LE PACTE VILLE CAMPAGNE AUX DEFIS DE LA PLANIFICATION TERRITORIALE Le Cas du Pays de Cocagne -81-
Justine RINAUDO Mémoire de Master - Repenser la Métropolisation encadré par Julie Ambal - Xavier Guillot - Delphine Willis ENSAP Bordeaux - Juin 2018
LE PACTE VILLE CAMPAGNE AUX DEFIS DE LA PLANIFICATION TERRITORIALE Le Cas du Pays de Cocagne -81-
Justine RINAUDO Mémoire de Master - Repenser la Métropolisation encadré par Julie Ambal - Xavier Guillot - Delphine Willis ENSAP Bordeaux - Juin 2018
REMERCIEMENTS La réalisation de ce mémoire a été rendue possible grâce à la participation et à l’aide de plusieurs personnes à qui je souhaite exprimer ma reconnaissance. Tout d’abord je voudrais remercier les enseignants qui ont suivi ce travail et m’ont guidé tout au long de l’année, Julie Ambal, Xavier Guillot et Delphine Willis. Je suis particulièrement reconnaissante envers les personnes qui ont accepté de me rencontrer et m’ont fourni de précieuses informations concernant le Pays de Cocagne dans le Tarn, sans qui cette étude n’aurait été possible, Carole Colin, Matthias Cottereau, Eliette Dalmon, Claire Hermet et Jean Yves Pagès. J’aimerais aussi remercier mon père, Michel Rinaudo, pour nos échanges qui ont permis l’avancée de mon travail et m’ont beaucoup encouragé et dont le métier passionnant qu’il exerce avec ma mère, Martine Rinaudo a directement inspiré le sujet de ce mémoire. Je remercie également ma soeur Cynthia Pareau pour sa relecture attentive et éclairée. Enfin, merci à Louise Guais et Alejo Rossi pour leur soutient dont je n’aurai su me passer.
« plus que le passant qui apprécie avec neutralité ce que l’oeil trouve beau, l’agriculteur prend d’autant plus de plaisir à regarder un beau paysage qu’il a aménagé, qu’il a mis de la peine, de la passion et tout son coeur à réaliser, et cela tous les jours, aussi bien pendant ses heures de repos que pendant ses heures de travail. »1
1
Claude Milhaud (2001), viticulteur à Beaumes-de-Venise lors du colloque de Saint-Emilion, propos rapportés
par HENRY Dominique, « Paysages agricoles investis », Openfield, juin 2013, n°2
SOMMAIRE INTRODUCTION 8
PARTIE 1 - L’agriculture et ses espaces, porteurs de projet face au processus de métropolisation 14
I - Le Parc agricole du Baix Llobregat : l’intégration de l’agriculture dans le projet métropolitain 16 1. Préserver les terres agricoles dans l’espace métropolitain 2. Le Parc Agricole : territoire dynamique basé sur la multifonctionnalité de l’agriculture périurbaine 3. Un projet modèle pour une nouvelle gestion de l’agriculture dans les processus d’urbanisation
II - Le parc agricole, un outil du projet territorialiste, l’exemple du Parco della Piana en Toscane 22 1. Un projet de restructuration pour un territoire menacé 2. L’agriculture, levier majeur du projet pour un nouveau dialogue ville-campagne
3. Du projet de territoire au traitement des franges urbaines
III - La protection des terres agricoles pour la défense d’un mode d’habiter : le plateau de Saclay en région parisienne 28 1. Un territoire stratégique à l’avenir contesté 2. Une revendication portée un désir de paysage ouvert 3. (op)pression urbaine constante
IV - Les Parcs naturels régionaux, première gestion supra communale du territoire qui met en scène l’agriculture 34 1. Une approche nouvelle des territoires ruraux pour un aménagement cohérent et durable 2. La valorisation d’une agriculture « durable » au service d’un territoire identitaire 3. Une démarche qui ordonne divers outils urbanistiques autour d’un projet cohérent
PARTIE 2 - Le cas du pays de Cocagne : l’identification d’un territoire agricole face un processus de métropolisation multipolaire 42 A - Pays de Cocagne, territoire de projet
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I - Les enjeux d’un territoire en frange métropolitaine 47 1. Territoire en mutation 2. Objectif territoire attractif
II. Des intentions d’agriculture territorialisée 48 1. L’agriculture, un enjeux majeur du territoire 2. Mettre en scène une agriculture symbolique 3. Actions envisagées pour l’agriculture locale
B - L’agriculture dans le projet de territoire
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I. Considération de l’agriculture dans les documents d’urbanisme 56 1. Protéger les espaces agricoles et limiter l’étalement urbain 2. Cloisonnement des usages
II. Un projet pour la production agricole ? 59 1. Des agricultures aux enjeux différents 2. Circuits courts, du discours aux réalités 3. Un développement essentiellement porté par les acteurs sectoriels
C - Les limites du Pays de Cocagne face à la question agricole 63
I. Absence de véritable projet agricole 63 1. Un dialogue avec le projet urbain limité 2. Une vision segmentée de l’agriculture 3. Fédérer l’agriculture et les agriculteurs autour d’un projet commun
II. La mise en oeuvre d’un projet de territoire limitée 66 1. Multitude de périmètres d’actions 2. Repenser la hiérarchisation des processus de projet
CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE 74 TABLE DES FIGURES 79 ANNEXES 82
INTRODUCTION L’agriculture est une profession vers laquelle de nombreux débats se sont orientés au cours de ces dernières années. Une profession qui fait face à des exigences quelques fois paradoxales. À la fois dépendante d’un système globalisé et soumise à de nouveaux enjeux écologiques déterminés à l’échelle nationale, l’agriculture est une activité ancestrale qui se redéfinit perpétuellement au rythme des changements de la société. Les préoccupations environnementales liées à la crise écologique planétaire et la recrudescence de crises sanitaires et alimentaires ont peu à peu remis en cause les modes et habitudes de consommations hérités de la seconde moitié du XXème siècle. Cette prise de conscience qui engendre de nouvelles exigences et nouvelles pratiques de la part des consommateurs oriente l’agriculture vers une redéfinition de ses pratiques et en particulier ses modes de production et de commercialisation. Mais le bouleversement que connait aujourd’hui l’agriculture s’étend au-delà de sa dimension productive. Chaque année environ 50000 hectares de terres arables disparaissent en France au profit de l’urbanisation. Le phénomène de métropolisation bouleverse profondément la structure des territoires, aujourd’hui polarisés par de grandes aires urbaines dont l’influence ne se mesure pas en kilomètre. La ville s’étale, souvent sur des anciennes surfaces agricoles, ses bras s’étendent le long des axes routiers allant parfois jusqu’aux territoires les plus ruraux. Ces derniers autrefois occupés presque exclusivement d’agriculteurs connaissent des mutations profondes, tant au niveau de ses usages que de leur statut rural. La campagne alimente aujourd’hui un désir de nature des urbains qui s’y installent de nouveau, lassés et étouffés par la ville, quelques fois rejetés par la réalité du marché immobilier, la campagne est symbole de liberté (Donadieu) et gage d’un cadre de vie de qualité. Ce phénomène impose aux territoires de devoir penser la gestion de leurs espaces. Maitriser l’urbanisation devient un enjeu essentiel, non seulement pour la préservation des terres agricoles mais aussi pour la définition du devenir ces territoires. La protection des espaces agricoles devient une préoccupation majeure depuis la fin du XXème siècle, justifiée par les besoins alimentaires de la population mais aussi pour limiter les dégâts écologiques causés par une artificialisation des sols non maitrisée. Cette protection est particulièrement soutenue par la multifonctionnalité de l’agriculture, concept qui apparait formellement en 1992 dans l’Agenda 21, issu du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro et qui donne une nouvelle vision de l’agriculture, plus riche et plus complexe. Il permet alors d’identifier les effets de l’agriculture sur le territoire et la nature des liens qui les unit. Des études menées sur des territoires de déprise agricole ont révélé les conséquences d’un tel phénomène sur l’ensemble du territoire et tout particulièrement en zone de montagne2 et mettent en évidence les apports de l’agriculture sur l’ensemble d’un territoire. L’abandon des terres qui ne sont plus entretenues entraîne rapidement l’apparition de friches ou de zones boisées
2
BROSSIER Jacques, TEISSIER Jean-Henri, BRUN André, ROUX Marc, BONNEMAIRE Joseph, Pays, Paysans,
Paysages dans les Vosges du sud, ed. INRA, 1995, 201p
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et provoque par conséquence la fermeture des paysages. En outre, les dynamiques locales ont fortement diminué en termes d’économie ou de pratiques sociales. « Le concept de multifonctionnalité (…) correspond à la capacité des systèmes agricoles à contribuer simultanément à la production agricole et à la création de valeur ajoutée, mais aussi à la protection et à la gestion des ressources naturelles, des paysages et de la diversité biologique, ainsi qu’à l’équilibre des territoires et à l’emploi. » 3 La relation étroite qui lie l’agriculture aux paysages renforce les intentions de préserver les terres agricoles. Les paysages sont en effet au coeur de débats majeurs de notre époque avec l’apparition du concept de développement durable4 : homogénéisation, perte de biodiversité, mitage, pollution des sols; la transformation des paysages reflète une situation écologique problématique. Ces derniers deviennent officiellement l’objet de protection et de valorisation dans une logique durable lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, y compris les paysages ordinaires produits par l’agriculture. Cette action de l’agriculture sur l’environnement naturel et habité dans lequel elle s’inscrit l’a conduite vers de nouvelles relations entre elle et la ville. Une ville qui n’est plus franchement délimitée, mais qui s’est immiscée dans l’ensemble de nos territoires à travers ses pratiques, ses usages aujourd’hui communs aux citadins comme aux habitants des territoires ruraux. Aujourd’hui, le mur qui séparait la ville de la campagne s’est écroulé, il n’y a plus de limites franches et les deux entités ne peuvent plus s’ignorer. Continuer à construire de manière indépendante la ville et la campagne comme deux mondes opposés n’a plus de sens. Le développement d’une relation complémentaire ville-campagne passe par la mise en place de projets de territoire innovants, où le rôle donné à l’agriculture sera décisif pour le maintien de l’équilibre territorial. Au-delà de la protection de ses espaces, l’agriculture doit alors s’intégrer aux processus de fabrication de la ville et des territoires grâce à sa capacité d’interaction avec eux, elle peut devenir une composante active de la construction urbaine (Moez Bouraoui). Aujourd’hui certains projets tentent de rétablir ou d’amorcer un échange entre les agriculteurs et habitants d’un territoire à travers la mise en place de cueillettes à la ferme, ventes locales, fermes pédagogiques. Bien que ces initiatives répondent à une demande de la part des habitants et proposent une forme de diversification de leur activité aux agriculteurs, il s’agit de projets qui ne concernent que certains cas. Ces démarches concernent en effet l’agriculture qui base son activité sur l’économie locale, hors marché, majoritairement de petites structures qui s’appuient sur le produit local pour se connecter
3
PANGOLIN Audrey, « Impacts des CTE à la Réunion au niveau des exploitations », étude menée dans le cadre
des Recherches et expertises sur la multifonctionnalité de l’agriculture et des espaces ruraux menées par le CIRAD et l’INRA, p.9 4
Suivant la définition donnée par Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien en 1987 : « Le
développement durable est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », notion officialisée lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, « un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. » d’après l’INSEE, URL : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1644
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au territoire et aux consommateurs en utilisant cette image de ferme plébiscitée par ces derniers. Il ne s’agit pas de la majorité des exploitations agricoles, et la plupart d’entre elles n’auraient aucun intérêt à développer ces pratiques. En revanche, il y a une propriété de l’agriculture qui est directement liée au territoire, qui la fait interagir avec lui et pourrait lui permettre de participer à sa construction et ce, quelque soit l’agriculture : ses espaces, ses formes, les paysages qu’elle crée. « Par nature, leur intérêt est loin du local régional ; ce n’est donc pas par le produit qu’ils participent du local, mais par leur contribution à l’habitabilité urbaine, notamment en termes de paysage, de cadre de vie et de qualité environnementale de leurs systèmes. » 5 Par définition l’agriculture est un travail de l’espace, un aménagement du sol, agir sur la nature, la modeler afin d’en tirer une production. Étendue de blé, alignement d’arbres fruitiers ou mouvement d’un troupeau, partout l’agriculture dessine l’espace de nos territoires dont plus de la moitié est agricole. « l’agriculture est un art du vivant qui développe des formes changeantes dans une trame de formes fixes »6 (Fig.1) La dimension spatiale de l’agriculture peut alors devenir un outil de la transformation des espaces du territoire et de la ville. Travailler sur les espaces ouverts, les valoriser, en faire un projet qui les mettrait en relation avec les territoires urbains permettrait alors de répondre à des problématiques liées au tissu urbain et redessiner l’ensemble. « L’agriculture peut jouer un rôle important pour redéfinir des frontières, des proportions et des formes de la ville » 7 De nouvelles façons d’appréhender la ville et les territoires émergent, comme l’urbanisme agricole qui encourage à « porter un regard agricole permanent dans n’importe quel projet d’urbanisme ». 8 Dans un contexte de remise en question de la façon de produire les territoires, l’agriculture, à travers ces diverses fonctions constitue alors un outil capable de définir de nouveaux espaces et de nouveaux rapports ville-campagne. Ainsi, nous étudierons au cours de ce mémoire en quoi les espaces agricoles constituent un enjeu majeur de l’aménagement des territoires et, en quoi l’intégration de l’agriculture dans les projets de
5
FLEURY André, VIDAL Roland, « Les agriculteurs dans le renouvellement de la gouvernance des territoires
péri-urbains », p.41 6
DEFFONTAINES Jean Pierre, « L’agriculteur-artisan, producteur de formes », Natures Sciences Sociétés, 1994,
n° 2, p.337 7
BERNETTI I, FANFANI D, MONACCI F., POLI D., RUBINO A. : « Le parc agricole, instrument de l’aménagement
stratégique multifonctionnel des espaces périurbains de la Toscane centrale ». In Fleury A. (dir.) : Vers des projets de territoires, vol. 2 des actes du colloque Les agricultures périurbaines, un enjeu pour la ville. © ENSP, Université de Nanterre, 2008. 8
JANIN Rémi, La ville agricole, ed. Openfield, 2017
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Fig. 1 : Formes agricoles
Les formes que produit l’agriculture révèlent la complexité des systèmes agraires, biologiques et technique, elles témoignent de la relation qu’entretien l’agriculteur avec le sol, le climat, toutes les conditions particulières que porte le territoire dans lequel elle s’implante. L’agriculture façonne la nature en suivant ses atouts et ses contraintes pour en extraire une production et chacune de ses formes dessine un territoire singulier.
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territoire participe à la construction des territoires favorisant la complémentarité ville-campagne ? Cette interrogation sera notamment développée à partir du cas d’étude du Pays de Cocagne (Fig.2) dans le département du Tarn. Situé aux franges de la métropole toulousaine, ce territoire est aussi influencé par deux autres agglomérations majeures du département : Albi et Castres. Le projet de Pays s’est constitué pour répondre à de nouveaux enjeux fortement influencés par ce contexte urbain polycentrique. Il s’agit également d’un territoire rural où l’agriculture est omniprésente. Elle constitue la majeure partie des paysages mais elle tient aussi un rôle majeur dans les dynamiques socio-économiques du Pays. Après avoir étudié différents écrits concernant le statut de l’agriculture dans notre société et la façon de concevoir les villes et les territoires selon des paysagistes, agronomes et géographes, l’étude du cas du Pays de Cocagne s’est déroulée en deux temps. Un premier travail a consisté à prendre connaissance des différents textes, chartes et règlements du projet de territoire, puis des rencontres avec différents acteurs du territoire et du monde agricole ont permis de compléter cette approche documentaire. En parallèle de ce travail, nous avons pris connaissance de divers exemples de construction de la ville et des territoires avec la dimension agricole à travers des écrits d’architectes et d’urbanistes en nous basant sur une étude de l’approche développée par l’école territorialiste italienne. Ce mémoire s’articule en trois grandes parties. Dans un premier temps nous étudierons à travers quatre exemples comment l’agriculture devient un outil dans la construction d’un territoire complémentaire ville-campagne ? Chacun des exemples se trouve dans un contexte urbain particulier : - Le parc agricole du Baix Llobregat à Barcelone, où l’espace agricole devient, grâce à l’initiative des agriculteurs, un parc productif pour la ville tant sur le plan alimentaire, qu’écologique ou social. - Le parc agricole della Piana en Italie, dans la région de Florence. Le projet de parc s’intègre dans un projet plus global de restructuration du territoire. Ici, l’agriculture participe à reconstruire l’identité du territoire, de sa structure urbaine jusqu’à ses symboles historiques. - Le plateau de Saclay à Paris, où l’espace agricole cohabite avec divers pôles scientifiques, où le paysage et le cadre de vie défendus par les habitants sont des enjeux majeurs liés au maintient de l’agriculture. - Les parcs naturels régionaux, qui mettent en scène l’agriculture et ses espaces dans des projets de territoires durables en milieu essentiellement rural. Dans la seconde partie consacrée à l’étude de cas, nous verrons comment cette intrusion de l’agriculture dans les projets d’aménagement du territoire s’intègre de manière de plus en plus automatique dans les territoires français. Nous étudierons la mise en oeuvre de cette démarche à travers l’étude du Pays de Cocagne, un territoire rural au coeur d’un système urbain et métropolitain polycentrique. Nous verrons comment le projet de Pays tente d’unifier un territoire hétérogènes aux influences multiples ? Dans quelle posture se place le territoire vis à vis des enjeux urbains ? Comment les espaces agricoles sont-ils traités dans les principes d’aménagement, quels enjeux et quel rôles leur sont associés ? Nous verrons également en quoi la démarche de Pays est limitée face aux problématiques agricoles du territoire. Vers quelle manière de penser les territoires allons-nous ? Donne-t-on à l’agriculture les moyens de participer à cette nouvelle construction ?
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Fig. 2 : Logo du Pays de Cocagne
« Le Pays est un territoire cohérent sur le plan géographique, culturel, économique ou social, à l’échelle d’un bassin de vie ou d’un bassin d’emploi. (...) Les Pays servent de cadre à un projet de territoire – consacré par une charte de territoire. » 9
9
Association Nationale des Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des Pays, « Définition des Pays / PETR »,
URL : http://anpp.fr/payspetr/definition-pays-petr/
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PARTIE 1 L’agriculture et ses espaces, porteurs de projet face au processus de mÊtropolisation
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Evolution de l’agriculture, évolution des paysages L’agriculture a connu ses plus grands changements au cours du XXème siècle. Après Guerre, la productivité devient l’enjeu majeur pour nourrir la population dont la démographie ne cesse d’augmenter. L’agriculture se spécialise notamment grâce à la création de l’INRA en 1946 et la mécanisation des outils agricoles encouragée par le Plan Marshall en 1948. Cependant, il faudra attendre les années 1960 pour observer des résultats probant de la productivité agricole. La création de la Communauté économique européenne en 1958 marque un véritable tournant pour l’agriculture qui représente l’un de ses chantiers les plus importants. La PAC instaurée en 1962 et qui connaitra par la suite deux autres versions devient l’outil majeur des ambitions européennes. Ces modifications des pratiques agricoles ont entrainé une restructuration majeure des paysages français largement accentuée par les politiques de remembrement. Mais au delà de la simplification du parcellaire et la spécialisation des régions vers un type de production, ce sont les territoires de déprise qui ont attisé l’interêt de certains paysagistes et agronomes. En étudiant les Vosges du sud, les auteurs du livre Pays, Paysans, Paysages ont mis en avant les « marques des systèmes agronomiques »10 sur le territoire et révélé les conséquences de leur évolution. L’approche de l’agriculture à travers les paysages permet d’étudier à la fois la dimension agronomique mais aussi de la mettre en relation avec le territoire habité et le territoire naturel. Ces études et l’apparition du concept de multifonctionnalité de l’agriculture révèle ainsi des liens agriculture-territoire d’ordres socio-économiques mais aussi spatiaux et culturels qui évoluent avec les transformations de la société et de l’agriculture. L’étude des systèmes agraires révèle la complexité des milieux ruraux, le façonnage des paysages par la profession agricole et participe ainsi à la mise en valeur de ces territoires face aux milieux urbains par la reconnaissance des milieux ruraux comme complexes et riches d’enseignements. Bouleversement du rapport ville-campagne Parallèlement à ces changements agricoles majoritairement visibles dans les milieux ruraux, l’organisation et la composition du territoire français se modifient considérablement. Après avoir vidé les campagnes en attirant les populations, les villes s’étirent et s’étalent, se superposent au territoire rural. Aujourd’hui les deux mondes urbain et rural ne sont plus franchement délimités, ils se mêlent, s’interpellent, se gênent parfois. Cette urbanisation généralisée et le phénomène de métropolisation nous conduit à redéfinir le rapport ville-campagne et reconsidérer la place de l’agriculture dans ce nouvel ensemble. Dans un contexte similaire, l’école territorialiste créée en Italie sous l’impulsion d’Alberto Magnaghi propose une nouvelle approche des territoires, où se mêlent les dimensions urbaines, rurales et agricoles dans un projet commun de territoire global. Dans ces projets, la multifonctionnalité de l’agriculture est investie à travers des actions sur ses espaces, sur ses productions, leur commercialisation et son dialogue avec les habitants du territoire.
