Les zones humides, le repaire d’une flore bien souvent menacée Le résumé d’une année passée à herboriser dans le plus beau pays du monde et ses marges Saboureau Flavien
Connues de tous, les zones humides font parties des habitats les plus menacés, mais ça tout le monde le sait ! Le but de cet article n’est pas d’énumérer des chiffres superficiels bien qu’ils soient parfois intéressants, le but de cet article, très terre à terre sera de montrer par des exemples concrets la menace qui pèse sur ces écosystèmes et plus particulièrement sur sa flore. Les milieux humides français seront les fils conducteurs de la rédaction, car les plantes ne poussent pas là par hasard, elles ont des exigences strictes qui ne peuvent se rencontrer qu’en milieux naturels. On abordera une vingtaine d’habitats, parmi eux les tourbières qui sont sûrement les milieux humides les plus menacés à court et moyen terme par les activités directes et indirectes de l’Homme. D’un autre côté on abordera les milieux humides de montagne tel-que les combes à neige qui ne sont pas impactés directement mais menacés à plus long terme par les activités indirectes de l’Homme. On commencera par parler des zones humides d’altitude et nous terminerons par les zones humides littorales mais nous n’aborderons pas les milieux salés ou saumâtres ainsi que ceux de la zone méditerranéenne car ce ne serait plus un article mais un livre qu’il faudrait rédiger… Chaque chapitre est illustré par 6 plantes représentatives du milieu et au moins une de ces 6 plantes est considérée comme patrimoniale et emblématique. En haut à gauche vous retrouverez l’échelle de menace de l’habitat. Cet article n’est que le résumé d’une année d’herborisation dans l’hexagone à la recherche des plantes en danger d’extinction avant qu’elles ne disparaissent et que l’on ne soit plus là pour les observer. Biensûr d’autres zones humides existent mais celles-ci sont celles où j’ai pu passer le plus de temps et celles qui me paraissaient les plus démonstratives. Cette année 2020 aura été l’occasion pour beaucoup d’entre-nous de redécouvrir notre beau pays et ses richesses aussi bien faunistiques que floristiques. J’espère que cet article permettra alors à beaucoup d’entre-vous de se rendre compte que chez nous aussi les
Saxifraga hirculus L.
espèces disparaissent, car sur les 5000 espèces de plantes indigènes que compte l’hexagone, 742 sont menacées ou quasi menacées d’extinction, soit près de 15 % ! 24 espèces ont déjà disparus de notre beau pays et parmi elles 2 n’ont jamais étaient revues ailleurs dans le monde. Parmi les 51 espèces en danger critique d’extinction (CR), la saxifrage œil de bouc (Saxifraga hirculus) et le panicaut vivipare (Eryngium viviparum), souvent considérées comme les plus rares plantes de France, fréquentent les zones humides. Malheureusement les milieux humides font parties des habitats les plus acculés par l’anthropisation et plus particulièrement par l’introduction d’espèces devenues invasives. On verra dans l’article que nombre d’espèces introduites directement ou indirectement, aussi bien animales que végétales, sont devenues parmi les premiers facteurs de disparition en France. Dans le monde, après la fragmentation des habitats et le réchauffement climatique, l’introduction d’espèces invasives est devenue le 3éme facteur d’érosion de la biodiversité. Il nous faut faire très attention, car jouer aux apprentis sorciers avec de nouvelles espèces introduites, croyant bien faire, peut en fin de compte nous amener à faire disparaître indirectement nombre d’espèces ; bien-sûr les milieux évoluent et ne sont pas figés mais ils évoluent à une vitesse ahurissante et l’écosystème n’a pas le temps de s’adapter... Je serais sûrement, par passion, le premier à raporter des graines d’un autre pays mais il faut le faire avec réflexion, ramener des graines de théacées ou de magnoliacées ne posera aucun problème mais désormais, après m’être rendu compte des dégâts, je ne jouerais jamais à l’apprenti sorcier en ramenant des graines d’impatiens ou d’opuntia par exemple… à bon entendeur ! Sauf mentions contraires les photos sont propriétés de l’auteur. Je remercie Philippe Férard, Anthony David, Christian Besson et Franck Le Driant qui ont pu donner certaines de leurs nombreuses photos, sans oublier leurs précieux conseils. Un grand merci à Philippe pour son attentive relecture.
Eryngium viviparum J.Gay
à Soldanella alpina
à Saxifraga aizoides
à Saxifraga hirculus
à Lobelia dortmanna
12. Roselières
à Ranunculus lingua
11. Gazons vivaces amphibies
à Litorella uniflora
10. Gazons annuels amphibies à Coleanthus subtilis
9. Lacs et Étangs
Moraines à Androsace alpina &
8. Rivières à Ranunculus pennicillatus
7. Tourbières continentales
6. Torrents d’altitude à Saxifraga aquatica
5. Marais d’altitude à Triglochin palustre
4. Lacs d’altitude à Sparganium angustifolium
3. Suintements d’altitude
2. Reculées glaciaires à Carex atrofusca
1. Combes à neige
Glaciers
Artemisia umbelliformis
Les Zones Humides Franç Extrait « Les zones humides, le repa représenté par une plante patrimonia
Sous-bois à Corydalis solida & Adoxa moschatellina
à Ranunculus nodiflorus
à Marsilea quadrifolia
à Liparis loeselii
à Fritillaria meleagris
22. Pelouses vivaces amphibies à Isoetes hystrix
21. Suintements littoraux à Rumex rupestris
20. Pannes dunaires
19. Prairies inondables
18. Prairies alluviales humides à Gratiola officinalis
17. Mares et Boires
à Cicendia filiformis
à Pinguicula lusitanica
16. Pelouses annuelles amphibies
15. Tourbières atlantiques
14. Landes humides à Gentiana pneumonanthe
13. Mares temporaires
çaises (non salées et non méditerranéennes)
aire d’une flore bien souvent menacée », chaque milieu est ale emblématique du groupement.
~ 2000m
~ 1000m
Landes sèches à Erica cinerea &
Simethis mattiazii
Prairies mésophiles à Ophrys apifera &
Saxifraga granulata
Estuaires à Angelica heterocarpa &
Scirpus triqueter
Pas de la Beccia 2700m, Savoie Juillet 2020
1. Combes à neige Cet habitat particulier se développe bien entendu en climats très froids et généralement sur l’ubac. Ce milieu favorable à une accumulation de neige, ne se rencontre qu’en dessous de la limite des neiges éternelles. L’accumulation des neiges hivernales se retrouve généralement coincée dans une dépression plus ou moins fraîche lui permettant de résister à une température ambiante normalement suffisante à sa fonte. Généralement isolées sous une couche de neige de plusieurs mètres pendant au moins 9 mois les combes finissent de fondre en milieu d’été, si ce n’est pas le cas c’est un milieu qui devient alors favorable à la formation des glaciers. En France la limite combes à neige / glaciers se retrouve aux alentours des 3000m d’altitude. A contrario on les retrouvent rarement, pour ne pas dire jamais, en dessous de 2000m d’altitude en France. Compte-tenu de la courte période de végétation, de l’humidité constante du sol en été et de la sécheresse hivernale, la végétation, dite chionophile, a du se spécialiser et donc se spécifier, expliquant alors l’étonnante diversité dans de si petits milieux où l’on retrouve presque exclusivement des plantes herbacées qui, lorsqu’elles ne le sont pas, sont prostrées au sol. Il est alors probable que le réchauffement climatique se traduise sur ces combes à neige par un assèchement et un allongement de la période de végétation. Avec pour conséquence, la disparition plus ou moins rapide des espèces caractéristiques et leur remplacement par des plantes moins spécialisées, entraînant une perte de biodiversité. On retrouve principalement 2 types de milieux, les combes à neiges acides ou l’on rencontre généralement Salix herbacea et les combes à neiges calcaires où l’on observe généralement Salix reticulata. Ces saules, qui sont des arbrisseaux caractéristiques des milieux de toundra et de montagne de l’hémisphère Nord, sont souvent considérés comme les plus petits arbres du monde. On peut également noter que sur calcaire, le milieu est en général plus rocailleux et moins riche en bryophytes que sur sol acide. Selon l’épaisseur la neige forme un isolant. Dans les mœurs, 2 plantes très esthétiques sont emblématiques de ce milieu, ce sont les soldanelles (Soldanella alpina) et l’erythrone dent-de-chien (Erythronium dens-canis). De la famille des primevères la soldanelle talonne directement les combes à neige. Perchée à l’extrémité d’un long pédoncule la corolle violacée, aux pétales frangés, est des plus gracile. L’erythronium, de la famille des lys, possède également une fleur
Saxifraga androsacea
Ranunculus alpestris
orientée vers le sol mais la corolle est généralement rose et ses feuilles bien plus grandes font penser à celles des tulipes. Dans les Alpes, 15 espèces de plantes vasculaires ont été qualifiées indicatrices des combes à neige : (Alchemilla pentaphyllea, Alopecurus gerardi, Arabis caerulea, Carex foetida, Cerastium cerastoides, Gnaphalium hoppeanum, Gnaphalium supinum, Luzula alpinopilosa, Salix herbacea, Salix serpyllifolia, Salix reticulata, Salix retusa, Saxifraga androsacea, Sibbaldia procumbens, Veronica alpina). Cependant on retrouve d’autres plantes inféodées à ces milieux comme Ranunculus alpestris, une renoncule très localisée dans les Alpes mais un peu moins Soldanella alpina dans les Pyrénées, mais qui par leurs raretés ne permettent pas de les qualifier d’indicatrices. D’autres espèces un peu moins inféodées comme la Gagea fragifera, une magnifique liliacées aux fleurs jaunes que j’ai beaucoup retrouvée à quelques mètres des dernières neiges en Haute-Maurienne, se rencontrent généralement dans les alpages. À la manière de la gagée j’ai régulièrement pu observer de superbes androsaces aussi bien dans les Pyrénées (Androsace laggeri) que dans les Alpes (Androsace adfinis subsp. puberula, Androsace adfinis subsp. adfinis, Androsace obtusifolia), apparaissant quelques semaines après les dernières fontes. C’est un milieu très fleuri, sûrement un des plus colorés de cet article, car les plantes doivent, compte-tenu de la durée d’enneigement, tout mettre en place pour se reproduire très rapidement. En France, les combes à neiges rassemblent 2 communautés classées d’intérêt communautaire que sont les pelouses boréo-alpines siliceuses et les pelouses calcaires alpines à subalpines. Compte-tenu de la spécificité et de l’originalité de ce cortège floristique identitaire, les combes à neiges ont permis d’élaborer le principe de phytosociologie, l’étude des groupements végétal, dont on parlera beaucoup dans certains chapitres.
Androsace adfinis subsp. puberula
Gagea fragifera
Salix reticulata
Cirque et glacier des Evettes 2500m, Savoie Juillet 2020
2. Reculées glaciaires Cet habitat difficile à nommer est un groupement pionnier des bords de torrents alpins tout juste sortis des glaciers. Il forme des bas-marais de pente ou des gazons clairsemés peuplés de plantes strictement orophytes mais bien souvent dominés par les joncs et les petites cypéracées, colonisant des alluvions sablonneuses et pauvres en matières organiques. L’eau qui alimente le milieu est fortement oxygénée, de pH compris entre 7 et 8. Ce groupement ne supporte pas des températures journalières moyennes supérieures à 25°C et, pour cette raison, ne se trouve en France presque jamais en dessous de 2000m d’altitude. En phytosociologie on appelle ce groupement le Caricion incurvae. Il est caractérisé par huit espèces pionnières arctico-alpines dont la plupart sont, dans les Alpes, des reliques postglaciaires de grand intérêt patrimonial : Juncus arcticus, Carex bipartita, Carex maritima, Carex microglochin PN, Carex bicolor PN, Carex atrofusca PN, Trichophorum pumilum PN, Tofieldia pusilla PN. Bien entendu, le pâturage provoquant eutrophisation, abroutissement et la fréquentation touristique engendrant le piétinement sont des facteurs de son potentiel décli0,n mais à une échelle plus large, ce sont les changements climatiques globaux entraînants le retrait glaciaire généralisé et la remontée progressive des étages de végétation qui devraient impacter lourdement l’habitat. Dans l’arc Alpin, on rencontre ce groupement en Maurienne, en Tarentaise, dans le piémont, en val d’Aoste et dans le bassin des Drances. À une plus grande échelle il est présent en Scandinavie, en Grande Bretagne, en Islande, au Groenland, en Amérique du Nord et en Asie. Les Carex, ah ces Carex… bien souvent dédaignés par les néophytes se sont pourtant, quand on les regarde de près, de très belles plantes. Malgré les préavis ce sont des espèces plutôt simples de reconnaissance car, hormis quelques espèces comme C. frigida, ce sont des plantes stables et qui en plus de ça ne s’hybrident que très peu… Une fois que le vocabulaire, comme les utricules, les stigmates ou encore les écailles est acquis, il est facile de cheminer dans la flore. Ici, nous avons en plus la chance de parler de certaines des plus rares et des plus belles laîches françaises, toutes protégées à l’échelon national. Le Carex bicolor, une laîche aux utricules jaunâtres et aux écailles brunes créant un contraste saisissant, a la particularité d’être prostrée au sol, à croire qu’un groupe de touristes l’ait piétiné quelques minutes plus tôt. Elle se rencontre assez couramment sur son habitat dans les Alpes mais est bien plus rare dans les Pyrénées où elle ne se rencontre que dans les environs de la Brèche de Roland et du Mont-Perdu.
Carex bicolor PN
Juncus triglumis
La laîche à petites soies (Carex microglochin) reste pour moi la laîche la plus élégante de la flore Française… de petite taille, 7 à 20cm, elle forme des colonies de plusieurs centaines de mètres carrés. L’unique épi est formé de fleurs femelles dans la partie inférieure et de fleurs mâles érigées dans la partie supérieure. Elle est aujourd’hui classée quasi menacée d’extinction (NT) en France. Le Carex atrofusca, aux épis très foncés presque noirs, est quant à lui l’une des laîches les plus rares de France, où elle y est classée vulnérable (VU) sur la liste rouge de l’UICN. Elle est aujourd’hui connue du département de la Savoie (Haute-Maurienne, Tarentaise) et de quelques stations dans le haut du Queyras (Hautes-Alpes). Il ne faut pas la confondre avec la laîche noirâtre (Carex atrata), Carex atrofusca PN qui a tous ses épillets regroupés à l’extrémité des tiges. La tofieldie boréale (Tofieldia pusilla), une rareté française, protégée, à la répartition similaire au précédent Carex, fait partie d’une famille assez peu connue du néophyte, celle des Tofieldiacées, et pourtant son cousin, le Tofieldia calyculata, que l’on verra plus tard est très présent dans les Alpes et les Pyrénées. Pour les différencier aucun problème, ce dernier est facilement 2 fois plus grand et son inflorescence est bien plus fournie en fleurs. Lorsque les 2 espèces se rencontre on peut avec beaucoup de chance trouver son hybride, Tofieldia x hybrida, autant vous dire qu’il faut ouvrir l’œil. Cependant d’autres plantes comme la grassette alpine (Pinguicula alpina), une grassette plutôt ubiquiste à haute altitude, peuple ces alluvions. Elle diffère de ses cousines françaises par sa fleur blanche, au centre jaunâtre, et ses feuilles souvent rougeâtres. On peut également observer Primula farinosa, une primevère violette que l’on rencontre assez couramment en montagne. Les yeux les plus aguerris remarqueront un magnifique petit jonc, le jonc à trois glumes (Juncus triglumis), qui peut être assez courant dans ces reculées glaciaires. Un milieu très riche mais aussi d’une très grande fragilité, qu’il nous faut protéger !
