Eradications simultanées des mammifères introduits (RECI)
ÉVALUATION DE L’IMPACT SUR LES COMMUNAUTÉS
D’INVERTÉBRÉS (2)
Suivi pluriannuel du papillon brachyptère (Brachypteragrotis patricei)
Protocole mis en œuvre par la direction de l’environnement
Pilote : AGNOLA Pierre
Versions :
I 25/11/2022 P. Agnola / F. Saboureau
Cadres du plan de gestion :
Objectif à long terme
Objectif du plan
Préserver le bon état écologique des écosystèmes terrestres austraux.
Gérer les populations de mammifères introduits menaçant les espèces indigènes et les milieux.
Action FG15 – Eliminer simultanément le rat surmulot, la souris domestique et le chat haret sur l’île d’Amsterdam.
Objectif à long terme
Objectif du plan
Préserver le bon état écologique des écosystèmes terrestres austraux.
Renforcer les connaissances sur les espèces et écosystèmes terrestres dans le périmètre de la réserve
Action FS 5 - Poursuivre les études et la cartographie de la distribution des invertébrés
Contexte
Généralités
En raison de son origine volcanique, de son isolement géographique ainsi que de son climat, l’île Amsterdam abrite des communautés d’invertébrés qui ont dû s’adapter et évoluer. C’est surtout le cas en altitude, où le climat subantarctique est prononcé. Dans ce contexte, certaines espèces ont divergé et perdu la fonction de vol. C’est le cas notamment de Brachypteragrotis patricei.
Cette caractéristique le rend particulièrement vulnérable à la prédation par les rongeurs (rat surmulot et souris domestique) introduits involontairement sur l’île Amsterdam. Il a été prouvé que sur plusieurs autres îles australes hébergeant des souris domestiques, celles-ci avaient un impact sur les populations de lépidoptères, et plus particulièrement sur leurs chenilles. C’est le cas à Gough Island, où Dimorphinoctua goughensis et Peridroma goughi, 2 papillons brachyptères semblables à Brachypteragrotis patricei, sont prédatés par les souris (Jones et al., 2003).
Dans le cadre du 11e FED PTOM région océan Indien, programmé en 2024, les TAAF vont se charger de la mise en œuvre d’un large programme de conservation dans les Terres australes françaises. Ce programme intitulé « Restauration des écosystèmes insulaires de l’océan Indien » (RECI), vise, entre autres, l’éradication simultané des mammifères introduits sur l’île Amsterdam. Afin de suivre les effets des actions envisagées, un plan de monitoring pré et postéradication visant différents groupes taxonomiques a été mis en place. Le suivi des communautés d’invertébrés en fait partie et a été initié en 2020 et 2021, via du piégeage sur stations réalisé sur 3 secteurs (voir protocole « 202009_Etat_des_lieux_invertebres_RECI »). Le protocole présenté dans ce document vient compléter ce premier suivi afin de préciser l’impact des rongeurs sur les communautés d’invertébrés d’altitude, jusque-là non suivies.
En plus du monitoring pré et post-éradication sur Brachypteragrotis patricei, cette étude permettra d’améliorer les connaissances sur l’espèce. En effet, diverses caractéristiques biologiques de l’espèce sont encore méconnues (Saboureau, 2022) ; c’est le cas de l’identité de la(es) plante(s) hôte(s) de la ponte, de la chenille et de la caractérisation de son régime alimentaire mais aussi de la phénologie de l’imago.
Appartenant à la très grande famille des Noctuidae (noctuelles) et à la sous famille des Noctuinae, le genre Brachypteragrotis est dit monospécifique, c’està-dire qu’il n’existe qu’une seule espèce. Il fait partie des 4 espèces de papillons endémiques du district de Saint-Paul et Amsterdam.
Cette espèce a été découverte par Patrice Paulian, biologiste, le 23 février 1956 au cœur de la Caldeira, puis décrite par Pierre Viette en 1959, un entomologiste français réputé. Le nom de genre provient du latin brachy (=raccourci) / ptere (=aile) et agrotis étant le nom d’un autre papillon présent sur l’île (Agrotis ipsilon), ailé lui, de la même famille et ayant des caractéristiques morphologiques en commun. Le nom d’espèce a été donné par P. Viette au récolteur Patrice P.
