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1.2. L’HISTOIRE EN BREF

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Références

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Anf a

Figure 10 : Vue des ruines d’Anfa, in George Braun, Franz Hogenberg, Civitates orbis terrarum, Bertram Buchholtz, 1572. (Cohen 2004, p. 25)

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La ville d’Anfa a été fondée par les Amazighs de Zenata vers le XIe siècle3. Sa forme urbaine initiale reposait sur la présence d’un port autour duquel se greffaient quelques habitations protégées par une enceinte. Cette petite ville sera complétement détruite par les Portugais en 1770, une maison blanche y survivra et sera à l’origine du nom actuel de la ville « Dar El Baida » en arabe.

Quelques années plus tard, le sultan alaouite Sidi Mohammed Ben Abdallah ordonnera de reconstruire la ville et de restaurer ses enceintes. Elle bénéficiera alors à nouveau de son port, d’une nouvelle mosquée, d’une école et d’autres équipements, la relançant après un long sommeil. Ces changements ont certes offert à la ville une nouvelle vie, mais elle restera modeste par rapport aux autres grandes villes du pays. (Cohen 2004)

Ouve r tur e à l ’E ur op e

Des Européens commencent à s’installer à l’intra-muros à partir du IXe siècle pour des raisons commerciales et diplomatiques. La ville connaîtra dès lors une croissance démographique et un changement général dans son apparence ; petit à petit, des maisons remplaceront les huttes et les cabanes qui dominaient le paysage auparavant.

La population de la ville qui dépendait principalement de pêche changera et gagnera en diversité ; elle est désormais composée de Musulmans, Juifs et quelques Européens qui participent aux activités portuaires, au commerce et à l’échange international. Le développement de la ville ne garantira malheureusement pas des meilleures conditions de vie pour tous les habitants de Casablanca ; les plus grands bénéficiaires seront, en majorité, les Européens et leurs protégés.

3 Les origines de la ville restent sujet du débat, on peut trouver plusieurs récits différents. Les fondateurs de la ville peuvent être des Berbères, des Phéniciens, des Carthaginois ou des Romains.

Pour les étrangers, Dar El Baida est une ville très bien située sur la côte atlantique dans une zone entourée de terrains agricoles fertiles, mais dont le potentiel reste inexploité. C’est néanmoins pour la même raison que les Européens ont préféré s’y installer au lieu de se diriger vers les grandes villes qui sont plus protégées et réglementées. Ainsi, elle deviendra l’avant-poste colonial du Maroc. (Cohen 2004) (Cattedra s.d.)

Cas ab la nca de 1 900

À la veille du protectorat, la ville de Casablanca a été représentée en plan par Dr. Félix Weisgerber en 1900. Grâce à ce plan, on peut clairement distinguer la délimitation de la ville qui longe la cote autour du port, entourée de jardins potagers. L’intra-muros d’une cinquantaine d’hectares était alors composé de trois grands quartiers : La médina ; le quartier principal occupé par la classe dominante, on y trouve les consulats, les hôtels (Fondak), les habitations des étrangers et des familles marocaines aisées, le Tnaker ; le quartier le plus pauvre occupé par les ruraux dans des habitations éphémères et finalement, le Mellah ; le quartier des Juifs marocains aux habitations modestes. A l’extérieur de la ville, à droite du quartier Mellah, on peut déjà identifier l’ancêtre de la place des nations unies, anciennement un Souk extérieur. (Cohen 2004, Ayadi s.d.)

Figure 11 : Plan de la ville de Casablanca de Félix Weisgerber en 1900. (Cohen 2004, p. 25)

: Délimitation actuelle de la place des nations unies.

Le p r o te ct or a t

Dès le début du XXe siècle, le port de Casablanca connaîtra une activité croissante, il finira par devenir le premier port du pays en termes d’affluence. Les Européens se rendront vite compte de son manque d’infrastructure et de praticabilité et il commencera à devenir la victime de son brusque succès.

Figure 12 : Noualla dans le quartier des Tnâker. Carte postale, c. 1910. (Cohen 2004, p. 26)

Malheureusement, la situation politique fragmentée du pays4 empêchera des travaux de reconstruction et de rénovation dont la ville avait aussi besoin vu la dégradation continue de son état sanitaire et la pression démographique causée par l’exode rural.