Carex microglochin PN
Tofieldia pusilla PN
Pinguicula alpina
Cirque d’Estaubé 2200m, Hautes-Pyrénées Juillet 2020
3. Suintements d’altitude Cet habitat qui peut paraître dérisoire sur le papier est pourtant très présent en haute montagne. C’est sûrement l’un des habitats que l’on rencontre le plus en altitude, il paraissait alors judicieux d’en parler. Bien que le réchauffement risque de faire remonter sa limite altitudinale il est tout de même loin d’être menacé à court et moyen terme. Il est à rapprocher de ce que les phytosociologues appellent le Cratoneurion. C’est un habitat assez proche des torrents et donc beaucoup de plantes se retrouvent dans l’un comme dans l’autre milieu, à l’image de la saxifrage étoilée (Micranthes stellaris). Aucune plante n’est plus identitaire de ce milieu que le saxifrage faux-aizon (Saxifraga aizoides). Très présent en Scandinavie, en Écosse, dans les Alpes et dans les Pyrénées il est cependant absent du massif central. Caractéristique des suintements rocheux vous ne pouvez pas faire une randonnée en haute montagne sans le rencontrer. En France, il existe d’autres saxifrages à fleurs jaunes comme le saxifrage de Burser (Saxifraga aretioides), le saxifrage variable (Saxifraga mutata) et le saxifrage œil de bouc (Saxifraga hirculus) mais aucun d’entre eux ne lui ressemble et ne fréquente le même milieu. Dans les Pyrénées, la grassette à grandes fleurs (Pinguicula grandiflora) fait sans aucun doute partie de cet habitat. Elle est presque aussi courante que le précédent saxifrage. Cette grassette se différencie, comme son nom l’indique, grâce à la taille de ses fleurs beaucoup plus grandes que la grassette commune (Pinguicula vulgaris). Principalement originaire de la chaîne pyrénéenne et de la chaîne cantabrique on la retrouve également sur les préalpes. Cette répartition est typique de nombreuses plantes principalement pyrénéennes comme la globulaire à tiges nues (Globularia nudicaulis), l’oxytropis négligé (Oxytropis neglecta), l’épiaire queue de renard (Betonica alopecuros), la vesce des pyrénées (Vicia pyrenaica) ou encore l’androsace velue (Androsace villosa). D’autres plantes pyréneo-cantabriques comme la sabline pourprée (Arenaria purpurascens) ou principalement pyrénéennes comme la primevère à feuilles entières (Primula integrifolia) n’existent que d’une population dans le Vercors, la confluence entre les pré-alpes du Sud et les pré-alpes du Nord, et se retrouvent donc isolées à plus de 400Km de la chaîne pyrénéennes ; certaines comme la sabline sont alors considérées comme sub-endémiques.
Saxifraga aizoides
Arabis soyeri subsp. subcoriacea
Dans les Pyrénées encore une fois, on peut observer deux plantes typiques des suintements. D’un côté le véronique de Gouan (Veronica ponae), une sub-endémique pyrénéo-cantabrique connue en Andalousie, qui côtoie très souvent les suintements en compagnie du tofieldie (Tofieldia calyculata) et de la bartsie des Alpes (Bartsia alpina). Cette véronique a été découverte et décrite par le médecin et botaniste montpelliérain Antoine Gouan (1733-1821) qui était à la recherche de plantes rares pour les jardins botaniques de Montpellier et de Perpignan. Lors de ses pérégrinations pyrénéennes entre 1766 et 1767 il a pu y découvrir et décrire de nombreuses espèces emblématiques comme le lys des Pyrénées (Lilium pyrenaicum) ou Pinguicula grandiflora encore le panicaut de Bourgat (Eryngium bourgatii). D’un autre côté la grassette à longues feuilles (Pinguicula longifolia subsp. longifolia), une plante très rare classée quasi menacée d’extinction, exclusivement connue de la région de Gavarnie en France et du parc national d'Ordesa et du MontPerdu en Espagne. Elle croît sur les falaises calcaires humides, notamment sous les surplombs. Elle se reconnaît facilement des autres grassettes grâce à ses feuilles ondulées, bien plus longues que larges. La tofieldie à calicules (Tofieldia calyculata), dont on a déjà pu parler dans le chapitre sur les reculées glaciaires, reste avec la saxifrage faux-aizon la plante emblématique des suintements mais contrairement au saxifrage qui est inféodé à ce milieux la tofieldie peut également se s’observer sur les marais d’altitude. L’arabette de Jacquin (Arabis soyeri subsp. subcoriacea), une stricte orophyte, qui diffère du type pyrénéen par la quasi absence de cils sur les feuilles, se rencontre dans les Alpes, bien souvent au dessus de 2000m. On l’observe normalement sur les suintements rocheux mais aussi, et comme j’ai pu la rencontrer, auprès des ruisseaux issus de la fonte des combes à neige. Ses feuilles coriaces et luisantes la différencie très bien des autres arabettes de la flore française.
Tofieldia calyculata
Veronica ponae
Pinguicula longifolia © Anthony David
4
Lac Perrin 2300m, Savoie Juillet 2020
4. Lacs d’altitude En France cet habitat reste assez rare, il se retrouve généralement à partir de 1500m et ne dépasse que rarement 2500m. Au dessus de cette altitude aucune faune et aucune flore ne s’y développe car les lacs sont gelés près de 10 mois dans l’année. Ces milieux oligotrophes ont tendance à très vite se dégrader, plusieurs causes peuvent être évoquées : niveaux d’eau élevés du fait de l’activité hydroélectrique, captage des eaux, sédimentation, berges devenues abruptes, piétinement par les troupeaux, déjections et autres impacts de la pêche, de l’eutrophisation… De telles contraintes climatiques limitent ainsi le cortège floristique et trouver des espèces emblématiques en devient très compliqué. La plante phare de ce milieu reste sans contexte le rubanier à feuilles étroites (Sparganium angustifolium), cette plante aquatique des plus étonnantes fait partie de la même famille que la bien connue massette, les typhacées. Ses longues et étroites feuilles flottantes peuvent facilement recouvrir toute la surface de certains lacs d’altitude. Je me rappelle de cette première fois où j’ai pu le rencontrer, c’était à l’intérieur du Cirque Troumouse dans les Hautes-Pyrénées, là-bas certains lacs en étaient recouverts et de loin j’étais vraiment intrigué avant de voir les étonnantes inflorescences sphériques et comprendre que c’était un rubanier. La photo du dessus montre très bien le graphisme que peut créer cette plante dans le paysage, sûrement une des plus emblématiques plantes de montagne. La linaigrette de scheuchzer (Eriophorum scheuchzeri), qui tout comme le Scheuchzeria palustris, doit son nom à Johann Jakob Scheuchzer, médecin et botaniste Suisse du début du 18éme siècle, fait partie des plantes indicatrices de milieux humides en haute montagne. Cependant il peut être assez souvent présent sur les berges les lacs de montagne et donc être identitaire de ce milieu pour bon nombre de personnes. Cette linaigrette diffère de ses 3 cousines (E. latifolium, E. angustifolium, E. gracile) par des inflorescences à épis solitaires et de la cinquième et dernière espèce française, E. vaginatum, plante cespiteuse des tourbières pouvant former des touradons, par ses inflorescences de diamètre bien plus important. L’isoete des lacs (Isoetes lacustris) est une fougère s.l. amphibie, protégée nationalement, qui colonise le fond des lacs, de montagne principalement. Ce genre de plus de 140 espèces, dont 9 taxons présents en France et 2 endémiques à l’hexagone, fait partie des plantes les plus
Eriophorum scheuchzeri
Isoetes lacustris PN
difficiles à reconnaître. L’identification sûre et certaine se faisant à la loupe binoculaire ou au microscope. Il faut regarder l’ornementation des mégasporanges qui renferment les mégaspores (gamétophyte femelle), le « précurseur de la graine » en quelques sorte. Il se situe à la base des longues et fines frondes externes, les frondes internes renfermant quant à elles les microsporanges et microspores (gamétophyte mâle). La très grosse rareté de ce milieu, bien connue des botanistes, reste la subulaire aquatique (Subularia aquatica). Cette petite brassicacées, ne dépassant pas 5cm de hauteur, se rencontre dans le fond ou sur les berges exondées des lacs pyrénéens. Elle est aujourd’hui connue de quelques lacs en Ariège et dans les Pyrénées-Orientales où elle partage Sparganium angustifolium souvent son habitat avec le précédent isoetes. Dans le Parc National des Pyrénées elle n’est aujourd’hui connue que d’une seule station dans la réserve naturelle du Néouvielle où des suivis sont très régulièrement menés par les plongeurs. La population étant située en aval d’une retenue d’eau gérée par EDF des mesures ont récemment été prises avec ce dernier pour mieux gérer les niveaux d’eau et lui permettre de se reproduire, car bien qu’elle puisse pratiquer l’autogamie sous l’eau elle se doit de refaire surface pour que ses fruits s’ouvrent et libèrent les graines. Cependant des populations bien plus importantes sont observées en Écosse et dans les Pays Scandinaves, nous conférant alors une moindre responsabilité dans sa conservation à l’échelle mondiale. Ces milieux oligotrophes sont également bien connus pour héberger les potamos. Dans les lacs d’altitude français on retrouve entre autre le Potamogeton alpinus quasi menacé d’extinction en France (NT) et le Potamogeton praelongus, ce dernier, classé vulnérable (VU) n’est aujourd’hui plus connu que de quelques populations françaises se comptant sur les doigts d’une main. Il a récemment était trouvé dans un des lacs du Néouvielle, par des plongeurs, car cette espèce est entièrement immergée sous les eaux froides des lacs d’altitude.
Subularia aquatica
Potamogeton praelongus
Potamogeton alpinus
Réserve naturelle du Néouvielle 2200m, Hautes-Pyrénées Juillet 2020
5. Marais d’altitude Cet habitat est très courant en altitude. Il est parfois assez difficile à différencier des tourbières car les marais ont tendance, compte tenue des conditions écologiques, à très vite former des tremblants (première phase de la tourbière) à haute altitude. Il est très souvent représenté au bord des lacs d’altitude et forme bien souvent les torrents lorsque ceux-ci ne sont pas issus de la fonte des glaciers. Ces marais ne sont pas forcément menacés à court et moyen terme mais peuvent l’être à long terme si les chutes de neige ne sont pas assez abondantes pour l’alimenter durant toute la saison estivale. Comme beaucoup de milieux de montagne ce sont des habitats ouverts et impérativement oligotrophes. Bien qu’elle soit très courante en montagne la plante emblématique de ce milieu humide reste la parnassie des marais (Parnassia palustris). Cette espèce, qui possède très sûrement la plus belle fleur de la flore française, a la particularité de former ce que l’on appel des staminodes. Les staminodes, ici regroupés en forme d’éventail, sont des étamines stériles ou avortées qui ne produisent pas de pollen. Jusqu’à récemment les extrémités de staminodes étaient considérées comme des nectaires censés attirer l’insecte mais depuis peu de temps les recherches menées ont démontré que ces pseudo-nectaires étaient en faite collants et la carnivorité de la plante a donc était mise en question… et oui même dans notre flore bien connue depuis des siècles il reste encore des énigmes à résoudre ! Cette fleur est si intrigante qu’elle a changé de famille à de nombreuses reprises, après avoir été classée dans sa propre famille, celle des parnassiacées, elle a été classée dans les saxifragacées ; aujourd’hui, après le passage de la génétique, elle fait étonnement partie des celastracées, la famille des fusains (Euonymus spp.) ! Le troscart des marais (Triglochin palustris), est une autre plante tout aussi intrigante. Elle fait partie de la famille des juncaginacées, et non celle des juncacées, une alismatales proche des scheuchzeriacées que nous verrons bientôt dans l’article sur les tourbières continentales. Une petite famille de 3 genres dont le très cosmopolite genre Triglochin, qui est présent sur les 5 continents. Ce dernier est composé de 26 espèces et 4 d’entre-elles sont présentes dans l’hexagone. Cette monocotylédone fréquente les marécages de plus ou moins haute altitude mais bien qu’elle se maintienne en altitude sa situation est très préoccupante en plaine. Dans les Pays-de-la-Loire par exemple, où a été prise la photo, ses dernières stations qui se trouvent dans les marais de brière sont menacées par la cotule pied-de-corbeau (Cotula coronopifolia), une invasive arrivée tout droit d’Afrique-du-Sud et qui fait
Parnassia palustris
Carex frigida
maintenant des ravages dans les marais Atlantiques. Ce troscart produit des hampes florales, d’une trentaine de centimètres, qui sont composées de nombreuses et originales fleurs minuscules (2 à 3mm) aux stigmates poilus. Ses capsules (fruits) qui, lorsqu’elles s’ouvrent, forment 3 pointes dirigées vers le bas lui ont valu son nom de genre. À l’époque ces milieux, à plus basse altitude généralement, étaient aussi connus pour héberger les pédiculaires des marais (Pedicularis palustris), un genre bien connu en montagne. Aujourd’hui cette espèce est devenue très rare, car ses effectifs ont fortement diminués au cours des dernières décennies, et c’est dans les tourbières Jurassiennes et du Massif-Central qu’elle a principalement trouvée refuge. Elle est donc Juncus alpinoarticulatus désormais classée quasi menacée d’extinction par l’UICN. Le jonc alpin (Juncus alpinoarticulatus subsp. alpinoarticulatus) est un des plus beaux jonc qu’il m’est était donné de rencontrer. Cet orophyte forme les pieds dans l’eau des peuplements assez denses, bien souvent en compagnie de la parnassie et de la tofieldie (Tofieldia calyculata), dès 1200m d’altitude. Juncus alpinoarticulatus subsp. fuscoater se rencontre quant à lui à plus basse altitude, dès 300m. Sur un marais d’altitude, non loin d’un torrent, il m’a été donné de rencontrer la laîche des frimas (Carex frigida), une des rares laîches françaises à être variable. Cette belle orophyte se reconnaît à ses épis femelles longuement pédicellés, pendants à maturité, très densément fournis en utricules, qui sont des plus beaux en fleurs ! Pour terminer parlons d’une plante bien plus courante et loin d’être menacée : la linaigrette, que tout le monde connaît désormais. Contrairement à l’espèce sub-alpine évoquée précédemment (Eriophorum scheuchzeri), la linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium) produit plusieurs épis pendants et se retrouve majoritairement à l’étage montagnard où, grâce à ses stolons, elle peut former d’énormes populations. Contrairement à notre intéressée, la linaigrette à feuilles larges (Eriophorum latifolium) possède des pédoncules floraux scabres au toucher.