10
AMBROISE Régis, « Evolution de la pratique paysagiste face à la question agricole », Openfield, juin 2013,
n°2, p.1
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Cette vision constitue le point de départ de nos recherches et sera illustrée par deux exemples de parcs agricoles, à Barcelone et en Toscane construits sur le modèle exemplaire territorialiste du Parc agricole du Sud-Milan. Un Parc où les espaces agricoles sont non seulement protégés mais sont aussi des éléments structurants du territoire. Nous nous intéresserons ensuite à deux démarches françaises qui proposent une lecture du territoire et sa mise en projet à travers la dimension agricole : le plateau de Saclay et les Parcs naturels régionaux.
I - Le Parc agricole du Baix Llobregat : l’intégration de l’agriculture dans le projet métropolitain 1. Préserver les terres agricoles dans l’espace métropolitain Le Parc agricole du Baix Llobregat (Fig.3) est un projet qui s’est installé sur un espace aux enjeux multiples, il constitue une proposition pour l’aménagement d’un espace périurbain multifonctionnel où l’agriculture cohabite avec la métropole et participe à ses dynamiques. Historiquement occupé par l’agriculture, le delta du Llobregat est constitué de terres fertiles principalement exploitées en maraichage. Mais la situation géographique du delta, aux portes de Barcelone lui imposera des transformations considérables avec l’expansion de la ville, particulièrement accentuée par l’accueil des jeux olympiques de 1992. Depuis la fin de la dictature dans les années 1970 le secteur du delta du Llobregat fait l’objet de divers projets d’aménagements urbains mais aussi d’actions de défense de la part des agriculteurs afin d’y maintenir l’activité agricole menacée (Fig.4). En effet, entre 1965 et 1991 les agriculteurs passent de 9,8% des actifs à 1,16%. La Surface Agricole Utile (SAU) est quant à elle passée de 4 279 ha en 1972 à 1 815 ha en 1999 11. L’installation de l’aéroport El Prat et les réseaux routiers reliant Barcelone au reste du pays en font un lieu stratégique que le projet métropolitain, traduit par le Plan Delta en 1994, souhaite développer et transformer en une plateforme logistique de premier ordre au sud de l’Europe. Dans cette optique, le plan prévoit le développement du port de Barcelone, la création d’une Zone d’Activités Logistiques (ZAL) et la construction d’une troisième piste pour l’aéroport, en plus de la déviation du fleuve Llobregat et de l’arrivée du TGV à l’aéroport. Ces nouvelles structures ainsi que les infrastructures qu’elles engagent représentent une menace pour les espaces agricoles, dont le foncier sera potentiellement urbanisé, et dont l’organisation sera perturbée par le mitage des parcelles.
11
Selon les informations de Rosés (1989) et les recensements agricoles de l’Idescat, d’après SEMPERE ROIG
Jordi, « Quelle place pour les agriculteurs de la Région Métropolitaine de Barcelone? Le cas du delta du Llobregat », Sud Ouest Européen, n°25, 2008, p.55
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Fig. 3 : Situation géographique du Parc Agricole du Baix Llobregat, intégré dans l’air métropolitaine de Barcelone, Espagne
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Le projet de Parc agricole soutenu par les agriculteurs se présente alors comme une solution pour la préservation des terres et de l’activité agricole. L’ébauche de ce projet remonte aux années 1980 lorsque l’«Unió de Pagesos» (Union des Agriculteurs) rédige un document de propositions d’aménagement et de protection de l’agriculture du Baix Llobregat (Sònia Callau, Valerià Paül 2007). L’implication des agriculteurs est également passée par des manifestations, la participation à la rédaction du plan stratégique du pays, et un poids important dans l’élaboration du projet de parc, jusqu’à son approbation en 2004. On peut imaginer que les espaces agricoles n’auraient pas persisté dans ce contexte sans cette lutte menée par les agriculteurs et dont les revendications furent ensuite reprises et adaptées dans le projet métropolitain.
Fig. 4 : Éléments de la campagne « Salvem el Pla! » de l’ « Unio de Pagesos », agriculteurs du Delta du Llobregat pour la défense des terres agricoles sur le territoire.
2. Le Parc Agricole : territoire dynamique basé sur la multifonctionnalité de l’agriculture périurbaine Au-delà de son objectif premier de préserver les terres agricoles, un des enjeux majeur du parc est de permettre la cohabitation et l’interaction de l’agriculture avec des activités aux dimensions plus urbaines en respectant son fonctionnement et en valorisant sa production. Ainsi, le projet de Parc agricole mène des actions d’aménagement permettant un partage équilibré du territoire entre les agriculteurs et les citadins, et des actions valorisant la dimension économique et productive de l’agriculture en se basant sur les avantages que peut constituer la proximité de la métropole (Fig.5). Le Conseil de Protection de la Nature (CPN) propose une définition du parc agricole qui convient au cas de Barcelone : « espace ouvert et délimité, dont l’objectif est de faciliter, de garantir la continuité de l’usage agricole et de le préserver de toute incorporation au processus urbain, tout en impulsant des programmes spécifiques qui permettent le développement de son potentiel économique,
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environnemental et socioculturel ainsi que la protection du patrimoine naturel l’environnant » 12 Le parc n’est pas un musée ou un espace figé, le foncier est protégé mais le système de Parc est support de projet, de dynamiques économiques, environnementales et socioculturelles qui se basent avant tout sur l’agriculture en tant qu’activité de production alimentaire en évolution constante. Le projet de Parc agricole articule une protection foncière définit par le Plan spécial de protection et d’amélioration pour l’urbanisme, qui donne les limites du territoire, et règle ses usages, mais il entreprend aussi un projet de gestion et développement qui établit les objectifs et les stratégies de gestion. Non seulement on protège mais on impulse aussi des dynamiques qui s’intègrent dans des logiques locales et tenant compte du contexte métropolitain. Pour cela, différentes dimensions de l’agriculture sont investies par le projet : productive - écologique - culturelle - spatiale « Un parc agraire devra être un espace agricole de qualité par ses potentialités agronomiques et ses aménagements (irrigation), par sa biodiversité qui lui confère une fonction éducative sur le plan environnemental ainsi que par sa valeur structurante dans l’espace englobant. » 13
Fig. 5 : La cohabitation des espaces urbains et agricoles, deux espaces physiquement distincts connectés par leurs usages et interdépendants
12
d’après CALLAU S. et PAÜL V. « Le parc agricole du Baix Llobregat » dans Fleury A. (dir.) : Vers des projets de
territoires, vol. 2 des actes du colloque Les agricultures périurbaines, un enjeu pour la ville, ENSP, Université de Nanterre, 2008, p.8 13
DALIGAUX Jacques « De la huerta au parc agraire : la basse vallée du Llobregat », Rives méditerranéennes,
n°8, 2001, p.65-78, URL : http://rives.revues.org/52, p.8
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Fig. 6 : Aménagements urbains pour l’usage des citadins, le partage des espaces
Fig. 7 : Aménagements des réseaux d’irrigation pour le bon fonctionnement agricole
Des actions d’aménagement de l’espace agricole (Fig.7) sont menées afin de permettre les pratiques agricoles, à travers l’entretien du réseau de chemins ruraux, des voies d’irrigation et de drainage ou encore la création d’un service de surveillance pour minimiser les effets des vols (Sempere Roig). En parallèle, des aménagements de pistes cyclables par exemple encouragent les habitants de Barcelone et des communes voisines à parcourir le parc (Fig.6). L’accès au parc par les citadins propose non seulement un espace ouvert dans la ville mais permet également une une démarche plus complexe. En effet, en le parcourant, les habitants prennent connaissance du parc, de son fonctionnement, des systèmes agraires et des enjeux que leur préservation représente. Les terres du parc constituent un enjeu culturel et socio-économique majeur car elles sont non seulement un héritage historique mais aussi le lieu et la ressource du travail des agriculteurs. Il s’agit également d’un espace accueillant une certaine biodiversité à préserver. La valorisation des productions alimentaires du parc sur le marché local passe par cette prise de conscience des citadins permise par leur connaissance du lieu. Le Parc a su se saisir des opportunités données par la situation périurbaine de l’agriculture, en favorisant leur inscription dans un marché proche et réceptif que représente la métropole et valorise ces productions différenciées en terme de qualité et de marque par la création de labels. On peut assimiler cette approche de l’agriculture périurbaine de Barcelone à l’agriculture urbaine selon la vision de Pierre Donadieu et André Fleury14 qui la définissent comme une agriculture à la situation (géographique) périurbaine qui a su s’intégrer aux dynamiques urbaines. Par urbain on entend non seulement la ville centre et historique mais aussi celle qui s’étend et dont le réseau dessine un maillage dense sur le territoire. La consommation locale des productions agricoles par les urbains, l’accès de ceux-ci aux espaces agricoles, le décor que constituent les paysages agricoles dans la ville établissent un nouveau dialogue entre le monde rural et urbain en effaçant les limites. Ainsi se créé peu à peu un territoire complexe, qui n’est pas figé ou scindé en deux mondes qui s’ignorent. A Barcelone, agriculture
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FLEURY André, DONADIEU Pierre, « De l’agriculture péri-urbaine à l’agriculture urbaine », Courrier de
l’environnement de l’INRA, n°31, août 1997
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et projet urbain se sont mutuellement adaptés, quelques fois autour de compromis mais l’ambition qui transparait dans la démarche semble proche de cette vision d’un territoire où ville et agriculture sont complémentaires.
3. Un projet modèle pour une nouvelle gestion de l’agriculture dans les processus d’urbanisation « le Parc Agricole du Baix Llobregat est le résultat d’un long processus de débats et de réflexions concernant le phénomène de périurbanisation en Europe et la recherche de modèles pour la préservation et la gestion des espaces agricoles. »15 Bien sûr, ce projet possède des enjeux spécifiques à sa situation géographique, son historique ou son type d’agriculture, mais il s’agit aussi d’un modèle dont on peut s’inspirer concernant l’aménagement des espaces agricoles quel que soit leur contexte. Ses principes de concertation, la combinaison d’une protection foncière et de projet de développement, la prise en compte de la multifonctionnalité de l’agriculture pour l’aménagement d’espaces à leur tour multifonctionnels en font un projet exemplaire. Les différentes interventions des acteurs de ce projet dans divers pays en font un projet moteur de réflexions à l’échelle européenne concernant l’agriculture périurbaine en particulier : « Tout cela a conduit à l’organisation de conférences et de débats sur l’agriculture périurbaine (Conférences sur l’agriculture périurbaine en mai 2004 à Viladecans, Barcelone) et à la participation des techniciens du Parc, en tant qu’experts, dans le cadre de l’élaboration du rapport d’initiative du Comité Economique et Social Européen sur l’agriculture périurbaine approuvé en juillet 2004, dans le débat périurbain sur les réseaux associatifs (PURPLE), dans l’association française «Terres en Ville» et dans l’association des administrations locales de second niveau «Arc Latin» ainsi que dans des organismes tels que la Fédération des Espaces Naturels et Ruraux Métropolitains et Périurbains (FEDENATUR). »16 On retiendra que la participation des agriculteurs à l’élaboration du projet est primordiale. Le Parc agricole du Baix llobregat est un territoire de coopération horizontale et verticale des acteurs, de dynamiques bottom-up où la participation des agriculteurs est indispensable à la réussite du projet. La gestion supra communale du projet de parc lui-même intégré dans le projet métropolitain illustre la nécessité d’avoir un accord des différentes administrations publiques sur la stratégie et la gestion mise en oeuvre.
15
CALLU S. et PAÜL V. « Le parc agricole du Baix Llobregat » dans Fleury A. (dir.) : Vers des projets de territoires,
vol. 2 des actes du colloque Les agricultures périurbaines, un enjeu pour la ville, ENSP, Université de Nanterre, 2008, p.10 16
Ibid
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II - Le parc agricole, un outil du projet territorialiste, l’exemple du Parco della Piana en Toscane 1. Un projet de restructuration pour un territoire menacé Le projet de parc agricole s’inscrit dans le cadre du Plan directeur de la région Toscane dont l’un des objectifs est « le maintien durable de la structure urbaine polycentrique régionale »17 (Fig.8). La structure urbaine de la région est en effet menacée par les processus d’urbanisation et de conurbation, entrainant notamment la pérméabiliusation des sols ou la fragmentation du paysage et, à terme, la disparition de son système polycentrique qui en fait son identité. Le plan territorial de coordination départementale de Prato propose de restituer les diverses identités des différents territoires qui composent le périmètre du plan. Pour cela, le plan s’appuie sur une nouvelle lecture du territoire, restructuré, dans laquelle le projet de parc agricole constitue un outil pour la redynamisation des systèmes territoriaux locaux et du monde rural. L’idée du parc métropolitain est née dans les années 1970 puis s’est concrétisée dans les années 1990 à travers un document officiel d’aménagement intercommunal. Entre 2007 et 2009, plusieurs communes signent un accord de planification visant à créer un parc agricole nommé Parco della Piana qui s’étend alors sur 8 communes sur une surface de 7000 hectares, il concerne 900000 habitants. Jusqu’au XXème siècle, la lecture du territoire distinguait nettement l’urbain du rural. Divers centres urbains se succédaient à proximité des vallées, compacts et fréquemment limités par des murs d’enceinte. Au delà de ces centres urbains s’étendait l’agriculture, mosaïque de productions diversifiées, rythmée par les métairies. Puis la ville s’est étendue, notamment sur le territoire agricole et l’extension des villes le long des routes au niveau des bourgs situés sur cet axe a conduit à un système de conurbation, provoquant ainsi « l’éclatement progressif de la figure territoriale historique »18. Le principe engagé par le plan pour la régénération de cette structure se base sur une intégration entre urbain et rural et passe par une réorganisation agricole et écologique. Les interventions du projet concernent non seulement la dimension spatiale de la ville et des espaces ouverts mais vise également la régénération socio-économique du territoire. Des actions de valorisation de la production agroalimentaire et le développement de nouvelles filières énergétiques sont ainsi menées en parallèle des aménagements des fronts urbains et la mise en valeur des paysages historiques. L’entrée environnementale est un axe majeur du projet de parc, l’objectif général étant de reconnecter la ville à son environnement, au territoire. Chaque situation est pensée en fonction du contexte environnemental. Par exemple, les actions d’aménagement et les principes d’urbanisme doivent être
17
POLI Daniela, « La dimension locale dans le projet du parc agricole de la Toscane centrale », ERPS Vol.3, Du
terrain à la recherche : objets et stratégies, décembre 2012, p.50 18
BERNETTI I., FANFANI D., MONACCI F., POLI D., RUBINO A., « Le parc agricole, instrument de l’aménagement
stratégique multifonctionnel des espaces périurbains de la Toscane centrale », p.109
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Fig. 8 : Le Parc agricole autour de la ville de Prato (en jaune) et la structure urbaine polycentrique régionale, objet du plan de coordination départementale de Prato
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favorable au maintient de la biodiversité et au renouvellement des cycles écologiques. « L’enjeu est de définir un projet dans lequel le contexte environnemental devient la matrice de résolution de problèmes urbains. »19
2. L’agriculture, levier majeur du projet pour un nouveau dialogue ville-campagne Le projet de parc agricole émerge dans un contexte où deux situations coexistent en ce qui concerne l’agriculture de la région : • Le développement des productions intensives de la plaine & l’abandon des surfaces agricoles collinaires et montagnardes, effaçant les paysages historiques de la région. • L’émergence de pratiques agricoles diversifiées, proposant des services et des productions de qualité, dans un processus durable, engageant de nouveaux dialogues avec les citadins par l’intermédiaire de la nature, du paysage et des loisirs, l’émergence de nouvelles pratiques. Chaque production agricole possède des caractéristiques et des enjeux spécifiques dont le projet tient compte et tire parti : • Les différentes productions agricoles à valeur patrimoniale et paysagère comme les oliveraies et le vignoble sont des éléments clés de la réussite du projet, étant à la fois des images de la représentation du territoire, et des productions écologiquement et économiquement intéressantes. Le travail des agriculteurs et le produit agricole est alors valorisé pour le maintient et l’entretien de ces paysages. • Les productions de la plaine alluviale arable quant à elles, n’ont pas ces caractéristiques de production historique ou patrimoniale, elles sont peu concurrentielles et dépendent des aides européennes. Situées à proximité des centres urbains, les risques majeurs les concernant sont la simplification du parcellaire et la consommation du foncier par l’urbanisation. Le projet propose alors d’orienter ces productions vers le marché local en proposant des produits frais diversifiés et de développer des filières courtes pour les cultures de production d’énergie au service de structures publiques ou privées locales. Suivant son objectif de maintient de la structure urbaine polycentrique, le projet propose une réorganisation du paysage, en travaillant sur le dessin de la ville, les cycles écologiques, les liens sociaux et identitaires et la multifonctionnalité des productions. L’agriculture constitue un levier majeur de cette démarche. Une analyse des agropaysages de l’ensemble de la région20 rend particulièrement bien compte du rôle que pourrait jouer l’agriculture dans le projet de territoire dans une approche multifonctionnelle :
19
BERNETTI I., FANFANI D., MONACCI F., POLI D., RUBINO A., « Le parc agricole, instrument de l’aménagement
stratégique multifonctionnel des espaces périurbains de la Toscane centrale », p.110 20
ibid.
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- Les terres de la Plaine Firenze-Prato-Pistoia, très proches de l’aire urbaine peuvent jouer un rôle structurant de la ville en redéfinissant ses frontières. Elles peuvent jouer un rôle direct dans le dialogue ville-campagne par l’accueil des citadins au sein des exploitations : activités de loisir, autoconsommation. - Les cultures des collines (oliveraies, vignes), historiques, ont une valeur patrimoniale et symbolique pour les populations locales à mettre en scène. - Les terrains assainis et les zones humides de Bientina, Fucecchio et Pisa constituent une ressource pour l’alimentation de la ville ainsi qu’un espace fondamental à l’équilibre écologique (stockage de l’eau pour alimenter la nappe phréatique).