Ce n’est qu’au début du protectorat en 1912, avec l’arrivée du maréchal Lyautey comme premier résident général de France au Maroc, que le Casablanca moderne commencera à prendre sa forme. Le maréchal ayant comme terrain de travail une ville en expansion continue et non contrôlée décide alors de structurer et tracer son développement. Ainsi, les prix des terrains connaîtront une hausse exponentielle afin de ralentir l’occupation des sols entrainant par conséquent une hausse similaire du coût de la vie. Cette situation attire de nombreux investisseurs immobiliers étrangers et marque le début de l’ère de l’architecture coloniale. (Cohen 2004)

Le p l an d’e xte ns io n de T ar dif (191 2)

Figure 13 : Le plan d’extension de Tardif en 1912 (Cohen 2004, p. 46)

: Dé limita t ion a ct ue lle d e la pla ce d es n at ion s un ies .

4 Le Sultan, sous la pression de différentes tribus révolutionnaires, appelle à l’aide le pouvoir français afin de contrôler la situation. Casablanca connaît alors une série de combats entre marocains et français en 1907 qui finit par l’établissement définitif du pouvoir français dans la ville.

Ce plan est un document essentiel pour la compréhension de l’extension de la ville. On y trouve les axes qui ont structuré son développement ainsi qu’un début de zoning. D’un côté, on distingue clairement le « boulevard circulaire »5 dont la fonction est de lier les différents quartiers de la future ville et de définir son périmètre d’extension, le plan d’extension au sud-est de la médina se situant idéalement entre les nouvelles industries, le port et les premiers boulevards marchands découlant de la place du Souk ou du Grand Socco (nations unies). De l’autre côté, l’ouest de la ville reste libre, c’est le futur quartier Anfa destinée à être la partie « bourgeoise » de Casablanca. Ce zoning est basé sur deux éléments naturels : les vents dominants qui soufflent vers l’est dont la nature du sol est rocheuse, protégeant ainsi les terres fertiles de l’ouest. (Cohen 2004)

Le p l an d’ He nr i Pr os t ( 1914 -1917 )

Figure 14 : Le plan de Prost entre 1914 et 1917. (Cohen 2004, p. 48) : Dé limit at ion a ct ue lle d e la pla ce d es n at ions un ies .

Se basant sur le plan de Tardif, le plan d’Henri Prost est plus précis et pousse le zoning encore plus loin. Le nouveau quartier au sud-est de la médina est appelé quartier de la Liberté, celui-ci est réservé aux français et quelquesuns de leurs protégés. Tout au sud, la nouvelle-ville indigène est conçu afin de dédensifier l’ancienne médina et d’accueillir les ouvriers. A l’ouest de la médina, on retrouve le quartier arabe Bousbir, avec des nouveaux équipements de proximité, ce dernier est séparé de la ville française par la place administrative. Le tout est relié au centre, la place du Socco qui deviendra la place de France puis la place des Nations Unies.

5 Boulevard de la Résistance et boulevard Zerktouni aujourd’hui

Le centre-ville devient alors un croisement de plusieurs artères structurantes de la ville, il est représenté par la place idéalement située entre l’ancienne Médina, plus précisément la partie commerçante du quartier Mellah, les magasins Paris-Maroc et l’hôtel Excelsior de la nouvelle ville. Cette composante d’aménagement sera l’espace public principal de la ville, destiné à devenir un carrefour où les habitants de l’ancienne et de la nouvelle ville pourraient se rencontrer et où la mixité sociale sera la norme.

Malgré son intention de créer une forme de mixité, le principe du zoning reste dominant, la nouvelle ville européenne et l’ancienne médina marocaine doivent rester bien séparées et ce même dans l’ombre de la surpopulation. Prost a alors dédié un nouvel emplacement pour la population locale : la nouvelle ville indigène (nouvelle Médina) à l’ouest de l’ancienne, bien éloignée du quartier européen Liberté.