Triglochin palustris
Eriophorum angustifolium
Pedicularis palustris
Réserve naturelle du Néouvielle 2300m, Hautes-Pyrénées Juillet 2020
6. Torrents d’altitude Cet habitat correspond aux bords des ruisseaux de montagne, ces cours d’eau qui font les gaves. Bien que peu d’espèces y soient vraiment inféodées on retrouve très souvent un cortège floristique similaire d’un torrent à un autre. C’est un des rares habitats dont le réchauffement climatique peut-être favorable car la fonte des neiges et des glaciers multiplie le nombre de torrents, cependant une fonte trop rapide peut amener à une dégradation des rives. J’ai surtout pu remarquer ce type de cortège dans les Pyrénées. Là bas une plante y est vraiment inféodée, c’est la saxifrage aquatique (Saxifraga aquatica), ça ne s’invente pas ! Cette magnifique saxifrage endémique des Pyrénées, sûrement une des plus florifères de la flore française, produit chaque été des grandes inflorescences pouvant dépasser 50cm de hauteur et se remarquant de très loin. Ces dernières, issues de tiges rampantes aux feuilles bien souvent rougeâtres, sont remplies d’une multitude de fleurs blanches. Ses feuilles peuvent ressembler à celles de la saxifrage à feuilles de géranium (Saxifraga geranioides), une autre endémique des Pyrénées, mais cette dernière fréquente plutôt les éboulis siliceux et les landes à rhododendrons et ne produit pas de grappes aussi impressionnantes. Notre intéressée se rencontre aux étages alpins et subalpins des parties centrales et orientales de la chaîne, parfois en de très grosses populations (voir ci-dessus). Elle peut parfois se rencontrer en compagnie du saxifrage faux-aizon (Saxifraga aizoides), de la saxifrage étoilée (Micranthes stellaris), du populage des marais (Caltha palustris) et du cranson des Pyrénées (Cochlearia pyrenaica), une brassicacées qui, comme son nom ne l’indique pas, est principalement originaire des Alpes orientales et du Royaume-Uni mais qui retrouve aussi quelques populations dans le Cantal et les Hautes-Pyrénées pour l’hexagone. Elle produit des feuilles rondes qui peuvent très fortement faire penser au populage des marais, mais une fois fleurie aucun doute ne subsiste. Bien souvent c’est elle qui est le plus au contact des torrents en se réfugiant sur les rochers au beau milieu des flots, j’en suis même venu à me demander comment elle faisait pour s’accrocher face au courant… En raison de sa rareté, à l’échelle de la chaîne pyrénéenne, elle est protégée régionalement. Au bord des ruisseaux à courant un peu plus faible on observe très souvent l’épilobe à feuilles d’alsine (Epilobium alsinifolium). Bien différente des grandes épilobes bien connues, celle-ci dépasse très rarement 30 cm de hauteur. Grâce à ses stolons elle s’insère partout où elle peut trouver de la place, au bord des sources, des ruisseaux d’eaux claires et froides et des zones marécageuses environnantes. La saxifrage étoilée (Micranthes stellaris) fait partie de ces espèces plus ou moins ubiquistes à haute altitude, elle se rencontre aussi bien sur les
Pedicularis recutita PN
Cirsium spinosissimum
pelouses marécageuses que sur les suintements et les bords de ruisseaux. Bien souvent elle forme, en compagnie de certaines mousses et du populage des marais, des radeaux de végétations au milieu des larges ruisseaux au courant assez faible. Voilà pourquoi je voulais la présenter dans ce chapitre. Ses fins pétales, à l’onglet resserré, ponctués de 2 tâches jaunes et ses inflorescences nettement détachées du feuillage font d’elle l’une des plantes de montagne les plus raffinées. Bien que ces 2 dernières plantes soient aussi présentes dans la chaîne alpine partons maintenant à la découverte des Alpes. Là-bas, sur le bord des torrents les mieux préservés, on peut débusquer la pédiculaire tronquée (Pedicularis recutita). Cette plante, la seule de son genre protégée nationalement, est considérée comme la plus rare et la plus vulnérable des pédiculaires françaises. Dans Saxifraga aquatica l’hexagone elle ne se rencontre que dans le Beaufortain et la Tarentaise (Savoie) mais est un peu plus représentée à l’Est de la chaîne. À Val d’Isère, où j’ai eu la chance de la rencontrer, elle était accompagnée de la pyrole à feuilles rondes (Pyrola rotundifolia), de la saxifrage faux-aizon et de la rare saussurée des Alpes (Saussurea alpina subsp. alpina) à laquelle, obnubilé par la pédiculaire, je n’avais pas prêté attention. La frustration fût grande lorsque j’ai remarqué cette belle bévue face à mes photos… Selon certains botanistes il paraît que la rive héberge aussi la cortuse de Matthiole (Primula matthioli), une primevère protégée nationalement qui ne subsiste plus que dans la Tarentaise et la Vanoise. Bien connue des horticulteurs ses populations mondiales sont pourtant relictuelles et en fort déclin, la France et la Suisse semblent en héberger les plus grosses densités mondiales, un retour sur les lieux semble inéluctable. Pour terminer, parlons d’une plante bien plus courante mais très impressionnante, le cirse très épineux (Cirsium spinosissimum). Il pousse bien souvent dans les rocailles et les prairies humides mais lorsque qu’il colonise les larges torrents il forme de longues coulées presque monospécifiques dont on se souvient très longtemps… Un beau milieu !
Epilobium alsinifolium
Cochlearia pyrenaica
Micranthes stellaris
7. Tourbières continentales Les tourbières continentales font parties des habitats, sans compter leurs anciennes exploitations, les plus menacés de part le réchauffement climatique et leur drainage, cependant elles le sont quand même moins que les tourbières atlantiques, qui ont dû mal à se régénérer. Par tourbières continentales on entend ici aussi bien les tourbières Jurassiennes que les tourbières d’altitude. Les tourbières sont des milieux pionniers qui apparaissent sur des milieux saturés en eau et ouverts mais sur des eaux ou des substrats impérativement oligotrophes, cet-à-dire pauvres en éléments organiques dégradés. Les sphaignes sont les premières plantes à s’installer et sont les premières indicatrices de sa formation. Après plusieurs siècles d’accumulation de matières organiques les sphaignes créent un substrat sur lequel de nombreuses espèces vont se spécialiser. Ce substrat étant inondé en quasi permanence et donc privé d’oxygène, les bactéries et les champignons ne peuvent pas faire leur « travail » de décomposition, la matière organique et donc belle et bien là mais elle n’est pas assimilable par les plantes. Voilà pourquoi de nombreuses plantes se sont spécifiées et sont, entre autres, devenues carnivores. Cependant, comparées aux tourbières atlantiques celles-ci subissent des hivers très rigoureux, leur évolution est donc bien moins rapide qu’en climat océanique car le climat n’est pas favorable au travail des décomposeurs. Bien qu’elles soient loin d’être hors de danger leur besoin de régénération reste donc moins important. Le Jura est connu pour héberger les plus mythiques des tourbières françaises, là-bas on y trouve de nombreuses plantes que l’on retrouve nulle part ailleurs sur le territoire, dont une grande partie protégée nationalement. Très souvent ces plantes sont considérées comme arctico ou boréo-alpines, cet-à-dire qu’on les retrouvent principalement dans le haut de l’hémisphère-Nord (Canada, Scandinavie, Russie, Alaska, Islande, Écosse etc) mais que certaines d’entre-elles ont trouvé refuge en altitude après les dernières glaciations. Lorsque les tourbières Jurassiennes atterrissent et qu’elles sont très actives on peut trouver, en compagnie du rhynchospore blanc (Rhynchospora alba) et non loin des potentilles des marais (Potentilla palustris), la très étonnante scheuchzérie des marais (Scheuchzeria palustris). Cette monocotylédone, que l’on rencontre bien souvent en fruits et qui peut très vaguement faire penser aux troscarts (Triglochin spp.), fait partie de l’illustre, bien connue et banale famille monospécifique des scheuchzeriacées ! Cependant, notre principale intéressée sera la saxifrage œil-de-bouc (Saxifraga hirculus). Cette plante, bien souvent considérée comme la plus rare de France, est en très forte régression, protégée nationalement, elle est cotée en danger critique d'extinction (CR) par l’UICN. Pour la première fois, cette année (2020), la dernière population sauvage française, présente dans le Haut-Doubs et ne comptant que quelques individus, n'a pas fleuri. L'année dernière seules quelques inflorescences s'étaient faites remarquer alors que plus de 300 fleurs avaient été recensées il y a encore quelques années. Cette saxifrage arctico-alpine donc, totalement différente des autres et unique dans sa section en France (sect. Ciliatae) vit dans les marais de transitions plus ou moins tourbeux. Dans l’hexagone, elle était connue de plusieurs
Swertia perennis
Carex chordorrhiza PN
Canton de Vaud 1300m, Suisse Juillet 2020
populations, toutes situées dans la région biogéographique du Jura entre 800 et 1100m. Le drainage des tourbières et des marais de transition ainsi que le réchauffement climatique sont les 2 causes de son inévitable extinction dans l'hexagone... Dans le Jura Suisse, là où j’ai pu la photographier, seule une dernière et énorme population de plusieurs dizaines de milliers d’individus subsiste aux alentours de 1300m (photo du dessus), échappant alors, ou du moins pour le moment, au réchauffement climatique. Ces dernières années le plus ambitieux programme de réintroduction jamais réalisé en France (2017/2027) a alors été initié par le Conservatoire Botanique National de Franche-Comté (CBNFC), en relation avec le Jardin Botanique de Besançon. J'ai donc pu suivre Julien Guyonneau, en charge du pôle tourbières jurassiennes, dans le suivi des plants de saxifrages réintroduits dans de nombreux sites, au printemps et à l'automne 2019. Le bilan des réintroductions est alors positif avec un taux de survie Saxifraga hirculus PN de presque 90% pour les stations situées en altitude mais c'est plus compliqué à plus basse altitude, les actions sont donc concentrées au dessus de plus ou moins 1000m d'altitude. Dans les marais de transition, en compagnie de notre emblématique saxifrage, on retrouve bien souvent l’œillet superbe (Dianthus superbus), la rossolie à longues feuilles (Drosera longifolia, ex D. anglica), la pédiculaire des marais (Pedicularis palustris) et la swertie vivace (Swertia perennis). Cette dernière, une magnifique gentianacées que l’on retrouve également en montagne, produit de grandes hampes florales atteignant, pour certaines, presque 1m de hauteur. Elles sont composées de nombreuses fleurs d’un bleu profond, une plante qui devrait être donnée à tout le monde de rencontrer ! L’étoile des marais (Carex heleonastes), une autre spécialité jurassienne, est elle bien plus difficilement repérable. Elle n’est aujourd’hui connue que de 20 communes en France, 9 dans le Jura, 10 dans le Doubs et 1 en Haute-Savoie et se voit alors cotée en danger d’extinction (EN) et protégée nationalement. Lorsque la tourbière commence à se fermer, qu’elle se bombe, on peut, avec les yeux grand ouverts, débusquer la rare laîche à long rhizome ( Carex chordorrhiza). Une laîche, aux mêmes protections que la précédente, qui n’est aujourd’hui connue que du Jura et du Massif-Central pour l’hexagone. Il faut bien ouvrir les yeux car la plupart des individus de cette espèce ont la particularité de ne pas fleurir, autant vous dire que j’ai, malgré les indications des botanistes locaux, parcouru la tourbière en long et en large avant de la trouver dans une gouille au milieu des bouleaux. Cependant, elle a une tête bien à elle et la présence des rhizomes ne trompe pas, une fois identifiée vous saurez la reconnaître entre toutes.
Scheuchzeria palustris PN
Drosera longifolia PN
Carex heleonastes PN
Chenecey-Buillon 275m, Doubs Juin 2019
8. Rivières Cet habitat se rencontre dans tout le pays, depuis les hauteurs (~1500m) jusqu’aux estuaires. Cependant on distingue les rivières à forts courants et les rivières à courant plus lent, bien souvent ces 2 types d’habitats ont une flore bien distincte permettant même de différencier certaines espèces plus facilement. Les plantes de courant, dont on va surtout parler, sont appelées les plantes rhéophiles. Comme souvent avec la flore aquatique il n’est pas facile d’identifier les plantes car elles ont 2 formes différentes, la forme immergée et la forme émergée. Cet habitat ne fait pas partie des milieux les plus menacés mais l’eutrophisation des eaux peut bien souvent avoir des répercutions sur la flore. Une fonte trop rapide des glaciers peut également avoir des répercutions sur le courant et donc provoquer l’arrachage des plantes situées dans les rivières de premier ordre. Malgré cette complexité, quel plaisir d’aller identifier ces plantes les pieds dans l’eau mais il faut l’avouer parfois c’est bien plus que les pieds qui vont à l’eau… Les renoncules rhéophiles sont les plantes emblématiques de ce milieu. En France, on distingue surtout 2 espèces, d’un côté la renoncule des rivières (Ranunculus fluitans), rare et typique des cours d’eau oligotrophes, et de l’autre la renoncule à pinceaux (Ranunculus penicillatus), plus courante, elle fréquente les cours d’eau à tendance eutrophe, cependant la distinction entre ces 2 espèces est très délicate et le croisement des flores s’avère essentiel pour l’identifier avec certitude. Quoi qu’il en soit ces 2 plantes forment souvent d’énormes radeaux de fleurs flottantes (voir photo du dessus). Ces milliers de fleurs blanches, aux onglets de pétales jaunes, font plusieurs centimètres et sont impressionnantes par leur abondance. Les feuilles bien plus discrètes sont entièrement immergées et ont une caractéristique propre aux plantes rhéophiles, elle sont multifides, cet-à-dire qu’elles se sont adaptées en devenant très fines pour opposer le minimum de résistance face au courant. Bien souvent ces plantes font, entre le pied enraciné dans le lit du cours d’eau et les dernières fleurs, plusieurs mètres. Dans la vallée du Doubs, où j’ai pu en observer des centaines de mètres carrés dans différentes rivières, elles sont bien souvent identitaires du paysage, et pourtant rares sont les espèces non ligneuses, à la manière du rubanier à feuilles étroites (Sparganium angustifolium), qui à elles seules marquent un paysage. Au contraire, dans les rivières à courants lents, on peut observer bien plus d’espèces de renoncules aquatiques. La renoncules à feuilles capillaires (Ranunculus trichophyllus) se reconnaît grâce à ses fleurs bien plus petites et, à la manière des précédentes, à l’absence de feuilles flottantes (laminaires). Cependant ses feuilles multifides étant très proches de la surface elles ont tendance à faire remonter l’eau par capillarité (voir photo), une caractéristique qui permet de se faire un première idée de son identité.
