etablissement Public d’Aménagement Bordeaux Euratlantique et la société coopérative de production HLM Axanis. La ville de Bègles a également été initiatrice du projet, avec le député-maire de l’époque, Noël Mamère, membre d’Europe Ecologie Les Verts, déjà engagé dans la valorisation de ce type d’habitat. La ville de Bègles s’est d’ailleurs engagée dans le Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif (RNCHP), dont Bordeaux Métropole fait également partie à ce jour. Caractéristique du type « top-down » de l’opération, une équipe d’assistance à la maîtrise ouvrage (AMO), a accompagné l’opération et fait le lien entre les acteurs traditionnels de production de l’habitat et les futurs habitants ; il s’agissait d’une équipe de l’association CERISES (Centre européen de ressources sur les initiatives solidaires et les entreprises sociales) menée par Jacques Pradès, président et cofondateur de l’association, chercheur et enseignant à l’université du Mirail à Toulouse. La maîtrise d’œuvre du projet a été assurée par l’agence Dauphins architecture, sélectionnée par les habitants. Le projet a été livré en 2016, et onze ménages y vivent aujourd’hui. Malgré le caractère récent de son achèvement, le projet permet déjà d’avoir un peu de recul et de réaliser une analyse rétroactive. Le projet de Talence, dont la livraison est prévue en 2020, permet quant à lui une plongée dans un processus en cours. Projet d’accession à la propriété d’une douzaine de logements prévus, entre la rue Avison et l’Avenue de la Mission Haut-Brion dans le quartier de la Médoquine à Talence, il est porté par Bordeaux Métropole, Axanis, et la ville de Talence. L’assistance à maîtrise d’usage telle qu’elle se définit nouvellement pour marquer la 7


reconnaissance des compétences et de la légitimité des usagers-habitants, en se distinguant de l’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage, est assurée par l’équipe d’ACAtryo, composée de Guillemette de Monteil, architecte (A- Collectif), Isabelle Foret Pougnet, urbaniste (CAMINO) et Ingrid Avot, architecte urbaniste, élue à Bègles au moment de (A Tipic). L’équipe anime actuellement des ateliers visant à accompagner la création du futur groupe d’habitants qui constituera le projet, puis à guider celui –ci dans la conception architecturale de son projet de vie. Suivre ces ateliers est l’occasion d’appréhender in situ la constitution d’un groupe et les actions mises en œuvres, de suivre ce processus d’intégration des habitants dans la construction de leur projet d’habitat. La livraison étant prévue pour 2020, il ne nous sera pas possible de rendre compte de l’ensemble du processus dans le présent mémoire, mais nous aurons pu, d’ici le mois de juin 2018, appréhender les étapes de constitution du groupe pilote ainsi que le début de la programmation. Le projet de H’Nord existe depuis 2006, date de création de l’association. Il s’agit d’une association de personnes cherchant à construire un écoquartier entre le quartier des Chartrons et celui de Bacalan selon des valeurs écologique, économique et sociale. La coopérative d’habitants, statut qu’elle a adopté à ce jour possèdera à terme 35 logements loués à ses coopérateurs, et 20 logements sociaux seront gérés par le bailleur social Coligny qui a co-conçu le projet avec les habitants et qui est là pour assurer sa dimension sociale et son ouverture à des personnes aux valeurs communes mais aux moyens moindres. Il aura fallu attendre 2013 pour intégrer le bailleur social dans le dispositif, support technique et juridique et assise pour le montage opérationnel du projet H Nord face aux acteurs politiques. 11

Ces études de cas nous permettront d’étudier la façon dont les organismes HLM sont intervenus ou interviennent dans le processus du projet, quels sont ou ont été leur rapport avec les différents acteurs du projet, et comment leur pratique évolue. Il s’agit également de comprendre quel est l’intérêt de cette participation dans des projets participatifs et quelles en sont les modalités, la plus-value et les difficultés pouvant être rencontrées. Nous évaluerons également ce que cela implique pour les différents acteurs de s’engager dans un projet tel que l’habitat participatif et ce qui motive cet engagement. Nous nous appuierons pour cela sur une observation in situ des ateliers menés par ACAtryo pour le projet de la Médoquine. Cette observation devra rester non participante de façon à ne pas entraver le processus ni mélanger les rôles vis-à-vis des membres du groupe, du fait de notre statut d’architecte (en devenir). Elle sera utile pour appréhender la manière dont un groupe se forme dans les projets top-down, comment les habitants sont amenés à devenir acteurs, quel est leur niveau de participation et d’engagement, comment les AMU travaillent et comment le bailleur Axanis prend place dans le projet. Nous ferons en parallèle en sorte d’assister autant que possible à tous types de conférences, ateliers d’aide à l’émergence, rencontres organisées par des groupes d’habitants à la recherche d’autres membres, débats se rapportant de près ou de loin à l’habitat participatif proprement dit. Il s’agit de saisir un maximum d’occasions d’apparaitre dans le champ de vision des différents acteurs, de commencer des échanges pour qu’une relation progressive de confiance se mette en place et pour que nous représentions un visage familier. En effet, dans l’habitat participatif, tout est affaire de rencontres et d’échanges physiques, et se déplacer, aller audevant, marque notre investissement et notre engagement aux yeux de ces acteurs. Cela permet également d’observer et de comprendre plus finement les interrelations à l’œuvre et 11

DARROMAN M., Renaissance de l’habitat participatif en France : vers de nouvelles formes négociées de fabrication de la ville ? _ Deux études de cas dans l’agglomération bordelaise : le projet HNord (Bordeaux) et La Ruche (Bègles), thèse pour doctorat en sociologie, Bordeaux, 2014, p.170.

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les positionnements de chacun, car les échanges directs sont gage de spontanéité et d’authenticité. Nous réaliserons également autant que possible une série d’entretiens, dans un cadre formel ou informel, autour de cette question de la participation de l’organisme HLM mais aussi dans un champ de questionnements plus large, auprès d’habitants de la Ruche et de H Nord, mais aussi auprès de représentants d’Axanis, du COL et de Coligny, des architectes de la Ruche, Dauphins Architectes, ceux de H’Nord, 2PM Architecture, ainsi que de l’équipe d’ACAtryo, et enfin de représentants de la collectivité, qu’il s’agisse de Talence ou de Bordeaux Métropole. Nous ouvrirons enfin la perspective en interrogeant des architectes d’Eo « toutes architectures », de représentants d’Aquitanis, qui interviennent sur une opération de logement collectif, social, locatif et participatif au Grand Parc à Bordeaux, appelée Locus Solus, en cours de construction et portée par Aquitanis. Nous intégrerons enfin différents éléments d’échanges avec les autres acteurs, habitants ou non que nous aurons pu croiser lors de nos déplacements, qu’il s’agisse d’échanges ou d’interventions saisis au vol. Cela nous permettra d’ouvrir le champ sur les perspectives qu’offrent la participation et l’engagement du bailleur social dans le mouvement de l’habitat participatif, plus particulièrement dans le domaine du locatif social.

Dans le corps du mémoire, nous nous intéresserons dans un premier temps à la montée en puissance de la participation dans le domaine de l’habitat ainsi qu’à la revendication citoyenne dont elle fait l’objet, et à la reconnaissance progressive des qualités de l’habitat participatif proprement dit. Nous développerons la façon dont ce type de production de l’habitat, suscitant auparavant un intérêt très relatif des acteurs traditionnels de la production de logement, tend aujourd’hui à se définir, s’organiser et s’imposer sur la scène nationale, du fait des représentations qu’il véhicule, et au regard des enjeux sociaux, sociétaux, économiques et environnementaux d’une société en crise. Nous étudierons les outils législatifs construits pour accompagner son développement, en parallèle d’orientations pour le renouvellement des villes. Nous donnerons ensuite une définition plus précise de l’habitat participatif, au travers des textes et des valeurs que porte le mouvement, mais aussi de la diversité des formes qu’il peut revêtir. Nous ferons un tour d’horizon du réseau sur lequel il s’appuie au niveau national et local, et des orientations de Bordeaux Métropole, pour comprendre dans quel contexte se mettent en place les opérations à Bordeaux et ses alentours et quelles formes elles prennent localement. Dans un second temps, nous étudierons plus précisément l’acteur organisme HLM qui entre la plupart du temps en jeu dans les opérations d’habitat participatif, son rapport avec l’Etat français dont les décisions et orientations l’impactent pour la production de logement, ainsi que les modes d’accession au logement et à la propriété qu’ils permettent d’envisager. Nous relèverons la façon dont le réseau se structure, définit les modes d’action et construit l’engagement des bailleurs dans l’habitat participatif et comment cela peut se traduire dans l’accompagnement des projets, pour ouvrir enfin sur le portrait de trois organismes locaux impliqués dans nos cas d’étude, selon des modalités et des temporalités particulières en fonction de chaque projet. Enfin, dans une troisième partie, nous analyserons les conséquences de cette implication de l’organisme HLM, pour lui-même et pour le projet dans lequel il intervient. Nous étudierons les problématiques et les enjeux auxquels il est confronté, les différents acteurs avec lesquels il va être amené à travailler dans ces projets, et comment cela impacte sa pratique professionnelle. Puis nous analyserons les perspectives qui s’ouvrent au fur et à mesure que se développent les projets dont l’exemplarité et la permanence sont les enjeux 9


pour assurer leur reproductibilité. Nous conclurons cette partie en questionnant les conséquences de l’institutionnalisation de cette démarche d’origine militante pour la diversité des projets, l’égalité des chances et la liberté d’action à laquelle ils peuvent prétendre. Nous analyserons notamment le montage en coopérative d’habitant, qui ne bénéficie pas encore d’un environnement juridique, culturel et institutionnel réellement facilitateur, et au sein duquel il reste encore beaucoup à défricher.

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PLAN DU MEMOIRE ___________________________________

Partie I. La participation dans l’habitat, une thématique qui diffuse du national au local, le cas de Bordeaux Chapitre 1. Montée en puissance de la question participative dans les enjeux de demain Section 1. Crise du logement en France______________________________________ p.13 Section 2. Rénovation urbaine et évolution législative ___________________________ p. 16 Section 3. Lien entre construction durable et participation ________________________ p. 23 Section 4. Vers de nouveaux modes de gouvernance, reconnaissance de compétences d’usage _______________________________________________________________ p. 27 Section 5. Représentations véhiculées par l’habitat participatif ____________________ p. 31 Chapitre 2. L’habitat participatif : définition et structuration du mouvement à l’échelle nationale et locale (cas de Bordeaux) Section 1. Définition législative et substantielle _________________________________ p. 35 Section 2. Structuration en réseau des acteurs, se regrouper pour résonner __________ p. 40 Section 3. Positionnement de la métropole bordelaise____________________________ p. 45 Section 4. Etat des lieux des projets d’habitat participatif sur le territoire métropolitain bordelais _______________________________________________________________ p. 48

Partie II. L’organisme HLM, un acteur qui tend à s’imposer dans un processus technique complexe Chapitre 3. Organisme HLM et production de logement. Section 1. Etat français et production de logement social __________________________ p. 53 Section 2. Propriété et organismes HLM : quels modes d’accession peuvent être envisagés pour l’habitat participatif ? _______________________________________________________ p.57 Chapitre 4. L’engagement des organismes HLM dans l’habitat participatif. Section 1. Des motivations liées à leur histoire et à l’évolution de leurs pratiques ________ p. 67 11


Section 2. Structuration d’un mouvement HLM __________________________________ p. 72 Section 3. Compétences sollicitées dans les projets d’habitat participatif ______________ p. 75 Section 4. Fiches-portrait d’Axanis, du COL et de Coligny__________________________ p. 78 Chapitre 5. Trois cas d’étude sur la métropole bordelaise Section 1. Démarche Bottom-up _____________________________________________ p. 81 H’Nord, coopérative d’habitants pionnière sur le territoire bordelais Section 2. Démarche Top-down______________________________________________ p. 90 La Ruche, démarche descendante pilote La Médoquine, épreuve d’une méthode en cours de définition

Partie III. Habitat participatif et organisme HLM : influences croisées Chapitre 6. L’organisme HLM face à des problématiques polymorphes Section 1. La question du foncier ____________________________________________ p. 98 Section 2. La collectivité locale, un partenariat essentiel __________________________ p. 102 Section 3. Le groupe, une variable au cœur du projet ____________________________ p. 107 Section 4. Un acteur souvent indispensable : l’Assistant à maîtrise d’Usage___________ p. 121 Section 5. L’intervention de l’architecte : de l’idéologie à la matérialisation ____________ p. 134 Section 6. L’organisme HLM, un acteur qui évolue_______________________________ p. 141 Chapitre7. Perspectives et contraintes : des initiatives sur la sellette Section 1. Des projets attendus au tournant ____________________________________ p.144 Section 2. Mixité sociale et économique réelle, la question du locatif_________________ p. 148 Section 3. Participation des locataires, vers un logement social renouvelé ?___________ p. 155 Chapitre 8. Démarche militante et institutionnalisation, la question des coopératives d’habitants Section 1. Habitat participatif : la coopérative d’habitants en demi-teinte ? ____________ p. 161 Section 2. Un cadre juridique et des montages pas encore adaptés à la coopérative d’habitants______________________________________________________________ p. 168

CONCLUSION __________________________________________________________ p. 172

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█ Partie I. La participation dans l’habitat, une thématique qui diffuse du national au local, le cas de Bordeaux ▌Chapitre 1. Montée en puissance de la question participative dans les enjeux de demain ▌Section 1. Crise du logement en France

Figure 1. Evolution de la population urbaine en France entre 1960 et 2015 12 La population urbaine en France connait une augmentation constante et accélérée depuis les années 90 notamment, et, aujourd’hui, près de 80% de la population Française vit en ville. Ce pourcentage inclut «toutes les personnes domiciliées dans les villes et les villages d'au moins 1000 habitants, que ces villes et villages soient constitués ou non en municipalités». 13 La prise de conscience de la nécessité de maîtriser l’étalement urbain et celle des enjeux environnementaux globaux a rendu caduque ce modèle individualiste d’habitat, même s’il fait encore l’objet de désirs et représente un idéal pour certains. L’éducation à la notion de ville compacte a représenté un enjeu important « car aujourd’hui plus qu’hier, le citoyen a son mot à dire dans la conception de son quartier, de sa ville et même de sa région. La multiplication d’outils participatifs (légaux ou non) tels que les enquêtes publiques ou les commissions consultatives offre à chacun la possibilité d’une implication nouvelle dans le débat public. (Notons notamment l’influence de la Convention d’Aarhus (2002) pour l’établissement d’une démocratie environnementale.) » 14 12

Perspective monde, outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, produit par l’université de Sherbrooke http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/FRA/fr/SP.URB.TOTL.IN.ZS.html 13 ibid, 14 Publication du Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation, 2015, http://www.cpcp.be/medias/pdfs/publications/villes_compactes.pdf

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Le rapport 2017 de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal logement en France chiffre à 15 millions le nombre de victimes de la crise du logement. Ce nombre regroupe tant les personnes mal-logées ou privées de logement personnel que les personnes fragilisées dans leur rapport au logement. 15 Cette crise se situe aussi bien dans les conditions d’occupation que dans la part des budgets des ménages allouée au logement, ou dans les perspectives de trajectoires résidentielles. Elle se place également dans l’inadéquation entre l’évolution de la composition des ménages, leurs capacités de financement et l’offre proposée couplée à une augmentation des prix, mais elle se traduit aussi dans le nombre croissant de demandes dans le secteur HLM (+ 12% entre 2006 et 2013). Ce rapport pointe par ailleurs du doigt que le mal logement ne dépend pas seulement de l’insuffisance de l’action politique dans ce domaine mais qu’il se développe aussi par l’addition d’autres facteurs relevant du domaine social, économique, sociétal, démographique. L’état du logement reflète ainsi plusieurs dynamiques imbriquées entre elles et de la même façon, l’état de notre société. C’est pour cela que ce rapport, qui avait été publié au mois de janvier précédent les élections présidentielles de mai 2017, interpelait l’opinion et les candidats pour définir la place du logement au sein des politiques publiques et pour construire une politique du logement solide et volontariste, puisque le logement représente un véritable enjeu de sécurité et d’équité sociale. Le mal logement marque cette crise du logement générée par des dynamiques de territoires et des évolutions démographiques qui se confrontent à une réalité foncière. Il est par ailleurs assez évident que ces problématiques du logement se concentrent dans ces « zones tendues » régulièrement évoquées, même si les « zones détendues » ne sont pas exemptes de difficultés qui leurs sont propres et d’enjeux à relever, tels que le développement d’une pensée structurante à l’échelle du territoire, la désertification des petites communes, les formes « d’urbanisation » caractérisées par une morphologie, celle du lotissement, qui questionne régulièrement dans ces zones l’importance d’une pensée architecturale et qualitative face à des projets menés par le couple promoteur/géomètre basés sur un souci de rentabilité et de pragmatisme opérationnel. Le territoire français se divise ainsi actuellement en cinq zones, de très tendue à détendue, distinction se basant sur un système mis en place par le gouvernement français dès 2003 au travers du dispositif Robien, qui proposait alors un amortissement du prix d’achat sur un logement neuf ou réhabilité afin de favoriser l’investissement locatif. Ce zonage permettait notamment d’établir des plafonds de loyers mensuels, en servant de mètre mesureur pour identifier le niveau de tension du marché immobilier d’un territoire. Il est toujours d’actualité mais connait des révisions régulières de façon à évoluer avec les dynamiques territoriales à l’œuvre. L’apparition de ces « zones tendues » date de 2013, elles sont officiellement définies ainsi : « Zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant. Ces difficultés se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix

15

Rapport annuel n°22 de la Fondation Abbé Pierre, L’état du mal logement en France 2017, Partie 1 : 15 idées contre la crise du logement, 2017, URL : http://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/contentfiles/files/22e_rapport_2017_-_partie_1_-_15_idees_contre_la_crise_du_logement.pdf

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d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. » 16

Une zone tendue se caractérise donc par l’insuffisance de son offre de logements vis-à-vis de la demande, que ce soit en volume ou en prix.

Figure 2. Cartographie du zonage A, B et C du territoire français Source : cohesion-territoires.gouv.fr Ces zones tendues représentent 3% des communes, qui se rassemblent en 28 agglomérations sur le territoire français. Il s’agit de : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch - Arcachon, Lille, Lyon, Marseille - Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thononles-Bains, Toulon, Toulouse. 17 Ce zonage est actuellement régi par l’article 4. 304-1 du Code de la Construction et de l’Habitation et l’arrêté du 1er août 2014 pour son application. Il s’agit d’un outil qui permet de varier les dispositifs d’aide financiers en fonction du classement des territoires : il peut s’agir de différents dispositifs d’investissement locatifs, de prêts pour l’accession (Prêt à taux zéro (PTZ), Prêt Social de Location Accession (PSLA) ou conventionné) ou la location (Prêt Locatif Intermédiaire (PLI), Prêt Locatif Social (PLS)) à modalités et plafonds variables. Ce zonage permet également de faciliter la mobilisation du foncier public. Ce système de zonage est l’un des outils pour équilibrer le marché, encadrer et améliorer l’offre, en type, et en quantité.

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Décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts, publiée au Journal Officiel de la République Française, le 10 mai 2013. URL : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2013/5/10/ETLL1203797D/jo/texte/ 17 Op. Cit. Décret n° 2013-392

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▌Section 2. Rénovation urbaine et évolution législative La politique de la ville est une politique transversale puisqu’elle cherche à travailler dans le même temps sur la rénovation physique de certains quartiers et sur les problèmes sociaux qu’ils cristallisent. « Son ambition essentielle est de restaurer la citoyenneté et le lien social. (STEBE J.M., La Réhabilitation du logement social en France, Paris, P.U.F,1995)

Cette problématique générale du logement est permanente et perdure depuis la seconde guerre mondiale, depuis cette période des 30 glorieuses particulièrement prolifique, avec des logements construits en masse selon un modèle industriel qui sera à l’origine, dans les années 70/80, d’un désamour généralisé pour les ensembles collectifs sociaux et les rénovations-démolitions urbaines radicales des centres urbains qui étaient à l’origine de déplacements massifs de populations, sans consultation. Ces populations étaient relogées en périphérie des villes, mais si le logement était plus moderne et confortable, on déplorait la disparition d’une certaine « culture du quartier populaire ». 18 La ville diffuse s’est développée dans les années 70, notamment avec une politique favorisant l’accession à la propriété. Représentatif d’un individualisme qui se développe, le modèle pavillonnaire est devenu la finalité de la trajectoire individuelle et le marqueur d’une certaine réussite sociale pour ceux qui avaient les moyens de quitter les grands ensembles. Un tel modèle a participé à l’étalement urbain -bien qu’il n’en soit pas l’unique cause- et la consommation des ressources spatiales et naturelles, ainsi qu’une dépendance au moyen de transport automobile, qui bloque aujourd’hui une décompression des centres urbains. L’approche a cependant quelque peu changé en cette période de la fin des années 70 avec la création des Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) en 1977 qui visent à réhabiliter des quartiers anciens dégradés en maintenant un certain équilibre social. La définition officielle actuellement est la suivante :

Les opérations programmées d'amélioration de l'habitat ont pour objet la réhabilitation du parc immobilier bâti. Elles tendent à améliorer l'offre de logements, en particulier locatifs, ainsi qu'à maintenir ou à développer les services de voisinage. Elles sont mises en œuvre dans le respect des équilibres sociaux, de la sauvegarde du droit des occupants et des objectifs du plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées ainsi que, s'il existe, du programme local de l'habitat. Ces opérations donnent lieu à une convention entre la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou le syndicat mixte qui aurait reçu mandat de ces derniers, l'Agence nationale de l'habitat [ANAH] et l'Etat. 19

Ces OPAH se basent sur un diagnostic local des quartiers ou périmètres dans lesquels elles interviennent pour proposer des solutions qui ne soient pas seulement quantitatives mais 18

BLANC Maurice, La rénovation urbaine : démolition ou patrimonialisation ?, La vie des idées, juin 2013. URL : http://www.laviedesidees.fr/La-renovation-urbaine-demolition.html 19 Article L303-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, modifié par LOI n°2017-86 du 27 janvier 2017 art. 147. URL :https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074096&idArticle=LE GIARTI000006824797&dateTexte=&categorieLien=cid

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aussi qualitatives et dont l’impact sera positif localement. Elles doivent assurer le maintien des populations déjà en place. Une convention avec l’ANAH oblige propriétaires et bailleurs à pratiquer des loyers plafonnés et louer sous conditions de ressources. L’intervention d’opérateurs HLM dans ces OPAH favorise l’équilibre social des quartiers ciblés. Pour autant, si le maintien des ménages les plus modestes est assuré dans un premier temps, et qu’un objectif de mixité social doit être conservé au fil du temps, la revalorisation des quartiers génère une attractivité et une augmentation des loyers qui menace, à terme, la persistance des ménages les plus modestes, conséquence classique du phénomène de gentrification. L’apparition de ces OPAH est également une manifestation d’un souci de renouveler la ville sur elle-même, dans une visée durable d’économie de l’espace. Pour exemple, l’OPAH-RU (Renouvellement Urbain), programmée à Bordeaux entre 2011 et 2016, a fait l’objet d’un contrat entre la ville de Bordeaux, l’Etat et l’ANAH, pour la rénovation de 535 logements, dans le but de lutter contre l'habitat indigne et le mal logement, contre la vacance et contre la précarité énergétique, soutenir l'accession à la propriété, tout en veillant à maintenir les populations en place et favoriser l'adaptation des logements au handicap et au vieillissement et à préserver la qualité architecturale. 20 Les bénéficiaires de cette opération ont été des propriétaires bailleurs de logements conventionnés et des propriétaires occupants-sous conditions de ressources. Les opérateurs HLM sont des acteurs centraux du renouvellement de ces quartiers.

Figure 3. Périmètre de l’OPAH-RU de Bordeaux, 2011-2016 Source : www.anah.fr La politique de la ville s’est d’abord cristallisée dans le souci de rénover des cités HLM dégradées à partir des années 70, en pratiquant d’abord une politique autocentrée, de renouvellement du quartier sur lui-même, selon des principes de « discrimination positive » et de « géographie prioritaire ». Des fonds de solidarités se sont ensuite développés entre des communes riches et des communes plus pauvres devant assurer la gestion d’un parc HLM, mais aussi la recherche d’une plus grande mixité sociale au sein de la ville dans son ensemble. 20

Agence Nationale pour l’Habitat, Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat de renouvellement urbain (OPAH RU ) hors hôtels meublés de la ville de Bordeaux. URL :

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Le développement social devient, dès les années 90, un axe principal du renouvellement urbain. C’est aussi l’époque des Grands Projets Urbains (GPU), ensemble de restructurations lourdes pilotées par l’Etat. Le Pacte de relance pour les villes définit encore davantage ce principe de géographie prioritaire en distinguant différentes zones d’action, Zones Urbaines Sensibles (ZUS), Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU), et Zones Franches Urbaines (ZFU). Au tournant des années 2000, on demande aux communes de se rassembler en communautés d’agglomération pour travailler avec l’Etat et désenclaver la politique de la ville. En 2000, la loi SRU propose de construire un modèle de ville renouvelé et marque le positionnement de l’Etat pour le développement d’un urbanisme durable, porteur de solidarités territoriales. Sa stratégie se fonde sur le renouvellement urbain et sur la mise

en cohérence des politiques urbaines, vers une ville plus compacte et solidaire. 21 Dans le souci d’encadrer un développement durable, « la loi SRU préconise la mise en place d’un Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) à l’échelle du territoire, d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU), d’un Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), ainsi que d’un Programme Local d’Habitat (PLH) et d’un Plan de Déplacement Urbain (PDU)» 22, de façon à affiner les stratégies de développement à différentes échelles du territoire. Dans sa visée de solidarité, l’Etat cherche, par cet outil, à rétablir l’équilibre social et spatial et impose aux communes un objectif de mixité sociale passant par un minimum de 20% de logements sociaux qui durcit les règles de la construction immobilière, bien qu’elle intègre le logement privé conventionné. Cette part de logement social doit être équilibrée sur le plan qualitatif entre logements très sociaux (PLAI), pour protéger les ménages à très faibles ressources, et logements sociaux PLS pour protéger les ménages qui rencontrent des difficultés à se loger dans le marché dit « libre ». Le bilan 2014-2016 de l’application de la loi SRU montre un résultat mitigé, puisque des disparités persistent sur le territoire. Toutes les communes ne respectant pas ce quota, malgré une nécessité pour certaines, la Loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 vient renforcer l’application de la loi SRU à l’aide de décrets. Elle oblige également à l’attribution de 25% des logements hors zones prioritaires au quart des ménages les plus pauvres demandant un logement social. En 2017, 1222 communes ne respectaient pas le pourcentage établi par la loi SRU. Le prélèvement de pénalités, qui s’élevait alors à 76.8 millions d’euros, constitue quant à lui un fond de financement pour le logement locatif social 23

En 2003, la loi Orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine (loi Borloo) reprend le chemin des opérations lourdes de rénovations-démolitions des quartiers sensibles et favorise l’investissement locatif. Cette loi est à l’origine de la création de l’Agence Nationale de Renouvellement Urbain (ANRU), établissement public industriel et commercial chargé de la mise en place du PNRU, programme national qui cible son action de restructuration sur des quartiers classés en Zone Urbaine Sensible (ZUS) . Entité fédératrice, elle instruit les projets candidats au programme, et dispose de moyens de financement pour

21

GOZE Maurice, La stratégie territoriale de la loi S.R.U., Revue d’Économie Régionale & Urbaine, N°5, 2002. URL : https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2002-5-page-761.htm#no19 22 http://www.vedura.fr/developpement-durable/reglementation/solidarite-renouvellement-urbain-sru 23 Ministère de la Cohésion des Territoires, Bilan SRU 2017 : 1 222 communes en déficit de logement social, 1er décembre 2017. URL : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/transparence-logement-social?id_courant=2989

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accompagner les projets. Ce financement se base notamment sur le « 1% patronal », sur le fond de la caisse des dépôts et consignations et sur les fonds européens. 24 Le champ d’action du PNRU est quant à lui celui du logement, de la création d’équipements publics et d’aménagements urbains, le tout dans un objectif de mixité sociale et de développement durable. Dispositif toujours à l’œuvre aujourd’hui, il a pourtant fait l’objet d’une révision en 2011, pour proposer un nouveau programme, le NPNRU, au regard des résultats obtenus en amont. Si l’effet du premier PNRU sur l’amélioration du cadre de vie et sur la requalification patrimoniale des parcs de logements sociaux a été positif, la mixité sociale escomptée n’y est pas et l’amélioration effective des conditions de vie des habitants est insuffisante, tout comme la prise en compte du contexte local et son inscription dans des stratégies de renouvellement à une échelle plus large. 25 Le NPNRU, annoncé lors de la campagne de François Hollande, propose dès 2014 une approche plus transversale du renouvellement des quartiers en difficultés, en marquant l’indissociabilité du développement économique et de la cohésion sociale. L’idée est alors de placer les habitants au cœur du programme dans une plus grande visée de démocratie. Des Maisons du projet sont dès lors mises en place et doivent accueillir des conseils citoyens composés de personnes tirées au sort et indépendantes du programme, qui participent aux instances locales de décision de la politique de la ville. Cet objectif de cohésion sociale et de reconnexion de ces quartiers à l’ensemble de l’agglomération participe de celui de durabilité, qui impacte les domaines du logement, de l’énergie, des espaces verts et des flux. La volonté est celle de créer un lieu de vie de haute qualité, humaine et environnementale, en reconnaissant les compétences des collectivités locales, pour l’accompagnement économique et social de leur population. 26 En 2005, les émeutes des banlieues traduisent une insuffisance d’action des politiques de la ville à l’égard de certains quartiers, qui se sentent toujours en marge, sans ressentir l’amélioration promise de leur qualité de vie. A cet évènement, font suite en 2006 la Loi pour l’Egalité des chances, et en 2008 le Plan Banlieue. Bien que le rapport de 2012 de la Cour des Comptes fasse état d’effets positifs sur le développement économique et sur l’amélioration du cadre de vie, l’impact sur la qualité de vie des habitants de certains quartiers reste encore une fois insuffisant. Ce rapport va ainsi participer à impulser la création d’un nouveau PNRU, évoqué plus tôt. Il conclut entre autres sur la nécessité de rassembler les actions de rénovation urbaine et de cohésion sociale dans des contrats uniques en associant systématiquement des acteurs plus locaux, à savoir les intercommunalités. Le rapport public de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache publié en juillet 2013 met en avant, en se basant sur une étude des quartiers populaires, la nécessité de lier politique de la ville et participation citoyenne, et développe la notion d’empowerment. Les auteurs identifient ainsi cinq enjeux : « 24

L’évolution de la politique de la ville, publié par la Documentation Française, 2010. URL : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000077-la-politique-de-la-ville-a-l-epreuve-des-violencesurbaines-de-2005/l-evolution-de-la-politique-de-la-ville 25 Villes : vers un second programme de rénovation urbaine ?, publication sur le site officiel Vie Publique, 2011. URL : http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/evaluation/villes-vers-second-programme-renovationurbaine.html 26 Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Le nouveau programme national de renouvellement urbain 2014 – 2024, Dossier de Presse, 16 Décembre 2014.

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- appuyer le développement du pouvoir d'agir ou une démarche d'"empowerment" (intensification des politiques publiques co-élaborées et qui s'appuient sur les initiatives citoyennes) ; - mettre les citoyens au cœur des services publics ; - démocratiser la politique de la ville ; - changer l'image des quartiers ; - accompagner un renversement de démarche par la formation et la coformation. » 27 En 2014, la Loi de Programmation pour la Ville et la Cohésion Urbaine met au premier plan l’importance de la démocratie participative, au travers d’une démarche de coconstruction des politiques de la ville. Elle instaure un contrat de ville unique pour la ville et la cohésion sociale qui permet de mobiliser les politiques publiques dans tous les domaines nécessaires, pour agir dans des quartiers prioritaires ciblés plus finement par la loi. On crée alors des « conseils citoyens », mais Thomas Kirszbaum, sociologue de l’urbain, les interprète davantage comme une « offre institutionnelle de participation » qui encadre la participation, à laquelle les acteurs institutionnels s’ouvrent en en gardant toutefois la maîtrise. En effet, les « partenaires institutionnels [pilotent] la mise en place des conseils, lesquels [font] l’objet d’une autorisation préfectorale, après consultation du maire et du président de l’intercommunalité. » 28 Il voit également en ces conseils citoyens l’unique concrétisation du rapport rédigé par M-H Baqué et M Mechmache en 2013, qui préconisait pourtant la mise en place de réels processus de co-décision pour réformer en profondeur la politique de la ville. Si le texte officiel marque la reconnaissance de la nécessité de lier participation et politique de la ville, le fait d’avoir à recourir à la loi pour l’affirmer montre selon lui « à quel point l’ouverture à la société civile est peu naturelle en France ». Même si le principe de tirage au sort pour diversifier les participants, et les actions de formation pour les membres du conseil sont intéressants selon lui, il subsiste encore des « zones d’ombres », notamment sur la nature du lien qui va être fait, avec les conseils de quartier ou les « maisons du projet » dans les quartiers en rénovation urbaine. T. Kirszbaum s’interroge finalement sur le pouvoir effectif de ces conseils, car la portée de ces conseils citoyens sur les décisions reste encore floue, du fait également du temps de mise en place de ce dispositif comparé à celui de l’élaboration des contrats de ville que les conseils citoyens doivent co-construire et qui sont pourtant déjà en cours d’élaboration au moment où le sociologue s’exprime. Cette interrogation est par ailleurs générée par l’origine même de ces conseils citoyens : La question de la participation citoyenne doit être posée de deux façons. Soit elle s’inscrit dans les rouages des politiques publiques, en tant que contribution de la société civile à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de projets dans les territoires. Il faut alors un processus suffisamment inclusif pour que la diversité des intérêts puisse s’exprimer et peser sur le contenu des politiques publiques. Soit il s’agit d’une participation extérieure aux cadres institutionnels qui revendique, conteste et interpelle les politiques. Les conseils citoyens se placent clairement dans le premier

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BACQUÉ Marie-Hélène, MECHMACHE Mohamed, Pour une réforme radicale de la politique de la ville, Ministère de la Ville, Juillet 2013. URL : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapportspublics/134000430/index.shtml 28 VADIMON Sandie, entretien avec KIRSZBAUM Thomas, «Les conseils citoyens sont une offre institutionnelle de participation», publié dans le journal Libération, le 22 octobre 2014. URL : http://www.liberation.fr/evenements-libe/2014/10/22/les-conseils-citoyens-sont-une-offre-institutionnelle-departicipation_1127229

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registre, avec de sérieuses interrogations quant à leur capacité à influencer la décision publique. 29

Figure 4. Les enjeux de la loi ALUR Source : cohesion-territoires.gouv.fr 2014 est également l’année de la loi ALUR (loi pour l'Accès au Logement et un Urbanisme Rénové). Cette loi qui vise à « réguler les marchés immobiliers et encadrer les pratiques abusives » en encadrant les loyers dans les zones tendues, et à favoriser « l’accès au logement en protégeant les populations les plus vulnérables » 30, renforce la loi SRU en montant à 25% le taux de logements sociaux pour les communes de plus de 3.500 habitants. La loi Alur a également vocation à intégrer davantage les citoyens aux politiques d’urbanisme, au travers de concertations. Facultatives, elles interviennent en amont du projet et peuvent remplacer les enquêtes publiques. Intervenant en amont du processus, « elles contribuent à renforcer l’acceptabilité du projet ». 31 Enfin, la loi Alur reconnait de nouvelles formes innovantes d’habitat, comme celle de l’habitat participatif, leur offrant ainsi plus de poids et de visibilité. Cette appellation générique regroupe en réalité une multitude d’initiatives telles que « coopérative d’habitants », « habitat groupé », « autopromotion », « co-habitat », « baugruppen », etc. 32 Cette loi ouvre ainsi à une « 3ème voie » pour le logement et offre à ces initiatives deux statuts juridiques possibles, coopérative d’habitants ou société d’autopromotion.

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Op. Cit. VADIMON, KIRSZBAUM. , La loi Alur : point d’étape, Publié par Le Ministère de la Cohésion des Territoires, 23 mars 2016, URL : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/la-loi-alur-point-d-etape-1812 31 La participation du public renforcée, Publié par Le Ministère de la Cohésion des Territoires, 1er août 2014, URL : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/la-participation-du-public-renforcee-1880 32 Op.Cit. D’ORAZIO A. 30

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1929 : Création de l’Union Sociale pour l’Habitat Décembre 1967 : institution des ZAC par la loi d’orientation foncière 1971 : création agence nationale pour l’habitat ANAH 1977 : création des Opération Programmées d’Amélioration de l’Habitat 1977 : Habitat et Vie Sociale 1982 : Développement Social des Quartiers 1987 : Publication du Rapport Bruntland par la CNUED, apparition notion de « développement durable » 1888 : Développement Social Urbain 1990 : Création du Ministère de la Politique de la Ville Décembre 1990 : Création de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) 1992 : Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, Agenda 21 1995 : Création du Comité 21 en France 14 novembre 1996 : Loi n° 96-987 relative à la mise en œuvre du Pacte de relance pour la ville : ZUS ZRU ZFU Juin 1996 : 2ème Conférence sur les établissements humains ou Sommet des villes (Habitat II) 1998 : Création du PUCA (Plan Création Urbanisme et Architecture) 1998 : Contrats de Ville 25 juin 1999 : loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (loi Voynet) 13 décembre 2000 : loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) no 20001208 1er Aout 2003 : loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (loi Borloo) : a institué le Programme National pour la Rénovation Urbaine (PNRU) 2003-2008 puis 2010-2013 : Stratégie Nationale de Développement Durable 1 et 2 2004 : création de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine 13 juillet 2006 : Loi portant Engagement National pour le Logement 31 mars 2006 : loi pour l’égalité des chances : création de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé) 5 mars 2007 : Loi pour le Droit Au Logement Opposable (loi DALO) 2007-2014 : Contrats urbains de cohésion sociale 2006 : Loi portant engagement national pour le logement 2007 : Grenelle de l’environnement 2008 : Plan Banlieue. 2008 : Plan Ville Durable 2009-2010 : Lois Grenelle I et II 2012 : Création du label Ecoquartier 2014 : NPNRU 2014 : loi ALUR (loi pour l'Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) 21 février 2014 : Loi de Programmation pour la Ville et la Cohésion Urbaine 17 novembre 2014 : Pacte de cohésion sociale et territoriale 23 décembre 2015 : lancement de l’Institut de la Ville Durable, instance visant à structurer une politique de la ville durable, et se propose d’en être le levier en tant qu’outil partenarial, en mettant en réseau les acteurs de la ville 17 Août 2015 : Loi de transition énergétique pour une croissance verte 2015-2020 : Stratégie Nationale de Transition Ecologique vers un Développement Durable 27 janvier 2017 : loi Egalité et Citoyenneté

Figure 5. Chronologie des politiques de la ville, en matière de renouvellement urbain et de développement durable (élaboration personnelle)

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▌Section 3. Lien entre construction durable et participation

Figure 6. Les 3 piliers du développement durable selon l’Agenda 21 Source : www.corbeil-essonnes.com La considération accrue de la qualité du lieu de vie et de l’espace urbain depuis les années 80 et la prise de conscience du caractère nécessaire de la participation des citoyens aux décisions qui impactent leur environnement direct, sont intrinsèquement liées aux préoccupations environnementales devenant de plus en plus prégnantes. Pour autant, la question de la participation n’a pas généré la question environnementale ni inversement, même si leurs enjeux s’interpénètrent aujourd’hui. En effet, selon le sociologue Guy Tapie, « la durabilité a cristallisé et focalisé cet enjeu [d’intégrer des processus participatifs] dans un système plus large de régénération des systèmes de production, [ce qui en fait aujourd’hui] l’un de ses piliers de légitimation. […] La participation des populations devient un axe majeur si l’on veut s’inscrire dans des politiques durables. » C’est en 1987 que la notion de « développement durable » apparait, définie dans le Rapport Brundtland, publié par la Commission des Nations Unies pour l’Environnement et le Développement. Il faudra attendre le sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, réunissant 178 pays, et son importante médiatisation pour démocratiser cette notion. On cherche alors à définir un projet de société qui allie économie, écologie et social. Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : • le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et • l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.

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Ainsi, les objectifs du développement économique et social sont définis en fonction de la durée, et ce dans tous les pays – développés ou en développement, à économie de marché ou à économie planifiée. Les interprétations pourront varier d’un pays à l’autre, mais elles devront comporter certains éléments communs et s’accorder sur la notion fondamentale de développement durable et sur un cadre stratégique permettant d’y parvenir. Le développement implique une transformation progressive de l’économie et de la société. Cette transformation, au sens le plus concret du terme, peut, théoriquement, intervenir même dans un cadre sociopolitique rigide. Cela dit, il ne peut être assuré si on ne tient pas compte, dans les politiques de développement, de considérations telles que l’accès aux ressources ou la distribution des coûts et avantages. Même au sens le plus étroit du terme, le développement durable présuppose un souci d’équité sociale entre les générations, souci qui doit s’étendre, en toute logique, à l’intérieur d’une même génération. 33

Les états présents au sommet de Rio ont notamment adopté l’Agenda 21 (aussi appelé Action 21) qui préconise des actions à mettre en œuvre dans différents secteurs, de l’international au local. Le chapitre 28 souligne l’importance de la participation des collectivités locales pour atteindre les objectifs fixés, au niveau national et international. Il y est déterminé, à l’horizon 1996, l’objectif, pour les collectivités locales, de « mettre en place un mécanisme de consultation de la population et parvenir à un consensus sur un programme Action 21 à l'échelon de la collectivité ». « La concertation et la recherche d'un consensus permettraient aux collectivités locales de s'instruire au contact des habitants et des associations locales, civiques, communautaires, commerciales et industrielles, et d'obtenir l'information nécessaire à l'élaboration des stratégies les plus appropriées. Grâce au processus de concertation, les ménages prendraient davantage conscience des questions liées au développement durable. » On y reconnait ainsi déjà l’importance de solliciter les populations, d’une part pour les sensibiliser aux enjeux environnementaux, et d’autre part pour mettre en place des stratégies plus appropriées en apprenant des usagers, en prise directe avec leur environnement proche, de vie et d’activité. En France, le Comité 21 est créé pendant l’année 1995 et met en réseau les différents acteurs français du développement durable, étatiques ou non (entreprises, collectivités, associations, établissements de recherche et d'éducation, médias...). Il visait à initier la mise en œuvre des objectifs de l’Agenda 21 -aujourd’hui des objectifs de développement durable (ODD)- en créant des « conditions d’échange et de partenariat entre ses adhérents issus de tous secteurs afin qu’ils s’approprient et mettent en œuvre, ensemble, le développement durable à l’échelle d’un territoire. » 34 Le tournant du millénaire marque en Europe la volonté de se saisir de cette notion de Développement Durable qui devient le référentiel majeur des politiques publiques d’aménagement et d’urbanisme. 35 La France s’engage dans une démarche d’actions concrètes au travers de sa première Stratégie Nationale pour le Développement Durable (SNDD) en 2003, bien que la loi SRU de 2000 avait déjà posé les jalons d’un urbanisme durable. Cette 33

Extrait du Rapport Brundtland ou « Notre avenir à tous », publié par la Commission des Nations-Unies pour l’Environnement et le Développement CNUED, Oslo, 20 mars 1987, p.40. URL : https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf 34 Site du Comité 21, URL : http://www.comite21.org/ 35 EMELIANOFF Cyria, La ville durable : l’hypothèse d’un tournant urbanistique en Europe, L’information géographique, n°71, septembre 2007, p.48-65, URL : https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique2007-3-page-48.htm

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stratégie vise, entre autres, à intégrer le développement durable à toutes les politiques publiques, de façon à faire la démonstration d’un état exemplaire, ainsi qu’à faire du citoyen un acteur du développement durable, en le sensibilisant et en le faisant participer au débat public. Le Grenelle de l’environnement, lancé en 2007, se place dans la continuité de la première SNDD. Il s’agit d’une série de réunions rassemblant des acteurs du développement et de l’aménagement, (collectivités territoriales, ONG environnementales, employeurs, salariés, syndicats, associations…) de façon à construire un contrat engageant en faveur d’un développement durable. Les lois Grenelle I et II qui lui feront suite vont réformer l’urbanisme français en imposant de nouvelles contraintes, en imposant de limiter l’étalement et les déplacements urbains dans une logique de rationalisation des espaces, ou bien en imposant des performances énergétiques. Ce souci de construire un urbanisme durable et de croiser les échelles globales et locales se traduit également dans la mise en place en 2008 du Plan Ville Durable, initiant l’appel à projet Ecoquartier, à l’origine du Label National Ecoquartier mis en place à partir de 2012. Ce label construit un cadre national en laissant une liberté d’action aux acteurs locaux. L’Etat garde la main en donnant des orientations et en valorisant les opérations exemplaires. La question de la participation citoyenne dans ces projets d’écoquartiers, si elle est valorisée pour donner plus de force et de légitimité à ces opérations, connait certaines limites et l’appropriation attendue de la part des habitants n’est pas toujours au rendez-vous, tout comme les usages imaginés, selon l’organisation et le niveau de la participation effectivement mise en place dans le processus. Pour autant, ce label, dont l’objectif est de développer localement l’économie, la qualité de vie et l’intégration sociale des habitants et des populations dans et autour de l’opération, a malgré tout tendance à être employé comme moyen de communication, pour soigner la réputation d’une commune qui fait valoir la qualité des aménagements qu’elle produit. Les critiques et incertitudes soulevées par des habitants d’écoquartiers, bien qu’elles ne soient pas forcément unanimes, requestionnent ce modèle d’urbanisme durable. Pour exemple, l’écoquartier de Ginko, à Bordeaux, ne fait pas l’unanimité, bien qu’une part des habitants s’estime satisfaite. Le quartier avait pourtant obtenu le label en 2014, qui concrétisait alors « le véritable engagement de Bouygues Immobilier pour la ville durable et désirable. » 36 La publication présentant le quartier, publiée par Bouygues Immobilier, promouvait un quartier modèle pour le développement durable, à la « mixité fonctionnelle, sociale, générationnelle et architecturale », ensemble dense à l’identité forte et à la qualité de vie certaine. Nathalie Delattre, alors maire adjointe de Bordeaux et conseillère à la Communauté Urbaine de Bordeaux, parlait d’un « quartier pionnier d’une nouvelle façon de vivre », et Michel Duchène, vice-président de la CUB, d’un endroit où le bien vivre ensemble était favorisé. Les habitants font pourtant à ce jour la critique d’un quartier présentant des malfaçons où le vivre ensemble n’est pas évident à mettre en œuvre et témoignent d’incivilités et d’infractions. « Ici personne n’a accès à personne », regrette Delphine, une habitante de Ginko. 37 La morphologie en ilots indépendants questionne aussi le rapport au quartier. Le suivi, en termes de performances énergétiques ainsi que de mixité et d’équité sociale n’est pas toujours bien défini, et on relève aussi un manque de formation et de sensibilisation des habitants aux enjeux durables. Cela questionne l’efficacité du dispositif à 36

www.bouygues-immobilier-corporate.com TA NINGA Mila, Les Aubiers et Ginko, voisins dos à dos, publié dans Rue 89, 22 juin 2015. URL : https://rue89bordeaux.com/2015/06/les-aubiers-ginko-voisins-dos-a-dos/

37

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améliorer la production urbaine et d’habitat. 38 Autre indicateur, certains groupes de citoyens cherchant à développer des modes alternatifs de production d’habitat hésitent à se définir en tant qu’écoquartier, du fait de l’écart entre les principes du développement durable et la réalité de certains écoquartiers pourtant labellisés. Pour exemple, L’association H’Nord, porteuse d’un projet d’habitat participatif à Bordeaux, s’exclame à propos du quartier Ginko : « […] Ce n’est pas ce qu’on souhaite faire, il doit y avoir une erreur dans le concept ! Un quartier pour être écolo doit se faire avec ses habitants ! » (H’Nord – Conférence ENSAP Bordeaux, 3 mai 2010) 39 Bien que les écoquartiers montrent qu’une démarche est initiée par les acteurs institutionnels, il y a encore de nombreux ajustements à faire, au niveau de la participation des habitants, de leur sensibilisation voire de leur formation, au niveau des critères permettant l’attribution du label, et enfin dans le suivi effectif de leur fonctionnement et de la pérennité des principes originels. Pour poursuivre et faire évoluer cette démarche en faveur d’une politique durable de la ville, l’Institut de la Ville Durable est créé en 2015, et a pour vocation de mettre en réseau les acteurs de la ville. Enfin, la Stratégie Nationale de Transition Ecologique vers un Développement Durable 2015-2020 accompagne la Loi de Transition Energétique pour une Croissance Verte d’août 2015. Cette troisième stratégie pour le développement durable, « repose sur des leviers existants à amplifier et des opportunités à développer » 40. Son élaboration a fait l’objet d’une consultation de tous les acteurs, jusqu’à la consultation publique de l’avant-projet. Elle prévoit entre autres de « prévenir et réduire les inégalités environnementales, sociales et territoriales » (Axe 3), « orienter la production de connaissances, la recherche et l’innovation vers la transition écologique » (Axe 6), « éduquer, former et sensibiliser pour la transition écologique et le développement durable » (Axe 7) et « mobiliser les acteurs à toutes les échelles » (Axe 8) ce qui marque bien cette recherche d’équité, entre les territoires et les acteurs, ainsi que de méthodes et solutions innovantes pour développer un urbanisme durable appuyée sur un partage global des connaissances. Cette volonté d’économiser les ressources naturelles et spatiales va de pair avec l’intégration des usagers/citoyens dans les projets d’aménagement et l’élaboration de politiques publiques, et démontre le lien entre démocratie délibérative/participative et durabilité.