Depuis l’entrée en vigueur de ce projet d’aménagement, l’exécution fut lente, celle-ci était principalement retardée par la spéculation des terrains constructibles des investisseurs aux années 20, ce qui a entraîné une hausse considérable des prix et un désordre paysager. Il faudra attendre que la crise économique de 1929 et la deuxième guerre mondiale poussent les spéculateurs à revendre leurs terrains pour que la ville retrouve un bon rythme de construction et que le paysage casablancais commence à se dessiner. Celui-ci ne ressemblera qu’en partie à l’imaginaire de Prost ; les différents quartiers dont les divergences sont à la fois architecturales et ethniques finiront par se fusionner et les populations musulmanes seront de plus en plus présentes dans les zones européennes favorisant ainsi l’échange entre les deux groupes socioculturels. (Cohen 2004, André 1968)

L’é v ol uti o n de l a p op u l ati on c as ab la nca is e

Comme mentionné ci-dessus, la population casablancaise était composée de Juifs, Musulmans « nobles » et des Musulmans des Tnakers, vivant tous à l’intra-muros de l’enceinte de l’ancienne médina. Le changement a commencé par l’installation des Européens à l’extra-muros avec l’apport d’une activité industrielle qui finira par attirer un grand nombre de migrants marocains, causant ainsi une explosion démographique qui échappera aux tentatives de zoning du Maréchal. La relation entre les Marocains et les Européens n’a jamais été égalitaire. Ces derniers étaient à la fois les héros et les antagonistes de l’histoire ; certes, c’est grâce à eux que le marché d’emplois a connu une grande expansion, mais ils en ont toujours été les plus grands bénéficiaires.

En effet, beaucoup de Marocains travaillaient pour des Européens, il est donc naturel qu’ils cherchent à habiter plus proche de leurs lieux de travail en s’introduisant dans la zone européenne. En parallèle, certains Européens se dirigeront de plus en plus vers la périphérie afin de se procurer de plus grands terrains vu l’étroitesse des appartements du centre. Cependant, cette image de la population marocaine ne représente pas sa totalité ; l’après-guerre marque l’âge d’or de la classe aisée marocaine qui, elle aussi, cherche à bénéficier de la modernité des quartiers européens. Ainsi, juste après à l’indépendance en 1956, les quartiers qui étaient désignés « européens » accueilleront de plus en plus de Marocains dont la classe sociale et les motivations sont différentes.

La nouvelle ville européenne est alors devenue marocaine, elle ne cessera de grandir et son nombre d’habitants est passé de 20 000 au début du siècle, à presque 1 million après l’indépendance.

Les immeubles du centre-ville ont alors été récupérés par des Marocains, leur imposant donc un passage de la maison marocaine unifamiliale traditionnelle à l’appartement, un passage brusque et imposé par les circonstances. Un grand nombre de Marocains adoptent ainsi un nouveau mode de vie dicté par les décisions des autorités afin de limiter l’étalement horizontal de Casablanca. Par conséquent, ils finiront par s’adapter à leur manière, en modifiant leurs nouveaux habitats, mais aussi en modifiant leur façon d’habiter. (André 1968)

Figure 15 : Tableau représentant les investisseurs dans la construction à Casablanca entre 1955 et 1958. (André 1968, p. 54)

La vi lle -b l anc he ap r è s l’i ndé p e nd an ce

La nouvelle ville française devenue marocaine connaîtra plusieurs changements dont des nouvelles constructions, mais aussi plusieurs démolitions d’anciens repères comme le cinéma Vox en 1970 qui donnait sur la place des nations unies. Ce phénomène sera dénoncé par la population qui poussera les autorités à reprendre en main la situation après les émeutes de 1981. Plus tard, l’association Casamémoire verra le jour en 1995 grâce à plusieurs architectes qui souhaitent sauvegarder l’ensemble du centre-ville comme patrimoine national pour assurer sa protection. Ainsi, un plan de sauvegarde sera mis en place et lancera le processus de patrimonialisation du site.

Aujourd’hui, la ville de Casablanca est la capitale économique du Maroc, elle produit 50 % de la valeur ajoutée du Maroc et attire 48 % d’investisseurs. Elle doit alors représenter le pays à l’échelle internationale en tant qu’une métropole riche en passé et au futur prometteur. Ce passé, pas très lointain, est le point de transformation de la ville, il est alors l’histoire qu’elle se doit de raconter aux visiteurs, c’est son patrimoine.

Toujours dans la même optique, les autorités décident de faire de la ville une nouvelle destination touristique. Elles investissent alors dans le secteur en partenariat avec Casa patrimoine, société de développement local dotée de 40 millions de dirhams qui prendra la responsabilité de réhabiliter le centre en commençant par les grands repères urbains comme la coupole de Zevaco et récemment, l’hôtel Lincoln. (Mouaddine s.d.)

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