Stuckenia pectinata
Groenlendia densa © Philippe Férard
Les callitriches (Callitriche spp.) font également partie des plantes emblématiques des rivières mais bien souvent on passe à côté sans y faire attention, et pourtant, elles sont présentes dans nombre de cours d’eau. Encore une fois les espèces sont difficiles à différencier car l’examen des fruits de quelques millimètres s’avère essentiel. Cependant des taxons comme ceux du groupe obtusangula sont plutôt inféodés aux courants alors que la callitriche des étangs (Callitriche stagnalis) ne se rencontrera pas, comme son nom l’indique, dans les rivières. Si vous en croisez un jour, il vous faudra examiner les fruits et le tour sera joué, car les feuilles sont trop polymorphes pour une identification certaine. Couramment ces milieux sont les habitats privilégiés des potamots (Potamogeton spp.). L’ancien potamot, Stuckenia pectinata, fait Ranunculus penicillatus partie de ces plantes entièrement immergées qui représentent très bien l’idée dont on se fait des feuilles fines se déplaçant au grès des courants. Dans des courants généralement plus faibles on rencontre également un ancien potamot, le potamot dense (Groenlendia densa), une plante qui se reconnaît grâce à ses très nombreuses feuilles opposées fortement rapprochées les unes des autres. Dans les canaux ou dans des eaux presque immobiles on peut trouver la châtaigne d’eau (Trapa natans). Une magnifique plante de la famille du lilas des Indes, celle des lythracées, bien connue en horticulture mais en très fort déclin dans toutes les plaines françaises… Ces milieux sont également connus pour être l’habitat d’une famille de plantes très couramment utilisées dans les aquariums et donc bien souvent devenues invasives, celle des hydrocharitacées. Bien que certaines espèces comme l’Hydrocharis morsus-ranae soient indigènes d’autres comme l’élodée dense (Egeria densa), le grand lagarosiphon (Lagarosiphon major) ou encore la vallisnérie spiralée (Vallisneria spiralis) sont devenues des pestes, envahissant aussi bien les plans d’eau que les grandes rivières. Elles empêchent bien entendu la flore spontanée de se développer mais c’est surtout la baisse de la vitesse du courant et donc l’eutrophisation qu’elles induisent qui met en péril la qualité de l’eau et la régression de nombreuses plantes oligotrophes comme la fameuse châtaigne d’eau.
Ranunculus trichophyllus
Callitriche grp. obtusangula
Trapa natans © Anthony David
Lac de Grand-Lieu 1m, Loire-Atlantique Juillet 2020
9. Lacs et étangs Cet habitat est très apprécié du grand public. C’est sûrement le premier milieu auquel l’on pense quand on parle des zones humides. Ici on parlera uniquement des plantes hydrophytes, cet-à-dire celles qui ont un feuillage flottant ou entièrement immergé sous l’eau. Très peu connu sous nos contrées, le lobélia de Dortmann (Lobelia dortmanna) est une plante rarissime en France, une rescapée de notre ancien climat boréal. Cette vivace amphibie, protégée nationalement et classée vulnérable sur la liste rouge de l'UICN, ne subsiste que de 5 étangs dans l'hexagone (Morbihan, Gironde, Landes). Elle est cependant bien présente en Ecosse, en Scandinavie et au Canada Elle forme une rosette immergée, de feuilles linéaires et aplaties pouvant être confondues avec les isoetes et la littorelle (Littorella uniflora). Elle sont surmontées à la belle saison d'une hampe florale de 15 à 90cm de hauteur. Les grappes lâches et penchées sont composées de quelques fleurs blanc lilacé de près de 2cm. Elle se remarque entre le mois de juin et le mois de septembre (en Bretagne) sur les bords des lacs et étangs, aux eaux oligotrophes et aux substrats grossiers. En Gascogne, elle peut se montrer dès le mois de mai. J’ai pu l’observer pour la première et sûrement la dernière fois cette année sur sa seule station bretonne, une plante magnifique qu’il est étonnant de ne pas entendre parler. La Caldésie à feuilles de parnassie (Caldesia parnassifolia) fait partie des raretés françaises, protégées nationalement, emblématiques des étangs mésotrophes. C’est une alismatacées aux feuilles flottantes, qui partage sa famille avec la fameuse étoile d’eau et le flûteau nageant. En France on retrouve les plus grandes populations en Brenne (Indre), c’est d’ailleurs la plante emblématique de la région. D’autres populations résiduelles sont présentes dans le Montmorillonais (Vienne), en Sologne (Vallée de la Loire), dans les Vosges, dans une commune du Nord de l’Isère et une petite population a récemment était découverte dans les plaines du Forez (Loire). Elle est souvent comparée aux Marsilea car elle partage certaines fois les mêmes milieux et la même protection européenne. Malgré en avoir trouvé plusieurs pieds cette année dans la Brenne je n’ai pas eu la chance de trouver d’inflorescences, qui apparaissent entre le mois d’août et le mois de septembre, ce n’est que partie remise ! Le Limnanthème faux-nénuphar (Nymphoides peltata) est avec le trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata) le seul autre représentant des menyanthacées en France. On devine leurs liens en observant leurs
Nymphoides peltata
Najas marina
pétales frangés. Il forme des feuilles flottantes circulaires, à la manière des nénuphars, et produisent en été des fleurs jaunes d’assez grande taille mais en assez faibles quantités de manière générale. Ses populations sont malheureusement en déclin partout en France. Seuls 3 bastions que sont la Bresse, la haute-vallée du Rhône et la basse vallée de la Loire lui permettent de se maintenir. En feuilles, il peut très facilement être confondu avec la morène (Hydrocharis morsus-ranae), cependant les fleurs blanches à 3 pétales ne laisseront pas de place à l’erreur. Pour terminer dans les plantes flottantes parlons des renoncules aquatiques et plus particulièrement de la renoncule blanche (Ranunculus ololeucos). Cette Lobelia dortmanna PN renoncule fait partie d’une section du genre Ranunculus, dont on a déjà pu parler et loin d’être simple, appelée Batrachium. Elle regroupe toutes les renoncules d’eau qui étaient auparavant classées dans ce même genre. Celle-ci a une particularité qui même si elle n’est pas systématique est souvent caractéristique, que sont les pétales entièrement blancs. En France seules 2 régions biogéographiques connaissent encore des populations importantes de cette plante, ce sont les landes (Gironde, Landes) et la Brière (Loire-Atlantique) bien que la Corrèze et la Sologne ne soient pas loin derrière. Pour terminer, on va s’intéresser aux plantes immergées. D’un côté le Najas marina, une hydrocharitacées au feuillage très étonnant qui vit généralement au milieu des étangs et dont on voit quelques feuilles s’échouer sur les rives, et d’un autre côté le plus connu Myriophyllum spicatum. Ce dernier fait partie de la famille des Haloragacées et produit un feuillage ressemblant à celui des utriculaires. En fin d’été il forme d’étonnantes inflorescences émergent de l’eau et laissant apparaître les fleurs femelles en verticille dans la partie inférieure et les fleurs mâles dans la partie supérieure.
Ranunculus ololeucos
Caldesia parnassifolia PN
Myriophyllum spicatum
10. Gazons annuels amphibies Cet habitat est assez peu connu du grand public. Pour beaucoup la baisse du niveau d’eau des étangs ou des lacs est synonyme de sécheresse mais une fois parcourues on change très rapidement d’avis sur ces grèves exondées. Ces milieux finalement assez restreints à l’échelle d’un pays sont pourtant le refuge de nombre d’espèces rares et menacées, des plus tributaires aux conditions météorologiques. Cependant ce n’est pas un milieu où les plantes sautent aux yeux, de manière générale ce sont des petites « herbes » thérophytes (annuelles) qui ne dépassent pas quelques centimètres, pour une raison très simple, elles n’ont que quelques mois pour se développer et doivent alors fleurir au plus vite en concentrant leur énergie à la production des appareils reproductifs. Le milieu étant également peu concurrentiel les plantes n’ont pas besoin d’aller chercher la lumière. Toutes les plantes colonisant ces milieux sont qualifiées de pionnières et elles ont la particularité d’être pour la plupart d’entre-elles considérées comme des plantes à éclipses, cet-à-dire qu’elles peuvent patienter sous forme de graines pendant plusieurs décennies avant d’attendre que les conditions écologiques propices à leur épanouissement soient réunies. Pour pouvoir former des gazons très rapidement le nombre de graines produites est souvent très impressionnant. Souvent appelées vases exondées j’ai préférais utiliser le terme de grève car quelquefois les berges sont plus minérales qu’organiques, et ce sont des habitats qui ne se forment que si le milieu est oligotrophe voilà pourquoi on ne rencontre pas les cortèges suivants sur les bords de mares. Le développement de ces plantes intervient généralement entre le mois de juillet et le mois d’octobre avant que les pluies automnales ne viennent recouvrir le milieu. Aujourd’hui beaucoup de ces plans d’eau ont été anthropisés et sont bien souvent utilisés en tant que retenues/réservoirs d’eau, les niveaux sont alors gérés par les gestionnaires des barrages et les plantes sont donc devenues tributaires des Hommes. En France, ce milieu se retrouve majoritairement en plaine, plusieurs régions sont connues pour leurs grèves s’exondant en été. La Dombes, située dans l’Ain, est considérée comme LA région des exondations mais d’autres régions comme la Brenne, la Gascogne ou encore le Forez attirent aussi nombre de botanistes chaque année. Le coléanthe délicat (Coleanthus subtilis) est l’emblème des grèves exondées limoneuses. Cette petite poacées annuelle, qui ne dépasse guère 2 à 3 cm de hauteur, fait partie des graminées les plus rares de France. Protégée dans tout l'hexagone, elle ne subsiste aujourd'hui qu'en Bretagne, et se voit classée presque menacée d'extinction (NT). Juste devant la France, on trouve les plus grosses populations mondiales en République-Tchèque. Retrouvée
Carex bohemica
Damasonium alisma PN
Lac de Vioreau 30m, Loire-Atlantique Octobre 2020
récemment au Nord-Ouest des U.S.A on observe également de petites populations relictuelles au Sud de l'Allemagne et au Nord de l'Autriche. Dans l'hexagone, elle serait connue de 3 étangs dans le Morbihan, 4 étangs dans les Côtesd'Armor, 8 étangs en Ile-et-Vilaine, 1 étang en Loire-Atlantique et aurait récemment était découverte sur un étang à cheval entre les Deux-Sèvres et le Maine-et-Loire. Le Coléanthe constitue l'unique représentant d'une tribu archaïque chez les poacées : les Coleantheae. Il a, en plus de ce caractère ancestral, la particularité de pouvoir faire l'ensemble de son cycle sur 30 jours, depuis la germination jusqu'à la maturité de ses fruits. Le nombre très important de graines produites chaque année lui permet de former rapidement des gazons de plusieurs centaines de m². Coleanthus subtilis PN L’étoile d’eau (Damasonium alisma) est également un autre emblème des vases exondées. Cette petite alimatacées, de la même famille que les plantains d’eau (Alisma plantago-aquatica) ou encore les sagittaires (Sagitaria latifolia), a la particularité de faire des fruits en forme d’étoile. Elle est classée en danger d’extinction (EN) et se voit protégée nationalement car les populations françaises, qui « se cassent très fortement la figure », sont de loin les plus grosses populations mondiales. Dans la Brenne vous pourrez observer, bien souvent ensemble, 2 plantes très localisées à l’échelle nationale ; la potentille couchée (Potentilla supina) et la laîche de Bohème (Carex bohemica). Cette première étant la seule potentille annuelle de France et ce dernier la seule laîche cespiteuse et annuelle de l’hexagone ! Les autres plantes emblématiques de ces milieux sont les élatines, ces plantes prostrées qui ne dépassent guère 1cm de hauteur produisent de minuscules fleurs ne dépassant pas 4mm de diamètre. E. hexandra (trimère) est une plante des grèves plutôt organiques alors que E. macropoda (tétramère), très rare en France, sera une plante des grèves minérales. La limoselle (Limosella aquatica), une scrophulariacées (et oui il en reste !) aux fleurs encore une fois minuscules aura la particularité de pouvoir marcotter et pourra alors être abondante lorsqu’elle est présente.