38

FAUCHER Patrick, LE CAMPION Grégoire, MORIN Anthony, et POUSSEUR Margot, Eco-quartiers : vers une nouvelle forme de relation entre l’usager et l’équipement, Carrières Sociales Editions, 2016. URL : http://books.openedition.org/cse/166?lang=fr 39 Op. Cit. DARROMAN, p 139. 40 La stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable 2015-2020, publié par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, 3 février 2017. URL : https://www.ecologiquesolidaire.gouv.fr/strategie-nationale-transition-ecologique-vers-developpement-durable-2015-2020

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▌Section 4. Vers de nouveaux modes de gouvernance, reconnaissance de compétences d’usage Cette question de la participation, bien qu’elle fasse partie des enjeux phares actuels, trouve en réalité son origine à la fin des années 60, avec le développement d’un mouvement de contestation face aux rénovations lourdes des centres urbains, contre l’uniformisation des logements collectifs produits en masse selon une logique industrielle et contre la production de cités HLM, dans lesquelles la population se paupérise, et qui se dégradent. Des groupes de citoyens se sont mobilisés pour revendiquer leur droit à participer aux décisions d’urbanisme et d’aménagement, mais aussi pour préserver leurs conditions de vie. L’émergence de la politiques de la ville, plus transversale, dont l’ « ambition essentielle est de restaurer la citoyenneté et le lien social » 41, les enjeux de développement social des quartiers en difficulté en collaboration avec les acteurs locaux, et la décentralisation des processus de décision qui a redonné davantage de pouvoirs d’action aux collectivités territoriales en prise direct avec la population locale, ont posé les jalons d’un cercle décisionnel plus ouvert en matière d’aménagement et d’urbanisme. Depuis, les modalités de participation dans les processus de prise de décision sont continuellement requestionnées, réajustées pour y intégrer davantage de démocratie. Bien que les premières injonctions à la sollicitation des habitants, voire à la concertation dans la mise en place de projets datent des années 70, la participation est encore mise en doute dans les années 90. Maurice Blanc, alors professeur de sociologie à l’université Nancy 2, l’exprime ainsi en 1999 : « Il existe bien sur des exceptions mais la plupart des élus locaux et des gestionnaires du logement social ne croient pas aux vertus de la participation. Elle est assimilée au mieux à une perte de temps, au pire à une remise en cause de leur légitimité. » 42 Les concertations alors mises en place relèvent selon lui davantage de la façade que d’une réelle volonté politique, et n’influencent les décisions déjà prises que dans une moindre mesure, mais cela permet de faire valoir une image volontariste et engagée dans la démarche. Une vingtaine d’années plus tard, les constats de Michel Crozier et Jean-Claude Thoenig sont toujours d’actualité : « Les maires, les conseillers généraux, les responsables administratifs pensent tous également que la population est incapable de dire son mot dans la gestion des affaires qui la concernent sauf de façon irresponsable ou pour faire valoir des intérêts particuliers. » Les méthodologies sont encore vagues dans les années 90. Là où certains élus se vantent de mettre en place des démarches de concertation exemplaires, les habitants concernés opposent qu’il s’agit tout au plus de consultations, à l’occasion desquelles leurs revendications ne sont pas entendues. En 1969 pourtant, la consultante américaine en politiques publiques Sherry Arnstein avait déjà produit, sur la base de ses travaux de recherche, une échelle permettant d’évaluer le degré effectif de participation et d’ouverture du pouvoir aux habitants lors de prises de décisions. Cette échelle, est encore largement d’actualité et utilisée par de nombreux chercheurs.

41

STEBE J.M., La Réhabilitation du logement social en France, Paris, P.U.F,1995 BLANC Maurice, Participation des habitants et politique de la ville, dans CURAPP/CRAPS, La démocratie locale, Représentation, participation, espace public, PUF, Paris, 1999. 42

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Contrôle citoyen : une communauté locale gère de manière autonome un équipement ou un quartier.

Délégation de pouvoir : le pouvoir central délègue à la communauté locale le pouvoir de décider un programme et de le réaliser.

Pouvoir effectif des citoyens

Partenariat : la prise de décision se fait au travers d'une négociation entre les pouvoirs publics et les citoyens

Conciliation : quelques habitants sont admis dans les organes de décision et peuvent avoir une influence sur la réalisation des projets. Coopération symbolique Consultation : des enquêtes ou des réunions publiques permettent aux habitants d'exprimer leur opinion sur les changements prévus.

Information : les citoyens reçoivent une vraie information sur les projets en cours, mais ne peuvent donner leur avis.

Thérapie : traitement annexe des problèmes rencontrés par les habitants, sans aborder les vrais enjeux Non-participation Manipulation : information biaisée utilisée pour « éduquer » les citoyens en leur donnant l'illusion qu'ils sont impliqués dans le processus.

Figure 7. Echelle de la participation établie par Sherry Arnstein en 1969 Source : Wikipédia Dans sa thèse présentée en 2014, Mélanie Darroman présente un lexique établi à partir des travaux produits en 2005 par Isabelle Dimeglio et Jodelle Zetlaoui-Léger, qui permet de « hiérarchiser les niveaux et clarifier la définition des termes employés, trop fréquemment objets de contresens et utilisés à des fins politiques et idéologiques. » 43

43

Op. Cit. DARROMAN, p.64.

28


Figure 8. Lexique de l’implication habitante Source : Mélanie Darroman 44

44

Op. Cit. DARROMAN p.64

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Bien que des décrets, des règlements, des travaux de recherche et des textes de lois se positionnent en faveur d’une intégration plus importante de la population aux décisions, les acteurs institutionnels peuvent tarder à mettre ces principes en œuvre, ou être maladroits dans leur mise en place, que ce soit par manque d’une réelle volonté ou par manque de connaissance ou de maîtrise du sujet. Pour autant, le citoyen doit aussi être demandeur, savoir se manifester lorsqu’il est sollicité, et occuper la place qui s’ouvre à lui en étant capable d’exprimer et de formuler ses avis et ses besoins. La fabrication de la ville que l’on souhaite collective doit être initiée par une prise de conscience commune des enjeux, et par une action conjointe. Il ne s’agit aujourd’hui plus de « faire pour » mais de « faire avec ». 45 Certains politologues parlent « d’impératif participatif » 46 au regard de l’institutionnalisation de la participation dans les politiques métropolitaines. Cela traduit le passage progressif d’une démocratie représentative à une démocratie participative impliquant de nouveaux modes de management pour accompagner des modes de faire inédits intégrant la population. Alors que des processus de type bottom-up irriguaient les mouvements contestataires de la deuxième moitié du XXe siècle, l’institutionnalisation progressive de la participation habitante déplace les processus décisionnels vers des logiques top-down, s’appuyant sur l’expertise d’usage des citoyens. Ces mouvements contestataires se sont progressivement éteints, puis, dans les années 1990-2000, une régénération de ces questions de participation s’est traduite par des évolutions réglementaires et législatives, mais, selon le sociologue Guy Tapie, « il s’agit là moins d’une émanation ou de la cristallisation d’une lutte, d’une opposition ou d’un conflit ». L’habitat participatif s’institutionnalise lui aussi progressivement, avec des acteurs classiques de l’habitat de plus en plus intégrés à des opérations dont ils sont parfois même à l’origine. Cette institutionnalisation représente néanmoins de nombreux enjeux d’adaptation des méthodes de travail des professionnels, de transformation en termes de rapport aux habitants et en termes de méthodologie à développer et de cadre à définir. « L’ouverture du système de décision et la revendication de la participation de la population ont permis de générer des productions alternatives en termes de politiques d’aménagement et de production de l’habitat, mais cette participation institutionnalisée permet aussi de créer un cadre pour ces alternatives et nouvelles manières de faire. » (Guy Tapie, sociologue, avril 2018)

45

Op.Cit. DARROMAN, p.60. RUI Sandrine, La société civile organisée et l’impératif participatif. Ambivalences et concurrence, in Histoire Economie et Société, Les corps intermédiaires en France : concept(s), généalogie et échelles, Ed. Armand Colin, janvier 2016. URL : https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2016-1-p-58.htm

46

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▌Section 5. Représentations véhiculées par l’habitat participatif « S’il est prouvé que l’accession en maison individuelle reste l’objectif ultime dans la trajectoire de 80% de la population française, la prise de conscience récente du coût financier et humain de l’étalement urbain des zones pavillonnaires monofonctionnelles (coût de deux à trois voitures par ménage, du carburant, hausse des prix des logements neufs, isolement, dépendance à la voiture, temps passé dans les transports dans un contexte de vieillissement de la population) tend à renouveler le désir d’habitat groupé dans les agglomérations. La réussite, voire le grand développement de projets d’habitat participatif ailleurs en Europe et notamment au Danemark (quartier de Munksoegaard dès 1972), en Italie (Autorecupero à Bologne en 1982) et en Allemagne (Tübingen à partir du 1990) a conforté et a permis de lancer les premières initiatives en France. » (Convention de partenariat pour le cadrage d’un projet de type top-down, à Talence, proche Bordeaux, 2017)

Figure 9. Sondage ‘‘L’habitat participatif, vous en pensez quoi’’ du journal Sud-Ouest lancé le 12 mars 2015, comptabilisant à ce jour 421 votants 47

On peut noter une certaine forme de réserve face à ce type de projets en France et en particulier dans certaines régions, notamment en Aquitaine, contrairement à d’autres régions, limitrophes à l’Allemagne par exemple (Strasbourg est davantage précurseur de ce type de projets). Cette réserve peut s’expliquer du fait de la difficulté rencontrée par certains groupes d’habitants pour mener à bien leur projet, l’opinion publique cataloguant alors ces initiatives comme des « utopies » ou des « usines à gaz ». L’un des a priori qui accompagne encore aujourd’hui les projets d’habitat participatif est qu’il s’agit d’un mode de production de l’habitat assez exclusif, réservé à un public d’initiés. 47

Bordeaux : un projet d’habitat participatif à Brazza, publié par Sud Ouest, 12 mars 2015. URL : https://www.sudouest.fr/2015/03/12/bordeaux-un-projet-d-habitat-participatif-a-brazza-1857250-5458.php

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« Ce sont un peu des projets d’architectes, quasi bobo »

En effet, les premières opérations d’habitat participatif, du fait de l’absence de reconnaissance juridique, étaient portée par des habitants (alors les seuls à l’initiative de tels projets) en capacité de s’aventurer dans la démarche, aventuriers-pionniers appartenant souvent à des classes moyennes supérieures, en lien avec le secteur de l’habitat ou les collectivités, possédant un capital culturel assez important ou une expérience dans le milieu associatif/militant, aux capacités d’expression en public, d’organisation, et capacités financières suffisantes pour porter un projet de conviction parfois coûteux et souvent chronophage. Cela se vérifie de moins en moins à mesure que les démarches d’habitat participatif se développent, s’ouvrent et se transforment, mais il existe effectivement plusieurs exemples de projets qui peuvent contribuer à corroborer cette image – sans pour autant qu’ils s’y réduisent. « Pour pouvoir diffuser les choses très largement en France, il faut que nous arrivions à acculturer et à faire évoluer progressivement les choses, et ça c’est vraiment long et lourd. Il faut une volonté partagée. Il y a un enjeu considérable en terme d’image parce qu’aujourd’hui l’habitat participatif promu par la presse auprès du grand public et des élus, est identifié le plus souvent aux groupes autonomes écologistes quelque peu radicaux, très engagés dans une aventure qui ne peut concerner qu’une minorité d’aventuriers militants, qui sont regardés comme tels mais qui font le « buzz ». Beaucoup de gens considèrent donc que l’habitat participatif ce n’est pas pour eux, que ce n’est pas sérieux. De même il y a beaucoup d’élus qui disent « Non, c’est gentil mais voilà... ». Donc c’est le risque de la marginalité militante alternative, écolo-bobo, ou baba qui nous renvoie aux années 70 ou à un clivage qui est exclusif et contreproductif. Pour notre part nous sommes convaincu que c’est une réponse essentielle aux évolutions sociétales d’aujourd’hui, aux exigences cruciales et urgente d’un véritable développement durable mais à grande échelle, et qu’il faut s’y prendre autrement pour habiter, penser, concevoir, etc. » (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage et Architecte, août 2017)

Un sondage, réalisé en 2011 par la société Harris Interactive pour le compte de la société de promotion immobilière Gecina, chiffrait à 11% la proportion de français favorable à l’habitat participatif. Aujourd’hui, cette proportion a bien évolué, même si elle est encore minoritaire. Une étude de 2017 de Harris Interactive révèle « qu’un tiers des français pourrait envisager de s’impliquer dans de l’habitat participatif ou intergénérationnel », dont une majorité de jeunes, peut-être plus enclins à renouveler les modes de faire et d’habiter, et peut être moins marqués par les initiatives passées. « Je pense qu’en France il y a cette idée que le participatif = communautaire, qu’il faut casser. » (AMO et Architecte, août 2017) « Bon ça évolue, mais quand tu en parles autour de toi … […] Pour les gens ce sont des trucs d’utopistes etc. […] il y en a qui viennent me voir et qui me disent ‘‘oh bin dis donc j’y croyais pas à ton truc, mais quand je vois que trois ans après tu y es toujours tu m’impressionnes quand même !’’ » (Assistante à Maîtrise d’Usage, avril 2018)

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Figure 10. Enquête sur le regard des français à propos de l’habitat participatif Source : Harris Interactive 48 48

(Etude) réalisée par Harris Interactive pour la fédération Soliha, Les Français et le logement, menée par LEVY Jean-Daniel et Lancrey-Javal Gaspard, mai 2017, p.22-23. URL : http://harris-interactive.fr/wpcontent/uploads/sites/6/2017/06/Rapport-Harris-Les-Francais-logement-SOLIHA.pdf

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Les représentations tendent en effet à changer, grâce notamment à la multiplication des opérations, même si elles ne représentent qu’une part minoritaire de la production française de logement. La visibilité des projets est aussi plus importante, un réseau national s’organise, la loi ALUR a été promulguée, des évènements nationaux et européens donnent plus de visibilité à ces projets. L’intérêt des différents acteurs est mieux relayé et met en valeur un mode de production de l’habitat « couteau-suisse » : innovant, économe, permettant une certaine qualité environnementale, une diversification des types d’habitats, une mixité fonctionnelle, sociale, générationnelle, une densification raisonnée tout en limitant la spéculation, une amélioration du lien social et un enrichissement de la vie de quartier, tout en permettant de mieux connaître un acteur que l’on intègre de plus en plus dans les opérations d’aménagement : l’usager/habitant. (Nous renvoyons au Chapitre 2. Section 3. Positionnement de la métropole bordelaise, et au Chapitre 4. Section1. Des motivations liées à leur histoire et à l’évolution de leurs pratiques) « Offrir des qualités d’usage et de vie que les seuls produits ‘’maison individuelle’’ et ‘’appartement’’ ne peuvent pas fournir » (Convention de partenariat pour le cadrage d’un projet de type top-down, Objectifs de la ville de Talence porteuse du projet, proche Bordeaux, 2017)

« Ce type d’habitat apparaît en effet comme une des réponses possibles à la crise du logement et par conséquent il est souhaitable que des institutionnels se saisissent de ce sujet pour favoriser dans un premier temps son éclosion et dans un second temps sa pérennité. » (Organisme HLM, Directeur général, printemps 2017)

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▌Chapitre 2. L’habitat participatif : définition et structuration du mouvement à l’échelle nationale et locale (zoom Bordeaux) ▌Section 1. Définition législative et substantielle L’habitat participatif est une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis. Art. L. 200-1 de la Loi ALUR

L’idéal démocratique que sert le concept de participation se base sur un principe d’égalité entre les citoyens, qui implique que la société civile puisse infléchir des décisions qui vont les impacter directement. Dans notre sujet d’étude l’enjeu pour les citoyens est de se réapproprier le domaine de la production du logement et de l’habitat. L’habitat participatif fonde ses valeurs sur les trois piliers du développement durable : social, économie, environnement. Il défend ainsi des valeurs de démocratie, de mutualisation des connaissances, de « vivre ensemble », de mixité sociale fonctionnelle et intergénérationnelle qui ne se base pas sur des quotas à respecter. Elle s’attache également à développer une réelle qualité environnementale, dans la qualité du bâti et de ses modes constructifs, dans l’économie d’énergie, dans la mutualisation des espaces, et dans le souci de produire moins mais mieux. Enfin, l’habitat participatif se positionne contre la spéculation immobilière et promeut l’accès à un logement abordable pour tous et pour les générations futures.

Figure 11. Valeurs proposées par l’habitat participatif Source : www.colibris-lemouvement.org

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Les projets Bottom-up ou ascendants se créent à partir de la base, et sont portés par les « gens d’en bas ». Ces projets ascendants peuvent poursuivre des finalités variables selon des méthodes et des positionnements différents. Ainsi, il peut s’agir de projets menés en autopromotion, auquel cas il s’agit d’une petite promotion privée portée par les habitants qui amènent leurs propres fonds. Couplée à de l’autoconstruction il s’agira d’une alternative pragmatique à l’accès au logement dans un contexte de crise puisque cela permet de diminuer de façon importante les coûts de production du logement. Ce binôme autopromotion/autoconstruction relève davantage d’une opération indépendante du schéma classique de production du logement. On peut remonter à la naissance du Mouvement de l’Habitat Groupé Autogéré (MHGA) dont la première charte, en 1978 précisait : -

-

Les habitants doivent être leurs propres promoteurs Environ 15% de la totalité de l’espace habitable doit être réservé à des locaux communs Le nombre d’architectes et de spécialistes ne devra pas dépasser un tiers des 49 membres du mouvement

Le positionnement de l’autopromotion est peut-être « moins » politique que l’habitat participatif proprement dit –même si de fait, les habitants participent à la construction de leur habitat- car ce binôme ne contribue « qu’indirectement à changer les représentations et les pratiques des acteurs traditionnels 50 » et ne suit pas la « même logique de réappropriation d’une sphère jusque-là laissée aux seuls acteurs professionnels et où la démocratisation de la production est érigée en mot d’ordre par les habitants. 51 » D’autre part, l’auto-construction ne signifie pas forcément qu’il s’agit d’un projet collectif, ni, si c’est malgré tout le cas, qu’il existera des espaces partagés mis en commun dans le projet. Si l’autogestion fait partie de l’essence même de ces projets ascendants où les habitants veulent garder la main sur leur lieu de vie, une différence majeure se situe au niveau de la propriété. Une opération bottom-up peut ainsi déboucher sur une propriété collective, ou bien sur de l’accession à la propriété, chacun est alors individuellement propriétaire de son logement, même si une association peut être crée pour assurer la gestion du lieu. C’est en général le schéma choisi majoritairement dans le cas des opérations mises en place par des acteurs institutionnels, ou opérations top-down. La coopérative d’habitants, remise en question de la propriété Une opération bottom-up peut cependant aussi être mue par la volonté de révolutionner le système classique d’accession à la propriété. Revendiquant le « droit à habiter », certains groupes d’habitants, dans un souci de se positionner efficacement contre la spéculation immobilière souhaitent adopter le statut de coopérative d’habitants. Dans ce cas, la propriété n’est plus individuelle mais collective. La coopérative est propriétaire de l’opération, et les habitants sont locataires de cette coopérative à laquelle ils versent un loyer ou redevance et ne 49

Les 40 ans du Mouvement de l’Habitat Groupé Autogéré (MGHA), Publié par La Coordin’action des associations, 2017, URL : https://www.habitatparticipatif.eu/40-ans-mouvement-de-lhabitat-groupe-autogeremhga/ 50 DEVAUX Camille. L’habitat participatif : vers la démocratisation de la production du logement ?. Lien social et Politiques, Anjou, Québec : Éd. Saint-Martin ; Rennes : Presses de l’EHESP, 2015, pp.157-175. p158 51 Ibid

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sont propriétaires que de parts sociales faisant d’eux des associés de cette société coopérative. Ces parts sont les seules que l’on puisse récupérer si l’on venait à quitter le logement que l’on occupe. La coopérative rachète alors les parts du coopérateur, selon un montant fixé à l’avance et indexé sur le coût de la construction. La coopérative cherche ensuite un nouveau coopérateur qui signera la même charte des valeurs que les autres. La coopérative d’habitants souhaite développer un projet dont les fondements sont pérennes. La charte et le principe de propriété collective en sont les garde-fous. Ce positionnement est celui de la coopérative d’habitants qui porte le projet de H’Nord, à Bordeaux. « Gérer en collectif, en démocratie directe, notre habitat commun » (Habitant et coopérateur du Village Vertical, à Villeurbanne)

Pour résumer, la coopérative d’habitants promeut les valeurs suivantes : démocratie participative, selon le principe « un citoyen = une voix » quel que soit le nombre de parts acquises, une propriété collective, et un positionnement en opposition avec le système classique permettant la spéculation immobilière.

Figure 12. Les principes de la coopérative d’habitants Source : Camille Devaux, 2011 52

Le statut de coopérative a été permis par la loi ALUR de 2014. L’existence de ce statut juridique, désormais reconnu, permet de faciliter les démarches des habitants qui voudraient monter un projet selon ce mode. Avant la promulgation de la loi ALUR, le groupe de H’Nord, à Bordeaux, avait dû adopter le statut de Société par Actions Simplifiées à capital variable pour monter son projet. Depuis, la coopérative a été créée avec les ménages déjà engagés dans le projet, qui ont alors pu commencer à verser les premières parts sociales. Art. L. 200-2.-Sans préjudice des autres formes juridiques prévues par la loi, les sociétés d'habitat participatif peuvent se constituer sous la forme de coopératives d'habitants ou de sociétés d'attribution et d'autopromotion, définies aux chapitres Ier et II du présent titre. (Article 47 de la loi ALUR) 52

(Publié par) L’Union Sociale Pour l’Habitat et la Fédération Nationale des Sociétés coopératives HLM, Accompagner les projets d’habitat participatif et coopératif, rédigé par Camille Devaux, Février 2011.

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Cette reconnaissance législative représente une véritable avancée pour le mouvement des coopératives d’habitants, dont le statut juridique avait été aboli en juillet 1971 par la loi Chalandon, qui ne laissait alors le choix qu’entre la propriété et la location. Il reste cependant encore beaucoup à faire pour créer un cadre dans lequel elles puissent se développer aisément. (Nous renvoyons au Chapitre 8. Section 2. Un cadre juridique et des montages pas encore adaptés à la coopérative d’habitants)

« C’est de pouvoir être acteur de la construction, ce n’est pas SA maison individuelle, là on construit LE COLLECTIF […] Je trouve que H’Nord est une manière de résister. […] La pression foncière est là, les loyers sont chers, donc c’est une solution intéressante, la coopérative d’habitants. […] Un projet différent des copropriétés qu’on peut voir, où souvent, entre voisins, on se connait mal » (Propos rassemblés de coopérateurs du projet H’Nord)

53

Des projets de type « Bottom-up » en recherche de partenariat avec les collectivités et les organismes HLM.

Des groupes d’habitants porteurs de projet peuvent solliciter la collectivité pour un soutien politique et/ou un accès facilité à du foncier, à un coût maîtrisé. (Nous renvoyons au Chapitre 6. Section 1. La question du foncier) C’est justement la difficulté principale à laquelle se heurtent souvent les projets portés par un groupe déjà formé qui souhaite à juste titre choisir le terrain sur lequel il va monter son opération mais ne peut, le plus souvent, pas faire preuve d’une réactivité suffisante dans l’acquisition des terrains. En effet, leur dossier doit être étudié en amont pour déterminer leurs capacités de financement, mais cela arrive parfois trop tard et le foncier s’échappe, au profit d’un acheteur plus rapide. La collectivité peut également leur apporter une aide financière par le biais de subventions, ou une aide technique dans le montage du projet, tout comme peut le faire un organisme HLM. L’association avec ce dernier peut également aider le groupe à obtenir un terrain à un prix minoré et/ou maintenu sur une certaine période, du fait de l’objectif de mixité sociale poursuivi tant par cet organisme que par le groupe d’habitant. L’organisme HLM représente également une sécurité pour les banques, les assurances et les collectivités sur le portage du projet à son terme, dans sa réalisation et dans son aspect financier, mais aussi en termes de rachat ou de relogement (garanties propres aux organismes HLM). Dans ce cas, la maîtrise d’ouvrage est collective entre les collectivités, l’organisme HLM et les habitants, selon des degrés plus ou moins importants, définis dans un contrat de partenariat entre les parties. (Nous renvoyons au Chapitre 4. Section 3. Compétences sollicitées dans les projets d’habitat participatif) Ce type de projet se rapproche du modèle semi-public schématisé dans un premier guide traitant de l’accompagnement des projets d’habitat participatif et coopératif, publié par l’Union Sociale pour l’Habitat et la Fédération Nationale des Sociétés coopératives HLM, en 2011.

53

Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux, Réalisation Catherine Busch, Images JM Vidéo, Vidéo de présentation, publiée le 4 janvier 2018. URL : https://vimeo.com/249637216

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Figure 13. Montage de type « bottom-up » 54

Des projets de type « Top-down » initiés par un partenariat entre collectivité et organisme HLM, à la recherche d’habitants Le montage de ce type de projets descendants se rapproche de certains schémas produits par Camille Devaux dans le guide évoqué précédemment. Cependant dans le cas d’espèce, ils sont quelque peu différents dans la mesure où ces schémas ont été produits il y a sept ans. Il y a aujourd’hui un nombre important de projets d’habitat participatif qui émergent à l’initiative d’organismes HLM, souvent en partenariat avec une collectivité, notamment pour désigner un foncier. L’enjeu de ces projets top-down est de constituer un groupe d’habitants au fur et à mesure du projet. Pour aider à la constitution de ce groupe et à la formalisation de son projet de vie, il est fréquemment fait appel à une équipe d’Assistance à Maîtrise d’Usage qui accompagnera le groupe tout au long du projet et fera le lien entre celui-ci et les parties prenantes initiatrices du projet. Le groupe se constitue avec l’aide de l’AMU et définit un programme sur la base d’un cahier des charges et d’une charte. L’architecte peut être désigné en amont ou bien être choisi par le groupe d’habitants, avec une présélection effectuée par l’organisme HLM et la collectivité. Démarre alors la phase de co-conception avec les habitants. Le groupe prend ensuite un statut juridique parallèle à la copropriété (association …). Enfin, le groupe d’habitants gère son lieu de vie dans lequel il est propriétaire ou locataire, selon différents modes. L’organisme HLM peut éventuellement rester présent à cette phase (Nous renvoyons au Chapitre 4. Section 3. Compétences sollicitées dans les projets d’habitat participatif, et au Chapitre 6. Section 6. L’organisme HLM, un acteur qui évolue) 54

Op.Cit. Accompagner les projets d’habitat participatif et coopératif, p.46.

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▌Section 2. Structuration en réseau des acteurs, se regrouper pour résonner Bien que l’habitat participatif reste une fraction minoritaire de la production de logements en France, les projets, aux montages et statuts juridiques variés, se multiplient. Il devient alors nécessaire de s’organiser au niveau national et local et de créer des réseaux d’acteurs pour rendre le mouvement visible et échanger les expériences. On compte en effet à ce jour environ 600 projets d’habitat participatif au sens large sur le territoire en recoupant les bases de données de différents réseaux.

Bleu : Réflexion collective initiale Rouge : Etudes Orange : Travaux Vert : Projet abouti Figure 14. Etat des lieux des projets d’habitat participatif en France Source : www.basededonnees-habitatparticipatif-oasis.fr

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■ Le Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif (RNCHP) 55

Ce réseau a été créé en 2010 (structuré en association en 2014) pour permettre les échanges d’expériences entre les collectivités engagées activement dans cette démarche. Il est « un outil engagé pour faire de l’habitat participatif une composante des politiques publiques, mais aussi un levier d’interpellation nationale ». Il compte à ce jour plus de trente collectivités membres ou associées (communes, intercommunalité, départements, régions, Parc Naturel Régional) parmi lesquelles la ville de Bègles, et Bordeaux Métropole. Ce réseau regroupe les collectivités déjà engagées, mais soutient également les collectivités souhaitant développer des projets d’habitat participatif sur leur territoire. Il donne également une visibilité aux projets réalisés au niveau national. ■ Le Réseau national des Acteurs professionnels de l’Habitat Participatif (RAHP) 56

Ce réseau créé en 2010 rassemble les professionnels de l’accompagnement de projets d’habitat participatif. L’apparition de ce nouveau type d’expertise professionnalisée et son organisation au niveau national cristallise l’importance de l’enjeu sociétal que représente l’habitat participatif. Ce réseau vise à valoriser une profession souvent indispensable dans ce type de projets (même si le recours à un accompagnateur n’est pas toujours une condition sine qua non à son succès) et cherche à développer la coopération et les échanges entre les différents acteurs. Le réseau s’engage également à garantir et soutenir la place des habitants dans les phases de programmation et de conception, base de l’habitat participatif. ■ Le Réseau National des Architectes en matière d’Habitat Participatif (RNAHP) 57

Ce réseau, né en 2015 met en relation les architectes engagés dans l’habitat participatif sous la forme d’une plateforme collaborative, indépendante, non hiérarchisée et sans but 55

http://www.rnchp.fr www.rahp.fr 57 http://rnahp.over-blog.com 56

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lucratif, sur laquelle les membres peuvent partager leurs outils, méthodes et expériences, pour renouveler les pratiques professionnelles. ■ La Coordin’action des associations de l’habitat participatif 58

Ce réseau est né dès 2010 à l’occasion de la première Rencontre Nationale de l’Habitat Participatif à Strasbourg, et a été créé juridiquement en 2013. Il rassemble 14 associations dont le but est de développer et maintenir la dynamique d’un mouvement des collectifs d’habitants en France, afin de favoriser l’inscription de l’habitat participatif dans les politiques publiques du logement en lui donnant plus de visibilité. La Coordin’action a notamment participé à la rédaction de l’article de la loi ALUR concernant l’habitat participatif. Ce réseau vise à mutualiser les connaissances et les expériences afin de développer des montages et modèles financiers et juridiques permettant le développement de l’habitat participatif, en France et en Europe. La Coordin’action a d’ailleurs publié le Livre Blanc pour l’habitat participatif en 2011, qui a été distribué à l’ensemble des acteurs. C’est la Coordin’action qui organise tous les deux ans les Rencontres Nationales pour l’Habitat Participatif, dont la prochaine édition se déroulera à Nantes, du 5 au 7 juillet 2018 et qui abordera les thèmes suivants : Vieillir autrement en habitat participatif L’habitat participatif, outil de transformation sociale au service de la transition Les coopératives d’habitants contre la spéculation immobilière L’habitat participatif, une voie de mixité sociale dans les quartiers politiques de la ville Quels leviers financiers pour les projets d’habitat participatif ? 59 Coopérer avec les élus pour davantage d’habitats participatifs et écologiques

■ Fédération Française des coopératives d’habitants (Habicoop) 60

Habicoop est une association lyonnaise fondée en novembre 2005. Cette association est née de la démarche d’une conseillère régionale, du président de la Nef, coopérative financière soutenant des projets d’utilité sociale écologique et/ou culturelle de deux 58

http://www.habitatparticipatif.eu/ www.acteursdelhabitat.com/Rencontres-Nationales-de-l-Habitat 60 http://www.habicoop.fr 59

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architectes et d’un chargé de projet dans les énergies renouvelables. Ils avaient eu l’occasion de visiter des coopératives d’habitants en Suisse, en Allemagne (comme le quartier Vauban à Fribourg 61), puis plus tard au Québec 62. A l’appui de ces expériences, l’association a cherché à initier l’habitat coopératif sous forme de coopérative d’habitants en France. Le premier accompagnement de l’association a été celui du Village Vertical, à Villeurbanne initié en 2005, accompagné par Habicoop ainsi que par une coopérative HLM, et achevé en 2013. L’association a développé l’accompagnement de ce projet et son montage juridique, financier et partenarial, en essayant de construire un modèle qui serait reproductible pour accompagner des projets en coopérative d’habitants futurs, dont elle cherche à démontrer l’utilité sociale dans l’intérêt général. Habicoop représente dès lors les coopératives d’habitants au niveau national auprès des pouvoirs publics et soutient les projets en cours et le développement de structures locales. ■ L’Union Sociale pour l’habitat et la Fédération des coopératives HLM (Coop’HLM)

L’Union Sociale pour l’Habitat (USH) est la structure nationale regroupant les différentes fédérations d’organismes HLM. Parmi elles on retrouve la Fédération nationale des coopératives HLM (Les Coop’HLM) particulièrement engagée dans l’habitat participatif. L’USH et les Coop’HLM marquent leur engagement dans le mouvement de l’habitat participatif par leur présence lors de rencontres au niveau national, par le financement ou la publication d’études sur le rôle des organismes HLM dans l’habitat participatif et leurs modalités d’engagement, ceci afin d’encourager les organismes HLM à se lancer dans cette voie.

►Réseau d’acteurs locaux, zoom sur Bordeaux

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Le quartier Vauban, aujourd’hui véritable vitrine européenne des écoquartiers a été conçu par un ensemble de Baugruppen ou communautés de constructions soucieuses de construire leur logement sans passer par un promoteur, et est exemplaire dans l’optimisation énergétique de ses bâtiments mais aussi dans sa gestion de l’eau, des déchets et des circulations sur le site. Le projet s’est achevé à la fin des années 90. 62 Au Québec, les opérations de coopératives d’habitants sont soutenues par des GRT (Groupe de Ressources Techniques), équivalents des Assistants à Maitrise d’Ouvrage en France. Ils apportent un soutien technique, juridique et financier au montage d’opérations immobilières, ainsi que de gestion ultérieure une fois le projet immobilier achevé.

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■ Habitat Participatif Nouvelle Aquitaine (HAPANA)

HA-PA-NA est une association créée en 2016 et dont la vocation est de promouvoir l’habitat participatif en Nouvelle Aquitaine. Pour cela elle organise ou participe à des évènements, des ateliers (à la Maison Ecocitoyenne de Bordeaux), des rencontres, et bientôt une exposition itinérante. Elle propose également un site internet définissant l’habitat participatif, ses actions et offres de services, une cartographie des différents projets dans la région, et un listing des acteurs. Enfin, l’association propose des formations pour les différents acteurs professionnels et institutionnels, et pour les groupes habitants avant qu’ils n’aient choisi leur statut. Cependant il faut bien avoir à l’esprit qu’HA-PA-NA est une structure d’aide à l’émergence, mais n’a pas vocation à accompagner les groupes dans leur projet d’habitat participatif. Elle peut par contre orienter les groupes vers les professionnels les plus adaptés à leur projet, parmi lesquels les maîtres d’œuvre, maîtres d’ouvrages sociaux et accompagnateurs. ■ ACAtryo

A propos des cas qui nous intéresseront par la suite, nous pouvons citer ACAtryo, structure d’accompagnement proposant une mission d’Assistance à la Maîtrise d’Usage, rassemblant A-Collectif 63 et CAMINO 64, respectivement créées en 2014 par Guillemette de Monteil, architecte, et en 2013 par Isabelle Foret Pougnet, urbaniste. Ces deux structures bordelaises se sont associées à A-Tipic 65, basée en Seine-Saint-Denis et créée en 2012 par Ingrid Avot, architecte de formation, basée quant à elle à la Rochelle. ■ L’atelier des coopératives d’habitants (At’coop)

At’coop est née en 2014 des projets en coopérative d’habitants de Bordeaux Métropole (H’Nord, Boboyaka, L’Sud…) et représente localement la fédération française des coopératives d’habitants Habicoop. Elle promeut, sensibilise et accompagne l’émergence des coopératives d’habitants, propose des formations pour les habitants, étudiants etc., aide à la structuration des projets, et propose un accompagnement jusqu’à l’entrée dans les lieux. 63

https://acollectif.wordpress.com/ http://www.coopalpha.coop/entreprise/camino 65 https://www.a-tipic.com/book-online 64

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▌Section 3. Positionnement de la métropole bordelaise Un projet pionnier en matière d’habitat coopératif a vu le jour en 2006 à Bordeaux : le projet H’Nord, porté par un groupe de citoyens qui souhaitaient définir et construire leur lieu de vie ensemble. Le groupe a manifesté très tôt et de manière régulière auprès de la collectivité sa volonté de s’établir dans le centre-ville et a fait valoir son inscription dans les principes de la loi SRU et dans le programme du PLH et du PLU. En 2008, la municipalité Bordelaise, représentée par Mr Juppé, a offert la possibilité d’organiser la 3e Rencontre Nationale des Coopératives d’Habitants en son sein, marquant ainsi son soutien à cette initiative en offrant à H’Nord un espace d’expression et une visibilité. Le 24 novembre 2011 Bordeaux a signé, avec d’autres collectivités, une charte d’orientation en vue de développer l’habitat participatif en l’intégrant aux politiques du logement et du développement urbain. Cette charte crée le premier réseau des collectivités en faveur de l’habitat participatif, qui deviendra le RNCHP proprement dit en 2014. Alain Jund, adjoint chargé de l’urbanisme auprès du maire de Strasbourg, devenu depuis président du RNCHP, souligne que « la signature de cette charte est un moment politique. A travers elle, l’habitat participatif entre dans la sphère politique. » 66 Le 17 novembre 2014, Bordeaux lance le Pacte de Cohésion sociale et territoriale qui définit plusieurs domaines prioritaires. Il y est inscrit une volonté de « soutenir toutes les formes d’habitat partagé et aider chaque personne à bien vivre dans son logement », « contribuer à la transition énergétique et écologique » ainsi que « lutter contre la solitude des séniors » 67. A l’aune de ces axes, Bordeaux souligne qu’il souhaite soutenir le développement de l’habitat participatif. La Communauté Urbaine de Bordeaux a, en effet, vu se développer deux autres projets bottom-up sur son territoire : celui des Boboyakas, habitat partagé par des séniors et celui de Sarah (Habitat pour Actifs et Retraités Autonomes et Solidaires), où les séniors proposeront une chambre d’étudiant dans leurs logements. La Ruche, premier projet top-down, a démarré en 2012, porté par la Communauté Urbaine de Bordeaux, la Ville de Bègles et Axanis (société coopérative HLM). En 2014, Bordeaux fait officiellement partie du Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif, et la loi ALUR est promulguée, reconnaissant l’habitat participatif et les statuts des coopératives d’habitants et des sociétés d’attribution et d’autopromotion. En 2016, Bordeaux Métropole révise son PLU, et y intègre le Programme Local de l’Habitat, qui devient Programme d’Orientations et d’Actions / Habitat, dans lequel il est inscrit que Bordeaux Métropole « souhaite favoriser l’innovation et l’expérimentation » et « s’attachera à promouvoir l’habitat participatif, notamment lorsque celui-ci permettra la reconquête ou la requalification d’un patrimoine ancien dégradé, ou aura des préoccupations de diversité sociale et/ou générationnelle, ou de performance énergétique ». 68 Cette année-là, un poste de chargé de mission dédié à l’habitat participatif est créé à Bordeaux Métropole. Cette personne devient le référent technique lors de rencontres nationales. 66

L’habitat participatif a son réseau de collectivités, Publié par La Banque des Territoires, groupe Caisse des Dépôts, par Jean-Noël ESCUDIE, 25 novembre 2011, URL : https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer?pagename=Localtis/LOCActu/ArticleActualite&c id=1250262796502 67 http://www.bordeaux.fr/p84376/pacte-de-cohesion-sociale-et-territoriale 68 PLU 3.1 Bordeaux Métropole, point 3 POA, URL : http://fichiers.bordeauxmetropole.fr/plu/PLU31_interactif/plu31.html

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Pour autant, Bordeaux intègre-t-elle réellement l’habitat participatif à sa politique locale au-delà d’une inscription dans le POA et de ce poste créé ? Le 27 octobre 2016, Camille Devaux publiait un article intitulé : Habitat participatif et politiques de l’habitat : un mariage par intérêt ? Dans cet écrit elle dressait un panorama de l’engagement de certaines villes françaises allant de la collectivité facilitatrice, à celle faisant reposer les opérations sur des tiers. Elle situait alors Bordeaux dans cette dernière catégorie : D’autres collectivités, enfin, ne cherchent pas à affirmer leur engagement en faveur de l’habitat participatif mais cela n’empêche pas que des initiatives se développent. Ces initiatives sont le plus souvent portées par des organismes HLM ou des promoteurs sociaux qui identifient un foncier et suscitent la constitution d’un groupe d’habitants intéressés par l’habitat participatif, directement ou en mobilisant un accompagnateur. La ville de Bordeaux ou encore celle de Rennes sont dans ce cas. Dans ces deux villes qui n’ont pas mis en avant d’initiatives municipales ou métropolitaines dans ce domaine, des associations se mobilisent fortement et de longue date. Ce sont les opérateurs sociaux (Axanis et le Comité Ouvrier du Logement-COL à Bordeaux, la Coop de Construction à Rennes) qui initient et portent les démarches. Cette présence des organismes HLM sur ces territoires fait plus largement écho à un engagement croissant de la part de ces acteurs qui voient dans l’habitat participatif une façon de renouveler leurs pratiques de gestion et leurs rapports aux habitants. 69

Il est vrai qu’aujourd’hui encore ce sont surtout les organismes HLM cités qui marquent de manière très affirmée leur volonté de développer l’habitat participatif, voire ont des objectifs en la matière (au moins une opération de ce type par commune de la métropole pour Axanis). Cependant Bordeaux Métropole tend à évoluer, et certaines des communes constituant la métropole marquent leur engagement dans ce mode d’habitat (Bégles ou Talence par exemple) même si cette volonté n’est pas uniforme sur son territoire et peut varier en fonction des changements de majorité. « Un habitat participatif, ce n’est pas seulement un habitat, c’est bien plus. C’est d’abord un ensemble de personnes qui se disent : ‘’notre vie ne s’arrête pas aux murs du logement mais est aussi dans l’immeuble, dans le cœur d’ilot, dans l’habitat plus généralement’’. Ça montre bien que ce sont des personnes qui favorisent le lien social, et donc à nous de favoriser ce lien social via ces projets ». (Solène Coucaud-Chazal, Conseillère municipale de Bordeaux) 70

Pour le moment, l’habitat participatif ne fait pas réellement partie d’un projet de plus grande ampleur dans les politiques locales de Bordeaux Métropole, qui juge encore le nombre de logements produits sous cette forme encore trop mince par rapport à la production classique, même si elle en reconnait l’intérêt dans les valeurs que l’habitat participatif insuffle dans d’autres projets. Bordeaux Métropole soutient les projets de ce type »‘principalement au regard de leur accessibilité financière », et voit de l’intérêt dans la participation citoyenne qu’ils mobilisent ainsi que dans la conception d’espaces partagés qui seront « bien utilisés » et créeront « du 69

DEVAUX Camille, Habitat participatif et politiques de l’habitat : un mariage par intérêt ?. Revue française des affaires sociales, La documentation française, 2016, Trajectoires résidentielles. Politique du logement : années 2000, 3 (7), pp.151-174. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01388764/document , p. 16 du pdf.. 70 Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux, Réalisation Catherine Busch, Images JM Vidéo, Vidéo de présentation, publiée le 4 janvier 2018. URL : https://vimeo.com/249637216

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lien à l’échelle du quartier ». La Métropole fournit différentes aides, qui représentent davantage un soutien aux projets qu’une impulsion pour développer de l’habitat participatif, et reste prudente sur le fait que l’habitat participatif pourrait devenir une « troisième voie », ceci en raison de sa complexité. « La Métropole a envie de le développer, les municipalités aussi, mais ça ne deviendra pas un mode récurrent. A voir au niveau politique si c’est une mode ou si ça va s’inscrire un peu plus dans la durée. […] On sent que toutes les villes ont envie d’avoir dans leur CV au moins une opération d’habitat participatif. Est-ce que ça basculera sur une façon récurrente de produire du logement ? » (Organisme HLM Responsable d’opérations, avril 2018)

Si d’autres collectivités françaises à la politique davantage volontariste ont déjà mis en place plusieurs outils (appels d’offres, pourcentage réservé à l’habitat participatif dans les opérations de ZAC, intégration de l’autoconstruction comme outil de réinsertion professionnelle, etc.) 71, Bordeaux commence seulement à les développer. A titre d’exemple, la Fabrique de Bordeaux Métropole (la FAB) a lancé un appel d’offre pour un projet à Pessac Haut-Lévêque et a choisi un maître d’ouvrage pour développer une opération de type topdown dont on ne connaît pas encore les contours. Cela a, cependant, été l’occasion de présenter l’habitat participatif aux personnes travaillant dans cette structure. Autre exemple, l’intégration d’habitat participatif au sein de la ZAC Bastide-Niel est envisagée par la Société par Actions Simplifiée d’aménagement Bastide-Niel, Domofrance et Aquitanis, mais il n’y a actuellement pas d’objectif en termes de pourcentage d’habitat participatif. Il n’est pour le moment pas encore question de faire un appel d’offre à destination de groupes auto-constitués dont certains sont pourtant en recherche de foncier sur le territoire de la métropole. Notre méconnaissance de l’ensemble des tenants et aboutissants qui amènent à cette absence ne nous permet pas de porter un quelconque jugement. On constate néanmoins une diffusion du sujet auprès des différents services intervenant de près ou de loin sur des opérations d’habitat participatif. S’agissant de la promotion de l’habitat participatif auprès des habitants et des professionnels, Bordeaux Métropole remet plutôt cette tâche entre les mains des organismes HLM et des associations actives sur son périmètre élargi (HA-PA-NA, At’Coop…). Il serait peut-être souhaitable afin que les initiatives se développent, que Bordeaux Métropole soit davantage actrice au sein des projets, dépassant ainsi son seul rôle de soutien pour travailler avec les différents acteurs sur les montages juridiques et financiers. C’est peutêtre l’impulsion des sollicitations régulières pour différents projets qui a amené Bordeaux Métropole à s’impliquer davantage dans les projets, mais le développement et la diversification de l’habitat participatif gagneraient à compter la Métropole parmi les acteurs actifs qui l’impulsent.

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Op. Cit. DEVAUX C., Habitat participatif et politiques de l’habitat : un mariage par intérêt ?, p.13 à 15.

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▌Section 4. Etat des lieux des projets d’habitat participatif sur le territoire métropolitain bordelais

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Source : élaboration personnelle à partir d’information collectées auprès d’acteurs ou sur les sites internet des projets ou de HA-PA-NA 52


█ Partie II. L’organisme HLM, un acteur qui tend à s’imposer dans un processus technique complexe ▌Chapritre 3. Organisme HLM et production de logement. ▌Section 1. Etat français et production de logement social Logements sociaux et quotas SRU La loi SRU aujourd’hui renforcée porte à 25% la proportion de logement social dans les principales communes, ce qui peut conduire les collectivités à se focaliser sur ces quotas à respecter sous peine d’amendes importantes. Si elles ne respectent pas ces quotas mais que les communes sont volontaires dans les démarches mises en œuvre pour atteindre ce pourcentage, elles peuvent voir leur prélèvement réduit ou annulé, du fait des dépenses dévolues au développement du logement social dans la commune : achat de terrains pour le logement social, constructions en cours etc. Les communes qui ignorent volontairement la loi pourraient voir leur amende majorée de 400%.

Figure 15. Bordeaux et obligations SRU, Source : http://www.transparence-logement-social.gouv.fr 53


Malgré un positionnement en faveur du logement social afin de pallier cette crise du logement, les politiques nationales n’intègrent pas dans les quotas l’accession sociale à la propriété. Cette accession sociale à la propriété (dans la forme du PSLA), bien qu’elle puisse être précédée d’une période de location 72, ne rentre pas dans les quotas. La raison évoquée est que « les ménages se tournent davantage vers le parc locatif lorsqu’ils recherchent un premier logement », il faut donc « développer prioritairement l’offre locative sociale ». Le gouvernement ne nie cependant pas le rôle de l’accession sociale dans les parcours résidentiels de ménages issus du parc locatif, et s’il ne plébiscite pas encore l’accession à la propriété, un premier pas a été fait en 2006 avec la loi portant Engagement National pour le Logement 73 en considérant qu’un logement social vendu à ses occupants fait partie des quotas pendant les cinq années suivantes : « Sont assimilés aux logements sociaux visés à l'article L. 302-5 du présent code pendant cinq ans à compter de leur vente, les logements vendus à partir du 1er juillet 2006 à leurs locataires, en application de l'article L. 443-7 » (art. L. 443-15-7 du CCH)

Les locataires du parc social n’accèdent cependant pas à la propriété uniquement en achetant le logement qu’ils occupent, ils peuvent passer par l’accession sociale à la propriété, souvent par le biais des opérations menées par l’organisme HLM dont ils dépendent ou par une filiale de celui–ci. Le Comité Ouvrier du Logement, société coopérative HLM, exerce une activité de bailleur social d’une part et mène des opérations d’accession sociale à la propriété d’autre part. Il estime à 1/3 le nombre d’accédants issus du parc social, du COL ou d’ailleurs. Ce passage du locatif à l’accession en dehors du logement occupé par le locataire permet de faire avancer le ménage dans son parcours résidentiel mais aussi de libérer du locatif dans le parc social, ce qui représente un intérêt certain dans les communes qui en manquent.

Aperçu du fonctionnement français en matière de logement social

Les bailleurs sociaux sont des constructeurs répondant à une mission d’intérêt général : loger des ménages aux revenus modestes, en accession ou en location, auquel cas ils louent, à loyers modérés, les biens immobiliers dont ils sont propriétaires, dans un souci de mixité sociale à l’échelle de la ville. Ils disposent d’un agrément au titre du service d’intérêt général. Ils peuvent construire, acquérir, rénover des logements et assurent l’attribution puis la gestion des logements locatifs (entretien, réparations, relations avec les locataires etc.) et les cèdent parfois. Ils peuvent aussi procéder depuis 1984 à des opérations d’accession sociale à la propriété par le biais de contrats location-accession, pour les ménages aux revenus sous plafonds de ressources définis. Les bailleurs sociaux peuvent, afin de mener à bien leur mission d’intérêt général, toucher certaines subventions ou aides fiscales : 72

dans le cadre du Prêt Social Location Accession PSLA détaillé au point II) A) 3) Accession à la propriété et organisme HLM : quels modes d’accession peuvent être envisagés ?. 73 Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL)

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Subvention des collectivités locales et de l’Etat au titre de l’aide à la pierre Déduction de TVA sur la construction, exonération de taxe foncière, Prêts à taux réduit de la Caisse des Dépôts et Consignation (indexés sur le livret A : ce sont les engagements des bailleurs qui permettent de garantir les intérêts 74 produits par le livret A)

Pour prétendre à un logement social, il faut tout d’abord en faire la demande et constituer un dossier pour démontrer que le ménage répond à un certain nombre de critères ; notamment la composition du ménage et le niveau de ressources du foyer qui déterminera le montant du loyer (60% de la population est éligible au logement social 75). Le dossier passera ensuite en commission d’attribution (CAL), composée de représentants du bailleur, (y compris un représentant de ses locataires), un représentant de la mairie où se trouve le logement et un représentant de l’Etat 76 pour l’obtention d’un logement correspondant. Lorsque le bailleur construit il peut bénéficier d’aides et de prêts de l’Etat en fonction des caractéristiques des logements envisagés. Cette aide est la conséquence de la signature d’une convention entre le bailleur social et l’état : la convention APL (Aide Personnelle au Logement), qui déclenche également les aides perçues par le locataire. Ces aides permettent aux bailleurs sociaux de proposer des logements aux loyers deux à trois fois moins chers que dans le marché privé. Il existe trois catégories de logements sociaux dépendants de trois prêts d’Etats aux niveaux différents, et proportionnels aux revenus des ménages qui vont les occuper : •

Le PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) réservé aux personnes en situation de grande précarité qui cumulent des difficultés sociales et économiques. Les loyers sont compris entre 4,56 euros/m2 et 5,97 euros/m2 selon les régions.

Le PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) correspond aux HLM traditionnelles. Les loyers sont compris entre 5,14 euros/m2 et 6,70 euros/m2 selon les zones. Plus de 80 % des logements sociaux sont régis par ce plafond de loyer et de ressources.

Le PLS (Prêt Locatif Social) finance des logements situés en priorité dans les zones dont le marché immobilier est le plus tendu. Les loyers sont compris entre 7,71 euros/m2 et 13,07 euros/m2.

74

Le rôle du bailleur social, CCVG, URL : https://www.ccvalleedugaron.com/Le-role-du-bailleursocial_a57.html 75 Comment sont attribués les logements sociaux ?, Ministère de la Cohésion des Territoires, mis à jour le 16 mars 2017. URL : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/comment-sont-attribues-les-logements-sociaux 76 Op. Cit., Comment sont attribués les logements sociaux ? MCT.