Fig. 9 : Agropaysages de la région
La restauration des paysages identitaires de la région propose alors de répondre à trois objectifs : - Maintenir l’agriculture en valorisant sa production par le développement d’un marché local et la création de valeur ajoutée territoriale. - Etablir un nouveau dialogue ville campagne par la consommation de produits locaux, l’accueil des citadins au sein des exploitations agricoles pour des activités de loisirs, et l’identification de l’agriculture comme symbole de la région. - Rétablir le système identitaire local : les espaces agricoles jouent un rôle spatial en empêchant la fusion des espaces urbanisés (conurbation) et ainsi maintenir le système polycentrique. Les paysages sont ainsi revalorisés pour l’accueil de tourisme rural et offrir ainsi un cadre de vie de qualité pour les habitants. Les enjeux du parc agricole vont au delà de la protection des terres agricoles, il s’agit d’intégrer l’agriculture à la ville et tisser un nouveau rapport entre elles par l’émergence de nouveaux usages et nouvelles pratiques. Le projet articule la production agricole avec le territoire dans un objectif de
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patrimonialisation et valorisation des produits (valeur ajoutée territoriale). Les espaces ouverts jouent un rôle dans la structure urbaine, les terres agricoles n’ont plus une seule vocation alimentaire, elles deviennent non seulement une composante spatiale de la ville mais aussi une sorte de symbole de la région, un patrimoine. Dans sa réalisation, le projet connait néanmoins certaines limites que cite David Fanfani21 qui restent à franchir pour atteindre les objectifs de départ : « - Difficulté d’intégration entre les politiques et les responsabilités des différents niveaux et secteurs de gouvernement - Surmonter la vision répandue chez les citoyens et les élus du rôle de l’agriculture comme marginal vers une vision et un rôle de sujet de développement durable - Surmonter l’attitude de découragement de nombreux agriculteurs et développer un processus de empowerment et de «projets actifs» integrée et multifonctionnels - Enfin, assurer une stabilité adéquate et une protection des zones agricoles par rapport aux pressions urbaines »
3. Du projet de territoire au traitement des franges urbaines Le jeu d’échelle est un élément particulièrement intéressant dans le processus du projet de restructuration de la région de Prato. Outre l’échelle régionale qui régit les grands objectifs du plan, et le parc agricole qui constitue un outil à une échelle plus réduite, une attention particulière a été portée sur les franges urbaines à l’échelle de la parcelle agricole. La réussite du projet territorialiste de la région de Prato réside en partie dans l’articulation de ces différentes échelles de projet et d’action. Ces espaces où la pression foncière est maximale sont aussi le premier lieu de rencontre de l’agriculture et la ville ce qui en fait des espaces stratégiques du projet pour l’établissement d’un dialogue ville-campagne. Le traitement paysager de ces franges permet de rendre la limite ville-espace agricole plus douce et plus floue en encouragent les échanges mais tout en limitant cependant l’étalement urbain (Fig.10). - Les espaces ouverts, forestiers, plantés ou agricole font partie intégrante du projet urbain. - Les plantations (allées d’arbres, haies, aires forestières) permettent de fluidifier la transition urbainrural en dissimulant les infrastructures ou les zones industrielles aux abords de la ville. Elles jouent également un rôle de lien entre les trames urbaines et agraires et en offrant une continuité morphologique et écologique (trame verte). - Les espaces agricoles lorsqu’ils sont enclavés dans la ville sont maintenus pour un usage récréatif des citadins (jardins, parcs, potagers). Sinon, les espaces agricoles contiennent l’espace urbanisé, comme une limite à l’étalement urbain.
21
FANFANI David, « Le par agricole pour l’aménagement partagé des zones périurbaines : le cas de la Toscane »,
Présentation pour l’Université de Louvain, 2012, p.53
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Fig. 10 : Le traitement paysager des frange urbaine, pour la mise en place d’un dialogue villecampagne
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III - La protection des terres agricoles pour la défense d’un mode d’habiter : le plateau de Saclay en région parisienne 1. Un territoire stratégique à l’avenir contesté Le plateau de Saclay situé au Sud Ouest de la métropole de Paris (Fig.11) est un territoire historiquement agricole dont les terres figurent parmi les plus fertiles du pays et ce depuis le drainage du plateau à l’époque de Louis XIV. Peu attrayant pour les touristes, les artistes ou les citadins qui n’y voyaient qu’un vaste désert monotone de grande culture productiviste, ce territoire restera fermé sur lui-même jusqu’au milieu du XXème siècle. Mais en 1949, un Centre d’Essai Nucléaire s’implante sur le plateau suivit de nombreux autres pôles scientifique ou organismes de recherche. A ce moment là, on prévoit dans le Plan Directeur d’Organisation Générale de la région parisienne (PADOG) de 1965 d’intensifier l’urbanisation de ce territoire, propice à la « création d’un ensemble urbain de grande importance » 22. L’urbanisation grandissante menace les espaces agricoles dont la surface diminue de plus en plus. Les bâtiments édifiés consomment directement le foncier agricole mais entrainent aussi l’arrivée de nouveaux habitants, scientifiques, chercheurs, et la médiatisation du territoire attire parallèlement des citadins qui souhaitent s’éloigner de la densité urbaine de Paris. Refusant une urbanisation massive de leur territoires ouvert, au caractère agricole, les habitants se sont peu à peu réunis en associations avec pour objectif la défense de l’environnement et du cadre de vie. Après de multiples confrontations entre associations, élus et État, un nouveau schéma directeur est proposé, et contrairement au Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile-deFrance (SDAURIF) de 1965 qui prône l’urbanisation du territoire, son objectif est de maitriser l’extension des équipements scientifique et « éviter de défigurer le cadre paysager du plateau »23. Par concertation des communes, on décide que « le plateau de Saclay doit garder sa vocation agricole » (Jean Simonin, ancien président du conseil général) en 1988, et on fixe à 2000 à 2500 hectares la vocation agricole du plateau. Certains journalistes qualifient alors le plateau de Saclay comme la « métropole urbaine de l’espace naturel » (Beringuer 1989), ou encore « le plateau de Saclay : un art de vivre » (Bougier 1989).
2. Une revendication portée un désir de paysage ouvert Si les agriculteurs ont fait partie des premiers (concernés) à revendiquer la protection de leur terres, très vite, les habitants du plateau de Saclay ont pris le relais, refusant de laisser leur lieu de vie s’urbaniser entièrement. Les étendues agricoles, les espaces boisés, les anciennes fermes créent sur le plateau une
22
Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la region Île-de-France, 1965
23
BOURAOUI Mouez, « L’invention paysagiste du plateau de Saclay. De la création des rigoles au plan d’actions
paysagères », Courrier de l’environnement de l’INRA, n°36, mars 1999 p.74
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Fig. 11 : Situation géographique du Plateau de Saclay, aux portes de la métropole de Paris
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atmosphère qu’on pourrait qualifier de rurale, offrant une alternative à la ville dense que représente Paris, tout en étant à ses portes. Les exploitations agricoles et les cultures représentent l’image et l’histoire du plateau auxquelles ses habitants sont attachés. Bien conscients de la qualité de leur cadre de vie, ces derniers voient d’un mauvais oeil l’avancée des diverses constructions. Dans le cadre de sa thèse sur le Plateau de Saclay, Mouez Bouraoui a réalisé une enquête auprès des habitants du plateau afin de recueillir leurs avis sur différentes photographies représentants divers paysages locaux. Certains témoignages expriment un désir de paysage ouvert, dénué de bâtiment industriel, peu urbanisé, idéalement non bâti, comme le montre le rejet de la photographie ayant pour arrière plan des immeubles ou bâtiment industriels (Fig.12) : « Je n’ai pas envie de voir ces espèces de bâtiments que sans cesse menacent le plateau » « je n’aime pas voir ces bâtiments industriels et ces HLM sont très mal integrés dans le paysage » « je n ‘aime pas ces immeubles qui gâchent tout le paysage de la zone agricole » « je trouve que ces immeubles, hauts et imposants, abiment le paysage rural du plateau » 24 L’amélioration ou la préservation du cadre de vie devient alors un argument supplémentaire en faveur de la protection des terres agricoles comme l’exprime le témoignage d’un habitant de Jouy-en-Josas25 : « même si je trouve que l’agriculture du plateau n’est pas attrayante, elle présente au moins le mérite de nous protéger de l’urbanisation et de préserver l’intégrité des paysages connus des vallées qui l’entourent » 26 Un argument qui sera d’ailleurs repris dans les politiques d’aménagement du plateau; quitte à supplanter la raison agricole : le maintient d’une agriculture de qualité et d’une activité économique majeure du territoire, porteuse de lien social et structurant le territoire. En 1997, un Plan d’Actions Paysagères (PAP) est envisagé par le District du Plateau de Saclay (DIPS). Il s’agit d’un nouveau programme d’aménagement du plateau où le terme paysage est récurrent et dont l’objectif est de mettre en oeuvre une politique d’aménagement et de valorisation du paysage. Cet objectif passe notamment par la préservation de l’activité agricole et ses espaces comme des éléments garants de la qualité du cadre de vie quotidien du plateau de Saclay. Suivant ces principes de maintient et valorisation du cadre de vie, des actions paysagères vont guider l’aménagement du territoire et fédérer les habitants et les agriculteurs autour d’une ambition commune : la préservation des terres et de l’activité agricoles.
24
BOURAOUI Moez, L’agriculture, nouvel instrument de la construction urbaine. Etude de deux modèles agri-
urbains d’aménagement du territoire. Le plateau de Saclay, à Paris, et la plaine de Sijoumi, à Tunis, Thèse dirigée par P. Donadieu, ENGREF, soutenue en 2000. p.250 25
Dans le cadre de la thèse menée par BOURAOUI Moez, L’agriculture, nouvel instrument de la construction
urbaine. Etude de deux modèles agri-urbains d’aménagement du territoire. Le plateau de Saclay, à Paris, et la plaine de Sijoumi, à Tunis, Thèse dirigée par P. Donadieu, ENGREF, soutenue en 2000. 26
ibid, p.252
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Fig. 12.1 : Frange sud de Buc, depuis la plaine d’Orsigny, 2000
Fig. 12.2 : Frange sud de Toussus-le-Noble, 2012
Fig. 12.3 : Environs de la ferme du Viltain, Jouy-enJosas
Fig. 12.4 : Commissariat à énergie atomique, 1960
Fig. 12 : Images des différentes ambiances et différents paysages du Plateau de Saclay au fil du temps
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3. (op)pression urbaine constante Aujourd’hui, l’avenir du plateau de Saclay est toujours guidé par les ambitions portées par projet Grand Paris. « Paris-Saclay, un projet d’interêt national » exprime le site internet de l’Etablissement public d’aménagement de Paris-Saclay, dont les objectifs sont les suivants : « renforcer l’offre universitaire et la recherche, augmenter fortement la capacité du territoire à produire du développement industriel et social et conforter sa position parmi les 8 clusters mondiaux de l’innovation » 27 Un projet qui prévoit également des projets immobiliers universitaires, la création d’une ligne de métro (Grand Paris Express). Ainsi cohabitent sur ce territoire un maillage de pôles industriels, universitaires ou scientifiques intégrés dans un projet d’ampleur internationale répartis autour d’un coeur agricole faisant l’objet d’un plan de protection (Fig.13). En effet, en 2012, la loi relative au Grand Paris crée une Zone de Protection, Naturelle, Agricole et Forestière (ZPNAF) qui rend inconstructible et non urbanisable 4415 ha dont 2 469 hectares agricoles au coeur du plateau de Saclay. Une surface calculée sur la base du fonctionnement agricole, grâce à l’implication des agriculteurs, une région agricole céréalière ne pouvant fonctionner en deçà de 2000 hectares. Dans ce contexte émergent associations, actions spécifiques ou mise en place d’outils qui encouragent à la fois la protection foncière des terres et le développement agricole du plateau de Saclay. - L’association Terre et Cité née en 2001 à l’initiative d’agriculteurs réunie élus, association & autres acteurs locaux autour d’une réflexion sur l’avenir des espaces ouverts du territoire à l’échelle du plateau de Saclay, une petite région agricole. Elle prône une orientation de l’agriculture vers un marché local, soutient le développement de filières locales et l’installation et le développement de production maraîchère pour une agriculture de proximité commercialisée sur le marché local. - L’agence d’espace vert quant à elle à pour vocation de « maintenir et préserver les espaces naturels périurbains » suivant un objectif de proposer un cadre de vie de qualité. Mis en place par la région Ile de France en 1976. Mais c’est en 1990 que l’AEV intègre les terres agricoles dans ces espaces naturels qui contribuent au cadre de vie. Elle permet de limiter la spéculation foncière en étant autorisée à acquérir des terres agricoles dont l’activité est en péril, car sans repreneur et en conservant ces espaces en terres cultivables avant d’être investis par un nouvel agriculteur. En 2013 elle possédait 640 hectares. - Une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) voit aussi le jour, et son implication ne se réduit pas seulement au système de vente. En effet, en créant une SCI (société civile
27
Citation du MIT Technology Review, juillet 2013 issue de la page web de l’Etablissement public d’aménagement
de Paris-Saclay, URL : http://www.epaps.fr/ (consulté le 09/05/2018)
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immobilière), suivant les même objectif que l’agence d’espace vert, elle rachète des terres grâce à une mobilisation de la société civile afin de maintenir leur vocation agricole. Cependant la multiplication des actions ne résout pas définitivement le problème de maintient de l’agriculture. Toutes les terres agricoles ne font pas partie du périmètre de la ZPNAF et ces dernières semblent irrémédiablement faire partie de divers projets d’aménagement qui les détournera de leur fonction agricole au profit d’espaces bétonnés. Certains évoquent même un effet catalyseur de la ZPNAF pour l’urbanisation des terres non protégées.28
Fig. 13 : Périmètre de ZPNAF et territoires stratégiques du projet Paris-Saclay
28
Tribune de JACHYM Marc, membre du collectif Urgence Saclay !, un regroupement d’associations et de
citoyens pour la défense de la vocation agricole du plateau de Saclay, « Expo universelle 2025 : un discours vert pour étaler du béton », Reporterre [article en ligne], 28/09/2017, consulté le 09/05/18
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Tout l’enjeu du plateau de Saclay réside en sa capacité de maintenir un équilibre entre un projet de cluster d’ampleur internationale, un lieu de vie et d’habitat désiré et une activité agricole multifonctionnelle. La coordination des pouvoirs publics à l’échelle de la métropole et à l’échelle locale ainsi que la participation des acteurs locaux (habitants, agriculteurs) ont jusque là permis le partage de ce territoire et la cohabitation des diverses pratiques. Toutefois la situation stratégique du plateau de Saclay apparait encore comme une menace pour les espaces ouverts et agricoles de ce territoire dont équilibre reste fragile.
Fig. 14 : Manifestation contre le projet du Grand Paris portée par l’organisation Terres Fertiles
Fig. 15 : 4 maires s’unissent contre le projet de métro aérien passant non sans conséquence sur les terres agricoles du plateau de Saclay
IV - Les Parcs naturels régionaux, première gestion supra communale du territoire qui met en scène l’agriculture 1. Une approche nouvelle des territoires ruraux pour un aménagement cohérent et durable Développés par la DATAR dans les années 1960 et officialisés le 1er mars 1967 par le Général de Gaulle, les Parcs Naturels Régionaux sont aujourd’hui menés par les élus locaux essentiellement régionaux et départementaux depuis la décentralisation de la France et la régionalisation des PNR. Les PNR développent une vision globale d’un territoire cohérent pour en définir les orientations en matière d’urbanisme et d’aménagement. Des territoires majoritairement ruraux, habités, où l’agriculture fait l’objet d’attention particulière en raison de sa fragilité ou de son caractère remarquable pour le cadre de vie et son rôle dans l’équilibre environnemental et socio-économique du territoire.
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Les PNR ont été une première initiative d’aménagement du territoire à l’échelle intercommunale, à l’heure où la France était encore centralisée. Ils figurent comme la première véritable mise en projet des territoires ruraux à partir d’une approche environnementale et écologique. L’articulation du projet autour des principes de développement durable représente en effet un enjeu fondamental voire fondateur des PNR. En outre, ils offrent une alternative au Parcs Naturels Nationaux réservés aux territoires non habités. Les Parcs Naturels Régionaux abordent le territoire suivant de nouveaux périmètres, au delà des limites administratives. Ils définissent un territoire de projet écologiquement et géographiquement cohérent, fédéré par des enjeux communs qui supplantent le découpage administratif. En articulant les multiples dimensions du territoire (culturelle, sociale, touristique, agricole, écologique etc..) les PNR développent une approche globale des territoires portée par une équipe pluridisciplinaire (urbanistes, paysagistes, architectes mais aussi agriculteurs, élus, artistes etc..).
Fig. 16 : Les 51 Parcs naturels régionaux français
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L’ensemble des PNR suivent une même démarche, appliquent des principes communs à tous. Cependant l’interêt du projet de parc réside aussi en sont adaptation à chaque situation. Chaque parc possède ses propres enjeux, avec des caractéristiques, des risques ou des atouts différents auxquels le projet s’adapte. Ces orientations spécifiques sont déterminées dans la Charte du parc qui, à partir d’un diagnostic du territoire, définit les objectifs à atteindre et s’applique sur une durée de 15 ans.
2. La valorisation d’une agriculture « durable » au service d’un territoire identitaire Au moment de leur création les Parcs soutiennent un modèle d’agriculture alternatif au modèle productif et moderne soutenu par la PAC dans les années 1960. Ils n’ont pas créé le modèle d’agriculture « durable » mais tente de le promouvoir. « Les agriculteurs, forestiers, chefs d’entreprise seront incités, par des conventions passées entre le Parc et les organisations professionnelles, à une meilleure prise en compte de l’environnement et des paysages dans leur pratique (à travers des contrats pour l’entretien des milieux naturels, la maîtrise des pollutions, la diversification des boisements, l’intégration des bâtiments, les économies d’énergie…). »29 Des mesures agri-environnementales sont portées par les Parcs afin d’orienter l’agriculture en fonction des enjeux environnementaux de chaque territoire. Un cahier des charges s’applique à la parcelle ou aux éléments structurants de l’espace agricole (haie, bosquets, fossés, plans d’eau…)30. Outre ces orientations impulsées par la cause environnementale, l’agriculture, sa production et ses modes de commercialisation vont devenir des outils à la valorisation et l’attractivité des territoires. Car en effet, les Parcs naturels régionaux sont de plus en plus considérés comme « des outils de valorisation touristique »31 des territoires. Une approche encouragée depuis 1989 par les ministères du tourisme et de l’environnement comme un tourisme de nature : n’étant pas un tourisme de masse, il développe une approche pédagogique, incitant le public à « adhérer à la démarche de protection de la nature »32. Les produits agricoles jouent un rôle important dans la diffusion de cette image, ils sont parfois même le symbole même du territoire comme en témoignent les logo de certains Parcs (Fig.17). Ces produits sont d’ailleurs fortement valorisée par la démarche PNR qui contribue au développement des circuits courts et à la recherche de produits de qualité en valorisant les labels d’agriculture biologique ou encore en prônant la découverte de variétés de fruits et légumes oubliés. Les Parcs développent ainsi la Marque
29
Parcs naturels régionaux de France, « Questions-réponses sur les Parcs naturels régionaux », argumentaire de
novembre 2012, p.24 30
d’après « Les mesures agri-environnementales dans les Parcs naturels régionaux »
31
LAURENS Lucette, Les Parcs naturels, du concept à la mise en pratique d’une agriculture environnementale,
Annales de Géographie, n°584, juillet-aout 1995, ed. Armand Colin, p.341 32
ibid.
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Parc, gage de qualité environnementale, sociale et économique, basée sur les particularités du territoire et destinés à certains produits agricoles.