Limosella aquatica
Potentilla supina
Elatine macropoda
11. Gazons vivaces amphibies Cet habitat acidiphile est surtout atlantique. Il est représenté sur les grèves sablonneuses ou tourbeuses d'étangs ou de zones humides oligotrophes à mésotrophes (parfois eutrophes), peu profondes et longuement inondées. En phytosociologie cet habitat est à rapprocher du bien connu Littorelletea uniflorae. C’est un milieu qui se situe entre les gazons annuels amphibies, autrement dit les vases exondées, et les roselières. Il est généralement plus dense et de plus grande taille que les vases exondées. Comme son nom l’indique, contrairement à ces dernières, cet habitat est presque exclusivement composé de plantes vivaces. Il est situé entre la niveau « normal » du plan d’eau et le niveau maximum atteint en fin d’hiver. Les principales menaces qui pèsent sur ces végétations très sensibles aux perturbations sont l'aménagement et l'artificialisation des grèves d'étangs, l'atterrissement naturel ou artificiel des plans d'eau mais surtout la concurrence des espèces invasives. C’est dans cet habitat que les jussies (Ludwigia spp.) et la lindernie douteuse (Lindernia dubia) font le plus de dégâts, au point de mettre en danger d’extinction des espèces comme la lindernie couchée (Lindernia procumbens). La plante emblématique de ce milieu, qui lui a donné son nom, reste la littorelle à une fleur (Littorella uniflora). C’est une petite plantaginacées monoïque, très proche cousine des plantains (Plantago spp.), avec qui elle partageait l’ancienne famille des plantaginaceae s.s. avant qu’une partie des scrophulariacées, entre autres, y soient incorporées. Elle fait partie des végétaux qui ont une inflorescence, ici mâle, aussi grande voire plus imposante que la plante elle même. Les étamines sont portées à l’extrémité de filets pouvant faire plus de 1 à 2 cm ! Une fois rencontrée il est impossible de la confondre avec une autre plante. Bien que la France accueille les plus grandes populations mondiales, elle se voit protégée ; conséquence d’une forte régression dans de nombreuses régions. En cause, sa vulnérabilité face à l'eutrophisation et aux apports d'eaux turbides amenant des argiles mises en solution. En Loire-Atlantique on retrouve très souvent ce dernier en compagnie du Baldellia repens subsp. cavanillesii. Un taxon pas toujours simple à différencier de la deuxième espèce française, Baldellia ranunculoides, qui est normalement de plus grande taille. Il forme de denses et magnifiques tapis tout autour des plans d’eau, toujours à proximité du millepertuis des marais (Hypericum elodes). Ce dernier étant une autre emblématique du milieu, une atlantique absente de l’Est de la France mais abondante lorsqu’elle est présente. À présent, voici la présentation d’une espèce qui va en étonner plus d’un(e), la jussie des marais (Ludwigia palustris), la seule jussie française ! Bien
Baldellia repens subsp.cavanillesii
Alisma gramineum PN
Lac du Petit-Vioreau 35m, Loire-Atlantique Septembre 2020
plus petite, elle rampe depuis la berge avec ses tiges radicantes rougeâtres pour tenter, très souvent, de coloniser les eaux à la manière de ses cousines bien plus connues. Cependant ses fleurs à 4 tépales, sessiles à l’aisselle des feuilles, sont très loin de ressembler aux grosses corolles jaunes dont tout le monde à l’image en tête. Elle est bien présente dans le centre, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest mais est quasiment absente du reste de l’hexagone. En recul depuis la berge vous pourrez également, si vous êtes chanceux, observer l’emblématique gratiole (Gratiola officinalis) dont on parlera plus tard dans le chapitre sur les prairies alluviales humides. C’est la seule plante que j’ai pu observer qui réussissait pendant quelques temps à tenir tête à la jussie, avant de capituler. Avec encore plus d’abnégation et de Littorella uniflora PN chance vous pourrez débusquer le flûteau à feuilles de graminées (Alisma gramineum). Une autre alismatacées, protégée nationalement, qui est difficile à différencier de ses 2 cousins français. Normalement cette espèce a des feuilles très fines mais ce genre ayant un feuillage polymorphe il faut prendre la loupe et regarder si les styles des ovaires sont repliés ou non. Cette espèce encore mal connue est très dispersée, mais c’est en Brenne où j’ai pu l’observer qu’elle a l’air la plus représentée. Là bas on peut également y observer le scirpe mucroné (Schoenoplectus mucronatus), une très belle cypéracées très localisée en France qui fréquente presque exclusivement la Dombes, la Camargue et la plaine du Forez. Cette dernière plante, pionnière, n’est pas inféodée à ce milieu en particulier mais c’est dans celui-ci qu’elle se rencontre la majeure partie du temps. La boulette d’eau (Pilularia globulifera) est une fougère de la famille des marsiléacées, protégée nationalement, qui apparaît sur les futurs gazons fraîchement exondés. Elle forme très rapidement des populations importantes grâce à ses stolons mais en disparaît aussi vite lorsque le milieu se referme. Ses frondes fines et linéaires de plus ou moins 5 cm, très souvent en forme de crosse, voient, en fin de saison, se former à leurs bases des sporocarpes renfermant les méga et microspores, à la manière des marsilées et des isoetes.
Hypericum elodes
Ludwigia palustris
Pilularia globulifera PN
Étang de Clegreuc 45m, Loire-Atlantique Juillet 2020
12. Roselières Cet habitat qui se rencontre souvent, en zones humides, est très large et très diversifié, car le mot roseau ne désigne pas une espèce en particulier mais plusieurs espèces hélophytes. Les roselières typiques, denses et de grande hauteur (1,5m à 3m) forment normalement, en l’absence de faucardage, la végétation spontanée des bords de cours d’eau lents, des étangs et des mares plus ou moins eutrophes. Lorsque ces eaux sont moins riches, on observe l’apparition de la cariçaie, un groupement à laîches qui se développe au bord des points d’eau oligotrophes. Cet habitat, assez pauvre comparé aux autres chapitres, n’est pas forcément menacé à court et moyen terme mais peut avoir tendance à se refermer. 5 espèces peuvent surtout dominer sans se mêler et donnent donc lieu à autant de types de roselières. Selon leurs exigences vis-à-vis de l’eau on distingue : La scirpaie, occupe la partie interne de la roselière, immergée en permanence. Elle est caractérisée par le jonc des chaisiers (Schoenoplectus lacustris), une espèce qui ne tolère pas un asséchement de longue durée mais qui supporte en revanche une circulation assez active de l’eau. À l’intérieur de cet habitat on peut y rencontrer la plus grande renoncule de la flore française, la grande douve (Ranunculus lingua). Cette plante qui était auparavant dispersée dans la moitié Nord de la France a vu ses populations diminuer très rapidement, aucune région en a été épargnée, si bien qu’elle est aujourd’hui classée vulnérable sur la liste rouge de l’UICN (VU) et protégée nationalement ! Elle est menacée par la destruction de son biotope, la conséquence au drainage, à l’urbanisation, ainsi qu’à l’isolement génétique et parfois même à la jussie. Dans ses principaux foyers d’origine comme les Pays-bas, l’Allemagne, le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède le constat est bien souvent le même... Ses grandes fleurs jaunes de plusieurs centimètres qui s’épanouissent en été et sa grande taille (0,5-1,5m) ne la font pourtant pas passer inaperçue, impossible de la confondre avec une autre, même avec la petite douve (Ranunculus flammula). La phragmitaie reste la roselière qui présente le plus de souplesse vis-à-vis de la hauteur d’eau. Elle est caractérisée par le roseau commun (Phragmites australis), une espèce qui forme généralement les ceintures internes de la roselière, mais des phragmitaies sèches occupent des zones longuement asséchées en été. Lorsque celle-ci n’est pas très dense et qu’elle est des plus riches on peut y rencontrer la rare euphorbe des marais (Euphorbia palustris). Ce genre habituellement coutumier des milieux secs c’est ici adapté aux zones humides. Ses derniers bastions français sont le
Euphorbia palustris
Althaea officinalis
marais poitevin, la vallée de la Seine, le delta du Rhône et la Bresse. Aujourd’hui elle se voit protégée dans 7 régions. Dans le monde seuls les Pays-Bas, la France, l’Allemagne et la Norvège possèdent la majeur partie des populations. La glycériaie est un peu moins exigeante en eau que la scirpaie mais moins tolérante à un asséchement aussi prolongé que la phragmitaie. Elle est caractérisée par la glycérie aquatique (Glyceria maxima), une espèce qui se rencontre bien souvent dans les fossés de prairies et le long des petits cours d’eau. Le jonc fleuri (Butomus umbellatus) fait partie de ces espèces qui fréquentent aussi bien les glycéraies que les phragmitaies. Répartie dans la moitié Nord de la France et courante dans la vallée de la Loire, cette Ranunculus lingua PN magnifique plante est elle aussi protégée dans 7 régions, cependant elle est répandue dans toute l’Europe de l’Ouest. En compagnie de cette dernière on peut facilement trouver l’épiaire des marais (Stachys palustris) et la guimauve officinale (Althaea officinalis). Une belle malvacées qui se rencontre souvent dans les marais français où elle retrouve ses plus grandes concentrations mondiales. La typhaie, a la particularité de former des peuplements très denses, presque purs. Caractérisée par la massette à larges feuilles ( Typha latifolia) cette roselière s’installe souvent dans des pièces d’eau artificielles où elle supporte un asséchement estival prolongé et une forte pollution. La phalaridaie, reste la roselière la moins exigeante en eau, elle forme généralement, en compagnie de Phragmites australis, la partie externe des roselières. Elle est caractérisée par la baldingère (Phalaris arundinacea), très résistante aux changements anthropiques et à la pollution elle est souvent signe de dégradation du milieu. Ces 2 derniers milieux sont pauvres et ne sont peuplés que d’espèces à faible intérêt patrimoniale comme la salicaire (Lythrum salicaria). L’iris des marais (Iris pseudacorus), l’emblème des rois de France, peut à lui seul former d’énormes peuplements, cependant il est bien souvent dispersé à l’intérieur des 3 premiers types de roselières.
Butomus umbellatus © Anthony David
Stachys palustris
Iris pseudacorus
Moisdon-la-Rivière 50m, Loire-Atlantique Juin 2020
13. Mares temporaires Cet habitat de très grand intérêt patrimonial est sûrement le plus rare de cet article, cependant il peut être assez courant en région méditerranéenne. En phytosociologie il est à rapprocher du Crassulo vaillantii - Lythrion borysthenici. Il apparaît sur les mares schisteuses qui s’assèchent très rapidement au printemps. Le substrat ne dépasse généralement pas quelques centimètres et une potentielle fermeture du milieu mettrait en danger cet habitat. Hors zone méditerranéenne ce milieu se retrouve surtout de manière très localisée dans le massif armoricain (Ille-et-Vilaine, LoireAtlantique), en région parisienne (Essonne, Seine-et-Marne), dans le massifcentral et dans la Brenne. Les principales dégradations et menaces qui pèsent sur les mares temporaires sont liées au comblement (dépôt d'ordures, remblaiement) ou par concurrence des ligneux suite à une déprise agricole. Certaines de ces mares sont en effet situées dans des parcelles anciennement pâturées ce qui permettait ainsi de limiter la concurrence par les ligneux. C’est un habitat qu’il faut visiter très tôt en saison, entre le mois de février et le mois d’avril car il sèche très vite, je parle en connaissance de cause… Bien qu’elle soit très rare, la plante emblématique de ce milieu reste sans conteste la renoncule à fleurs nodales (Ranunculus nodiflorus). Cette espèce est une sub-endémique française, cet-à-dire que les plus grosses populations sont françaises mais que quelques stations relictuelles existent dans d’autres pays, c’est le cas ici avec le Nord de l’Espagne. Cette petite renoncule annuelle varie très fortement de taille selon les conditions de milieu, de 2 à 30cm. Les minuscules fleurs de 1 à 3mm sont insérées à l’aisselle des rameaux. Elle fait partie d’un groupe de 4 renoncules annuelles assez proches dont R. ophioglossifolius et R. revelieri (Corse) mais c’est de R. lateriflorus (méditerranéenne) dont elle est la plus proche. Cette dernière est encore plus rare et n’est connue que de 4 département en France. La crassule de Vaillant (Crassula vaillantii) est une autre emblématique du milieu. Elle a une répartition assez similaire à la précédente et pourrait elle aussi être classée de sub-endémique. Elle fait partie d’un genre de plus de 200 espèces qui a donné son nom à la famille. En France 3 espèces sont reconnues indigènes et 2 espèces naturalisées, la crassule de Helms (Crassula helmsii) est l’une d’elles, originaire d’Australie et de NouvelleZélande elle est en très grande expansion et commence à faire des ravages dans certains marais. La crassule de Vaillant ne fait que quelques centimètres de hauteur et ses fleurs de quelques millimètres diffèrent, de la bien plus
Lythrum boryssthenicum
Crassula vaillantii © Philippe Férard
courante crassule mousse (Crassula tillaea), par leur nombre de pétales, cette dernière étant trimère et notre intéressée étant tétramère. Le pourpier d'eau du Dniepr (Lythrum borysthenicum) est la dernière plante identitaire du milieu. Elle est très proche du très courant pourpier des marais (Lythrum portula) mais s’en différencie par des fleurs bien différentes. C’est une sub-endémique espagnole qui retrouve quelques rares populations en France. Les 4 bastions de l’hexagone sont la Corse, la Loire-Atlantique, la plaine des Maures (Var) et l’Hérault. Ceux qui ont déjà regardé de très près les fleurs du lilas des Indes (Lagerstroemia indica), une autre lythracées, remarqueront très bien le lien qui les rapprochent. L’ophioglosse des Açores Ranunculus nodiflorus (Ophioglossum azoricum), une fougère protégée nationalement dont on parlera succinctement dans le dernier chapitre, peut également peupler ce type de milieu. L’orpin velu (Sedum villosum), sûrement un des plus beaux orpins français, protégé dans de nombreuses régions, côtoie habituellement les zones humides du massif-central et de l’Est des Pyrénées. Cependant il peut parfois se rencontrer sur des mares temporaires ou des suintements rocheux de plaine. Dans le Sud, ces milieux sont les refuges de très nombreuses espèces menacées qui rappellent d’autres espèces qui sont déjà ou qui vont être évoquées plus tard dans l’article. L’étoile d’eau à plusieurs graines (Damasonium polyspermum) -> Damasonium alisma, la pilulaire délicate (Pilularia minuta) -> Pilularia globulifera, la marsilée pubescente (Marsilea strigosa) -> Marsilea quadrifolia, le panicaut nain de Barrelier (Eryngium pusilum) -> Eryngium viviparum. Ces 8 espèces me permettent donc de faire un crochet sur ce que l’on appelle la vicariance, c’est à dire la substitutions à des espèces très proches par l’adaptation à leur écosystème. Elles avaient un ancêtre commun et lors de la fragmentation de leurs populations elle se sont adaptées à leur milieu, en outre c’est le phénomène de spéciation mais ce phénomène étant encore « récent » leurs ressemblances sont encore grandes.