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77

Les bailleurs sociaux sont de deux types : Organismes publics ou Organismes sociaux privés. Les premiers peuvent être des Offices Publics de l’habitat (OPH) et sont rattachés à une collectivité ou bien des Sociétés d’Economie Mixte (SEM) pouvant prendre le rôle d’un bailleur social si elles bénéficient d’un agrément. Les seconds peuvent être des Entreprises Sociales pour l’Habitat (ESH) ou des coopératives HLM. Il existe aussi des Sociétés Anonymes Coopératives d’Intérêt Collectif pour l’Accession à la Propriété (SACICAP), pour aider des ménages sous plafond de ressources du prêt à Taux Zéro à accéder à la propriété ou réaliser des opérations de construction ou de rénovation pour favoriser la mixité sociale. Les propriétaires privés peuvent également jouer le rôle de bailleur social en proposant des biens immobiliers privés en location maîtrisée en contrepartie d’aides de l’Etat (par le biais de l’Agence Nationale de l’Habitat ANAH). L’état procure également des aides aux primo-accédants, et aux ménages aux revenus modestes souhaitant accéder à la propriété, sous forme de prêt : Prêt à Taux Zéro (PTZ), Prêt d’Accession Sociale, Prêt Social de Location-Accession (PSLA).

77

Qu’est-ce qu’un logement social ?, Publié par le Ministère de la Cohésion des Territoires, Avril 2016, URL : www.cohesion-territoires.gouv.fr/qu-est-ce-qu-un-logement-social

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▌Section 2. Propriété et organismes HLM : quels modes d’accession peuvent être envisagés pour l’habitat participatif ? Le portage d’une opération par un organisme HLM permet à certains ménages d’avoir accès à des aides au logement auxquelles ils ne pourraient prétendre en faisant une promotion immobilière privée. Il faut savoir qu’en réalité 80% de la population est éligible à l’accession sociale.

Figure 16. Deux types d’accession à la propriété proposés par Axanis pour un projet d’habitat participatif de type top-down Source : ACAtryo

Pour développer un projet d’habitat participatif en accession sociale, l’organisme HLM doit pouvoir acquérir le foncier à un prix inférieur à celui du marché. L’estimation de celui-ci est réalisée par France Domaine. L’organisme peut bénéficier selon les termes du contrat d’une décote par rapport à cette estimation (qui intègre d’éventuels travaux de démolition et de réfection des aménagements périphériques) sur les logements en Prêt Social Location Accession (PSLA) et les logements en accession maîtrisée. Cette décote doit se répercuter sur le prix de vente du logement qui ne doit pas dépasser un certain prix déterminé dans le contrat engageant les parties. Plusieurs modes d’accession peuvent donc être envisagés en fonction des capacités de financement du futur accédant. ▪ L’accession libre Tout d’abord il peut s’agir d’une accession libre pour les ménages dont les revenus se situent au-dessus du plafond de ressources permettant l’usage de dispositifs sociaux pour l’accession à la propriété.

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Pour les projets de la Ruche et de la Médoquine, cette accession libre prend la forme d’un acte de Vente en l’Etat Final d’Achèvement (VEFA). Axanis est la société coopérative de production HLM qui accompagne ces deux projets. Selon le fonctionnement classique d’une société coopérative, tous les ménages qui acquièrent un logement deviennent coopérateurs de celle-ci. La première étape de l’engagement des ménages est en premier lieu l’étude de leur dossier de financement, qui va leur permettre de déterminer le nombre de m² auxquels ils sont éligibles ainsi que leur capacité d’endettement. A la réception de ce dossier qui valide leur participation, les ménages signent un bon de réservation, qui s’accompagne de l’acquisition d’une part sociale de la société coopérative (ici Axanis). Pour exemple, dans le cas du projet en cours à la Médoquine, la part sociale demandée s’élève à 16€. Ce premier engagement des ménages dans le projet n’est, à ce stade, que symbolique. L’engagement réel n’arrive, quant à lui, qu’à un stade plus avancé du projet, lorsque s’achève la phase de conception et démarre la phase de construction. Il prend corps au travers d’un contrat de réservation, qu’il s’agisse d’une accession libre en VEFA ou d’une locationaccession avec l’accès à un Prêt Social Location Accession (nous en approfondirons les modalités en suivant). Ce contrat s’accompagne d’un dépôt de garantie qui engage le ménage à hauteur de 2% du prix du bien. Dans le cas d’une VEFA, il y a un système d’appel de fonds progressif en plusieurs étapes au fur et à mesure de l’avancée des travaux. Au commencement des travaux, le ménage demande son offre de prêt à la banque, ensuite envoyée au notaire. Le futur propriétaire reçoit dès lors son prêt et verse les sommes demandées au fur et à mesure de l’avancée des travaux. L’avantage des opérations d’habitat participatif est de pouvoir acquérir une petite partie de son futur bien plus tôt que lors d’un projet classique. En effet dans le cas habituel, le contrat de réservation ne peut être signé par les clients que lorsque le Permis de Construire est obtenu et purgé de tous recours. Cela permet de réduire les délais et participe à maintenir le calendrier de l’opération, tout en entretenant la dynamique du groupe et son engagement dans le projet. ▪ La location-accession PSLA Développée dans les projets de la Ruche et de la Médoquine, envisagée pour tout ou partie dans le projet de L’Sud (projet bottom-up en cours à Bordeaux), la location-accession à la propriété est un moyen pour des ménages à revenus modérés de devenir propriétaires, si tant est que le logement dont il est question soit occupé au titre de résidence principale. Ce type d’accession se déroule en deux phases : une phase « locative » (6 mois à 2 ans, 5 ans maximum selon cas particuliers), qui est en réalité une période de jouissance, puisque l’occupant n’est ni locataire à proprement parler ni propriétaire, et une phase acquisitive. L’occupant du logement peut décider de passer ou non à cette phase, auquel cas il renonce à son acquisition. Les ressources des ménages prétendant à une location-accession doivent être inférieures aux plafonds fixés pour le PSLA.

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Figure 17. Plafonds de ressources selon composition du ménage pour l’année 2018 source : anil.org

Le PSLA a deux avantages importants : permettre une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans, et une TVA réduite à 5,5% sur le coût de construction. Le prix de vente ou de construction est lui aussi soumis à un plafond selon les zones dans lesquelles l’opération prend place. Bordeaux, par exemple, se trouve dans une zone tendue de type B1.

Figure 18. Prix maximum de vente en PSLA selon la zone géographie pour l’année 2018 source : anil.org

Le PSLA est sécurisant notamment dans le sens où il permet de bénéficier de garanties de rachat et de relogement sur 15 ans dans certains cas particuliers indépendants de la volonté du ménage, et s’il n’est plus en mesure d’assumer le remboursement d’un prêt pour acquérir son logement.

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Sil les ressources du ménage sont inférieurs aux plafonds PLUS au moment de la demande de garantie de relogement, au terme de la phase locative du contrat, l’opérateur HLM doit lui proposer, dans les six mois, trois offres de relogement correspondant à ses besoins et possibilités. Auquel cas le ménages de passera pas par les étapes classiques d’attribution des logements HLM. 78 Les accédants peuvent également bénéficier de prêts complémentaires comme le 1% logement et le prêt à taux zéro (PTZ) 79, mais ne peuvent désormais plus bénéficier de l’APL accession, depuis la promulgation de la LOI de finances 2018 n° 2017-1837 en date du 30 décembre 2017. Elle n’est maintenue que dans l’ancien, dans certaines zones détendues. Ce prêt conventionné est accordé à des personnes morales (organismes HLM, SEM, promoteurs privés) pour des opérations de logements neufs. Les ménages en bénéficient au travers de la possibilité d’accéder progressivement à la propriété et au niveau du prix de vente du logement. En effet, l’organisme doit justifier de ce prix de vente –auquel cas le prêt est refusé- puis de l’achèvement des travaux. Pour bénéficier du PSLA, l’organisme doit effectuer une demande d’agrément auprès de l’Etat. Les ménages locataires-accédants signent le même contrat de réservation et versent le même dépôt de garantie, fixé par l’opérateur, que pour l’accession libre, mais ils ne sont pas soumis à une levée de fonds au fur et à mesure de la construction. Le contrat de locationaccession n’est signé qu’un mois avant l’entrée dans les logements, à la condition que le ménage concerné dispose de l’engagement d’un organisme de crédit qui lui permettra de lever l’option d’achat et de passer en phase acquisitive s’il en fait le choix. Pendant la première phase, l’occupant des lieux verse une redevance, sorte de loyer constitué de deux fractions distinctes : une locative, revenant à l’opérateur en contrepartie de la jouissance du logement (cela lui permet d’amortir les frais de gestion, mais aussi d’assumer une vente du bien qui se fait plus tard que dans le marché libre, ainsi que le risque d’une non levée d’option d’achat), et une acquisitive. Cette dernière constitue une première épargne pour l’acquisition du logement, puisqu’elle sera déduite du reste à payer lors de la levée d’option d’achat, ou bien sera rendue à l’occupant en cas de résiliation du contrat de locationaccession. Son montant dépend réellement du ménage et peut être d’une dizaine d’euros symboliques à une centaine par mois, par exemple. Une fois passé en phase acquisitive, le propriétaire rembourse le crédit obtenu par la banque, et le montant de ce remboursement ne doit pas dépasser celui de la redevance qui correspond à la mensualité d’emprunt. En effet, le but de la phase locative précédente est que le ménage occupant puisse tester sa capacité à rembourser l’emprunt sur le long terme, avec un taux d’effort (part des revenus du ménage allouée à l’occupation de son logement : remboursement de prêt ou loyer) acceptable. L’opérateur s’appuie donc sur la capacité de remboursement du ménage, étudiée en amont avec l’organisme bancaire accordant le crédit. « Le but n’est pas que les ménages aient une différence entre le loyer et la phase acquisitive de plusieurs centaines d’euros de plus que ce qu’il y a en phase acquisitive. C’est étalé justement sur le global d’ensemble. » (Organisme HLM, avril 2018)

En cas de revente du logement, une clause empêche de spéculer sur le bien, et, s’il est revendu avant le délai légal, le différentiel de TVA dont le propriétaire avait bénéficié doit 78 79

http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/spip.php?page=imprimer&id_article=2636 Le PSLA, publié par l’AERA-faireville, 2018, Source : www.accession-participative.fr

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être reversé, ce qui n’est pas le cas pour l’accession libre. Rien, alors n’empêche juridiquement un propriétaire ayant acquis son bien en VEFA de le revendre au prix qu’il souhaite. La non spéculation est alors seulement définie dans le contrat qui lie les ménages de l’habitat participatif, et on compte sur la connaissance du projet élaboré en commun, de ses valeurs, et de ses enjeux, ainsi que sur la confiance mutuelle qui a été développée au long du processus.

▪ Société Civile Immobilière d’Accession Progressive à la Propriété (SCI-APP) Un autre mode d’accession à la propriété émerge doucement mais reste encore à la marge bien qu’il ait été institué par la loi portant Engagement National pour le Logement (ENL) dès 2006. Les sociétés civiles immobilières d’accession progressive à la propriété ont pour objet la détention, la gestion et l’entretien des immeubles ayant fait l’objet d’un apport par un organisme d’habitations à loyer modéré, en vue de leur division en fractions destinées à être louées à des personnes physiques dont les ressources ne dépassent pas, à leur entrée dans les lieux, les plafonds fixés en application des dispositions de l’article L. 441-1 et à être éventuellement attribuées en propriété aux associés. (Article L. 443-6-2 du Code de la Construction)

Il s’agit d’un mode d’accession sociale destiné à des ménages qui ne peuvent avoir accès à un emprunt immobilier (âge, revenus…) et sont en dessous des plafonds HLM (PLUS/PLAI) 80. Dans ce cas de figure, le futur propriétaire rembourse des mensualités à l’organisme HLM qui a contracté l’emprunt, comme il le ferait pour l’organisme bancaire si ce dernier lui en avait accordé un. Ce mode progressif d’accession à la propriété concerne davantage des logements neufs, ou du moins « libres de toute occupation ». C’est l’organisme HLM qui crée la SCI, construit l’immeuble et en assure la gestion auprès des locataires tendant à devenir accédants. Durant la phase locative, le locataire-accédant acquiert progressivement des parts de cette SCI, fractions progressives sur la valeur du logement et devient ainsi associé de cette SCI. Comme pour le contrat de réservation évoqué pour la VEFA et la location-accession en PSLA, ils versent une première somme correspondant à 2% de la valeur du bien : première part sociale acquise. La mensualité que le locataire accédant verse sert à rembourser l’emprunt contracté sur quarante ans par l’organisme HLM auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations pour la construction du logement, comprend les charges locatives et de gestion pour l’organisme HLM, et enfin une part sociale acquisitive. Cette mensualité est comparable à celle d’un logement HLM augmenté de 20%. 81

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GRUET Stéphane, Mise au point opérationnel de l’habitat coopératif en SCI d’Accession Progressive à la Propriété, Compte rendu et enseignement d’une expérimentation au long cours, publié par l’A.E.R.A., par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, et le Ministère du Logement, de l’Egalité des territoires et de la Ruralité, dans le cadre du PUCA (programme de recherche Plan Urbanisme Construction Architecture), 2015. URL : http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_SCIAPP_cooperatives__AERA_2015.pdf 81 SCIAPP, fiche publiée par l’A.E.R.A., 2018, Source : www.accession-participative.fr

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La différence entre l’accession via une SCI-APP ou via un PSLA se situe au niveau de la durée de cette première phase locative. Pour ce deuxième cas, la levée d’option d’achat doit se faire dans les deux ans après entrée dans le logement (cinq ans maximum pour cas particuliers) ; dans le cas d’une SCI-APP, l’acquisition progressive des parts se fait sur cette période de quarante ans non réductible, correspondant à la durée de l’emprunt de l’organisme HLM. L’une des contraintes de ce processus réside dans le fait que le locataire ne peut accéder à la propriété plus rapidement, ceci en raison d’un principe de solidarité. Cela est mis en place pour faciliter la gestion locative, par l’organisme HLM, de l’immeuble dans sa totalité sur ces quarante années, au bout desquelles l’immeuble en question sera totalement acheté par l’ensemble des occupants. L’organisme HLM se retire alors de la SCI, qui pourra garder ce statut ou devenir une copropriété classique. Cette condition, très contraignante fait cependant en réalité l’objet d’adaptations selon les projets. (Nous renvoyons au Chapitre 6. Section 6. L’organisme HLM, un acteur qui évolue) Une autre contrainte est que le logement acquis de cette manière ne peut être loué par son propriétaire qui doit occuper son logement pour rester dans la SCI. Il doit alors céder ses parts à un nouvel accédant, également sous plafond de ressources HLM, ou bien ses parts doivent être rachetées par l’organisme HLM à défaut de trouver un nouvel accédant pour le remplacer. « La SCI-APP devient semblable à une petite société HLM » (A.E.R.A.-Faireville Association d’Etude et de Recherche transdisciplinaire autour de l’Architecture, de l’habitat et de la ville)

Les avantages de ce mode sont l’acquisition sécurisée, le faible risque de dégradations de son patrimoine pour l’organisme HLM, le peu de turn-over au niveau des occupants du logement. Pour les communes, les logements des opérations en SCI-APP rentrent dans les 25% de logements sociaux demandés. L’accession sociale par le biais de la SCI-APP permet en outre de bénéficier de l’APL lors de la première phase locative. Et l’habitat participatif dans tout ça ? Les locataires-accédants peuvent participer à la conception de leur logement, à la condition de se former en association. L’implication des habitants est aussi le gage d’un immeuble bien entretenu et géré par ses habitants quand l’organisme HLM quittera la SCI. L’engagement social et durable de ce type de production de l’habitat peut trouver dans ce mode d’accession très sociale le moyen d’exercer une solidarité auprès des ménages les plus fragiles qui voudraient intégrer la démarche, et ainsi ouvrir à une plus grande mixité sociale. C’est aussi le moyen de sécuriser les parcours résidentiels de résidents HLM dépendants du parc de l’organisme porteur. Cela redonne une capacité à agir sur leur parcours résidentiels aux familles les plus fragiles ou mal logées. Par contre, la participation des habitants dans leur lieu de vie implique un investissement considérable de la part de l’organisme HLM mais aussi des habitants, notamment dans la définition et le consensus autour des espaces partagés dont il faut bien avoir conscience, mais cela est aussi l’assurance d’un niveau de qualité et de satisfaction particulièrement élevé. Ce système permet « d’éviter la dévalorisation sociale, symbolique

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puis immobilière de l’opération » et s’inscrit dans une démarche de développement durable sur les plans économique, social et environnemental. 82

▪ Le Bail Réel Solidaire (BRS) – indissociable de l’Organisme de Foncier Solidaire (OFS) La question du foncier et de son coût est centrale dans les trajectoires résidentielles et dans l’accession à la propriété. Intégré au prix d’achat, son prix propre, exponentiel dans des zones tendues met la propriété hors de portée pour certains ménages aux revenus moyens à modestes, mais est inenvisageable pour les ménages très modestes. Pour trouver une solution à cet état de fait, il a été imaginé, selon le modèle du « Community Land Trust » anglo-saxon, de dissocier la propriété du foncier de celle du bâti.

Figure 19. Principe imagé de la dissociation du foncier et du bâti de l’OFS source : les Coop’HLM 83 La loi ALUR a ouvert cette voie en créant des Organismes de Foncier Solidaire. Les organismes de foncier solidaire sont des organismes sans but lucratif agréés par le représentant de l'Etat dans la région (Préfet), qui, pour tout ou partie de leur activité, ont pour objet d'acquérir et de gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser des logements et des équipements collectifs conformément aux objectifs de l'article L. 3011 du code de la construction et de l'habitation. 82

Op. Cit. Mise au point opérationnel de l’habitat coopératif en SCI-APP, p.4. Faciliter durablement l’accession sociale à la propriété avec un organisme de foncier solidaire, Publié par Les Coop’HLM, 2018. URL : http://www.hlm.coop/ressources/all/9716

83

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L'organisme de foncier solidaire reste propriétaire des terrains et consent au preneur, dans le cadre d'un bail de longue durée, s'il y a lieu avec obligation de construire ou de réhabiliter des constructions existantes, des droits réels en vue de la location ou de l'accession à la propriété des logements, à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale, sous des conditions de plafond de ressources, de loyers et, le cas échéant, de prix de cession. 84

Les Organismes de Foncier Solidaire achètent des terrains ou des immeubles, et constituent un parc permettant de réaliser des opérations immobilières à destination de ménages sous plafond de ressources ou de loyers pour y établir leur résidence principale. L’OFS peut acquérir des terrains à prix minorés auprès d’établissements publics fonciers qui assurent déjà un portage de terrains, réservés pour différents types d’opérations immobilières, d’urbanisme ou d’aménagement. L’OFS peut également emprunter pour acquérir ces terrains, sur de très longues durées (40 à 60 ans). Afin d’accompagner l’action des OFS, un nouveau type de bail longue durée a été créé en 2016 : le Bail Réel Solidaire (BRS). « Il a pour objectif de faciliter l’accession sociale à la propriété et de contribuer au développement de l’offre de location pour les ménages modestes. Il s’agit d’un outil complémentaire au bail réel immobilier, destiné quant à lui au logement intermédiaire » 85 Les ménages accédants achètent, via un BRS, les droits réels du bâti pour une durée de bail allant de 18 ans à 99 ans, « rechargeable » en cas de vente, donation ou succession 86. Il leur est demandé de verser une redevance à l’OFS en contrepartie de ces droits. Le propriétaire-occupant verse donc chaque mois une somme comprenant l’acquisition du bâti jusqu’à ce qu’il soit totalement propriétaire de son logement ainsi qu’une part de location pour occuper le foncier,. La dissociation de la propriété du foncier de celle du bâti permet d’obtenir des prix au m² bien moins élevés que le marché classique, de limiter le recours aux emprunts et d’empêcher la spéculation immobilière.

84

Article L329-1 du Code de l’Urbanisme, créé par la LOI n°2014-366 du 24 mars 2014 - art. 164 (loi ALUR) Organismes de foncier solidaire et bail réel solidaire, publié par l’ANIL, 2017. URL : https://www.anil.org/documentation-experte/analyses-juridiques-jurisprudence/analyses-juridiques/analysesjuridiques-2016/accession-sociale-a-la-propriete-et-locationorganismes-de-foncier-solidairebail-reel-solidaire/ 86 Ibid. 85

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Figure 20. Comparaison des modèles économiques source : les Coop’HLM 87 « A Biarritz, où les prix sont à 6000 du m², un projet sous cette forme (OFS +BRS) va sortir aux alentours de 2300 €, grâce à la tva 5,5%. Ca s’adresse à des publics sous plafonds PSLA, mais surtout parce que le terrain est à 0€ pour eux. Mais il faut rajouter le loyer pour le terrain, et les simulations qu’on a faites nous ont montré que quand on fait la somme de la mensualité pour le bâti et la redevance pour le terrain, on est moins cher, même comparé à un loyer dans le privé. On n’a pas commencé la commercialisation qu’on a été inondé de demandes. Donc ça veut dire que c’est possible et que les mentalités peuvent évoluer surtout quand on manque de terrain et de place. Quand on fait un logement pour de l’accession sociale, et qu’après il retourne sur le marché et qu’il faut recommencer, trouver un autre terrain etc. … Ça c’est un vrai problème. » (Organisme HLM, Directeur Général, mai 2018)

Le Comité Ouvrier du Logement, société coopérative HLM intervenant en Nouvelle Aquitaine, a monté un Organisme de Foncier Solidaire. Il ne peut cependant pas le faire en direct, sous son nom propre car l’OFS est un organisme à but non lucratif. Il a donc pour cela créé une association qui se transformera à termes en société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Un groupe d’habitants ne peut pas se monter en OFS, d’une part parce qu’il faut pouvoir disposer d’un agrément du Préfet de région, d’autre part parce que ce serait trop engageant : en effet l’OFS doit être capable de racheter les logements lorsque des ménages s’en vont. Le BRS peut aussi être envisagé sur de la rénovation, dans des opérations de renouvellement urbain et appliqué à des types de logements existants différents. 87

Op.Cit. Faciliter durablement l’accession sociale à la propriété avec un organisme de foncier solidaire

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« Nous on a envisagé le BRS mais pas sur de la construction, sur de la rénovation. Parce qu’en fait on était sur une zone prioritaire ANRU, avec une politique pour faire de la mixité sociale, et sur un bâtiment qui était 100% sur du logement très social, donc l’idée c’était de vendre des logements, des plateaux, sans pour autant créer de copropriété et en étant sur des prix de vente qui seraient inférieurs. On avait envisagé de rester propriétaire du foncier en créant un OFS, et de vendre des volumes de logements, pour ne pas prendre le risque de créer de la copropriété dégradée. Donc dans notre projet il n’y aurait pas de charges de copropriété donc les ménages sont sécurisés au niveau financier. » (Bailleur Social, Responsable d’opérations, mai 2018)

L’une des contraintes majeures est qu’une opération qui se fait par le biais d’une OFS et d’un BRS touche un bâtiment entier, dès lors soumis à ce régime et aux plafonds de ressources associés. Celui-ci peut faire partie d’une opération plus grande intégrant d’autres modes d’occupation des logements, mais ils ne peuvent être mixés à la verticale. Cette question du montage et du découpage des logements en BRS mixés à d’autres typologies, et cette question de la création d’une copropriété nécessitent un important travail de la part des géomètres pour faire évoluer la réglementation qui ne prévoit pas ce cas de figure.

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▌Chapitre 4. L’engagement des organismes HLM dans l’habitat participatif. ▌Section 1. Des motivations liées à leur histoire et à l’évolution de leurs pratiques L’histoire des organismes HLM débute dès la fin du XIXe siècle avec la révolution industrielle lorsque la surpopulation en milieu urbain et les conditions de vie misérables des classes ouvrières entrainent insalubrité et épidémies. L’émergence du logement social a pris appui sur une volonté d’améliorer les conditions de vies et de créer un cadre propice à la famille, tout en maîtrisant la montée du socialisme en permettant aux ouvriers de devenir propriétaires. « Celui qui possède ne veut pas abattre l'ordre existant » Jules Siegfried 88

La Loi Siegfried de 1894 a créé les Habitations à Bon Marché (HBM), en prévoyant le prêt de fonds aux organismes d’HBM de la part de la Caisse des Dépôts et Consignations ou de la Caisse d’épargne. Cette loi sera la base de la politique du logement social en France, et fera de ces organismes l’outil majeur de l’Etat pendant la Reconstruction d’après-guerre. L’année 1928 marquera le premier engagement financier de l’Etat dans le logement social avec la promulgation de la Loi Loucheur qui prévoit « 260 000 logements à bons marchés sur 5 ans, en locatif comme en accession » 89. Dix ans plus tard, la France aura réalisé 300 000 HBM dont 150 000 en accession à la petite propriété. Après la seconde guerre mondiale, la France apparaît défigurée et 90% de la population n’a pas accès à un confort d’hygiène minimum. A partir du milieu des années 1950 on passe la barre des 200 000 logements par an, conséquence du Plan Courant de 1953 qui « élargit le droit des pouvoirs publics en matière d’expropriation » et « impose à toutes les entreprises de plus de 10 salariés le versement de 1% de la masse salariale pour la participation des entreprises à l’effort de construction ». 90 Durant les « trente glorieuses », on produit du logement en masse, on fait disparaître les bidonvilles à une vitesse impressionnante, on change les paysages. Le quartier Mériadeck, à Bordeaux, en est un exemple parmi d’autres. Pendant que l’on construit des barres de logements collectifs en masse et que les premières se dégradent déjà, de plus en plus de Français aspirent à un pavillon individuel et le doute s’installe. « Avec le mouvement d’architecture moderne, l’optimisme progressiste attaché à la confiance dans la technique, on a cru maîtriser radicalement la ville et le logement par la mise en place d’un ordre fonctionnel. Mais, le désenchantement de ce monde-là intervint bientôt. Des brèches s’ouvrent à cause du patrimoine oublié, du paysage défiguré, de la participation détournée des habitants. L’ère des doutes s’est alors installée. » 91

Le milieu des années 1970 signe un renouvellement des politiques en matière de logement avec, en 1975 le livre blanc HLM (le changement de terminologie date de 1950) 88

Histoire du logement social, Union sociale pour l’Habitat, URL : https://www.union-habitat.org/frisehistorique 89 Ibid. 90 Ibid. 91 SAUVAGE A., « Raisons d’habiter. Pour une modélisation anthropologique », dans PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNES Chris (dir.), Habiter, le propre de l’humain. Villes, territoires et philosophie, Editions La Découverte, 2007.

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revendiquant la qualité de l’habitat pour tous, et en 1977 une réforme portée par Raymond Barre crée l’Aide Personnalisée au Logement et le Prêt Locatif Aidé (PLA) pour diminuer l’effort des ménages, ainsi que le Prêt aidé à l’accession à la propriété (PAP). En 1991, la loi d’orientation pour la ville préfigure la loi SRU en imposant aux communes de plus de 200 000 habitants de proposer 20% de logements sociaux sur leur territoire. En 2007, la loi DALO sur le Droit Au Logement Opposable fait du logement social l’un des outils privilégiés pour accueillir les personnes les plus défavorisés, alors que les rapports sur le mal-logement de la fondation Abbé Pierre révèlent chaque année une proportion conséquente de personnes mallogées en France. Pour autant, cette crise du logement ne touche pas seulement les ménages les plus fragiles, la classe moyenne est en proie à des difficultés de plus en plus grandes pour se loger, tant le marché est de moins en moins abordable. Certains organismes HLM éprouvent dès lors la nécessité de renouer avec leur mission d’intérêt général et d’en faire la preuve en changeant leurs modes de faire. « Les Trente Glorieuses nous ont permis d’affirmer notre légitimité d’acteurs de l’intérêt général pour ce bien commun le plus précieux : un logement moderne accessible financièrement pour le plus grand nombre. Puis, les transformations de société et l’extension du champ de l’économie de marché à notre secteur d’activité nous font évoluer d’un statut d’opérateur spécialisé du logement vers un statut d’opérateur en marché parmi tant d’autres ! Si la société moderne nous a trouvé sur son chemin, la société post moderne semble nous laisser, un peu, au bord du chemin ! On dit de nous que nous avons du mal à adapter notre offre aux nouvelles attentes de la société française, que nous avons perdu le lien, que nous ne sommes plus en relation intime avec elle. Nous étions uniques, nous sommes un parmi tous les autres opérateurs. Et il nous faut refaire la preuve de notre « utilité sociale », comme le décret instaurant les Conventions d’utilité sociale (CUS) nous y a invités en 2009. » 92 (Bernard Blanc, Directeur général d’Aquitanis, Office Public de l’Habitat de Bordeaux Métropole)

Pour amorcer ce tournant, cette transition au niveau des besoins et des attentes de la société et pour renouer avec elle, Bernard Blanc invite les organismes HLM à faire un pas de côté. « Dans le cadre de notre stratégie de la Transition, notre hypothèse première, très englobante, est bien celle-là : il ne s’agit plus de faire œuvre de pédagogie auprès des populations logées mais de comprendre ce désir de participation qui est vraisemblablement un fait sociétal majeur de notre époque. Notre approche de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), puis notre engagement dans la voie de la Transition se fondent sur une compréhension intime de notre territoire de développement dans sa double dimension idéelle et matérielle. Dans la matérialité de notre production du territoire l’expertise prime. Mais dans l’idéal nous comprenons que chacun aspire à participer à la conception, la réalisation et la gestion de son cadre de vie. Et à nos yeux, l’habitat participatif en accession à la propriété n’est qu’un avatar possible de ce fait sociétal qui n’épuise en rien ce désir partagé de l’ensemble de la population. 93 Notre métier de bailleur social n’est plus tant de loger le plus grand nombre (même si la « crise du logement » nous exhorte, toujours et encore, à être des producteurs en 92

Ensemble à l’ouvrage, quand coopérer fait habiter, BLANC Bernard (dir.), préface de YOUNES Chris, Museo Editions, Aquitanis, 2017, p.13-14. 93 Ibid. p.15.

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quantité) que de créer les conditions d’un habiter dans une perspective alternative. Car, comme le rappelle la philosophe Chris Younès : ‘‘Un développement insoutenable est remis en cause actuellement à partir de la conscience aiguë d’un destin terrestre commun et la crise civilisationnelle accentuée par les inégalités et la pauvreté. Les perspectives alternatives qui s’amorcent pour les installations humaines s’inscrivent au tournant d’une modernité en quête d’un nouveau contrat social planétaire. Au lieu de rêver d’uniformisations, de rationalisations closes sur elles-mêmes, se lèvent des espoirs de réconciliation des hommes avec leur milieu de vie, renouant en limitant l’arrogance anthropocentrique avec l’art d’inscrire quelque part les établissements humains’’ 94 » 95. (Bernard Blanc, Directeur général d’Aquitanis, Office Public de l’Habitat de Bordeaux Métropole)

L’activité principale historique des coopératives HLM en général, est celle de l’accession sociale à la propriété. « On considère que c’est un peu notre ADN, c’est là que je fais le lien avec les Castors, qui étaient de l’habitat participatif avant l’heure. Mais entre ce qui s’est passé, entre après la guerre et aujourd’hui, il y a eu je ne sais pas combien d’articles de loi et de normes qui sont arrivés et ce qui se faisait avant est aujourd’hui beaucoup plus difficile. » (Organisme HLM, Directeur Général, mai 2018)

Dans le schéma classique de production de logements en accession sociale à la propriété, la première étape consiste à dégager un foncier, en travaillant de concert avec la ville de façon à l’obtenir à un prix compatible avec la visée sociale de l’opération. Les personnes qui vont habiter et utiliser les lieux au quotidien n’apparaissent dans le processus qu’à l’extrême fin, au moment de la commercialisation des logements, et n’y auront aucunement participé. Pis, elles ne se rencontreront que lors des premières assemblées générales de copropriété, dont certains ont pu faire, comme quelques ménages l’évoquent lors d’ateliers d’habitat participatif, l’amère expérience, dans une société où le chacun pour soi prédomine. Cette tendance s’illustre notamment lorsque l’organisme HLM revêt la casquette de gestionnaire, dans le cas de logements en locatif social : « Il faut savoir, puisque nous sommes également gestionnaires HLM, que nous passons pratiquement un tiers de notre temps à faire de la médiation entre les gens. On est dans une période où les gens n’arrivent plus à se prendre en charge, à communiquer. C’est vraiment pour nous quelque chose de très préoccupant, parce que je pense qu’on a peut-être été au bout d’un système et on pense, en tout cas au niveau du Comité Ouvrier du Logement (Organisme HLM intervenant en Nouvelle Aquitaine n.d.l.r.), qu’il est un peu de notre responsabilité d’accompagner un mouvement inverse : comment recréer une sorte d’écosystème, […] un peu comme les villages d’avant, où les gens se connaissent un peu plus, et où il y a de la bienveillance entre les personnes, même si dans les villages il y a toujours des frottements. […] Psychologiquement quand on connait ses voisins, le bruit des enfants, on ne l’entend pas avec la même intensité. C’est un peu notre principe. »

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YOUNES C., « Au tournant de la modernité, habiter entre Terre et monde », dans Habiter, le propre de l’humain. Villes, territoires et philosophie, Op. Cit. 95 Op. Cit. Ensemble à l’ouvrage, quand coopérer fait habiter, p.17.

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(Organisme, HLM (COL), Directeur Général, mai 2018)

Quel que soit le montage final des logements produits, les réaliser selon un mode participatif permet de favoriser la construction de relations entre des personnes qui se connaissent mieux, capables de s’autonomiser dans la gestion interne de leur lieu de vie et des conflits éventuels qui peuvent y prendre place. C’est surtout une façon d’anticiper le lien de voisinage et de l’établir avant même que la vie ensemble ne débute, mais aussi de développer un sentiment plus profond d’appartenance au projet pour favoriser son appropriation future.

« On est dans une société où il y a urgence à retrouver un peu de lien social ou du ‘‘vivre ensemble’’, mais sans que ce soit des formules qui tombent d’en haut, qui ne fonctionnent pas. Dans le passé, on faisait ce qu’on appelle des Locaux Communs Résidentiels. Parce qu’on pensait que ça allait être bien pour les habitants. On les a presque tous fermés par ce que ça ne se décrète pas. On ne peut pas dire aux gens : ‘‘on a pensé pour vous, vous allez avoir besoin de ça’’. Mais par contre si c’est fait avec les habitants, on a plus de chance que ce soit utilisé et que l’état d’esprit continue. » (Organisme HLM, Directeur Général, mai 2018)

Il est difficile de préjuger de la réaction ou de la motivation d’un organisme HLM vis-àvis d’un projet d’habitat participatif dans la mesure où tous sont différents et où ces projets sont a priori plus longs et demandent une réorganisation interne au sein de l’organisme, de modifier sa manière de travailler et d’accompagner ce nouvel acteur qu’est le groupe d’habitants, revendiquant sa place et son expertise. (Nous renvoyons au Chapitre 6. L’organisme HLM face à des problématiques polymorphes) Malgré ces enjeux, ces défis ou ces risques, selon la façon dont on les considère, certains organismes HLM se lancent dans des projets avec des groupes d’habitants pour différentes raisons. Pour le bailleur social Coligny, la rencontre avec le groupe auto-constitué de H’Nord a été déterminante, non seulement en raison de la maturité dans l’organisation et la démarche du groupe, mais aussi dans sa détermination et sa motivation. Ce projet était alors pionnier au sein de la Communauté Urbaine de Bordeaux, mais aussi au niveau national, où les coopératives d’habitants commençaient juste à émerger. Bien que le bailleur social ait été, dès le départ, conscient de la complexité du projet dans ses aspects fonciers, juridiques, architectural, financier et urbain, et qu’il nécessitait un défrichage sur de nombreux points, sa motivation était aussi politique dans la volonté de porter de façon exemplaire un projet innovant, pensé avec ses habitants, sur le territoire bordelais alors plus en retard sur ce sujet comparé à d’autres villes françaises. L’engagement du bailleur social dans ce projet est aussi le « gage d’une résidence qui sera bien gérée, et bien habitée », avec un groupe de personnes qui commencent à habiter ensemble avant même de vivre ensemble. La bonne gestion du lieu réside dans l’implication des habitants dans la conception et dans la création des liens de voisinage. C’est le niveau de connaissances qui fait alors la différence, peu importe qu’il s’agisse de locatif ou de propriété ; il constitue d’ailleurs la garantie d’une opération teintée d’une qualité de vie particulière comparé à une opération classique.

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« Le fait que les gens participent à la conception des espaces, du projet, à la réalisation, fait qu’ils connaissent le bâtiment sur le bout des doigts avant d’y habiter. Ils vont connaitre le bâtiment mais aussi se connaître entre eux ! Donc les relations de voisinage sont forcément beaucoup plus intéressantes et plus variées que ce qu’on pourrait avoir sur une résidence classique. » (Organisme HLM, Responsable de programmes, mai 2018)

Pour les organismes HLM, cette démarche a comme autre intérêt de lutter contre l’étalement urbain, de permettre une densification raisonnée et vertueuse, afin d’enrayer un sentiment de congestion ou d’étouffement, tant en termes d’espaces que de relations humaines. « On avait un groupe constitué, motivé, un terrain qui était à la fois très complexe mais aussi très intéressant par son caractère de friche urbaine, l’idée de refaire la ville sur la ville c’est quand même quelque chose d’assez rare sur Bordeaux pour qu’on puisse le souligner et s’y intéresser forcément. » (Organisme HLM (Coligny), Responsable de programme, mai 2018)

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▌Section 2. Structuration d’un mouvement HLM « Si des initiatives citoyennes de plus en plus nombreuses s’intéressent à la question de l’habitat participatif, il apparaît nécessaire que ces initiatives soient maintenant relayées par des collectivités et des opérateurs, lesquels doivent s’engager dans une réflexion autour de solutions alternatives aux modes de production classique du logement » (Organisme HLM, Directeur Général, printemps 2017)

Pour développer leur engagement dans les projets d’habitat participatif, et pour agir en faveur d’une reproductibilité du processus, les organismes HLM cherchent à construire une méthode générale pour accompagner les opérations de ce type. L’Union Sociale pour l’Habitat et la Fédération Nationale des Coopératives HLM ont produit en 2016 un guide questionnant et décrivant la place et le rôle des organismes HLM dans l’habitat participatif. Quarante-trois organismes HLM ont participé au travail de coécriture, cinq d’entre eux interviennent en Nouvelle Aquitaine. On y retrouve notamment Aquitanis, Axanis, SNI-Coligny et le COL ayant pris part à la Ruche et au projet de la Médoquine pour les deux premiers, à celui de H’Nord pour le troisième, le dernier étant l’un des acteurs les plus actifs dans le domaine de l’habitat participatif dans la région. Participer aux projets d’habitat participatif représente une manière de renouer avec les racines de leur mission d’intérêt général pour le droit au logement pour tous. « Je suis rentrée dans un organisme HLM et j’ai fait de la gestion locative […] en plus j’avais un super directeur, très intelligent et ouvert à plein de choses, et il m’a vraiment laissé m’éclater, et du coup j’ai vraiment bossé sur des opérations de renouvellement urbain, sur de la concertation, mettre en place des espaces […] Dans ces années-là […] il y avait beaucoup d’opérations de renouvellement urbain mais ça s’appelait pas l’ANRU, c’était avant, c’étaient des Opérations Habitat Vie Sociale. […] J’ai fait ça pendant plusieurs années […] J’ai voulu aller plus loin et je suis passée dans le service maîtrise d’ouvrage après parce que j’aimais bien cet acte de construire, bosser avec les archis, j’ai fait 10 ans là-dessus, et là je crois que c’était une autre époque où j’ai plus pris mon pied parce que ce n’était plus l’usage qui était mis en avant, c’était le coût de la production du logement, diminuer les surface etc. donc ça a commencé m’agacer. Et puis il y a eu dans les années 2000 la réémergence des projets participatifs. » (Accompagnatrice de projets participatifs, avril 2018)

Pour ces organismes, cette démarche d’habitat participatif représente ainsi « la garantie de la solidarité et du lien social dans l’exécution du droit au logement pour tous », concoure « à redéfinir et expérimenter l’habiter-ensemble » et « [favorise] les parcours résidentiels de leurs locataires dans le parc locatif ou en accession sociale » 96 La loi ALUR n’a pas seulement défini et légitimé l’habitat participatif, elle a aussi souligné le rôle que les organismes HLM, en tant qu’acteurs « désintéressés » du fait de leur 96

Réseau Hlm pour l’habitat participatif : La place et le rôle des organismes Hlm dans l’habitat participatif, publié par L’Union Sociale Pour l’Habitat et les Coop’HLM, Septembre 2016, URL : http://www.urbanismepuca.gouv.fr/IMG/pdf/reseau_hlm_pour_l_habitat_participatif_-_note_de_positionnement_-_vdef_07_09_16.pdf

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mission d’intérêt général, pouvaient jouer dans le développement et la réalisation de ces projets d’habitat. Le succès palpable de nombre d’opérations ayant impliqué collectivités et/ou organismes HLM a mené, le 11 janvier 2017, à Paris, à la première rencontre professionnelle associant le Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif (RNCHP) et le Réseau HLM pour l’habitat participatif (Coop’HLM et Union Sociale pour l’Habitat) sur le thème de l’habitat participatif et du logement social. » 97 Bien qu’il ait été rappelé en introduction qu’il s’agit de rester modeste quant à l’impact national de l’habitat participatif, puisqu’il ne représente aujourd’hui qu’une petite part de la production de logements (dont logements sociaux), « il est important aussi d’être ambitieux car l’habitat participatif est un réel levier de transformation de nos territoires » 98. Cette rencontre se situe dans la lignée de la note de positionnement adoptée par le Réseau HLM pour l'habitat participatif en septembre 2016 évoquée en amont. Cette rencontre a permis à plusieurs couples d’intervenants (un représentant d’une collectivité et un organisme HLM) de présenter le travail qu’ils ont effectué ensemble sur différentes opérations d’habitat participatif. Ces interventions ont été regroupées en deux ateliers et une table ronde thématiques : -

Favoriser la mixité et la diversité sociale Diversifier l’offre dans les quartiers prioritaires de la ville L’habitat participatif, innover pour habiter autrement

L’objectif de cette rencontre était d’illustrer et d’évaluer les projets dans leur réalité pour donner corps aux notes méthodologiques. « Cet événement a permis de croiser les attentes respectives et de partager les expériences en la matière, tant au niveau des territoires que des montages. » 99

Afin de renforcer cette démarche, le Réseau HLM pour l’habitat participatif s’est engagé dans une étude (confiée au cabinet Habitat et Territoires Conseil (HTC)) visant à mettre en exergue la « diversité des montages et des approches ainsi que les difficultés rencontrées tant par les organismes HLM que par les groupes accompagnés, en n’hésitant pas à remettre en cause certaines idées reçues ». 100 Cette étude s’appuie sur l’analyse de dix opérations en France. Les résultats de cette étude ont été publiés en Janvier 2018 sous le titre : Habitat participatif et organismes HLM, Premiers retours d’expérience. 101 Son but principal a été de permettre de « passer de l’échelle de l’expérimentation à celle du développement sans verser dans la standardisation ». 102

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Habitat participatif et logement social, Actes de la journée du 11 janvier 2017, publié par L'Union sociale pour l'habitat, le Réseau national des collectivités pour l'habitat participatif et la Fédération des coopératives Hlm, le 21 Avril 2017, URL : https://www.union-habitat.org/centre-de-ressources/patrimoine-maitrise-douvrage/habitat-participatif-et-logement-social-actes-de 98 Ibid. 99 Site de l’Union Sociale pour l’Habitat, à propos de la journée du 11 janvier 2017, sur le thème Habitat Participatif et Logement Social, URL : https://www.union-habitat.org/centre-de-ressources/patrimoine-maitrised-ouvrage/habitat-participatif-et-logement-social-actes-de 100 Ibid. 101 Habitat participatif et organismes HLM, Volume 1, Premiers retours d’expérience, Repères n°45, Politiques de la ville et Renouvellement urbain, Collection cahiers, Publié par L’Union Sociale pour l’Habitat, Janvier 2018. 102 Ibid.

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Figure 21. Les dix opérations étudiées pour produire l’étude Habitat participatif et organismes HLM, Premiers retours d’expérience source : Actes du 11 janvier 2017

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▌Section 3. Compétences sollicitées dans les projets d’habitat participatif L’organisme HLM peut être sollicité pour différentes compétences liées à sa pratique professionnelle, par différents acteurs et intervenir à différents moments du processus de projet de l’habitat participatif. L’organisme HLM peut intervenir en tant que référent ou conseiller pour aider à la formalisation d’un projet, en tant que prestataire de service en assumant une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, d’usage ou bien en tant que maître d’ouvrage du projet entièrement ou partiellement. Il peut être sollicité par une collectivité pour intervenir sur un projet déjà existant, ou bien être partenaire dans le montage d’un projet d’habitat participatif qu’elle souhaite développer sur son territoire. Il peut également l’être par un groupe d’habitants déjà formé. L’organisme HLM peut aussi être lui-même à l’origine d’un projet qu’il monte en autonomie. Ce recours à l’organisme HLM poursuit des objectifs variés selon les acteurs (que nous décrirons plus précisément au Chapitre 6. L’organisme HLM face à des problématiques polymorphes) ■ Diversité sociale Comme nous l’avons déjà évoqué, la collectivité peut souhaiter développer l’habitat participatif pour diversifier et adapter son offre de logement aux besoins de ses administrés dans un souci de mixité sociale, qu’il s’agisse d’accession maîtrisée ou bien de locatif social. Le partenariat avec l’organisme HLM permet d’envisager l’accès à la propriété à des ménages aux ressources moyennes à faible, dans une zone où les prix du marché seraient trop importants pour une accession classique. Pour des groupes déjà formés, la recherche d’un organisme HLM peut également relever de la volonté d’ouvrir le projet à des ménages ayant des valeurs similaires mais des moyens insuffisants pour porter financièrement le projet. L’organisme HLM sollicité est, en effet, en capacité de proposer des montages variés correspondant aux moyens des habitants : accession libre, location accession (PSLA), accession progressive à la propriété (SCI-APP). (Nous renvoyons au Chapitre 3. Section 2. Propriété et organisme HLM : quels modes d’accession peuvent être envisagés pour l’habitat participatif ?) Les montages qu’ils proposent dépendent néanmoins de l’organisme HLM : tous ne proposent pas l’ensemble de ces modes d’accession ou de location. Les types proposés dépendent aussi de l’enveloppe de l’opération, de sa forme, et des conditions juridiques dont il dépend. ■ Sécurité technique, juridique et financière Recourir à un organisme HLM représente une certaine sécurité pour les collectivités ainsi que pour les groupes d’habitants. Du fait de leur statut de société, ils possèdent des assurances qui garantissent l’achèvement du chantier. L’organisme HLM peut ainsi se porter garant pour des groupes d’habitants ne pouvant justifier de cette assurance auprès des organismes financeurs et des collectivités. L’organisme HLM porte aussi la garantie d’amener le projet à son terme dans un temps et un budget maîtrisés, avec la connaissance technique et les ressources qu’il possède, en mettant en place le montage juridique adapté à l’opération. Pour les futurs habitants, l’organisme HLM garantit le rachat ou le relogement, ce qui sécurise l’investissement des ménages.

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■ Gestion ultérieure du projet Pour les collectivités, l’organisme HLM est également garant d’une bonne gestion du projet après sa livraison, que ce soit dans le cas de l’accession sociale qui passe par une phase locative, ou dans du logement locatif à proprement parler. Les collectivités sont donc plus enclines à confier la gestion d’une opération à un organisme HLM qu’à un groupe d’habitants, à moins qu’il ne soit accompagné ou en partenariat avec un organisme HLM. ■ Rôle de l’organisme HLM dans les différentes phases d’un projet d’habitat participatif. -

Recherche du foncier

Le foncier peut être fléché par la collectivité en amont, ou après une réflexion conjointe avec l’organisme HLM. La charge foncière peut ainsi être déterminée tout comme les termes du contrat, les modalités d’acquisition par l’organisme et les abattements qui pourront être mis en place en fonction de la typologie de logements envisagés. La désignation du terrain peut avoir lieu avant la constitution du groupe qui se montera au cours de l’opération, ou bien le terrain peut déjà avoir été repéré par le groupe d’habitants. Dans ce cas là, l’organisme HLM peut représenter un atout : il peut se porter garant auprès des banques, étudier les capacités d’emprunt des ménages, débloquer un foncier ou obtenir une baisse de son prix du fait de la portée sociale de son intervention dans le projet. -

Constitution du groupe

Le groupe peut s’être constitué en autonomie avant de faire appel à l’organisme HLM, auquel cas il gère seul le recrutement de nouveaux ménages au cours du projet. Dans le cas d’un projet top-down, l’organisme HLM veille à la diversité des profils et à leur bonne intégration dans le groupe. Il s’assure également d’étudier suffisamment tôt les dossiers de candidatures, leurs capacités de financement, le respect de plafonds de ressources, pour que les ménages puissent être rapidement fixés sur les modes d’occupation du logement auquel ils peuvent prétendre. Il gère une partie de la communication en diffusant les informations relatives aux projets et aux ateliers par le biais de ses réseaux (Facebook, site internet propre, habitants de son parc pour favoriser leurs trajectoires résidentielles etc.). -

Montage juridique et financier

L’étape précédente ayant permis d’établir les modes d’occupations envisageables, l’organisme est en mesure d’établir l’équilibre financier de l’opération (emprunts + fonds propres mis en jeu) en fonction des typologies de logements. Le modèle juridique de l’opération peut être défini en amont ou avec les habitants (association, association syndicale libre, copropriété etc.). Certains groupes visant déjà un statut particulier, l’organisme HLM travaille avec eux sur le montage de l’opération selon ce statut, en travaillant avec les différents acteurs gravitant autour du projet (AMU s’il y en a une, collectivité). -

Programmation et conception 76


A cette étape, un premier noyau dur d’habitants est constitué, et a défini son projet de vie. Commencent alors les étapes de programmation puis de conception architecturale, avec l’équipe de maîtrise d’œuvre désignée, des espaces partagés et individuels, en lien avec l’AMU qui continue souvent sa mission à cette étape et l’organisme HLM qui est présent pour rappeler les réalités techniques et financières du projet. -

Chantier

L’organisme HLM remplit ici pleinement son rôle de maître d’ouvrage du projet. Il veille également, en lien avec l’AMU, à maintenir la dynamique du projet et l’intégration des nouveaux ménages à cette étape du projet. -

Gestion du lieu de vie

Dans le cas d’un projet en locatif social, l’organisme HLM reste gestionnaire de la résidence après sa livraison. Il peut cependant exercer, dans le cas de l’accession à la propriété, une co-gestion dont les modalités sont définies en amont avec le groupe d’habitants, selon les modes d’occupation des logements et le montage choisi (copropriétaire, propriétaire, syndic).