Fig. 17 : L’agriculture, ses pratiques ou ses produits, image traditionnelle et symbolique des PNR mise en avant par les logos
Dans la note d’orientation agricole des Parcs33, l’agriculture apparait comme une composante essentielle à l’existence des Parcs. Mais il se n’agit de n’importe quelle agriculture qui est ici mise en valeur. Les images exposées donnent à voir une agriculture paysanne, dont la production est très spécifique de chaque territoire et porteuse de paysages très typiques. Les orientations de l’agriculture suivent bel et bien les principes durables que souhaitent développer les PNR, mais l’agriculture concernée ou en tout cas mise en avant par la communication des Parcs est bien choisie. Elle véhicule une image de territoire à l’identité très marquée, avec une connexion très forte entre l’environnement, la production agricole, les paysages, elle même porteuse de lien social. En somme, une agriculture territorialisée (Fig.18) mais
33
Parcs naturels régionaux de France, « L’agriculture au coeur des Parcs naturels régionaux », note d’orientation,
juillet 2017
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qui ne reflète pas forcément toutes les agricultures ou véhicule même parfois une vision idéalisée : « ils [les PNR] interviennent ou aident à intervenir avec d’autres acteurs (chambres d’agriculture, syndicats de producteurs, groupement de développement agricole) pour maintenir des pratiques agraires parfois déclinantes mais à leur yeux toujours vertueuses »34
Fig. 18 : Images et commentaires issus de la note d’orientation « L’agriculture au coeur des Parcs naturels régionaux » des PNR, la mise en scène d’une agriculture territorialisée : on met en avant le lien entre la production agricole et les particularités du territoire : sa géomorphologie, son histoire, ses traditions à travers des pratiques de l’agriculture «paysanne», à la main, sans intervention de machines ou de produits chimiques.
34
BARON Nacima, LAJARGE Romain, Les parcs naturels régionaux, des territoires en expériences, éd. QUAEN,
2015, p.205
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3. Une démarche qui ordonne divers outils urbanistiques autour d’un projet cohérent Depuis la fin des années 2000 environ, les PNR oeuvrent à la mise en place du dialogue urbain-rural en développant une approche urbanistique pour les territoires35 dans un contexte d’urbanisation croissante et de pression foncière qui transforme la structure des territoires et leurs enjeux. Les Parcs préconisent une forme d’urbanisme durable (Fig.19, page suivante) basée sur une gestion économe de l’espace, l’efficacité énergétique et la préservation de la biodiversité. Trois problématiques majeures concernent l’ensemble des Parcs et focalisent les études et les actions en matière d’urbanisme : - la densification des formes urbaines - la revitalisation des bourgs anciens - le développemet de mobilités durables dans les territoires ruraux En terme d’urbanisme, on est très proche des préconisations données au niveau national aujourd’hui. En effet, en 2009, la loi Grenelle donne un objectif commun à l’ensemble des territoires en matière d’aménagement et d’urbanisme : la protection des terres agricoles et la limitation de l’étalement urbain. Pour mettre en place cette forme d’urbanisme durable au sein de leur territoire, Les PNR sollicitent divers outils et démarches. Un travail d’information aux habitants ainsi qu’aux élus est réalisé, afin de sensibiliser chacun aux enjeux que porte l’urbanisation durable. Cette communication est renforcée par un accompagnement des collectivités locales lors de la mise en oeuvre des projets. En parallèle, un diagnostic territorial est encouragé, essentiel à la rédaction de documents d’urbanisme, eux même complétés par divers outils urbanistiques. Les Parcs se saisissent en effet des outils d’urbanisme tels que les Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) à l’échelle intercommunale ou les Plan Locaux d’Urbanisme (PLU) à l’échelle communale afin de définir plus précisément les règles d’urbanisme applicables au territoire. En outre, l’outil de Trame verte et de trame bleue fortement développés par les PNR est aujourd’hui repris par l’ensemble des territoires pour leur propre démarche. La Charte de chaque Parcs quant à elle donne les ordonnances à respecter dans l’élaboration de ces divers documents. Toutefois, la superposition des périmètres des SCoT ou PLUi avec celui d’un PNR peut engendrer quelques difficultés quant à l’articulation de ces derniers avec la Charte du PNR, celle-ci étant parfois différente des orientations politiques locales. Car en effet, bien que l’intégration d’une commune au périmètre du PNR soit initiée, négociée, voulue et mise en oeuvre par les élus locaux qui élaborent collectivement la Charte, cette commune se doit de respecter cette Charte durant la durée de sa validité (15 ans) et ce, quand bien même les orientations politiques de la commune changent, ce qui peut parfois entrainer des divergences. Il s’agit cependant de l’un des éléments clé de la réussite et la garantie d’un tel projet pouvant ainsi se développer sur la durée.
35
« Approche de l’urbanisme dans les Parcs naturels régionnaux », étude menée par les Parcs Naturels Régionaux
en février 2014
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Une approche aujourd’hui rejoint par les orientations publiques nationales en matière d’urbanisme et qui concerne l’ensemble du territoire, y compris hors PNR : protéger le foncier agricole pour limiter l’étalement urbain afin de préserver la structure urbaine des territoires et ralentir le phénomène d’artificialisation des sols. Des principes qui ne sont pas toujours suivis par les politiques locales dont dépent essentiellement les projets d’urbanisme et d’aménagement.
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Fig. 19 : Dessin d’orientation pour l’urbanisme des PNR pour la mise en place d’un « urbanisme durable ».
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PARTIE 2 Le cas du pays de Cocagne : l’identification d’un territoire agricole face un processus de métropolisation multipolaire
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Une nouvelle approche des territoires et des espaces agricoles L’urbanisation globalisée et le phénomène de métropolisation qui s’intensifie depuis la fin du XXème siècle participent à des changements profonds de la structure du territoire français. Les territoires ruraux que l’on croyait désertés vont connaitre de nouveaux usages entrainés par une mutation de leur population. Financièrement plus accessibles, offrant un mode de vie alternatif à celui des villes et des métropoles, ils se révèlent particulièrement attractifs pour de nombreux citadins. Désormais, la démographie des campagnes s’accroit chaque année avec pour conséquence l’urbanisation croissante de ces territoires. Peu maitrisée jusque dans les année 2000, cette urbanisation aura de lourdes conséquences sur la structure des territoires, modifiant le maillage urbain jusque là composé de centres bourgs en s’étalant le long des voies de communication, transformant les paysages et consommant petit à petit les terres agricoles. Ces dernières constituaient de manière générale une réserve foncière pour l’urbanisation, cependant la loi Grenelle II de 2010 réoriente le statut des terres agricoles dans la construction urbaine. En « [favorisant] un urbanisme économe en ressources foncières et énergétiques », en reconnaissant leurs enjeux environnementaux et en donnant aux territoires des outils pour permettre leur préservation, les espaces agricoles font désormais l’objet de protection. Les territoires quant à eux se voient attribuer de nouvelles responsabilités en matière d’aménagement et d’urbanisme dans un contexte de décentralisation. En 2000, la loi SRU (relative à la solidarité et au renouvellement urbain) impose aux territoires de « relier objectifs socioéconomiques et de mise en valeur environnementale à travers l’énoncé d’un projet de territoire urbain et rural porté par les collectivités territoriales »36. Dorénavant en charge de leur propre développement, les territoires s’adaptent et se réorganisent. Territoire de projet, Pays, Intercommuanlités, on détermine de nouveaux périmètres d’actions, cohérents avec la dimension environnementale ou identitaire d’un territoire, audelà du découpage administratif et on met en place de nouveaux outils de projet jusque là réservés aux territoires urbains. Le cas du Pays de Cocagne Afin de mieux comprendre comment les territoires français appréhendent la question agricole dans leur projet et leur politique d’aménagement, nous allons nous intéresser à un cas d’étude précis situé dans le département du Tarn en Occitanie. Notre périmètre d’étude correspond au découpage territorial proposé par le Pays de Cocagne37, territoire de projet créé en 2004 et réunissant aujourd’hui 3 communautés de communes (Tarn Agout à l’ouest, Sor et Agout au sud et le Lautrecois au nord).
36
BONNEAU Emmanuelle, « Les leviers agricoles d’une pensée paysagère de l’urbanisme », Projets de paysage,
13/01/2018, p.2 37
Les Pays ont été créés en 1995 par la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire
(dit loi Pasqua-Hoeffel) puis définis dans leur forme actuelle par la Loi Voynet en 1999.
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« Pays de cocagne, pays d’abondance (…) le Pays de Cocagne doit avant tout son nom aux coques, étape du traitement du pastel qui permet d’en tirer une teinture : le célèbre bleu pastel. »38 Le Pastel est le nom donné à plante Isatis Tinctoria (Fig 20), qui était jusqu’au XVIème siècle la seule source de teinte bleu en Europe. Surnommée « l’or bleu » elle fait la richesse de la région appelée alors le « triangle d’or » Albi-Carcassonne-Toulouse (Fig.22). L’essor économique de l’ensemble des villes et villages de la région est issu de la commercialisation du Bleu de Pastel, reconnu à l’époque comme le bleu parfait. L’actuel Pays de Cocagne est ainsi lié par l’histoire de la région. Les richesses issues du Pastel sont toujours visibles sur le territoire, à travers des édifices bâtis à cette époque comme le Château de Puylaurens ou Cathédrale de Lavaur. L’expression « Pays de cocagne » renvoie à un imaginaire paradis sur terre où la nature est généreuse et où règne l’abondance et la profusion. Le surnom donné à la région du Pastel correspondait alors à cette vision, qu’elle soit ou non à l’origine de cette expression. Cependant, la puissance fulgurante de cette région fut aussi éphémère. Le déclin du Pastel commencera dès la seconde moitié du XVIème siècle où il sera détrôné par l’Indigo importé des Indes. Aujourd’hui, seulement quelques cultures d’Isatis Tinctoria et quelques artisans pastelliers sont toujours présents sur le territoire du Pays de Cocagne actuel. La plante Isatis Tinctoria quant à elle est aujourd’hui l’objet de nouveaux usages comme la cosmétique.
Fig. 20 : La plante Isatis Tinctoria
Fig. 21 : La cocagne, coque réalisée à partir de fleur de pastel et qui facilitait son transport
Fig. 22 : Le «triangle d’or» et les sites remarquables issus de l’essor du commerce de Pastel au XVIème siècle
38
Propos issus de la page « Pays de Cocagne, du Pastel au Safran » du site internet tourisme-tarn.com, URL :
https://www.tourisme-tarn.com/a-voir-a-faire/nos-territoires/cocagne
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Un territoire de projet qui se saisit des enjeux du contexte métropolitain. La situation géographique actuelle du territoire, au croisement des flux de 2 grandes agglomérations (Albi et Castres) et d’une métropole (Toulouse) mêlée à son caractère majoritairement rural et agricole font du Pays de Cocagne un cas particulièrement intéressant dans le cadre de notre étude (Fig.23). L’agriculture, qui occupe 63% de la surface au sol interagit avec le territoire par l’intermédiaire de problématiques variées: socio-économiques, environnementales et paysagères. Toutefois, la croissance démographique de la région impulsée par la proximité des bassins d’emplois Castrais et Toulousain constitue un enjeu majeur pour le territoire dont les espaces agricoles subissent la pression foncière d’une urbanisation croissante.
Dans un premier temps nous étudierons les intentions du Pays de Cocagne, en ce qui Fig. 23 : Un territoire situé au coeur du réseau concerne le projet de territoire déterminé par métropolitain des enjeux spécifiques et l’orientation que donne le projet à l’agriculture. Pour ce, nous nous baserons sur un diagnostic du territoire et sur l’analyse de la Charte de Pays. Des entretiens menés avec différents acteurs du territoire constituent la base de la suite de notre analyse39. Agriculteur, représentants de la chambre d’agriculture ou encore membres des collectivités locales en tant que techniciens ou administrateurs, l’objectif était de réunir un maximum de points de vues à propos du projet de Pays et de sa mise en oeuvre. Nous avons pu comprendre de manière plus détaillée comment le Pays ou les intercommunalités mettent en action les orientations de la Charte et quelles sont les interactions entre eux et les agriculteurs ou leurs représentants. La deuxième partie de cette étude portera sur la mise en oeuvre du projet en ce qui concerne l’agriculture locale, à travers les documents d’urbanisme et des actions ou intentions de développement économique. Enfin dans un troisième temps, nous essaierons de comprendre quelles sont les raisons de la difficulté d’établir un projet agricole de territoire en Pays de Cocagne.
39
Entretiens dont les comptes rendus sont à retrouver en annexe, pages 80-91
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Fig. 24 : Périmètre du Pays de Cocagne, un « Territoire charnière »
Fig. 25 : Une urbanisation favorisée par les axes connectés aux bassins d’emploi
Fig. 26 : Des mobilités polarisée par les agglomérations d’Albi et Castres et la métropole toulousaine
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A - Pays de Cocagne, territoire de projet I - Les enjeux d’un territoire en frange métropolitaine 1. Territoire en mutation Le Pays de Cocagne est un territoire situé au croisement de deux agglomérations et d’une métropole, une situation géographique qui provoque depuis la fin du XXème siècle des mutations considérables (Fig.24). Particulièrement polarisé par les bassin de vie et d’emplois que représentent les villes de Castres à l’Est du territoire et Toulouse, à l’ouest, le Pays est qualifié de « territoire charnière »40. Si l’urbanisation s’est jusque là principalement intensifiée le long des axes de communication, le phénomène tend à se diffuser sur l’ensemble du territoire. On constate ainsi 7% d’augmentation de la population sur la période 1990-1999 et plus de 12% de variation positive en 1999 et 2007 (source Charte du Pays41). En 20 ans, 20000 nouveaux habitants se sont installés sur le territoire, soit 2% de taux de croissance annuel; les flux migratoires représentent 4/5ème de la croissance démographique. L’accueil de nouveaux habitants constitue un des enjeux majeur du territoire. Travaillant dans les villes voisines (autour de Castres et Toulouse) il sont à la recherche d’un cadre de vie de qualité, ou encore de terrains plus accessibles sur le plan financier. Le caractère rural du territoire représente un atout pour son attractivité, les paysages agricoles qui dessinent le territoire et l’image de campagne attirent les nouveaux habitants. Ces derniers y établissent leur résidence principale ou secondaire pour les plus aisés habitant le reste du temps dans la métropole toulousaine. Les communes situées à proximité des axes routiers sont privilégiées et les constructions s’étendent et s’étalent le long de ces axes en étirant la structure des bourgs et villages de manière très linéaire (Fig.25). L’urbanisation non maitrisée du territoire des 20 dernières années a conduit à des situations menaçants sa structure urbaine, ses paysages et ses terres agricoles.
2. Objectif territoire attractif Par définition, un Pays est un territoire cohérent géographiquement, économiquement, culturellement ou socialement au sein duquel les collectivités locales et les acteurs socio-économiques (entreprises, associations, habitants…) travaillent ensemble pour un développement harmonieux.
40
Contrat de ruralité, PETR du Pays de Cocagne, 2017-2020
41
Pays de Cocagne, Contrat de Pays, 2004.
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« Le Pays de Cocagne, créé en 2005, contribue au regroupement des forces et des moyens sur son territoire, dans un souci de cohérence et d’efficacité. (…) Le Pays de Cocagne est ainsi un espace de projet qui doit permettre d’étoffer les actions des collectivités locales et d’organiser une mutualisation de leurs moyens. Ceci au profit d’une ambition territoriale, qui mobilise un grand nombre d’acteurs. » 42 Dans le cadre du territoire étudié, le projet de Pays propose une démarche face à l’urbanisation du territoire et à ses mutations. En se regroupant, les 3 communautés de communes qui le constituent s’associent autour d’un projet commun. Conscient de l’attractivité que représente le territoire pour les citadins travaillant à Toulouse ou Castres, le projet de territoire a pour objectif premier la mise en valeur de cette attractivité. Le projet compte tirer partie de cette attractivité afin de développer le dynamisme du territoire, diversifier ses usages, développer le tourisme de proximité. « l’enjeu majeur du Pays de Cocagne est de maitriser et d’optimiser les effets induits par la métropolisation et l’étalement urbain des agglomérations de Toulouse et de Castres-Mazamet. »43 En revanche, le caractère rural du territoire incarné par l’omniprésence agricole ou le maillage de villages et de hameaux constitue selon la charte un des principaux atouts du territoire à préserver. L’enjeu du projet réside alors à développer et maîtriser sa capacité d’accueil de nouveaux habitants en répondant à des demandes de logements, services et de transports tout en protégeant les paysages naturels et agricoles et la structure urbaine historique du territoire. « Face à ce dynamisme, le Pays doit faciliter l’accueil et l’intégration de nouvelles populations, dans le respect des fondements de son identité qui participe activement à son attractivité. »44
II. Des intentions d’agriculture territorialisée 1. L’agriculture, un enjeux majeur du territoire Dans la Charte de Pays, l’agriculture est présentée comme une des activités principales du territoire, porteuse d’enjeux de préservation et de développement. On note dans le diagnostic l’omniprésence de l’agriculture et le poids qu’elle représente à l’échelle du Pays d’un point de vue économique mais aussi social à travers les filières qu’elle crée et les emplois ainsi produits. Elle représente la deuxième activité économique du territoire avec 10,6% des secteurs d’activités, juste derrière l’industrie (14,7%), le double de la situation départementale (5,7%).
42
Convention Territoriale du Pays de Cocagne, 2008-2013, p.4
43
Contrat de Ruralité, PETR du Pays de Cocagne, 2017-2020, p.12
44
Convention Territoriale du Pays de Cocagne, 2008-2013, p.5
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En outre, la production agricole très diversifiée (Fig.27) sur l’ensemble du territoire marque les unités paysagères (Fig.28). Si les grandes cultures représentent un quart de la production à l’ouest (Lavaur) et sur la plaine Castraise (Vielmur), une tradition d’élevage reste majoritaire au sud au niveau de la Montagne Noire (Dourgne), tandis que les polycultures et polyélevage domine le nord du territoire (Lautrec).
Fig. 27 : Diversité de productions agricoles
Fig. 28 : Différentes entités paysagères
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Concernant les paysages locaux, l’Atlas des paysages Tarnais45 fait l’inventaire des différentes entités paysagères constitutives du département et met en relation les enjeux agricoles, urbains et paysagers46 (Fig.29 et 30). Cette approche permet non seulement de se rendre compte de la variété des situations que l’on peut retrouver en Pays de Cocagne mais aussi de montrer en quoi l’agriculture est une composante majeure de la structure du territoire.
Fig. 29.1 : Plaine du Tarn
Fig. 29.2 : Collines du centre
Fig. 29.3 : Lauragais
Fig. 29.4 : Lauragais
Fig. 29.5 : Plaine du Sor
Fig. 29.6 : Plaine du Sor
45 46
CAUE du Tarn, Atlas des paysages tarnais, 2004 Se reporter à la page suivante, Fig.30
Fig. 29.1 : Plaine du Tarn
Fig. 29.2 : Collines du centre
La plaine du Tarn constitue l’entrée du département et occupe l’extrémité ouest du Pays de Cocagne. Elle connait une croissance urbaine rapide et de fortes mutations principalement dues à la proximité de Toulouse et aux nombreuses infrastructures qui la desservent. Les paysages sont cependant fortement marqués par le parcellaire géométrique et ordonné d’une agriculture encore très présente et dynamique.
Les collines du centre abritent des productions agricoles diversifiés dont les pratiques modernisées n’ont pas encore recomposé un paysage uniformisé. Une atmosphère calme et paisible se dégage de ce territoire traversé d’un réseau de petites routes. Il représente un espace attrayant et attire de nouveaux habitants.
Fig. 29.3 & Fig. 29.4 : Le Lauragais Le Lauragais est la région historique qui a inspiré le nom du territoire administratif du Pays de Cocagne. Il était autrefois surnommé ainsi grâce à la production de Pastel, la plante à l’origine de la richesse locale. Aujourd’hui les collines abritent encore les anciennes fermes éparses (métairies) mais la production agricole s’est orientée vers des pratiques intensives. Les grandes cultures et l’élevage occupent un parcellaire simplifié et géométrique plaqué sur le système collinaire. Les paysages sont épurés, quasi exclusivement agricoles, ponctués de quelques villages en belvédère et d’habitat dispersé.
Fig. 29.5 & Fig. 29.6 : La plaine du Sor La plaine du Sor connait des transformations rapides probablement dues à l’axe Revel-Castres qui la parcourt. Les espaces agricoles se délimitent encore par leur trame bocagère mais les cultures s’intensifient; le bâti traditionnel est ré-investi mais la pression périurbaine se ressent de plus en plus. La recomposition de ce territoire agricole consitue un enjeu majeur des années à venir.