Ophioglossum azoricum PN © Anthony David
Sedum villosum © Anthony David
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Landes de Kerfontaine 80m, Morbihan Août 2020
14. Landes humides Cet habitat se développe sur des sols acides et pauvres en substances nutritives. Le substrat est humide pendant au moins la plus grande partie de l'année, mais un assèchement superficiel estival peut néanmoins parfois être observé. Généralement il se situe entre les tourbières bombées à Myrica gale et les landes sèches à Simethis mattiazii et Erica cinerea. Comme toutes les landes, ce milieu est marqué par l’omniprésence des éricacées et des ajoncs (Ulex spp.). Les milieux les plus frais sont caractérisés par la bruyère à quatre angles (Erica tetralix) et les milieux mésophiles par la bruyère ciliée (Erica ciliaris). Au point de contact avec la tourbière il n’est pas toujours simple de différencier ces 2 milieux car ils subissent des introgressions d’espèces caractéristiques de l’un ou l’autre milieu. Pour exemple, on peut parfois rencontrer la Narthécie des marais (Narthecium ossifragum) dans les parties les plus humides et tourbeuses de la lande et la bruyère à quatres angles (Erica tetralix) dans la partie la plus « sèche » de la tourbière. Cet habitat est bien souvent illustré par l’emblématique gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe) qui, à l’image de son milieu, est en très forte régression dans une grande partie du pays. En cause, le réchauffement climatique et l’asséchement des landes humides qui ont tendance à se transformer en landes mésophiles, voire xérophiles. En LoireAtlantique par exemple, cette gentiane était connue d’une dizaine de communes il y a encore une décennie ; aujourd’hui les 3 populations restantes sont en très mauvaise posture et son extinction dans le département semble inéluctable dans les années à venir. Cette plante de 20 à 50 cm forme en fin d’été de magnifiques fleurs bleues à la corolle ponctuée de tâches plus foncées à l’intérieur. Cette espèce a également la particularité d’être l’habitat privilégié d’un papillon, l’azuré des mouillères (Phengaris alcon). Il pond ses œufs sur l’extérieur de la corolle et forme alors de petits points blancs facilement repérables sur le terrain. Tributaire, le recul de cette gentiane signifie à plus ou moins long terme l’extinction de ce papillon maintenant protégé sur l’ensemble du territoire métropolitain. On peut également y rencontrer une plante bien connue des montagnards mais bien moins des contrées occidentales, la pédiculaire et plus particulièrement la pédiculaire des bois (Pedicularis sylvatica) qui ne porte pas forcément bien son nom. Cette magnifique plante qui était auparavant classée dans les scrophulariacées fait désormais partie de la famille des orobanches, des melampyres, des lathrées, des euphraises et
Erica vagans
Calluna vulgaris, Erica ciliaris, Erica tetralix
autres rhinanthes, celle des orobanchacées. Comme ses 15 autres cousines françaises du genre elle a la particularité d’être une hémiparasite des poacées, autrement dit des graminées. Elle forme des tapis roses dépassants rarement 10cm de hauteur alors que sa seule autre cousine présente en plaine, la pédiculaire des marais (Pedicularis palustris), qui soit dit en passant est en très forte régression, fait généralement plus de 30cm. Elle sont caractérisées par des fleurs roses à la corolle dominée par un bec aux étamines bien souvent saillantes. Dans les landes bretonnes exclusivement et bien souvent littorales, on rencontre l’asphodèle d’Arrondeau (Asphodelus macrocarpus subsp. arrondeaui), Gentiana pneumonanthe une plante protégée nationalement, qui forme au printemps des inflorescences composées de nombreuses fleurs blanches à la manière de sa cousine bien plus connue (Asphodelus albus). Cependant contrairement à cette dernière, aux feuilles plus ou moins disposées en spirale, l’asphodèle d’Arrondeau possède des feuilles distiques, un peu à la manière des Haemanthus. L’ail des landes (Allium ericetorum), sûrement le plus beau des Allium, fait partie des espèces dites thermo-atlantiques. C’est à dire que l’on retrouve, à la manière du cynoglosse des dunes (Omphalodes littoralis PN), de la bruyère de Saint-Daboec (Daboecia cantabrica PN) ou encore du panicaut vivipare (Eryngium viviparum PN), ces plantes de manière bien souvent disjointe entre la Bretagne et la Galice (Nord Portugal, Nord-Ouest Espagne). Encore bien présente dans le Sud-Ouest de l’hexagone cette subendémique française n’existe plus que d’une commune dans le massif armoricain. La bruyère vagabonde (Erica vagans), plus proche de la bruyère multiflore (Erica multiflora) bien connue des sudistes que des espèces prochainement évoquées, fait également partie de ces plantes dites thermo-atlantiques mais elle se retrouve principalement sur les landes calcaires ou littorales.
Allium ericetorum
Pedicularis sylvatica
Asphodelus arrondeaui
Tourbière de Kerfontaine 80m, Morbihan Août 2020
15. Tourbières atlantiques Les tourbières atlantiques font partie des habitats, sans compter leurs anciennes exploitations, les plus menacés de par le réchauffement climatique et l’évolution défavorable du milieu. Sur la façade atlantique on peut distinguer les tourbières du Sud-Ouest (Landes, Gironde) de celles du Nord-Ouest (Morbihan, Loire-Atlantique, Finistère). Cependant leurs cortèges floristiques étant très similaires elles seront traitées dans ce même chapitre. Les tourbières sont des milieux pionniers qui apparaissent sur des milieux saturés en eau et ouverts mais sur des eaux ou des substrats impérativement oligotrophes, c’est à dire pauvres en éléments organiques dégradés. Les sphaignes sont les premières plantes à s’installer et sont les premières indicatrices de sa formation. Après plusieurs siècles d’accumulation de matières organiques les sphaignes créent un substrat sur lequel de nombreuses espèces vont se spécialiser. Ce substrat étant inondé en quasi permanence et donc privé d’oxygène les bactéries et les champignons ne peuvent pas faire leur « travail » de décomposition, la matière organique et donc belle et bien là mais elle n’est pas assimilable par les plantes. Voilà pourquoi de nombreuses plantes se sont spécifiées et sont, entre autres, devenues « carnivores ». Cependant, comparées aux tourbières continentales ou encore boréales elles ne subissent pas d’hivers rigoureux et ne sont pas recouvertes de plusieurs mètres de neige, leur évolution est donc bien plus rapide qu’en climat continental car le climat est favorable au travail des décomposeurs. Dans les Landes et en Bretagne certaines de ces tourbières tendent à se maintenir mais en zones périphériques comme en Loire-Atlantique ces milieux ont naturellement tendance à très vite se refermer. En cause des espèces très colonisatrices telles-que la Molinie (Molinia caerulea) ou encore le rare mais prolifique piment royal (Myrica gale) qui peuvent recouvrir des centaines de m² lorsque la tourbière est au stade atterrissement (tourbière non active). Après l’arrivée des sphaignes, la tourbière dite tremblante est donc le deuxième stade d’atterrissement, on y retrouve entre autres le trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata), la potentille des marais (Potentilla palustris) et les linaigrettes (Eriophorum spp.), des plantes qui par leurs rhizomes forment un tapis végétal qui va amener à son atterrissement et à la création d’un premier substrat. Le 3éme stade, le plus intéressant botaniquement, appelé tourbière active et donc celui sur lequel on va s’attarder. Sous influences océaniques, la rossolis intermediaire (Drosera intermedia) est bien connue pour être la plus pionnière des pionnières et donc la meilleure indicatrice de ce stade. Elle colonise assez rapidement les sols nus, des opérations d’étrépage sont même
Narthecium ossifragum
Myrica gale
menées dans les tourbières qui ont tendance à se refermer pour la favoriser, mais une fois que le milieu est colonisé par d’autres espèces elle se retire très rapidement et laisse la place à sa cousine bien plus connue, la rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia) identitaire de tous milieu tourbeux. Ces 2 plantes carnivores de la famille des droseracées ont transformé leurs feuilles en pièges gluants pour capturer des petits insectes et compenser l’absence en éléments azotés qu’elles ne peuvent pas assimiler dans le sol. Cette jeune tourbière atlantique est également bien connue pour héberger la grassette du Portugal (Pinguicula lusitanica), moins connue que ses cousines à fleurs bleues qui ont elles aussi toutes opté pour un feuillage gluant et assimilateur. Celle-ci dépasse rarement Pinguicula lusitanica 10cm de hauteur et ses minuscules fleurs de quelques millimètres sont blanches, striées de brun et l’éperon rougeâtre est presque aussi long que la corolle. Pour continuer sur ce stade pionnier on peut y observer la narthécie des marais (Narthecium ossifragum), une magnifique plante au feuillage d’iris mais aux étonnantes fleurs jaunes qui ont la particularité d’avoir des filets d’étamines poilus, à la manière du Simethis mattiazii, cependant comparé aux précédentes, celle-ci mesure plusieurs dizaines de centimètres. Pour terminer on pourra y rencontrer une plante par forcément inféodée aux tourbières océaniques mais qui est bien présente, c’est le rhynchospore blanc (Rhynchospora alba), une jolie cyperacées, très fine, qui peut former d’énormes colonies. La tourbière bombée, le 4éme stade, nous intéresse aussi car elle héberge entre autre le piment royal, cet arbuste présent au Canada mais surtout présent en Scandinavie se cantonne, en France, presque exclusivement aux tourbières atlantiques et comme évoqué précédemment il peut très vite refermer un milieu lorsqu’il est présent. Il est souvent accompagné de Erica tetralix et Calluna vulgaris avant que la tourbière ne s’affaisse et qu’elle se transforme en lande humide ou qu’elle se fasse « envahir » par des ligneux tel que les bouleaux et les aulnes et qu’elle se transforme en aulnaie.
Drosera intermedia PN
Rhynchospora alba
Drosera rotundifolia PN
Exaculum pusillum
Radiola linoides
Cicendia filiformis
16. Pelouses annuelles amphibies Cet habitat amphibie des sols oligotrophes, courtement inondables, est souvent rencontré sous forme de mosaïque avec des pelouses amphibies vivaces de l'Ophioglosso - Isoëtion histricis ou encore des gazons amphibies vivaces du Littorelletea uniflorae, décrits précédemment. Cet habitat, appelé le Cicendion filiformis, se rencontre bien souvent sur des milieux anthropisés tels-que les anciennes carrières ou les anciennes sablières mais il peut également se rencontrer plus rarement sur les berges des lacs et étangs ou encore sur les dalles s’asséchant très rapidement en saison. Des habitats décrits dans cet article c’est sûrement celui qui est le plus dépendant des activités humaines et celui dont l’anthropisation est la plus favorable. Comme son nom l’indique cet habitat n’est composé que de plantes annuelles qui, tout comme les gazons annuels amphibies, sont qualifiées de pionnières. Bien souvent ce sont des plantes à éclipse qui peuvent être absentes pendant plusieurs années avant d’attendre les conditions écologiques idéales pour se dévoiler. La cicendie filiforme (Cicendia filiformis) est une petite gentianacées à fleurs jaunes, de quelques centimètres de hauteur, qui tout comme la cicendie fluette (Exaculum pusillum) ou encore la gentiane délicate (Comastoma tenellum), une plante des combes à neige, forme une corolle à 4 pétales en croix. Elle est encore bien présente dans l’Ouest de la France mais est en forte régression dans l’Est. Comme pour beaucoup de plantes pionnières elle peut être très abondante quand elle est présente car les grandes quantités de graines formées chaque année lui permette de très rapidement coloniser un milieu ouvert et inondé temporairement. Pour continuer dans cette famille, parlons de la cicendie fluette (Exaculum pusillum). Généralement plus grande et bien plus ramifiée que sa cousine, la cicendie fluette produit des fleurs roses. Elle est protégée dans de nombreuses régions et comme sa précédente cousine, la cicendie filiforme, la France est connue pour en héberger les plus grandes populations européennes et donc mondiales. La radiole faux lin (Radiola linoides), fait partie d’un genre monospécifique qui avec les Linum forme en France la famille des linacées. Contrairement aux lins (Linum spp.) qui sont pentamères cette dernière est tétramère, à la manière des 2 précédentes gentianacées. Ses minuscules fleurs blanches de 2 à 3mm de diamètre font partie des plus petites fleurs de la flore française, une particularité qu’elle partage avec des plantes comme les Limosella aquatica, Sibthorpia europaea, Hammarbya paludosa et Elatine spp., entre autres.
Elatine brochonii PN
Lycopodiella inundata PN
Carrière du Chêne Blanc 50m, Loire-Atlantique Juin 2020
Ces 3 dernières plantes que vous pouvez observer sur la photo du haut sont donc les espèces emblématiques du milieu. Cependant on retrouve bien souvent d’autres plantes qui les accompagnent. C’est le cas de la centenille naine (Lysimachia minima) qui a donné du fil à retordre aux taxonomistes après s’être appelée Centunculus minimus ou encore Anagalis minima. Ce mouron a la particularité d’avoir une corolle blanche plus petite que le calice. Bien souvent on observe aussi dans ce cortège floristique l’herbe aux panaris (Illecebrum verticillatum), une ancienne illecebracées au genre encore une fois monospécifique qui, à la manière des herniariacées ou des paronychiacées, ont récemment été intégrées dans les caryophyllacées. Cette plante qui avait la Lysimachia minima particularité de soigner ces inflammations des doigts est avec, ses tiges rampantes, ses feuilles verticillées et ses tépales très épais, très étonnante et ne peut être confondue avec aucune autre espèce de la flore européenne. Le lycopode inondé (Lycopodiella inundata), une ptéridophyte, protégée nationalement, plus proche des selaginelles que nulle autre fougère n’est pas réputée pour fréquenter ce genre d’habitat. Habituellement coutumière des gouilles de tourbières elle a cependant la particularité de côtoyer le Cicendion filiformis dans certaines sablières à l’abandon du Nord de la Loire-Atlantique, de la forêt de Rambouillet, de la Gascogne et de la frontière belge. L’élatine de Brochon (Elatine brochonii), fait exception dans son genre. Alors que la plupart des élatines fréquentent les vases exondées (gazons annuels amphibies) cette espèce s’est adaptée aux sablières. Déjà très rare à l’échelle mondiale en étant connue de quelques populations résiduelles au Maghreb, au Portugal et en l’Espagne, elle n’est aujourd’hui connue que de quelques stations en Gascogne et en Corse pour l’hexagone. Ces milieux, bien qu’ils ne soient pas les plus riches, sont considérés d’intérêt communautaire, nous avons alors une très grande responsabilité dans leur conservation.