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▌Section 4. Fiches-portrait d’Axanis, du COL et de Coligny

Le COL est une société coopérative HLM d’intérêt collectif née en 1951 du mouvement des Castors de Saint Amand à Bayonne (qui s’étaient inspirés des Castors de Pessac pour monter leur projet), et dont le siège social se trouve aujourd’hui à Anglet (64). Le COL, âgée de 67 ans, reste autant que possible fidèle à ses valeurs de solidarité, de partage, de transparence et de mise en commun des forces et compétences de chacun pour construire une « société plus juste » basée sur la mixité. Bien que son activité principale reste l’accession sociale à la propriété, le COL a développé une activité de locatif social représentant un tiers de l’activité totale, soit un patrimoine de 2 200 logements environ. S’il travaille lui aussi sur la reproductibilité de ce mode de production de l’habitat, le COL effectue un travail de spéléologie dans les montages et les formes des projets qu’il porte (coopérative d’habitants, Bail Réel Solidaire, SCI-APP, PSLA), en poursuivant un objectif affirmé : celui de l’accès au plus grand nombre. Le COL peut aussi endosser le rôle d’aménageur foncier, de promoteur constructeur et de gestionnaire immobilier selon les projets. Le COL voit en l’habitat participatif une déclinaison du vivre ensemble qu’il veut mettre en place. « En la matière on essaie d’être humble. On ne se dit pas qu’on a créé quelque chose qui est l’alpha et l’oméga du lien social ou du vivre ensemble. On crée un écosystème qui le favorise. Après, la vie, c’est la vie. Les gens, c’est à eux de faire en sorte que les choses se passent le mieux possible, et on se rend compte que vraiment il y a de l’intelligence collective. Pour peu qu’on fasse confiance à l’intelligence collective, elle existe. » « Ca durera ce que ça durera, et tout le temps que ça aura duré on se dira que c’est quelque chose qu’on a peut être gagné, et après si ça change, c’est la vie… » (Imed Robbana, Directeur Général du COL Bayonne, mai 2018) Le COL est en effet l’un des opérateurs les plus engagés dans l’habitat participatif au niveau national, avec pratiquement 11 projets qui représentent, en comptant ceux qui sont livrés, en cours de chantier ou en phase de programmation, 350 logements environ. Le souhait du COL, exprimé avec force par son directeur Général (COL de Bayonne), est de faire de l’habitat participatif un mode de production de logements qui a véritablement trouvé sa place, qui ne soit pas de l’ordre de l’anecdote. Pour cela, le COL intervient également auprès d’autres coopératives HLM pour les convaincre de l’intérêt à s’engager sur ce type de projets. Imed Robbana souligne pour autant qu’avoir une véritable foi dans ces projets est indispensable du fait de leur complexité et du risque qu’ils comportent en termes financiers, d’aboutissement etc. 78


« Axanis revendique son appartenance au mouvement des entreprises coopératives qui réunit des ‘‘entreprises citoyennes’’ animées par un même idéal de solidarité et de partage pour réconcilier l’économie et le social, avec l’intention affirmée de permettre au plus grand nombre d’accéder à la propriété. A travers son implication, Axanis souhaite contribuer à la réactivation et au développement de l’habitat participatif en France. » (Loris de Zorzi, Directeur Général, printemps 2017)

Axanis est une société anonyme coopérative créée en 1952, anciennement Habitat Girondin. Elle descend du mouvement des Castors et défend elle aussi des valeurs de transparence dans sa pratique et la gestion de ses programmes, ainsi que des valeurs de démocratie, pour lutter contre les inégalités et les exclusions. Ses clients sont aussi ses adhérents, ou coopérateurs. Axanis est la filiale accession à la propriété d’Aquitanis, Office Public de l’Habitat de Bordeaux Métropole, dont le directeur général, Bernard Blanc est très engagé sur ces questions de participation des habitants/usagers/citoyens. Pour autant, ces deux sociétés peuvent fonctionner l’une sans l’autre, leurs statuts sont différents, et leurs productions propres, bien qu’elles aient des opérations en commun. Axanis peut s’associer à un autre bailleur social si Aquitanis n’opère pas sur le territoire d’une opération sur laquelle Axanis intervient. Certains bailleurs ont une équipe pour l’accession à la propriété en interne, mais ici ce sont deux sociétés différentes. Vingt et une personnes travaillent chez Axanis, dont le Directeur Général est Loris de Zorzi. Elles sont réparties en différents services : développement, technique, financier, travaux, commercial, et autres services fonctionnels propres. Il n’y a pas de poste dédié à l’habitat participatif, car ce type de projets demande un suivi et un investissement temporel important. Plusieurs représentants d’Axanis sont présents à tous les ateliers de projets d’habitat participatif pour connaître chacun des avancements. C’est aussi une manière de favoriser les échanges au sein de la structure. Axanis s’est engagé dans l’habitat participatif à partir du projet de La Ruche, premier projet top-down participatif sur Bordeaux, mais mène aujourd’hui de front trois projets de ce type, et souhaite développer ce mode d’habitat en proposant un moins un projet par commune dépendant de Bordeaux Métropole. Pour le moment, Axanis propose principalement une accession sociale à la propriété par le biais du PSLA, mais étudie les possibilités d’ouvrir le champ à d’autres modes.

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Coligny est une Entreprise Sociale pour l’Habitat (ESH) créée en 1948 dépendant du groupe SNI, bailleur social national implanté sur l’ensemble de la France par le biais de Groupements d’Intérêt Economique, dont Coligny fait partie pour le territoire aquitain. Si le groupe SNI propose une offre immobilière globale allant du locatif à l’accession, en passant par l’aménagement et l’immobilier public, Coligny exerce à Bordeaux un rôle de bailleur social en proposant un ensemble de logements en locatif, pour les familles, les étudiants, les personnes âgées autonomes ou dépendantes, ou pour héberger des adultes en difficultés (résidences solidaires et foyers). La société ne pratique l’accession sociale à la propriété qu’à l’unité, en vendant des logements de son propre parc. L’habitat participatif n’est pas un axe de développement de Coligny comme il peut l’être pour Axanis ou le COL, bien que SNI soit impliqué au niveau national dans ce type de projets. Il s’est pourtant engagé dans l’un des projets pionniers les plus innovateurs de la Métropole Bordelaise, le projet monté en coopérative d’habitants de H’Nord, en faisant fi des risques qu’il pouvait a priori représenter. Cela reflète aussi les objectifs qu’il poursuit, en termes de renouvellement urbain, de dimension humaine et sociale, de maîtrise de l’impact environnemental et de mixité sociale. La société possède, du fait de son appartenance à une société plus importante, d’un pôle de recherche et développement, notamment dans le domaine du développement durable ou en établissant des partenariats avec des associations locales comme le Secours populaire. Coligny fonctionnera par la suite à l’opportunité concernant d’éventuels projets futurs d’habitat participatif.

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▌Chapitre 5. Trois cas d’étude sur la métropole bordelaise ▌Section 1. Démarche Bottom-up H’Nord, coopérative d’habitant pionnière sur le territoire Bordelais 103

Figure 22. Situation du projet H’Nord Source : Vidéo de présentation du projet H’’Nord Phase : APS EN COURS Maîtrise d’Ouvrage : SNI Coligny et la coopérative H'Nord Equipes : Badia Berger architectes, 2PM A, Cetab,180° ingénierie Programme : 55 logements collectifs, atelier bricolage, salle polyvalente, mam, co-working, café associatif Superficie : 3899 M2 Budget : 5,5 M EUROS Label : NF HABITAT + RT-20% Date : 2020 104

Le projet comporte aujourd’hui 55 logements, donc 20 seront mis à la location par le bailleur social Coligny. Les 35 restants seront occupés par des coopérateurs Il y a aussi plusieurs espaces prévus qui seront mutualisés, partagés, dans le but de diminuer un peu la superficie des logements individuels : buanderie, chambres d’amis. Pour permettre la vie collective au sein du projet : Salle commune, atelier bricolage (bois, entretien des vélos). 103

Pour un détail plus exhaustif du projet, de son processus et de sa structuration, nous renvoyons à la thèse de Mélanie DARROMAN. Cette partie descriptive se base en grande partie sur la description qu’elle fait du processus entre les pages 127 et 202 de son ouvrage. La présente partie en extrait les grandes lignes afin de permettre une vision générale du projet. 104 https://www.2pma.com/projets/55-logements-participatifs/

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Le projet intègre aussi des espaces permettant d’accueillir des activités extérieures à la coopérative. Ces espaces peuvent être occupés aussi bien par des coopérateurs que par des personnes extérieures au projet : Il s’agit d’un espace de travail partagé, et une maison d’assistance maternelle permettant l’accueil de 8 enfants. La présence de ces derniers espaces marque la volonté d’ouverture du projet sur le quartier, pour favoriser les liens sociaux en dehors de l’opération. 105

Figure 23. Environnement du projet H’Nord Source : www.2pma.com

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Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux, Réalisation Catherine Busch, Images JM Vidéo, Vidéo de présentation, publiée le 4 janvier 2018. URL : https://vimeo.com/249637216

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Figure 24. Image de synthèse du projet H’Nord, vue depuis la rue Source : www.2pma.com

Figure 25. Image de synthèse du projet H’Nord, vue intérieure Source : www.2pma.com

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H’Nord se définit comme « un groupe de citoyens [ayant] un projet de construction d’un habitat partagé, un habitat participatif, coopératif, autour de valeurs communes » 106 « J’ai envie de participer à quelque chose de nouveau, et aussi de collectif, et aussi qui corresponde mieux à mes opinions. » (Coopératrice de H’Nord)

Le projet H’Nord a réellement débuté en 2006, lors de la création de l’association loi 1901 éponyme, premier statut juridique pour organiser et définir le projet qui se monte, mais surtout pour assoir sa légitimité auprès des institutions. Son inscription dans une zone visée par des politiques de renouvellement urbain de la ville a amené l’association à se mobiliser pour définir le projet et l’inscrire dans une démarche à plus large échelle. Le projet est, en 2007, présenté comme un projet d’écoquartier, et se positionne, à ce titre, comme une « réponse à des impératifs sociaux et environnementaux » mais aussi aux politiques publiques à l’œuvre. 107 Elle fait également valoir son adéquation avec les principes de la loi SRU, du Programme Local de l’Habitat, ainsi que du PLU, dans la maitrise des espaces, des circulations, la préservation du patrimoine bâti et des espaces naturels, mais aussi dans sa proposition de densifier en zone tendue, en ouvrant à du locatif social. Les intentions de projets étaient dès le départ marquées par les influences d’opérations de co-habitat européennes : « ‘’H’Nord sera un ensemble d’habitations auto-construit, autofinancé et autogéré’’, tendant vers le modèle d’écoquartier. […] ‘’L’écoquartier, c’est une véritable communauté citoyenne active’’ ». 108 C’est en 2007 que s’opère un véritable tournant dans la posture militante d’H’Nord. Cette dernière se rapproche à ce moment-là d’Habicoop, fédération française des coopératives d’habitants. Cette rencontre avec Habicoop a poussé H’Nord à se tourner vers une propriété unique, collective, pour le projet dès 2008. Pour autant, rappelons ici comme nous l’avons dit plus haut que l’association n’a pas pu se former en coopérative immédiatement, et avait dû prendre le statut juridique de SAS à capital variable, jusqu’à ce que la loi ALUR rétablisse en 2014 ce statut qui avait été aboli par la loi Chalandon du 16 juillet 1971 et ne laissait plus le choix qu’entre la propriété et la location, couple participant à créer une certaine inégalité sociale. L’association H’Nord signe dès lors la charte d’Habicoop, toujours en vigueur aujourd’hui 109. Des citoyens acteurs qui se « professionnalisent » au regard de leur projet Le suivi du processus de projet effectué par Mélanie Darroman lui a permis d’établir le profil sociologique des adhérents comme suit : « […] ménages appartenant majoritairement aux classes moyennes supérieures (enseignant, cadre d’entreprise, architecte, journaliste), en activité ou retraités, pour partie propriétaires de logements individuels ou d’appartements en copropriété. […] On trouve également des profils de jeunes ménages trentenaires en location faisant face à 106

Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux, Réalisation Catherine Busch, Images JM Vidéo, Vidéo de présentation, publiée le 4 janvier 2018. URL : https://vimeo.com/249637216 107 Ecoquartier de bordeaux, Projet d’écoquartier au sein de l’îlot Dupaty, présentation du projet H’Nord, 03/04/2007, URL : http://www.philippe-dorthe.com/dossiers-philippe-dorthe/fichiers/H%20NORD.pdf 108 Op. Cit. DARROMAN, p 137. 109 http://www.habicoop.fr/wp-content/uploads/2017/11/Charte-FFCH-version-2016.pdf

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des difficultés grandissantes pour trouver un logement répondant à leurs besoins ; ou encore des personnes âgées à la recherche de nouveaux liens sociaux et d’un lieu pour vieillir en toute autonomie. 110 »

Porter ce projet véritablement pionnier à l’échelle nationale mais surtout à l’échelle bordelaise a nécessité de structurer le groupe mais aussi sa démarche. Un règlement intérieur a été établi, un « bureau » a été mis en place composé d’un président d’un vice-président, d’un secrétaire, d’un secrétaire adjoint d’un trésorier et d’un chargé de communication. Des réunions régulières sont planifiée, ainsi : - le « bureau » se réunit à raison d’une fois par trimestre au minimum - des « assemblées générales ordinaires ou extraordinaires » une fois par an minimum - des « plénières » réunions collectives de travail avec l’ensemble des membres de l’association chaque premier mardi du mois 111 Lors de ces plénières, de façon à avancer efficacement dans le travail et optimiser les qualités et compétences de chacun, des groupes de travail thématiques ont été créés. Il s’agit de « commissions » : communication, programme pilotage, juridique et finances, réseau. « Leur création a marqué une volonté affirmée de travailler efficacement en groupe, selon une organisation méthodique, pour asseoir une crédibilité sur les plans technique, économique et politiques dans les échanges avec l’extérieur (quartier, élus, techniciens et professionnels de la construction) » 112 Cette méthode de travail très structurée a pour but de construire, en plus de leur expertise d’usage revendiquée, leur expertise vis-à-vis de leur projet, de façon à garder un contrôle maximal sur ce dernier et représenter, aux yeux des acteurs institutionnels de la production de logement auxquels ils sont confrontés, une maîtrise d’ouvrage forte, collective et éclairée. « C’est un projet qui repose sur l’idée que, nous les citoyens, nous pouvons prendre les choses en main. On ne dépend pas des experts. Et donc notre projet avance parce que chacun dans le groupe apporte en fonction de ses capacités, et que tous nous montons en compétences en construisant ce projet collectivement. » (Anne Deloule, présidente de H’Nord) 113

Les projets d’habitat participatif pionniers en général souhaitent assoir la légitimité des habitants, qui détiennent un réel savoir d’usage. La volonté de ces groupes d’habitants est de faire de cette maîtrise ou expertise d’usage le fondement des projets. Il en découle une certaine forme de réserve vis-à-vis des acteurs institutionnels du logement. « Dans les autres projets […] souvent il y a un genre de médiateur, qui est un peu ‘’moi je sais ce qu’il faut faire’’ tandis que nous on se bat pour que ce soit vraiment un projet tous ensemble. » (Habitante d’une coopérative d’habitant, Réunion d’information, mars 2018)

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Op. Cit. DARROMAN, p149. Op. Cit. DARROMAN, p154. 112 Op. Cit. DARROMAN, p156. 113 Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux, Réalisation Catherine Busch, Images JM Vidéo, Vidéo de présentation, publiée le 4 janvier 2018. URL : https://vimeo.com/249637216 111

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Une interaction nécessaire avec les acteurs institutionnels

La coopérative d’habitants H’Nord est aujourd’hui en relation avec trois acteurs institutionnels principaux : La CUB devenue Bordeaux Métropole, la ville de Bordeaux et un bailleur social, Coligny, dépendant de la Caisse des Dépôts. Soutenu par Habicoop depuis 2007, le groupe va solliciter l’association pour un accompagnement expert à ses côtés. L’expérience de Habicoop dans le suivi et le montage de projet. En effet, les liens qu’ils ont créé au travers de leur réseau coopératif leur confèrent une certaine expertise en matière de négociation avec les acteurs institutionnels et les experts professionnels, mais aussi en matière de gestion du projet pendant et après livraison de celui-ci. Jusqu’en 2012 H’Nord a développé le projet par ses propres moyens, en acquérant au fur et à mesure une expertise technique. H’Nord a aussi progressivement développé des liens avec les acteurs institutionnels et professionnels gravitant autour du projet. Dès 2009, les collectivités territoriales ont été intégrées au projet et ont participé au comité de pilotage, séances de travail régulières permettant de réaliser des points d’étape dans l’avancement et le montage du projet. Ce rapprochement avec les collectivités territoriales s’est imposé au groupe dès le départ pour porter politiquement ce projet pionnier sur la Communauté Urbaine dont ils cherchent à « démontrer l’intérêt public ». Il s’est également imposé par rapport au foncier visé. La construction de ces relations avec les collectivités est notamment un point crucial pour parvenir à négocier ce foncier cristallisant plusieurs enjeux du fait de son emplacement central dans les perspectives urbaines de renouvellement de la ville. Dans cette perspective, l’association H’Nord avait déjà créé en 2009 une Société Civile Immobilière, « Les Terres d’H’Nord » afin de marquer l’engagement et la détermination du groupe d’habitants. Cette SCI au premier capital de 13 800€ se base sur le principe coopératif de « une personne = une voix ». 114 Le foncier visé est une friche industrielle en cœur d’ilot dont les propriétés sont très variées : CUB, bailleurs sociaux, propriétaires privés. Ayant connaissance du potentiel de la réserve foncière de ce cœur d’ilot vis-à-vis de la pression foncière du quartier, le percement d’une voie entre les rues Chantecrit et Surson est envisagé pour développer de nouvelles constructibilités, y accéder de manière plus fluide et pour créer une connexion avec le Jardin de ta Sœur voisin. La complexité des propriétés sur les terrains visés, et le dévoilement du projet de création de la voie a rendu d’autant plus complexe l’accès au terrain à la coopérative. En 2010 la perspective d’un bail emphytéotique avait été envisagée sur les parcelles de la CUB, à l’initiative de cette dernière et plébiscitée par les habitant puisque l’obtention de ce terrain sur ce mode aurait permis de débloquer le projet rapidement. « Sur le terrain global il y avait une partie qui appartenait à BX métropole et une partie à du privé donc ça faisait un grand ensemble et au début, il y a 10 ans on avait dans l’intention de faire comme dans d’autres pays comme dans d’autres régions, de demander un bail emphytéotique c’est à dire que pour nous qui n’avions pas d’argent grosso modo ça aurait été une meilleure solution, mais à partir du moment où les riverains ont compris qu’il y aurait une route que les prix ont commencé à monter, que certaines personnes ont commencé à avoir des propositions par les uns et les autres, par Bouygues etc…. » (Coopératice de H’Nord, mars 2018)

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Op. Cit. DARROMAN, p.189.

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Finalement, le bail emphytéotique n’a pas pu se mettre en place, et la demande d’achat du terrain à un prix très préférentiel n’a pu être acceptée par la CUB, pour des raisons que nous ignorons, peut-être était-ce dû à l’explosion des prix du foncier. « Il y a un terrain jardin qui a été vendu à plus de 3 millions d’euros quand même. Il y a une flambée des prix phénoménale » (Coopératrice de H’Nord, mars 2018)

D’autres projets en cours actuellement ont également tenté de mettre en place ce système, mais la collectivité n’est pas encore prête à s’y lancer. Le fait pour la coopérative de devoir acheter d’abord le foncier complexifie dès lors la démarche de H’Nord. La perspective de réserver les terrains maîtrisés par la CUB est alors envisagée. C’est au tournant de 2015 qu’une évaluation par les domaines est réalisée. Le prix est garanti pendant un an, prolongé à deux ans du fait de la transformation de la CUB en Bordeaux métropole qui a induit un bouleversement des services, bénéficiant ainsi à H’Nord. Le groupe d’habitants donne alors un coup d’accélérateur et dépose son permis de construire à l’été 2017, travaillé avec les gens du quartier pour éviter tout recours et bénéficier du prix garanti au préalable. En parallèle de ces relations avec les collectivités nécessaires pour faire avancer le projet, l’association a cherché à travailler avec un bailleur social, afin d’assurer une mixité sociale, et afin que les ressources ne soient pas une limite à la participation à ce projet, faisant la part belle aux valeurs partagées. « Des gens qui n’ont pas d’argent ont les mêmes valeurs, donc c’est pour permettre à ces gens qui ont ces valeurs-là de vivre ensemble et de pouvoir accéder un logement décent. C’est pour ça qu’on est obligé de se mettre avec des bailleurs sociaux. Et avec les bailleurs sociaux, l’Etat aide les gens à accéder à un logement. » (Coopératrice de H’Nord, mars 2018)

De façon à pouvoir respecter son positionnement de départ, consistant à placer l’habitant au cœur de la démarche de projet, et à ne pas perdre la main sur celui-ci, H’Nord a construit un cadre pour la négociation avec les bailleurs démarchés.

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Figure 26. 115 « Les coopérateurs participent concrètement à l’intégralité des ateliers et des réunions qui sont menées tout au long de l’opération. Et le rôle de Coligny dans tout ça, c’est effectivement d’accompagner les futurs coopérateurs, les futurs habitants, pour que les décisions soient prises de façon éclairée, mais c’est aussi d’apporter un support technique qui permet de faciliter un peu les liens entre l’équipe de maîtrise d’œuvre, et puis les services techniques, et les futurs habitants. » 116 (Coligny, Responsable de projet) « Coligny est un constructeur et sera aussi un gestionnaire auprès de H’Nord, on est en co-maîtrise effectivement avec H’Nord. On apporte notre expertise, et en même temps H’Nord de son côté apporte une autre forme d’expertise, […] d’usage, dans laquelle ils s’impliquent complètement pour modeler en fait ce projet, et nous on est là pour que ce rêve […] et cette volonté qui est apportée par H’Nord, on puisse la transformer en réalité. Chacun étant dans son domaine un apporteur de valeur dans ce projet. » 117 (Coligny, Directeur général)

La volonté du groupe est également de ne pas séparer appartements dépendants du bailleur et appartements dépendants de la coopérative, mais bien de les mélanger. C’est entre autre ce qui a rendu la négociation difficile pour trouver un bailleur social prêt à entrer dans le projet. Le fait de partager la gestion du bâti et des espaces mutualisés mais aussi de ne pas 115

Op. Cit. DARROMAN, p.198. Op.Cit.Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux 117 Op. Cit. Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux 116

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contrôler la maitrise d’ouvrage que H’Nord souhaite conserver au maximum, conduit à des refus de la part des bailleurs sociaux démarchés. Un partenariat a finalement été officialisé en 2013 avec le bailleur Coligny-SNI, qui a fait l’objet de négociations avec l’association pour trouver des points de convergence. Coligny-SNI, désormais membre du comité de pilotage, a construit un préprogramme avec H’Nord qui a conduit à déterminer que 20 logements seront gérés par le bailleur, 5 en PLAI, 15 en PLUS. « On arrive à travailler de manière assez régulière avec au moins 10 coopérateurs, qui suivent le projet depuis le début, qui connaissent toutes les modifications, c’est-à-dire qu’ils vont arriver dans un bâtiment qu’ils connaissent sur le bout des doigts et dont ils peuvent vraiment se saisir » 118 (Mathieu Bergeret, 2PM Architectures) « Je pense que c’est une expérience extrêmement enrichissante pour nous, dans le sens qu’elle redonne à notre métier une dimension de service, d’écoute et d’accompagnement, et aussi de réflexion sur ce que c’est de partager des espaces d’un point de vue collectif, qu’on n’a pas, finalement, l’occasion de croiser très souvent aujourd’hui » 119 (Marie-Hélène Badia, Badia Berger architectes)

H’Nord réalise régulièrement des ateliers participatifs de programmation et d’architecture, en présence des architectes et du bailleur social Coligny, représenté par Julie Combes dans ce projet.

118 119

Op. Cit. Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux Op.Cit. Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux

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▌Section 2. Démarche top-down ■ La Ruche, démarche descendante pilote Plusieurs projets descendants ou « top-down » prennent place dans la métropole bordelaise. Le premier d’entre eux, La Ruche, à Bègles, a été livré en 2016. Le succès et la médiatisation de cette opération, appréhendée sous tous ses aspects dans une optique de reproductibilité a poussé d’autres collectivités à se lancer dans le montage de projets d’habitat participatif. Nous avons eu l’occasion de suivre la progression de l’un d’eux. Nous comparons ici les procédures des deux projets, l’un étant un projet pilote se voulant exemplaire, l’autre étant un descendant de cette opération que les initiateurs souhaitent voir se normaliser ou se généraliser. Un projet top-down se caractérise par un cadre partenarial défini. Le projet de la Ruche a ainsi été porté par la ville de Bègles, et son maire Noël Mamère -appartenant au parti Europe Ecologie les Verts-, par l’Etablissement Public d’Aménagement (EPA) Bordeaux-Euratlantique et par la Société coopérative de production HLM Axanis. Une équipe d’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage a été sélectionnée au terme d’un appel d’offre national. Cette équipe, CERISES, a accompagné le projet tout au long du processus. La mise en place de ce projet relève d’une réelle volonté politique de la part de la mairie : Noël Mamère avait notamment porté en 2009 une proposition de loi pour un « tiers secteur de l’habitat participatif, diversifié et écologique » 120, et la ville de Bègles a intégré ce qui deviendra plus tard officiellement le Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif. Le projet rejoint également les intérêts de l’Etablissement Public d’Aménagement Bordeaux Euratlantique, qui veut faire de son périmètre un « territoire laboratoire » et d’expérimentations de nouveaux modes de faire la ville. Pour Axanis, il s’agit de sa première expérience dans ce mode de production de l’habitat.

Figure 27. Image de synthèse présentant le projet de La Ruche Source : www.dauphins-architecture.com 120

Op.Cit. DARROMAN, p.207.

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11 LOGEMENTS PARTICIPATIFS ET ESPACES MUTUALISÉS Logement Participatif Biosourcé Bègles (33) 950 m2 / 1.440.000 €HT Maître d’ouvrage Axanis Equipe (base Mop) : B.ing / Berti / Overdrive Equipe étude complémentaire : 180° / Luc Floissac Programme : 11 logements participatifs et espaces mutualisés Livraison : Juin 2016 121

Onze familles y sont aujourd’hui logées. L’opération prévoyait à l’origine dix logements, un onzième ayant été créé en cours de projet, pour rétablir l’équilibre financier de l’opération. Neuf familles ont accédé à la propriété en VEFA classique ou par un système PSLA, et deux familles occupent les lieux en locatif social. L’une des particularités de ce projet, audelà de l’intégration des habitants au processus de conception, se situe dans le choix de réaliser les éléments porteurs en paille et les cloisons séparatives en torchis. Le projet a également intégré une part de chantier participatif pour diminuer les coûts, qui avait nécessité, de la part des habitants, de s’organiser pour se rendre disponibles. Ce chantier participatif a aussi contribué à renforcer la cohésion du groupe et le sentiment d’appropriation et d’appartenance aux lieux avant d’y entrer réellement.

Figure 28. Bottes de Paille constituant les murs de La Ruche Source : Axanis 121

http://www.dauphins-architecture.com/la-ruche/

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Figure 29. Pose de la première botte de la Ruche © Archives Thibaud Moritz

Figure 30. La Ruche habitée Source : www.dauphins-architecture.com

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■ La Médoquine, épreuve d’une méthode en cours de définition Les acteurs à l’initiative du projet de la Médoquine sont : la commune de Talence, Bordeaux Métropole, propriétaire du terrain ciblé, et Axanis, société coopérative de production HLM. Une équipe d’accompagnatrices, Assistantes à Maîtrise d’Usage AMU a également été choisie au terme d’un appel d’offre. Le projet prévoit à termes une quinzaine de logements maximum, ne dépassant pas le R+1, ainsi que des espaces mutualisés. A ce jour, un cahier des charges a été établi et transmis aux architectes ayant répondu à l’appel d’offre. Il comprend : une salle commune de 40m², une chambre d’amis de 9-10m², un atelier bricolage de 9-10m² et une buanderie de 5m² et un abri vélo-local poussettes- local ordures ménagères, en plus du jardin dans lequel les habitants souhaitent qu’il y ait un jardin d’agrément avec une terrasse dans le prolongement de la salle commune, un espace de jeu pour les enfants et un jardin potager.

Figure 31. Les acteurs du projet de la Médoquine Source : ACAtryo Les modalités du rapport entre ces différents acteurs sont cadrées par un contrat de partenariat, établi préalablement au lancement du projet. Il s’agit d’y définir les motifs de l’opération, les raisons de l’existence de ce partenariat ainsi que ses enjeux. Les objectifs et le rôle de chacune des parties y sont décrits, tout comme le site visé, le projet envisagé dans ses grandes lignes, et ses modalités de mise en œuvre et de pilotage. Ainsi, il est identifié que si les projets d’habitat participatif sont à l’origine plutôt initiés par les habitants, le projet dans sa morphologie ne peut être travaillé qu’une fois le terrain identifié et le budget évalué. Les acteurs du présent contrat se présentent ainsi comme des contributeurs à la réussite de cette démarche. Sont ainsi cités en premier lieu : « les propriétaires privés et publics de foncier et les bailleurs sociaux », viennent ensuite les

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experts : « les professionnels de l’accompagnement, les architectes, les artisans du bâtiment, les juristes ». Le contrat pointe les principes de partage, de solidarité, de coopération que portent les projets d’habitat participatif et met l’accent sur leur aspect novateur. Ainsi les objectifs de la ville de Talence sont principalement axés sur cet aspect innovant et créatif de ce mode de production de l’habitat : « innovation architecturale et urbaine », « innovation sociale », « accompagner les initiatives ». La ville poursuit également un objectif de mixité sociale, d’ouverture sur le quartier, de respect d’une identité locale, et de lutte contre l’étalement urbain. Elle souhaite ainsi augmenter le volet qualitatif des logements qu’elle propose en basant son offre sur la demande et « en laissant libre cours à l’intelligence collective ». La ville reconnait pour finir son incapacité à « faire de l’habitat participatif » par elle-même, et propose ainsi de mettre à disposition les outils dont elle dispose aux futurs habitants pour mettre en œuvre leur projet ; elle marque ainsi le degré de liberté qu’elle souhaite donner au groupe d’habitants. La métropole souhaite quant à elle développer une image de « métropole singulière et sensible », elle utilise également le champs lexical de l’innovation et de la différence : « promouvoir tous les modes d’habitat, du plus classique au plus innovant », « les logements, conçus sur mesure pour leurs occupants, sont dé-standardisés », « laisser libre cours à l’initiative collective des habitants pour inventer des modes d’habiter », « il apparait que l’habitat participatif pourrait être une des réponses alternatives et complémentaires aux modes actuels de production de l’habitat […] en proposant un modèle économique alternatif à la production immobilière courante ». Bordeaux métropole souhaite ainsi adapter son offre de logements aux besoins des ménages, et développer elle aussi son aspect qualitatif. Elle poursuit également un objectif de mixité sociale en favorisant une « accession sociale et abordable à la propriété ». Elle considère l’habitat participatif comme un réel levier pour l’atteindre, en maîtrisant les coûts de gestion et de sortie de logements « parfaitement adaptés à leur mode de vie », que les habitants conçoivent et gèrent eux même. Le volet écologie et développement durable suggère d’incorporer ces valeurs dans le processus de projet. Le site se situe donc entre la rue Avison et l’avenue de la Mission Haut Brion, sur un foncier d’environ 1580 m². « Cette emprise possède plusieurs atouts : En termes de maîtrise foncière, la domanialité métropolitaine peut être mobilisée rapidement - Localisation en entrée de ville - Une taille suffisante pour permettre une grande liberté dans le projet architectural (espaces communs et la réalisation d’espaces extérieurs. Situé en entrée de ville dans un quartier en évolution, ce terrain permettra au groupe d’habitants de proposer un projet, avec une densité adaptée au tissu environnant. » -

La particularité de ce site comparé à d’autres opérations d’habitat participatif est qu’il se situe en zone diffuse et ne fait pas partie d’une zone d’aménagement plus large comme cela avait été le cas pour La Ruche qui se situait dans le périmètre de l’Etablissement Public d’Aménagement Bordeaux Euratlantique, qui se voulait être un vivier pour l’innovation en favorisant notamment les initiatives et projets expérimentaux.

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Figure 32. Emplacement du site de projet quartier Médoquine Source : ACAtryo

Figure 33. Vues du site actuel de puis l’avenue de la Mission Haut-Brion Source : ACAtryo

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Figure 34. Déroulé du projet prévu, au 26 juin 2017 Source : ACAtryo Un calendrier général a été établi et présenté au lancement du projet. Nous avons pu suivre en temps réel les avancées du processus. Nous rendons compte de ce suivi dans un document comparant le calendrier qui avait été projeté en amont des ateliers, et celui, effectif, qui s’est adapté aux mouvements du groupe. Vous trouverez ce document sous forme papier, dépliable, ou sous forme numérique, sur CD, à la fin du présent dossier.

Figure 35. Calendrier effectif vs calendrier projeté pour les ateliers du projet de la Médoquine Source : élaboration personnelle issue du suivi des ateliers menés par ACAtryo et des documents de travail produits par ACAtryo 96


█ Partie III. Habitat participatif et organisme HLM : influences croisées « Il n’y a pas un projet qui est comme un autre parce qu’on travaille sur de l’humain et que chaque groupe est spécifique. On a un process, comment faire etc., mais par contre c’est quelque chose dans lequel il y a une vie. Avant on me prenait pour un fou et maintenant on me dit : mais comment tu fais ? Tu peux nous dire ? » (Organisme HLM, Directeur Général, mai 2018)

▌Chapitre 6. L’organisme HLM face à des problématiques polymorphes

Figure 36. Rôle des principaux acteurs d’une opération d’habitat participatif selon les phases du projet 122 (Les trois premières étapes ne se déroulent pas toujours dans cet ordre ni avec tous les acteurs indiqués, il s’agit ici d’un ordre d’idée général n.d.l.r.)

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Op. Cit. Habitat participatif et organismes HLM , p.20.

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« On s’est organisé pour changer de métier. Il faut comprendre qu’aujourd’hui, la production de logements, c’est tellement plus facile de les produire comme on produit des yaourts, avec le même 2 pièces et le même 3 pièces pour tout le monde, de manière industrialisée et rentable en termes de couts... Nous on s’est dit qu’il fallait, en termes de métier, que les responsables de programmes puissent évoluer pour appréhender un peu plus la complexité de ce type de projets. Ce sont des projets qui sont complexes parce qu’il faut intégrer les habitants dans la conception des résidences, et du coup c’est plus compliqué à cause du nombre, de la multiplicité un avis et il faut maitriser » (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018)

▌Section 1. La question du foncier Un foncier déjà choisi Après la visite du site de la Médoquine –la visite a eu lieu lors de l’Atelier 3 le groupe d’habitants a connu un renouvellement important. (Nous renvoyons au document dépliable comparant le calendrier projeté et le calendrier effectif du projet de la Médoquine) A l’atelier précédent, certains habitants ont mis en avant leur difficulté à s’y projeter, mais surtout son positionnement a été remis en question. Situé à un carrefour passant, qui accueille un chassécroisé de voitures, surtout aux heures de pointe, le matin et le soir, il est assez bruyant. Proche des vignes du château La Mission Haut Brion, les participants se sont inquiétés de leur exposition aux pesticides potentiellement utilisés lors de leur exploitation. En effet, si les habitants de projets de ce type souhaitent prendre part à cette expérience, et bien que le terrain se situe dans une zone où une opération produite classiquement par un promoteur immobilier se vendrait sans peine, leurs exigences sont assez hautes. Il faut aussi dire que dans l’imaginaire commun -cela est ressorti au travers de plusieurs propos d’habitants- l’habitat participatif est porteur de l’espoir d’habiter dans un « village en ville », qu’il s’agisse de l’esprit du lieu, de la relation entre les voisins ou de la présence d’espaces verts et d’un environnement sain, pour grandir et vieillir. Le premier contact avec le terrain vide, encadré d’un côté par l’avenue de la Mission Haut Brion, et de l’autre par les vignes, bouscule les premiers fantasmes. Le projet, alors à l’état de page blanche, sans groupe formé, sans plan ni volume, complique l’exercice de projection sur le terrain pour y construire un projet de vie en commun. Ainsi, à l’atelier de groupe suivant cette visite, trois habitants ont expliqué qu’ils ne continueraient pas à cause du terrain, trois autres n’ont plus donné de nouvelles, et deux autres, qui reviendront plus tard, n’ont pas donné de justification à leur absence de ce jour-là.

« On est sur un terrain diffus dans un site de transit urbain qui rencontre de l’accession participative. Les gens ont peut-être une idée un peu bucolique de la chose, tout en étant en ville. Ils veulent allier la desserte des transports proches, les services à cotés mais aussi à la campagne si ils pouvaient. C’est un peu compliqué. » (Organisme HLM, Responsable de programmes, avril 2018)

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La visite du terrain est essentielle puisqu’il s’agit du lieu, déterminé à l’avance et n’ayant pas vocation à être modifié, où l’opération doit prendre place. On peut alors se demander si le moment de la visite du terrain arrive judicieusement dans le processus de projet, ou bien, en retournant la question, si le moment de formation du groupe arrive au bon moment par rapport à la question du foncier. « [Ce sont des projets descendants sur lesquels] les gens ne trouvent pas d’encrage ! Sur quoi on vient, juste sur un terrain ? Juste sur une envie de solidarité, mais qui se traduit par quoi ? C’est joli les termes solidarité et bienveillance, mais concrètement ça veut dire quoi ? Par quoi ça va passer, comment ça va se matérialiser ? » (Habitante d’un projet Bottom-up, à propos de projets Top-down, mars 2018)

C’est bien là la différence avec des projets de type Bottom-up qui commencent par la formation d’un groupe, qui se connait ou apprend à se connaitre, développe des valeurs communes, un but commun, et se solidarise autour. Rétroactivement, si on fait le bilan des personnes restées durablement dans le projet de la Médoquine à la suite de cette première visite, il s’agit de personnes à ce jour investies personnellement ou professionnellement dans le domaine associatif, social et/ou l’éducation, ou qui ont une connaissance de près ou de loin de projets déjà achevés, notamment la Ruche, à Bègles. Les personnes « captées » par les premiers ateliers sont ainsi en amont déjà sensibilisées à ce type de projet, ou bien développent au quotidien des pratiques tournées vers un autre, basées sur la transmission ou la solidarité. L’observation de la progression des ateliers de la Médoquine confirme une problématique liée au foncier souvent constatée et rapportée dans nombre de travaux de recherche et rapports divers. Pour autant, le dégagement, en amont, d’une opportunité foncière réservée pour le projet par l’action conjointe de la collectivité et de l’organisme HLM permet de lever une difficulté majeure des projets d’habitat participatif, notamment Bottom-up. Si la phase de constitution du groupe et celle de définition du projet de vie ne nécessitent pas un terrain, la phase d’élaboration physique du projet en est indissociable. Entre 2009 et 2012, la difficulté à trouver un accord avec la ville et ses services techniques a contraint l’évolution du projet de H’Nord. En effet, le terrain au cœur de l’ilot Dupaty cristallise beaucoup d’enjeux du fait de son emplacement et de sa valeur, et a fait l’objet d’âpres négociations. La faisabilité du projet notamment du point de vue économique dépendait du prix du foncier. La solution d’un bail emphytéotique avait été envisagée, ou bien la cession du foncier à un prix très préférentiel, mais aucune de ces deux options n’avait pu aboutir, peut-être par manque d’expérience dans l’octroi de ce type de bail pour un projet de ce type, peut-être du fait de la localisation du foncier, sa composition ou toute autre raison. Le site, découpé en plusieurs parcelles, a pu être préempté en partie par la CUB, mais l’un des fonciers mitoyens visé par H’Nord, alors encore simple association, était privé. Pour les terrains dépendants de la CUB, une réduction du coût du foncier a pu être envisagée lors d’une délibération sur l’estimation des domaines, et au regard de la typologie de logements envisagés au travers de l’intervention du bailleur social : PLAI et PLUS. Cependant, le terrain privé visé, du fait de la perspective d’ouverture de la voie rendant le cœur d’ilot accessible, a vu sa valeur augmenter en flèche. Les propriétaires ont reçu des propositions alléchantes de promoteurs privés, et ce terrain a été décroché par Bouygues immobilier. Devant la complexité d’obtention des parcelles, l’association a été contrainte de diminuer la capacité constructive de son projet. 99


Dans des zones urbaines aussi tendues, la question du foncier est la problématique n°1 des projets d’habitat participatif, puisqu’il peut ralentir, arrêter ou au contraire relancer un projet jusqu’à son achèvement. Un soutien politique est indispensable pour maîtriser ou baisser son coût. L’intégration d’un organisme HLM permet également de faire varier la typologie, d’ouvrir à des ménages aux moyens plus faibles et donc de participer à une plus grande mixité sociale permettant d’envisager des tarifs compatibles avec une opération de logement social. Les collectivités anticipent cette question et peuvent procéder à un repérage ou fléchage de terrains au sein de son périmètre, dévolus pour des opérations d’habitat participatif top-down ou bottom-up, ce qui représente aussi un marqueur de leur engagement. La localisation des terrains peut faire débat car si le foncier est l’un des enjeux centraux des projets, son emplacement l’est également au regard des attentes et désirs préalables des habitants. Certains peuvent parfois être très critiques vis-à-vis des fonciers proposés avec la sensation, exprimée à demi-mots, qu’il s’agirait presque de « délaissés urbains », décevant leur vision hors-sol de ce à quoi le projet pourrait ressembler. Il faut néanmoins réaliser que ces opérations, en intégrant du logement social, sous format de propriété ou de locatif, doivent avoir une charge foncière et un coût d’achat compatible avec un bilan de logement social (locatif ou accession). Les terrains mobilisés se situent souvent dans une zone d’aménagement concertée au sein de laquelle les collectivités réfléchissent à établir des proportions équilibrés de logements en accession libre, sociale, en locatif social, avec une volonté d’en faire une zone un peu « laboratoire » pour l’innovation notamment dans le domaine de l’habitat. Le terrain du projet de la Médoquine, rue Avison, se situe quant à lui en zone diffuse, ce qui est finalement assez particulier pour un projet topdown. Les propriétés des terrains sont également variables, ville, métropole, privé.

Un foncier dépendant de l’action conjointe de la commune et de la métropole En réalité, il n’y a pas de modes de fléchage particulier sur Bordeaux métropole. Les premiers groupes d’habitants historiques sur la métropole que sont H’Nord, les Boboyakas et Sarah, ont sollicité la métropole et les élus des communes visées à partir de 2006 selon leur ancienneté. Ces terrains n’ont pas fait l’objet d’appel à projet pour faire converger des groupes d’habitants sur des terrains déjà désignés. Par la suite, des communes ont exprimé le souhait de faire de l’habitat participatif et ont ciblé certains terrains sur lesquels elles aimeraient développer une opération. Pour autant, un foncier situé au sein d’une commune ne dépend pas nécessairement uniquement de celleci. Pour exemple, le foncier du projet de la Médoquine est un foncier métropolitain. Certains peuvent même dépendre en partie de la commune et de la métropole : en effet, un habitat participatif en cours d’élaboration dans le quartier Mérignac Beutre, récemment baptisé « Le Nid » par ses futurs habitants, porté lui aussi par Axanis, prend étonnamment place sur un foncier métropolitain … et ville de Bordeaux ! L’explication remonte à l’époque de la destruction du quartier Mériadeck, pendant laquelle la ville de Bordeaux avait dû acquérir des terrains pour reloger les populations déplacées, en partenariat avec un organisme HLM pouvant occuper les lieux grâce à un bail emphytéotique. La ville de Bordeaux a rétrocédé la part de foncier lui appartenant à la métropole car il est important de savoir que seule la métropole est en mesure de proposer une décote sur le foncier.

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Comment cette décote est-elle établie ? Pour l’opération de la Médoquine il était évoqué, dans le contrat de partenariat établi entre les parties au préalable du lancement de l’opération, une décote de 20%. Le terrain de l’opération se divise en une partie préemptée et en une partie de foncier dit « en stock ». Le foncier en stock est un foncier détenu depuis un certain temps par la métropole, il n’est pas acheté et préempté pour l’opération. La décote fait office de « prix pour l’ensemble », sous réserve de produire une opération en accession sociale maîtrisée, dont les coûts au m² ne dépassent pas une certaine limite. (Pour plus de détails sur cette décote et son rapport au prix/m² de sortie, nous renvoyons au Chapitre 6. Section 6. L’organisme HLM, un acteur qui évolue) La corrélation entre cette décote et les logements proposés via le système du PSLA fait converger la volonté de la métropole et l’engagement du bailleur dans le fait de produire des logements accessible. Le contrat vaut engagement par la métropole de céder le foncier lors de la phase de construction, mais elle pose ainsi ses conditions. « On souhaite que ce soit de l’habitat participatif qui rentre dans les coûts de l’accession maîtrisée. Ce sont les garde-fous pour que ce ne soit pas de l’habitat participatif pour les riches. » (Technicien, Bordeaux Métropole, mai 2018)

Les projets visant un terrain qui n’a pas été déterminé en amont et portés par des groupes d’habitants comme ceux de H’Nord ou des Boboyakas ne bénéficient pas d’un contrat comme celui régissant les opérations Top-down telles celle de la Médoquine où la Métropole s’engage à céder le foncier « noir sur blanc », bien qu’il y ait eu plusieurs contrats garantissant que le terrain leur était prioritairement destiné (2010) ou que le prix du foncier estimé par France Domaine en 2014/2015 serait garanti jusqu’en 2016, puis, jusqu’en 2017, moment auquel la coopérative d’habitants a déposé le Permis de Construire. En effet, le fait de se baser sur l’estimation des domaines peut faire évoluer régulièrement le prix du foncier, de façon assez exponentielle comme on le constate ces dernières années sur le territoire de la métropole bordelaise. Connaître la charge foncière qu’il faudra assumer est une condition indispensable pour la conception du projet et la définition de son équilibre économique. Les projets portés par des groupes d’habitants peuvent évoluer sur un temps long, et il est difficile de garantir un prix sur une longue durée. D’autre part, on observe que la prospection foncière par le groupe d’habitants lui-même peut durer très longtemps sans forcément aboutir, ce qui peut remettre en cause tout un projet qui peine alors à avancer dans sa démarche. Nous pouvons citer l’exemple de la coopérative d’habitants L’Sud qui est aujourd’hui en recherche d’un foncier qui lui corresponde. Dans le cadre d’un appel à projets, cet écueil est contourné par le fait que le foncier est visé en amont pour y intégrer un projet. On peut dans ce cas parler de foncier fléché. On connait alors la charge foncière, et un comité technique composé d’élus et de techniciens examine les projets répondant à l’appel d’offre par rapport à un cahier des charges défini par la collectivité, et le meilleur est sélectionné. Certains habitants portant leur projet bottom-up émettent cependant des réserves quant à cet appel d’offre qui s’oriente de fait vers une mise en compétition des projets. Dans le cas de Bordeaux ces appels d’offres sont intégrés à des opérations d’aménagement sur des secteurs assez larges, dans des Zones d’Aménagement Concerté où la charge foncière est déjà calculée.

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▌Section 2. La collectivité locale, un partenariat essentiel Nous l’avons vu, la question du foncier est intrinsèquement liée à l’action et à l’engagement de la collectivité pour désigner un foncier, en abaisser les charges ou le réserver, soutenir les démarches lorsqu’un terrain est visé par un groupe d’habitants (même si cette configuration est davantage de l’ordre de l’exception aujourd’hui), dans sa volonté d’intégrer du participatif à des zones d’aménagement larges. L’habitat participatif et son implantation dépend donc des politiques locales.

Les collectivités peuvent également représenter un appui politique nécessaire auprès d’autres partenaires, comme les banques par exemple, et le niveau d’implication des élus est un facteur de réussite important. A la mairie de Talence les actions en faveur d’une participation plus grande des habitants est à l’œuvre depuis 2008. La requalification du quartier de Thouars en est, selon une élue municipale, rencontrée à la journée portes-ouvertes de l’habitat participatif du 26 mai 2018 sur le site de la Médoquine, l’un des premiers exemples : « Par exemple pour la requalification du quartier de Thouars, ou là contrairement à tout ce qu’on nous préconisait on commençait à nous parler de concertation, ce qui pour moi n’est pas équivalent à de la participation […] C’était l’époque où la grande mode c’était de détruire les barres et de reconstruire. […] On a modélisé le quartier, on a fait jouer les gens, on a divisé les tours par paquet de 10 appartements, et là tout le monde s’est rendu compte que c’était peut-être mieux d’habiter dans une ville verticale que tout détruire et faire disparaitre l’ensemble de l’espace. »

Talence est aussi l’une des premières villes d’aquitaine à avoir un budget participatif, qui représente 10% de son budget d’investissement (hors très gros investissements comme la piscine par exemple). A ce jour, il s’agit de la deuxième édition du budget participatif. L’objectif pour la mairie est de « ramener le plus grand nombre vers la vie collective » et de progresser ensemble, y compris dans leurs services internes. Pour le maire de Talence, l’enjeu de l’opération d’habitat participatif est bien un enjeu social, de vivre-ensemble, et d’en faire, peut-être, ce qui sera la norme demain, en proposant des logements 15 à 30% moins chers que sur le marché. La ville souhaite se poser en tant que précurseur de cette démarche sur le territoire de la métropole bordelaise, avec les autres villes déjà engagées dans ce type d’opérations. « Ce projet d’habitat participatif, le premier en son genre à Talence, se veut absolument exemplaire. En termes de construction durable, de performance thermique, de gestion de l’eau, de nombre raisonné de logements, mais aussi et surtout en termes de diversité sociale, humaine et générationnelle. Ce futur bâtiment sera celui de tous, par tous et pour tous. Innovant architecturalement et socialement, il marquera notre volonté d’accompagner au mieux toutes les initiatives citoyennes et de faciliter toujours une vraie coproduction à l’échelle de la commune. » (Extrait d’un dossier publié par la mairie de Talence, à propos du projet de la Médoquine 2017)

A propos de l’opération de la Médoquine que la ville soutient, le maire s’engage à travailler sur la réouverture de la gare voisine et sur le passage d’un transport en commun en 102


site propre, notamment pour diminuer le passage sur l’avenue de la Mission Haut-Brion où l’importance du trafic représente l’une des réserves des futurs habitants. La ville s’engage également dans un suivi au plus près de l’opération, arguant que le fait de voir les avancements du projet en amont, d’en connaître les tenants et aboutissants, est un gage de rapidité de traitement lors de la soumission du Permis de Construire. La mairie a aussi récemment voté une charte des chantiers à faible nuisance (bien construire, gestion du chantier et des déchets pour des constructions au-delà de 350m²), et travaille sur une charte en faveur d’un urbanisme durable, pour laquelle il est prévu d’intégrer des habitants dans la démarche de réflexion. « Au-delà de l’habitat participatif, cette charte vise à doter notre commune d‘outils d’encadrement urbain qui correspondent aux aspirations des habitants, […] puisque les habitants ont besoin de se loger. Si la ville ne mute pas, personne ne se loge, on fige la machine et le prix des logements monte. » (Elue municipale, Mairie de Talence, mai 2018)

Dans le projet qui nous intéresse, la mairie de Talence, à l’initiative du projet, a choisi le terrain pour l’opération, en donne les grandes orientations, coordonne l’action des acteurs du projet, et en assure la communication. Lors de l’atelier 7 du 9 janvier 2018, où aucun des participants aux ateliers précédents n’était présent, la mairie a remis l’accent sur la communication, tout comme Axanis qui a aussi relancé son réseau. L’atelier suivant, cinq nouvelles personnes étaient présentes, et deux anciens s’étaient représentés, et sept ménages supplémentaires étaient présents. La mairie de Talence produit entre autre pour cela des dossiers explicatifs, une plaquette de présentation, de l’affichage urbain et est présent lors de réunions publiques d’information telles que cette journée portes-ouvertes. La ville de Talence reprécise ses trois objectifs principaux dans le contrat de partenariat: - Favoriser l’innovation architecturale et urbaine au travers d’une « troisième voie » qui réponde à une demande entre le locatif social et l’accession classique - Soutenir l’innovation sociale vers une plus grande mixité sociale et pour lutter contre l’étalement urbain, avec « des valeurs de solidarité d’entraide et d’initiative, laissant libre cours à l’intelligence collective, et favorisant le développement d’un territoire solidaire » - Accompagner les initiatives de groupes d’habitants en mettant à sa disposition ses outils pour le montage juridique et financier.