La petite taille de l’imago (stade adulte), 11 à 12mm d’envergure pour 12 à 13mm de longueur, et sa coloration brune le rend très discret (voir photo cidessous) mais quand on le regarde de près il a la particularité, hormis au niveau des yeux, d’être entièrement revêtu d’écailles. Les ailes, de 3 à 4mm, sont
réduites à l’état de moignon, les postérieures plus petites que les antérieures. Elles ne dépassent jamais le 2ème segment abdominal. Les antennes, de 5 à 6mm, sont plus épaisses chez le mâle que chez la femelle. Soyeuses, elles ont une couronne de courts cils à la base de chaque article. Les 3 paires de pattes sont abondamment couvertes de longues épines, les postérieures faisant environ 6mm.
Inféodé aux hautes altitudes, où il apparait commun, on le rencontre quasi exclusivement sur les milieux tourbeux, à quelques exceptions près (La Dive). Il a, pour l’instant, été trouvé entre 535 et 881m d’altitude. Ces milieux tourbeux forment un écosystème à forte valeur patrimoniale car plusieurs espèces endémiques de l’île y sont également présentes comme l’albatros d’Amsterdam (Diomedea amsterdamensis), des sphaignes comme Sphagnum cavernulosum et Sphagnum complanatum, des bryophytes comme Dicranoloma subconfine ou encore des plantes vasculaires comme Agrostis delislei et Plantago stauntonii.
Localisations actuellement connues de Brachypteragrotis patricei et son aire d’occurrence supposée (décembre 2022)
Suivi pluriannuel du papillon brachyptère (Brachypteragrotis patricei)
Objectifs
• Evaluer l’impact des actions d’éradication sur Brachypteragrotis patricei.
• Améliorer les connaissances sur la biologie de Brachypteragrotis patricei.
Méthodologie
Sites et échéancier
3 sites tourbeux, aux communautés végétales légèrement différentes, ont été choisis. Ce sont ceux où le plus d’observations opportunistes de l’espèce a été réalisé au cours de l’année 2022.
- Le Pignon (PIGN 1 et 2) [720m] : paratourbières à Poa fuegiana, Agrostis delislei, Racomitrium lanuginosum, Hymenophyllum peltatum et faciès à Sphagnum sp.
- Le Plateau des Tourbières (PDT 1 et 2) [580m] : tourbières à Agrostis delislei, Racomitrium lanuginosum, Dicranoloma subconfine
- Le Plateau des Tourbières (PDT 3 et 4) [580m] : tourbières à Agrostis delislei, Racomitrium lanuginosum, Dicranoloma subconfine et faciès à Elaphoglossum succisifolium.
3 suivis seront réalisés durant l’année, entre décembre et février, période favorable pour la détection des imagos :
1er passage (T1-1) : [+/-] 15 décembre
2ème passage (T1-2) : [+/-] 15 janvier
3ème passage (T1-3) : [+/-] 15 février
Un deuxième suivi pré-éradication pourra être effectué en 2023/2024 en fonction des résultats obtenus cette année. Le suivi sera reconduit en 2025/2026, un an après la phase opérationnelle du programme RECI.
Paratourbières d’altitude à Poa fuegiana et Hymenophyllum peltatum
Tourbières à Agrostis delislei, Racomitrium lanuginosum et Dicranoloma subconfine, ici faciès à Elaphoglossum succisifolium
Suivi pluriannuel du papillon brachyptère (Brachypteragrotis patricei) – RECI
Localisation et matérialisation des transects
Chaque site de suivi est constitué de 6 transects de 100m de long, espacés chacun de 20m, orientés nord-sud pour les secteurs PDT et est-ouest pour PIGN.
La matérialisation des placettes doit être réalisée conformément au schéma ci-dessous :
Piquet aluminium
Tube xe enterré que e alu iden ant du transect
Fichiers associés : Localisation piquets – « 2022_piquets_transects_suivi_Brachypteragrotis » / Linéaire transects – « 2022_transects_suivi_Brachypteragrotis »
Prendre une photo du transect depuis chacun des piquets de marquage et renommer la photo comme ceci : « 2022_nomdutransect_orientationpiquet ».
Exemple : 2022_PDT1_sud.