Cicendia filiformis, Radiola linoides, Exaculum pusillum
Illecebrum verticillatum
Boire de Loire 3m, Maine-et-Loire Juin 2020
17. Mares et Boires Cet habitat est illustré par les mares et les boires mais d’une façon générale il va détailler les eaux stagnantes. Une boire est un terme surtout ligérien qui désigne une dépression se situant généralement dans les prairies inondables des bords des fleuves ou des grandes rivières, dans laquelle l’eau se retrouve emprisonnée après les crues hivernales. Cet habitat est généralement plus oligotrophe que les mares qui sont elles isolées toute l’année et pour qui l’eutrophisation est monnaie courante. Ces milieux font partie des plus menacés, soit par leur comblement, soit par leur drainage ou soit par la répétition des sécheresses. La bien connue marsilée à quatre feuilles (Marsilea quadrifolia) reste la plante emblématique des boires ligériennes. Cette fougère aquatique protégée nationalement, cousine des pilulaires, ressemble étonnement à un trèfle flottant. Seule une station sauvage (en photo au dessus), découverte en 1994 (après que l'espèce ait été considérée éteinte pendant 16 ans), est actuellement connue de la basse vallée de la Loire après la disparition de nombre de stations dans les boires ligériennes au cours du 20éme siècle. En France elle est tout aussi rare et seuls 4 bastions semblent la maintenir à flots ; ce sont la Dombes, la Brenne, les plaines du Forez et la Bresse. Ses frondes stériles peuvent aussi bien être immergées que émergées et ses sporocarpes pédonculés, qui apparaissent à la base des "pétioles", surviennent généralement en automne une fois les plantes exondées. Ces sporocarpes sont, à la manière des isoetes, composés de macro et microsporanges visibles à l’œil nu. Ces dernières années des tentatives de réintroductions sont menées par le Jardin Botanique de Nantes et le Conservatoire Botanique de Brest. Très facile en culture elle l’est cependant beaucoup moins en nature et seule une de ces réintroductions semblent subsister. Cette difficulté de réintroduction est la conséquence de 2 facteurs ; l’un d’eux est la présence du très concurrentiel paspale (Paspalum distichum), une invasive de plus dans ces milieux déjà très fragilisés, qui ne lui permet pas de s’exprimer et la deuxième reste la difficulté de trouver une boire qui ne subit pas des marnages saisonniers de plusieurs mètres. Sur près de 50 espèces actuellement recensées dans le monde on retrouve une seule autre espèce indigène à l'hexagone, Marsilea strigosa, connue de 6 communes sur la partie occidentale de la côte méditerranéenne. Cependant une troisième espèce récemment introduite d’Australie (Marsilea drumondii) semble elle invasive et a donc fait l’objet d’une éradication sur une de ses stations varoises. Dans les bras morts de rivières, de lacs ou de mares oligotrophes on peut avec beaucoup de chance, ce que je n’ai pas encore eu, trouver le flûteau nageant (Luronium natans). Cette nouvelle alismatacées a un feuillage très
Utricularia australis
Ranunculus sceleratus
polymorphe, le feuillage flottant faisant souvent penser à celui d’un potamogeton, le feuillage immergé à celui d’un Vallisneria spiralis et le feuillage émergé à celui de l’étoile d’eau (Damasonium alisma). Elle est protégée nationalement et fait partie des rares plantes figurant à un plan national d’action. Les mares qui ont tendance à s’eutrophiser sont le refuge de nombreuses espèces de renoncules. D’une part on observe des renoncules dites flottantes, de la section Batrachium encore une fois, comme la renoncule peltée (Ranunculus peltatus) qui forme au printemps d’immenses tapis blancs à la surface de l’eau. Comme évoqué dans un précédent chapitre, les renoncules de cette section peuvent s’avérer compliquées d’identification car on observe bien souvent des feuilles flottantes, appelées feuilles laminaires, et les feuilles Marsilea quadrifolia PN immergées, appelées feuilles multifides. D’autre part on peut rencontrer les renoncules s.s. telles-que la renoncule scélérate (Ranunculus sceleratus), une plante qui se reconnaît grâce à ses akènes regroupés en de longues infrutescences. Cette dernière, bien qu’elle soit enracinée, a la particularité de bien souvent former un radeau de feuilles flottantes au dessus duquel émergent les tiges florifères. L’utriculaire australe (Utricularia australis) est une plante carnivore flottante qui, à la manière de l’Aldrovanda vesiculosa, bien connue des passionnés, piège ses proies sous l’eau. Ce genre est avec les grassettes le seul représentant de la famille des lentibulariacées en France. Elle a la particularité de former des pièges aquatiques microscopiques, aspirant les proies sous l’eau pour contrer un milieu pauvre en éléments nutritifs. Pour terminer, parlons de l’hottonie des marais (Hottonia palustris). Cette magnifique primulacées fréquente souvent les mares forestières peu profondes et bien souvent très ombragées de la moitié Nord de l’hexagone. Elle forme des feuilles immergées multifides, ressemblant à celles des Potamogeton verticillatum. Au mois de mai généralement, le feuillage est surmonté de nombreuses hampes florales, ressemblant à celles du trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata), lesquelles sont composées d’une multitude fleurs d’androsace réunies en verticilles. Sûrement une des plus belles plante de nos plans d’eau français !
Hottonia palustris © Anthony David
Ranunculus peltatus
Luronium natans © Philippe Férard
18. Prairies alluviales humides Cet habitat très menacé par les activités humaines directes se situe dans le lit majeur des cours d’eau non régularisés, dans les vallées à large fond alluvial mais est rare en bordure des petits cours d’eau. De manière générale ce sont des prairies inondées lors des crues, denses et régulières, hautes, abondement fleuries jusqu’au fauchage en juin. Les principales menaces qui pèsent sur ces végétations sont les changements d'usages (cultures et prairies semées), l'intensification des pratiques agricoles entraînant l'eutrophisation ou la banalisation, le drainage, la modification du régime hydrologique des cours d'eau et les plantations de ligneux (les peupliers en particulier). C’est un habitat qui se retrouve fréquemment au bord des fleuves, il est très proche du suivant mais s’en différencie surtout par sa hauteur et sa densité. La gratiole (Gratiola officinalis) fait partie des emblématiques du milieu mais elle peut aussi se rencontrer dans les gazons vivaces amphibies au bord des lacs. Cette plante protégée nationalement, qui faisait anciennement partie des scrophulariacées, fait désormais partie des plantaginacées. La gratiole est une très belle plante vivace robuste formant une multitude de tiges au feuilles opposées décussées. Elle fleurit à partir du printemps et de nombreuses fleurs reliques résistent jusqu’à l’arrivée des premiers froids. Ses grandes fleurs blanches, parfois mauves, de plusieurs centimètres apparaissent à l’aisselle des feuilles et sont très souvent abondantes. Durant les précédentes décennies ses populations ont fortement diminué dans le Nord et le Sud de la France, avec le delta du Rhône, la plaine des Maures et la Bresse, la vallée de la Loire semble être son principal refuge. L’hexagone hébergeant la très grande majorité des effectifs mondiaux elle se voit désormais protégée. Elle est difficile à confondre avec une autre plante mais elle pourrait être prise pour une lindernie fausse-gratiole (Lindernia dubia), une des invasives les plus proliférantes en France, par les néophytes. Cependant cette linderniacées est annuelle, bien plus petite et moins robuste. Le pigamon jaune (Thalictrum flavum) est sûrement le meilleur indicateur de l’habitat. Cette très belle renonculacées, loin d’être menacée même si on le rencontre pas à chaque sortie, fait partie des 9 espèces françaises du genre. Reconnaissable à ses grandes hampes florales jaunes pouvant mesurer 1,5m, elle se rencontre bien souvent en fond de praires alluviales ou dans les mégaphorbiaies. Absente des massifs montagneux elle se rencontre en dessous de 800m d’altitude, dans le Nord de la France
Thalictrum flavum
Iris spuria
La Chevrolière 2m, Loire-Atlantique Juin 2020
majoritairement. Dans le Sud elle peut être confondue avec le rare pigamon méditerranéen (Thalictrum lucidum), dont elle s’en différencie par des folioles bien plus larges, et dans l’Est elle peut être confondue avec le pigamon simple (Thalictrum simplex), au feuillage ressemblant à celui d’une armoise. Pour les curieux et les amoureux des pigamons, la France recèle un trésor, une sub-endémique Espagnole, le pigamon tubéreux (Thalictrum tuberosum), une espèce qui ressemble beaucoup à une renoncule mais qui ne se trouve que dans les Albères (Aude). L’inule des fleuves (Inula britannica), aussi appelée l’inule britannique bien qu’elle y soit absente, fait partie de la plus grande famille de plantes à fleurs sur Terre, celle des astéracées. Comme son nom Gratiola officinalis PN l’indique, elle peuple les bords alluviaux des grands fleuves. Aujourd’hui classée quasi menacée d’extinction (NT), elle est protégée dans 8 régions, et ce sont surtout la moyenne et la basse vallée de la Loire ainsi que la vallée de la Saône qui hébergent la majeure partie des populations Françaises, après la forte diminution qu’elle a subi ces dernières années. Le reste des populations européennes et donc mondiales étant surtout présentent en Allemagne et aux Pays-Bas. La germandrée des marais (Teucrium scordium), une belle lamiacées qui subit également une régression ces dernières décennies n’est pas fortement menacée mais la France hébergeant encore une fois la majorité des effectifs on se doit d’être attentif à son évolution. La fleur de coucou aussi appelée oeil-de-perdrix (Lychnis floscuculi) est une caryophyllacées européenne connue de tous, qui se rencontre dans beaucoup de milieux humides mais particulièrement dans les prairies alluviales. Dans le marais poitevin (Vendée, Charente-Maritime) on peut observer l’iris bâtard (Iris spuria subsp. maritima), une sous-espèce plus ou moins reconnue, qui fréquente les prairies humides calcaires. Il est proche de l’Iris reichenbachiana présent sur le littoral méditerranéen mais éloigné de 800Km de Iris spuria type. La taxinomie des iris est très compliquée.
Teucrium scordium © Philippe Férard
Inula salicina
Lychnis flos-cuculi
Fleury 140m, Vienne Avril 2018
19. Prairies inondables Cet habitat très menacé par les activités humaines directes se situe dans le lit mineur des cours d’eau non régularisés, dans les vallées à large fond alluvial peu tourbeux. Il est cependant plus fragmentaire en bordure des petits cours d’eau. De manière générale ce sont des prairies très longtemps inondées, peu denses et irrégulières, basses, abondement fleuries dès le mois de mars. À la manière de la précédente, les principales menaces qui pèsent sur ces végétations sont les changements d'usages (cultures et prairies semées), l'intensification des pratiques agricoles entraînant l'eutrophisation ou la banalisation, le drainage, la modification du régime hydrologique des cours d'eau et les plantations de ligneux (les peupliers en particulier). La plante emblématique de ce milieu reste sans aucun doute la gogane, aussi appelée fritillaire pintade (Fritillaria meleagris), une plante de la famille des liliacées. Elle apparaît généralement au mois de mars lorsque les prairies sont encore basses. Bien connue de beaucoup d’anciens, elle l’est bien moins des nouvelles générations. Les anciennes récoltes effectuées par les enfants pour la confection de bouquets ont mis en péril les populations de fritillaires. Aujourd’hui 16 départements ont mis en place des arrêtés préfectoraux réglementant sa cueillette, et elle se voit protégée de 7 régions françaises. Dans l’hexagone, qui possède avec les Pays-Bas les plus grosses populations mondiales, elle est surtout connue de 3 régions que sont les Paysde-Loire, le Poitou-Charentes et la Franche-Comté. La Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire possèdent à eux 2 les plus grandes populations françaises. Cette fritillaire, la seule de l’hexagone a fréquenter les zones humides, fait partie des 150 espèces du genre et des 7 espèces françaises, les autres, hormis F. pyrenaica, étant originaires des Alpes et surtout des pré-Alpes. Notre intéressée se reconnaît grâce à ses feuilles alternes et à son périgone en damier, autrement dit à son ensemble de tépales, rose, tessellé de pourpre. Un caractère qu’elle partage avec d’autres espèces strictement montagnardes comme F. burnatii. Généralement solitaires les fleurs peuvent parfois se retrouver jumelées, d’autres rares fois on peut observer une hypochromie. Une originalité de notre flore qu’il nous faut impérativement préserver. L’orchis à fleurs lâches (Anacamptis laxiflora), est une orchidée qui se rencontre bien souvent à la même période et dans les mêmes milieux que la précédente fritillaire. Cette espèce peut être très facilement confondue avec l’orchis des marais (Anacamptis palustris), une proche cousine plus tardive en très très forte régression en France, ne subsistant que dans quelques régions, et qui diffère par son labelle non replié et bien souvent ponctué de tâches. Dans le Centre-Ouest de l’hexagone, principalement en LoireAtlantique, dans le Maine-et-Loire et en Charente-Maritime, on peut débusquer le cardamine à petites fleurs (Cardamine parviflora). Cette belle cardamine au
Anacamptis laxiflora
Cardamine parviflora
feuillage très fin est classée quasi menacée d’extinction en France (NT). Cependant elle n’est pas inféodée aux prairies inondables et peut se retrouver dans les fossés ou sur les bords de plans d’eau. En Europe, seuls le Sud de la Suède, le Sud de la Finlande et l’Est de l’Allemagne semblent héberger eux aussi des populations stables. Cette année j’ai eu la chance de la rencontrer par hasard à 2 reprises, et aux 2 reprises elle était acculée par la jussie (Ludwigia sp.) et la crassule de Helms (Crassula helmsii), expliquant en grande partie sa situation précaire et sa protection en Pays-de-la-Loire. Non loin de cette dernière on rencontre bien souvent la renoncule à feuilles d’ophioglosse (Ranunculus ophioglossifolius). Cette renoncule méditerranéo-atlantique, protégée nationalement, se rencontre surtout dans le Centre-Ouest et le Sud-Est (y compris la Fritillaria meleagris Corse) de l’hexagone. Elle diffère de la très variable petite douve (Ranunculus flammula) par ses akènes tuberculés, mais aussi par ses fleurs plus petites et ses feuilles généralement plus larges et plus « grasses » ressemblant à la fougère suivante. Nous avons une grande responsabilité dans sa préservation car notre pays héberge les plus grands effectifs européens et donc mondiaux. La langue de serpent (Ophioglossum vulgatum) est une fougère s.l. très difficile à discerner dans les prairies à cause de sa petite taille, généralement inférieure à 10cm. Anciennement dispersée dans tout le pays, elle fait partie des plantes françaises dont la régression est la plus impressionnante. Un zoom sur ce genre est évoqué dans le dernier chapitre sur les pelouses vivaces amphibies. Dans le centre de la France presque exclusivement, on rencontre bien souvent la pulicaire commune (Pulicaria vulgaris). Cette astéracées facile à reconnaître, grâce à ses très courtes ligules, est protégée nationalement et sert bien souvent de plante parapluie pour protéger un ensemble de milieux humides. Au cours des précédentes décennies ses populations globales ont tellement diminué, au point d’être considérée comme espèce éteinte en Suisse, que la vallée de la Loire est considérée comme un des derniers grands bastion de l’espèce.