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Figure 37. Couverture de la plaquette de prĂŠsentation du projet de la MĂŠdoquine Source : Mairie de Talence

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Comme nous l’avons précisé plus haut, la métropole est la seule à pouvoir effectuer une décote sur le prix du foncier, faire des préemptions et réserver des terrains pour une opération. L’engagement de Bordeaux Métropole est aussi indispensable dans les différents projets qui prennent place en son sein notamment pour l’équilibrage économique du projet. (Pour ce qui concerne ses motivations plus générales à s’engager dans l’habitat participatif, nous renvoyons au Chapitre 2. Section 3. Positionnement de la métropole bordelaise) Par exemple, Bordeaux Métropole peut fournir une aide à l’ingénierie pouvant aller jusqu’à 8000 euros. Pour la délivrer, il est demandé d’établir une convention partenariale, comme celle évoquée précédemment, et une convention de subvention, lorsqu’il s’agit d’un projet de type top-down. Cette subvention est souvent donnée en deux temps : 3000 euros pour l’accompagnement à maitrise d’usage, et 5000 euros pour la maîtrise d’ouvrage, et est versée à l’organisme HLM. Il est nécessaire de préciser que cette aide ne peut pas être délivrée lorsqu’un projet se fait sur une réserve foncière déjà détenue par un organisme HLM : par exemple le projet d’habitat participatif dans le quartier Bastide à Bordeaux, qui se monte, avec Axanis, sur une réserve foncière d’Aquitanis. Ce système de convention a été établi depuis le projet de La Ruche, pour lequel l’aide avait été versée sans réel cadre, puisqu’il s’agissait de la première opération de ce type sur la métropole bordelaise. Dans le cas de projets portés par un groupe d’habitants, en coopérative ou non, une sorte de convention est aussi établie avec eux et l’aide leur est versée directement. Ces projets historiques (Boboyaka, H’Nord, Sarah) ont aussi fait bougé les lignes de Bordeaux Métropole au sujet de l’accompagnement des groupes. Le 23 décembre 2018 dernier a été adoptée une convention cadre permettant à la métropole de se porter garante vis-à-vis de la banque pour les emprunts des coopératives d’habitants, ce qui représente une avancée conséquente grâce à la détermination de ces groupes particuliers, pour qu’ils puissent obtenir ce que font généralement les collectivités pour les bailleurs. Le soutien financier de Bordeaux Métropole sous quelque forme que ce soit s’effectue avant toute chose dans le cadre d’une accessibilité financière, pour laquelle l’intervention d’un organisme HLM se justifie d’autant plus. Pour les opérations prenant place au sein de la ville de Bordeaux, cette dernière peut aussi débloquer d’autres types d’aides : par exemple le projet Sarah a pu bénéficier d’une aide de 4000 euros afin de pouvoir faire appel à un AMO pour mettre en place les préconisations d’un financement ADEME visé. Il s’agit d’un financement aidant les démarches innovantes dans le domaine du développement durable. La Ruche, en tant que projet pilote sur la métropole, avait bénéficié d’aides multiples, à une période où le foncier était moins cher, ce qui rend difficile d’envisager une reproductibilité au même niveau pour les opérations suivantes. En effet, cette opération avait bénéficié d’un foncier métropolitain décoté, d’un financement ADEME, d’une aide financière à la construction du bâti et aux études de sol par l’Etablissement Public d’Aménagement Bordeaux Euratlantique, en plus d’une communication conséquente assurée par la ville de Bègles avec le tournage d’un film documentaire sur le processus de projet 123, et de l’aide à l’ingénierie de la métropole, alors la CUB. Il est aussi intéressant de préciser que sur ce projet Axanis, n’a pas pu dégager une marge de fonds propres. (En précision, selon le technicien de Bordeaux Métropole interrogé, sur ce type de projet participatif les organismes HLM peuvent dégager entre 3% et 5%, alors que dans la promotion plus classique ce sera entre 8% et 10%.)

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Bienvenue à La Ruche, (Image et montage : Christophe GARBAGE – Réalisation : Jean-Paul LASCAR) 2016, Film documentaire, 1h26

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Depuis 2016, un poste a été créé spécifiquement pour l’habitat participatif, avec un agent qui accompagne les groupes et facilite les relations, interface indispensable entre les services de Bordeaux Métropole et les groupes d’habitants. (Nous renvoyons au Chapitre 2. Section 3. Positionnement de la métropole bordelaise) La collectivité intervient aussi dans d’autres aspects du projet qui relèvent d’impondérables, comme le déplacement d’un arrêt de bus, la désaffectation d’un terrain, le percement d’une voie… Les actions mise en œuvre et les outils développé par Bordeaux Métropole et ses communes n’a cependant pas valeur de généralités. Ils dépendent de l’engagement des collectivités dans l’habitat participatif, de leurs modes de fonctionnement, des orientations qu’elles souhaitent développer, et leurs priorités. Cet engagement peut être susceptible de varier au gré des intérêts variables ou des changements de majorité entre autres. « Au niveau du Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif, certaines collectivités ne répondent plus présent ou se désintéressent quelque peu, […] ils essaient de relancer la machine. » (Technicien, Bordeaux Métropole, mai 2018)

Dans tous les cas, les aides développées par les collectivités doivent se mettre en place autant que possible dans un souci d’égalité avec d’autres projets, pour ne pas en favoriser un par rapport à un autre. Pour résumer, la collectivité locale est un acteur essentiel dans le portage politique du projet, dans le soutien au développement de la démarche dans le territoire, et dans sa mise en œuvre. Elle intervient au moment de la recherche d’habitants en communiquant et en sensibilisant autour du projet ou bien en faisant des appels à projets, au moment de la recherche foncière en amont ou pendant le projet selon sa forme, ainsi qu’au moment du montage juridique et financier par l’octroi de subventions.

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▌Section 3. Le groupe, une variable au cœur du projet Un groupe mouvant Les organismes HLM, tout comme les collectivités, sont soumis à une variable de taille quel que soit le type de projet : le groupe d’habitants, dans la majeure partie des cas instable jusqu’à la phase de chantier, et même pendant celle-ci même si cela peut être dans une moindre mesure. Ces mouvements de groupe irréguliers se produiront au fil de la construction du projet, au gré des difficultés, des divergences d’opinions, du temps du projet, des impératifs de la vie, des exigences du groupe d’habitants.

« Je dirais même plus que ça il y a des difficultés dans tous les groupes à l’heure actuelle. On a des difficultés à les constituer, effectivement. Le groupe des Sècheries, entre le début de la démarche, et là où ça en est maintenant, il y a déjà eu un turn-over de 100%. Les Sècheries 124 à l’heure actuelle il n’y a plus de problème, il y a 12 foyers maintenant qui sont revenus. Mais ce sujet est général, c’est-à-dire la difficulté à constituer les groupes. On voit bien que sur Talence on a du mal à avoir un groupe un peu étoffé, récurrent, qui s’investisse vraiment, on commence juste là. Il y a troisquatre foyers, donc on va peut-être pouvoir commencer à avoir un groupe pilote. Donc oui effectivement sur les Sècheries, le groupe s’est étiolé et ça ne s’est refait que quand l’architecte a commencé à produire quelque chose. » (Organisme HLM, Responsable de programme, avril 2018)

« Le retour d’expérience que l’on a par rapport à nos projets, c’est que pour une opération de 12 logements on va passer 36 foyers, c'est-à-dire entre le lancement de l’opération et les gens qui seront effectivement dedans, on aura vu au moins 3 fois le nombre de logements pour avoir des foyers qui seront plus ou moins investis. Cela se vérifie de plus en plus donc il faut aussi que nous l’intégrions dans la démarche, qu’on ne se décourage pas parce qu’il y a des moments où on ne se retrouve plus avec grand monde…. Parce que de toutes façons la durée normale d’une opération qui est minimum de 3 ans, qui est généralement de 4 ans pour du participatif -qui si il y a quelques difficultés recours etc. peut-être de 5 ans- il peut se passer plein de choses dans la vie des gens, ils peuvent être tout à fait motivés à tenter et puis pour des raisons professionnelles ou autre, ils peuvent quitter la démarche au fur et à mesure, même les plus motivés, ça il faut l’intégrer. » (Organisme HLM, Responsable de programme, avril 2018)

« Moi je prends toujours l’image d’un train : le nombre de place est le nombre de logements prévisionnels dans le projet. Le train démarre à la première réunion d’information où on crée un peu le noyau dur du groupe. Le train avance, il y a des personnes qui descendent parce que ça ne les intéresse plus ou que ça ne correspond pas à ce qu’ils attendaient. D’autres montent un peu plus tard et toute la complexité pour nous, c’est de faire en sorte que le train arrive à l’heure et que toutes les places

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Autre projet d’habitat participatif à Bègles

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soient remplies. […] On porte tout le risque commercial, ce sont des logements qui sont à la vente donc il faut que l’ensemble de la résidence soit habitée. » (Organisme HLM, Directeur Général, mai 2018)

Au-delà du rassemblement d’un groupe de personnes, la constitution d’un collectif est le préalable à tout projet d’habitat participatif. Ce collectif se construit sur la connaissance mutuelle des habitants, qui apprennent progressivement à se connaître, se reconnaître et s’accepter. Ils se rassemblent autour de valeurs communes qu’ils expriment et matérialisent dans un document essentiel : la charte, définissant le projet de vie qu’ils partageront pendant le processus de projet et après l’achèvement de l’opération. Le groupe peut se constituer de plusieurs façons : par une initiative habitante, comme cela a été le cas pour le projet H’Nord, L’Sud ou les Boboyakas, ou par une initiative institutionnelle, par une sollicitation de la collectivité et/ou de l’organisme HLM, selon des motivations variées de la part des ménages. Pour que le projet puisse débuter, il n’est pas nécessaire que le groupe soit complet. A minima, un « noyau dur » représentant en moyenne 1/3 des ménages prévus sur l’opération est nécessaire pour entamer le travail de co-conception.

Emergence de la cohésion de groupe à la Médoquine

Concernant le projet de la Médoquine, il avait été estimé que le groupe noyau serait constitué entre la fin d’année 2017 (Atelier 6) et le début d’année 2018 (Atelier 7). (Nous renvoyons au document dépliable comparant le calendrier projeté et le calendrier effectif) Le suivi des ateliers nous permet de situer la formation solide de ce groupe noyau à l’atelier 10 (20 mars 2018). Les premiers dossiers de candidature ont été déposés et, s’ils n’ont pas valeur de contrat d’engagement de la part des habitants, ils représentent malgré tout la volonté d’entrer dans le projet et de se l’approprier en connaissant le mode d’accession et le nombre de m² auquel ils peuvent prétendre, de façon à pouvoir se projeter. Ce dixième atelier a véritablement été un tournant dans la progression du projet. Son format était aussi différent des précédents. En effet, jusqu’à l’atelier 9 (20 février 2018), le travail s’est essentiellement concentré sur la définition de l’habitat participatif et du projet de vie autour d’activités permettant aux habitants de mieux se connaitre, en travaillant ensemble sur de premiers éléments de charte. La répartition spatiale était ainsi : les assistantes à maîtrise d’usage face aux habitants, tous assis en cercle autour d’elles, avec la volonté d’avoir une disposition la moins hiérarchique possible, bien qu’elles guident les ateliers. (Nous renvoyons à la méthode d’ACAtryo davantage détaillée au Chapitre 6. Section 4. Un acteur souvent indispensable : l’Assistance à Maîtrise d’Usage) L’atelier 9 a débuté sur ce format, puis l’ensemble des participants s’est rassemblé debout autour d’une table pour une première évocation des espaces collectifs, à propos de ce qui peut y prendre place ou de ce qui peut représenter un « conflit d’usage ». L’assemblage d’images montrant différents types d’espaces partagés autour desquelles le groupe a débattu, a marqué l’entrée dans une approche plus concrète du projet, enthousiasmant les participants qui s’inquiétaient malgré tout encore de l’émergence d’un « vrai groupe » porteur, alors pas encore stabilisé. Lors de l’atelier 10 (20 mars 2018), l’ensemble du groupe (anciens et nouveaux) s’est rassemblé autour d’une table et a travaillé de concert avec l’équipe d’AMU, 108


s’échangeant tubes de colles, ciseaux et plaisanteries, en travaillant dans un premier temps sur les espaces collectifs puis sur les espaces individuels des logements. Cet atelier a représenté l’un des moments les plus fédérateurs du groupe, comme avait déjà pu l’être l’atelier 6 (19 décembre 2017), même si peu de personnes ont été présentes ce soir-là. « C’est agréable de découvrir des personnes et de voir la rapidité avec laquelle on a mis des mots sur cette page blanche. Il y a de la richesse entre nous. […] ça marche de travailler ensemble. » (Participants à l’atelier 6 de l’opération de la Médoquine, 19 décembre 2018)

Figure 38. Atelier 6 du projet de la Médoquine, travail sur une ébauche de charte Lieu : Mairie de Talence Source : ACAtryo

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Figure 39. Atelier 10 du projet de la Médoquine, travail sur la définition des espaces individuels Lieu : Château de Thouars Source : personnelle

« C’est hyper grisant, il y a de l’ouverture d’esprit, c’est motivant. […] Je me sens à l’aise, notre façon de vivre ressemble à ça. […] Ca me rappelle mon enfance, de réunir tout le monde. […] J’aime l’ambiance et les perspectives. […] Ça devient concret. » (Participants à l’atelier 9 de l’opération de la Médoquine, 20 février 2018) « Je n’ai aucun doute quant à la faisabilité du projet. […] C’est un plaisir de se retrouver et de rentrer dans le concret. […] L’ambiance est très bonne. » (Participants à l’atelier 10 de l’opération de la Médoquine, 20 mars 2018)

A la suite de l’atelier 10 le groupe s’est donné rendez-vous en dehors des ateliers proposés par ACAtryo pour travailler sur la Charte, et a présenté le résultat de son travail lors de l’atelier suivant (17 avril 2017). L’investissement engagé par le groupe ainsi que la précision du travail d’écriture et de définition ont impressionné l’équipe d’AMU, les représentants d’Axanis présents et les nouveaux arrivants qui se sont déclarés agréablement surpris et rassurés par une charte en laquelle ils s’imagineraient sans peine pouvoir adhérer. Cet atelier a été le premier pour lequel aucun point « négatif » n’a été relevé en fin de séance, du fait de l’enthousiasme général.

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Figure 40. Atelier 11 du projet de la Médoquine, travail sur la définition des espaces individuels Lieu : Château de Thouars Source : ACAtryo

On peut noter que, désormais, une réelle dimension affective est présente au sein du groupe. Une famille de quatre personnes qui avait participé jusqu’à l’atelier 11 a ensuite annoncé qu’elle ne continuera pas le projet pour des raisons personnelles, à regret au vu de la vie du groupe. Elle souhaite malgré tout suivre les avancements du projet. « C’est un véritable crève-cœur que de devoir vous dire au revoir ! En ce 1er mai, nous vous souhaitons tout le bonheur du monde, et à la vue de la qualité de ce groupe d’habitants, nous n’en doutons pas. Nous nous gardons le droit de venir prendre des nouvelles du groupe et du projet afin de venir vous féliciter en 2020/21 pour l’entrée dans les murs. Bon vent à toutes et tous … mais à bientôt quand même … » (Extrait de mail, anciens membres du groupe d’habitants de la Médoquine, 1er mai 2018) L’une des futures habitantes a accompagné la nouvelle, évoquée à l’atelier suivant, par une phrase simple marquant la place que ces personnes avaient déjà acquise au sein du groupe : « Nous avions les mêmes valeurs, c’est certain. » (Future habitante du projet de la Médoquine, 15 mai 2018)

Lors de ce douzième atelier (15 mai 2018), nous avons pu ressentir que le groupe se saisissait réellement de ce projet, et exprimait une grande envie de solidarité. Les futurs 111


habitants, s’étant à nouveau réunis en amont, ont interpelé les membres de l’organisme HLM présent au sujet d’une personne qui avait dû quitter le groupe faute de moyens (il s’était retiré sur décision personnelle, mais n’avait pas soumis son dossier à Axanis) et l’avait interrogé sur l’éventualité de proposer des logements en locatif social. L’un des membres avait déjà soulevé l’idée de faire éventuellement appel à ses propres capacités de financement afin de « se porter garant pour un autre ». (Nous renvoyons au Chapitre 7. Section 2. Mixité sociale et économique réelle, la question du locatif) « Si dans le groupe la solidarité ne s’exprime pas, ça ne va pas. » (Futur habitant du projet de la Médoquine, 15 mai 2018)

Les futurs habitants ont aussi interpellé Axanis sur le traitement de leur dossier de financement, sur ce qui arriverait si le nombre de ménages n’était pas atteint d’ici la fin de l’étape de conception, sur la façon d’accueillir de nouvelles personnes, ainsi que sur la part d’auto-construction possible pour faire baisser les coûts futurs. La séance s’était poursuivie par l’établissement d’une liste de questions à poser aux équipes de maîtrise d’œuvre retenues, lors d’une séance de questions-réponses qui aura lieu le 10 juillet 2018. Cette séance ayant lieu après la remise du présent mémoire, il n’en sera pas fait mention, pour des raisons évidentes de confidentialité. Enfin, à la fin de la séance, un couple de futurs habitants a partagé avec l’assemblée une heureuse et intime nouvelle, témoignant des liens en création : l’attente d’un enfant qui renforce encore davantage leur envie de s’investir dans ce projet d’habitat participatif, représentant pour eux un environnement idéal pour l’accueillir, pour les valeurs et les personnes qui le portent. Le 26 mai 2018, ceux qui ont pu se rendre disponibles étaient présents à la journée portes-ouvertes dans le cadre du mois de l’habitat participatif (mai 2018), de façon à témoigner sur leur projet et accueillir et renseigner d’éventuels intéressés lors d’un rassemblement sur le site entre 11h30 et 13h.

Figure 41. Illustration pour la journée de découverte des projets d’habitat participatif portés par Axanis Source : Axanis La charte produite par les habitants s’intitule aujourd’hui « Tous ensemble et chacun chez soi ». Cette charte est un document extrêmement important pour le groupe puisqu’il marque l’engagement moral de chacun des membres, mais aussi des partenaires du 112


projet (Axanis, la ville de Talence et Bordeaux Métropole) vis-à-vis du groupe. Elle représente ainsi une autre forme de contrat de partenariat, cette fois entre les parties initiatrices du projet et les habitants. Le groupe a choisi de mettre l’accent sur le « vivreensemble » ainsi que « l’engagement citoyen et éco-responsable ». La partie « vivreensemble » est à ce jour la plus fournie, car dès les premiers ateliers les travaux réalisé ont fait ressortir le souci d’établir un grand respect entre les futurs habitants : « Le respect est la base du projet que nous souhaitons défendre ». La charte traite donc des points suivants :  -

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Vivre-ensemble Respect Partage d’espaces, de temps, de compétences, de bons moments etc. Solidarité Relations intergénérationnelles Entraide Bienveillance et tolérance, en précisant, en accord avec le titre de la charte : « L’intimité ne sera pas incompatible avec l’idée de se soucier de ses voisins. De la même façon, le souci de l’autre ne devra pas être perçu comme une intrusion. » Différences = Richesse « ‘’C’est en vivant avec les gens que nous apprenons à les connaître’’. Nous rajouterons : et à les accepter dans toutes leurs différences »

 Engagement citoyen et éco-responsable - Création, Innovation et Construction : démarche commune pour définir usages et règles de vie autour de valeurs partagés (Ce qui sera le futur règlement), volonté de créer avec les architectes une architecture innovante faisant ressortir ces valeurs, diversité de ménages dans un nombre raisonné de logements, utilisation de matériaux et procédés respectueux de l’environnement (habitat sain) avec une gestion maîtrisée et modérée des énergies sans dégrader le confort des habitants, une sobriété des modes de vie. - Valeurs écologiques : sans être « jusqu’au-boutiste », dans un esprit éducatif et d’apprentissage expérimental, au niveau qui pourra être atteint dans le projet, réflexions sur la mise en place d’un tri des déchets, d’un compost, de systèmes d’économie d’eau et d’énergie, trouver un système adapté à la taille de la résidence, s’engager à circuler de manière douce autant que possible (vélo ou à pied, covoiturage), et enfin transmettre ces valeurs aux enfants et à l’ensemble des membres du groupes. Un évènement important s’est produit lors de l’atelier 13 (12 juin 2018) : l’annonce par l’une des familles, pourtant très engagée dans le processus depuis plusieurs mois, que leur participation pouvait être remise en question. L’étude de leur dossier de financement a révélé que, bien que la famille ne puisse accéder à la propriété sur le marché classique et soit, de fait, actuellement locataire, ses revenus sont malgré tout un peu au-dessus des plafonds fixés à ce jour pour le PSLA. Comment envisager le départ de cette famille pourtant si engagée dans le groupe ? La famille a accompagné cette annonce d’une déclaration marquant leur attachement au projet et invitant les nouveaux venus à s’y engager sans hésiter. « C’est une super expérience. On a cette chance de savoir que ça peut fonctionner, que ce n’est pas une lubie, que ce n’est pas un truc sectaire, où on manquerait d’intimité. En plus, c’est une chouette équipe, et on encourage vivement les nouveaux venus à s’y intéresser et s’en rapprocher. »

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L’assemblée s’est émue de cette annonce qui a suscité le débat au sein du groupe et avec les représentants d’Axanis présents. Reste à savoir comment ce dernier pourra par la suite, si cela est possible, développer une solution afin de trouver un équilibre entre les capacités de financement du ménage et l’obtention d’un nombre de m² nécessaire à ses besoins, tout en permettant à la famille de lever l’option d’achat au terme de la phase locative. Nous verrons également si le groupe se saisira de cette question, et comment, ainsi que les effets que ce départ, s’il est effectif, pourra avoir sur la cohésion du groupe. Certains groupes auto-constitués ou certains acteurs professionnels du processus s’interrogent sur les motivations des ménages pour intégrer ce type de projet, sur les valeurs qu’ils vont pouvoir construire dans un temps cadré ainsi que sur la participation effective des habitants dans le projet et la conception au sein desquels ils vont pouvoir porter les valeurs défendues. D’autres s’interrogent sur la persistance d’un esprit militant dans ces projets topdown ainsi que sur l’encrage que pourront y trouver les futurs habitants pour développer des valeurs de solidarité et de bienveillance. « On pourrait penser qu’ils ne vont pas aller aussi loin mais en fait ils vont juste aller là où ils vont se retrouver. […] Ca va juste ressembler aux gens qui sont là. » (Assistante à Maîtrise d’Usage, avril 2018)

L’important est qu’ils aillent là où ils se sentent bien, là où ils vont se rassembler au fur et à mesure des évolutions que le groupe peut connaître et de ce que chacun va pouvoir y amener. Quels que soient les axes privilégiés (environnemental, alternatif, militant etc.) dans des projets indifféremment top-down ou bottom-up, le cœur commun reste le projet social qu’ils portent ensemble. La question du moment de la formation du groupe d’habitants soulève aussi des interrogations de la part de tous les acteurs, y aurait-il un moment « idéal » ? Sur certains aspects, la formation d’un groupe un certain temps en amont de la conception peut avoir plusieurs avantages. Les groupes auto-constitués développent un socle de valeurs réfléchi et maturé dans le temps, et développent une profonde culture de leur projet dans la façon de le communiquer, dans leurs attentes architecturales, dans le montage qu’ils visent. Ils sont en capacité de fournir un cahier des charges très précis. Cette professionnalisation progressive dès le départ, parfois même bien avant d’entrer en contact avec les collectivités ou l’organisme HLM en fait un acteur solide, aux questionnements et aux attentes pointues. Ce type de démarche rend l’aspect temporel plus prégnant dans le projet et demande un engagement plus important de la part des membres du groupe, surtout si ce dernier souhaite conserver au maximum la maîtrise de l’ouvrage. Ces groupes ont souvent un positionnement assez militant vis-à-vis de cette conservation de la maîtrise d’ouvrage, et dans ce qu’ils remettent en cause (place de l’expert, propriété privée…)

« Je dois dire qu’on est dans des projets très différents au niveau de la ruche et de la coopérative, mais je crois que ce qui les différencie énormément -il y a certainement d’autres choses- c’est que vous étiez un groupe constitué de longue date, c’est-à-dire que toute cette maturité du groupe on la sent à travers des choses précises de vos attentes, on sent que tu parles au nom de ton collectif, que c’est partagé. Pour la Ruche, nous étions un groupe non constitué, c’est un groupe qui s’est constitué au fur et à mesure du projet, ce qui change quand même vraiment la donne,

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même si nos idées, les notions d’écologie, la notion de solidarité -on a fait une charte là-dessus- et de non spéculation sont proposées. Effectivement on n’était pas un groupe déjà constitué et c’est peut-être des choses qui ont pu manquer au niveau d’une réflexion collective. Une attente précise -là je parle en mon nom parce que personne d’autre de la ruche n’a pu être présent ce soir- j’avais une maison avant que j’aimais beaucoup et j’avais pu étudier l’espace, l’ensoleillement qui me convenait, à mon usage … voilà. J’avais pu avoir un côté critique de ce qui me manquait. Ce qui fait que quand il a été question de ‘’comment voulez-vous que soient vos logements ?’’, c’était quand même assez clair de mon côté. Pour d’autres je crois que ça pouvait l’être un petit peu moins parce que certains n’avaient pas connu une construction préalable. Mais en même temps moi je n’y connaissais rien en architecture donc effectivement j’étais dans une attente de leurs compétences… Par contre effectivement, au niveau écologie, pas de clim, donc l’idée de traversant, pas de domotique ou le moins possible, tout ce qui pourrait être de l’ordre du contraignant du polluant était exclu, on a fait une sorte de cahier des charges qu’on a remis aux architectes à ce moment-là. Donc en préalable j’ai un peu de mal à dire ce qui était posé à part ce cahier des charges qui nous était de toutes manières imposé par la mairie en ce qui concerne la filière sèche et après nous étions dans une attente de leurs propositions et de leurs compétences. Ce qui nous a effectivement fait choisir le groupe des Dauphins c’est qu’on les a sentis totalement dans une écoute de nos attentes qui étaient relativement peu formulées ou en tous cas pas formulées de façon suffisamment claire, sinon effectivement la question des valeurs et du cahier des charges, sur le plan écologie ou de la non pollution en interne. » (Habitante de la Ruche s’adressant à une coopératrice de H’Nord, lors de la table ronde Architecte en habitat participatif : un positionnement particulier, évènement organisé par At’coop et HAPANA à la Maison Eco citoyenne, à Bordeaux, 31 mai 2018) (Nous renvoyons au Chapitre 6. Section 5. L’intervention de l’architecte : de l’idéologie à la matérialisation)

Qui sont les habitants ? Le suivi du groupe de H’Nord effectué par Mélanie Darroman dans le cadre de son travail de doctorat l’a conduite à décrire le groupe d’habitants comme suit : Le profil sociologique des adhérents est celui de ménages appartenant majoritairement aux classes moyennes supérieures (enseignant, cadre d’entreprise, architecte, journaliste), en activité ou retraités, pour partie propriétaires de logements individuels ou d’appartements en copropriété. L’image du groupe se modèle au fil des années, en fonction de l’arrivée de nouveaux ménages et du départ des autres. Parmi les membres, on trouve également des profils de jeunes ménages trentenaires en location faisant face à des difficultés grandissantes pour trouver un logement répondant à leurs besoins ; ou encore des personnes âgées à la recherche de liens sociaux et d’un lieu de vie pour vieillir en toute autonomie 125

Le groupe est à l’origine composé de personnes aux profils militants pour lesquels le projet de H’Nord représente, au-delà de sa « dynamique amicale et conviviale », la « scène d’une expression citoyenne militante ». Deux de ses membres fondateurs sont respectivement architecte et membre du parti Europe Ecologie Les Verts, et au fil des mouvements du groupe, 125

DARROMAN M., Renaissance de l’habitat participatif en France : vers de nouvelles formes négociées de fabrication de la ville ? _ Deux études de cas dans l’agglomération bordelaise : le projet HNord (Bordeaux) et La Ruche (Bègles), thèse pour doctorat en sociologie, Bordeaux, 2014, p.149.

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des personnes engagées dans les réseaux d’économie sociale et solidaire, en faveur de l’agriculture biologique, des circuits courts en ville ou bien de l’éco-construction, font leur apparition. 126 Le projet de H’Nord est un projet particulier, du fait de son caractère pionnier au sein de ce qui était alors la Communauté Urbaine de Bordeaux. Il l’est aussi dans le choix de s’organiser en tant que coopérative d’habitants, et ce, très tôt dans le projet, dès 2007, alors que les premières coopératives d’habitants émergeaient à peine en France. (Nous renvoyons au Chapitre 5. Section 1. Projets Bottom-up : H’Nord, coopérative d’habitants pionnière sur le territoire bordelais) Faire valoir ce projet et ses valeurs, notamment dans son aspect de remise en question de la propriété privée, dans un système où rien n’était prévu juridiquement pour l’accompagner nécessitait la constitution en amont d’une connaissance de ce type d’habitat, une capacité à s’exprimer auprès des collectivités pour rechercher leur soutien politique et faire bouger ses lignes. La détermination et l’engagement des premiers membres du groupe a été une condition essentielle pour maintenir la dynamique du projet, et le fait d’intégrer dans ses rangs des personnes ayant déjà une expérience professionnelle dans le monde de la construction a facilité certaines démarches et une acculturation des autres membres concernant le projet immobilier. Le temps utilisé en amont pour se former en autonomie sur le projet et la composition du groupe constituent notamment les raisons pour lesquelles le groupe de H’Nord n’a pas eu recours à un accompagnement par un AMU pour monter son projet, si ce n’est celui, ponctuel, de Habicoop pour les éclairer sur les montages juridiques et financiers de la coopérative d’habitants. Au-delà d’une pugnacité nécessaire, un investissement temporel conséquent mais aussi un certain investissement financier devaient pouvoir être mobilisés. L’enjeu représenté par ce projet nécessitait alors peut-être que les profils socio-économique et socio-culturel des membres du groupe soient proches à l’origine. Aujourd’hui, le ciment commun est celui du partage de certaines valeurs fondamentales, tout comme pour les projets de type top-down. Pour ouvrir son projet à des personnes aux valeurs similaires et pour ne pas le limiter à un certain niveau économique au sein du groupe, H’Nord a très tôt cherché à associer un bailleur social à ses démarches, qui sera finalement Coligny (filiale du groupe SNI) intégré à la démarche dès 2012. « Je constate chez H’Nord que c’est assez ouvert en termes de caractère, on a un peu la même sociologie. On n’est pas dans une sociologie très différente mais c’est le cas dans tous les groupes d’habitat participatif je crois, ce sont un peu les mêmes types de personnes intéressées par ce type d’habitat. Il n’empêche qu’ils sont assez ouverts sur la façon dont ils cooptent leurs nouveaux voisins, l’idée est de partager certaines valeurs, le respect des uns des autres, la solidarité, la non spéculation, le respect, une personne = une voix. » (Coligny, Responsable d’opération, mai 2018)

Les projets de type top-down témoignent a priori d’une diversité un peu plus importante de profils économiques et professionnels dans le groupe de départ. Pour autant, comme nous l’avions évoqué à propos de la question du foncier (Nous renvoyons au Chapitre 6. Section 1. La question du foncier), les ménages restés sur le long terme, malgré un mouvement du groupe à la suite de la visite du terrain, sont constitués de personnes déjà sensibilisés à ce type de projet, investies personnellement ou professionnellement dans le domaine associatif, social ou éducatif. La concrétisation du projet lors de l’évocation des espaces communs et individuels a stabilisé le groupe en rendant une projection plus aisée et le profil des ménages s’est complètement diversifié. 126

Op.Cit. DARROMAN. p.151/152.

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Recruter des ménages : le processus de cooptation

Pour les projets top-down, comme celui de La Ruche et de la Médoquine, ou bottom-up comme celui de H’Nord, l’enjeu, une fois un premier « noyau dur » constitué, est de procéder à une forme de recrutement d’autres ménages souhaitant intégrer la démarche, une fois la charte et le règlement précisés, et la co-conception démarrée. En effet, les ménages candidats peuvent arriver plusieurs mois ou années après le début du processus, et n’ont donc pas travaillé sur les valeurs fondatrices avec le reste du groupe. Il est alors essentiel de transmettre une certaine « mémoire du groupe », en rassemblant les documents essentiels à la compréhension du projet qu’ils pourront consulter (Un cahier les rassemblant a fait son apparition lors de l’atelier 12 -15 mai 2018- du projet de la Médoquine, marquant une certaine transition dans la démarche de projet), mais aussi en créant une « commission accueil » par les ménages déjà engagés pour accueillir les nouveaux. Pour entrer dans le projet, les ménages candidats devront être cooptés. La cooptation est un véritable processus de recrutement qui vise à intégrer de nouveaux ménages en fonction de leurs motivations, de façon à préserver la dynamique collective du groupe et de s’assurer que les mêmes valeurs sont partagées, ce qui est gage d’une certaine stabilité. Mais elle soulève certains questionnements : cette sélection se justifie-t-elle vis-à-vis de l’esprit d’ouverture défendu ? Ce processus n’est-il pas « violent » si le collectif émet une réserve qui peut parfois être vécue comme un refus, voire un rejet ? Ce système ne crée-t-il pas une forme « d’entre soi » ? « Tout dépend à quelle échelle se situe l’entre soi. Si c’est un petit groupe de 5 ou 10 personnes, quand vous vous avez votre cercle d’ami, est ce que vous vous dites ‘’je vis dans l’entre soi ?’’ Vous vivez dans une forme d’entre soi, bien sûr ! Parce que vous avez un groupe amical avec lequel vous vous entendez bien ! L’entre soi c’est après à une autre échelle de production de la ville où on a des processus de stigmatisation de certains types de populations, qui peuvent être mises à l’écart, qui peuvent se construire des forteresses pour éviter d’être en contact avec des autres, donc ici peut être que c’est aussi un gage de réussite, le fait qu’on se constitue des petits groupes qui vont introduire une forme de confiance entre les personnes qui vont participer, parce que construire un projet immobilier, c’est très … Techniquement c’est compliqué, architecturalement, et financièrement c’est engageant ! Est-ce qu’on peut imaginer que simplement des gens dans un habitat qui ne se connaissent pas puissent faire de l’habitat coopératif ? Immanquablement il va y avoir un effet de solidarité du groupe, qui va créer une forme d’action collective. Il y en a qui vont dire : ça va créer de l’entre soi, après ça dépend de la manière dont le groupe va travailler, mais on pourrait dire que c’est une action collective, et quels sont les ressorts de cette action collective. » (Guy Tapie, sociologue, avril 2018) « [La cooptation] est un vrai sujet délicat sur lequel on réfléchit, ce n’est pas évident. Ça veut dire qu’on sélectionne d’office les gens avec lesquels on a plus d’affinité … alors je pense que le terme de cooptation n’est pas bon on va essayer de créer un autre terme, on va essayer d’organiser les choses différemment. » (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018) « Dans un autre groupe on était parti sur ces questions d’attribution, de cooptation. Mais maintenant ils parlent seulement « d’accueil ». Parce qu’ils en sont arrivés à se dire qu’en fait on se rend compte que dans la vie, si tu es bien accueilli, si on t’explique

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comment ça marche, ce qu’il faut faire ou pas, et bien en général avec tes voisins tu vis quelque chose de sympa. Mais 9 fois sur 10 c’est anonyme, tu ne sais pas où tu arrives, tu ne sais pas comment ça a été fait, là si on te raconte l’histoire de la maison dans laquelle tu habites etc. … Je trouvais ça super bien. » (Assistante à maîtrise d’usage, mai 2018) « La cooptation, elle reste un problème pour moi, telle que ça s’est fait, en plus elle était à bulletins secrets… si quelqu’un n’était pas coopté, il ne savait pas pourquoi, et on ne savait pas pourquoi. Pour certaines situations on en a parlé parce que la personne qui avait émis une réserve a accepté d’en parler, sinon pour d’autres personnes… Je pense à un jeune couple qui s’est représenté trois fois par exemple et qui n’a pas été coopté, et ça a été douloureux quand même. Nous au niveau du groupe on n’a pas su qui a émis la réserve donc ça a fait une gêne quand même parce qu’on s’est posé la question : pourquoi ce couple-là avait été mis sur la touche ? Après au fur et à mesure de l’avancement du projet il y a des personnes qui sont parties, même tardivement, et il y en a encore aujourd’hui C’est un groupe mouvant et quelqu’un qui a été présent à un moment peut très bien décider le lendemain de quitter le navire. Ca vit et ça se renouvelle. » (Habitante d’un projet top-down, janvier 2018)

Le processus de cooptation peut être décidé par les habitants qui développent une méthode pour accepter ou non les ménages candidats, en testant du même coup leurs motivations à entrer dans le projet et les valeurs auxquelles ils sont attachés ou non. Prenons l’exemple de la coopérative d’habitants H’Nord. Le groupe d’habitants a choisi de verrouiller a minima les informations concernant son projet. La première étape pour un ménage intéressé est de se présenter à une « réunion de premier accueil », qui est une première rencontre avec deux membres du groupe. Ces réunions sont ouvertes à quiconque est intéressé par le projet, pour y vivre ou simplement en débattre. Ensuite il faut être présent à au moins trois « plénières » mensuelles (tous les premiers mardis du mois) en tant qu’observateur pour connaitre l’avancement du projet et rencontrer des membres du groupe. A la fin de la première plénière le ménage doit dire au groupe s’il est intéressé ou non. Si oui, il adhère à l’association pour une somme de 50 euros, permettant de gérer l’association, les assurances pour les visites de site... A partir de ce moment-là il accède à tous les mails et échanges du groupe. Au bout de trois plénières ou plus, quand le ménage est prêt, il choisit si oui ou non il veut intégrer la coopérative. Si oui, les membres du groupe organisent une assemblée générale pour déterminer si le groupe intègre le ménage ou non. S’il est accepté, deux options sont possibles : soit le ménage dépend du bailleur social Coligny et doit s’inscrire sur sa liste si ce n’est déjà fait, soit il souhaite intégrer la coopérative auquel cas il doit commencer par acheter la première part qui fera de lui un coopérateur à hauteur de 1100 euros. La suite des parts sociales ne seront dues que lors de l’entrée dans les logements. Se rétracter est néanmoins possible, auquel cas la coopérative restitue 1000 euros au ménage quittant la coopérative, à la suite d’une Assemblée Générale lors de laquelle le départ est accepté. Ce fonctionnement a été établi pour que les ménages intéressés puissent prendre le temps de découvrir le projet, le groupe, et voir si ils leur conviennent. Ce mode d’entrée dans la coopérative est aussi un moyen de faire une pré-sélection de ménages réellement intéressés. En effet, le projet avançant, il est désormais plus complexe d’accueillir beaucoup de personnes lors des plénières. Il est aussi important de préciser que si les coopérateurs ont accepté un ménage dépendant de Coligny, c’est le bailleur social qui attribuera les logements, indépendamment de l’avis de la coopérative d’habitants.

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Figure 42. Réunion « plénière » du groupe H’Nord Source : H’Nord Un processus de cooptation s’est également mis en place pour le projet de La Ruche. Sur ce projet top-down l’organisme HLM a cette fois un droit de regard sur les choix des habitants, il doit en effet veiller à ce que « les ressources financière et la typologie du ménage correspondent bien aux logements prévus dans le projet » 127. « On est aussi confronté sur le participatif à la volonté des gens de s’y intégrer. A nous aussi de veiller à ce que les catégories socio professionnelles les plus basses ne se sentent pas un peu tout de suite à l’écart. Donc là c’est à nous de les repérer et les accompagner plus que les autres s’il y a besoin. » (Organisme HLM, responsable d’opérations, avril 2018)

Ce processus a toujours cours, à présent que les logements sont livrés, et est inscrit dans le règlement intérieur, acté devant un notaire. Cela représente un moyen pour lutter contre une spéculation qui peut avoir lieu dans des projets pour lesquels la finalité est l’accession à la propriété et relèvent, de fait, du droit de propriété. Les ménages intéressés sont eux aussi invités à trois réunions de l’association pendant lesquelles ils peuvent avoir un aperçu de l’ambiance au sein du groupe, mais pendant lesquelles ils peuvent, contrairement à ce qu’a mis en place H’Nord, se positionner et prendre la parole. La cooptation doit se faire à l’unanimité, et le groupe peut émettre une réserve, qui ne signifie pas pour autant un refus. Un logement vendu parce qu’une personne n’a pas pu lever l’option d’achat est racheté par Axanis (la garantie de rachat étant l’un des engagements de l’organisme HLM pour ce mode d’accession). Dès lors c’est Axanis qui vend l’appartement, mais pour préserver l’esprit du projet, il est en lien avec les habitants et intègre leur choix dans sa décision. Si un logement ne dépend pas d’Axanis, ou bien va être revendu au terme des dix années de clause antispéculative, ou bien a été vendu à un ménage ne dépendant pas du PSLA il s’agit du même 127

Op. Cit. Habitat participatif et organismes HLM, p.41.

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processus de cooptation, mais si l’unanimité n’est pas obtenue au bout de trois réunions, un minimum de 90% de votes favorables est accepté. Rien n’empêche cependant le propriétaire de vendre au ménage qu’il souhaite. Les garde-fous restent cependant la signature de la charge obligatoire lors de la vente ainsi que l’effet dissuasif du vote : il semblerait en effet assez étrange d’avoir l’envie de s’installer dans un endroit où les voisins ont exprimé clairement le souhait de ne pas vous accueillir. « En fait, ça fonctionne assez naturellement. C’est pour ça qu’on en parle avant dans le projet. » (Assistante à la Maîtrise d’Usage, mai 2018)

Nous n’avons cependant pas encore suffisamment de recul pour déterminer si ce fonctionnement perdurera dans le temps long, sans quoi le projet redeviendrait un projet immobilier assez classique. La question se pose aussi dans les cas d’héritage, pour lesquels les personnes héritant de ce patrimoine, qui n’auraient pas nécessairement suivi le projet, pourraient ne pas être attachée aux mêmes valeurs. Il ne tient qu’aux habitants de perpétuer la philosophie initiale ou non. On peut néanmoins imaginer que même si certains ménages partent, ils pourront diffuser leur expérience autour d’eux et favoriser la diffusion de ce mode de production de l’habitat.

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▌Section 4. Un acteur souvent indispensable : L’Assistant à Maîtrise d’Usage Un acteur complémentaire pour créer le lien et la confiance La culture vis-à-vis de l’habitat participatif étant encore assez faible, que ce soit du côté des acteurs institutionnels du logement ou de celui des habitants intéressés par la démarche, l’intervention d’un expert dans ce domaine, externalisé, est souvent indispensable pour faire le lien entre les acteurs institutionnels et les habitants, notamment pour l’aspect technique de la démarche. Certain organismes HLM peuvent également assurer cette fonction d’accompagnement, c’est par exemple le cas pour le projet de L’Sud, un projet bottom-up, aujourd’hui en recherche de foncier, accompagné par le COL. « C’est toujours un peu compliqué pour le groupe d’habitants, néophyte effectivement en termes de réglementation urbaine qui est particulièrement complexe, en plus avec des interlocuteurs en face qui ne font pas forcément l’effort de pédagogie, de mise à plat, avec un langage qui n’est pas trop technocratique … Ça c’est particulièrement compliqué pour le groupe d’habitants qui n’est pas accompagné. Je ne sais pas comment un groupe d’habitants peut s’en sortir sans être accompagné soit par un AMO/AMU soit par un bailleur ou autre, s’il n’y a pas de professionnel dans le groupe pour traduire, pour faire comprendre et pour faire accepter … » (Bailleur social, responsable d’opération, mai 2018)

Si les parties prenantes du projet proposent d’apporter toute l’ingénierie dont elles disposent, l’animation des ateliers, le cadrage, l’aide et la formation du groupe nécessitent les compétences d’une équipe d’Assistance à Maîtrise d’Usage. Dans le cadre du projet de la Médoquine, l’équipe ACAtryo s’est présentée comme étant une équipe d’Assistance à Maîtrise d’Usage, nouvelle appellation en vigueur pour marquer d’autant plus cette reconnaissance de l’expertise d’usage des habitants-citoyensusagers auprès desquels elle travaille, mais aussi parce que dans ce projet, c’est Axanis qui est maître d’ouvrage (il porte financièrement le projet). Aucun profil-type des Assistants à Maîtrise d’Usage ne peut être établi au regard de la diversité des parcours de ces professionnels. Camille Devaux, dans sa thèse soutenue le 25 novembre 2013, avait fait une étude de nombreux accompagnateurs. Elle note que « cette absence de profil-type pourrait s’expliquer par la diversité des compétences nécessaires à la concrétisation d’un projet d’habitat participatif », mais que, parmi eux, « les architectes sont bien représentés ». 128 L’équipe d’ACAtryo compte, en effet, deux architectes et une urbaniste, et regroupe en réalité trois structures distinctes : -

A-Collectif, créée en 2014 par Guillemette de Monteil. Elle est architecte de formation et a exercé au Québec au sein du cabinet L’œuf, primé pour un habitat coopératif, « Benny Farm », projet de quartier promouvant l’autosuffisance et la participation proactive des intervenants. 129 Elle a également travaillé au sein d’un Groupe de Ressources Techniques (GRT, équivalent des AMO). De retour en France, elle développe à Bordeaux une activité d’AMU, en parallèle de l’exercice

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Op.Cit., DEVAUX C. , L’habitat participatif : de l’émergence de l’initiative habitante à son intégration dans l’action publique, p. 239. 129 http://www.loeuf.com/fr/

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de son métier d’architecte. Elle a notamment suivi une formation de programmation et d’Assistance à la Maîtrise d’Ouvrage. -

CAMINO, créé en 2013 par Isabelle Foret Pougnet. Urbaniste de formation, elle a rapidement souhaité « être dans l’opérationnel ». Elle a travaillé en bureau d’étude pour l’union des HLM, où elle a pu effectuer des enquêtes de diagnostic, notamment pour des opérations de réhabilitation et de transformation de différents quartiers, à l’occasion desquelles elle s’est intéressée aux questions de pratique et d’usage des espaces. Elle a ensuite fait de la gestion locative au sein d’un organisme HLM, dans lequel elle a évolué vers le service maîtrise d’ouvrage afin d’être au plus proche des architectes et de l’acte de construire. Isabelle Foret Pougnet a été par la suite élue à la mairie de Bègles, où elle a pu suivre les évolutions de La Ruche. Intéressée par ce sujet, elle a effectué une formation auprès de Stéphane Singer, fondateur et gérant de « Toits de Choix », structure spécialisée dans la conduite d’habitats participatifs. Elle a enfin monté sa propre structure d’accompagnement, et exerce sa fonction d’élue en parallèle. « Elle coanime des sessions de formation et d’information, a organisé avec l’association des Accompagnateurs Associés deux voyages/séminaires d’études à Tübingen (All emagne) et Strasbourg, et est membre du RAHP [Réseau des Acteurs professionnels de l’Habitat Participatif n.d.l.r.] et fait partie de son comité de pilotage. » 130

-

A-TIPIC est une structure d’accompagnement (AMO et AMU) fondée par Ingrid Avot en 2012. Architecte de formation, elle a été directrice de projet du pôle urbanisme au sein de l’agence Nicolas Michelin. Elle a débuté son activité d’accompagnement par le projet dans lequel elle a elle-même vécu, à Montreuil, le projet « Unisson ».

Les expériences professionnelles complémentaires de chacune d’entre elles ont participé à légitimer leur rôle et leur pratique d’accompagnatrices, fondant la confiance que les acteurs des projets d’habitat participatif accordent à ACAtryo. Si elles interviennent indépendamment sur certains projets, se regrouper leur permet de proposer un plus large panel de références, et surtout de pouvoir échanger sur les projets tout en répartissant la charge de travail, tout en permettant une conduite plus fluide des ateliers. Malgré le fait qu’il soit écrit dans le contrat de partenariat de ce projet que « l’encadrement de cet assistant à maîtrise d’usage est assuré par Axanis », et bien que l’équipe soit rémunérée par Axanis (aidé par Bordeaux Métropole), elle est en réalité indépendante. « On est rémunéré par Axanis mais on est là pour faire le lien donc on ne prend pas parti, mais je ne pense pas que les AMU qui font ce travail-là sont ‘’à la botte’’. Ça aussi c’est un faux problème, ce n’est pas parce que tu es rémunéré par quelqu’un que tu n’as pas une certaine indépendance. » (Assistante à Maîtrise d’Usage, projet Top-down du quartier Médoquine, avril 2018)

130

http://hapana.org/

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Figure 43. Les missions d’ACAtryo, Schéma explicatif projeté lors de l’atelier de lancement du projet top-down quartier Médoquine, à Talence Source : A-TIPIC L’équipe d’ACAtryo qualifie le rôle de l’AMU comme étant facilitateur dans le projet, notamment au niveau des relations entre les acteurs qui ont chacun des attentes, des enjeux et des impératifs qui leurs sont propres. L’équipe prend pour cela parfois la casquette de traducteur. L’AMU doit faire preuve de transparence et de neutralité vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes pour créer une relation de confiance avec les habitants mais aussi entre tous les acteurs. L’organisme HLM devient progressivement une figure familière pour les ménages participant depuis plusieurs ateliers et avec laquelle ils développent une certaine confiance, du fait de leur présence permanente aux ateliers et du dialogue crée et qui met en exergue son niveau d’engagement dans le projet. Pour de nouveaux arrivants, il est parfois difficile de s’abstraire de son statut de maître d’ouvrage et de porteur financier. Par exemple, lors d’un atelier du projet du Nid, projet prenant place dans le quartier Beutre à Mérignac, il avait été décidé que les membres d’Axanis présenteraient l’avancement du projet, mais nouveaux arrivants ont exprimé le fait qu’ils avaient le sentiment que la dimension financière était la plus importante dans cette présentation, alors qu’elle est également présente dans le discours d’ACAtryo car il s’agit, au-delà de la dimension valorielle, d’un aspect central du projet. De ce fait, ACAtryo a repris la main sur cette présentation pour l’atelier suivant de la Médoquine (atelier 12 du 15 mai 2018), mais cela impacte l’avancée du reste du groupe et l’oblige à revenir sur des points déjà largement évoqués. L’équipe a produit un cahier « mémoire du groupe » avec la progression plus détaillée pour assurer le relais de cette présentation. L’enjeu de la mission de l’AMU est aussi principalement d’autonomiser le groupe par rapport au projet, dont il doit développer une certaine culture (architecturale, financière et juridique) et une connaissance du montage, mais aussi de parvenir à maintenir la dynamique générale de cohésion au grès du calendrier et des mouvements du groupe en veillant à donner à chaque ménage une place équivalente dans les échanges, quelle que soit son ancienneté. Le but est de créer une dynamique pérenne jusqu’à l’achèvement du projet, mais aussi pour sa gestion future, en autonomie.