Fig. 29 : Aperçu des différentes entités paysagères qui composent le territoire, particulièrements
identitiées par sa géomorphologie et son agriculture
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Néanmoins, bien que la diversité des paysages soit un atout du territoire qu’il souhaite mettre en avant, ces derniers ne sont pas acteurs de projet : on souhaite les préserver mais sans pour autant les solliciter dans les actions engagées ou développer de véritables projets de paysage. Et bien qu’ils soient associés à l’agriculture dans la Charte car elle en compose la plupart, celle-ci n’a pas non plus de rôle donné envers eux, que ce soit pour leur protection ou leur valorisation.
Fig. 30.1 : Plaine de l’Agout
Fig. 30.2 : Plaine de l’Agout
Fig. 30.3 : Montagne Noire
Fig. 30.4 : Montagne Noire
Fig. 30.5 : Plaine castraise
Fig. 30.6 : Plaine castraise
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Fig. 30.1 & Fig. 30.2 : Plaine de l’Agout La plaine de l’Agout offre des terres propice à l’agriculture, fertiles et facilement cultivables. La céréaliculture domine et s’étend le long des routes qui ordonnent un parcellaire régulier. Toutefois, l’urbanisation croissante et le long des axes et sur l’ensemble de la plaine entraine un phénomène de mitage pavillonaire qui rompt avec l’implantation traditionnelle du bâti. Cette pression urbaine constitue un enjeu majeur du territoire.
Fig. 30.3 & Fig. 30.4 : La Montagne Noire Le massif montagneux de la Montagne Noire s’étend sur quatre départements. Elle apparait de manière frontale depuis la plaine et semble n’abriter qu’une masse homogène de forêt. On constate cependant en la parcourant une certaine diversité de peuplement et de modes de gestion. Sur la partie qui occupe le Pays de Cocagne, l’élevage constitue la principale activité agricole, basé sur un mode de production extensif. Les clairières apportent une variété au paysage forestier et ouvrent des points de vue remarquables.
Fig. 30.5 & Fig. 30.6 : La plaine castraise La plaine castraise se compose historiquement de paysages agricoles dont l’ancier maillage tend à disparaitre sous l’effet d’une urbanisation croissante engendrée par l’agglomération castraise. Les paysages urbains et périurbains se diffusent sur un territoire qui reste toutefois largement occupé par l’agriculture.
Fig. 30 : Aperçu des différentes entités paysagères qui composent le territoire, particulièrements
identitiées par sa géomorphologie et son agriculture (suite)
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En Pays de Cocagne, l’agriculture connait également des difficultés, notamment remarquables sur de nombreux territoires français : la disparition de terres aux valeurs agronomiques élevées accentuée par le phénomène de périurbanisation et la diminution du nombre d’exploitation. Entre 2000 et 2010, 3200 hectares ont disparu sur la partie ouest du territoire, soit 4,6% de la Surface Agricole Utile (SAU). Le nombre d’exploitation à quant à lui baissé de 18% sur la même période. On observe également un vieillissement de la population agricole qui semble traduire des difficultés d’installation pour les jeunes agriculteurs. En outre, diverses opérations immobilières et d’infrastructure comme le projet d’autoroute reliant l’axe Toulouse-Castres peuvent, au delà de la consommation de l’espace foncier, bouleverser l’organisation des espaces agricoles, entrainant un phénomène de mitage des parcelles : « engendrer un territoire résiduel qui laisse des parcelles difficiles à exploiter, lorsqu’elles ne sont pas tout simplement enclavées et rendues inaccessibles aux engins. »47
2. Mettre en scène une agriculture symbolique
Fig. 31 : Productions de qualité en Pays de Cocagne, identifiées au territoire
47
VIDAL Roland, VILAN Luc, « La soutenabilité des paysages ruraux sous influence métropolitaine, le cas de l’aire
urbaine de Paris » dans Paesaggi Rurali, ed. Regione Campania , p. 73
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Comme nous l’avons vu précédemment, le territoire du Pays de Cocagne s’étend sur un périmètre géographique à la croisée des flux de 3 grandes agglomérations et métropole. Le projet de territoire s’appuie sur cette position stratégique pour développer l’accueil de nouveaux habitants. Pour cela, la charte oriente le projet vers la mise en valeur de son caractère rural. Un caractère rural qui passe évidemment par la présence des terres agricoles sur l’ensemble du territoire. L’agriculture devient alors une activité à préserver, non seulement pour sa dimension économique et la préservation d’une profession mais aussi pour les paysages qu’elle offre à d’éventuels nouveaux habitants. En outre, l’agriculture et ses produits représentent une dimension symbolique pour le territoire. Les productions de qualité fortement associées à leur origine géographique constituent une image de qualité et de terroir que le projet de territoire souhaite valoriser, auprès de ses habitants et d’éventuels touristes (Fig.31).
3. Actions envisagées pour l’agriculture locale Compte-tenu du diagnostic agricole et des intentions de projet menées par le Pays de Cocagne quant à l’agriculture, deux principales actions sont présentées par la Charte de Pays : 1 - Protéger les terres agricoles : comme c’est le cas pour la majorité du territoire français suite aux nouvelles orientations politiques nationales en matière d’urbanisme, la protection du foncier agricole représente un axe majeur du projet de territoire en ce qui concerne l’aménagement et l’urbanisme. Sur le territoire du Pays de Cocagne, cette protection est nécessaire et justifiée par la préservation de la profession agriculteur mais aussi dans l’objectif de limiter l’étalement urbain. En empêchant la construction sur les espaces agricoles, en les rendant « non urbanisanbles » on limite conséquemment l’accentuation de ce phénomène. « les principaux enjeux liés au devenir du secteur résident dans la protection du foncier agricole et le développement de la valeur ajoutée à l’hectare » 48 2 - Orienter l’agriculture vers des pratiques territorialisées : la dimension productive de l’agriculture compose la majeure partie des orientations données par la Charte. Le développement des circuits courts et la diversification des pratiques agricoles constituent les deux enjeux stratégiques portés par le projet de Pays : « Accompagner le développement des circuits courts, via les équipements publics (crèches, écoles, maison de retraite, …) et les restaurateurs locaux »49 « Favoriser la diversification des revenus agricoles, via l’agritourisme notamment »50
48
PETR du Pays de Cocagne, Contrat de Ruralité, 2017-2020, p.10
49
ibid. p.17
50
ibid.
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Là encore, ces initiatives semblent être guidées par l’objectif d’attractivité du territoire en développant une offre de proximité et une image populaire de fermes et campagnes aux nouveaux habitants potentiels.
B - L’agriculture dans le projet de territoire
Comme nous l’avons vu précédemment, deux dimensions de l’agriculture sont portées par le projet de territoire du Pays de Cocagne : productive et spatiale. Nous allons étudier quelles sont les actions concrètes menées sur le territoire en faveur de l’agriculture et suivant ces deux entrées. Pour cela nous nous baserons sur une étude des documents d’urbanisme d’une part et sur différents entretiens réalisés avec des acteurs du projet et du territoire agricole que nous avions détaillé en introduction de partie51.
I. Considération de l’agriculture dans les documents d’urbanisme 1. Protéger les espaces agricoles et limiter l’étalement urbain Dans l’ensemble, les espaces agricoles sont essentiellement abordés en terme d’espace foncier. S’agissant de la première condition nécessaire au maintient et au développement de l’activité, il s’agit de l’axe le plus développé en matière agricole au sein du territoire. Les documents d’urbanisme tel que les SCoT (Schéma de cohérence territoriale) ou les PLU (Plan local d’urbanisme) incarnent alors les principaux outils permettant de limiter l’étalement urbain et la consommation d’espace agricole, traduisant les intentions données par la Charte de Pays. •
A propos du SCoT du Vaurais (Fig.32)
Le SCoT du Vaurais qui concerne la partie nordouest du territoire fixe les limites et les règles de l’urbanisation afin de protéger l’espace agricole. Il prône entre autre des projets urbains peu consommateurs d’espace, la densification des bourgs et centres urbains, en somme la limitation de l’étalement urbain et en ce sens, conforte les orientations données par la Charte. Ainsi, 2 niveaux d’actions sont menés en parallèle :
51
Fig. 32 : Périmètre du SCoT du Vaurais
Entretiens dont les comptes rendus sont à retrouver en annexe, pages 80-91
- 58 -
•
La limitation de l’étalement urbain par des prescriptions concernant les formes urbaines à privilégier. En densifiant les tissus urbains existant, on évite la création de réseaux supplémentaires et le mitage des parcelles agricoles. Cette démarche permet aussi de limiter l’artificialisation des sols et de maintenir leur perméabilité (Fig.33).
•
La protection des espaces agricoles en partant du principe que tout espace agricole est à préserver et devient inconstructible s’il est classé en zone A. La détermination des espaces à urbaniser à proximité des centres bourgs se fait sur la base du diagnostic agricole : on privilégie les espaces à faible potentiel agronomique et les terres dont le propriétaire est vendeur.
Fig. 33 : Schéma de développement des villages proposé par le SCoT du Vaurais, encourage le développement continu des centres urbains, évite le mitage du paysage et l’étalement urbain
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•
A propos du PLUi de Sor et Agout (Fig.34)
Un Plan Local d’Urbanisme Intercommunal est en cours d’élaboration sur le périmètre de la Communauté de Commune de Sor et Agout. Il suit une même ligne directrice en terme d’aménagement qu’au niveau national et de la Charte de Pays, soit favoriser la consommation la plus économe de l’espace. Il détermine notamment les zones de protection agricole : •
•
ZA : zone agricole, protégée de l’urbanisation Fig. 34 : Périmètre du PLUi inconstructible. On réserve toutefois un espace autour des sièges d’exploitations afin de permettre l’évolution de l’exploitation et la création de nouveaux bâtiments agricoles. Le fait de classer une zone en ZA permet de protéger l’activité agricole et ses espaces et s’avère particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit d’une zone présentant de gros intérêts urbanistiques (pour la création d’une zone d’activité par exemple). ZAP : zone agricole protégée : enjeux paysagers et écologiques accentués. Déterminée par un bureau d’étude, en fonction du diagnostic agricole et de l’environnement. Les ZAP sont particulièrement présentes sur la zone sud du territoire, appartenant au PNR du Haut Languedoc.
En terme d’urbanisation, le PLUi encourage les même principes que le SCoT du Vaurais : densifier les zones déjà urbanisées et privilégier le développement des habitations au plus proche des transports publics et des services afin d’éviter l’étalement de l’urbanisation le long des routes et réduire les mobilités. Aussi, les constructions isolées sont déconseillées, représentant un risque de mitage des parcelles et engageant des frais supplémentaires à la charge de la commune (pour l’installation des réseaux, les frais d’entretien des chemins d’accès...), et un accroissement des mobilités (usages de la voiture accentué en étant éloigné des zones de services).
2. Cloisonnement des usages Après avoir étudié les principes d’urbanisme menés sur le territoire et tout particulièrement en ce qui concerne le PLUi de Sor et Agout, on constate une forme de cloisonnement des usages du territoire. Les espaces agricoles, en devenant hermétiques à toute forme d’urbanisation, n’entretiendraient plus qu’un échange visuel avec les espaces habités, comme un décor rural intouchable. Cette approche menée par les règlements d’urbanisme est soutenue par la chambre d’agriculture, car outre les méfaits entrainés par le mitage des parcelles, l’urbanisation des espaces agricole mène quelques fois à des conflits de voisinages. On limite tout risque de gène mutuelle (gènes olfactives dues à la présence d’animaux, gènes dues aux traitements agricoles, gènes sonores, accès, mitage...) en empêchant au maximum la cohabitation des habitants et des exploitations agricoles. Par exemple, l’autorisation de changement d’orientation des bâtiments agricoles en logements est contrôlée :
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• •
S’il s’agit d’une zone Naturelle (Zone N) : le changement d’orientation n’est pas autorisé Sinon, on s’appuie sur le diagnostic agricole et le recensement des bâtiments, le changement d’orientation est autorisé si - il est proche des réseaux (électriques, eau, assainissement..) - constitue un interêt patrimonial - n’est pas situé dans une zone d’épandage, si possible. Si le changement d’orientation représente une gène pour l’agriculture : pas d’autorisation. La chambre d’agriculture évoque toutefois une action encore insuffisante en raison de la souplesse donnée par la loi Macron52 au niveau de la consommation de foncier et des conflits de voisinage en permettant la construction d’extensions ou d’annexes attenantes aux constructions présentes en Zone Agricole. Car en effet, si le nombre de terrains constructibles diminue, on compense quelque peu en favorisant les réhabilitations, des anciennes fermes habitées ou des hangars agricoles par exemple. Les intentions de séparer au maximum l’agricole de l’urbain et l’habitat, atteint toutefois ses limites au niveau des franges urbaines et par la présence de fermes éparses ou d’autre forme d’habitat occupés par des non agriculteurs. La cohabitation est donc inévitable. N’y a-t-il pas là un dialogue à créer ou à tenter de mettre en place ? Si une Charte de bon voisinage est déjà en place sur le département du Tarn, des solutions architecturales pourraient être apportées et diffusées dans le projet de territoire mais cela ne semble pas être le cas, en tout cas actuellement sur le territoire du Pays de Cocagne.
II. Un projet pour la production agricole ? 1. Des agricultures aux enjeux différents Notre rencontre avec Matthias COTTEREAU53 a permis de mettre en avant la difficulté du projet territoire à réunir toutes les agricultures. Par exemple, lorsqu’on se penche sur la Communauté de Commune de Sor et Agout, il est facile de constater la multiplicité des agricultures présentes sur le territoire (Fig.35). Et si cette variété est un atout pour les ressources et les paysages locaux, elle est aussi une difficulté pour fédérer les agriculteurs autour d’un projet commun. Car en effet, chaque secteurs, production ou mode de gestion possède ses propres atouts et faiblesses et s’inscrit dans des marchés différents.
52
art. 80 / CU : L.123-1-5 : « La présente loi complète la loi Alur du 24 mars 2013 et la loi du 13 octobre
2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dans le sens d’un assouplissement puisqu’en plus des extensions, les constructions d’annexes aux logements existants des zones agricoles ou naturelles peuvent désormais être autorisées par le règlement du PLU » d’après [en ligne] : http://www.courrierdesmaires.fr/52589/ les-nouvelles-regles-durbanisme-mises-en-oeuvre-par-la-loi-macron/ 53
Matthias COTTEREAU, architecte, supervise l’élaboration du PLUi de Sor et Agout
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- Les grandes cultures principalement basées sur un modèle intensif s’étendent sur la plaine du Lauragais. - Les productions bio (de céréales notamment) se développent sur les zones de collines dont la morphologie se prête moins au modèle intensif (parcelles plus réduites, présence de bocages ou de haie, pentes plus importantes, sol moins fertiles). - Les élevages (ovins, bovins essentiellement) sont majoritaires au niveau de la Montagne Noire, avec des modes de ventes directes et d’une filière locale : présences d’abattoirs et d’atelier de découpe depuis 2004 permettant la commercialisation des produits. Ceux-ci contribuent fortement au maintient et à la dynamisation de l’activité sur ce secteur.
Fig. 35 : La diversité agricole de la CC Sor et Agout
On notera que la présence des laboratoires FABRE influence les productions agricoles qui se diversifient et s’orientent vers la production de PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales). Enfin, on peut observer l’émergence du maraichage principalement autour des communes en zone périurbaine ou encore à la production de rose et violette destinées à la pâtisserie. Ainsi, chacune de ces productions s’inscrit dans des marchés différents, locaux, nationaux ou internationaux. Si le développement de filières locales représente une opportunité économique pour la région et l’activité agricole, ce n’est pas l’unique modèle présent sur le territoire et il ne serait guère judicieux de vouloir qu’il le soit. Une agriculture variée est souhaitable pour la qualité des paysages, l’équilibre des écosystèmes et le dynamisme économique et il en est de même pour ses systèmes de commercialisation. Aborder le développement agricole en se concentrant uniquement sur les « circuitscourts » ne serait donc guère réaliste et souhaitable.
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2. Circuits courts, du discours aux réalités La dimension productive de l’agriculture occupe un des axes majeurs de la Charte de Pays. Comme nous l’avions vu précédemment, elle oriente l’agriculture vers une forme de territorialisation en encourageant la production de qualité et du produits associés au terroir mais aussi en prônant sa commercialisation locale et le développement de circuits courts. Si le Pays encourage notamment l’approvisionnement des équipements publics (comme les écoles) et semi-public auprès des coopératives ou producteurs locaux, les actions restent assez limitées. Il s’agit d’un argument largement mis en avant dans la Charte du Pays, mais dont la raison réside plus dans la mise en place d’une stratégie de communication que d’un véritable projet. Car en effet, les circuits courts sont déjà présents sur le territoire et ce, depuis le XXème siècle. Les agriculteurs ont en effet depuis les années 1990 largement développé des systèmes de ventes sur place et ont toujours investis les marchés de plein air locaux. Aujourd’hui, le potentiel de développement de ce type de commercialisation est assez limité. En outre, bien que le marché ne soit pas saturé, il s’agit d’une forme de commercialisation qui ne correspond pas à toutes les exploitations. Leur production d’une part est trop importante pour être ainsi écoulée, et comme le soulignait Jean Yves Pagès, il s’agit là d’une profession en soi, le fait de vendre directement aux clients constitue un emploi à part à entière auquel tous les agriculteurs n’aspirent pas forcément ou n’ont pas la possibilité de s’y consacrer. « Le SCoT recommande que les documents d’urbanisme locaux favorisent la diversification économique des exploitations et notamment les nouvelles activités (vente directe, transformation, agro-tourisme). Le SCoT souhaite favoriser les circuits courts par la vente à la ferme et la valorisation des produits locaux. »54
Fig. 36 : Les circuits courts, une démarche populaire dans le Tarn
54
Schéma de Cohérence Territoriale du Vaurais, « Document d’Orientations et d’Objectifs », approuvé le 12/12/2016, p.67, règle n°46
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Cette forme de mise en scène d’un projet agricole plus ou moins réaliste s’explique certainement par la très forte popularité de ce type de démarche, auprès des consommateurs et des élus (Fig.36). L’argument « développer les circuits courts » traduit un objectif de renforcer l’attractivité du territoire et sa dimension rurale pour les (futurs) habitants et les touristes. Il s’agit d’une orientation menée vers un type d’agriculture particulier qui ne traite pas des exploitations intégrées dans un marché global et au mode de production majoritaire. Si ces actions étaient réellement soutenues par le projet de territoire, elles ne concerneraient qu’un faible pourcentage des exploitations locales, qui, comme l’a évoqué Jean Yves Pagès lors de notre rencontre, se débrouillent déjà bien «toutes seules». En ce sens ce type de projet ne constitue pas un projet agricole pour l’ensemble du territoire.
3. Un développement essentiellement porté par les acteurs sectoriels Sur l’ensemble du territoire, quelques actions sont menées essentiellement par la chambre d’agriculture pour le développement de l’agriculture à travers le soutient de filières locales. Un travail entre la chambre d’agriculture avec la Communauté de Commune Sor et Agout a par exemple permis de mener des actions de valorisation et développement du champ économique et social de l’agriculture en créant de la valeur ajoutée et des emplois : - Développement de la filière PPAM (Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales) tirant parti de la proximité des Laboratoires Pierre Fabre (pharmaceutique) et favorisant ainsi le développement de proximité - Développer et valoriser la filière de laine d’agneau pour l’éco-construction L’objectif commun au territoire et à l’agriculture locale est de valoriser les productions agricoles pour leur permettre de se maintenir sur le territoire, et indirectement maintenir le territoire en créant de nouvelles dynamiques. En outre, ces même acteurs ont mis en place une aide à la transmission et la reprise des exploitations. En somme, la dimension économique de l’agriculture reste principalement gérée par les acteurs sectoriels comme la chambre d’agriculture et les agriculteurs qui gèrent seuls leur production ou au sein de coopératives et les commercialisent sur le marché local ou international suivant leur propre démarche et initiative.