Méthodologie de suivi des transects
Afin de préciser la méthodologie la mieux adaptée pour ce type de suivi, 3 méthodologies seront testées lors du passage T1. En fonction des résultats et des retours terrains, une seule méthode de suivi sera ensuite choisie. Les 3 méthodes de suivi des transects sont les suivantes :
Transect point contact continu
L’observateur marche à un rythme lent mais régulier (0.5 à 1km/h) et recherche des individus au stade imago sur une largeur de 2 mètres (1m de chaque côté). Dès qu’un individu est contacté, un point GPS est relevé ainsi que le nombre d’individus observés et leur stade.
Fichier associé : Fichier Excel de saisie – « 2022_AMS_transect_point_contact_continu »
Transect avec cerclat de prospection
Au départ du transect et tous les 20m, un cerclat de 5m de diamètre est prospecté en chasse à vue, par un observateur, de manière exhaustive (pas plus de 4min par cerclat). Utiliser un mètre enrouleur pour déterminer les 20m d’espacement entre le centre de chacun des cerclats. Au total, 6 sont prospectés par transect. Noter le nombre d’individus observés et leur stade pour chacun des cerclats prospectés.
Fichier associé : Fichier Excel de saisie – « 2022_AMS_transect_cerclat »
Transect point contact adaptatif
La méthode de suivi est à l’interface entre les deux premières. L’observateur marche à un rythme lent mais régulier (0.5 à 1km/h) le long du transect. Lorsqu’il contacte un individu, un point GPS est pris et un cerclat de 5m de diamètre est mis en place (matérialisation du centroïde par un ringot). A la manière de la méthode précédente, chaque cerclat est prospecté en chasse à vue, par un observateur, de manière exhaustive (pas plus de 4min par cerclat). Chaque centroïde de cerclat est espacé d’au minimum 5m.
Fichier associé : Fichier Excel de saisie – « 2022_AMS_transect_point_contact_adaptatif »
/!\ Conditions météorologiques /!\ : afin d’avoir la meilleure détection possible, il est demandé de réaliser le protocole sous une météo clémente (< 30 nœuds) et une couverture nuageuse limitée. Les conditions météorologiques au moment de la mise en œuvre du suivi doivent être renseignées dans les tableaux de saisie Excel.
Il est également intéressant de relever la présence (dans le champ remarque(s)) de certaines espèces qui pourraient avoir un impact notable sur l’espèce, comme par exemple Nabis sp. (Hemiptera : Heteroptera : Nabidae), une punaise, dont l’indigénat est inconnu, et qui pourrait être prédatrice du papillon.
Matériel
- 2 piquets métal de 100cm de longueur
- Loupe de terrain
- Carnet de terrain (+ crayon) ou tablette
- Raquettes (biosécurisées)
- Décamètre
- Cordeau de 100m
- GPS avec localisations (+ piles rechange)
- 1 pige de 1m
- Carte plastifiée du site avec les transects
- Appareil photo (si observation d’une caractéristique biologique inconnu)
Bibliographie
- Bonneil P., Nageleisen L.M., Bouget C., 2009. Catalogue des méthodes d’échantillonnage entomologique (Chap. 2, part. II). L’étude des insectes en forêt : méthodes et techniques, éléments essentiels pour une standardisation. Synthèse des réflexions menées par le groupe de travail ”Inventaires Entomologiques en Forêt” (Inv.Ent.for). ONF Les dossiers forestiers, 19 : 36-52.
- Brian P., 1994. Antipodes Island Lepidoptera. Journal of the Royal Society of New Zealand, 24 (1) : 91-116
- Jones A.G., Chown S.L. & Gaston K.J., 2002. Terrestrial invertebrates of Gough Island : an assemblage under threat ? African Entomology, 10 : 83–91.
- Jones A.G., Chown S.L. & Gaston K.J., 2003. Introduced mice as a conservation concern on Gough Island. Biodiversity and Conservation, 12 : 2107–2119.
- Parkes J., 2008. A Feasibility Study for the Eradication of House Mice from Gough Island. RSPB Research Report, 34 : 59 p.
- Saboureau F., 2022. Les premières images d’un papillon, inapte au vol, endémique de l’île Amsterdam [09/2022]. https://blog.saint-paul.ams.fr/
- Viette P., 1959. Lépidoptères de l'île Amsterdam (récoltes de Patrice Paulian). Bulletin de la Société entomologique de France, 64 (1-2) : 22-29.