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« Il y a d’autres groupes qui en ont besoin aussi pour que tout le monde s’exprime, parce que je pense que ce qui peut être problématique dans ce genre d’habitat et de groupe c’est qu’on peut avoir des personnalités un peu différentes, qui prennent le dessus, et la force d’avoir un professionnel là-dessus c’est faire en sorte qu’il y ait un équilibre et que tout le monde puisse s’exprimer. » (Organisme HLM, responsable d’opérations, mai 2018)

Un autre enjeu de taille dans ces projets top-down est de s’assurer du respect des contraintes techniques et financières propres à chaque projet, et de son bon déroulement, notamment dans le calendrier défini. Le respect de ce calendrier peut parfois être compliqué selon les mouvements du groupe puisque l’avancement du projet dépend en grande partie d’une stabilité minimum assurée par l’émergence d’un « noyau dur ». (Nous renvoyons au document dépliable comparant le calendrier projeté et le calendrier effectif du projet de la Médoquine) Ce calendrier, anticipé, permet néanmoins d’avoir des échéances envisagées dès le départ, et de maintenir une certaine dynamique dans le projet. La publication conjointe des Coop’HLM et de l’Union Sociale pour l’Habitat précise que toutes les opérations dans lesquelles interviennent les organismes HLM sont accompagnées par une mission d’AMU. 131 Ce n’est pourtant pas le cas pour H’Nord. Conservant sa réserve originelle d’un expert professionnel qui pourrait représenter une remise en cause de l’expertise d’usage de leur groupe, celui-ci a forgé seul sa connaissance dans tous les domaines du projet. Comme nous l’avons précisé au point précédent, la composition originelle du groupe, en sus d’un temps long de professionnalisation progressive en autonomie, a contribué au fait qu’il n’en ait pas ressenti le besoin. Les projets d’habitat participatif pionniers en général souhaitent assoir la légitimité des habitants, qui détiennent selon eux un réel savoir d’usage. La volonté de ces groupes d’habitants est de faire de cette expertise d’usage le fondement des projets dont ils veulent garder la maîtrise. Il en découle une certaine forme de réserve vis-à-vis des acteurs institutionnels du logement, un risque de remettre en jeu le contrôle de leur projet : élus parfois, promoteurs immobiliers mais aussi intermédiaires, médiateurs ou accompagnateurs. « Dans les autres projets […] souvent il y a un genre de médiateur, qui est un peu ‘’moi je sais ce qu’il faut faire’’ tandis que nous on se bat pour que ce soit vraiment un projet tous ensemble » (Habitante d’une coopérative d’habitant, Réunion d’information, mars 2018)

En réalité, les AMU, médiateurs ou accompagnateurs sont pour la plupart très attentifs à guider quand cela est nécessaire, et à se mettre en retrait à juste distance lors de prises de décisions tout en étant restant présent. « On ne décide rien, on conseille. » (Assistante à Maîtrise d’Usage, mai 2018) « Le groupe marche bien parce qu’il y a de la confiance et cette confiance s’est tissée au fil du temps au travers de discussions et du travail collectif réalisé ensemble pour faire vivre Locus Solus. On a sans cesse à forger une sorte de consensus mou qui fait que les gens s’accordent dans une neutralité bienveillante, il n’y a jamais de vote. Il s’agit de permettre aux gens de coopérer sans jamais imposer de décisions. » 131

Op. Cit. Coop’HLM x USH, p.7

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(Médiateur culturel intervenu dans le projet du Locus Solus, nous renvoyons au Chapitre 7. Section 3.Participation des locataires, vers un logement social renouvelé ?)

Comment créer et accompagner un groupe jusqu’à la phase de conception lors d’un projet top-down ? La méthode d’ACAtryo

ACAtryo résume son rôle ainsi selon plusieurs grandes étapes du processus. Il faut cependant garder à l’esprit que chaque équipe d’AMU a sa propre méthode. Celle que nous décrivons ici a valeur d’exemple, mais pourra différer d’un AMU à un autre.

1- Travail sur le projet de vie Cela va permettre d’aboutir à la charte qui reflètera l’esprit du groupe. Chaque groupe a son identité propre et place le « curseur » de son projet sur les aspects qui lui correspondent : écologie, gouvernance … L’organisme HLM reste plutôt en retrait à cette étape. On définit également les modalités de financement et les statuts juridiques, aspect sur lequel l’organisme HLM intervient davantage. 2- Cahier des Charges A cette étape, on évoque les usages. On débute dès cette étape le travail de programmation des espaces individuels mais aussi des espaces mutualisés, et les rapports entre les utilisateurs qui vont s’y établir. Le but est de débattre le plus tôt possible des « difficultés » qui pourraient naître de leur usage pour désamorcer tout conflit futur. C’est en cela l’un des enjeux les plus importants de la mission d’AMU : anticiper tout ce qui pourrait menacer la cohésion du groupe et jouer de transparence sur l’intégralité des aspects du projet. Rien n’est tabou. Les espaces partagés reflètent les valeurs et les idées des habitants, et contribuent à définir l’identité du projet. L’organisme HLM interagit davantage avec les habitants, précise davantage certains aspects financiers, traite les dossiers de financement, répond aux sollicitations des habitants. 3- Conception Un nouvel acteur entre dans le processus à cette étape : l’équipe de maîtrise d’œuvre. Le travail architectural débute avec les architectes et l’AMU intervient ici en soutien et comme facilitateur dans la relation habitants/architectes. Il avance aussi avec le groupe sur des sujets juridiques, sur la cooptation des nouveaux ménages etc. 4- Chantier L’organisme HLM reprend la main à cette phase, il prend dès lors toute sa place de maître d’ouvrage, le terrain est acheté, les travaux financés. Cette étape peut intégrer un aspect participatif à la demande des habitants. Même si les ateliers sont alors moins nombreux, l’AMU peut être présent pour expliquer l’avancée des travaux aux 125


habitants ou pour définir encore davantage les règles d’utilisations des espaces ou les modes de gestion de la résidence. 5- Arrivée dans les lieux, gestion de la vie du projet A cette étape l’équipe d’AMU termine sa mission et passe progressivement la main au groupe d’habitants, désormais autonome pour gérer leur lieu de vie.

Comment cette méthode s’est-elle appliquée pour le projet de la Médoquine jusqu’à présent ? Journal de bord.

Le lancement du projet de la Médoquine s’est fait lors d’une première réunion ouverte à tous le 7 juin 2017 au Dôme de Talence, en présence des parties prenantes (ville de Talence, Bordeaux métropole, Axanis, et ACAtryo) qui avait réuni un public de 70 personnes environ. Le premier atelier a quant à lui eu lieu le 26 juin 2017. Il avait pour but de présenter la démarche : les acteurs porteurs du projet, le terrain où l’opération va s’implanter, ainsi que les modes d’accession à la propriété. En effet, il s’agit ici d’une opération ne concernant que des ménages souhaitant devenir propriétaires. Portée par des acteurs institutionnels, l’opération est à la recherche d’habitants pour intégrer la démarche. L’opération ne vise pas exclusivement un public d’initié, c’est pour cela que l’équipe d’ACAtryo a jugé nécessaire, pour cette première présentation, d’ouvrir la discussion sur certaines notions fondamentales de l’habitat participatif. L’atelier revêt des aspects assez ludiques, pour cette première approche. L’habitat participatif étant une démarche commune de co-conception d’un co-habitat, l’atelier commence par une discussion entre les personnes présentes, il s’agit de se connaître.

L’habitat participatif est une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant, avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis. 132

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Article L.200-1, Loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’Accès au Logement et à une Urbanisme Rénové (Loi ALUR)

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Figure 44. Diapositive rappelant les grands principes de l’habitat participatif Atelier 1 du projet de la Médoquine Source : ACAtryo L’explication de ces grands principes a été suivi de la projection d’une courte vidéo rassemblant des extraits du film Habitat participatif : 1+1 =3 réalisé par Eco-Quartier Strasbourg 133, afin d’avoir une première vision de ce que peut représenter l’habitat participatif dans la réalité. Rien, en effet n’est plus éclairant qu’une immersion dans la réalité d’un projet, c’est pour cela que le 13 septembre 2017 a été organisée une visite à La Ruche, livré une année auparavant. Les notions de mutualisation et de mixité ont été expliquées ainsi que le caractère itératif du processus mêlant projet social, économie et gestion, organisation collective et programmation. Puis un premier tour de table a été effectué : chacun devait exprimer ce qui l’attirait le plus dans l’habitat participatif –une première façon de commencer à échanger autour du sujet. L’organisation des ateliers a été exposée pour permettre aux participants de se projeter dans le processus. (Nous renvoyons au document dépliable comparant le calendrier projeté et le calendrier effectif du projet de la Médoquine) Enfin, un tour de fermeture a été un moment où chacun s’est exprimé sur les points positifs qu’il a apprécié, ou sur ce qu’il n’a pas aimé ou pas compris. Ce tour de fermeture sera une constante tout au long des ateliers et permet à l’équipe d’avoir un retour critique, et aux participants de partager leurs ressentis personnels. Avant de rentrer dans l’élaboration d’un projet de vie, il est indispensable de poser les bases d’une communication interne au groupe, et d’établir dès le départ une relation de confiance, entre les AMU et les participants, mais aussi entre les participants eux-mêmes qui doivent se sentir libre de s’exprimer dans le groupe, et respecter la parole de chacun. L’atelier 2 s’est divisé en deux axes de travail : une première partie sur l’établissement de règles de prise de parole pour créer un cadre de confiance, une seconde sur la façon dont l’équipe 133

Habitat participatif : 1 + 1 = 3, vidéo compilant des extraits du film éponyme, conçus par Eco-Quartier Strasbourg (réalisation : Anne Burgeot) dans le cadre du partenariat entre la Ville de Strasbourg et Eco-Quartier Strasbourg pour l'autopromotion et l'habitat participatif, avec le soutien de de la Ville de Strasbourg, la Région Lorraine et du CAUE 67, 2014. URL : https://www.dailymotion.com/video/x1b9qn5

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d’AMU et le groupe travailleront et quelles sont les plateformes utilisées pour échanger et retrouver tout le travail qui sera effectué. A nouveau, une autre vidéo a été projetée sur ce thème pour voir comment d’autres ont abordé ce sujet : il s’est agi d’un extrait du film MasCobado : un habitat participatif pour mieux vivre ensemble 134. ACAtryo propose de mettre en place un drive commun ouvert à tous les acteurs du projet, y compris la collectivité et Axanis, une adresse email pour échanger informations ou demandes, et de mettre en place des groupes de travail ou « commissions » dans lesquelles les habitants se répartiront en fonction de leurs compétences (communication du projet, charte, accueil des nouveaux…). L’atelier 3 s’est matérialisé sous la forme d’une balade urbaine dans le quartier pour que les habitants puissent découvrir le contexte dans lequel le projet s’implante, les services et équipements de proximité. Les premiers impondérables architecturaux sont évoqués : l’emprise du bâtie sera au maximum à 40% de la totalité de la parcelle, les bâtiments ne pourront dépasser le R + 1, les arbres présents sur la parcelle voisine étant protégés, ils ne seront pas coupés etc. Les ménages se sont répartis en petits groupes de travail disposant chacun d’un plan de la parcelle sur lequel ils peuvent noter toutes leurs observations et leurs premières idées d’organisation de l’espace, sur différents sujets (Orientation, intérêts du terrain et inconvénients, bruits, vues…). Une mise en commun est ensuite faite en compterendu et servira de base de travail pour les prochains ateliers.

Figure 45. Plan produit regroupant les avis et propositions faites lors de la visite de site Source : ACA Tryo

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MasCobado : un habitat participatif pour mieux vivre ensemble, documentaire produit par On passe à l’acte, à l’initiative de Promologis, Réalisation par Mathias Lahiani, 2015. URL : https://www.youtube.com/watch?v=EhbuYKxZN2A

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L’atelier 4 avait pour objectif d’évoquer les différents documents qui seront fondateur dans le projet : la charte, représentant l’engagement moral des participants, les règles de vie quotidiennes à propos des usages des espaces partagés, et enfin le statut d’association qui pourra être adopté par les habitants, représentant un engagement juridique et donnant une identité propre au collectif. Une seule personne ayant assisté aux ateliers précédents étant présente, ACAtryo a expliqué de nouveau les grands principes de l’habitat participatif. L’équipe d’AMU a aussi mis en place une activité avec l’ensemble du groupe présent. Chacun devait écrire individuellement ce qui pour lui représente les attraits du projet, puis les peurs qu’il soulève. Une mise en commun a permis de faire deux liste distinctes : l’une donnant une vision collective des attraits du projet, l’autre des peurs et inquiétudes partagés, ce qui représente respectivement la base de la charte et du règlement qui établira les règles de vie. Cet exercice a également permis au groupe d’échanger et certains se sont déclarés agréablement surpris de ce travail qui a permis aux personnes présentes d’avoir un aperçu de ce qu’ils partagent avec les autres. « C’est bien aussi parce que certains ont mis le doigt sur des choses que je ne parvenais pas à exprimer. » (Personne présente à l’atelier 4 du projet de la Médoquine)

Figure 46. Nuage de mots-valeurs ressortis lors de l’atelier 4 du projet de la Médoquine source : ACAtryo Sur les remarques recueillies lors de l’atelier précédent, un représentant du château de la Mission Haut-Brion s’est déplacé pour exposer aux habitants inquiets de la proximité des vignes son utilisation des pesticides sur son exploitation. Seulement quatre ménages étaient présents lors de ce cinquième atelier. Le groupe a réfléchi sur la manière de relancer la communication autour du projet, point sur lequel les représentants d’Axanis ont été sollicités. L’équipe d’ACAtryo a alors évoqué la nécessité pour le groupe de s’organiser en différentes commissions (Communication, environnement, espaces partagés, finances, charte et règles de 129


vie…). L’atelier s’est poursuivi par un bilan de compétence de toutes les personnes présentes : chacun a pu mettre en valeur ce qu’il pourrait apporter au projet ou à la vie qui y prendra place, ce qu’il ne sait pas faire mais que d’autres pourraient apporter. L’atelier 6 du 19 décembre 2017 était prévu comme étant le dernier atelier avant d’entamer le travail de programmation mais, bien qu’un petit groupe se solidarise déjà, les ateliers manquent de public. ACAtryo rappelle la nécessité de relancer la communication et de soumette à Axanis les dossiers de candidature qui permettront de commencer le travail de conception en ayant une idée des m² auxquels les ménages peuvent prétendre. Deux participants se sont proposés pour former la commission communication. Le travail de la charte s’est poursuivi lors de cet atelier qui a été, pour les quelques personnes présente, une première formalisation d’un projet de vie en commun. L’atelier 7 a été un moment critique dans le projet. Seulement un ménage de deux personnes s’est présenté ce soir-là. ACAtryo a alors simplement fait un retour sur le travail effectué et expliqué les grands principes de l’habitat participatif. Axanis et la ville se sont malgré tout montrés rassurants à propos de leur conviction dans le succès du projet. L’atelier 8 a quant à lui été un véritable renouveau dans l’histoire du groupe. Huit ménages étaient présents dont trois « anciens ». La charte en cours a été présentée et ACAtryo a choisi d’amorcer le travail de pré-programmation des espaces collectifs de façon à ne pas prendre trop de retard sur le calendrier. Le groupe devra s’organiser pour continuer le travail de la charte en parallèle des ateliers. L’AMU rappelle les valeurs déjà exprimées par le groupe et les dimensions écologique, économique, sociale et humaine de l’habitat participatif pour entamer la pré-programmation. L’équipe a pour cela organisé une activité pour laquelle chacun a du écrire les activités qu’il souhaite partager avec les autres habitants et les conflits qu’elles pourraient cristalliser. Ces différents points seront la base des règles de vie qu’il faudra rédiger ultérieurement. Les personnes présentes ont apprécié la transparence dans l’échange, de rencontrer de nouvelles personnes pour ceux qui étaient déjà là, la charte et les valeurs défendues pour ceux qui la découvraient. L’atelier 9 a marqué l’entrée dans la phase de programmation. La majeure partie des ménages présents à l’atelier précédent se sont représentés, accompagné d’un certain nombre de nouveaux. La charte en cours a de nouveau été présentée pour rappeler les valeurs qui la sous-tendent. De façon à amorcer cette entrée dans le concret, ACAtryo a choisi un outil particulier : celui de l’image, de façon à faire réagir et engager le débat, à partir du travail effectué à l’atelier précédent. Une sorte de catalogue d’images représentant différents espaces-types a été présenté aux ménages présents. Cela a permis de dégager des préférences ou des orientations et le groupe a travaillé en commun sur une définition plus précise de ces espaces : quels sont les activités et usages attendus, quelle est la superficie envisagée, l’emplacement sur le site, qui utilise et comment, quels sont les points qu’il faudra creuser par la suite etc. Les représentants d’Axanis présents sont entrés davantage dans la démarche de réflexion, précisant certains points, répondant aux sollicitations du groupe. Le binôme de professionnels AMU/Axanis a joué de son expertise pour permettre au groupe de se projeter tout en rappelant les réalités spatiales et/ou économiques du projet afin de commencer à ébaucher ce qui constituera le futur cahier des charges soumis aux architectes. (La présence d’un (ou plusieurs) architecte(s) au sein de l’équipe d’AMU peut être un atout concernant la réalité constructive, pour autant il/elle ne devra pas remplacer les architectes choisis par le groupe d’habitants : nous renvoyons au Chapitre 6. Section 5. L’intervention de l’architecte : de l’idéologie à la matérialisation) Sur les onze ménages présents à l’atelier 10, sept étaient déjà présents aux précédents ateliers. Quatre ménages « anciens » présents dans le projet depuis un à trois mois et ayant déposé leurs dossiers de candidature auprès d’Axanis, il est désormais possible de parler réellement de « futurs habitants » et de « noyau dur ». Pour cet atelier, ACAtryo a choisi 130


d’entrer pleinement dans la programmation spatiale au travers de deux activités : l’une concernant l’organisation générale sur l’ensemble de la parcelle, l’autre relevant de celle des logements individuels. Pour la première, le plan du site a été déroulé sur la table et chacun a découpé les différentes pièces graphiques fournies par l’équipe d’AMU de façon à formaliser ensemble un schéma spatial général. Ensuite selon un mode opératoire similaire, chacun a commencé à formaliser son espace intérieur. ACAtryo avait également préparé une série de plusieurs phrases à propos des différents espaces individuels. Il s’agissait d’en choisir plusieurs de façon à préciser les modes de vies et préférences de chacun pour son logement. Cet atelier a renforcé d’autant la cohésion d’un groupe qui se connait de mieux en mieux. Chacun a emporté sa première ébauche de logement, pour terminer le travail en famille et renvoyer ensuite une « fiche logement » à l’équipe d’AMU, qui a obtenu des réponses et des dessins plutôt précis !

Figure 47. Atelier 10 du projet de la Médoquine, travail sur la répartition des espaces communs Au centre, Guillemette de Monteil, Ingrid Avot plus à droite sur la photo (ACAtryo) Lieu : Château de Thouars Source : personnelle

Continuant sur la lancée enthousiaste de l’atelier précédent, les habitants se sont donnés rendez-vous pour avancer le travail de la charte de façon à en faire une présentation collective lors de l’atelier 11 (17 avril 2018). ACAtryo a de son côté prévu cet atelier comme un point d’étape. Un point retour a été effectué de la part d’Axanis sur les dossiers de chacun et il a été évoqué que chaque famille aurait un membre du service commercial comme interlocuteur référent au sein de l’organisme HLM, de façon à mettre en place une gestion des dossiers plus efficace. Une relecture collective du cahier des charges a été effectuée de façon à s’accorder sur une version finale et à lancer la consultation de l’équipe de maîtrise d’œuvre.

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La consultation étant désormais en cours l’atelier 12 (15 mai 2018) a traité de la procédure de sélection de l’équipe de maîtrise d’œuvre. Pour préparer la séance du 10 juillet 2018 au cours de laquelle trois équipes présélectionnées selon différents critères par le comité de pilotage rencontrera le groupe, les futurs habitants ont préparé les questions qu’ils leur poseront pour déterminer par quelle équipe ils souhaitent être accompagnés. (Pour davantage de détails nous renvoyons au Chapitre 6. Section 5. L’intervention de l’architecte : de l’idéologie à la matérialisation) En fin de séance, les habitants ont sollicité Axanis sur divers sujets comme nous l’avions évoqué dans le point précédent : au sujet de la solidarité dans le projet, de leur engagement effectif dans le projet, comment intégrer les nouveaux venus en cours de processus, des typologies prévues ou non, de la part d’auto-construction possible. Nous avons pu ressentir lors de cet atelier que les habitants se sont saisis de leur projet et se sont à présent hissés sur un véritable pied d’égalité avec les parties prenantes du projet. L’organisme HLM devient un partenaire et la dynamique top-down glisse progressivement vers une dynamique bottom-up qu’elle tend désormais à rejoindre, à mesure que les futurs habitants développent leur connaissance et leur engagement dans ce qui devient leur projet. Dix-sept candidatures ont été reçues pour le projet et trois équipes ont pu être sélectionnées. Lors de l’atelier 13 (12 juin 2018), Axanis en rend compte aux habitants et réexplique les impératifs de la séance de questions qui aura lieu le 10 juillet 2018. Il faudra être attentif à respecter un cadre précis car il s’agit d’une phase officielle de sélection, soumis au code des marchés publics : chaque candidat devra être également traité, avec les mêmes chances. Les mêmes questions devront être posées à chacune des équipes. La suite de l’atelier s’est poursuivie avec l’explication du statut d’association que prendront les habitants. Ce statut représente un engagement juridique, qui complètera l’engagement moral représenté par la charte et l’engagement financier représenté par le contrat de réservation qu’ils signeront. Les avantages de l’association sont expliqués aux futurs habitants et aux nouveaux venus présents ce soir-là : enclencher des démarches, demander des subventions, louer une salle, organiser un évènement … Le statut d’association rassemble le groupe en une entité. Les statuts devront être travaillés et proposés par un groupe de travail de futurs habitants, qui devront être acceptés par l’ensemble du groupe avant d’être déposés auprès des services de préfecture. Ils pourront être actualisés par une décision de l’Assemblée Générale qu’ils formeront. L’équipe d’AMU poursuit en exposant le choix effectué par les habitants de La Ruche : ils gèrent eux même la copropriété, s’organisent pour écrire les comptes rendus d’assemblée générale, pour faire les comptes etc., par souci d’économie pour éviter de payer un syndic, mais aussi pour conserver une plus grande liberté d’action. Bien qu’ACAtryo reconnaisse que cet atelier peut être moins ludique que les précédents et plus technique pour les nouveaux arrivants qui pour la plupart découvrent le projet, l’équipe rappelle néanmoins ceci : « C’est aussi ça l’habitat participatif : vous allez devenir sachant sur plein de choses. »

La publication commune de l’Union Sociale pour l’Habitat et des Coop HLM intitulée La place et le rôle des organismes HLM dans l’habitat participatif mentionne en « point de vigilance » la nécessité de faire appel à une équipe d’Assistance à Maîtrise d’Usage : « La présence d’une Assistance à Maîtrise d’Usage (AMU) spécialisée et externalisée constitue un point clé de la réussite de l’opération et une condition indispensable » 135 135

Réseau Hlm pour l’habitat participatif : La place et le rôle des organismes Hlm dans l’habitat participatif, Publié par L’Union Sociale Pour l’Habitat Septembre 2016, URL : http://www.urbanismepuca.gouv.fr/IMG/pdf/reseau_hlm_pour_l_habitat_participatif_-_note_de_positionnement_-_vdef_07_09_16.pdf

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En effet le suivi des ateliers met en exergue le passage de relais progressif de l’équipe d’ACAtryo vers les habitants, au travers d’un transfert de connaissance. Même si l’équipe a organisé sa méthode en amont (une note méthodologique leur a été demandée lors de l’appel d’offre), elle l’adapte à chaque groupe et la garde assez souple pour s’adapter aux évolutions du groupe tout en respectant autant que possible le calendrier. « En fait on se complète assez bien parce qu’on a trois parcours différents, chacune apporte ses forces, on se relaie sur des choses, l’une va faire quelque chose, l’autre va relire. C’est assez fluide parce que c’est organisé, on commence quelque chose, on se l’envoie, on relit, si vraiment il y a besoin de se parler on va se parler et organiser une réunion mais vu qu’on a déjà des expériences à coté et qu’on est sur la même longueur d’ondes, c’est quand même assez simple. […] Et puis finalement ça se construit mais tout n’est pas écrit. […] Là par exemple avec le décalage de la consultation de maitrise d’œuvre, il va falloir qu’on fasse un peu différemment de ce qu’on a fait avec Beutre. Jusqu’à présent on arrivait à mener les deux a peu près pareil … mais ça va arriver. » (ACA Tryo, avril 218)

Le travail de l’équipe d’ACAtryo est considérable et leur investissement, temporel et personnel, fonde sa grande qualité, en créant un socle de confiance solide entre les partenaires du projet, et en rivalisant d’ingéniosité pour transmettre aux futurs habitants les clés qui leur permettront de se saisir de leur projet, tout en s’adaptant à leur rythme. Il en va de même pour nombre d’équipes d’Assistance à Maîtrise d’Usage. Si la plus-value que ces professionnels apportent aux projets est reconnue sans conteste par les différents acteurs de l’habitat participatif, on peut se demander si leur investissement (tout comme celui des architectes, nous le verrons au point suivant) est rétribué à sa juste valeur. Donner dans le présent mémoire un aperçu de leur travail et de ses conséquences pour les projets d’habitat participatif est un moyen de valoriser la finesse de leurs méthodes, et « positionner la caméra » en interne permet d’offrir un autre regard sur un acteur reconnu mais malgré tout dissimulé à l’ombre de l’austérité de notes méthodologiques généralistes.

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▌Section 5. L’intervention de l’architecte : de l’idéologie à la matérialisation L’entrée, dans le processus, de l’architecte et de son équipe de maîtrise d’œuvre est une étape clé dans le processus de projet. Le choix de l’équipe peut se faire de différentes façons selon la forme du projet et qui en est le maître d’ouvrage. Certains organismes choisissent dès le départ l’équipe de maîtrise d’œuvre dans un objectif de maîtrise ou bien d’efficacité dans le cas de projets plus conséquents par exemple, et ne laissent pas le choix aux habitants. Bien que cela puisse effectivement fonctionner, cette façon de faire interroge sur le niveau de maîtrise du projet laissé aux habitants. C’est également un pari risqué pour la stabilité du projet. En effet l’architecture doit rendre compte des besoins et des choix des habitants, en se fondant sur leur expertise d’usage et sur les valeurs mises en avant dans leur charte. L’un des architectes d’un projet d’habitat participatif a rapporté une question qui lui a déjà été posée : « Si les habitants rejettent en bloc votre projet, qu’est-ce que vous faites ? » L’architecte en est resté assez interdit, au sens où, pour lui, il ne s’agit pas de son projet mais de celui qu’il conçoit avec les habitants, alors de réels partenaires dans cette phase. La confiance établie lors des premières étapes du projet, entre les AMU, l’organisme HLM et la collectivité doit aussi pouvoir s’établir avec l’équipe de maîtrise d’œuvre et à plus forte raison avec les architectes. Les habitants ne doivent pas se sentir dépossédés de leur projet, dont l’architecture doit refléter l’identité. La mission de l’architecte est ici de rendre les idées concrètes. « On voulait un dialogue, on ne voulait pas se faire imposer une esthétique, on voulait du fonctionnel. Le beau ne devait pas mettre de côté les valeurs. » (Futur habitant d’un projet d’habitat participatif en cours, mai 2018)

La sélection de l’équipe d’architectes et de maîtrise d’œuvre peut se faire de différentes manières. Les coopérateurs du projet H’Nord et le bailleur social Coligny avec lequel ils sont réellement en co-maîtrise d’ouvrage ont choisi ensemble, à la suite d’un appel d’offres réalisé en 2016, l’équipe de maitrise d’œuvre de l’opération formée de deux agences d’architecture : l’une, parisienne, est Badia Berger Architectes, l’autre, bordelaise, 2PM Architecture. Dans le cas des projets top-down portés par Axanis, la procédure est un peu différente comparée au cas de H’Nord dont la maturité d’un groupe, la culture du projet et l’autoformation permettaient d’avoir un cahier des charges extrêmement développé et des attentes très précises, avec une connaissance technique déjà bien avancée. Prenons pour exemple le cas de le Médoquine. Le choix de cette équipe étant soumis au code des marchés publics, la consultation a été lancée le 4 mai 2018, et clôturé le 28 mai 2018. Le cahier des charges leur a été transmis pour leur permettre de répondre en connaissance de cause. Des références de moins de cinq ans leur ont été demandées, dont ils ont pu être les architectes ou bien qui leur semblent correspondre à l’esprit de ce qu’est l’habitat participatif, et à plus forte raison de l’esprit du groupe. Les moyens dont ils disposent sont également un critère qui permettra de déterminer leur capacité matérielle à s’engager dans le projet. Enfin, la motivation des équipes est un critère essentiel. Le nombre de réponses pouvant être important (30 équipes ont par exemple répondu à l’appel à candidature du projet de Mérignac Beutre, porté lui aussi par Axanis, 17 ont répondu à celui de la Médoquine), l’analyse des réponses et une pré-sélection de trois équipes sont effectuées par le comité de pilotage (COPIL) rassemblant Axanis, la ville de Talence, Bordeaux Métropole et ACAtryo selon leur « capacité à faire ». 134


Critères de notation du COPIL (Première phase : Candidature)

Les compétences au travers de la composition des équipes, des moyens humains affectés à l’opération, de leur qualification et de la cohérence économique et financière des groupements au regard du projet /6 points L’expérience examinée au regard des références présentées (3 références de – 5 ans) de nature et d’importance au moins équivalentes : programme en accession sociale à la propriété ou en locatif social, le coût de construction en €HT / m² SHAB en séparant bâtiment et VRD. /9 points

Source : Axanis Ensuite vient l’étape de l’appel d’offre proprement dite pour laquelle les trois équipes doivent fournir une note méthodologique indiquant la façon dont elles comptent procéder pour aborder le projet, ainsi que leur honoraires. Le COPIL attribue lors de la réception des documents deux notes sur 10 : l’une concernant la méthode et l’autre l’offre de prix. Cette étape se réalise sans les habitants car il s’agit d’un choix concernant un aspect très technique du projet. Dans le respect de la transparence pratiquée depuis le début des ateliers, les critères de sélection ont été exposés aux habitants. Critères de notation du COPIL (Deuxième phase : Offre) Compréhension générale du programme : note méthodologique et pièces graphiques = 10 points Note méthodologique : 10 points • La compréhension du programme d’Axanis (faisabilité, capacité,…) /2points • L’intégration du projet dans son contexte (qualité de l’intégration urbaine et paysagère, réponse aux besoins et attentes exprimés dans le programme …) /2point • La méthodologie de travail envisagée et l’approche sur le planning prévisionnel de réalisation de l’opération. /3points • L’approche sur le coût objectif donné /2point • Organisation de l’équipe pour le management du projet /1point

L’offre de prix : 10 points Le prix global et forfaitaire, à partir d’un taux appliqué sur l’enveloppe financière du maître d’ouvrage, comprenant la décomposition des honoraires par éléments de mission Audition des candidats par le groupe d’habitants Compréhension générale du programme / 10 points à répartir Il faudra savoir évaluer : - La capacité d’écoute de l’équipe, - Si le langage qu’ils utilisent est accessible et bien compréhensible par un public de néophytes ATTENTION : il faudra toujours poser les mêmes questions aux 3 équipes

Source : Axanis

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La troisième étape est celle de la sélection des habitants qui choisiront, parmi les trois équipes encore en lice, celle qui les accompagnera dans le projet, en leur attribuant une note fondée sur leur compréhension générale du programme au travers du cahier des charges qui leur a été fourni. L’atelier 12 (15 mai 2018) a visé à préparer une série de questions qui seront posées aux équipes lors de la séance du 10 juillet 2018. ACAtryo avertit les futurs habitants sur les points de vigilance qui seront essentiels. Le groupe devra donc être capable d’évaluer la capacité d’écoute de l’équipe, très importante pour que le projet matérialise au plus près les valeurs et les idées du groupe, mais aussi si l’équipe est capable d’adapter son discours aux habitants qui seront les partenaires de projet, et qui ne maîtrisent pas nécessairement le vocabulaire technique propre à la construction. ACAtryo avertit également le groupe que celui-ci ne doit pas s’attendre à une proposition déjà dessinée du projet, car, même si cela peut paraitre rassurant pour les habitants, cela reflète en réalité une volonté de maîtrise du projet trop importante de la part de l’équipe de maîtrise d’œuvre, ce qui mettrait de côté tout l’intérêt de la démarche de l’habitat participatif et diminuerait d’autant l’intégration des habitants à leur projet. La série de questions travaillée en atelier devra être posée intégralement à chaque équipe, de façon à pouvoir les sélectionner selon les mêmes critères. Cette séance intervenant après la remise du présent mémoire, il nous est impossible de communiquer les questions travaillées par le groupe d’habitants. Néanmoins nous pouvons ici dévoiler celles qui ont été préparées et déjà posées par le groupe du Nid, projet prenant place dans le quartier de Beutre, à Mérignac.

Exemple de questions du groupe de Mérignac Beutre Habitat participatif • En deux mots, l’habitat participatif, qu’est-ce que c’est pour vous ? • Rapidement, qu’est-ce qui vous a motivés et poussés à répondre à ce projet d’habitat participatif ? • Avez-vous une référence, une expérience sur l’habitat participatif ? Compréhension du projet • Qu’évoque pour vous le nom de notre projet : « le nid » ? • Comment avez-vous compris notre cahier des charges ? • Avez-vous détecté des incohérences dans ce cahier des charges ? • Et inversement qu’est-ce qui vous a fait « vibrer » ? Méthode • Comment comptez-vous travailler avec nous ? Temps / organisation • Quelles méthodes allez- vous utiliser avec nous, pour nous expliquer le projet, les plans etc...? Approche Environnementale • Quelle est votre sensibilité à l’aspect environnemental ? ² Par exemple, à quelles solutions avez-vous pensé pour ce projet ? § (Question des matériaux et question techniques – durabilité du bâtiment– exemples concrets) ² Avec quels partenaires professionnels comptez-vous répondre à ces questions environnementales ? (notamment sur l’aspect du paysage) • Quelle est votre approche de l’aspect « intégration du site » ? • Que pensez-vous de notre proposition d’implantation du bâtiment ? • Avez-vous une question à nous poser ?

Source : ACAtryo

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Bien que le choix soit déjà orienté par le COPIL, la décision finale peut être maîtrisée par le groupe d’habitants puisqu’ils ont connaissance des notes déjà attribuées. « On s’est organisé au niveau des notes pour pouvoir avoir les Dauphins parce que c’était eux qu’on voulait. (sourire) Ils étaient très à l’écoute et étaient venus avec toute leur équipe. Ils ne sont pas arrivés avec un projet déjà ficelé. Et cette écoute, on l’a ressentie tout au long du projet » (Habitante de la Ruche, mai 2018)

Le partenariat avec un organisme HLM influence, malgré tout, le mode de sélection de l’architecte. Les règles auxquels ils sont soumis ne leur permettent pas de sélectionner arbitrairement un architecte. Au sein du groupe H’Nord il y avait deux architectes. Bien qu’ils ne soient plus présents aujourd’hui, il aurait été impossible de les désigner comme architectes du projet. « Dans le noyau initial et dans ceux qui avaient initié le projet, il y avait deux architectes qui sont tous les deux partis effectivement. Ce n’est pas évident en tant qu’architecte, d’autant plus quand on est avec un bailleur social. Là où nous avons été très clairs avec H’Nord dès le début c’est que nous avons des règles pour désigner les architectes, il faut les mettre en concurrence, qu’il y ait une publication, qu’il y ait une règle de désignation qui soit claire nette et précise, on ne peut pas faire ce qu’on veut et on ne peut pas payer l’architecte du groupe pour qu’il fasse le projet, c’est impossible. L’adjonction d’un bailleur social est forcément soumise à cette règlementation, soumise à la transparence de l’attribution du marché à l’architecte et à tous les prestataires. C’est un point extrêmement important. » (Bailleur social Coligny, responsable d’opérations, mai 2018)

Une fois sélectionnés, les architectes animent les ateliers avec l’équipe d‘AMU s’il y en a une. Il doit savoir adapter sa pratique aux attentes du groupe d’habitants et aux impératifs de l’organisme HLM. L’agence bordelaise 2PM A, face à un groupe déjà très avancé dans la définition du projet, que ce soit dans le cahier des charges ou dans la connaissance du site, a adapté son approche. Elle a choisi de prendre la question « à l’envers », à savoir aller de l’échelle urbaine à celle du logement. Le premier acte a été de réaliser une maquette de site qui sera un support permanent de travail. La maquette est un outil souvent facilitateur pour parler du projet. En effet tout le monde ne parvient pas aisément à se projeter dans l’espace à partir de plans et de coupes. Elle a été un support idéal pour l’expression de chacun et le groupe a été une véritable force de réflexion dans le projet. C’est notamment ce qui fait aujourd’hui dire à l’architecte que l’habitat participatif n’est pas le gouffre temporel que l’on imagine même s’il représente un investissement personnel important. « En tant qu’architecte on travaille en certain nombre, on se confronte à nos questions réglementaires, sur le programme … là on le partage. C’est une vraie richesse et on avance beaucoup plus vite. » (Architecte, 2 PM A, mai 2018)

Le fait que le groupe soit déjà constitué en amont module la pratique de l’architecte, mais le fait qu’il s’agisse d’une coopérative d’habitants teinte également le projet et sa 137


traduction architecturale. Dans la coopérative d’habitants, ces derniers ne sont pas propriétaires individuellement de leur logement. La volonté du groupe a été de produire des logements assez standards, dans la perspective qu’ils puissent convenir à de nombreuses générations de locataires ou de coopérateurs après eux. Cette façon d’appréhender le logement facilite également la relation avec le bailleur social Coligny qui a accepté de mixer verticalement ses logements avec ceux de la coopérative, pour une plus grande mixité sociale. Les coopérateurs ont donc choisi des logements standards de taille classique et pensés au plus près des besoins, au profit des espaces partagés ou tournés vers le quartier. Le fait de ne pas être propriétaire permet d’intégrer une dimension évolutive : il est possible de changer de logement au gré des évolutions de la coopérative et des compositions familiales. Cela révolutionne la manière d’habiter et de penser collectivement l’habitat. Cette question du devenir des logements est importante à intégrer, notamment dans les projets qui aboutissent à de l’accession à la propriété, parce que les logements seront inévitablement amenés à être revendus un jour. L’architecte a un rôle de conseil dans les demandes des habitants mais il ne doit pas les orienter et respecter les demandes. Pour autant, il est nécessaire d’anticiper une modification future de certains logements qui seraient aménagés de façon particulière et d’utiliser des matériaux adaptés. Par exemple dans le cas de La Ruche, une famille qui avait souhaité une disposition particulière a quitté le projet et les nouveaux arrivants vont devoir réaménager l’intérieur. Les murs étant faits de paille et de terre, penser à un système constructif plus facile à transformer pour les cloisons internes de logements particulier aurait rendu les modifications plus aisées à effectuer. Il est également important que les architectes, l’organisme HLM et les habitants anticipent que le groupe puisse ne pas être complet au démarrage de la phase de chantier. L’avancement du projet ne peut pour autant pas être bloqué. La conception doit alors se faire en imaginant des espaces flexibles afin que les ménages qui arriveront puissent au moins participer à la définition intérieure de leur logement. « On réfléchit déjà à un schéma intermédiaire, parce que les opérations d’habitat participatif, nous on souhaite que ça continue bien sûr. […] Mais devant cette difficulté de constituer les groupes, si on veut que l’opération sorte -parce que pour nous le but n’est pas de mobiliser un foncier pendant des années- le groupe on le constitue avec les gens qui sont là, parce que notre but est celui de la production d’habitat social. On peut perdre des gens, on peut en avoir d’autres, on peut ne pas arriver à constituer complètement le nombre de foyers au regard du potentiel de l’opération. On continuera la démarche classique d’habitat et les gens qui arriveront en cours de route on les fera participer au moins à la définition de leur logement propre, intérieur. […] Parce que le reste, la volumétrie, le fonctionnement un peu général du projet sont déjà fixés, et nous, nous ferons en sorte qu’ils puissent s’intégrer là-dedans. » (Organisme HLM, responsable d’opérations, avril 2018)

Dans le cas des projets bottom-up comme dans celui des projets top-down la phase de conception et celle du chantier sont très importantes. Selon l’architecte de La Ruche : « C’est en faisant le projet que se fait le groupe », ou, du moins, qu’il se soude. L’architecte doit évoluer dans un cadre assez contraint, entre le cahier des charges des habitants, et celui établi par les parties prenantes, organisme HLM et collectivité, ainsi que par un calendrier à respecter. Il doit pour autant rester souple dans le dialogue avec toutes les parties. Il mobilise différents outils pour communiquer le projet (maquette, axonométries, documents techniques …) en plusieurs temps. Il y a tout d’abord un temps collectif pour évoquer le projet dans sa globalité (forme architecturale, aspect technique, financier) et ensuite un temps individuels de définition des logements. 138


Le travail avec les architectes prend la forme d’un transfert de compétences pour que les habitants deviennent sachant et fassent des choix éclairés avec eux mais aussi avec l’organisme HLM qui reste présent tout au long du processus et qui, pour les habitants de la Ruche, « a été remarquable de patience et de compétence ». Cette phase de conception est également une autre étape du passage de relais, progressif jusqu’à l’entrée dans les bâtiments. De la même façon que l’architecture doit faire transparaitre les valeurs portées par le groupe, elle doit s’adapter aux usages prédéfinis lors des ateliers menés ou non par une équipe d’AMU comme nous les avons décrits au point précédent. Une réflexion commune autour de ces espaces communs permet de désamorcer les conflits d’usages qui pourraient y prendre place. Cela se traduit par le choix d’une répartition et d’une disposition particulière des espaces, par des proportions d’isolation phonique, thermique, par un travail des servitudes visuelles des différents espaces pour préserver l’intimité de chacun ou sur les circulations etc. « Une des premières choses qu’on voit avec le groupe quand on définit les usages etc., c’est où vont se positionner les espaces les uns par rapport aux autres, quelles vont être les nuisances de chaque espace et en fait les habitants disent d’eux même ‘‘attention j’ai peur de la salle commune parce que ca va faire du bruit’’, ‘‘attention pour tel espace la cuisine il faudrait qu’elle soit super proche du jardin pour faire des barbecues’’. Dès la phase de réflexion sur les espaces de programmation, le groupe a déjà en tête certaines idées qu’il retravaille ensuite avec les architectes. » (AMU, mai 2018) Les nuisances, du moment qu’elles sont générées par des voisins qui se connaissent, sont peut-être plus acceptées aussi. Et puis ce sera des nuisances toutes relatives. Dans la manière de penser les choses ce sont vraiment des questions qu’on met sur la table, on a des propositions, à chaque atelier on arrive avec des thématiques, on a fait des recherches sur les endroits intéressants où positionner les choses et puis après on les confronte, on met tout autour de la table, c’est affaire de plus et de moins, et les décisions sont prises relativement collectivement. » (Architecte d’un habitat participatif, mai 2018)

Le travail collectif, l’acculturation des habitants par rapport à leur projet, celle de l’organisme HLM et des architectes par rapport à l’expertise d’usage du groupe d’habitant, la transparence respectée tout au long du projet, et la confiance établie favorisent la communication entre toutes les parties. Chacun y comprend les envies et les impératifs de chacun, fait des compromis et des concessions pour trouver un équilibre général qui contribuera à la justesse du projet. « En fait c’est une co-écriture. Ce n’est pas ta signature, et ça soulage aussi l’acte créatif. […] Ça permet de faire évoluer la pratique vers plus d’écoute, ça développe une certaine qualité humaine et ça remet l’architecte à sa juste place. Mais aussi ça responsabilise tout le monde » (Architecte d’un habitat participatif, octobre 2017 et mai 2018) « En tant qu’archi on agit vraiment là où il faut. C’est vraiment différent des opérations où on doit faire dix T2 de 45m² etc… » (Architecte d’un habitat participatif, janvier 2018)

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« Si certains veulent se lancer dans un projet d’habitat participatif, n’hésitez pas à mettre le curseur haut dans la demande, avec, malgré tout, des questions d’économie mais on sait que de toutes façons le projet sera amené à évoluer. […] Il faut vraiment rêver haut pour réajuster à un niveau convenable en cours de route » (Architecte d’un habitat participatif, mai 2018) « L’utopie réduit à la cuisson, c’est pour ça qu’il en faut beaucoup ! » (Future habitante d’une coopérative d’habitants, mai 2018)

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▌Section 6. L’organisme HLM, un acteur qui évolue

Dans le cas du projet d’habitat participatif de type top-down en cours dans le quartier de la Médoquine à Talence, sur le territoire de Bordeaux Métropole, la décote ne peut dépasser 200€/m² HT, et les logements en accession maîtrisée doivent être vendus en dessous de 2500€/m² TTC de Surface Habitable SHAB ou dans une marge de tolérance limitée à 2900€/m² SHAB TTC, place de stationnement comprise, pour que la métropole puisse accorder à certains ménages sous conditions de ressource le Prêt à Taux Zéro. Au lancement du projet, l’opérateur Axanis annonce un prix moyen de 2850€/m² SHAB TTC avec une TVA 5,5%. Il s’agit déjà de la frange haute de la marge de tolérance définie dans le contrat. Cela permet de réaliser l’enjeu qui pèse déjà sur le projet dès son démarrage en termes de maîtrise des coûts. Il est aisé de réaliser que ce cadre va de fait influencer le projet qui se monte et les décisions prises par les habitants. Même si le groupe d’habitant est légitime dans ses envies et ses demandes, « si on veut que l’opération aille au bout de la réception, à un moment le maître d’ouvrage est obligé de restreindre les enthousiasmes. On essaye de répondre le plus possible et d’intégrer la démarche mais pour les choses qui dérivent un peu trop et qu’on sait que financièrement ce ne sera pas jouable, notre rôle c’est de le dire. » (Organisme HLM, Responsable de programme). C’est là que se confrontent les projections des habitants et la réalité opérationnelle. Ce cadre, que remettent en cause certains groupes auto-constitués auquel ils reprochent d’orienter le projet et de fermer certaines perspectives, est pour autant un gage d’ouverture du projet à des ménages à faibles revenus. C’est notamment sur ce point que les AMU sont indispensables, à l’appui d’un organisme HLM qui doit quant à lui jouer de transparence, partager et faire comprendre les impératifs auxquels il est soumis. Il est important que l’organisme HLM ne fasse pas uniquement figure de puissance financière porteuse du projet, de façon à ce que le groupe ne se sente pas contraint ou restreint par ce dernier sans savoir pourquoi. « C’est là leur rôle de tampon [des AMU n.d.l.r.], derrière, redonner l’espoir et la réalité du projet » (Organisme HLM, Responsable de programme)

Il est important, tout au long du processus, de faire coïncider les projections et les attentes du groupe avec un projet réalisable, qui rentre dans le cadre financier prédéfini. Cela nécessite un travail en toute transparence basée sur une confiance mutuelle entre les parties. « Il faut accepter, en tant qu’opérateur, de partager le pouvoir avec les habitants, mais en tous cas faire un chemin ensemble, et se dire qu’on n’a pas nous seuls toute la connaissance et c’est ce partage qui nous permet d’avoir les meilleurs projets, et surtout une confiance extrêmement importante qu’il doit y avoir entre les habitants et l’opérateur. » (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018) « Ce n’est pas parce qu’on est un groupe d’habitat participatif qu’on fait ce que l’on veut en termes de règlementation etc. […] Ça peut créer des frustrations mais les gens comprennent aussi quand on arrive à expliquer. C’est une relation de confiance qu’il faut atteindre : savoir expliquer les choses, leur dire ‘‘on ne peut pas le faire, mais voilà

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pourquoi on ne peut pas le faire’’. J’ai dû l’apprendre aussi. On est aussi obligé nous, professionnels, de se remettre en question et de se dire : ‘‘moi je sais pourquoi on ne peut pas le faire’’, mais je me mets à la place de l’habitant, ‘’ça me frustre je ne comprends pas’’ … J’essaie aussi , et c’est une travail de tous les jours, de faire comprendre, de faire accepter, et même moi de me remettre en question : ‘‘est ce que vraiment on ne peut pas trouver un moyen de le faire ?’’ On repasse sur d’autres biais, d’autres chemins, on se met d’accord les uns les autres […] d’ailleurs ils arrivent souvent à me convaincre d’arriver à faire des choses ! (rire) Ils sont tenaces ! » (Organisme HLM, responsable d’opérations, mai 2018)

Certains organismes HLM sont prêts à remettre en cause leurs pratiques, à partager leurs savoirs, à dialoguer avec les groupes d’habitants pour évoluer. Ils développent des modes de travail où ils échangent sur les projets, que plusieurs membres de l’équipe suivent, d’une part pour répartir la charge de travail, mais aussi pour communiquer entre eux et avoir une connaissance générale du projet, en intégrant chacun dans ce travail de transformation des modes de faire et de penser. « On se parle très régulièrement, on est dans le même bureau mais on est itératif et participatif justement, sur les expériences qu’on a et sur ce qu’on veut reproduire ou pas. » (Organisme HLM, responsable d’opérations, avril 2018)

Le fait d’être intégré dès le départ influence également la pratique professionnelle de l’organisme HLM, et l’implique dans le projet du groupe d’habitants. Il est un véritable appui pour travailler avec le groupe sur les montages que permet la législation en vigueur. Le fait d’être sur le terrain lui donne un regard plus éclairé sur les besoins du groupe, la relation de confiance établie avec les habitants le pousse à questionner un cadre établi souvent hors-sol. Le retour et les actions des organismes HLM sont des leviers pour faire évoluer la règlementation dans ce domaine, ou pour amener les collectivités ou d’autres organismes à s’engager dans l’habitat participatif. Cela dépend cependant du niveau d’engagement et de l’envie de l’organisme HLM de développer l’habitat participatif. « Normalement on ne peut pas être propriétaire avant dans le cadre de la SCI-APP. C’est vrai qu’il y a beaucoup de lois qui sont faites un peu hors-sol qui ne sont pas forcément très opérationnelles directement. C’est pour ça que si la SCI-APP ne s’est pas beaucoup développée, c’est parce qu’elle était mal fagotée ne fonctionnait pas. Donc nous on l’a tordue dans tous les sens, et on a trouvé un modèle qui permet, même si la loi est imparfaite, de fonctionner. Nous on prévoit dans nos modèles qu’on puisse devenir propriétaire de la dixième à la quarantième année. » (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018) « Aujourd’hui la loi prévoit qu’on paye toujours un loyer [dans le cadre du Bail Réel Solidaire, on loue le foncier n.d.l.r.]. C’est spécifique car chaque OFS prévoit son mode d’organisation, nous on prévoit que les gens payent pendant 50 ans s’ils restent. Après 50 ans ça s’arrête, par contre s’ils revendent ça repart sur 50 ans. » (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018)

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« En même temps par petites touches on y arrive … Nous on a défriché à chaque fois, [on a négocié] avec le service foncier, financier, juridique, le service pour acheter le terrain… On a eu beaucoup beaucoup d’échanges et je pense que du coup quand ils auront un autre projet derrière ce sera beaucoup plus facile, parce que quand on a défriché, les gens reproduisent. » (Organisme HLM, responsable d’opérations, mai 2018) « [Intégrer du locatif dans de l’habitat participatif en accession] peut être compliqué, mais [l’organisme HLM] y réfléchit de plus en plus ! Parce que c’est dommage qu’il y ait certaines personnes qui ne puissent pas accéder à ce genre de projet à cause de leurs revenus … Tu vois, [cette personne] est partie du projet, mais …. Elle l’a peut-être pas mal marqué. » (AMU, avril 2018) « [Les organismes HLM avec lesquels on travaille] sont très sérieux, ils jouent le jeu franchement. Je pense que certains bailleurs, en tous cas certains maîtres d’ouvrage ont envie de s’ouvrir à des choses. Ils se rendent compte […] que ça a un écho dans la population, même si on a du mal à trouver nos groupes. » (AMU, avril 2018) « Aujourd’hui on a du monde mais je pense qu’il y a des choses à faire pour que ça irrigue plus, [changer les mentalités, rendre les choses encore plus visibles], faire des ateliers, de la communication au niveau national, faire de la formation au niveau des équipes de maîtrise d’ouvrage, au niveau des bailleurs sociaux. Encore une fois ce sont des projets compliqués, il faut vraiment une motivation qui commence à la direction générale, jusqu’aux habitants. Je connais des opérateurs qui le font, parce qu’on leur dit d’en faire, pour faire leur « B-A » ; moi je pense que c’est une transformation du métier. Nous, plus on en fera, mieux on sera. Nous sommes aussi à l’initiative de projets. Par exemple on travaille avec une commune où le maire était loin de ça, on l’a convaincu d’y aller et aujourd’hui il ne le regrette pas. Il faut avoir un coté militant. » (Organisme HLM, Directeur Général, mai 2018)

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▌Chapitre 7. Perspectives et contraintes : des initiatives sur la sellette ▌Section 1. Des projets attendus au tournant En promouvant le logement abordable, les projets d’habitat participatif doivent prouver que l’étalement urbain et l’augmentation sans fin des distances domicile-travail ne sont pas une fatalité pour les candidats à l’accession à la propriété. (Convention de partenariat pour le cadrage du projet de la Médoquine)

Au sujet de la non-spéculation L’une des grandes inconnues est la permanence de l’esprit de l’habitat participatif au fur et à mesure des générations d’occupants, mais également de celui du positionnement antispéculation. Dans un pays où il existe un droit de la propriété à respecter, qui permet de disposer librement d’un bien qui nous appartient, on ne peut interdire de faire une plus-value sur son logement que sous certaines conditions, même si la non-spéculation est une volonté partagée par tous les acteurs initiaux et est aux fondements de ces projets. Rien n’empêche alors un propriétaire ayant obtenu son logement en accession libre avec une TVA à 20% de faire une plus-value sur son bien, et d’exercer librement son droit, puisqu’il n’a pas bénéficié d’avantages de la part de l’Etat et qu’il ne lui est donc pas « redevable ». Dans le cas d’une accession sociale à la propriété de type PSLA, il existe une clause antispéculation qui s’exerce sur dix ans. Si le logement devait être vendu durant cette période, pour des raisons qui ne relèvent pas d’obligations ou d’accidents de la vie, définies plus précisément dans le contrat, le différentiel de TVA (qui était à 5,5%) doit être remboursé. Dans le cas de la SCI-APP, l’organisme rachète les parts ou bien un nouvel arrivant, soumis aux mêmes conditions de ressources, rachète les parts du propriétaire précédent, indexées sur le coût de la construction. Dans le cas de l’Office Foncier Solidaire, la dissociation de la propriété du foncier de celle du bâti exclut toute spéculation réelle. Pour autant, cette inégalité dans la possibilité de faire ou non une plus-value sur son bien se heurte au souci d’équité qui jalonne les projets d’habitat participatif. Lors de la Première Rencontre Nationale des Cités Castors du 20 mai 2018, à Pessac, Imed Robbana, Directeur Général du COL de Bayonne a été questionné à ce sujet par un habitant d’une cité Castor : « L’enfer est pavé de bonnes intentions […] Malgré une intention de vivre ensemble on est quand même dans du clivage. […] Condamner les personnes dans la limitation de la plus-value, est ce que ce n’est pas les condamner dans leur position sociale actuelle ? »

A cela, Mr. Robbana répond qu’il s’agit là d’une problématique sur laquelle le COL travaille et cherche des solutions. Pour le COL, le respect de ce principe d’équité signifierait que soit tout le monde soit personne ne pourrait faire de plus-value. « Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne doit pas pouvoir faire de plus-value ». Il reconnait qu’un dosage doit être trouvé, si tant est que cela soit possible, d’une manière cohérente et équitable. Il 144


souligne cependant que cette clause anti spéculative permet malgré tout une petite plus-value indexée sur le coût de la construction et sur les améliorations et travaux qui ont pu être réalisés au cours du temps, mais aussi que ce système permet, plutôt que de louer à fonds perdus, d’avoir un petit capital à léguer à ses enfants. Permettant une ascension sociale à moyen terme, il est selon lui très dommageable que dans des zones tendues le terrain ne bénéficie réellement à des ménages qui en ont besoin que lors de la première génération de propriétaires. C’est également très décevant pour les acteurs institutionnels qui ont fait des efforts et se sont engagés dans la démarche d’origine. L’Office Foncier Solidaire dissocie la propriété du foncier de celle du bâti. Sommesnous pourtant prêts, culturellement, à ne pas être propriétaire du sol, à ne pas avoir de terre ? Pour se lancer dans le développement de cette solution le COL a considéré que lorsqu’on achète un appartement, on ne se rend pas compte si l’on est, ou non, propriétaire du sol, puisque l’on privilégie l’évaluation du taux d’effort que représente le logement au niveau du budget. Dans les constructions réalisées sur un terrain possédé par un OFS, l’ensemble du bâtiment est occupé en Baux Réels Solidaires, avec plafonnement des revenus des occupants. On peut alors se demander si ce modèle est vecteur d’équité dans la configuration spatiale qu’il induit. La difficulté à solutionner cette problématique de l’équité dans l’accès à la propriété soulève une interrogation, de loin bien plus fondamentale : au-delà de questionner le type de propriété et la façon dont on peut ou non jouir de son droit, ne faut-il pas aller jusqu’à questionner la propriété elle-même ? N’est-elle pas en fin de compte la source de ces inégalités ? C’est en cela que les coopératives d’habitants militent, pour un droit au logement universel, dont la propriété n’est que collective et sert l’intérêt général. La non-spéculation, au lieu de relever d’un engagement ou d’une contrainte inégalement répartie, deviendrait une norme intégrée culturellement, mais, en France, il y a encore beaucoup à construire, à combattre et à débattre pour en arriver là. (Pour poursuivre cette réflexion, nous renvoyons au Chapitre 8. Section 1. : Habitat participatif : l coopérative d’habitants en demi-teinte ?)