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C - Les limites du Pays de Cocagne face à la question agricole I. Absence de véritable projet agricole 1. Un dialogue avec le projet urbain limité La dimension spatiale de l’agriculture est essentiellement abordée dans le cadre des documents d’urbanisme. Bien que la protection des espaces agricoles soit une des grandes orientations nationales en matière d’aménagement, la seule mise en place d’outils d’urbanisme ne semble pas suffisante au maintient de l’activité et à son développement. Comme l’évoquait Claire Hermet, les documents d’urbanisme locaux sont encore limités ou insuffisants pour répondre aux problématiques agricoles : • Le SCoT : qui se veut favorable au développement de l’agriculture mais qui ne l’encourage pas vraiment • Le PLUi : qui s’applique à une échelle relativement grande par rapport à celle de la parcelle agricole et qui réunit des territoires hétérogènes rendant la réflexion trop générale, moins spécifique à chacun d’eux. • Les OAP (Orientation Aménagement Programmation) : Claire Hermet évoque une prise en compte de l’agriculture trop peu développée dans ces documents, alors qu’il s’agirait d’un moyen de permettre les bonnes relations de voisinage entre l’agriculture et les autres usages, dont l’habitat, notamment en ce qui concerne les changements de destination des bâtiments. Les documents d’urbanisme présentent une autre limite pour le développement agricole : ils dépendent en partie de l’orientation politique des collectivités territoriales qui les élaborent. La question agricole passe souvent au second plan derrière des stratégies urbaines variables. Il existe aussi une sorte de « double discours » au sein des politiques territoriales, qui prônent la protection et la valorisation de l’agriculture locale mais qui l’empêche parfois en développant des projets urbains très consommateurs en foncier ou encore en bloquant la création de bâtiment pour des raisons paysagères et contraint par conséquence le développement agricole. Claire Hermet souligne à ce sujet la subjectivité de l’entrée paysagère, qu’on tente d’objectiviser à travers des raisons écologiques ou environnementales mais qui n’est pas toujours justifiée, subjective ou peu mise en perspective avec le contexte agricole dans le cas du territoire Tarnais.
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Accordement à la conclusion établie par I.DUVERNOY, S.LIMA et L.BARTHE55, le statut de l’espace agricole reste lié au phénomène d’urbanisation. Il n’est plus une réserve foncière mais une sorte de barrière à l’étalement urbain. En revanche pour sa propre activité, rien de nouveau, les outils d’urbanisme assurent plus ou moins la pérennité du foncier mais ne développent en rien l’activité économique. En outre, et contrairement au projet du Parc agricole della Piana en Italie, les espaces agricoles ne participent pas activement à la construction urbaine. Ils sont protégés et « mis sous cloche » par un système de zonage mais ne font pas partie des réflexions sur les formes urbaines que le territoire pourrait développer.
2. Une vision segmentée de l’agriculture La multifonctionnalité de l’agriculture (Hervieu, 2002) n’est que très peu prise en compte dans le projet du Pays de Cocagne. Si différentes fonctions de l’agriculture sont abordées ou mise en avant dans la Charte, elles ne sont que très peu connectées entre elles et par conséquent peu valorisées par le projet. Les paysages agricoles par exemple sont présentés dans le diagnostic territorial et la Charte du Pays comme des caractéristiques historiques et patrimoniales du territoire et des éléments essentiels à la qualité du cadre de vie, à préserver. Pour répondre à ces enjeux, l’aspect foncier de l’agriculture est souvent le seul traité : en protégeant les espaces agricoles, on maintient les paysages. Cependant cette vision est très limitée et n’est pas toujours suffisante. Un exemple précis évoqué par Claire Hermet lors de notre entretien évoque bien la limite de l’entrée paysagère si elle n’est pas traitée dans un contexte agricole global : dans une réflexion menée sur les prairies, on les qualifie d’élément majeur de la qualité des paysages comme des gages de biodiversité. Alors les recommandations en terme d’urbanisme ou d’aménagement fixent comme objectif le maintient de ces espaces de qualité pour des raisons paysagères ou écologiques. Mais notre interlocutrice soulève un détail important : le maintient de ces espaces implique directement le maintient de l’activité agricole : sans élevage, il n’y a pas de prairies. Or dans le diagnostic on ne parle pas d’agriculture qui porte pourtant un potentiel de développement à valoriser constitué par la production de qualité de Veau du Lauragais (production labellisé). Il n’y a pas de lien véritablement établit entre le cadre de vie du territoire dans son approche spatiale ou paysagère et l’agriculture en tant qu’activité économique. L’enquête publique réalisé dans le cadre de l’élaboration du SCoT du Vaurais évoque également un manque de prise en compte de la dimension agronome dans la phase de diagnostic et ainsi un manque de pertinence dans les actions mises en oeuvre. « Le volet agricole est principalement traité par le projet de SCoT sous son aspect paysager et ne repose pas sur une analyse économique détaillée de l’agriculture dans l’ensemble du périmètre du SCoT. » 56
55
DUVERNOY Isabelle, LIMA Stéphane, BARTHE Laurence « Des projets agricoles dans la planification
territoriale ? L’exemple de quatre Pays en Midi-Pyrénées », Sud Ouest Européen, 2012, n°34 56
Rapport d’enquête du SCoT du Vaurais, p.58
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On ne peut pas déterminer les espaces à urbaniser sans un diagnostic agricole complet visant notamment à connaitre la qualité des sols et leur potentiel agronomique, l’existance de filières locales, de réseaux ou de marchés constituant une opportunité de développement/valorisation/maintient. Cette façon d’appréhender l’agriculture dans le projet d’aménagement soulève des questions quant aux intentions réelles qui portent la protection des espaces. L’exemple du plateau de Saclay que nous avions étudié précédemment montrait bien en quoi la dimension agronome est indispensable dans l’élaboration du projet d’urbanisme : par exemple, la surface protégée (en terme quantitatif) et la définition des parcelles à protéger sont définies selon les intérêts agraires, permettant le bon fonctionnement de la petite région agricole. Car l’objectif n’est pas seulement le maintient d’un cadre de vie agréable mais aussi de permettre le bon déroulement des pratiques agricoles, indispensable pour le maintient de l’activité et des agriculteurs. Considérer l’agriculture à travers ces multiples fonctions et sans les dissocier n’est pas chose facile car elles sont toutes interdépendantes et qu’elles doivent être appréhendé au sein d’un territoire lui-même complexe, naturel, construit, habité, politique, écologique … Dans le projet du Pays de Cocagne, il n’y a pas encore de vision globale de l’agriculture au sein du territoire. Chacune de ses fonctions ou ses interactions est traitée indépendamment et empêche la création d’un projet de territoire dialoguant avec l’agriculture, une pensée complexe où les interactions de l’un et l’autre sont aussi connectées.
3. Fédérer l’agriculture et les agriculteurs autour d’un projet commun Le Pays de Cocagne ne représente pas un territoire agricole véritablement identifié. Mais cette absence de cohésion n’est pas seulement due à la diversités des pratiques agricoles du territoire qui a, au contraire, su se saisir de cette pluralité comme un atout en accord avec l’image de Cocagne et d’abondance qu’il souhaite véhiculer. Nous avons vu que le principal projet agricole porté par le Pays (le développement des circuits courts et l’encouragement à la diversification de l’activité) se rapproche plus d’une opération de communication que d’actions concrètes. Mais au-delà de cette relative initiative, l’absence de projet agricole s’explique surtout pas l’implication très limitée des premiers concernés : les agriculteurs. Sur le territoire de Cocagne, les agriculteurs se réfèrent principalement aux instances sectorielles ou mènent leur propres initiatives, comme nous l’avons vu précédemment. En outre, ils ne sont que peu concertés pour l’élaboration des documents d’urbanisme, à travers la Chambre d’agriculture essentiellement, voir des syndicats qui n’émettent qu’un avis consultatif sur ces documents. Quelque part, ce qui fait qu’un projet comme celui du Parc agricole du Baix Lobregat à Barcelone fonctionne, c’est qu’il émerge du bas : ce sont les agriculteurs qui portent le projet, qui dans un second temps seulement est repris dans les politiques et règlementations locales. Suivant ces principes, dans le Pays de Cocagne, le projet agricole ne peut pas émerger de la règlementation ou des documents d’urbanisme. La multiplication des outils ne favorise pas la naissance d’un réel projet mais des aménagements ou des arrangements réalisés ponctuellement sans faire écho à un projet d’ensemble véritablement portés par les acteurs du territoire.
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II. La mise en oeuvre d’un projet de territoire limitée 1. Multitude de périmètres d’actions Le projet de Pays a été crée dans le but de réunir les trois communautés de communes membres autour d’un projet commun. L’objectif est de pouvoir mutualiser les compétences des collectivités locales afin de répondre à des enjeux communs, mettre en place une stratégie partagée. Si la Charte est un document commun à l’ensemble du territoire lui donnant une même orientation en matière de projet, la mise en oeuvre de ces ordonnances est tout autre. En effet les périmètres d’action sont multiples, qu’il s’agisse de divers document d’urbanisme ou de la présence du PNR. Chacun corresponde à une échelle différente et s’adapte plus ou moins aux spécificités de chaque secteur. Ainsi, deux SCoT se sont établis sur le territoire, suivant des enjeux et des stratégies différents car l’un s’inscrit dans la dynamique toulousaine et l’autre dans la dynamique castraise. Le périmètre du PNR qui chevauche celui du PLUi de Sor Agout entraine quant à lui des cas particuliers dans les documents d’urbanisme d’autant que les communes concernées sont aussi régies par la Loi Montagne. Ces règlementations se juxtaposent, se contredisent parfois et constituent des contraintes supplémentaires en terme d’aménagement, notamment agricole, dictées par des enjeux environnementaux plus poussés que sur le reste du territoire. Ce « mille-feuille administratif » n’encourage pas la mise en place d’un projet commun de territoire. Chaque périmètre d’action reste relativement indépendant, suivant des orientations différentes, en terme de conception urbanistique ou d’intérêt et d’orientation politiques (Fig.37).
Fig. 37 : Les divers périmètres d’actions présents en Pays de Cocagne - 68 -
2. Repenser la hiérarchisation des processus de projet Le problème de cohérence du projet de Pays n’est pas sa diversité de situations et d’enjeux car c’est un phénomène inévitable. Chaque secteur, chaque commune est influencé différemment, par sa position, par ses ressources, par ses échanges et ce n’est pas en uniformisant ces particularités qu’on établira un véritable projet de territoire. Si l’on suit le processus établit par la région de Prato en Italie que nous avions analysé dans la première partie du mémoire, la clé de ce problème de cohésion se situe au niveau de la démarche de projet. Ici, chaque intervention à petite échelle ne découle pas d’un projet d’ensemble comme c’est le cas pour Prato. Il s’agit plutôt d’un assemblage de projets autonomes, des périmètres d’actions définis en fonction des enjeux de chacun sans pour autant être connectés par un projet global qui dépasserait l’échelle de l’aire urbaine. On a d’abord établi des projets à l’échelle des intercommunalités car elles se sont tout simplement créées dans un premier temps et ont commencé seules à mettre en place leurs propres dynamiques. On a par la suite tenté de les rassembler en Pays, de manière un peu forcée. Or le principe de Pays devrait fonctionner dans l’autre sens, d’abord établir les orientations du territoire et ensuite adapter le projet à plus petite échelle à chacun des cas. Aujourd’hui il est difficile de renverser ces processus.
Fig. 38 :Des spécificités de chaque secteur au projet d’ensemble - 69 -
CONCLUSION Ce mémoire souhaite interroger notre façon d’appréhender les territoires de demain, vers quoi voulonsnous aller ? Aujourd’hui, comment doit-on penser la construction des territoires ? Nous avons conscience depuis plusieurs décennies de la crise écologique que connait notre planète aujourd’hui. Il s’agit non seulement d’un contexte qui remet en cause nos pratiques, notre façon de consommer, de nous déplacer mais qui au delà de ces changements à l’échelle de l’individu entraine un changement profond de notre façon de penser. La construction des villes n’échappe pas à ces questionnements. La transition écologique à laquelle nous allons devoir nous atteler passe par une mutation de la fabrication actuelle des territoires urbains et ruraux. Si ces termes semblaient désigner deux mondes parfaitement opposés, il est aujourd’hui de plus en plus difficile de distinguer ces deux espaces, de déterminer leurs frontières. La ruralité en France représente une idée de liberté, de nature (Donadieu), mais la nature rurale des territoires que l’on connaissait jusque là s’efface peu à peu car la ville s’est partout immiscée, de manière plus ou moins franche. Mais alors que certains remettent en cause l’existence même de la campagne, l’agriculture qui lui a toujours été associée demeure et doit demeurer. On peut quelques fois lui prêter l’image d’une France paysanne, réconfortante, mais l’agriculture française doit être considérée de manière objective, dans sa complexité et à travers sa multifonctionnalité et ainsi être préservée pour son rôle structurant des territoires. Au delà de sa fonction nourricière indispensable face à la croissance démographique actuelle et l’accroissement des villes (Janin), elle a un rôle à jouer dans la construction urbaine de l’ensemble des territoires. Ce nouveau lien que nous devons établir entre les villes et les campagnes passe par l’articulation de différentes échelles d’observation, d’acteurs et de mise en oeuvre, à l’image du Projet Local tel que le conçoit Alberto Magnaghi et que nous avons précédemment étudié dans le cas des Parcs agricoles de Prato ou Barcelone. Si chacune des initiatives que nous avons abordé au cours de la première partie correspond à un contexte bien spécifique et des enjeux propres à chaque territoire, leurs points communs nous permettent d’imaginer ce que pourraient être les conditions essentielles à la réussite de ces projets. D’après l’étude de ces derniers, on peut retenir leur capacité à lire le territoire dans son ensemble, à s’inscrire dans un contexte global même lorsqu’ils n’interviennent concrètement que sur un périmètre restreint. Ils se saisissent des situations passées et présentes d’un lieux afin de l’amener vers un scénario propice à un développement équilibré et durable où des usages qui semblent parfois opposés comme l’industrie, l’habitat, les pratiques urbaines et l’agriculture partagent un même espace, riche et complexe. Il ne s’agit pas seulement de créer un projet pour l’agriculture mais se saisir de ses interactions multiples avec le territoire comme un composant du projet. Une relation dynamique semble alors se mettre en place entre ville et agriculture. Ce dialogue ne concerne pas seulement la ville au sens strict du terme mais la ville comme une construction humaine faite d’échanges de biens, d’idées, de personnes, qui s’immisce sur l’ensemble du territoire.
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L’agriculture devient alors un outil pour la construction d’un territoire où ville et campagne se construisent ensemble, « ni contre ni à côté, mais avec et pour »57 . Le projet de Parc agricole apparait comme un outil qui permet l’intégration de l’agriculture dans la construction urbaine en s’appuyant sur les valeurs agricoles. Néanmoins, sa qualité de Parc donne une nouvelle vision des espaces agricoles, comme une pensée urbaine et citadine. Si la pérennité de l’agriculture et sa fonction productive est assurée, ses espaces acquièrent de nouvelles fonctions qui s’apparentent à celles des parcs urbains ou jardins publics. En se parant de pistes cyclables ou piétonnes, l’ensemble des terrains agricoles s’adaptent à l’usage citadin, ils deviennent un lieu où l’on se promène, on y fait son jogging. En outre, tout comme la démarche PNR, le fait d’intégrer les espaces agricoles dans un parc leur donne une nouvelle valeur symbolique. Le terme de Parc dans les PNR évoque le caractère remarquable du territoire concerné, il définit un espace particulier, spécial. De la même façon l’agriculture des Parcs agricoles de Barcelone ou de Toscane reçoit ce nouveau statut, en particulier auprès des citadins qui la regardent différemment. Les espaces agricoles deviennent des paysages que l’on reconnait et que l’on apprécie, ils deviennent l’image et le symbole du territoire. Le Parc agricole est une approche de l’agriculture particulièrement pertinente dans un contexte urbain ou périurbain, notamment grâce à l’attention portée au traitement des franges urbaines. Mais qu’en aitil du statut de l’agriculture dans des territoires plus vastes, plus éloignés des pôles urbains ? L’ensemble du territoire doit-il devenir des sortes de campagnes urbaines telles que le conçoit Pierre Donadieu ? : « une ville multipolaire dans une nature rurale faite plus pour être habitée que pour produire des denrées agricoles ou forestières »58 En France, le statut des espaces agricoles à, selon les textes officiels, profondément changé. Autrefois considérés comme une réserve foncière à une future urbanisation peu maitrisée, ils font aujourd’hui l’objet de protection dans le but de préserver les paysages et d’empêcher l’artificialisation des sols. Ces nouvelles orientations s’intègrent dans un contexte de prise de conscience écologique où la construction urbaine, de la ville comme des territoires, doit être pensée dans sa globalité et de manière durable. Après avoir longtemps séparé ville et campagne, on s’aperçoit aujourd’hui que ces deux mondes sont en réalité très liés et dont le développement doit être pensé conjointement. Comme l’évoque Rémi Janin59, la ville est nécessairement agricole, elle doit donc se fabriquer en ayant conscience des espaces, des productions mais aussi des fonctionnements agricoles dont elle dépend. Les territoires ruraux dépendent eux aussi de l’activité agricole, ils en sont le support et vivent en partie à travers elle. L’agriculture constitue alors un véritable enjeux de développement et d’affirmation de ces territoires face à la ville dense et à l’urbanisation. Les espaces agricoles représentent un patrimoine à protéger et à valoriser à travers des projets de territoires où ville et campagne deviennent complémentaires.