Pulicaria vulgaris PN
Ranunculus ophioglossifolius PN
Ophioglossum vulgatum
20. Pannes dunaires Cet habitat est caractérisé par les dépressions humides d’arrière dune. Les paysages dunaires sont marqués par des séries de buttes et de creux au sein desquels la nappe phréatique affleure et forme ainsi des zones humides d’eau douce. En Bretagne par exemple, ces cuvettes peuvent être d’origine humaine avec notamment d’anciennes carrières de sable. L’habitat est caractérisé par de fortes oscillations du niveau de l’eau au cours de l’année car une grande partie des dépressions qui s’assèchent en période estivale sont inondées l’hiver. La durée d’exondation détermine la succession des différents groupements végétaux pouvant s’installer au sein des cuvettes humides. On passe ainsi des groupements aquatiques on l’on retrouve souvent des herbiers à characées, des algues vertes dites «évoluées», qui sont d’intérêt communautaire jusqu’à des végétations tourbeuses et prairiales en passant par des groupements amphibies. Comme le substrat sableux est bien souvent encore enrichi des débris coquilliers, les sols de ces dépressions ont souvent un caractère alcalin. Cet habitat a la particularité d’être très apprécié par un grand nombre d’espèces d’orchidées, la liparis de Loesel (Liparis loeselii), inscrite à l’annexe 2 de la directive habitats-faune-flore, est bien souvent utilisée comme exemple. Cette magnifique orchidée est la seule de son genre en France et en Europe, malgré qu’il en existe plus de 430 espèces sur le globe. Elle a la particularité de produire des pseudolbulbes, un caractère qu’elle partage avec la malaxis des marais (Hammarbya paludosa) et qui leur permettent d’être considérées comme les 2 seules orchidées épiphytes de France métropolitaine. Très discrète, elle produit en début d’été une inflorescence comportant 5 et 15 petites fleurs verdâtres/jaunâtres surmontant 2 feuilles luisantes subopposées ; liparis qui provient du grec liparos signifiant luisant. Ce liparis, côté vulnérable (VU) sur la liste rouge de l’UICN et protégé nationalement, fait partie des rares plantes françaises à être suivies par un plan national d’action. Elle a une autre particularité très étonnante, et que l’on retrouve chez très peu de plantes hormis la spiranthe d’été (Spiranthes aestivalis) et quelques autres ; elle se retrouve aussi bien dans les tourbières (bas marais alcalins) des massifs continentaux, que sont le Jura et les pré Alpes, que sur les pannes dunaires ! Cette orchidée reste une plante pionnière, de milieux oligotrophes, qui apparaît sur les tremblants des tourbières et qui disparaît lorsque ceux-ci se referment, de même sur les côtes lorsque le (Baccharis halimifolia), une asteracées ligneuse dont l’invasivité n’est plus à prouver, envahit les pannes. Les côtes françaises, néerlandaises et danoises possèdent les plus grandes concentrations dunaires, tandis-que la Suisse, la France et l’Allemagne possèdent les plus grandes concentrations des bas-marais alcalins. De manière générale les populations fluctuent énormément d’une année sur l’autre, une caractéristique bien connue des plantes pionnières à éclipse, ne facilitant pas son suivi.
Epipactis palustris
Spiranthes aestivalis PN
La spiranthe d’été (Spiranthes aestivalis) fait partie des orchidées dont les populations sont en chute libre partout en Europe. En début d’été, contrairement à la spiranthe d’automne (Spiranthes spiralis) qui est tardive et bien plus courante, elle forme une hampe florale, d’une vingtaine de centimètres, composée d’une dizaine de fleurs tubulées blanches réparties circulairement tout autour de la hampe florale. Malgré qu’elle soit relativement ubiquiste, la disparation des milieux humides ont un très fort impact sur ses populations. On peut la rencontrer sur les pannes dunaires, sur d’anciennes carrières abandonnées ou encore en tourbière, autrement dit il lui faut un milieu oligotrophe, ouvert et inondé en hiver. Après qu’elle ait disparu de Belgique et du Luxembourg, la France a pris des mesures drastiques pour sa conservation car elle possède désormais, très loin Liparis loeselii PN devant la Suisse et l’Espagne, les plus grandes populations européennes et donc mondiales. Voilà une plante protégée nationalement dont la responsabilité de l’hexagone dans sa conservation est très importante. Un peu plus couramment on peut rencontrer l’épipactis des marais (Epipactis palustris), une autre orchidée, tout aussi impressionnante que la spiranthe d’été, que l’on retrouve fréquemment dans les arrière-dunes du littoral manchois et dans les marais de l’arc de Jurassien et de l’arc Alpin, mais de manière bien plus dispersée ailleurs. En France, 2 espèces sont connues pour être inféodées à ces pannes dunaires, d’un côté l’on retrouve le saule rampant des dunes (Salix repens subsp. dunensis) qui permet de reconnaître facilement le milieu et d’un autre côté la très rare pyrole à feuilles rondes des sables (Pyrola rotundifolia subsp. arenaria), une magnifique éricacées protégée nationalement. Cette dernière est une sousespèce de la plus commune pyrole à feuilles à rondes (Pyrola rotundifolia) que l’on rencontre souvent dans les zones humides de plus ou moins haute altitude, comme les bords de ruisseaux ou les marécages, dans les Alpes. Elle diffère par de nombreux critères morphologiques très fins. Les 2 taxons étant bien séparés géographiquement, ils sont en pleine spéciation et si les milieux et les Hommes sont encore là dans plusieurs milliers années on pourra alors peut-être en faire une espèce à part entière, difficile d’y croire mais l’espérance fait vivre…
Salix repens subsp. dunensis © Christian Besson
Pyrola rotundifolia var. arenaria PN © Philippe Férard
Chara sp.
Pornic 2m, Loire-Atlantique Juin 2020
21. Suintements littoraux Cet habitat très particulier se développe sur les parois littorales suintantes, plus ou moins exposées. On pourrait croire que ce milieu est salé mais l’eau qui s’en écoule constamment est belle et bien douce. La plupart des plantes sont dites halonitrophiles, c’est à dire qu’elles requièrent un substrat riche en azote et des embruns salés. C’est un milieu rare, qui se développe surtout dans le Nord-Ouest de l’hexagone. Il peut être menacé par la pression humaine du littoral (cabanes de pêcheurs, enrochement etc) mais c’est quand même, sans compter l’envahissement des falaises par la griffe de sorcières (Carpobrotus edulis), la montée des eaux qui pourrait lui être fatal… De manière générale c’est un habitat qui se développe sur des milieux ombragés et abrités des tempêtes, comme à l’intérieur de criques ou à l’entrée des grottes humides creusées par le ressac. Il est situé entre le niveau des marées de vives eaux et la limite supérieure de l’étage aérohalin. L’oseille des rochers (Rumex rupestris) est sans aucun doute la plante patrimoniale emblématique de cet habitat. Compte tenu de ses exigences écologiques cette oseille se retrouve dispersée en de toutes petites populations sur le littoral atlantique. À l’échelle mondiale et donc européenne elle se retrouve depuis l’Espagne (Galice) jusqu’au Royaune-Uni (Cornouailles, Devon, Pays-de-Galles). Cependant étant très localisée dans ces pays c’est en France que l’on retrouve les plus grosses populations mondiales. On peut la rencontrer depuis la Gironde (Naujac-sur-Mer) jusque dans le Calvados (Gréville-Hague) tout en étant absente de CharenteMaritime. Protégée nationalement, elle est classée vulnérable (VU) aussi bien à l’échelle nationale qu’à l’échelle mondiale ! Inféodée aux rochers suintants du littoral il suffit de longer les côtes pour la trouver… Elle peut mesurer jusqu’à 80cm mais peut être confondue avec l’oseille crépue (Rumex crispus), dont elle s’en distingue par des feuilles glaucescentes et de nombreux caractères sur les fructifications. Elle se développe accrochée aux roches, suintant en permanence, principalement sur les granites et les gneiss. L’autre emblématique du milieu, bien qu’elle n’y soit pas inféodée, reste le mouron d’eau (Samolus valerandi). Cette étonnante plante fait partie de la famille des primevères, des cyclamens ou encore des androsaces, celle des primulacées. Cette ubiquiste des milieux humides est rarement absente de n’importe quel suintement mais peut aussi être présente sur des milieux temporairement inondés comme les mares temporaires ou bien encore des bords de certains ruisseaux. Ses minuscules fleurs blanches font 2 à 3mm de diamètre et sont composées de 5 pétales,
Samolus valerandi
Apium graveolens
elle apparaissent sur une inflorescence non ramifiée pouvant faire plusieurs dizaines de centimètres. L’étonnante fructification apparaît sous forme d’une capsule globuleuse dépassée par le calice. La rosette basale est formée de feuilles épaisses et « grasses » d’allure tropicale. Pour les horticulteurs, je trouve le feuillage semblable à celui des joyaux d’Ophar (Talinum paniculatum). Pour compléter le trio essentiel à la représentation de ce milieu, voici le céleri aussi appelé âche des marais ou âche odorante (Apium graveolens). Bien connue de tous, cette plante est surtout inféodée au littoral atlantique. Elle forme généralement de grandes populations le long des rochers plus ou moins suintants. Loin d’avoir des conditions aussi strictes que l’oseille, le céleri est commun Rumex rupestris PN en bord de mer. Cette plante, à la manière des carottes (Daucus carota) fait partie de la famille des ombellifères, maintenant appelée apiacées. Les spergulaires sont réputées pour être très difficiles à déterminer, et c’est loin d’être un euphémisme ! Cependant ces milieux sont connus pour héberger la spergulaire des rochers (Spergula rupicola), facilitant ainsi son identification, mais, si vous voulez être sûr de votre identification et ne pas la confondre avec d’autres spergulaires tel-que Spergula marina, il faut ouvrir la flore et ramener loupes, règles et autres ustensiles. Notre intéressée peut-être impressionnante en formant de denses tapis pendants de plusieurs mètres recouverts de fleurs violettes. Les rochers suintants du Nord-Ouest de l’hexagone abritent aussi une fétuque typique mais encore plus difficile d’identification lorsque vous ne la connaissez pas, car pour les fétuques il faut regarder la coupe transversale des feuilles et c’est donc loupe binoculaire obligatoire ! Sur le terrain Festuca rubra subsp. pruinosa se reconnaît à son feuillage plus ou moins glauque. En pied de falaises on rencontre très souvent le scirpe maritime (Bolboschoenus maritimus), une des cypéracées les plus courantes en front de mer.
Spergula rupicola
Festuca rubra subsp. pruinosa
Bolboschoenus maritimus
22. Pelouses vivaces amphibies Habitat amphibies des dépressions rocheuses et des microcuvettes des falaises littorales et des corniches rocheuses de l’intérieur. Elles occupent généralement des surfaces réduites, environ un mètre carré. Ces pelouses observables en hiver et au printemps s’installent sur des substrats superficiels, acides et oligotrophes, submergés en hiver et desséchés en été. Le recouvrement herbacé est variable, mais ce type de pelouse reste généralement ouvert. Seuls la bétonisation et le piétinement du littoral menacent cet habitat. L’isoète épineux (Isoetes hystrix) est sans conteste la plante emblématique de ce milieu. Elle forme une rosette de feuilles, bien souvent étalées au sol. Comme évoqué précédemment pour l’isoète des lacs (Isoetes lacustris) on différencie les isoètes, ces ptéridophytes plus proches des lycopodes et des sélaginelles que nulle autre fougère, par l’ornementation des méga-spores situées à l’intérieur de la base foliaire. Cependant un dilemme se pose ; les 9 espèces françaises étant pour la plupart protégées nationalement il est proscrit d’en prélever ou d’en arracher il faut donc se fier à leur répartition car ils ont déjà été étudiés par bon nombre de botanistes. Cela peut paraître insignifiant de différencier des plantes à de petits organes de quelques microns mais ces derniers sont réellement bien différenciés, certains comme notre intéressé ou encore l’isoète spinuleux (Isoetes echinospora) ont des méga-spores épineux, d’autres comme l’isoète voilé (Isoetes velata) ou l’isoète des lacs ont des méga-spores pratiquement lisses. Cet habitat est également le refuge d’une autre fougère s. l., l’ophioglosse du Portugal (Ophioglossum lusitanicum), une plante qui s’observe en hiver ! Elles fait partie des 3 espèces du genre recensées en France. À l’instar de l’ophioglosse commune (Ophioglossum vulgatum) qui vit généralement dans les prairies humides celle-ci fréquente exclusivement les pelouses rases du littoral (îles du Ponant, Corse, plaines des Maures), bien qu’elle rentre très rarement dans les terres. À la manière de l’osmonde royale (Osmunda regalis), très commune dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest de la France, les ophioglosses ont la particularité de produire des frondes fertiles et des frondes stériles bien différenciées. Cette particularité permet même de les différencier ; chez l’ophioglosse du Portugal la fronde fertile s’insère sur la fronde stérile en dessous du niveau du sol alors que chez l’ophioglosse commune cette insertion se fait au dessus du sol. L’ophioglosse des açores (Ophioglossum azoricum), la troisième espèce française, est elle intermédiaire entre ces 2 espèces en réalisant cette insertion au niveau du sol. Les botryches (Botrychium spp.), les seuls autres représentants des ophioglossacées en France, ont des frondes fertiles ramifiées et des frondes stériles découpées, rien de plus simple ! La troisième espèce identitaire de ce milieu reste la romulée columnaire (Romulea columnae). Cette petite plante de la famille des iris, des glaïeuls ou encore des crocus, les iridacées, est la seule de son genre dans le Nord-Ouest mais
Ophioglossum lusitanicum
Prospero autumnale
est remplacée par la romulée bulbocodium (Romulea bulbocodium) dans le Sud-Ouest. La corolle lilas pâle est composée de 6 tépales aigus, à ligne médiane violacée, et d’une gorge jaune. Ce genre est très diversifié sur la côte méditerranéenne, où leurs déterminations s’avèrent difficiles. Notre intéressée fréquente donc les isoétes épineux et les ophioglosses du Portugal mais est plus ubiquiste et peut fréquenter d’autres milieux. Bien souvent on retrouve l’orpin d’Angleterre (Sedum anglicum) et la scille d’automne (Prospero autumnale) en compagnie des 3 précédentes espèces. Dans un habitat un peu différent, moins exposé aux éléments, il existe le panicaut vivipare (Eryngium viviparum). Cette espèce anciennement présente sur une quarantaine de sites du Morbihan, ne subsiste aujourd'hui que d'une station dans toute la France. Connue, comme la Isoetes hystrix PN © Anthony saxifrage œil de bouc, pour être l’une des plus rares David plantes de France elle est classée en danger critique d'extinction (CR) et bien entendue protégée nationalement. Elle est à l'échelle européenne et donc mondiale, mise à part en France, présente d'une vingtaine de stations en Galice (Nord-Ouest de l'Espagne et Nord du Portugal) et fait donc partie des espèces européennes les plus menacées (EN). L'abandon des pratiques agricoles traditionnelles et l'artificialisation des sols sont les principales causes de son récent déclin. A une plus grande échelle, les disparitions de troupeaux de ruminants sauvages ont été les premiers déclencheurs. En 2016, un peu plus de 10 000 individus étaient recensés sur moins de 1000 m². Son isola, l'exposant à une perte de variabilité et donc à une perte d'adaptabilité aux changements, risque alors de s'additionner aux 2 précédentes causes de sa disparition. Contrairement à certains de ses cousins bien connus, comme E. maritimum ou E. campestre, celui-ci ne dépasse pas 15cm d'envergure ! Ses minuscules ombelles à fleurs bleues apparaissent en début d'été sur un feuillage piquant, lui aussi glauque. On observe à l'aisselle de ses inflorescences des propagules, autrement dit des viviparités (qui lui ont valu ce nom d'espèce), permettant à l'espèce de ce reproduire de manière asexuée. L'entretien des pelouses par le bétail, des pies noirs, semble impératif pour empêcher les autres strates herbacées et arbustives de prendre le dessus. Plusieurs expérimentations de réintroductions ont eu lieu dans le golfe du Morbihan, et 2 populations étaient réintroduites en 2015.
Romulea columnae © Christian Besson
Sedum anglicum
Eryngium viviparum PN