Taille de groupe « idéale » ? Mixité et participation effective

Tous les organismes ne privilégient pas la même taille d’opération pour les projets dans lesquels ils s’engagent Les organismes HLM qui se lancent dans l’habitat participatif souhaitent protéger les projets d’un maximum de critiques en évitant ce qui remettrait en cause une reproductibilité et une généralisation futures de l’habitat participatif. En effet, une opération de moins de dix ménages représente pour certains plus de risques quant à la stabilité du groupe. Si un désaccord ou un conflit émergeait dans le groupe, un éclatement pourrait plus facilement se produire et remettre ainsi le projet en question. « Pour les projets de 5/6 logements, il suffit que 2 ou 3 personnes partent pour que l’état d’esprit change. Quand c’est 46 logements, le temps que ça tourne il va se passer du temps. » (Organisme HLM, Directeur Général, mai 2018)

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« Je considère que […] c’est difficile de faire du participatif à cinquante ou soixante, quinze à vingt personnes, c’est un maximum selon moi. Autrement c’est compliqué au niveau du groupe d’habitants, maintenir une cohésion … » (Technicien, Bordeaux Métropole, mai 2018)

Axanis par exemple privilégie pour le moment des projets d’une quinzaine de logements, excepté pour le projet des « Petits Ruisseaux », dans le quartier des Sècheries, à Bègles, qu’il porte également et qui en comptera davantage. La totalité ou une partie de ces 39 logements sera créée en habitat participatif. « Après nous dans nos opérations participatives, on veille aux deux extrêmes. Alors la condition dans l’extrême dans les revenus bas c’est que la banque finance. On ne peut rien faire contre, on n’a pas de prise mais à partir du moment où la banque dit ‘‘ok je veux bien donner un prix’’, là on accompagne les gens avec les moyens les plus faibles. Mais on accepte aussi les gens au-dessus des plafonds de ressource. Ce n’est pas la majorité de l’opération mais deux ou trois foyers sur quinze oui, justement pour créer cette différence. » (Organisme HLM, Responsable d’opérations, avril 2018)

La communication au sein d’un groupe d’une quinzaine de personnes serait plus aisée à gérer, chacun ayant la place de s’exprimer lors d’ateliers, dont la durée est en moyenne de deux heures. La participation serait donc effective et ne pourrait être remise en question vis-àvis de la définition de l’habitat participatif. Une opération réalisée avec un nombre plus important de logements serait-elle « moins » participative ? Certains au contraire misent sur des opérations plus conséquentes au nom de la visée sociale de l’habitat participatif, et pour l’ouverture à un plus large panel de ménages permettant une mixité plus importante. En effet, plus le nombre de ménages est important, moins le prix au m² est élevé. C’est par exemple le parti pris qu’a choisi le COL, au regard de sa mission de promoteur social. Par exemple, dans l’opération Terra Arte qu’il a portée, le salaire mensuel moyen est de 1,5 SMIC, et le nombre de logements permet de proposer un prix à 2300 €/m² environ, contre 3000€/m² environ dans le secteur. « Les espaces collectifs sont très importants. Si ces espaces sont amortis sur 10 logements cela fait des prix élevés. C’est possible [dans d’autres opérations plus petites n.d.l.r.] mais ça s’adresse à une autre catégorie de ménages que ceux auxquels on s’adresse. Plus le projet est important plus on peut se payer des espaces collectifs. Pour un autre projet de 60 logements on prévoit par logement 3m2 d’espaces collectifs à décider par les habitants : 180 m² en tout, ce qui est une belle surface. Ces projets ne durent pas plus longtemps que ceux qui sont plus petits, parce qu’on a mis en place tout un process de travail, il y a des réunions programmées tous les 15 jours, et puis même pour les habitants c’est important que ça avance. » (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018)

L’habitat participatif est-il aussi « moins » participatif si certains habitants sont plus investis que d’autres dans la gestion ultérieure du projet ? Intégrer un projet d’habitat 146


participatif vaut-il obligation à s’engager dans la vie de la résidence, exactement de la même façon, quelle que soit la composition du ménage et les dispositions de chacun ? En réalité, cela dépend de ce qui a été décidé en amont lors des ateliers de groupe. « Au niveau des charges d’entretien [l’auto-organisation] coute moins cher. Ils ont décidé eux même de faire l’entretien des espaces verts, ils ont un planning pour l’entretien des escaliers. Personne n’est obligé de participer. Comme dans les associations, des personnes sont plus actives que d’autres. Il ne faut pas que ce soit des contraintes, il faut que ce ne soit que du plus. Ça c’est vraiment l’état d’esprit qu’on essaie de faire passer pour que ce ne soit pas que des sommes de contraintes. Parfois on a envie de participer, parfois on n’a pas envie. » (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018)

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▌Section 2. Mixité sociale et économique réelle, la question du locatif Pour que l’habitat participatif devienne un modèle qui se démocratise, il faut aussi qu’il s’ouvre au plus grand nombre. Comment ne pas prêter le flanc à la critique si, malgré des valeurs identiques à celles d’un groupe de projet dans lequel il veut s’intégrer, un ménage s’en voyait refuser l’accès à cause de ses revenus ? La question s’était déjà posée lors du projet de La Ruche, à Bègles, projet pilote pour la métropole bordelaise et pour Axanis. Le processus relevant d’une démarche itérative, chacun des acteurs a progressé en même temps que le projet. Le groupe, très engagé dans la démarche et solidaire, avait alors fait front pour permettre le passage en régime locatif pour deux ménages qui n’avaient pas les moyens d’accéder à la propriété, même grâce au PSLA, et ne pouvaient obtenir de prêt. En effet les banques peuvent être de façon générale assez peu sensibilisée à la démarche participative. L’analyse financière de leur dossier n’avait pas été effectuée suffisamment tôt, c’est d’ailleurs l’un des points de vigilance sur lesquels Axanis a mis l’accent pour les projets suivants, de façon à ne pas se retrouver dans le même cas. Axanis n’a pas eu l’occasion de devoir assumer réellement un refus jusqu’à présent, mais on peut se demander comment cette situation serait éthiquement soutenable vis-à-vis de la démarche et de l’engagement du projet, si elle survenait. Pour ces foyers de l’opération béglaise, un statut en locatif social a été accepté parce que le reste du groupe s’était clairement opposé à leur départ, mais aussi parce que l’aspect précurseur de l’opération sur la métropole bordelaise/la CUB en faisait une opération alors très médiatisée. Il était donc inconcevable pour l’ensemble des acteurs -pas seulement pour les habitants- qu’une situation d’exclusion survienne, au risque de mettre en péril le projet, mais surtout sa reproductibilité future espérée. Axanis, filiale d’Aquitanis (tout en en étant indépendante dans son fonctionnement) a ainsi créé une passerelle avec le bailleur social pour réaliser ce montage. Si le projet de la Ruche a été présenté comme une expérimentation exemplaire, elle n’a pas nécessairement valeur de modèle reproductible dans tous ses aspects. En effet, bien que le lien entre Aquitanis et Axanis ait été fait dans le cadre de cette opération, Axanis souhaite éviter de reproduire ce schéma. Pourtant, dans l’une des dernières opérations portées par Axanis, celle de la Médoquine, à Talence, un membre du groupe qui était là depuis plusieurs ateliers, investi dans le projet, a quitté l’aventure du fait de ses revenus. Le dossier n’a pas été soumis à Axanis, il n’y a donc pas eu de refus officiel, mais la personne s’est mise d’elle-même à l’écart pour cette raison. Le groupe, se saisissant de son projet commun, questionne naturellement Axanis sur le fait d’introduire du locatif dans l’opération si nécessaire. En effet, le groupe n’étant pas complet, il peut encore accueillir quelques ménages et intégrer du locatif pourrait agrandir le spectre des prétendants. En réalité, souligner que cette opération n’intègrera pas de logement locatif social ne relève pas d’une mauvaise volonté vis-à-vis du projet. Il dépend déjà d’une part de l’évaluation financière prévisionnelle qui a été faite pour l’opération. Le prix de vente de l’opération de la Médoquine est en effet évalué à 2850€/m² SHAB avec une TVA 5,5%. Un logement social ne peut sortir à un prix au m² à ce niveau : intégrer des logements en locatif APRES le montage financier du projet menace tout son équilibre économique, sachant que les logements en accession sociale PSLA ne peuvent pas dépasser un prix maîtrisé au m², même si une légère marge de manœuvre peut être autorisée. Il est donc impossible qu’ils supportent

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la balance de tarif. Pour proposer des statuts mixtes, il faudrait que l’étude soit réalisée en amont, lors de la phase de préparation du projet, mais faire la greffe de logements locatifs sociaux dans une opération à un stade avancé est complexe, d’autant plus dans une opération où le nombre de ménages est assez restreint (une douzaine envisagée pour la Médoquine), car plus le nombre de ménages dans l’opération est important, plus le prix au m² est bas, et plus les mouvements et difficultés rencontrées peuvent être gérés et absorbés. L’accession sociale de longue à très longue durée permise par la SCI-APP et le Bail Réel Solidaire sont une réponse pour les ménages à plus petits revenus, et pour les organismes HLM qui souhaitent ouvrir au maximum leurs opérations. Ce ne sont pourtant pas des outils mobilisables en un claquement de doigts. A un problème qui peut paraitre simple à résoudre, la réponse peut en réalité être complexe à mettre en place. L’accession sociale en PSLA est déjà une vente tardive par rapport à une opération en VEFA classique. Pour la SCI-APP, le prêt bancaire permettant de financer l’opération, assumé par l’organisme HLM, peut s’étaler sur plusieurs dizaines d’années et ne sera remboursé entièrement que sur une ou plusieurs générations. Il est aussi essentiel de prendre cela en compte dans le bilan prévisionnel de l’opération. Les contraintes de mise en place de la SCIAPP ou du Bail Réel Solidaire (BRS) font que peu d’organismes HLM se sont à ce jour lancées dans ces démarches. Dans sa géographie d’action, le COL commence progressivement à les mettre en œuvre.

Figure 48. Terra Arte, Habitat Participatif à Bayonne © Vincent Monthiers

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En effet, le COL souhaite que l’habitat participatif s’ouvre au plus grand nombre de ménages possible. L’opération Terra Arte, menée près de Bayonne, est une opération de 46 logements (cela représente 90 personnes environ). Il est intéressant de souligner que le nombre important de familles à l’intérieur de l’opération permet de faire baisser les coûts : pour cette opération, le prix au m² est de 2300€ avec une TVA 5,5% alors que sur le secteur, les prix atteignent aisément les 3000€, et les espaces partagés sont d’autant plus importants que les ménages sont nombreux. Quarante ménages de l’opération ont pu bénéficier du PSLA mais quatre d’entre eux n’y avait pas accès. Le COL a alors choisi un système de SCI-APP pour les accompagner, afin qu’ils puissent devenir propriétaires dans un temps qui soit compatible avec leurs capacités financières entre 10 et 40 ans. Ce choix s’est fait assez tôt dans le projet pour que le COL procède à l’emprunt que ces quatre familles rembourseront auprès de l’organisme HLM, au lieu d’un organisme bancaire. « On aurait pu faire du locatif social mais on a préféré cette formule qui permet à des personnes d’avoir le choix de ne pas être locataire et d’être propriétaire. » (Imed Robbana, Directeur général du COL Bayonne)

Pourquoi le locatif social n’est pas une option intégrée dès le départ par un plus grand nombre d’organismes HLM ? Intégrer du locatif social en cours de projet, nous l’avons décrit plus tôt, est complexe dans l’équilibre du projet, impacté par le coût du foncier visé et de la construction, même s’il permet de diversifier le profil des habitants mais aussi l’offre dans certains quartiers prioritaires. Le lien entre habitat participatif et logement social suscite néanmoins de plus en plus de réflexions de la part des acteurs institutionnels du logement, du fait de de sa capacité de transformation du territoire et des trajectoires résidentielles dont les formes se diversifient, mais aussi dans la formalisation d’un « vivre et habiter ensemble » différent. Comme nous l’avions évoqué précédemment, intégrer du locatif social dans un projet participatif est un sujet complexe, même au tout début de la programmation, d’un point de vue technique, d’un point de vue éthique, mais aussi et surtout d’un point de vue juridique. En effet l’attribution des logements sociaux est un processus très encadré. 136 Les points sensibles majeurs de l’intégration de locatif social dans une opération d’habitat participatif sont : o La gestion des attributions o Le financement des espaces partagés 137 Pour prétendre à un logement social, il faut tout d’abord en faire la demande et constituer un dossier pour démontrer que le ménage répond à un certain nombre de critères, dans la composition du ménage mais aussi dans le plafond de ses ressources (60% de la population est éligible au logement social 138) qui détermineront le montant du loyer. Le dossier passera ensuite en commission d’attribution (CAL), composée de représentants du bailleur, (y compris un représentant de ses locataires), un représentant de la mairie où se

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Op. Cit Comment sont attribués les logements sociaux ? MCT. Op. Cit. Habitat participatif et organismes HLM, p.48. 138 Op. Cit., Comment sont attribués les logements sociaux ? MCT. 137

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trouve le logement et un représentant de l’Etat 139 pour l’obtention d’un logement correspondant. (Nous renvoyons au Chapitre 3. Section 1. Etat français et production de logement social) Or, faire participer des locataires lors de la phase de conception, en amont de la construction et de l’existence physique de ces logement, nécessite de procéder à une pré-CAL, c’est-à-dire d’analyser en anticipation les dossiers des locataires, avant qu’ils ne passent en commission d’attribution une fois le projet réalisé. Pour le moment, « la réglementation en matière d’attributions locatives ne permet pas de garantir l’affectation du logement à des ménages présents pendant la phase de montage de l’opération. » 140 Procéder à une analyse des dossiers et une réflexion en amont avec les différents partenaires institutionnels est nécessaire et dépend d’une compréhension et d’une volonté politique, pour que la négociation avec les différent réservataires et avec la commission d’attribution aboutisse positivement, eu égard au caractère innovant du projet. L’engagement d’attribuer les logements aux ménages ayant participé au projet a une valeur morale mais ne peut cependant pas avoir de valeur juridique. La loi ALUR ne faisant état que d’accession à la propriété, l’intégration du processus de l’habitat participatif dans du locatif social fait aujourd’hui figure d’expérimentation, pour pouvoir faire bouger ces lignes. Il s’agit pour l’instant de cas particuliers, parallèles à la législation en vigueur en bénéficiant de dérogations, nécessaires pour faire évoluer l’accès à l’habitat participatif, mais ce schéma fait encore l’objet de réticences de la part de certains bailleurs sociaux et certaines collectivités. « On a tellement envie que ça se développe qu’on veut être irréprochable […] Il y a dans le locatif social des problèmes d’attribution, il y a le contingent préfectoral, des contingents des collectivités etc. Nous n’avons pas souhaité que le fait d’être en habitat participatif permette de shunter les files d’attente, […] que ce soit une raison pour passer devant un autre qui attend depuis longtemps, pour moi c’est pas possible ! C’est pour ça qu’il faut qu’on trouve une méthode irréprochable. […] C’est tout un process qu’il faut arriver à bien définir […] mais quand on voit le résultat que ça peut donner, le jeu en vaut la chandelle.» (Représentant d’un organisme HLM, mai 2018) « On le fait de façon un peu dérogatoire, mais aujourd’hui ce n’est pas possible et ce n’est pas complètement souhaitable non plus. Ce n’est pas parce qu’on participe à la conception d’un bâtiment qu’on a le droit de l’habiter, qu’on est plus prioritaire qu’un autre pour devenir locataire du logement social. » (Représentante d’un organisme HLM, mai 2018)

Ce problème ne se pose pas dans le cas de réhabilitation du patrimoine où les locataires sont déjà présents, puisqu’il n’y a pas de commission d’attribution, il se pose dans le cas où le projet part d’une réelle page blanche. Certains organismes HLM s’inquiètent de cette façon de faire encore fragile qui pourrait entraver une reproductibilité future. Malgré ces difficultés, certains organismes se lancent : nous évoquerons deux d’entre eux, le Locus Solus, situé au Grand Parc et porté par Aquitanis, et les logements locatifs portés par le bailleur social Coligny au sein du projet H’Nord. Ces deux exemples montrent deux façons d’intégrer de faire de l’habitat participatif dans du locatif social. Locus Solus & Aquitanis 139 140

Op. Cit., Comment sont attribués les logements sociaux ? MCT. Op.Cit. Repères n°45, p.33.

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Figure 49. Le projet Locus Solus Source : Aquitanis

Figure 50. Les acteurs du projet Locus Solus Source : Aquitanis 141

Le locus Solus est un projet porté par Aquitanis livré en 2018 et co-conçu avec une partie des locataires. L’enjeu de ce projet était de densifier la zone du Grand Parc sur un 141

Locus Solus, Publié par Aquitanis OPH de Bordeaux Métropole Rubrique S’investir ensemble, Revue Urbanité n°6, 2016, p. 10-13. URL : https://fr.calameo.com/read/00024131902147324e452

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espace de Parking existant, tout en créant un espace de lien et de rencontre ouvert sur le quartier, dans le respect des principes de développement durable. Dans cette idéologie, Aquitanis a souhaité intégrer les habitants pour qu’ils puissent devenir acteur dans la conception et la gestion de leur lieu de vie, afin d’expérimenter un vivre ensemble différent dans un contexte de logement social entièrement locatif, pratique pionnière dans la région, et au niveau national. Cependant, du fait de la réglementation en vigueur, intégrer la totalité des futurs locataires s’est révélé impossible. Sur les 46 logements prévus, une vingtaine de ménages a pu intégrer le processus participatif. Il s’agissait du nombre de logements que le bailleur social était en capacité d’attribuer individuellement. Les autres logements relevaient de contingents réservataires de la préfecture, des collectivités locales (métropole + ville) et d’Action Logement. Ces logements, relevant de la filière classique n’ont pu être intégrés au processus, mais les futurs ménages occupants vont pouvoir bénéficier des apports du projets et de la coconception (récupération des eaux grises, salle commune, potager urbain etc.) Seuls les 23 ménages intégrés par le biais d’Aquitanis ont pu définir leurs logements. Faire du « tout participatif » est encore complexe à mettre en œuvre.

H’Nord et Coligny

Le financement des espaces partagés avec la coopérative d’habitants est un autre point sensible dans l’intervention d’un bailleur social dans un projet d’habitat participatif. Les espaces partagés ont pu être intégrés dans le Locus Solus du fait du type d’opération entièrement composée de logements locatifs sociaux, porté financièrement et dans sa totalité par Aquitanis, de sa localisation, et bénéficiant d’une charge foncière très réduite. Les espaces communs ont été intégrés en amont dans le bilan financier. De ce point de vue, le projet de H’Nord est un cas bien différent. Même si un effort important a été consenti par la métropole, le foncier de l’opération reste particulièrement cher, du fait de sa position centrale, dans un quartier très tendu, mais d’autant plus du fait du percement de la rue impliquant une Participation Voiries Réseaux. Le défrichage du terrain, en mauvais état technique, nécessite des frais de démolition et de dépollution qui augmentent sa charge foncière. Dans le projet, d’une part le groupe d’habitants a souhaité conserver un jardin important en cœur d’ilot, et d’autre part des concessions ont été consenties avec les riverains pour éviter tout recours au Permis de Construire. La constructibilité du projet est donc réduite par rapport à son potentiel, entrainant avec elle la rentabilité globale. Enfin, contrairement au Locus Solus où les matériaux choisis sont d’une grande frugalité, les matériaux envisagés pour le projet de H’Nord sont plus noble (sans que cette réflexion représente un quelconque jugement qualitatif). Dans ces conditions, difficile pour un bailleur social de rentrer dans un bilan cohérent avec le type de logements qu’il doit pouvoir proposer. Le foncier et sa charge n’ont donc pas pu être répartis à part égale mais en fonction de la typologie des logements, la coopérative a ainsi payé un peu plus cher que Coligny afin que ce dernier puisse produire des logements en PLUS et PLAI. Qu’en est-il alors des espaces partagés ? Coligny, avec un bilan financier compliqué à maîtriser simplement sur la question des logements, n’a pas pu financer les espaces partagés (salle polyvalente, buanderie etc.), que la coopérative a pris en charge. Au vu de l’engagement du projet dans des valeurs de partage et de solidarité, il était inenvisageable d’interdire l’accès à ces espaces aux locataires, dont les appartements sont mélangés à ceux des coopérateurs. Dans un souci d’équité, il a été convenu que la coopérative conserverait à terme son statut d’association pour la gestion des espaces communs. Les locataires souhaitant occuper et 153


utiliser les espaces communs devront l’intégrer et y associer une petite participation financière, de façon à ce qu’ils assument aussi, à leur niveau, la gestion de ces espaces.

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▌Section 3. Participation des locataires, vers un logement social renouvelé ?

Un logement social dé-standardisé par un échange de connaissances

Tout d’abord, faire de l’habitat participatif avec du logement locatif social ouvre la perspective d’une dé-standardisation de ce système très normé, devant répondre à des quotas et des dimensions types. Cela passe par l’intégration d’un nouvel acteur et de son expertise unique par rapport aux acteurs traditionnels du logement social : le groupe d’habitants locataires, qui sera capable de composer avec les impératifs propres au logement social, si tant est qu’on partage avec lui une technicité qu’il n’a pas encore. Pour cela il faut parvenir à faire émerger la parole de ce groupe. Quel que soit le degré de participation des locataires, l’intervention d’un médiateur est nécessaire pour créer un lien de langage avec les acteurs professionnels du logement : bailleur social, architectes, collectivité. Il faut éviter « l’effet d’assemblage » et faire en sorte que les habitants soient réellement intégrés à la conception pour que l’expérience soit concluante. « On parle la langue de l’autre, mais pas à sa place » (S. Péré-Lahaille & A. Carde, Eo « toutes architectures »)

L’intégration de ce nouvel acteur habitant a aussi été un facteur de facilitation dans les démarches et certains choix architecturaux. Partager avec eux les contraintes techniques réelles du projet, être transparent et les intégrer au plus près du processus a fait d’eux des membres à part entière de l’équipe. « Le fait d’associer les locataires aux choix techniques, de leur présenter les contrainte budgétaires, de les inviter à participer à la Commission avant-projet à la mairie de Bordeaux a été déterminant dans le projet. » (Bailleur social Aquitanis, Responsable de secteur) « On avait amené les habitants. C'est-à-dire que normalement quand vous y allez [à la commission avant-projet n.d.l.r.], vous y allez avec la maîtrise d’ouvrage, les bailleurs, les architectes. […] Sauf que là on était deux architectes plus une dizaine de personnes qui étaient les habitants et qui disaient : ‘’vous connaissez le grand parc ? Parce que nous on y vit, on connaît assez bien et on n’est pas du tout d’accord avec ce que vous dites.’’ Ça a été assez drôle et finalement personne ne nous en a voulu, ça a été vraiment super. » (S. Péré-Lahaille & A. Carde, Eo « toutes architectures »)

Cette intégration a fait évoluer la feuille de route du projet, et sa formalisation, avec une pleine conscience des enjeux et des contraintes du projet. Plusieurs commissions de travail ont été mises en place pour déplacer l’intérêt individuel vers l’intérêt collectif. Le produit de ces réflexions a dégagé des envies et des choix assez surprenants et ont orienté le projet de façon inattendue.

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« A question ouverte, aspiration démesurée, pourraient craindre certains. Mais ce n’est pas ce qui a été constaté, grâce aux temps de l’acculturation au gré des séances de travail » 142 « Le propre de ce projet c’est que, par cet apprentissage dans l’action collective et l’innovation ouverte, il ne cesse d’évoluer et la feuille de route quasi blanche de début de projet continue de conserver sa flexibilité tout en s’étoffant « en marchant ». 143 « Ce sont les habitants qui ensemble, dans l’action, ont donné forme à la matérialité et l’idéalité. En souhaitant favoriser une conception respectueuse des principes du développement durable, Aquitanis n’avait pas imaginé que des habitants choisiraient d’avoir des toilettes sèches, ni qu’en proposant une ferme urbaine ils décideraient ensemble d’élever des poules ! Mais cette concrétisation dans l’action de la matérialité et de l’idéalité par les habitants s’entend également par les valeurs que tiennent ensemble les acteurs du projet. Sollicitude et bienveillance ont été identifiées à ce stade du projet, et sont bien l’expression de cette Urbanité, bien commun que porte Aquitanis. » 144 « La clé a été le respect et l’écoute de part et d’autre pour qu’une double boucle d’apprentissage collectif s’enclenche : du côté des habitants par un transfert progressif des connaissances et un savoir-faire assurant une montée en compétence, du côté de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre par un questionnement incessant de leurs pratiques, des modes de vies actuels et de leur traduction en éléments de programme. » 145

Pour avoir une idée du budget du Locus Solus, le prix de sortie devait être maîtrisé à 1100€/m² SHAB. Faire converger les désirs exprimés par les habitants et les contraintes budgétaires a nécessité des efforts et des compromis de la part des habitants et une réflexion collective au sein de l’équipe de conception lors des phases PRO et DCE : par exemple l’évier en grès très lourd a été remplacé par un évier Ikéa, les placards sur mesure ont été supprimés et chacun intègrera ses propres meubles, les logements comporteront moins de prises électriques et les habitants gèreront eux même les travaux de peinture. Pour que la salle polyvalente et une chambre relais gratuite, à disposition de tous les habitants, puissent être intégrés au programme, les habitants ont consenti ensemble à une réduction de la taille des logements. Pour autant grâce à un choix de frugalité au niveau des matériaux et à la décision de mettre en place un seul ascenseur au lieu de deux, les logements proposés sont 30% plus grand que des logements sociaux classiques : au lieu d’un 45m² classique pour un T2, les habitants bénéficient aujourd’hui, sans compter les jardins d’hiver en façade, de surfaces allant de 65 à 80m² ! Les habitants participants de H’Nord ont quant à eux préféré une surface de logement minimum, en choisissant de répercuter ce gain d’espace dans les espaces partagés et le jardins, en cohérence avec leur démarche de projet. Le bailleur social Aquitanis, intégré dès le départ dans la démarche du Locus Solus, s’est quant à lui engagé à baser les tarifs des loyers sur la typologie et non sur la surface, pour que le gain d’espace ne s’accompagne pas d’une augmentation des loyers.

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Locus Solus, Publié par Aquitanis OPH de Bordeaux Métropole Rubrique S’investir ensemble, Revue Urbanité n°6, 2016, p. 10-13. URL : https://fr.calameo.com/read/00024131902147324e452 143 Ibid. 144 Ibid. 145 Ibid.

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« Ce qui est assez génial c’est qu’une fois que l’habitant sait ce qu’il veut et que tout le monde s’est mis d’accord, ça fonce ! Parce que dès qu’on a un problème on peut faire appel à l’habitant ! Ce qu’il y a de fabuleux aussi c’est que si l’habitant dit :’’non mais moi un évier simple bac ça me va très bien’’ on met un évier simple bac. Normalement, quand vous avez un problème de ce genre là avec un bailleur on vous dit : ‘’Ah non vous avez signé pour un évier double bac !’’. Ça a l’air de rien mais c’est un gain de temps incroyable. En fait en termes d’implication … Et c’est vrai parce que les gens … il n’y a pas de valeur patrimoniale, parce qu’on n’est pas dans le cadre de participatif qui est de dire : « oui mais … Comment on va faire pour revendre notre truc ? » Là il n’y a pas cette valeur-là, c’est-à-dire que les gens sont uniquement dans l’usage, ils sont dans le plaisir ! Ça c’est extraordinaire. » (Architecte, février 2018)

Ainsi, le participatif dans ce contexte de locatif social peut aussi être synonyme de flexibilité et de rapidité, même si d’autres aspects peuvent être plus longs comme la réflexion individuelle sur les logements, la réalisation d’une maquette participative etc. Ce projet n’a effectivement pas été plus long qu’une autre opération puisque l’opération a été réalisée en quatre ans. Cette démarche fait aussi bouger les lignes des bailleurs sociaux et du logement social, par rapport au schéma de production classique où la demande est anticipée selon des schémastypes de logements, mobilier et matériaux. Des ajustements peuvent être ici envisagés grâce à l’expertise des habitants sur leur usage futur du lieu. Concernant les demandes individuelles la question de proposer un logement capable d’être reloué par la suite s’est posée au cours de la conception mais, sur ce point, le bailleur social s’est montré confiant et positif. Des études réalisées en amont ont mis en exergue que les locataires du parc restent en moyenne douze ans. Aquitanis, convaincu du bien-fondé de la démarche, assumera les ajustements techniques nécessaires lors de changements de locataires, mais il reste persuadé que si les locataires dessinent leur logement, ils resteront suffisamment longtemps pour que ces ajustements restent ponctuels. Dans la forme générale du bâtiment transparaissent les réflexions des habitants et leurs valeurs. Même si cela ne fait pas figure de modèle général lié à cette participation habitante, un point commun peut être remarqué entre les bâtiments du projet H’Nord et celui du Locus Solus : dans les deux cas, la desserte des logements se fait par une coursive extérieure, source de convivialité pour les habitants, alors qu’il s’agit d’une organisation des circulations internes que les constructeurs préfèrent éviter de façon générale. « Ils ont fait des choix qui n’auraient pas forcément été les nôtres c’est-à-dire qu’ils ont fait le choix de la salle collective, des équipements collectifs et du jardin, certainement au détriment d’autre chose, mais ils ont fait des choix qui n’auraient pas forcément été les nôtres, parce qu’ils ont dit : ‘’ça, ça nous importe vraiment, on veut que ce soit fait comme ça’’. La coursive par exemple : pour nous, on passe devant les logements, ce n’est pas très qualitatif en termes d’intimité, le traitement architectural n’est pas forcément évident parce qu’il faut des coursives qui sont très épaisses pour se mettre à distance etc. … Eux ont insisté pour ce système parce qu’ils trouvaient ça convivial, c’est l’occasion de se rencontrer, de discuter, c’est l’occasion de se faire un coucou quand on passe etc. C’est certainement parce que c’est un groupe constitué qui est dans ces valeurs-là. Nous, en production classique on essaie plutôt d’éviter. Ce sont des programmes qui ne sont pas classiques même si ce qu’on va livrer là n’est pas foncièrement différent

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de ce qu’on aurait pu produire. Mais il y a plein de petites choses qui font que le regard et l’attention des habitants sur leur projet de vie ensemble est là, et ça se ressent dans l’architecture. Je pense que ça fait évoluer le programme, ça l’améliore clairement, [les habitants] nous poussent vers le haut.» (Bailleur Social, responsable d’opération, mai 2018)

Des voisins solidaires, vers une meilleure gestion

« Les experts-habitants le savent bien : la vie commune est un facteur de réussite du projet aussi important que la qualité du logement. C’est un préalable. » (Architectes, mars 2018)

Développer un « vivre ensemble » et une coopération dans un ensemble en locatif permet d’envisager une nouvelle approche du logement social par les habitants. En participant à la conception de leur lieu de vie commun, les futurs locataires commencent à habiter ensemble, peuvent se rencontrer et développer une solidarité préalable à leur entrée dans le logement. « Ce qui est assez singulier c’est que les gens sont très raisonnables. En fait, on s’est rendu compte au fur et à mesure que l’adaptabilité du logement n’était pas leur principal souci. Du moment qu’ils avaient un jardin d’hiver, de la lumière, qu’ils n’avaient pas trop froid pas trop chaud ils étaient contents. Ce n’est pas ça le problème. […] Le problème c’était l’environnement. Eux ce qu’ils voulaient, c’est bien s’entendre avec leurs voisins, qu’il y ait un collectif qui fonctionne. Et ça, ça a été unanime. C’est comme ça qu’on a eu des voisins, enfin des futurs locataires qui sont venus dans le projet au départ, et on s’est rendu compte que certains étaient voisins et qu’ils habitaient l’un au-dessus de l’autre depuis des années et qu’ils ne s’étaient jamais adressé la parole. Il a fallu qu’ils viennent dans une réunion de concertation pour ce projet là pour qu’ils se connaissent. Ça c’est assez emblématique. C’est plutôt le collectif qui est important. » (Architectes, mai 2018)

Ce qui compte dans un tel projet est peut-être finalement moins la réponse formelle qui est donnée que le projet social qu’il renferme. Pour que la solidarité et les projets communs naissent, l’implication des locataires est indispensable et une implication antérieure au projet est d’autant plus efficace pour que cet esprit perdure par la suite. Le fait de créer une association habitante donne corps à l’engagement des locataires dans leur lieu de vie, et permet ainsi de créer une gouvernance associative et participative. Si imaginer un système entièrement autogestionnaire serait projeter trop loin ce que pourrait amener une gouvernance participative des habitants, une meilleure gestion des espaces communs et/ou partagés avec l’extérieur peut quant à elle être envisagée sans excès d’optimisme. Que ce soit dans le cas du Locus Solus ou de H’Nord, un statut associatif est créé ou conservé pour maintenir une structure permettant d’organiser cette gestion des lieux. Par exemple une « commission entretien » a été mise en place au Locus Solus pour effectuer de petits travaux d’entretien : Aquitanis fournit un petit budget que l’association peut utiliser, et la formation de petits groupes est envisagé, par exemple pour changer une ampoule qui aurait 158


grillé dans les communs. Les habitants, capables de régler le problème pas eux-mêmes n’ont pas à attendre que le bailleur puisse envoyer quelqu’un en mesure d’intervenir, et peuvent traiter la situation rapidement, dans une sorte de circuit court. « L’autogestion non, il y aura toujours forcément l’intervention d’un bailleur ou d’un proprio ou d’un syndic de copropriété sur le groupe de ventilation qui ne fonctionne pas, sur des travaux à faire … Après je pense qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent effectivement être mises en place par les habitants eux-mêmes, pour faciliter à la fois la gestion des bâtiments et la vie commune. Oui je pense qu’il faut que les locataires soient formés pour pouvoir mettre en place ou gérer une salle d’activité commune, polyvalente, de jeux.» (Bailleur social, Responsable d’opération, mai 2018)

Une réflexion commune peut aussi être le gage d’une réduction de certaines charges pour les locataires, par exemple pour le Locus Solus, un système permettant de récupérer la chaleur de l’eau chaude sanitaire a été mis en place. Le système a été assez onéreux, mais cet investissement est compensé par une baisse des coûts de chauffage. « Il y a un enjeu pour nos locataires, qui vont faire des économies au niveau des charges, et nous on a l’impression d’avoir fait notre travail. » (Bailleur social, Directeur général, mai 2018)

Une relation renouvelée à un bailleur social qui modifie son mode d’action « Là où le participatif est redoutable [dans le sens de grande efficacité n.d.l.r.], ce qui a d’ailleurs été anticipé, je dirais même prémédité par le bailleur, c’est que ça fait évoluer le bailleur. C’est-à-dire qu’il se sert des habitants pour faire évoluer les habitudes. » (Architectes, mars 2018) « Un bailleur comment ça fonctionne ? Vous avez un monteur d’opérations au départ, qui va s’occuper du terrain, qui va s’occuper d’appels d’offre pour trouver des architectes, ensuite il va s’occuper plus ou moins de l’appel d’offre pour construire le bâtiment, il va s’occuper plus ou moins du suivi de chantier. Quand je dis plus ou moins, c’est que les implications sont variables en quelque sorte. Il va livrer le bâtiment, et une fois que c’est fait, il va donner les clés à ce qu’il appelle un gestionnaire qui fait partie du bailleur aussi et qui va s’occuper de la gestion du bâtiment et des habitants. […] Là on s’est dit que ça ne pouvait pas marcher comme ça, parce qu’à l’arrivée du monteur, il n’y aura plus de continuité avec tous les choix qui vont être faits par les habitants, il va y avoir une zone de rupture. On s’est donc dit qu’il fallait faire intervenir les gestionnaires d’emblée. Tout va être mélangé. Et donc de la part d’Aquitains ça a été une révolution dans leur montage d’opération parce qu’ils ont été obligé de changer complètement leur organisation, ce qui fait que tout le monde s’est impliqué dans le projet. C’est pour ça que dans la commission pour le particulier on a eu les services techniques d’Aquitanis qui se sont impliqués, parce qu’à un moment donné tout le monde mettait son « grain de sel » ! Et ça c’est assez extraordinaire ! Parce que du coup maintenant quand on a des visiteurs qui travaillent chez Aquitanis c’est extraordinaire parce qu’ils se sentent un peu chez eux. »

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(Architectes, mars 2018

« Quand je pense à notre future résidence, je vois un lieu de vie unique, ouvert et novateur dans sa manière de fonctionner et de s’organiser entre habitants avec le bailleur gestionnaire … Je l’imagine comme un espace de liberté au sein duquel chaque individualité pourra trouver sa place dans la communauté, chacun à sa manière, selon ses volontés, ses envies et ses possibilités. » 146 (Locataire du Locus Solus)

Les retours d’expérience bien qu’encore peu nombreux incite les bailleurs sociaux à appliquer certains acquis pour développer certains aspects participatifs a l’occasion de réhabilitations dans leur parc. « Oui, je pense qu’il faut que les locataires soient formés pour pouvoir mettre en place ou gérer une salle d’activité commune, polyvalente, de jeux … C’est une évidence, tellement que quand on essaie de le mettre en place dans nos résidences en réhabilitation, les gens nous regardent de façon très étonnée ! » (Bailleur social, Responsable d’opération, mai 2018)

Il y a cependant un écueil à anticiper lors de la mise en place de tels principes dans des opérations pour lesquelles le processus participatif n’a pas été mis en place en amont de la construction. Dans un processus d’habitat participatif comme nous l’avons décrit précédemment, le groupe que l’on va chercher ou qui se constitue de lui-même est déjà porteur de ces envies et de ces valeurs de mise en commun et d’échange. Dans une opération de réhabilitation avec des locataires déjà présents, il faut faire naître cette envie, échanger, initier, faire comprendre. Un médiateur accompagnateur est dans ce cas-là indispensable pour intervenir auprès du groupe d’habitants, l’articuler, accompagner les prises de décisions communes. On peut citer l’opération « Chers Voisins » mise en place dans la région Lyonnaise par Récipro-Cité 147, « société d’ingénierie du vivre-ensemble » se décrivant comme un « spécialiste de la mixité intergénérationnelle dans l’habitat et les territoires », opération visant à mettre en place du participatif avec des locataires en les incluant dans la gestion quotidienne de leur habitat, en échange d’une réduction du coût des charges et en mettant en parallèle à disposition des espaces partagés extérieurs. Cette opération, qui fait intervenir un animateur pour faire le lien entre bailleur et habitants, et rassemble ces derniers autour d’une charte du « vivre-ensemble », « conjugue logements écoresponsables et ingénierie sociale innovante », et met en évidence cette interrogation des bailleurs sociaux à l’échelle nationale sur la gestion de leur patrimoine locatif. « C’est une interrogation sociale sur la gestion du vivre ensemble dans l’ensemble. » (Membre d’une cité Castor, Première Rencontre Nationale des Cités Castor, Pessac, 20 mai 2018)

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Op. Cit. Locus Solus Site internet de Récipro-Cité, Chers voisins, URL : http://www.recipro-cite.com/chers-voisins/#

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▌Chapitre 8. Démarche militante et institutionnalisation, la question de la coopérative d’habitants ▌Section 1. Habitat participatif, la coopérative d’habitants en demi-teinte ? « Ce n’est pas un entre soi, c’est une démarche citoyenne qui essaie de prendre sa part dans la collectivité. Ce qu’on a besoin de reconquérir c’est la conscience de ce qui est commun. Or toute notre société est faite avec un certain clivage entre ce qui est privé et public (municipal etc.) : on compte sur les caisses communes pour s’occuper de ce dernier. Or le bien vivre ça correspond à des espaces où les enfants circulent, ou les enfants sont bien, où on a des choses qu’on n’aurait pas tout seul, et ces choses ne vont pas se faire par le maire ou le ministère Il faut que chacun soit responsable de ce dont on peut profiter ensemble. Mais on a du mal à prendre conscience de l’importance de ces communs, surtout qu’en droit on ne sait pas trop comment ça s’appelle : copropriété, Association Syndicale Libre, bien commun partageable en une association … Il s’agit d’un problème de droit et de conscience. On a besoin de ces biens là mais on est limité par une vision de la propriété un peu étroite, qui est seulement la propriété personnelle Mais il faut se rappeler qu’il y a un siècle, un certain nombre de militants, qui ont été les anticipateurs des cottages sociaux ou des Castors, parlaient de la ‘‘petite propriété’’, et ils militaient pour que la propriété de ce dont on a l’usage (son logement) soit inaliénable et ait des systèmes fiscaux et autres qui protègent les biens qui nous concernent, et qu’ils fassent la différence avec les biens qui sont des biens d’accumulation, de rentiers etc. Il fallait faire la différence entre la grande et la petite propriété, et on a oublié ça. Souvent les gens disaient au début des Castors : pour ne pas avoir de propriétaire, soyons nous-mêmes petits propriétaires, une façon d’être responsable de son propre logement en étant propriétaire, c’est une façon de se débarrasser des propriétaires. » (Habitant d’une cité Castor, intervention lors de la Première Rencontre Nationale des Cités Castors, à Pessac, 20 mai 2018)

La coopérative d’habitants 148 dans le mouvement de l’habitat participatif : quelles revendications et quelle image ?

En préambule de chaque rencontre avec les acteurs en lien avec les coopératives d’habitants, il nous a été demandé de préciser ce que nous entendions par habitat participatif dans le cadre de notre travail d’étude. De la même façon, en préambule de certaines réunions, les intervenants ont systématiquement rappelé la différence entre l’habitat participatif et la coopérative d’habitants. Cette situation s’est produite indifféremment avec des coopérateurs ou futurs coopérateurs de coopératives d’habitants, de membres d’organismes HLM ou d’associations. Le ton était ainsi donné. Bien que la loi ALUR rassemble l’ensemble des initiatives sous l’appellation habitat participatif, la définition qu’elle en donne n’est pas nécessairement reprise par les différents acteurs qui en ont leur propre définition selon les axes qu’ils développent. En effet, la crainte sous-jacente à une utilisation générique de la

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Nous renvoyons au Chapitre 2. Section 1. Une définition législative et substantielle, paragraphe sur la coopérative d’habitants.

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définition de l’article L. 200-1 est que cette dernière masque la diversité des pratiques, des formes, des montages, des enjeux etc. « A propos du rôle des bailleurs dans le développement de l’habitat participatif, la forme de cet habitat est très importante. Pour moi effectivement ce sont deux choses tout à fait différentes. Il y a de la participation habitante dans le cadre des projets, que ce soit de la réhabilitation ou de la construction. Nous, les bailleurs, nous travaillons de plus en plus avec les habitants pour des projets de réhabilitation, de restructuration intérieure des logements etc. Il y a l’aspect participation des habitants à la conception mais l’aspect coopératif est quelque chose de tout à fait à part dans la participation. J’aurais tendance à dire que le groupe H’Nord comme d’autres sur Bordeaux portent dans leurs valeurs et dans la façon de concevoir l’habitat … la participation est un aspect de cet habitat mais il est minime par rapport à d’autres choses, j’aurais tendance à dire que c’est un aspect parmi d’autre dans la conception du projet qui nous occupe aujourd’hui. Pour moi l’habitat participatif et l’habitat coopératif sont différents. » (Bailleur social, Responsable d’opérations, mai 2018)

Bien que les différents projets d’habitat participatifs se rejoignent sur des valeurs de partage et de solidarité, ils peuvent néanmoins avoir des revendications différentes et plus ou moins marquées. Bien que les compositions des groupes d’habitants varient en âges, en formes et en catégories socioprofessionnelles par rapport aux démarches revendicatives des années 1950 avec les Castors ou de celles des années 1970-80 avec les initiatives d’habitat groupé autogéré, les groupes auto-constitués sont porteurs de certaines revendications, en particulier les coopératives d’habitants. Ces groupes prônent d’une part un système décisionnel basé sur le principe qu’une voix correspond à une personne et non à la valeur du bien qu’elle possède, dans une idée de mixité sociale et de système égalitaire, et revendiquent, d’autre part, une profonde remise en question de la propriété, modèle dominant en matière d’habitat. La plupart des projets sont également « politiques » au sens large du terme. Par les réseaux de militance associative comme politique dont sont issus les porteurs de projet, leur initiative ne se limite pas à la conception et à la gestion de leur habitat. Ils s’inscrivent dans un questionnement plus général sur le rapport à la ville et à la décision publique, la place du citoyen, la propriété… Une partie d’entre eux cherche à éviter toute forme de spéculation autour du logement, et donc à sortir l’habitat d’une logique de « rentabilité » tandis que d’autres se satisfont d’un fonctionnement plus classique. De fait, les montages retenus diffèrent. Une partie des groupes fait également reposer son projet sur un montage sous la forme de propriété collective, dénonçant le caractère individualiste de la propriété en France. Il s’agit là d’une rupture avec l’idéologie dominante. 149

Rompre avec cette idéologie dominante, largement partagée, selon laquelle la propriété est une finalité du parcours résidentiel demande un engagement certain de la part des groupes d’habitants qui défendent un statut de coopérative d’habitants, et des acteurs qui les accompagnent. D’autant que les acteurs traditionnels du logement restent parfois sur l’image de groupes militants, appartenant à une certaine mouvance contestataire. 149

DEVAUX Camille, L’habitat participatif : l’immobilier « alternatif » ? Droit de la finance alternative, Bruylant, 2017, p.4.