57
DONADIEU Pierre, Campagnes urbaines ed. Actes Sud, Ecole nationale supérieure du paysage, 1998, p.82
58
ibid, p.91
59
JANIN Rémi, La ville agricole, éd. Openfield, 2017, 72p
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Aujourd’hui la mise en oeuvre d’une construction commune ville-campagne est quelque peu entravée par la méthode déployée dans les territoires français. Si une même ligne directrice est donnée à l’échelle nationale, la segmentation des périmètres de projet n’encourage pas le développement d’une stratégie commune et l’efficacité des actions engagées. En outre, la multiplication des outils d’urbanisme et des strates administratives accentue la désolidarisation des territoires déjà guidés par des orientations politiques divergeantes. L’étude que nous avons mené dans le Tarn nous a conduit à nous interroger sur la cohérence du périmètre établi par le territoire de projet. Existe-t-il dans le Pays de Cocagne un élément commun à l’ensemble du territoire capable de le fédérer autour d’un enjeu commun ? Nous avions identifié le contexte urbain polycentrique qui influence l’ensemble du territoire comme l’élément déclencheur de la mise en place d’une stratégie commune. En revanche, au cours de notre étude, aucun élément naturel ou agricole fondateur du territoire n’apparait comme un élément fédérateur et porteur de projet comme nous pourrions l’observer ailleurs : • Le territoire de la Biovallée dans la Drôme s’articule autour de sa rivière qui constitue la raison du projet (rétablir la qualité de l’eau) et qui le fédère car elle est la condition même de son existence. • Le Pays Gaillacois, Bastides et Val Dadou (dans le Tarn, au nord du Pays de Cocagne) est quant à lui un territoire identifié par sa production agricole, les vignes produisant le vin de Gaillac. L’appellation même du Pays de Cocagne pourrait expliquer le fondement de ce territoire de projet. La référence à la cocagne, symbole de la production de Pastel qui unit et enrichit cette région au XVIème siècle. Mais cette histoire passée peut-elle à nouveau fédérer un territoire ? Aujourd’hui la production de Pastel n’est plus du tout majoritaire bien que quelques agriculteurs la cultivent et quelques artisans pastelliers la transforment en teinture. Cette plante est aujourd’hui redirigée vers de nouveaux usages comme la cosmétique et fait l’objet de recherches à l’institut polytechnique de Toulouse. Il s’agit là de nouvelles opportunités mais le développement de la production de Pastel ne semble pas être un objectif du territoire et ne serait sans doute pas souhaitable compte tenu du marché qu’elle représente, encore très restreint. En outre, sa production est plutôt originaire du Lauragais, une région historique et culturelle dont le territoire s’étend jusqu’à Puylaurens mais dont la majorité est située en dehors du périmètre de Pays de Cocagne et dont la quasi totalité constitue aujourd’hui le Pays du Lauragais en Haute Garonne (31). Le Pastel et la Cocagne sont des symboles historiques de la région, particulièrement porteurs de l’image touristique du Pays. La route du Pastel qui parcourt le Pays de Cocagne dirige les visiteurs vers les différents édifices construits grâce à la richesse issue du commerce du Pastel, ou encore vers les outils de fabrication de la teinture, comme les moulins pastelliers encore présents sur le territoire du Lauragais. Un territoire bien identifié qui joue de sa diversité de paysages et de production comme d’un atout, mais cette abondance et cette référence au passé est-elle suffisante pour faire projet aujourd’hui ? En outre, le cas du Pays de Cocagne illustre particulièrement les limites de la démarche Top-down en matière d’urbanisme et d’aménagement. L’existence même du territoire de projet est dictée par la hiérarchie. On invente en quelque sorte un Pays en réunissant trois intercommunalités, une union dont les fondements semblent plus politiques que territoriaux. Les orientations sont prescrites par les représentants du Pays sous forme de Charte puis elles sont exécutées par les échelons subordonnées
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tels que les intercommunalités ou les communes. L’hétérogénéité du territoire et l’influence générée par trois agglomérations distinctes deviennent alors des obstacles à la mise en oeuvre d’un projet cohérent. Car en effet sous l’unité d’un Pays se découpent une multitudes de périmètres gérés par des instances différentes. Le territoire est décomposé suivant des limites administratives qui ne correspondent pas forcément aux limites issues des divers enjeux territoriaux d’ordre économique, social, urbain, agricoles etc... On applique alors les consignes données essayant d’atteindre l’objectif donné par la Charte sans tenir rigueur des spécificités de chaque secteur, ses atouts, ses contraintes. Bien que l’agriculture figure parmi les enjeux majeurs du territoire, occupant une grande place dans la Charte, la démarche Pays ne semble pas véritablement opérationnelle quand il s’agit de porter un projet agricole pour le territoire. Les actions concernant l’agriculture restent limitées, encore largement portées par les acteurs sectoriels. Le Pays ne s’est pas encore saisi des opportunités agricoles, ne les a pas véritablement intégrées dans son projet, et limite ainsi de possibles interactions agriculture territoire. Un projet dont on se demande finalement quel est l’objectif premier. Le territoire demeure régit par les intercommunalités de manière relativement autonome. L’existence de ce périmètre semble plus destinée à créer une image d’un territoire touristique identifié qu’un espace porteur de projet en matière de développement, d’urbanisme et d’aménagement. Fédérer l’agriculture de ce territoire autour d’objectifs communs, comme la construction d’un territoire partagé passera avant tout par un sentiment d’appartenance à un ensemble qui actuellement, reste à définir que ce soit en terme d’espace ou de projet. On ne peut imposer l’existence d’un Pays par un simple décret. Il ne suffit pas d’annoncer l’unité d’un territoire pour qu’elle existe vraiment, une union symbolique comme c’est le cas du Pays de Cocagne ne suffit pas à porter un projet concret. Mais on peut faire émerger de ce territoire une cohésion à partir de ses spécificités et de son dialogue avec les villes qui l’entourent. En effet, tisser peu à peu les relations de cette campagne avec les villes voisines peut constituer un moyen de faire émerger cette ambition commune, ce projet d’ensemble. Or je crois que cet échange peut être établit à travers l’agriculture, non pas grâce à une unité de production mais à partir de ses espaces, ses systèmes agraires, et sa production à l’image du projet territorialiste mené en Toscane autour de Prato. Les espaces agricoles sont les liens qui unissent physiquement ville et campagne et qui au-delà de cette proximité portent également des représentations symboliques et patrimoniales et entretiennent des échanges économiques. Ces capacités de l’agriculture à dialoguer avec le territoire lui confèrent un rôle majeur dans la redéfinition du pacte ville-campagne. Il y a là un territoire à inventer, pensé dans son ensemble, où les dynamiques urbaines et agricoles sont croisées mais dont les initiatives émergent du «bas» : des particularités du territoire, des attentes de ses habitants à partir desquelles un projet commun de territoire se met en marche. La préservation des terres agricoles devient une condition sine qua non de la construction de territoires complémentaires ville-campagne. Si le concept de Parc agricole permet cette protection et s’avère judicieux en milieu urbain et périurbain, il ne peut s’appliquer sur l’ensemble du territoire français dont plus de la moitié de la surface est agricole. En revanche, redéfinir les modes d’habiter les territoires
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ruraux à travers des expérimentations architecturales ou urbanistiques peut permettre d’établir de nouvelles formes d’urbanisations moins contraignantes pour l’agriculture. Il s’agit de permettre le partage des espaces, le bon fonctionnement agricole et les échanges entre les espaces habités et les espaces agricoles. Au delà de la résolution de problèmes concrets de cohabitation l’objectif est aussi de réfléchir à une conception du mode d’habiter rural qui suggère cet échange, provoque la mise en place d’un nouveau dialogue où l’agriculture devient une composante de la construction urbaine. Les professionnels de l’aménagement et de l’espace tels que les architectes, urbanistes ou paysagistes ont un rôle majeur à jouer dans la mise en place de cette nouvelle pensée agricole de la construction des territoires. Mais si la réussite d’un telle ambition passe par la pluridisciplinarité des équipes, les échanges avec les habitants, usagers du territoire et les agriculteurs sont primordiaux. La révolution urbaine de l’agriculture (Janin) doit être portée par les agriculteurs et guidée par des intérêts communs, agricoles et urbains et non imposée par des politiques urbaines ou des outils urbanistiques.
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• Colloque, Séminaire Pays, Paysans, Paysages, colloque organisé à l’initiative de la Fondation René Dumont, du musée du Vivant et du mouvement Utopia, 22 février 2017 « L’agriculture, source de revitalisation des territoires ruraux ? », extraits de la soirée débat dans le cadre du séminaire «Accompagner la transition agricole des territoires» organisée par la FNAB les 19 et 20 janvier 2017
• Sites internet http://www.epaps.fr http://terresfertiles.com http://www.parcs-naturels-regionaux.fr https://parcs.diba.cat/es/web/baixllobregat/inici http://anpp.fr/payspetr/
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TABLE DES FIGURES Fig. 1 : Formes agricoles, source : Jean-Pierre Deffontaines, «L’agriculteur-artisan, producteur de formes» Fig. 2 : Logo du Pays de Cocagne, source : http://www.cc-tarnagout.fr/?-Le-Pays-de-Cocagne-141Fig. 3 : Situation géographique du Parc Agricole du Baix Llobregat, intégré dans l’air métropolitaine de Barcelone, Espagne, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 4 : Éléments de la campagne « Salvem el Pla! » de l’ « Unio de Pagesos », agriculteurs du Delta du Llobregat pour la défense des terres agricoles sur le territoire, source : CALLAU S. et PAUL V. « Le parc agricole du Baix Llobregat » Fig. 5 : Cohabitation des espaces urbains et agricoles, source : http://www.elpuntavui.cat/article/4-economia/18economia/667895-protegir-el-sol-agrari.html Fig. 6 : Aménagements urbains pour l’usage des citadins, le partage des espaces, source : https://disfrutandoenbtt. blogspot.com/2016/02/parque-agrario-y-delta-del-llobregat.html Fig. 7 : Aménagements des réseaux d’irrigation pour le bon fonctionnement agricole, source : https://www. lapremsadelbaix.es/noticies/societat/15778-l-amb-formara-part-del-consorci-del-parc-agrari-del-baix-llobregat. html Fig. 8 : Le Parc agricole autour de la ville de Prato et la structure urbaine polycentrique régionale, objet du plan de coordination départementale de Prato, source : POLI Daniela, « La dimension locale dans le projet du parc agricole de la Toscane centrale », retravaillée par l’auteur Fig. 9 : Agropaysages de la région, source : POLI Daniela, « La dimension locale dans le projet du parc agricole de la Toscane centrale », retravaillée par l’auteur Fig. 10 : Le traitement paysager des frange urbaine, pour la mise en place d’un dialogue ville-rural, source : POLI Daniela, « La dimension locale dans le projet du parc agricole de la Toscane centrale » Fig. 11 : Situation géographique du Plateau de Saclay, aux portes de la métropole de Paris, source : https:// www.cairn.info/revue-espace-geographique-2009-3-page-251.html, retravaillé par l’auteur Fig. 12 : Images des différentes ambiances et différents paysages du Plateau de Saclay, Fig. 12.1 :Frange sud de Buc, depuis la plaine d’Orsigny, 2000, source : BOURAOUI Moez, L’agriculture, nouvel instrument de la construction urbaine. Etude de deux modèles agri-urbains d’aménagement du territoire. Le plateau de Saclay, à Paris, et la plaine de Sijoumi, à Tunis - Cliché de J.Givry Fig. 12.2 :Frange sud de Toussus-le-Noble, 2012, source : GoogleMaps Fig. 12.3 :Environs de la ferme du Viltain, Jouy-enJosas, source : GoogleMaps Fig. 12.4 :Commissariat à énergie atomique, 1960, source : Paris Saclay Agglomération, URL : http:// www.paris-saclay.com/l-agglo/territoire/histoire-225.html Fig. 13 : Périmètre de ZPNAF et territoires stratégiques du projet Paris-Saclay, source : http://www.epaps.fr/ wp-content/uploads/2017/10/1498-2017-06-06-TD-V10-01_Light.jpg, retravaillé par l’auteur Fig. 14 : Manifestation contre le projet du Grand Paris portée par l’organisation Terres Fertiles, source : http:// terresfertiles.com/category/plateau-de-saclay/ Fig. 15 : 4 maires s’unissent contre le projet de métro aérien passant non sans conséquence sur les terres agricoles du plateau de Saclay, source : http://www.enterrezlemetro.fr/2017/ Fig. 16 : Les 51 Parcs naturels régionaux français, source : http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/ Fig. 17 : L’agriculture, ses pratiques ou ses produits, image traditionnelle et symbolique des PNR mise en avant par les logos, source : http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/ Fig. 18 : Images et commentaires issus de la note d’orientation « L’agriculture au coeur des Parcs naturels régionaux » des PNR, la mise en scène d’une agriculture territorialisée, source : http://www.parcs-naturelsregionaux.fr/ Fig. 19 : Dessin d’orientation pour l’urbanisme des PNR pour la mise en place d’un « urbanisme durable »,
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source : http://www.parcs-naturels-regionaux.fr/ Fig. 20 : La plante Isatis Tinctoria, source : http://www.lauragais-patrimoine.fr/PATRIMOINE/PASTEL/ PASTEL01.htm Fig. 21 : La cocagne, coque réalisée à partir de fleur de pastel, facilitait le transport pour la commercialisation, source : http://www.cc-tarnagout.fr/?-Le-Pays-de-Cocagne-141Fig. 22 : Le «triangle d’or» et les sites remarquables issus de l’essor du commerce de Pastel au XVIème siècle, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 23 : Un territoire situé au coeur du réseau métropolitain, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 24 : Périmètre du Pays de Cocagne, un « Territoire charnière », source : carte réalisée par l’auteur Fig. 25 : Une urbanisation favorisée par les axes connectés aux bassins d’emploi, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 26 : Des mobilités polarisée par les agglomérations d’Albi et Castres et la métropole toulousaine, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 27 : Diversité de productions agricoles, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 28 : Différentes entités paysagères, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 29 : Aperçu des différentes entités paysagères qui composent le territoire, particulièrements identitiées par sa géomorphologie et son agriculture, source : images issues de GoogleMaps Fig. 30 : Aperçu des différentes entités paysagères qui composent le territoire, particulièrements identitiées par sa géomorphologie et son agriculture (suite), source : images issues de GoogleMaps Fig. 31 : Productions de qualité en Pays de Cocagne, identifiées au territoire , source : carte réalisée par l’auteur Fig. 32 : Périmètre du SCoT du Vaurais, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 33 : Schéma de développement des villages proposé par le SCoT du Vaurais, encourage le développement continu des centres urbains, évite le mitage du paysage et l’étalement urbain, source : Schéma de Cohérence Territoriale du Vaurais, « Document d’Orientations et d’Objectifs » Fig. 34 : Périmètre du PLUi, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 35 : La diversité agricole de la CC Sor et Agout, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 36 : Les circuits courts, une démarche populaire dans le Tarn, source : https://www.centpourcent.com/ agenda-23/circuits-courts-agriculture-locale-et-cultures-alimentaires-saines-a-laboutarie-52963 & https://www. ladepeche.fr/article/2017/12/01/2695447-agriculture-une-rencontre-sur-les-circuits-courts.html Fig. 37 : Les divers périmètres d’actions présents en Pays de Cocagne, source : carte réalisée par l’auteur Fig. 38 :Des spécificités de chaque secteur au projet d’ensemble, source : carte réalisée par l’auteur
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ANNEXES COMPTE RENDU DES RENCONTRES AVEC LES ACTEURS DU TERRITOIRE DU PAYS DE COCAGNE
• Rencontre avec Carole COLIN
Octobre 2017 Responsable animation du comité de développement sur le Gaillacois et le Lauragais à la Chambre d’agriculture Objectif du comité Le comité de développement c’est un ensemble d’élus, d’exploitants agricoles et de techniciens de 40 à 50 membres au total. Son but est de porter les projets, servir d’interface entre les agriculteurs et les élus. Expliquer en utilisant un langage compréhensible par tous (en sachant que les élus ne sont pas souvent agriculteurs), que les agriculteurs et les élus ont des objectifs communs et ainsi dans un premier temps leur faire prendre conscience de ce point commun et pouvoir ensuite définir un projet commun. Ainsi, des réunions, tables rondes ou encore Journée de l’Entreprise Agricole (JEA) sont organisées pour réunir agriculteurs, élus, techniciens et quelques fois citoyens sur une exploitation agricole. 3 JEA ont notamment été organisées par Carole Colin. Il s’agit d’une journée dans une exploitation agricole choisie, où des discussions, débats, rencontres sont organisées autour d’une thématique. L’objectif est de montrer que les agriculteurs sont des entrepreneurs et qu’ils travaillent avec le vivant; qu’il s’agit d’un métier qui impacts les politiques et les décisions. Dans un premier temps, l’entreprise dans laquelle la journée s’implante est présentée, le type d’activités agricole, l’organisation, les lieux etc.. Dans un second temps, une exposition de photos est présentée : elle permet d’imager les propos, de donner à voir des images concrètes et facilement compréhensibles. Exemple : à Gaillac, une exposition de photos d’exploitation dans les années 1940 ou 1950 mise en comparaison avec une photo de cette même exploitation aujourd’hui. L’objectif était de montrer l’évolution des pratiques, et d’expliquer pourquoi elles ont évolué, changé, dans quel contexte. Ainsi il a été possible de montrer concrètement par une photo aérienne la conséquence de l’urbanisation de la commune voisine sur l’exploitation (modification du foncier). Cela permet aussi d’actualiser la représentation de l’agriculture des élus ou des citoyens dans un contexte où quelques fois elle est très loin de la réalité d’aujourd’hui. Enfin, dans un troisième temps, des présentations et discussion sont menées autour de problématiques communes ou de projets envisagés, en cours etc.. L’enjeux est d’expliquer aux collectivités locales (élus) en quoi l’agriculture est notamment responsable du maintien de l’activité économique et du cadre de vie. En quoi l’agriculture développe des pratiques
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qui permettent de conserver ou appuyer l’Environnement, la biodiversité. La dimension sociale est importante aussi, car l’agriculture génère de l’emploi. Enfin, c’est aussi un enjeux relationnel dans le sens où certaines pratiques liées à l’agriculture permettent de se rencontrer, échanger, partager avec les habitants, élus, (…). Bien sûr, des exemples concrets sont utilisés par le comité pour transmettre et argumenter ces idées : Concrètement, des actions ont été mené sur la communauté de commune Sor & Agout dirigée par Eliette Dalmont. Un Projet de Territoire a vu le jour. Dans un premier temps, une étude a été mené dans le but de montrer la transversalité de l’agriculture. C’est a dire que l’agriculture traverse différentes disciplines, différents champs, ce n’est pas une profession qui vie seulement par et pour elle-même, elle croise les activités et le territoire. Les objectifs de ce projet : • mettre l’agriculture en lumière sur le territoire, la révéler • donner envie de créer de la valeur ajoutée à la production locale • proposer des actions concrètes Ainsi, 3 actions concernant les champs économique et social (emploi) ont été mené : • développement de la filière PPAM (Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales) • favoriser le développement de proximité • développer et valoriser la filière de laine d’agneau pour l’éco-construction L’objectif commun étant de valoriser les productions agricoles pour leur permettre de se maintenir sur le territoire (et indirectement maintenir le territoire). Pour cela, le but est de créer des filières à forte valeur ajoutée. La question du foncier représentait aussi un enjeux important de ce projet de territoire notamment pour le problème de renouvellement des générations. Outre la transmission des exploitation (valorisation de la transmission par rapport à la vente, au changement d’activité), l’accès au foncier représente un enjeux majeur : comment permettre l’accès au foncier pour de nouveaux arrivants (agriculteurs) par exemple. Il faut savoir alors que l’une des priorité commune à tout le territoire tarnais est la préservation des espaces agricoles. Des outils sont alors envisagé pour permettre cet accès au foncier : • PLUi (plan local d’urbanisme inter communal) • SCoT (shéma de cohésion territoriale) pour ce qui concerne l’urbanisme • la SAFER (société aménagement foncier et d’établissement rural) pour la gestion du foncier. Ici, l’existence du comité prend tout son sens : Notamment parce que la Chambre d’agriculture donne son avis à propos des SCoT et PLUi, le comité permet d’appuyer les intérêts des agriculteurs auprès des élus dans les réflexions de planification et être mieux pris en compte dans la gestion du foncier.
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• Rencontre avec Matthias COTTEREAU et Eliette DALMON
Avril 2018 Matthias COTTEREAU, architecte, participe à l’élaboration du PLUi de Sor et Agout En collaboration avec Eliette Dalmon Cousteaux - Directrice Générale Adjointe de la CCSA Directrice du pôle Développement Territorial - participe aux actions menées par le comité de développement du Lauragais de la Chambre d’agriculture
Méthode L’élaboration du PLU passe par différentes phases : - La prescription établie par la communauté de commune : énonce le besoin de réaliser le PLU - Le diagnostic du territoire et la définition des enjeux : le PADD (Projet d’Aménagement et de Développement Durable) qui définit les grandes orientations politiques du PLU - La partie règlementaire, texte et graphiques - On arrête le projet (peut encore être modifié mais il s’agit d’une sorte de pré-validation pour le présenter aux étapes suivantes) - Présentation aux personnes publiques (DDT, Chambre d’agriculture …) qui donnent un avis prescriptif mais influant, cet avis sera joint à l’enquête publique. - Enquête publique, donne la possibilité aux particuliers d’émettre des réserves ou revendications. - Mise en application On notera que la CC Sor et Agout appartient au périmètre du PETR du Pays de Cocagne, mais qu’elle appartient aussi au périmètre du SCoT de l’Autan, englobant également la Communauté d’agglomération Castres-Mazamet et la Communauté de Communes de la Haute Vallée du Thoré. C’est donc un territoire « charnière » qui dialogue avec ces deux ensembles et dont les principes d’urbanisme sont régis par deux découpages territoriaux distincts. On notera également que le PLU est en général censé découler du SCoT et ses orientations, car il régit une échelle plus large, rentre moins dans le détail est se place hiérarchiquement en amont du PLU, or le SCoT de l’Autan n’est pas encore approuvé, les deux études sont menées en parallèle. En ce qui concerne l’agriculture, un diagnostic du territoire est réalisé, soit par un bureau d’étude soit par la chambre d’agriculture. Ici, chambre agri (???). Répertorie et référence sur une carte communale les différentes exploitations, leur productions, leur taille, les bâtiments agricoles et leur usage, les sièges d’exploitations, les exploitations ont-elles des repreneurs … Selon M. COTTEREAU, un plan d’épandage serait utile mais il n’a pas été réalisé dans ce cas là. Ce diagnostic permet notamment d’attirer l’attention des élus sur les questions agricoles. Permet aussi de savoir où sont les haies qui font l’objet d’actions spécifiques : une aide financière est attribuée pour les replanter lorsqu’elles ont disparues ou sont trop peu.