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« Comment se fait-il que ces expériences partant des Castors et d’autres types d’expériences, qui ont pu exister en France et en Europe, n’ont pas suffisamment irrigué pour faire en sorte que la politique publique en matière de logement, d’espace urbain et social, s’inspire d’avantage de ces pratiques-là qui ont prouvé leur intérêt ? On se prémunit du village gaulois mais ça y ressemble car si ça n’irrigue pas suffisamment, on risque de rester dans un entre soi. » « Si ça n’a pas irrigué c’est peut-être qu’il n’y a pas eu assez d’opérateurs avec la foi, car c’est un sujet complexe qu’il faut maîtriser. Apres il y a eu des initiatives citoyennes qui sont vues par les collectivités comme étant militantes, issues d’une certaine mouvance etc. » (Habitant d’une cité Castor, Réponse du Directeur Général du COL, extrait d’échange lors de la Première Rencontre Nationale des Cités Castors, à Pessac, 20 mai 2018)

Porter le projet jusqu’à son achèvement dans un contexte juridique qui n’accompagne pas encore ces initiatives de façon optimale, auprès d’acteurs encore trop peu sensibilisés à la coopérative d’habitants et qui émettent à son encontre certaines réserves, demande un tout autre niveau d’engagement par rapport à des projets top-down, plus « sécurisés » pour les collectivités, les banques, les organismes HLM ou même les habitants. Les groupes d’habitants auto-constitués et a fortiori montés en coopératives d’habitants, sont, à l’origine du projet, des personnes déterminées et militantes, mais aussi souvent d’un niveau socioculturel élevé, ayant pu visiter des coopératives d’habitants à l’étranger (Allemagne, Suisse, Québec …), et possédant les codes de langage nécessaires pour s’exprimer auprès des différents acteurs. Ces groupes défendent leur volonté d’être maîtres d’ouvrage tout au long du projet, quel que soit le temps que cela nécessite. Là où certains pourront être rassurés par le cadrage temporel des projets top-down, les premiers groupes auto-constitués préfèrent prendre le temps nécessaire pour maîtriser le projet et le mener à terme. Ils préfèrent « perdre du temps que faire des compromis » trop importants. Ils sont dès lors très exigeants au regard de leurs connaissances, ce qui peut freiner certains acteurs, ou bien ont tout à prouver à d’autres qui doutent encore du succès possible d’un projet porté par les habitants, du moins de façon plus générale, sans cibler précisément les groupes déjà présents sur la métropole. « La plupart du temps les mouvements de citoyens ne disposent pas des compétences nécessaires ou tout simplement des moyens pour faire aboutir des projets de construction de plus en plus complexes » (Organisme HLM, printemps 2017) « On est dans un moment de bascule, soit l’habitat participatif se déploie, parce qu’on voit bien qu’il y a une envie mais... Pourquoi est-ce que ça ne s’est pas beaucoup développé aussi, c’est parce qu’il y avait des groupes qui passaient beaucoup de temps, que c’était compliqué etc. et donc ça donne une mauvaise image aux collectivités, elles sont fatiguées, elles n’ont plus envie. » (Représentant d’un Organisme HLM, mai 2018) « Alors quand on fait le tour il y a quand même peu d’opérations qui sont allées au bout sans un délai interminable … C’est aussi lié la maîtrise foncière parce que bien souvent ils ont la volonté mais pas le foncier, et ils démarchent un peu tous la municipalité en espérant avoir un terrain gratuit, c’est souvent le premier sujet. » (Organisme HLM, Responsable d’opérations, avril 2018)

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Figure 51. Eléments de méthodologie concernant le type de groupe d’habitants Source : Union Sociale pour l’Habitat 150

150

Op. Cit. Habitat participatif et organismes HLM, p. 40/41.

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Le cas de ces groupes auto-constitués, notamment en coopérative d’habitants, cristallise certains paradoxes. L’importance de l’enjeu implique de s’engager dans une forme de lutte, pour défendre ce qu’ils considèrent comme un droit. Faire bouger un schéma dominant demande du temps et de la détermination dans les négociations avec les acteurs du logement. Les coopératives d’habitants défendent notamment le droit au logement pour tous, dans une idée d’intérêt général, en remettant en cause cette propriété. Les premières opérations demandent, de fait, plus de temps, pour défricher, ouvrir les portes, revendiquer et obtenir des évolutions réglementaires et législatives, sensibiliser les différents acteurs aux projets. Dans le cahier publié par l’USH en janvier 2018, Habitat participatif et organisme HLM, Volume 1, parmi les limites listées des projets pour lesquels les groupes sont autoconstitués on peut lire : -

-

Attachement du groupe au projet parfois trop fort, ce qui peut être « envahissant » pour l’organisme (volonté de participer à toutes les décisions, fréquentes sollicitations de l’organisme, etc.) Relations parfois tendues avec l’organisme HLM. 151

Bien que cette note tente de mettre en valeur la diversité des projets existants, exprimer les difficultés rencontrées sous cette forme ne dessert-il pas ce type d’initiatives ? Se baser sur l’une des premières opérations en coopérative d’habitants (Le Village Vertical), n’est-ce pas fausser les représentations pour les opérations futures ? En effet, dans la mesure où il s’agit d’une première expérience il a fallu que chacun cherche ses marques, se retrouve, et peut-être cela a-t-il donné lieu à des tensions. Cela est cependant assez aisément compréhensible dans la mesure où il s’est agi de créer quelque chose qui n’existait pas en France. Les moments difficiles de cette relation ne doivent peut-être pas avoir valeur d’exemple pour la suite, ce qui risquerait de figer cette lecture. Nous ne sommes pas parvenue à accéder au volume 2 de cette publication, qui compile les monographies des opérations étudiées, peut-être ces remarques y sont-elles plus mesurées. Nous avons néanmoins relevé qu’en introduction, intitulée Une nouvelle dynamique 152, où sont listés les différents acteurs qui structurent le mouvement de l’habitat participatif, il n’est nullement fait mention de la fédération française des coopératives d’habitants Habicoop. Les raisons de cette absence mériteraient d’être creusées davantage, mais elle suscite néanmoins certaines interrogations.

« - Cette note méthodologique met-elle suffisamment en valeur les coopératives d‘habitants ? -

Non, il y en a beaucoup qui n’arrivent pas à l’intégrer. […] Même s’il y a Coligny qui joue complètement le jeu avec H’Nord, tu sens que les organismes HLM ne veulent pas trop que ça leur échappe et avec les coopératives … en fait pour le moment elles sont super militantes, et ça embête je crois. » (Extrait d’un échange avec un membre de l’association At’Coop, mai 2018)

Afin de contrebalancer cette remarque il est important de prendre en compte le fait que l’organisme HLM est une société, et son engagement dans ce type de projet doit aussi permettre la préservation de ses fonds propres. Il est important que les groupes aient 151 152

Op. Cit. Habitat participatif et organismes HLM, p.40. Op. Cit. Habitat participatif et organismes HLM, p.5.

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conscience de cette réalité, sans pour autant perdre la substance de leur projet. Une bonne communication est essentielle entre les différentes parties pour que chacun intègre les enjeux de l’autre. Paradoxe entre la composition des groupes ascendants et l’engagement des organismes HLM « Je pense que si on laissait plus de chance aux projets ascendants de se développer, il n’y aurait pas cette espèce de tension, c’est dommage … » (AMU, mai 2018)

Le terrain difficile dans lequel s’engagent les groupes auto-constitués nécessite, comme nous l’avons dit, une certaine détermination. Pour autant, à la différence des premières expériences militantes des années 70, les coopératives d’habitants défendent une réelle mixité sociale. Les membres des groupes d’habitants souhaitant se monter en coopérative n’ont pas nécessairement des moyens très élevés, bien qu’il faille fournir une certaine somme de départ pour monter la coopérative (entre 30 000 et 40 000 euros pour H’Nord). La recherche d’un organisme HLM rejoint l’enjeu du foncier, mais aussi celui d’une ouverture à des ménages plus modestes. « Des gens qui n’ont pas d’argent ont les mêmes valeurs, donc c’est pour permettre à ces gens qui ont ces valeurs-là de vivre ensemble et de pouvoir accéder un logement décent. C’est pour ça qu’on est obligé de se mettre avec des bailleurs sociaux. » (Coopératrive d’une coopérative d’habitants, mars 2018)

Ils sont donc bien plus ouverts sur l’extérieur qu’on peut l’imaginer même s’il est entendable qu’intégrer des personnes qui n’ont pas mené le projet avec eux et n’y placent peut être pas le même attachement affectif peut représenter un certain « cap » à passer. Il est ici de leur responsabilité d’accueillir les différents profils qui pourraient se présenter dans le projet et de leur transmettre ses valeurs et ses enjeux, sans mettre à l’écart au regard de l’ancienneté. C’est ici finalement que se rejoignent les projets top-down et bottom-up. « Ce que je constate chez H’Nord c’est que c’est assez ouvert en termes de caractère, […] on n’est pas dans une sociologie très différente mais c’est le cas dans tous les groupes d’habitat participatif je crois ce sont un peu les mêmes types de personnes intéressées par ce type d’habitat. Il n’empêche qu’ils sont assez ouverts sur la façon dont ils cooptent leurs nouveaux voisins, l’idée est de partager certaines valeurs, le respect les uns des autres, la solidarité, la non spéculation, le respect, une personne = une voix. » (Coligny, Responsable d’opérations, mai 2018)

La composition et les compétences acquises remettent paradoxalement en question l’entrée dans le projet de certains acteurs, qui estiment que ces groupes autoconstitués n’ont pas besoin d’eux, ou alors ils pensent que les ressources des ménages sont trop élevées, ou alors que les projets de coopératives d’habitants ne peuvent rester qu’à la marge de la production, et donc être éventuellement moins reproductibles.

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« Ce sont quasiment les plus sachants qui font partie des mouvements ascendants, et l’habitat participatif je pense que ça doit être accessible à ceux qui n’ont pas forcément cette culture, qui n’ont pas forcément eu la chance de faire beaucoup d’études etc., et ceux-là tu ne les retrouves pas dans les groupes ascendants, ce sont surtout des gens super cultivés. » (AMU, mai 2018) « Aujourd’hui la coopérative d’habitants est quelque chose qui est quand même beaucoup plus militant et engageant. Nous, on veut que l’habitat participatif se démocratise et soit ouvert à tous. Déjà faire passer dans l’esprit de tout le monde que l’habitat participatif est quelque chose de bien, c’est déjà pas évident pour rentrer dans des formules très engageantes. On accompagne des projets militants, mais on ne veut pas faire le modèle que là-dessus, parce que ça va rester embryonnaire. S’il y a des projets comme ça on peut les suivre, mais nous on essaie de développer des projets plus simples, ‘‘moins engageants’’, ‘‘plus faciles’’. Où il y a une copropriété, une Association Syndicale Libre pour les espaces collectifs, c’est du PSLA, de l’accession. Pour assurer la maîtrise d’ouvrage seul, il faut un public averti ! Il faut des gens qui … J’ai été choqué quand je suis allé aux rencontres nationales de l’habitat participatif à Marseille, de ne voir que des gens qui se ressemblent. Ces gens-là n’ont pas besoin de nous. Attention je respecte tout le monde et ne jette la pierre à personne. Mais pour nous l’enjeu est que l’habitat participatif soit ouvert à tous et surtout les catégories socioprofessionnelles les plus faibles ! Les autres sont grands, ils peuvent presque se débrouiller Pour nous c’est d’arriver à faire que des ménages puissent accéder alors qu’au départ ils ne faisaient pas partie de la démarche participative. Comment les amener … […] Comment faire que la greffe prenne entre les deux, c’est tout l’enjeu, et nous c’est ça notre métier, notre travail. Les groupes ‘‘adultes’’ qui ont plein de connaissances, ce n’est pas que ça ne nous intéresse pas, mais ce n’est pas notre priorité. Notre métier premier, c’est l’intérêt général mais surtout les gens qui ont entre 1 et 3 smic, si on commence à s’intéresser qu’à des gens qui gagnent bien leur vie …. On n’est plus dans notre métier. » (Organisme HLM, responsable d’opérations, avril 2018)

« Nous, rien ne nous freine mais eux ce sont des groupes auto-constitués et généralement ils sont partis dans une démarche où ils n’ont pas l’envie ni le besoin d’un opérateur professionnel pour structurer la démarche. […] Après les quelques gens qui sont comme ça, les groupes auto-constitués, bien souvent la mixité sociale n’est pas très présente dans ces groupes-là. Les gens se regroupent plutôt par affinité ils sont généralement du même milieu social, ou sont copains, et amalgamer d’autres personnes c’est compliqué dans ce groupe-là, quand la démarche n’est pas faite d’origine … ça peut être ça qui pourrait nous freiner à la rigueur, si jamais ils ne sont que 4 ou 5 et puis que le projet peut accueillir quinze foyers il faudra bien amalgamer les uns et les autres donc … Faire prendre une vraie démarche d’habitat participatif sur un groupe qui est déjà auto-constitué ça peut être compliqué. Les difficultés je les vois là, et puis la réalité du projet avec la sortie effective. Mais bon ça c’est le travail normal. » (Organisme HLM, Responsable d’opérations, avril 2018)

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▌Section 2. Un cadre juridique et des montages pas encore adaptés à la coopérative d’habitants

Nous l’avons expliqué plus haut, Bordeaux Métropole a adopté une convention cadre le 23 décembre 2018 afin d’être en mesure de se porter garante vis-à-vis de la banque pour les emprunts des coopératives d’habitants. Cette convention est cependant encore imparfaite, puisqu’elle n’est pas adaptée aux petites coopératives en dessous de quinze logements. Dans ce cas, la garantie de la métropole ne peut se mettre en place car elle est conditionnée par le fait qu’un bailleur social doit venir se positionner en contre-garantie en cas de défaillance, mais, pour cela, il doit être impliqué de près ou de loin dans le projet. De près, comme Coligny dans le projet H’Nord où il est en co-maîtrise d’ouvrage, de plus loin s’il est en contrat de promotion immobilière (CPI) comme le COL dans le projet des Boboyaka. En dessous de 15 logements, une relation en CPI est trop chère à mettre en œuvre, l’organisme HLM ne peut s’intégrer au projet, et la garantie de la métropole ne peut s’appliquer. C’est là l’un des blocages qu’il reste encore à lever. Les coopératives d’habitants sont elles aussi confrontées à un obstacle : leur modèle économique est proche de celui du logement social, c'est-à-dire que les projets sont financés sur fonds propres à hauteur environ de 20%, le reste étant couvert par un emprunt sur une quarantaine d’années. Si les organismes d’HLM ont généralement un parc de logements leur permettant d’équilibrer leurs opérations et de faire face à des cas de vacance, d’impayés ou de travaux lourds, la coopérative d’habitants doit, elle, faire face à ces risques à l’échelle de l’immeuble seul. C’est la raison pour laquelle des garanties d’emprunt auprès des collectivités sont souvent requises. 153

Garder la maîtrise d’ouvrage tout au long du projet est aussi complexe pour un groupe d’habitants, qui ne peut présenter les garanties nécessaires à la construction, comme la garantie financière d’achèvement, et bien qu’il s’agisse d’un groupe, il n’est à ce jour considéré que comme une somme d’individus. Les banques préfèrent d’ailleurs faire des prêts individuels que des prêts collectifs. Les banques justifient ce choix par le fait que la société d’autopromotion n’a pas d’expérience de promotion – et donc pas de solidité financière. Elles classent donc les sociétés dans la catégorie des promoteurs occasionnels, catégorie pour laquelle les conditions d’accès aux prêts sont généralement drastiques. Aussi, des emprunts individuels sont privilégiés. Mais un autre problème se pose, relatif au statut de la propriété. Dans une opération immobilière classique, l’une des garanties que peut demander la banque relève d’une hypothèque sur la propriété du logement, la banque peut en dernier recours et en cas de défaillance de l’emprunteur devenir propriétaire du logement. Or, dans certains montages, les logements ne sont attribués qu’en jouissance et non en pleine propriété. Cela rend donc caduque la possibilité de faire jouer la garantie sous forme d’hypothèque. 154

Un chantier est en effet une opération à risques. On peut y rencontrer des difficultés, des imprévus qu’un groupe d’habitants ne peut pas nécessairement absorber financièrement, surtout que le groupe n’est pas lié par un engagement comme un organisme HLM peut l’être. 153 154

Op. Cit. DEVAUX Camille, L’habitat participatif : l’immobilier « alternatif » ?, p.9. Ibid.

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Il pourrait à tout moment éclater, aussi soudé soit-il. Qui finirait le chantier alors ? Afin de garder le système de co-maîtrise d’ouvrage sur le chantier également, H’Nord étudie les solutions juridiques avec Coligny, bailleur social très engagé dans leur projet. « Les élus sont sensibles mais côté financements, en effet on a des soucis, parce que les garanties d’emprunt c’est le parcours du combattant. Mais H’Nord et nous, on a ouvert des portes, on en a conscience et ce sera beaucoup plus facile pour les coopératives suivantes. […] Nous on se bat pour ça, pourquoi pas un projet de citoyens porté simplement par des citoyens ? C’est difficile mais on ne lâche pas. Pour moi ça a plus de sens. Je trouve dommage justement que les projets qui avancent beaucoup plus soient ceux qui sont portés par un organisme HLM et une mairie. » (Future habitante d’une coopérative d’habitants, mai 2018)

Pour le projet de H’Nord, il avait été émis l’idée que le terrain pourrait être occupé par la coopérative par l’intermédiaire d’un bail emphytéotique, mais cette solution n’avait pas été retenue, alors même qu’elle aurait simplifié la démarche. Cela dit, le bail emphytéotique, à l’inverse du Bail Réel Solidaire, a une fin et n’est pas rechargeable. Le bail emphytéotique aurait été mis en place à condition que la coopérative puisse perdurer dans le temps mais cette garantie aurait été difficile à établir. Bien que certaines collectivités se soient déjà lancées dans la démarche, Bordeaux Métropole ne propose des baux de ce type que pour des logements très sociaux. , ou rechargeables dans le cadre d’un BRS. Coligny propose des PLAI et PLUS, donc des logements très sociaux. Nous nous sommes demandé pourquoi ce système n’avait pas pu être mis en place finalement, d’autant qu’il aurait permis à la collectivité de conserver du foncier dans son centre où il se fait de plus en plus rare. Peut-être est-ce dû au fait qu’une partie des coopérateurs serait au-dessus des plafonds de ressources, qui sont des éléments non négociables. Le représentant d’un organisme HLM suggère une raison complémentaire, liée au problème des copropriétés dégradées du centre-ville, mais il faudrait en savoir davantage pour prendre cela pour acquis : « Les collectivités acceptent plutôt de le faire avec un professionnel de l’immobilier, un bailleur, parce qu’ils savent qu’au bout de 60 ans le produit reviendra dans un état correct, avec une copropriété privée il y a moins de certitudes. »

Les différents acteurs intervenant autour des coopératives d’habitants bordelaises s’interrogent sur les montages existants et leur application à la coopérative d’habitants. La SCI-APP fonctionne par exemple comme une coopérative, jusqu’à ce que le bâti soit totalement acheté par les habitants. Maintenir la SCI-APP sans la défaire pourrait permettre de rester sur ce mode coopératif. Ce mode permet aussi des emprunts sur la plus longue durée, ce qui serait moins lourd financièrement pour les coopérateurs et permettrait d’aboutir plus rapidement à des projets de coopérative d’habitants et en plus grand nombre. Pour autant, la SCI-APP est faite pour qu’il y ait un jour propriété, et les coopérateurs à l’origine du projet ne peuvent préjuger de la volonté des habitants à maintenir le statut de coopérative dans quarante ans. Maintenir une SCI-APP sur une très longue durée relèverait alors davantage d’une anomalie ponctuelle du système que d’un moyen sûr pour créer une coopérative. Le système du Bail Réel Solidaire pourrait lui aussi représenter une option pour les coopératives, à ceci près qu’il oblige à respecter certains plafonds de ressources, et, bien qu’il ait une visée très sociale, il ne permet pas l’accès aux ménages au-dessus de ces plafonds, 169


même avec des valeurs communes. Il est possible de produire un corps de bâtiment en Office Foncier Solidaire occupé en Bail Réel Solidaire et de le combiner avec un autre type d’opération, mais cela ne règlerait pas le problème de la difficulté d’acquisition du foncier pour une coopérative d’habitants, et ne permet pas encore à ce jour de mixer, à la verticale, les appartements en Bail Réel Solidaire avec des appartements occupés selon un autre mode. Développer un système similaire applicable à la coopérative d’habitants pourrait être une solution, d’autant que le démembrement de la propriété est l’un de ses axes revendiqués, mais cela demande que des techniciens et des géomètres se penchent sérieusement sur le sujet. Un groupe d’habitants ne peut à ce jour pas se monter en Office Foncier Solidaire, car seul un organisme agréé peut être habilité, et la gestion locative peut être lourde à porter. Pour autant, on peut imaginer, en se projetant sur le long terme, qu’une coopérative d’habitants, sur le même principe qu’une coopérative HLM, puisse finalement constituer suffisamment de fonds propres et être plus indépendante du marché et des acteurs institutionnels, en constituant un fond commun. Habicoop travaille actuellement à créer un fond de mutualisation des coopératives. Dans le cadre d’une gestion financière saine, toute coopérative d’habitants doit réaliser plusieurs provisions (en prévision de travaux, d’impayés, de logements inoccupés, ou encore de variation du taux de son emprunt immobilier indexé sur le livret A). Nous travaillons à rendre possible la création d’un « fond de mutualisation » dans lequel toutes les coopératives pourraient mettre en commun leurs provisions, et mutualiser ainsi des réserves financières dont elles n’ont pas besoin de disposer en intégralité à tout moment. 155 « La société coopérative d’habitants va donc réaliser ses trois provisions (grosses réparations, vacances et impayés, variation du taux bancaire) et les placer […] à la banque. Comme tout mouvement coopératif, le mouvement ‘‘coopérative d’habitants’’ a inscrit dans ses valeurs la coopération et la mutualisation des outils entre ses différents membres, qui sont en fait, pour les coopératives d’habitants, les coopératives ellesmêmes. Donc chaque coopérative qui a ses provisions va donc pouvoir mutualiser celles-ci, en attendant d’en avoir effectivement besoin, pour répondre à d’autres besoins qu’elle pourrait avoir. Au lieu de placer ses provisions, seule, dans une banque, l’idée a été de dire qu’on pouvait collectivement placer cet argent dans un outil propre aux coopératives d’habitants, et donc mutualiser ces placements pour répondre derrière aux besoins du mouvement, et aux besoins, bien sûr, des coopératives ellesmêmes. En particulier, les coopératives d’habitants, aujourd’hui, n’ont pas la capacité de rembourser la part épargne que les coopérateurs réalisent au fur et à mesure du versement de leur redevance. Aujourd’hui, la coopérative ne peut s’engager à rembourser cette part épargne que lorsqu’elle aura effectivement les moyens financiers de le faire. Cet outil financier permettrait justement de rembourser ces parts sociales. Alors soit, effectivement par un portage de ces parts réalisées par le fond -l’outil financier- soit par une garantie apportée à une banque, permettant à cette banque de prêter l’argent nécessaire à la société coopérative. Donc là on est vraiment sur une certaine fluidité financière, et qui peut trouver sa réponse grâce à la mutualisation des sociétés coopératives » 156 (Valérie Morel-Thomas, coordinatrice de l’association Habicoop AURA)

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Développer les coopératives d’habitants – Chantier n°7, Conception, réalisation, montage : Xavier Rabilloud, pour la fédération Habicoop, mai 2017. URL : https://www.youtube.com/watch?v=nKoL8kckhgk 156 Op. Cit. Développer les coopératives d’habitants – Chantier n°7

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Si les coopératives d’habitants ont pour vocation, à terme, de s’extraire autant que possible des aides des collectivités, un engagement et un soutien de la part de ces dernières à ce mouvement qui émerge est nécessaire pour lui donner une première impulsion. Les coopératives d’habitants ont néanmoins besoin des organismes HLM pour intégrer dans leurs opérations des logements qui pourront être proposés à des ménages à faibles revenus. C’est là tout l’enjeu d’une coopération entre organismes HLM et coopératives d’habitants, afin de travailler ensemble dans l’intérêt général. Des cadres juridiques et des montages adaptés, une sensibilisation aux enjeux, et un engagement de la part des acteurs institutionnels dans ce mouvement sont aujourd’hui indispensables, ainsi qu’une meilleure valorisation du système de coopérative d’habitants dans les discours et les publications ayant pour sujet l’habitat participatif, appellation générique dont elles font partie, au même titre que les opérations aboutissant à de l’accession à la propriété.

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█ CONCLUSION Progressivement débarrassé des stéréotypes et des a priori négatifs attachés aux opérations militantes des années 70 qui lui faisait mauvaise presse malgré le caractère avantgardiste des projets, l’habitat participatif répond à de nouveaux besoins face à une crise du logement qui s'intensifie et face à un marché de l’immobilier toujours plus tendu. Les français sont aujourd'hui plus favorables à l'habitat participatif qu'ils ne l'étaient il y a quelques années : 33% en 2017 contre 11% en 2012 157. Cette évolution se traduit par un mouvement qui se structure au niveau européen, national et local, et qui s'accompagne d'une institutionnalisation dont l'un des points d'étape marquant a été la promulgation de la loi ALUR en 2014. Ce mode de production de l’habitat, bien qu’il soit encore très minoritaire en France, ouvre des perspectives de densification raisonnée, de mixité sociale dans les zones tendues, d’un lien retrouvé avec une société civile, sur fond de développement durable. Les acteurs institutionnels, quelles que soient leurs motivations, investissent peu à peu les projets sur différents modes, de leur propre volonté ou par sollicitation de groupes autoformés, que ce soit au sein d’opérations bottom-up ou d’opérations top-down. C’est en cela que les opérations portées par les groupes d’habitants marquent la rupture avec les mouvements contestataires originels qui s’affranchissaient de ces acteurs. Sans perdre de leurs revendications quant à l’expertise d’usage citoyenne et quant à la place qu’ils défendent dans les processus décisionnels, le temps est aujourd’hui davantage à la coopération et à la négociation, transformant progressivement les modes de gouvernance. Parmi ces acteurs institutionnels, les organismes HLM sont souvent sollicités par des groupes d’habitants ou à l’initiative de projets, en particulier dans les territoires métropolitains. Ce constat a été à la base de notre travail de recherche, généré par une interrogation quant à leur impact dans la production d’habitat participatif sur le territoire français, et quant à leur rôle éventuel dans sa démocratisation. La métropole bordelaise a été choisie comme terrain d’étude, pour le caractère récent du développement de l’habitat participatif -dans son acception large- en son sein, malgré l’ancienneté de plusieurs projets portés par des groupes d’habitants, à l’origine d’une première prise de conscience par les collectivités pour ce mode de production de l’habitat. Ce périmètre a également été choisi du fait de sa proximité, offrant la possibilité de rencontrer une pluralité d’acteurs, et permettant une disponibilité quotidienne pour suivre les évolutions en interne et assister à de nombreux débats, conférences et ateliers. Dans l’habitat participatif, tout est en effet question de liens, d’échanges et de coopération. Il était important, pour en comprendre les enjeux, de s’immerger dans les processus et de se frotter à sa dimension humaine. L’étude ne saurait être exhaustive qu’en établissant un état des lieux croisé avec d’autres villes françaises, mais celle proposée ici permet néanmoins d’avoir un aperçu des dynamiques à l’œuvre et des modes de partenariat qui s’établissent entre les différents acteurs locaux. En effet, comprendre la place et le rôle des organismes HLM dans les projets d’habitat participatif nécessitait d’avoir une vision globale des interrelations qui s’y créent, et de leurs conséquences. Afin d’éviter l’écueil d’une vision binaire et pour apprécier la diversité des 157

Selon un sondage réalisé par Harris Interactive

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points de vue et des méthodes, les rencontres ont participé à construire une vision plurielle des enjeux à l’œuvre. Nos cas d’étude ont été celui de H’Nord coopérative d’habitants portée par un groupe auto-constitué et dont l’association a été créée en 2006, et celui du quartier de la Médoquine, à Talence, actuellement en cours, porté par des acteurs institutionnels (Axanis, la ville de Talence et Bordeaux Métropole), et dont le suivi régulier a été éclairé par les acquis de La Ruche (projet réalisé selon ce même mode, porté par Axanis, la ville de Bègles et la Communauté Urbaine de Bordeaux), livré en 2016. Le suivi en observation non participante des ateliers du projet de la Médoquine nous a permis de dépasser les notes méthodologiques et les définitions juridiques pour observer, sur le terrain, leur application, mais aussi les adaptations dont elles font nécessairement l’objet. Divers entretiens ont permis de compléter ce suivi et d’élargir le champ aux autres exemples évoqués. Nous avons pu réaliser que la remise en question constante de leurs pratiques professionnelles par les différents acteurs, le transfert de connaissances vers les habitants devenant partie-prenante du processus, ainsi que la montée en importance de nouveaux types d’experts dans le domaine de l’habitat participatif tend, par un apprentissage collectif, à une « transformation des genres professionnels » 158, basée sur une confiance établie entre toutes les parties. Un engagement fort de l’organisme HLM est essentiel au sens où il partage, avec les habitants, son pouvoir de décision lié à son statut de maître d’ouvrage, au sens où il s’entoure d’experts externalisés et où il intègre les habitants au choix de l’équipe de maîtrise d’œuvre. L’organisme HLM pose le cadre général mais il n’est plus le seul décisionnaire. Pour cela il doit s’adapter : partager les impératifs auxquels il est soumis, changer son langage, expliquer, à un public qui ne fait pas partie du monde de la construction, convaincre et, parfois, se laisser convaincre et remettre en question ses certitudes. S’il est prêt à cette démarche, ce qui n’est pas nécessairement le cas pour tous les organismes HLM, la place donnée au facteur humain peut permettre de faire évoluer ce cadre légal et contractuel initial pour tendre au fil du projet vers un pacte social local tacite Intégrés au projet dès le départ et ayant conscience des besoins du groupe, les organismes HLM peuvent devenir, selon leur engagement, des partenaires pour trouver des solutions et travailler sur les montages, voire faire évoluer les cadres législatifs et réglementaires. S’il est nécessaire de maintenir malgré tout un cadre fixe et de faire certains choix pour ne pas risquer d’entacher une reproductibilité éventuelle des projets d’habitat participatif, il est pour autant impératif d’entretenir la diversité des projets qui se rangent sous cette bannière officielle, bien qu’elle ne soit pas partagée par l’ensemble du mouvement. La richesse de l’habitat participatif se situe dans la multitude des formes qu’il peut prendre, aucun projet ne ressemblant à un autre. Le risque de l’institutionnalisation serait de privilégier certains projets relevant d’une méthode « efficace », dont les contours seraient préétablis, par rapport à des projets plus « militants » et/ou portés par des groupes d’habitants, dont la complexité relève parfois du manque d’outils pour les mener à bien, mais qui permettent une critique nécessaire pour évoluer et sortir des zones de confort classiques. Ceci n’est pour autant pas du fait de l’organisme HLM seul, mais celui de l’ensemble des acteurs, habitants compris. Un jeu doit pouvoir être conservé entre le cadre institutionnel et l’identité des 158

Locus Solus, Publié par Aquitanis OPH de Bordeaux Métropole Rubrique S’investir ensemble, Revue Urbanité n°6, 2016, p. 10-13. URL : https://fr.calameo.com/read/00024131902147324e452

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projets. C’est en effet l’ensemble des acteurs qui doit s’inscrire dans des modes de partenariats souples, s’abstraire de ses positionnements sans pour autant les nier, s’émanciper des structures classiques, utiliser son savoir et le mettre à disposition pour que l’expérimentation et l’innovation sortent du domaine de l’exception et de l’alternatif, en intégrant de l’incertain, du non prévu, aux procédures établies. Tout cela nécessite un grand travail d’acculturation pour que l’habitat participatif devienne un véritable outil de transformation des territoires. En effet, les motivations et les intérêts sont encore variables en type et en intensité, les opérations restent inégalement réparties sur le territoire et la demande pour ces projets ne dépasse parfois pas encore l’offre. Les interprétations des concepts de participation et de co-conception, le flou sur les notions de coopératif, coopérative, participatif etc., bien qu’ils témoignent d’une diversification des modes de production de la ville et de l’habitat, ne doivent pas faire perdre de vue que le cœur de l’habitat participatif se situe au niveau de l’intégration des habitants à la conception d’un lieu de vie commun, dans les liens qu’ils établissent entre eux et dans leur professionnalisation progressive par un passage de relais avec les acteurs professionnels, capables eux-mêmes de faire évoluer leurs pratiques. On peut ainsi se demander si l’habitat participatif peut réellement se généraliser en France, devenir une forme plus courante de production de l’habitat et transformer profondément les schémas de pensée.

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█ TABLE DES FIGURES

Figure 1. Evolution de la population urbaine en France entre 1960 et 2015 ______________ ______ p. 13 Figure 2. Cartographie du zonage A, B et C du territoire français_____________________________ p. 15 Figure 3. Périmètre de l’OPAH-RU de Bordeaux, 2011-2016________________________________ p. 17 Figure 4. Les enjeux de la loi ALUR ___________________________________________________ p. 21 Figure 5. Chronologie des politiques de la ville, en matière de renouvellement urbain et de développement durable ___________________________________________________________________________ p. 22 Figure 6. Les 3 piliers du développement durable selon l’Agenda 21 _________________________ p. 23 Figure 7. Echelle de la participation établie par Sherry Arnstein en 1969 ______________________ p. 28 Figure 8. Lexique de l’implication habitante _____________________________________________ p. 29 Figure 9. Sondage ‘‘L’habitat participatif, vous en pensez quoi’’ du journal Sud-Ouest lancé le 12 mars 2015, comptabilisant à ce jour 421 votants ____________________________________________________ p. 31 Figure 10. Enquête sur le regard des français à propos de l’habitat participatif __________________ p. 33 Figure 11. Valeurs proposées par l’habitat participatif ______________________________________ p. 35 Figure 12. Les principes de la coopérative d’habitants _____________________________________ p. 37 Figure 13. Montage de type « bottom-up »_______________________________________________ p. 39 Figure 14. Etat des lieux des projets d’habitat participatif en France ___________________________ p. 40 Figure 15. Bordeaux et obligations SRU _________________________________________________ p. 53 Figure 16. Deux types d’accession à la propriété proposés par Axanis pour un projet d’habitat participatif de type top-down _______________________________________________________________________ p. 57 Figure 17. Plafonds de ressources selon composition du ménage pour l’année 2018 ______________ p. 59 Figure 18. Prix maximum de vente en PSLA selon la zone géographie pour l’année_______________ p. 59 Figure 19. Principe imagé de la dissociation du foncier et du bâti de l’OFS ______________________ p. 63 Figure 20. Comparaison des modèles économiques _______________________________________ p. 65 Figure 21. Les dix opérations étudiées pour produire l’étude Habitat participatif et organismes HLM, Premiers retours d’expérience _________________________________________________________________ p. 74 Figure 22. Situation du projet H’Nord ___________________________________________________ p. 81 Figure 23. Environnement du projet H’Nord ______________________________________________ p. 82 Figure 24. Image de synthèse du projet H’Nord, vue depuis la rue_____________________________ p. 83 Figure 25. Image de synthèse du projet H’Nord, vue intérieure________________________________ p. 83 Figure 26. Eléments de négociation avec les bailleurs sociaux________________________________ p. 88 Figure 27. Image de synthèse présentant le projet de La Ruche_______________________________ p. 90 Figure 28. Bottes de Paille constituant les murs de La Ruche_________________________________ p. 91 Figure 29. Pose de la première botte de la Ruche _________________________________________ p. 92 Figure 30. La Ruche habitée___________________________________________________________ p. 92 Figure 31. Les acteurs du projet de la Médoquine __________________________________________ p. 93 Figure 32. Emplacement du site du projet de la Médoquine __________________________________ p. 95 Figure 33. Vues du site actuel de puis l’avenue de la Mission Haut-Brion _______________________ p. 95 Figure 34. Déroulé du projet prévu, au 26 juin 2017 ________________________________________ p. 96 Figure 35. Calendrier effectif vs calendrier projeté pour les ateliers du projet de la Médoquine _______ p. 96 Figure 36. Rôle des principaux acteurs d’une opération d’habitat participatif selon les phases du projet_ p. 97 Figure 37. Couverture de la plaquette de présentation du projet de la Médoquine_________________ p. 104 Figure 38. Atelier 6 du projet de la Médoquine, travail sur une ébauche de charte ________________ p. 109 Figure 39. Atelier 10 du projet de la Médoquine, travail sur la définition des espaces individuels______ p. 110 Figure 40. Atelier 11 du projet de la Médoquine, travail sur la définition des espaces individuels______ p. 111 Figure 41. Illustration pour la journée de découverte des projets d’habitat participatif portés par Axanis_ p. 112 Figure 42. Réunion « plénière » du groupe H’Nord__________________________________________ p. 119 Figure 43. Les missions d’ACAtryo, Schéma explicatif projeté lors de l’atelier de lancement du projet top-down quartier Médoquine, à Talence___________________________________________________________ p. 123 Figure 44. Diapositive rappelant les grands principes de l’habitat participatif ____________________ p. 127

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Figure 45. Figure 46. Figure 47. Figure 48. Figure 49. Figure 50. Figure 51.

Plan produit regroupant les avis et propositions faites lors de la visite de site ____________ Nuage de mots-valeurs ressortis lors de l’atelier 4 du projet de la Médoquine ___________ Atelier 10 du projet de la Médoquine, travail sur la répartition des espaces communs _____ Terra Arte, Habitat Participatif à Bayonne________________________________________ Le projet Locus Solus _______________________________________________________ Les acteurs du projet Locus Solus _____________________________________________ Eléments de méthodologie concernant le type de groupe d’habitants__________________

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p. 128 p. 129 p. 131 p. 149 p. 152 p. 152 p. 154


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Avise, Portail du développement de l'économie sociale et solidaire, URL : http://www.avise.org/actualites/pour-linnovation-dans-le-logement-social Axanis, URL : https://www.axanis.fr/ Bordeaux Métropole, Volet Participation, URL : https://participation.bordeaux-metropole.fr/ Camino, URL : http://www.coopalpha.coop/entreprise/camino Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales Comité 21, URL : http://www.comite21.org/ Comité Ouvrier du Logement (COL), URL : http://le-col.com Coligny, URL : http://coligny.cdc-habitat.com/ CRH, Centre de Recherche sur l’Habitat, URL : http://www.crh.archi.fr/ Gironde.fr, Journées girondines de l’habitat https://www.gironde.fr/logement/journees-girondines-delhabitat#progress-2

Gironde Habitat, URL : www.gironde-habitat.fr Dauphins Architecture, URL : http://www.dauphins-architecture.com/ Hab Fab, Ressources pour l’habitat participatif en Occitanie, URL : www.hab-fab.com HA.PA.NA, URL : http://hapana.org/ Légifrance, URL : https://www.legifrance.gouv.fr/ Les Coop’ HLM, URL : http://www.hlm.coop/contenu/lhabitat-participatif L’Odysée du développement durable, site internet intéractif des pendant du Ministère des Affaires étrangères, URL : https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/ L’Sud, URL : https://lsud.wordpress.com/ Ministère de la Cohésion des Territoires, URL : http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/ Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, URL : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/ Pour

une

éducation

populaire

d'auto-organisation,

URL :

http://www.education-

populaire.fr/politique-ville-historique-pietre-bilan/

Portail de l’Economie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics, URL : https://www.economie.gouv.fr/cedef/economie-sociale-et-solidaire

PUCA, Plan Urbanisme Contruction Architecture, URL : http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/

184


RECMA, Revue internationale de l’économie sociale URL : http://recma.org/actualite/logement-eteconomie-sociale-franchir-une-nouvelle-etape

Récipro-Cité : URL : http://www.recipro-cite.com/chers-voisins/# RNCHP,

Réseau

National

des

Collectivités

pour

l’Habitat

Participatif,

URL :

http://www.rnchp.fr/

Sénat, URL : https://www.senat.fr/ Union Sociale pour l’Habitat, URL : http://www.union-habitat.org/ Vie Publique, Direction de l’information légale et administrative, URL : http://www.viepublique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-programmation-pour-ville-cohesion-urbaine.html

▌THESES :

DARROMAN Mélanie, Renaissance de l’habitat participatif en France : vers de nouvelles formes négociées de fabrication de la ville ? _ Deux études de cas dans l’agglomération bordelaise : le projet HNord (Bordeaux) et La Ruche (Bègles), thèse pour doctorat en sociologie, Bordeaux, 2014. DEVAUX Camille, L’habitat participatif : de l’émergence de l’initiative habitante à son intégration dans l’action publique, thèse pour le doctorat en urbanisme, aménagement et politiques urbaines, Paris, 2013 ▌MEDIAS AUDIOVISUELS : PICQUE Charles, interview lors du colloque international POPSU (Plateforme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines) Etre métropole dans un monde incertain, 14-15 septembre 2017 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine. URL : http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/etremetropole-dans-un-monde-incertain-interviews-a1230.html

TAPIE Guy, Audition de Guy TAPIE, sociologue - qualité de l'habitat, enregistrée et publiée par le Conseil économique social et environnemental. URL : https://www.youtube.com/watch?v=c7YedfO5GHc

Discours de Cécile Duflot, Ministre de l’Egalité des territoires et du Logement pour les rencontres nationales de l’habitat participatif de Grenoble en 2012 URL : https://www.dailymotion.com/video/xvbfkf Bienvenue à La Ruche, (Image et montage : Christophe GARBAGE – Réalisation : Jean-Paul LASCAR) 2016, Film documentaire, 1h26

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Coopérative H’Nord / Projet ilot Dupaty / Bordeaux, Réalisation Catherine Busch, Images JM Vidéo, Vidéo de présentation, publiée le 4 janvier 2018. URL : https://vimeo.com/249637216

MasCobado : un habitat participatif pour mieux vivre ensemble, documentaire produit par On passe à l’acte, à l’initiative de Promologis, Réalisation par Mathias Lahiani, 2015. URL : https://www.youtube.com/watch?v=EhbuYKxZN2A Habitat participatif :1 + 1 = 3, vidéo compilant des extraits du film éponyme, conçus par EcoQuartier Strasbourg (réalisation : Anne Burgeot) dans le cadre du partenariat entre la Ville de Strasbourg et Eco-Quartier Strasbourg pour l'autopromotion et l'habitat participatif, avec le soutien de de la Ville de Strasbourg, la Région Lorraine et du CAUE 67, 2014. URL : https://www.dailymotion.com/video/x1b9qn5

Rencontre #6 : Bordeaux, l'éveil dune métropole, organisée et enregistrée par le Forum Urbain, le 21 mars 2018, URL : https://www.youtube.com/watch?v=-L-P6q9NgS8 Développer les coopératives d’habitants – Chantier n°7, Conception, réalisation, montage : Xavier Rabilloud, pour la fédération Habicoop, mai 2017. URL : https://www.youtube.com/watch?v=nKoL8kckhgk

▌METHODOLOGIE :

NEZ Héloïse, « Annexe 1 : Guide d’entretien », Sociologie [En ligne], N°4, vol. 2 | 2011, URL : http://journals.openedition.org/sociologie/1132 NEZ Héloïse, « Annexe 2 : Grille d’observation », Sociologie [En ligne], N°4, vol. 2 | 2011. URL : http://journals.openedition.org/sociologie/1133

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PROGRAMMATION DES ESPACES PARTAGES

CALENDRIER PROJETÉ

VALIDATION DU PROJET DE VIE

DEPOT DOSSIERS DE CANDIDATURE VISITE DE SITE

LANCEMENT

CONSTITUTION DU GROUPE 26 Juin 2017 Atelier 1 Définition de l’habitat participatif

13 Sept. 2017 Visite Visite d’un habitat participatif LA RUCHE, Bègles

26 Sept. 2017 Atelier 2

17 Oct. 2017 Atelier 3

7 Nov. 2017 Atelier 4

28 Nov. 2017 Atelier 5

Mettre en place la confiance Méthodologie de communication interne

Travail pédagogique sur le rôle des professionnels et les étapes du projet + Visite de site

Travail sur les valeurs partagées, la charte Définition du projet de vie

Travail sur les compétences internes du groupe, mise en place des commissions

VISITE DE SITE

19 Déc. 2017 Atelier 6

9 Jan. 2018 Atelier 7

30 Jan. 2018 Atelier 8

Travail participatif sur le programme architectural

Travail sur la charte Approbation projet de vie

Visite d’un habitat participatif LA RUCHE, Bègles

20 Fév. 2018 Atelier 9

Travail participatif sur le programme architectural

MARS

20 Mars 2018 Atelier 10

Synthèse et approbation de la programmation

A ajuster

PROGRAMMATION DES LOGEMENTS

COMITÉ DE PILOTAGE

17 Avril 2018 Atelier 11

15 Mai 2018 Atelier 12

12 Juin 2018 Atelier 12

A ajuster

A ajuster

A ajuster

NOV. 2018

OCT.2020

LANCEMENT CONSULTATION, REMISE DU CAHIER DES CHARGES AUX ARCHITECTES

candidatures

note méthodologique des 3 équipes Pré-selection du copil

VALIDATION DU PROJET DE VIE

Notes du copil

SÉANCE QUESTIONS/RÉPONSES CHOIX DE L’ÉQUIPE DE MAÎTRISE D’OEUVRE

JOURNÉE PORTES-OUVERTES

EMERGENCE D’UN GROUPE NOYAU PROGRAMMATION 26 Sept. 2017 Atelier 2

17 Oct. 2017 Atelier 3

7 Nov. 2017 Atelier 4

28 Nov. 2017 Atelier 5

Mettre en place la confiance Méthodologie de communication interne

Travail pédagogique sur le rôle des professionnels et les étapes du projet + Visite de site

Beaucoup de nouveaux, 1 seule participante aux ateliers précédents présente. nouvelle présentation de lancement Travail sur les valeurs partagées, ébauche de projet de vie

Travail sur les compétences internes du groupe, listing des commissions à mettre en place Peu de ménages : relancer la communication, apprendre à se connaître

RESPONSABLE D’opérations, Programmes service communication

Commercialisation, dossiers de financement RESPONSABLE D’opérations, Programmes

Guillemette de monteil

INGRID AVOT

Guillemette de monteil

isabelle forET-POUGNET

isabelle forET-POUGNET

15 participants dont 4 enfants 2 excusés

HABITANTS

6 participants 2 excusés

9 Jan. 2018 Atelier 7

30 Jan. 2018 Atelier 8

Aucun participant aux ateliers précédents n’est présent, seulement une absence justifiée. Projection de la présentation de lancement, impératif de relancer la communication

20 Fév. 2018 Atelier 9

Présentation de la charte en cours de travail Proposition de la poursuivre en parallèle des ateliers. Travail participatif sur le programme architectural

Présentation de la charte en cours de travail Formation de la «commission charte». Travail participatif sur le programme architectural (espaces partagés)

Remplaçante

chargée de commercialisation

service communication

RESPONSABLE D’opérations, Programmes

Commercialisation, dossiers de financement RESPONSABLE D’opérations, Programmes

Guillemette de monteil

Guillemette de monteil

Guillemette de monteil

isabelle forET-POUGNET

isabelle forET-POUGNET

isabelle forET-POUGNET

isabelle forET-POUGNET

4 participants

3 participants 1 Excusé

service commercial

ACATRYO

Travail sur la charte et sur le projet de vie Suggestion de formation d’une commission communication pour relancer le projet

Commercialisation, dossiers de financement service communication

RESPONSABLE D’opérations, Programmes service communication

AXANIS

19 Déc. 2017 Atelier 6

2 participants 1 Excusé

8 participants 1 Excusé

CO-CONCEPTION

20 Mars 2018 Atelier 10 Travail participatif sur le programme architectural, schéma spatial (fin esp. partagés, début log. individuels) Proposition d’une rencontre parallèle pour développer la charte

17 Avril 2018 Atelier 11

15 Mai 2018 Atelier 12

26 mai 2018 Journée portes-ouvertes

12 Juin 2018 Atelier 13

10 juillet 2018 Atelier 14

Relecture colective du cahier des charges, Restitution du travail de la charte. Point sur les dossiers traités par Axanis

Présentation de la procédure de choix de l’équipe de maîtrise d’oeuvre. Préparation d’une liste de questions.

Rassemblement sur le site de la rue Avison. Présentation du projet, accueil des intéressés

Point sur les équipes de MOE pré-sélectionnées Rappel de la liste de questions élaborée Explication du statut associatif Rappel engagements moral (charte), juridique (asso), financier(contrat de réservation)

Séance de questions/réponses Délibération collective et choix de l’équipe

MAIRE DE TALENCE ADJOINTE AU MAIRE, déléguée à la participation citoyenne + autres membres de la mairie Commercialisation, dossiers de financement RESPONSABLE D’opérations, Programmes

chargée de commercialisation

chargée de commercialisation

RESPONSABLE D’opérations, Programmes

service communication

Guillemette de monteil

Guillemette de monteil

Guillemette de monteil

Guillemette de monteil

isabelle forET-POUGNET

INGRID AVOT

isabelle forET-POUGNET

isabelle forET-POUGNET

11 participants

11 participants

9 participants 4 excusés

5 participants 3 excusés

Commercialisation, dossiers de financement RESPONSABLE D’opérations, Programmes

chargée de commercialisation RESPONSABLE D’opérations, Programmes

Guillemette de monteil isabelle forET-POUGNET

isabelle forET-POUGNET

4 participants

13 participants 2 excusés

?

Mounir pas convaincus par le terrain ALICIA

AUTRE PROJET DE VIE pas convaincue par le terrain

CONTRAINT A L’ABANDON Moyens insuffisants

SAMUEL

?

Michelle R pas convaincue par le terrain Monique

Michelle N

CATHERINE + ABOU +1 !

+1 !

DAVID+Juliette

quittent le groupe a regret autre projet de vie

Aurelie + pIERRE-fRANçois MELANIE ELIANE Priscilla

PROJET DE LA MÉDOQUINE RUE AVISON TALENCE

?

Célia + Jean-christophe Géraldine sylvie AICHA amandine Nawel 3 habitantes des "petits ruisseaux"

SOURCE : élaboration personnelle issue du suivi des ateliers menés par ACAtryo et des documents de travail produits par ACAtryo

JUIN 2019

LIVRAISON

DÉPÔT DES PREMIERS DOSSIERS DE CANDIDATURE

CONSTITUTION DU GROUPE

Définition de l’habitat participatif

RÉALISATION

CO-CONCEPTION

PROGRAMMATION DES ESPACES PARTAGES

LANCEMENT

13 Sept. 2017 Visite

DÉPOT PERMIS DE CONSTRUIRE

REMISE DU CAHIER DES CHARGES AUX ARCHITECTES

EMERGENCE D’UN GROUPE NOYAU PROGRAMMATION

CALENDRIER EFFECTIF

26 Juin 2017 Atelier 1

PROGRAMMATION DES LOGEMENTS

2 COOPératrices des "boboyakas"

VENUeS POUR VOIR Où en est le projet et pour partager leur expérience personnelle

RÉALISATION


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