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Eléments de diagnostic
On peut lire sur ce territoire 3 zones d’influence : - La partie est, sous influence de l’agglomération castraise : zone dynamisée par le bassin d’emploi de Castres - Le Lauragais, plus à l’ouest, influencée par la métropole Toulousaine car situé dans la 7ème couronne, à moins de 30minute de Toulouse, et jouant un rôle d’entre-deux : par exemple, un couple dont une personne travaille à Castres et l’autre à Toulouse vient s’installer ici, à mi-chemin entre les deux villes - La montagne noire, au sud du territoire qui s’inscrit dans les dynamiques de Mazamet, Castres et Revel, mais qui possède une croissance plus lente que sur le reste du territoire. Il s’agit également de 4 communes appartement au PNR du Haut Languedoc. Sur le secteur du PLUi, le diagnostic agricole permet de mettre en avant l’hétérogénéité du territoire en matière d’agriculture dont les secteurs coïncident relativement avec les 3 zones d’influence définies plus haut. - Les grandes cultures principalement basées sur un modèle extensif s’étendent sur la plaine du Lauragais. - Les productions bio (de céréales notamment) ou dites « alternatives » se développent sur les zones
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de collines dont la morphologie se prête moins au modèle extensif (parcelles plus réduites, présence de bocages ou de haie, pentes plus importantes, sol moins fertiles). - Les élevages (ovins, bovins essentiellement) sont majoritaires au niveau de la Montagne Noire, avec des modes de ventes directes, une filière locale : présences d’abattoirs et d’atelier de découpe depuis 2004 permettant la commercialisation des produits, contribuent fortement au maintient et à la dynamisation de l’activité sur ce secteur. - On notera que la présence des laboratoires FABRE influence les productions agricoles qui se diversifient et s’orientent vers la production de PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales). - Enfin, on peut observer l’émergence du maraichage principalement autour des communes, en périurbains; ou encore à la production de rose et violette destinées à la pâtisserie.
En terme de foncier agricole Durant la phase de diagnostic, les agriculteurs sont concertés lors d’une réunion. Dans l’ensemble on observe deux attitudes de leur part : • Ceux qui cherchent à accéder aux terres, principalement les exploitations ayant une bonne dynamique qui souhaitent s’agrandir, se développer. • Les agriculteurs proches de la retraite, souvent ce qui n’ont pas de repreneur et qui souhaitent rendre une partie de leur terrain en zone constructible. Revendus en tant que terrains à bâtir, ou construit pour du locatif, ces biens constituent pour eux la base financière de leur retraite, ou bien un capital financier pour leurs enfants. Cette dernière requête à toujours été une action courante à laquelle les municipalité répondaient favorablement : les terres agricoles constituaient de manière générale une réserve foncière pour l’urbanisation. Or depuis les années 2000, la loi SRU et la loi Grenelle de 2010, les terres agricoles n’ont plus cette vocation et font au contraire, l’objet de politiques de protection.
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En terme de zonage, deux types de zones : •
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ZA : zone agricole, protégée de l’urbanisation, réservée à l’activité agricole. On réserve toutefois un espace autour des sièges d’exploitations afin de permettre l’évolution de l’exploitation et la création de nouveaux bâtiments agricole. ZAP : zone agricole protégée : enjeux paysagers et écologiques accentués. Déterminée par un bureau d’étude, en fonction de diagnostic agricole et de l’environnement. Les ZAP sont particulièrement présentes sur la zone du PNR.
Le fait de classer une zone en ZA permet de protéger l’activité agricole et ses espaces, s’avère particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit d’une zone présentant de gros intérêts urbanistiques (pour la création d’une zone d’activité par exemple..). En revanche, si la construction de bâtiments agricoles est autorisée, on ne peut autoriser l’agriculteur à construire son habitation qu’en cas de nécessité d’être à proximité de l’exploitation. Actuellement, la chambre d’agriculture appuie cette nécessité quelque soit le type de production sous réserve de justification, cependant, l’Etat ne soutient cette démarche qu’en cas d’élevage (surveillance des animaux, mise bas etc..). En suivant ces principes, un agriculteur souhaitant s’installer et construire son habitation, n’étant pas éleveur serait contraint de construire proche d’un hameaux ou un village.
Principes d’aménagement et d’urbanisation : économe en foncier La grande ligne directrice en terme d’aménagement au niveau national est de favoriser la consommation la plus économe de l’espace. Parmis les objectifs de cette démarche, la préservation du foncier agricole et le maintient de l’activité et son bon fonctionnement. Dans un premier temps, les zones allouées au développement de l’urbanisation se situent au niveau des villes, villages, bourg, hameaux. On privilégie aussi le développement des habitations au plus proche des transports publics et des services, on évite donc l’étalement de l’urbanisation le long des routes. Le développement des habitations isolées est contraire à ces principes, leur construction présentent des risques de mitage des parcelles agricoles, et des frais supplémentaire à la charge de la commune (installation de réseaux, frais d’entretiens des chemins d’accès), et accroissent les mobilités (notamment en voiture en étant éloigné des zones de services). Ces principes s’appliquent aussi lorsqu’il s’agit de l’habitat des agriculteurs comme nous l’avons vu précédemment alors qu’ils ne conduisent pas à ces même risques, en tout cas tant que l’agriculteur est l’usager de l’habitation.
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Pour déterminer la surface à urbaniser, on prend en compte deux critères majeurs : - Système de pondération pour déterminer le nombre de terrains constructibles alloué à chaque commune, basé sur le nombre d’habitation actuel, nombre d’emploi et l’offre de services. - Valeur agronomique des sols : on évite de construire sur les meilleurs sols agricoles, malheureusement, souvent, les sols les plus intéressants d’un point de vue agronomiques sont ceux situés en frange urbaine ou sur les zones faciles à construire. Les espaces moins intéressants sur le plan agronomiques sont pas forcément connectés au bourg-centre : coteaux, et les constructions sur ces espaces sont aussi plus ou moins difficile à intégrer d’un point de vue paysager, particulièrement s’ils sont en zone pelée. CF Cuq Toulza - Maurens - Mallens En outre, la détermination de ces espaces dépend de l’attitude du propriétaire foncier, s’il est vendeur on se base sur les critères précédents. Si il n’est pas vendeur et que l’urbanisation du site est voulue, 2 possibilités : - préemption, (on exproprie le propriétaire) rare, peut arriver pour des projets de lotissement communal. - augmentation majorée sur la taxe foncière - non bati, sur espace constructible. Autorisation de changement d’orientation des bâtiments agricoles : S’il s’agit d’une zone Naturelle (Zone N) : le changement d’orientation n’est pas autorisé Sinon, on s’appuie sur le diagnostic agricole et le recensement des bâtiments, le changement d’orienation est autorisé si - il est proche des réseaux (électriques, eau, assainissement..) - constitue un interêt patrimonial - n’est pas situé dans une zone d’épandage, si possible. Si le changement d’orientation peut constituer une gène pour l’agriculture : pas d’autorisation. Parallèle entre les actions d’aménagement et le projet agricole local (socio-économique) Actions supervisées par la CC Sor et Agout - CF Eliette Dalmon : - étude du poids économique de l’agriculture fait par la chambre d’agriculture - développement des circuits courts : plus une demande des élus que des agriculteurs - soutient à la diversification des productions : PPAM - aide à la transmission et la reprise des exploitations. A noter qu’on observe une tendance des agriculteurs en activité d’acheter les parcelles d’un voisin vendeur, au détriment de l’installation des jeunes… Aménagement des routes Un sujet problématique pour le fonctionnement agricole : resserement des voies, virages serrés, détournements, dos d’ânes… des contraintes pour la circulation des engins et pour les mobilité agricoles. Dans ce cas, la CC peut racheter des morceaux de terrains pour effectuer les travaux et réaménager ces espaces. Ce sont des remarques qui viennent des agriculteurs. Pris en compte par la CC et le CAUE qui interviennent auprès des communes responsables des ces projets d’aménagements (conseils).
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Par rapport à l’autoroute : Tracé arrêté, mais les délais du projet ne sont pas encore fixés. Ce projet représente 300 hectares en terme de consommation foncière sur l’ensemble du territoire de la Communauté de commune, par comparaison, l’habitat représente 180 à 200ha, les zones d’activités 100 à 120.
Contraintes et paradoxes Cas particulier du PNR Les 4 communes situées dans le PNR comportent des orientations et des enjeux différents, car il s’agit d’un secteur appartenant au périmètre du PNR mais il est aussi régit par la loi montagne (secteur Montagne Noire). On observe sur ce secteur des zones Natura 2000 (protection des oiseaux) et ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique). Ces règlementations spécifiques constituent des contraintes en terme d’aménagement -notamment agricole-. Par exemple la création d’éolienne est limitée (300 maximum) et la création d’une bergerie a été empêchée.
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• Rencontre avec Jean Yves PAGÈS
Avril 2018 Agriculteur, Conseiller municipal à Puylaurens Membre de la commission des finances Membre de la commission urbanisme Membre de la commission aménagement urbain, architectural et paysager Membre de la commission économie, agriculture, marchés Jean Yves Pagès est agriculteur sur la commune de Puylaurens, installé avec son fils ainé sur l’exploitation familiale. Ses parcelles s’étendent sur environ 180 hectares, il produit des céréales à paille, orge et blé, (environ 50hectares), du tournesol (20ha) et enfin des semences de maïs et d’ail (ail rose de lautrec). Les 100 hectares restants sont destiné à l’élevage de bovins, notamment destiné à la production de veau du Lauragais. Parmi cette surface, 65ha sont sa propriété et le reste est exploité en fermage. Monsieur Pagès commercialise sa production de deux façons, majoritairement par l’intermédiaire de coopératives, pour l’ail et les céréales. En ce qui concerne les viande bovine, la moitié est commercialisée par une coopérative, sur un marché plutôt haut de gamme dans le Lauragais. Mais la moitié de cette production sera vendue dans une boucherie-charcuterie à Castres dont il est le co-gérant avec 7 autres producteurs associés. Comme de nombreuses structures, la ferme de Jean Yves s’est développée au fil du temps en acquérant peu à peu les terres des fermes voisines, environ 7 ou 8 selon lui. La majorité de ces terres sont donc concentrées sur un même secteur, diminuant les problématiques liées aux mobilités agricoles. Bien que sa propriété ne soit pas directement concernée par l’urbanisation, étant éloignée des bourgs ou villages et classée en zone A, il compte parmi ses voisins des non agriculteurs. Les fermes lui ayant vendu les terres ont toutefois conservé les bâtisses et les ont reconverti en habitation, en l’occurence il s’agit de location, de résidences principales ou secondaires de personnes travaillant en général dans les villes de la région. Ainsi, bien que la cohabitation ne soit pas particulièrement compliquée, Jean Yves prend des mesures de précaution en prévenant ses voisins notamment des époques de fauchage, de traitement, ou de toute activité potentiellement nuisible à ses voisins (et leur piscine). Il observe cependant un avantage, ces habitants n’ont pas particulièrement clôturé leur propriété que ce soit par des haie ou des murs qui sont souvent problématique pour les parcelles voisines (ombre, déplacement, nuisibles). Parmi les contraintes urbaines auxquelles il est confronté il évoque les ralentisseurs et les ronds-points de plus en plus nombreux. En revanche il souligne un changement particulièrement contraignant sur ses terres : l’arrivée en masse de poteaux en bois destinés à l’installation du réseaux internet (un des enjeux majeurs du territoire étant l’accès au réseaux). Il déplore l’installation aérienne de ce réseaux alors le téléphone ou l’électricité est enterrée. Ces poteaux s’implantent le long des voie et donc en bordure de parcelle et cause des difficultés au niveau des manoeuvres des engins agricoles.
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En ce qui concerne les perspectives d’avenir de l’exploitation, J.Y Pagès compte sur la reprise de l’exploitation par son fils ainé, avec qui il est déjà associé et qui sera probablement rejoint par son fils cadet. Il n’est donc pas personnellement concerné par les problèmes de reprise ou transmission de l’entreprise. Conscient de la vente par des agriculteurs de certains terrains à des fins spéculatives ou tout simplement pour financer leur retraite et parce qu’il n’y pas de repreneur, il souligne à ce sujet que majoritairement, les premier souhait de chacun est de pérenniser son exploitation, sa ferme, la maintenir ou la faire évoluer, comme un patrimoine. Membre de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et de la commision des structures au niveau départemental, Jean Yves Pagès participe aux processus de fabrication du territoire. En effet, la FNSEA du Tarn donne son avis sur des permis de construire et des projets d’ampleur locaux. La philosophie du syndicat et des avis donné se base toujours sur la défense de la surface agricole. Ainsi, notre interlocuteur évoque un bon compromis proposé par le PLUi qui vise à diminuer les de nombre parcelles construites et favorise la densification des hameaux, ou encore de Puylauraus dont les franges ne sont pas forcément agricoles. En revanche, il déplore le traitement urbain de communes commes Lampeau ou Saint Germain dont les maisons se sont construites de manière éparse ou la création de lotissement à 1km du village. Enfin lors de notre entretien nous avons abordé la question des circuits courts comme un élément majeur si ce n’est le seul du projet agricole proposé par la charte de pays, en qui concerne sa dimension économique. A ce propos, M.Pagès évoque le peu de concertation des agriculteurs dans cette démarche, qui apparait plus comme un voeu des élus qu’une demande des agriculteurs. Car d’une part, cette possibilité de diversification ne concerne qu’environ 20% des producteurs, qu’il s’agit d’une véritable compétence à développer, qui n’est pas un changement anodin, ou bien que toute la totalité production ne pourrait jamais être écoulée de cette manière là. Il souligne aussi le fait que le principe de vente à la ferme, vente directe est déjà bien développée par certains agriculteurs qui n’ont pas attendu ce prétendu projet pour mettre en place ces principes. Enfin selon lui, il en va de même pour l’agritourisme.
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• Rencontre avec Claire HERMET
Avril 2018 Membre du service Territoire - Environnement - Société, Responsable Urbanisme à la Chambre d’agriculture du Tarn. La chambre donne son avis dans l’élaboration des documents d’urbanisme du territoire comme le SCoT ou le PLU et sur les permis de construire en zone A (agricole) et N (naturelle). L’objectif principal de leur intervention est de permettre le développement agricole et le maintient du foncier. Ces actions luttent contre le mitage des parcelles agricoles notamment pour éviter les gènes de voisinage. Règlementation nationale C.Hermet fait la remarque que la loi Macron a permit un assouplissement au niveau de la consommation en foncier en permettant les extensions ou les annexes au niveau des constructions présentes en zone Agricole. Comme il y a moins de terrains constructibles disponible, on favorise les réhabilitations. Or la cohabitations entre les nouveaux habitants et les pratiques agricoles est souvent difficile. Intervenir dès la création des PLU permet à la Chambre de travailler en amont, avant que ce type de problème n’apparaisse.Malgré cela on observe un phénomène d’extension de zone d’habitation ou d’activité au détriment de l’agriculture. L’entrée paysagère Il existe aussi une sorte de « double discours » au sein des politiques territoriales, qui prônent la protection et la valorisation de l’agriculture locale mais parfois l’empêche notamment pour des raisons paysagères où on bloque la création de bâtiment et on contraint le développement agricole. C.Hermet souligne la subjectivité de l’entrée paysagère, qu’on tente d’objectiviser à travers des raisons écologiques ou environnementales mais qui reste, ici, pas toujours justifiée, ou très subjective. Un diagnostic bancal Le diagnostic agricole du PLUi (en Sur et Agout) affiche en préambule l’objectif de maintient de l’activité agricole. La chambre d’agriculture déplore cependant un diagnostic incomplet ou pas assez approfondi, comme nous l’avions constaté sur le rapport de l’enquête publique. Plus précisemment, C.Hermet évoque la réflexion menée sur les prairies et la juge incomplète : on affiche en objectif le maintient de ces espaces de qualité, que ce soit d’un point de vue paysager ou écologique, mais notre interlocutrice soulève un détail : pour leur maintient il est nécessaire de maintenir l’activité d’élevage, or dans le diagnostic on ne parle pas du veau du Lauragais (production labellisé). Il n’y a pas de lien véritablement établit entre le cadre de vie / l’approche spatiale et l’agriculture en tant qu’activité économique.
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Agriculture et habitat 3 types d’espaces agricoles par rapport à la ville qui lui confère différents enjeux en terme d’aménagement des espaces et gestion de foncier : - l’agriculture urbaine (peu voir pas présente sur le territoire, y compris dans le cas d’Albi) - l’agriculture périurbaine (située aux franges des zones urbanisée / constructibles, ou en dent creuse) - l’agriculture en milieu rural (n’étant pas au contact des franges urbaines, en dehors des zones urbanisables) En ce qui concerne cette dernière catégorie, majoritaire sur le territoire étudié, elle n’est pas tout a fait exempte de problématiques liées à l’urbanisation : par le changement de destination de certains bâtiments agricoles, on recréé des « zones de contact » comme en frange urbaine entre agriculture et habitat en créant des nouveaux usages et usagers de ces bâtiments au coeur de parcelles agricoles. Agriculture et zone d’activité Il s’agit de projet très consommateur d’espace, de foncier, et C.Hermet déplore le peu de reprise des friches industrielle et la consommation de foncier agricole pour le développement de ces projets, qui ainsi, ne respectent pas la doctrine nationale et teritoriale donnée : favoriser l’économie du foncier. Limites des documents d’urbanisme PADD : qui se veut favorable au développement de l’agriculture mais qui ne l’encourage pas vraiment PLUi : s’applique à une échelle relativement grande par rapport à celle de la parcelle agricole et qui réunie des territoires hétérogènes rendant la réflexion trop générale, moins spécifiques à chacun d’eux. OAP (orientation aménagement programmation) : C.Hermet évoque une prise en compte de l’agriculture trop peu développée dans ces documents, alors qu’il s’agirait d’un moyen de permettre les bonnes relations de voisinage entre l’agriculture et les autres usages, dont l’habitat, notamment pour ce qui concerne les changements de destination des bâtiments.
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Le pacte Ville Campagne aux défis de la planification territoriale - Le cas du Pays de Cocagne (81) Quel est le rôle de l’agriculture dans la fabrication urbaine des territoires ? L’agriculture, production issue d’un dialogue entre l’Humain et la Nature interagit de façon multiple avec son environnement, naturel ou construit et habité. Il s’agit d’une capacité dont ont su se saisir les 4 projets faisant l’objet d’une première étude au sein de ce mémoire : le Parc agrari del Baix Llobregat à Barcelone, le Parco agricolo della piana en Toscane, le Plateau de Saclay en région parisienne et les Parcs Naturels Régionaux français. Ces exemples témoignent d’une intégration des questions agricoles à la construction urbaine à l’échelle d’une ville, d’une région, d’un territoire. Dans une seconde partie, ce mémoire présente le cas du Pays de Cocagne, territoire de projet situé dans le département du Tarn dont les ambitions se heurtent à la difficulté de fédérer différentes instances publiques autour d’un projet commun. L’omniprésence de l’agriculture dans l’économie et les paysages locaux ne se reflète pas dans les orientations du projet. Cette situation, à l’image de celle de nombreux territoires français, révèle les limites de la démarche Top-down pour la mise en oeuvre d’un nouveau pacte ville-campagne où l’agriculture participerait activement à la construction des territoires, urbains et ruraux.
Crédit photo : Justine Rinaudo